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Dès qu'elles s'expriment oralement dans une langue étrangère, beaucoup d’apprenants
sont en butte avec des problèmes de prononciation qui paraissent insolubles. Ces
obstacles phonétiques révèlent souvent l'appartenance à la communauté linguistique
d'origine. Ces difficultés de prononciation sont normales. Il est certainement rassurant
pour les professeurs comme pour les élèves d'apprendre, que les problèmes qu'ils
rencontrent pour réaliser convenablement les sonorités d'une langue étrangère (L2)
sont naturelles. Elles trouvent leurs origines dans un ensemble de phénomènes dont
certains vont être expliqués dans ce cours.
1.L’oreille :
Sur un plan théorique comme montré dans le schéma ci-dessous, l'oreille humaine
perçoit les sons sur une bande de fréquences s'étendant de 16 Hertz à 16 000 Hertz.
Certains considèrent que des personnes dotées d'une ouïe très fine peuvent atteindre 20
000 Hz (les musiciens par exemple).
Au delà de 16 000 Hz, l’oreille ne perçoit pas des sons appelés ultra sons que certains
animaux peuvent capter. A titre d’exemple, les chiens et les chats entendent jusqu’à
35000 Hz, les chauve-souris jusqu’à 120 000Hz !.. En deçà de 16 Hz, les infra sons ne
sont pas non plus perçus par l’oreille humaine mais peuvent être corporellement
ressentis, ce qui peut être précieux dans certaines rééducations orthophoniques
3.L'oreille interne est composée de l'appareil récepteur auditif : la cochlée qui a pour
rôle le traitement des signaux, et les canaux semi-circulaires qui sont responsables de
l'équilibre de l'être humain dans l'espace. Le canal cochléaire, rempli d'un liquide, est
muni de milliers de cellules ciliées qui vibrent selon les vibrations transmises par les
osselets de l'oreille moyenne. Ces cellules ciliées activent le nerf auditif, qui transmet
les informations sonores au cerveau, qui sont ensuite interprétées et comprises par
celui ci.
2 .Raisons « individuelles » d’une mauvaise prononciation
Une conséquence évidente est que plus on apprend une langue jeune plus on a de
chances d’en capter les spécificités sonores... D’où l’intérêt d’exposer des enfants à
une autre langue vivante très tôt.
Dans tous les cas se pose la question de la formation des professeurs des écoles (on
ne s’improvise pas enseignant de langue), la création de ressources pédagogiques
utilisables à l’oral et adaptées précisément aux différentes tranches d’âge, la question
essentielle du temps d’exposition en L2, etc.
b) La notion de fatigue auditive est également à considérer. Entre autres facteurs,
lorsque l’on se retrouve dans un milieu bruyant ou encore à certains moments de la
journée, la sensibilité de l’oreille est affectée et il y a un décrochage en ce qui
concerne la perception des fréquences hautes. Concrètement, des cours de langue
étrangère doivent être placés à des créneaux horaires idoines et se tenir dans des
salles réunissant de bonnes qualités acoustiques tant à l’intérieur que par atténuation
des bruits provenant de l’extérieur (rue bruyante par exemple).
3. Prononciation /Perception
Le principe en est simple en apparence. Tout individu est conditionné par les
spécificités sonores originales de sa langue maternelle. Elles déterminent la façon dont
il « entend » les sons d’une autre langue.
C’est Troubetzkoy, le père de la phonologie, qui illustre quelques années plus tard ce
concept de surdité phonologique en L2 par sa métaphore célèbre du crible
phonologique : « Le système phonologique d’une langue est semblable à un crible à
1
(Polivanov, 1931, pp. 79-80)
travers lequel passe tout ce qui est dit. Seules restent dans le crible les marques
phoniques pertinentes pour individualiser les phonèmes.
Tout le reste tombe dans un autre crible où restent les marques phoniques ayant une
valeur d’appel; plus bas se trouve encore un crible où sont triés les traits phoniques
caractérisant l'expression du sujet parlant…Mais s’il entend parler une autre langue, il
emploie involontairement pour l’analyse de ce qu'il entend le "crible phonologique"
de sa langue maternelle qui lui est familier. Et comme ce crible ne convient pas pour la
langue étrangère entendue, il se produit de nombreuses erreurs et incompréhensions.
Les sons de la langue étrangère reçoivent une interprétation phonologiquement
inexacte, puisqu'on les fait passer par le "crible phonologique" de sa propre langue.»2
2
Troubetzkoy, 1939, p.54.
"poison". Le problème soulevé ici est celui de la distribution des unités, c’est-à-dire de
l'ensemble des contextes et des positions où elle est susceptible d'apparaître.
La perception catégorielle
Le processus de perception catégorielle débute très tôt chez le bébé. Chaque enfant
catégorise ainsi progressivement des unités sonores produites par son entourage et
qu’il entend fréquemment ; il délimite graduellement des frontières entre elles ce qui
assure leur discrimination. Ces différentes unités sonores familières contribuent au
processus de communication et sont donc fonctionnellement pertinentes.
C’est ainsi qu’en français, les formes sonores suivantes prononcées isolément n’ont
aucune signification propre : /l/, /s/, /b/, /m/, /v/, /f/, etc. Mais, apparaissant dans un
même contexte linguistique (environnement identique des unités considérées) et
associées avec des unités linguistiques de rang supérieur communément appelés mots,
l’emploi de telle ou telle forme sonore permet de distinguer relu, reçu, rebut, remue,
revue, refus, etc.
Ces unités sonores pertinentes font partie du système de la langue. Ce sont des
phonèmes. Ils forment une catégorie fermée, c’est-à dire en nombre fini et limité dans
chaque langue (en moyenne autour de 30 phonèmes pour la plupart des langues). Ceci
s’explique par des questions d’économie, d’efficience et aussi en raison des contraintes
de notre appareil perceptif et articulatoire.
De façon générale, il est admis que tout individu acquiert la maîtrise du système
sonore de sa langue maternelle vers l’âge de 5 ans. Le « crible phonologique » est
installé mais il est relativement poreux pendant quelques années, jusqu’à la puberté.
Par contre, à partir de ce moment, le crible devient imperméable et l’adolescent
devient phonologiquement sourd aux sonorités d’une autre langue.
L’enfant est un remarquable imitateur prosodique, capable de très bien restituer les
rythmes et intonations d’une L2 entre 4 et 8 ans. Par contre, certains auteurs évoquent
un « âge critique » pendant lequel l’apprentissage d’une L2 est rendu très difficile. Les
chercheurs ne s’accordent pas sur cet âge critique, il n’est pas rare de trouver dans la
littérature que la période charnière se situe aux alentours de 7-8 ans et que dans tous
les cas les performances commencent à diminuer à partir de la 9ème année. Les raisons
avancées sont variées : perte d’une certaine plasticité cérébrale naturelle à l’approche
de la puberté, modification de certaines capacités d’apprentissage, apparition de
nouvelles stratégies d’apprentissage…