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Devant ce front lisse
Alain Grandbois: Le silence
La méthodologie scientifique
Le statut scientifique de la linguistique implique un certain nombre de contraintes sur la
méthode. En général, on procède par la proposition de modèles qu'on essaie de tester contre des
données pour les infirmer. à la lumière des faiblesses découvertes, on modifie le modèle pour
le tester encore, et ainsi de suite.
Pour être utilisable, un modèle doit être explicite et falsifiable. Prenez le modèle suivant:
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Le nom ou substantif est le mot qui sert à désigner, à "nommer" les êtres
animés et les choses; parmi ces dernières, on range, en grammaire, non
seulement les objets, mais encore les actions, les sentiments, les qualités, les
idées, les abstractions, les phénomènes, etc. (Grevisse, Le bon usage 8e
édition, p.166)
Une telle définition n'est ni explicite, ni falsifiable. Elle n'est pas explicite puisqu'elle se
termine par etc. qui laisse entendre qu'il existe d'autres sortes d'objets non spécifiés. Elle n'est
pas falsifiable non plus: puisqu'il n'existe pas de définition satisfaisante de ce que c'est qu'un
phénomène, on ne peut pas déterminer si quelque chose serait ou non un phénomène.
Les définitions de la sorte sont courantes en grammaire normative, où on peut faire appel à
l'intelligence des lecteurs pour combler les lacunes de la définition. Il suffit de suggérer la
réponse à une question, non pas de la rendre totalement explicite. L'avantage d'une définition
de la sorte est qu'elle est relativement utile pour donner l'idée générale à transmettre.
L'inconvénient, c'est qu'elle n'est pas vérifiable: on ne peut jamais prouver que Grevisse a tort.
Une définition linguistique, par contre, doit obligatoirement se prêter à la falsification.
Prenons un exemple. Sur la base de mots comme acheteur, vendeur, lanceur, on pourrait
formuler le modèle suivant:
Tous les noms français qui se terminent en -eur sont masculins.
Cette définition est falsifiable: il est facile de trouver des exceptions, comme longueur, pâleur
ou rougeur, qui sont féminins. Des exemples de la sorte, qui viennent contredire un modèle,
s'appellent des contre-exemples. À la lumière de ces contre-exemples, on pourrait reformuler le
modèle ainsi:
Les mots français à base verbale + -eur comme achet + eur, vend + eur sont
masculins, mais les mots français à base adjectivale + -eur comme longu +
eur, pâl + eur sont féminins.
Ce modèle est supérieur au précédent, mais il reste encore des problèmes. Que fait-on dans le
cas de formes comme peur et honneur qui ne se divisent pas en base plus -eur? En fait, il faut
réviser le modèle encore une fois:
Les mots français à base verbale + -eur sont masculins, et les mots français à
base adjectivale + - eur sont féminins. Par contre, le genre des mots français
qui se terminent en -eur mais qui n'ont qu'un seul morphème dépend du mot
individuel.
Début.
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Par contre, ce qui nous intéresse en tant que linguistes est justement comment on parle et
écrit. Il est important de prendre l'habitude de noter ce qu'on entend et ce qu'on lit. Par
exemple, la prochaine fois que vous assistez à un cours en français, notez le langage utilisé
par le professeur. Est-ce qu'il ou elle utilise des phrases complexes, ou bien des phrases
simples? Est-ce qu'il ou elle répète souvent ce qui vient d'être dit? Quel est son registre? Par
exemple, dans ses phrases négatives, trouve- t-on ne ... pas ou simplement pas? Quelles sortes
d'interjections entend-on au cours des explications: hein, ok, d'accord?
Tout linguiste devrait garder une liste des exemples de la sorte: elle fournira de précieux
exemples pour l'avenir.
L'intuition linguistique
En tant que locuteur ou locutrice d'une langue, on est en principe capable de porter des
jugements là-dessus. Par exemple, nous verrons plus tard qu'il existe deux sortes de /a/ en
français. Certaines personnes prononcent les deux, d'autres une seule. Par exemple, prononcez
vous-même les mots suivants:
1. patte malle Anne
2. pâte mâle âne
Avez-vous la même prononciation dans les deux cas? Vous venez d'utiliser votre intuition
linguistique. Notez bien, cependant, qu'il faut toujours confirmer l'intuition linguistique par
l'appel à d'autres locuteurs.
L'élicitation
Il existe un certain nombre de stratégies qu'on utilise pour connaître les réactions des
locuteurs. La plus simple consiste à poser une question sur les jugements. Par exemple, étant
donné la liste précédente, vous pourriez demander à un locuteur de la prononcer et d'indiquer
toute différence de prononciation. Parfois, une telle approche suffit, surtout si on teste
plusieurs locuteurs.
Par contre, il surgit un problème fondamental. La plupart des locuteurs ont passé par le
système scolaire qui a laissé des traces dans leur jugement linguistique. Pensez aux exemples
de phrases avec ou sans ne ... pas. Si vous demandez à certains locuteurs ce qu'ils pensent
d'une phrase comme Je l'ai pas vu, leur réponse sera que c'est une phrase inacceptable, malgré
le fait qu'ils l'utilisent souvent. Il faut donc se méfier de l'influence de la grammaire normative
sur les perceptions.
Les corpus
Depuis quelques années, on assiste à une croissance importante dans l'utilisation des corpus
pour l'analyse linguistique. Un corpus est un ensemble de productions linguistiques (langue
écrite ou langue parlée) qui partagent les mêmes conditions de production, et qui seraient
donc comparables entre elles. Voici quelques exemples de corpus:
les romans de Stendhal
les numéros de la revue l'Actualité parus pendant six mois
tout ce que dit une personne pendant une année
l'enregistrement des conversations durant un repas
toutes les dissertations remises dans un cours
Notez que tous ces corpus représentent une sélection dans un ensemble plus vaste. Ainsi, les
romans de Stendhal sont un sous-ensemble des romans français publiés au XIXe siècle, qui
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eux-mêmes seraient un sous-ensemble de tout ce qu'on a écrit en français, ce qui serait un
sous-ensemble de tout ce qu'on a jamais dit ou écrit en français. Ce dernier serait ouvert,
puisqu'on continue à parler et à écrire. Cet ensemble le plus vaste s'appelle une population,
dont chacun des corpus serait un échantillon. Chaque échantillon nous donne une espèce de
fenêtre sur le tout, mais non pas une image complète. Plus l'échantillon ressemble à la
population, plus il est représentatif.
Exercice: Analysez l'emploi de la forme politique dans l'extrait de corpus oral suivant,
tiré des Échantillons de textes libres publiés par l'université de Sherbrooke. (Vol. 3, p.103)
Pis au point de vue de la politique disons... je pourrais pas dire tellement au
point de vue politique, parce que je m'intéresse pas tellement à la politique.
Disons je regarde en gros dans... dans les journaux qu'est- ce qui se passe.
Politique extérieure. Mais au point de vue politique du Québec puis eh... Moi,
un paquet de gens qui s'engueulent là, ça m'énerve pis je me mêle pas de ça.
Le plus souvent en linguistique, on essaie de combiner les différentes sources de données afin
d'avoir la base la plus solide pour proposer un modèle. En même temps, il faut reconnaître que
l'étude de la langue suppose une conception relativement détaillée de celle-ci. Pour l'obtenir, il
faut commencer par une série de distinctions préliminaires, afin de cerner l'essentiel du sujet.
Nous en verrons quelques-unes dans ce qui suit.
Début.
Performance et compétence
Ce sont des individus qui se servent de la langue, à un moment précis dans le temps, dans un
lieu particulier et dans une situation bien définie. Chaque utilisation individuelle d'une langue
est un exemple de performance. Le plus souvent, on utilise ce terme pour désigner la
production linguistique, mais en fait il s'applique tout aussi bien à la réception.
Puisque la performance se fait au niveau individuel, elle est sujette à des contraintes hic et
nunc qui l'influencent. Ces contraintes peuvent être d'ordre psychologique (facteurs de
mémoire ou d'attention), physique (questions de voix, de niveau sonore, de rapidité du
discours) ou physiologique (questions de muscles, de perception). Dans la vaste majorité des
cas, tout fonctionne bien: c'est même cela qui est surprenant dans la langue, sa résistance aux
effets extérieurs (voir le concept de redondance plus loin).
Par contre, il arrive que l'un ou l'autre des facteurs empêche le bon fonctionnement de la
langue. Il se produit alors ce qu'on appelle une erreur de performance. En voici quelques
exemples:
1. *C'est petit -- je veux dire grand.
2. *C'est celui-là qui me l'a donné -- j'ai oublié son nom.
3. *Il les voient.
4. *C'est toit qui a fait ça.
5. *[ pR de Riks]
Notez la convention linguistique qui consiste à mettre un astérisque devant un mot ou une
phrase considéré comme fautif.
Les erreurs de performance peuvent nous renseigner sur la structure de la langue: en fait, on
ne se trompe pas de façon aléatoire. Le plus souvent, il y a un système derrière de telles
erreurs.
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Très souvent, quand on se trompe, on est capable par la suite de reconnaître l'erreur. C'est que
nous avons dans nos têtes une compétence individuelle. Il s'agit de connaissances pour la plupart
implicites. Si on demande à un locuteur natif (c'est-à-dire, quelqu'un qui a appris une langue
comme sa langue maternelle) d'expliquer pourquoi il ou elle parle de telle ou telle façon, on
entend le plus souvent des réactions comme: "Mais ça sonne mieux comme ça". Il ne faut pas
l'oublier: l'accès aux règles de grammaire est le plus souvent secondaire: la plupart des
locuteurs francophones auraient de la difficulté à expliquer ce que c'est qu'une préposition,
mais tous utilisent des prépositions à tous les jours.
Malgré la diversité individuelle, il reste beaucoup d'éléments communs entre les locuteurs
d'une langue. À cause de cela, les linguistes peuvent dans certains cas faire abstraction des
variations individuelles pour étudier ce qu'on appelle la compétence idéale ou tout simplement la
compétence. Il s'agit d'une abstraction: c'est un ensemble des règles implicites qu'on suppose
présentes dans la tête d'un locuteur idéalisé, sans limites de mémoire, sans erreurs de
performance. Ce concept nous permet d'étudier la langue à l'extérieur de la tête, en quelque
sorte, mais il ne faut jamais oublier que c'est bien une construction théorique. Il ne faut jamais
la prendre pour la réalité.
Malgré cela, ce concept nous permet de préciser ce que nous savons sur la langue. Voyons un
exemple. Quelle serait la phrase la plus longue qu'on pourrait faire en français? Supposons un
locuteur qui se met à parler, et qui s'exclame en répétant: Je suis fâché, fâché, fâché.... On
tomberait bientôt sur une limite supérieure de performance: il faudrait respirer, manger, etc. et
à la fin de la vie, on arrête de parler. Mais on ne peut pas nommer une limite maximale
théorique. Un locuteur idéal pourrait faire une phrase de la sorte pendant des siècles, et elle
serait tout aussi grammaticale qu'une phrase de 5 mots (même si ça commencerait à manquer
d'intérêt au bout de quelques minutes). En d'autres termes, le concept de compétence idéale
nous a permis de saisir le fait que la phrase n'a pas de limite supérieure théorique.
Début.
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1. la capacité d'apprendre une langue humaine. Cela s'appelle la faculté du langage. Ainsi,
un enfant exposé à une communauté linguistique apprendra la langue parlée dans la
communauté. Cela est d'autant plus surprenant quand on considère que les données
auxquelles l'enfant est exposé sont souvent limitées et défectueuses.
Expérience: Mettez-vous à la place d'un enfant. écoutez ce qu'on dit autour de
vous, et comptez le nombre de phrases complètes, sans hésitations ni erreurs de
performance.
2. Le terme langage désigne aussi l'ensemble des phénomènes linguistiques. Par exemple,
nous verrons plus bas qu'on parle des universaux du langage pour nommer tout ce qui
reste constant dans le langage.
Début.
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La première phrase se dirait entre individus qui ne se connaissent pas. La deuxième se dirait
dans n'importe quel contexte où deux personnes se connaissaient. La troisième se dirait dans
un contexte familier, entre amis, au Canada.
Début.
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La langue est un phénomène qui se déroule dans le temps. Quand on parle, on prononce un
mot, suivi d'un autre, et d'un autre, et ainsi de suite. La série des mots qu'on prononce définit
un axe ou ligne qu'on appelle l'axe syntagmatique. L'existence de cet axe a une influence
fondamentale sur le fonctionnement de la langue. Si on veut relier deux éléments dans l'axe
syntagmatique, il faut le faire en fonction de la linéarité, soit en les rapprochant dans la chaîne,
soit en les reliant par un autre mécanisme, comme l'accord. En même temps, le choix des
éléments dans l'axe syntagmatique se fait en général élément par élément. Prenez les phrases
suivantes:
1. Cette salle de classe a une porte et cinq fenêtres.
2. La salle de classe a une porte et cinq fenêtres.
3. Cette chambre a une porte et cinq fenêtres.
4. Cette salle de classe possède une porte et cinq fenêtres.
Notez les colonnes. On a remplacé un seul élément de la première phrase par un élément dans
une autre phrase. L'axe des substitutions s'appelle l'axe paradigmatique. Cet axe fonctionne au
niveau des sons, au niveau des mots, et même au niveau des phrases.
Expérience: Pensez à des phrases qui pourraient se remplacer.
La substitution peut laisser le sens global plus ou moins inchangé, ou elle peut obéir
seulement à des contraintes grammaticales (où on remplace un nom par un autre nom, par
exemple, et non pas par un verbe).
En général, la substitution se fait un élément à la fois. Mais il arrive que le choix d'un élément
détermine le choix d'autres. Prenez les exemples précédents. Une fois qu'on choisit un nom
féminin comme salle de classe ou chambre, on est obligé de choisir un article féminin comme
la ou cette plutôt qu'un article masculin. Ou encore, le choix d'un sujet singulier demande le
choix d'un verbe singulier. Les contraintes de la sorte s'appellent des dépendances
syntagmatiques.
Début.
Forme et substance
Le linguiste suisse Ferdinand de Saussure (Saussure 1972) a dit que la langue est une forme et
non pas une substance. Par cela, il voulait dire que malgré les variations individuelles, il
existe une base commune qui nous permet de communiquer, au niveau des formes, et au
niveau des sens.
Prenez l'exemple des graphies (les formes d'écriture). Il existe plusieurs façons de former la
plupart des lettres, mais nous arrivons le plus souvent à les distinguer. C'est que derrière la
substance de chaque graphie individuelle, il existe une base commune.
Expérience: Étudiez les variantes d'une lettre dans une série de textes manuscrits.
On trouve la même chose au niveau du sens. Une phrase comme Je l'ai vu hier peut
s'employer dans une infinité de contextes différents. Malgré cela, son sens essentiel reste le
même. En d'autres mots, la substance change, mais la forme reste la même.
Début.
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signifiant n'existe pas comme entité physique. On ne peut pas entendre un signifiant: on
entend des sons. Mais le signifiant montre sa présence par le fait que nous sommes capables
de reconnaître qu'une série de prononciations sont en fait des exemples du même mot.
Il en va de même pour le sens. Comme nous l'avons vu dans le cas de Je l'ai vu hier, une suite
de mots peut avoir une variété d'interprétations selon la situation et le contexte. Malgré cela,
chaque mot possède un sens général constant d'une situation à l'autre. C'est cette base abstraite
qui nous intéresse: nous l'appelons le signifié. Par exemple, la suite je peut s'employer par
beaucoup d'individus différents. Malgré cela, son signifié reste identique: `la personne qui
parle'. Comme le signifiant, le signifié est une entité abstraite dont on peut déceler l'existence
par l'observation des exemples de communication.
Notez bien cependant qu'on ne peut pas observer un signifiant ou un signifié sans sa contre-
partie. On peut parler du signifiant chat seulement dans le contexte d'un mot, où il y aurait en
même temps un signifié. Par exemple, la suite de lettres c h a t ne serait pas un signifiant dans
le mot achat. De la même façon, nous avons dans nos têtes beaucoup de sentiments,
d'impressions, d'idées, mais ces choses ne deviennent des signifiés linguistiques qu'au
moment où nous les exprimons au moyen d'un signifiant.
Donc, les signifiants et les signifiés ensemble font partie d'une unité plus complexe, qu'on
appelle le signe linguistique.
Début.
Arbitraire du signe
La relation entre signifiant et signifié dans le signe est assez spéciale. Suivant Saussure, on dit
que le lien entre les deux est arbitraire. Ce terme peut avoir deux sens:
1. Au niveau le plus simple, cela signifie que les combinaisons de signifiants et de
signifiés varient d'une langue à l'autre, ce qui est assez évident. Ainsi, on dit chat en
français et cat en anglais.
2. Mais le concept d'arbitraire prend son importance seulement au moment où on
reconnaît que même pour parler d'un signifiant ou d'un signifié, il faut prendre en
considération le système linguistique qui sous-tend le signe.
Examinons les exemples suivants:
1. porte portière / door
2. volant roue / wheel
3. mouton / sheep mutton
4. feu lumière / light
5. Le médecin est entré dans la pièce. / The doctor walked into the room.
6. L'architecte a perdu ses clés. / The architect lost (his/her) keys.
On voit qu'entre le français et l'anglais, il n'existe pas de correspondance simple entre
signifiants et signifiés. On n'a même pas les mêmes signifiants et signifiés dans les deux
langues. Là où le français a deux signifiants porte et portière, l'anglais n'a qu'un seul. Là où le
français ne fait pas de distinction de genre, l'anglais doit en faire une (his/her).
Exercice: Trouvez d'autres exemples de différences entre le français et l'anglais. En
particulier, trouvez des lacunes lexicales où il existe un mot dans l'une des langues mais non
pas dans l'autre.
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Donc, pour étudier les signes d'une langue, il faut tenir compte de tout le système. Chaque
langue représente un découpage arbitraire dans les signifiants et signifiés possibles.
C'est l'arbitraire du signe qui permet à une langue de changer radicalement dans tous ses
aspects: prononciation, morphologie, syntaxe, sémantique.
Il est facile de sous-estimer l'importance de ce concept. Dans tout le reste du cours, il faut le
garder à l'esprit: c'est le système qui nous intéresse, non pas les unités isolées.
Début.
Expérience: Essayez de traduire une phrase dans un autre langage que le langage
humain.
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3. La troisième caractéristique particulière du langage humain, formulée d'abord par le
linguiste André Martinet, s'appelle la double articulation. Pensez au nombre total de
phrases possibles en français. En fait, il y en a une infinité. Par contre, on peut former
cette infinité de phrases au moyen d'un nombre élevé mais fini de mots (disons
quelques centaines de milliers, au maximum). Et on peut former ces milliers de mots
au moyen d'un petit nombre de sons (une trentaine en français) ou de lettres (26 lettres
plus quelques diacritiques).
La division d'une infinité de phrases en un nombre fini de mots, s'appelle la première
articulation, tandis que la division des mots en un petit nombre de sons ou lettres s'appelle la
deuxième articulation. Aucun autre système ne possède une telle double articulation: c'est cela,
semble-t-il, qui explique la puissance de la langue comme mécanisme de communication.
Début.
Synchronie et diachronie
L'étude de la langue peut se faire selon deux perspectives temporelles. D'un côté, on peut
analyser un état de langue, c'est-à-dire la façon de parler d'une communauté linguistique à un
moment donné. Ainsi, le français parlé dans les années 90 serait un état de langue.
Évidemment, les dimensions d'un état de langue sont variables. Le système grammatical d'une
langue change assez lentement; par conséquent, dans une étude grammaticale, un état de
langue peut représenter quelques décennies. Par contre, le lexique change plus rapidement; un
état de langue lexical peut se limiter à quelques années seulement. L'étude d'un état de langue
s'appelle la linguistique synchronique.
Dans une autre perspective, on peut étudier l'évolution d'une langue à travers le temps, les
gains et les pertes, ainsi que le passage d'une langue à une autre. Cela s'appelle la linguistique
diachronique.
Début.
Références
Brunet, F. (1966-) Histoire de la langue française des origines à nos jours. Paris: A. Colin.
Bybee, Joan. (1985) Morphology: a study of the relation between meaning and form.
Amsterdam: Benjamins. (RES)
Jakobson, R. (1960) Linguistics and Poetics, in Style in Language, T.A. Sebeok (réd.),
Cambridge: MIT.
Lehmann, W.P. (1992) Historical linguistics: an introduction. New York: Routledge. (3ième
édition)
Price, Glanville. (1979) The French language: present and past. London: Arnold.
Sanders, C. (1993) French Today: Language in its Social Context. Cambridge: Cambridge
University Press.
Wartburg, W. von (1971) Évolution et structure de la langue française. Berne: Franke.
À lire
Sélection de manuels de base:
Akmajian, Adrian et al. (1990) Linguistics, an introduction to language and communication.
Cambridge, Mass.: MIT Press. 3rd ed. (RES)
Fromkin, Victoria; Rodman, Robert. (1993) An Introduction to Language. Fort Worth, Texas:
Harcourt Brace College Publishers. (RES)
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Germain, Claude; LeBlanc, Raymond. (1981) Introduction à la linguistique générale:
données de base, exercices et corrigé. Montréal: Presses de l'Université de Montréal. (RES)
O'Grady, William; Dobrovolsky, Michael D. (1987) Contemporary linguistic analysis: an
introduction. Toronto: Copp Clark Pitman. (RES)
Saussure, Ferdinand de. (1972) Cours de linguistique generale. Paris: Payot. (RES)
Sélection d'encyclopédies:
Ducrot, Oswald (1979) Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. Paris: éditions
du Seuil. (REF)
International Encyclopedia of Linguistics. New York: Oxford University Press, 1992. (REF)
The Linguistics Encyclopedia. London; New York: Routledge, 1991. (REF)
Revues
Comme dans les autres sciences, la plupart des travaux récents en linguistique apparaissent
d'abord dans des revues savantes. Il est donc souhaitable de parcourir ces revues de façon
régulière. La liste suivante présente les revues importantes disponibles à Queen's, dont
certaines portent surtout sur le français, tandis que d'autres se consacrent à la linguistique
générale.
La banque des mots
Cahiers de lexicologie
Le français dans le monde
Le français moderne
Journal of Linguistics
Language
Langue française
Langues et linguistique
Lingua
Linguistic Analysis
Linguistic Inquiry
Linguistics
La linguistique
Présence francophone
Revue de l'association québécoise de linguistique
Revue canadienne de linguistique/Canadian Journal of Linguistics
Revue québécoise de linguistique
Syntax and Semantics
Travaux de linguistique et de littérature de Strasbourg
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Actes de colloques
On trouve des travaux de linguistique également dans des actes de colloques. On consultera,
entre autres, les actes des colloques internationaux de linguistique et les actes de colloques de
linguistique romane.
Début.
Dernière modification: 27 décembre 1996. Veuillez signaler des problèmes d'ordre technique à Greg Lessard
<lessard@francais.queensu.ca>
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