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AUTEUR = GUYGUY123

LINGUISTIQUE : CONCEPTS DE BASE


Pour des renseignements de base, mettez le curseur sur l'une des lignes suivantes et cliquez
avec la souris ou faites un retour de chariot. Notez que le texte peut aussi être lu de façon
suivie.
 Pourquoi étudier la langue?
 Les points de vue normatif et descriptif
 La méthodologie scientifique
 Sources des données linguistiques
 Performance et compétence
 Langue, parole et langage
 Idiolecte, dialecte, sociolecte
 Les universaux du langage
 Modalité: l'oral et l'écrit
 Axe paradigmatique et axe syntagmatique
 Forme et substance
 Signifiant, signifié et signe
 Arbitraire du signe
 Les fonctions linguistiques
 La commutation des codes
 Le langage humain et les autres langages
 Synchronie et diachronie
 Références
 À lire

Pourquoi étudier la langue?


Quand on y pense, on constate que le langage humain est un phénomène assez extraordinaire.
Par le simple fait de faire bouger les cordes vocales d'une certaine façon, nous pouvons
influencer une autre personne d'une manière prévisible.
Très souvent, les énoncés que nous entendons et que nous prononçons sont nouveaux pour
nous: c'est la première fois de notre vie que nous les utilisons. Par exemple, si vous considérez
l'ensemble des phrases que vous avez lues jusqu'ici dans ce manuel, il est très probable que
presque toutes sont nouvelles pour vous. Pour le dire autrement, les langues se caractérisent
par l'ouverture et par la créativité. Mais en même temps, en comparant les différentes langue
1
entre elles, nous constatons des traits communs essentiels partagés par toutes. Les paramètres
de l'ouverture semblent donc fixés de façon assez sévère.
Autre aspect surprenant: malgré le fait que nous connaissons tous des milliers de mots (et des
millions de phrases possibles), nous arrivons à trouver, très rapidement et sans même y faire
attention, les mots et les phrases nécessaires dans notre communication de tous les jours.
Ceux qui apprennent une langue étrangère peuvent mesurer l'écart entre les difficultés qu'ils
ont dans les premières années de l'apprentissage d'une autre langue et leur utilisation
quotidienne de leur langue maternelle.
Non seulement avons-nous la capacité de manipuler un nombre énorme de mots et de phrases,
mais nous pouvons aussi ajuster notre utilisation de la langue pour tenir compte du contexte.
Par exemple, il arrive parfois qu'on ne comprend pas un mot qu'on entend ou qu'on lit. Malgré
cela, le plus souvent on arrive à combler de telles lacunes au moyen du contexte. Ou encore,
dans une situation où il est difficile d'entendre l'autre personne (musique forte, machines
bruyantes) nous faisons les ajustements nécessaires pour que la communication fonctionne. Et
ce n'est pas tout: il n'existe pas deux personnes qui parlent de la même façon. C'est même
l'existence de ce genre de variation qui nous permet d'identifier notre interlocuteur au
téléphone, par exemple. Mais malgré ces divergences interindividuelles, nous comprenons la
plupart des phrases que nous entendons.
Malgré la richesse de nos capacités linguistiques, il n'existe jusqu'à présent aucune grammaire
complète d'aucune langue humaine. Nous savons comment parler, mais dans l'ensemble, nous
avons beaucoup de difficulté à expliciter ce que nous savons. C'est justement la tâche de la
linguistique: rendre explicite ce que nous savons sur la langue.
Début.

Les points de vue normatif et descriptif


La linguistique est l'étude scientifique du langage humain. Cette définition très générale appelle
un certain nombre d'explications et de distinctions.
Considérons les phrases suivantes:
1. J'ai mis la tasse sur la table.
2. Mes ami est là.
3. Elle a septante-trois ans.
4. On a pris une autobus. Ça a coûté quinze piasses.
5. Fais pas ça!
6. Où est la tasse que j'ai mis sur la table?
7. Bébé dodo.
8. Elle est assez cute.
9. C'est une professeure de linguistique à Montréal.
10. ARRIVE DEMAIN. AMITIES. PAUL.
11. Nymphes de gel
Beau danger superbe

2
Devant ce front lisse
Alain Grandbois: Le silence

12. l'école [kel l]


j'entends [t ]

je bouffe pas [ fubp ]


Selon un point de vue strictement normatif (c'est-à-dire du point de vue des dictionnaires et des
grammaires de ce qu'on appelle le français standard), toutes les phrases sauf la première
seraient fautives.
Exercice: Trouvez les 'erreurs'.
Par contre, à part la deuxième phrase, qu'en principe aucun francophone ne prononcerait en
connaissance de cause, toutes ces phrases se disent dans la francophonie, dans un contexte ou
dans un autre.
Il faut admettre dès le début que ce qu'on appelle le français `standard' ou le français
`normatif' ne représente qu'une très petite tranche du français. Tout un ensemble de
dimensions viennent compliquer ce tableau. Comme toute autre langue, le français varie selon
la région, l'âge, le sexe, le niveau d'instruction des locuteurs, le registre, le genre, la situation
et le médium (langue orale ou langue écrite), pour ne nommer que ces facteurs. En même
temps, une langue se renouvelle constamment, au moyen de créations internes et d'emprunts à
d'autres langues.
Exercice: Expliquez dans quel contexte on utiliserait chacun des exemples précédents.
La grammaire normative d'une langue fixe des principes pour la communication écrite
soignée, mais n'a pas beaucoup à dire sur les autres variétés. Et pourtant, toutes les sortes de
variation présentées ci-dessus existent, et ont existé depuis bien longtemps. Il faut donc en
tenir compte.
Pour le faire, la linguistique se sert de l'approche descriptive, qui consiste à relever et à décrire
les variations d'usage dans une communauté, sans porter de jugements a priori sur leur
acceptabilité. Notez bien cependant que cela n'implique pas l'absence de jugements de valeur
dans une communauté linguistique. Chaque registre, chaque région a ses normes, et tout écart
est vu comme 'bizarre' par les locuteurs: on dira que la personne qui a un parler trop soigné
qu'il (ou elle) "parle comme un livre", ou dans le cas de la prononciation, qu'il (ou elle) "a un
accent". La linguistique tiendra compte des jugements de la sorte, puisqu'ils indiquent les
limites de chaque variété linguistique. Mais aucun linguiste ne rejetera une variété
linguistique pour des questions de norme.
Expérience: Trouvez un cas de conflit entre variétés linguistiques que vous avez vécu.
Qu'est-ce qu'on a dit ou fait qui a mis en valeur le conflit? Quelle dimension linguistique
était en jeu dans le conflit?
Début.

La méthodologie scientifique
Le statut scientifique de la linguistique implique un certain nombre de contraintes sur la
méthode. En général, on procède par la proposition de modèles qu'on essaie de tester contre des
données pour les infirmer. à la lumière des faiblesses découvertes, on modifie le modèle pour
le tester encore, et ainsi de suite.
Pour être utilisable, un modèle doit être explicite et falsifiable. Prenez le modèle suivant:

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Le nom ou substantif est le mot qui sert à désigner, à "nommer" les êtres
animés et les choses; parmi ces dernières, on range, en grammaire, non
seulement les objets, mais encore les actions, les sentiments, les qualités, les
idées, les abstractions, les phénomènes, etc. (Grevisse, Le bon usage 8e
édition, p.166)
Une telle définition n'est ni explicite, ni falsifiable. Elle n'est pas explicite puisqu'elle se
termine par etc. qui laisse entendre qu'il existe d'autres sortes d'objets non spécifiés. Elle n'est
pas falsifiable non plus: puisqu'il n'existe pas de définition satisfaisante de ce que c'est qu'un
phénomène, on ne peut pas déterminer si quelque chose serait ou non un phénomène.
Les définitions de la sorte sont courantes en grammaire normative, où on peut faire appel à
l'intelligence des lecteurs pour combler les lacunes de la définition. Il suffit de suggérer la
réponse à une question, non pas de la rendre totalement explicite. L'avantage d'une définition
de la sorte est qu'elle est relativement utile pour donner l'idée générale à transmettre.
L'inconvénient, c'est qu'elle n'est pas vérifiable: on ne peut jamais prouver que Grevisse a tort.
Une définition linguistique, par contre, doit obligatoirement se prêter à la falsification.
Prenons un exemple. Sur la base de mots comme acheteur, vendeur, lanceur, on pourrait
formuler le modèle suivant:
Tous les noms français qui se terminent en -eur sont masculins.
Cette définition est falsifiable: il est facile de trouver des exceptions, comme longueur, pâleur
ou rougeur, qui sont féminins. Des exemples de la sorte, qui viennent contredire un modèle,
s'appellent des contre-exemples. À la lumière de ces contre-exemples, on pourrait reformuler le
modèle ainsi:
Les mots français à base verbale + -eur comme achet + eur, vend + eur sont
masculins, mais les mots français à base adjectivale + -eur comme longu +
eur, pâl + eur sont féminins.
Ce modèle est supérieur au précédent, mais il reste encore des problèmes. Que fait-on dans le
cas de formes comme peur et honneur qui ne se divisent pas en base plus -eur? En fait, il faut
réviser le modèle encore une fois:
Les mots français à base verbale + -eur sont masculins, et les mots français à
base adjectivale + - eur sont féminins. Par contre, le genre des mots français
qui se terminent en -eur mais qui n'ont qu'un seul morphème dépend du mot
individuel.
Début.

Sources des données linguistiques


Les données linguistiques proviennent d'une variété de sources, principalement l' observation,
l'intuition linguistique, l'élicitation et les corpus.
L'observation
Tout autour de nous, on se sert de la langue. Le plus souvent, ce qui nous intéresse, c'est le
contenu de ce qu'on dit ou écrit. La forme particulière nous intéresse moins.
Expérience: Pour vous convaincre du statut secondaire de la forme dans la
communication quotidienne, écoutez quelqu'un qui parle, en personne, à la radio, ou à la
télévision. Au bout de trente secondes, essayez de répéter ses paroles exactes. Ensuite,
essayez de résumer la signification de ce que vous venez d'entendre. Laquelle des deux
activités est plus facile?

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Par contre, ce qui nous intéresse en tant que linguistes est justement comment on parle et
écrit. Il est important de prendre l'habitude de noter ce qu'on entend et ce qu'on lit. Par
exemple, la prochaine fois que vous assistez à un cours en français, notez le langage utilisé
par le professeur. Est-ce qu'il ou elle utilise des phrases complexes, ou bien des phrases
simples? Est-ce qu'il ou elle répète souvent ce qui vient d'être dit? Quel est son registre? Par
exemple, dans ses phrases négatives, trouve- t-on ne ... pas ou simplement pas? Quelles sortes
d'interjections entend-on au cours des explications: hein, ok, d'accord?
Tout linguiste devrait garder une liste des exemples de la sorte: elle fournira de précieux
exemples pour l'avenir.
L'intuition linguistique
En tant que locuteur ou locutrice d'une langue, on est en principe capable de porter des
jugements là-dessus. Par exemple, nous verrons plus tard qu'il existe deux sortes de /a/ en
français. Certaines personnes prononcent les deux, d'autres une seule. Par exemple, prononcez
vous-même les mots suivants:
1. patte malle Anne
2. pâte mâle âne
Avez-vous la même prononciation dans les deux cas? Vous venez d'utiliser votre intuition
linguistique. Notez bien, cependant, qu'il faut toujours confirmer l'intuition linguistique par
l'appel à d'autres locuteurs.
L'élicitation
Il existe un certain nombre de stratégies qu'on utilise pour connaître les réactions des
locuteurs. La plus simple consiste à poser une question sur les jugements. Par exemple, étant
donné la liste précédente, vous pourriez demander à un locuteur de la prononcer et d'indiquer
toute différence de prononciation. Parfois, une telle approche suffit, surtout si on teste
plusieurs locuteurs.
Par contre, il surgit un problème fondamental. La plupart des locuteurs ont passé par le
système scolaire qui a laissé des traces dans leur jugement linguistique. Pensez aux exemples
de phrases avec ou sans ne ... pas. Si vous demandez à certains locuteurs ce qu'ils pensent
d'une phrase comme Je l'ai pas vu, leur réponse sera que c'est une phrase inacceptable, malgré
le fait qu'ils l'utilisent souvent. Il faut donc se méfier de l'influence de la grammaire normative
sur les perceptions.
Les corpus
Depuis quelques années, on assiste à une croissance importante dans l'utilisation des corpus
pour l'analyse linguistique. Un corpus est un ensemble de productions linguistiques (langue
écrite ou langue parlée) qui partagent les mêmes conditions de production, et qui seraient
donc comparables entre elles. Voici quelques exemples de corpus:
 les romans de Stendhal
 les numéros de la revue l'Actualité parus pendant six mois
 tout ce que dit une personne pendant une année
 l'enregistrement des conversations durant un repas
 toutes les dissertations remises dans un cours
Notez que tous ces corpus représentent une sélection dans un ensemble plus vaste. Ainsi, les
romans de Stendhal sont un sous-ensemble des romans français publiés au XIXe siècle, qui
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eux-mêmes seraient un sous-ensemble de tout ce qu'on a écrit en français, ce qui serait un
sous-ensemble de tout ce qu'on a jamais dit ou écrit en français. Ce dernier serait ouvert,
puisqu'on continue à parler et à écrire. Cet ensemble le plus vaste s'appelle une population,
dont chacun des corpus serait un échantillon. Chaque échantillon nous donne une espèce de
fenêtre sur le tout, mais non pas une image complète. Plus l'échantillon ressemble à la
population, plus il est représentatif.
Exercice: Analysez l'emploi de la forme politique dans l'extrait de corpus oral suivant,
tiré des Échantillons de textes libres publiés par l'université de Sherbrooke. (Vol. 3, p.103)
Pis au point de vue de la politique disons... je pourrais pas dire tellement au
point de vue politique, parce que je m'intéresse pas tellement à la politique.
Disons je regarde en gros dans... dans les journaux qu'est- ce qui se passe.
Politique extérieure. Mais au point de vue politique du Québec puis eh... Moi,
un paquet de gens qui s'engueulent là, ça m'énerve pis je me mêle pas de ça.
Le plus souvent en linguistique, on essaie de combiner les différentes sources de données afin
d'avoir la base la plus solide pour proposer un modèle. En même temps, il faut reconnaître que
l'étude de la langue suppose une conception relativement détaillée de celle-ci. Pour l'obtenir, il
faut commencer par une série de distinctions préliminaires, afin de cerner l'essentiel du sujet.
Nous en verrons quelques-unes dans ce qui suit.
Début.

Performance et compétence
Ce sont des individus qui se servent de la langue, à un moment précis dans le temps, dans un
lieu particulier et dans une situation bien définie. Chaque utilisation individuelle d'une langue
est un exemple de performance. Le plus souvent, on utilise ce terme pour désigner la
production linguistique, mais en fait il s'applique tout aussi bien à la réception.
Puisque la performance se fait au niveau individuel, elle est sujette à des contraintes hic et
nunc qui l'influencent. Ces contraintes peuvent être d'ordre psychologique (facteurs de
mémoire ou d'attention), physique (questions de voix, de niveau sonore, de rapidité du
discours) ou physiologique (questions de muscles, de perception). Dans la vaste majorité des
cas, tout fonctionne bien: c'est même cela qui est surprenant dans la langue, sa résistance aux
effets extérieurs (voir le concept de redondance plus loin).
Par contre, il arrive que l'un ou l'autre des facteurs empêche le bon fonctionnement de la
langue. Il se produit alors ce qu'on appelle une erreur de performance. En voici quelques
exemples:
1. *C'est petit -- je veux dire grand.
2. *C'est celui-là qui me l'a donné -- j'ai oublié son nom.
3. *Il les voient.
4. *C'est toit qui a fait ça.
5. *[ pR de Riks]
Notez la convention linguistique qui consiste à mettre un astérisque devant un mot ou une
phrase considéré comme fautif.
Les erreurs de performance peuvent nous renseigner sur la structure de la langue: en fait, on
ne se trompe pas de façon aléatoire. Le plus souvent, il y a un système derrière de telles
erreurs.

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Très souvent, quand on se trompe, on est capable par la suite de reconnaître l'erreur. C'est que
nous avons dans nos têtes une compétence individuelle. Il s'agit de connaissances pour la plupart
implicites. Si on demande à un locuteur natif (c'est-à-dire, quelqu'un qui a appris une langue
comme sa langue maternelle) d'expliquer pourquoi il ou elle parle de telle ou telle façon, on
entend le plus souvent des réactions comme: "Mais ça sonne mieux comme ça". Il ne faut pas
l'oublier: l'accès aux règles de grammaire est le plus souvent secondaire: la plupart des
locuteurs francophones auraient de la difficulté à expliquer ce que c'est qu'une préposition,
mais tous utilisent des prépositions à tous les jours.
Malgré la diversité individuelle, il reste beaucoup d'éléments communs entre les locuteurs
d'une langue. À cause de cela, les linguistes peuvent dans certains cas faire abstraction des
variations individuelles pour étudier ce qu'on appelle la compétence idéale ou tout simplement la
compétence. Il s'agit d'une abstraction: c'est un ensemble des règles implicites qu'on suppose
présentes dans la tête d'un locuteur idéalisé, sans limites de mémoire, sans erreurs de
performance. Ce concept nous permet d'étudier la langue à l'extérieur de la tête, en quelque
sorte, mais il ne faut jamais oublier que c'est bien une construction théorique. Il ne faut jamais
la prendre pour la réalité.
Malgré cela, ce concept nous permet de préciser ce que nous savons sur la langue. Voyons un
exemple. Quelle serait la phrase la plus longue qu'on pourrait faire en français? Supposons un
locuteur qui se met à parler, et qui s'exclame en répétant: Je suis fâché, fâché, fâché.... On
tomberait bientôt sur une limite supérieure de performance: il faudrait respirer, manger, etc. et
à la fin de la vie, on arrête de parler. Mais on ne peut pas nommer une limite maximale
théorique. Un locuteur idéal pourrait faire une phrase de la sorte pendant des siècles, et elle
serait tout aussi grammaticale qu'une phrase de 5 mots (même si ça commencerait à manquer
d'intérêt au bout de quelques minutes). En d'autres termes, le concept de compétence idéale
nous a permis de saisir le fait que la phrase n'a pas de limite supérieure théorique.
Début.

Langue, parole et langage


Dans la tradition linguistique française, il existe une autre opposition terminologique, entre
langue et parole. La langue désigne deux choses différentes:
1. un système linguistique partagé par un groupe social, comme la langue française, la
langue anglaise, etc.,
2. le concept même de système linguistique partagé. Ainsi, le français et l'anglais sont
des langues, mais ils ont en commun un certain nombre de caractéristiques (que nous
verrons ci-dessous dans la section sur les universaux du langage) qui nous permettent
de faire abstraction des différences entre les deux pour parler de la langue dans les deux
cas.
La parole désigne aussi deux choses distinctes:
1. l'activité qui consiste à se servir d'une langue dans une situation particulière. On parle
ainsi d'un acte de parole. Notez bien que ce terme désigne l'activité qui consiste à parler
mais aussi l'activité qui consiste à écrire. Quand j'écris ce manuel, je fais un acte de
parole. Quand je dis à mon voisin: ``Il fait beau, hein?'' je fais un autre acte de parole.
2. Le terme parole désigne aussi le produit d'un acte de parole. On utilise aussi le terme
de discours dans ce sens. Le discours écrit ou oral d'un individu peut être étudié,
comme nous verrons par la suite.
Le terme langage s'emploie, lui aussi, dans deux contextes différents. Cela signifie ou bien:

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1. la capacité d'apprendre une langue humaine. Cela s'appelle la faculté du langage. Ainsi,
un enfant exposé à une communauté linguistique apprendra la langue parlée dans la
communauté. Cela est d'autant plus surprenant quand on considère que les données
auxquelles l'enfant est exposé sont souvent limitées et défectueuses.
Expérience: Mettez-vous à la place d'un enfant. écoutez ce qu'on dit autour de
vous, et comptez le nombre de phrases complètes, sans hésitations ni erreurs de
performance.
2. Le terme langage désigne aussi l'ensemble des phénomènes linguistiques. Par exemple,
nous verrons plus bas qu'on parle des universaux du langage pour nommer tout ce qui
reste constant dans le langage.
Début.

Idiolecte, dialecte, sociolecte


Nous avons vu qu'une langue est un phénomène social. En même temps, ce sont les individus
qui l'utilisent. Il existe en fait des degrés entre ce qui relève du social et ce qui relève de
l'individu. Le système linguistique d'un individu s'appelle son idiolecte. C'est le fait que chacun
a un idiolecte qui nous permet d'identifier notre interlocuteur au téléphone, par exemple.
Expérience: Quelles seraient les caractéristiques de votre idiolecte?
Au niveau régional, on retrouve des dialectes. Un dialecte est une variété linguistique utilisée
dans une région particulière. Prenez les exemples suivants:
1. On a pris le traversier pour aller à Levis.
2. On a visité les chutes ce matin.
Le mot traversier s'utilise au Canada, mais non pas en France, par exemple, où on dirait bac
ou bien ferryboat. Et le mot chutes signifie autre chose pour les gens du sud de l'Ontario (les
chutes de Niagara) que pour les habitants de Québec (les chutes Montmorency). Voir les
articles dans Sanders (1993) pour un survol des recherches sur l'état actuel du français dans le
monde.
Expérience: Trouvez un exemple de dialecte dans votre langue maternelle.
Le sociolecte désigne une variété linguistique qui dépend du contexte social (l'âge, le sexe, le
niveau d'instruction, entre autres choses). Ainsi, on constate que les jeunes ne parlent pas
comme leurs grands-parents, et qu'il existe, par exemple des variétés linguistiques qu'on
n'entend pas parmi les gens instruits.
Expérience: Est-ce vrai que les hommes et les femmes parlent de la même façon dans le
contexte nord-américain?
En fait, les différences de dialecte et de sociolecte ne sont pas tout à fait étanches. On entend
souvent des locuteurs qui imitent d'autres dialectes ou sociolectes. En outre, il existe une autre
dimension même plus difficile à préciser: il s'agit des différences de registre. Dans un contexte
formel, on ne parlera pas de la même façon que dans un contexte familier. Voyons un
exemple. En français canadien, il y a plusieurs façons de poser une question:
1. Puis-je prendre votre stylo?
2. Je peux prendre ton stylo?
3. Je peux-tu prendre ton stylo?

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La première phrase se dirait entre individus qui ne se connaissent pas. La deuxième se dirait
dans n'importe quel contexte où deux personnes se connaissaient. La troisième se dirait dans
un contexte familier, entre amis, au Canada.
Début.

Les universaux du langage


Malgré la diversité linguistique, il reste que toutes les langues humaines ont beaucoup de
points en commun. Sur la base de cette constatation, les linguistes ont posé la question
suivante: quelles seraient les caractéristiques nécessaires d'une langue humaine? À un niveau
moins exigeant, quelles seraient les caractéristiques les plus usuelles? Voyons quelques cas:
1. On a constaté que toute langue possède au moins deux voyelles, définies par des
positions extrêmes dans la bouche. Pour l'une, la langue est plus élevée, pour l'autre
plus basse dans la bouche. Une langue peut avoir d'autres voyelles, mais toutes
semblent avoir au moins celles-là.
2. On a constaté que certaines langues (comme le français) ont des voyelles nasales
(comme le [ ] de chant), en même temps que les voyelles orales, mais qu'il n'existe
aucune langue qui aurait des voyelles nasales sans avoir des voyelles orales.
3. En morphologie, on a constaté que les deux sortes de terminaisons, les flexions comme
le - s du pluriel en français, et les suffixes comme le -eur qui indique celui qui fait une
action, ont tendance à s'ajouter aux mots dans un ordre particulier: d'abord le suffixe,
ensuite l'élément de flexion. C'est ainsi qu'on trouve: vend+eur+s mais non pas
vend+s+eur. (Voir Bybee 1985 pour une longue étude de la sorte.)
Il reste beaucoup à faire, mais l'étude détaillée des langues individuelles ainsi que la
comparaison des langues nous permet de préciser l'essentiel de la langue en général.
Début.

Modalité: l'oral et l'écrit


Pour transmettre un message linguistique, nous disposons de deux sortes de signaux: la langue
parlée et la langue écrite. Ce sont deux modalités différentes. En linguistique, nous donnons la
priorité à l'oral. Pourquoi? Parce que c'est ce qu'on fait le plus: on parle beaucoup plus qu'on
n'écrit. Parce que c'est l'oral qu'on apprend d'abord. Et parce qu'il existe des sociétés qui
possèdent une langue parlée sans langue écrite, mais non pas le contraire.
Ce n'est pas qu'on néglige l'écrit, tout simplement on reconnaît que c'est l'oral qui prime. En
même temps, on reconnaît qu'il existe des différences importantes entre l'oral et l'écrit. Par
exemple, on dispose à l'oral de toute une gamme de ressources phonétiques pour modifier les
messages (changements d'accent, d'intonation, de vitesse, de force) difficiles à traduire à
l'écrit. Par contre, l'écrit a l'avantage de la permanence et de la modifiabilité. On peut relire un
texte écrit, mais il est difficile de réécouter une conversation.
Dans le passé, on étudiait surtout les grandes langues des civilisations passées (latin, grec,
sanskrit, hébreu): c'est-à-dire, des langues écrites: L'attention était concentrée sur des textes.
Ce type d'étude linguistique s'appelle la philologie.
Début.

Axe paradigmatique et axe syntagmatique

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La langue est un phénomène qui se déroule dans le temps. Quand on parle, on prononce un
mot, suivi d'un autre, et d'un autre, et ainsi de suite. La série des mots qu'on prononce définit
un axe ou ligne qu'on appelle l'axe syntagmatique. L'existence de cet axe a une influence
fondamentale sur le fonctionnement de la langue. Si on veut relier deux éléments dans l'axe
syntagmatique, il faut le faire en fonction de la linéarité, soit en les rapprochant dans la chaîne,
soit en les reliant par un autre mécanisme, comme l'accord. En même temps, le choix des
éléments dans l'axe syntagmatique se fait en général élément par élément. Prenez les phrases
suivantes:
1. Cette salle de classe a une porte et cinq fenêtres.
2. La salle de classe a une porte et cinq fenêtres.
3. Cette chambre a une porte et cinq fenêtres.
4. Cette salle de classe possède une porte et cinq fenêtres.
Notez les colonnes. On a remplacé un seul élément de la première phrase par un élément dans
une autre phrase. L'axe des substitutions s'appelle l'axe paradigmatique. Cet axe fonctionne au
niveau des sons, au niveau des mots, et même au niveau des phrases.
Expérience: Pensez à des phrases qui pourraient se remplacer.
La substitution peut laisser le sens global plus ou moins inchangé, ou elle peut obéir
seulement à des contraintes grammaticales (où on remplace un nom par un autre nom, par
exemple, et non pas par un verbe).
En général, la substitution se fait un élément à la fois. Mais il arrive que le choix d'un élément
détermine le choix d'autres. Prenez les exemples précédents. Une fois qu'on choisit un nom
féminin comme salle de classe ou chambre, on est obligé de choisir un article féminin comme
la ou cette plutôt qu'un article masculin. Ou encore, le choix d'un sujet singulier demande le
choix d'un verbe singulier. Les contraintes de la sorte s'appellent des dépendances
syntagmatiques.
Début.

Forme et substance
Le linguiste suisse Ferdinand de Saussure (Saussure 1972) a dit que la langue est une forme et
non pas une substance. Par cela, il voulait dire que malgré les variations individuelles, il
existe une base commune qui nous permet de communiquer, au niveau des formes, et au
niveau des sens.
Prenez l'exemple des graphies (les formes d'écriture). Il existe plusieurs façons de former la
plupart des lettres, mais nous arrivons le plus souvent à les distinguer. C'est que derrière la
substance de chaque graphie individuelle, il existe une base commune.
Expérience: Étudiez les variantes d'une lettre dans une série de textes manuscrits.
On trouve la même chose au niveau du sens. Une phrase comme Je l'ai vu hier peut
s'employer dans une infinité de contextes différents. Malgré cela, son sens essentiel reste le
même. En d'autres mots, la substance change, mais la forme reste la même.
Début.

Signifiant, signifié et signe


Le plus souvent en linguistique, ce n'est pas ce qui est individuel qui nous intéresse, mais
plutôt ce qui est commun. Le fait que tel ou tel individu a telle ou telle prononciation nous
intéresse moins que le fait qu'il existe une façon de prononcer qui caractérise un groupe.
Par exemple, il existe un grand nombre de prononciations individuelles pour le mot chat, mais
toutes ces prononciations ont un noyau commun. Ce noyau s'appelle le signifiant. Notez que le

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signifiant n'existe pas comme entité physique. On ne peut pas entendre un signifiant: on
entend des sons. Mais le signifiant montre sa présence par le fait que nous sommes capables
de reconnaître qu'une série de prononciations sont en fait des exemples du même mot.
Il en va de même pour le sens. Comme nous l'avons vu dans le cas de Je l'ai vu hier, une suite
de mots peut avoir une variété d'interprétations selon la situation et le contexte. Malgré cela,
chaque mot possède un sens général constant d'une situation à l'autre. C'est cette base abstraite
qui nous intéresse: nous l'appelons le signifié. Par exemple, la suite je peut s'employer par
beaucoup d'individus différents. Malgré cela, son signifié reste identique: `la personne qui
parle'. Comme le signifiant, le signifié est une entité abstraite dont on peut déceler l'existence
par l'observation des exemples de communication.
Notez bien cependant qu'on ne peut pas observer un signifiant ou un signifié sans sa contre-
partie. On peut parler du signifiant chat seulement dans le contexte d'un mot, où il y aurait en
même temps un signifié. Par exemple, la suite de lettres c h a t ne serait pas un signifiant dans
le mot achat. De la même façon, nous avons dans nos têtes beaucoup de sentiments,
d'impressions, d'idées, mais ces choses ne deviennent des signifiés linguistiques qu'au
moment où nous les exprimons au moyen d'un signifiant.
Donc, les signifiants et les signifiés ensemble font partie d'une unité plus complexe, qu'on
appelle le signe linguistique.
Début.

Arbitraire du signe
La relation entre signifiant et signifié dans le signe est assez spéciale. Suivant Saussure, on dit
que le lien entre les deux est arbitraire. Ce terme peut avoir deux sens:
1. Au niveau le plus simple, cela signifie que les combinaisons de signifiants et de
signifiés varient d'une langue à l'autre, ce qui est assez évident. Ainsi, on dit chat en
français et cat en anglais.
2. Mais le concept d'arbitraire prend son importance seulement au moment où on
reconnaît que même pour parler d'un signifiant ou d'un signifié, il faut prendre en
considération le système linguistique qui sous-tend le signe.
Examinons les exemples suivants:
1. porte portière / door
2. volant roue / wheel
3. mouton / sheep mutton
4. feu lumière / light
5. Le médecin est entré dans la pièce. / The doctor walked into the room.
6. L'architecte a perdu ses clés. / The architect lost (his/her) keys.
On voit qu'entre le français et l'anglais, il n'existe pas de correspondance simple entre
signifiants et signifiés. On n'a même pas les mêmes signifiants et signifiés dans les deux
langues. Là où le français a deux signifiants porte et portière, l'anglais n'a qu'un seul. Là où le
français ne fait pas de distinction de genre, l'anglais doit en faire une (his/her).
Exercice: Trouvez d'autres exemples de différences entre le français et l'anglais. En
particulier, trouvez des lacunes lexicales où il existe un mot dans l'une des langues mais non
pas dans l'autre.

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Donc, pour étudier les signes d'une langue, il faut tenir compte de tout le système. Chaque
langue représente un découpage arbitraire dans les signifiants et signifiés possibles.
C'est l'arbitraire du signe qui permet à une langue de changer radicalement dans tous ses
aspects: prononciation, morphologie, syntaxe, sémantique.
Il est facile de sous-estimer l'importance de ce concept. Dans tout le reste du cours, il faut le
garder à l'esprit: c'est le système qui nous intéresse, non pas les unités isolées.
Début.

Les fonctions linguistiques


Prenons la situation où deux personnes se parlent. Le linguiste Roman Jakobson (1960) a
proposé un modèle pour décrire les facteurs qui entrent en ligne de compte.
Il a appelé la personne qui parle le destinateur et la personne qui écoute le destinataire. Bien sûr,
la même personne sera tantôt destinateur tantôt destinataire. En même temps, pour garder la
communication, il faut garder le contact entre les deux personnes. Il faut aussi partager le
même code (on sait ce qui se passe si on ne partage pas la même langue). En outre, on ne parle
pas dans le vide, mais dans une situation particulière, dans un endroit et à un moment donné:
tout cela s'appelle le contexte. Finalement, il y a ce qui se transmet entre les deux, ce qu'on
appelle le message.
Jakobson a identifié une fonction linguistique qui correspond à chacun des facteurs.
La fonction centrée sur le destinateur, ce que le destinateur se montre sur lui-même, s'appelle
la fonction émotive. Par exemple, il existe un ensemble de mécanismes linguistiques
disponibles pour montrer les émotions du destinateur: pour montrer qu'on est fâché, on hausse
la voix, on insiste sur ses mots, etc.
Expérience: Testez vos amis. Essayez de simuler les marques d'une émotion ou une autre,
et voyez s'ils réagissent de la façon appropriée.
La fonction centrée sur le destinataire s'appelle la fonction conative. Par exemple, pour faire
agir quelqu'un, on a à sa disposition une série de ressources, allant d'une phrase impérative:
Ferme la porte à une demande plus polie Pourrais-tu fermer la porte à une simple suggestion
Il y a un courant d'air qui passe par la porte.
Exercice: Exprimez le même contenu de 3 manières différentes. Une autre personne doit
décider à quel type d'interlocuteur vous vous adressez (comme on le fait souvent quand
quelqu'un parle au téléphone).
D'autres aspects de la fonction conative concernent des changements d'accent ou de langue;
l'ajout ou l'élimination de traits élégants ou populaires; le choix d'un vocabulaire de niveau
intellectuel ou vulgaire.
La fonction linguistique basée sur le contact s'appelle la fonction phatique. Beaucoup
d'interjections (oui, oui) et de gestes (regards, hochements de tête) contribuent à maintenir le
contact.
Expérience: Testez l'importance de la fonction phatique de la façon suivante. Dans une
conversation en personne ou bien au téléphone, évitez toute marque phatique normale.
Ne dites rien, ne changez pas d'expression. Comptez le nombre de secondes qui s'écoulent
avant que votre interlocuteur vous demande ce qui ne va pas.
La fonction linguistique centrée sur le code s'appelle la fonction métalinguistique. Nous nous en
servons chaque fois que nous expliquons le sens d'un mot inconnu, ou que nous faisons une
traduction dans une autre langue.
La fonction basée sur le contexte s'appelle la fonction référentielle. Chaque fois que nous
transmettons de l'information sur le monde à une autre personne, c'est la fonction référentielle
qui est en jeu.
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Finalement, la fonction axée sur le message lui-même s'appelle la fonction poétique. Chaque
fois que la forme des mots influence le choix des mots utilisés, nous avons un exemple de la
fonction poétique. Prenez l'annonce publicitaire: Tide est là. La saleté s'en va. Remplaçons
s'en va par part. Le message reste le même, mais le texte a changé: on a perdu la rime, et
l'effet est moins frappant.
Expérience: Prenez une chanson et remplacez la moitié des mots par un synonyme.
Qu'est-ce qui change?
On a donc tort de limiter la fonction poétique à la poésie. En fait, elle est fréquente dans la
langue de tous les jours. En même temps, il faut reconnaître que les différentes fonctions
peuvent coexister dans le même énoncé. Finalement, il faut admettre que le modèle de
Jakobson est incomplet: il existe plusieurs fonctions qu'il n'a pas prévues.
Expérience: Pensez à d'autres fonctions que Jakobson n'a pas prévues dans son modèle.
Début.

La commutation des codes


Ce terme s'applique à des séries de changements associés (ou systématisés) qui ont lieu quand
une personne donnée change d'interlocuteur et/ou de situation. On se trouve gêné quand on
utilise un code approprié pour un type d'interlocuteur (par exemple, ses parents), et qu'un
autre type d'interlocuteur entre en scène (par exemple, des amis de votre génération).
Exercice: Notez des situations dans lesquelles vous vous sentez gêné à cause d'un
problème de la sorte. Quelles sont les caractéristiques variables que vous auriez voulu
changer pour le deuxième interlocuteur?
Début.

Le langage humain et les autres langages


On entend souvent des expressions dans lesquelles figure le terme langage: on parle du
langage des fleurs, du langage des gestes, du langage des abeilles. Il est facile de
comprendre pourquoi on utilise des expressions de la sorte. Dans tous les cas, il y a un signal
et un message. Si j'offre des fleurs, c'est le signal d'une émotion. Si un chien montre ses dents,
c'est le signal de quelque chose. Le choix des vêtements peut fonctionner comme signal.
Mais en même temps, qu'est-ce qui distingue le langage humain au sens strict de ces autres
langages? Voici trois différences:
1. Le langage humain permet de parler de choses dans le passé, dans l'avenir,
hypothétiques, ou même impossibles. On parle de sa capacité de déplacement.
Exercice: Trouvez trois exemples concrets de déplacement.
2. Le langage humain peut servir à définir son propre système. Ainsi, si je ne comprends
pas un mot, je peux demander son sens à mon interlocuteur, ou je peux chercher dans
un dictionnaire. Ce qui est même plus frappant, c'est qu'on peut traduire n'importe quel
autre système de signes dans le langage. À la place des fleurs, je peux dire: Je t'aime.
À la place d'une affiche, je peux dire: Il est défendu de fumer ici. Cette capacité
métalinguistique dépasse de loin ce qu'on trouve dans les autres langages.

Expérience: Essayez de traduire une phrase dans un autre langage que le langage
humain.

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3. La troisième caractéristique particulière du langage humain, formulée d'abord par le
linguiste André Martinet, s'appelle la double articulation. Pensez au nombre total de
phrases possibles en français. En fait, il y en a une infinité. Par contre, on peut former
cette infinité de phrases au moyen d'un nombre élevé mais fini de mots (disons
quelques centaines de milliers, au maximum). Et on peut former ces milliers de mots
au moyen d'un petit nombre de sons (une trentaine en français) ou de lettres (26 lettres
plus quelques diacritiques).
La division d'une infinité de phrases en un nombre fini de mots, s'appelle la première
articulation, tandis que la division des mots en un petit nombre de sons ou lettres s'appelle la
deuxième articulation. Aucun autre système ne possède une telle double articulation: c'est cela,
semble-t-il, qui explique la puissance de la langue comme mécanisme de communication.
Début.

Synchronie et diachronie
L'étude de la langue peut se faire selon deux perspectives temporelles. D'un côté, on peut
analyser un état de langue, c'est-à-dire la façon de parler d'une communauté linguistique à un
moment donné. Ainsi, le français parlé dans les années 90 serait un état de langue.
Évidemment, les dimensions d'un état de langue sont variables. Le système grammatical d'une
langue change assez lentement; par conséquent, dans une étude grammaticale, un état de
langue peut représenter quelques décennies. Par contre, le lexique change plus rapidement; un
état de langue lexical peut se limiter à quelques années seulement. L'étude d'un état de langue
s'appelle la linguistique synchronique.
Dans une autre perspective, on peut étudier l'évolution d'une langue à travers le temps, les
gains et les pertes, ainsi que le passage d'une langue à une autre. Cela s'appelle la linguistique
diachronique.
Début.

Références
Brunet, F. (1966-) Histoire de la langue française des origines à nos jours. Paris: A. Colin.
Bybee, Joan. (1985) Morphology: a study of the relation between meaning and form.
Amsterdam: Benjamins. (RES)
Jakobson, R. (1960) Linguistics and Poetics, in Style in Language, T.A. Sebeok (réd.),
Cambridge: MIT.
Lehmann, W.P. (1992) Historical linguistics: an introduction. New York: Routledge. (3ième
édition)
Price, Glanville. (1979) The French language: present and past. London: Arnold.
Sanders, C. (1993) French Today: Language in its Social Context. Cambridge: Cambridge
University Press.
Wartburg, W. von (1971) Évolution et structure de la langue française. Berne: Franke.

À lire
Sélection de manuels de base:
Akmajian, Adrian et al. (1990) Linguistics, an introduction to language and communication.
Cambridge, Mass.: MIT Press. 3rd ed. (RES)
Fromkin, Victoria; Rodman, Robert. (1993) An Introduction to Language. Fort Worth, Texas:
Harcourt Brace College Publishers. (RES)

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Germain, Claude; LeBlanc, Raymond. (1981) Introduction à la linguistique générale:
données de base, exercices et corrigé. Montréal: Presses de l'Université de Montréal. (RES)
O'Grady, William; Dobrovolsky, Michael D. (1987) Contemporary linguistic analysis: an
introduction. Toronto: Copp Clark Pitman. (RES)
Saussure, Ferdinand de. (1972) Cours de linguistique generale. Paris: Payot. (RES)
Sélection d'encyclopédies:
Ducrot, Oswald (1979) Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. Paris: éditions
du Seuil. (REF)
International Encyclopedia of Linguistics. New York: Oxford University Press, 1992. (REF)
The Linguistics Encyclopedia. London; New York: Routledge, 1991. (REF)
Revues
Comme dans les autres sciences, la plupart des travaux récents en linguistique apparaissent
d'abord dans des revues savantes. Il est donc souhaitable de parcourir ces revues de façon
régulière. La liste suivante présente les revues importantes disponibles à Queen's, dont
certaines portent surtout sur le français, tandis que d'autres se consacrent à la linguistique
générale.
 La banque des mots
 Cahiers de lexicologie
 Le français dans le monde
 Le français moderne
 Journal of Linguistics
 Language
 Langue française
 Langues et linguistique
 Lingua
 Linguistic Analysis
 Linguistic Inquiry
 Linguistics
 La linguistique
 Présence francophone
 Revue de l'association québécoise de linguistique
 Revue canadienne de linguistique/Canadian Journal of Linguistics
 Revue québécoise de linguistique
 Syntax and Semantics
 Travaux de linguistique et de littérature de Strasbourg

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Actes de colloques
On trouve des travaux de linguistique également dans des actes de colloques. On consultera,
entre autres, les actes des colloques internationaux de linguistique et les actes de colloques de
linguistique romane.
Début.

Dernière modification: 27 décembre 1996. Veuillez signaler des problèmes d'ordre technique à Greg Lessard
<lessard@francais.queensu.ca>

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