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E n mémoi re de m a mère

H élène E ltsch i nger,


1941-2001

Pou r M . D i d ier Mon ay

Avant-propos

Dans l!édition de GNOLI (1960), PV I compte 340 stances didacti-


ques enchâssées dans un long autocommentaire (PVSV). Beaucoup
de patience et d!abnégation vaudraient à un lecteur peu familier du
japonais " comme c!est mon cas " de pouvoir lire, en gros, PV I.1"
223 et une part notable de son autocommentaire en l!une ou l!autre
des langues «occidentales».1
Sur la section finale (PV[SV] I.213"340) consacrée aux Écritures
et à la critique de la M!m"#s", l!érudition «occidentale» a projeté,
au contraire de la recherche japonaise,2 des lumières très inégales.

1
On lira PV(SV) I.1"51 dans la traduction de MOOKERJEE/NAGASAKI (1964;
pour PV[SV] I.1"10, voir aussi GILLON/HAYES [1991]), et s!initiera à la doc-
trine de l!apoha (PV[SV] I.40"185) avec, au choix, la monumentale traduc-
tion commentée des strophes par FRAUWALLNER (1932, 1933), ou l!étude de
ZWILLING (1976). Dès PV(SV) I.52"94 puis I.163"180, on comparera ces
traductions avec celles de VORA/OTA (1979, 1980, 1982) et de OTA (1981).
PV(SV) I.185"197 trouve des parallèles dans PVin II (surtout PV[SV]
I.193cd"196), édités et traduits par STEINKELLNER (1979). PV(SV) I.198"
223 a fait l!objet d!une traduction par YAITA (1985, 1985b, 1987, 1988). La
toujours indispensable étude de VETTER (1964) inclut nombre de traductions
ponctuelles.
2
Ce passage a été presque intégralement traduit en langue japonaise: PV(SV)
I.224"268 par $MAE (1988, 1988b, 1989, 1990, 1990b, 1991), PV(SV)
I.292"340 par WAKAHARA (1988, 1990).
6 Avant-propos

Cette section se peut diviser en deux segments: PV(SV) I.214!217


a fait l"objet de traductions et de discussions multiples (TILLEMANS
1990: I.24!29 et 1993: 9!24, YAITA 1987, DUNNE 2004: 361!373);
PV(SV) I.220!340 n"a en revanche retenu d"attention qu"extrême-
ment marginale: sur l"ensemble du passage, KIMURA (1991) a osé
une synopsis qu"on dira approximative; deux études ont été consa-
crées à la critique dharmak!rtienne du spho!a: celle, pionnière, de
IHARA (1961), et la mienne (ELTSCHINGER 2001b); sur la position
de Dharmak!rti en matière de phonèmes, on dispose d"une étude
par "MAE (1999); enfin, j"ai commis récemment une monographie
(ELTSCHINGER 2001a) relative à la doctrine dharmak!rtienne des
mantra. C"est à peu près tout.
Je n"identifie aucune des raisons susceptibles de justifier pareil dé-
sintérêt pour PV(SV) I.224!340. Ce passage ne voit certes Dhar-
mak!rti développer aucun de ses thèmes logiques, épistémologi-
ques et ontologiques de prédilection (à l"exception de la longue in-
férence de la périssabilité des choses, PV[SV] I.269!282). Mais si
l"hypothèse de FRAUWALLNER (1954: 147sq) est exacte, et je crois
qu"elle l"est, ce passage n"épuise pas moins d"un tiers du *Hetu-
prakara"a, l"«#uvre de jeunesse» de Dharmak!rti. C"est dire que,
dans l"esprit du premier Dharmak!rti, la critique de l"incréation3 du
Veda présente autant d"importance que la théorie des raisons logi-
ques, la refondation de l"apoha ou la polémique avec son maître en
logique #$varasena. Le bouddhiste Dharmak!rti touche ici au c#ur
même de la rhétorique ultra-orthodoxe brahmanique, aux fonda-
tions d"une M!m%&s% dont il ne critique ailleurs que des théorèmes
plus ou moins périphériques. Plus que d"autres, ce passage semble
inscrire Dharmak!rti dans les vicissitudes socio-religieuses de son
temps.
*
La traduction française annotée de PVSV 107,14!141,14 (PV
I.213!268) forme le c#ur de la présente étude. J"ai flanqué cette
traduction de deux groupes de matériaux: historiques et doctrinaux

3
Sur ce terme et la doctrine qu"il désigne, voir pp. 115!116.
Avant-propos 7

dans une longue introduction, textuels au sens large dans une série
d!appendices. L!argumentation et l!érudition de Dharmak!rti d!un
côté, les problèmes liés à l!établissement du texte et la matière vo-
lumineuse des commentaires de l!autre, rendaient en effet pratique-
ment impossible de consigner toute l!information dans l!annotation
infrapaginale de la traduction. Par principe, j!ai donc réservé celle-
ci aux explications fournies par les commentateurs indigènes ("#-
kyabuddhi dans PV$, Kar%akagomin dans PVSV$, Manorathanan-
din dans PVV): objections introductives, explications, conclusions
et «formalisations» des arguments. Les notes de la traduction ne
consignent d!informations historiques, littéraires et doctrinales que
celles dont le caractère strictement ponctuel ne nécessitait pas que
je les traitasse en introduction ou en appendice. Pour l!essentiel
donc, cette annotation présente, fortement condensée, l!irrempla-
çable explication indigène du texte de Dharmak!rti.
Dharmak!rti ne prend que rarement la peine de présenter la posi-
tion à partir de laquelle il argumente et polémique; de plus, le phi-
losophe ne juge pas utile d!exposer les points de doctrine qu!il
critique. A l!exégète revient donc d!identifier, de présenter et, le
cas échéant, de reconstruire, les unes et les autres positions doctri-
nales. Plutôt que de reléguer ces matériaux dans des notes de fin
complétant l!annotation infrapaginale, je me suis résolu à les orga-
niser thématiquement dans cinq des six chapitres introductifs. J!ai
cherché, tout en lui préservant un caractère aisément accessible et
repérable, à structurer cette érudition, à lui donner une forme sui-
vie, lisible. Ces chapitres introductifs se découpent donc en para-
graphes, dont chacun tient lieu à la fois d!une section de l!introduc-
tion et d!une note introductive et/ou explicative à tel thème abordé
par Dharmak!rti. A ces subdivisions de l!introduction, je renvoie
dans la traduction comme on renverrait à des notes de fin. On est
donc libre de les lire à la façon d!un texte suivi, ou de s!y référer
au gré des renvois que je propose en cours de traduction. De même
est-on libre de juger trop longue et peu originale cette introduction:
son seul mérite est d!organiser rationnellement des informations
qui, reportées dans des notes de fin par principe décousues, eussent
à mes yeux pâti de disparate. Le nombre des chapitres se conforme
8 Avant-propos

aux divisions thématiques du passage étudié: doctrine métareli-


gieuse, critique des versions réalistes de la relation sémantique, cri-
tique de l!éternité du Veda, critique d!un énoncé transphonétique,
critique de l!énoncé comme ordre de succession phonétique. Cha-
que chapitre a pour vocation de présenter les doctrines critiquées
par Dharmak!rti, puis la position propre à partir de laquelle celui-ci
argumente (chapitre 4 excepté).
Par un même souci d!organisation rationnelle de l!information, j!ai
relégué tous les matériaux et remarques d!ordre textuel dans des
appendices. L!A APPENDICE A contient une édition de la version tibé-
taine du passage traduit. Dans l!A APPENDICE B, je me suis efforcé
de consigner, en les identifiant et traduisant dans la mesure du pos-
sible, toutes les citations produites par les textes examinés, soit sur-
tout par PVSV". Ces citations sont groupées dans l!ordre de leur
apparition, et appelées dans les notes de la traduction. L!A APPEN-
DICE C regroupe tous les amendements apportés à l!édition GNOLI;
ces amendements sont appelés dans la traduction elle-même par la
mise entre #"#$ des passages les suggérant. Paraphraser en intro-
duction les arguments de Dharmak!rti eût été fastidieux et incer-
tain; j!ai donc dressé, dans un APPENDICE E, la table analytique
détaillée de l!argumentaire dirigé contre la doctrine de l!incréation
du Veda, soit de PVSV 112,6%141,11. J!espère exhiber ainsi la
structure complexe de l!argumentation du maître, si arbitraire que
puisse par ailleurs apparaître le découpage proposé. L!A APPENDICE
D fait exception à la règle. Celui-ci présente en effet certains as-
pects de la position de Dharmak!rti en matière de fautes morales,
de nescience et de destruction des fautes morales. Mes introduc-
tions s!accommodant mal de ce thème difficile, j!en ai relégué le
traitement en fin d!étude. Cet appendice n!en forme pas moins une
manière d!introduction à PVSV 110,15%112,6.
*
J!aurais aimé ne jamais interpréter Dharmak!rti à la lumière de tex-
tes qu!il ne pouvait connaître. Voilà un principe auquel les textes
de l!Inde, si malaisément datables, imposent pourtant de constantes
infractions. Le texte même de Dharmak!rti reste presque entière-
Avant-propos 9

ment scellé sans recours à des commentaires par définition posté-


rieurs. N!y point recourir par dogmatisme méthodologique con-
damnerait l!exégète, sinon à la mécompréhension du texte, du
moins à d!infinies et vaines conjectures. Je n!ai fait prévaloir aucun
ordre de préséance parmi les trois commentaires utilisés. Hormis
les cas où Kar!akagomin et Manorathanandin se référaient à des
doctrines ou littératures manifestement anachroniques, j!ai toujours
évalué les commentaires à l!aune parfois arbitraire de la cohérence
philosophique des explications qu!ils proposaient. Il eût été ab-
surde de se priver de PVSV" ou de PVV pour n!utiliser que le
commentaire le plus ancien à notre disposition, la PV": préservée
en entier dans sa seule version tibétaine (du moins pour le passage
ici étudié), le maniement de celle-ci est plus incertain que celui des
deux autres, dont on possède le sanskrit original. Que les deux tiers
de PVSV" reproduisent littéralement PV", que, donc, la lecture
détaillée de PV" présuppose celle de PVSV", suffit à ruiner tout
méthodologisme obtus. Le moins mal qu!on puisse faire ici semble
de distinguer clairement la provenance des explications utilisées, et
de signaler tout (risque d!)anachronisme.
Presque rien de ce qu!a écrit Dharmak#rti n!est resté lettre morte, et
PV(SV) I.213"268 n!y fait aucunement exception. Hormis les
commentaires directs et indirects aux #uvres fondatrices, les litté-
ratures logico-épistémologiques postérieures à Dharmak#rti se ca-
ractérisent, dès le 8e siècle et $ubhagupta, par leur tendance à la
systématisation et à l!«autonomisation» des problématiques. La
matière de notre passage alimentera quatre directions générales de
recherche. (1) Dans le sillage des controverses relatives au nombre
des pram!"a (les [pram!"a]sa#khy!vipratipatti), les docteurs «tar-
difs» ménagent une place de choix à la critique de la connaissance
verbale ($!bda/$abda) comme pram!"a autonome.4 Depuis $%n-
tarak&ita (TS XIXa, n°1487"1488), cette critique comprend deux
chapitres distincts: réfutation de la version «!ptav!din» du Ny%ya,
et réfutation de la version «incréationniste» de la M#m%'s%. Le
premier volet s!inspire directement de PV(SV) I.218"219, et se re-

4
Voir ELTSCHINGER 2003.
10 Avant-propos

trouve sans changement notable dans la Pram!"avini#caya$%k! de


Dharmottara, dans TS(P) XIXa, le Pram!"!ntarbhavaprakara"a
de Ratnak!rti et la Tarkabh!&! de Mok"#karagupta;5 le second
volet trouve quant à lui son origine dans PV(SV) I.229cd; réévalué
par $#ntarak"ita (TS XIXa, n°1513!1514), il trouvera son exploi-
tation la plus fructueuse dans la Ved!pr!m!"yasiddhi de Jit#ri (=
R99,16!101,17). (2) Consacré à la critique systématique de l"incré-
ation proprement dite, PV(SV) I.224!268 alimentera un genre
qu"on dira de «#rutipar%k&!». Dans $PK, TS(P) XXIV et probable-
ment la 'rutikart(siddhi, $ubhagupta, $#ntarak"ita et Jit#ri conden-
sent ou développent les aspects les plus techniques (d"ordre géné-
ralement linguistique) de l"argumentaire dharmak!rtien: critique de
la relation sémantique (exploitée également par les réfutations de
#!bda/#abda), de l"éternité du Veda, du spho$a (TS[P] seul), de l"é-
noncé comme ordre de succession phonétique (TS[P] seul). (3)
Quoiqu"ils aient reçu passablement d"attention de la part de l"éru-
dition moderne, les développements de PV(SV) I.213!217 sem-
blent avoir davantage inspiré les docteurs tibétains6 que leurs pré-
décesseurs indiens, Kamala%!la (TSP et NBPS) paraissant seul faire
exception à ce constat. (4) Quant à PV(SV) I.220!223, où Dharma-
k!rti démontre l"irréversibilité du caractère moralement immaculé
(nirdo&at!), sa matière trouve une postérité immédiate dans PV II,
et sera généralement reversée au dossier de l"omniscience (SSK,
TS[P] XXVI, etc.). Les ambitions de la présente étude excluaient
de traiter tous ces développements et redimensionnements tardifs.
A moins que ces sources ne favorisent l"intelligence littérale de
Dharmak!rti, je me suis par conséquent limité à signaler par de
simples renvois (en introduction ou dans les notes de la traduction)
les loci tardifs exploitant tel ou tel aspect de PV(SV). On dispose
heureusement, avec VERPOORTEN 1994, d"une très utile synopsis
de TS(P) XXIV, le seul texte à reprendre en toutes rigueur et pro-
fondeur la matière de notre passage.
*

5
Voir AKIMOTO 1993.
6
Voir TILLEMANS 1993.
Avant-propos 11

J!ai cru bon de faire précéder mes cinq sections introductives d!un
chapitre dans lequel j!ose quelques conjectures d!ordre historique
et idéologique quant aux conditions susceptibles d!avoir présidé à
une telle critique de l!incréation du Veda. Ce chapitre initial appel-
le quelques remarques. Le (pauvre) débat méthodologique interne
aux études bouddhiques indiennes tend à opposer approches «phi-
lologique» et «herméneutique». Outre l!attachement qu!elle témoi-
gnerait à la constitution scrupuleuse des textes, l!approche philolo-
gique acquiescerait à la possibilité d!une interprétation censément
objective de ceux-ci. Cette approche supposerait qu!en ramenant
les textes étudiés à leurs contextes originels de production, il soit
possible d!en dégager une signification contemporaine de leur
composition. Sceptiques quant à ce qu!ils tiennent pour une ambi-
tion à la fois présomptueuse et vaine, les «herméneutes» n!attache-
raient de prix qu!aux conditions dans lesquelles nous recevons et
lisons les textes. Comme s!ils étaient autant de lettres personnelle-
ment adressées, de jeux ou de pièces n!existant que joués, les tex-
tes n!auraient ni existence ni signification par eux-mêmes, indé-
pendamment du lecteur qui les lit. Toute prétention à une objecti-
vité interprétative serait à condamner comme chimérique.
Pour Gregory SCHOPEN en revanche, le problème n!est pas tant de
définir les canons de la méthode à appliquer aux textes, que de cri-
tiquer les présupposés disciplinaires à l!"uvre dans notre constant
«assigning of primacy to literary materials in the study of reli-
gion».7 Dans cette primauté du texte sur les realia archéologiques,
dans l!ancillarité même de l!archéologie par rapport à la philolo-
gie,8 SCHOPEN dénonce des «présupposés protestants9» quant à la

7
SCHOPEN 1997: 13.
8
SCHOPEN 1997: 7: «Textuality overrides actuality. And actuality ! as ex-
pressed by epigraphical and archaeological material ! is denied independent
validity as a witness.»
9
Cf. le titre de l!essai («Archaeology and Protestant Presuppositions in the
Study of Indian Buddhism», = SCHOPEN 1997: 1#22), et SCHOPEN 1997: 13:
«Embedded " in apparently neutral archaeological and historical method
might very well be a decidedly nonneutral and narrowly Protestant assump-
12 Avant-propos

«location of real religion», au «locus of !true religion!».10 De


Burnouf à Lamotte en passant par Bühler, les études bouddhiques
partageraient en effet «the implicit judgement " that real Bud-
dhism is textual Buddhism».11 Or si les textes enregistrent «what a
small, atypical part of the Buddhist community wanted that com-
munity to believe or practice», les témoignages archéologiques re-
flètent selon SCHOPEN «what Buddhists # both lay people and
monks # actually practiced and believed».12 A l!idéalité et à la nor-
mativité des sources littéraires (en particulier canoniques), l!auteur
préfère des matériaux archéologiques reflétant une «actual reli-
gious practice», un «actual behavior».13 En effet, «the ascription of
primacy to textual sources in Buddhist studies not only effectively
neutralizes the independence of archaeological and epigraphical
sources as witnesses, it also effectively excludes what practicing
Buddhists did and believed from the history of their own religion».14
De façon souvent très convaincante, l!auteur montre en quoi les
textes " disciplinaires surtout " véhiculent une représentation nor-
mative, idéalisée et, au final, historiquement inobjective, du moine
et des institutions qui l!abritent.
Pour pertinente et précieuse que me paraisse la critique historio-
graphique de SCHOPEN, elle appelle de ma part quelques remar-
ques. Que Dharmak!rti soit à la doctrine ce que tel Vinaya est aux
comportements réguliers " une #uvre normative ", ne fait pas du
Pram"#av"rttika une production moins réelle ou historiquement
moins pertinente que telle inscription votive attestant le transfert
des mérites. Rendre raison de l!historicité de cette production
requiert de l!interprète qu!il en mette à jour les procédés, la logique
et les finalités, bien sûr, mais aussi les déterminants sociaux, insti-

tion as to where religion is actually located.»


10
SCHOPEN 1997: 9 et 13.
11
SCHOPEN 1997: 9.
12
SCHOPEN 1997: 1.
13
SCHOPEN 1997: 14 et 12.
14
SCHOPEN 1997: 9.
Avant-propos 13

tutionnels, économiques et politiques. Or pas plus que les «métho-


des» philologique ou herméneutique, la démarche préconisée par
SCHOPEN ne donne à l!historien les outils nécessaires à rendre rai-
son de cette historicité multiple et complexe. C!est qu!au fond, les
uns et les autres mobilisent des témoignages strictement internes
pour décrire telle circonstance ou dynamique: pour SCHOPEN, des
realia archéologiques confrontés ou non, ensuite, à des matériaux
textuels (par exemple, les belles études relatives au M!lasarv"sti-
v"davinaya); pour l!exégète, des données textuelles en rapports
d!interaction et de chronologie relative. Descriptives et internalis-
tes, toutes deux démarches présentent un commun déficit explicatif
en ce qu!elles négligent les déterminants externes des productions
qu!elles envisagent. Combinant habilement ces données avec les
textes et l!archéologie, l!approche intégrée que développe LIU
(1988) me paraît à cet égard rendre meilleur compte des détermina-
tions socio-historiques sous-tendant les institutions monastiques
bouddhiques et leurs productions.
«Essencifier» le courant logico-épistémologique en simples termes
de pram"#a(v"da) ou de hetuvidy", proposer donc une interpréta-
tion strictement «internaliste» du mouvement et des textes, menace
de faire oublier que la plupart de ses figures dominantes composent
et enseignent dans les grandes «universités» conventuelles du Ma-
gadha voire du Ka!m"r; qu!il prend son essor au 6e siècle sur les
décombres de l!empire gupta; que ses docteurs se voient souvent
attribuer, par des sources majoritairement tibétaines il est vrai, des
"uvres et des s"dhana «tantriques». Les textes de l!école trahissent
une mutation profonde dans les intérêts, les cibles et l!auto-repré-
sentation des bouddhistes qui les écrivent; leur nature reflète la
structure de l!enseignement dispensé dans les «universités», telle
du moins que la décrivent Xuanzang et Yijing. Quant à l!école
elle-même, elle apparaît avec ces «universités», semble les présup-
poser sinon en incarner les idéaux. Enfin comme l!ésotérisme bou-
ddhique tardif (le «tantrisme»), le Madhyamaka ou le Vijñ#nav#da,
l!école transcende les enracinements sectaires traditionnels. Il y a
donc lieu de penser que l!agenda philosophique des docteurs de
l!école n!est pas dicté par les seuls thèmes, intérêts et influences
14 Avant-propos

que nous offre de dégager l!interprétation interne des textes. Fixé


dans sa physionomie définitive par Dharmak!rti, ce programme
méthodologique et doctrinal paraît obéir à des déterminants institu-
tionnels et socio-historiques qu!il revient à l!historien des idées
d!identifier.
Qu!on ne se méprenne pas sur mon intention: pas plus que je ne
revendique une interprétation marxisante des textes, je n!invite à
ramener les idées et arguments ponctuels à des conditions externes
et pour partie inconscientes de production: ce serait mécomprendre
le génie même de la philosophie. Mon chapitre initial n!entend
donc pas réformer la méthode qui préside à notre interprétation des
textes, mais propose simplement une tentative, sans doute mala-
droite et en tout état de cause programmatique, d!identifier certains
des déterminants socio-historiques du texte dont je propose la tra-
duction. Ma démarche s!inscrit idéalement dans une philologie exi-
geant que soient dûment pris en compte, à titre de facteurs expli-
catifs, les déterminants extratextuels des textes. Sur ce point, ai-je
besoin d!y insister, tout reste encore à faire.
*
Cette thèse était vieille de quelques mois lorsque j!appris la paru-
tion récente du livre de Ronald M. DAVIDSON (2002), Indian Eso-
teric Buddhism: A Social History of the Tantric Movement. De cet
ouvrage monumental et innovateur, on peut d!ores et déjà prévoir
qu!il n!échappera pas à la critique, soit en raison de l!extrême con-
servatisme méthodologique prévalant dans nos études, soit parce
que le livre promet parfois davantage qu!il ne produit (notamment
dans son approche de l!ésotérisme «institutionnel»). DAVIDSON
2002 n!en représente pas moins une rupture extrêmement bienve-
nue dans l!historiographie des productions intellectuelles bouddhi-
ques: il y marque l!irruption d!une socio-histoire théoriquement ar-
ticulée, dont les options méthodologiques sont à la fois externa-
listes et discontinuistes. Externaliste, la perspective l!est en ce
qu!elle privilégie les déterminants externes (sociaux, économiques,
politico-militaires, religieux) ayant présidé à la formation de l!éso-
Avant-propos 15

térisme bouddhique;15 discontinuiste, elle l!est en ce que, envisa-


geant l!émergence du mantray!na comme la réponse bouddhique à
un environnement socio-politique en profonde mutation,16 elle mo-
bilise les concepts du paradigme,17 du tournant (turn, shift),18 de la
rupture (et, ce faisant, espère produire la «demonstration that in-
crementalist presumptions on the emergence of new Indian systems
are problematic»19). En décrivant le tarissement des patronages
(consécutif à l!érosion des guildes, aux monopoles commerciaux
non indiens, à une forme d!étatisation du commerce et à la démo-
nétarisation concomitante), l!étude de DAVIDSON fait l!histoire
économique des institutions monastiques tardives; en analysant l!é-
mergence de nouveaux modèles de la royauté (féodalisme des s!-
manta et féodalisation concomitante du divin, «military adventu-

15
Dans l!ésotérisme bouddhique, DAVIDSON voit «the most politically involved
of Buddhist forms and the variety of Buddhism most acculturated to the me-
dieval Indian landscape» (DAVIDSON 2002: 114, voir aussi 2002: 4); pour lui,
«the rise and development of the esoteric form of Buddhism is the result of a
complex matrix of medieval forces» (DAVIDSON 2002: 114), des «sociopoliti-
cal matrices of the Indian environment» (DAVIDSON 2002: 3).
16
Par exemple: «esoteric Buddhism is a direct response to the feudalization of
Indian society in the early medieval period, a response that involves the sa-
cralization of much of the period!s social world» (DAVIDSON 2002: 2); «[t]he
emergence of the esoteric dispensation is both a response and a strategy on
the part of facets within Buddhist communities: it was a response to the diffi-
cult medieval environment and a strategy for religious reaffirmation in the
face of unprecedented challenges to the Buddhist social horizon» (DAVIDSON
2002: 113).
17
Par exemple: «with the Buddhists seeking to transform the political para-
digms into vehicles for sanctification» (DAVIDSON 2002: 5); «challenges to
previous paradigms» (DAVIDSON 2002: 29"30); «extraordinary paradigm
shift in intellectual values» (DAVIDSON 2002: 99); «paradigm of dominance,
hierarchy, and regal power» (DAVIDSON 2002: 123); «relationship to a para-
digm of power, most fundamentally expressed in medieval feudal form»
(ibid.).
18
Par exemple: «the new, ritually oriented Buddhist system» (DAVIDSON 2002:
3); «new form of Buddhist practice» (DAVIDSON 2002: 76); «esoteric turn»
(ibid.); «the new turn to ritual» (DAVIDSON 2002: 163).
19
DAVIDSON 2002: 118.
16 Avant-propos

rism», esthétique érotisante et belligérante, régionalisation/décen-


tralisation, etc.), en s!efforçant de montrer en quoi l!ésotérisme
bouddhique (abhi!eka,20 ma"#ala,21 métaphore impériale de l!auto-
visualisation du myste en tant que Bouddha,22 mythe de la prédica-
tion du mantray$na,23 etc.) se présente comme une «internalisa-
tion24» et une «sacralisation25» de l!environnement politico-militai-

20
Par exemple: «the explicitly imperial significance of the abhi!eka» (DAVID-
SON 2002: 126).
21
Par exemple: «Ma"#alas are implicitly and explicitly articulations of a politi-
cal horizon in which the central Buddha acts as the R$j$dhir$ja in relation-
ship to the other figures of the ma"#ala. In their origin and evolution, reli-
gious ma"#alas represent a Buddhist attempt to sanctify existing public life
and recreate the meditator as the controlling personage in the disturbing
world of Indic feudal practice» (DAVIDSON 2002: 131); ou encore: «the iden-
tity of ma"#alas as articulations of the Buddhist response to the early medie-
val military and political situation» (DAVIDSON 2002: 133); «[i]ndeed, the
Buddhist ma"#ala is a classic analysis of the system of s$manta feudalism in
early medieval India» (DAVIDSON 2002: 139).
22
Par exemple: «the introduction and employment of self-visualization in the
tantras appear to stem from the consequences of the imperial model: a king
becomes divine when he is coronated and given dominion over a circle of
vassals (s"mantama#$ala)» (DAVIDSON 2002: 129).
23
Par exemple: «the most important factor in the consideration of these myths is
the recognition that they articulate a form of belligerence that is quintessen-
tially early medieval Indian. The narrative use of violence in the context of
Buddhist institutions allowed institutional esoterism to compete with %aivism,
to appeal to the worst instincts of the warlords of the medieval period and yet
to delimit the nature of approved violence» (DAVIDSON 2002: 152).
24
Par exemple: «Esoteric Buddhism ! directly reflects the internalization of
the medieval conceptual and social environment» (DAVIDSON 2002: 115);
«central aspects of esoteric Buddhism came to embody directly and unequi-
vocally the structure, aesthetics, and ideology of medieval Indian feudalism.
In short, esoteric Buddhism is the form of medieval Buddhism that interna-
lized, appropriated, reaffirmed, and rearranged the structures most closely
associated with the systems of power relations, ritual authentication, aesthe-
tics, gift-giving, clan associations, and sense of dominion that defined post-
Gupta Indian polities» (DAVIDSON 2002: 115); «internalization of fundamen-
tally non-Buddhist social models» (DAVIDSON 2002: 98); «esoteric Buddhism
as internalizing the political models of medieval India» (DAVIDSON 2002:
Avant-propos 17

re, l!ouvrage propose une histoire politique de l!ésotérisme boud-


dhique. Avec sa critique lucide de l!historiographie britannique et
indienne de la «early medieval India», ou du concept allogène de la
féodalité, DAVIDSON produit en outre une réflexion stimulante
quant aux présupposés ayant présidé/présidant à la périodisation de
l!Inde.
En ce qu!elle coordonne aux textes les données épigraphiques et
monumentales, l!histoire économique ou les déterminants socio-
politiques, l!étude de DAVIDSON défriche, «théorise» et applique le
modèle méthodologique socio-historique dont le chapitre initial de
mon introduction se voulait une esquisse. Je me satisfais d!obser-
ver que mes conclusions générales d!ordre historique et idéolo-
gique sont généralement corroborées, et ce sur une base autrement
mieux documentée, par les recherches de DAVIDSON.26 Que nos ap-
préciations respectives du courant «logico-épistémologique» diver-
gent fortement, ne change rien à l!affaire: plutôt que d!en faire une
critique philologique étroite, on saluera et méditera cette "uvre
comme une contribution méthodologique décisive aux études in-
diennes et bouddhiques.
*
L!un des termes figurant dans le titre de cette étude, «Écritures»,
appelle un certain nombre de remarques. «Écriture(s)» (ou son
équivalent anglais «scripture(s)») rend ici couramment le mot san-
skrit !gama (tib. lu"), mot par lequel le bouddhisme d!expression
sanskrite désigne la section la plus vénérable de son Canon (celle

160); noter aussi les expressions de «implicit political model of the Mantra-
y!na» (DAVIDSON 2002: 123), de «politization of Buddhism» (DAVIDSON
2002: 114), de «extension of the medieval milieu» (DAVIDSON 2002: 118), de
«accelerated engagement of monks in the ideology of the feudal universe»
(DAVIDSON 2002: 164), de «political environment providing the basic model
for esoterism» (DAVIDSON 2002: 166).
25
Par exemple: «sacralization of the socio-political environment, as it was seen
on the ground in seventh- to eighth-century India» (DAVIDSON 2002: 114).
26
Là où la chose me paraissait possible, j!ai cherché à incorporer les résultats
de DAVIDSON 2002 aux notes de ce chapitre introductif.
18 Avant-propos

des S!tra ou Sermons prêchés par le Bouddha), voire, collective-


ment et par extension, son Canon lui-même (et ce quels que soient
les textes individuels tenus pour canoniques par telle ou telle déno-
mination bouddhique, ou le degré de réalisation d!un Canon textu-
ellement arrêté). A l!époque de Dharmak"rti, la fixation de ces tex-
tes par écrit remonte, pour les bouddhistes, à plusieurs siècles déjà;
de plus, et parallèlement à son usage intrabouddhique comme un
nom propre désignant génériquement les textes autorisés, !gama
désigne également chez les docteurs bouddhistes (ne fût-ce que
provisoirement) les textes reconnus comme autorisés par les déno-
minations non bouddhiques concurrentes. Parmi ceux-ci figure en
premier lieu le Veda, que nonobstant d!importantes variations de
stratégie légitimatrice, Naiy#yika, Vai$e%ika et M"m#&saka tien-
nent unanimement pour autorisé en matière practico-sotériologi-
que. Or à l!époque de Dharmak"rti, le Veda n!a pas ou qu!excep-
tionnellement été fixé par écrit: jusqu!au 9e ou 10e siècle (avant le
témoignage de al-B"r!n" sur la rédaction ka$m"rienne), la transmis-
sion du Veda procède oralement, par prescription sinon par défini-
tion.27 Si orale qu!en soit la perpétuation, le Veda compte donc par-
mi les «Écritures». Or comme l!a fait remarquer W.A. GRAHAM,28
«etymologically speaking, "oral scripture! is a contradiction in
terms and "written scripture! a redondancy.» La contradiction
dans les termes est facile à lever.
Le mot sanskrit !gama ne comporte aucune connotation liée à
l!écrit (sanskrit LIKH); bien plutôt,29 «[d]as Wort #gama' bedeutet
zunächst "das Herankommen! und bezeichnet dann der Sache
nach die Überlieferung, die von Lehrer zu Schüler durch die Gene-
rationen auf uns gekommen ist und glaubwürdige Belehrung über
die Fragen des Daseins bietet, die nicht durch andere profane Er-
kenntnismittel (pram#(#ni) beantwortet werden können.» Pour les
groupes ou auteurs utilisant le terme " bouddhistes, jainistes, $i-

27
Voir BRONKHORST 2002: 798"802.
28
GRAHAM 1987: 134a.
29
OBERHAMMER 1974a: 17"18.
Avant-propos 19

vaïtes, adeptes du Yoga et Bhart!hari30 !, !gama n"a donc pas pour


critère un medium physique, mais, avant tout, une modalité de
transmission: le terme vise étymologiquement une catégorie de
textes dans leur qualité de nous être traditionnellement «provenus»
(!gata). De façon générale donc, !gama désigne les textes recon-
nus comme autorisés31 par une tradition/dénomination religieuse
donnée, quel qu"en soit le medium physique, dans une acception
qui coïncide largement avec l"usage moderne de «Écriture(s)»/
«scripture(s)».32 Dans leur sens générique, courant depuis le 19e

30
On doit à Bhart!hari (5e siècle, MBhD IV.7,16sq) l"une des plus anciennes
définitions de !gama: p!ramparye"a avacchinna upade#a !gama$ | #rutila-
k%a"a$ sm&tilak%a"a# ca |. «"gama ist [autoritative] Belehrung, die durch das
Vermitteltsein in einer Tradition bestimmt ist. Diese besteht einerseits in der
gehörten, andererseits in der erinnerten [Belehrung].» Traduction dans
OBERHAMMER/PRETS/PRANDSTETTER 1991: 117a. Pour différentes désigna-
tions concurrentes de l"Écriture en Inde ancienne, voir n. 30, pp. 76!77.
31
Je me permets, ici comme ailleurs dans mon introduction, d"utiliser «auto-
rité» en lieu et place de «validité épistémique», qui traduit le mot sanskrit
pr!m!"ya. Pr!m!"ya désigne la qualité d"être un pram!"a, une source/un
moyen de connaissance valide. En milieu logico-épistémologique bouddhi-
que, est connaissance valide (1) une connaissance fiable (avisa'v!din), la
fiabilité ayant pour critère, selon Dharmottara (740!800?), la capacité que
possède la connaissance incriminée de nous faire atteindre/obtenir (pr!pa"a-
#akti) l"objet (de la praxis humaine, prav&ttivi%aya) qu"elle indique (voir
KRASSER 1995: 247!249); (2) une connaissance révélant un objet jusque-là
inconnu (ajñ!t!rthaprak!#a[ka]). Comme l"a récemment montré KRASSER
(2001: 186!195), le premier critère a les faveurs du bouddhiste, alors que le
second est directement inspiré et adapté de la M#m"$s" (l"autorité du Boud-
dha se pouvant prouver soit à l"aune du premier critère, soit, face au M#m"$-
saka, à l"aune du second). Pour Dharmak#rti, le Bouddha est devenu (sembla-
ble à) une connaissance valide (pram!"abh(ta) en ce qu"il (i.e. sa parole) fait
atteindre/obtenir aux humains ordinaires le summum bonum (ni$#reyasa) au-
quel ils aspirent, et que sa prédication des Vérités Saintes révèle quelque
chose qui leur était inconnu (et inconnaissable), le Chemin dont il a fait lui-
même l"expérience (svad&%)a, PV II.145!146ab).
32
L"étymologie latine renvoie bien évidemment à l"écrit physique. Scriptura(e)
traduit régulièrement graphê, équivalent grec de l"hébreu ketav, et note l"é-
crit: lettre, inscription, décret ou texte sacré rédigé. L"emploi qui nous inté-
resse remonte à l"usage que firent de ces termes les auteurs païens, chrétiens
20 Avant-propos

siècle au moins, ces deux termes notent en effet l!ensemble des


textes religieux ou sapientiaux (oraux ou écrits) que signalent une
sacralité et une autorité particulières pour les communautés qui les
révèrent.33
*
La variété des thèmes abordés par Dharmak!rti, le haut vol constant
de son argumentation, les difficultés d!établissement du texte, in-
vitent l!exégète à la plus profonde humilité. Sur ce passage, il reste
beaucoup à dire, et beaucoup sans doute à mieux dire. Nombre de

et juifs en se référant à tel ou tel texte de la Bible hébraïque, de la Septante ou


de la Vulgate latine, et, pour les chrétiens, aux Évangiles ou aux Épîtres pau-
liniennes. Parallèlement à d!autres (litera[e]/gramma[ta], biblos, biblion,
etc.), ces termes tendent à être employés comme des noms propres désignant
les textes testamentaires autorisés, le pluriel désignant collectivement le tout.
Si l!usage générique de «Écriture(s)»/«scripture(s)» n!apparaît pas avant le
18e siècle (avec, selon GRAHAM [1987: 137a], la découverte européenne du
Veda ou des «Classiques» chinois), il trouve quelques préfigurations singu-
lières sous les plumes de Pierre le Vénérable (en 1156, l!hérésiologue distin-
gue sacra scriptura chrétienne et nefaria scriptura islamique, GRAHAM 1987:
136b) ou du Franciscain Guillaume de Ru[y]brouck (qui, en 1254 dans la ca-
pitale mongole, évoque les écritures nestoriennes par opposition aux écritures
mongoles/«kh"nesques», i.e. bouddhiques, GRAHAM 1987: 136b"137a). GRA-
a
HAM (1987: 137 ) attire également l!attention sur l!expression arabe ahl al-
kit!b, par laquelle l!islam désigne les communautés chrétienne et juive, mais
aussi, le cas échéant, mandéenne, mazdéenne ou (parfois) hindoue. En fran-
çais le mot «écriture(s)», attesté au sens de «écrit», «inscription» ou «art d!é-
crire» dès 1150 (escriture), n!apparaît semble-t-il que vers 1560 comme
«Écriture sainte» (voir REY et al. 1992: 659a).
33
GRAHAM voit dans «scripture» une catégorie fonctionnelle plutôt que litté-
raire, et discerne quatre traits caractéristiques des «scriptures» (1987: 140b"
142b): (1) la puissance (power) ressentie comme inhérente à la parole scriptu-
raire (caractères performatif, transformatif et parfois créationnel); (2) l!auto-
rité (surtout pour les textes servant de fondement à la légalité communautai-
re) et sacralité (notamment dans les interdits gouvernant la manipulation des
textes); (3) revendication d!unité/homogénéité quant à l!origine (ontologi-
que) et au message/contenu (consistance interne en dépit de la stratigraphie
historique) du texte scripturaire; (4) revendication d!antiquité (voire d!éter-
nité), d!origine supramondaine et de transmission fidèle du texte scripturaire.
Avant-propos 21

lignes me paraissent encore obscures, attendent de plus amples étu-


des sinon d!autres manuscrits. Si bref soit-il, le passage étudié n!a
au fond jamais cessé de me paraître océanique. Je me satisferais
d!avoir su attirer l!attention sur une préoccupation majeure du jeu-
ne Dharmak!rti, d!en avoir cartographié provisoirement les profon-
deurs et principaux récifs.
J!aimerais que cette étude ne déshonore pas trop toutes celles et
tous ceux qui m!ont apporté leur aide. Ma plus profonde gratitude
va d!abord à mes deux maîtres lausannois, les Professeurs Johan-
nes Bronkhorst et Tom J.F. Tillemans. Durant plus de dix ans, tous
deux ont guidé mes pas dans l!indianisme et les études bouddhi-
ques. Sans leur inestimable apport, rien de tout cela n!eût pu voir le
jour ou être seulement rêvé. J!ose espérer que le présent travail ne
le leur fera ni regretter ni discontinuer. Je dois de très vifs remer-
ciements au Professeur Ernst Steinkellner, de l!Institut für Kultur-
und Geistesgeschichte Asiens (Österreichische Akademie der Wis-
senschaften), qui m!a fait l!honneur de prendre part au jury de cette
thèse, et de bien plus que cela: peut-être n!aurais-je jamais achevé
ce travail sans l!émulation décisive qu!il me valut en publiant, dans
la série qu!il a longtemps dirigée, deux monographies bien person-
nelles. A Lausanne, j!ai pu compter sur le soutien et le précieux
conseil de plusieurs ami(e)s et collègues, au premier rang des-
quel(le)s Mme Pascale Hugon et M. T"ru Tomabechi. Parmi eux
figurent encore en bonne place les Professeurs Cristina Scherrer-
Schaub, Maya Burger et Jacques May, ainsi que Mmes Maria-Piera
Candotti et Danielle Feller, MM. Bogdan Diaconescu, Ry#sei
Keira, Nicolas Mirimanoff, François Obrist, Yves Ramseier et
François V"geli. Ailleurs ou de passage à Lausanne, d!autres en-
core m!ont prodigué leur aide, dont les Professeurs John Dunne,
Jan Houben, Kei Kataoka, Shinj" Kawasaki, Hideyo Ogawa,
Futoshi $mae et Helmut Tauscher, ainsi que Sara McClintock,
Annemarie Mertens, Chizuko Yoshimizu, Piotr Balcerowicz et
Tomoyuki Uno. A Vienne, j!ai contracté une dette presque inexpri-
mable envers mon savant collègue et ami Helmut Krasser. Lui
seul, s!il s!en souciait, saurait ce que je lui dois. Hors des études
indiennes, au bistrot, plusieurs amis ont contribué de façon décisi-
22 Avant-propos

ve à l!élaboration de mes idées, au premier rang desquels il me faut


bien sûr mentionner le fidèle et irremplaçable Didier Monay, mais
aussi MM. Pierre-Antoine Schorderet, Christian Eicher et feu Fré-
déric Yerly. A l!émulation décisive de M. Jacques Schouwey, mon
premier maître en philosophie, je dois mon impulsion initiale vers
les études philosophico-religieuses: cette thèse forme le lointain
écho de la confiance et de la liberté dont il m!honora jadis, à Saint-
Michel. Ce tableau serait très incomplet si je ne disais mon amour
et mon infinie gratitude à mon père Michel et à feu ma mère Hé-
lène, tragiquement décédée au printemps 2001, ainsi qu!à Mme
Françoise Genilloud. Enfin et dans un tout autre ordre de choses,
ma plus vive reconnaissance va à la Fondation Elisabet de Boer,
qui a financé mes publications précédentes et les cinq années de
mon enseignement auprès de la Faculté des Lettres de l!Université
de Lausanne. Elle me continue ses libéralités en couvrant aujour-
d'hui les frais de publication du présent ouvrage. Je dois enfin au
Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique et à l!Österrei-
chischer Fonds zur Förderung der Wissenschaftlichen Forschung
d!avoir pu apporter à Vienne la dernière main à ce travail.

Fribourg, le 6 mai 2003


Vienne, le 22 novembre 2006
Première partie

Introduction historique et doctrinale


Chapitre 1
Contexte historique et idéologique de la critique adressée à la
M!m"#s"

1.1. Chronologie de Dharmak!rti


1.1.1. De la vie de Dharmak!rti, on ne sait rien d!autre que ce qu!en
rapportent les historiens et hagiographes tibétains Bu ston (14e siè-
cle) et T"ran"tha (16"17e siècles).1 Leur situation ne diffère au
fond guère de la nôtre: dès l!origine, la représentation de l!#uvre
aura suggéré l!image de l!homme et de sa carrière. Stimulant
l!imagination, éveillant le souvenir des légendes ou le besoin d!en
créer, cette #uvre monumentale aura imposé, peut-être par son ari-
dité même, de rattacher l!édifice intellectuel aux biographies véhi-
culées par les traditions pieuses. Comme la majorité de ses pairs,
Dharmak!rti place en effet l!historien des idées philosophiques in-
diennes dans une situation herméneutique inconfortable: celui-ci se
trouve confronté à sept #uvres abstruses dont il ne peut, en toute
rigueur, rapporter le contenu à aucune donnée historique précise ou
fiable. Pour peu cependant qu!il se refuse à réprimer son imagina-
tion, l!exégète tire presque nécessairement des passages qu!il étu-
die un portrait intellectuel et parfois psychologique du philosophe.
A ce portrait suggéré appartiennent bien sûr des doctrines, des ar-
guments et des adversaires, mais aussi des préoccupations, des in-
quiétudes et des figures rhétoriques récurrentes. Pour instables
qu!ils soient, ces matériaux offrent à une imagination historique2

1
Voir OBERMILLER 1999: 152"155 et CHATTOPADHYAYA 1997: 228"240.
2
Selon l!expression de l!historien Peter BROWN (1985: 27), pour qui «la ten-
sion sans relâche entre science et imagination est le ressort principal du mé-
tier d!historien» (1985: 26). Dans ses recherches sur le culte des saints et des
reliques dans le monde méditerranéen tardo-antique, l!historien britannique
valorise le recours à l!«imagination» (1985: 13, 21, 26"27), à la «faculté de
curiosité imaginative» (1985: 12). Appelé à «saisir le sens» (1985: 26; «com-
26 Introduction

un tant soit peu documentée de rattacher tel segment de l!#uvre à


un contexte historique et idéologique, de le rapporter à de très hy-
pothétiques conditions générales de production.
1.1.2. Selon Bu ston, le maître naquit dans le royaume méridional
de C$%"ma&i.3 Selon T"ran"tha, «chacun sait» que Dharmak!rti
grandit à Trimalaya.4 Il serait donc né au sud de l!Inde. Si Bu ston
se borne à signaler les nombreux voyages du maître, T"ran"tha lui
prête une carrière bien remplie au Nord (ordination et formation
sous Dharmap"la, donc à N"land", invitation à débattre par les
moines de ladite «université», débats à Mathur", à V"r"&as!, etc.),
entrecoupée de séjours au Sud, et arrêtée par la mort au Kali'ga.
T"ran"tha voit en Dharmak!rti un contemporain du roi tibétain
Sro' btsan sgam po (mort vers 650), recoupant ainsi le consensus
(mou) des savants modernes: selon l!hypothèse de FRAUWALLNER,
Dharmak!rti aurait vécu entre 600 et 660.5 La conjecture repose sur
le fameux argumentum e silentio: Xuanzang (! "), qui voyage en
Inde et séjourne à N"land" entre 629 et 645, ne paraît pas connaître
Dharmak!rti; Yijing (# $), qui séjourne à N"land" entre 675 et
685, range Dharmak!rti au nombre des maîtres «récents» (sans
mention de lieu).6 L!hypothèse a été rejetée par LINDTNER et par

prendre», 1985,13, «interpréter», 1985: 13) de telle situation (1985: 26;


«phénomène», 1985: 12, «sujet», 1985: 13), l!historien «examine» (1985: 13)
les «modèles imaginatifs conflictuels» (1985: 13) transmis par sa propre tra-
dition scientifique, et qui déterminent sa «vision» (1985: 13) de la situation
incriminée. Pour BROWN, comprendre revient à mettre son imagination sur
«le chemin de l!école» (1985: 27), à «nourrir», «entraîner», «épurer et affi-
ner» (resp. 1985: 21, 26, 13) son imagination historique .
3
Identifié au pays Co(a par VIDYABHUSANA (1988: 303n. 4) et JOSHI 1987:
146.
4
Identifié à Tirumalai dans JOSHI 1987: 146, à Tirumalla dans STCHERBATSKY
1984: 34.
5
Voir FRAUWALLNER 1961: 137"139.
6
Voir TAKAKUSU 1998: 181. Parmi ces maîtres «récents», citons encore Sthi-
ramati, Gu&amati ou Dharmap"la, dont on s!accorde à reconnaître qu!ils vé-
curent au 6e siècle (Bh"[va]viveka/Bhavya appartiendrait à la période «mo-
yenne»). Notons toutefois que selon KATSURA (1985: 163"164), Xuanzang
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 27

KIMURA, qui placent Dharmak!rti entre 530"600 pour le premier,7


550"620 pour le second.8 Personne ne paraît toutefois disposé à

n!était peut-être pas sans connaître la logique de Dharmak!rti.


7
LINDTNER 1980: 29. LINDTNER (1980: 28"29) croit pouvoir attribuer deux
#uvres supplémentaires à Dharmak!rti, une Laukikapram!"apar#k$! et un
Tattvani$kar$a. Dans la Tattvasiddhi (pour les références, voir LINDTNER
1980: 34 et STEINKELLNER 1991b: 279"280), )"ntarak*ita mentionnerait et
citerait une Laukikapram!"apar#k$! nommément attribuée à Dharmak!rti
(LINDTNER 1980: 33"37). Dans sa réponse, STEINKELLNER (1991b) montre
que rien n!oblige à considérer «laukikapram!"apar#k$!» comme le titre
d!une #uvre, ni le passage faisant suite à «laukikapram!"apar#k$!y!m» com-
me une citation (il s!agirait plutôt d!une «paraphrase in general formulations
given by %!ntarak$ita with regard to a certain tenet of Dharmak#rti and Di-
gn!ga», 1991: 281; sur la question de l!attribution de la Tattvasiddhi à )"nta-
rak*ita, voir STEINKELLNER 1999b: 356"357). Dans MRP P343a, Bh"(va)vi-
veka/Bhavya cite quatre vers qu!il attribue nommément au Tattvani$kar$a de
Dharmak!rti; à Dharmak!rti, le docteur m!dhyamika attribue encore un autre
vers, très voisin de PV III.4, que Jñ"na+r!mitra (SS) 418,26"419,1) et d!au-
tres attribuent au Tattvani$kar$a. Si, comme le veut la tradition, Dharmak!rti
fut l!élève de Dharmap"la (530"561) et de ,+varasena (500"570 selon LINDT-
NER 1980: 32n. 24), et que Bh"(va)viveka/Bhavya cite son #uvre de jeunes-
se, le Tattvani$kar$a, c!est selon LINDTNER qu!il vécut entre 530 et 600,
comme Candrak!rti et Kum"rila (resp. LINDTNER 1992: 57 et 1980: 32"33).
Indépendamment de la question troublante du Tattvani$kar$a comme tel, la
pertinence de l!argument pour la chronologie de Dharmak!rti repose tout
entière sur l!authenticité du MRP (Bh"[va]viveka/Bhavya étant le plus ancien
des auteurs citant le Tattvani$kar$a). Or selon EJIMA (cité LINDTNER 1982:
182"183) et SEYFORT RUEGG (1990, et déjà 1981: 66), le MRP a toutes chan-
ces d!être dû à un auteur ultérieur, peut-être à un second Bhavya actif au 8e
siècle (auquel on devrait [les portions récentes de] la TJ).
8
KIMURA 1999: 213. La datation de KIMURA repose sur trois arguments. (1)
Selon son disciple indirect Huizhao (% &, T1832, vol. 43, 677c"678a),
Xuanzang aurait exposé oralement la théorie (dharmak!rtienne) de l!artha-
kriy!s!marthya (KIMURA 1999: 209"210). (2) Dharmap"la (que KIMURA
[1999: 211] date entre 550 et 620) mentionnerait nommément Dharmak!rti
dans son &lambanapar#k$!v'tti (T1625, vol. 31, 889c). (3) Subandhu se réfé-
rerait à Dharmak!rti dans sa V"s. (235,3, composée entre 612 et 625 selon
KIMURA 1999: 213). A ma connaissance, le premier argument n!a pas reçu
de critique à ce jour. En revanche, le deuxième a été critiqué en détail par
FUNAYAMA (2000: 1"6): selon ce dernier, rien ne permet d!affirmer que les
28 Introduction

assigner à Dharmak!rti un terminus a quo antérieur à Dharmap"la


(530"561), ni un terminus ad quem postérieur à Yijing.9 La période
visée paraît donc, pour l!activité de Dharmak!rti, 550"660, alors
que le lieu est inconnu. J!admettrai ici que Dharmak!rti naquit et
fut éduqué en pays Co(a dans une famille brahmanique, que la re-
nommée pan-asiatique de N"land" l!a attiré, comme Dharmap"la
avant lui, au Magadha, le tout entre 600 et 660. Je n!ai en effet à
présenter aucun élément ou argument nouveau quant aux dates et
au(x) lieu(x) d!activité du maître. Mais quelles qu!en aient été les
dates et les localisations, Dharmak!rti vit et #uvre durant la pério-
de qui s!étend de la dislocation consommée de l!empire gupta (dé-
but/milieu du 6e siècle) à la fin du règne de Har*avardhana (606"
647). Pour la moitié septentrionale de l!Inde, cette période politi-
quement agitée correspond à ce qu!on tient traditionnellement pour
les prémices d!un «déclin» du bouddhisme.10

caractères ' ( (fa3"cheng1) rendent bien le sanskrit dharma-k#rti; le con-


texte de la mention invite plutôt à comprendre, selon FUNAYAMA (2000: 4"
5), «mention of [its] property», une interprétation qui paraît effectivement
plus satisfaisante que la reconstruction [necchati] dharmak#rti( de KIMURA
(cité FUNAYAMA 2000: 4n. 17). Quant au troisième argument de KIMURA, il
n!est aucunement décisif à mes yeux. En dépit de l!interprétation du
commentateur )ivar"ma (V"s. 235,13), rien n!indique que Dharmak!rti (en
fait, selon KIMURA, «son» Buddhaparinirv!"astotra [voir STEINKELLNER
1973]) soit visé dans l!énoncé: buddhasa)gatim iva ala)k!rabh*$it!m ! v!-
savadatt!+ dadar,a.
9
Selon lequel Wuhang () *), qu!il a lui-même croisé, aurait étudié la logi-
que de Dharmak!rti à Tel"%haka (Til"ddha pour Yijing, Tila%haka chez
Xuanzang; sur ce nom, voir FUNAYAMA 2000: 10n. 56) à quelques encâblu-
res de N"land", où enseignait à l!époque le maître Jñ"nacandra (TAKAKUSU
1998: xlvi et 184n. 2). Notons que selon FUNAYAMA (2000: 7"11), la chrono-
logie de Dharmap"la doit être reconsidérée elle aussi (530"590?).
10
Le meilleur exposé de l!hypothèse du déclin me paraît JOSHI 1987: 298"327.
En l!état actuel de mes idées et connaissances, je préfère l!expression de
«précarisation» à celle de «déclin» (voir pp. 46"65). Dans la mesure du pos-
sible, toutes les dates produites ci-après sont tirées de THAPAR 1990.
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 29

1.2. L!hostilité orthodoxe au bouddhisme: Sm-ti et Pur"&a


1.2.1. Considérée sous l!angle de la politique et de l!attitude reli-
gieuses de ses dynastes, l!époque gupta (dès 319"320) peut se ca-
ractériser par trois éléments.11 (1) La plupart des souverains gupta
se présentent comme «paramabh!gavata», frappent des monnaies
à la double effigie de Garu%a et de Lak*m!; le sceau de Samudra-
gupta (335"375) figure Garu%a; Candragupta II (375"415) fait éri-
ger un pilier dhvaja, alors que Skandagupta (454"467) installe une
image de Vi*&u à Bhitar!, fait édifier un temple à Vi*&u Cakrabh-t,
se compare à K-*&a et à R"ma. Ces quelques témoignages mon-
trent que la dynastie incline majoritairement au vi*&uïsme bh!ga-
vata. (2) La dynastie consolide le recours à des symboles et rites
védiques liés au pouvoir royal. Deux souverains gupta au moins
marquent leur règne de l!exécution du sacrifice du cheval (a,vame-
dha). Samudragupta est réputé avoir restauré l!a,vamedha «depuis
longtemps désuet» (cirotsanna): des monnaies commémoratives fi-
gurent un cheval et le poteau sacrificiel (y*pa), avec la légende
«a,vamedhapar!krama(»; quant à Kum"ragupta I (415"454), il
s!affuble de l!épithète de «a,vamedhamahendra». (3) La politique
religieuse gupta trahit une tendance plutôt libérale. Leurs patrona-
ges sont multiples, sans préférence clairement affichée, sans dis-
tinction apparente entre «hétérodoxie» et «orthodoxie».12 Les dy-

11
Les trop rapides informations qui suivent sont principalement tirées de
NARAIN 1983: 34"44, GOKHALE 1983: 129"147 et TRIPATHI 1985: 236"267.
12
Par exemple: Samudragupta se dit ,!stratattv!rthabhart', fait don d!un villa-
ge à un brahmane; Kum"ragupta I donne un terrain à un brahmane s!ma-
vedin, autorise la vente de terrains à des familles brahmaniques afin qu!elles
y puissent pratiquer l!agnihotra et les pañcamah!yajña; Skandagupta offre
un terrain au brahmane Devavi*&u qui se vante de son assiduité aux hymnes
accompagnant l!agnihotra. Sous Kum"ragupta I et Skandagupta, on installe
des images de P"r+va et de cinq T!rtha#kara. Outre la légende qui lui prête
d!avoir confié l!éducation de son fils à Vasubandhu, Samudragupta aurait
autorisé, à la demande du roi singhalais Meghavar&a, la construction d!un
vih!ra destiné à héberger les pèlerins +r!la'kais à Gay". Le bouddhiste .mra-
k"rdava occupe de hautes fonctions militaires sous Candragupta II, et fait un
don en espèces à l!!ryasa)gha du monastère de K"kan"dabo/a; sous le règne
30 Introduction

nastes gupta ont en outre activement contribué à l!édification de


N"land" (que Faxian ' + ne connaît pas): si Kum"ragupta I
(414"455) paraît avoir fondé le monastère, ses successeurs directs,
Skandagupta (454"467), Puragupta (467"?), Narasi#hagupta (vers
470) et Budhagupta (475"495?) l!ont entretenu et agrandi de leurs
propres établissements durant tout le 5e siècle.13
1.2.2. Quoi qu!il en soit du «renouveau» de l!hindouisme que l!on
associe volontiers à l!époque gupta, on ne doit guère se fourvoyer
en suggérant que la période assiste à l!affirmation et/ou à la conso-
lidation d!un nouveau modèle de l!orthodoxie brahmanique, non
plus tant centré sur le Veda lui-même que sur un corpus prétendant
rendre les prescriptions védiques accessibles au plus grand nombre,
Sm-ti juridico-normatives et Pur"&a «historico-rituels». Dans ce
brahmanisme orthodoxe, on peut documenter une hostilité sans
doute croissante aux courants hétérodoxes; une tentative de s!en
protéger par diverses prescriptions éthico-comportementales; un
réseau de représentations plus ou moins stéréotypées relatives aux
pratiques et aux doctrines de ces courants;14 des inquiétudes millé-
naristes et le tranfert corrélatif d!attentes messianiques sur les em-
pereurs gupta.
Les Sm-ti où s!exprime l!idéal orthodoxe ne mentionnent à vrai
dire qu!assez rarement l!existence des groupes para- ou extravédi-
ques: elles édictent les normes d!une société brahmanocentrique au
moins virtuellement débarrassée de ses éléments hétérodoxes, arti-
culée sur l!état de vie domestique (g'hasth!,rama).15 Plusieurs dé-

de Kum"ragupta I, le bhik$u Buddhamitra fait don d!une image du Bouddha;


les Lokottarav"din érigent un st*pa et un vih!ra; on installe une image du
Bouddha )"st-. Sur les sources de ces informations, voir n. précédente.
13
Selon CHAULEY 2002: 5"6.
14
Thèmes de la nonne bouddhiste entremetteuse, du K"p"lika cruel, sangui-
naire et magicien, des moines bouddhistes moralement dégénérés, etc. Voir
généralement BLOOMFIELD 1924, et les passages cités ou discutés dans JOSHI
1987: 305"308, SENGUPTA 1985: 102"108, KHER 1979: 208"210.
15
Notons que ces textes interdisent formellement d!embrasser les états reli-
gieux/ascétique (v!naprastha°/sa+ny!s!,rama) sans avoir préalablement ho-
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 31

signations génériques signalent ces groupes: «hérétiques» (p!$a"-


-a/p!kha"-a/p!$a"-in), «nus» (nagna), «nihilistes»/«athéistes»
(n!stika).16 Ces désignations se disent plus ou moins indifférem-
ment de tous les courants (censément) hostiles à l!autorité du Veda,
aux prescriptions rituelles (domestiques ou solennelles) védiques, à
l!ordre des classes sociales et des états de vie (var"!,ramadhar-
ma), à l!autre monde (paraloka) et à Dieu (#,vara). Au premier
rang parmi ces groupes, les bouddhistes, les jainistes, les matéria-
listes et les K"p"lika; les sources pur"&iques y incluent encore di-
vers groupes +ivaïtes (Bhairava, P"+upata), vi*&uïtes (P"ñcar"tra),
ainsi que les K"pila ou les .j!vika.17
Le MBh déjà jugeait fort sévèrement les pseudo-érudits, sophistes
et autres marchands de science (pa"-itam!nin, prajñ!m!nin, hetu-
v!din, vidy!va"ij) qui situent la raison au-dessus de la révélation,
méprisent le Veda (vedanindaka), haïssent le Dharma (dharmavi-
dve$in), cherchent des fautes dans le )"stra (,!strado$!nudar,in),
professent la non-autorité des Veda (apr!m!"ya+ ved!n!m).18 La
MSm- place régulièrement sur le même plan nihilistes, contemp-
teurs du Veda, dialecticiens (tarkin/t!rkika) et hérétiques. Ainsi
«faut-il exclure le deux-fois-né qui, nihiliste contempteur du Veda,
déprécie les deux racines [du Dharma que sont la Révélation et la
Tradition] en se fondant sur la science de la logique (hetu,!s-

noré l"état domestique (sur ce point, voir MSm- VI.37 et VI.89). Sans sur-
prise, le ViPur (III.18.35"36) taxe de «nagna» les contrevenants à cette règle
(voir CHOUDHARY 1957: 242n. 7; sur l!épithète de «nagna», voir aussi n.
suivante).
16
Sur ces désignations, leur évolution et la question de la distinction entre
«hérésies orthodoxes» et «hérésies hétérodoxes», voir DONIGER O!FLAHERTY
1971: 272"282 et 1983: 109"115. La désignation de «nagna» (qui vise habi-
tuellement les jainistes), s!entend ici de tous ceux qui ont rejeté l!habit/armu-
re du Veda, tray#sa+vara"a ou svadharmakavaca (voir ViPur III.17.5"6 et
III.18.34"35; voir aussi DANDEKAR 1997: 146"148).
17
Sur les groupes visés par ces termes, voir DONIGER O!FLAHERTY 1971: 272"
276 et 1983: 114.
18
Voir SUTTON 2000: 32"33.
32 Introduction

tra).»19 On exhorte un brahmane à éviter soigneusement le nihili-


sme (n!stikya), le mépris du Veda (vedanind!) et le dédain des di-
vinités (devat!n!+ kutsanam), à s!interdire de résider dans un ro-
yaume où dominent les nihilistes, où règne un roi nihiliste pillant la
propriété des brahmanes.20
1.2.3. L!hostilité aux groupes professant l!hérésie s!exprime dans
un complexe de prescriptions coutumières prohibant tout contact
physique, visuel ou verbal. C!est ainsi qu!au témoignage de la
YSm-, de la M'cchaka.ik! et du ViPur, le simple regard porté sur
un bouddhiste est inauspicieux (même en rêve!), exige de pénibles
expiations;21 selon le B'hann!rad#yapur!"a, entrer dans la demeu-
re d!un bouddhiste est le pire des péchés pour un brahmane;22 selon
la MSm-, un brahmane doit s!abstenir de vivre à proximité de
groupes d!hérétiques (p!$a"-iga"a), refuser l!hospitalité aux héré-
tiques (p!$a"-in) et aux «sophistes» (haituka); selon la YSm-, on
prendra soin d!éviter les sceptiques et les hérétiques.23 Cette rhéto-
rique de la répulsion culmine dans le ViPur, dont l!orthodoxie s!ar-
ticule également sur les quatre états de vie (dont «il n!y a pas de
cinquième»24). Ici, l!impureté congénitale de l!hérétique tient
d!abord à la négligence des rites que suppose son état.25 La vue
(!lokana) d!un hérétique impose de fixer son regard sur le soleil

19
Selon MSm- II.11: yo !vamanyate te m*le hetu,!str!,ray!d dvija( | ! bahi$-
k!ryo n!stiko vedanindaka( ||.
20
Resp. MSm- IV.163, VIII.22, VIII.309; voir aussi MSm- III.150, 154 et 161.
Notons que la NSm- (I.158 et IV.180) prohibe aux hérétiques le témoignage
en justice.
21
Voir resp. YSm- I.271"272, JOSHI 1987: 311 et SENGUPTA 1985: 102.
22
Voir JOSHI 1987: 311.
23
Resp. MSm- IV.61, IV.30 et YSm- I.130.
24
ViPur III.18.36d: pañcamo nopapadyate. Le Nagna fauteur de pêché (p!pa-
k't) se définit également, dans ViPur III.18.37, comme un homme qui,
quittant la vie domestique (g!rhaspatya), ne devient ni ermite forestier (v!-
naprastha), ni renonçant itinérant (parivr!j).
25
Négligence et abandon des actes rituels obligatoires, des cérémonies aux
dieux, aux mânes, aux '$i et aux bh*ta (selon ViPur III.18.38"42).
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 33

(s*ryo nir#k$ya(); le contact avec lui nécessite une ablution tout ha-
billé (sp'$.e sn!na+ sacailasya). Le ViPur proscrit encore la con-
versation (sambh!$a"a, !l!pa), la civilité (anupra,n!), le contact
corporel (spar,ana), la cohabitation ou la commensalité, au risque
d!expiations majeures voire d!un séjour en enfer.26 Il conclut27:
«Ne fût-ce que par la parole, qu!on n!honore ni les hérétiques, ni
les impies, ni les imposteurs, ni les hypocrites, ni les sophistes, ni
les faux dévots. Quant au contact avec eux, même de loin, qu!on
[l!]évite, ainsi qu!avec les grands pécheurs, les hérétiques, les dé-
pravés: qu!on y renonce donc! Tels sont les Nagna que [je] t!ai ex-
pliqués [dans le récit de M"y"moha], dont la vue ruine les rites fu-
néraires, dont la conversation détruit [tout] le mérite d!un jour.»
C!est donc sur le modèle des relations de «castes» que l!orthodoxie
brahmanique construit l!identité socio-religieuse des groupes répu-
tés «extérieurs au Veda» (vedab!hya).28
L!hostilité au bouddhisme cristallise dans un deuxième motif, ré-
current dans les Pur"&a: le «mythe» de la vulnérabilisation des dé-
mons (asura, dait[e]ya, d!nava) suite à leur endoctrinement par
l!hérésie. Pour résumer à l!extrême et aplanir les nombreuses va-
riantes du mythe,29 disons que les dieux, vaincus ou intimidés par

26
Voir ViPur III.18.43"50 et 95"96.
27
ViPur III.18.100"102: p!$a"-ino vikarmasth!n vai-!lavratik!ñ cha.h!n |
haituk!n bakav'tt#+, ca v!)m!tre"!pi n!rcayet || d*ratas tais tu samparkas
tyajya, c!py atip!pibhi( | p!$a"-ibhir dur!c!rais tasm!t t!n parivrajayet ||
ete nagn!s tav!khy!t! d'$.!( ,r!ddhopagh!tak!( | ye$!+ sambh!$a"!t
pu+s!+ dinapu"ya+ prana,yati ||. ViPur III.18.100 = MSm- IV.30. Sur la
conduite des chats (vai-!la) et des hérons (baka), voir MSm- IV.195"196;
sur le récit de M"y"moha, qui fixe l!étiologie du Nagna dans le ViPur, voir
infra. Pour d!autres références à ce type de prescriptions, voir CHOUDHARY
1957: 244nn. 1"3.
28
L!attitude a ses contreparties bouddhiques: voir ELTSCHINGER 2000: 20"23.
29
Les principaux passages ont été résumés et analysés par DANDEKAR
(1997) et DONIGER O!FLAHERTY (1971: 306"315); voir aussi CHOUDHARY
1957: 240"243, KHER 1979: 211 et KLOSTERMAIER 1989: 55. DONIGER
O!FLAHERTY (1983: 116) dit le mythe du Bouddha comme avat!ra de Vi*&u
un «Gupta myth».
34 Introduction

les (pieux et védisants) démons, demandent l!aide de )iva, plus


souvent de Vi*&u, parfois de B-haspati. De son propre corps, Vi*&u
émet un M"y"puru*a que le ViPur appelle M"y"moha, un ascète
d!apparence jainiste qui n!hésite pas à se (re)vêtir de la robe rouge
des bouddhistes. A cette créature (et parfois à ses acolytes), Vi*&u
demande de semer l!hérésie et le désordre chez les démons (sou-
vent: à Tripura) de façon à les affaiblir. Pour ce faire, le M"y"puru-
*a (parfois Vi*&u lui-même) est invité à composer, en apabhra+,a,
un Traité de l"illusion (m!y!,!stra) ou Traité de l"erreur (moha-
,!stra) en 16'000 vers, qu!il prêchera aux démons dès l!ouverture
de l!âge Kali (kaliyuga).30 Ce Traité de l"erreur enseigne un cu-
rieux salmigondis de doctrines et de pratiques jainistes, bouddhis-
tes et matérialistes(/hédonistes).31
Dans la version du ViPur (III.18), M"y"moha se rend d!abord chez
les Daitya sous les traits d!un religieux jainiste vêtu de ciel (di-

30
Selon la version du )Pur (II.2.4.10"11), dont: m!y!maya+ ,!stra+ tat $o-a-
,asahasrakam | ,rautasm!rtaviruddha+ ca var"!,ramavivarjitam || apa-
bhra+,amaya+ ,!stra+ karmav!damaya+ tath! | racaya iti!
31
Par exemple (informations glânées dans les sources secondaires mentionnées
n. 29, p. 33): Sur un plan philosophique, le moha,!stra proclame l!éternité du
monde, l!absence de créateur et de création, la négation de l!autre monde,
l!inutilité de la compassion, le «relativisme» jainiste, l!idéalisme (vijñ!na-
v!da, < le monde est vijñ!namaya) et la doctrine de la vacuité (,*nyav!da, <
le monde est an!dh!ra) bouddhiques, la corruption universelle par les pas-
sions et la nescience. Sa doctrine cardinale est la non-violence (ahi+s!, seul
moyen de gagner le ciel et la délivrance, svarga et mok$a), qu!il appuie sur
une doctrine jainisante de la pan-animation, et qui le conduit à refuser les
rites védiques sanglants. Ce Traité ravale les dieux )iva, Vi*&u, Ga&e+a et
S$rya au rang de l!homme, proclame l!inutilité et l!abandon de la p*j!, prête
aux dieux une permanente ébriété. Quant aux brahmanes, ils ne méritent que
mépris, eux qui s!adonnent à la débauche, à l!alimentation carnée, et dont la
cupidité maintient les sacrifices et les rites funéraires. Ce moha,!stra a reçu
la sanction des Écritures bouddhiques, ne contredit pas le Veda (lequel, tom-
bé du ciel, irrationnel et source de tourments, doit céder le pas à la perception
et à la raison); il promeut encore la nudité, le renoncement au monde, les
mortifications (dont l!arrachage des cheveux), le contrôle des sens; enfin, il
refuse toute légitimité aux «castes», sur la base de l!argument «monogénéti-
que» (sur cet argument, voir ELTSCHINGER 2000: 52"55).
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 35

gambara), crâne rasé (mu"-a) et portant un plumeau de plumes de


paon (barhipicchadhara). Aux Démons affairés à de vertueuses
pénitences, M"y"moha prêche d!abord le relativisme jainiste (ane-
k!ntav!da); ses auditeurs embrassent cette religion (deviennent
.rhata) et répandent l!hérésie. Quant à ceux des Daitya qui ne se
sont pas encore écartés de la voie védique (vedam!rga), ils suc-
comberont au bouddhisme prêché par l!hérésiarque32: «Et s!étant
revêtu de rouge, maîtrisant [tous] ses sens, M"y"moha s!en fut
alors vers d!autres Asura et [leur] tint le discours doux, facile et
suave [que voici]: 0Si vous aspirez au ciel [ou] à l!extinction (nir-
v!"a), alors, ô Asura, assez de [ces] Lois corrompues [prescrivant]
notamment le meurtre du bétail, et écoutez [plutôt] ceci: compre-
nez que tout cela n!est que connaissance (vijñ!namaya), saisissez
ma parole[, une parole] proférée ici-bas en ces termes par de vrais
sages (samyagbudha); dénué de substrat (an!dh!ra), absorbé par
les objets d!une connaissance erronée (bhr!ntijñ!na), vicié par des

32
ViPur III.18.15"25 et 30: puna, ca rakt!mbaradh') m!y!moho jitendriya( |
any!n !h!sur!n gatv! m'dvalpamadhur!k$aram || svarg!rtha+ yadi vo
v!ñch! nirv!"!rtham ath!sur!( | tad ala+ pa,ugh!t!didu$.adharmair nibo-
dhata || vijñ!namayam evaitad a,e$am avagacchata | budhyadhva+ me vaca(
samyagbudhair* evam ihoditam || jagad etad an!dh!ra+ bhr!ntijñ!n!-
rthatatparam | r!g!didu$.am atyartha+ bhr!myate bhavasa)ka.e || m!y!-
moha( sa daitey!n dharmam aty!jayan nijam | n!n!prak!ravacana+ [c]a
te$!+ yuktiyojitam || tath! tath! tray#dharma+ tatyajus te yath! yath! | te !py
anye$!+ tathaivocur anyair anye tathodit!( || maitreya tatyajur dharma+
vedasm'tyudita+ param | any!n apy anyap!$a"-aprak!rair bahubhir dvija ||
daitey!n moh!y!m !sa m!y!moho !timohak't | svalpenaiva hi k!lena m!y!-
mohena te !sur!( || mohit!s tatyajus sarv!+ tray#m!rg!,rit!+ kath!m | kecid
vinind!+ ved!n!+ dev!n!m apare dvija || yajñakarmakal!pasya tath!nye ca
dvijanman!m | naitad yuktisaha+ v!kya+ hi+s! dharm!ya ce$yate || hav#+$y
analadagdh!ni phal!yety arbhakoditam | $ na hy !ptav!d! nabhaso nipa-
tanti mah!sur!( || yuktimad vacana+ gr!hya+ may!nyai, ca bhavadvi-
dhai( ||. Sur la doctrine idéaliste, voir aussi PPur S'$.i 13.361; sur la doctrine
m!dhyamika et bhr!ntijñ!n!rthatatpara, voir ibid., k. 362. Dans )Pur
II.5.5.35, le M"y"puru*a revendique que ses enseignements dérivent des
bauddh!gama, ceux-là mêmes que les habitants de Tripura admettent
consécutivement à sa prédication (II.5.6.28). *A lire comme un jeu de mots
sur samyaksambuddha?
36 Introduction

[passions] telles que la concupiscence (r!g!didu$.a), ce monde est


totalement égaré dans l!étroit défilé de l!existence (bhavasa)ka-
ta).% M"y"moha fit abandonner aux Daitya la Loi [qui leur était]
propre, et plus [il tint] à ces derniers [son] propos multiforme pétri
d!argumentation rationnelle (yuktiyojita), plus ils abandonnèrent la
Loi de la Triple [science védique]. A leur tour, ceux-ci parlèrent
ainsi à d!autres, [et] d!autres [encore] prêchèrent ainsi à d!autres,
[si bien,] ô Maitreya, [qu!]ils abandonnèrent la Loi suprême prê-
chée par le Veda et par la Tradition (sm'ti). [Ce] grand fauteur
d!erreur [qu!était] M"y"moha trompa d!autres Daitya encore, ô
deux-fois-né, par les formes multiples d!autres hérésies. C!est ainsi
qu!en très peu de temps, trompés [qu!ils étaient] par M"y"moha,
les Asura abandonnèrent tout discours fondé sur la voie de la Tri-
ple [science védique]: certains décrièrent les Veda, d!autres les
dieux, ô deux-fois-né, d!autres encore, de même, l!ensemble des
sacrifices et des rites, et les brahmanes: une telle parole ne résiste
pas à l!argumentation rationnelle (yuktisaha), et [c!est] enfantillage
[que de croire] que la violence [rituelle] mène au Dharma, que des
offrandes consumées par le feu mènent à un résultat $ [M"y"mo-
ha leur disait:] 0En effet, ô grands Asura, les paroles d!autorité
(!ptav!da) ne tombent pas des nuées: moi-même et vous autres de-
vons n!admettre de parole que rationnelle (yuktimad vacanam).%»
Dans chaque version du mythe, la ruse aboutit: les démons se
convertissent au moha°/m!y!,!stra, c!est-à-dire au jainisme, et/ou
au bouddhisme, et/ou au matérialisme hédoniste. Ce faisant, ils
abandonnent le Veda, les rites solennels (,rauta) et traditionnels
(sm!rta), la Loi des classes et des états de vie (var"!,ramadha-
rma); rejetant les dieux, méprisant les brahmanes, ils sombrent
dans l!immoralité (adultère et incontinence); pire peut-être, ils ne
croient plus qu!en ce qu!ils voient et infèrent.33 Vulnérabilisés, les
33
)Pur II.5.5.35 affirme que les bauddh!gama sont d'$.!rthapratyayakara.
Parmi les résultats de la prédication du moha,!stra, le )Pur II.5.5.49"54
mentionne encore la destruction des vedadharma (k. 49), des str#dharma (k.
50), des deva° et ,r!ddhadharma (k. 51), de la ,ivap*j! li)g!r!dhanap*rvik!
(k. 52), du vi$"us*ryaga"e,!dip*jana+ vidhip*rvakam (k. 52), de sn!na et
d!na (k. 53). En conclusion (k. 54): vedadharm!, ca ye kecit te sarve d*rata(
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 37

démons sont aisément vaincus. Le mythe est transparent: tout com-


me les pieux démons furent défaits en succombant à l!hérésie et au
nihilisme, la société brahmanique menace ruine si elle s!abandonne
aux doctrines et aux pratiques hérétiques, notamment au boud-
dhisme.
Ce mythe exploite en outre un fonds millénariste. Comme on l!a
vu, le )Pur place la prédication du moha°/m!y!,!stra à l!aube de
l!âge Kali (sur un mode prophétique, le Bh!gavatapur!"a déclare
qu!au début de l!âge Kali, Vi*&u s!incarnera en Bouddha afin d!a-
veugler les ennemis des dieux34). L!affabulation mythique semble
avoir reflété de très terrestres angoisses. Les Pur"&a se plaisent en
effet à répéter que les sages (vicak$a"a) ou magnanimes (mah!-
tman) doivent inférer de trois indices l!accroissement (v'ddhi) de
Kali: la disparition du Dharma, l!augmentation des hérétiques, la
disparition des hommes vertueux suivant la voie védique.35 Ces
mêmes Pur"&a prévoient que sous sa dernière manifestation histo-
rique, celle de Kalki(n), Vi*&u éradiquera l!hérésie, la souveraineté
des ,*dra, les Barbares. Ce motif messianique ne manque pas d!in-
térêt dans notre contexte. On a pu montrer que durant le 4e siècle,
les milieux paur!"ika attendent des souverains gupta qu!ils exter-
minent les hérétiques, les rois ,*dra et les mleccha: ces milieux au-
raient transféré sur les dynastes gupta (en particulier sur Candra-
gupta II Vikram"ditya) le mythe messianique de Kalki(n). Dans
ces récits, le roi Pramati/Pramiti extermine ces groupes hostiles à la
fin du Kaliyuga.36

k't!( |.
34
Voir DONIGER O!FLAHERTY 1971: 309.
35
Adapté de ViPur VI.1.44"46 (cité CHOUDHARY 1957: 235n. 1): yad! yad! hi
maitreya h!nir dharmasya lak$yate | tad! tad! kaler v'ddhir anumey! vica-
k$a"ai( || yad! yad! hi p!$a"-av'ddhir maitreya lak$yate | tad! tad! kaler
v'ddhir anumey! mah!tmabhi( || yad! yad! sat!+ h!nir vedam!rg!nus!-
ri"!m | tad! tad! kaler v'ddhir anumey! vicak$a"ai( ||. Autres références
dans CHOUDHARY, ibid. Le texte cité par CHOUDHARY porte, pour les deux
premiers ,loka, tad! tad! hi, métriquement incorrect.
36
Voir DONIGER O!FLAHERTY 1983: 117"127.
38 Introduction

1.2.4. Je me défends mal de l!idée que la politique religieuse des


Gupta dut rester bien en-deçà des attentes des milieux orthodoxes
dont l!idéologie s!exprime dans les Sm-ti et les Pur"&a. Certes,
l!éradication (combien provisoire) des derniers royaumes mleccha
()aka et Ku*"&a), le prestige revigoré de l!a,vamedha, voire l!a-
dhésion personnelle bh!gavata, ont pu susciter sympathie et satis-
faction dans l!orthodoxie. En revanche, la politique religieuse libé-
rale des Gupta a quelque chance d!y avoir semé l!exaspération et
frustré les plus messianiques attentes: la dynastie n!aura pas su
«restaurer» dans toute sa pureté l!ordre socio-religieux brahmano-
centrique que ces milieux appelaient de leurs v#ux.37

1.3. L!hostilité orthodoxe au bouddhisme: la M!m"#s" de Kum"rila


1.3.1. Durant la phase de décomposition de l!empire gupta, les
bouddhistes assistent à l!affirmation d!une expression plus radicale
encore de l!orthodoxie brahmanique, la M!m"#s". Au départ et
pour l!essentiel préoccupée d!herméneutique du rituel védique,
l!école élabore peu à peu, dès 500 en tout cas, l!inquiétante apolo-
gie védique qui en fera la renommée. Fondant d!un même élan
l!incréation (apauru$eyat!) du Veda et l!autorité des Sm-ti, l!école
se fait le héraut de la plus stricte orthodoxie, celle que défendent
les milieux brahmaniques demeurés attachés aux rites védiques.
Dans des conditions sociologiques difficiles à préciser, ces milieux
qu!on dit parfois «,rauta» composent avec ceux, «sm!rta», dont
l!orthodoxie et l!orthopraxie hindouistes s!alimentent aux Sm-ti et
surtout aux Pur"&a. Au 6e ou 7e siècle, le plus insigne représentant
37
Une situation analogue pourrait avoir prévalu sous Har*a, qui réactualisa la
politique religieuse gupta. De ligne dynastique +ivaïte et +ivaïte lui-même
(quoique peut-être tardivement converti au bouddhisme de sa s#ur), l!em-
pereur se signale par une politique égalitaire envers les diverses dénomina-
tions, et notamment par d!importantes donations à l!«université» bouddhique
de N"land". Au témoignage (dithyrambique, et sans doute pas désintéressé)
de Xuanzang, ce sont des brahmanes exaspérés qui fomentent l!assassinat
(déjoué) de Har*avardhana (si le témoignage est crédible, les assises mah"-
y"nistes convoquées par Har*a " où l!empereur accoutré en Brahm" se serait
prosterné devant une image colossale du Bouddha " suffiraient presque à ex-
pliquer le geste des brahmanes).
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 39

de la M!m"#s" est Kum"rila, l!intime adversaire de Dharmak!rti.


Ce fondamentaliste éprouve pour le bouddhisme une aversion aussi
viscérale que documentée, qui lui vaudra du reste de figurer en
bonne place parmi les persécuteurs légendaires du bouddhisme.38
Notons d!abord que Kum"rila connaît le mythe pur"&ique évoqué
plus haut39: «Il est de tradition dans les Pur"&a qu!à [l!âge] Kali,
des [sectes] telles que [celle] des bouddhistes causeront la ruine du
dharma: qui [donc] se permettrait-il d!écouter leur parole?» Ce
seul passage dit assez la continuité qui subsiste entre, d!un côté, le
dispositif hérésiologique des Sm-ti et des Pur"&a, et de l!autre,
l!orthodoxie restauratrice intransigeante qui s!exprime dans la M!-
m"#s" de Kum"rila. Rien là pour nous étonner: comme on va le
voir, Sm-ti et Pur"&a comptent au nombre des traités (,!stra) auto-
risés reconnus par Kum"rila. Enregistrons maintenant ce propos de
Kum"rila40: «Ou alors, en argumentant et en exhibant leur contra-
diction avec la Révélation, on montre [dans la présente section]
qu!on ne saurait [jamais] se fier[, en matière de dharma,] aux ex-
posés (nibandhana) de dharma et d!adharma que contiennent les

38
Kum"rila aurait incité Sudhanvan de Ujjayin! à persécuter le bouddhisme
(voir Gopin"th KAVIRAJ, dans JHA 1998: I.vi-vii). Dans le )V, Kum"rila cri-
tique en détail les doctrines philosophiques bouddhiques. Or quoique la cri-
tique y soit extrêmement acérée, elle ne déborde que rarement le cadre de
l!argumentation philosophique, et n!exprime guère d!aversion pour l!ordre
bouddhique ou ses pratiques. Parce qu!il s!y adresse à un public partielle-
ment différent, Kum"rila déverse tout son fiel dans le TV, que seul j!interro-
ge ci-après.
39
TV sous M!S$ I.iii.7/II.123,24"25: smaryante ca pur!"e$u dharmaviplutihe-
tava( | kalau ,!ky!dayas te$!+ ko v!kya+ ,rotum arhati ||.
40
TV sous M!S$ I.iii.4/II.112,17"24: yad v! y!ny et!ni tray#vidbhir na parig'-
h#t!ni ! lokopasa)grahal!bhap*j!khy!tiprayojanapar!"i tray#vipar#t!sam-
baddhad'$.a,obh!dipratyak$!num!nopam!n!rth!pattipr!yayuktim*lopani-
baddh!ni s!)khyayogap!ñcar!trap!,upata,!kyagranthaparig'h#tadharm!-
dharmanibandhan!ni vi$acikits!va,#kara"occ!.anonm!dan!disamarthakati-
payamantrau$adhik!d!citkasiddhinidar,anabalena ahi+s!satyavacanadama-
d!naday!di,rutism'tisa+v!distok!rthagandhav!sitaj#vik!pr!y!rth!ntaropa-
de,#ni ! te$!m eva etacchrutivirodhahetudar,an!bhy!m anapek$a"#yatva+
pratip!dyate |.
40 Introduction

#uvres s!)khya, yoga, p!ñcar!tra, p!,upata et bouddhistes, [et]


que n!acceptent [en aucun cas] les experts de la Triple (tray#vid)
[science védique; ces exposés, en effet, sont tout entiers] occupés à
des fins de prosélytisme (lokopasa)graha), de gain, d!honneur et
de renommée; s!enracinent dans des [motivations] empiriques con-
traires et non liées à la Triple [science védique], dans l!éclat [per-
sonnel] notamment, ainsi que dans une argumentation rationnelle
qui fait la part belle à la perception, à l!inférence, à l!analogie et à
la présomption; [enfin, tout] en exhibant [bien haut] la réussite oc-
casionnelle de quelques formules et potions capables de remédier
au poison, de subjuguer, d!expulser et d!aliéner [autrui], ils profes-
sent divers articles axés sur la [pure] subsistance[, mais] parfumés
par l!odeur de quelques [rares] points corroborant Révélation et
Tradition, tels que non-violence, véracité, [auto-]discipline, don et
compassion.» Ce passage présente un intérêt majeur. (1) Kum"rila
y vise et «décrit» les dénominations mêmes que Sm-ti et Pur"&a
rangeaient sous la désignation générique de p!$a"-a ou «héréti-
ques» (ailleurs, Kum"rila porte également les jainistes à sa liste des
groupes extravédiques41). (2) Comme les littératures orthodoxes
dont on a décrit l!hostilité à l!«hérésie» bouddhique, notre passage
associe ces dénominations sectaires à la ratiocination sinon à la «li-
bre-pensée»: les textes orthodoxes témoignent une aversion unani-
me à ces raisonneurs (haituka, hetuv!din, tarkin, t!rkika, etc.) qui
demanderaient aux facultés humaines ordinaires, plutôt qu!à l!au-
torité révélée ou transmise, de définir les normes de l!agir humain.
Ailleurs, Kum"rila décrit encore les bouddhistes comme «croyant
en la dialectique» (tarkam!nin) et comme «dialecticiens extérieurs
(au Veda)» (b!hyat!rkika).42 (3) Comme les mythes apocalyptico-
messianiques des Pur"&a, ce passage critique encore la vile séduc-
tion exercée par ces groupes hétérodoxes; il montre en toute clarté
que ce prosélytisme passe par une auto-affiliation de pure rhétori-
que au Veda et aux normes censées en dériver. (4) Les pratiques

41
Voir TV sous M!S$ I.iii.11/II.164,9.
42
Voir TV sous M!S$ I.iii.12/II.162,24 et II.166,7. Voir aussi TV sous M!S$
I.iii.27/II.218,3"4, 223,24"25 et 240,17.
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 41

prêtées à ces groupes recoupent celles que prêche le moha,!stra


des Pur"&a, au premier rang desquelles la non-violence.
1.3.2 Dans un autre passage, Kum"rila explicite l!angoisse qu!ins-
pirait aux Pur"&a la diffusion de l!hérésie43: «Si l!on ne posait pas
sans ménagement que les [codes de ces hérétiques] ne font pas au-
torité, d!autres [encore], estimant strictement impossible [pareil dé-
faut d!autorité], partageraient leur doctrine, ou embrasseraient l!er-
reur d!abandonner la violence à la victime animale que recomman-
de (ukta) le sacrifice, etc., en vertu de [leur] éclat, de [leur] facilité,
de [leur] argumentation (het*kti) ou de l!âge Kali [dans lequel nous
évoluons]. Ou bien, faute de différence quant au fait d!avoir été
composés par des brahmanes ou par des k$atriya, même des [gens]
avisés s!appuyeraient sur le fait que [ces codes] s!enracinent dans
la Révélation au même titre que celui de Manu, etc., et considére-
raient [ce qu!ils prescrivent comme] une simple option par rapport
aux [articles] que prescrit la Révélation. Donc même si l!on trou-
vait une Sm-ti contradictoire énoncée par un [législateur] tel que
Manu, c!est à ce [qu!enjoignent ces codes hérétiques] qu!on adhé-
rera ici. [Or] tant qu!on n!aura pas [dûment] réfuté tous ceux qui
contredisent la voie [bien] établie de la Triple [science védique], on
n!obtiendra pas la pureté du dharma.» Ce passage témoigne de ce
que la réfutation de l!«hérésie» bouddhique n!a d!autre objectif que
d!en enrayer la progression, d!en miner le prestige, de restaurer
l!ordre védico-orthodoxe dans toute sa pureté. S!y mêlent le thème
de l!hérésie comme syndrome dominant de l!âge Kali, l!obsession
du «rationalisme» bouddhique et de la séduction qu!il exercerait, le

43
TV sous M!S$ I.iii.4/II.113,1"10: yadi ! an!dare"ai$!+ na kalpyet!pram!-
"at! | a,akyaiveti matv! !nye bhaveyu( samad'$.aya( || ,obhasaukaryahet*-
ktikalik!lava,ena v! | yajñoktapa,uhi+s!dity!gabhr!ntim av!pnuyu( || br!h-
ma"ak$atriyapra"#tatv!vi,e$e"a v! m!nav!divad eva ,rutim*latvam !,ritya
sacetaso !pi ,rutivihitai( saha vikalpam eva pratipadyeran | tena yady api la-
bhyeta sm'ti( k!cid virodhin# | manv!dyukt! tath!py asminn etad* evopayu-
jyate || tray#m!rgasya siddhasya ye hy atyantavirodhina( | anir!k'tya t!n
sarv!n dharma,uddhir na labhyate ||. *La valeur des démonstratifs asminn
etad ne m!est pas claire.
42 Introduction

souci de défendre la violence rituelle contre les assauts hétérodo-


xes.
Endiguer l!hérésie, restaurer la pureté de l!ordre socio-religieux,
passent chez Kum"rila par le déni de toute autorité aux Écritures
bouddhiques44: «Exception faite de quelques paroles [enjoignant à]
l![auto]discipline, au don, etc., toutes les paroles d![hérétiques] tels
que les bouddhistes contredisent l!ensemble des quatorze sciences,
et ont été proférées par des [hommes qui,] tel le Bouddha, hono-
raient des pratiques contredisant [celles] qui dérivent de la Triple
[science védique]. Étant donné que [ces paroles] ont été confiées à
des hébétés extérieurs à la Triple [science védique et] majoritaire-
ment constitués de [membres de] la quatrième classe [sociale, celle
des ,*dra], il est impossible qu![elles] s!enracinent dans le Veda.»
Ailleurs, Kum"rila précise quels sont les traités que leur enracine-
ment védique45 autorise en matière de dharma46: «Les quatorze ou
dix-huit sciences (vidy!sth!na) que les clercs acceptent comme
sources de connaissance du dharma sont strictement limitées en
nombre, et ont pour noms 0Veda%, 0Veda auxiliaires%, 0Membres
[du Veda]%, 0Membres auxiliaires [du Veda]%, 0Collections sur le
dharma% (au nombre de dix-huit), 0Pur"&a%, 0Phonétiques recen-
sionnelles% et 0Politique [princière]%. Or les #uvres des bouddhis-
tes et des jainistes ne sont ni traditionnellement reconnues ni com-
prises parmi ces [sciences].» Parce que leurs prescriptions corrobo-

44
TV sous M!S$ I.iii.4/II.113,22"114,1: ,!ky!divacan!ni ! katipayadamad!-
n!divacanavarja+ sarv!"y eva samastacaturda,avidy!sth!naviruddh!ni tra-
y#m!rgavyutthitaviruddh!cara"ai, ca buddh!dibhi( pra"#t!ni | tray#b!hye-
bhya, caturthavar"aniravasitapr!yebhyo vy!m*-hebhya( samarpit!ni iti na
vedam*latvena sambh!vyante |.
45
Selon par exemple TV sous M!S$ I.iii.7/II.123,18"19: tasm!d y!ny eva
,!str!"i vedam*l!natikram!t | avasthit!ni tair eva jñ!to dharma( phalapra-
da( ||. «Est porteur de résultats le dharma qu!on connaît par les seuls ,!stra
établis pour ne pas déroger à l!enracinement védique.»
46
Adapté de TV sous M!S$ I.iii.7/II.122,2"5: parimit!ny eva hi caturda,a
a$.!da,a v! vidy!sth!n!ni dharmapram!"atvena ,i$.ai( parig'h#t!ni vedopa-
ved!)gop!)g!$.!da,adharmasa+hit!pur!"a,!kh!,ik$!da"-an#tisa+jñak!ni |
na ca te$!+ madhye bauddh!rhat!digranth!( sm't! g'h#t! v! |.
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 43

rent le Veda, Sm-ti juridiques et Pur"&a comptent donc au nombre


des sources autorisées à dispenser une connaissance du dharma.
Selon Kum"rila, les bouddhistes ne peuvent autoriser leurs Écritu-
res en postulant à leur source une recension védique perdue (utsan-
na,!kh!). En rapportant nommément leur «Canon» à l!autorité au-
tonome de leur fondateur historique, ils désavouent cette affiliation
et refusent toute permanence à leur corpus. Comme si la chose ne
suffisait pas, l!aristocrate Bouddha n!a nullement hésité " par com-
passion disent ses sectateurs " à transgresser ses devoirs de classe,
à empiéter sur les prérogatives des brahmanes, en prêchant sa vile
Loi. Le fait disqualifie en lui-même l!enseignement bouddhique à
dispenser une connaissance du dharma. Mais en édifiant et hono-
rant des reliquaires ou en donnant aux ,*dra, les bouddhistes se
rendent encore coupables de pratiques contraires aux injonctions
révélées.47 Leurs Sm-ti ne peuvent donc se prévaloir d!aucune au-
torité. Loin de tout enracinement védique, la prédication bouddhi-
que n!a de motivation que l!avarice (lobha), de biais qu!un entre-
lacs d!arguties logiques (hetuj!la) privées de tout rapport avec le
dharma. La conclusion s!impose donc48: «Et ce sont eux qu!on

47
Autre description des pratiques bouddhiques, dans TV sous M!S$
I.iii.7/II.121,23"122,1: construire des monastères, des parcs de plaisance, des
ma"-ala, pratiquer le dépassionnement et les transes, faire profession de non-
violence envers les êtres, de véracité, d!autodiscipline, de don et de compas-
sion (vih!r!r!mama"-alakara"avair!gyadhy!n!bhy!s!hi+s!satyavacana-
damad!naday!di). Noter aussi (dans le contexte de !tmatu$.i, le quatrième
dharmam*la/dharmapram!"a reconnu par MSm- II.6), TV sous M!S$
I.iii.7/II.125,18"19 et 21"22: kasyacij j!yate tu$.ir a,ubhe !pi karma"i | ,!-
kyasyeva kuhet*ktivedabr!hma"ad*$a"e || pa,uhi+s!disambandhe yajñe tu-
$yanti hi dvij!( | tebhya eva yajñebhya( ,!ky!( krudhyanti p#-it!( ||. «[Tel]
acte pourtant mauvais suscite la satisfaction [intérieure] d!une [personne]
donnée, comme la critique du Veda et des brahmanes par l!énoncé de piètres
arguments [suscite la satisfaction intérieure] d!un bouddhiste; les deux-fois-
nés éprouvent de la satisfaction [intérieure] à [tel] sacrifice impliquant une
violence à la victime animale, alors que les bouddhistes, blessés, s!offusquent
de ces mêmes sacrifices.»
48
TV sous M!S$ I.iii.4/II.114,26"115,10: eta eva ca te ye$!+ v!)m!tre"!pi
n!rcanam | p!$a"-ino vikarmasth! haituk!, caita eva hi || etad#y! granth!
44 Introduction

n!honorera pas, fût-ce par la seule parole, car ce sont eux [que la
tradition de Manu ou des Pur"&a a décrits comme] des hérétiques,

eva ca manv!dibhi( parih!ryatvena ukt!( | y! vedab!hy!( sm'tayo y!, ca


k!,cit kud'$.aya( | sarv!s t! ni$phal!( prokt!s tamoni$.h! hi t!( sm't!( ||
tasm!d dharma+ prati tray#b!hyam eva+j!t#yaka+ pr!m!"yena anapek$ya+
sy!d iti siddham |. La première strophe de ce passage est directement inspirée
de MSm- IV.30 = ViPur III.18.100. (1) Ses ,!stra se voyant ainsi dénier la
qualité de Sm-ti, le bouddhiste pourrait s!autoriser de l!un de ses textes les
plus fameux (AN I.286), et tenir ses Écritures permanentes pour semblables à
une recension védique (veda,!kh!sam!na): «Des [hérétiques] tels que les
bouddhistes s!expriment en ces termes: 0Que les [Bouddha] Tath"gata appa-
raissent ou non [dans le monde, l!ordre des choses qu!exprime leur Dharma
demeure inchangé]; voici donc acquise la permanence du Dharma [bouddhi-
que].%» (D!après TV sous M!S$ I.iii.11/II.156,18"19: ,!ky!dayo "pi hy eva+
vadanty eva | yath! utp!d!d v! tath!gat!n!m anutp!d!d v! sthit! iya+ dhar-
manityat! iti |. Voir en général TV sous M!S$ I.iii.11/II.156,16"23.) Buddha-
,!stra ou ,!kyagrantha seraient donc non pas Sm-ti, mais Veda! (2) Le
bouddhiste pourrait en outre appliquer à ses propres Écritures l!argumentaire
par lequel le M!m"#saka établit l!incréation et la permanence du Veda (sur
ce point, voir TV sous M!S$ I.iii.11/II.161,21"162,11; parmi ces arguments,
ceux surtout qui s!organisent autour de la doctrine de svata(pr!m!"ya [voir
chapitre 3] et du non-souvenir d!un auteur [voir chapitre 4]). Cette rhétorique
insensée (v!coyuktir anarthik!), le bouddhiste ne la développerait qu!à des
fins prosélytes, terrifié (trasta) par le M!m"#saka, l!esprit vide (,*nyaceta-
nam), singeant effrontément (tyaktalajjam) une preuve qui ne lui appartient
pas (voir en général TV sous M!S$ I.iii.11/II.162,12"163,10). Mais en affir-
mant ainsi la permanence de ses Écritures pour embrasser le vedasiddh!nta,
le bouddhiste abandonne ipso facto la doctrine instantanéiste qu!il éprouve
tant de peine à établir, et devient du même coup la risée du monde (loko-
pah!sa; voir en général TV sous M!S$ I.iii.11/II.163,12"164,8). (3) Compo-
sées en apabhra+,a (m!gadha et d!k$i"!tya), les Écritures bouddhiques (et
jainistes) fourmillent en outre de mots corrompus (as!dhu,abda, apabhra-
$.a): ce seul fait leur interdit toute prétention à la qualité de ,!stra, à la vérité
et à l!éternité (une Écriture incréée s!exprimant nécessairement en sanskrit).
En revanche, la simple forme des 'c, yajus et s!man védiques suffit à con-
vaincre tout récitateur (adhy!payit' et adhyet') de l!incréation du Veda.
Toute la gloire (ya,as) qui échoit au M!m"#saka lui vient de ce qu!il a dé-
montré par des arguments cette incréation déjà intuitivement évidente (sva-
sa+vedya; voir en général TV sous M!S$ I.iii.11/II.164,9"166,24, et la con-
clusion relative au ferme souvenir d!un auteur des Écritures bouddhiques
[kart'smara"ad!r-hya], loc. cit. lignes 166,25"26).
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 45

des impies et des sophistes. Et ce sont leurs #uvres [à eux] que des
[législateurs] tels que Manu ont déclarées devoir être écartées. Ont
été déclarées stériles toutes les Sm-ti extérieures au Veda et celles
qui contiennent des vues fausses, car il est de tradition qu!elles re-
posent sur la ténèbre [de l!ignorance]. Il est donc établi qu!on ne
saurait [en aucun cas] recourir, en tant que source de connaissance
eu égard au dharma, à un [code] aussi extérieur à la Triple [science
védique].»
1.3.3. Le M!m"#saka tire sa (peut-être réelle) gloire d!avoir fondé
en raison l!incréation du Veda, qui sous-tend tout l!édifice apolo-
gétique et hérésiologique de l!école. Les Sm-ti et les Pur"&a ne
sont sources autorisées de connaissance du dharma que parce
qu!ils corroborent une révélation incréée, seule inscrite dans l"or-
dre même des choses. Or ces sources ne se contentent pas de fixer
les normes d!une société brahmanocentrique idéale; elles témoi-
gnent encore une nette et constante hostilité envers l!hérésie en gé-
néral, et le bouddhisme en particulier. Aux revendications de l!or-
thodoxie brahmanique, la M!m"#s" offre donc une fondation dans
la réalité. En d!autres termes, la M!m"#s" délégitime autant qu!il
est possible l!existence même des courants hétérodoxes, et fonde
en raison l!hostilité que leur témoignent les milieux sociaux dont
les aspirations s!expriment dans les Sm-ti et les Pur"&a. Avec la
doctrine de l!incréation, le bouddhiste assiste en quelque sorte à la
naturalisation de la source d!autorité qui l!exclut de l!ordre socio-
religieux.
1.3.4. L!orthodoxie brahmanique a vainement attendu des dynastes
gupta qu!ils rétablissent un ordre socio-religieux débarrassé des
«hérésies» qui le minent. Des inquiétudes millénaristes cristallisent
dans le mythe de l!avènement du M"y"puru*a et de son moha-
,!stra durant le Kaliyuga; le mythe est intimement lié aux attentes
messianiques qui s!expriment dans le motif de l!extirpation finale
de l!hérésie par Kalki(n). Cette orthodoxie développe, à l!endroit
des courants hétérodoxes et du bouddhisme en particulier, une rhé-
torique et des pratiques modelées sur les interdits gouvernant les
rapports de «castes». Cette stratégie défensive de type hygiénique
46 Introduction

est relayée, dans un registre plus léger mais non moins défensif,
par l!émergence de stéréotypes littéraires caricaturant la figure de
l!hérétique. L!époque est encore à l!affirmation, dans les milieux
brahmaniques les plus attachés au rite védique, de la M!m"#s".
L!école élabore une doctrine apologétique sur laquelle elle entend
appuyer l!ordre socio-religieux prescrit par les Sm-ti et les Pur"&a:
relayée par la norme de l!enracinement védique des Sm-ti, la doc-
trine de l!incréation du Veda réduit les apasm'ti et leurs prescrip-
tions «hétéropraxes» à de nocives excroissances. Idéologie domi-
nante du temps, ce complexe de motifs orthodoxes et d!inclination
hérésiologique a pu contribuer à raréfier les soutiens laïcs au bou-
ddhisme, à confiner " si tel n!était pas déjà le cas " la communauté
à ses monastères.49

1.4. Précarisation et concentration des institutions bouddhiques


1.4.1. Lorsque l!empire gupta s!effrite, au tournant des 5e et 6e siè-
cles, de profondes mutations semblent affecter l!existence des
communautés bouddhiques.50 Deux types de facteurs paraissent
49
Voir à ce sujet les remarques de JOSHI (1987: 382"383).
50
DAVIDSON (2002: 75"112) identifie six traits/modalités spécifiques de la
«medieval Buddhist experience». (1: voir DAVIDSON 2002: 77"83) Une éro-
sion des patronages due à la déstabilisation des guildes et au passage graduel
des ressources économiques au secteur politique (voir n. 63, p. 51). (2) La
recherche consécutive de nouvelles stratégies de patronage, où la non-négo-
tiabilité de plusieurs normes éthico-comportementales bouddhiques («égali-
tarisme», «non-violence», compassion, etc.) suscite une tension entre éthique
bouddhique d!un côté, morale et esthétique princières de l!autre; la séduction
exercée sur les princes par les valeurs +ivaïtes, lesquelles paraissaient mieux
à même de légitimer l!érotisation et la «bellicisation» contemporaines de la
royauté; la concurrence exercée par les rites consécratoires pur"&iques. (3:
voir DAVIDSON 2002: 91"98) Un déclin spectaculaire de la participation des
femmes " nonnes et laïques " au bouddhisme, dû à des concessions boud-
dhiques aux exigences du var"!,ramadharma. (4: voir DAVIDSON 2002: 99"
102) L!affirmation d!un scepticisme (le Madhyamaka) trahissant " comme le
tournant épistémologique " l!érosion d!un agenda intellectuel indépendant,
médiatisé par un vocabulaire technique propre, et capable de poser «a Bud-
dhist address of reality» (DAVIDSON 2002: 99); l!affirmation du scepticisme
entraînerait une «non-foundational practice» (DAVIDSON 2002: 102) mena-
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 47

agir de l!extérieur sur la culture bouddhique: idéologiques d!un


côté, on l!a vu, avec la construction et l!affirmation d!une orthodo-
xie hostile au bouddhisme; politico-économiques de l!autre, à la
faveur d!une recomposition générale des pouvoirs dans l!Inde du
nord.51 Les rapports qu!entretiennent ces deux faisceaux sont en
l!état difficiles à documenter.

çant la communauté bouddhique de relâchement moral et de laxisme discipli-


naire. (5: voir DAVIDSON 2002: 102"105) Un tournant épistémologique vo-
yant les intellectuels bouddhistes s!approprier des catégories et des standards
d!auto-affirmation non bouddhistes, panindiens (voir pp. 57"65). (6: voir
DAVIDSON 2002: 105"111) L!émergence d!un nouveau type d!institution
bouddhique, le mah!vih!ra (voir n. 87, pp. 55"56).
51
Dans une version antérieure de ce chapitre, je prêtais au «vandalisme heph-
talite» une incidence directe et déterminante sur les conditions générales
d!existence du bouddhisme au sortir de l!époque gupta. Je tentais d!expliquer
ainsi, et d!un même élan, la description que fit Xuanzang des institutions
bouddhiques gandh"riennes, un reflux des communautés censément persé-
cutées vers la plaine moyenne du Gange (avec BAREAU 1955: 39), et le phé-
nomène de concentration monastique consécutif à cet événement. L!hypo-
thèse me parut rapidement pécher par son romantisme et son déficit explica-
tif; le scepticisme de plusieurs auteurs et, surtout, la percutante étude de
Shoshin KUWAYAMA (1989), m!ont depuis lors convaincu de ranger le «van-
dalisme hephtalite», du moins dans son caractère systématique, au nombre
des mythes historiographiques. KUWAYAMA montre en toute clarté que cette
«illusion» (1989: 97) repose sur une interprétation imprécise des principales
sources chinoises (le Luoyang Qielanji , - . / 0 rapportant le récit de
Songyun [1 2], les biographies de Narendraya+as, le récit de Xuanzang, les
#uvres bouddhiques de tendance millénariste) et épigraphiques (rien ne
prouverait que les h*"a des inscriptions indiennes doivent être identifiés aux
Hephtalites dominant la Bactriane et le Gandh"ra). Selon l!historien japonais,
plusieurs institutions bouddhiques du Gandh"ra et de l!U%%y"na restent pros-
pères entre 510 et 550, soit au plus fort de la domination hephtalite sur ces
régions. Ce n!est donc pas aux seuls «Huns blancs» qu!il faut attribuer la dé-
saffection constatée par Xuanzang vers 630"635. Quoique souscrivant à la
thèse du «vandalisme», THAKUR (1981: 307"313) propose une interprétation
économique intéressante des prétendus forfaits hephtalites, tant au Gandh"ra
que dans le bassin médio-gangétique et dans le Magadha. Sur la recompo-
sition générale du paysage politique sur les décombres de l!empire gupta,
voir THAPAR 2002: 282"289, et DAVIDSON 2002: 30"42.
48 Introduction

1.4.2. Des origines à la fin de l!époque ku*"&a, l!établissement et la


diffusion des institutions bouddhiques épousent le tracé des voies
commerciales et les centres de pouvoir politique;52 l!implantation
des sites monastiques bouddhiques reflète fidèlement une dynami-
que générale d!urbanisation qui, comme le montre à grande échelle
la stratigraphie des structures urbaines, culmine durant l!ère ku*"-
&a.53 Entre le 1er et le 3e siècle de notre ère, l!empire ku*"&a rayon-
ne à partir de l!aire gandh"rienne et tisse, si l!on en croit l!aire de
diffusion de ses monnaies,54 un réseau commercial qui s!étend des
tronçons centre-asiatiques des routes de la soie à l!embouchure du
Gange. Du nord-ouest de l!Inde, il contrôle le commerce de la Mé-
diterranée romaine, de la Chine et de l!Inde. Outre qu!elle assiste à
un formidable essor du bouddhisme en ces régions, l!époque ku*"-
&a voit le bouddhisme évoluer sous le rapport de ses assises écono-
miques. L!époque est en effet à une forte interaction entre élites
commerçantes urbaines et institutions monastiques bouddhiques:
celles-ci prospèrent grâce à des donations provenant de guildes
d!artisans et de marchands, de dignitaires politiques et d!associa-
tions de laïcs favorablement disposés à l!égard du Sa'gha.55 En
échange des dons qu!elles reçoivent, les institutions bouddhiques
promettent Éveil et mérites, exécutent des rites, érigent des monu-
ments destinés au culte. Elles participent ainsi de fait au circuit
économique.56 Il paraît en outre plus que probable que l!interaction
bouddhique avec les acteurs commerciaux passe par une implica-

52
Voir HEITZMANN 1984.
53
Voir THAKUR 1981: 260"329 (= chapitre 7).
54
LIU 1988: carte 2.
55
LIU 1988: 108"112, et 116"119. Sur l!interaction entre sites monastiques
bouddhiques et guildes d!artisans et de commerçants, voir RAY 1986 (pour
l!aire et l!époque S"tav"hana), et aussi DAVIDSON 2002: 77"83. Selon LIU
(1988: 92"102), l!évolution du motif des sept joyaux (saptaratna) trahit une
accommodation bouddhique aux conditions et aux acteurs commerciaux.
56
Selon HEITZMANN (1984: 132), la munificence relative des dons «was a
method for establishing the divisions in a hierarchical elite.» L!association
des sites monastiques bouddhiques aux élites urbaines constituait un «symbo-
lic system expressing differences within an urban hierarchy» (1984: 133).
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 49

tion directe dans le commerce: activités bancaires de dépôt et de


prêt, monnaie, stockage et écoulement de divers biens (dont l!al-
cool!), caravansérails, hébergement peut-être.57 Durant l!époque
ku*"&a, l!essor du bouddhisme semble donc tenir pour bonne partie
à sa vitalité économique, à une interaction élective et profitable
avec les milieux urbains engagés dans la production et le commer-
ce.
1.4.3. L!époque gupta constitue l!un des chapitres les plus mécon-
nus de l!histoire institutionnelle du bouddhisme indien. Conten-
tons-nous de relever ici certains éléments parmi les moins mal as-
surés. A des degrés divers mais à grande échelle, la période post-
ku*"&a (gupta et post-gupta) coïncide avec un mouvement généra-
lisé de déclin ou de désaffection des centres urbains: les séquences
archéologiques trahissent la pauvreté des couches correspondantes
en structures, monnaies et artefacts (les couches «médiévales58» ou
de période musulmane faisant souvent immédiatement suite aux
strates ku*"&a). Si la situation paraît moins manifeste au Ka+m!r,

57
LIU 1988: 107 et 120"123. Sur la base de la localisation exacte des sites mo-
nastiques bouddhiques par rapport aux villes (périphérie immédiate, collines
environnantes, etc.), HEITZMANN (1984: 132) doute de l!implication directe
de ces sites dans le commerce. DAVIDSON (2002: 77) évoque une «symbiotic
relationship» des institutions monastiques avec les guildes.
58
Pour une critique lucide des enjeux idéologiques de la périodisation de
l!Inde, voir DAVIDSON 2002: 26"28. Noter, p. 28: «The reliance on British
historiography has influenced some historians to invoke the periodization
strategies of Europe in the assignment of categories to Indian history. Ana-
logous to the decline and fall of Rome, effected by the Hunic invasions, the
decline and fall of the Guptas was seen as precipitated by the Ephtalite Huns
between 460 and 530 C.E. According to this model, the ancient world is fol-
lowed by the medieval, which occupies the period until the rise of the modern,
and the medieval is dominated by the political institution of feudalism,
variously interpreted. The similarities between the two appeared to some to
provide India with a status equal to that of Europe, and a teleological vector
toward the modern as well.» DAVIDSON plaide pour un usage conventionnel
(«convenient rubric # and nothing more», 2002: 28) de ces catégories, avec
cette remarque que «a judiciously employed periodization demonstrates a
commitment to envisioning India as a society in which change was the rule.»
50 Introduction

elle caractérise le Gandh"ra, le Penj"b, la plaine moyenne du Gan-


ge, l!Inde centrale et le Dekkan. Il est extrêmement intéressant de
noter, comme l!a fait systématiquement THAKUR, que le témoigna-
ge de Xuanzang (ou sa comparaison avec les descriptions de Fa-
xian) est toujours corroboré par l!archéologie. Le constat vaut pour
la désaffection massive qui touche le Gandh"ra et le Penj"b, où il
n!est que rarement besoin d!invoquer des ravages hephtalites:
nombre de structures déclinent ou tombent en ruine plusieurs siè-
cles avant Toram"&a et Mihirakula. Mais le constat vaut également
de tous les centres gangétiques de l!ancienne culture bouddhique,
qui déclinent ou s!effondrent soit durant l!époque gupta, soit dans
sa postérité immédiate: Mathur" (moindre degré), )r"vast!, Kau-
+"mb!, Kapilavastu, Ku+inagara, Vai+"l!, Camp", R"jag-ha, P"/ali-
putra/Kumr"har.59 Dans un mouvement inverse de celui qui carac-
térisait les siècles précédents, le déclin des sites monastiques boud-
dhiques coïncide avec le processus de désurbanisation. Mais com-
me le montre THAKUR, le mouvement n!est pas strictement homo-
gène: au Bengale surtout, mais aussi dans le Gange moyen, cer-
tains centres se maintiennent, et c!est alors qu!ils sont demeurés ou
devenus des centres politiques, religieux et/ou éducationnels (Ka-
nauj/Kany"kubja, Ayodhy" dans une mesure moindre, N"land",
Valabh!, V"r"&as!). L!époque post-ku*"&a enregistre parallèlement
un net reflux commercial et monétaire: avec l!effondrement de
l!empire romain, les convulsions politiques de l!Asie centrale et le
déplacement des voies commerciales, le commerce en direction du
Nord-Ouest décline, comme en témoigne l!absence presque com-
plète de monnaies gupta en Asie centrale.60 Si l!émission de
monnaies d!or paraît se maintenir, on frappe largement moins de
pièces de cuivre qu!on ne l!avait fait sous les Ku*"&a.61 L!historio-
graphie récente inscrit volontiers le reflux des commerces intérieur
et extérieur, la désurbanisation et le déclin de l!économie moné-

59
Voir THAKUR 1981: 276"289.
60
THAKUR 1981: 318.
61
A corréler peut-être avec le témoignage de Faxian (LEGGE 1991: 43): «In
buying and selling commodities they use cowries.»
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 51

taire dans un processus de «féodalisation62» qui s!amorcerait sous


les Gupta et s!accentuerait après leur chute.63 L!affirmation gra-
duelle du «féodalisme indien» trouverait à s!expliquer par la pra-
tique des dotations en terres et en villages, qui s!amplifie sous les
Gupta64 et tend à augmenter le nombre des intermédiaires poli-
tiques et économiques: à une féodalisation de la structure politique
ferait écho l!émergence d!unités locales de production, avec cette

62
Voir la description de l!historiographie récente par CHATTOPADHYAYA
(1994: 130"132 [article de 1974], et 159"160 [article de 1986]). DAVIDSON
2002: 135"139 offre un intéressant aperçu du débat historiographique relatif
à la pertinence, pour l!Inde post-gupta, de la notion de «féodalisme».
63
Sur l!érosion du pouvoir économique et des réseaux des guildes commer-
çantes, dans l!Inde post-gupta, voir DAVIDSON 2002: 79"81. Sur un plan «in-
ternational», le monopole sogdien, les conquêtes musulmanes et l!affirmation
des Tang, privent les marchands indiens de débouchés terrestres. Sur le plan
«national», leur féodalisation progressive les régionalise, sédentarise, vassa-
lise et appauvrit: «Indian merchant guilds began to emulate the political
structure by turning into landed feuda, resolving their prior national trade
network into a system of personal allegiances to local lords ! The guilds re-
presented a reservoir of available assets for those intent on military adven-
turism, and the paucity of minted monies during the era only served to in-
crease the attractiveness of these guilds as temporary resources. The medie-
val decline of both trade and artisan guilds in North India is to some degree
tied to their perception as a consistent source of income for sovereigns,
beyond the royal booty secured from war.» (DAVIDSON 2002: 79) «As a
result, much of the wealth that had previously been in the hands of long-
distance merchants and caravan directors became accrued by those in
positions of political power. This is probably the greatest single economic
difference between the Gupta and the medieval and was one of the causes for
the paucity of coinage and its replacement by trading in kind for small
purchases or by bullion of gold dust for larger ones. Only a few of the long-
distance mercantile guilds (+re&i, go*/hika) managed to sustain a pattern of
success.» (DAVIDSON 2002: 80) Plus bas (ibid.), DAVIDSON évoque encore
une «désinstitutionalisation» de l!activité commerciale, «with some kinds of
trade being handled through government agencies acting in the administra-
tive capacity of guilds.»
64
Voir THAPAR 1990: 145"148.
52 Introduction

conséquence que «the practice of the day was local production for
local consumption».65
1.4.4. Ces mutations sociales, économiques et politiques n!ont pu
manquer d!affecter les conditions d!existence et les assises écono-
miques des institutions bouddhiques. Sur le modèle de pratiques
déjà attestées sous les S"tav"hana (et plus lointainement à )r! La'-
k"), les dynastes gupta (mais aussi maitraka, au Sur"*/ra) soutien-
nent les dénominations religieuses par des dotations en terres et en
villages66 plutôt que par des contributions ponctuelles en espèces,
et n!hésitent pas à patronner l!érection, sinon de complexes mo-
nastiques entiers comme à N"land" et à Valabh!,67 du moins de mo-
numents et d!édicules religieux. Si des communautés bouddhiques
semblent continuer de prospérer sous les Gupta, c!est désormais
surtout sur la base des revenus permanents que leur assurent leurs
biens fonciers, des revenus qui satisfont à leurs besoins matériels et
rituels.68 La pratique des dotations en terre, en même temps qu!elle
accroît la dépendance des sites monastiques par rapport à l!État,69
en favorise l!autonomie par rapport au soutien des élites commer-
çantes et artisanales. Ces dernières, de plus, doivent voir diminuer
leurs ressources avec le reflux du commerce concomitant à la dé-
surbanisation et à l!émergence d!unités locales peu monétarisées
de production et d!échange. Parallèlement aux effets du renouvel-

65
THAKUR 1981: 318.
66
LIU 1988: 129"131; voir aussi le témoignage (couvrant une très longue pério-
de) de Faxian dans LEGGE 1991: 43; selon Yijing, «[t]he lands in its [i.e. N!-
land!"s] possession contain more than 200 villages. They have been bestowed
(upon the monastery) by kings of many generations» (TAKAKUSU 1998: 65).
67
Sur la fondation et la perpétuation de N"land" sous les Gupta (puis les Gupta
magadhéens), voir DUTT 1988: 329"331; sur la fondation de Valabh! par les
Maitraka, voir DUTT 1988: 224"232.
68
Comme dit THAKUR (1981: 316): «As a result of such land-grants these tem-
ples and monasteries developed as various semi-independent pockets enjo-
ying immunities [voir THAKUR 1981: 314"315] on religious grounds.»
69
LIU 1988: 132"133.
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 53

lement des voies commerciales70 et du déplacement du centre de


gravité politique vers l!Est, la politique de dotation en terres doit
favoriser certains sites monastiques au détriment d!autres institu-
tions bouddhiques. De ce processus, les premiers bénéficiaires pa-
raissent les grands centres éducationnels du Magadha et du Sur"-
*/ra, pures créations des dynastes gupta et maitraka.71
La situation qui s!ébauche aux 4e et 5e siècles paraît bien conduire
à celle que décrira Xuanzang, vers 630"635. A l!exception de J"la-
ndhara, il faut sortir du Penj"b pour voir timidement refleurir le
bouddhisme. C!est géographiquement à partir de )rughna, Matipu-
ra et Sth"&v!+vara, la première capitale des Pu*yabh$ti, que la pré-
sence bouddhique réapparaît lorsqu!on arrive de Bactriane et du
Gandh"ra. Ses proportions restent néanmoins plutôt faibles en
comparaison des centres situés plus à l!est: )rughna compte 5 sa)-
gh!r!ma et 1!000 moines (surtout h!nay"nistes) pour 100 temples
t#rthika et de très nombreux adhérents;72 Matipura compte 20 sa)-
gh!r!ma et 800 moines (surtout sarv!stiv!din, d!ailleurs les seuls
recensés par Xuanzang dans tout le bassin moyen du Gange) pour
50 temples et d!innombrables adhérents;73 Sth"&v!+vara compte 3
sa)gh!r!ma et 700 moines h!nay"nistes pour 100 temples et un

70
Les itinéraires commerciaux qu!empruntent les biens de luxe se trans-
forment: la route qui, du Ka+m!r, rejoint T"mralipti par la plaine du Gange,
l!emporte désormais sur la vieille route gandh"ro-bactrienne. Sans grande
surprise, l!aire de rayonnement du bouddhisme passe de l!Inde du nord-
ouest, où villes et routes commerciales déclinent avec lui, aux plaines fertiles
du Gange, plus propres à l!agriculture (LIU 1988: 32"42).
71
A Valabh!, les institutions bouddhiques n!ont d!ailleurs pas le monopole de
l!éducation, puisque les Maitraka patronnent également des centres brahma-
niques et jainistes (DUTT 1988: 230"231). A suivre le témoignage de Yijing
(TAKAKUSU 1998: 177"178), le pouvoir politique n!est peut-être pas tout à
fait sans intérêt dans ces patronages: tous les étudiants que forment ces deux
«universités» n!embrassent pas la carrière régulière, puisque certains alimen-
tent également l!administration étatique.
72
BEAL 1981: I.187.
73
BEAL 1981: I.190.
54 Introduction

grand nombre d!adhérents.74 La situation s!améliore plus au Sud,


dès Mathur", qui compte 20 sa)gh!r!ma/2'000 moines (h!nay"nis-
tes et mah"y"nistes) pour à peine 5 temples.75 Les statistiques reli-
gieuses de Xuanzang paraissent s!inverser à mesure qu!il progresse
vers l!est. Ainsi Kany"kubja compte-t-il 100 sa)gh!r!ma et 10'000
moines (mah"y"nistes et h!nay"nistes) pour 200 temples t#rthika et
plusieurs milliers d!adhérents;76 Ayodhy" compte 100 sa)gh!r!ma
et 3'000 moines (mah"y"nistes et h!nay"nistes) pour à peine dix
temples et très peu d!adhérents;77 Vi+"kh" (S"keta?) compte 20
sa)gh!r!ma et 3'000 moines (essentiellement s!+mit#ya);78 V"r"-
&as! compte 30 sa)gh!r!ma et 3'000 moines pour 100 temples et
10'000 adhérents, essentiellement m!he,vara;79 à proximité de
V"r"&as! (à S"rn"th?), un monastère compte près de 1'500 moines.
V"r"&as! et ce monastère sont essentiellement s!+mit#ya.80 En re-
vanche, les t#rthika dominent largement à Pray"ga (2 monastères et
très peu de moines pour plusieurs temples et un grand nombre d!a-
dhérents),81 à Kau+"mb! (10 monastères en ruine pour 50 temples
et un nombre «énorme» d!adhérents),82 et à )r"vast! (plusieurs cen-
taines de monastères en ruine pour 100 temples et de très nom-
breux adhérents).83
1.4.5. L!aire d!où rayonne désormais le bouddhisme s!est déplacée
vers les centres urbains médio-gangétiques ayant survécu au pro-
cessus de désurbanisation; ce faisant, le bouddhisme réaffirme sa
présence dans l!aire des grands pèlerinages, mais dans des centres
74
BEAL 1981: I.181"182.
75
BEAL 1981: I.180.
76
BEAL 1981: I.207.
77
BEAL 1981: I.225.
78
BEAL 1981: I.239"240.
79
BEAL 1981: II.44.
80
BEAL 1981: II.45.
81
BEAL 1981: I.230"231.
82
BEAL 1981: I.235.
83
BEAL 1981: II.2.
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 55

nouveaux par rapport à ceux, désormais tous ruinés, qui en avaient


constitué le premier bassin de diffusion. Dans certains de ces cen-
tres il développe, sous le patronage actif des pouvoirs politiques,
de vastes complexes monastiques qui s!apparentent à des studia
generalia,84 et où la plupart des sectes, avec une dominante s!+mi-
t#ya, paraissent représentées.85 Lorsque, durant le dernier tiers du 5e
siècle, le pouvoir gupta s!effondre,86 le bouddhisme paraît encore
prospère, mais confiné économiquement et socialement à certains
de ses monastères.
A des degrés divers, les facteurs politico-économiques susmention-
nés induisent un phénomène de concentration dans les sites aux-
quels les dynasties gupta et post-gupta ont prolongé leur patrona-
ge, et qui sont devenus les points de cristallisation de la culture
bouddhique. Ce processus de concentration87 " que l!hostilité am-

84
DUTT 1988: 319"327, avec prudence.
85
BAREAU 1955: 39"41.
86
THAPAR 1990: 142"143. On peut conjecturer qu!avec l!effondrement de
l!empire gupta, la prospérité de certaines institutions se trouva en outre forte-
ment ralentie. Alors que certains pouvoirs ont pu rompre avec le modèle libé-
ral gupta, voire refuser leurs faveurs aux communautés monastiques, d!autres
(que nous connaissons mieux) ont prolongé le modèle et ses libéralités: à
l!Est, les Gupta magadhéens ont continué leur patronage à N"land"; à
l!Ouest, les Maitraka dotent richement la florissante «université» conventu-
elle de Valabh!; l!ancienne capitale des Maukhari, Kany"kubja, mais égale-
ment Ayodhy", Vi+"kh" et V"r"&as!/S"rn"th, comptent on l!a vu parmi les
centres les plus prospères du bouddhisme au témoignage de Xuanzang.
87
Plutôt que de «concentration», DAVIDSON parle de «contraction of Buddhist
institutional range» (DAVIDSON 2002: 83), de réponse bouddhique aux cir-
constances historiques «by contracting into regions of strength» (DAVIDSON
2002: 167). Dans le haut moyen âge indien, l!auteur observe lui aussi un
processus simultané de croissance des institutions («growth of institutions»,
DAVIDSON 2002: 106, «growth in the net size of some of the great mona-
steries», DAVIDSON 2002: 77), et de déclin de leur nombre absolu. Les insti-
tutions bouddhiques tendent alors à refléter les caractéristiques générales de
la période, se féodalisent («gained stature as landed feudal lords», DAVID-
SON 2002: 112; «became feuda for the abbots and the monks», DAVIDSON
2002: 106; «feudal cloisters», ibid.; «began to assume the position of landed
56 Introduction

biante au bouddhisme n!aura certainement pas ralenti " s!opère au


profit de quelques points précis: parmi ceux-ci, Valabh! au Sur"-
*/ra, Kany"kubja, Ayodhy" et V"r"&as! en pays maukhari, N"land"
au Magadha. La situation d!ensemble se prolonge sous les règnes
de Prabh"karavardhana et de Har*avardhana, qui dominent toute la
vallée du Gange. Dans ces centres, sectes, écoles et véhicules ten-
dent à coexister.88 Sous le signe général d!une précarisation de
leurs conditions d!existence, les communautés bouddhiques conso-
lident leur confinement monastique en quelques centres richement
dotés et situés dans un environnement politique sûr89 et bien dis-
posé à leur égard.

fiefdoms», DAVIDSON 2002: 77; «edifices mimicking feudally grounded fort-


resses», DAVIDSON 2002: 167). Ces monastères lèvent des impôts, exercent
le pouvoir judiciaire sur leurs «fiefs» (voir DAVIDSON 2002: 110"112 et
167).
88
BAREAU 1955: 38.
89
Les Pu*yabh$ti (Prabh"kara°, R"jya° et Har*avardhana) et les Maukhari
(Sarvavarman) combattent encore les Huns à leurs frontières nord-ouest au
tournant des 6e et 7e siècles (voir TRIPATHI 1985: 288"290, et THAKUR 1981:
307"313); quant à )a+"'ka (602"620?), il se révèle menaçant à l!Est (avec
des incursions jusqu!à Kany"kubja, qu!il occupe momentanément en 605"
606) pour les deux dynasties. Au début du 7e siècle, les Pu*yabh$ti subissent
encore à l!Est les incursions de )a+"'ka. Le roi de Gau%a, un brahmane +i-
vaïte dont la numismatique révèle qu!il se disait un «oppresseur du boud-
dhisme», et le MMK qu!il était «épris de la parole hérétique» (MMK 634,9/k.
LIII.717ab: t#rthikasya vace rata(; Xuanzang aussi le dit «a believer in
heresy» [BEAL 1981: II.118]), se serait rendu coupable de nombreuses vexa-
tions à l!endroit du bouddhisme: selon Xuanzang, )a+"'ka aurait fait jeter
dans le Gange, à P"/aliputra, une pierre sacrée portant l!empreinte du Boud-
dha (BEAL 1981: II.90"91), aurait déraciné et brûlé le Bodhiv-k*a à Gay"
(BEAL 1981: II.118), remplacé une image du Bouddha par une représentation
de )iva dans un temple voisin (BEAL 1981: II.121); la prophétie du MMK
prédit aussi que le roi du Gau%a Soma (= )a+"'ka) fera détruire la délicieuse
image du Bouddha )"st- (n!,ayati ! ,!stur bimb!+ manorath!m, MMK
634,7/k. LIII.716a). )a+"'ka porterait en outre la responsabilité de persé-
cutions et de dévastations: selon Xuanzang, )a+"'ka aurait fait disparaître les
moines de Ku+inagara, site que le pèlerin chinois a trouvé en ruine (BEAL
1981: II.42); selon le MMK, )a+"'ka fera brûler le grand Pont du Dharma
prédit jadis par les Bouddha (jinai( kathita+ p*rva+ dharmasetum analpa-
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 57

1 . 5 . I n c i d e n c e s s u r l ! a c t i v i té philosophique bouddhique
Tant que la communauté monastique bouddhique ne se sentit pas
menacée ou précarisée, elle eut tout loisir de se vouer au dévelop-
pement de ses identités disciplinaires et doctrinales sectaires; sé-
parées les unes des autres, les sectes se dotent de systèmes et se li-
vrent à d!âpres querelles, certaines montrant même une certaine
porosité aux idées non bouddhiques. Telle est la période dite «sys-
tématique» du bouddhisme indien et de sa philosophie dogmatique.
Hasard ou non, la fin de la période systématique coïncide avec la
désintégration de l!empire gupta. L!hostilité ambiante et le phéno-
mène de concentration décrits plus haut ont imposé à la commu-
nauté bouddhique de repositionner sinon reformuler son identité.
L!hostilité a exigé de redéployer la polémique vers l!extérieur; la
concentration, d!aplanir des divergences qu!elle rend plus visibles
et problématiques, soit en faisant triompher une interprétation du
Dharma bouddhique, soit en construisant une identité doctrinale
suprasectaire; le confinement monastique et la perte des soutiens
laïcs, de s!enquérir d!une nouvelle «visibilité». Le 6e siècle paraît
marquer une période de transition dans l!histoire des idées boud-
dhiques. En parallèle des querelles d!écoles on enregistre, d!une
part, un déplacement partiel de la polémique vers les doctrines non
bouddhiques; de l!autre, des progrès considérables en logique et en
théorie de la connaissance.
L!orthodoxie brahmanique a trouvé de puissants relais philosophi-
ques. Entre le 5e et le début du 7e siècle, Naiy"yika et M!m"#saka
adressent aux doctrines bouddhiques des critiques systématiques.
Ce faisant, ces deux écoles d!apologétique védique90 situent la po-
lémique sur le terrain même qui avait suscité l!opprobre de l!ortho-
doxie: dialectique, logique, argumentation rationnelle. Les sectes,

kam ! d!h!payati, MMK 634,8"9/k. LIII.716cd"717a), ruinera monastères,


parcs de plaisance et reliquaires (vih!r!r!macaity!n ! bhetsyate, MMK
634,11"12/k. LIII.718a et c).
90
Pour le Ny"ya, voir les développements que consacre HALBFASS (1990: 273"
286) à la question de l!!nv#k$ik#, et PERRY 1997.
58 Introduction

écoles et tendances bouddhiques se voient contraintes d!ouvrir un


«second front», de redéployer une partie de leur effort polémique
vers l!extérieur, vers les écoles non bouddhiques. Les docteurs
bouddhistes continueront certes, pour un temps du moins, de s!en-
tre-déchirer pour faire prévaloir à l!interne l!interprétation définiti-
ve du Dharma bouddhique: Sarv"stiv"din(/Vaibh"*ika), S"#mit!ya
et Sthavira du côté des sectes (sans témoignage univoque pour les
deux secondes), Sautr"ntika, M"dhyamika ou Yog"c"ra du côté
des tendances et écoles. La pression de l!extérieur exige toutefois
de défendre ce Dharma contre les assauts «hérétiques». Ces doc-
teurs bouddhistes assument dès lors une double identité: celle, à
vocation interne, qui fait d!eux les représentants de telle secte, éco-
le ou tendance, et celle, à vocation externe, «paradoxographique»,
qui fait d!eux des «,!kya» ou encore des «bauddha». Amorcé avec
Vasubandhu et plus sûrement avec Dign"ga, le mouvement cristal-
lise au 6e siècle dans les #uvres de Bh"(va)viveka/Bhavya et de
Dharmap"la.91

1.6. Dharmak!rti
1.6.1. Ce qui nous est parvenu comme PV I formait à l!origine une
#uvre indépendante, peut-être intitulée Hetuprakara"a ou «Traité
des raisons logiques».92 Ce titre eût du reste été fort adéquat puis-
que dans ce traité, Dharmak!rti fait la théorie des trois raisons ou
indices logiques recevables dans un jugement inférentiel: raison
fondée sur l!identité (svabh!vahetu), raison fondée sur la causalité
(k!ryahetu), non-perception (anupalabdhi[hetu]) comme base des

91
Les MHK de Bh"(va)viveka/Bhavya sont très représentatives de cette ten-
dance. Après une introduction doctrinale à la compréhension bouddhique de
la praxis et de la réalité (chap. [I-]III), peut-être initialement indépendante, le
philosophe défend sa version du Madhyamaka contre les )r"vaka (chap. IV)
et les Yog"c"ra (chap. V). Dans la seconde moitié de l!#uvre, il s!attaque
aux écoles non bouddhiques: S"'khya (chap. VI), Vai+e*ika (chap. VII),
«Ved"nta» (chap. VIII), M!m"#s" (chap. IX["X]).
92
Sur la chronologie interne des #uvres de Dharmak!rti, voir FRAUWALLNER
1954; sur ces #uvres et l!état de leurs éditions et de leurs traductions, voir
STEINKELLNER/MUCH 1995: 23"44.
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 59

jugements négatifs. Or Dharmak!rti ne consacre pas moins d!un


tiers de cette #uvre de jeunesse à sa critique de l!incréation du
Veda, une proportion démesurée si l!on considère que le thème ne
relève au mieux qu!indirectement de la matière du traité. Cette pro-
portion montre assez que l!apauru$eyat!, et plus particulièrement
la version qu!en a donnée Kum"rila, occupait une place prépondé-
rante parmi les préoccupations intellectuelles du premier Dharma-
k!rti. Elle ne le cède en rien à la réinterprétation de la théorie apo-
histe de Dign"ga, ou au contentieux ouvert avec ,+varasena, son
propre maître en logique.
La critique de l!incréation s!inscrit dans l!examen des critères con-
currents appelés à fonder l!autorité scripturaire. Les philosophes
indiens se séparent sur ce point en deux grandes tendances. Cer-
tains autorisent les Écritures en les rapportant au prestige de leur
énonciateur; d!autres les autorisent par l!absence alléguée de tout
énonciateur. Pour différentes que soient ces deux stratégies, elles
n!en présentent pas moins un trait commun: le critère de l!autorité
y est extérieur à l"Écriture elle-même. Pour le M!m"#saka, le
Veda fait autorité parce qu"il n"a pas d"auteur; pour le Naiy"yika,
le jainiste (antérieur au Siddhasena du NA, au moins), le +ivaïte ou
la plupart des bouddhistes eux-mêmes, l!Écriture fait autorité parce
que son énonciateur possède telles ou telles qualités. Comme celles
de Bh"(va)viveka/Bhavya et Dharmap"la, la doctrine métareligieu-
se de Dharmak!rti (c!est-à-dire PV I.213sq) invite au contraire à re-
chercher le critère de l!autorité dans l"Écriture elle-même, l!autori-
té de son auteur n!étant au mieux que dérivée.93 Dharmak!rti en

93
Reprenant à son compte la vieille thèse de Conze, DAVIDSON (2002: 102"
105) tient le programme philosophico-religieux des théoriciens bouddhistes
de la connaissance pour allogène, simple appropriation des «standards deve-
loped in the non-Buddhist epistemological circles» (DAVIDSON 2002: 102).
Fort de cet alignement sur un discours et des valeurs panindiens, Dign"ga
«came to vindicate the scriptures # and their forms of praxis # in light of
commonly held Indian values» (DAVIDSON 2002: 103). En matière «méta-
religieuse», Dign"ga fut par conséquent conduit, selon DAVIDSON (ibid.), à
«reverse a long-standing Buddhist tradition concerning the value of the tea-
ching of a teacher.» Cette tradition d!authentification est celle qui s!exprime
60 Introduction

appelle à une évaluation des Écritures elles-mêmes par les facultés


ordinaires de la connaissance humaine, perception et inférence.
L!attitude paraît traduire au plan de la philosophie une situation où,
devant l!hostilité ambiante et la précarité, quelques segments au
moins de la communauté bouddhique jugent n!avoir de meilleure
rhétorique à faire valoir vers l!extérieur que celle de la raison.94

dans le Adhy!,ayasañcodanas*tra, texte selon lequel ce qui a été «bien dit» "
est doté de signification, conforme à l!enseignement, capable d!éradiquer les
passions et de conduire au nirv!"a " est parole du Bouddha. Moines et Bo-
dhisattva se doivent donc de reposer, non sur la personnalité (pudgala)
énonciatrice, mais sur le contenu énoncé, le Dharma lui-même. Or chez
Dign"ga, poursuit DAVIDSON (ibid.), «the Buddha became the embodiment of
valid reasoning (pram"&abh$ta), an indication that the individual as the sour-
ce of the message was rapidly becoming more important than the message
itself.» Quoique exigeant des nuances (par exemple quant à l!histoire pré-
dign"géenne de «pram!"abh*ta», ou sur les très bouddhiques sampad fon-
dant le pram!"abh*tatva dans la V'tti au ma)gala,loka) et appelant des pré-
cisions (notamment quant aux sources d!inspiration de Dign"ga, ou à l!inter-
prétation des obscurs PS II.5ab et V'tti), le propos me paraît argumentable
dans le cas de Dign"ga. Dans le cas du Dharmak!rti de PV I en revanche, les
remarques de DAVIDSON manquent totalement leur cible. Dans son interpré-
tation de PS II.5ab, Dharmak!rti recourt en effet à l!attitude et à la méthode
de la critique bouddhique d!authenticité; mieux même, il assure celle-ci
d!une fondation épistémologique telle qu!elle lui permet, précisément, de re-
jeter les versions non bouddhiques (naiy!yika et jainistes, surtout) de la per-
sonne crédible (!pta). Reprenant à son compte une critique que Kum"rila
adressait déjà aux doctrines de l!omniscience, Dharmak!rti (P PV II.218"219)
démontre que l!!pta est inconnaissable (imperceptible et ininférable), ren-
dant ainsi inévitable un retour aux textes mêmes. Quant à la critique interne
(c!est-à-dire aux critères qualifiant un ,!stra à pouvoir faire l!objet d!un exa-
men en autorité), elle emprunte ultimement aux catégories de l!Adhy!,aya-
sañcodanas*tra: consistance sémantique (sambaddhatva), adéquation des
moyens aux fins (anugu"op!yatva), finalité sotériologique (puru$!rth!bhi-
dh!yitva). Voir pp. 92"96 et 102"104.
94
Je dois l!expression de «rhétorique de la raison» (rhetoric of reason) à Sara
MCCLINTOCK (2002). Par «rhétorique», l!auteure entend (avec la «Nouvelle
rhétorique» de Perelman/Olbrechts-Tyteca), le «dialectical and practical
reasoning that is used to /gain the adherence of minds$» (2002: 2). MCCLIN-
TOCK cherche à évaluer la façon dont les types d!argumentation ou stratégies
rhétoriques (ad personam, ad hominem, ad humanitatem, avec forte compo-
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 61

sante «formelle» et justification par la théorie des pram!"a) sont ordonnés


aux catégories de public (audience) à persuader ou convaincre (public actu-
el/spécifique, dans TS[P] les représentants des différents dar,ana/mata dis-
cutés; public idéal/universel, dans TS[P] les êtres «rationnels» ou prek$!-
vat/prek$!p*rvak!rin: voir MCCLINTOCK 2002: 30). Par «rhétorique de la
raison», MCCLINTOCK désigne la façon dont )"ntarak*ika et Kamala+!la (1)
en appellent à la raison comme suprême et meilleur arbitre de la croyance, et
(2) ambitionnent de persuader leurs adversaires de la rationalité inhérente
aux doctrines bouddhiques. En s!adressant ultimement à un public universel
d!êtres rationnels (prek$!vatpuru$a comme standard de la rationalité théoré-
tique et pratique, antidogmatique, obéissant à l!argumentaire formel et à sa
justification par la théorie des pram!"a: voir MCCLINTOCK 2002: 38"43), les
deux docteurs chercheraient à prouver que le chemin bouddhique est fondé
en raison, et qu!une personne rationnelle (en tant précisément que rationnel-
le) se devra de l!embrasser sous peine de voir discréditée sa rationalité mê-
me. Visant ultimement à la conversion des êtres rationnels, cette #uvre
d!apologétique bouddhique à forte teneur sotériologique (MCCLINTOCK
2002: 95) procéderait par la démonstration de ce que les doctrines boud-
dhiques sont défendables en termes de formes confessionnellement neutres
(belief-neutral) de raisonnement (MCCLINTOCK 2002: 99"100). Pour perti-
nentes que me paraissent, dans le contexte de TS(P), les remarques de
MCCLINTOCK, j!hésite à les transposer telles quelles à PV I dans son entier,
dont le dessein apologétique, voire, comme dit HAYES (1984), doctrinaliste,
me paraît moins immédiatement discernable. Quoi qu!il en soit, si «rhétori-
que de la raison» il y a dans PV I, c!est assurément dans la section critiquant
les critères d!évaluation de l!autorité scripturaire. Dharmak!rti s!y adresse
expressément au prek$!p*rvak!rin; plus même, il revendique d!exposer la
démarche même à laquelle souscrit toute personne rationnelle, comme en té-
moignent PVSV 110,3"10 et les passages présentés ci-dessous (pp. 70"73).
Jugé à l!aune de ces passages, le programme épistémologique du Dharmak!rti
de PV I est extrêmement ambitieux quant aux prérogatives et à la juridiction
de la raison (yukti). Qu!on en juge: celle-ci règne en maître sur le domaine
empirique (ce que, il est juste de le noter, reconnaissent la majorité de ses ad-
versaires); elle est en mesure d!évaluer à l!interne Écritures et traités, de dé-
cider de leur acceptabilité sans qu!il lui soit prérequis de savoir si ceux-ci
sont incréés, dérivent d!une Écriture incréée (comme les Sm-ti pour le M!-
m"#saka) ou procèdent d!une personne crédible; surtout, Dharmak!rti ne
laisse pas la raison sans recours dans l!ordre du suprasensible lui-même,
puisque la consistance des énoncés portant sur le domaine transempirique se
peut encore évaluer par «inférence scripturaire» (voir pp. 104"110). On ne
saurait à mes yeux s!opposer davantage, tout en réservant une sphère de com-
62 Introduction

Nous avons vu que la doctrine de l!incréation du Veda permettait à


la M!m"#s" de fonder l!autorité des Sm-ti et des Pur"&a, deux
produits littéraires d!une orthodoxie très hostile au bouddhisme.
Réfuter l!incréation revient alors à miner toute tentative d!inscrire
la source de l!autorité dans l!ordre même des choses, de la naturali-
ser, et à renvoyer les normes prescrites au rang de conventions hu-
mainement instituées, et honorées par tel ou tel segment de la
société. La critique passe par l!examen détaillé de plusieurs doctri-
nes, dont certaines sont communes à la M!m"#s" et à la Grammai-
re, d!autres pour ainsi dire propres à la Grammaire: permanence,
incréation et réalité de la relation entre parole et signification, éter-
nité du Veda, énoncé transphonétique (le spho.a), énoncé comme
ordre de succession de phonèmes. La critique conduit également
Dharmak!rti à établir l!intrinsécité de la destruction des choses, à
prouver la perception du suprasensible, à réfuter la naturalisation
brahmanique des statuts sociaux.
Il est tout à fait singulier d!observer que la plupart des doctrines ici
critiquées trouvent des contreparties bouddhiques. Dès l!époque de
Vasubandhu, des docteurs bouddhistes ont développé des doctrines
très voisines de diverses positions non bouddhiques (sans que la di-
rection de l!influence soit clairement identifiable), et dont certaines
présentent un caractère apologétique marqué: les Vaibh"*ika prê-
tent à leurs cittaviprayuktasa+sk!ra («dispositions formatrices dis-
sociées de la pensée») d!ordre langagier un statut ontologique et
linguistique voisin du spho.a, une théorie qui n!est pas sans inci-
dence sur leur conception de la Parole du Bouddha;95 les Vaibh"*i-
ka, encore eux, voisinent dangereusement avec le réalisme ontolo-
gique et social des écoles brahmaniques en posant leur sattvasa-

pétence propre à l"Écriture, à l!infalsifiabilité des énoncés scripturaires que


postule l!épistémologie intrinséciste de Kum"rila (voir pp. 116"120). La po-
sition de Dharmak!rti illustre dès lors fort bien, hors matérialisme ou scepti-
cisme, le type d!attitude que dénonçait l!(ultra-)orthodoxie en taxant les «hé-
rétiques» de t!rkika ou de hetuv!din.
95
Et qui les porte à développer une apologétique voisine de celle de la M!m"#-
s". Voir n. 15, p. 164.
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 63

bh!gat!;96 comme si la chose ne suffisait pas, ces mêmes Vaibh"*i-


ka admettent que certaines paroles entretiennent une relation in-
créée avec leur signification;97 enfin, des milieux (proto)tantriques
paraissent revendiquer pour les mantra une efficacité naturelle et
originaire qui fait horreur à Dharmak!rti.98 Voilà qui semble accré-
diter le témoignage de Kum"rila, qui dénonçait on l!a vu la rhéto-
rique frauduleuse permettant à des bouddhistes de soutenir la per-
manence et l!incréation du buddhadharma. Il y a donc quelque
chance que, critiquant la constellation des doctrines liées à l!incré-
ation, Dharmak!rti ait espéré débarrasser d!un même élan la doctri-
ne bouddhique d!immixtions hétérodoxes. Seul un Dharma restau-
ré dans son intégrité est susceptible de survivre aux conditions am-
biantes.
1.6.2. Envisagée comme une réponse à l!extérieur, cette «#uvre de
jeunesse» est marquée par le double souci de neutraliser l!apologé-
tique m#m!+saka, et de subordonner l!adhésion aux traités à une
évaluation rationnelle interne de ceux-ci. Mais loin de se limiter à
cette critique, Dharmak!rti cherche encore à y développer l!instru-
ment logico-épistémologique de Dign"ga. Il semble s!efforcer, d!a-
bord, de parfaire l!instrument logique lui-même, notamment contre
l!interprétation qu!en a donnée son propre maître ,+varasena, ou en
lui conférant un caractère plus strictement déductif; ensuite, d!an-
crer la théorie du langage et des concepts (la théorie de l!apoha)
dans la réalité même, ce qui avait semble-t-il assez peu préoccupé
Dign"ga; enfin, de proposer une théorie exhaustive de la connais-
sance et de la praxis humaine, une théorie qui soit à même de coor-
donner expérience perceptive, genèse des concepts et jugement in-
férentiel, et d!expliquer " vieux thème bouddhique " les mécani-
smes présidant à la falsification de notre expérience du monde (su-
rimpositions et imputations erronées). Cet ajustement de l!épisté-
mologie dign"géenne à une ontologie inspirée de Vasubandhu of-
fre à Dharmak!rti de refonder plusieurs dogmes et inclinations cen-
96
Voir ELTSCHINGER 2000: 63"73.
97
Voir pp. 133"134.
98
Voir ELTSCHINGER 2001a: 121"122.
64 Introduction

traux du bouddhisme: d!un côté, la causalité, l!instantanéité, l!in-


substantialité; de l!autre, l!antiréalisme et les vérités convention-
nelle (sa+v'ti°) et ultime (param!rthasatya). Dharmak!rti dote ain-
si le bouddhisme d!une philosophie complète, mobile et réputée ne
faire appel qu!aux lumières ordinaires de la connaissance humaine.
Lorsque, dans PV II, Dharmak!rti donnera du vers bénédictif (ma-
)gala,loka) du PS l!interprétation grandiose que l!on sait, il aura
augmenté l!édifice théorétique et polémique d!une bouddhologie
entièrement à la mesure de son épistémologie. Refondation des pi-
liers dogmatiques et élaboration d!une bouddhologie axée sur les
Vérités Saintes offrent au bouddhisme une philosophie qui, en re-
tournant à la source sur la base de méthodes nouvelles, entend dé-
passer les identités sectaires. Esprit intransigeant, Dharmak!rti ne
s!économisa pourtant jamais de critiquer ses coreligionnaires.
Peut-être chercha-t-il à leur faire embrasser un programme philoso-
phico-religieux qu!il tenait pour seul en mesure d!assurer la survie
du Dharma face à l!animosité, à la précarité et aux déchirements
intestins. Que Dharmak!rti ait eu un jour à constater l!échec de son
projet initial, pourrait rendre raison d!une amertume devenue
légendaire.99

99
Stance liminaire du PV: pr!ya( pr!k'tasaktir apratibalaprajño jana( keva-
la+ n!narthy eva subh!$itai( parigato vidve$.y ap#r$y!malai( || ten!ya+ na
paropak!ra iti na, cint!pi ceta, cira+ s*kt!bhy!savivardhitavyasanam ity
atr!nubaddhasp'ham ||. «The majority of people having attachment to ordi-
nary pursuits and lacking in the requisite strength of intellect, not only have
no interest in and fail to appreciate the holy discourses, but being covered
with the dirt of malice, even hate them. I do not therefore entertain the
thought that this work (of mine) will be of benefit to others, but my mind ha-
ving developed an obsession fostered by prolonged study of science and scri-
pture is bent upon this task (I desire to compose).» Traduction MOOKER-
JEE/NAGASAKI 1964: 5. Stance finale du PV (= PV IV.286), librement: ana-
dhyavasit!vag!hanam analpadh#,aktin!py ad'$.aparam!rthas!ram adhik!-
bhiyogair api || mata+ mama jagaty alabdhasad',apratigr!haka+ pray!syati
payonidhe( paya iva svadehe jar!m ||. «D!une profondeur insondable même à
un [être] de grande capacité intellectuelle, d!une quintessence invisible même
aux [êtres] d!assiduité supérieure, ma pensée passera au vieil âge en mon
propre corps comme l!eau à l!océan, elle qui n!aura trouvé en ce monde
Chapitre 1 " Contexte historique et idéologique 65

aucun récepteur assez digne.» On connaît d!autre part la stance fameuse que
lui attribue SRK 50.12: ,ailair bandhayati sma v!narah'tair v!lm#kir ambho-
nidhi+ vy!sa( p!rtha,arais tath!pi na tayor atyuktir udbh!vyate || v!garthau
ca tul!dh't!v iva tath!py asmannibandh!n aya+ loko d*$ayati pras!rita-
mukhas tubhya+ prati$.he nama( ||. «V!lm#ki dammed the sea with rocks/ put
into place by monkeys,/ and Vy!sa filled it with the arrows shot by P!rtha;/
yet neither is suspected of hyperbole./ On the other hand, I weigh both word
and sense/ and yet the public sneers and scorns my work./ Oh Reputation, I
salute thee!» Traduction INGALLS 1965: 444"445; voir aussi STCHERBATSKY
1984: 35"36.
Chapitre 2
La doctrine métareligieuse de Dharmak!rti

2.1. Sources et fondements de la doctrine métareligieuse de Dharmak!rti


2.1.1. Du point de vue systématique et du point de vue de l!écono-
mie interne de PV I et PVin II, la doctrine métareligieuse de
Dharmak!rti s!inscrit dans (et retourne à) la problématique de la
non-perception (anupalabdhi) conçue comme raison logique per-
mettant d!introduire un jugement négatif (ou: un jugement d!ine-
xistence). D!un point de vue historique, cette doctrine se présente
comme un développement entièrement original sur PS II.5ab, une
demi-strophe où Dign"ga assigne à la parole d!une personne cré-
dible (!ptav!da) le statut épistémologique d!une inférence (anum!-
na). Quant à la philosophie proprement religieuse de Dharmak!rti,
dont il ne sera qu!incidemment question ici, elle s!origine pour une
large part à la stance bénédictive (ma"gala#loka) du même PS, où
Dign"ga trace la ligne bouddhologique du courant logico-épisté-
mologique (voir pp. 89"92).

2.1.2. La longue discussion relative à l!autorité scripturaire s!ins-


crit dans la problématique générale de la non-perception: elle relè-
ve donc de la section finale du chapitre initial (= PVSV), laquelle
porte sur la troisième des raisons logiques reconnues par les théori-
ciens bouddhistes de la connaissance. Pourquoi inscrire la réflexion
métareligieuse dans le traitement de l!anupalabdhi? D!un objet ou
état de fait remplissant les conditions de la perceptibilité, la non-
perception permet de conclure à l!absence/inexistence. Or les ob-
jets «scripturaires» ne remplissent pas les conditions de la percep-
tibilité pour les gens ordinaires: hors d!atteinte (viprak$%&a, vyava-
hita) selon le lieu, le temps ou la nature propre, suprasensibles (at'-
ndriya), transempiriques (ad$%&a) ou radicalement imperceptibles
(atyantaparok%a), une non-perception simple ne peut en garantir
68 Introduction

l!inexistence (asatt!, abh!va, niv"tti).1 Mais, objectera-t-on, une


non-perception dûment redéfinie comme la suspension (ou: la non-
opération, niv"tti) des trois moyens de connaissance valide (percep-
tion, inférence et Écriture),2 pourrait garantir l!inexistence de tels
états de fait. C!est à cette objection que répond PV I.1993: «[Hors
d!atteinte selon la nature propre, etc.,] nombreux [sont] les états de
fait sans rapport avec la matière d!un traité, suprasensibles et sans
indice [inférentiel, c!est-à-dire ne remplissant pas les conditions
d!un traitement scripturaire, perceptif ou inférentiel]: comment
[donc] l!inexistence de ces [états de fait pourrait-elle être établie]
par une non-perception [définie comme la suspension des trois mo-
yens de connaissance valide]?» Quelle qu!en soit la définition, la
non-perception est inapte à établir l!inexistence d!états de fait
transempiriques. Dans PVSV 107,14"19, Dharmak!rti conduit une
discussion analogue4: ici s!ouvre la considération des critères légi-
timant un recours à l!autorité scripturaire. Cet examen couvre 126
strophes (PV I.213"339). La discussion retourne à son point de dé-
part dans PV I.3395: «Par conséquent, même la suspension de l![É-
criture] n!établit pas l!inexistence d!une entité [considérée comme

1
Voir PVin II.64,9sq/16*,10sq, et STEINKELLNER 1979: 61sq.
2
Dans la présente discussion, Dharmak!rti admet provisoirement trois moyens
de connaissance valide (PV" P267a3/D229a7: lu# gi tshad ma khas bla#s nas
de skad du b$ad do ||): sur ce point, voir pp. 69"70 et n. 40, p. 199.
3
PV I.199: $!str!dhik!r!sambaddh! bahavo !rth! at%ndriy!& | ali#g!$ ca ka-
tha' te(!m abh!vo !nupalabdhita& ||. Voir aussi PVSV 101,23"102,12 (tra-
duction dans YAITA 1985: 215"214) # PVin II.65,2"10/16*,26" "17*,7 (tra-
duction dans STEINKELLNER 1979: 62).
4
Cette fois, l!adversaire postule pour l!Écriture une portée universelle: si elle
couvre tous les objets, le fait qu!elle ne mentionne pas l!un d!eux établit ipso
facto l!inexistence de celui-ci. L!idée selon laquelle l!Écriture couvre toutes
choses intervient dans l!épopée, par exemple (concernant le Veda) dans MBh
1.62.33 (yad ih!sti tad anyatra yan neh!sti na tat kvacit, cité RENOU 1960: 2;
voir aussi MBh 8.49.18: $rutena jñ!yate sarva' tac ca tva' n!vabudhyase,
cité SUTTON 2000: 31). L!idée n!est pas totalement absente côté bouddhique
si l!on se réfère à MSABh 53,18"19 sous MSA XI.1.
5
PV I.339: tasm!n na tanniv"tty!pi bh!v!bh!va& prasidhyati | ten!sanni$-
cayaphal! !nupalabdhir na sidhyati ||.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 69

devant être niée]. Donc [même définie comme la suspension des


trois moyens de connaissance valide,] la non-perception n"est pas
établie résulter dans une détermination [en tant qu"]inexistant [lors-
qu"il est question d"états de fait hors d"atteinte selon le lieu, le
temps ou la nature propre].» Comme son parallèle dans PVin II, ce
long développement métareligieux présente le caractère d"un ex-
cursus où le thème de la non-perception fait place à une polémique
acharnée contre la M!m"#s".
2.1.3. Vai$e%ika excepté,6 la majorité des courants philosophico-
religieux indiens assignent à l"autorité scripturaire un statut (mais
pas nécessairement un fonctionnement) autonome dans l"économie
générale des pram!"a. Durant sa période systématique, le boud-
dhisme (de tendance [proto-]idéaliste surtout) reconnaît régulière-
ment trois moyens de connaissance valide (à l"instar du S"&khya et
de Bhart'hari7): perception directe (pratyak#a), inférence (anum!-
na), Écriture autorisée (!pt!gama, !gama).8 Dign"ga paraît le pre-
mier docteur bouddhiste à avoir subsumé le témoignage d"autori-
té/Écriture sous l"inférence. L"idée, dont on ne sait si elle représen-
te la pensée de Dign"ga bien plutôt que celle du Vai$e%ika, tient en

6
Voir PDhS §256.
7
Pour le S"&khya, voir SK 4ab1; pour Bhart'hari, voir AKLUJKAR 1989 et
HOUBEN 1997.
8
BoBh W37,25!26 = D25,17: pratyak#am anum!nam !pt!gama$ pram!"a$
ni%ritya; MAV III.12b: tray!d yuktiprasiddhakam; MAVBh 97,17 ad loc.:
pram!"atraya$ ni%ritya; MAV( 98,14!16 ad loc.: pram!"atraya$ puna&
pratyak#am anum!nam !gama% ca | tatra pratyak#a$ pañcendriyaja$ m!na-
sa$ ca sukhadu&kh!disa$vedanam | trir'pali(gena anumey!rthajñ!nam
anum!nam | !ptav!g !gama& | !pt!& punar an)tahetuvimukt!& |. Voir aussi
TUCCI 1930: 58!60 et, dans le cadre des règles du débat, WAYMAN 1958:
35a, n. 33 (!pt!gama défini: yat sarvajñabh!#ita$ tato v! %rutv! tatra anu-
dharma$ v! |), YAITA 1989 et YAITA 1999: 442n. 5. MHK V.8a2b: pram!-
"a$ na& sarva$ t!th!gata$ vaca&; PrP 268,1!2: buddh!n!m eva bhagava-
t!$ vacana$ pram!"am ity upavar"ayanti vicak#a"!& sopapattikatvena avi-
sa$v!dakatv!t |. On nuancera ces deux citations m!dhyamika: celle de
Bh"(va)viveka/Bhavya, car celui-ci, dans MHK IX au moins, suit Dign"ga
(voir pp. 97-99); celle de Candrak!rti, car celui-ci dénie toute validité aux
pram!"a.
70 Introduction

une demi-strophe9: «Puisque la parole d!une personne crédible est


semblable en fiabilité [à une inférence]/a la fiabilité pour caractère
général, c!est une inférence.» La prose explicative de Dign!ga, ex-
trêmement sibylline, invite à la plus grande prudence exégétique.
S!appuyant sur VS II.i.19 (pratyak!ap"rvakatv#t sa$jñ#karma-
%a&), Dign!ga paraît admettre que la fiabilité d!un #ptav#da tient à
cela que le locuteur a toujours effectivement perçu les états de faits
(p. ex. svarga, au contraire de pradh#na/prak'ti) dont il parle. Tan-
dis qu!une connaissance verbale ordinaire informe sur le seul
contenu intentionnel du locuteur (vivak!#, vaktur icch#/abhipr#-
ya&) et n!est donc pas fiable quant aux choses mêmes,10 la parole
d!une personne crédible informe de façon fiable sur des états de
fait réels.11
C!est à Dharmak"rti qu!il revient d!avoir, sous la probable inspira-
tion de Pak#ilasv!min, ($ryadeva/)Dharmap!la et Bh!(va)vive-
ka/Bhavya, élaboré une critériologie complète de cette fiabilité
(voir pp. 92"114).

2.1.4. Dharmak"rti fonde son interprétation de PS II.5ab sur une


anthropologie religieuse d!inspiration pragmatique. L!auteur dis-
tingue trois types d!objets: objets perceptibles (pratyak!a), (actuel-
lement) imperceptibles (parok!a), et radicalement imperceptibles
(atyantaparok!a). Les deux premiers types composent la catégorie
des objets empiriques (d'!(a); le troisième coïncide avec la catégo-

9
Deux variantes de PS II.5ab: (1) < RANDLE 1981: 17: #ptav#ky#visa$v#da-
s#m#ny#d anum#nat# |; (2) < PVSV 108,1 et 109,5 = PV I.216ab: #ptav#d#-
visa$v#das#m#ny#d anum#nat# |. Sur l!interprétation de PS II.5ab et PSV,
voir HAYES 1988: 238"239, VAN BIJLERT 1989: 80"82 et TILLEMANS 1990:
I.18"22, 69"71. Pour un aperçu des interprétations de PS II.5ab ainsi qu!une
discussion relative à sa proximité avec le Vai%e#ika, voir LASIC (à paraître).
10
Selon PV II.1c2"2: )#bda n!est un pram#%a que relativement à l!intention du
locuteur (que l!on infère valablement de ses paroles; abhipr#yanivedana):
son pr#m#%ya ne se fonde pas sur la vraie nature de l!objet (n#rthatattvani-
bandhanam). Voir KATSURA 1984: 219, et pp. 140"142.
11
Voir aussi PVSV 109,10"11: tata& )abdaprabhav# api sat* na )#bdavad
abhipr#ya$ nivedayaty eva ity arth#visa$v#d#d anum#nam api |.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 71

rie des objets transempiriques (ad!"#a) ou suprasensibles (at$ndri-


ya). Les possibilités cognitives humaines sont ordinairement (et
non: «naturellement», ce qui conduirait à une épistémologie m$-
m%&saka) limitées aux objets perceptibles et (actuellement) imper-
ceptibles: de ceux-ci, la perception directe et l"inférence «procé-
dant en vertu de [quelque chose de] réel» (vastubal%y%ta/°prav!tta)
assurent, dans des conditions optimales, une connaissance congru-
ente, fiable, «objective» (avisa&v%daka°, avisa&v%di°, samyagjñ%-
na). Tel est l"être humain dans sa condition ordinaire (pr%k!tapuru-
"a): ses possibilités cognitives limitées (arv%gdar'ana > arv%gdar-
'in) lui interdisent tout accès cognitif au suprasensible, à l"ordre
des états de fait transempiriques (TSP 900,6!7 sous TS n°3463!
3464). La connaissance de ces réalités ressortit tout entière à l"É-
criture ! que celle-ci soit théorisée comme parole d"une personne
crédible ou comme impersonnelle/incréée.
De la connaissance du suprasensible, l"être humain pourrait à la ri-
gueur faire l"économie si elle ne touchait qu"à des faits de démo-
nologie, de magie médicale ou de cosmologie. L"Écriture couvre
cependant toute la sphère de la praxis humaine: de la morale, de
l"agir éthico-rituel, de l"eschatologie et de la sotériologie, il n"est
de connaissance que scripturaire. En d"autres termes, il n"est d"agir
que scripturairement fondé. Tels sont les premiers mots du maître
sur PS II.5ab12: «La personne [désireuse d"agir] ne peut vivre sans
recourir à l"autorité d"une Écriture[, et ce pour deux raisons:] parce
qu"elle [y] apprend les bénéfices et infortunes immenses [qu"il y a]
à renoncer et à consentir à certains [actes] dont les résultats [lui de-
meurent] invisibles, et parce que [cette personne] ne perçoit pas
d"incompatibilité à l"existence des [résultats désirable et indésira-
ble que prévoit l"Écriture].» Si l"être humain n"a d"autre choix que
de subordonner sa praxis aux recommandations d"une Écriture, il
garde en revanche et en théorie le choix de l!Écriture; plutôt qu"à
une adhésion aveugle, il peut obéir à une décision rationnelle cen-

12
PVSV 108,2!5: na aya& puru"o !n%'ritya %gamapr%m%(yam %situ& samar-
tha) | atyak"aphal%n%& ke"%&cit prav!ttiniv!ttyor mah%nu'a&s%p%[y]a'ra-
va(%t tadbh%ve virodh%dar'an%c ca |.
72 Introduction

sée maximiser ses chances de succès13: «Toute [personne, si elle]


procède avec prudence [et] non par inclination [aveugle], analyse
[si tel traité] est Écriture ou n!est pas Écriture, désireuse [qu!elle
est] d!agir [sur la base d!une Écriture après avoir dûment écarté ce
qui n!est pas Écriture; cette personne se dit en effet:] !Puissé-je
connaître par l![Écriture] ce qu!il [me] faut mettre en pratique pour
voir mon agir couronné de succès!"» Qu!une procédure évaluative
engendre la décision rationnelle de fonder sa praxis sur tel traité,
ne dispense toutefois nullement de témoigner, sinon du sceptici-
sme, du moins de la prudence à l!égard des énoncés scripturaires
portant sur le suprasensible14: «Puisque [seule] cette [Écriture-]ci
peut parfois se révéler fiable, l!action d!une personne en proie au
doute sur les [seuls] états de fait [radicalement imperceptibles], est
préférable à l!action d!une personne qui dans tel autre [traité au-
rait] constaté une contravention aux moyens de connaissance vali-
de.» Sur cette prudence, Dharmak"rti insiste encore dans une syn-
thèse remarquable de sa propre position métareligieuse15: «[Seul]
l!ignorant recherche, afin de prendre connaissance de l!objet
qu!elle expose, une Écriture [qui soit pour lui] moyen de connais-
sance valide, parce que les [personnes] qui ont [déjà] atteint la vé-
rité ne dépendent [plus] de l!enseignement [d!autrui], et que l!igno-
rant n!a pas la capacité de distinguer [parmi plusieurs] une person-

13
PVSV 110,3#5: sarva eva !gamam an!gama" v! prav#ttik!mo !nve$ate pre-
k$!p%rvak!r& na vyasanena | api n!ma anu$'heyam ato jñ!tv! prav#tto !rtha-
v!n sy!m iti |.
14
PVSV 173,28#174,2: arthe$u vara" sa"(ayitasya v#tti) | tatra kad!cid avi-
sa"v!dasambhav!t | na tv anyatra d#$'apram!*oparodhasya puru$asya pra-
v#ttir iti |. «Cette [Écriture-]ci», c!est-à-dire l!Écriture ayant passé avec suc-
cès les tests d!évaluation (voir pp. 92#114).
15
PVSV 175,27#176,4: !gama" pram!*a" tad!dar(it!rthapratipattaye !jño
jana) samanve$ate samadhigatay!th!tathy!n!m upade(!napek$a*!t | ajña-
sya ca at&ndriyagu*apuru$avivecane !s!marthy!t | vacan!n!" sam&hit!rtha-
satt!m antare*a api v#tti" pa(yato bhavitavyam eva ad#$'avyabhic!ravaca-
s!m api puru$!*!" v!ci (a+kay! ki" yath!rth! na v! iti | tena na yuktam
anena kasyacid vacanena ki"cin ni(cetum |.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 73

ne [omnisciente ou véridique,]16 dont les qualités [lui demeurent]


suprasensibles. [Donc] pour qui constate l"usage d"énoncés sans
pourtant [pouvoir constater] l"existence de l"objet escompté, un
doute doit s"installer même eu égard à la parole de personnes dont
il n"aurait pas constaté que le propos fût fallacieux,17 [un doute
quant à savoir] si [cette parole] est véridique ou non. Celui-ci18
n"est donc19 fondé à s"assurer d"aucune [entité] à partir de l"énoncé
d"une [personne].»
2.1.5. Pra!astap"da, Dign"ga et Bh"(va)viveka/Bhavya subsument
l"Écriture sous l"inférence: la démarche ne revient pas à nier la va-
lidité épistémique (pr!m!"ya) de l"Écriture, mais à nier que celle-
ci constitue un pram!"a autonome. Dharmak#rti ne se satisfait pas
de ranger l"Écriture au côté de l"inférence: il lui refuse encore,
dans ses idées métareligieuses du moins, toute validité épistémi-
que.20 Chez lui, l"Écriture n"a de pr!m!"ya que faute de mieux, en
raison seulement de l"impossibilité où se trouve l"être humain or-
dinaire d"accéder non scripturairement au suprasensible (agaty!).
C"est là l"intention qu"il prête au Dign"ga de PS II.5ab21: «[C"est]
en raison de l"impossibilité [où l"on se trouve sinon] d"accéder [à
des objets radicalement imperceptibles, que le maître Dign"ga] a
déclaré que, puisque la parole d"une autorité est semblable en fia-

16
PV$ ñe P83b3!4/D69a6!7: !di ni thams cad #es pa yin gyi g$an ni ma yin
pa!am | !di phyin ci ma log par brjod pa yin gyi g$an ni ma yin no $es "
Comparer PVSV$ 617,12, et voir pp. 92!96.
17
PV$ ñe P83b7/D69b2 = PVSV$ 617,17: #akyavic!re vastuni, «sur une entité
dont l"examen [par les moyens de connaissance valide] est possible.»
18
C"est-à-dire, selon PV$ ñe P83b8!84a1/D69a3 = PVSV$ 617,19, l"agent
ignorant (ajña% pratipatt!).
19
PV$ ñe P83b8/D69b3: the tshom gyi rgyu ga& yin pa des na.
20
PV IV.101ab: pr!m!"yam !gam!n!' ca pr!g eva viniv!ritam |. «Et [nous
avons déjà] écarté plus haut la validité épistémique des Écritures.» Sur cette
demi-strophe et son contexte, voir TILLEMANS 2000: 138!142. Sur ce qui
suit, voir en premier lieu TILLEMANS 1999.
21
PV I.216ac: !ptav!d!visa'v!das!m!ny!d anum!nat! | buddher agaty!bhi-
hit!.
74 Introduction

bilité [à une inférence], la connaissance [que l!on en tire] est une


inférence.» Que l!autorité de l!Écriture tienne aux seules exigences
de la praxis et non à ses propriétés épistémologiques, ressort en
toute netteté d!un autre commentaire direct de Dharmak!rti sur PS
II.5ab22: «Donc étant donné que s!il faut agir [sur la base d!une
Écriture], mieux vaut agir ainsi[, en ayant évalué l!Écriture au pré-
alable, le maître Dign"ga] propose une autorité [procédant] par
évaluation [de l!Écriture].» #"kyabuddhi et Kar$akagomin explici-
tent le propos de la façon suivante23: «Ce n!est pas en professant
une validité épistémique réelle que le maître [Dign"ga] a dit de
l!Écriture qu!elle est une inférence, mais en considérant l!agir hu-
main.» La praxis impose à l!être humain d!agir sur l!autorité d!une
Écriture; la rationalité pratique,24 de soumettre cette autorité à une

22
PVSV 108,5"6: tat sati pravartitavye varam eva! prav"tta iti par#k$ay% pr%-
m%&yam %ha |.
23
PV% P286a2"3/D242b5"6 = PVSV% 390,21"22: na %c%rye&a bh%vika! pr%-
m%&ya! kathayat% %gamasya uktam api tu puru$aprav"ttim apek$ya |.
24
TSP 4,1"6 (TSPt P ye 162a6"b2): y%vat% d"'yante hi kecid apratyak$a-
phal%n%! ke$%!cit prav"ttiniv"ttyor mah%nu'a!s%p%ya'rava&%d an%'ritya
%gamapr%m%&yam %situm a'aknuvanto vacan%t prav"ttam%n%( | na ca et%va-
t% te$%! prek$%vatt%h%ni(, *abhyup%yena eva prav"tte(; na hy %gam%d "te
!tyantaparok$%rthavi$aye prav"tt%v anyo **!bhyup%yo !sti | ava'ya! ca pra-
vartitavya! tv? %gam%t | vy%hat%gamaparigraha! hi kurv%&% aprek$%p)rva-
k%ri&a( syu( | avy%hat%gamasam%'raye&a tu prav"ttau katha! na prek$%-
vanto bhaveyus tasya eva samyagup%yatv%t |. *TSPt: thabs khyad par can
gyis; **TSPt: thabs. «On constate en effet que des [gens] agissent [sur la ba-
se] d!une parole [d!autorité], incapables [qu!ils sont] de vivre sans recourir à
l!autorité scripturaire: en effet, [c!est dans l!Écriture qu!]ils apprennent les
bénéfices et infortunes immenses qu!il y a à consentir ou à éviter certains
[actes] aux résultats imperceptibles. Or ces [gens] ne cessent pas pour autant
d!être rationnels, car c!est [sur la base] d!un (excellenttib) moyen qu!ils agis-
sent. Il n!est en effet [nul] autre moyen que l!Écriture pour agir [par rapport]
à un objet qui est un état de fait radicalement imperceptible. Et [dès lors
qu!]il faut nécessairement agir [sur la base] d!une Écriture, ceux qui feraient
allégeance à une Écriture contredite [par des moyens de connaissance valide]
n!agiraient effectivement pas avec rationalité; en revanche, s!ils agissent en
se fondant sur une Écriture non contredite, en quoi ne seraient-ils pas ration-
nels puisque seule cette [Écriture-]ci est un moyen correct [d!agir]?»
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 75

évaluation critique. Dérivée, transférée ou inférée au terme d"une


évaluation qui ne porte pas directement sur des énoncés relatifs au
suprasensible (pour lesquels seuls sauraient prévaloir des critères
cohérentistes), la crédibilité de l"Écriture demeure hypothétique en
matière de suprasensible; invérifiable hic et nunc sur ce point, inca-
pable d"offrir une connaissance constative des objets qu"elle évo-
que,25 l"Écriture ne satisfait pas aux critères retenus par l"école en
matière de pr!m!"ya: elle n"est pas un pram!"a de plein droit.

2.2. Personnes d"autorité


2.2.1. L"être humain désireux d"une praxis éthico-religieuse ne dis-
pose pas, des moyens gnoséologiques d"accéder au suprasensible.
Pour agir, il doit donc s"en remettre à l"autorité d"une Écriture.
L"Inde ancienne accuse toutefois une pluralité religieuse marquée.
Chaque dénomination (hors M!m"#s" et apparentés) rapporte les
Écritures fondant et consignant ses spécificités socio-religieuses, à
une (ou plusieurs) «personne(s) d"autorité» (ou: «personne[s] cré-
dible[s]», humaine[s] ou divine[s]), que les littératures philosophi-
co-religieuses, dès le début de notre ère, nomment génériquement
«!pta».26 L"expression s"entend de toute personne pour laquelle
une dénomination confessionnelle revendique des qualités telles
qu"elles assurent à cette personne le statut d"enseignant par excel-
lence27: l"!pta est ou fait autorité pour la tradition ou l"obédience

25
PVSV 168,1!3: agaty! ca idam !gamalak#a"am i#$am | na ato ni%caya& | tan
na pram!"am !gama ity apy uktam |. «Now we accept this defining character
of scripture for lack of any [other] way. There is no certainty from this [scrip-
ture]. Thus it was said that scripture is not a pram"$a.» Traduction TILLE-
MANS 1999: 400.
26
YD 87,1!13 (sous SK 5d), NBh 14,4!5 (sous NS I.i.7), 96,18!19 et 97,7
(sous NS II.i.68), PrP 75,7 (sous MK I.1) et 268,1!269,3 (sous MK XV.6),
NS"ra 5 (où pr"k. atta = skt. !pta), NA 9, CS s'trasth!na 11,18!19 et 27!29.
Autres dénominations: puru#avi%e#a dans YBh 39,1!2 et YS I.24; parama-
r#i dans YBh 41,2 (sous YS I.25); (#i dans Nir. I.20, PDhS §288, NS I.i.7,
MSA XVIII.31, CS s'trasth!na 11,27!29.
27
Qualités de yath!bh't!rthacikhy!payi#! dans NBh 96,19 (sous NS II.i.68);
de guru dans YS I.26; d"upade#$( dans NBh 14,4!5 (sous NS I.i.7); de satya-
76 Introduction

qui se reconnaît dans son enseignement; surtout, l!autorité scriptu-


raire dérive généralement de l!autorité attachée à sa personne.28
Nos sources visent des personnalités aussi diverses que Kapila, les
!"i védiques, les #i"$a brahmaniques, les Bouddha Bienheureux, les
T!rtha"kara ou #$vara.29 A ces personnalités, les mêmes sources
rapportent la parole d!autorité (%ptavacana), le témoignage d!auto-
rité (%ptopade#a), la révélation d!autorité (%pta#ruti), le traité (au-
torisé, #%stra), l!Écriture (%gama), la parole (en tant que moyen de
connaissance valide, #abda) et parfois, plus tardivement, le Tan-
tra.30 Pour la majorité de ces traditions, l!Écriture, parole ou témoi-

v%din dans MBh 18.5.31. Noter aussi le jñ%nadharmopade#a de YBh 40,5"


41,1 (sous YS I.25) et l!anu#%sanapr%tih%rya des Bouddha dans AKBh
424,13"425,3 (sous AK VII.47b2d).
28
Fondamental sur ce point et pour les littératures hindouistes, OBERHAMMER
1974b; pour le Ny%ya et le Vai$e&ika, voir CHEMPARATHY 1983, VAN
BIJLERT 1989: 16"19 et 30"34, LYSSENKO 1998; pour le jainisme, voir SHAH
1967: 33"36; pour l!aspect de la connaissance objective (de type perceptif/
direct surtout), voir d!abord SEYFORT RUEGG 1994b, puis 1994a et 1995. A
ces auteurs (surtout à SEYFORT RUEGG 1994b), je dois une part notable des
références données ci-dessous.
29
TJ ad MHK IX.3 (P310a7"8/D274b4"5) présente les S%"khya, les Vai$e&ika,
les Jaina, les nihilistes (tib. med par smra ba pa, sans doute les matérialistes
lok%yata) et les bouddhistes comme autant de formations dérivant l!autorité
scripturaire d!une personne d!autorité: Kapila (ser skya), Ka'%da (gzegs zan),
Nagna? (gcer bu), #Jig rten #di pa? et Buddha (sa&s rgyas) ; plusieurs de ces
noms réapparaissent, dans le contexte de l!omniscience et de la perception du
suprasensible, dans TS(P) (voir aussi NB, passim): Sugata, Kapila, Ka'a-
bhak&a (= Ka'%da), Ak&ap%da (TSP 822,16 sous TS n°3148); Jina et Buddha
(TS n°3150); Vardham%na (TS n°3325); (&abha (TS n°3348). Sur ces
passages, voir ELTSCHINGER 1998: 65"66.
30
'ptavacana dans YD 70,14 (sous SK 4ab1), 87,1"13 (sous SK 5d), AKVy
525,10; %ptopade#a dans NS I.i.7, NBh 97,5"6 (sous NS II.i.68), MHK V.8,
CS s(trasth%na 11,17; %pt%gama dans CS s(trasth%na 11,27; %pta#ruti dans
YD 87,4"13 (et SK 5d); #%stra dans YBh 37,3"4 (sous YS I.24); %gama dans
NS%ra 8, PrP 75,7 (sous MK I.1) et 268,1"269,3 (sous MK XV.6). Les
notions de %gama et de tantra ont été décrites et définies par OBERHAMMER
(1974a). NBh 14,4"5 dit %pti l!action de l!%pta. TS)Bh sous TS) I.20: #ru-
tam %ptavacanam %gama upade#a aitihyam %mn%ya) pravacana* jinava-
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 77

gnage d"une personne crédible, est un moyen de connaissance va-


lide,31 possède une autorité épistémique.32 Régulièrement, cette au-
torité s"attache à la personne crédible elle-même (celle de sa parole
en dérivant): cette dernière est alors réputée «être (devenue/com-
me) un moyen de connaissance valide» (pram!"abh#ta),33 et par-
fois être une «personne étant (devenue/comme) un moyen de con-
naissance valide» (pram!"abh#tapuru$a).34
Les Écritures sont généralement dites (au moins sinon exclusive-
ment) porter sur l"ordre des états de fait reconnus comme supra-
sensibles ou radicalement imperceptibles par la tradition, c"est-à-
dire sur l"ordre des réalités demeurant inaccessibles aux lumières
ordinaires de la connaissance humaine: elles informent alors sur les
modalités de la praxis éthico-rituelle et ses conséquences es-
chatologiques, sur des faits de cosmologie ou de théologie, sur des
événements passés et futurs.35 Surtout, avant d"exiger d"elles une

canam ity anarth!ntaram |.


31
MHK V.8ab (pram!"a% na& sarva% t!th!gata% vaca&), PrP 268,1 sous MK
XV.6 (buddh!n!% bhagavat!% vacana% pram!"am), NBh 97,6!7 sous NS
II.i.68 (!ptopade'a& pram!"am), YD 87,10 (ni&sa%'aya% pram!"am) et
87,12 (yad vacas tat pram!"am) sous SK 5d, NA 8 (m!nam).
32
MHK V.8c (!ptopade'apr!m!"y!t), NBh 96,18 (!pt!n!% pr!m!"yam) et
97,6 (trividhena !ptapr!m!"yena) sous NS II.i.68, PrP 269,2 sous MK XV.6
(pr!m!"yam).
33
NBh 97,2 sous NS II.i.68 (!pta& pram!"am). Selon SEYFORT RUEGG 1994b:
309sq, la première attestation indienne du composé pram!"abh#ta est MBh!-
"ya sous P!. I.i.1/v!rttika 7 (I.39,10), et désigne un !c!rya; dans MSABh
138,5 sous MSA XVIII.31 (SEYFORT RUEGG 1994b: 306!307), LV 319,9
(SEYFORT RUEGG 1994b: 306) et PS ma(gala, elle vise le (Bouddha) Bien-
heureux; voir aussi YD sous SK 4ab1.
34
L"expression est rare dans les textes indiens mais, sous la forme de *pram!-
"apuru$a (tshad ma!i skyes bu), a donné lieu à d"abondants développements
tibétains (voir STEINKELLNER 1983 et TILLEMANS 1993). MABh sous MA
VI.2 la dit d"un !c!rya autorisé (tel N!g!rjuna; voir SEYFORT RUEGG 1994b:
303!304); TJ P310a8/D274b4 sous MHK IX.3 (tshad mar gyur pa!i skyes
bu; pour le contexte, voir n. 29, p. 76). Voir n. 69, p. 89.
35
Nonobstant le fait que certaines traditions ne limitent pas au suprasensible la
sphère de compétence scripturaire (voir n. 4, p. 68). At)ndriya dans NV
78 Introduction

doctrine du monde, plusieurs parmi ces écoles (Yoga, Ny!ya,


bouddhisme, jainisme) demandent à leurs personnes d!autorité
d!administrer une thérapeutique à la douleur existentielle, d!articu-
ler une sotériologie.36
2.2.2. Selon l!adversaire de PVSV 109,23"110,1 (naiy!yik!di se-
lon Manorathanandin), est !pta une personne que distinguent des
qualités (gu"a) mentales particulières, une personne exceptionnelle

54,16"20 (sous NS I.i.7), où Uddyotakara compte svarga, ap#rva, deva-


t! (voir aussi NS I.i.3); dans VP I.38, MBh 18.5.32 (dit de Vy!sa; voir
SUTTON 2000: 27"28); dans PDhS §§288"289 (dit de dharm!di et des trois
temps); dans PrP 75,6"7 (sous MK I.1); dans YBh 39,4 (sous YS I.25) et CS
s#trasth!na 11,18"19 (où l!on se réfère aux trois temps); dans CS s#tra-
sth!na 11,27"29, où l!on se réfère à «Geben, Aszese, Opfer, Wahrheit, Ge-
waltlosigkeit, Keuschheit» (OBERHAMMER 1974b: 53). Atyantaparok$!rtha
dans YD 70,15 (sous SK 4ab1); atyant!k$aparok$a dans MHK IX.5. Noter
aussi NAV 382,8"9: tan na k$%"ado$avacana& vyatiricya anyata' prek$!va-
t!& paralok!d!v ad($)e !rthe prav(ttir yukt!. "M I.5 évoque des s#k$m!-
ntaritad#r!rtha, que A# 4,33 et "MV 4,22 comprennent comme des états de
fait hors d!atteinte (viprak($)a, viprakar$in) selon la nature propre, le temps,
l!espace respectivement.
36
WEZLER (1984) a montré que le bouddhisme d!abord, puis le Yoga, le Ny!ya
(dès le NBh) et, périphériquement, la médecine elle-même, affectionnent une
métaphore médicale de structure quadripartite pour décrire leur propre doc-
trine du salut. Comme le médecin identifie la maladie (roga), la cause de la
maladie (rogahetu), et envisage la santé (!rogya) à recouvrer avec la méde-
cine (bhai$ajya) à administrer dans ce but, ces doctrines du salut élucident le
mal à éliminer (heya), la cause de ce mal (heyahetu), l!élimination (h!na)
proprement dite et le moyen de cette élimination (h!nop!ya). Dharmak$rti et
Pak%ilasv!min (ce dernier se référant à l!!yurveda), usent des termes struc-
turant cette métaphore lorsqu!ils discutent !pta° et !gamapr!m!"ya: pour
tous deux, !pta et/ou !gama font autorité parce qu!ils enseignent véridique-
ment heyaDh/h!tavyaP, heyop!ya/h!nihetu, up!deya/adhigantavya et up!de-
yop!ya/adhigamahetu (voir PV I.217ab1, PVSV 109,15, PV II.32ab1, NBh
96,19"97,1 [sous NS II.i.68]). Hors toute référence à la métaphore médicale,
le jainiste Kundakunda (NS!ra 2"4) ne trouve pas autre chose dans le jina-
*!sana: le Chemin (m!rga = mok$op!ya = niyama = jñ!nadar*anac!ritra) et
le Fruit du Chemin (phala = [parama]nirv!"a). A rapprocher du *!stralak$a-
"a (NR" 288,11) de #V *abdapariccheda 4: prav(ttir v! niv(ttir v! nityena
k(takena v! | pu&s!& yenopadi*yeta tac ch!stram abhidh%yate ||.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 79

(puru!"ti#aya) au regard de ses propriétés; est fiable (avisa$v"da)


ou objective (yath"rtha), c"est-à-dire autorisée, la parole d"une tel-
le personne.37 Parmi ses propriétés, Dharmak!rti compte la connais-
sance objective (yath"rthadar#ana) et le caractère (moralement)
immaculé (nirdo!at"), à quoi ses commentateurs ajoutent la com-
passion (day").38 Trois ordres de choses qualifient donc l""pta à
l"autorité: la connaissance objective, notamment en matière supra-
sensible; l"éradication des vices; la commisération avec les êtres.
Cette triple caractérisation est amplement corroborée par les littéra-
tures philosophico-religieuses de l"Inde ancienne, antérieures à ou
contemporaines de Dharmak!rti.
On doit à David SEYFORT RUEGG d"importantes études relatives au
volet cognitif ou gnoséologique des représentations de l""pta, no-
tamment à trois expressions récurrentes décrivant l"accès perceptif
direct à l"invisible dont bénéficient les personnes crédibles: celles-
ci sont réputées «avoir directement réalisé/perçu le(s) dharma»
(s"k!"tk%tadharman), «être des témoins directs au suprême degré»
(paramas"k!&bh'ta), être des personnes «pour qui le(s) dharma
est/sont perceptible(s)» (pratyak!adharman).39 De nombreuses
sources insistent sur l"omniscience de leur(s) autorité(s);40 d"autres,

37
PVV 365,14: naiy"yik"daya(, alors que PVSV" 396,10 dit simplement
v"din; «objective» gl. saty"rtha, «véridique», dans PVV 365,15; «autorisée»
selon PVV 365,16: puru!"ti#ayapra)&ta$ vacana$ pram")am iti ! ayam
artha( |.
38
PV" P292b5/D247a7 # PVSV" 396,10 disent encore k!&)ado!at"dikatva
(«avoir notamment éliminé les fautes morales [de la série psychique]») et,
PV" P292b6/D247b1 # PVSV" 396,11!12, vair"gya («dépassionnement»);
PVV 365,14: yath"bh't"rthadar#in; PV" P294a4/D248a7!b1 = PVSV"
397,12!13: bodha; PV" P292b6/D247b1 # PVSV" 396,11!12: k%p". Voir
STEINKELLNER 1979: 65!66 + nn. 202!203.
39
Voir SEYFORT RUEGG 1994a, 1994b et 1995, qui renvoient, pour s"k!"tk%ta-
dharman, à NBh 14,4!5 (sous NS I.i.7), 96,18 (sous NS II.i.68) et Nir. I.20;
pour paramas"k!&bh'ta, à LV 319,9; pour pratyak!adharman, à MBh$%ya
I.11 et MBhD ad loc.
40
Sarvajña dans YS I.25 et YBh 39,5 et 40,2 ad loc. (de &'vara); MBh 18.5.32
(de Vy$sa = Muni K(%)a); *M I.9; les sources jainistes utilisent aussi l"ex-
80 Introduction

sur la physiologie subtile de ce maximum gnoséologique;41 d!au-


tres encore, sur l!accès cognitif au suprasensible ou sur l!objecti-
vité de leur connaissance.42 Quant au motif de l!éradication des
fautes morales ou caractère moralement immaculé, il est pour ainsi
dire constant: l!!pta de la YD est «affranchi [des passions] de con-
cupiscience, etc.» (r!g!diviyukta), «possède un esprit [morale-
ment] immaculé» (adu"#amanas); celui de Kundakunda et de
Candrak!rti est dénué de toutes les fautes morales sans exception;
le Brahm" du PDhS est «pourvu de dépassionnement» (vair!-
gya!sampanna); le Vy"sa du MBh «possède une âme purifiée»
(bhavit!tman); l!!pta de la CS est immaculé (ado"a), affranchi du
rajas et du tamas, a vu disparaître peur (bhaya), concupiscence
(r!ga), haine (dve"a), convoitise (lobha), hébétude/erreur (moha) et
orgueil (m!na).43 L!association de la compassion à l!!pta est à
peine moins régulière: l!!pta de la YD agit en vue du summum
bonum des êtres humains (puru"ani$%reyas!rtham); l!#$vara du
YBh par disposition favorable envers les êtres (bh&t!nugraha), par
compassion (k!ru'ya); l!!pta du NBh est animé de compassion
envers les êtres (bh&taday!); la CS évoque une doctrine (%!stra-
v!da) introduite pour le bien du monde (lok!nugraha); l!AKBh
décrit par le menu la grande compassion (mah!karu'!) qui, en tant

pression de kevalajñ!na (NS"ra 5; NS"ra 1ab dit ananta!jñ!nadar%anasva-


bh!va; %DS 45d); voir TS& I.9 et JAINI 1979: 121"122 pour les catégories
jainistes de la connaissance; pour des sources bouddhiques relatives à l!om-
niscience, voir pp. 83"85.
41
Motifs du divya° ou !r"acak"us dans CS s&trasth!na 11,29, MBh 18.5.33,
VP I.38, ainsi que d!innombrables sources bouddhiques relatives à cette
abhijñ!; motif vai%e"ika de l!!r"ajñ!na dans PDhS §§288"289 (LYSSENKO
1998: 99"101).
42
At(ndriy!rthavid dans PrP 75,6"7 (sous MK I.1); yath!rthanivedana) jñ!-
nam dans PDhS §288; sadbh&t!rthopade%aka dans %DS 46b.
43
Respectivement: YD 87,4 et 11"12 (sous SK 5d); vyapagat!%e"ado"a (NS"ra
3), ni$%e"ado"arahita (NS"ra 5), prah('!%e"ado"a (PrP 268,2 sous MK
XV.6); PDhS §59; MBh 18.5.32; CS s&trasth!na 11,18, 11,27 et 11,29. No-
ter aussi 'M I.6: nirdo"a ('MV 5,17: nirdo"o "vidy!r!g!divirahita$ k"udh!-
divirahito v!); NAV 382,8"9: !pta$ prak"('!%e"ar!g!dido"aga'a$; %DS
45bc: r!gadve"avivarjita$ | hatamohamah!malla$.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 81

que l"un des dix-huit !ve"ikadharma, est propre aux Bouddha.44


Sur le thème de l"!pta comme ailleurs, Dharmak!rti a visé au plus
large, c"est-à-dire toutes les écoles fondant l"!gamapr!m!"ya sur
les qualités spécifiques de l"!pta.

2.3. Perception du suprasensible et autorité épistémique chez Dharma-


k!rti
2.3.1. Pour partie dans le sillage de Pak"ilasv#min, Dharmak!rti de-
mande à une «théorie» des mantra et de leur efficacité de faire la
preuve, contre la M!m#$s#, (de la possibilité) d"un accès cognitif
direct au suprasensible.45 Dharmak!rti réfute longuement la notion
censément m#m!$saka (en fait attestée dans des textes médicaux et
tantriques) d"une efficacité naturelle et originaire (bh!va%akti) des
mantra. Si nous disposons de mantra, dit-il, c"est que des hommes
possèdent la capacité de distinguer entre énoncés efficaces et énon-
cés inefficaces, autrement dit entre mantra et amantra. Cette dis-
tinction demeurant inaccessible à la perception et à l"inférence, il
faut la mettre au crédit d"hommes en quelque façon exception-
nels;46 et si ces mantra sont efficaces, c"est en raison du serment

44
Respectivement: YD 87,9 (sous SK 5d); YBh 40,5 (sous YS I.25); NBh
96,19 (sous NS II.i.68); CS s&trasth!na 11,27; AKBh 411,11 (sous AK
VII.28ab) et AKBh 414,17!415,10 (sous AK VII.33).
45
Pour un examen détaillé de ces questions, voir ELTSCHINGER 2001a. Deux
passages traitent des mantra: PVSV 123,14!124,26 et PVSV 155,17!164,24
(voir respectivement %MAE 1989 et WAKAHARA 1988).
46
PVSV 162,17: ! ity asti parok'!rthadar%# puru'a( |. Pour une traduction de
tout le passage ainsi conclu, voir ELTSCHINGER 2001a: 89, pp. 89!90 pour le
passage parallèle de TS n°3452!3455ab, et pp. 123!124 pour le passage pa-
rallèle de SSK 20!25. La série de phonèmes qui est mantra, c"est-à-dire qui
octroie un résultat, n"est discernée que «par certains hommes dotés d"une ca-
pacité particulière [en matière] de suprasensible» (PV& ñe P42b2!3/D37b4 =
PVSV& 576,8!9: kai%cid eva puru'air at#ndriya%aktibhedayuktai(). «Le M!-
m#$saka doit donc nécessairement admettre [qu"il existe] un homme qui
perçoit des états de fait [ordinairement] imperceptibles, [un homme] qui dis-
tingue la nature propre [qui est celle] d"un mantra [de celle] d"un [énoncé]
qui n"est pas mantra.» (PVSV& 576,28!29: ava%ya$ m#m!$sakena at#ndri-
y!rthadar%# puru'o "bhigantavyo yo mantr!mantrasvabh!va$ vivecayati |;
82 Introduction

(samaya, ou promesse, pratijñ!) et du soutien surnaturel (ou bé-


nédiction, adhi"#h!na) de l!auteur ou divulgateur des mantra. A la
notion d!une bh!va$akti, Dharmak!rti substitue par conséquent une
théorie selon laquelle l!efficacité des mantra est d!origine stricte-
ment humaine. Relevons ici que l!auteur/divulgateur des mantra est
exceptionnel (as!dh!ra%a, au regard de ses qualités mentales, as!-
dh!ra%agu%a), particulier (vi$e"avat) ou supérieur (ati$ayavat) par
rapport aux hommes ordinaires (pr!k&tapuru"a), dont la perception
est limitée (arv!gdar$in, arv!gdar$ana). Son caractère exception-
nel tient à sa perception d!objets aussi radicalement imperceptibles
(at'ndriyadar$ana, at'ndriy!rthadar$in, parok"!rthadar$in) que la
capacité d!une parole à figer un poison.
Selon Dharmak!rti, différentes Écritures enseignent les moyens de
réaliser des mantra (mantrakriy!s!dhana), les «causes des mantra»
(mantrahetu).47 Nos textes dénombrent huit moyens ou causes: vé-
r(ac)ité (satya), austérités (tapas), réminiscence (des naissances an-
térieures, sm&ti), discernement (de la pensée d!autrui, mati), intui-
tion (de la nature des choses, prativedha), capacité ($akti), succès
particulier (d!un mantra, siddhivi$e"a), destinée particulière (gativi-
$e"a).48 Aucun de ces facteurs n!est spécifiquement bouddhique:
satya et tapas sont «panindiennement» associés aux prestiges ma-
giques et visionnaires;49 [mantra]siddhivi$e"a et gativi$e"a recou-

comparer PV" ñe P43b1"2/D38b1.) Cet homme «connaît le mantra, son ef-


ficacité et sa mise en pratique» (PV" ñe P42b3/D37b4"5 # PVSV" 576,10"
11: parok"!rthadar$ipuru"o yo mantra( tats!marthya( tadanu"#h!na( ca
vetti |).
47
D!après PVSV 124,19"20: tats!dhanasamprad!yabhedavad gu%!ntaras!-
dhan!ny api syu) |.
48
Sur ce point, voir ELTSCHINGER 2001a: 20 et 75sq.
49
Dans la SuSam, les mantra sont réputés satyatapomaya en tant qu!ils ont été
révélés (prokta) par les deva et les brahmar"i (kalpasth!na 5,9; cf. AV VI.12
et AVBh II.657,19"20 et 23"24). L!association de satya et tapas aux &"i
brahmaniques (auteurs/révélateurs visionnaires des mantra) est constante, y
compris dans les littératures bouddhiques: voir VS$ 223,2"12 et %KA 637,1"
12 (ELTSCHINGER 2000a: 45"47); ces propriétés qualifient également les
!rya et «vrais brahmanes» du bouddhisme. Dharmak!rti reconnaît aux &"i la
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 83

pent certains des facteurs que les YS et l"AKBh associent respecti-


vement aux siddhi et aux !ddhi (pouvoirs merveilleux, surnatu-
rels);50 "akti, qu"on glose prabh#va (pouvoir), se peut entendre
comme !ddhi;51 enfin, sm!ti et mati sont des superconnaissances
(abhijñ#).52 Diverses écoles et littératures bouddhiques concédant
cinq des six abhijñ# aux profanes (p!thagjana) et aux hérétiques
(t$rthika),53 l"identité de ces huit qualités mentales assure à la posi-
tion de Dharmak!rti un caractère confessionnellement neutre. Le
maître est dès lors justifié à reconnaître des mantra et des Kalpa
«barbares» ("abara), bouddhiques (bauddha) et védiques (vaidika);
ses commentateurs, à étendre la liste aux jainistes (#rhata), aux "i-
vaïtes (m#he"vara) et aux g#ru%[ik]a.54 Dharmak!rti et ses com-
mentateurs concèdent donc ipso facto à certains profanes et héréti-
ques la perception du suprasensible, rendant du coup impossible
une définition de l"autorité par at$ndriy[#rth]adar"ana.
2.3.2. Les logiciens tardifs (Jñ#na"r!mitra, Ratnak!rti, Mok$#kara-
gupta55) distinguent deux types d"omniscience: l"omniscience tou-
chant à la totalité des connaissables (sarvasarvajñat#), et l"omni-
science entendue comme plénitude des connaissances utiles au sa-
lut (upayuktasarvajñat#). Quoique présente à l"état embryonnaire
dans PV II.31cd!32, cette distinction est postérieure à Dharmak!rti,
lequel ne s"est jamais prononcé clairement sur l"omniscience; lors-

paternité des mantra védiques (P


PVSV 120,15!16).
50
Voir YS IV.1, AKBh 429,2!3, et ELTSCHINGER 2001a: 75!76.
51
PVSV% 452,30: "akti& prabh#va& |. 'akti = prabh#va recoupe !ddhi: les
chapitres I.5 (Prabh#vapa(ala) de la BoBh et VII (Prabh#v#dhik#ra) du
MSA ne sont autres que des exposés relatifs aux !ddhi.
52
Selon les définitions consignées n. 355, p. 306, sm!ti fait écho à l"abhijñ# de
p)rvaniv#s#nusm!ti, et mati à celle de parasya ceta&pary#yajñ#nam.
53
Voir BAREAU 1955: 113, 116, 140, 183, 192. MVastu II.96,1, SPUS& 49,15,
MmVr 256,9!12 et Div. 637,7!8 disent les !*i «pañc#bhijña».
54
Sur ces questions, voir PVSV 123,19!124,1, et ELTSCHINGER 2001a: 17sq,
29sq et 59sq.
55
R1,15!16 (voir BÜHNEMANN 1980: viii-ix, 2 et n. 9), PVA 52,15, KAJIYAMA
1966: 136n. 369, JACKSON 1991.
84 Introduction

qu!il y fait nommément allusion, c!est dans une acception voisine


de at!ndriyadar"ana, pour procéder à une réfutation strictement
«formelle» de la critique m!m#$saka.56 Pour anachronique qu!elle
soit, la distinction n!en constitue pas moins une grille herméneu-
tique utile à la lecture de Dharmak!rti. Dans PV II.29"33, celui-ci
distingue en effet très clairement entre at!ndriyadar"ana/sarvajñ#-
na, et pr#m#%ya; surtout, l!omniscience n!y paraît ni nécessaire ni
suffisante à garantir l!autorité, laquelle s!évalue au seul critère pra-
gmatico-religieux de heyop#deyatattvajñ#na57: «Certains[, tels les
Jaimin!ya,] prétendent que [si] l!autorité tient à la connaissance des
états de fait imperceptibles, il n!y a [alors] de pratique [pour per-
sonne], parce qu!il n!est pas de moyen de réaliser cette [autorité].
[Réponse:] Ceux qui craignent d!être trompés si l!instruction [reli-
gieuse] est le fait d!un ignorant recherchent une [personne] déte-
nant une connaissance [de ces objets-ci] en vue de mettre en prati-
que [le moyen] que recommande cette [personne. Puisque c!est de
la personne enseignant le moyen d!apaiser la douleur qu!on recher-
che la connaissance,] il convient donc d!examiner la connaissance
qui est la sienne concernant ce qu!il faut pratiquer[, c!est-à-dire sa
connaissance relative au moyen d!apaiser la douleur du Sa"s#ra];

56
NB III.71"73, PV I.14 et PVSV 10,21"25, PVSV 124,22"23 et 164,13"24,
ELTSCHINGER 2001a: 103"109. Chez Dharmak!rti, la nature de l!omniscience
paraît affaire de public: non précisée ou de type upayuktasarvajñat# en con-
texte de discussion avec la M!m#"s#, mais susceptible d!une interprétation
en termes de sarvasarvajñat# dans des segments bouddhologiques d!un type
plus dogmatique (par exemple PV II.280, mais aussi, et par implication doc-
trinale, dans PV II.139"144: voir ELTSCHINGER 2005a: 408"434 et ELTSCHI-
NGER 2005b: 162"179).
57
PV II.29"33: pr#m#%ya$ ca parok&#rthajñ#na$ tats#dhanasya ca | abh#v#n
n#sty anu&'h#nam iti kecit pracak&ate || jñ#nav#n m(gyate ka"cit tadukta-
pratipattaye | ajñopade"akara%e vipralambhana"a)kibhi* || tasm#d anu&'he-
yagata$ jñ#nam asya vic#ryat#m | k!'asa)khy#parijñ#na$ tasya na* kvo-
payujyate || heyop#deyatattvasya s#bhyup#yasya vedaka* | ya* pram#%am
as#v i&'o na tu sarvasya vedaka* || d+ra$ pa"yatu v# m# v# tattvam i&'a$ tu
pa"yatu | pram#%a$ d+radar"! ced eta g(dhr#n up#smahe ||. Voir le passage
parallèle de TS n°3136"3140 dans ELTSCHINGER 2001a: 113n. 491; voir
aussi TS n°3529.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 85

à quoi nous sert en effet sa connaissance exhaustive du nombre des


insectes? Nous acceptons pour autorité celui qui fait connaître la
réalité à éviter avec son expédient[, c"est-à-dire impartit la connais-
sance de la douleur et de l"origine de la douleur], et la réalité à cul-
tiver avec son expédient[, c"est-à-dire impartit la connaissance de
la cessation de la douleur et du chemin qui y conduit], et non pas
celui qui ferait tout connaître. Que [celui qui connaît les buts de
l"homme] voie au loin, ou [au contraire] ne voie pas[, peu nous im-
porte], mais qu"il voie la vérité [à pratiquer] dont [nous] avons be-
soin[, c"est-à-dire les quatre Vérités Saintes]! [Car] si [l"on accep-
te] celui qui voit au loin comme autorité, [alors] approchez[, ô vous
qui aspirez à la libération]: nous vénérons les vautours!» En d"au-
tres termes, l"autorité ne se mesure pas tant à la connaissance du
suprasensible ou à l"omniscience, dûment assimilées ici ( ! sar-
vasarvajñat!), qu"à la fiabilité de l"enseignement en matière soté-
riologique ( ! upayuktasarvajñat!). Voilà qui corrobore plusieurs
traits de la réflexion métareligieuse de Dharmak!rti dans PV I: un
"!stra n"est digne d"évaluation qu"à condition de présenter un but
de l"homme (puru#!rtha, tels svarga, apavarga, abhyudaya, ni$-
"reyasa, nirv!%a), et d"ordonner à cette fin des expédients appro-
priés (voir pp. 102!104); un "!stra n"est fiable sur sa matière prin-
cipale qu"à condition d"exposer correctement les maux à éviter et
les biens à cultiver, avec leurs expédients respectifs (voir pp. 110!
112).
2.3.3. A l"explicite et de façon générale, PV III.281!286 traite de
la «connaissance des yogin» (yogin!& jñ!nam): par «connaissance
des yogin», il faut entendre une connaissance issue de, ou causée
par la cultivation mentale (bh!van!).58 A mots couverts, ces six

58
Fondamental sur le sujet de yogin!& jñ!nam, STEINKELLNER 1978; voir aussi
MCDERMOTT 1991, et ELTSCHINGER (à paraître 3). PV III.281b: bh!van!-
maya, glosé bh!van!hetuka (PVA 326,22!23), bh!van!hetuni#pattika (PVV
203,1!2), bden pa bsgom pa rdzogs pa las skyes pa!i "es pa (sur ces explica-
tions de °maya dérivées de P". 5.4.21, voir aussi AKBh 335,6 [hetau maya-
'vidh!n!t |] et AKVy 525,9!16). PV III.284d: bh!van!balanirmita, «créée à
force de cultivation mentale». Cette connaissance apparaît au terme de la
cultivation (PV III.285c: bh!van!ni#pattau), c"est-à-dire, selon PVV 204,4!
86 Introduction

strophes servent cependant à établir la fiabilité des connaissances


du Bouddha. Selon Dharmak!rti, toute connaissance issue de bh!-
van! possède deux propriétés: elle présente une apparence claire
ou distincte; elle est (donc) de nature non conceptuelle.59 Deux ty-
pes de connaissance cultivationnelle doivent cependant être distin-
gués: (1) Celle dont l!objet est irréel (abh"ta), telles les connais-
sances issues de la «(méditation de) l!horrible» (a#ubh!), ou de la
«(base de) totalité "terre"» (p$thiv%k$tsn!yatana)60: celles-ci sont
analogues aux connaissances de personnes abusées (upapluta, gl.
bhr!nta) par les troubles mentaux nés du désir, du chagrin et de la
peur, ou par des rêves de voleurs.61 (2) Celle dont l!objet est réel

5, «au terme d!une cultivation pratiquée avec attention sans interruption du-
rant une longue période» (bh!van!y!& s!daranirantarad%rghak!lapravartit!-
y! ni'pattau). Voir PVin I.27,9#10/72,30#74,1 (VETTER 1966: 73#75).
59
PV III.281d: spa'(am ev!vabh!sate; PV III.283b: spa'(!rthapratibh!sit!
(variante spa'(!rth!vabh!sit!); PV III.284c: spa'(!bha; PV III.285d: sphu(a.
PV III.281c: vidh"takalpan!j!la, «affranchie du filtre de la pensée hypo-
stasiante»; PV III.284c: nirvikalpa; PV III.285d: °akalpa°; voir aussi PVP
P246b8#247a1, PVA 326,23 et PVV 203,2#3.
60
PV III.284: a#ubhap$thiv%k$tsn!dy abh"tam api var)yate | spa'(!bha* nirvi-
kalpa* ca bh!van!balanirmitam ||. «Quoique irréelles, [la méditation de]
l!horrible, la [base de] totalité "terre", etc., créées à force de cultivation men-
tale, sont présentées [par nous] comme étant d!apparence distincte et comme
étant non conceptuelles.» PVV 203,22 énumère les éléments n°1, 2 et 9 (vi-
n%la, «cadavre bleuissant», vip"yaka, «cadavre en putréfaction», et asthi-
sa+kal!, «squelette») de la liste nonuple traditionnelle (voir BHSD 80ab et
AKBh 337,14#19). Ces exemples réapparaissent dans PVin I.28,7#8/74,19#
21 (voir VETTER 1966: 105n. 47). Selon Vasubandhu (AKBh 338,1#2; cf.
AKVy 526,11#12), «l!a#ubh! $ est un acte d!attention portant, non sur la
réalité, mais sur une représentation volontaire» (LA VALLEE POUSSIN 1980:
IV.150).
61
PV III.282 = PVin I.29 (voir VETTER 1966: 74#75). Ces personnes voient ces
objets «comme s!ils étaient situés devant elles» (purato !vasthit!n iva, PV
III.282d) du fait de leur cultivation intensive de ceux-ci, «car elles adoptent
un comportement adéquat à la [présence effective de l!objet de leur désir, de
leur chagrin, de leur peur]» (PVV 203,9: yasm!t tadanur"p!* prav$tti* ce-
'(ante, à comparer avec PVP P247a5#6). Sur ce point, voir déjà MSa#gr II.8
et III.6.4, et LAMOTTE 1973: 96#97 et 160; voir aussi TSP 874,18#20 sous
TS n°3338, TSP 896,16#17 sous TS n°3441.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 87

(bh!ta), telles les connaissances portant sur les Vérités Saintes ou


plutôt tel aspect de celles-ci, impermanence par exemple.62 Or tou-
te connaissance issue de bh"van", si distincte et non conceptuelle
qu"elle soit, n"est pas perception directe; seule l"est, disent les
commentateurs, celle dont il a été question dans PV II, c"est-à-dire
celle qui porte sur les (aspects des) quatre Vérités Saintes.63 Com-
prenons: est perception directe la connaissance que le (futur)
Bouddha a tirée de la cultivation mentale des Vérités, connaissance
dont il détermine la nature et qu"il développe en tant qu"enseignant
(#"st$), voit aboutir en tant que Sugata, enseigne en tant que pro-
tecteur et sauveur des êtres (t"yin).64 Depuis Dign!ga et selon nos
commentateurs, cette connaissance est perception de l"objet sans

62
PVV 204,3 explique bh!ta par "ryasaty"di; PVP P247b8!248a1, par mi rtag
pa la sogs pa. Voir aussi NB"Dh 11,18 sous NB I.11 (bh!ta% sadbh!to
!rtha% | pram"&ena d$'(a# ca sadbh!ta% | yath" catv"ry "ryasaty"ni |) et
NB"V 47,5 ("phags pa"i bden pa b)i po dag go ||). Selon STEINKELLNER 1978:
128sq, il revient à Jñ!na#r$mitra d"avoir, le premier, développé systéma-
tiquement les aspects épistémologiques de yogipratyak'a. Selon Jñ!na#r$,
cette perception cultivationnelle ne porte pas sur les entités discrètes instanta-
nées, mais sur les propriétés des entités (vastudharma), ici identiques aux
aspects des Vérités (anityat", nair"tmya, etc.): «Diese Wirklichkeitsbegriffe
bezeichnen die Wirklichkeit der Dinge und damit deren wahre Natur (vastu-
tattvam), indem sie sie bestimmen (adhyavas!ya%). Die Betrachtung bezieht
sich auf sie, weil sie die wahre Natur der Dinge deutlich machen will; die
wirklichen Dinge selbst sind dabei nur indirekt im Spiele. Was daher in der
yogischen Erkenntnis klar erscheint, sind diese Beschaffenheiten, aber nicht
die Dinge selbst#» (STEINKELLNER 1978: 132). Sur la question des aspects
des Vérités, voir aussi ELTSCHINGER (à paraître 3, §§4!5).
63
PVP P246b6!7: rnal "byor ba"i #es pa thams cad m*on sum ma yin no || "o na
ci yin )e na | s*ar b#ad rnal "byor #es pa ni | s*ar "phags pa"i bden pa b)i"i
yul can du b#ad pa na | bden pa dpyod pa ga* yin pa de )es bya ba"i don to ||.
PVA 326,22: catur"ryasatyavi'aya+ yogin"+ jñ"na+ pr"g uktam; PVV
203,1: yogin"+ jñ"na+ satyavi'ayam uktam.
64
Explicitement dans PVin I.27,11!12/74,4!5: "ryasatyadar#anavad yath" nir-
&,tam asm"bhi% pram"&av"rttike |. «Ein Beispiel wäre das Sehen der (vier)
edlen Wahrheiten, wie es von uns im Pram"&av"rttikam (II.145ff.) ausgeführt
ist.» Traduction VETTER 1966: 75. Sur ces qualificatifs, voir pp. 89!92.
88 Introduction

plus, non mêlée de concepts scripturaires,65 et celle-là seule est mo-


yen de connaissance valide66: «Par conséquent, quoi que l!on cul-
tive intensément, réel [à l!instar de l!impermanence ou des Vérités
Saintes], ou irréel [à l!instar de la base de totalité !terre" ou de la
méditation de l!horrible], cela résulte, à complétion de la cultiva-
tion mentale, dans une connaissance [d!apparence] claire et [de na-
ture non conceptuelle. Mais] parmi ces [connaissances cultivation-
nelles d!apparence distincte et de nature non conceptuelle], on ad-
met que [seule est] moyen de connaissance valide la perception,
née de la cultivation mentale, qui comme la matière exposée plus
haut,67 est fiable; [quant aux connaissances] restantes[, elles ne sont
qu!]erreurs[, i.e. illusions trompeuses].» Dans la bouddhologie de
Dharmak"rti comme dans la gradation classique des prajñ!,68 la
cultivation mentale correspond à un moment précis dans la carrière
du saint bouddhique. Pour le comprendre, tournons-nous vers la
bouddhologie de PV II.

65
Vibh. 203n. 1: yogin!m apy !gamavikalp!vyavak"r#am artham!tradar$ana%
pratyak&am |. PVP P246b5#6: rnal !byor ba!i m'on sum ya' lu' gi rnam par
rtog pa da' ma !dres pa don tsam mtho' ba yin no ||. Il s!agit là de PSV sous
PS I.6cd (yogin!% gurunirde$!vyatibhinn!rtham!trad(k): voir HATTORI
1968: 27 et 94#95nn. I.48#49.
66
PV III.285#286: tasm!d bh)tam abh)ta% v! yad yad ev!bhibh!vyate | bh!-
van!parini&pattau tat sphu*!kalpadh"phalam || tatra pram!#a% sa%v!di yat
pr!'nir#"tavastuvat | tadbh!van!ja% pratyak&am i&*a% $e&! upaplav!+ ||. PV
III.285 = PVin I.31 (voir STEINKELLNER 1978: 127 et VETTER 1966: 75);
PVV 204,9 explique pram!#am par upadar$it!rthapr!pakam. Selon PVV
204,13#14, par $e&!+, il faut entendre ayath!rth!+, c!est-à-dire, selon PVP
P248a5 et PVV ibid., a$ubhap(thiv"k(tsn!di.
67
C!est-à-dire comme ce qui a été traité dans le chapitre relatif aux Vérités
(PVP P248a5) ou dans le Pram!#asiddhipariccheda (PVV 204,12#13), c!est-
à-dire les quatre Vérités Saintes ([!rya]satyacatu&*aya, PVV ibid.). Le para-
loka de Prajñ#karagupta (PVA 327,32#33: paralokacatur!ryasaty!di) fait ici
figure d!exception.
68
Sur ce point, voir AK(Bh) VI.5sq (LA VALLEE POUSSIN 1980: IV.142sq) et
AKVy 524,31sq. Pour Dharmak"rti et les théoriciens de la connaissance, voir
PVin I.27,9#12/72,30#74,5 et PVA 327,15#18, ainsi que ELTSCHINGER (à
paraître 2).
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 89

2.3.4. Dans la strophe bénédictive du PS, Dign!ga dit successive-


ment du Bienheureux qu"il est (devenu semblable à?) un pram!"a
(pram!"abh#ta), recherche le bien des êtres (jagaddhitai$in), est
l"enseignant (%!st&), le Sugata, le protecteur (t!yin).69 Chez Dhar-
mak"rti, le Bouddha devient (semblable à) un pram!"a (PV II.1!
33) par ses qualités de compassion (visées par «jagaddhitai$in»,
PV II.34!131b), d"éradication définitive des fautes morales et de
leur relent (visées par «%!st&» et «sugata», resp. PV II.131c!138 et
139!144) et d"enseignement objectif (visées par «t!yin», PV
II.145!279). Ces qualificatifs visent les propriétés mêmes que la
doctrine métareligieuse prêtait à la personne de l!!pta: laissées vi-
des de contenu doctrinal dans PV I et ses commentaires, ces pro-
priétés reçoivent un contenu bouddhique dans PV II, avec ce résul-
tat que le Bouddha y est démontré être la personne crédible par ex-
cellence.

69
PV II forme en son entier un commentaire libre à cette strophe. Sur le
ma'gala%loka de Dign!ga et sa V&tti, voir en premier lieu HATTORI 1968: 23
et 73!75; sur la légende liée à ce vers, voir OBERMILLER 1999: 149!152 et
CHATTOPADHYAYA 1997: 182!184; sur l"interprétation générale de Dharma-
k"rti, voir en premier lieu VETTER 1990: 13!35 et FRANCO 1997: 15!43; sur
la signification historico-religieuse de la séquence ma'gala%loka-PV II, voir
STEINKELLNER 1982; sur la structure générale de PV II, voir INAMI/TILLE-
MANS 1986 et FRANCO 1994; sur l"épithète de pram!"abh#ta, voir JACKSON
1988, STEINKELLNER 1989, SEYFORT RUEGG 1994b et 1995, KRASSER 2001
(montrant de façon convaincante que chez Dharmak"rti, l"épithète pram!"a-
bh#ta doit être comprise comme «qui est devenu [semblable à] un pram!-
"a»); sur la compassion que vise l"épithète de jagaddhitai$in, voir FRANCO
1997 et ELTSCHINGER (à paraître 1); sur les épithètes de %!st& et de sugata,
voir ELTSCHINGER 2005a; l"épithète de sugata (litt. «bien-allé», mais voir
FRANCO 1997: 20n. 9, et contre FRANCO, ELTSCHINGER 2005a: 408!410 et
425!426) reçoit dès la V&tti de Dign!ga une interprétation triple (cf. PV
II.139ab1: heto( prah!"a) trigu"a) sugatatvam), selon que su° vaut comme
excellence (pra%astat!, PV II.139b2d), comme irréversibilité (apunar!v&tti,
PV II.140!141a) ou comme exhaustivité (ni(%e$at!, PV II.141b!142a); dès
la V&tti aussi, c"est dans l"épithète de sugata (chez Dharmak"rti, surtout dans
son acception de ni(%e$at!) que cristallise la supériorité du Bouddha par rap-
port aux autres catégories de saints; sur l"épithète de t!yin et son étymologie,
voir SEYFORT RUEGG 1994a: 415!416n. 45 et FRANCO 1997: 32n. 41.
90 Introduction

Le possessif k!"#ado!a apparaissant dans la description de l!$pta


fait écho aux composés (décrivant le nirv$#a et l!obtention de l!é-
tat d!arhat, de la sainteté) $sravak!aya, «destruction des influx né-
fastes», ou $sravak!ayajñ$na, «connaissance de la destruction des
influx néfastes», troisième des trois sciences (vidy$) constitutives
de l!Éveil, seule des six abhijñ$ à être unanimement refusée aux
hérétiques (t"rthika) et aux profanes (p%thagjana).70 Dharmak!rti a
détaillé la relation entre destruction des influx néfastes et enseigne-
ment des Vérités. Commentant PV II.145ab (m$rgokti), Devendra-
buddhi évoque l!enseignement du Chemin par le Bouddha en ter-
mes d!anu&$sanapr$tih$rya, «miracle de prédication» qui selon
Vasubandhu est inséparable de l!$sravak!ayajñ$na.71 La pensée de
Dharmak!rti suit très précisément cette ligne: le Bouddha tire sa
perfection d!enseignement72 (&$st%tvasampad) de la destruction des
fautes morales, de la pratique exhaustive du moyen ou antidote
permettant d!abolir la (cause de la) douleur.73
D!abord74 il est &$st%, «enseignant», «maître»: par recours à l!ar-
gumentation rationnelle et aux Écritures (yukty$gam$bhy$m, PV
II.132c),75 le futur Bouddha identifie la cause de la douleur (sneha,
PV II.135) et le contrecarrant de cette cause (nair$tmyadar&ana,
PV II.135). L!épithète de «maître» vise à la fois la détermination,
la mise à l!épreuve et la pratique répétée (abhy$sa) de ce moyen
contrecarrant afin de susciter la perfection d!enseignement76: «A ce

70
Sur $srava/$&rava et prah"#$srava, voir PVSV 110,18"1
19.
71
Voir PVP P69b6"7, et AKBh 424,13"425,3 (sous AK VII.47).
72
PVP P64b6"7: ston pa ñid phun sum tshogs pa.
73
Douleur (du'kha) définie par PV II.146cd comme sa(s$ri#a' skandh$', «les
agrégats [d!appropriation] en transmigration». Selon LA VALLEE POUSSIN
(1980: IV.125n. 4b), cette définition est aussi celle de la N$masa)g"ti.
74
PV II.131cd"135, VETTER 1990: 39"43.
75
Sur ce point, voir STEINKELLNER 1978: 127 + n. 23, FRANCO 1989: 84"90,
ELTSCHINGER 2005a: 398"400 et ELTSCHINGER (à paraître 2, n. 88).
76
PV II.136"138ab: bahu&o bahudhop$ya( k$lena bahun$sya ca | gacchanty
abhyasyatas tatra gu#ado!$' prak$&at$m || buddhe& ca p$*av$d dhetor v$sa-
n$ta' prah"yate | par$rthav%tte' kha+g$der vi&e!o !ya( mah$mune' || up$y$-
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 91

[Bodhisattva altruiste] qui, de façon répétée, de manière ininter-


rompue et durant une [très] longue période, pratique assidûment le
moyen [par lui déterminé, la perception de l"insubstantialité, tous]
les qualités et défauts [respectifs] du [moyen et de son antidote] de-
viennent [entièrement] clairs. Grâce à l"acuité de la connaissance
[obtenue] par cette [pratique assidue], le relent de la cause [de la
douleur] est éliminé: voilà ce qui différencie le grand saint #uvrant
au bien d"autrui d"un [saint] tel que le Rhinocéros[, c"est-à-dire du
Bouddha-pour-soi-même, ainsi que de l"Auditeur]. L"enseignement
que vise [Dign!ga dans sa stance bénédictive], c"est cette pratique
assidue des moyens [par le Bodhisattva], car elle a pour finalité
l"[enseignement].» La pratique répétée de la perception de l"insub-
stantialité n"est autre que la cultivation mentale de PV III.281!286,
au terme de laquelle le yogin futur Bouddha parvient à une con-
naissance perceptive des (aspects des) Vérités.
Ensuite, le Bouddha est sugata, «bien-allé»: de sa pratique exhaus-
tive du moyen, propédeutique à l"enseignement proprement dit, il
obtient l"élimination excellente, définitive et exhaustive de la cause
de la douleur. Enfin, le Bouddha est t!yin, «protecteur» (et sau-
veur) des êtres77: «Protéger [consiste pour le Bienheureux à] ensei-
gner le Chemin dont il a fait lui-même l"expérience (svad"#$a) [en
tant que mettant un terme définitif à la douleur]. N"[y] ayant nul
intérêt, il n"enseigne pas ce qui est faux; et puisque par [son] carac-
tère compatissant il s"est appliqué à tout entreprendre pour autrui,
[le Bienheureux est] de ce fait moyen de connaissance valide; ou
bien protéger[, pour le Bienheureux, consiste à] révéler [aux êtres]
les quatre Vérités Saintes[, lesquelles forment la cause permettant
d"apaiser la douleur du Sa"s!ra].» Sa compassion, sa pratique ex-
haustive du moyen et sa destruction définitive de la cause de la
douleur, confèrent au Bouddha le statut de protecteur et sauveur

bhy!sa ev!ya% t!darthy!c ch!sana% matam |. PVP P65a3!5 propose un inté-


ressant exposé des différences (voir ELTSCHINGER 2005a: 418!425).
77
PV II.145!146ab: t!ya& svad"#$am!rgoktir vaiphaly!d vakti n!n"tam | day!-
lutv!t par!rtha% ca sarv!rambh!bhiyogata& || tata& pram!'a% t!yo v! ca-
tu&satyaprak!(anam |.
92 Introduction

des êtres engagés dans la souffrance de l!existence, un statut qui


fait de lui une autorité en matière sotériologique78: «Puisque par
[sa] compassion il enseigne le Bien, par [sa] connaissance le Vrai,
et qu!il s!est appliqué à le communiquer [aux êtres] avec le moyen
de [l!]établir, [le Bienheureux] est moyen de connaissance valide.»
L!autorité tient chez Dharmak!rti à la façon dont le Bienheureux a
déterminé, cultivé et prêché les Vérités Saintes, et plus notable-
ment la quatrième d!entre elles, le Chemin consistant dans la
perception de l!insubstantialité (nair!tmyadar"ana, ou de la vacui-
té, "#nyat!d$%&i).

2.4. Autorité de la personne crédible et autorité scripturaire


2.4.1. Ce qui précède suffit à montrer que Dharmak!rti admet le
principe d!une personne crédible, à laquelle il demande d!éclairer
les modalités de la praxis humaine; qu!il s!accorde avec la plupart
des écoles indiennes sur le rôle, les propriétés et le statut de la per-
sonne crédible. De ces écoles, Dharmak!rti se distancie pourtant
nettement lorsqu!il s!agit de préciser les rapports qu!entretiennent
autorité scripturaire et autorité personnelle. Pour ses devanciers et
concurrents, l!autorité scripturaire dérive de l!autorité personnelle,
c!est-à-dire des propriétés mentales caractérisant la personne crédi-
ble.79 Dharmak!rti suit une démarche inverse: l!autorité doit être

78
PV II.282: dayay! "reya !ca%&e jñ!n!d bh#ta' sas!dhanam | tac c!bhiyo-
gav!n vaktu' yatas tasm!t pram!(at! ||. Selon PVV 107,21 (jagaddhitai%i-
tvasya sugatatva"!st$tvat!yitvasahitasya pr!m!(yas!dhanam !ha |), PV
II.282 montre que «le fait de rechercher le bien des êtres, accompagné du fait
d!être bien-allé, enseignant et protecteur, permet de prouver l!autorité [du
Bienheureux]». Devendrabuddhi paraît interpréter s!dhana au sens épistémo-
logique (PVP P140b6"7: de!i phyir !di tshad ma ñid du rigs pa yin pa); Ma-
norathanandin, au sens sotériologique (PVV 107,27"28: sas!dhana' vidya-
m!nop!y!bhy!sam). Selon PVV 108,1, tad = satyacatu%&ayam.
79
L!attitude est claire dans NS II.i.68 (tatpr!m!(yam !ptapr!m!(y!t) et NBh
96,15"16 ad loc.; dans CS s#trasth!na 11,19 (v!kyam asa'"aya' satyam);
dans YD 70,14"15 sous SK 4ab1 (!ptavacana' tu pram!(abh#tadv!rako
"tyantaparok%e "rthe ni"caya)) et 87,12 sous SK 5d (yad vacas tat pram!(am
ity etat siddha' bhavati); dans NS"ra 8 (tasya mukhodgatavacanam # !ga-
ma)).
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 93

transférée de l!Écriture à la personne, «du texte à l"auteur» si j"ose


dire, de l"effet à la cause. L"attitude est profondément bouddhi-
que,80 et s"atteste dans les nombreuses variations littéraires aux-
quelles a donné lieu le Catu!prati"ara#as$tra, consacré à la criti-
que d"interprétation.81 Selon l"un des quatre «recours» exégétiques,
«le recours est la Loi, non la personne»;82 et selon l"interprétation
qu"en donne la BoBh, l"enquête rationnelle (yukti) prime la convic-
tion (adhimukti)83: «[Le Bodhisattva] n"a pas recours à [l"autorité]
des personnes [elles-mêmes, en se disant par exemple:] !Ces arti-
cles ont été prêchés par un Ancien, ou par une personne instruite,
ou par le Tath"gata, ou par la Communauté#; le [Bodhisattva],
ayant ainsi recours à l"enquête rationnelle et non à [l"autorité] des
personnes [elles-mêmes], ne s"écarte pas de la réalité, et ne dépend
pas d"autrui quant aux articles [examinés rationnellement].»
A cette attitude bouddhique, Dharmak#rti donne comme un soubas-
sement philosophique: les propriétés mentales caractérisant une sé-
rie psychique sont suprasensibles,84 accessibles donc au seul dé-

80
Malgré PrP 75,6!7 (s%k&%d at'ndriy%rthavid%m %pt%n%( yad vacana( sa
%gama! |) et 268,1!2 (ata eva buddh%n%m eva bhagavat%( vacana( pram%-
#am ity upavar#ayanti vicak&a#%!), MHK V.8ab (atrocyate pram%#a( na!
sarva( t%th%gata( vaca! |).
81
Sur ce texte et ses recensions, voir LAMOTTE 1949; sur les quatre prati"ara-
#a, voir aussi LA VALLEE POUSSIN 1938: 158!160 et 1980: V.246!248; sur
la doctrine des mah%pade"a que ces recours présupposent, voir LAMOTTE
1947, JAINI 1977: 22!32 et DAVIDSON 1990.
82
AKVy 704,21: dharma! pratisara#a( na pudgala! |. DhS LIII/11,13: dhar-
maprati"ara#at% na pudgalaprati"ara#at% |.
83
BoBh W257,4!8/D175,18!21: na sthavire#a abhijñ%tena v% pudgalena ta-
th%gatena v% sa)ghena v% ime dharm% bh%&it% iti pudgalapratisara#o bhava-
ti | sa eva( yuktipratisara#o na pudgalapratisara#as tattv%rth%n na vicalati |
aparapratyaya" ca bhavati dharme&u |. «[Examinés rationnellement]» selon
BoBh W108,18!19/D76,19: yuktipar'k&ite&u dharme&u.
84
Le passage ici discuté trouve un parallèle dans PVin II.66,9!67,5/18*,1!19
(traduction dans STEINKELLNER 1979: 65!66); pour la *'k% de Dharmottara
ad loc., voir AKIMOTO 1993, qui a réuni la plupart des textes logico-épisté-
mologiques traitant de ce problème. Cf. TSP 4,7!8: na ca %gamasya puru&%-
94 Introduction

tenteur de l!abhijñ!. Que ces propriétés soient imperceptibles nous


paraîtra évident; qu!elles soient ininférables l!est beaucoup moins.
Une telle inférence pourrait procéder selon la nature propre (<
svabh!vali"ga) ou selon l!effet (< k!ryali"ga). Ces propriétés étant
suprasensibles, leur nature propre demeure inétablie: la première
hypothèse s!en trouve ipso facto exclue. On pourrait alors, deuxiè-
me hypothèse, inférer l!existence de ces propriétés à partir des
comportements corporels et langagiers (k!yav!gvyavah!ra) censés
les manifester ou en être les effets. Mais pour que l!inférence soit
concluante, il faut une corrélation fixe entre propriétés mentales et

ti#ayapra$%tatay! yath!rthatvam avadh!rya tatra ni#cay!d eva pravartanta


iti yukta& vaktum | puru'!ti#ayasya eva *arv!gdar#anair ni#cetum a#akya-
tv!t |. *arv!g° pour apara° selon TSPt ye P162b4: tshu rol mtho" ba rnams
kyis. «Et il est incorrect d!affirmer que, une fois déterminé que l!Écriture est
objective en tant qu!elle a été composée par un homme exceptionnel, c!est
grâce à une certitude sur ce point? que l!on agit, car c!est précisément [cet]
homme exceptionnel que les [gens] de perception limitée ne peuvent connaî-
tre avec certitude.» L!argumentaire de Dharmak!rti rappelle celui que déve-
loppe Kum"rila dans #V codan! 133"136: na c!pi sm(tyavicched!t sarva-
jña) parikalpyate | vig!n!c chinnam*latv!t kai#cid eva parigrah!t || sarvajño
!s!v iti hy eva tatk!le tu bubhutsubhi) | tajjñ!najñeyavijñ!narahitair gamyate
katham || kalpan%y!# ca sarvajñ! bhaveyur bahavas tava | ya eva sy!d asarva-
jña) sa sarvajña& na budhyate || sarvajño !navabuddha# ca yenaiva sy!n na
ta& prati | tadv!ky!n!& pram!$atva& m*l!jñ!ne !nyav!kyavat ||. «On ne
[peut] pas non plus postuler un omniscient [sur la base] d!une ininterruption
de la tradition (sm(ti) [à son sujet], car seules quelques [personnes l!]admet-
tent étant donné qu!elle est controversée [tant par les nihilistes eux-mêmes
que par les avocats du Veda, et] qu!elle est coupée de [tout] fondement (chin-
nam*la): du temps de ce [supposé omniscient] en effet, comment ceux qui
souhaitaient [le re]connaître auraient-ils pu, ignorants [qu!ils étaient] du con-
tenu (jñeya) de la connaissance de cette [personne], savoir (gamyate) qu!elle
était omnisciente? Et il va [donc] vous falloir postuler de nombreux omni-
scients, [car une personne] qui ne serait pas [elle-même] omnisciente ne
[pourrait re]connaître un omniscient. Or pour la [personne] qui ne reconnaî-
trait pas l!omniscient [supposé], l!autorité des paroles de celui-ci s!apparen-
terait, à défaut de connaître un fondement [à cette autorité], à [celle] des pa-
roles de [toute] autre [personne, de l!homme de la rue ou du charlatan par
exemple].»
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 95

comportements empiriques. Or tel n"est pas le cas, car85 «les com-


portements [corporels et langagiers] peuvent pour la plupart égale-
ment être consentis de façon délibérément trompeuse, parce que
[les comportements] sont fonction des intentions humaines, et que
les [gens] affectent des motivations [très] variées.» Illustration86:
«C"est ainsi que même des [personnes] passionnées se montrent el-
les-mêmes sous un jour dépassionné, et qu"[à l"inverse] des [per-
sonnes] dépassionnées [se montrent elles-mêmes] sous un jour pas-
sionné.» La diversité des desseins au principe des comportements
empiriques interdit toute possibilité d"opérer avec certitude le dé-
part entre comportements issus de fautes et comportements issus de
qualités mentales.87 La conclusion s"impose88: «Donc si, de par la
confusion de l"indice [inférentiel, elle ne peut] s"assurer [qu"une
personne a détruit les fautes morales], comment [la personne infé-
rant qualités et fautes morales] pourrait-elle reconnaître [l"auteur
d"une Écriture]?» Ni la perception, ni l"inférence ne donnant accès
aux propriétés mentales d"autrui, nul ne sera en mesure de distin-
guer un !pta d"un non-!pta: fonder l"autorité scripturaire sur celle
de la personne se révèle donc impossible.89

85
PVSV 110,13!14: vyavah!r!" ca pr!ya"o buddhip#rvam anyath! api kartu$
"akyante | puru%ecch!v&ttitv!t | te%!$ ca citr!bhisandhitv!t |.
86
PV! P294b3!4/D248b4!5 " PVSV! 397,19!20: tath! hi sar!g! api v'ta-
r!gavad !tm!na$ dar"ayanti | v'tar!g!" ca sar!gavat |. Voir aussi PVSV
9,7!9 (MOOKERJEE/NAGASAKI 1964: 39!40).
87
PV! P294b6!7/D248b6!7 = PVSV! 397,23!24: tato yathe%(a$ vyavah!r!)
pravartanta iti na asti gu*ado%aprabhav!*!$ vyavah!r!*!$ vivekani"ca-
ya) |.
88
PVSV 110,15: tad aya$ li+gasa+kar!t katham ani"cinvan pratipadyeta |. La
position ne contredit pas celle que défend la Sant!n!ntarasiddhi: que les
propriétés d"une série psychique particulière soient ininférables n"empêche
pas que l"existence de cette série soit, elle, inférable: voir INAMI 2001: 465!
468.
89
Tel n"est pas l"avis du philosophe jainiste Akala#ka, qui a critiqué la position
de Dharmak$rti sur ce point (voir SHAH 1967: 286, notamment n. 11 pour le
texte de l"A%).
96 Introduction

Dharmak!rti fondera donc l!autorité scripturaire sur les traités (!"-


stra) eux-mêmes: un traité est Écriture dès lors qu!il est fiable (avi-
sa#v"da). Dharmak!rti est le premier docteur bouddhiste à avoir
systématiquement développé une procédure d!évaluation de la fia-
bilité des traités en matière de suprasensible: sa doctrine métareli-
gieuse représente une critique lucide du recours à l!argument d!au-
torité. Ce faisant, il intègre et organise des matériaux de diverses
provenances. C!est à un inventaire provisoire de cet héritage que je
me propose de procéder maintenant.
2.4.2. Les énoncés scripturaires de portée transempirique sont par
définition invérifiables aux hommes du commun " philosophes
compris. Comment dès lors établir l!autorité scripturaire en matière
de suprasensible? Docteurs brahmaniques et bouddhistes (Gauta-
ma/Ak"ap#da dès le 2e siècle et $ryadeva dès le 3e siècle) ont ap-
porté au problème une solution analogue: par un transfert (inféren-
tiel) d!autorité, procédant des énoncés de portée empirique aux
énoncés de portée transempirique. Telle que le Bh#"yak#ra la dé-
veloppe à partir de NS II.i.68, la solution naiy"yika est schémati-
quement la suivante.90 L!"pta tire on l!a vu sa crédibilité des trois
propriétés de s"k$"tk%tadharmat", bh&taday" et yath"bh&t"rthaci-
khy"payi$". De son autorité (pr"m"'ya) dérive celle d!une premiè-
re catégorie d!énoncés (servant d!exemple dans la preuve): ceux,
de portée empirique (d%$("rtha), de l!$yurveda et des mantra (vé-
diques). L!autorité de cette première catégorie d!énoncés est avé-
rée. Or les visionnaires (dra$(%) et énonciateurs (pravakt%) de l!$-
yurveda sont identiques à ceux des portions du Veda (vedabh"ga)
dont la portée est transempirique (ad%$("rtha). Puisque la cause
(l!"ptapr"m"'ya) des deux catégories d!énoncés est commune (sa-
m"na) et que la fiabilité de la première est avérée, on peut inférer

90
Sur cette preuve, voir BIARDEAU 1964: 117"128, CHEMPARATHY 1983: 40"
52 et VAN BIJLERT 1989: 30"34; pour une comparaison entre Pak"ilasv#min
et Dharmak!rti sur la fonction des mantra dans la preuve, voir ELTSCHINGER
2001a: 101"114.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 97

que les énoncés védiques de portée transempirique eux aussi sont


fiables, qu"eux aussi sont pram!"a.91
Quoiqu"elle vise l"autorité du Veda et s"inscrive dans une épisté-
mologie reconnaissant la parole d"autorité comme un pram!"a au-
tonome, cette démarche paraît très voisine de celle de Bh!(va)vi-
veka/Bhavya. Un siècle s"est écoulé entre le PS de Dign!ga et le
PV de Dharmak"rti. A ma connaissance, Bh!(va)viveka/Bhavya est
le seul docteur bouddhiste92 à avoir, dans l"intervalle, explicitement
admis, défendu et développé le statut inférentiel de l"Écriture.93 De
façon générale, connaissance verbale (#!bda) et inférence partagent
deux traits caractéristiques: quant à leur objet d"abord, toutes deux
informant sur des états de fait actuellement imperceptibles (paro-
k$a); quant à leur fonctionnement ensuite, toutes deux reposant sur

91
Selon NBh 97,8!9 et 15!16 sous NS II.i.68: d%$&!rthena !ptopade#ena !yur-
vedena ad%$&!rtho vedabh!go !num!tavya' pram!"am iti, !ptapr!m!"yasya
heto' sam!natv!d iti " dra$&%pravakt%s!m!ny!c ca anum!nam | ya eva !pt!
ved!rth!n!( dra$&!ra' pravakt!ra# ca ta eva !yurvedaprabh%t)n!m api ity
!yurvedapr!m!"yavad vedapr!m!"yam anum!tavyam iti |.
92
Pak#ilasv!min déjà critiquait la position réductrice du Vai$e#ika (voir BIAR-
DEAU 1964: 204!211).
93
Il répond ainsi à l"objection d"un M"m!%saka qui oppose quatre arguments à
l"inclusion de !gama/#!bda dans l"inférence. MHK IX.8!9: anum!n!t p%thak
c!sau pram!"atv!t tadanyavat | ek!nek!rthavi$ayapratipattir ath!pi v! || ad%-
$&ali*gasambandhapad!rthamatihetuta' | bhinnagocaradh)janmak!ra"atv!d
ath!pi v! ||. «L"[Écriture est] séparée de l"inférence, car elle est un moyen de
connaissance valide, comme un [moyen de connaissance valide] autre qu"el-
le[, la perception directe notamment]; en outre, [l"Écriture est] une connais-
sance dont l"objet est [à la fois] un état de fait un[, la délivrance par exemple,
comme celui de la perception directe,] et un état de fait multiple[, les diffé-
rents ciels par exemple, comme celui de l"inférence: donc, n"ayant pas le mê-
me objet que l"inférence, elle en est distincte; que l"Écriture soit chose diffé-
rente de l"inférence s"établit sur deux autres arguments:] car elle est la cause
de la connaissance d"une entité[, le ciel par exemple,] dont on ne perçoit pas
la relation à un [quelconque] indice [inférentiel], et aussi car elle est la cause
de ce que naît la notion d"un domaine distinct.» La réponse de Bh!(va)vive-
ka/Bhavya aux arguments (1), (2) et (4), de nature très «formelle», n"a pas à
nous retenir ici (voir respectivement MHK IX.50, 52 et 51, et LINDTNER
1997: 103 pour une traduction).
98 Introduction

le souvenir d!une relation déjà connue au préalable (sambandha-


sm!tyapek"a).94 Selon le troisième argument invoqué par un adver-
saire m#m$%saka, l!Écriture est distincte de l!inférence, car elle
porte sur des états de fait dont on ne perçoit pas la relation à un
quelconque indice inférentiel (ad!"&ali'gasambandha). Ces états de
fait (svarga, apavarga) sont donc ininférables. A cet argument
Bh!(va)viveka/Bhavya répond95: «Puisque [c!est] par une inférence
à partir d!un autre [type d!]objet [que] l!on connaît un connaissable
dont on ne perçoit pas la relation avec un [quelconque] indice
[inférentiel], l![Écriture] n!est donc pas chose différente [de l!infé-
rence].» Le propos de Bh!(va)viveka/Bhavya, sibyllin, exige une
certaine gymnastique exégétique. Selon la TJ,96 MHK IX.53 con-
cerne des énoncés scripturaires bouddhiques (i.e. prêchés par le[s]
Tath!gata, de b(in g)egs pas bstan pa!i lu') tels que: «Le ciel
existe» (*svargo "sti) ou «La délivrance existe» (*apavargo "sti);
ces mêmes Écritures produisent toutefois d!autres énoncés, tels
que: «Tous les conditionnés sont impermanents» (*anity$* sarva-
sa%sk$r$*). Les premiers paraissent représentatifs de la catégorie
des énoncés portant sur des états de fait transempiriques dont on ne
perçoit pas la relation avec un quelconque indice inférentiel; le
second, de la catégorie des énoncés portant sur des états de fait em-
piriques, en l!occurrence inférables. Bh!(va)viveka/Bhavya serait
donc d!avis que notre connaissance d!états de fait transempiriques

94
MHK IX.54: n$num$n$t p!thak *)$bda* parok"amatihetuta* | sambandha-
sm!tyapek"atv$d anum$na% yath$ svata* ||. *)$bda* pour )abda*, sur la base
de MHKt et TJ (sgra las byu' ba), avec LINDTNER 1997: 120. «La connais-
sance verbale n!est pas séparée de l!inférence, parce qu!elle est la cause de ce
que l!on connaît un [état de fait] imperceptible, [et] parce qu!elle repose sur
le souvenir d!une relation [déjà connue], à l!instar de l!inférence elle-même.»
Exemples: réminiscence de la relation feu-fumée (qui permet l!inférence du
feu à partir de la fumée); réminiscence de la relation entre «arbre» et (idée
d!)une chose comportant fleurs, fruits, branches (TJ P327b2"4/D289b5"7).
95
MHK IX.53: ad!"&ali'gasambandhe *par$rth$d anum$nata* | pratipattir ya-
to boddhye tasm$d arth$ntara% na sa* ||. *MHKt et TJ suggèrent d!"&$rth$t
pour par$rth$t.
96
TJ P327a7"8/D289b3"4.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 99

procède par une inférence à partir d"états de fait empiriques. Je ne


vois d"autre alternative que d"interpréter cette proposition à la lu-
mière de Dharmak!rti: la fiabilité avérée d"une Écriture sur des
états de fait empiriques permet de la créditer de la même fiabilité là
où elle traite d"états de fait transempiriques, par définition invéri-
fiables hic et nunc. Interprété à cette aune, Bh"(va)viveka/Bhavya
paraît donc penser l"autorité scripturaire en termes de transfert in-
férentiel d"autorité d"une catégorie d"énoncés à une autre.97
Enfin, les positions de Pak#ilasv"min et de Bh"(va)viveka/Bhavya
sont similaires à celle que Kum"rila prête à des bouddhistes en ma-
tière de légitimation du recours à l"autorité scripturaire98: «Celui
qui a constaté que [le Bouddha] dit la vérité sur un objet en relation
avec les objets des sens[, le rien-que-connaissance ou l"instantané-
ité des choses par exemple], pourrait [en] conclure [par inférence
que la parole du Bouddha est véridique] également [quand elle por-
te] sur un objet [suprasensible] ressortissant à la foi[, l"adoration
des reliquaires par exemple], en tant que c"est [là aussi] sa parole.»
Chez Pak#ilasv"min, Bh"(va)viveka/Bhavya et le bouddhiste de
Kum"rila,99 une inférence permet de transférer l"autorité d"une ca-
tégorie d"énoncés à une autre; dans les trois cas, l"inférence postule

97
Conclusion de TJ P327a8/D289b4!5: des na rjes su dpag pa ñid kyis mtho ris
da! thar pa ya! yod par rtogs par bya ba yin gyi lu! tsam gyis ni ma yin no ||
de ltar na ya! lu! ni rjes su dpag pa!i kho!s su gtogs pa ñid yin no ||. «Par
conséquent, c"est par inférence qu"on peut savoir que le ciel et la délivrance
existent, mais pas par l"Écriture sans plus, et [c"est] ainsi [que] l"on inclut
l"Écriture dans l"inférence.»
98
$V codan" 121: yo "p#ndriy"rthasambandhavi$aye satyav"dit"m | d%$&v" tad-
vacanatvena 'raddheye "rthe "pi kalpayet ||. Selon Sucaritami%ra et P"rthas"-
rathimi%ra, la k. vise un bouddhiste qui ferait l"économie de l"omniscience
($VK& 127,18!19: ki( na) sarvajñagrahe*a | buddh"gamasatyat" hi na)
s"dhy" | s" ca evam api sidhyaty eva |; NR' 62,5!7 introduit à cet effet PV
I.31cd et 33ab, traduits pp. 84!85). Jñ"nam"trak$a*ikatva selon $VK&
127,19!20 (NR' 62,8!9: k$a*ika( sarvasa(sk%tam ity"div"kyam); caitya-
vandan"di selon $VK& 127,21!22 et NR' 62,9!10.
99
Sur le transfert inférentiel d"autorité suggéré par 'ryadeva et Dharmap"la,
voir pp. 110!112.
100 Introduction

une unité d!énonciateur. Dign!ga, lui, n!a rien dit de tel. En jouant
sur deux valeurs possibles du mot s!m!nya (dans PS II.5ab) Dhar-
mak"rti va s!efforcer d!intégrer la problématique propre à Dign!ga
(la parole d!une personne crédible est une inférence puisqu!elle est
semblable à celle-ci en fiabilité) dans le cadre interprétatif esquissé
ci-dessus (où la parole d!une personne crédible est [la cause d!]une
inférence puisqu!elle possède le caractère général de la fiabilité).
2.4.3. Dans le cadre de la légitimation du recours à l!autorité scrip-
turaire, la notion d!une évaluation (par"k#!) des contenus scriptu-
raires apparaît en toute netteté chez Bh!(va)viveka/Bhavya100: «Si
l!Écriture consiste dans un énoncé qui est à même de résister à une
évaluation par l!argumentation rationnelle, il faut d!abord analyser
cela même [qu!est un énoncé capable de résister à une telle évalua-
tion], puis [examiner] ce que propose [cet énoncé].» La logique du
propos est évidente: si l!autorité de l!Écriture en matière transem-
pirique procède d!un transfert inférentiel, il faut que l!autorité ait
été préalablement établie en matière empirique, dans la sphère de
compétence de yukti: tel est le programme métareligieux de Dhar-
mak"rti. La TJ illustre MHK IX.20 à l!aide d!une image fameuse
reflétant l!attitude bouddhique en matière d!autorité101: «[Il en va
de l!Écriture] comme lorsque des profanes, en présence d!une ver-
roterie, pensent qu!il s!agit d!un joyau authentique; cela présente
l!apparence d!un joyau, mais on montre qu!il s!agit de verroterie
puisque cela ne résiste pas à des [tests] tels que la calcination et

100
MHK IX.20: yat par"k#!k#ama$ yukty! vacana$ cet tad !gama% | tad eva
t!van m"m!$sya$ pa&c!t tenodita$ hi yat ||. La notion d!un examen en rai-
son des articles prêchés par le Bouddha est déjà dégagée dans la BoBh (voir
n. 83, p. 93) et chez A#vagho$a (voir n. 102, p. 101); voir aussi, plus problé-
matique, PSV D85b3"4 et P13a1"2 (KRASSER 2004: 132).
101
TJ P315b5"7/D279a7"b1: ji ltar mi mkhas pa !ga! 'ig nor bu !chi( [D: P
mchi(] bu la | ya( dag pa!i rin po che yin no sñam du sems pa la | de ni rin po
che ltar sna( ba yin te [P: D no] | bsreg pa da( bdar ba la sogs pa mi bzod
pa!i phyir | !chi( [D mchi(; P !chi] bu yin no 'es bstan pa b'in 'es bsgrubs na
de ñid ya( lu( yin no 'es sgrub par byed ci( rtog pa ni rigs pa ma yin gyi |
ya( ga( 'ig bsreg pa da( bdar ba bzod pa!i gser bza( po b'in du rnam par
!gyur ba med pa de ni lu( yin no ||.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 101

l"abrasion. Si [la chose] est établie, il est incorrect d"établir et con-


clure [sans évaluation préalable] que [quelque chose] est Écriture;
au contraire, [n"]est Écriture [que] ce qui, comme l"or pur résiste à
la calcination et à l"abrasion, ne s"altère pas [lorsqu"on le soumet à
évaluation rationnelle].» L"expression, asystématique dans la TJ,
trouve son locus classicus chez !"ntarak#ita102: «Comme les ex-
perts [en orfèvrerie examinent] l"or par calcination, par abrasion et
par frottement à l"aide d"une pierre de touche, vous ne devez, ô
moines, prendre ma parole [qu"]après [l"]avoir [dûment] évaluée,
et non par [simple] respect [à mon égard].» Le mérite revient à Ka-
mala$%la d"avoir systématiquement ajusté l"image aux catégories
métareligieuses des théoriciens bouddhistes de la connaissance103:
«C"est ainsi que les objets sont de trois types: perceptibles, [actuel-
lement] imperceptibles et radicalement imperceptibles. Parmi
ceux-ci, les objets perceptibles [que vise] la Parole [du Bouddha]
s"évaluent par la perception directe, comme l"or par la calcination;
les objets [actuellement] imperceptibles s"évaluent par inférence,
comme [l"or par] l"abrasion; de la [Parole du Bouddha enfin,] les
objets radicalement imperceptibles s"évaluent à l"aune de la non-
contradiction mutuelle [des énoncés], comme l"or par frottement à
l"aide d"une pierre de touche.» Sous cette forme, l"illustration re-
coupe parfaitement (dans sa ligne générale plutôt que dans sa com-
plexité) la pensée de Dharmak%rti.

102
TS n°3588: tap!c ched!c ca nika"!t suvar#am iva pa#$itai% | par&k"ya bhi-
k"avo gr!hya' madvaco na tu gaurav!t ||. La strophe est également citée
NBPS I!2!i (480,14!17), et selon JAYATILLEKE 1980: §663/390!391, dans
le Jñ!nas!rasamuccaya; voir aussi HAYES 1984: 664, et TS n°3344 et TSP
878,16!19 ad loc. A défaut d"une source canonique, citons ici Buddhacarita
XXV.45, tel qu"édité dans HONJO 1993: 484(63): | brdar las gcad las bsregs
pa las | | mkhas pa rnams kyis gser b(in du | | !dul ba mdo las rigs pa las | | de
phyir yo)s su rtog par rigs |.
103
NBPS I!2!i (480,24!481,4): !di ltar don ni rnam pa gsum ste, m)on sum
da), lkog tu gyur pa da), *in tu lkog tu gyur pa!o. de la bka!i don m)on sum
la ni bsregs pas gser b(in du m)on sum gyis brtags pa yin no. don lkog tu
gyur pa la ni bdar ba b(in du rjes su dpag pas brtags pa yin no. de ñid kyi
don *in tu lkog tu gyur pa la ni bcad pas gser b(in du phan tshun mi !gal ba!i
sgo nas brtags pa yin te. Voir aussi HAYES 1984: 664.
102 Introduction

2.4.4. Selon ce dernier, on n!évaluera la fiabilité d!un traité qu!à


condition que celui-ci présente trois propriétés (dharma) ou quali-
tés (gu!a)104: satisfaisant à ces trois critères, un traité est réputé di-
gne d!évaluation (par"k#$dhik%ta). (1) Propriété/critère de consis-
tance interne (sambandha)105: «La consistance, c!est le concours
[que se prêtent les uns aux autres] des énoncés en convergeant vers
un seul objet.» Cette convergence (gl. m"lana) tient aux rapports de
subordination mutuelle (a&g$&gibh$va) qu!entretiennent les énon-
cés; l!objet vers lequel ces énoncés convergent, et dont la nature
sera précisée par les propriétés/critères (2) et (3), peut être de trois
sortes: prescriptible (vidheya), répréhensible (prati#edhya), indif-
férent (*upek#a!"ya). Un traité inconsistant témoigne quant à lui de
disparate (anupasa'h$ra).106 On peut raisonnablement supposer
que Dharmak!rti a adapté de la tradition du débat (v$da) le critère
de consistance.107 (2) Propriété/critère du moyen adapté (anugu!o-

104
PVSV 174,26: ($stradharma. Les commentateurs préfèrent l!expression gu-
!atraya(yukta' ($stram): PV" P287b1"2/D243b6 = PVSV" 392,9, et Vibh.
364n. 1. Voir aussi TS n°3343sq.
105
PVSV 108,9: sambandho v$ky$n$m ek$rthopasa'h$ropak$ra) |. Noter aussi
PV" ñe P79a4/D65b6"7 = PVSV" 612,19"20: paraspara' pad$rth$n$'
(PV" pad$n$') sa&gat$rthat$ sambandha) |. Sur le critère de consistance,
voir HALBFASS 1983: 90"91.
106
A&g$&gibh$va dans PVSV" 391,15 (P PV" P286b7/D243a6"7 porte: gtso bo
da& gtso bo ma yin pa ñid); vidheya, prati#edhya et *upek#a!"ya dans PV"
P286b7"8/D243a7 # PVSV" 391,15"16 (où °lak#a!a me paraît devoir être
lu upek#a!"ya). Exemple: da(ad$*im$div$ky$ni (P PVSV 108,9"10), que PV"
P287a1/D243b1 = PVSV" 391,17"18 complètent: da(a d$*im$ni #a* ap+-
p$) ku!*am aj$jina' palalam iti |. L!exemple se retrouve partout: $Bh
I.56,5"6 (F38,20) sous M!S% I.i.5; NBh 314,6"7 sous NS V.ii.10; VN 43,14
(MUCH 1991: II.81n. 352); dans les ,"k$ sanskrites à l!-va(yakaniryukti (voir
BALBIR 1987: 14). Voir aussi n. suivante.
107
NS V.ii.10: paurv$pary$yog$d apratisambandh$rtham ap$rthakam |, et NBh
314,5"8 ad loc., (partiellement) cités VN 43,11"14 (voir MUCH 1991: II.81
pour la traduction et l!annotation). Ap$rthaka (sous la forme pr&k. avatthaya)
figure déjà au nombre des trente-deux dosa/do#a d!un pseudo-S%tra/texte di-
dactique dans les #uvres exégétiques jainistes (-va(yakaniryukti et Vi(e#$va-
(yakabh$#ya, qui paraissent tributaires de NS): sur ce point, voir BALBIR
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 103

p!ya[tva]): aux résultats qu"il propose, un traité doit ordonner un


moyen de réalisation adapté (phalas!dhanop!ya), possible à réali-
ser pour l"homme (puru"e#a s!dhayitu$ %akyam), praticable (%a-
ky!nu"&h!na).108 Il n"imitera donc pas ce traité qui, pour neutraliser
la morsure d"un serpent venimeux, recommande de s"orner du cha-
peron de Tak!aka roi des N"ga: irréalisable (et à supposer qu"en
soient réunies les conditions, périlleux), ce moyen est inadéquat à
la fin recherchée, la guérison.109 (3) Propriété/critère d"expression
d"un but de l"homme (puru"!rth!bhidh!y[i/aka]tva): un traité doit
avoir pour objet principal un but de l"homme, par exemple le ciel
(svarga), la délivrance (apavarga), le nirv!#a, la félicité (abhyuda-
ya) ou le summum bonum (ni'%reyasa).110 Contre-exemple type (et
exemple d"un traité dénué de but, prayojana), un traité qui ferait
profession d"examiner les dents des corbeaux (k!kadantapar(k"!);
inutile car proposant un résultat qui n"est pas un but de l"homme
(apuru"!rthaphala), ce traité ne ferait l"objet d"aucune attention de
la part d"une personne «pragmatique» (phal!rthin) ou rationnelle
(prek"!vat).111 Tel est l"ordre dans lequel Dharmak#rti et ses suc-
cesseurs présentent ces trois propriétés/critères. On aura compris
qu"il faut les comprendre dans l"ordre inverse: est qualifié pour
l"évaluation de sa fiabilité le traité qui énonce un but de l"homme,

1987: 6, 9 et 14.
108
Selon TSP 877,24!25, le type d"un tel moyen est nair!tmyabh!van!, la culti-
vation de l"insubstantialité. Phalas!dhanop!ya dans PV$ P286b3/D243a4 %
PVSV$ 391,11; puru"e#a s!dhayitu$ %akyam, ibid.; %aky!nu"&h!na dans
TSP 877,24 et PVV 363,18.
109
Référence non identifiée. L"exemple est tiré de PVSV 108,12!13, TSP
877,25!26, DhPr 15,12!15.
110
Svarga et apavarga dans PVV 364,1; nirv!#a selon PV$ P291b7/D246b6 =
PVSV$ 395,17!18; abhyudaya et ni'%reyasa selon PV$ ñe P79a6/D65b7!
66a1 = PVSV$ 612,21!22, et TSP 877,26. D"après TSP 904,4!5 (sous TS
n°3486), abhyudaya' sukha$ mok"o ni'%reyasam.
111
K!kadantapar(k"! dans NB$Dh 1,9!10 et TSP 877,26!27; prek"!vat selon
NB$Dh 1,10.
104 Introduction

lui ordonne un moyen adéquat, le tout de façon sémantiquement


consistante.112
2.4.5. A cette épreuve de qualification fait suite, le cas échéant, l!é-
valuation du traité quant à sa fiabilité (avisa!v"da). Cette évalua-
tion peut prendre deux formes alternatives, et motiver en consé-
quence deux stratégies de transfert d!autorité. La première évalue
le traité selon la correction ou la corroboration, par les pram"#a, de
toutes les propositions en principe vérifiables/falsifiables du traité
considéré (P PVSV 108,16"109,11). La seconde l!évalue à l!aune de
la correction que présente sa matière principale (P PVS V 109,11"19 :
voir pp. 110"112). Commençons par la première de ces stratégies.
L!évaluation y est triple, procède selon trois examens: par la per-
ception directe, par l!inférence procédant en vertu de quelque cho-
se de réel, par l!inférence fondée sur l!Écriture.113 Parmi ces trois

112
Je m!autorise sur ces trois critères la fragile hypothèse que voici: en élabo-
rant ce préalable qualificatif, Dharmak!rti peut avoir eu à l!esprit certains des
quatre motifs (k"ra#a) qui, dans l!Adhy"$ayasañcodanas%tra (ASS), font l!é-
loquence (pratibh"na) des Bouddha: 1. arthopasa!hita (na anarthopasa!-
hita); 2. dharmopasa!hita (na a°); 3. kle$aprah"yaka (na kle$avivardhaka);
4. nirv"#agu#"nu$a!sapradar$aka (na sa!s"ragu#a°). A l!exception du
problématique dharmopasa!hita, les deux listes présentent des critères (de
consistance) sémantique (artha), instrumental (nair"tmyabh"van"TSP/kle$a-
prah"#aASS), final/téléologique (nirv"#a). Voir BCAP 314,3"7 sous BCA
IX.43ab, SNELLGROVE 1958, JAINI 1977: 198 et DAVIDSON 1990: 310"311 +
n. 86. Au chapitre des hypothèses, on notera que dans PVSV 102,2"4, Dhar-
mak!rti affirme que seul est traité ($"stra) ce qui présente un moyen permet-
tant de réaliser un but de l!homme: on n!aura sinon affaire qu!à bavardage in-
cohérent (abaddhapral"pa). L!expression rappelle celles de bhinnapral"pit"
et de sambhinnapral"pa, qui définissent dans l!Abhidharma l!un des dix
mauvais chemins de l!acte (aku$alakarmapatha). Selon Vasubandhu (AK
IV.76cd et Bh), est parole inconsidérée toute parole souillée (kli&'a). Parmi
les exemples, les ku$"stra (mauvais traités) chez Vasubandhu (AK IV.77bc),
les t(rtha$"stra (traités [des] hérétiques) chez Vimalamitra (AD!p 164,6). Au
sens large, on dira qu!un traité défectueux sous le rapport des trois critères
est un ku$"stra, type de parole oiseuse; au sens strict, qu!un traité asamba-
ddha est déjà ku$"stra.
113
Ces procédures ayant déjà été décrites par TILLEMANS (1993: 9"15, 1997:
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 105

procédures évaluatives, la troisième seule fait problème, qui se ré-


sume à (et se définit comme) une analyse visant à dévoiler les con-
tradictions internes du traité.
Ayant décrit l"évaluation des énoncés scripturaires portant sur les
états de fait empiriques, Dharmak!rti expose dans PVSV 109,1!3
la procédure d"évaluation des propositions scripturaires portant sur
les états de fait radicalement imperceptibles. La procédure consa-
crée à ce type d"états de fait transempiriques tient tout entière (et
faute de mieux) dans l"!gam!pek"!num!na, «l"inférence reposant
sur l"Écriture», le second type d"inférence suggéré par PV I.215.114

395!396 et 2000: 78!79), je n"y reviens pas ici. Notons que les éléments
structurant la triple par#k"! se rencontrent dans des #uvres jainistes chrono-
logiquement voisines (?) de Dharmak!rti. Ainsi de "M I.6, qui dit l"!pta
omniscient (< sarvajña, "M I.5) yukti$!str!virodhiv!c, «dont la parole ne
présente pas de contradiction avec l"argumentation rationnelle et le traité [au-
torisé]» (le composé réapparaît dans le Dev!gamastotra du même Samanta-
bhadra: voir JAINI 2000: 349n. 55). Selon "MV 5,18!19, yukti comprend
l"inférence et la perception (adhyak"a); par $!stra, il faut entendre !gama;
par avirodhin, avisa%v!din. NA 9 dit le traité autorisé ad&"'e"'avirodhaka,
«which does not contradict what is accepted and what is experienced» (BAL-
CEROWICZ 2001: I.50; analyses du composé dans NAV [9.2] 382,17!383,4).
Plus proche de Dharmak!rti par la lettre et l"esprit que par le temps, Aka-
la#ka: $rute( pram!)!ntar!b!dhana% p*rv!paravirodha$ ca avisa%v!da(
(cité de Akala+kagranthatraya, p. 14, par SHAH 1967: 36n. 165). Ces motifs
trouvent des antécédents paracanoniques jainistes (voir BALBIR 1987: 9): par-
mi les dosa/do"a d"un S$tra, la contradiction (v!haya) et l"incorrection (aju-
tta/ayukta), la contradiction avec la doctrine propre (samayaviruddha); parmi
ses gu)a, le fait de posséder des raisons (heujutta/hetuyukta). Sur la question
des contradictions internes, voir aussi LAMOTTE 1981: 1074 et 1095 (pas de
contradiction interne au buddhavacana et à la Prajñ!p!ramit!), et SUTTON
2000: 38sq (le MBh reproche à plusieurs reprises au Veda ses contradic-
tions), ainsi que l"intéressant aveu de Kum%rila lui-même dans TV sous
M!S$ I.iii.27/II.225,9!10 (voir aussi TV sous M!S$ I.iii.3/II.83,11!12 [p*-
rvapak"a]).
114
Selon Dharmottara, ce type d"inférence est indiqué dans le cas d"un objet
scripturaire (!gamasya artha(, NB&Dh 82,2), i.e. de quelque chose de supra-
sensible que perception et inférence ne couvrent pas (artho !t#ndriya( pratya-
k"!num!n!bhy!m avi"ay#k&ta(, NB&Dh 82,2!3), tel un universel (s!m!ny!di);
selon PVSV& 393,15!17, l"inférence porte sur un objet scripturaire radicale-
106 Introduction

En quoi consiste donc cette inférence reposant sur (ou: fondée sur,
°!"rita°, °!"raya°) l!Écriture? !"kyabuddhi commente115: «Après
qu[!on a dûment constaté,] par les deux moyens de connaissance
valide procédant en vertu de [quelque chose de] réel[, que] l!Écri-
ture [en cours d!évaluation est] correcte (*vi"uddha), ayant [donc
ainsi] déterminé [que cette Écriture] a la propriété d!un traité ac-
cepté comme moyen de connaissance valide?, [on se livre à] une in-
férence reposant sur l!Écriture lorsque l!on introduit une discussion
(*cint!) [sur un objet scripturaire radicalement imperceptiblePVSV#]
afin d!inférer des contradictions entre [propositions scripturaires]
successives.» Le propos de !"kyabuddhi s!interprète au mieux à
partir de PV IV.48"51 et 106"108.116 Selon Dharmak$rti,117 «si les
deux [types d!]objets sont corrects [au sens où on l!a défini, alors]
c!est là le moment [d!adhérer à un traité] pour qui désire adhérer à
un traité». En effet,118 «on est justifié à adhérer à un traité quand on
passe à la troisième catégorie [d!états de fait, i.e. aux états de fait
radicalement imperceptibles]», car119 «faute d!accepter une Écritu-
re [comme moyen de connaissance valide] dans le cas des [états de
fait radicalement] imperceptibles, il ne [pourrait être] introduit [au-
cune] discussion [les concernant]». Mais, chose importante,120

ment imperceptible (atyantaparok#e !gamavi#aye); selon PVV 450,15"16,


elle porte sur un état de fait transempirique qui n!est pas l!objet d!un moyen
de connaissance valide objectif (ad$#%e [!]pram!&avi#aye; Vibh. 450n. 4
ajoute: atyantaparok#a).
115
PV# P289a3"5/D245a1"2: d'os po stobs kyis (ugs pa"i tshad ma gñis kyis
lu' rnam par dag pa"i dus phyis tshad ma khas len pa can gyi bstan bcos kyi
chos can rnam par g(ag nas | s'a phyi "gal ba rjes su dpag pa"i phyir | ga' gi
tshe khyad par dpyod pa la "jug pa de"i tshe lu' la ltos pa"i rjes su dpag pa
ste |. Comparer PVSV# 393,15"17, lacunaire: vi"uddhe vi#ayadvaye # atya-
ntaparok#e ca !gamavi#aye paurv!paryavirodhena yasmin cint!) pravarta-
yati | tasminn !gam!pek#am anum!nam api |.
116
Voir TILLEMANS 2000: 78"82 et 147"153.
117
PV IV.50a2c: vi"uddhe vi#ayadvaye "!straparigraham | cik*r#o+ sa hi k!la+.
118
PV IV.51cd: t$t*yasth!nasa)kr!ntau ny!yya+ "!straparigraha+ ||.
119
PV IV.106cd: parok#e#v !gam!ni#%au na cintaiva pravartate ||.
120
PV IV.106cd"107ab1: virodhodbh!vanapr!y! par*k#! api. Le jainiste Kunda-
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 107

«l"examen tient [ici] pour l"essentiel dans la mise au jour de con-


tradictions [entre propositions successives]». Selon Devendrabud-
dhi et Manorathanandin, dire d"une telle discussion (par!k"#, cint#)
qu"elle procède essentiellement par détection de contradictions
entre propositions successives, revient à dire qu"elle n"est pas v#s-
tava (PVP don dam pa), i.e. ne touche ou ne ressortit pas aux cho-
ses mêmes qu"elle considère.121 Selon Vin!tadeva,122 «on dit "infé-
rence fondée sur l"Écriture! [une inférence] où le dharmin et le pa-
k"adharma sont introduits sur la base d"une Écriture». Il ressort en
outre de PVP que les dharmin (*r#g#di par exemple) et li$ga, etc.,
d"une telle inférence, sont établis (siddha) par l"Écriture ou le trai-
té.123 Selon Dharmottara, est fondée sur l"Écriture l"inférence dont
le li$gatrair%pya est établi scripturairement.124 Enfin, à l"adversaire
qui demande pourquoi, si un traité n"est pas un moyen de connais-
sance valide, on examine néanmoins des sujet et indice inférentiel
établis scripturairement, Devendrabuddhi et Manorathanandin ré-
pondent selon la ligne de PVSV 108,2!5: l"être humain désirant
agir ne peut vivre sans recourir à l"autorité d"une Écriture, car elle

kunda est à ma connaissance le premier docteur indien à avoir introduit le


motif du p%rv#para[(a)virodha] dans le contexte général de l"autorité (no-
nobstant le fait qu"il a pu s"inspirer de NS V.ii.10, cité n. 107, pp. 102!103,
qu"on connaissait en milieu jainiste); NS#ra 8ac1: «Affranchie des fautes
[d"inconsistance entre énoncés] successifs, pure, la parole issue de la bouche
du [Param#tman omniscient est dite] "Écriture!» (*tasya mukhodgatavaca-
na& p%rv#parado"avirahita& 'uddham | #gamam iti). Le motif se retrouve
régulièrement chez les logiciens jainistes tardifs: Haribhadra ($DS k. 58),
#uvres logiques de Akala%ka (SHAH 1967: 35!36 + n. 165), Akala$kastotra
(JAINI 2000b: 346 + n. 60).
121
Voir PVP P346b6 et PVV 450,3!4.
122
NB&V 130,1!3: ga$ du lu$ gi sgo nas chos can da$ | phyogs kyi chos la sogs
pa gtan la !bebs pa de ni lu$ la brten pa!i rjes su dpag pa (es bya!o ||.
123
Voir PVP P346b4 et 5; même remarque PVV 449,26 et PVA 527,16.
124
NB&Dh 81,19: #gamasiddha; PVV 410,18!411,1, utilise aussi le possessif
#gamasiddhali$gatrair%pya.
108 Introduction

seule lui apprend les avantages et les infortunes à retirer d!inten-


tions telles que le don ou le nuire.125
L!exemple classique de la procédure consistant à exhiber les con-
tradictions internes d!un traité en matière radicalement impercep-
tible, vise les ablutions.126 Soit une première proposition scripturai-
re127: «La concupiscence est la racine du démérite (adharma, ou du
péché, p!pa)».128 Soit une seconde proposition: «Les ablutions aux
fleuves sacrés éliminent le démérite».129 Toutes les sources affir-

125
D!n!dicetan!, hi"s!dicetan!; cf. PVP P347a4"6, PVA 527,18, PVV 449,26
et 450,6"10; Devendrabuddhi conclut: de ltar na bstan bcos gzu# bar bya ba
yin [no] ||.
126
Sn!n!di appartient à la catégorie de vues fausses que l!Abhidharma nomme
$%lavratapar!mar$a, «la vue qui consiste à considérer comme cause ce qui
n!est pas cause, comme chemin ce qui n!est pas chemin» (AKBh 282,8"9:
ahetau hetud&'(ir am!rge m!rgad&'(i) $%lavratapar!mar$a) |. Traduction LA
VALLEE POUSSIN 1980: IV.18; voir aussi III.135n. 2, 189n. 3, IV.76nn. 3"5).
Notons que sn!ne dharmecch! compte au nombre des cinq indices de sottise
(li#g!ni j!*ye) que définit PV I.340. Aux références de LA VALLEE POUSSIN
1980: III.135n. 2, ajoutons: Kalpan!ma+*itik! (HUBER 1908: 439), MHK
IX.120"123; voir aussi UI 1962: 74 et BHATTACHARYA 1980: 119.
127
En fait, !ha veda) selon PV! ñe P78b5"6/D65a3 = PVSV! 612,10.
128
R!ga, mais aussi l!hostilité (dve'a) et l!hébétude (moha), selon PV! P289a6"
7/D245a2 = PVSV! 393,18"19. M,la, PV IV.107c, PVP P346b6"7, PVV
450,4; prabhava, PVV 411,2; nid!na, PVV 450,5. Proposition alternative:
«Le démérite a pour nature (r,pa) la concupiscence et l!acte corporel et vocal
(k!yav!kkarman) qui s!y origine.» R,pa (P PVSV 109,1"2) glosé svabh!va
PV! P289a6"7/D245a3 = PVSV! 393,18"19. K!yav!kkarman selon PV!
P289a6"7/D285a3 = PVSV! 393,18"19.
129
(1) [T%rtha-]sn!na, PVSV 109,3, PV IV.107d, PVP P346b7/8, PVSV
174,23, PV! P289a7"8/D245a3 = PVSV! 393,20, PV! ñe P78b5/D65b4 =
PVSV! 612,9, PVV 411,1; mais aussi: agnihotra, mêmes références hormis
PV IV et PVP; japa, PVP P346b8, japahom!di, Vibh. 450n. 1; upav!sa PV!
P289b1/D245a4 = PVSV! 393,21"22. (2) Prah!+a, PVSV 109,2, PV!
P289a7/D245a3 = PVSV! 393,19, qui glosent apagama; mais aussi: $odha-
nas!marthya, PVSV 174,23; n!$ana, PV IV.107d; virodhin, PVV 450,6;
apanayati, PV! P289b1/D245a4 = PVSV! 393,22; k'aya, PV!
P289a8/D245a4 = PVSV! 393,20; vi$uddhi, PV! ñe P78b8/D65b3 =
PVSV! 612,13. (3) Adharma, PV IV.107, PVP P346b7, PVV 450,4, PV!
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 109

ment, implicitement ou explicitement,130 que ces deux propositions


successives sont contradictoires ou mutuellement incompatibles.
Pour que des actes corporels et/ou vocaux tels que les ablutions an-
nulent le démérite/péché, il faudrait qu"ils en annulent la cause, les
passions de concupiscence, etc.: l"annulation du nid!nin nécessite
l"annulation du nid!na.131 Or tel n"est pas le cas,132 «parce que le
mérite a pour nature la non-convoitise, etc., et l"acte qui s"y origi-
ne, et que les ablutions aux fleuves sacrés, etc., n"ont pas cette na-
ture», ou133: «parce que les ablutions, etc., ne sont pas contradic-
toires avec la concupiscence, etc., qui est la cause du péché».134

P289a6/D245a3 = PVSV! 393,20; mais aussi: p!pa PVSV 174,23; PV! ñe


P78b6/D65b2 = PVSV! 612,9, PV! P289a8/D245a4 = PVSV! 393,21,
PVV 450,5, PVP P346b7. (4) Proposition alternative: «Ablutions et oblation
ont la capacité d"accroître le mérite». Dharmopacayas!marthya, PV! ñe
P78b6/D65b2 = PVSV! 612,10 (lacunaire); mais aussi: dharmav"ddhi, PV!
ñe P78b6/D65b3 = PVSV! 612,13.
130
PVP P346b6!7, PVV 450,4!5.
131
PVP P346b8: rgyu la gnod pa ma yin na | rgyu can la gnod pa ma yin te |.
PVV 450,5!6: na ! nid!n!virodhe nid!nino b!dh! |.
132
PV! ñe P78b8/D65b4 = PVSV! 612,13!14: dharmasya alobh!ditatprabha-
vakarmasvabh!vatv!t | t#rthasn!n!d#n!$ ca atatsvabh!vatv!t |.
133
PV! P289b1!2/D245a4!5 = PVSV! 393,22!23: p!panid!nena r!g!din!
virodh!bh!v!t |. Voir encore PVV 411,1!2 sous PV I.333 et 450,5!6 sous PV
IV.107.
134
Deux vy!pti sont formulées dans nos sources. (1) PVP P347a1, PV!
P289b2/D245a5, Vibh. 450n. 3: «Si x n"annule pas la cause (nid!na) de y, x
n"annule pas y.» Exemple: des substances (tib. rdzas) douce (madhura), raf-
fraîchissante (%#tala) et onctueuse (snigdha) ne remédient pas au phlegme
(%le&man = bad kan), ou à la maladie due au phlegme (bad kan can gyi nad =
*%lai&mikavy!dhi? Cf. PVin III P295a4!5/D197a5: m'ar ba da' | bsil ba da' |
snum pa dag gis bad kan las gyur pa"i nad b(in no ||, et PVin III Ms A
40a1/Ms B 42a6: madhura%#talasnigdhair iva vy!dhe) %lai&mikasya iti |; sur
madhura, %#tala et snigdha, voir MEULENBELD 2000: 534). (2) PVP P347a1!
2, Vibh. 450n. 3: «Si x annule la cause de y, x fait cesser y.» Exemple: les
trois segments de l"octuple chemin annulent différents états des passions: la
moralité (%#la) annule la méconduite (du%carita), la concentration (sam!dhi)
annule le sévissement actuel (paryavasth!na), la compréhension (prajñ!) an-
nule les passions latentes (anu%aya).
110 Introduction

Les objets reconnus comme (im)perceptibles par un traité doivent


être effectivement (im)perceptibles; les objets reconnus comme ob-
jectivement (in)inférables par un traité doivent être objectivement
(in)inférables; les propositions que ce traité consacre à des états de
fait radicalement imperceptibles doivent être consistantes, ne pré-
senter aucune contradiction entre elles. Dharmak!rti résume cette
première démarche évaluative dans PVSV 109,3!4135: «La fiabilité
[d"un traité], c"est [donc] cette correction de tout objet dont la dé-
termination est possible [par la perception directe et par les deux
sortes d"inférences].» La correction avérée du traité sert alors d"in-
dice dans l"inférence de la fiabilité de ce traité en matière supra-
sensible136: «Puisque la parole d"une personne crédible # possède
le caractère général de la fiabilité [quant aux états de fait percep-
tibles et inférables], on infère que la connaissance [que l"on tire de
cette parole] est également fiable sur un objet imperceptible et
ininférable de [cette parole] dont on n"a pas constaté qu"elle fût
déviante[; on l"infère] parce que, tout comme la connaissance [que
l"on en tire] sur un [objet] autre que cet [objet radicalement imper-
ceptible], elle se fonde sur cette [parole d"une personne crédible].»
Telle est la première stratégie de transfert d"autorité retenue par
Dharmak!rti.
2.4.6. Après Tso" kha pa et rGyal tshab rje, TILLEMANS a mis au
jour de remarquables similitudes entre certaines idées métareligieu-
ses de #ryadeva, Dharmap$la et Dharmak!rti. Dans l"objection for-
mant le commentaire introductif de Dharmap$la à C% 280, ce
dernier met en scène un adversaire relevant dans les S&tra bouddhi-
ques nombre d"éléments de piètre crédibilité: transformations ma-
giques (*vikurva!a, "ddhi), allusions à des entités radicalement
imperceptibles (shèn sh#n ! atyantaparok$a, év. atigambh%ra). Les
Écritures bouddhiques ne sont donc guère plus fiables que celles

135
PVSV 109,3!4: s& iya' (akyaparicched&(e$avi$ayavi(uddhir avisa'v&da) |.
Voir aussi PV IV.50 (TILLEMANS 2000: 80).
136
PVSV 109,7!9: &ptav&dasya avisa'v&das&m&ny&d ad"$*avyabhic&rasya
pratyak$&num&n&gamye !py arthe pratipattes tad&(rayatv&t tadanyapratipa-
ttivad avisa'v&do !num%yate |.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 111

des hérétiques. En guise de réponse, C! 280137: «When someone


gives rise to doubt concerning the obscure [things] (parok"a)
taught by the Buddha, then he can rely on the voidness which is free
of all [defining] characters, and [can thus] gain sure faith.» La
correction avérée de l"enseignement du Bouddha sur la vacuité (!"-
nyat#), son point principal, en crédibilise la prédication en matière
transempirique. Quoiqu"il y vise les quatre Vérités Saintes plutôt
que la vacuité, Dharmak#rti ne paraît pas dire autre chose dans PV
I.217138: «Ou puisque[, tels que révélés par le Bienheureux,] la réa-
lité du [mal] à écarter et du [bien] à réaliser, avec [leurs deux] mo-
yens [respectifs], sont établis, l"objet principal [de la prédication]
est fiable; donc [même lorsqu"elle porte] sur un autre [objet, radi-
calement imperceptible, la connaissance que l"on tire de la parole
du Bienheureux] est une inférence.» Ici, l"établissement des quatre
Vérités Saintes procède par un pram#$a procédant en vertu de
quelque chose de réel, l"inférence (P PVV 365,9); si ces Vérités
forment la matière principale de la prédication bouddhique, c"est
qu"en les réalisant, on obtient le nirv#$a, élimination de toutes les
passions.139 Dharmak#rti explique140: «En raison de la fiabilité de
cela même qui sert le but de l"homme [qu"est le nirv#$a et donc]
mérite [notre] persévérance, admettre que [la prédication du Bien-
heureux] est telle également sur un autre [type d"]objet n"est pas
pour nous tromper, parce que rien ne s"y oppose et que[, n"ayant

137
Traduit sur la version chinoise du commentaire de Dharmap$la (T1571,
216c22!23/TILLEMANS 1986: 46n. 21/TILLEMANS 1990: I.91 et II.132). Le
sanskrit serait (TILLEMANS 1986: 46n. 21): buddhokte%u parok%e%u j#yate
yasya sa&!aya' | ihaiva pratyayas tena kartavya' !"nyat#& prati ||.
138
PV I.217: heyop#deyatattvasya sop#yasya prasiddhita' | pradh#n#rth#visa&-
v#d#d anum#na& paratra v# ||.
139
PV% P291b1!2/D246b2!3 & PVSV% 394,28!30: tadadhigamena nirv#$a-
pr#pte' |. PVV 365,10: satyacatu%(ay#dhigamasya nirv#$ahetutvena.
140
PVSV 109,16!19: tasya asya puru%#rthopayogino !bhiyog#rhasya avisa&v#-
d#d vi%ay#ntare !pi tath#tvopagamo na vipralambh#y[a] anuparodh#n ni%-
prayojanavitath#bhidh#navaiphaly#c ca vaktu' |. Noter l"utilisation de cette
stratégie chez !$ntarak"ita, TS n°3528: svarg#pavargam#trasya visp)%(am
upade!ata' | pradh#n#rthaparijñ#n#t sarvajña iti gamyate ||.
112 Introduction

pas induit l!homme en erreur sur l!objet principal que sont les Vé-
rités Saintes,] le locuteur n!a pas d!intérêt [propre] à s!exprimer
sans raison de façon erronée [sur ce troisième point radicalement
imperceptible].» Que le Bouddha n!aurait nul intérêt à nous trom-
per ressortit à sa qualité de t!yin, de «protecteur [des êtres]» (voir
pp. 91"92); surtout, c!est à sa compassion qu!il doit son autorité141:
«Par compassion [pour les êtres, le Bienheureux leur] enseigne le
Bien: compatissant, aspirant à éliminer entièrement la douleur
d!autrui, [le Bienheureux] n!enseigne pas de façon erronée; avec
pleine conscience, celui-ci n!enseigne que le Bien aux [êtres] qui y
aspirent, non ce qui n!est pas le Bien. [En effet,] même compatis-
sante, [une personne ignorante] ne pourrait enseigner la vérité puis-
qu!elle ne [la] connaît pas: ainsi est-ce grâce à [sa] connaissance
que [le Bienheureux] enseigne la vérité; mais [à l!inverse,] même
si elle connaissait [la vérité], une [personne] sans compassion
pourrait aussi bien enseigner de façon erronée, et c!est ainsi que la
compassion [elle-]même est le moyen de [réaliser] l!autorité.»
2.4.7. Dans l!usage de Dharmak!rti, la première stratégie de trans-
fert inférentiel paraît avoir vocation «hérésiologique»; la seconde,
vocation apologétique. Il est bien connu que c!est selon la seconde
que, dans PV II.147cd-279, Dharmak!rti établit la fiabilité des qua-
tre Vérités Saintes, une démarche annoncée dans PVSV 109,16142:
«à l!exemple [de la justesse] des quatre Vérités Saintes [lorsqu!on
l!examine] selon la méthode (n"ti, gl. vic!ra) qu!on exposera [plus
bas].» L!explication des commentateurs ne laisse subsister aucun
doute quant à l!identité du passage visé par Dharmak!rti.

141
PVP P140b3"6 sous PV II.282ab: brtse bas legs pa ston par mdzad | brtse ba
da# ldan pa g$an gyi sdug bs#al yo#s su spo# ba don du gñer ba don log par
ston par mi mdzad | de mkhyen b$in du skal pa da# ldan pa de don du gñer ba
dag la legs pa ñid ston par mdzad kyi | legs pa ma yin pa ni ma yin no || brtse
ba da# ldan pa ya# mi %es pa!i phyir ya# dag pa!i don ston par mi nus pa de
ltar na | ye %es las bden pa ston mdzad kyi brtse ba med pa ni %es na ya# rnam
pa g$an ya# ston par !gyur ba de ltar na | brtse ba ya# tshad ma ñid kyi thabs
yin no ||.
142
PVSV 109,16: yath! cat&r'!m !ryasaty!n!( vak)yam!'an"ty! |.
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse 113

L"extrême fin de PV I offre un intéressant exemple d"application


de la première stratégie. Dans PV I.330!335,143 Dharmak!rti criti-
que un mystérieux adversaire m!m"#saka, un v$ddham!m"#saka
selon ses commentateurs ("#kyabuddhi excepté).144 Cet adversaire
entend/est pressé de faire l"économie de l"apauru%eyat" comme
critère de vedapr"m"&ya, et préfère à l"incréation l"argumentation
suivante: puisque tel locus védique (vedaikade'a) est vrai, tout au-
tre passage védique l"est aussi. Après avoir montré que l"inférence
de son adversaire est formellement fallacieuse (PVSV 173,19!
174,6), Dharmak!rti montre en quoi elle ne résiste pas davantage à
examen sur un plan matériel (PVSV 174,7!175,2). Ce faisant, il
tisse les lignes directrices d"une critique du Veda (la seule qu"on
lui connaisse d"ailleurs). Le c#ur de la critique apparaît dans PV
I.332!334, et plus explicitement encore dans leur autocommen-
taire, que je traduis ci-après145: «Le Veda dit qu"un homme dont les
natures successives ne disparaissent ni ne naissent, est successive-
ment l"agent des actes [bons et mauvais] et le jouisseur des fruits
de [ces] actes en tant notamment qu"il est cause d"inhérence et sup-
port. Mais [nous et nos coreligionnaires avons déjà] abondamment
fait savoir que ce [qu"affirme le Veda en ces termes] est incorrect.
De plus, [le Veda confère] à certaines entités [réelles] une perma-

143
Comparer TS(P) n°2775.
144
Voir aussi PVin II.72,9!10/23*,6!8, et STEINKELLNER 1979: 77!78 + n. 252.
145
PVSV 174,14!28: apracyut"nutpannap(rv"parar(pa) pum"n kart" krame&a
karma&"# karmaphal"n"# ca bhokt" samav"yik"ra&"dhi%*h"nabh"v"din"
ity "ha veda) | tac ca ayuktam ity "veditapr"yam | nityatva# ca ke%"#cid
bh"v"n"m ak%a&ikasya vastudharm"tikram"d ayuktam | apratyak%"&y eva hi
s"m"ny"d!ni pratyak%"&i | janmasthitiniv$tt!' ca vi%am") pad"rth"n"m | an"-
dheyavi'e%asya pr"g akartu) par"pek%ay" janakatvam | ni%patter ak"ryar(-
pasya "'rayava'ena sth"nam | k"ra&"c ca vin"'a ity"dikam | anyad api pra-
tyak%"num"n"bhy"# prasiddhaviparyayam* "gam"'raye&a ca anum"nena
b"dhitam agnihotr"de) p"pa'odhanas"marthy"dikam | tasya eva#v"dino ve-
dasya sarvatra '"stra'ar!re pram"&avirodham apratisam"dh"ya sambandh"-
nugu&op"yapuru%"rth"bhidh"n"ni ca '"stradharm"n apradar'ya atyantapra-
siddhavi%ayasaty"bhidh"nam"tre&a prajñ"prakar%aduravagahagahane !pi
niratyayat"# s"dhayituk"mo bandhak!m api pr"galbhyena vijayate |. *Prasi-
ddha° avec PVSV$ 612,7 et 8, contre prasiddhi° dans PVSV 174,22.
114 Introduction

nence erronée puisque ce qui n!est pas instantané déroge aux pro-
priétés d!une entité; [le Veda soutient que] des [entités] strictement
imperceptibles telles que l!universel[, le mouvement ou la qualité,]
sont perceptibles; [le Veda prête] aux entités [réelles] des naissan-
ce, durée et cessation incongrues, [en affirmant respectivement
qu!]une [entité] !insupplémentable!, d!abord non agente, [se fait
ensuite] génératrice en dépendance d!une autre; [qu!]une [entité]
n!ayant, de par [sa] production [par ses propres causes], pas la na-
ture d!un effet, se maintient [dans l!existence] en vertu de [quel-
que] point d!appui; [que] la destruction [des entités réelles procè-
de] d!une cause [de destruction; le Veda enseigne] encore [mainte]
autre [chose] dont la perception et l!inférence [ordinaire] établis-
sent le contraire, et [enfin prêche] notamment la capacité de [prati-
ques] telles que l!oblation au feu [ou les ablutions] à éliminer les
péchés[, ce] qu!invalide une inférence fondée sur l!Écriture. Le
[M"m#$saka] ne lève pas la contradiction avec les moyens de con-
naissance valide dans tout le corps du traité, ni ne présente les pro-
priétés d!un traité [que sont] les expressions d!une consistance [in-
terne], d!un moyen approprié et d!un but de l!homme; [puis,] par la
simple formulation de la vérité [du Veda] sur un objet trivial, il
entend démontrer que le Veda qui s!exprime ainsi [qu!on l!a mon-
tré] est infaillible également [lorsqu!il porte] sur [quelque chose
d!]impénétrable inaccessible [même] à une intelligence acérée: [ce
M"m#$saka] l!emporte en témérité même sur la courtisane [de
l!histoire]!»
Dharmak"rti jugeait à l!évidence que la parole du Bouddha pas-
serait avec succès les trois par!k"# articulant cette première straté-
gie. Mais ici comme ailleurs, rien ne nous oblige à lui en donner
crédit"
Chapitre 3
Sur l!incréation et les versions réalistes de la relation entre
p a r o l e e t s i gn i f i c a t i o n

3.0. Ne sont intervenues jusque-là que des écoles faisant reposer


l!autorité scripturaire sur la crédibilité de personnes, humaines ou
divines, que la tradition nomme des !pta. Ces écoles admettent
donc que leurs Écritures sont de création humaine (pauru"eya).
Dans et sous PV I.224"330, Dharmak!rti s!en prend à l!apauru"e-
yat!. Par apauru"eyat!, on entend avec Dharmak!rti une doctrine
posant que le critère de l!autorité scripturaire consiste en l!absence
d!un auteur (humain ou divin) de l!Écriture. Cette doctrine affirme
généralement (a) la permanence (nityat!), l!autoposition et la «na-
turalité» du donné révélé. L!argumentaire qui l!établit passe tou-
jours (b) par la preuve (ou du moins l!affirmation) de ce que la re-
lation (sambandha) entre parole et signification est elle-même in-
créée, «naturelle» et permanente, quelque version de la permanen-
ce qu!on retienne par ailleurs (permanence réelle ou d!immuta-
bilité: param!rtha° ou k#$asthanityat!; permanence pratique ou de
non-commencement: vyavah!ra° ou an!dinityat!). Cet argumen-
taire peut passer encore (c) par l!affirmation de la permanence des
corrélats, voire (d) par le déni de toute perception humaine du su-
prasensible. Pour nous, la doctrine trouve son expression para-
digmatique dans la M!m"#s" avec le $Bh, son nom dès le V%tti-
k!ragrantha, sa forme la plus radicale et aboutie chez Kum"rila (a-
d). On peut en argumenter la présence chez le grammairien-philo-
sophe Bhart%hari (a-c);1 de façon moindre et certes abusive dans le

1
Chez Bhart%hari, la révélation védique, «image» (anuk!ra) de la parole prin-
cipielle, est une et permanente, sous forme extérieure de &!stra, et sous forme
intérieure d!!gama. On notera simplement ici VP I.172: an!dim avyava-
cchinn!' &rutim !hur akart%k!m | &i"$air nibadhyam!n! tu na vyavacchidyate
sm%ti( ||. «On dit que la révélation est sans commencement, sans interruption
et sans auteur; tandis que la tradition est fondée sur les clercs et elle ne con-
116 Introduction

YBh ([a,] b[, c]);2 de façon surprenante mais indiscutable chez cer-
tains Vaibh!"ika (a-b).3
Dans et sous PV I.224!268, Dharmak#rti critique l"apauru!eyat"
sous sa forme complète et aboutie: l"apauru!eyat" en général com-
me critère de l"autorité scripturaire (dans et sous PV I.224!230),
l"incréation et la permanence de la relation (dans et sous PV I.231!
238), l"éternité du Veda (dans et sous PV I.239!246; infra, chapitre
4), la permanence de la parole (dans et sous PV I.247!268; infra,
chapitres 5 et 6).

3.1. Svata#pr"m"$ya et ved"pauru!eyat"


3.1.1. La M#m!$s! limite les prétentions du langage humain à la
vérité, interdit le suprasensible aux facultés cognitives humaines.
Pour assurer à l"injonction védique une validité inconditionnelle en
matière de Dharma, elle affranchit le Veda de toute origine hu-
maine, et établit l"intrinsécité de la validité épistémique (doctrine
du svata#pr"m"$ya). Avec Kum!rila surtout, ce volet positif de la
démarche se double d"un volet critique. Contre les bouddhistes et
les jainistes, Kum!rila s"en prend à la perception «yogique», à
l"omniscience et à la théorie du transfert inférentiel d"autorité; con-
tre ses «coreligionnaires», il réfute l"hypothèse d"une révélation du
Veda par Dieu et/ou par les %!i.4

naît pas d"interruption.» Traduction BIARDEAU 1964b: 183. VPV 168,11!13


sous VP I.148: sarvaprav"de!v "gamav"ky"n"& pra$et%parigrahe$a pauru-
!eyatvam abhyupagamyate | vedav"ky"ni tu caitanyavad apauru!ey"$i ||.
«Dans toutes les controverses, comme les phrases des traités de tradition
possèdent un auteur, on admet qu"elles sont #uvre humaine; tandis que les
phrases du Veda ne sont pas plus #uvre humaine que la conscience.» Tra-
duction BIARDEAU 1964b: 169. Sur la relation chez Patañjali et Bhart%hari,
voir pp. 129!132. Pour d"autres affirmations quant à la permanence ou l"éter-
nité (< san"tana) du Veda/&ruti, voir p. ex. MSm% I.23 et III.284, VeS'
I.iii.29 et II.i.4, MBh 9.44.11 (voir SUTTON 2000: 31sq).
2
Voir n. 76, pp. 132!133.
3
Voir pp. 133!134.
4
(1) Contre la perception yogique, voir &V pratyak!a 26!35, et BHATT 1989:
158!161. (2) Contre l"omniscience bouddhiste, voir &V codan" 111cd!140
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 117

3.1.2. La doctrine du svata!pr"m"#ya vaut de tous les moyens de


connaissance valide reconnus par l"école,5 mais trouve sa vocation
fondamentale en application à $abda: parole, témoignage verbal.
La doctrine s"articule ainsi: la validité (pr"m"#ya) d"une connais-
sance ne provient pas d"une connaissance subséquente (jñ"n"nta-
ra) qui la vérifierait, car alors la validité de la deuxième serait
tributaire d"une troisième connaissance, et ainsi de suite à l"infini
(anavasth").6 La validité d"une connaissance est donc intrinsèque
(svata!, sv"tantrye#a, svayam) à cette connaissance. En revanche,
la non-validité (apr"m"#ya) d"une connaissance lui est extrinsèque
(parata!, p"ratantrye#a), déterminée a posteriori.7 La fiabilité
d"une connaissance ne tient donc pas à sa vérification ou con-
firmation (sa%v"da): pour l"école, la validité est non-falsification,
la non-validité falsification.8 Deux événements sont susceptibles de

(les kk. 141sq visent l"omniscience jainiste), D"SA 1980: 193!195, et KHER
1992: 452!454. (3) Contre la théorie du transfert inférentiel d"autorité, voir
!V codan" 121!125 (pour la k. 121, voir p. 99). Selon !V codan" 122!125,
une théorie «vérificationniste» de l"autorité scripturaire conduit à cette consé-
quence que l"Écriture ne peut rien nous apprendre: redevable de sa fiabilité à
sa seule vérifiabilité, l"Écriture ne nous enseignera jamais valablement que ce
que nous pouvons connaître par nous-mêmes. Au mieux donc, l"Écriture sera
vraie dans l"ordre de ce que les pram"#a ordinaires nous donnent, mais sans
valeur de vérité là où s"arrêtent nos lumières naturelles. Or étant donné que
nous ne recourons à l"Écriture qu"en vue de connaître le suprasensible ! l"in-
vérifiable, hic et nunc du moins !, l"Écriture sera parfaitement vaine. Cette
critique repose, bien entendu, sur la doctrine du svata!pr"m"#ya. (4) Contre
la révélation par Dieu ou les &'i, voir !V sambandh"k'epaparih"ra 42cdsq
(D"SA 1980: 196!197), !V v"kya 365!368 et !V vedanityat" (voir chapitre
4, et D"SA 1980: 197!198).
5
!V codan" 47ab. Sur la doctrine du svata!pr"m"#ya, voir BIARDEAU 1964:
69!76, D"SA 1980: 57!77 et 180!191, BHATT 1989: 72!77 et TABER 1992.
6
Voir TS n°2852cd!2855 (D"SA 1980: 185), et !V codan" 81.
7
!Bh sous M"S# I.i.2/I.17,3 (F16,26!18,1; BIARDEAU 1964: 78); voir aussi
!V codan" 86!87.
8
!V codan" 80: tasm"d d&(ha% yad utpanna% n"pi sa%v"dam &cchati | jñ"-
n"ntare#a vijñ"na% tat pram"#a% prat)yat"m ||. «Therefore that cognition
that is stable (d$%ha-), actually arisen (utpanna-) and is not contradicted by
118 Introduction

falsifier ou du moins discréditer une connaissance: contradiction


d!une connaissance (a) par une seconde connaissance (b); suspi-
cion de défauts, vices ou fautes (do!a) dans la cause de cette con-
naissance. Dans le premier cas, l!apr"m"#ya est fausseté (mithy"-
tva); dans le second, l!apr"m"#ya est doute (sa$%aya) ou fausseté.9
Quels sont les vices susceptibles d!affecter la cause d!une connais-
sance? Selon !abara, la subtilité (sauk!mya) excessive de l!objet,
ou une affection de la faculté sensorielle perturbant le sens interne
(cak!ur"dibhir upahata$ mana&, par timira par exemple): le con-
tact entre manas, faculté sensorielle et objet n!intervenant pas, la
connaissance sera erronée (mithy"jñ"na).10 Dans sa B", Kum#rila
énumère six facteurs susceptibles d!affecter l!opération sensorielle:
concupiscence (r"ga), hostilité (dve!a), ivresse (mada), passion
(unm"da), faim (k!udh) et soif (t'!#").11 Ailleurs, Kum#rila évoque
encore la colère (krodha), le désir (k"ma), la convoitise (lobha),
l!orgueil (m"na) et la honte (lajj").12 Comme on voit, la majorité
des vices sont d!ordre émotionnel/affectif; ce sont, au sens le plus
large, des «fautes morales», qui déterminent également la façon
dont nous verbalisons nos connaissances. Kum#rila peut donc bien
dire que la fausseté d!un énoncé tient tout entière au locuteur
(vaktradh(na).13 Chose importante dans notre contexte, la validité
d!une connaissance ou la vérité d!un énoncé ne dépendent en
aucun cas des qualités (gu#a, dont Kum#rila ne dit rien d!ailleurs)
du connaissant ou du locuteur: une telle dépendance de la validité

another cognition is to be known as pram#$am.» Traduction D!SA 1980: 180.


9
Voir !V codan" 54"55; ici, Kum#rila distingue trois types d!apr"m"#ya:
fausseté (mithy"tva), non-connaissance (ajñ"na) et doute (sa$%aya). Ces
trois types d!apr"m"#ya forment contrepartie aux trois qualifications de pr"-
m"#ya: d')ha, utpanna et na visa$v"dam 'cchati (voir n. précédente, et
D!SA 1980: 180"183). Dans PVSV" 404,7"405,19, Kar$akagomin donne un
exposé lumineux de la position de Kum#rila (voir APPENDICE B pour les
citations).
10
Voir !Bh sous M%S& I.i.5/I.33,2"7 (F26,11"17; BIARDEAU 1964: 71).
11
Voir TS n°2882ab (D!SA 1980: 187).
12
TV sous M%S& I.iii.7/II.118,14 (JH' 1998: I.174).
13
!V codan" 62ab: voir APPENDICE B (PVSV" 404,11"14).
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 119

par rapport à des qualités morales en contredirait l"intrinsécité.14


De façon générale donc, un énoncé peut être a posteriori déclaré
vrai si rien ne vient le falsifier ou rendre suspect,15 et faux si une
connaissance subséquente vient le falsifier.16 A condition que l!é-
noncé porte sur le seul domaine empirique (indriyavi!ayatva), la
M!m"#s" admet donc le principe de la personne crédible.17 Dès
lors cependant qu"il outrepasserait sa sphère de compétence et pré-
tendrait porter sur l"invisible, un énoncé humain serait aussi peu
autorisé que «la parole d"aveugles-nés sur des couleurs particuliè-
res».18
3.1.3. Selon la M!m"#s", le Veda porte sur le suprasensible, et est
incréé, sans locuteur ou auteur humain. Portant sur le Dharma, le
Veda est infalsifiable étant donné la limitation de nos capacités co-
gnitives au domaine empirique; incréé, aucun vice ne peut en af-
fecter la cause. L"intrinsécité de la validité fait le reste: le Veda est
inconditionnellement valide.19 Sous le codan"s#tra, Kum"rila ne
manque aucune occasion pour contraster discours ordinaire et vé-
dique, pour réaffirmer l"incréation du Veda et l"autorité absolue

14
Voir $V codan" 63!65 (D"SA 1980: 188).
15
Voir $V codan" 60cd (D"SA 1980: 187), et $V codan" 52cd.
16
Voir $Bh sous M!S% I.i.5/I.50,2!3 (F34,9!11; BIARDEAU 1964: 83).
17
Pratyayitapuru!a chez $abara ($Bh sous M!S% I.i.2/I.17,5!7 [F18,3!6];
BIARDEAU 1964: 78), glosé yath"d$!%"rthav"din par Kum"rila dans $V co-
dan" 102, et satya dans $V codan" 106. Noter néanmoins $Bh sous M!S%
I.i.2/I.18,6!7 (F18,12!13): api ca pauru!ey"d vacan"d evam aya& puru!o
veda iti bhavati pratyayo na evam ayam artha iti |. «De plus, à partir d"une
parole humaine, on n"a pas l"idée que l"objet est tel (qu"on le dit), mais bien
que tel homme a telle idée (de cet objet).» Traduction BIARDEAU 1964: 81.
Cette conception est réaffirmée dans TV sous M!S% I.iii.24/II.187,6!7 (JHA
1998: I.266). Parmi les nombreux passages témoignant du pessimisme de
Kum"rila quant à la prétention des paroles humaines à la vérité, voir TV sous
M!S% I.iii.14/II.170,20!23 (JHA 1998: I.242), et $V codan" 144 (= TS
n°2793).
18
D"après $Bh sous M!S% I.i.2/I.18,2!3 (F18,8): j"tyandh"n"m iva vacana&
r#pavi'e!e!u |. Voir BIARDEAU 1964: 78!79.
19
$Bh sous M!S% I.i.2/I.17,3!5 (F16,26!18,2; BIARDEAU 1964: 78).
120 Introduction

qui en résulte.20 L!attitude culmine dans un raisonnement formel


établi sur trois arguments (pram!"a) successifs21: «La connaissan-
ce générée par l!injonction [védique] est un moyen de connaissan-
ce valide, parce qu!elle naît de causes franches de [tout] vice, com-
me [sont moyens de connaissance valide] les connaissances [pro-
venant] d!un indice [inférentiel], de la parole d!une personne crédi-
ble et des facultés sensorielles; de même, [elle est moyen de con-
naissance valide] parce qu!elle ne naît pas de la parole composée
par une personne [qui ne serait] pas crédible, et [enfin] parce que,
comme la connaissance [que nous dérivons] de la parole d!une per-
sonne crédible, elle est franche de [toute] annulation par exemple
selon le lieu, le temps, etc.» Limité cognitivement à l!ordre du sen-
sible, déjà inconstamment véridique en ce seul domaine, l!homme
est privé de toute possibilité de connaître et de dire le suprasensi-
ble. Pour optimiser le présent et s!assurer le ciel, il n!a d!autre
choix que de s!en remettre à l!injonction védique,22 incréée et donc
inconditionnellement vraie, qui lui donnera de l!invisible une con-
naissance aussi directe (pratyak#a), mais moins révisable, que la
perception lui en offre du visible.23
3.1.4. La M!m"#s" de $abara pose en thèse «que l!objet qu!indi-
que l![injonction védique] met l!homme en rapport avec le Bien»,
que «l!objet indiqué par l!injonction [védique] est ce qui produit le
Bien.»24 $abara considère que ce qui produit le Bien ($reyaskara)

20
Par exemple, $V codan! 68: voir APPENDICE B (PVSV% 404,25"405,13). $V
codan! 97ab: vedasy!pauru#eyatve siddh! tv eva% pram!"at! |. «Mais si le
Veda est incréé, [son] autorité [s!en trouve] ainsi [ipso facto] établie.»
21
$V codan! 184"185: codan!janit! buddhi& pram!"a% do#avarjitai& | k!-
ra"air janyam!natv!l li'g!ptoktyak#abuddhivat || tath!n!pt!pra"(toktijanya-
tv!d b!dhavarjan!t | de$ak!l!dibhed!dau c!ptoktipratyayo yath! ||. Voir aus-
si D!SA 1980: 192.
22
$Bh sous M!S& I.i.2/I.17,7 (F18,5"6; BIARDEAU 1964: 78).
23
$Bh sous M!S& I.i.2/I.20,2"3 (F20,1"2; BIARDEAU 1964: 79).
24
$Bh sous M!S& I.i.2/I.15,1 (F16,11"12): tay! yo lak#yate so !rtha& puru#a%
ni&$reyasena sa%yunakti iti. $Bh sous M!S& I.i.2/I.20,3 (F20,3): codan!-
lak#a"o !rtha& $reyaskara& |. Pour mémoire, M!S& I.i.2: codan!lak#a"o !rtho
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 121

n"est autre que le Dharma;25 quant à Kum!rila, il identifie le Bien à


la félicité humaine (puru!apr"ti), une description voisine de la dé-
finition m"m#$saka du ciel (svarga).26 Or la félicité humaine est à
réaliser (s#dhya) par le dispositif sacrificiel indiqué par l"injonction
védique; c"est donc lui qui est Dharma.27 L"injonction védique in-
dique le Dharma ! sacrifice (y#ga) par exemple !, lequel permet de
réaliser le Bien, la félicité humaine. Par «indique», on doit évidem-
ment entendre que l"injonction védique constitue le seul moyen de
connaissance valide eu égard au Dharma.28 "abara définit en outre
l"injonction comme «un énoncé qui incite à une action»,29 une défi-
nition que Kum!rila précise en prêtant à l"injonction deux modali-
tés: si elle engage à l"action (prav%tti), elle est prescription ou règle
prescriptive (vidhi); si elle incite à l"abstention (prati!edha), elle
est prohibition (prati!edha, ni!edha).30 Le sacrifice constitue là en-
core l"exemple-type d"un contenu prescrit (vidhey#rtha); le meurtre
d"un brahmane, l"un des quatre «péchés capitaux», illustre quant à
lui un contenu prohibé (prati!edhy#rtha). En commandant à l"hom-
me ce qui lui est profitable (artha), l"injonction prescriptive lui
indique le Dharma (alors que l"injonction prohibitive le soustrait à

dharma& ||.
25
Voir "Bh sous M#S$ I.i.2/I.20,4!5 (F20,4!5), et "V codan# 190.
26
"V codan# 191a: 'reyo hi puru!apr"ti&. "Bh sous M#S$ IV.iii.15/V.72,6!7:
pr"tir hi svarga& |. Sur le ciel, voir BIARDEAU 1964: 88!90.
27
Voir "V codan# 191bd. Voir aussi "Bh sous M#S$ I.i.2/I.20,5!21,1 (F20,4!
6), "V codan# 192, et TV sous M#S$ I.iii.24/II.187,23 (p(rvapak!a, JHA
1998: I.267).
28
Voir "V codan# 1 et 212. TV sous M#S$ I.iii.10/II.152,7 parle du «moyen de
connaissance valide du Dharma qu"on appelle %Veda#» (dharmapram#)a$
ved#khyam).
29
D"après "Bh sous M#S$ I.i.2/I.14,1 (F16,9): codan# iti kriy#y#& pravartaka$
vacanam #hu& |. Voir "V codan# 3cd, et "V codan# 211!212. Voir aussi
"Bh sous M#S$ I.i.2/I.15,2!3 (F16,12!14; BIARDEAU 1964: 77) et "V coda-
n# 7cd.
30
Voir "V codan# 210. NR& 82,5: pravartaka$ nivartaka$ ca v#kya$ co-
dan# | na kevala$ pravartakam eva |.
122 Introduction

l!Adharma).31 Selon Kum!rila, «il n!y a pas d!autre cause à [notre]


connaissance du Dharma et de l!Adharma, que ce que prescrit et
prohibe [l!injonction védique]».32

3.2. La relation entre parole et signification dans le !"barabh"#ya


et chez Kum!rila
3.2.1. La relation, pour "abara, c!est l!existence (bh"va) «[conjoin-
te et] inséparable» (aviyukta, BIARDEAU; «not-unconnected»,
D!SA) de la parole et de l!objet signifié par elle. Telle est la façon
dont l!auteur du Bh"#ya explique le terme autpattika («originaire»,
M#S$ I.i.5): la relation n!intervient pas après que sont apparus (ut-
panna) la parole et l!objet.33 Originaire, «innée» (BIARDEAU), la re-
lation tient en quelque façon à leur être même, leur est conaturelle,
intrinsèque. "abara glose autpattika par nitya,34 un terme qu!on
rend généralement par «permanent», mais dont rien n!indique qu!il
faille ici l!entendre en ce sens; comme dit BIARDEAU (1964: 156),
«on serait plutôt tenté d!évoquer son sens originel: %propre", %per-
sonnel", équivalent de sva, comme Hara l!a bien mis en lumière.»
Quant au V&ttik!ra, il explique autpattika par apauru#eya,35 «in-
créé», c!est-à-dire «qui n!est pas le fait de l!homme». D!accord sur
ce point avec le Ny!ya (NS II.i.53), il nie que la relation puisse
consister en un contact physique entre les corrélats (sa$%le#a-
lak#a&a); selon lui, la relation associe plutôt un objet à faire con-
naître (praty"yya) et une parole qui le fait connaître (praty"yaka):
la relation est sa$jñ"sa$jñilak#a&a.36 Il semble donc que pour

31
Voir "V codan" 213#215.
32
"V codan" 242ac: vihitaprati#iddhatve muktv"nyan na ca k"ra&am | dharm"-
dharm"vabodhasya. Voir HALBFASS 1990: 325#331.
33
"Bh sous M#S$ I.i.5/I.28,3#4 (F24,3#5; BIARDEAU 1964: 156, D!SA 1980:
93).
34
"Bh sous M#S$ I.i.5/I.28,3 (F24,3).
35
"Bh sous M#S$ I.i.5/I.50,7 (F34,15).
36
Voir la discussion de "Bh sous M#S$ I.i.5/I.52,1#7 (F36,6#14). Sur l!hypo-
thèse d!un sa$%le#alak#a&a' sambandha', voir aussi "V sambandh"k#epa 6#
9c.
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 123

!abara et le V"ttik#ra, la relation ne constitue pas une entité tierce,


mais plutôt, une disposition mutuelle, réelle et originaire, de la pa-
role et de l"objet. Inscrite dans la nature même des corrélats, cette
relation n"est pas artificielle (ak!trima). Les deux commentateurs
semblent viser ici le caractère toujours prédonné (siddha), déjà dis-
ponible, de la relation, et non encore sa permanence au sens strict.37
Cette doctrine singulière suscita l"hostilité des écoles professant
une position conventionaliste en théorie du langage. De la part du
M$m#%saka, admettre l"incréation de la relation supposait donc
que fût rejetée l"hypothèse d"un auteur de la relation (sambanddh!,
sambandhakart!): celui-ci, après avoir fabriqué les relations lexi-
cales, aurait ensuite composé les Veda pour s"en servir (sa"vyava-
hartum).38 En ce sens, la relation serait produite (k!taka). L"hypo-
thèse est sans valeur aux yeux du V"ttik#ra: pas plus qu"on ne per-
çoit un tel homme, on ne s"en souvient; or à défaut de se le rappe-
ler, tout accord (sampratipatti) sur la signification est impossible:
ce n"est que parce qu"on se rappelle P#&ini et Pi'gala qu"on com-
prend la signification des mots techniques «v!ddhi» et «ma».39 De
plus, l"universalité du langage suffit à refuser l"existence de plu-
sieurs auteurs de la relation, lesquels n"auraient pu se réunir et se
mettre d"accord. Ensuite, un seul sambanddh! originel n"aurait pu
imposer sa décision à tous.40 Enfin, enseigner une relation à autrui
exige un minimum linguistique commun dont il faudrait admettre
qu"il préexistait à l"auteur de la relation nouvellement enseignée,
soit que ce minimum ait été préalablement fabriqué par un tiers
(une hypothèse qui pose les problèmes mêmes qu"elle est supposée

37
Cette permanence est cependant au moins impliquée: apprise par imitation du
v!ddhavyavah#ra (voir infra), sans commencement par définition, la relation
est au moins an#dinitya; corrélant un $abda et une #k!ti permanents, la rela-
tion ne saurait que l"être à son tour.
38
!Bh sous M$S( I.i.5/I.62,6!63,1 (F42,13!15).
39
!Bh sous M$S( I.i.5/I.63,1!66,2 (F42,16!44,12), traduit par BIARDEAU
(1964: 157!159) et résumé par D"SA (1980: 95!96).
40
!Bh sous M$S( I.i.5/I.67,9!68,2 (F46,9!12), traduit par BIARDEAU (1964:
160) et résumé par D"SA (1980: 96).
124 Introduction

résoudre), soit qu!il soit incréé.41 Mais admettre une «naturalité» de


la relation suppose encore du M!m"#saka qu!il réponde à l!objec-
tion fondée sur le fait qu!à la première audition d!un mot, on n!en
comprend pas la signification.42 Pour y répondre, le V$ttik"ra déve-
loppe la théorie d!un apprentissage linguistique par mimétisme:
quoique la relation soit «naturelle», elle exige un apprentissage.
C!est la théorie du v!ddhavyavah"ra43: «L!expérience montre que
les enfants, en écoutant les adultes converser entre eux et pour eux-
mêmes, apprennent par perception directe l!objet [des mots qu!ils
emploient]; ces adultes à leur tour, quand ils étaient enfants, l!ont
appris d!autres adultes qui eux-mêmes l!avaient appris d!autres
adultes, et ainsi de suite sans que l!on arrive jamais au commence-
ment [de cette transmission].»
Parce que la relation ne dépend de rien (selon B"dar"ya%a, M!S&
I.i.5), la connaissance que l!on en tire, l!upade#a, est le moyen de
connaissance valide ordonné à l!invisible. Selon 'abara,44 «la rela-
tion originaire entre parole et objet [signifié] est cause (nimitta) [de
notre connaissance] du Dharma défini comme agnihotra, etc.,
[Dharma qui ne nous est] pas connu par des [moyens de connais-
sance valide] tels que la perception». Ce disant, il prolonge l!inter-
prétation du V$ttik"ra,45 et contraste la situation de la perception
dans M!S& I.i.4 (animitta), avec celle de la parole védique dans
41
'Bh sous M!S& I.i.5/I.68,3"10 (F46,15"48,2), traduit par BIARDEAU (1964:
160"161) et résumé par D!SA (1980: 96). Voir aussi HOUBEN 1995: 254"
255, et pp. 129"131.
42
'Bh sous M!S& I.i.5/I.66,6"8 (F44,17"20), traduit par BIARDEAU (1964:
159"160). L!objection provient du Vai(e)ika (voir VS VII.ii.22 [Candr"nan-
da], et HOUBEN 1995: 236n. 370).
43
'Bh sous M!S& I.i.5/I.67,3"5 (F46,2"5): v!ddh"n"$ sv"rthena sa$vyava-
h"ram"%"n"m upa#!%vanto b"l"& pratyak'am artha$ pratipadyam"n" d!#ya-
nte | te !pi v!ddh" yad" b"l" "sa$s tad" anyebhyo v!ddhebhyas te !py anye-
bhya iti na asty "dir ity eva$ v" bhavet |. Traduction BIARDEAU 1964: 160.
44
'Bh sous M!S& I.i.5/I.28,5"29,1 (F24,5"6): autpattika& #abdasya arthena
sambandhas tasya agnihotr"dilak'a%asya dharmasya nimitta$ pratyak'"-
dibhir anavagatasya |.
45
Voir 'Bh sous M!S& I.i.5/I.51,1"2 (F34,16"17; D!SA 1980: 94).
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 125

M!S" I.i.5 (nimitta). L"originarité de la relation assure à la parole


védique un rapport direct, sans médiation humaine, avec l"invisi-
ble, et lui garantit une autorité intrinsèque car inconditionnée: telle
est, à partir de Kum#rila au moins, la pierre de touche de l"apauru-
!eyat".
3.2.2. Dans le sambandh"k!epav"da (ci-après s"), Kum#rila établit
l"existence (satt") ou la réalité (sadbh"va) d"une relation linguis-
tique; dans le sambandh"k!epaparih"ra (ci-après s"p), il en établit
la permanence (nityat"). Entre ces deux sections, plusieurs
chapitres fondationnels pour la relation, dont et surtout le spho#a-
v"da et l""k$tiv"da, où Kum#rila établit respectivement la perma-
nence réelle (k%#asthanityat") des deux corrélats linguistique (&ab-
da comme var'a46) et extralinguistique (artha comme "k$ti/j"ti): la
permanence réelle des corrélats assure en effet la permanence
pratique (an"dinityat", vyavah"ranityat") de la relation, et partant,
des échanges linguistiques (vyavah"ra).47 Et selon $V s" 3, c"est en
se fondant ("&ritya) sur des relations permanentes entre parole et
signification que le Bh#%yak#ra a établi l"intrinsécité de la validité
du Veda.
Kum#rila n"introduit aucune révolution dans la doctrine générale
du sambandha, mais en précise à la fois la terminologie et l"inten-
tion. Au plan terminologique, il préserve la définition du V&ttik#ra
(sa(jñ"sa(jñilak!a'a, $V s" 32ab), mais recourt beaucoup plus
souvent aux notions de &akti et de s"marthya («capacité»), ainsi
qu"à celle d"un v"cyav"cakasambandha («relation signifié-signi-
fiant»).48 Ce faisant, il explicite ce qui était demeuré latent chez ses
prédécesseurs, et que j"ai décrit plus haut en termes de disposition
mutuelle et intrinsèque des corrélats. Pour Kum#rila, la relation est

46
Sur ce point, voir pp. 182!189.
47
Voir $V s"p 136cd!137ab (APPENDICE B [PVSV' 409,19!20]); $V &abda-
nityat" 6 (D"SA 1980: 114); $V spho#a 1, et surtout TV sous M!S" I.iii.12/
II.163,24!164,3 (JHA 1998: I.234).
48
$V s" 11ab.
126 Introduction

capacité,49 plus précisément ordination (niyama) mutuelle et «natu-


relle» de deux capacités: v!cya"akti ou «dénotabilité» pour le cor-
rélat extralinguistique, v!caka"akti ou «dénotativité» pour le cor-
rélat linguistique.50 La synthèse des terminologies «ancienne» et
«moderne» cristallise dans le concept d!une autpattik# "akti$ ou
«capacité originaire» des corrélats l!un pour l!autre.51 La relation
consiste dans l!ordination (mutuelle) des capacités du signifié et du
signifiant (v!cyav!cakas!marthyaniyama), lesquels sont ordonnés
l!un à l!autre (parasparaniyama).52 Cette conaturalité du signifié et
du signifiant tient semble-t-il à leur association (s!hitya) dans l!ac-
tion ou fonction expressive (abhidh!nakriy!): dans le très gramma-
tical langage de Kum!rila, le signifié fait office d!objet de l!action
(karmatva, qui définit v!cyatva), alors que le signifiant tient lieu
d!agent (kart%tva) ou d!instrument (kara&atva, l!un ou l!autre défi-
nissant v!cakatva) de l!action. Dans cette action, signifié et signi-
fiant entretiennent un rapport d!auxiliarité (upak!ryopak!rit!), où
le signifié, en tant qu!il est l!objet de l!action, est l!«aidé», et où le
signifiant est l!«aidant». Si les corrélats sont ordonnés l!un à l!au-
tre, c!est qu!ils concourent ensemble à la même réalisation.53 Pour
Kum!rila, la relation consiste donc dans l!ordination mutuelle de
capacités qui ressortissent à la nature propre de chacun des corré-

49
"V s!p 28a: voir APPENDICE B (PVSV# 411,12"13); voir aussi "V s! 9a et
"V s!p 11.
50
Voir aussi "V "abdanityat! 315 et 316, où Kum!rila parle (pour "abda) de
arth!bhidh!nas!marthya et arthaprat#tis!marthya; dans "V s! 33, il parle de
abhidh!"akti. Dans "V pratyak'a 227, il évoque (pour artha) une gr!hya-
"akti. Kar$akagomin expose cette position dans PVSV# 411,11"17 (voir n.
138, pp. 246"247).
51
"V pratyak'a 224.
52
Voir TV sous M%S& I.iii.26/II.213,18"21 (D!SA 1980: 150n. 27).
53
Voir "V s! 12cd"15, repris dans "V s!p 11. Il est difficile d!imaginer que
Kum!rila n!ait pas lu MBhD I.24,24"25,2 et/ou VP II.404"405 (voir
HOUBEN 1995: 235"236 + n. 366), VP III.iii.4"5 (voir HOUBEN 1995: 170"
174). Le modèle de relation impliqué est du type d!une dépendance (para-
tantra).
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 127

lats54: ce disant, Kum!rila confirme que la relation est sv!bh!vika,


mais la soustrait autant au statut de réalité tierce (vastvantaratva ou
v!stavatva dans le langage des bouddhistes critiquant cette posi-
tion) qu"à celui de convention arbitraire.55
3.2.3. Les écrits de Kum!rila abondent en élaborations théoriques
sur le v"ddhavyavah!ra: de celui-ci dépendent à la fois notre con-
naissance56 et la permanence des relations. Selon Kum!rila, toute
(jeune) personne apprenant le langage s"inscrit dans un contexte
pragmatique perceptible où entrent une (ou des) parole(s), une (ou
des) entité(s), un (ou plusieurs) adulte(s) (v"ddha) en situation de

54
Voir le p#rvapak$a de "V s!p 12ab: svato naiv!sti %aktatva& v!cyav!caka-
yor mitha' |.
55
Au conventionaliste qui, pour établir l"impermanence de la relation, cher-
cherait à appliquer à tout mot le modèle des noms propres, Kum!rila répond
en distinguant capacité (%akti) et application (niyoga). Un nom propre tel que
«Devadatta» a une dénotation ordinaire permanente, et une application mo-
mentanée à un mortel. Dans le cas de mots tels que «gau'», capacité et appli-
cation sont identiques ("V s!p 121!122ab). Voir aussi "V s! 43cd (idée de
capacité latente aux noms propres, avyakt! %akti'), et "V pratyak$a 224.
56
Voir aussi "V s!p 32 (APPENDICE B [PVSV# 410,21!22]). La position paraît
redondante à un adversaire (Dharmak$rti n"en jugera pas autrement): la capa-
cité expressive est inutile puisque le vyavah!ra suffit seul à expliquer notre
connaissance de la signification ("V s! 33). Kum!rila répond que la capacité
expressive est cause (k!ra(a) de notre connaissance de la signification, mais
qu"elle dépend pour ce faire d"une connaissance préalable de la relation
(sambandha[vi]jñ!na, s! 35cd et 41ab; sambandhagraha(a, s! 33): cette der-
nière connaissance sert d"auxiliaire (a)ga, s! 41ab) ou de coopérant (anugr!-
haka, s! 36) à la capacité. Or «que ce qui est réputé le plus apte à réaliser
quelque [résultat] dépende [pour ce faire] d"un coopérant, ne compromet pas
[pour autant sa] capacité propre [à réaliser ce résultat].» ("V s! 36: yat s!-
dhakatamatvena kasyacit ki&cid ucyate | tasy!nugr!hak!pek$! na sva%aktivi-
gh!tin* ||.) Notre faculté visuelle dépend de la lumière pour percevoir les cou-
leurs, mais cent luminaires ne feront jamais voir un aveugle (s! 40)! Sur l"ac-
quisition de l"expressivité, de la relation et de la signification par le langage
ordinaire (loka) et la pratique des plus anciens, voir encore TV sous M$S%
I.iii.10/II.152,19 (JHA 1998: I.221), 153,8 (ibid.) et 19!20 (JHA 1998: I.222);
TV sous M$S% I.iii.24/II.182,18 (p#rvapak$a, JHA 1998: I.259); TV sous
M$S% I.iii.27/II.217,6!7 (JHA 1998: I.307).
128 Introduction

communication. Dans ce contexte, l!apprentissage connaît deux


formes principales. Il peut procéder par explicitation directe de la
part de l!adulte57 ou, plus souvent, par inférence à partir de l!action
(kriy!) que l!on voit faire suite à une parole (un ordre, par exem-
ple).58 Cet apprentissage bimodal conduit à l!acquisition de l!ex-
pressivité (v!cakat!, abhidh!yakat!) des paroles. Ce n!est qu!en-
suite qu!est présumée la (double) capacité qui constitue la relation.
En résumé59: «Par la perception, [la personne qui apprend le lan-
gage] saisit (pa"yati) [d!abord] la parole, des adultes et la [chose] à
exprimer; par une inférence à partir de l!action (ce#$!) [consécutive
à la parole, cette personne saisit] ensuite (ca) que l!auditeur a com-
pris [la parole en tel sens donné]; et puisque [le fait resterait] sinon
inexplicable, elle peut connaître [alors] la capacité qui se fonde sur
les deux[, la parole et l!objet: c!est en effet] par la présomption
[que] l!on appréhende [directement] la relation, laquelle requiert
[en tout] trois moyens de connaissance valide [afin d!être con-
nue].»

57
Par exemple sous la forme: «Tel objet doit être compris par telle parole», ou:
«Tel est le signifié de telle parole», ou encore: «Tel est le signifiant de tel
objet». Voir !V s! 21cd"22ab.
58
Voir !V s! 22cd"24cd. L!extraction (< ni#k%#$a) du sens de chaque mot (d!a-
bord entremêlé " sa&k'r(a " aux différents éléments de la phrase) procède
par recoupement inductif (en fait: anvayavyatirek!bhy!m). La position est
peut-être à rapprocher de VP II.168 (voir BIARDEAU 1964: 431).
59
!V s!p 140"141 (cité PVSV" 409,26"29): "abdav%ddh!bhidhey!)" ca pra-
tyak#e(!tra pa"yati | "rotu" ca pratipannatvam anum!nena ce#$ay! || anya-
th!nupapatty! ca budhyec chakti) dvay!"rit!m | arth!patty!nubudhyante
sambandha) tripram!(akam ||. Commentaires utiles dans TSP 709,7"14 et
PVSV" 409,21"25; sur la présomption, voir !V s!p 29ab (cité PVSV"
410,19"20 [APPENDICE B] et TS n°2263ab), TV sous M#S$ I.iii.26/II.213,22
(D!SA 1980: 150n. 27, et TSP 624,14"15 sous TS n°2262), TV sous M#S$
I.iii.26/II.214,5"6 (JHA 1998: I.303) et TV sous M#S$ I.iii.27/II.219,8 (JHA
1998: I.310). Voir aussi TS n°2649"2651.
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 129

3.3. La relation entre parole et signification chez les Grammairiens


3.3.1. Dans le premier de ses V!rttika, le grammairien K!ty!yana
déclare «établie la relation entre parole et signification».60 Comme
"abara le fera de autpattika, Patañjali explique siddha par nitya. Sa
première intention paraît de comprendre ces deux termes comme se
disant d"entités (bh!va) inchangeables (k"#astha) et immuables
(avic!lin);61 ici, Patañjali se place sous l"autorité du Sa$graha:
siddha[/nitya] est un antonyme de k!rya, «à faire», «à produire».62
La discussion qui suit, semée d"objections, trahit un net affaiblisse-
ment de la position initiale, car une fois siddha tenu pour synony-
me de nitya, Patañjali paraît disposé à concéder toutes les connota-
tions: permanence réelle ou d"immutabilité (# k"#asthanityat!),
permanence de pure répétition (!bh%k&'ya # prav!hanityat!), per-
manence d"usage (# vyavah!ranityat!).63 Patañjali semble s"effor-
cer de demeurer sans parti-pris ontologique. Au technicien qu"il
est, il faut et il suffit que la relation (et plus généralement le langa-
ge) soit préétablie ou déjà donnée quand le grammairien s"en saisit,
qu"elle ne soit plus à faire ou à établir (s!dhya), qu"elle ne soit pas
instantanée.
3.3.2. Pour Bhart$hari, il ne fait guère de doute que la relation
existe64: «Qu"une parole soit la cause de la connaissance d"un objet

60
D"après MBh!%ya I.6,16: siddhe (abd!rthasambandhe. Sur ce point et sur la
position de Patañjali en matière de relation et de langage, voir les études
détaillées de BIARDEAU (1964: 35!43) et de HOUBEN (1995: 36!40).
61
MBh!%ya I.6,17!19.
62
MBh!%ya I.6,21!22.
63
Sur ce point, voir HOUBEN 1995: 37n. 61. BIARDEAU (1964: 40) parle même
de «l"indifférenciation fondamentale du terme nitya» dans le vocabulaire de
Patañjali; selon elle, des écoles aussi divergentes que le Ny!ya et la M&m!'-
s! ont pu s"autoriser de Patañjali: les Naiy!yika en posant la perpétuité des
conventions; la M&m!'s! en revendiquant l"éternité de la parole et de sa
relation (voir BIARDEAU 1964: 42!43).
64
VP III.iii.37: sati pratyayahetutva) sambandha upapadyate | (abdasy!rthe
yatas tatra sambandho !st%ti gamyate ||. Voir HOUBEN 1995: 250!253 et
BIARDEAU 1964: 425!426.
130 Introduction

n!est possible (upapadyate) que s!il y a une relation entre eux; on


[en] conclut donc qu!il y a dans [leur] cas une relation.» La pre-
mière occurrence de sambandha dans le VP est pour en affirmer la
permanence65: «La relation entre les mots et leur sens est éternelle:
c!est ce que nous ont transmis les grands voyants, auteurs des s!-
tra, des v"rttika et des bh"#ya.» Dans sa MBhD, Bhart!hari avait
déjà clairement distingué entre plusieurs types de permanence (pa-
ram"rth"$ray" nityat", vyavah"r"$ray" nityat"), et élargi le con-
cept de nityat" jusqu!à y ménager une place aux bouddhistes.66
Pour Bhart!hari comme pour Patañjali, une permanence pratique,
celle de l!usage langagier, paraît suffire au grammairien.67 Cela
étant, le VP et la VPV contiennent plusieurs passages niant toute
facture humaine de la relation68: «Jamais un homme n!aurait pu fa-
briquer cette relation d!un objet extérieur, permanent ou non, avec
des mots dont la relation n!avait pas encore été fabriquée.»

65
VP I.23: nity"% $abd"rthasambandh"s tatr"mn"t" mahar#ibhi% | s!tr"&"'
s"nutantr"&"' bh"#y"&"' ca pra&et(bhi% ||. Traduction BIARDEAU 1964b:
53 (voir aussi HOUBEN 1995: 31).
66
Voir HOUBEN 1995: 64"66.
67
Sur l!édifice métaphysique et linguistique où Bhart!hari inscrit ses réflexions
sur la relation, voir HOUBEN 1995, BIARDEAU 1964: 251"442 (particuliè-
rement 420"439) et 1969: 135"141, BHATE 1994. Le débat classique portant
sur la relation entre mot et objet individuels, ces réflexions paraissent d!ail-
leurs empreintes d!un caractère assez provisoire: d!un côté, Bhart!hari tient la
phrase pour la véritable unité de signification; de l!autre, sa métaphysique
pose une réalité ultimement une et indifférenciée. Cela étant, le registre où se
meuvent la praxis et le langage ordinaires est un monde (t)issu de différen-
ciations et surimpositions d!ordre conceptuel (voir VP III.iii.82 [HOUBEN
1995: 310"311] et 87"88 [HOUBEN 1995: 315"324]): si elle ne vise aucune
entité ontologiquement consistante, cette théorie de la relation n!en paraît pas
moins pratiquement et scientifiquement appropriée. Je présuppose ici que la
MBhD et le VP sont #uvres de Bhart!hari, et laisse ouverte la question de
l!auteur de la VPV.
68
VP III.iii.38: nitye !nitye !pi v"cye !rthe puru#e&a katha' cana | sambandho
!k(tasambandhai% $abdai% kartu' na $akyate ||. Traduction BIARDEAU 1964:
426. Voir aussi VPV 59,1"4 (BIARDEAU 1964b: 59), où le V!ttik"ra décrit la
relation comme autpattika et svabh"vasiddha.
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 131

Bhart!hari s"inscrit ainsi dans la ligne argumentative explorée par


le Sa!graha69 et le V!ttik"ra de la M#m"$s": pour fixer et ensei-
gner une relation (c"est-à-dire une convention), il faudrait se servir
de paroles dont la relation préexisterait à cet événement. Pour
Bhart!hari donc, la stabilité de la relation tient à une permanence
d"usage, à une non-création par l"homme, le fait n"impliquant
d"ailleurs pas que la relation ne naisse jamais.70
Dans VP III.iii.29!38, Bhart!hari propose et discute deux modèles
acceptables de la relation. Seul le premier doit nous intéresser ici71:
«De même qu"il y a une convenance sans commencement entre les
organes des sens et leurs domaines respectifs, de même la relation
entre les paroles et leurs objets est une convenance sans
commencement # La connaissance de cette convenance [se fait]
par une convention (samaya), comme par exemple, celle de la re-
lation entre une mère et son fils.» Ce premier modèle, attesté dans
la MBhD et dans la VPV,72 a été jugé d"inspiration m"m#$saka
tant par les commentateurs de Bhart!hari que par plusieurs docteurs
bouddhistes, dont probablement Dharmak#rti lui-même.73 Quelles

69
VPV 81,4!5 prête cette strophe au Sa!graha: sambandhasya na kart#sti
%abd#n#$ lokavedayo& | %abdair eva hi %abd#n#$ sambandha& sy#t k'ta&
katham ||. «Il n"y a personne qui soit l"auteur de la relation des mots profanes
ou védiques avec leur sens, car cette relation des mots (avec leur sens) de-
vrait se faire précisément à l"aide de mots: comment cela se ferait-il?» Tra-
duction BIARDEAU 1964b: 71.
70
VP I.28 (et voir les discussions de HOUBEN [1995: 65] et BIARDEAU [1964b:
73]).
71
VP III.iii.29/31cd: indriy#(#$ svavi)aye)v an#dir yogyat# yath# | an#dir
arthai& %abd#n#$ sambandho yogyat# tath# ! samay#d yogyat#sa$vin m#-
t#putr#diyogavat ||. Traduction BIARDEAU 1964: 422 et 430; voir aussi
HOUBEN 1995: 233!247.
72
MBhD I.18,13!14 (HOUBEN 1995: 163) et VPV 60,1!2 (BIARDEAU 1964b:
59).
73
Voir HOUBEN 1995: 159!160 pour l"avis de Pu%yar"ja (Hel"r"ja tenait ce
modèle pour celui qui avait la faveur du «propre cercle» de Bhart!hari, sva-
nik#yasiddha: voir HOUBEN 1995: 234). Dans PVSV 150,5!6, Dharmak#rti
attribue aux Jaimin#ya une %abda%aktir yogyat#khy#; Jñ"na&r#bhadra cite VP
132 Introduction

qu!aient pu être les intentions et les sources de Bhart!hari, cette


version de la relation corrobore dans l!esprit sinon la lettre ce que
nous savons de la M"m#$s#: notion d!une convenance entre les fa-
cultés sensorielles et leurs objets respectifs;74 idée d!une «coapta-
tion naturelle» (BIARDEAU 1964: 424) entre paroles et objets; con-
cession de ce que, toute «naturelle» qu!elle soit, cette relation doit
s!apprendre par l!usage.75 Comme la M"m#$s#, Bhart!hari inscrit
sa convenance dans l!être même des corrélats sans pour autant la
réifier; de façon consistante, et en stricte conformité avec la M"-
m#$s# et ce que Bhart!hari nous a déjà appris, ce modèle concède
à la relation une permanence d!usage plutôt qu!une permanence
réelle.76

III.iii.29 comme un vers de M"m#$s# (voir STEINKELLNER 1979: 68n. 211 et


69n. 222). On notera que Bhart!hari, quoique n!étant pas M"m#$saka, est
cité comme une autorité en matière d!!ha par Kum#rila (voir BRONKHORST
1989: 106 et n. 3).
74
Yogyat" nommément dans %V pratyak#a 43ab, 64ab, et abh"va 18cd; sv"-
bh"vika$ s"marthyam dans B!hat" 194,1. Dign#ga déjà utilisait «yogyat"»
pour décrire la théorie m%m"$saka du contact sensoriel (PSV sous PS
I.6.3ab; voir HATTORI 1968: 64"65). Voir aussi HOUBEN 1995: 234"235.
75
Voir en général HOUBEN 1992. HOUBEN (1995: 242) rend: «convention in the
sense of established usage», et explique: «convention as a well-established
custom, irrespective of whether or not anyone ever created it for the very first
time» (1995: 244). Hel#r#ja lui-même explique le samaya de VP III.iii.31cd
comme «the tradition of the verbal usage of the elders» (HOUBEN 1992: 237).
76
Le YBh semble tenir une position médiane entre le réalisme de la grammaire
et de la M"m#$s#, et le conventionalisme (théiste) du Ny#ya. Sous YS I.27,
le YBh explique que le pra&ava (om) se réfère à Dieu (%'vara), et affirme que
le rapport entre signifié et signifiant (v"cyav"cakatva) n!est pas le fait d!une
convention (sa(ketak)ta), mais est fixe (avasthita, sthita, yath"vasthita;
MBhD I.24,3"19 utilise avasthita en lieu et place de nitya), comme celui qui
subsiste entre luminaire et lumière (prad%paprak"'avat). Avant Kum#rila, le
YBh défend une v"cyav"caka'akti. Sous YS I.27, il prête encore aux &gamin
la thèse d!une permanence (nityat") de la relation. Mais comme chez Bhart!-
hari et dans la M"m#$s#, cette relation fixe et permanente doit s!apprendre:
pour être révélée, elle requiert une convention (laquelle est dite alors v"cya-
v"caka'aktyapek#a), que Dieu institue à l!identique à chaque nouvelle créa-
tion (sarg"ntare#v api). Comme l!a déjà relevé HOUBEN (1995: 244n. 384),
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 133

3.4. Quelques remarques de l"AD!p sur la relation entre parole et


signification
On se méprendrait à croire que les versions «naturalisantes» de la
relation sont restées confinées aux milieux védisants: quelle que
soit, le cas échéant, la direction d"emprunt, elles se retrouvent chez
certains docteurs vaibh!"ika. Que ce soit dans la M!m"#s" ou chez
les Vaibh"$ika, ces idées ont vocation apologétique: autorité du
Veda, statut ontologique de la parole du Bouddha (buddhavacana).
Les Sautr"ntika rangent toute parole émise dans le r#paskandha;
les Vaibh"$ika posent en plus l"existence de dharma substantiels
qu"ils nomment n!ma°, pada° et vyañjanak!ya, et qu"ils classent
dans le sa$sk!raskandha: véhicules de la signification, ces entités
sont des «dispositions formatrices dissociées de la pensée» (citta-
viprayuktasa$sk!ra).77
Le Vaibh"$ika (malgré les dénégations expresses de Vimalamitra)
traite ces dharma comme le grammairien pose et argumente son
spho%a. Surtout, son traitement de la relation entre «nom» (etc.) et
signification témoigne du prestige exercé par l"apauru"eyat! de la
M!m"#s". Vasubandhu déjà critiquait le n!man pour la conatu-
ralité avec la signification (arthasahajat!) qu"il impliquait.78 Vima-
lamitra ne lui donne pas tort79: «Et l"on détermine l"existence de
ces [noms, phrases et syllabes] par [leur] fonction (kriy!) # [Leur]
fonction est de notifier leur propre signification. Chacun notifie sa

l"exemple est frappant: «La relation du père au fils est révélée par une con-
vention: %Un tel est le père d"un tel$, %Un tel est le fils d"un tel$» (YBh 43,2-
3: pit!putrayo& sambandha& sa'ketena dyotyate | ayam asya pit! | ayam asya
putra iti |).
77
Sur ces différents points, voir JAINI 1977: 88!98, COX 1995: 159!171/377!
408 et JAINI 2001d.
78
AKBh 81,18!21 (LA VALLEE POUSSIN 1980: I.242). Cf. le passage d"A%%ha-
s!lin(, relatif aux opap!tikan!ma, discuté dans JAINI 2001d: 296!297, notam-
ment: tesu uppannesu tesa$ n!ma$ uppannam eva hoti (JAINI 2001d: n. 34).
79
AD!p 109,8!9: kriyay! ca tadastitva$ nirdh!ryate ! sv!rthapraty!yana$
kriy! | sva$ svam artha$ praty!yayaty apauru"eyatv!n n!m!rthasamban-
dhasya.
134 Introduction

propre signification, car la relation entre nom et signification est


incréée (apauru!eya).» Ici se mêlent présupposés spho"av#din et
terminologie m$m#%saka. Plus loin ! après avoir nié que ces
dharma fussent identiques au spho"a et affirmé leur impermanen-
ce80 !, le D!pak"ra poursuit en distinguant deux types de n#ma,
pada et vyañjana.81 Certains sont incréés, d"autres sont ordinaires
(laukika). Les premiers entretiennent une relation fixe avec leur
signification (niyat#bhidheyasambandha); portant sur les #yatana,
les dh#tu ou les skandha, ils ne sont introduits qu"à l"avènement
d"un Bouddha (buddhotp#da eva), sont en premier visés et connus
par un Bouddha82: ils forment la parole du Bouddha. Les seconds
se subdivisent en deux catégories: certains (?) ont comme les noms
incréés une signification fixe (niyat#bhidheya); d"autres, les noms
propres, sont «accidentels» (yad&cchika). En outre, les noms in-
créés et les noms ordinaires de la première catégorie ne révèlent
leur signification qu"à qui connaît les conventions (sa'keta): on
retrouve ici la double articulation rencontrée dans la M!m"#s", le
YBh et chez Bhart$hari. Comme on voit, les paroles composant la
parole du Bouddha ont une relation incréée avec leur signification
(les dharma constitutifs du Dharma!), sont elles-mêmes incréées, et
sont introduites à chaque fois qu"un Bouddha apparaît.

3.5. Position de Dharmak!rti en matière de relation entre parole et


signification
3.5.1. La philosophie linguistique de Dharmak!rti se situe à la croi-
sée de nombreux chemins. De la tradition bouddhique idéaliste et
de Dign"ga, Dharmak!rti a appris le caractère strictement fictionnel
et intellectuel du référent; de cette même tradition, mais aussi du
Ny"ya, du Vai%e&ika et de Vasubandhu, il hérite d"une position

80
Voir JAINI 2001d: 211!213 pour les dénégations sur le spho"a, et AD!p
111,7!13 pour l"affirmation d"impermanence. Voir aussi n. 15, p. 164.
81
Voir AD!p 113,10!19.
82
Noter AD!p 113,18: tadavabodhan#c ca bhagav#n sarvajña ity abhidh$yate |.
«Et c"est parce qu"il [les] connaît [en premier] que le Bienheureux [Bouddha]
est réputé 'omniscient#.»
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 135

conventionaliste; enfin, Dharmak!rti revisite en profondeur deux


notions diversement valorisées avant lui: celle de l"arbitraire du
locuteur (vivak!", vaktur icch"/abhipr"ya), et celle de la convenan-
ce (yogyat") des paroles à référer. En résulte une théorie de la rela-
tion aussi antiréaliste que possible.
Dign"ga déjà arguait de ce que le particulier (svalak!a#a) seul réel
n"est pas la référence des mots83: cette dernière ne pouvait consister
qu"en un contenu idéel, dans un universel (s"m"nyalak!a#a) con-
struit par la pensée conceptuelle. Dharmak!rti ayant réaménagé à la
fois l"ontologie (> arthakriy") et la psychologie de la connaissance
de Dign"ga (> v"san"), il peut, d"un côté, développer un nouvel
argumentaire contre l"hypothèse du svalak!a#a comme objet des
mots;84 de l"autre, présenter les contenus conceptuels comme les
«produits» d"imprégnations latentes sans commencement (an"di-
v"sanodbh$tavikalpa, PV I.205ab). La référence des mots est un
objet de nature cognitionnelle (bauddh"rtha, PV I.208c), concep-
tuelle (< kalpan"vi!aya, PVSV 107,13).85 Or selon NB I.5,86 «le
concept (kalpan") est une connaissance dont l"apparence convient

83
Dans PS(V) V.2 (voir FRAUWALLNER 1932: 276 et HAYES 1988: 255!259):
les particuliers sont en trop grand nombre pour être nommés individuel-
lement. Bien avant Dign"ga, la BoBh avait développé un remarquable argu-
mentaire (W43,24!45,12/D30,1!26 [BRONKHORST 1999: 104!107]); voir
aussi MSa#gr II.16,19 et 24 (LAMOTTE 1973: 108!112 et 118!119).
84
Surtout dans PV I.92 et PVSV 45,20!21, 24!29 (voir FRAUWALLNER 1932:
274!278, VETTER 1964: 59sq et VAN BIJLERT 1989: 131!138); dans PVin
I.17,3!7/56,10!15 (voir VETTER 1966: 57). La convention est fixée en vue de
la praxis (vyavah"r"rtham), et doit donc porter sur un objet qui ne disparaisse
pas entre le moment où elle est fixée et le moment de la praxis (condamnant
par là le particulier instantané); en outre, la convention ne peut être fixée
qu"après que le particulier a généré une connaissance sensorielle, c"est-à-dire
à un moment où le particulier a déjà péri (voir aussi TSP 277,9!12 sous TS
n°872). Notons que $ubhagupta a fait la synthèse des arguments de Dign"ga
et de Dharmak!rti dans AVK 22!23 (P209b4!5/D198a2!3).
85
Sur ces passages, voir YAITA 1985.
86
NB I.5 % PVin I.7,7/40,8: abhil"pasa%sargayogyapratibh"saprat&ti' kalpa-
n" ||.
136 Introduction

à être associée à une désignation verbale». En d!autres termes,87


«[tout] ce que peut appréhender la connaissance conceptuelle con-
vient à être associé à une image acoustique (!abd"k"ra), [et tout]
ce qui convient à être associé à une image acoustique peut être
énoncé par une parole faisant l!objet d!une convention.» Dharma-
k!rti met sens dessus-dessous la notion de yogyat" rencontrée chez
Bhart"hari et qu!il prête à la M!m#$s#. Pour lui, la convenance est
irrestriction (apr"tik#lya, apratik#lat")88: «Tout objet convient par
nature propre [à servir de référent] aux [paroles,] qui sont [séman-
tiquement] illimitées.» Ou encore89: «Aucun objet n!est ordonné
par nature propre à une parole, car [toute parole] convient [à réfé-
rer] à tout [objet].» Selon Dharmak!rti, l!ordination (niyama) de la
parole à un objet ressortit tout entière à l!arbitraire ou intention du
locuteur90: «L!intention du locuteur est la cause de l!ordination [de

87
NB%Dh sous NB III.51/59,8"9: yad vikalpajñ"nagr"hya$ tac chabd"k"ra-
sa$sargayogyam | yac chabd"k"rasa$sargayogya$ tat s"%ketikena !abdena
vaktu$ !akyam |. Voir TILLEMANS 2000: 128n. 447.
88
PV IV.111b2#d: ani&edhin"m ! yogya$ vi!va$ svabh"vata' ||. Voir TILLE-
MANS 2000: 163"164; voir aussi PVSV 118,6. Apr"tik#lya dans PVSV
112,20"21; apratik#lat" dans PVA 530,28.
89
PVSV 172,6: na hi !abdasya ka!cid artha' svabh"vaniyata' sarvatra yogya-
tv"t |.
90
PV I.327a: vivak&" niyame hetu' (voir aussi PV IV.109ac [TILLEMANS 2000:
162"163]). L!adoption de vivak&" comme référent est l!une des innovations
majeures de Dharmak!rti en théorie du langage. Avant Dharmak!rti, les prin-
cipales valorisations de vivak&" relèvent, en grammaire, de la psychologie
des k"raka et de l!application des vibhakti; en phonétique, de la psychophy-
siologie de la phonation (voir VAN NOOTEN 1983 et RADICCHI 1994; ajouter
&V spho(a 80 et !abda 41). Chez Kum#rila, vivak&" apparaît en théorie de la
logique et de l!argumentation (&V nir"lambana 147 et anum"na 110"112), et
dans la psychologie de la rhétorique, du style et de la syntaxe (&V codan"
163"164; pour l!Ala%k"ra et le N"(ya!"stra, voir RADICCHI 1994). Par prin-
cipe cependant, l"arbitraire du locuteur ne s"étend jamais à la signification
(voir surtout &V !abdanityat" 288 et 293cd). NBh sous NS II.i.56/90,1 et 2
(yath"k"mam) admet une sorte d!arbitraire linguistique «national» (voir
BIARDEAU 1964: 208), d!ailleurs bien connu de Dharmak!rti et de Kum#rila.
Dans le bouddhisme enfin, on notera l!intéressante BoBh W44,23/D30,18
(chandata') et, dans le contexte de la critique de l!apauru&eyat", MHK IX.30
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 137

la parole à un objet].» La parole «[n"]indique [que] l"intention du


locuteur»,91 et rien ne fait obstacle à cette intention.92 L"objet du
mot n"est donc chez Dharmak!rti que le contenu conceptuel actu-
ellement visé par le locuteur, un contenu intentionnel. Si l"anarchie
communicationnelle ne prévaut pas dans une communauté linguis-
tique, c"est simplement que les locuteurs qui la composent s"accor-
dent tacitement sur les contenus conceptuels visés par leurs paro-
les. En ce sens,93 «l"intention du locuteur est la cause de l"ordina-
tion [de la parole à un objet, et] la convention [est ce] qui révèle
cette [intention]». Ou, autrement dit,94 «les paroles reposent sur la
convention, et la [convention] repose [quant à elle] sur la seule in-
tention [des locuteurs]». Autant dire que la convention est une in-

(voir LINDTNER 1997: 99!100). Dign"ga, au contraire des #bhidharmika


(AD!p 109,14!15), ne paraît pas faire usage d"une notion qui occupera le
premier rang chez $ubhagupta (ELTSCHINGER 1999: 50n. 21).
91
PV I.213: vaktrabhipr!yas"caka#.
92
PV IV.125d: icch!y! anirodhan!t (voir TILLEMANS 2000: 184!185). Noter
PV% ñe P328b1!2/D266b5!6: ga$ %ig !dod pa tsam gyi rjes su !jug pa de ni
thams cad du yod pa yin te | dper na yid kyi rtog pa ra$ rgyud pa !ga! %ig lta
bu!o || !dod pa!i sgra yis brjod par bya ba ñid kya$ !dod pa tsam gyi rjes su
!jug pa yin no %es bya ba ni ra$ b%in gyi gtan tshigs yin no ||. «Whatever
conforms to mere wishes pertains to everything, just like a free conception of
the mind. Now an intended word"s designatum also conforms to mere wishes.
This is a reason which is an essential property.» Traduction TILLEMANS
1997: 182n. 11.
93
PV I.327ab: vivak&! niyame hetu# sa$ketas tatprak!'ana# |. La notion de
convention (sa$keta, samaya) est fort répandue, chez les conventionalistes du
Ny"ya (NS II.i.55) et du Vai&e'ika (VS VII.ii.24, voir HOUBEN 1995: 48!
53), et chez les anticonventionalistes de la M!m"(s" (objections conven-
tionalistes de $V v!kya 108cd et s!p 13: voir APPENDICE B [PVSV% 413,10!
11]) et de la grammaire (voir HOUBEN 1992). Ici comme ailleurs, AK(Bh)
II.47 a pu influencer Dharmak!rti (voir LA VALLEE POUSSIN 1980: I.238!243
et JAINI 2001d). La notion de convention joue un rôle important dans SNS
VI.4 et 25 (LAMOTTE 1935: 194/68 et 203/80!81) et dans les «Questions de
Maitreya» (voir CONZE/IIDA 1968: 238).
94
PV IV.116ab: sa$ketasa('ray!# 'abd!# sa cecch!m!trasa('raya# |. Voir
TILLEMANS 2000: 170!171.
138 Introduction

tention généralisée à des fins pragmatiques, un arbitraire réglé par


l!apprentissage et les impératifs pratiques de la communauté.
3.5.2. Dans un long et difficile entrelacs d!arguments contre l!in-
création et la réalité de la relation, Dharmak!rti s!efforce d!articuler
sa position propre en la matière: il n!est aucune relation réelle,95
que celle-ci soit du type d!une fusion des natures (r!pa"le#a) ou du
type d!une dépendance mutuelle (p$ratantrya) des entités.96 Selon
lui, la relation entre entités distinctes ([prak%ti]bhinna, ami"ra) est
de création humaine (pauru#eyo bh$v$n$& sa&"le#a', PVSV
116,1"2), doit être confectionnée mentalement par les hommes
(sa&sk$rya' puru#air dhiy$, PV I.231d): ces entités apparaissent
simplement comme associées ou unies (sa&s%#($v iva pratibh$ta',
PVSV 115,24"116,1) dans la connaissance conceptuelle de l!hom-
me (vikalpabuddhi, PVSV" 420,18), mais ne le sont pas en réalité.
A ce que l!homme mette en rapport, combine ou relie des entités
indépendantes, on peut distinguer " avec Kar#akagomin " deux
raisons principales: l!une est d!ordre génétique et psychologique,
l!autre d!ordre empirique.97 (1) Ces entités paraissent être en rela-
tion de par la maturation d!imprégnations latentes, internes, des
pratiques conventionnelles.98 La répétition immémoriale de ces
pratiques,99 ou l!habitus immémorial de ces pratiques,100 laisse des

95
Noter les expressions suivantes: v$stava (PVSV" 419,27, 422,19, PVV
373,2), vastubh!ta (PVSV" 420,21, 421,25, 427,23, 428,15), bh$vika
(PVSV" 429,11).
96
Dans son Prajñ$p$ramit$pi)*$rthasa+graha (k. 48), Dign$ga avait nié toute
relation réelle entre parole et signification: k%trima& n$ma v$cy$" ca dhar-
m$s te kalpit$ yata' | "abd$rthayor na sambandhas tena sv$bh$viko mata' ||.
«Since the name is artificial, and the principles to be expressed are concep-
tualized, no real relation is accepted between word and thing-meant.» Tra-
duction HOUBEN 1995: 55. Chez Dharmak!rti, la négation de la réalité des
relations sera l!affaire de la SP(V) (voir n. 146, pp. 248"249).
97
Voir n. 189, pp. 261"262.
98
D!après PVSV" 422,14"15: antastath$bh!tavyavah$rav$san$parip$k$t.
Voir PVSV" 420,20 (n. 178, p. 259).
99
D!après PVSV" 420,18"19: an$dik$l,navyavah$r$bhy$sa'.
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 139

traces dans, imprègne ou «parfume» le continuum psychique hu-


main; portées à la maturation ou à l"actualisation (not. prabodha),
ces latences prédisposent en quelque façon l"homme à reproduire
lesdites pratiques conventionnelles: voilà qui explique que des re-
lations apparaissent dans l"habitus conceptuel de l"homme.101 (2)
Mais l"homme constate encore empiriquement que telle chose exis-
te à chaque fois que telle autre existe102: conditionné qu"il est à ren-
dre compte relationnellement de la réalité, il admet donc que ces
deux choses sont en relation. Il n"en va pas autrement de la parole
et de la signification: l"homme constate qu"à chaque fois qu"un lo-
cuteur désire communiquer une signification donnée, il utilise une
certaine parole, mais ne constate pas que quiconque utilise autre-
ment la parole en question (voir PVSV 118,14!18). C"est sur la ba-
se de ce processus inductif que l"homme apprend le langage, et
c"est cette simple corrélation régulière (avin!bh!va) entre parole et
signification que l"homme tend à réifier lorsqu"il pose des rela-
tions103: «Une relation [entre entités distinctes par nature se résume
à] l"existence et [à] l"inexistence [qui sont celles] d"une entité[, te-
nue pour un effet,] qui est présente et absente [selon que ce qu"on
tient pour sa cause existe ou n"existe pas. C"est] donc aux hommes
[qu"il revient] de confectionner, par la pensée, la [relation] entre
les paroles [qui sont des effets] et les significations [qui en sont les
causes]. C"est sur la base des existence et inexistence [de la parole
par rapport à celles de la signification] que, par un habitus [immé-
morial] des pratiques conventionnelles, deux [entités] pourtant dis-
sociées [par nature] apparaissent à [la connaissance conceptuelle
de] l"homme [comme] associées: la réunion des entités est donc de
création humaine.»

100
D"après PVSV 116,1: vyavah!rabh!van!.
101
D"après PVSV 116,19!20: puru"abh!van!pratibh!s# ! sambandha$.
102
D"après PVSV! 422,14!15: tadbh!ve kasyacid bh!vadar%an!t.
103
PVSV 115,21!116,2: anvayavyatireki&o bh!vasya bh!v!bh!vau samban-
dha$ | arthair ata$ sa %abd!n!' sa'sk!rya$ puru"air dhiy! || t!v eva bh!v!-
bh!v!v !%ritya asa's(")!v api sa's(")!v iva puru"asya vyavah!rabh!van!-
ta$ pratibh!ta iti pauru"eyo bh!v!n!' sa'%le"a$ |. Cf. PVSV 116,18!22.
140 Introduction

3.5.3. Dharmak!rti ne se satisfait pas d!expliquer la genèse psycho-


logique des relations. Il se met encore en devoir d!expliquer les
processus de communication, de développer une épistémologie de
la connaissance verbale. L!arbitraire des locuteurs est on l!a vu ré-
gulé par un réseau de conventions apprises et reproduites; ces con-
ventions assurent la commensurabilité des contenus conceptuels
entre les différents locuteurs, uniformisent la référence linguisti-
que104: «Recourant au concept [d!un universel donné], le locuteur
utilise [la parole] en souhaitant communiquer la chose telle qu!elle
[lui] apparaît, et il se produit [consécutivement] chez l!auditeur un
concept présentant l!image de l![universel visé par le locuteur].»
Parce qu!il sait la conventionalité qui régit la référence, l!auditeur
peut raisonnablement attendre que le concept suscité en lui par une
parole soit le même que le concept qui est à l!origine de cette paro-
le. C!est qu!entre parole et intention subsiste, on l!a vu, une corré-
lation régulière de type causal; cette corrélation régulière, la con-
vention la manifeste ou explicite105: «Stimulée par le souhait de
[communiquer] une certaine signification, la parole [émise par le
locuteur] indique, à la [personne] qui sait que tel [énoncé provient]
de telle [intention], un objet présentant l!apparence de la cause pro-
pre [de la parole, c!est-à-dire de l!intention du locuteur]; ainsi la
relation [entre parole et signification] consiste-t-elle [selon nous]
dans le rapport de générant à généré qu!entretiennent [respective-
ment] une nature notionnelle [définie comme une intention,] et une
notification verbale. La connaissance [que nous tirons] de la parole

104
Adapté de PVSV 105,26"27: vaktu! "rotu" ca tadvikalpabh#jo yath#prati-
bh#sivastupratip#danasam$h#prayog#t | tad#k#ravikalpajanan#c ca |. Voir
YAITA 1985: 1"2, AVK 20 (ELTSCHINGER 1999: 50n. 19) et TS n°2632"
2635.
105
PVSV 113,25"114,3: arthavi"e%asam$h#prerit# v#g ata idam iti vidu%a! sva-
nid#nabh#sinam artha& s'cayati iti buddhir'pav#gvijñaptyor janyajanaka-
bh#va! sambandha! | tata! "abd#t pratipattir avin#bh#v#t | tad#khy#na&
samaya! | tata! praty#yakasambandhasiddhe! sambandh#khy#n#t | na tu sa
eva sambandha! |. Sur la notion, abhidharmique, de v#gvijñapti, voir COX
1995: 160"163; sur cet avin#bh#va de type causal, voir encore PVSV
118,14"17 et PVSV 120,2"6, ainsi que PVin II.70,2"5/21*,1"7 (STEINKELL-
NER 1979: 72"73) et "PK 7"8 (ELTSCHINGER 1999: 50n. 19).
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 141

vient donc d"une corrélation régulière, [et] la convention est ce qui


[nous] révèle cette [corrélation régulière]. Puisque c"est grâce à
cette [convention] qu"est établie la relation [de corrélation régu-
lière] qui [nous] informe [de la signification, grâce à elle] qu"est
révélée [cette] relation[, on dit métaphoriquement cette convention
une !relation#], mais cette [convention] n"est nullement une rela-
tion [véritable].» Selon Dharmak"rti donc, ce qu"on nomme «rela-
tion» consiste dans la corrélation régulière, fondée sur un rapport
de causalité, entre un contenu mental et la parole qui le notifie à
autrui. Révélée par une convention, cette corrélation régulière per-
met à l"auditeur, lorsqu"il entend la parole, d"inférer l"intention du
locuteur: la connaissance que nous tirons de la parole est donc une
inférence.106 La parole nous donnant une connaissance fiable (avi-
sa!v"din) de l"intention (jusque-là inconnue) du locuteur, la con-
naissance que l"on en tire est un moyen de connaissance valide eu
égard à cette intention107: «Verbal knowledge (#$bda), too, [is non-
contradictory,] for it indicates an intention [of a speaker]. Verbal
knowledge is pram$%a with reference to that which is an object of a
speaker!s activity [i.e. intention] and which appears in his [concep-

106
Cette position rapproche Dharmak"rti du second modèle de relation accep-
table pour Bhart&hari, que Pu%yar$ja et Hel$r$ja attribuent nommément aux
bouddhistes: voir VP III.iii.32!33 (HOUBEN 1995: 246!247), VP I.25 et II.32
(HOUBEN 1995: 163!164n. 275), MBhD I.18,13!15 (HOUBEN 1995: 163) et
VPV 60,2!61,5 (BIARDEAU 1964b: 59). Si Hel$r$ja attribue ce modèle cau-
saliste aux bouddhistes, Pu%yar$ja l"associe en particulier aux Vijñ$nav$din
(VP' 4,22!23 [HOUBEN 1995: 159!160]). Que la connaissance verbale (#"b-
da) se réduise à une inférence rapproche, malgré des différences, Dharmak"r-
ti (mais bien sûr aussi Dign$ga [PS V.1] et Bh$[va]viveka/Bhavya) du Vai#e-
(ika: voir VS IX.ii.3, le p$rvapak%a de NBh sous NS II.i.59/86,9sq (BIAR-
DEAU 1964: 127!128), et la critique de Kum$rila dans )V s" 16!21ab et #a-
bda 14sq.
107
PV II.1c2!2: #"bde !py abhipr"yanivedan"t || vakt&vy"p"ravi%ayo yo !rtho
buddhau prak"#ate | pr"m"'ya! tatra #abdasya n"rthatattvanibandhanam ||.
Traduction KATSURA 1984: 219. Sur le thème de #"bda chez Dharmak"rti,
voir SHAH 1967: 287!299 et VAN BIJLERT 1989: 130!138. Voir aussi TS
n°1515!1525, où )$ntarak(ita explicite le trair$pya de l"inférence de viva-
k%".
142 Introduction

tual] knowledge. [But its truth (pr!m!"ya) is] not based upon reali-
ty (tattva) of the object.»
3.5.4. Comme on voit, cette doctrine nie tout rapport autre que
strictement conventionnel entre parole et signification; que les
hommes puissent inférer la signification à partir des paroles émises
résulte de l!accord général qui lie les membres de la communauté
linguistique. La doctrine présente une conséquence majeure: par
définition, un énoncé incréé n!est pas le produit d!une intention; or
à défaut d!une intention originatrice, cet énoncé est par principe
dénué de signification: privé d!objet, et sans valeur de vérité.108
Autre chose encore. Comme toutes les écoles professant la possibi-
lité d!une autorité humaine en matière de suprasensible, Dharma-
k#rti pose que les qualités morales (gu!a) du locuteur forment la
condition de la véracité de ses paroles. Or en évacuant l!homme du
Veda, la M#m!$s! prive ce dernier des qualités qui seules sont
susceptibles d!en rendre les énoncés vrais.109 Si donc le Veda est

108
Voir PV I.225 et PVSV 112,16"19.
109
Comparer le long p"rvapak#a de %V codan$ 21"32 et 38"46. L!adversaire
admet que «l!autorité dépend de l!homme» (k. 29a: pr$m$!yam ! nar$pe-
k#am), que «toutes les injonctions ont une autorité qui repose sur l!homme»
(k. 28a2b: puru#$dh%napr$m$!y$& sarvacodan$& |). Pour lui, «on ne voit pas
qu!une parole soit vraie sur quelque chose sans [que soit intervenu] un [mo-
yen de connaissance valide] tel que la perception[, qu!il soit] propre [au lo-
cuteur] ou [celui] d!autrui[, et] de même en doit-il aller aussi des injonctions»
(k. 24: n$tm%y$d anyad%y$d v$ pratyak#$der vin$ kvacit | vacasa& satyat$
d'#($ tath$ sy$c codan$sv api ||). Donc «puisque l!on débarrasse [le Veda] de
l!autorité d!un locuteur, [sa] non-autorité est fort aisée [à montrer]» (k. 21cd:
sutar$m apram$!atva) vakt'pr$m$!yavarjan$t |). Ou encore: «Une injonc-
tion ayant un objet en relation avec le ciel ou le sacrifice est fausse # car
elle n!a pas été composée par une personne crédible, comme les énoncés
d!enfants ou de [personnes] ivres» (kk. 26ab et 27a2b: svargay$g$disamban-
dhavi#ay$ codan$ m'#$ ! $pten$pra!%tatv$d b$lonmatt$div$kyavat |). Con-
clusion: «Et donc puisque [selon vous] il n!y a pas d!homme [au principe de
l!injonction], ou que s!il y en a un, il est impossible qu!il soit pur, l!autorité
ne se peut pas de l!injonction, car [cette autorité serait] sans fondement» (k.
46: tata* ca puru#$bh$v$t sati v$ *uddhyasambhav$t | nirm"latv$t pram$!a-
tva) codan$y$) na yujyate ||).
Chapitre 3 ! Contre les versions réalistes de la relation 143

incréé, soit il est sans valeur de vérité, soit il est faux. Comme on le
voit, l"incréation ou autoposition prive le Veda de signification et
de vérité, mais n"en exclut pas la fausseté. Censée garantir au Veda
une fiabilité inconditionnée, l"apauru!eyat" se révèle contre-pro-
ductive.
L"apauru!eyat" n"est pas seulement contre-productive; elle est en-
core parfaitement inutile. Même à concéder aux paroles védiques
une relation originaire et incréée à l"invisible, l"homme ne peut
connaître cette relation imperceptible, car la M!m"#s" le prive de
tout accès au suprasensible. Les paroles védiques n"auront donc
pour lui de signification que s"il la leur impute par convention.110
Or cette imputation étant d"origine humaine, elle réintroduit le ris-
que de fausseté qu"était censée évacuer l"apauru!eyat". Les consé-
quences en sont dévastatrices pour la M!m"#s": dans les rites, elle
trouve le viatique vers le ciel; d"un Veda incréé, elle espère à la
fois l"injonction à et la description vraie des rites. Mais si l"homme
en est réduit à surimposer une signification à des paroles védiques
sinon muettes, rien ne permet d"affirmer qu"il ne leur fait pas dire
le contraire de ce qu"elles disent en réalité.111 Dans cette hypothèse,
le y"jñika se fourvoie peut-être à exécuter des rites qui ne lui assu-
reront aucun bénéfice et, au pire, lui vaudront des conséquences es-
chatologiques funestes. Rien ne permet d"exclure que l"injonction:
«Que celui qui désire le ciel offre l"oblation au feu» (agnihotra#
juhuy"t svargak"ma$), ne signifie en vérité: «Que celui qui désire
le ciel mange de la viande de chien» (kh"dec chvam"#sam, PV
I.318).

110
Voir par exemple PVSV 112,19!27.
111
Voir surtout PV I.226 et PVSV 113,4!7, PV I.228cd!229ab et PVSV 114,10!
22.
Chapitre 4
Sur l!éternité du Veda

4.0. Dans PVSV 120,8"126,15 (sous PV I.239"246), Dharmak!rti


critique deux arguments invoqués par la M!m"#s" pour démontrer
l!incréation du Veda. Dans PVSV 120,8"121,6, il s!en prend à un
argument fondé sur le non-souvenir d!un auteur, humain ou divin,
du Veda (ce que, avec POLLOCK 1989: 608, on pourrait dire aussi
l!«anonymat» du Veda). Dans PVSV 121,7"126,15, il s!attaque à
un argument stipulant que la structure même de la tradition védi-
que rend tout commencement du Veda dans le temps impossible.
Ce faisant, Dharmak!rti ne se contente pas de critiquer les carences
formelles et les absurdités de la preuve m!m"#saka (généralement,
dans PVSV 121,7"125,9); il anticipe encore, sur la base d!une
théorie des mantra et de leur efficacité, sa démonstration de la pos-
sibilité d!une perception du suprasensible (P PVS V 123,14"124,26 ,
voir aussi pp. 81"83); enfin, Dharmak!rti impose à la M!m"#s" de
distinguer entre éternité et incréation (PPVSV 125,9"126,15). Les
deux arguments critiqués dans ce passage visent à refuser tout
auteur au Veda, et corrélativement, à établir l!éternité de la récita-
tion védique. La critique de Dharmak!rti se fait en plusieurs points
l!écho de celle qu!avait conduite Bh"(va)viveka/Bhavya dans ses
MHK, ainsi qu!à des objections apparaissant dans le $V et le TV.

4.1. L!anonymat du Veda


Bh"(va)viveka/Bhavya paraît être le premier docteur bouddhiste à
mentionner et critiquer l!argument m!m"#saka stipulant que le
Veda (ou: la parole védique) est incréé parce qu!on ne s!en rappel-
le pas l!auteur (kartur asmara$"t).1 Dans et sous PV I.239, Dhar-
mak!rti critique lui aussi l!argument (kart%$"m asm&te') comme

1
MHK IX.4a et 26. Voir KAWASAKI 1992: 408 et 414, ELTSCHINGER 1997:
1096"1098 et LINDTNER 1997: 96 et 99.
146 Introduction

l!indice inférentiel invoqué par la M!m"#s" pour établir l!incré-


ation du Veda. $"kyabuddhi, Kar%akagomin et Vibh&ticandra sont
unanimes à attribuer à Jaimini lui-même la paternité de cet argu-
ment;2 il est cependant singulier d!observer que celui-ci n!apparaît
pas dans les M!S& " là du moins où on l!attendrait, quelque part
dans M!S& I.i.27"32, voire à la place de M!S& I.i.29 ", et qu!il
trouve sa première (et discrète) attestation dans le $Bh (peut-être
ne court-on pas grand risque à le faire remonter au V'ttik"ra). Par-
venu au terme de la section consacrée à v!kya et de son commen-
taire à M!S& I.i.25, $abara introduit la question de l!incréation de
l!énoncé (védique) en disant3: «Et qu!on constate que [les phrases]
sont le fait de l!homme [en tant qu!elles sont] des assemblages de
mots, cela se réfute par des [arguments] tels que le non-souvenir
[d!un créateur de la relation].» En introduisant $V v!kya 365ab,
P"rthas"rathimi(ra formule l!objection suivante4: «Des [arguments]
tels que le non-souvenir réfutent [certes] que la relation soit pro-
duite[, mais] pas que les Veda [le soient].» Kum"rila dit5: «[Quant
à] la permanence de la phrase, il faut l!exposer selon la méthode
[qui a guidé notre preuve] de la non-production de la relation.» On
engage donc le M!m"#saka à défendre l!incréation des énoncés
védiques sur le modèle même qui avait servi à établir l!incréation
de la relation.

2
PVSV) 437,29 et 438,10"11; PV) P325b8 rGyal dpog las: rGyal dpog pas
D272a5; P326a1 rGyal dpog pa: rGyal dpog D272a6; Vibh. 374n. 3. PVV
374,20 dit kenacin m"m!#sakapravare$a, qui peut s!entendre soit: «par quel-
que M!m"#saka éminent», soit: «par quelque aîné des M!m"#saka».
3
$Bh sous M!S& I.i.25/I.119,3: yac ca ete padasa%gh!t!& puru'ak(t! d()yanta
iti | parih(ta# tad asmara$!dibhi& |. NM IV.1 illustre bien la position de
l!adversaire.
4
NR* 668,4"5: sambandhasya hi k(takatva# kartur asmara$!dibhi& parih(-
ta# na ved!n!m.
5
$V v!kya 365ab: sambandh!kara$any!y!d vaktavy! v!kyanityat! |. Voir
aussi TS n°2339ab.
Chapitre 4 ! Sur l"éternité du Veda 147

Voilà qui nous ramène à !Bh sous M"S# I.i.5. Le passage qui nous
intéresse s"ouvre sur l"objection que voici6: «Mais nous avons déjà
montré auparavant que cette relation est fabriquée; c"est pourquoi,
à notre avis, la relation des mots (!abda) avec leurs objets a été fa-
briquée par un homme qui a ensuite composé les Veda pour s"en
servir.» Dans !Bh I.63,1!4 (F42,16!19), le V$ttik%ra répond qu"il
n"y a pas de «corrélateur» (sambanddh"), car la perception (et avec
elle tout autre moyen «ordinaire» de connaissance valide) n"en
établit pas l"existence. A cela, l"adversaire (naiy#yika?) objecte que
cette personne7 «n"est pas l"objet de [notre] perception, car elle a
existé voici très longtemps». C"est alors que le V$ttik%ra répond
qu"en ce cas, on devrait nécessairement en avoir conservé le sou-
venir, car les hommes ne cessent pas de faire usage du langage. Le
passage mérite d"être cité tout au long8: «Soit, mais les gens ne se
servant que de la relation n"ont que faire du souvenir de son créa-

6
!Bh sous M"S# I.i.5/I.62,4!63,1 (F42,12!15): sa tu k"taka iti p$rvam upap#-
ditam | tasm#n many#mahe ken#pi puru%e&a !abd#n#m arthai' saha samban-
dha( k"tv# sa(vyavahartu( ved#' pra&)t# iti |. Traduction BIARDEAU 1964:
157.
7
!Bh sous M"S# I.i.5/I.63,4!5 (F42,20): cirav"ttatv#t pratyak%asya avi%aya'.
8
!Bh sous M"S# I.i.5/I.64,2!66,2 (F42,23!44,12): sy#d etat | sambandha-
m#travyavah#ri&o ni%prayojana( kart"smara&am an#driyam#&# vismareyur
iti | tan na | yadi hi puru%a' k"tv# sambandha( vyavah#rayed vyavah#rak#le
!va!ya( smartavyo bhavati | sampratipattau hi kart"vyavahartror artha' si-
dhyati na vipratipattau | na hi v"ddhi!abdena ap#&iner vyavaharata' #daica'
prat)yeran p#&inik"tim ananumanyam#nasya v# " tena kart"vyavahart#rau
sampratipadyete | tena vede vyavaharadbhir ava!ya( smara&)ya' samban-
dhasya kart# sy#d vyavah#rasya ca " tasm#t k#ra&#d avagacch#mo na k"-
tv# sambandha( vyavah#r#rtha( kenacid ved#' pra&)t# iti |. Traduction
BIARDEAU 1964: 158!159. NM 583,2!7 reprend à son compte les p$rva-
pak%a auxquels répond le V$ttik%ra. Outre sa perspective «athéologique», !V
s#p 123cd!134ab ne bouleverse pas l"argumentaire; on notera cependant !V
s#p 130cd!131ab: d"%*e bhavatu m# v# bh$t kart"sampratipannat# | vaidiko
vyavah#ras tu na kart"smara&#d "te ||. «En matière empirique, il pourrait ou
non se faire qu"on se soit mis d"accord avec un [hypothétique] créateur de la
relation; mais la pratique védique[, elle, ne serait] pas [possible] sans souve-
nir du créateur[, car les paroles védiques portent sur des états de fait transem-
piriques].» Sur ce dernier point, voir TS(P) n°2339!2340.
148 Introduction

teur, si bien qu!ils n!y font aucune attention et qu!ils l!ont oublié. "
Impossible; s!il y avait un homme qui eût commencé à se servir de
la relation après l!avoir fabriquée, on devrait nécessairement se
souvenir de lui au moment où l!on en fait usage. L!objet n!est
établi (à partir du mot) en effet que s!il y a accord entre le créateur
et l!usager (de la relation), et non s!il y a désaccord: par le terme
(technique) v!ddhi, on ne connaîtrait pas (son objet) "daic si celui
qui fait usage de cette relation n!était pas P!"ini ou quelqu!un qui
accepte ce qu!a fait P!"ini # C!est pourquoi le créateur et l!usager
devraient être d!accord (si la relation entre les mots et leurs objets
était fabriquée). C!est pourquoi ceux qui pratiquent le Veda de-
vraient nécessairement se souvenir du créateur de la relation et de
l!usage # Pour cette raison, nous n!admettons pas qu!il y ait eu
quelqu!un pour fabriquer la relation en vue de l!usage et pour com-
poser les Veda.» Le V#ttik!ra tient donc que, puisqu!on ne se rap-
pelle pas l!auteur des relations, personne n!a composé le Veda.
Voilà qui revient à dire qu!on ne se rappelle pas l!auteur du Veda.

4.2 Éternité de la tradition védique


Avant de revenir au non-souvenir d!un auteur du Veda, Kum!rila
systématise encore un argument qui fera grand bruit9: «A l![objec-
tion que la phrase] est un assemblage [humain de mots], il faut
opposer le contre-argument suivant: toute récitation du Veda est
précédée de la récitation [védique] d!un guru, car à l!exemple de la
récitation [védique] d!aujourd!hui, on [la] dit une $récitation du
Veda$.» Ce faisant, Kum!rila paraît anticiper, sinon le très énigma-
tique M%S& I.i.29, du moins la lapidaire explication qu!en donne
'abara10: «Nous avons dit(/nous disons) que les récitateurs [du Ve-

9
'V v"kya 365cd"366: sa#gh"tatvasya vaktavyam $d!%a& pratis"dhanam ||
vedasy"dhyayana& sarva& gurvadhyayanap'rvakam | ved"dhyayanav"cya-
tv"d adhun"dhyayana& yath" ||. 'V v"kya 365cd"366 = TS n°2341cd"2342;
'V v"kya 366 apparaît également dans PVSV( 440,29"30, 443,25"26, Vibh.
375n. 6 [APPENDICE B], et dans NM 574,13"14. Voir PV I.240 et n. 289, p.
287.
10
'Bh sous M%S& I.i.29/I.122,2: uktam asm"bhi( %abdap'rvatvam adhyet)-
*"m |.
Chapitre 4 ! Sur l"éternité du Veda 149

da] sont précédés par la parole [védique].» Il n"a échappé ni à


Bh!(va)viveka/Bhavya11 ni à Dharmak"rti que cet argument forme
une pierre angulaire dans l"édifice de l"incréation. Selon (Jaimini,)
#abara et Kum!rila, toute mémorisation-et-récitation (adhyayana)
du Veda par un étudiant brahmanique a été précédée de celle du
maître qui la lui a enseignée et qui l"avait lui-même apprise d"un
autre maître, et ainsi de suite à l"infini12: «[Les hommes ne] mémo-
risent [leur Veda qu"]après l"avoir perçu chez (°stha) un autre
homme [qui l"avait mémorisé avant eux]; et [l"]ayant perçu mémo-
risé par ceux-ci, d"autres encore [le] mémorisent puis, exactement
comme [ils l"ont appris, le] transmettent [à leur tour] à d"autres:
ainsi n"y a-t-il pas de commencement [à la transmission du Veda].»
Omniprésente chez Kum!rila est la notion d"une reproduction à
l"identique, de génération en génération, des diverses institutions
socio-religieuses et du langage; elle signale généralement la per-
manence pratique desdites institutions: nous l"avons vue structurer
l"apprentissage de la signification et de la relation; et tout comme
nous la verrons assurer leur éternité aux mots ordinaires, c"est-à-

11
MHK IX.4c et 19. Voir KAWASAKI 1992: 408 et 412, ELTSCHINGER 1997:
1096!1097 et 1099!1100, LINDTNER 1997: 96 et 98. Bh!(va)viveka/Bhavya
dit: samprad!y!nupacched!t, formulation qui rappelle le samprad!y!bhy!s!-
viccheda de NBh 98,3!5 (et NV 260,3!9) sous NS II.i.68.
12
TV sous M"S$ I.iii.1/II.73,5!7 (p"rvapak#a): puru#![n]tarastham upalabhya
smaranti | tair api sm$tam upalabhya anye !pi smaranto !nyebhyas tath! eva
samarpayanti ity an!dit! |. Noter aussi TV sous M"S$ I.iii.24/II.199,13:
%i#y!c!ryasambandho hi mah!n vedarak#!hetu&. «La cause par excellence de
la préservation du Veda, c"est la relation [immémorialement répétée] entre le
disciple et le maître.» Il s"agit là aussi d"un p"rvapak#a, dans lequel l"adver-
saire dénie à la grammaire le prayojana de préserver le Veda. On notera
enfin cette définition de l"!c!rya, que TV sous M"S$ I.iii.13/II.170,15!17
emprunte à MSm% II.140: !c!rya%abdasya artho manv!dibhir eva' vy!khy!-
ta& | upan(ya tu ya& %i#ya' vedam adhy!payed dvija& | s!)ga' ca saraha-
sya' ca tam !c!rya' pracak#ate ||. «Des [législateurs] tels que Manu ont dé-
crit ainsi le but de la parole du maître: &On appelle #maître" le deux-fois-né
qui, [l"]ayant initié, fait réciter à un disciple le Veda avec ses [disciplines]
auxiliaires et ses exégèses ésotériques$.»
150 Introduction

dire aux ordres de succession phonétiques,13 nous la voyons ici co-


fonder la permanence de la parole védique. Elle s!étend en outre, et
ce malgré leur pauru!eyat", au rituel, au Kalpa et aux autres dis-
ciplines auxiliaires (a#ga) du rituel. Ce type de démonstration
s!appuie sur un principe anthropologique constant: là où nous con-
statons l!incapacité des hommes d!aujourd!hui à créer telle prati-
que ou institution, nous devons inférer l!incapacité des hommes du
passé à le faire, parce que, réalisme des genres oblige, l!homme est
homme.14

4.3. Kart$ ou pravakt$?


Contre la création humaine du Veda, la fin de !V v"kya propose
donc un argumentaire bicéphale: le Veda est incréé, parce qu!on ne
s!en rappelle pas l!auteur, et parce que la notion même de tradition
interdit tout auteur. Kum"rila introduit d!emblée deux objections
hypothétiques à cet argumentaire. La première cherche à exhiber
l!inconclusivité de l!argument tiré de !V v"kya 366: puisque les
modalités de transmission du Mah"bh"rata, "uvre humaine s!il en
est, sont les mêmes que celles du Veda, il faut conclure à l!incréa-
tion du Mah"bh"rata. La seconde revendique le caractère inétabli
de l!argument «kartur asmara%"t»: le Veda lui-même se reconnaît
l!"uvre de Praj"pati. Telles sont les réponses de Kum"rila15:
«[Peut-être dira-t-on qu!]il pourrait en aller de même également du
Mah"bh"rata, mais [une telle proposition] s!annule par le [ferme]
souvenir [que nous avons conservé] d!un auteur [du Mah"bh"rata
en la personne de Vy"sa]. Quant au [prétendu] souvenir de cet [au-
teur] dans le Veda lui-même, il a pour cause des arthav"da16[, et

13
Voir pp. 187#189 (not. !V &abdanityat" 287cd#290ab).
14
Voir par exemple le texte de B# (?) cité PVSV# 443,27#444,9 (APPENDICE
B) et TS n°2344#2345.
15
!V v"kya 367#368: bh"rate !pi bhaved eva' kart$sm$ty" tu b"dhyate | vede
!pi tatsm$tir y" tu s"rthav"danibandhan" || p"ramparye%a kart"ra' n"dhye-
t"ra( smaranti hi | te!"m anevam"tmatv"d bhr"nti( seti ca vak!yate ||. !V
v"kya 367 = TS n°2343.
16
Sur la notion d!arthav"da dans ce contexte, voir D!SA 1980: 106#107. Noter
Chapitre 4 ! Sur l"éternité du Veda 151

non l"expérience directe qu"on aurait faite de cet auteur], car les ré-
citateurs [successifs du Veda] n"ont pas traditionnellement préser-
vé le souvenir (p!ramparye"a ! smaranti) d"un [tel] auteur.17 Et
nous dirons [plus bas] que, puisque les [arthav!da] n"ont pas une
nature telle (anevam!tmatva) [qu"ils fassent autorité sur leur objet
propre],18 le [souvenir que l"on fonderait sur eux] est une erreur
(bhr!nti).»
Une fois achevé son commentaire au V!ky!dhikara"a, Kum!rila
calque à nouveau son exposé sur M"S# et $Bh. M"S# I.i.27 et 28
formulent deux objections au déni d"un auteur du Veda19: «Some
people say that the Vedas are similarly composed (sa%nikar&a) be-
cause they are named after persons [I.i.27]. Also, because we find
ephemeral things (mentionned in the Veda) [I.i.28].» Seule la pre-
mière de ces objections retiendra notre attention. Selon elle, les

TSP 643,16: arthapara# vacanam arthav!da$. NR' 668,17 (voir aussi NM


575,7!9) cite à ce sujet une phrase relative à Praj!pati (dont Kum!rila rejette
l"autorité sur le monde et le Veda dans $V s!p); TSP 643,14!15 et TJ
P317a2/D280a3!4 citent des versions distinctes d"une phrase relative à A(gi-
ras (voir ELTSCHINGER 1997: 1097!1098n. 11); TS n°2345 évoque Brahm!.
17
Explication, NR' 668,20!22: ved!n!# hi kart! ava%ya# tatk!labhavai$
puru&ai$ pratyak&e"a anubh'yeta, tai% ca anyebhya$ kathyeta, tai% ca anye-
bhya ity eva# paramparay! niyatar'pam eva kartur manv!d(n!m iva adhye-
t)bhi$ smara"a# sy!n na tu tad asti. «En effet, les hommes ayant vécu à son
époque auraient nécessairement fait l"expérience directe, par la perception,
de l"auteur des Veda, et l"auraient dit à d"autres, puis ces derniers à d"autres
encore [après eux]: ainsi les récitateurs devraient-ils avoir traditionnellement
conservé de l"auteur un souvenir de nature déterminée, comme [ils l"ont fait]
de [personnes] telles que Manu. Or ce [souvenir] n"existe pas.»
18
Les arthav!da sont i.a. stutipara, «visant la louange» (c"est-à-dire: servent à
présenter l"excellence, pr!%astya, de l"action enjointe, vidheya); ils sont donc
anyapara, «visant autre chose [qu"eux-mêmes]», et non sv!rthapara, «visant
leur objet propre». Or puisqu"ils visent la louange ou la déprécation (nind!),
ils n"ont pas nécessairement vocation à la vérité (na! tattv!bhinive%a$
k!rya$, TV sous M"S# I.ii.7/II.15,4).
19
M"S# I.i.27: ved!#% caike sa#nikar&a# puru&!khy!$ ||. M"S# I.i.28: anitya-
dar%an!c ca ||. Traduction CLOONEY 1990: 166. Voir respectivement $V ve-
danityat! 1 et 2.
152 Introduction

Veda ont été produits (k!taka), car chaque recension ("#kh#) du


Veda est désignée d!un nom (#khy#, sam#khy#) humain: K!"haka,
K!l!paka, Paippal!daka (#Bh I.120,12). Là encore, l!argument du
non-souvenir paraît inétabli, car les recensions védiques indiquent
elles-mêmes leurs auteurs (Ka"ha, etc.). La réponse de #abara est
classique20: «Quant à l!objection qui a été faite, que des noms tels
que K#$haka, etc. indiquent les auteurs, on y répond: on ne peut
faire ce raisonnement par présomption (arth#patti) parce qu!il est
possible de donner aussi le nom de quelqu!un qui n!est pas l!au-
teur. Ce qu!ont dû faire Ka"ha et les autres, c!est une exposition
excellente et à nulle autre pareille (des textes), et cela suffit pour
qu!ils donnent leur nom (à ces textes). On rapporte que Vai$amp!-
yana étudia toutes les recensions tandis que Ka"ha n!enseigna que
cette recension (qui porte son nom). Celui qui, à côté d!étudiants
de nombreuses recensions, n!étudie qu!une seule recension sans
étudier les autres, devient supérieur (aux autres) pour cette recen-
sion, ce qui est un trait distinctif propre (à cette recension).» Les
noms attachés aux recensions védiques, et plus généralement les
noms désignant les !%i, n!en notent donc pas l!auteur (kart!), mais
l!enseignant (pravakt!) principal.21

4.4. Un buddhavacana éternel et sans auteur?


Kum!rila concède aux Sm%ti une autorité dérivée, inférable à partir
de leur conformité au Veda. Dans TV sous M&S' I.iii.11, un adver-
saire s!efforce de prouver que les Kalpas'tra sont Veda, ou qu!ils
sont d!autorité égale au Veda: parce que ceux-ci sont incréés, leur

20
#Bh sous M&S' I.i.30/I.122,5"123,5: yad ukta& kart!lak%a'# sam#khy#
k#$hak#dyeti | tad ucyate | na iyam arth#patti( | akart!bhir api hy en#m #ca-
k%)ran | prakar%e'a vacanam ananyas#dh#ra'a& ka$h#dibhir anu%$hita& sy#t
tath# api hi sam#khy#t#ro bhavanti | smaryate ca vai"amp#yana( sarva"#-
kh#dhy#y) ka$ha( punar im#& keval#& "#kh#m adhy#pay#& babh*va iti | sa
bahu"#kh#dhy#yin#& sa&nidh#v eka"#kh#dhy#yy any#[&] "#kh#m anadh)-
y#nas tasy#& prak!%$atv#d as#dh#ra'am upapadyate vi"e%a'am ||. Traduction
BIARDEAU 1964: 80"81.
21
Dans #V vedanityat# 3"12, Kum!rila précise cette position, et répond à #Bh
sous M&S' I.i.27/I.120,12"121,5.
Chapitre 4 ! Sur l"éternité du Veda 153

autorité est autonome (svatantra), non dérivée. A l"appui de sa po-


sition, cet adversaire reproduit l"argumentaire présenté ci-dessus, et
en montre au passage les limitations et absurdités apparentes22:
«Comme [il en va selon vous du] Veda, ces [Kalpas!tra] ne seront
en effet pas de création humaine, car les noms [qu"on leur donne,]
tels M"#aka, proviennent de ce que [ces Kalpas!tra] ont été expo-
sés[, et non pas composés, par des gens tels que Ma#aka], comme
[il en va selon vous] de [recensions védiques] telles que K"$haka#
D"abord, on ne se rappelle pas que quelque non-!"i soit l"auteur
des Kalpas!tra; quant à l"autorité (kart!tva) de !"i [sur les Kalpa-
s!tra], tout cela est semblable[, quant à son traitement,] aux auteurs
des mantra [védiques] # On tient [en effet] l"expression de %&'i-
que$ pour synonyme de %permanent$; or la réputation (prasiddhi)
d"être &'ique est bien établie s"agissant des Kalpas!tra.» Si éternel
que soit, pour Kum"rila, le Kalpa entendu génériquement,23 les dif-
férents traités qui le codifient sont %uvres humaines; or tout com-
me on nie que les noms associés aux #$kh$ en désignent les au-
teurs, on arguera de ce que les noms associés aux Kalpas!tra en dé-
signent les meilleurs enseignants, et donc que les Kalpas!tra sont
permanents et incréés. Mais il y a bien pire,24 «car la méthode
(ny$ya) même par laquelle il a été démontré que le Veda est incréé
(ak!taka), vaudra également de l"%uvre d"un [hérétique] tel que le
Bouddha». Dans un argumentaire assez voisin de ce que sera celui

22
TV sous M(S! I.iii.11/II.157,7!8, 13!14, 24!25: naite"$% pauru"eyatva%
bhavi"yati hi vedavat | m$#ak$disam$khy$ hi proktatv$t k$&hak$divat || na t$-
vad an!"i' ka#cit smaryate kalpas(trak!t | kart!tva% yad !")*$% tu tat sarva%
mantrak!tsamam || $r"eyavacana% nityapary$yatvena yamyate | $r"eyatva-
prasiddhi# ca kalpas(tre"v avasthit$ ||. Dans TV sous M(S! I.iii.11/II.157,16,
l"adversaire considère que dans la M(m")s", mantrak!cchabda' prayoktari
prayukta', «le mot %auteur de mantra [védique]$ est utilisé au sens de %utili-
sateur [de mantra védique]$.»
23
Sur l"éternité (pratique) du Kalpa, voir TV sous M(S! I.iii.13/II.169,10!15;
sur celle de la grammaire, voir TV sous M(S! I.iii.27/II.216,18!24 et
II.228,20!22. Le constat est extensible aux Sm&ti portant sur tous les a+ga.
24
TV sous M(S! I.iii.11/II.161,23!24: yenaiv$k!takatva% hi vedasya pratip$-
dyate | ny$yena tena #$ky$digranthasy$pi bhavi"yati ||.
154 Introduction

de Dharmak!rti, l!adversaire de Kum"rila précise sa pensée25: «En


tant qu!elle est sans auteur, [l!"uvre du Bouddha] n!est pas non
plus viciée par la faute d!un auteur, car à l!exemple du Veda, on ne
se rappelle pas un auteur des énoncés du Bouddha, etc. De même
le nom de #énoncé du Bouddha# tient-il au fait que [le Bouddha
l!]a exposé, ou au fait que le [Bouddha l!]a découvert (d!"#a), à
l!exemple[, respectivement,] de [la recension] K"$haka et du [$ai-
$avamantra] d!A%giras (%&girasa). Il n!est [en fait] rien qu!on in-
voque afin d!établir l!autorité (pr%m%'ya) du Veda, qui ne vale par
analogie des énoncés du Bouddha. Par conséquent, de même qu!il
considère le Veda comme l!Écriture de la pratique rituelle (prayo-
ga$%stra), le M!m"&saka se doit de dire [pareil] d!une ["uvre] tel-
le que l!Écriture ($%stra) du Bouddha.»
La réplique au second volet de l!objection offre à Kum"rila l!occa-
sion de quelques pointes antibouddhiques: c!est par pure jalousie
pour le glorieux édifice m(m%)saka que les bouddhistes imitent
(sans jamais l!égaler!) l!argumentaire de l!incréation; ce faisant, ils
perdent de vue et contredisent leur slogan principal, celui de la mo-
mentanéité des choses (k"a'abha&ga); enfin, leurs Écritures regor-
geant d!une langue et de mots incorrects (as%dhu$abda, donc
asa)sk!ta), elles ne sauraient jamais prétendre à l!incréation (in-
création à quoi sa forme inimitable qualifie le seul Veda) $26 Plus
sérieusement, la pertinence de l!argumentaire tiré de M!S' I.i.30
(%khy% pravacan%t) dépend selon Kum"rila de ce qu!on a ou non
conservé le ferme souvenir d!un auteur (d!*hakart!sm!ti): si le
souvenir d!un auteur est fermement assuré (kart!sm!tid%r*hya, ou

25
TV sous M!S' I.iii.11/II.162,4%11: akart!katay% n%pi kart!do"e'a du"yati |
vedavad buddhav%ky%dikart!smara'avarjan%t || buddhav%kyasam%khy%pi
pravakt!tvanibandhan% | tadd!"#atvanimitt% v% k%#hak%&girasavat || y%vad
evodita) ki)cid vedapr%m%'yasiddhaye | tat sarva) buddhav%ky%n%m ati-
de$ena yamyate || tena prayoga$%stratva) yath% vedasya sammatam | tathaiva
buddha$%str%der vaktu) m(m%)sako !rhati ||. Sur A%giras, voir TV sous
M!S' I.iii.11/II.157,15%17.
26
Voir TV sous M!S' I.iii.12/II.162,20%166,26 (JHA 1998: I.233%237). Sur les
caractéristiques formelles du Veda, voir TS n°2787%2789 et NM 580,17%
582,6.
Chapitre 4 ! Sur l"éternité du Veda 155

°d!dhiman), il n"y a aucune légitimité à soutenir que les noms


désignent l"enseignant plutôt que l"auteur. Dans le cas contraire !
i.e. dans le cas du seul Veda !, on est justifié à tirer de M!S" I.i.30
un argument en faveur de l"incréation. Comme le laissait présumer
#V v"kya 368ab, la tradition (parampar") relative à l"autorité sur
une #uvre sert de critère au souvenir (ou non) d"un auteur. Voilà
qui permet à Kum$rila de réfuter l"objection présentée plus haut27:
«La méthode par laquelle [nous avons] démontré plus haut l"éter-
nité des Veda, celle-ci s"annule, dans le cas des Kalpas"tra, en rai-
son du ferme souvenir [que nous avons conservé] de [leurs] au-
teurs. En effet, tout comme ceux qui récitent et ceux qui enseignent
à réciter se rappellent les #uvres de Kalpas"tra et les autres ouvra-
ges de Sm%ti auxiliaires (a#gasm!ti), [ils se rappellent] &'val$yana,
Baudh$yana, &pastamba ou encore K$ty$yana comme étant les au-
teurs de [ces] #uvres $ Et ce n"est pas en vertu des seuls noms
que nous disons [de Ma'aka ou de Baudh$yana] qu"ils sont les au-
teurs [des Kalpas"tra], de sorte qu"on puisse répondre [comme
vous l"avez fait après nous] que le nom provient de l"exposé [et
non de la composition]. C"est en effet par une tradition humaine
que l"on connaît le nom des auteurs souvenus comme la cause de la
compilation (? abhyuccaya) [de la matière védique sous forme de
Kalpas"tra]. Et il est possible que des recensions éternelles du Ve-
da, exposées par des écoles [védiques] éternelles telles que [celle
de] Ka(ha, aient un nom éternel; au contraire (na evam), on ne peut
expliquer les noms [attachés aux Kalpas"tra] sur la base de l"ex-
posé [fait] par des familles (gotra) et écoles, subsistant en perma-
nence, telles que M$'aka, car des mots tels que $m"%aka!, $bau-

27
TV sous M!S" I.iii.12/II.167,5!8 et 11!15: yena ny"yena ved"n"& s"dhit"
"n"dit" pur" | d!'hakart!sm!tes tasya kalpas(tre)u b"dhanam || yath" eva hi
kalpas(tragranth"n itar"#gasm!tinibandhan"ni ca adhyetradhy"payit"ra*
smaranti tath" "%val"yanabaudh"yan"pastambak"ty"yanaprabh!t+n grantha-
k"ratvena # na ca e)"& sam"khy"m"trabal"d eva kart!tvam ucyate | yena
"khy" pravacan"d ity uttaram ucyate | puru)aparamparay" eva hi sm!te)u
kart!)u sam"khy" abhyuccayahetutvena jñ"yate | yath" ca ka,h"dicara-air
an"dibhi* procyam"n"n"m an"diveda%"kh"n"m an"disam"khy"sambhavo na
eva& nity"vasthitam"%ak"digotracara-apravacananimittasam"khyopapatti* |
ma%akabaudh"yan"pastamb"di%abd" hy "dimadekadravyopade%ina*.
156 Introduction

dh!yana! et "!pastamba! indiquent des substances uniques ayant


un commencement [dans le temps].» Mobilisant au besoin parodie
et sarcasme, Dharmak!rti s!efforcera, dans PVSV 120,8"126,15, de
neutraliser chacune des stratégies développées par la M!m!"s!
pour réserver l!éternité au Veda ou à ses recensions. De ces straté-
gies, il démontrera le caractère non concluant : rien de ce que la
M!m!"s! refuse au Veda pour en assurer la validité inconditionnée
ne saurait être valablement refusé aux littératures que l!école tient
pour d!origine humaine.
Chapitre 5
C r i t i q u e d ! u n é n o n c é i n d é p e n d a n t d e s p h o n è m e s1

5.1. Remarques préliminaires


5.1.1. Dans ce que je tiens pour la quatrième division du passage
ici traduit, i.e. PVSV 126,16"134,25, Dharmak!rti va s!efforcer de
montrer que la preuve de l!incréation (apauru!eyatvas"dhana) ne
saurait porter ni sur les phonèmes (var#a, PVSV 126,17"24), ni sur
les énoncés (v"kya) dotés de signification (P
PVSV 126,24"134,25).
Consacré à l!hypothèse de l!incréation des phonèmes, PVSV
126,17"24 vise sans ambiguïté la M!m"#s". PVSV 126,24"134,25
pose en revanche un problème exégétique quant à sa/ses cible(s).
Ses portions initiale (P
PVSV 126,24"129,21) et finale (1 1 34 ,1 "25)
s!en prennent assurément aux divers théoriciens d!un énoncé trans-
phonétique, et ce quel que soit le passage où démarre la critique du
spho$a proprement dit (c!est-à-dire celui de Bhart$hari)2: PVSV
126,24"128,21 propose un acheminement systématique vers la cri-
tique d!un énoncé transphonétique et indivis, critique qui intervient
dans PVSV 128,21"129,21. Dharmak!rti y montre d!abord qu!un

1
Ce chapitre forme une version très abrégée et remaniée de ELTSCHINGER
2001b. Je n!ai pas jugé utile de reproduire ici celles des sections de cet article
qui présentaient l!argumentaire de Dharmak!rti: cet exposé aurait fait double
emploi avec la traduction. Je me réfère néanmoins régulièrement à cet article
dans ma traduction. La critique dharmak!rtienne du spho$a n!a sinon guère
attiré l!attention: voir IHARA 1961, %MAE 1990 et KIMURA 1991: 150.
2
Selon PVSV& 509,27"28 sous PVSV 141,10, la discussion du spho$a s!ouvre
sur PV I.247cd, à quoi introduit PVSV 126,24"25; mais selon PV& P386b2"
3/D317a2"3 sous PVSV 141,10, cette discussion s!ouvre en fait sur PVSV
127,16"17, qui introduit PV I.248. Je crois que la discussion du spho$a ne dé-
bute qu!avec PVSV 128,21; toutefois, ainsi d!ailleurs que Ma'(ana Mi)ra,
*"ntarak+ita et Kar'akagomin l!ont estimé, PVSV 127,1"129,21 est dans son
entier susceptible d!affecter le Spho,av"din.
158 Introduction

énoncé indépendant du matériau phonique brut n!est établi ni par la


perception, ni par l!inférence, ni par la présomption (P PVSV
126,24"127,16). Pour les besoins de sa polémique, Dharmak!rti ad-
met ensuite le principe d!un tel énoncé, et commence par critiquer
l!hypothèse d!un énoncé transphonétique doté de parties (anek!va-
yav!tmaka, PVSV 127,23"128,21) inexpressives (nirartha, anar-
thaka, PVSV 127,18"23) et expressives (s!rthaka, v!caka, PVSV
127,23"128,21). Cette démarche préliminaire le conduit de façon
très systématique à l!hypothèse d!un énoncé indivis (anavayava,
abhinna, eka, etc., PVSV 128,21"129,21), le spho"a bhart"harien
auquel il reviendra dans PVSV 134,1"25.
Entre ces deux critiques du spho"a, points culminants de l!argu-
mentaire, un «ventre mou» problématique, PVSV 129,21"134,1.
Considéré d!un point de vue systématique, ce passage devrait pro-
longer la critique d!un énoncé transphonétique et indivis. PVSV
129,21"22 ne laisse guère de place au doute: c!est bien de cet
énoncé-là qu!on va demander s!il est impermanent (P PVSV 129,22"
130,1) ou permanent (P PVSV 130,2"134,25), puis, dans cette se-
conde hypothèse, s!il est avy!pin (P
PVSV 131,27"132,4) ou vy!pin
(P
PVSV 132,5"134,25). Mais au cours du traitement de l!hypothèse
«permanentiste», la terminologie évolue sans raison apparente de
v!kyam (var#avyatiriktam abhinnam) à (nity!$) %abd!$; sa théma-
tique (avy!pit!/vy!pit!) porte plus «naturellement» l!exégète vers
la M!m#$s# que vers le Vy#kara%a; pour achever de brouiller les
pistes, Kar%akagomin cite massivement Kum#rila et non plus
Bhart"hari ou Ma%&ana Mi'ra. Dharmak!rti s!est-il donc subite-
ment retourné vers une M!m#$s# qui pourtant rejette énergique-
ment l!hypothèse du spho"a? En d!autres termes: faut-il briser la
très harmonieuse structure argumentative de PVSV 126,16"134,25
pour y faire entrer la M!m#$s# à titre d!interlocuteur principal (au
moins) entre PVSV 131,26 et 134,1, ou faut-il admettre que Dhar-
mak!rti, tout en continuant de polémiquer contre le Spho(av#din,
s!adresse en plus à la M!m#$s# là où le contexte le lui permet? Il
m!a paru plus prudent de préserver la cohérence argumentative et
d!opter pour la seconde hypothèse. Ma tâche a dès lors consisté à
produire des sources spho"av!din en supplément des sources m&-
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 159

m!"saka présentées par Kar!akagomin et moi-même. Malgré la


difficulté que j"ai pu éprouver à documenter certaines positions
d"un point de vue spho#av!din, j"espère avoir ainsi évité de distor-
dre la pensée du maître.

5.1.2. L"enchaînement entre mes sections 4 et 5, i.e. entre PVSV


126,16!134,25 et PVSV 134,26!141,14, pose un autre problème.
Dans l"économie générale de PV I, PVSV 134,26!141,14 inaugure
une longue critique de la pensée de Kum"rila (qui ne se referme
vraiment qu"avec PVSV 173,15). Cependant, PVSV 134,26!
141,14 vise la conception m$m!"saka de l"énoncé doté de signifi-
cation, c"est-à-dire v!kya comme var%!nup&rv$ (voir infra, chapitre
6): ce passage forme donc une unité thématique avec PVSV
126,(16/)24!134,25, essentiellement consacré on l"a vu à la ver-
sion spho#av!din de l"énoncé. Deux structurations générales de cet
enchaînement sont donc possibles:

Structuration 1: Structuration 2:
x.1. var%a vs v!kya x.1. var%a vs v!kya
x.1.1. var%a x.1.1. var%a
x.1.2. v!kya x.1.2. v!kya comme spho#a
x.1.2.1. v!kya comme spho#a y. Critique générale de Kum"rila
x.1.2.2. v!kya comme !nup&rv$ y.1. v!kya comme !nup&rv$
# #
Pour la seule raison que le passage ici traduit s"achève sur PVSV
141,14, j"ai privilégié le premier modèle: Dharmak#rti, après avoir
critiqué l"hypothèse selon laquelle la preuve de l"incréation porte-
rait sur les phonèmes, ordonnerait deux sous-hypothèses à l"hypo-
thèse générale selon laquelle la preuve de l"incréation porterait sur
l"énoncé doté de signification: (1) l"énoncé comme spho#a (pour
dire bref), et (2) l"énoncé comme ordre de succession de phonè-
mes. Que cette interprétation soit ici plus harmonieuse ne doit ce-
pendant pas occulter le fait qu"elle reflète moins fidèlement l"éco-
nomie générale de PV I.
160 Introduction

5.2. Sur l!hypothèse d!un énoncé divisible aux parties expressives


Nous venons de voir qu!avant de traiter du spho!a bhart!harien,
Dharmak"rti considère brièvement l!hypothèse d!un énoncé divisi-
ble en parties. Il réfute d!abord la sous-hypothèse d!un énoncé doté
de parties inexpressives (P PVSV 127,17"23), puis se tourne vers la
sous-hypothèse alternative d!un énoncé doté de parties expressives
(P
PVSV 127,23"128,21). Commentant l!introduction de Dharmak"-
rti (P
PVSV 127,24: te !vayav"# s"rthak" i$yante |), Kar#akagomin
explique: v"kyasya avayav" v"ky"rthena s"rthak" i$yante |. «On
accepte que les parties de l!énoncé sont dotées de signification par
la signification [générale] de l!énoncé.» Après avoir commenté PV
I.249, Kar#akagomin propose un développement au sein duquel il
cite un passage qu!il attribue nommément à Bhart!hari (P PVSV$
464,10: yad "ha bhart%hari# |). Considérons ce passage (P PVSV$
464,10"12), sans tenter encore de le traduire: sarve$"& p%thag
arthavatt" sarve$u k%tsn"rthaparisam"pte# | tath" yad eva pratha-
ma& padam up"d'yate tasmin sarvar(p"rthopagr"hi)i niyam"nu-
v"danibandhan"ni pad"ntar")i vijñ"yante |. Comme me l!ont sug-
géré Jan HOUBEN et Hideyo OGAWA,3 la première partie de ce pas-
sage rappelle fortement VP II.18ab. Voici, dans la traduction de
IYER, VP II.17"18 (II.18ab hors italiques)4: «According to some,
words expressive of the particular (vi%e&a), resembling those which
are expressive of the general, become clear to the listeners when
they are (later) connected with the other words in the sentence. Ac-
cording to them, the whole of the sentence-meaning is concen-
trated in each word. Hearers understand the meaning all the better
when all the expressions are uttered.» Au témoignage de Pu#yar'ja
(VP$ 11,6"7), VP II.17"18 illustre deux des huit définitions alter-

3
Communications électroniques, resp. du 29 novembre 2000 et du 23 octobre
2002.
4
VP II.17"18: vi*e$a*abd"# ke$"&cit s"m"nyapratir(pak"# | *abd"ntar"bhi-
sambandh"d vyajyante pratipatt%$u || te$"& tu k%tsno v"ky"rtha# pratibheda&
sam"pyate | vyaktopavyañjan" siddhir arthasya pratipatt%$u ||. Selon Pu#ya-
r'ja, vyakta° = ud'rita° (VP$ 11,22); upavyañjana = abhivyañjak"# pada-
vi*e$"# (VP$ 11,23). Voir les explications de IYER (1977: 8"9).
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 161

natives de la phrase (v!kya) que présente Bhart!hari dans VP II.1!


2: (6) padam !dyam («le premier mot», SEYFORT RUEGG), et (7)
p"thak sarva# pada# (var.: sarvapada#) s!k!$k%am («chaque mot
isolément en dépendance des autres», SEYFORT RUEGG).5 Selon
Pu"yar#ja, ces conceptions (6) et (7) appartiennent au groupe des
cinq conceptions de type sakha&'apak%a (hypothèse selon laquelle
la phrase est divisible), et plus précisément au sous-groupe des
trois conceptions de type anvit!bhidh!na (un terme que Bhart!hari
n"utilise pas).6 Les deux positions décrites dans VP II.17!18 (et
probablement dans le passage que cite Kar"akagomin) représen-
teraient donc la pensée linguistique de théoriciens (proto-)anvit!-
bhidh!nav!din,7 selon qui chacun des éléments constitutifs de la
phrase (1) n"aurait de signification qu"en fonction de la phrase elle-
même, et (2) porterait la signification entière de la phrase.8
Selon Pu"yar#ja, VP II.18cd répond à l"objection suivante9: «Si
c"est à partir d"un seul mot qu"on comprend la phrase entière, les
autres mots sont alors inutiles (vaiyarthya).» En d"autres termes10:

5
Sur les huit conceptions de VP II.1!2 (citées NR$ 608,2!5), voir SEYFORT
RUEGG 1959: 82!86, KUNJUNNI RAJA 1962, BROUGH 1972: 416, IYER 1977:
1!2, IYER 1980!1981: 18!25.
6
VP% 1,10!13 sous VP II.1!2.
7
On s"est notamment demandé si les «anciens M&m#'saka» (jaranm(m!#-
saka, v"ddham(m!#saka), c"est-à-dire sinon Jaimini lui-même (M&S( I.i.25),
du moins certains des prédécesseurs du V!ttik#ra et de )abara, n"avaient pas
professé un proto-anvit!bhidh!nav!da (voir KUNJUNNI RAJA 1963: 199).
IYER (1980!1981) voit de la M&m#'s# dans les cinq définitions de type sa-
kha&'apak%a (pour une critique, voir HOUBEN 1994: 156!157n. 5).
8
VPV2 200,20!21 sous VP II.18: te%!m evam upag"h(tasarvavi)e%a ekasminn
arthe bahu)abd!n abhyupagacchat!m avikala* k"tsno v!ky!rtha* pratipa-
da# prativar&a# v! sam!pyate |. «Pour les [théoriciens] admettant ainsi que
les multiples paroles [composant la phrase] ont une seule signification qui
comprend toutes [les paroles] individuelles, la signification complète [et] en-
tière de la phrase est achevée avec chaque mot ou avec chaque phonème.»
9
VP% 11,20!21: yady ekasm!d eva pad!t sakalav!ky!rthaprat(tis tarhi itara-
padavaiyarthyam iti.
10
VP% 11,26!12,3 sous VP II.18: yady ekena padena sakalav!ky!rthasya !
162 Introduction

«Si l!on saisit avec un seul mot la signification de la phrase entière


" alors les mots suivants devraient [n!]être prononcés [que] dans
le but d!une restriction ou d!une répétition. Or nous dirons [plus
loin] que cela n!est pas fondé. [En effet,] puisque c!est à partir
d!un seul mot que l!on comprendrait la signification de la phrase
[entière] " les [mots] suivants seraient strictement inutiles. De
plus, on ne voit pas qu!on comprenne la signification de la phrase à
partir de ce [seul mot].» Ce type de critique fait clairement écho à
celle de Kum!rila11: «Si le premier mot était individuellement par-
fait par tous les [autres] mots, c!est donc celui-ci qui serait la phra-
se [à lui tout seul], et le groupe restant [de mots ne serait au mieux
qu!]explicitant (dyotaka). De même [la phrase serait-elle] établie
dans tous les autres [mots] considérés séparément (p!thagbh"ta).
Or on n!observe nullement que la qualité de phrase (v#kyatva) [ap-
partienne comme vous le suggérez] à des [mots] indépendants.»
Surtout, cette critique est exactement celle que Dharmak"rti adres-
se, dans PVSV 128,1#15, à son adversaire admettant une phrase
composée de parties expressives.
Je considère donc comme probable que l!argumentaire de PVSV
127,23#128,21 soit dirigé contre le tenant d!une position de type
anvit#bhidh#nav#da, et que Dharmak"rti se familiarisa avec une
position de ce type au contact des $uvres de Bhart#hari (VP ou
MBhD), voire de Kum!rila ($V). Quoi qu!il en soit, c!est sans
doute à un passage de la MBhD préfigurant les développements de
VP II.1#2 et 17#18, que Kar%akagomin a emprunté le passage dis-
cuté plus haut, et dont voici un essai de traduction: «Chacun de

avagatis tad# uttare$#% pad#n#% niyam#ya anuv#d#ya v# ucc#ra&a% sy#t |


na ca etad yuktam iti vak$y#ma' | ekasm#d eva pad#t ! v#ky#rthasya prat(-
ter uttare$#m #narthakya% sy#d eva | na ca tasm#d eva v#ky#rthaprat(tir
d!)yate |.
11
$V v#kya 50cd#52ab: #dya% yadi pada% sarvai' sa%skriyeta vi)e$ata' ||
tatas tad eva v#kya% sy#d anya) ca dyotako ga&a' | evam anye$u sarve$u p!-
thagbh"te$v avasthitam || svatantre$u hi v#kyatva% katha%cin nopalak$itam |.
La critique se retrouve sans surprise dans TB 93,2#4, où elle vise explicite-
ment le tenant de l!anvit#bhidh#nav#da (voir BIARDEAU 1956: 34, KUNJUNNI
RAJA 1963: 200#201).
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 163

tous [les mots] est doté de signification, car la signification entière


[de la phrase] est complète en tous [les mots]. Ainsi les autres
mots[, qui ne sont que] des causes de restriction ou de répétition,
on [les] connaît dans cela seul qu"on ?expérimente comme? le pre-
mier mot[, et] qui comprend [en lui-même] la signification de tou-
tes les formes [suivantes?].»

5.3. Sur l"hypothèse d"un énoncé indivisible


5.3.1. J"ai tenté de montrer que la majorité de PVSV 126,(16/)24!
134,25 consiste en la critique d"un énoncé transphonétique et indi-
vis. Ainsi considéré, ce passage comporte deux points culminants:
PVSV 128,21!129,21 et PVSV 134,1!25.12 Chacun de ces deux
passages trahit une connaissance intime de la pensée de Bhart!hari,
ainsi qu"un argumentaire sans doute très patiemment mûri et affûté
(encore que ses lignes directrices paraissent emprunter à Vasuban-
dhu et à Kum"rila); chacun d"eux s"organise en outre autour d"une
objection assez fidèle pour en rendre aisées l"identification et l"in-
terprétation.13 Que Bhart!hari soit le premier visé ne devrait toute-
fois pas nous occulter que l"auteur du YBh est en quelque manière
un padaspho!av"din;14 que, comme l"a montré JAINI dès 1959, des

12
Dont la substance sinon la lettre se retrouve dans SSV 99,7!101,12. Sur les
rapports entre SS et PV, voir GNOLI 1960: xix-xx. Dans sa traduction, #MAE
a également rappelé l"influence de Dharmak$rti sur Ma%&ana; voir #MAE
1990, spécialement n. 7, p. 57.
13
Quoique ce passage relève, d"un point de vue systématique, de la critique des
versions réalistes de la relation, PVSV 119,18!29 se rattache aussi à la cri-
tique d"un énoncé transphonétique et indivis (cf. PVSV' 434,20: samprati
vaiy"kara#"n"$ var#"divyatirikta$ pad"di nir"kartum "ha).
14
Si celui-ci ne fait nulle mention du concept de spho!a, il professe néanmoins
quelque chose comme une doctrine du padaspho!a, et presque rien de ce que
Dharmak$rti attribue aux Spho(av"din n"y fait défaut. Selon le YBh en effet,
le mot est dénué de phonèmes (avar#a, 208,14); ces derniers n"entretiennent
aucun rapport avec le mot (var#"% ! padam asa$sp&'ya, 208,7), mais, tels
qu"on les exprime, prononce et entend (var#air eva abhidh(yam"nair ucc"-
ryam"#ai% 'r)yam"#ai' ca, 208,14!15), le manifestent. Ici aussi, le mot est
un (eka, 208,13), indivis (abh"ga, 208,13) et dénué de toute succession
(akrama, 208,14). «Cognitionnel» (bauddha, 208,14), le mot est accessible
164 Introduction

bouddhistes vaibh!"ika se sont faits les défenseurs d!une concep-


tion voisine du spho#a.15
5.3.2. Le terme de «spho#a», que Dharmak!rti introduit deux fois
par ailleurs (P
PVSV 141,8 et 10), n!intervient dans aucun des trois
passages consacrés de façon spécifique et technique à la critique
d!un énoncé transphonétique et indivis. Ces trois passages s!inscri-
vent dans la critique de l!hypothèse selon laquelle v!kya, et non
var$a, serait incréé. Qu!est-ce que v!kya? Au témoignage de "#-
kyabuddhi et de Kar$akagomin, «v!kya» s!utilise par synecdoque
pour «pada» et «v!kya», soit les deux éléments linguistiques sé-

directement à la connaissance (buddhinirgr!hya, 208,6"7), est l!objet d!une


seule connaissance (ekabuddhivi"aya, 208,13), qui survient à complétion du
dernier phonème articulé (antyavar$apratyayavy!p!ropasth!pita, 208,14).
Relevons enfin que, comme c!est le cas chez Bhart%hari et dans la M!m#&s#,
c!est à la faveur d!une convention (sa%keta) que locuteurs et auditeurs accè-
dent à une signification pourtant fixée de toute éternité. Il est toutefois no-
table que l!auteur du YBh ne développe pas la notion d!une imputation erro-
née, au mot, de la sérialité inhérente aux phonèmes. Sur la doctrine linguis-
tique du YBh, voir KUNJUNNI RAJA 1963: 112"113 et 127"129.
15
En revendiquant pour les n!ma°, vyañjana° et padak!ya un statut de dispo-
sitions formatrices dissociées de la pensée (cittaviprayuktasa&sk!ra, voir
JAINI 2001d). Sur la théorie vaibh!"ika, voir aussi COX 1995: 159"171 pour
une introduction, et 377"408 pour la traduction des parties pertinentes du
Ny!y!nus!ra de Sa'ghabhadra. On notera que TSP 723,3 sous TS n°2714
fait l!intéressante remarque que voici: vaibh!"ik! hi kecit padak!y!bhidh!-
nena [et non padak!ry!°] v!kyaspho#am anityatv!j janya& pratipann!' |.
Voir aussi TSP 290,2"3 sous TS n°908: yo !pi vaibh!"ika' (abdavi"aya& n!-
m!khya& nimitt!khya& ca arthacihnar)pa& viprayukta& sa&sk!ram icchati,
tad apy etena eva d)"ita& dra"#avyam |. Il est juste d!observer que Vimala-
mitra refuse expressément l!assimilation de son sa&sk!ra au spho#a (AD!p
II.146ab: spho#!khyo n!paro gho"!c chabdo nitya' prasidhyati |). Vasuban-
dhu paraît être le premier docteur bouddhiste à avoir critiqué ce «spho#a-
v!da» bouddhique (dans AKBh sous AK II.47, AKVy 181,28"186,16: voir
LA VALLEE POUSSIN 1980: I.238"243 et BIARDEAU 1964: 390"400). Mais
avec Sa'ghabhadra, Vimalamitra et Ya(omitra, le débat semble être demeuré
interne au bouddhisme. Ici comme ailleurs, Dharmak!rti réalise la jonction
entre des débats restés jusque-là, si j!ose dire, intraconfessionnels.
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 165

mantiquement pertinents, le mot et la phrase.16 «V!kya» peut donc


se traduire par «énoncé [doté de signification]». Selon Dharmak!rti
lui-même, v!kya consiste en une essence ou entité (!tman) dotée de
signification (arthavat);17 selon une autre définition, v!kya est une
nature verbale18 ("abdar#pa) de signification complète (parisam!-
pt!rtha).19 Par «signification complète», on entendra une significa-
tion d"essence indivise (ni$kal!tman).20 Quant à «!tman», sans
doute convient-il de l"interpréter comme «"abd!tman»,21 i.e. com-
me un synonyme de «"abdar#pa». Par «v!kya», on doit entendre
un énoncé ! mot ou phrase ! doté de signification, une essence ou
nature verbale expressive (v!caka).22
Dharmak!rti, "#kyabuddhi et Kar$akagomin ne corrèlent jamais di-
rectement ce v!kya/"abd!tman avec le concept de spho%a, mais plu-
sieurs indices sont de nature à favoriser l"identification. Le premier
est interne au PV. Lorsque, dans et sous PV I.268, Dharmak!rti
utilise le terme de «spho%a», c"est expressément pour renvoyer à
l"hypothèse (rejetée plus haut) d"un énoncé indépendant des pho-
nèmes, c"est-à-dire à deux des trois passages qui nous occupent.
Dharmak!rti interprète donc lui-même ces passages comme des cri-
tiques du spho%a. Une deuxième série d"indices est externe au PV.
D"abord, la MBhD et la VPV utilisent régulièrement le composé
«"abd!tman», le liant parfois même au concept de spho%a;23 le
16
Selon PV% P348a4!5/D289a2 et PVSV% 459,24.
17
PVSV 127,21.
18
PVSV 128,3; 129,20!21; 130,3; 133,4; 134,5!6; PVSV% 467,19 [cf. PV%
P355a4/D294a1]; 471,17; 471,28; 482,6; PV% P356b8/D295a5; P357a8/
D295b3!4. Ces références ne sont en aucun cas exhaustives.
19
PVSV 128,3.
20
PVSV 128,6!7.
21
PVSV 128,28; 129,14; 133,6; PV% P367b8/D303a7; P368a5/D303b3;
P368b7/D304a3; PVSV% 484,29; 486,20 [cf. PV% P369a7/D304b1]; 486,21
[cf.. PV% P369b1/D304b2]; 486,25 [cf. PV% P369b3/D304b3].
22
PVSV 133,1; 133,5; 134,16.
23
Voir MBhD I.3,13!14: ka"cid anyo !krama& "abd!tm! buddhistho vig!hate |
tasm!d arthapratipatte& |; MBhD I.3,18!19: spho%o !yam eva "abd!tm! ni-
166 Introduction

composé apparaît d!ailleurs à deux reprises dans le V!kyak!"#a du


VP. Ensuite, Ma!"ana Mi#ra tient ces deux passages, ou du moins
les longs extraits qu!il en donne, pour des arguments dirigés contre
la théorie linguistique du spho$a. Enfin, les arguments de Dharma-
k$rti forment l!essentiel de la critique que formulent nommément
du spho$a %&ntarak'ita et Kamala#$la;24 surtout, Kamala#$la dit à
plusieurs reprises ce %abd!tman «spho$!khya», et le corrèle expres-
sément au spho$a.25 Parallèlement à ces indices, on signalera en-
core que le très érudit Kar!akagomin ne produit pas moins de dix
citations d!"uvres spho$av!din: l!une, peut-être extraite de la
MBhD, est on l!a vu nommément attribuée à Bhart(hari;26 la ma-
jorité est directement issue de VP I;27 deux autres proviennent de la
SS.28 Ce sont donc assurément des théoriciens du spho$a qu!il es-

tya& |; VPV 150,4 sous VP I.86: n!dai& %abd!tm!nam avadyotayadbhi&


(comparer VPV 106,6#7 sous VP I.49: n!da& ! spho$am avadyotayati);
VPV 152,7#8 sous VP I.88: sa'h(tasarvab)ja% ca ayam !ntara& %abd!tm!
vyañjakadhvanibhedakram!nuk!re"a !virbh!vak!le pratyavabh!sate |; VPV
157,6#7 sous VP I.95: anyas tadvyatirikto var"ar*pagraha"op!yagr!hyo nir-
bh!ga& %abd!tm! vidyata iti. Voir aussi VPV 166,6#167,1 sous VP I.104, et
VP II.31 (!tman). Il est possible que l!expression remonte à MBh&'ya I.3,18:
dve %)r+e dvau %abd!tm!nau nitya& k!rya% ca.
24
Voir n. suivante.
25
TSP 720,22#24, qui forme l!introduction générale à la critique du spho$a:
evam !nup*rv)m arth!ntarabh*t!' nir!k(tya vaiy!kara"!dyupakalpita'
dhvanibhyo "rth!ntarabh*ta' v!caka' %abd!tm!na' spho$am ! nir!cik)r-
+ann !ha. TSP 724,21#23: yadi hi var"avyatireke"a apara& spho$!khya&
%abd!tm! avabh!seta tato "sya abhivyakti& sambhaved vyakter upalabdhi-
r*patv!t |; TSP 726,27#28: yady eko na asti spho$!khya& %abd!tm! tat
katha' gaur ity ek!k!r! go%abde buddhir bhavati iti. Sur %abd!tman, voir
aussi TSP 727,22#23.
26
PVSV) 464,10#12, interprété pp. 160#163; voir aussi APPENDICE B.
27
VP I.73 cité PVSV) 434,16#17; VP I.94 cité 467,21#22; VP I.49 et 104 cités
467,27#468,4; VP I.83cd cité 468,15; VP I.84#86 cités 469,16#21 (VP I.86
est cité par %&kyabuddhi, donc en version tibétaine, dans un autre contexte;
cf. PV) P324b6#7/D271a6#7, n. 69, pp. 178#179). Voir APPENDICE B.
28
PVSV) 468,26#27 est une adaptation de SS 102,6#7; PVSV) 484,19#21 est
une adaptation de SS 104,11#12. Je ne suis pas parvenu à identifier la cita-
tion (prose) de PVSV) 468,9#10. Voir APPENDICE B.
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 167

time être ici critiqués. Ce faisceau d"indices m"autorise à penser


que le tardif Manorathanandin est parfaitement justifié à qualifier à
deux reprises v!kya de «spho"ar#pa».29 V!kya est donc un $abd!-
tman ou $abdar#pa expressif, doté d"une signification complète et
indivise, et n"est autre que le spho"a, le véhicule si j"ose dire trans-
phonétique de la signification, «le signe linguistique sous son as-
pect de porteur de la signification (Bedeutungsträger)».30
5.3.3. Chez Dharmak!rti et ses commentateurs, on relève d"abord
l"importance du vocabulaire notant le caractère hypostatique con-
cédé à cette entité verbale expressive, son altérité et son indépen-
dance par rapport aux phonèmes et aux sons bruts.31 Le vocabulaire

29
PVV 379,17: anavayavam eka% var&ebhyo vyatirikta% spho"ar#pa% v!kyam,
«énoncé sans parties, un, séparé des phonèmes et ayant nature de spho"a»;
PVV 379,22: abhinnasya anavayavasya spho"ar#pasya v!kyasya, «d"un
énoncé indivis et sans parties ayant nature de spho"a». Hormis les citations et
le commentaire à PVSV 141,8 et 10, Kar"akagomin utilise lui aussi à deux
reprises le terme de spho"a. (1) PVSV# 464,24!25: spho"ar#p!vibh!gena
var&!n!% n!dar#p!&!% graha&!d var&avibh!gavat, «[apparaît comme] doté
d"une partition en phonèmes du fait qu"on appréhende les phonèmes ayant
nature de sons bruts sans les distinguer de la nature de spho"a» (sur le com-
posé spho"ar#p!vibh!gena, voir VP I.83a); (2) PVSV# 471,16: j!tispho"as tu
j!tyabh!v!d eva nirasta', «le j!tispho"a est [ici] écarté du fait même qu"il
n"existe pas de genre».
30
BROUGH 1972b: 406. CARDONA (1976: 302!303) montre toutefois que ce
pensant, BROUGH était influencé par les Grammairiens tardifs (N$ge%a, p.
ex.: sphu"aty artho !sm!d iti spho"a' | v!caka iti y!vat |, cité CARDONA 1976:
368!369n. 540): pour Bhart&hari, le spho"a «is not uniquely a meaning-bea-
ring unit» (var&aspho"a se disant d"une unité phonétique et non sémantique).
La littérature consacrée au spho"a est océanique. Citons simplement ici
BROUGH 1972b; KUNJUNNI RAJA 1963: 97!145 (fortement influencé par le
précédent); BIARDEAU 1964: 359!400.
31
Par exemple: var&ar#p!sa%spar$in (PPVSV 128,27!28; 129,11; PVSV#
471,14 [cf. PV# P356b7/D295a4!5]; PV# P355b8/ D294b2); var&ebhyo
PVSV 127,14; 127,16; PVSV# 461,17 [cf. PV# P349a7/D
!rth!ntara (P
manquant]; 467,18 [cf. PV# P355a4/D294a1]); var&ebhyo !nyat (P
PVSV
129,20!21; PVSV# 471,15; 486,26 [cf. PV# P369b3/D304b3!4]); var&e-
bhyo bhinna (PPVSV 127,1; PVSV# 468,13; PV# P350a8/ D290a1!2;
P350b4/D290a4); var&avyatirikta (P
PVSV# 470,11!12; 470,14!15; 462,26
168 Introduction

en marque également le caractère suprasensible (at!ndriya),32 l!uni-


té et le caractère indivis.33 Parallèlement à sa nature indivise, nos
textes insistent encore sur la carence en succession temporelle et
phonétique qui caractérise cette entité verbale.34 Toutefois, et c!est
ici chose importante, cette entité non successive nous apparaît
(pratibh"ti, lak#yate) ou nous est connue (prat!yate) comme possé-
dant succession (kramavat, anukramavat), comme comportant des
divisions phonétiques (var$avibh"gavat).35 Pourquoi donc cette en-
tité nous apparaît-elle, en vertu d!une impression trompeuse (bhr"-
nti), comme divisée et successive, elle qui à la vérité ne se présente
ou n!est appréhendée qu!en une seule connaissance (ekabuddhi-
pratibh"sin, ekabuddhigr"hya)?36 C!est que cette entité indivise ne
nous est connue qu!à la faveur d!une manifestation (vyaktyapek#a-

[cf. PV! P350a4/D manquant]; PVV 379,17); avar$"tmaka (P PVSV! 460,30


[cf. PV! P350b3/D290a3]; 467,18; 469,3); dhvanibhyo bhinna (P
PVSV 133,4;
PVSV! 481,30"482,6; PV! P369a7/D304b1); dhvanivyatirikta (P PVSV!
485,14 [cf. PV! P368a7/D303b5]; 486,26 [cf. PV! P369b3/D304b3]; PV!
P368a5/D303b3); dhvanirahita (P
PVSV! 482,23 [cf. PV! P366a2/D302a1]);
PVSV! 482,16 [cf. PV! P365b5/D301b5]); dhvanibhyo !nyat
dhvanivivikta (P
PV! P365a6/D301a7); na dhvanisa%s&#'a (P
(P PVSV! 468,13); ato [v"cake-
bhyo] bhinnar(pa (PPVSV 133,11); bhedena v"cakebhya) (P PVSV 134,1);
PV! P350b8/D manquant); p&thagr(pa (P
anyattva (P PVSV 133,5); g*an du yod
pa (PPV! P350b7/D manquant); kramavadvyatirekin (P
PVSV 134,6"7).
32
PVSV 127,12.
33
eka (P
PVSV 128,21; 128,23; 128,24; 129,5; 129,9; PVSV! 467,19; 467,24;
468,9; 468,22; PV! P355a8/D294a4; PVV 285,16); anavayava/niravayava
PVSV 128,21; PVSV! 468,19; 470,12; PV! P356a1"2/D294b3; PVV
(P
379,17; 379,22); akha$+a (P
PVSV! 468,28; 469,7; 470,12); nirvibh"ga, var-
$avibh"garahita, abhinna (PPVSV 128,23; PVSV! 470,15; PVV 379,22);
PVSV 129,14; PVSV! 468,9); avar$abh"ga (P
a,akala (P PVSV 129,8).
34
k"labheda (P
PVSV 128,9; 128,24); k"lak#epa (P
PVSV 128,6; 128,12); akrama-
PVSV 134,5"6); akrama (P
sattva (P PVSV 129,7; 129,12"13; 134,6"7; PVSV!
469,6; 469,15; 470,23 [cf. PV! P356b1/D294b7]; 486,20 [cf. PV!
P369a6/D304b1]; PV! P355b4/D294a1"2); anukramarahita (P PVSV! 467,26
[cf. PV! P355a7/D294a3]); yi ge"i go rim med pa can/da- bral ba (P PV!
P356b4/D295a3; P356b8/D295a5).
35
PVSV 129,6; PVSV! 467,19; 467,24"25; PVV 379,19.
36
PVSV 128,27"28; 129,12"13.
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 169

!a), cette dernière procédant de façon successive (krame!a) et par


le fait de résonances séquentielles (kramavat) entrant dans un ordre
fixe de succession (niyat"nup#rv$ka).37 Nous imputons donc erro-
nément à cette entité verbale indivise des traits caractérisant les
seules résonances qui la manifestent.38
Est-il besoin de rapprocher les termes de cette description de ceux
que nous livrent la MBhD, le VP et la VPV? Tous trois textes in-
sistent sur l"hétérogénéité et l"indépendance de v"kya/spho%a par
rapport aux résonances, parfois aux phonèmes;39 on y présente le
spho%a comme un et indivis,40 l"entité verbale comme non séquen-
tielle et franche de toute durée ou division temporelle, permanen-
te.41 Succession et division ressortissent aux seules résonances, tout
comme la naissance et le caractère changeant et transitoire;42 les

37
PVV 379,17!18.
38
Caractères propres aux résonances: vyañjaka (P
PVSV! 483,23; 486,10 [cf.
PV! P368b3/D303b7]; PV! P368b4!8/D304a1!2); &abdavyañjaka (P PVV
381,15); var!avyañjaka (P
PVSV! 483,23 [cf. PV! P366b8/D302b3]); k'a!ika
PV! P366b7!8/D302b3; P369a6/ D304a7; PVSV! 483,26 [cf. PV!
(P
P367a2/D302b5]; 486,19 [cf. PV! P369a6/D304a7]); av"caka (P PVSV
134,14; PVSV! 481,20 [cf. PV! P364b5/D301a2]; 482,9; 485,13 [cf. PV!
P368a6/D303b4]; PV! P365a6!7/D301b1); cha da( bcas pa (P PV!
P366b7/D302b3); kramavadbh"ga (P PVSV 134,6); s(a phyi can (P PV!
P366b8/D302b3); kramavat (PPVSV 134,15; voir aussi 134,17); kramotp"din,
kramabh"vin (PPVSV 134,16; PV! P368b4/ D304a1).
39
MBhD II.25,14: adhvanika) spho%a); MBhD I.3,13!14, VP I.73ab, VPV
157,6!7 (sous VP I.95): anyad; VP I.73, VPV 157,7: vyatirikta, vyatireka.
Ces références n"ont là encore aucune ambition d"exhaustivité.
40
VPV 106,7/107,1 (sous VP I.49), 160,3 (sous VP I.97), VP II.1: eka; VPV
151,4 (sous VP I.87), 156,3 (sous VP I.93), 157,7 (sous VP I.95): nirbh"ga;
VPV 153,1 (sous VP I.88): avibh"ga; VPV 151,4 (sous VP I.87) abhedya;
VP II.1: anavayava.
41
MBhD I.3,13, VP I.49: akrama; VP I.76: abhinnak"la; VPV 151,4 (sous VP
I.87): ap#rv"para (cf. VP I.49b: na p#rvo na para& ca sa)).
42
VP I.49: n"dasya kramajanyatv"t; MBhD I.3,18!19: ye tu kramajanm"no
!yugapatk"l"), vyaktayo dhvany"tm"nas te; VP I.97ab: avik"rasya &abdasya
nimittair vik*to dhvani) |.
170 Introduction

résonances manifestent le spho!a véhicule de la signification.43 A


cette manifestation, les résonances sont ordonnées comme les fa-
cultés sensorielles le sont à leurs objets respectifs,44 et ce au sein
d!un ordre fixe de succession, comme le lait se mue en caillé selon
une séquence immuable.45 Enfin et surtout, on ne saurait dénom-
brer les passages où Bhart!hari détaille la surimposition erronée au
spho!a des caractéristiques propres aux résonances.46 On relèvera
en outre l!étroit parallélisme qui subsiste entre cette description et
la doctrine linguistique élaborée par le YBh sous YS III.17, où
l!auteur énonce sa théorie du mot (pada).
5.3.4. Parmi les nombreuses objections d!inspiration spho!av"din
qui criblent le texte de Dharmak"rti, deux méritent d!être signalées
ici. Après ce qu!on vient de lire, la première d!entre elles ne néces-
site aucune explication supplémentaire47: «[Objection:] L!énoncé
ne comporte pas de phonèmes; [mais] en vertu de l!ordre de suc-
cession [propre] aux [résonances] qui [la] révèlent, cette nature
verbale [pourtant] strictement une apparaît [à l!homme comme]
dotée de succession et dotée d!une partition en phonèmes[, malgré
qu!elle soit ultimement dépourvue de l!une comme de l!autre].»
Les trois strophes48 que Kar#akagomin cite afin d!étayer l!objec-
tion suffisent à montrer l!étroite proximité du p#rvapak$a avec la
position générale de Bhart!hari. Que ce dernier est ici visé paraît
d!autant plus clair que ni les Vaibh$%ika, ni l!auteur du YBh ne

43
MBhD I.17,9"10: sa tu n"d"bhivya%gya&; VP I.48cd: kara'ebhyo viv(ttena
dhvanin" so !nug(hyate ||; VPV 104,4 (sous VP I.47), 152,7 (sous VP I.88),
160,5 (sous VP I.97): vyañjakadhvani.
44
MBhD I.17,9"10: padaniyato dhvani& | yath" cak$ur"dayo niyat" abhivyañ-
jak" abhivya%gye$u r#p"di$u.
45
VP I.94: yath"nup#rv)niyamo vik"re k$)rab)jayo& | tathaiva pratipatt*'"+ ni-
yato buddhi$u krama& ||.
46
Par exemple MBhD I.17,12: eva+ ,abd" api n"dabhedena bhidyante; VP
I.49 et VPV 106,7"107,3 (sous VP I.49); VPV 152,7"153,1 (sous VP I.88).
47
PVSV 129,4"6: na eva v"kye var'"& santi | tad ekam eva ,abdar#pa+ vyañ-
jak"nukramava,"d anukramavad var'avibh"g"c ca pratibh"ti iti cet |.
48
VP I.94, 49 et 104: voir APPENDICE B (P
PVSV& 467,21"22 et 467,27"468,4).
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 171

viennent documenter la thèse d"une imputation erronée, au spho!a,


des caractéristiques propres aux résonances. Quant à la seconde,
elle expose l"argumentaire classique du Spho!av"din49: «[Objec-
tion:] Lorsque [vous autres bouddhistes] affirmez que des résonan-
ces ne sont pas établies comme distinctes des [phonèmes, mots et
phrases] expressifs, en quoi [donc] ne sont-elles pas établies, puis-
qu"on [ne] connaît la signification [qu"]à partir d"une expression?
En effet, on ne comprend pas la signification à partir d"une infime
partie de résonance [révélatrice d"un phonème], et cette [infime
partie, puisqu"elle est instantanée,] n"en rencontre [jamais] d"autre
[née ultérieurement]. Devant son existence (s"dhya) à un [facteur
expressif] où les natures de mot ou de phrase sont complètes, [no-
tre] compréhension de la signification ne tient (sambhavati) donc
pas aux résonances, dont les parties sont incomplètes; sont dès lors
établies une nature verbale dont l"existence est dénuée de suc-
cession, et [séparée d"elle,] une résonance dont les parties sont do-
tées de succession.» L"objection introduit deux arguments en fa-
veur d"une entité verbale indépendante de, mais révélée par le ma-
tériau phonique transitoire. On les retrouve avec des nuances diver-
ses dans toutes les #uvres de tendance spho!av"din. A la suite de
K"ty"yana, Patañjali déjà dénonçait, dans son commentaire au
sa#hit"s$tra (P". I.4.109, v"rttika 9!10), l"impossibilité d"une si-
multanéité (yaugapadya) des phonèmes.50 C"est en toute probabi-
lité à la glose (vivara%a) aujourd"hui perdue de Bhart#hari à ce
même sa#hit"s$tra que renvoie l"auteur de la VPV lorsqu"il abor-
de ce même thème sous VP I.84.51 Mais là où K"ty"yana et Patañ-
jali critiquaient l"hypothèse d"une simultanéité des phonèmes,

49
PVSV 134,1!6: yad ukta# na dhvanayo bhedena v"cakebhya& siddh" iti
katha# na siddh"& | vacan"d arthapratipatte& | na hi dhvanibh"g"d alp'yaso
!rthaprat'ti& | na ca so "nya# sameti | tad iya# samastapadav"kyar$pas"dhy"
arthaprat'tir asamastabh"ge(u dhvani(u na sambhavati iti siddham akrama-
sattva# )abdar$pam | kramavadbh"ga) ca dhvanir iti |.
50
MBh"$ya I.356, 1!13.
51
VPV 148,6!149,2: krame%a tu var%atur'yagraha%e sati samud"y"bh"v"d
avi(ayatvam anty"y" buddhe& pr"pnoti iti sa#hit"s$trabh"(yavivara%e bahu-
dh" vic"ritam |. Voir la traduction de BIARDEAU (1964b: 125).
172 Introduction

Bhart!hari paraît avoir dénoncé comme impossible une association


(samud!ya) des parties ultimes ou «quarts (de quart)» des phonè-
mes (var"atur#ya). A deux reprises au moins, le VP et la VPV criti-
quent sur un fondement analogue les tentatives de réduire la phrase
comme seule unité signifiante légitime aux mots ou aux phonèmes:
aucune raison recevable n!autorise à enrayer l!atomisation à ce sta-
de. On devra alors poursuivre l!analyse dissolvante jusqu!aux par-
ties de phonèmes (var"abh!ga), mais, celles-ci n!entrant pas en
contact les unes avec les autres, il ne saurait plus y avoir ni phonè-
mes ni mots.52 Selon la VPV, les phonèmes périssent sitôt pronon-
cés, et sont eux-mêmes divisibles en parties successives, en quarts
de quart (tur#yatur#ya) inexprimables et incomposables.53 Un argu-
ment analogue se retrouve sans grande surprise dans le YBh sous
YS III.17: les phonèmes, qui disparaissent (tirobh$ta) sitôt apparus
(!virbh$ta), ne sauraient rien signifier par eux-mêmes, ni accéder à
la simultanéité (ekasamaya).54 Côté bouddhique enfin, le Vaibh"-
#ika Vimalamitra, à la suite de mais plus clairement que Sa$-
ghabhadra,55 développe un argumentaire en tout point analogue.56

52
VP II.28"29: pad!ni v!kye t!ny eva var"!s te ca pade yadi | var"e%u
var"abh!g!n!& bheda' sy!t param!"uvat || bh!g!n!m anupa(le%!n na var"o
na pada& bhavet | te%!m avyapade(yatv!t kim anyad vyapadi(yat!m ||. Voir la
traduction de BIARDEAU (1964b: 114"115n. 1).
53
VPV 136,3"6 (sous VP I.73): na hi kramajanmabhir uccaritapradhva&sibhir
ayugapatk!lai' s!vayavair var"ai' (abd!ntar!rambha' sambhavati iti var-
"am!tram eva padam | te%!m api s!vayavatv!t kramaprav)tt!vayav!n!m !
vyavah!ravicched!t tur#yatur#yaka& kim apy avyapade(ya& r$pa& vyava-
h!r!t#tam asti iti na var"apade vidyete |. Voir la traduction de BIARDEAU
(1964b: 115).
54
YBh 208,7"8: var"! ekasamay!sambhavitv!t paraniranugrah!tm!nas* te
padam asa&sp)(ya anupasth!pya !virbh$t!s tirobh$t!( ca iti pratyekam apa-
dasvar$p! ucyante |. *Noter la variante: paraspar!nugrah!tm!nas.
55
Voir COX 1995: 394.
56
AD%p 110,7"13: [i]ta( ca kramayaugapadyapraty!yan!sambhav!t | katham?
balvajavat | iha hi bah$ni balvajadravy!"i pratyekam asamarth!ni sambh$ya
rajjv!tman! avasthit!ni d!rv!dy!kar%a"akriy!s!marthyopet!ni bhavanti | na
ca eva& v!ky!tm!na' (abd!' ! kramalabdhajanm!na' pratyekam artha-
praty!yan!samarth!', na api sambh$ya praty!yayanti, sambh$ya anavasth!-
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 173

Toutes les écoles inclinant à hypostasier le facteur expressif (qu"il


s"agisse du mot ou de la phrase) semblent donc recourir au même
argumentaire bicéphale qu"on retrouve dans l"objection spho!av"-
din introduite par Dharmak!rti. Dans cette objection, ces deux ar-
guments classiques servent de préalable à un argument de conclu-
sion: si les (parties de) résonances ne sont expressives ni individu-
ellement ni à l"état associé, il faut donc postuler l"existence séparée
d"une expression (vacana) responsable de notre notion de la signi-
fication. Puisque les (parties de) résonances sont inexpressives
mais que l"on dispose néanmoins d"une notion de la signification,
il faut admettre pour cette notion une cause distincte des (parties
de) résonances, et qui n"est autre que l"entité verbale nommée
«spho!a».

n"d balvajavat | tasm"t kramayaugapady"t praty"yan"sambhav"n na #abd"$


ka%cid artha% praty"yayanti iti siddham |. «Et ensuite, car, [que ce soit] de
façon successive ou de façon simultanée, il est impossible [aux paroles bru-
tes] de communiquer [la signification]. ! En quoi [leur est-ce donc impossi-
ble]? ! Comparons-les à l"herbe balvaja. Dans ce cas en effet, chacune des
multiples [herbes] balvaja (balvajadravya) [s"en révèle en elle-même] inca-
pable, [mais] fixée, une fois associée [à d"autres], à l"état de corde, elle de-
vient capable de charrier du bois, etc. Or [il n"en va] pas ainsi des paroles
[brutes] # prenant naissance de façon successive: chacune est incapable de
communiquer la signification, et elles ne [la] communiquent pas non plus à
l"état associé puisque, au contraire des [plants d"herbe] balvaja, elles ne sub-
sistent [jamais] à l"état associé. Il est par conséquent établi que, par impossi-
bilité [de leur part] de communiquer [la signification] de façon successive ou
de façon simultanée, les paroles [brutes] ne communiquent pas la significa-
tion.» Ce passage répond pour partie à l"objection sautr"ntika de AD!p
110,1!3: na khalu v"kchabd"d anye n"m"daya$ sidhyanti | v"kchabda eva
arthe&u sa%jñ"kart'k't"vadhi$ sm'ty" g'h(t"vayavasamud"ya$ #rotur artha%
praty"ya[ya]ti iti kim anyair n"m"dibhi$ parikalpitai$ |. «Des [dispositions
formatrices dissociées de la pensée] telles que le nom ne sont assurément pas
établies [comme étant] autres que la parole vocale. Seule la parole vocale, sur
laquelle [porte] une convention fixée par les auteurs des désignations [et] qui
consiste dans une collection de parties qu"appréhende la mémoire, communi-
que la signification à l"auditeur. A quoi bon dès lors postuler [qu"il existe,]
autres [que les paroles vocales,] des [dispositions formatrices dissociées de la
pensée] telles que le nom?» Sur ce passage, voir aussi JAINI 2001d: 104.
174 Introduction

5.4. Position générale de Dharmak!rti et de ses commentateurs57


La définition dharmak!rtienne de !abda ne s!écarte pas de la con-
ception bouddhique selon laquelle !abda est l!objet (vi"aya) propre
de l!ouïe (!rotra, !rotrendriya) et de la connaissance sensorielle
auditive (!rotravijñ#na).58 En tant que tel, !abda consiste dans le
seul point-instant particulier de son (!abdasvalak"a$a). Je doute
qu!au plan de l!énonciation, le point-instant particulier de parole
soit ultimement identifiable au phonème (var$a): leur identifica-
tion n!est possible qu!à condition que le phonème soit instantané
(k"a$ika). Or selon Dharmak!rti, la durée du plus infime des pho-
nèmes est équivalente à celle d!un clin d!"il (nime"a), lequel dure
lui-même plusieurs instants. Le phonème paraît donc n!être pour
lui qu!une entité fictive et de pure convention, celle-là même dont
se sert l!analyse linguistique à des fins descriptives. A ce titre et à
l!instar du mot (pada) et de la phrase (v#kya), le phonème ne con-
siste qu!en une séquence arbitrairement délimitée de la chaîne par-
lée, à un concept sans corrélat extramental.59

57
Sur la question des phonèmes, voir en premier lieu "MAE 1999, dont je ne
partage pas toutes les vues. Voir aussi l!Upanibandhana sous MSa#gr VII.7a,
traduit dans LAMOTTE 1973: 237#238.
58
PV I.298d: !abdo hi !rotragocara% ||, et PVSV 158,26: !rotragraha$alak"a-
$a% !abda% | tadatikrame !tiprasa&g#t |.
59
Dharmak!rti ne se prive toutefois pas d!évoquer les sons bruts en termes de
«phonèmes»: cette option terminologique vaut pour la discussion du spho'a
(parallèlement à celles de var$abh#ga, dhvani et dhvanibh#ga), mais appelle
d!importantes réserves (d!ailleurs dûment formulées par Dharmak!rti lui-
même) en contexte de discussion avec la M!m$%s$. Quoiqu!il faille remettre
à une autre occasion le problème des phonèmes chez Dharmak!rti, les faits
suivants, tous extraits des commentaires, ne seront pas inutiles ici. (1) L!ef-
fort phonatoire toujours distinct rend les phonèmes distincts à chaque énon-
cé: l!unicité (ekatva, etc.) que leur prête la M!m$%s$ est donc infondée (voir
PV& P349b5#6/D290b6 = PVSV& 461,29#30: puru"aprayatnabhedena var-
$#n#( prativ#kya( bhinn#n#m eva utpatte% |). (2) Les phonèmes bruts sont
dénués de signification (nirarthaka, PV I.238a) par eux-mêmes; ce n!est que
dûment conceptualisés sous forme d!universaux que, organisés en ordres de
PVSV& 462,20#23: nanu
succession particuliers, ils deviennent expressifs (P
<1
var$# nirarthak#1> ity ukta( katha( <2te"#m eva bhed#d arthaprat)ter bhe-
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 175

Sur un plan pragmatique, la parole est notification (vijñapti; para-


vijñ!pana, comm.); s"originant à la pensée (cittasamutth!na) et
plus précisément à l"intention du locuteur, cette notification est
pratiquement de trois sortes, qui ont pour noms «phonèmes» (K:
ak"ar!#i var#!$), «mots» (K: arth!vacchinno var#asamud!ya$ pa-
dam) et «phrases» (! = K: padasamud!yo v!kyam).60 Sur un plan
épistémologique et ontologique, la communication verbale repose
à la fois sur les points-instants particuliers de son émis par l"appa-
reil phonatoire du locuteur(/appréhendés par l"appareil auditif du
récepteur), et sur des processus et matériaux psychomentaux par-
tagés par l"émetteur et le récepteur. Selon Dharmak"rti en effet,61
«le mot et la phrase qui [nous] apparaissent [sous forme] unitaire
ne sont qu"erreur», en tant qu"ils ne sont que «représentations
trompeuses (pratibh!savibhrama), consécutives à une connaissan-
ce sensorielle particulière, d"un concept fondé (up!d!na) sur une
imprégnation latente homogène (sabh!gav!san!).» Une connais-
sance mentale (manovijñ!na, ! = K) d"ordre conceptuel (savikal-
pa[ka], !) subséquente à l"expérience sensorielle directe des pho-
nèmes successifs,62 surimpose à ces matériaux bruts l"unité de mots
et de phrases (!), ou les détermine comme mots et phrases un[itai-

da2> ity ucyate | satyam | <3santo var#! nirarthak!3> vikalpavi"ay!s tu s!m!-


nyar%p! eva prativ!kya& bhinn! var#asvalak"a#!bhedena adhyast! v!cak!
i"yante | tena <4var#!n!m eva bhed!d arthaprat'ter bheda4> ity ucyate |. Cita-
tions: 1/3 = PV I.238a; 2/4 = PV# P350a2/D291a1 = PVSV# 462,18!19. (3)
Notre notion de la signification provient des seuls phonèmes, en vertu des
conventions arbitrairement assignées à ces ordres de succession particuliers;
il n"est donc nul besoin de postuler, avec les Grammairiens, des énoncés in-
dépendants des phonèmes (P PVSV# 462,11!12: tasm!d var#ebhya$ sa(keta-
bal!d arthaprat'ter bh!v!t katham anyath!nupapatty! v!kyakalpan! |).
60
Selon PVSV 160,19: cittasamutth!n! hi v!gvijñaptir var#apadav!ky!bhi-
dh!n!. Voir PVSV# 568,28!29, à comparer avec PV# ñe P36b8/D32b4!5.
61
Selon PVSV 119,18!20: indriyavijñ!navi)e"!nubandh' sabh!gav!sanop!d!-
navikalpapratibh!savibhrama$ pada& v!kya& ca ek!vabh!si mithy! eva |.
62
PV# P323b2!3/D270a5!6: rna ba!i rnam par )es pa khyad par can gyi phyis
!byu( ba; PVSV# 435,3: kramavar#!nubhavap*"+habh!vin.
176 Introduction

re]s (K).63 En d!autres termes: postérieurement à la stimulation sen-


sorielle,64 survient une connaissance (buddhi) qui surimpose un
mot un(itaire), qui détermine [la série] comme un(itair)e, dans la-
quelle apparaît un mot ou une phrase indivis; en bref, une connais-
sance conceptuelle présentant l!aspect d!un mot ou d!une phrase.65
Ce qui se dit de cette connaissance se dit de façon équivalente du
concept (vikalpa) survenant après la stimulation: celui-ci surim-
pose une unité (sous forme) d!un mot ou d!une phrase un(itair)e,
présente un aspect un(itaire), laisse apparaître un mot un(itaire),
etc.66 C!est que la stimulation sensorielle éveille ou actualise (pra-
bodha) un concept qui subsistait à titre d!imprégnation latente
(v!san!) ou de disposition (sa"sk!ra) dans la série psychique du
récepteur, ou auquel cette imprégnation latente sert de «cause ma-
térielle» (up!d!na).67

63
Resp. PV! P323b2"3/D270a6: tshig da# #ag la gcig tu sgro !dogs par byed
do ||; PVSV! 435, 3"4: pad!dir$patay! adhyavasyati.
64
Not. PVSV! 436,27: var%!nubhavottarak!lam; PV! P324b5"6/D271a6:
ñams su myo# ba da# dran pa go rim b&in du skyes nas phyis !byu# ba can;
noter aussi PVSV! 435,10: var%akrama'rava%!t.
65
Resp. PVSV! 435,9: ekapad!dhy!ropik! buddhi(; PV! P324b6/D271a6:
gcig tu &en pa!i blo; PV! P324b5/D271a5"6: tshig da# #ag tha dad pa med
par sna# ba!i blo; PV! P324b8/D271b1: tshig da# #ag gi rnam pa can gyi
rnam par rtog pa!i blo.
66
Resp. PV! P324b3"4/D271a4"5: tshig da# #ag gcig go &es gcig ñid du sgro
!dogs pa!i rnam par rtog pa; PVSV! 435,10"11: ek!k!rasya vikalpasya;
PVSV! 435,5: ekapad!dyavabh!s) vikalpa(.
67
Voir PVSV 159,12"17: manovikalpasya tadvi*ayatvam asiddham | na hi sva-
lak*a%e vikalp!n!" v+ttir iti nivedayi*y!ma( | te hi yath!svam !ntar!d vikal-
pav!san!prabodh!d anapek*itab!hy!rthopanidhayo bhavanti | b!hy!p!y!n!-
game "pi bh!v!t | na hi yo yasya sattopadh!na" na apek*ate sa tasya hetu( |
ahetu' ca katha" vi*aya( |. «Qu!un concept mental ait la [parole] pour objet
est inétabli, car nous ferons savoir [dans le troisième chapitre] que les con-
cepts ne se réfèrent pas au point-instant particulier: en effet, les [concepts] ne
dépendent pas de la présence [effective] d!un objet extra[mental, mais] pro-
cèdent de [la cause que constitue] pour chacun d!eux l!actualisation interne
d!une latence conceptuelle (vikalpav!san!), parce qu!ils interviennent (bh!-
va) même lorsque [l!objet] extra[mental] a disparu ou reste à venir. Mais (hi)
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 177

A la réalité positive appartiennent donc les seuls sons bruts que


produit et agence, avec l"appareil phonatoire, l"intention de l"émet-
teur (vivak!", etc.); à l"irréalité de la pensée ressortissent des repré-
sentations fictives unitaires (mots et phrases) qu"une expérience
langagière sans commencement (an"ditva# pad"divyavah"rasya,
K) a déposées dans le psychisme à titre d"imprégnations latentes, et
qui font l"objet de conventions (sa$keta).68 Selon Dharmak!rti, la

(x) n"est pas la cause de (y) si [pour exister] (y) ne dépend pas de l"existence
actuelle (sattopadh"na) de (x). Or ce [(x)] qui n"est pas la cause [de (y)],
comment [pourrait-il en être] l"objet?»
68
Voir PVSV" 435,5!14: nanu var%"n"# bhinn"n"m eva anubhav"t katham
ekapad"dyavabh"s& vikalpa utpadyate | utpadyate ca | tasm"d var%e!v ekapa-
d"dyanubhavena bh"vyam iti | na e!a do!a' | pratip"dako hi sa$ketak"le
var%akramam ekapad"dir(patay" pratipannam eva para# praty ekam ida#
pad"di iti sa$ketayati | tad" ca parasya api tatra var%akrame ekapad"dhy"-
ropik" buddhir utpadyate | tasya ca ekapad"dyadhy"ropitaik"k"r"nubhav"-
hitasa#sk"rasya pu#so vyavah"rak"le !pi var%akrama)rava%"d ekam ida#
pada# v"kya# v" ity ek"k"rasya vikalpasya utpattir bhavati | eva# p(rva-
p(rva)rot*%"# p(rvap(rvavakt+bhyo var%akrame!v ekatv"rope%a prat&tir
bhavati ity an"ditva# pad"divyavah"rasya | ata eva ucyate | an"disabh"-
gav"sano vikalpapratibh"savibhrama' pada# v"kya# ca ek"vabh"si mithy"
eva iti | mithy"tva# ca bhinn"n"# var%"n"m ekapad"dir(patay" smara%a-
jñ"ne pratibh"san"t |. «[Objection:] Mais comment un concept où se présente
un mot un, etc., se produi[rai]t-il [selon vous] à partir de phonèmes [pourtant]
strictement distincts? [On constate] cependant [que ce concept] se produit. Il
se pourrait donc que sur les [seuls] phonèmes on fasse l"expérience directe
d"un mot un, etc. [Réponse:] Voilà qui n"affecte pas [notre position], car au
moment où, pour autrui, il fixe une convention, c"est à une série phonétique
qu"il considère sous la forme d"un mot un, etc., qu"un enseignant attache la
convention [en disant:] #Ce mot, etc., est un#; la connaissance qui surimpose
un mot un, etc., sur cette série phonétique-ci, se produit ensuite également
chez l"autre [personne]. Et [en tant que] l"expérience de l"image un[itair]e su-
rimposée [qui est celle] de [ce] mot un, etc., a imprimé [chez elle] une dispo-
sition [à cet effet] (ekapad"dyadhy"ropitaik"k"r"nubhav"hitasa#sk"ra), le
concept à l"image un[itair]e selon lequel ce mot ou phrase est un se pro-
dui[ra] chez cette personne lorsqu"elle entend[ra] ()rava%"t) [cette] série
phonétique lors d"un échange linguistique (vyavah"ra) [ultérieur]. Ainsi est-
ce parce que les générations successives de locuteurs imputent une unité à
des séries phonétiques (p(rvap(rvavakt+bhyo var%akrame!v ekatv"rope%a)
178 Introduction

théorie de l!unité réelle (i.e. extramentale) des mots et phrases (le


spho!av"da) est fausse du point de vue de la réalité positive, mais
la théorie concurrente de la multiplicité des mots et phrases (le
var#av"da) n!est pas corroborée par la description psychologique
de la connaissance et de la communication69: nos connaissances

[données], que les générations successives d!auditeurs ont notion [de mots et
de phrases uns, et c!est] en ce sens (iti) [que] la pratique (vyavah"ra) des
mots, etc., est dénuée de commencement [dans le temps]. Voilà pourquoi
[Dharmak!rti] affirme qu!un mot ou phrase de représentation un[itair]e n!est
qu!une erreur, [lui qui consiste dans la] représentation trompeuse d!un con-
cept aux latences homogènes sans commencement. Et [son] caractère erroné
[vient] de cela que les phonèmes distincts se présentent à la connaissance
mnésique sous forme d!un mot un, etc.»
69
Voir PV" P324b3"8/D271a4"b1: blo la sna$ ba!i dba$ gis gcig ñid da$ du
ma ñid du rnam par !jog par !gyur te | blo la tshig la sogs pa sna$ ba gcig gis
$o bo can ñid yin pas tshig da$ $ag gcig go %es gcig ñid du sgro !dogs pa!i
rnam par rtog pa skye ba!i phyir ro || re %ig yi ge rnams kyi bkod pa!i sgo nas
ñams su myo$ ba!i blo skye %i$ | de la gcig tu sna$ ba yod pa ma yin la dran
pa ya$ ji ltar ñams su myo$ ba b%in skye bar !gyur %i$ de ya$ gcig par !dzin
pa ma yin no %es b&ad pa ma yin nam | de la ga$ la tshig da$ $ag tha dad pa
med par sna$ ba!i blo g%an ci %ig yod ce na | de la kha %ig ni ñams su myo$ ba
da$ dran pa go rim b%in du skyes nas phyis !byu$ ba can gcig tu %en pa!i blo
skye ba!i dba$ du mdzad nas de skad du b&ad par !dod do || dper na g%an dag
sgra yis bsgos pa!ii sa bon can | tha ma!ii sgra da$ bcas par ni | yo$s smin skye
ba can gyi ni | blo la mi$ dag $es par byed ces bya ba lta bu!o || de lta bur
gyur pa!i blo!i dba$ gis kya$ phyi rol la tshig da$ $ag gi gcig pa ñid khas
bla$s par rigs pa ma yin te | gcig tu sgro !dogs pa!i blo de ni !khrul pa ñid kyi
phyir ro ||. «En vertu de ce qui se présente à la connaissance, on peut poser [à
la fois] l!unité et la multiplicité [des mots et des phrases]. Parce que, étant
donné qu!à la connaissance, le mot, etc., a la nature d!une représentation
un[itair]e, un concept surimposant l!unité se produit, [on dit] que le mot et la
phrase sont uns. [Objection:] D!abord, une connaissance expérientielle naît
sur la base d!une série de phonèmes, mais celle-ci manque de représentation
un[itair]e; puis, le souvenir naît à son tour selon l!expérience directe, mais ne
[l!]appréhende pas non plus comme un: [cela,] ne l!avez-vous pas [expressé-
ment] affirmé? [Mais] dans ce cas, quelle est donc [cette] nouvelle connais-
sance où le mot et la phrase se présentent comme indivis? [Réponse:] Sur ce
point certains, [tels les Grammairiens,] mettent [cela] en avant qu!une con-
naissance ultérieure adhérant à [leur] unité naît après qu!expérience directe et
souvenir sont nés de façon successive, et acceptent de s!exprimer en ces
Chapitre 5 ! Critique d"un énoncé indépendant des phonèmes 179

sensorielles ne nous présentent pas d"éléments linguistiques intrin-


sèquement dotés de signification, mais notre pensée nous livre bel
et bien des mots et phrases d"apparence unitaire. En d"autres ter-
mes, l"erreur du Spho!av"din consiste à réifier le concept du mot/
phrase un(itair)e; celle du Var#av"din, à nier une réalité d"expé-
rience psychologique, celle de l"ekapad!disam!ropik! buddhi".

termes, [en disant] par exemple: $Quand l"idée, dont le germe a été produit
par les résonances, arrive à maturité avec le dernier son, la parole est déter-
minée.# Mais il est injustifié d"admettre, sur la base d"une telle connaissance,
que le mot ou la phrase sont uns à l"extérieur [de notre représentation], car la
connaissance qui [en] surimpose l"unité est erronée.» Citation: VP
I.86 (traduction BIARDEAU 1964: 127). Voir aussi PVSV% 436,22!27: tath!
hi pade v!kye ca ucc!rita ekam ida# pada# v!kya# v! iti lokasya matir
bhavati | tena yad ucyate | $aighry!d alp!ntaratv!c ca go$abde s! bhaved
api | devadatt!di$abde%u sphu&o bheda" prat'yata iti | tad ap!stam | var(!nu-
bhavottarak!lam ekapad!dhy!ropik!y! buddher utpatte" |. «C"est ainsi que
lorsque un mot ou une phrase est prononcé, les gens ordinaires (loka) ont
l"idée que le mot ou la phrase [en question] est un. Ce qu"a dit [Kum"rila] est
donc rejeté[, à savoir:] $Cette [connaissance des paroles en tant qu"unes] est
à la rigueur possible dans le [cas] du mot $go", tant en raison de la rapidité
[avec laquelle on le prononce] qu"en raison de l"intervalle [très] court [qui
sépare les deux phonèmes]; mais dans [le cas d"]un mot tel que $devadatta",
on note une très nette différence.# [Cela est rejeté,] car au moment qui suit
l"expérience directe des phonèmes, il naît une connaissance qui [leur] surim-
pose un mot [ou une phrase] un.» Citation: &V spho&a 121, avec variantes:
alp!ctaratv!c ca; devadatt!di$abde tu; voir APPENDICE B.
Chapitre 6
Contre le phonocentrisme de Kum!rila

6.0. Dans PVSV 134,26!141,17, Dharmak"rti critique une seconde


conception de l"énoncé. V!kya y consiste non plus dans un vecteur
transphonétique de la signification, mais dans un ordre de succes-
sion ou série de phonèmes (var"!nup#rv$ v!kyam, PV I.259a). En
reprenant de la sorte le fil de son contentieux avec la M"m!#s!, il
s"adresse ici tout particulièrement à Kum!rila: l"ontologie phono-
centrique développée par celui-ci dote en effet la M"m!#s! d"une
notion définie de %abda dans sa permanence et sa révélabilité. Une
part importante de l"effort polémique de Dharmak"rti consistera
dès lors à exhiber l"impossibilité d"une révélation des entités per-
manentes. Les M"S$ et le %Bh ayant eux-mêmes élaboré plusieurs
arguments en faveur de la permanence de %abda, Dharmak"rti ne
s"en épargnera pas la critique (mais négligera les innovations sinon
les relativisations qu"y apporte Kum!rila). La section se referme !
en fait: ouvre ! sur l"important excursus consacré à la démons-
tration de la périssabilité des choses (le second vin!%itv!num!na de
PV I, voir pp. 201!203). On résumera comme suit la marche géné-
rale de la section1: si l"énoncé se définit un ordre de succession
phonétique, cet ordre de succession pourra (1) soit consister dans
les phonèmes eux-mêmes, (2) soit en être chose indépendante;
dans la première hypothèse, l"ordre de succession pourrait être (1a)
soit celui des phonèmes eux-mêmes (var"asvar#pakrama), (1b)
soit celui de la révélation des phonèmes (var"avyaktikrama). Dans
ce qui suit, seule nous intéressera la sous-hypothèse (1b), qui vise
directement Kum!rila. Des (sous-)hypothèses rhétoriques (1a) et
(2), on devrait pouvoir suivre aisément le traitement dans la traduc-
tion.

1
Voir en général APPENDICE E.
182 Introduction

6.1. L!ontologie phonocentrique de Kum!rila


6.1.1. Alors que le Spho"av!din définit la parole en termes d!accès
à la signification (arthapratyaya, #V spho!a 3), la M$m!%s! en-
tend la caractériser selon le seul critère de l!audibilité2: «Quand on
dit gau", qu!est-ce que #abda? " Le Bienheureux Upavar&a dit:
'Ce sont le g, le au, et le visarga (").# En effet, dans l!usage cou-
rant le terme #abda est bien connu au sens d!un objet dont l!ouïe
est l!organe d!appréhension. Or ces [phonèmes] ont l!ouïe comme
organe d!appréhension.» Esquissée chez le V(ttik!ra et #abara, se
réclamant des Anciens (v$ddha, #V spho!a 2), la doctrine est pré-
cisée et systématisée par Kum!rila. Contre les Grammairiens, ce
dernier entend déterminer la nature de #abda par la seule percep-
tion (#V spho!a 3) et avec le sens commun (#V spho!a 5); selon
lui, est #abda ce que discerne l!ouïe (#rotraparicchinna), que cela
fasse ou non connaître la signification (ibid.)3: «Or seuls les phonè-
mes (var%a) [nous] sont connus sous leur forme propre par la con-
naissance auditive, indépendants les uns des autres.» On perçoit
chacun de ces phonèmes en son entier (sakalam), ou pas du tout;
pas plus qu!on ne perçoit de parties de phonèmes, l!inférence,
l!Écriture ou l!analogie (upam&) n!y donnent accès (#V spho!a 10"
12). Strictement un (eka) donc, le phonème génère une connais-
sance unique (ekabuddhi, #V spho!a 15ab). Chez Kum!rila, le pho-
nème est indivis (abhinna, ou «sans parties», anavayava), omnipré-
sent (sarvagata), invariable, crédité d!une permanence réelle (k'!a-
sthanitya) et non pratique (vyavah&ranitya, voir p. 189).4 La posi-

2
#Bh sous M$S) I.i.5/54,7"9 (F38,3"5): atha gaur ity atra ka" #abda" | gak&-
rauk&ravisarjan(y& iti bhagav&n upavar)a" | #rotragraha%e hy arthe loke #a-
bda#abda" prasiddha" | te ca #rotragraha%&" |. Traduction BIARDEAU 1964:
178.
3
#V spho!a 9ac: paraspar&napek)&# ca #rotrabuddhy& svar'pata" | var%& ev&-
vagamyante.
4
Sur ces différents points, voir D!SA 1980: 117"118, et aussi APPENDICE B
PVSV* 488,11"12 et 489,18"19, citant des strophes tirées peut-être de la
(P
B*). Sur la question difficile des rapports entre #abda et var%a dans la doc-
trine de Kum!rila, voir D!SA 1980: 118"122.
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 183

tion se heurte pourtant à une difficulté majeure: comment expliquer


les variations5 que présentent nos connaissances successives de tel
ou tel phonème? Hormis celle de Kum!rila lui-même, deux solu-
tions s"offrent à qui veut tenir compte de cette diversité empirique:
dans une perspective réaliste ou nominaliste, poser des universaux
réels ou fictifs dont chaque phonème serait une instance individuel-
le (ainsi tous les phonèmes «g» seraient-ils membre d"un genre ga-
tva);6 avec les bouddhistes et les Vai"e#ika, admettre la production
de la parole (les circonstances physiologiques et environnementa-
les rendant compte des différences perçues). Dans $V spho!a 15cd-
64, Kum!rila s"efforce de démontrer qu"il ne saurait être postulé
d"universaux (s"m"nya), genres (j"ti) ou familles (kula) de phonè-
mes; d"un côté, il montre que le modèle théorique universel/instan-
ces individuelles ne s"applique pas aux phonèmes; de l"autre, que

5
Variations: (1) de débit (druta, madhya, vilambita, $V spho!a 22 et 31, ex-
pliquées comme de pures déterminations extrinsèques ! parop"dhi); (2) de
durée (en mores, m"tr": hrasva, d#rgha, pluta, $V spho!a 45!55); (3) de ton
et d"accentuation (ud"tta, anud"tta, svarita, $V spho!a 56 et 61); (4) propres
aux consonnes (vyañjana, expliquées comme les «colorations» ! anur"ga !
diverses qu"amènent dans le mot, et non à l"état isolé ! kevala !, les voyelles
environnantes, $V spho!a 30). Mentionnons encore ($V spho!a 57!58ab),
recouvrant ou non les précédentes, des différences de «douceur» (m$dutva),
d"«intensité» (t#vratva), de «vitesse» (%#ghratva). NR% 370,31 résume: drut"-
dihrasv"dyud"tt"dibheda° (voir aussi TSP 598,24). PVSV& 498,26!29 et
499,14!17 citent $V spho!a 22!23 et 50!51, indirectement ou directement
liés à ce problème (voir APPENDICE B). Dans tout ce passage (P PVSV&
498,20!499,19), Kar'akagomin critique la position de Kum!rila en la ma-
tière.
6
Dans $V spho!a 25!26, Kum!rila explicite ce qui le sépare de son adversai-
re: tvay"pi vyañjakavyaktibhed"d bhedo !bhyupeyate | mam"pi vyañjakair n"-
dair bhedabuddhir bhavi&yati || tena yat pr"rthyate j"tes tad var'"d eva la-
bhyate | vyaktilabhya( ca n"debhya iti gatv"didh#r v$th" ||. «Tu admets que la
différence procède de la différence [propre] aux individus révélateurs; pour
moi, la connaissance d"une différence tiendra aux sons bruts révélateurs.
Donc ce qu"on obtient [de ton côté] par le genre, on l"obtient [chez moi] du
seul phonème, et ce que permet d"obtenir l"individu, [je l"obtiens] des sons
bruts: donc l"idée d"un [genre de phonèmes] tel que gatva est superflue.»
Voir BIARDEAU 1964: 49!50 et ELTSCHINGER 2001b: 253!254n. 43.
184 Introduction

toutes les variations perceptibles se rapportent en dernière analyse


aux seuls sons révélateurs, et non aux phonèmes révélés. Il n!est
donc ni universaux ni ressemblance entre des phonèmes indivi-
duellement différents: c!est toujours un même et unique phonème
que nous connaissons. Une impression trompeuse (bhr!nti, !V
spho"a 44) est responsable de que nous attribuons erronément au
phonème un les propriétés des sons multiples qui le révèlent.7
6.1.2. Une telle ontologie exige que notre connaissance de la parole
procède d!une révélation/manifestation (vyakti/abhivyakti) plutôt
que d!une production (utpatti). Si la stratégie paraît inspirée du
spho"av!da, la description de la manifestation emprunte au Vai"e-
#ika8: «[Puisque le fait est perceptible,] il est indubitable que l!air
abdominal, frappé par l!effort [articulatoire], s!en va [vers l!exté-
rieur], et [que ce faisant,] il se prête à conjonction et disjonction
avec [des organes phonatoires] tels que le palais. Et puisque[, tel
une flèche,] il possède une [certaine] impulsion, il [ne s!étend pas à
7
De même (!V spho"a 41) les gens dont l!esprit est affecté par un trouble
bileux (pittado#e$a bhr!ntacetasa%) appréhendent-ils comme amer (tiktar&-
pe$a) un objet suave (madhura), comme jaune (p'ta) un objet blanc ((veta);
de même (!V spho"a 42) les gens qui courent ou sont embarqués dans un
bateau (dh!vanto n!vy!r&)h!( ca) perçoivent-ils les montagnes comme se
déplaçant (gacchat) ou s!agitant (bhramat) sous l!effet du mouvement (vega)
ou de l!agitation (bhrama); de même (!V spho"a 43ab) les gens dont les yeux
sont oints d!excrétions de crapaud (ma$)&kavasay! akt!k#!%) voient-ils des
serpents (uraga) au lieu de bambous (va*(a).
8
!V (abdanityat! 121cd"124: prayatn!bhihato v!yu% ko#"hyo y!t'ty asa*(a-
yam || sa sa*yogavibh!gau ca t!lv!der anurudhyate | vegavattv!c ca so !va-
(ya* y!vadvega* prati#"hate || tasy!tm[!]vayav!n!* ca stimitena v!yun! |
sa*yog! viprayog!( ca j!yante gaman!d dhruvam || kar$avyomani sa pr!p-
ta% (akti* (rotre niyacchati | tadbh!ve (abdabodh!c ca sa*sk!ro !d+#"a i#ya-
te ||. Le passage est cité TS n°2176cd"2179, PVSV$ 479,23 et 502,26"31
(voir APPENDICE B), et commente !Bh sous M%S& I.i.13/95,5"7 (voir n. 12,
p. 186). TSP 604,9"19 se révèle ici beaucoup plus riche et utile que NR'
538,20"539,10. Le processus de production des sons révélateurs et de mani-
festation de (abda est décrit dans D!SA 1980: 122"123. Là où Kum(rila dé-
crit la production des dhvani/n!da et la manifestation de la parole permanen-
te, Pra"astap(da (PDhS §§320"321) décrit la production de var$a imperma-
nents (doctrine du Vai"e#ika dans FRAUWALLNER 1973: II.170"171).
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 185

l"espace entier, mais] dure tant que [dure cette] impulsion. Et [il est
tout aussi bien] assuré qu"en raison de sa course, des conjonctions
et séparations se produisent entre ses propres particules et l"air
stagnant [alentour]. Ayant atteint l"éther [sis à l"intérieur] de l"o-
reille, il impartit à l"ouïe une [certaine] capacité; et puisqu"on [ne]
connaît la parole [que] si ces [conjonctions et disjonctionsTSP] exis-
tent, on admet une disposition invisible [de l"ouïe].» Le processus
mobilise plusieurs facteurs, parmi lesquels les sons bruts (dhvani,
n!da), particules d"air diversement disposées (sa"sk#ta) par l"ap-
pareil phonatoire et poussées par leur élan dans l"air environnant,
et la disposition (sa"sk!ra, sa"sk#ti) de l"éther auditif que produi-
sent ces sons bruts. Les sons émis, inscrits dans l"espace et le
temps, confèrent à l"organe auditif la convenance (yogyat!) ou ca-
pacité ($akti), ainsi spatio-temporellement limitée, de percevoir la
parole.9 Les sons bruts, instruments instantanés,10 sont les causes
de la révélation de la parole ($abd!bhivyaktihetu, "V $abdanityat!
45); leur échoit toute la relativité de notre expérience de la parole:
séquentialité, limitation spatio-temporelle, partition, intensité, vo-
lume, durée, débit.11 Quant à la disposition, suprasensible (at%ndri-
ya) et postulée par présomption (anyath!nupapatti, "V $abdanitya-
t! 126), elle est elle aussi la cause de ce que nous percevons la
parole ($abdagraha&ak!ra&a, "V $abdanityat! 130): l"ouïe qui n"a

9
"V spho'a 59 les dit «causes de la production des dispositions» (sa"sk!rot-
p!danahetava().
10
"V $abdanityat! 41: k)a&ika" s!dhana" c!sya buddhir anuvartate | megh!-
ndhak!ra$!rvary!" vidyujjanitad#)'ivat ||. «Et [notre] connaissance de la pa-
role aussi obéit à un instrument instantané, à la façon dont la vision naît [su-
bitement] par le fait d"un éclair au c#ur d"une nuit assombrie par les
nuages.»
11
Noter, parmi des centaines d"autres références possibles, "V $abdanityat!
221ab: eva" d%rgh!daya( sarve dhvanidharm! iti sthitam |. «Ainsi est-il ac-
quis que les [variations de] longueur, etc., sont les propriétés des [seuls] sons
bruts[, non des phonèmes].» Noter aussi "V spho'a 23: tenaikatvena var&a-
sya buddhir ekopaj!yate | vi$e)abuddhisadbh!vo bhaved vyañjakabhedata( ||.
«Donc en tant que le phonème est un, la connaissance [qui en] naît [est stric-
tement] une; que réellement l"on saisisse une différence doit donc provenir
du [seul] révélateur.»
186 Introduction

pas été disposée (sa!sk"ta) à cet effet ne perçoit pas la parole. La


parole-phonème une, permanente et omniprésente, est donc révélée
par un son brut multiple, instantané et localisé12: «Mais puisque
[pour être connue la parole] dépend des sons bruts révélateurs, on
l!appréhende en leur [seule] localisation, et les sons bruts n!ont pas
la capacité de couvrir l!espace entier; donc on ne perçoit pas par-
tout la [parole] sous une forme ininterrompue: les sons bruts occu-
pant des lieux spécifiques, [notre] audition s!y conforme " Et
puisque les [sons bruts n!]occupent [qu!]un petit espace, la notion
de la parole n!est pas omniprésente; mais puisque [ces sons bruts]
ont un mouvement (gati) et un élan [propres], l!auditeur croit que
(iva manyate) la parole vient de là où viennent ces [sons bruts].»
6.1.3. Selon Kum!rila, le signifiant est d!abord le mot (pada), le-
quel consiste en une séquence (ou série, [ordre de] succession: kra-
ma, #nup$rv%, #nup$rvya, racan#) particulière de phonèmes13: ce
n!est que révélés dans une séquence déterminée par une série de
sons bruts, que les phonèmes informent de la signification (prati-

12
"V &abdanityat# 172#175 (174ab excepté): vyañjakadhvanyadh%natv#t tad-
de&e tu sa g"hyate | na ca dhvan%n#! s#marthya! vy#ptu! vyoma niranta-
ram || ten#vicchinnar$pe'a n#sau sarvatra g"hyate | dhvan%n#! bhinnade&a-
tva! &rutis tatr#nurudhyate ! te(#! c#lpakade&atv#c chabdasy#vibhut# ma-
ti) || gatimadvegavattv#bhy#! te c#y#nti yato yata) | &rot# tatas tata) &abdam
#y#ntam iva manyate ||. Voir aussi "Bh sous M#S$ I.i.13/95,5#8: abhigh#tena
hi prerit# v#yav#) stimit#ni v#yvantar#'i pratib#dham#n#) sarvatodikk#n
sa!yogavibh#g#n utp#dayanti | y#vadvegam abhiprati(*hante ! anuparate(v
eva te(u &abda upalabhyate na uparate(u |. «Stimulées par l!impact, les parti-
cules d!air (v#yava)) produisent des conjonctions et disjonctions omnidirec-
tionnelles en heurtant d!autres particules d!air stagnantes, et se prolongent
tant que [dure leur] impulsion " On ne perçoit la parole que tant que ces
[conjonctions et disjonctions] n!ont pas cessé, [mais on ne la perçoit] pas une
fois qu!elles ont cessé.» Selon "V &abdanityat# 121ab, c!est là la position des
&rotriya (= at#rkika, TSP 604,8).
13
Sur ce point, voir D!SA 1980: 135#138, dont, p. 136: «[T]he padam cow is
made up of similar dhvani-s used in the same sequence manifesting the same
syllables in order to reveal the same meaning.» Sur le abhihit#nvayav#da de
Kum!rila, voir D!SA 1980: 166sq et KUNJUNNI RAJA 1963: 203#213; profes-
sions de foi dans "V &abdanityat# 109 et v#kya 110#111, 228#229.
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 187

p!daka, prak!"aka, praty!yaka, avabodhaka). N"en déplaise au


Spho"av!din, les phonèmes ont donc bel et bien la capacité de don-
ner accès à la signification, et ce moyennant la réunion de certaines
conditions (parmi lesquelles l"unité de locuteur, la suffisance nu-
mérique ou l"ordre déterminé de succession).14
La permanence réelle des phonèmes ne garantit toutefois pas la
permanence du mot comme corrélat, ainsi que s"emploie à le dé-
montrer une objection d"inspiration spho#av!din15: le signifiant est

14
#V spho#a 68cd: te$!m [= var%!n!m] asti hi s!marthyam arthapraty!yana&
prati |; #V spho#a 70ab: te$!& tu gu%abh't!n!m arthapraty!yana& prati |.
Sur les conditions de ekakart(tva, any'n!dhikatva et kramavi"e$atva, voir #V
spho#a 70cd et NR$ 373,26!27.
15
#V "abdanityat! 278!283: nanv !nup'rvyanityatv!d anityo v!cako bhavet |
pada& v!cakam i$#a& hi kram!dh)n! ca tanmati* || var%!* sarvagatatv!d vo
na svata* kramav(ttaya* | anityadhvanik!ryatv!t kramasy!to vin!"it! || puru-
$!dh)nat! c!sya tadvivak$!va"!d bhavet | var%!n!& nityat! tena ni$phal! pa-
ram!%uvat || yath! saty a%unityatve gha#e tadracan!tmake | na nityataiva&
var%e$u nitye$u padan!"it! || na ca kram!d vin! var%! vijñ!t!* pratip!da-
k!* | kramasyaiva padatva& vas tasm!d eva& prasajyate || pada& var%!tirik-
ta& tu ye$!& sy!t kramavarjitam | te$!m ev!rthavaty e$! "abdanityatvakal-
pan! ||. «[Objection:] Puisque l"ordre de succession est impermanent, le si-
gnifiant doit être impermanent [lui aussi]. Le signifiant, en effet, on admet
que c"est le mot; or [notre] connaissance du [mot] repose sur la série. Les
phonèmes, puisqu"ils sont selon vous omniprésents [et permanents], ne sub-
sistent pas en série par eux-mêmes. Puisqu"elle est l"effet de sons bruts im-
permanents, la série est donc périssable; et la [série] ne saurait que reposer
sur l"homme puisqu"[elle procède] de sa [seule] intention (vivak$!). Par con-
séquent, la permanence des phonèmes est stérile, comme [l"est celle] des ato-
mes. De même qu"une cruche, qui consiste [pourtant] dans un [certain] arran-
gement d"[atomes], n"est [nullement] permanente malgré que les atomes
[eux-mêmes] soient permanents, de même le mot périt-il [même] s"[il se
compose de] phonèmes permanents. De plus, les phonèmes ne communi-
quent pas [de signification dès lors] qu"on [les] connaît indépendamment (vi-
n!) d"une série [donnée]: ainsi s"ensuit-il donc que pour vous [M%m!&saka],
la série seule est le mot. Mais [chez ceux] pour qui il existerait, franc de [tou-
te] série, un mot séparé des phonèmes, chez ceux-là seuls [donc], postuler la
permanence de la parole est utile.» #V "abdanityat! 279cd!280ab est cité
PVSV' 490,12!13 (voir APPENDICE B), et défendu par Kar(akagomin dans
PVSV' 490,10!17.
188 Introduction

impermanent car l!ordre de succession est périssable, qui naît de


sons impermanents et procède de l!arbitraire humain. Poser la per-
manence des phonèmes ne prémunirait donc pas contre l!imperma-
nence du mot et sa dépendance par rapport à l!homme: que les
atomes soient permanents ne rend pas la cruche permanente. Selon
Kum!rila, le mot ne se limite pas à l!ordre de succession, car on ne
voit pas que cet ordre de succession révèle la signification sans re-
poser sur quelque autre entité (vastu), les phonèmes16: la perma-
nence réelle des phonèmes assure la possibilité même de la séquen-
ce (celle-ci serait sinon sans fondement, nirm!la). Reste à détermi-
ner si les phonèmes possèdent l!ordre de succession (kramopeta)
au titre d!une propriété (dharma), ou si l!ordre de succession est
une entité indépendante des phonèmes mais prenant appui sur eux
(var"#$raya). La réponse est sans ambiguïté17: «On n!admet pas
que cette [série], simple propriété des [phonèmes], soit une entité
distincte [des phonèmes]. Par conséquent, [ce n!est que] connus de
cette façon[, dans un ordre de succession donné, que] les phonèmes
peuvent donner à comprendre [la signification].» L!ordre de suc-
cession est donc une propriété des phonèmes; mais de l!analogie
avec les atomes et la cruche, faut-il conclure avec l!adversaire que
l!arrangement des phonèmes est produit ou périssable? Non. Pour
en montrer la permanence, Kum!rila recourt à la structure miméti-
que de l!apprentissage linguistique18: «Quant à la série, elle n!est

16
"V $abdanityat# 285ab: dvaye saty api ten#tra vijñeyo !rthasya v#caka% |.
«[Ce n!est que] si toutes deux existent [que la série,] alors connaissable par
[le biais de] cette [autre entité dont elle dépend], exprime la signification.»
17
"V $abdanityat# 286cd"287ab: dharmam#tram asau te&#' na vastvantaram
i&yate || ittha' prat(yam#n#% syur var"#s ten#vabodhak#% |. Le passage est
cité PVSV# 487,21"22 (voir APPENDICE B).
18
"V $abdanityat# 287cd"290ab: na ca kramasya k#ryatva' p!rvasiddhapari-
grah#t || vakt# na hi krama' ka$cit sv#tantrye"a prapadyate | yathaiv#sya
parair uktis tathaivaina' vivak&ati || paro !py evam ata$ c#sya sambandhavad
<
an#dit#PVSVT> | tenaiva' vyavah#r#t sy#d akau)asthye !pi nityat# || yatnata%
prati&edhy# na% puru&#"#' svatantrat# |. Comparer "V spho)a 71; le passage
est partiellement cité PVSV# 487,21"26 et 490,19"22 (voir APPENDICE B),
et dûment critiqué par Kar$akagomin dans PVSV# 490,18"29.
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 189

pas un produit car [chaque locuteur] se conforme à la [série telle


qu"elle était déjà] précédemment établie. En effet, aucun locuteur
ne forme la série de façon autonome[, à son seul gré]: il ne désire
la prononcer qu"à la façon dont d"autres l"ont prononcée [par le
passé], et de même [en va-t-il de tout] autre [locuteur]. Par consé-
quent, la [série] est sans commencement [dans le temps], à l"instar
de la relation [entre la parole et sa signification]. Ainsi donc est-ce
en vertu de l"usage que [la série] peut être permanente[, et ce] mal-
gré qu"elle ne soit pas immuable[ment permanente] (akau!asthye
!pi). Il faut à notre avis dénier avec énergie [toute] autonomie aux
hommes[, de peur que ceux-ci soient source d"autorité en lieu et
place du Veda].»
6.1.4. Sur un plan ontologique, les deux corrélats extralinguistique
(artha) et linguistique ("abda), le genre et les phonèmes, sont k#!a-
sthanitya, «permanents-immuables»; quant à la relation et aux
mots, qui s"apprennent mimétiquement (< dar"ana), ils sont vyava-
h$ra°/an$dinitya, «permanents-éternels». Sur un plan pragmatique,
l"appareil phonatoire produit en ordre défini des sons périssables
qui, en «formatant» la faculté auditive, révèlent des phonèmes per-
manents; sur la base d"une relation permanente (révélée par des
conventions), la séquence des phonèmes révélés (le mot) fait con-
naître la signification (genre et individu).

6.2. Dharmak"rti sur la révélabilité des entités permanentes


6.2.1. Dans PV I, les adversaires de Dharmak"rti défendent on l"a
vu la permanence (nityat$) de diverses entités (pseudo-entités pour
Dharmak"rti): genres et universaux (j$ti, s$m$nya) pour les Naiy!-
yika, Vai#e$ika ou M"m!%saka, relation entre parole et significa-
tion ("abd$rthasambandha) pour les M"m!%saka et les Grammai-
riens, spho!a pour les Grammairiens, phonèmes (var%a = "abda)
pour les M"m!%saka encore. Pour ces entités, ils revendiquent une
connaissance par révélation ou manifestation (vyakti, abhivyakti):
inaltérables (avik$rya, avik$rin), ces entités ne sauraient être pro-
duites ou causées pour être connaissables. En revendiquer la révé-
labilité présente donc l"avantage de n"en pas compromettre la per-
manence. Ces écoles demandent à des révélateurs (vyañjaka) d"as-
190 Introduction

surer la connaissabilité intermittente (i.e. limitée dans l!espace et


dans le temps) des entités permanentes (dites alors vya!gya, «révé-
lables»): instances individuelles ("#raya) ou inhérence (samav"ya)
pour les universaux réels, corrélats (sambandhin) pour la relation,
sons bruts (n"da, dhvani) pour le spho$a et pour les phonèmes.
Qu!est-ce qu!un révélateur? Commençons par une interprétation
intuitive ordinaire19: «Il est [communément] établi dans le monde
[qu!]à l!exemple de [choses] telles qu!une lampe, un révélateur [est
ce qui], par le biais de la connaissance [qu!on a] de lui, est la cause
de la connaissance d!un autre, sous réserve que cet [autre] soit éta-
bli avant [l!opération du révélateur].» L!exemple est classique: ce
n!est qu!à la faveur de notre connaissance de la lumière ([pra]d%pa,
«lampe») que nous connaissons la cruche (gha$a) fabriquée jadis
par l!opération (vy"p"ra) d!un potier (kul"la). Dans cette interpré-
tation intuitive de la révélation, on appelle «révélateur» ce qui fait
percevoir une entité préexistant à sa révélation (*siddhopalam-
bhaka). De là on extrait aisément la situation qui par contraste
définit l!agent (k"raka)20: «En revanche, [les entités] qui font per-
cevoir un [objet qui n!était] pas établi [avant leur propre opération,
celles-ci] ne sont que des agents, comme le potier notamment
[l!est] à l!égard de la cruche, etc.» On appelle donc «agent» ce qui
donne à percevoir (les conditions générales d!une perception étant
remplies par ailleurs) une entité préalablement inétablie (asiddho-
palambhaka).

19
PVSV 137,14"15: svapratipattidv"re&a anyapratipattihetur loke vyañjaka'
siddha' | d%p"divat | sa cet pr"k siddha' sy"t |. Voir aussi PV I.262ac1: sva-
jñ"nen"nyadh%hetu' siddhe !rthe vyañjako mata' | yath" d%pa'. «A l!exemple
de la lampe[, qui nous fait connaître une cruche déjà fabriquée par un potier],
on tient pour un révélateur [l!objet qui,] par la connaissance [que l!on a] de
lui, est la cause de [notre] connaissance d!un autre dès lors que [cet autre]
objet [avait déjà été] établi [par un agent].»
20
PVSV 137,17"18: ye punar asiddhopalambhan"' k"rak" eva kul"l"divad
gha$"dau |. PVSV! 494,28 porte asiddhopalambhak"', forme que j!adopte
par commodité dans mon exposé.
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 191

Mais dans une ontologie instantanéiste, que peuvent bien signifier


des expressions telles que «préexistant» ou «préalablement établi»?
A la suite de l"un des passages cités ci-dessus, Dharmak"rti décla-
re21: «[Si nous disons: #sous réserve que cet autre soit établi avant#,
c"est] parce qu"un instant homogène de la cause matérielle doit être
établi [avant l"opération du révélateur, et] non parce que [devrait
être établie] la propriété supplémentaire qui est la cause de la con-
naissance, car la[dite propriété supplémentaire] a [justement] pour
condition le complexe [causal] du [révélateur].» Dans le continuum
(sant!na ou santati, l"up!d!na ou «cause matérielle») de la cruche,
une phase (k"a#a) de cruche inapte à générer une connaissance de
soi-même préexiste à l"opération du révélateur. Entre l"instant où
elle était plongée dans l"obscurité (andhak!r!vasthita) et celui où
la lumière la révèle, la cruche a changé: elle est passée d"un état
(avasth!) d"incapacité à produire une connaissance de soi, à un état
où elle en est capable. La lumière a affecté le continuum: elle l"a
doté d"une propriété supplémentaire (ati$aya, vi$e"a), d"une conve-
nance (yogyat!) ou capacité (s!marthya, $akti) à générer la con-
naissance (vijñ!najanana, °utpatti, °utp!dana). En d"autres termes,
la lampe «apporte une aide» (upakaroti) à la cruche, en est l"auxi-
liaire/adjuvant (upak!raka, upak!rin), lui confère (!DH%) une pro-
priété supplémentaire: elle intervient à titre de cause coopérante
(sahak!rin) dans la production d"une nouvelle phase instantanée de
cruche.
Si la lampe produit un nouvel état de la cruche, c"est qu"elle en est
la cause, l"agent. La révélation se résout donc dans la causalité or-
dinaire22: «Même d"[entités] telles que les cruches[, voilà ce que]

21
PVSV 137,15!17: sam!naj!t&yop!d!nak"a#asiddhe' | na tasya eva ati$aya-
sya jñ!naheto' | tasya tats!magr&pratyayatv!t |.
22
PV I.234!235a: jñ!notp!danahet(n!) sambandh!t sahak!ri#!m | tadutp!da-
nayogyatvenotpattir vyaktir i"yate || gha*!di"v api yuktijñai'. Par «réunion»,
il ne faut entendre que la comprésence des causes en un lieu donné (samban-
dha glosé yogyade$!vasth!na dans PV$ P316b1/D264b4 = PVSV$ 423,6 =
Vibh. 372n. 1). Voir aussi PVSV 117,6!7: sahak!ri#a' sak!$!d up!d!n!pe-
k"!j jñ!najananayogyak"a#!ntarotpattir eva gha*!d&n!m abhivyakti' |. «La
manifestation d"[entités] telles que les cruches n"est [autre] que la produc-
192 Introduction

les experts en argumentation rationnelle admettent [être] la révé-


lation: que, grâce à la réunion (sambandha) des causes coopérant à
la production d!une connaissance, [ces entités] se produisent en
tant que convenant à produire cette [connaissance d!elles-mê-
mes].» Une entité est dite «révélable» lorsqu!elle dépend (apek!",
anurodha, etc.) d!un autre pour produire une connaissance; or «dé-
pendre d!un autre», c!est pour Dharmak!rti recevoir de cet autre la
propriété supplémentaire qui permet de produire un effet.23 D!une
entité révélable, voici la meilleure caractérisation24: «Par consé-

tion, grâce à la présence d!un coopérant qui dépend de la cause matérielle


[qu!est la phase précédente de la cruche], d!une nouvelle phase convenant à
générer une connaissance de soi-même].» Sur ce point, voir encore la mise
au point de Kar"akagomin dans PVSV# 500,26"31. Ici peut survenir l!objec-
tion suivante (PVSV 73,1; selon PV# P199b5/D174a3"4 = PVSV# 288,17,
l!adversaire veut montrer la spéciosité " vyabhic"ra " de l!affirmation «jana-
ka eva vyañjaka» [PV# P199a3"4/D173b2 = PVSV# 287,22]): si révéler re-
vient à produire, comment expliquer qu!on dise de la fumée (dh#ma) qu!elle
«révèle» le feu (agni, vahni), ou d!un héron (bal"ka) qu!il «révèle» l!eau
(salila, PV# P199b6/D174a4"5 = PVSV# 288,18"19)? La réponse de Dhar-
mak!rti (PVSV 73,2"7) fait ressortir un élément important demeuré implicite
jusque-là: la fumée ne rend pas le feu capable de générer directement (s"k!"t
= m$on sum du) une connaissance de soi-même, ne permet pas une connais-
sance perceptive (pratyak!a) du feu particulier (agnisvalak!a%a). La connais-
sance du feu par la fumée est médiate ou indirecte (paramparay"), ressortit à
l!inférence, repose sur un indice inférentiel d!ordre conceptuel-mnésique.
Donc pour qu!il y ait révélation de plein droit, il faut que le révélateur confè-
re au révélable la capacité de générer directement, perceptivement, une con-
naissance de soi-même. Sur le passage ici impliqué, voir n. suivante.
23
PV I.146: vijñ"notpattiyogyatv"y"tmany any"nurodhi yat | tad vya$gya&
yogyat"y"' ca k"ra%a& k"raka& matam ||. «[L!entité] qui[, telle une cruche,]
recourt à [quelque chose d!]autre afin de convenir à produire une connaissan-
ce de soi-même, celle-ci [est reconnue comme] révélable; et [ce qui, telle une
lampe, est] la cause de [cette] convenance, on [le] tient pour agent [de ce ré-
vélable].» PV I.146"147 a été traduit par FRAUWALLNER (1933: 72) et par
VETTER (1964: 103); PVSV ad loc. a été traduit par VETTER (1964: 102"
103), et a fait l!objet d!une paraphrase limpide par FRAUWALLNER (1933:
72"73). Sur le contexte général du passage, voir VETTER 1964: 98"110.
24
PVSV 117,12"15: tad ime svavi!ayajñ"najanane param apek!am"%"s tata(
svabh"v"ti'aya& sv)kurvanti | tena asya te jany"( | jñeyar#p"s"dan"t tu jñ"-
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 193

quent, dépendant d"un autre afin de générer une connaissance d"el-


les-mêmes (svavi!aya), ces [entités révélables] font leur une pro-
priété supplémentaire de [leur] nature propre grâce à cet [autre];
donc les [entités qu"on tient pour révélées ne sont en fait que] des
produits de cet [autre]. Mais puisqu"elles acquièrent [d"un révéla-
teur] une nature connaissable, on dit, d"un mot exprimant la spéci-
ficité de l"effet sous le rapport de la connaissance, [qu"elles sont]
"révélables#, afin de signaler [leur] différence [par rapport à des
effets dont la connaissance ne se saisit pas nécessairement].»
Un révélateur est donc un agent produisant dans une entité autre
que lui la capacité de générer une connaissance perceptive directe
de soi-même (modèle up"d"n"pek!am!siddhopalambhaka, exem-
ple: lampe/cruche), ou un agent produisant une entité capable de
générer une connaissance perceptive directe de soi-même (modèle

nava#ena k"ry"ti#ayav"cin" #abdena vi#e!akhy"tyartha$ vya%gy"& khy"pya-


nte |. Voir aussi PVSV 72,19!23: na khalu vai k"rak"d vyañjakasya ka#cid
bheda& | svavi!ayavijñ"notp"danasamartham apara$ saj"t'yop"d"n"pek!am
anapek!a$ v" janayan bh"vam eva vyañjaka ucyate | paratra tu jñ"najanana-
#aktir an"k!ipt" janyasya iti jananam"tre(a k"rakatvam |. «Il n"est assuré-
ment aucune différence entre révélateur et agent. [Simplement,] on appelle
un "révélateur# [l"entité] générant une autre entité qui, capable de produire
une connaissance d"elle-même (svavi!aya), soit dépend d"une cause matériel-
le de même type, soit n"[en] dépend pas. Mais étant donné qu"ailleurs[, i.e.
dans le cas de ce qu"on tient ordinairement pour un agent], la capacité de gé-
nérer la connaissance n"est pas impartie au produit (janya), [on considère que
la cause] est un agent car [elle] se limite à générer.» Explication, PV#
P199a5!6/D173b3!4 = PVSV# 287,23!24: na hi svavi!ayavijñ"najananasa-
martham eva k"rya$ k"rake(a b'j"din" janyate |. «En effet, un agent tel
qu"un germe ne génère pas un effet [tel qu"il] ne puisse que générer une
connaissance de soi-même.» Ici, la nouvelle entité générée peut dépendre
(cas de la cruche) ou non (cas de la parole) d"une cause matérielle. L"affir-
mation contredit-elle la distinction intuitive/ordinaire entre révélateur siddho-
palambhaka et agent asiddhopalambhaka? Non, car dans la mesure où la ré-
vélation n"est ultimement qu"un aspect de la production, la distinction tombe.
L"expression «révélateur notifiant une entité préalablement établie» est syno-
nyme de l"expression «agent produisant une phase capable en dépendance
d"une cause matérielle»; de même l"expression «agent notifiant une entité
préalablement inétablie» est-elle synonyme de l"expression «agent produisant
une phase capable indépendamment d"une cause matérielle.»
194 Introduction

up!d!n!napek"am!asiddhopalambhaka, exemples: potier/cruche,


appareil phonatoire/parole).
6.2.2. On peut poser ainsi le problème de la révélabilité des entités
permanentes: soit une entité permanente est d!une nature propre
productive (#akta, samartha, litt. «capable», «efficiente»), soit elle
est d!une nature propre improductive. Dans la première hypothèse,
elle produira son effet en permanence (nityam, sarvad!); dans la
seconde, elle ne le produira jamais (na sarvad!, na kad!cit). Or il
est de fait que nous n!avons de ce type d!entités qu!une connais-
sance intermittente: toute personne ne connaît pas partout et tou-
jours tout universel ou toute parole! Deux solutions s!offrent alors
à l!avocat de la permanence.
Première solution: en tant que l!entité permanente est manifestée
par des révélateurs limités dans l!espace et le temps (de#ak!l!dini-
yata), on ne la connaît pas en permanence. Mais en tant qu!elle est
permanente, répond Dharmak!rti, une entité est indépendante (ana-
pek"a) de tout coopérant, ne peut en recevoir ni propriété supplé-
mentaire (an!dhey!ti#aya) ni «aide» (anupak!rya). Or dans la ré-
vélation, un agent (le «révélateur») génère dans le continuum
d!une entité la phase efficace à produire la connaissance, impli-
quant de fait une nouvelle (antara, ap$rva) nature propre, un chan-
gement. La révélation d!une entité permanente est donc impossi-
ble25: «C!est pourquoi les objets qui, générant une connaissance
[d!eux-mêmes] par une aptitude (upayoga) [à le faire] directement,
dépendent d!un autre à cette [fin], ceux-ci obtiennent nécessaire-
ment de cet [autre] la nature [qui le leur permet]. Or [étant donné
qu!il est selon vous] permanent, l!universel n!obtient de rien la na-
ture [qui lui permettrait de générer une connaissance présentant son
aspect]; rien ne peut donc révéler cet [universel].» La même con-
clusion s!applique à des entités telles que le genre et la relation
(j!tisambandh!di), à la parole (#abda, notamment entendu comme

25
PVSV 73,7"11: tasm!d ye vi"ay!% s!k"!d upayogena vijñ!na& janayantas
tatra param apek"ante te "va#ya& tata !tm!na& pratilabhante | na ca ayam
!tmapratilambha% s!m!nyasya nityasya kuta#cit sambhavati | tasm!n na tat
kenacid vya'gyam |.
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 195

spho!a) et aux phonèmes26: sous peine de changer, une entité per-


manente ne peut acquérir (pratilambha) de rien la propriété supplé-
mentaire qui lui permettrait de générer une connaissance d"elle-
même.27
Deuxième solution: une obstruction ("vara#a) limitée dans l"espa-
ce et le temps entrave la nature productive de l"entité permanente.28
Mais pour qu"une obstruction nous interdise la connaissance d"une
telle entité, fait observer Dharmak"rti, il faudrait qu"elle en sup-
prime (kha#$ayati) ou retire (tirask"ra) la capacité; en d"autres ter-
mes, il faudrait que cette obstruction exerce une action (ki%citkara)
sur l"essence de l"entité, qu"elle lui apporte une propriété supplé-
mentaire (ati&ayotp"dana, ati&"yayati). Or une obstruction telle
qu"un mur (ku$ya) n"exerce aucune action (aki%citkara) sur une
cruche ! à moins que la causalité ne soit vraiment inconcevable
(acintya) aux êtres de perception limitée (arv"gdar&in), à qui n"est
pas omniscient (asarvavid).29 A la différence des entités supposées
permanentes, les entités instantanées (k'a#ika) ne gardent pas une
seule et unique nature propre (ekasvabh"v"nuv(tti), mais changent

26
Voir resp. PVSV 117,15!16, PV I.252cd + PVSV 131,16!21, PVSV 136,13!
15.
27
Intervient régulièrement l"hypothèse selon laquelle la convenance ou capaci-
té à générer produite par le révélateur est chose différente (arth"ntara, para-
bh)ta) de l"entité elle-même: l"adversaire espère ainsi en préserver l"incondi-
tionabilité. L"hypothèse ne résiste pas à l"analyse: si la convenance à générer
la connaissance était chose différente de l"entité, on ne percevrait que cette
convenance, et jamais l"entité elle-même (voir PVSV 72,25!26 et PVSV
117,9!11).
28
La problématique de l""vara#a avait elle aussi été (très sommairement) trai-
tée dès les NS (II.ii.18!21). L"objection soulevée par Gautama (reprise sans
grand développement par Pak#ilasv!min et Uddyotakara) est qu"on ne perçoit
pas (anupalabdhi) d"obstruction. Tout le débat de NS II.ii.19!21 porte sur la
question de savoir si de cette non-perception on peut tirer l"inexistence de
l"obstruction (ce qu"admet le Naiy!yika [NBh 110,17!111,1: yad upalabhya-
te tad asti, yan na upalabhyate tan na asti ity anupalambh"tmakam asad iti
vyavasthitam |], et que refuse bien sûr le M"m!$saka).
29
Voir PVSV 130,24!131,10.
196 Introduction

de phase en phase.30 Il est donc possible d!affirmer que toutes les


phases d!une cruche ne sont pas aptes à produire une connaissance
d!elles-mêmes.31 Pour que la cruche génère une connaissance d!el-
le-même, il faut la comprésence de divers coopérants en un lieu
adéquat (yogyade!"vasth"na), que ces coopérants forment un com-
plexe causal en un lieu où rien ne s!interpose entre eux (condition
de l!avyavadh"nade!ayogyat").32 Si tel est le cas, ces coopérants
génèrent une phase capable de produire la connaissance; mais si
quelque chose vient à s!interposer, la condition d!adéquation du
lieu n!est plus satisfaite, et la connaissance ne se produit pas. L!in-
terposition d!un mur entre la cruche et la faculté sensorielle n!est
que l!absence du complexe causal nécessaire à la coproduction
d!une phase efficace. N!exerçant aucune action, une obstruction ne
saurait donc aliéner sa capacité à une entité permanente: cette en-
tité restera capable de générer la connaissance même en présence
de l!obstruction supposée.
On voit donc sans peine tout le bénéfice que peut retirer Dharma-
k!rti de sa réduction de la révélation à la production: ou bien une
entité est permanente et donc non révélable (sa nature propre étant
immuable), ou bien une entité est révélable et donc impermanente
(puisque son révélateur lui aura conféré une propriété supplémen-
taire).33

30
Voir PV" P358b6"7/D296b3"4 = PVSV" 473,17.
31
Voir PVSV 130,17"24.
32
Sur ce point, voir STEINKELLNER 1967b: 131 (n. 52).
33
Dharmak!rti ne se satisfait pas de cette réfutation positive. Dans PVSV
138,30"141,7, il concède provisoirement la révélabilité de la parole (P PVSV
138,30"139,2), et invite son adversaire à choisir entre trois concepts alterna-
tifs (vikalpa) d!une révélation par les organes phonatoires: celle-ci pourrait
consister (1) dans l!obtention par la parole d!une propriété supplémentaire
(ati!ayavatt", ati!ayotpatti); (2) dans la levée d!une obstruction ("vara#avi-
gama) à la perception de la parole; (3) dans la simple connaissance (vijñ"na,
buddhi) de la parole. Ces trois hypothèses sont respectivement traitées dans
PVSV 139,2"3, PVSV 139,4"140,24 (où 139,23"140,24 constitue un excur-
sus consacré à M!S# I.i.18 et 20: voir pp. 197"203) et PVSV 140,25"141,7.
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 197

6.3. Contre deux arguments m!m"#saka en faveur de la permanence


6.3.1. Dans PV I.266 et PVSV:140,3!14 et 18!20, Dharmak"rti
s"en prend à un argument célèbre en faveur de la permanence de la
parole: explicitement depuis #abara, la M"m!$s! invoque un rai-
sonnement fondé sur la notion d"une reconnaissance (pratyabhi-
jñ"na) perceptive et infaillible.34 L"argument trouve son expression
classique sous M"S% I.i.20, qui débute ainsi35: «On dit que le mot
&vache# a été prononcé huit fois et non qu"il y a eu huit mots &va-
che# $ Cette expression montre qu"il y a reconnaissance [du mê-
me mot].» Naiy!yika et bouddhistes ne se sont pas privés de juger
fallacieuse (vyabhic"ra, etc.) la reconnaissance, comme le p$rva-
pak%in du #Bh36: «Induits en erreur (vy"m$&ha) par une ressem-
blance (s"d'(ya) alors même qu"il y a altérité, nous concluons à l"i-
dentité.» Comme Kum!rila dans son sillage, #abara concède qu"est
erronée une reconnaissance dont on constaterait a posteriori qu"el-

34
Sur cet argument chez #abara, voir D"SA 1980: 81 et surtout BIARDEAU
1964: 187!191; importants matériaux et remarques dans MIMAKI 1976: 13!
24. #V (abdanityat" 372ab: pram")a# pratyabhijñ"na# d'&hendriyatayo-
cyate |. «On appelle la reconnaissance instrument-critère en tant qu"elle [naît]
de l"organe ferme.» Traduction MIMAKI 1976: 217n. 41. L"idée rejoint celle
de #Bh sous M"S% I.i.20/105,7: na na* kara)adaurbalyam |. Pour Kum!rila,
l"objet de la reconnaissance entendue comme pratyak%apram")a est l"univer-
sel (s"m"nya, #V (abdanityat" 414), en dehors bien sûr de la parole, dont il
n"y a ni genre ni universel.
35
#Bh sous M"S% I.i.20/105,5!6: a%+ak'tvo go(abda uccarita iti vadanti na
a%+au go(abd" iti ! anena vacanena avagamyate pratyabhij"nanti iti |. Tra-
duction BIARDEAU 1964: 187. #V (abdanityat" 370cd: pratyabhijñ"nam ete-
na prayoge)opalak%itam ||. «Cet emploi [de k'tvasuc-] indique la reconnais-
sance.» PVSV' 504,29!505,6 renvoie d"ailleurs à M"S% I.i.20 et #Bh 105,5!
6: voir n. 624, p. 377, et APPENDICE B.
36
Adapté de #Bh sous M"S% I.i.20/106,1!2: atha matam anyatve sati s"d'(yena
vy"m$&h"* sa iti vak%yanti |. Voir la critique de Uddyotakara dans NV sous
NS II.ii.32/288,9!289,10, qui insiste essentiellement sur l"inconclusivité de
la reconnaissance (cf. NV 288,11: tatpratyak%avi%ayatvam anyatve "pi ity
anek"nta* |). Pour l"essentiel des critiques bouddhiques, voir MIMAKI 1976:
13!24.
198 Introduction

le se fondait sur une simple similitude;37 dans le cas de la parole


toutefois, nulle expérience postérieure ne vient jamais infirmer la
perception initiale de l!identité. Selon ses adversaires, la reconnais-
sance n!est pas seulement fallacieuse; elle est encore inconclusive
étant donné qu!elle vaut également d!objets aussi notoirement im-
permanents que les mouvements (karman) et les connaissances
(buddhi). La réponse de !abara est déroutante38: «La faute [que
vous dénoncez] n!a pas cours, car ces [objets] ne sont pas percepti-
bles; mais s![ils étaient] perceptibles, [alors ils seraient] bel et bien
permanents.» Comme l!a montré BIARDEAU, la réponse fait sens
dans le contexte de !abara: nous ne percevons pas le mouvement,
mais le seul instrument du mouvement dans son déploiement gra-
duel; et faute d!autoréflexivité de la connaissance, une connais-
sance (nir!k!ra!) n!est qu!inférée «de la connnaissance-d!une-cho-
se» (BIARDEAU 1964: 188). Selon Kum"rila, !abara entend simple-
ment signifier ici qu!on ne saurait reconnaître ce qu!on ne perçoit
pas.39 De plus, la simple non-perception (anupalambham!tra) ne
suffit pas pour conclure à l!inexistence ou à la destruction ([vi]n!-

37
!Bh sous M#S$ I.i.20/106,3: vidite ca sphu"e !nyatve vy!moha iti gamyate |.
«Et l!on conclut à l!erreur lorsque l!altérité est connue en toute clarté.» !V
#abdanityat! 373"374ab: nitya$ sad%#a eveti yatra r&'h! matir bhavet | sa iti
pratyabhijñ!na$ bhr!ntis tatr!vakalpate || iha nitya$ sa eveti vijñ!na$ j!ya-
te r&'ham |. «Là où l!on aurait la ferme notion d!une constante similitude*, il
est juste qu!une reconnaissance à l!identique (sa iti) [n!]est [qu!]impression
trompeuse; [mais] ici[, dans le cas de la parole], une ferme connaissance de
constante identité [nous] vient.» *Tel est le cas fameux des cheveux et des
ongles.
38
!Bh sous M#S$ I.i.20/106,5"6: na e(a do(a) | na hi te pratyak(e | atha pra-
tyak(e nitya eva |. Ce passage est longuement commenté par Kum"rila (dans
!V #abdanityat! 375"415); l!adversaire juge la réponse de !abara incohéren-
te (asambaddha): non seulement les cruches devraient être permanentes (k.
377ab, anaik!ntikat!), mais l!espace (!k!#a) devrait être impermanent (k.
377cd, viruddhat!)!
39
!V #abdanityat! 379; NR% 585,14"15: pratyak(anibandhan! eva pratyabhi-
jñ!, ata) pratyak(atvani(edhena pratyabhijñ! eva ni(idhyata iti |. «La recon-
naissance a pour cause la perception; donc en niant la perceptibilité, on nie
[de fait] la reconnaissance.»
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 199

!a): on ne peut conclure à l"inexistance qu"une fois connue l"ab-


sence totale de pram"#a; mais lorsqu"on dispose d"un pram"#a tel
que la perception (i.e. la reconnaissance), on ne saurait être sans
pram"#a!40 Et il est faux que ce qu"on reperçoit après un temps a
péri dans l"intervalle, car alors «on ne croirait pas [voir] sa mère,
sa femme ou son père».41 Le bouddhiste (< ye !pi sarve$"% bh"v"-
n"% pratik$a#a% vin"!am abhyupagacchanti) affirmant la destruc-
tion se contredit par le fait même qu"il en parle; enfin,42 «une con-
naissance d"identité est perceptive[, alors qu"une connaissance de]
similitude est inférentielle; or on n"avance pas une inférence que
contredit la perception.» Dharmak"rti tiendra compte des réaména-
gements qu"impose à la doctrine l"ontologie de Kum!rila, mais
omettra de préciser que ce dernier ne tient pas la reconnaissance
pour une preuve de la permanence.43

40
Selon #Bh sous M"S$ I.i.20/106,10!12: na hy anupalambham"tre#a na asti
ity avagamya na$&a ity eva kalpayanti | apram"#at"y"% vidit"y"% na asti ity
avagacch"ma' | na hi pram"#e pratyak$e saty apram"#at" sy"t |. Voir la tra-
duction de BIARDEAU (1964: 191).
41
#Bh sous M"S$ I.i.20/106,9!10: m"tari j"y"y"% pitari v" n"!!!vasyu' |. Tra-
duction BIARDEAU 1964: 191. Voir aussi #Bh sous M"S$ I.i.20/107,2!3: ta-
th" g(h"n nirgat"' sarvag(hajanam apa!yanta' puna' pravi!ya upalabha-
m"n" api na pr"k prave!"d vina$&a ity avagacchanti |. Librement: «De même,
n"apercevant aucun habitant une fois sortis de la maison et percevant [les ha-
bitants] après y être entrés à nouveau, ne concluons-nous pas à la destruction
[des résidents] avant [notre ré]entrée.» Pour une critique de vin"!it", voir #V
!abdanityat" 424!441.
42
#Bh sous M"S$ I.i.20/107,7!8: sa iti pratyak$a' pratyaya' sad(!a ity "nu-
m"nika' | na ca pratyak$aviruddham anum"nam udeti |. Voir #V !abdani-
tyat" 422!423.
43
#V !abdanityat" 389 et 391: n"sm"bhi' pratyabhijñ"na% nityas"dhanam
i$yate | anityav"dinas tv e$" pratyak$e#a viruddhat" || tad ucyate vin"!itvam
anum"n"t prat)yate | !abde pratyak$agamye ca tena b"dho bal)yas" ||. «Nous
ne considérons pas la reconnaissance comme ce qui prouve la permanence,
mais [insistons sur le fait que] le partisan de la théorie de la non-permanence
[des choses] se contredit avec la perception [qu"est la reconnaissance] #
Nous [M"m!%saka] répondons ainsi[:] pour le son perceptible par la percep-
tion, on reconnaît la momentanéité (vin"!itva) par l"inférence. Mais [cette in-
férence] est annulée par la [perception], plus puissante qu"elle.» Traduction
200 Introduction

6.3.2. Dans PV I.266 et PVSV 140,14!18, Dharmak!rti s"attaque


encore sommairement à un argument fondé sur satprayoga, dont
Kar"akagomin et Manorathanandin montrent qu"il repose sur M!S#
I.i.18.44 D"après $abara,45 si la parole périt sitôt prononcée (uccari-
tam!tre hi vina"#e $abde), elle ne peut assurer sa seule fonction,
celle de communiquer la signification à autrui (param artha% pra-
ty!yayitum): inutile au processus de la communication, on ne l"em-
ploierait pas. En revanche, si la parole ne périt pas sitôt prononcée,
on peut connaître la signification (arth!vagama) à chaque fois
qu"on perçoit (upalabdha) la parole ($Bh 101,10!102,4). Le pro-
pos a donc ici encore en vue la nécessaire répétabilité de la parole.
La raison sous-jacente à ce curieux argument tient à la nature mê-
me de la relation: si la parole n"était pas répétable, elle serait tou-
jours nouvelle (nava), et donc sans signification communicable;
tout procès de communication serait impossible, et il faudrait refi-
xer à chaque fois la signification (ce qui inspire à Kum%rila de rap-
peler, dans $V $abdanityat! 254!266, les arguments développés
contre &$vara dans le sambandh!k"epaparih!ra). En outre, la res-
semblance (s!d'$ya, entre deux paroles prononcées à intervalle)
invoquée par l"adversaire est trompeuse: on comprendrait m!l!
lorsque «$!l!» serait prononcé ($Bh 102,5!8; sur s!d'$ya, $V
$abdanityat! 267!277); un seul effort articulatoire (ekena ucc!-
ra(ayatnena) ne pourrait assurer à la fois la communication (sa%-
vyavah!ra) et la mise en relation avec la signification (arthasam-
bandha, $Bh 102,9!11). Il est notable que dans son traitement de

MIMAKI 1976: 226n. 83 et 218n. 45 resp. Voir aussi $V $abdanityat! 442


sous M!S# I.i.21: eva% sthitasya $abdasya $rutik!l!t k"a(!ntare | sambh!-
vyate vin!$itva% na bh)yo !nyena hetun! ||. En d"autres termes, la reconnais-
sance établit perceptivement l"identité d"une entité (parole ou genre) entre
deux moments, mais n"en prouve pas la permanence; le bouddhiste qui par
inférence soutient l"impermanence s"en trouve donc invalidé par reconnais-
sance perceptive.
44
PVSV& 505,8!11 et PVV 385,16!17: voir n. 624, p. 377, et APPENDICE B
pour les citations. Sur M!S# I.i.18 et $Bh ad loc., voir BIARDEAU 1964: 186,
et surtout D"SA 1980: 80. Le p)rvapak"a de NV 259,11!17 (sous NS II.i.68)
donne aussi un intéressant aperçu de la problématique.
45
$Bh sous M!S# I.i.18/101,10!102,12.
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 201

satprayoga, Dharmak"rti paraît ne tenir aucun compte des dévelop-


pements que subit l"argument après #abara.46
6.3.3. Ces deux arguments, Dharmak"rti les réfute essentiellement
par ce qu"on nomme le vin!"itv!num!na47: «Puisque [leur] destruc-
tion est dénuée de cause [extérieure], toutes les entités sont mo-
mentanées: [nous l"avons] dit et [le] dirons [encore].» Par vin!"i-
tv!num!na, on entend «l"inférence [de la momentanéité] s"appu-
yant sur la destruction [des choses]» (MIMAKI 1976: 31!32), forme
que prend, de l"AKBh à PV (compris) la preuve bouddhique de
l"instantanéité (k#a$abha%gasiddhi, k#a$ikatv!num!na, etc.).48 De

46
Notamment de la critique adressée par Uddyotakara, sous NS II.ii.29!32, à la
répétabilité de la parole (critique reprise point par point dans #V "abdanitya-
t! 229!234 [p&rvapak#a, que NR$ 558,7 attribue aux Naiy!yika], et contrée
dans #V "abdanityat! 235!315). Dans NV 287,12!15, Uddyotakara reproche
successivement à l"argument «abhy!s!t» (NS II.ii.29, qui groupe la matière
de M"S% I.i.18 et 20) les carences formelles suivantes: non-établissement
(asiddhat!, et #V "abdanityat! 229), inconclusivité (anaik!ntikat!, et voir
#V "abdanityat! 230), caractère contradictoire (viruddhat!, et voir #V "a-
bdanityat! 231). Dans #V "abdanityat! 235!236, Kum!rila argue de ce que
M"S% I.i.18 n"entend pas formuler une inférence, mais un raisonnement pré-
somptif (arth!patti). Dans #V "abdanityat! 309!311, Kum!rila affirme que
le S%trak!ra et le V&ttik!ra (?, gl. bh!#yak!ra dans NR$ 573,3!4) ne formu-
lent ici qu"un fait (artha), qui servira de fondement à une inférence qu"ils
n"explicitent pas, et que Kum!rila formule comme suit (k. 311a2d): sthira'
"abdo dh&magotv!dij!tivat | sambandh!nubhav!pek#as!m!ny!rth!vabodha-
n!t ||. «La parole est constante, à l"exemple de genres tels que l"[être-]fumée
ou la bovinité, car en dépendance de [notre] expérience d"une relation, elle
[nous] fait connaître un objet [qui est] un universel.» Dharmak"rti ne présup-
pose aucun de ces développements.
47
PVSV 140,1!2: k#a$abha%gino hi sarvabh!v! vin!"asya ak!ra$atv!d ity
ukta( vak#yate ca |. La réfutation couvre PV I.266!267a, et PVSV 140,1!24.
48
Sur la preuve de Vasubandhu, voir LA VALLEE POUSSIN 1980: III.4!6, MI-
MAKI 1976: 234!235n. 113 et STEINKELLNER 1968: 363!364; sur la transi-
tion du vin!"itv!num!na au sattv!num!na chez Dharmak"rti, voir STEIN-
KELLNER 1968 (et, en résumé, MIMAKI 1976: 31!35); sur l"évolution de la
preuve de l"instantanéité après Dharmak"rti, voir FRAUWALLNER 1935 (Dhar-
mottara) et MIMAKI 1976 (#!ntarak'ita, Ratnak"rti). PV I contient deux for-
mulations convergentes du vin!"itv!num!na, PVSV 98,4!100,24 ( ! PVin
202 Introduction

nature apagogique, la preuve entend montrer que toutes choses


sont impermanentes (ou: momentanées/instantanées) par le fait mê-
me qu!elles sont produites (k!takatva) ou qu!elles existent (sattva).
Pour établir la vy"pti entre les propriétés «être-impermanent» et
«être-produit», Dharmak!rti montre que la destruction (ou: l!ané-
antissement, [vi]n"#a) d!une entité n!est due à aucune cause exté-
rieure (ahetuka, ak"ra$a), est spontanée ("kasmika, AKBh). Indé-
pendante de toute cause extérieure, la périssabilité d!une entité res-
sortit donc à sa seule nature propre.49 Si toutes les entités sont im-

II.76,10"78,14/26*,14"28*,18 et 81,7"83,8/30*,27"32*,21: voir STEINKELL-


NER 1979: 85"88 et 98"100) et PVSV 141,17"150,2 (voir VETTER 1964: 13"
18, qui résume utilement le passage). Ces deux passages sont discutés dans
STEINKELLNER 1968: 364"369.
49
PVSV 98,8"9: prak!ty" eva na#vara%. Voir aussi PVSV 141,17"24 dans
VETTER 1964: 15. Dans PVSV 94,8"100,24, Dharmak!rti établit de deux fa-
çons que la périssabilité d!une entité est indépendante de toute cause exté-
rieure: (1, dans PVSV 98,9"22 ! PVin II.76,14"77,9/26*,22"27*,11) Si une
entité dépendait d!une autre quant à sa destruction, même une entité telle
qu!une cruche pourrait être permanente; la remarque vaut que l!on admette
une ou plusieurs causes à cette destruction (une cause ne produit pas néces-
sairement son effet; un complexe causal peut être incomplet " vaikalya " ou
«entravé» " pratibandha). (2, dans PVSV 100,8"24 ! PVin II.82,9"
83,8/31*,25"32*,21) A supposer même qu!une cause de destruction existe,
celle-ci serait incapable (as"marthya, PV I.196a ! PVin II k. 56a) de produire
cette destruction. Comme l!avait noté Vasubandhu (MIMAKI 1976: 234n.
113, début) et comme Dharmak!rti le réaffirmera (dans PVSV 142,26"143,2,
voir VETTER 1964: 17), la destruction d!une entité n!est autre que son inexis-
tence (vin"#a = abh"va); or l!inexistence n!est pas un effet (k"rya, et comme
telle n!a pas de cause, AKBh): «Daraus ergäbe sich, daß die Ursache des
Vergehens ein Nichtvorhandensein hervorbringt» (PVSV 100,15 ! PVin
II.82,15"16/32*,5"7: tad aya& vin"#ahetur abh"va& karoti iti pr"ptam |, tra-
duction STEINKELLNER 1979: 99). De plus, la destruction censément produite
par cette cause extérieure serait soit la chose elle-même, soit autre chose
qu!elle. Mais nulle cause ne peut produire ce qui est déjà établi dans l!exis-
tence (siddha); et une destruction autre que la chose elle-même n!affecterait
nullement la chose, n!exercerait aucune action sur elle (voir aussi PVSV
143,2"3 dans VETTER 1964: 17): «Deshalb hängt (das Ding) nicht von einer
(Ursache des Vergehens) ab, die, weil sie weder dieses noch ein anderes
Wesen hervorbringt, gar nichts hervorbringt» (PVSV 100,13"14 ! PVin
II.82,13"14/32*,1"3: tadatadr'p"kara$"c ca aki&citkaro na apek(yata iti |,
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 203

permanentes, un indice inférentiel (li!ga) tel que la reconnaissance


ne saurait être présent dans aucune entité telle qu"elle pourrait tenir
lieu de co-instance (sapak"a) de la propriété à prouver: ce que l"ad-
versaire m#m$%saka tient pour un argument (s$dhana) est donc dé-
nué d"exemple (anud$hara&a). Et comme un tel indice n"est pré-
sent que dans des contre-instances (vipak"a) de ladite propriété, cet
argument n"est rien d"autre que contradictoire (viruddha).50

traduction STEINKELLNER 1979: 98).


50
Dharmak"rti ne présente une critique systématique de pratyabhijñ$na que
dans PV III.503cd et suivantes. Mais on doit à Kar#akagomin plusieurs déve-
loppements autonomes (PVSV$ 497,8!498,20) consacrés à la critique de la
reconnaissance comme moyen de connaissance valide. Parmi ceux-ci,
PVSV$ 494,31!495,20, dont voici le c#ur (P PVSV$ 495,6!14 ): prathame
k"a&e 'abdagraha&a% dvit#yak"a&e p(rvag)h#ta'abd$hitasa%sk$raprabodhas
tato !nyasmin k"a&e 'abdasmara&am | tata' caturthe k"a&e tirohite tasmin sa
eva aya% gha*a'abda iti pratyabhijñ$na% katha% pratyak"a% sy$d asa%ni-
hitavi"ayatv$t | na api pr$kprabuddhasa%sk$rasya pu%so var&agr$haka%
pratyabhijñ$na% sambhavati | var&asya s$%'atv$d ity uktam | antyavar&a-
bh$gak$le ca p(rvavar&abh$g$n$m asattvena antyasya api var&asya asa%-
nihitatv$t | ata eva padav$kyayor api gr$haka% pratyak"a% pratyabhijñ$na%
na sambhavati var&asamud$yatv$t pad$der antyavar&ak$le ca p(rvap(rva-
var&$n$m asattv$t | sa%nihitavi"aya% ca pratyak"am i"yate | tasm$n na pra-
tyak"a% pratyabhijñ$na% var&apadav$kye"u tattvagr$haka% sambhavati |.
«Au premier instant, on appréhende [sensoriellement] la parole[, disons
%gha*a$]; au deuxième instant s"actualise la disposition qu"avait imprimée
une parole précédemment appréhendée; à un autre instant [encore] que celui-
ci[, c"est-à-dire au troisième instant], on se souvient de [cette] parole [précé-
demment appréhendée]: comment donc une reconnaissance du type %c"est ce
même mot %gha*a"$[, reconnaissance qui ne survient qu"une fois] passé le
quatrième instant*, pourrait-elle être une perception, puisqu"elle n"a pas
d"objet qui soit [actuellement] présent? De plus, il est impossible que pour
une personne chez qui une disposition a précédemment été actualisée, la re-
connaissance appréhende un phonème, parce qu"on a [déjà] dit qu"un phonè-
me comporte des parties, et qu"au moment de la dernière partie du phonème,
même le dernier phonème n"est pas [actuellement] présent étant donné l"ine-
xistence [à ce moment] des parties antérieures du phonème. Par conséquent
[et sur le même modèle], il n"est pas possible non plus qu"une reconnaissance
perceptive appréhende un mot ou une phrase, parce que [ceux-ci] sont des
collections de phonèmes**, et qu"au moment du dernier phonème du mot [ou
de la phrase], aucun des phonèmes antérieurs n"existe plus. Or on admet que
204 Introduction

6.4. Dharmak!rti sur la notion d!ordre de succession phonétique


6.4.1. Autour de PV I.301d-307, Dharmak!rti développe ses vues
propres en matière d!ordre de succession phonétique. Il y met en
scène un locuteur désireux d!évoquer chez son interlocuteur un
étang (sara!) en prononçant le mot «sara!». Dans le continuum
psychique de ce locuteur (vakt"sant#na) se succèdent plusieurs
connaissances51 (jñ#na) ou pensées (citta, cetas): désir d!articuler
le son «s», désir d!articuler le son «a», etc. Chaque connaissance
antécédente forme le samanantarapratyaya («condition en qualité
d!antécédent égal et immédiat»52) de la suivante; chacune est la
cause (k#ra$a, hetu, samutth#pana, samutth#paka) d!un son ou
phonème (dhvani, var$a): la séquence de production (utpattikra-
ma) des phonèmes procède donc de la séquence des pensées origi-
natrices (samutth#pakacittakrama) dans le continuum du locu-
teur.53 Sous ce rapport, les phonèmes sont séquentiellement les ef-
fets (krame$a k#ryat#, PVSV" 567,12) des connaissances origina-
trices (dont chacune est elle-même l!effet de la précédente et le
samanantarapratyaya de la suivante). Chacun des phonèmes/sons
successivement produits est à son tour la cause d!une connaissance
sensorielle auditive (%ruti, %rotravijñ#na, gr#hicetas, pratyaya) de
soi-même (svavi&aye, #tmani), c!est-à-dire d!une connaissance
ayant pour objet le phonème (var$#lambana), dans le continuum
psychique de l!auditeur (%rot"sant#na): la séquence des phonèmes
produits génère directement (s#k&#t) la séquence des connaissances

la perception a un objet qui est [actuellement] présent. Il est donc impossible


qu!une reconnaissance perceptive appréhende l!identité de phonèmes, de
mots ou de phrases.» *Ou: [qu!une fois] ce [souvenir] passé au quatrième in-
stant; **ou: parce que le mot [et la phrase] sont des collections de phonèmes.
51
Dont #$ntarak%ita et Kamala&!la précisent qu!elles sont autant de vivak&# (TS
n°2700"2702 et TSP ad loc).
52
Sur le samanantarapratyaya, voir AK II.62ab et AKBh ad loc. (LA VALLEE
POUSSIN 1980: I.300"306).
53
Voir PVSV" 567,8"10: vakt"sthena p'rvap'rvavar$asamutth#pakacittena
uttarottaravar$asamutth#paka( citta( janyata iti samutth#pakacittakram#t
tatsamutth#py#n#( var$#n#m utpattikrama! |. Voir aussi PVSV" 567,19"22.
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 205

auditives.54 Sous ce rapport, les phonèmes sont donc séquentielle-


ment les causes (krame!a k"ra!at", PVSV" 567,13) des connais-
sances sensorielles. Notons au passage que chaque connaissance
sensorielle précédente intervient à titre de coopérant (sahak"rin <
apek#") dans la production, par le phonème, de la connaissance
suivante: voilà pourquoi les phonèmes sont appréhendés (samava-
s$yate = g%hyate) comme ayant ce phonème précédent pour déter-
minant (tadup"dhi = p&rvavar!avi'e#a!a). Mais chaque phonème
ne se limite pas à générer directement une connaissance auditive de
soi-même: si les phonèmes ne sont pas prononcés (ucc"ryam"!a)
trop rapidement (atitvaritam, atidrutam), leur audition est assez
lente (mandac"rin, apa(u) pour qu"ils génèrent ("dhatte, upal$ya-
nte) encore ensuite (pa'c"t), indirectement (p"ramparye!a), un
souvenir d"eux-mêmes (sm%tim "tmani), et ce en dépendance du
(c"est-à-dire avec pour coopérant le) souvenir du phonème précé-
dent.55

54
Voir PVSV" 567,10!11: kramotpannai' ca var!ai) svavi#ay"!i kramabh"-
v$ny eva 'rotravijñ"n"ni s"k#"j janyante |. Voir aussi PVSV" 567,22!24.
55
#MAE (1999: 297!299) présente un tableau résumant utilement la situation
décrite jusqu"ici. Noter encore PV I.302!303: yo yadvar!asamutth"najñ"na-
j"j jñ"nato dhvani) | j"yate tadup"dhi) sa 'ruty" samavas$yate || tajjñ"naja-
nitajñ"na) sa 'rut"v apa(u'ruti) | apek#ya tatsm%ti* pa'c"d "dhatte sm%tim
"tmani ||. «Le son brut [$a#] naît d"une connaissance née [elle-même] de la
connaissance [qui est] la cause du [son brut] $s#[, toutes deux connaissances
appartenant au continuum du locuteur; et comme $s# l"a été avant lui,] $a#
est appréhendé comme ayant $s# pour déterminant (up"dhi) par une connais-
sance auditive ('ruti) [qui appartient au continuum de l"auditeur]. Lui dont la
connaissance [de soi est co]générée par la connaissance de $s# [en qualité de
coopérant], ce [son] $a#, si la connaissance auditive [en] est [assez] lente
(apa(u'ruti) lorsqu"on [l"]entend, génère ("dhatte) ensuite [indirectement] un
souvenir de lui-même en dépendance du souvenir de $s#.» PVSV 160,19!
161,3: cittasamutth"n" hi v"gvijñaptir var!apadav"ky"bhidh"n" | tatra sak"-
rasamutth"panacetas" samanantarapratyayena ak"rotth"panacittam utth"-
pyate | tath" reph"k"ravisarjan$yotth"pan"ni p&rvap&rvapratyay"ni | tad ime
!ny"nyahetavo var!") svak"r"nup&rv$janm"na) | 'rutik"le !pi yad" manda-
c"ri!a) p&rvavar!ajñ"nasahak"ripratyay"pek#") svajñ"na* janayanti | tad"
p&rvavar!asmara!"pek#" eva sm%tim upal$yante |. «En effet, la notification
vocale que cause une pensée (citta) porte [ordinairement] le nom de $phonè-
206 Introduction

Dharmak!rti et ses successeurs fondent leurs définitions de l!!nu-


p"rv# sur le double rapport de causalité qu!entretient chaque pho-
nème. Ainsi de PV I.30456: «Donc [ce qu!]on entend [ordinaire-
ment] par "ordre de succession" n!est que le fait, de caractère stric-
tement humain, que les phonèmes sont [séquentiellement] les effets
et les causes des pensées (cetas) qui en sont les causes et [des pen-
sées] qui les appréhendent.» Ainsi de PVSV 161,3#657: «La nature
propre des phonèmes a [donc d!une part] la propriété d!être engen-
drée par des conditions qui sont [à la fois] des effets et causes

me", de "mot" ou de "phrase". Dans le cas du [mot "sara$! par exemple,] la


pensée (cetas) [qui est la] cause du son "s! génère, comme condition en qua-
lité d!antécédent égal et immédiat, la pensée [qui est la] cause du son "a!. De
même les causes des sons "r!, "a! et du visarga, ont-elles chacune pour con-
dition [en qualité d!antécédent égal et immédiat] chaque [pensée] antécéden-
te (p"rvap"rva). Donc ayant [respectivement] pour cause chaque nouvelle
(any!nya) [pensée], ces phonèmes [successifs] naissent de l!ordre de succes-
sion [qui est celui] de leurs propres causes. Et lorsque, [s!ils] procèdent [as-
sez] lentement au moment où on [les] entend, [ces phonèmes] génèrent une
connaissance [expérientielle] d!eux-mêmes en dépendant (°apek%a) de la
condition coopérante [qu!est] la connaissance du phonème précédent, alors
ils suscitent un souvenir [d!eux-mêmes] en dépendant du souvenir du phonè-
me précédent.»
56
PV I.304: ity e%! pauru%eyy eva taddhetugr!hicetas!m | k!ryak!ra&at! var-
&e%v !nup"rv#ti kathyate |.
57
PVSV 161,3#6: sa e%a var&!n!' bhinnak!ryak!ra&abh!vapratyayanirv(tti-
dharm! bhinnanirvartanadharm! ca svabh!va$ puru%asa'sk!rabhedabhin-
na$ krama ity ucyate |. Voir aussi TS n°2702: tatsamutth!pakagr!hijñ!n!ni
prati janyat! | hetut! v!nup"rv#ya' var&e%u puru%!)ray! ||. «Que [les phonè-
mes] soient [à la fois] produits et* causes par rapport à des connaissances qui
les causent et [des connaissances] qui les appréhendent, tel est l!ordre de suc-
cession s!agissant des phonèmes[, lequel] se fonde sur l!homme [seul].» *J!ai
lu ca pour v!. PV# ñe P35a5#6/D31a5#6 = PVSV# 567,12#13: tato var&!-
n!' samutth!pakajñ!nakram!d y! krame[&a] k!ryat! | svavi%ayajñ!ne%u ca
y! krame&a k!ra&at! s! eva !nup"rv# iti vyavasth!pyate. «Donc [Dharma-
k!rti] établit que l!ordre de succession [phonétique], c!est le fait que les pho-
nèmes sont de façon successive des effets [procédant] de la succession des
connaissances originatrices, et le fait qu!ils sont de façon successive les cau-
ses de connaissances [auditives] dont ils sont eux-mêmes les objets.»
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 207

particuliers,58 et [d"autre part] d"engendrer un [effet] particulier59:


c"est cette [nature propre], qui diffère selon le conditionnement
(sa!sk"ra) humain,60 qu"on appelle "succession [de phonèmes]#.»
6.4.2. Contre la M#m!$s! qui soutient l"unicité des phonèmes en
différents ordres de succession, Dharmak#rti se trouve désormais
en mesure d"affirmer l"altérité radicale des phonèmes: ceux-ci dif-
fèrent d"articulation en articulation comme les pensées originatri-
ces diffèrent (ainsi que les propriétés physiologiques de chaque ap-
pareil phonatoire, etc.)61: «Donc la nature des phonèmes est tout à
fait autre de mot en mot [bien qu"on lui impute conceptuellement
une unité de par sa ressemblance;62 autre, elle l"est parce qu"elle]
diffère par le conditionnement de [son] agent[, la pensée originatri-
ce; mais] associée [sous forme successive, cette nature] produit un
effet spécifique[, i.e. la connaissance d"une signification particuliè-
re].63» En eux-mêmes et à l"état isolé, les phonèmes sont certes

58
PV% ñe P38a6/D33b7 & PVSV% 571,5!6: etena taddhetucet"!sy apek#ya
var$"n"! k"ryatvam uktam |.
59
PV% ñe P38a6!7/D33b7!34a1 & PVSV% 571,7: tadgr"hicet"!sy apek#ya
k"ra$atvam "ha |.
60
PV% ñe P38a8/D34a2 & PVSV% 571,9: puru#asa!sk"rabhedabhinna% puru-
#aprayatnabhedabhinna%.
61
PV I.305: anyad eva tato r&pa! tad var$"n"! pada! padam | kart'sa!sk"-
rato bhinna! sahita! k"ryabhedak't ||. Voir aussi PVSV 161,9!11: tasm"n
na khalv eka eva pade#u var$"n"! svabh"va% kart'cittasa!sk"rabhedena
bhed"t | sa ca parasparasahita% k"ryabhedahetu% |. «Donc dans des mots
[tels que "sara%! et "rasa%!,] la nature propre [qui est celle] des phonèmes
n"est assurément pas une, car elle diffère selon le conditionnement de la pen-
sée [qui en est] l"agent. Et cette [nature propre différente à chaque mot est] la
cause d"un effet spécifique [lorsqu"elle se trouve] en association mutuelle
(parasparasahita) [avec d"autres, parce qu"elle fait alors l"objet d"un concept
unitaire].»
62
Selon PVSV% 571,29!30: tad iti s"d'(y"d ekatvena adhyavasitam api r&pa!
var$"n"m.
63
Noter l"importante PVSV% 572,13!16: yadi param"rthato var$akrama% sy"t
tad" as"v ekapad"dir&patay" kalpito "rthasya pratip"daka% sy"t | yata( ca
ekena vikalpena vi#ay)k't"% krami$o var$"% pratip"dak" ata eva ekavikalp"-
208 Introduction

dénués de signification (nirarthaka, PV I.238a, arth!pratip!daka,


PVSV! 572,12); mais prononcés avec d!autres en un ordre de suc-
cession donné, ils apparaissent sous la forme d!un concept unitaire
(ekavikalp!vabh!sin, PVSV! 572,15), et ce n!est qu!en tant que
les phonèmes successifs font l!objet d!un concept unitaire (ekena
vikalpena vi"ay#k$t!%, PVSV! 572,14), sont conçus sous forme
d!un mot un (ekapad!dir&patay! vikalpit!%, PVSV! 572,13"14),
qu!ils communiquent la signification. Telle était déjà la position de
Dharmak"rti contre le Spho#av$din.
Contre la M"m$%s$ qui soutient la permanence de l!ordre de suc-
cession, son autonomie par rapport à l!arbitraire humain, Dharma-
k"rti peut ensuite affirmer que les causes de l!ordre de succession
étant humaines (connaissances ou pensées successives, qui selon
PVSV 161,15 sont le fruit de la délibération et de la décision " vi-
tarkavic!rak$ta), cet ordre de succession lui-même est de création
humaine (pauru"eya, puru"!'raya), obéit au seul arbitraire humain
(puru"ecch!nuvidh!yin, selon PV! ñe P39b3"4/D35a3, PVSV!
573,17"18 ici lacunaire)64: «Et cet ordre de succession des phonè-
mes, il procède de la [personne] qui produit l!agencement (raca-
n!), car des [phonèmes] dont l!établissement est compatible (avi-
ruddha) avec l!arbitraire [humain] sont incompatibles avec un or-
dre de succession (krama) fixe. [Nous avons] dit que l!ordre de
succession des phonèmes, c!est la nature propre particulière que
produisent des conditions qui sont [tout à la fois] des effets et des
causes. Or étant donné que cet [ordre de succession] est le fait de la
délibération et de la décision65 humaines, les phonèmes n!ont pas

vabh!sitv!t | krami(!) var(!n!) r&pa) sahita) k!ryabhedak$d ity ucyate.


64
PV I.306 et PVSV 161,14"20: s! c!nup&rv# var(!n!) prav$tt! racan!k$ta% |
icch!!viruddhasiddh#n!) sthitakramavirodhata% || k!ryak!ra(abh&tapratya-
yotpannasvabh!vavi'e"o var(!n!m !nup&rv# ity uktam | s! ca puru"avitarka-
vic!rak$t! iti na sthitakram! var(!% | icch!!viruddhasiddhikramatv!t | kar-
mavi'e"!nukramavat | na hi sthitakram!(!) de'ak!layor himavadvindhya-
malay!d#n!) b#j!*kur!d#n!) ca svecchay! kramaracan! 'akyate kartum |
tata eva puru"adharmasa*khy!te vikalp!nukrame sati bh!v!d asati ca abh!-
v!t |.
65
PV! ñe P39a4"5/D34b4 & PVSV! 572,29"30: kim idam ida) v! iti vimar'!-
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 209

d"ordre de succession fixe (sthitakrama), car ils possèdent un ordre


de succession qui est compatible avec l"arbitraire [humain], à l"in-
star d"une série de mouvements particuliers. On ne peut en effet
[ré]agencer à son propre gré l"ordre de succession de [choses] qui,
tels l"Him!laya, le Vindhya et le Malaya, ou (ca) tels le germe et la
pousse, entrent dans un ordre de succession fixe selon l"espace ou
le temps.66 Donc puisque [l"ordre de succession des phonèmes]
existe si la série conceptuelle, qui compte parmi les propriétés hu-
maines, existe, et que [cet ordre de succession] n"existe pas si [la
série conceptuelle] n"existe pas[, le rapport de causalité entre hom-
me et ordre de succession phonétique est établi s"agissant des
énoncés ordinaires].»
Produits par des causes et conditions qui ressortissent exhaustive-
ment à la pensée et à la physiologie humaines, phonèmes et ordres
de succession sont de création humaine et varient avec chaque
nouvelle phonation. Ils ne doivent leur constance apparente qu"à
une falsification conceptuelle qui érige une ressemblance (s!d"#ya)
en identité (ekatva). Entre phonèmes et ordres de succession d"un
côté, et effort phonatoire de l"autre, subsiste la relation de co-oc-
currence régulière qui définit un rapport de causalité (k!ryak!ra-
$abh!va), celle-là même qui subsiste entre le feu et le combustible.
Le nier reviendrait à revendiquer la fortuité (!kasmikatva, ou
«spontanéité», c"est-à-dire l"absence de cause, ahetukat!) des pho-
nèmes et ordres de succession: indépendants et donc sans détermi-
nation (niyama) spatiale, temporelle et ontologique, ceux-ci pour-
raient se produire toujours et partout; et le nier des seuls phonèmes
et ordres de succession védiques exposerait le M"m!#saka à des
conséquences inadmissibles. Telle est la conclusion de Dharma-

k!ro vikalpo vitarka% | idam eva iti ni#cay!k!ro vic!ra% |. «Vitarka, c"est un
concept d"aspect délibératif, du type: $Est-ce ceci ou cela?#; vic!ra, [un con-
cept] d"aspect décisif, du type: $C"est cela#.»
66
Noter l"explication de PV% ñe P39b2!3/D35a2!3 & PVSV% 573,14!16: na hi
himavatsth!ne vindhyo bhavatu malayasth!ne vindhy!dir ity eva& p'rvam
a(kuro bhavatu pa#c!d b)j!t tajjanakam iti puru*ecchay! #akyate vipary!sa%
kartum | var$!s tu #akyante yatheccha& vipary!situm |.
210 Introduction

k!rti67: «Puisque le feu existe si le combustible existe [et] que [le


feu] n!existe pas si [le combustible] n!existe pas[, un rapport de
causalité est établi entre eux; donc] même un feu dont on ne voit
pas le combustible n!est pas sans combustible, parce que ce [feu
alors dénué de cause] ne saurait connaître de limitation dans l!es-
pace et le temps,68 et parce que si [l!on admet] une limitation, c!est
cet [espace-temps] qui est le combustible étant donné que le com-
bustible se caractérise comme la cause matérielle du feu.69 De mê-
me, si cette série de phonèmes ne dépendait pas du concept humain
[qui en est la cause],70 elle se manifesterait d!elle-même, indépen-
dante (nir!lambana) [qu!elle serait par rapport à l!homme; et] mê-
me si [l!homme] s!efforçait [de la prononcer, cette série de phonè-
mes] ne pourrait [être manifestée] puisqu!elle ne s!originerait pas à
l![effort articulatoire humain].71 Si [l!on admet] une capacité [de

67
PVSV 161,23"162,11: sati indhane d!hav"tter asaty abh!v!d ad"#$endhano
!pi dahano na anindhanas tasya de%ak!laniyam!yog!t | niyame ca tasya eva
indhanatv!d dahanop!d!nalak#a&atv!d indhanasya | tath! ayam api var-
&!nukrama' puru#avikalpa( yadi na apek#eta nir!lambana' svaya( prak!-
%eta | yatne !pi na %akyeta | atatprabhav!t | kvacic chaktau sarvas tath! sy!t |
vi%e#!bh!v!t | tadbh!vabh!vino !tadvi%i#$asya ca atatk"tau sarvatra k!ryak!-
ra&abh!va% ca nir!k"ta' sy!t | anvayavyatirekalak#a&atv!t tasya | lak#a&!-
ntara( v! vaktavyam | sarve !pi gha$!dayo bh!v!' k"trim! ak"trim!['] pra-
sajanti | tatra apy eva( vikalpan!y!' sambhav!t | vi%e#!bh!v!c ca | t!n api hi
parakriy!dar%anap)rvakam eva anya' karoty aviditakart!ra% ca kecid iti
sarve#!( ke#!(cid v! !kriy!bhinive%o !stu | tasm!t sarv! eva iya( var&!nu-
p)rv* prasiddhak!ryak!ra&abh!vavastudharm!natikram!t puru#ak"t! |.
68
Explication, PV" ñe P40a5/D35b3 = PVSV" 573,28: sarvatra sarvad! bh!-
va' sy!t |. Un tel feu serait !kasmika («spontané», «fortuit»).
69
Explication, PV" ñe P40a7"8/D35b5: me"i ñe bar len pa ma gtogs par %i+ la
mtshan ñid g,an yod pa ma yin no ||. «[En effet,] il n!est d!autre définition du
combustible que d!être la cause matérielle du feu.»
70
Noter PV" ñe P40b1/D35b6: gal te skyes bus ma byas pa yin na ,es bya ba"i
don to ||. «Le sens [visé est]: si [cette série de phonèmes] était incréée.» S et
PVSV" 574,10 portent puru#aprayatnam, contre PVSVt ce P522b7 et PV"
ñe P40a8/D35b6, qui portent skyes bu"i rnam par rtog pa.
71
Explication, PV" ñe P40b3"4/D36a1: bdag ñid kya+ gsal ba ma yin ,i+ skyes
bu"i "bad rtsol yod du zin kya+ skyed par mi nus pa ma yin pa de"i phyir skyes
Chapitre 6 ! Contre le phonocentrisme de Kum!rila 211

l"homme à la produire] dans un certain cas[, celui de la série ordi-


naire], il faut que toute [série phonétique, védique aussi bien qu"or-
dinaire,] soit telle[, c"est-à-dire de création humaine], car il n"y a
pas [la moindre] différence [entre séries phonétiques ordinaire et
védique].72 Et si [la série védique,] qui [n"]existe que si l"[effort
humain] existe et qui ne se différencie [sous aucun rapport] de la
[série ordinaire, devait n"être] pas le fait de l"[homme, alors] le
rapport de causalité devrait être nié partout[, c"est-à-dire même
dans ce qu"on reconnaît comme étant de facture humaine], car ce
[rapport de causalité] se définit [précisément] comme co-présence
et co-absence; ou bien[, si malgré leurs co-présence et co-absence
vous n"admettez pas ce rapport de causalité entre effort et série vé-
dique], il [vous] faudra formuler une définition alternative [du rap-
port de causalité.73 Mais si, malgré une définition identique du rap-
port de causalité, on admet que la série ordinaire est artificielle
alors que la série védique ne l"est pas, alors] il s"ensuivra que tou-
tes les entités [tenues pour des effets], telles les cruches, [pourront
être] artificielles [aussi bien que] non artificielles,74 parce que dans
leur cas aussi, le départ [entre production et révélation] serait de

bus ma byas pa ma yin no !es bya bar dgo"s so ||. «Or elle ne se manifeste
pas d"elle-même, et elle n"est pas sans pouvoir se produire lorsque l"effort
[articulatoire] de l"homme existe; donc elle n"est pas incréée: [telle est] l"in-
tention [de Dharmak"rti].»
72
Explication, PV# ñe P40b5!6/D36a3 = PVSV# 574,15!16: vi#$dyapanaya-
n$dilak#a%asya vi&e#asya laukike#v api d'#(e) |. «La différence qu"on défini-
rait notamment comme l"élimination du venin, etc.[, et qu"on réputerait pro-
pre aux séries védiques], on [la] constate également dans les [séries phonéti-
ques] ordinaires.» Sur ce point, voir PVSV 123,14sq.
73
Explication, PV# ñe P41a3!4/D36a7!b1 = PVSV# 574,24!25: yadvirah$d
vaidik$n$* puru#aprayatnena saha k$ryak$ra%abh$vo na sy$t | na ca anyal
lak#a%a* k$ryak$ra%abh$vasya asti |. «Grâce à l"absence duquel* il pourrait
n"y avoir pas de rapport de causalité entre [séries] védiques et effort [hu-
main]. Or il n"y a pas d"autre définition du rapport de causalité.» *«Duquel»,
c"est-à-dire de celui qu"on définit comme coprésence et co-absence.
74
C"est-à-dire: impermanentes aussi bien que permanentes (PV# ñe P41a5!
6/D36b2).
212 Introduction

même possible,75 et parce qu!il n!y a pas [la moindre] différence


[entre paroles védiques et cruches sous le rapport de l!obéissance à
l!opération humaine]. Celles-ci aussi, en effet, tel [potier les] fabri-
que après [en] avoir observé la fabrication par d!autres [potiers an-
térieurs], alors que certaines sont de fabricant inconnu[, telles les
cruches que l!on trouve en tel endroit déserté depuis longtemps]: il
faudra donc croire à l!incréation (akriy!) de toutes ou de certaines
cruches.76 Donc puisqu!il ne déroge pas à [cette] propriété des enti-
tés qui est d!entrer dans un rapport de causalité [fermement] établi,
tout ordre de succession phonétique est le fait de l!homme[, que cet
ordre de succession soit ordinaire ou védique].»

75
C!est-à-dire: si certaines séries sont révélées plutôt que produites, de même
pourra-t-il en aller de certaines cruches (PV! ñe P41a7/D36b3 = PVSV!
574,28"29).
76
Selon deux arguments m"m!#saka en faveur de l!an!dit!: ved!dhyayana#
sarvam#, et kartur asmara$!t (voir resp. PV I.240sq et PV I.239, et chapitre
4). Puisque tous les potiers ont appris d!autrui la fabrication des cruches, tou-
tes les cruches seront incréées; puisqu!il existe des cruches dont on ne se rap-
pelle pas les fabricants (asmaryam!$akart%ka), certaines cruches seront in-
créées. Sur ces différents points, voir les longues explication de PV! ñe
P41b1"42a1/D36b5"37a4 et PVSV! 575,9"19 (lacunaire).
Deuxième partie

Traduction française annotée


d e PV S V 1 0 7 , 1 4 ! 1 4 1 , 1 7
A v e r t i s s e m e n t q u a n t à l a t r a du c t i o n

1. La présente traduction française suit le texte établi par GNOLI (=


PV I), dont j!ai fait une lecture philologiquement plutôt conserva-
trice. Tous les amendements apportés à ce texte sont signalés en
APPENDICE C. La traduction elle-même tente d!adapter la phrase
nominale, elliptique et compacte de Dharmak!rti, à la langue fran-
çaise, laquelle n!est pas toujours un modèle de souplesse. J!ai «ver-
balisé» la plupart des phrases nominales; régulièrement donné un
tour actif à la phrase passive; utilisé les tournures en «on» pour res-
tituer celles des phrases passives qui me paraissaient devoir le res-
ter. Le seul texte de Dharmak!rti ne serait pas plus immédiatement
accessible en français qu!il ne l!est en sanskrit: ma traduction est
donc farcie de supplétions signalées par des crochets ou parenthè-
ses carrées. L!immense majorité tire sa matière des commentaires
indigènes.
2. Comme je l!ai signalé dans mon avant-propos, l!annotation in-
frapaginale reflète pour l!essentiel la matière proprement explica-
tive des commentaires indigènes (PV", PVSV" et PVV, ainsi que
divers passages parallèles de la SS[V] et de TS[P]), et contient des
informations ponctuelles qui ne pouvaient ou ne devaient recevoir
de traitement en INTRODUCTION ou en APPENDICE(S). Il va sans di-
re que je n!ai pu rendre justice à la pénétration philosophique et à
l!érudition des commentateurs, de Kar#akagomin surtout: afin de
ne pas surcharger une annotation déjà lourde, j!ai souvent renoncé
à traduire ces commentaires, pour en résumer la teneur. Ces notes
occasionnent divers renvois aux §§ de l!INTRODUCTION, aux AP-
PENDICES. Toutes les citations produites par les commentateurs ont
été reléguées en APPENDICE B, où elles sont " dans la mesure du
possible " identifiées et traduites; dans la traduction elle-même,
des marques de type #$% signalent un segment textuellement mal
établi, et renvoient aux remarques consignées dans l!APPENDICE C
(celles-ci y figurant selon l!ordre page/ligne de l!édition GNOLI).
Traduction

PVSV 107,14
[Objection:] Lorsque vous affirmez que l!inexistence d!u-
ne entité n!est pas établie quand bien même les trois moyens de
connaissance valide n!opéreraient pas, [nous concédons bien vo-
lontiers que] "si les [deux] moyens de connaissance valide autres
[que l!Écriture, c!est-à-dire la perception et l!inférence,] n!opèrent
pas#, on ne peut nier [des entités hors d!atteinte par le temps, l!es-
pace ou la nature propre], car ces deux [moyens de connaissance
valide] ne portent pas sur tous les objets (vi!aya) ".# En revanche, il
n!est rien que ne couvre l!Écriture; comment [se fait-il dès lors
que] la non-opération de l![Écriture] ne [nous] fasse pas connaître
[l!inexistence de telles entités]? [Réponse:] Sur ce point, [nous a-
vons déjà] dit que tous les objets ne sont pas évoqués dans les Écri-
tures, car [beaucoup] ne satisfont pas au contexte [d!une discussion
des finalités humaines].1 2De plus,
puisque les paroles n!entretiennent pas de relation nécessaire
avec les entités [réelles particulières], on n!établit [aucun] ob-
j e t [ e x t r a m e n t a l ] g r â c e à e l l e s : le s [par o l es n!] i ndiq u ent e n ef-
fet [que] l!intention du locuteur.3 [PV I.213]

1
Cette discussion initiale présuppose PVSV 101,19$102,12: voir pp. 67$69 et
n. 3, p. 68.
2
Selon PV! P284a4$5/D242a3$4, PVSV! 389,23$24 et Vibh. 363n. 4, Dhar-
mak"rti a provisoirement admis jusque-là l!autorité (pr"m"#ya) de l!Écriture
en matière d!objets extramentaux (b"hya). Dans ce qui suit, il lui refuse toute
autorité en matière extramentale.
3
Selon PV! P285a6/D242a4, les paroles sont un moyen de connaissance vali-
de par rapport aux intentions (vivak!", PV!/PVV) de leurs locuteurs, et non
par rapport aux entités réelles. Explication, PVV 363,9: tadanvayavyatirek"-
nuvidh"yitv"t |. «Parce que [les paroles] obéissent à la présence et à l!absence
de cette [intention du locuteur].» Sur ce point, voir infra, PVSV 113,25$
114,3, PVSV 118,14$17, et pp. 140$142.
218 Traduction
PVSV 107,22 4
Les paroles en effet ne se réfèrent pas aux entités [réelles
particulières] (yath!bh!va" vartante), de sorte que (yata#) grâce à
elles on s!assurerait de la nature [même] des objets: les [paroles]
tirent en effet leur existence de l!intention du locuteur;5 [et comme
elles sont] en relation nécessaire avec celle-ci, il n!y a donc que
l![intention du locuteur] qu!elles puissent faire connaître. 6Or tou-
tes les intentions humaines ne sont pas objectives,7 et une entité8
n![en] fait pas connaître une autre si sa nature propre ne lui est pas
liée. PVSV 108,1 [Objection:] Mais9 comment [expliquer alors] que

4
Développement sur vivak$! et l!inférence de la signification dans PVSV!
389,27"30 et Vibh. 363n. 3. Dans ce qui suit, on comprendra «entité» (bh!-
va) au sens de particulier (extramental) (PV! b!hyasvalak$a%a; PVSV! sva-
lak$a%a).
5
Comparer STEINKELLNER 1979: 65 et YAITA 1987: 6. Ma traduction s!inspire
de PVSV! 390,8: vivak$ay! v&ttir ye$!" te tathokt!# |. Noter aussi PV!
P285b1/D242a6: de la rag lus pas skye ba can 'es bya ba!i don to ||. PVSVt et
PV! rendent: brjod par !dod pa la rag lus pas !jug pa can dag (voir YAITA
1987: n. 38), alors que le passage parallèle de PVin (II.66,5"6/17*,30"31)
porte: brjod par !dod pas !jug pa!i phyir.
6
Selon les objections introductives (PV! P285b2"3/D242a7 et PVSV! 390,9"
10), il subsiste une relation (sambandha, PV!) entre paroles et entités, ou une
non-déviation des paroles par rapport aux objets (arth!vyabhic!ra, PVSV!),
car même si les paroles se réfèrent aux intentions, celles-ci n!apparaissent
pas sans le particulier extramentalPVT ou extralinguistique ([b!hya]svalak$a-
%am antare%a).
7
Selon PV! P285b4/D242b1 et PVSV! 390,11"12, sont objectives les inten-
tions des personnes qui, ayant détruit les fautes morales (k$(%ado$a), font
preuve de compassion (k&p!lu). Selon PVV 363,10"11, des intentions «inob-
jectives» pourraient procéder de l!ignorance ou de l!intention de tromper (vi-
sa"v!d!bhipr!y!d ajñ!n!d v!). Voir pp. 75"81.
8
Selon PV! P285b6/D242b2, une entité consistant en parole ()abd!tman);
selon PVSV! 390,13, un particulier de parole ()abdasvalak$a%a). «Une au-
tre», c!est-à-dire une entité (vastu). La proposition répond à qui voudrait que
la parole fasse connaître sans pour autant être liée (apratibaddha) à ce qu!elle
fait connaître. Voir ELTSCHINGER 2003: 138"140, 153"154.
9
Selon PV! P285b5"6/D242b3 = PVSV! 390,15: «Mais si la parole n!a pas
d!autorité concernant une entité extramentale#» Selon PV! P286a2/D242b5
Traduction 219

[votre maître Dign!ga] ait dit de l!Écriture qu!elle est une inféren-
ce [en matière d!objets extramentaux, lorsqu!il a déclaré]: «P Puis-
que la parole d!une personne crédible est semblable en fiabilité,
elle est une inférence»10? [Réponse:] 11La personne [désireuse d!a-
gir] ne peut vivre sans recourir à l!autorité d!une Écriture, parce
qu!elle [y] apprend les grands bénéfices et les [grandes] "infortu-
nes# [qu!elle retirera] de [ses] renoncement et consentement à cer-
tains [actes] dont les résultats [lui demeurent] invisibles,12 13et par-

= PVSV" 390,20, l!adversaire cherche à mettre Dharmak#rti en contradiction


avec ses propres présuppositions (abhyupetab!dh!).
10
Dign!ga, PS II.5ab: voir pp. 69$70. Explication, PV" P285b7$286a1/
D242b3$4 $ PVSV" 390,16$18: yo ya !ptav!da" so !visa#v!d$ | yath! k%a-
&ik!" sarve sa#sk!r! ity!dika" | !ptav!da' ca ayam atyantaparok%e !py ar-
the | tasm!d ayam apy avisa#v!d$ ity evam !ptav!dasya avisa#v!das!m!-
ny!d avisa#v!ditv!d anum!nat! iti. «La parole d!une autorité est fiable,
comme [est fiable un propos] tel que: %Tous les confectionnés sont instan-
tanés.% Or la parole d!une autorité porte également sur un objet radicalement
imperceptible. Donc la [parole qui est la sienne] est également fiable [lors-
qu!elle porte sur un objet radicalement imperceptible]. Ainsi donc [est-ce]
parce que la parole d!une autorité possède le caractère général de la fiabilité,
de par [sa] fiabilité [donc, que cette parole] est une inférence.» & ne dit pas
!ptav!da, mais k%$&ado%av!da (ñes pa zad pa"i tshig, cf. aussi PVSVt P479a7
et PV", passim), et n!a pas d!équivalent de avisa#v!ditv!t. Voir aussi Vibh.
363n. 5.
11
Introduction, PV" P286a2$3/D242b5$6 = PVSV" 390,21$22: voir pp. 73$
75 et n. 23, p. 74.
12
Par «grands bénéfices», il faut entendre un résultat tel que le ciel (svarga),
que l!on gagne en s!abstenant d!intentions nuisibles par exemple (hi#s!dice-
tan!); par «grandes infortunes», un résultat tel que les enfers (naraka), que
l!on gagne en y consentant (PV" P286a5$6/D242b7$243a1 = PVSV"
390,24$26); voir aussi Vibh. 363n. 5. Explication, PV" P286a6$7/D243a1 =
PVSV" 390,26$27: na ca atra vastubalaprav(ttam anyat pram!&a# s!dha-
kam asti yena !gamam anapek%ya anyata" pram!&!t pravarteta |. «Or sur ce
point, il n!est aucun autre moyen de connaissance valide probateur procédant
en vertu de quelque chose de réel grâce auquel [la personne] pourrait agir
indépendamment de l!Écriture.»
13
Introduction, PV" P286a7$8/D243a1$2 = PVSV" 390,28: na api b!dhakam
asti yato nivarteta |. «[Mais] il n!est pas davantage de [critère] annulateur
grâce auquel [cette personne les] nierait.»
220 Traduction

ce qu!elle ne perçoit pas de contradiction à l!existence des [résul-


tats désirable et indésirable que prévoit l!Écriture]. Donc étant don-
né que s!il faut agir [sur la base d!une Écriture], "mieux vaut# agir
ainsi14, [le maître Dign!ga] propose une autorité [procédant] par é-
valuation [de l!Écriture]. 15Et [seul] le [traité qui forme]
un énoncé consistant, [présente] un moyen adapté [à la réalisa-
tion du résultat16 et] exprime une finalité humaine, est qualifié
à ce qu!on [en] évalue [la fiabilité]; un [énoncé] autre que celui
[dont on vient de préciser la nature] n![y] est [en revanche] pas
qualifié. [PV I.214]
PVSV 108,9
La consistance [interne, c!est] le concours [que se prêtent
mutuellement, par leurs rapports de subordination,] les énoncés en
convergeant vers un objet unique, [et] non la simple disparate,
comme [c!est le cas] d!énoncés tels que «dix grenades[, six gâ-
teaux, un bol, du cumin, du sésame].17» Sinon[, faute de consistan-
ce, voilà qui] témoignerait de l!incohérence du locuteur [qui a
composé le traité]. De plus, un [homme] en quête de résultats ne
saurait s!attacher à examiner ni des traités "qui ordonnent un mo-
yen inapproprié aux résultats#18, ni [des traités] dont le résultat
n!est pas une finalité humaine,19 à l!exemple de la recommandation

14
Explication, PV" P286b1/D243a2$3 = PVSV" 391,9: evam !gama" par#-
k$ya, «ainsi[, c!est-à-dire] après avoir [dûment] évalué l!Écriture [sur la base
de laquelle on compte agir].»
15
Sur PVSV 108,6$16, voir pp. 102$104.
16
Explication grammaticale du composé sambaddh!nugu%op!yam dans PV"
P286b3$4/D243a4 = PVSV" 391,11$12; explication alternative due à «d!au-
tres» dans PV" P286b4$5/D243a5.
17
PV" P287a1/D243b1 = PVSV" 391,17$18: voir n. 106, p. 102.
18
Librement pour: «des traités dont les résultats ont un moyen inapproprié.»
Dans TSP 877,24$25, le moyen adapté consiste dans la cultivation mentale
de l!insubstantialité (nair!tmyabh!van!, voir pp. 508$510), dont la mise en
pratique (anu$&h!na) est possible.
19
Selon PVV 364,1, par «finalité humaine» il faut entendre le ciel (svarga) ou
la délivrance (apavarga); selon PV" ñe P79a6/D65b7$66a1 = PVSV"
612,21$22 et TSP 877,26, élévation (abhyudaya) et summum bonum (ni'(re-
Traduction 221

de se parer du joyau [sis] dans le chaperon de Tak!aka afin de neu-


traliser le venin, et à l!exemple de l!examen des dents d!un cor-
beau. [En revanche,] on peut évaluer un traité qui, à l!inverse des
[trois que l!on vient d!évoquer], possède une convergence [vers un
objet unique, présente] un moyen approprié et exprime un but de
l!homme, car témoigner la moindre attention à un autre [traité] est
infondé. [Et] si le traité [possédant ces trois qualités] se révèle être
fiable (na visa!v"dabh"j) lorsqu!on [l!]évalue, la [personne] agis-
sant [sous son autorité] resplendira (#obheta)! [Objection:20] Mais
en quoi consiste la fiabilité de ce [traité]?
De ce [traité jugé digne d!évaluation], la fiabilité consiste en
cela que ni la perception directe, ni les deux sortes d!inféren-
ce,21 n!invalident [ceux de] leurs deux objets22 [qui y sont men-
tionnés, lesquels portent respectivement] sur des objets empiri-
ques et non empiriques. [PV I.215]
PVSV 108,20
N!être pas invalidé par la perception directe consiste en
cela [d!abord] que les objets reconnus comme perceptibles [dans le
traité en cours d!évaluation] sont [effectivement] tels, à l!exemple
de [couleurs] telles que le bleu, [des sensations] de plaisir et de
douleur, de la préhension de caractères [tels que les marques res-
pectives de l!homme et de la femme], de [passions] telles que la

yasa). Voir n. 110, p. 103. Sur les exemples qui suivent, voir DhPr 15,11"15.
20
Question traitée en objection ($e na) par PVSVt et PV" P287b3/D243b7. Sur
PVSV 108,16"109,11, voir pp. 104"110.
21
C!est-à-dire, selon PV" P287b6/D244a2, PVSV" 392,15"16 et PVV 364,7"
8, l!inférence ordinaire procédant par la force de [quelque chose de] réel
(vastubalaprav%tta ou °bh"vin) et l!inférence fondée sur l!Écriture ("gam"-
#rita ou "gam"#raya), que PVSV 109,1 nomme "gam"pek&"num"na.
22
PV" P287b4/D243b7 = PVSV" 392,13"14 commentent: tadarthayo' pra-
tyak&"num"navi&ayayo', suggérant que tad°, plutôt que d!avoir même réfé-
rence que asya (comparer TILLEMANS 1990: I.24 et 1993: 10), renvoie à pra-
tyak&e(a anum"nena dvividhena api. Comme l!ont fait YAITA (1987: 7) et
DUNNE (2004: 362), on peut lire aussi tadarthayo' comme une apposition à
d%&)"d%&)"rthayo'.
222 Traduction

concupiscence, et [enfin] des connaissances.23 Et [n!être pas inva-


lidé par la perception directe consiste ensuite dans] l!impercepti-
bilité [effective] des [objets] qui ne sont pas reconnus tels [dans ce
traité], 24à l!exemple des [constituants] de plaisir et autres[, censés]
se combiner sous forme de son notamment, et des [catégories de]
substance, [de] mouvement, [d!]universel, [de] connexion et au-
tres[, que les S!"khya et des gens tels que les Vai#e$ika respective-
ment reconnaissent à tort comme perceptibles].25 De même [n!être

23
Selon PV% P287b6"7/D244a3 = PVSV% 392,18, les cinq skandha épuisent
les objets que Dharmak&rti tient pour perceptibles dans son propre système
(svasiddh!nta): n"l!di ! corporéité (r#pa, et r#pa comme «visible», premier
des vi$aya); sukhadu%khe ! sensation (vedan!; PV% P288a1"2/D244a4:
ñams su myo& ba gsal ba ñid kyi phyir bde ba da& sdug bs&al gzu& gi !dir
bta& sñoms kya& blta bar bya!o ||); nimittopalak$a'a ! identification per-
ceptive (sa(jñ!, scolastiquement définie comme la préhension des caractè-
res, nimittodgraha'a); r!g!di ! dispositions formatrices (sa(sk!ra); buddhi
! connaissances (vijñ!na). Selon PV% P288a4"6/D244a6 = PVSV%
392,23"24, les objets tenus pour perceptibles dans le présent traité le sont
effectivement, car n"la est perceptible par la connaissance visuelle (cak$ur-
vijñ!na), et sukh!di par la connaissance autoréflexive (svasa(vedana).
24
Introduction, PV% P288a8"b1/D244b1: g)an dag gis m&on sum ñid du bstan
pa ga& dag yin pa de dag ni sa&s rgyas pa!i grub pa!i mtha! [la] m&on sum
dag ma yin te | rnam par dpyad par gyur pa* de dag kya& m&on sum ñid ma
yin pa kho na!o ||. *P pa: D pa!i.
25
PVSV% 392,29 dit s!&khyadar*ana là où PV% P288b3/D244b2"3 dit s!&-
khyamata (gra&s can gyi !dod pa). Même remarque pour vai*e$ik!didar*a-
na/vai*e$ik!dimata. (1) Sur les S!"khya. PV% P288b1/D244b1 (cf. PVSV%
392,27"28) explique sukh!di comme sukha, du%kha et moha (= sattva, rajas
et tamas: cf. YD 64,19sq et BRONKHORST 1994: 311n.7; STK sous SK 11 et
YAITA 1987: 15n. 61). Le motif pourrait provenir de la 'TV (cf. PS% 37b4ms
P71a8sq/D63b1sq dans STEINKELLNER 1999: 670"671), de terminologie qua-
si-identique. Selon PV% P288b2"3/D244b2, seules des joies et des peines in-
térieures sont éprouvées comme sukha et du%kha, mais il n!est aucune nature
(r#pa) de sukh!di dont on perçoive qu!elle constitue *abd!di. Selon PVSV%
393,27"28, la perception ne nous montre pas que ces trois constituants aient
nature propre (°svabh!va) de *abd!di. Voir aussi Vibh. 364n.3 et TSP 878,4"
5. (2) Sur les Vai#e$ika. Pour des définitions de dravya, karman et s!m!nya,
voir PV% P288b4/D244b3, PVSV% 392,30"393,9 et Vibh. 364n. 3. Aucune
trace de sa(yoga dans les commentaires (sa(yoga figure dans le passage
Traduction 223

pas invalidé par l!inférence procédant de [quelque chose de] réel


consiste-t-il en cela que] les [objets] reconnus comme les objets
(vi!aya) de l!inférence qui ne repose pas sur l!Écriture sont [effec-
tivement] tels, à l!exemple des "quatre# Vérités Saintes, [et en cela
que les objets reconnus comme] ininférables sont [effectivement]
tels, à l!exemple [d!objets] tels que le Soi26. PVSV 109,1 [Ce type de
non-annulation vaut] également de l!inférence reposant sur l!Écri-
ture27: par exemple, lorsqu!on admet que le démérite a la nature de
[passions] telles que la concupiscence[, l!hostilité ou l!hébétude],
et [qu!il consiste en l!acte corporel ou vocal] qui s!y origine,28 on
ne recommande pas, pour éliminer ce [démérite], des [pratiques]
telles que l!ablution [sur les rives d!un fleuve], l!oblation au feu
[ou encore le jeûne].29 La fiabilité [d!un traité], c!est [donc] cette

parallèle de TSP 878,5), mais dans PV! P288b4/D244b3$4 = PVSV! 393,9,


"di = vibh"g"di. Harivarman, Dign"ga et Dharmap"la avaient déjà critiqué la
perceptibilité des pad"rtha (cf. UI 1962: 55, 60$61, 67$68, 79), exposée dans
PDhS §§240 et 385 (où samav"ya est réputé at#ndriya). (3) Explication
générale. Selon PV! P288b5/D244b4 # PVSV! 393,10$11 et Vibh. 364n.4,
on ne perçoit rien hormis les cinq skandha (tadvyatireke$a anupalabdhe%).
PV! P288b5$6/D244b4 rappelle que Dharmak$rti a déjà démontré
l!imperceptibilité des universaux (dans son traitement de l!apoha), et signale
qu!il critiquera la substance dans le troisième chapitre (pratyak!a-
pariccheda).
26
Selon PV! P289a1/D244b6 et PVSV! 393,14, la matière primordiale (pra-
dh"na) des S"%khya, ou encore Dieu (#&vara; voir aussi PVV 364,11$12)
sont aussi visés ici. Selon PVSV! 393,14$15 (cf. PV! P289a2/D244b7), on
ne dispose en effet d!aucun indice inférentiel (li'ga) grâce auquel on pourrait
les inférer. Selon PV! P289a2$3/D244b7, il ne pourrait s!agir ni d!un sva-
bh"vali'ga (ra' b(in gyi rtags), car leur nature est précisément la nature qui
doit être établie (de!i ra' b(in ñid ni bsgrub par bya ba!i ra' b(in ñid yin pa!i
phyir ro ||), ni d!un k"ryali'ga (!bras bu!i rtags), car il est absurde (*ayoga)
qu!une entité permanente produise un effet.
27
Sur l!"gam"pek!"num"na, voir pp. 105$109.
28
Pour la traduction de tatprabhavam, comparer DUNNE 2004: 363 et YAITA
1987: 8. Ma traduction se fonde sur PV! ñe P78b6$7/D65b3 # PVSV!
612,11$12 (sous PVSV 174,22$23) et Vibh. 364n.7, moins équivoques que
PV! P289a6$7/D245a3 = PVSV! 393,19.
29
Sur t#rthasn"na, voir n. 126, p. 108.
224 Traduction

correction30 de tout objet (vi!aya) dont la détermination est possible


[par la perception directe et par les deux sortes d!inférence].
[Le maître Dign!ga] a déclaré que puisque la parole d!une per-
s o n n e c r é d i b l e [ d o n t on n!a pas constaté qu!elle fût déviante]
est semblable [à l!inférence] en fiabilité,31 la connaissance [née
de l!indice qu!es t cette paro le ] e s t u n e i n f é r e n c e m ê m e [ l o r s -
que cette connaissance porte] sur un domaine [radicalement]
imperceptible du [traité; mais cela, Dign!ga ne l!a dit qu!]en
raison de l!impossibilité [où l!on se trouve sinon] d!accéder
[aux objets radicalement imperceptibles].32 [PV I.216]
PVSV109,7
Puisque la parole d!une personne crédible[, dont Dign!ga a
affirmé le caractère inférentiel,]33 et celle qui est du type [que nous
avons décrit]34 possèdent le caractère général de la fiabilité [quant à
celles des entités qui sont perceptibles et inférables], on infère que

30
Explication, PV" P289b4"5/D245a6: gnod pa med pa!i mtshan ñid can gyi
rnam par dag pa, «correction définie comme non-annulation.» Cf. PVSV"
393,25.
31
PVSV" 393,25"26: yath" #akyaparicchede "rthe "ptav"dasya avisa$v"das
tath" atyantaparok!e "py "ptav"datv"d eva |. «La parole d!une personne cré-
dible est fiable quant à un objet dont la détermination est possible [par la per-
ception directe et par l!inférencePVT]; de même [l!]est-elle aussi quant à un
[objet] radicalement imperceptible, simplement parce que c!est la parole
d!une personne crédible.» Comparer YAITA 1987: 8, TILLEMANS 1990: I.25
et 1993: 11, DUNNE 2004: 364.
32
Impossibilité de connaître, et partant, d!agir (prav%ttyasambhava) relative-
ment à eux; or s!il faut agir, autant agir après avoir évalué l!Écriture (cf. PV"
P289b8"290a1/D245b2 # PVSV" 393,29"394,8, citant PVSV 108,5; cf.
aussi Vibh. 365n. 2). Explication générale, PVV 365,1"4: atyantaparok!e!v
arthe!u d"nahi$s"cetan"di!v arth"nartha#rava&"d "gamapr"m"&yam an"-
#ritya sth"tum as"marthy"d etadbh"ve virodh"bh"v"c ca saty"$ prav%ttau
varam eva$ prav%ttir ity agaty" anum"nat" ukt" | na tu vastuto vacan"n"m
arthe!u n"ntar'yakatv"bh"v"t |.
33
Selon PV" P290a1"2/D245b2"3 et PVSV" 394,9"10.
34
Explication, PV" P290a2"3/D245b3"4 # PVSV" 394,10: asya ity asm"bhi(
samba[ddh"]nugu&op"yam ity"din" vic"ritasya | ata eva "ha | evambh)tasya
iti sambandh"digu&ayuktasya ity artha( |.
Traduction 225

la connaissance [que l!on tire de cette parole] est également fiable


sur un objet imperceptible et ininférable de [cette parole] dont on
n!a pas constaté qu!elle fût déviante[; on l!infère] car, tout comme
la connaissance [que l!on en tire] sur un [objet] autre que cet [objet
radicalement imperceptible],35 elle se fonde sur cette [parole d!une
personne crédible].36 Donc37 bien qu!elle s!origine à une parole, [la
connaissance qui se fonde sur une Écriture du type évoqué] ne
communique pas qu!une [pure] intention, comme [le fait n!importe
quelle autre] connaissance verbale; ainsi, de par la fiabilité [de cet-
te Écriture] sur un objet [accessible à la perception ou à l!inféren-
ce, cette connaissance est-elle] malgré tout (api) une inférence.38
Alternativement, on [peut] dire d!une autre manière [encore] que la
parole d!autorité, parce qu!elle est fiable, constitue une inférence:
Ou puisque[, tels que révélés par le Bienheureux,] la réalité du
[mal] à écarter et du [bien] à réaliser, avec [leurs deux] moyens
[respectifs],39 sont établis40 [par un moyen de connaissance va-

35
C!est-à-dire, selon PV! P290a6"7/D245b5"6 et PVSV! 394,15"16, sur un
objet (directement) perceptible ou (ordinairement) inférable. Long dévelop-
pement de "#kyabuddhi, PV! P290a7"291a2/D245b6"246a5.
36
Noter PVSV! 394,14"15: !ptav!d!"rayatva# ca !c!ryap!ramparyopade"!t
siddham |. «Et le fait qu!elle se fonde sur la parole d!une autorité s!établit
grâce à l!enseignement d!une tradition [ininterrompue] de maîtres.»
37
Explication, PV! P291a2/D246a5: "in tu lkog tu gyur pa!i don la ji skad du
b"ad pa!i don la mi slu ba de bas na |. Cf. PVSV! 394,16.
38
Explication, PV! P291a5/D246a7 = PVSV! 394, 21: prav$ttik!masya pu#so
"bhipr!yava"!t |. «Du point de vue de l!intention de la personne désirant
agir.» Puis, PVSV! 394,21"23: vastutas tv ananum!na# "abd!n!m arthai%
saha sambandh!bh!v!t | asya eva arthasya khy!pan!rtho "pi"abda% |.
39
Selon PV! P291a6"8/D246a7"b2 $ PVSV! 394,24"27 et Vibh. 365n.4, la
«réalité» (tattva) consiste dans la nature véritable (avipar&ta# r'pam), donc
dans la Vérité y relative (respectivement du%kha° et nirodhasatya). Le mal à
écarter est la douleur (sarva# du%kham); le bien à réaliser, c!est le nirv!(a,
élimination de toutes les passions (sarvakle"aprah!(a# nirv!(am). Les mo-
yens d!y parvenir consistent dans la Vérité d!origine (samudayasatya) et la
Vérité du chemin (m!rgasatya).
40
C!est-à-dire: assurés (prasiddhi = ni"caya, PV! P291a8"b1/D246b2 =
226 Traduction

lide tenant à quelque chose de réel], l!objet principal41 [de la


prédication] est fiable; donc [m ê m e l o r s q u ! e l l e p o r t e ] s u r u n
autre [objet, radicalement imperceptible, la connaissance qu!on
t i r e d e l a pa r ole d u B i e n h e u r e u x ] e s t u n e inférence. [P V I.217]
PVSV 109,15
La justesse[, lorsqu!on les examine par inférence,] des
[objets] que la [personne d!autorité] a enseignés [comme étant] à é-
carter, à réaliser et [comme] en [constituant] les [deux] moyens
[respectifs, voilà en quoi consiste la] fiabilité, à l!exemple [de la
justesse] des quatre Vérités Saintes [lorsqu!on les examine] selon
la méthode qu!on exposera [plus bas42]. [Et] en raison de la fiabilité
de cela même43 (tasya asya) qui sert le but de l!homme [qu!est le
nirv!"a et] mérite [de ce fait notre] persévérance, admettre que [la
prédication du Bienheureux] est telle également sur un autre [type
d!]objet44 n!est pas "pour [nous] induire en erreur#, de par [son] in-
nocuité [pour la finalité principale de l!homme],45 et parce que[,
n!ayant pas induit l!homme en erreur sur l!objet principal que sont

PVSV! 394,27$28; PVV 365,9). Selon PVV 365,9, par une inférence pro-
cédant de quelque chose de réel.
41
PV! P291b1$2/D246b2$3 " PVSV! 394,28$30: les quatre Vérités Saintes
(satyacatu#$aya) forment l!objet principal car en les maîtrisant/comprenant,
on obtient le nirv!"a (tadadhigamena nirv!"apr!pte%; PVV 365,10: satyaca-
tu#$ay!dhigamasya nirv!"ahetutvena).
42
Selon PV! P291b5/D246b5 = PVSV! 395,15$16, dans le deuxième chapitre
(pram!"asiddhipariccheda), où Dharmak#rti procède à l!examen (n&ti gl. vi-
c!ra) des Vérités par inférence.
43
Noter PV! P291b6/D246b5$6 = PVSV! 395,16$17: tasya asya iti bhagava-
t! p'rvanirdi#$asya adhun! vibhaktatv!d asya satyacatu#$ayalak#a"asya |.
44
C!est-à-dire: sur un objet (d!importance) secondaire (gtso bo ma yin pa pa!i
don la), d!après PV! P292a1$2/D246b7$247a1.
45
Deux interprétations possibles de anuparodh!t. (1) Une interprétation «an-
thropologique», au sens de laquelle accepter la fiabilité de l!Écriture relative-
ment aux états de fait radicalement imperceptibles n!expose à aucun dom-
mage (ou risque) quant à l!objet principal de la démarche sotériologique (voir
PV! P292a2$3/D247a1). (2) Une interprétation «épistémologique», au sens
de laquelle cette acceptation n!est pas susceptible d!annulation par les pra-
m!"a empiriques (voir PVSV! 395,21: pram!"ena ab!dhan!t, DUNNE 2004:
366).
Traduction 227

les Vérités Saintes,] le locuteur n!a pas d!intérêt [propre] à s!expri-


mer sans raison de façon erronée [sur ce troisième point radicale-
ment imperceptible].
PVSV 109,19 46
[Mais de chacune] des deux manières47 [dont on l!a fait,
ce n!est qu!]en raison de l!impossibilité d!accéder [sinon aux ob-
jets radicalement imperceptibles que nous avons] exposé le carac-
tère inférentiel de l!Écriture,48 [jugeant] que tant qu!à agir à partir
d!une Écriture, mieux vaut agir ainsi.49 Aussi [la connaissance re-
posant sur l!Écriture] n!est-elle assurément pas une inférence in-
faillible.50 car les paroles n!entretiennent pas de relation nécessaire
avec les objets [particuliers]: cela[, nous l!avons déjà] fait savoir.51
52
D!aucuns consid èren t co mme ob jective5 3 u n e [ p a r o l e ] f o n d é e

46
Introductions. (1) PV! P292a5"8/D247a25: gal te skyes bu gtso bo!i don la
slu bar mi* byed pa yin la | g!an la phan pas !jug pa dba" po las !das pa!i
don mtho" ba can yin na | gdon mi za bar !ga! !ig la g!an mi slu bar !gyur ba
yin pa de!i dba" po las !das pa!i don mtho" ba ñid ni "es par nus pa ma yin
no || de bas na rigs pas bgrod par bya ba!i skyes bu!i don la mi slu ba yin gyi
mi "es pa ñid kyis na #in tu lkog tu gyur pa la slu bar ya" !gyur ro !e na | #es
par mi nus pa can gyi don !di ñid ni bden te | !on kya" skyes bu!i !jug pa la
ltos nas de ltar rnam par g!ag pa yin no || de ñid bstan pa!i phyir de da" !es
bya ba la sogs pa smos la |. *P mi: D om. mi. (2) PVSV! 395,23: kad$cit
tatra ajñ$n$d api [vi]tath$bhidh$na% sy$d iti cet.
47
Selon PV! P292a8"b1/D247a5 = PVSV! 395,23"24, dans PV I.216 et dans
PV I.217.
48
Selon PV! P292b1"2/D247a5"6 " PVSV! 395,25: anum$nak$ra&atv$d
anum$na[tvaPVT]m iti dra'(avyam.
49
C!est-à-dire, selon PV! P292b2"3/D247a6 = PVSV! 395,26"27, mieux vaut
agir sur la base d!une telle Écriture que sur la base d!une Écriture induisant
déjà en erreur sur les objets accessibles aux moyens de connaissance valide
(na tu pram$&agamya eva arthe visa%v$dak$d [$gam$t] |).
50
PV! P292b3/D247a6 = PVSV! 395,28 glosent anap$ya par nirdo'a.
51
Dans PV I.213.
52
Sur PVSV 109,23"110,15, voir pp. 75"81 et 92"96.
53
C!est-à-dire comme vraie ou véridique (PVV 365,15: yath$rtha% saty$-
rtham).
228 Traduction

sur les propriétés supplémentaires54 de la personne [qui en est


lo cutrice]. [PV I.218ab]
PVSV 109,24
D!aucuns [tiennent] qu!une personne d!autorité (!pta) est
une personne dotée de qualités [mentales] telles qu!une perception
objective[, et que] la fiabilité [de l!Écriture] consiste en [cela qu!el-
le est] une composition de cette [personne d!autorité].
Cette proposition55 (artha) [nous serait] acceptable s!il était
possible de connaître cette propriété supplémentaire [comme
appartena nt à un e per so nne donnée]. [P V I.218cd]
PVSV 110,3 56
Toute [personne, si elle] procède avec prudence [et] non
par inclination [aveugle], analyse [si tel traité] est Écriture ou n!est
pas Écriture, désireuse [qu!elle est] d!agir [sur la base d!une Écri-
ture57 après avoir dûment écarté ce qui n!est pas Écriture; cette per-
sonne se dit en effet:] «Puissé-je connaître par l![Écriture] ce qu!il
[me] faut mettre en pratique,58 [puis] voir [mon] agir couronné de
succès!» Ainsi [est-ce] sur la base de la fiabilité [avérée d!un traité]
sur ce dont la constatation est possible59 [que] la [personne qui se
livre à cette analyse] "peut agir# également [par rapport] à [tel] au-
tre [objet, imperceptible et ininférable, dudit traité], car la praxis
des gens ordinaires [procède] majoritairement ainsi.60 61Mais si

54
Sur ces propriétés supplémentaires (ati"aya, vi"e#a, etc.), voir pp. 78$81 et n.
38, p. 79.
55
Selon PVV 365,16: puru#!ti"ayapra$%ta& vacana& pram!$am iti ! ayam
artha'.
56
Ce passage est parallèle à PVin II.66,9$67,1/18*,1$11 (voir STEINKELLNER
1973: 56$57, et 1979: 65$66).
57
Explication, PV! P293a3$4/D247b4: "jug pa[r "dod pa] can te lu( gi don la
nan tan du byed par "dod pa.
58
Anu#)heya gl. s!k#!tkartavyam artham (PV! P293a5/D247b5 = PVSV!
396,19).
59
PV! P293a6/D247b6 = PVSV! 396,20$21 glosent dar"ana par ni"caya, et
avisa&v!da par pratyak#!num!n!bhy!m avadh!nam (tib. gnod pa med pa).
60
Explication, PV! P293a8/D247b7 = PVSV! 396,23: evam ity ekade"!visa&-
v!dadar"anena anyatra pravartanam |. «Ainsi, c!est-à-dire d!agir [par rap-
Traduction 229

[l!on admet que] l!agir [passe] par l!évaluation de l!homme [plutôt


que de l!Écriture, il n!y aura plus dès lors] que non-agir; [il n!y au-
ra que non-agir,] parce qu!il est impossible de savoir que cet [hom-
me] est tel [qu!il possède des qualités particulières, et] non parce
que nous [bouddhistes] n!accepterions pas [que cet homme existe],
car de telles [personnes] disent [effectivement] vrai. C!est ainsi que
d!autres62 considèrent qu!il est difficile de reconnaître,63 [dans
un jugement] du type: «Cet [homme] est tel ou non64», "les
f a u t e s [ m o r a l e s ] d ! a u t r u i , o u m ê m e l a c a r e n c e [d!autrui] en
f a u t e s [ m o r a l e s ] # , car introuvables (durlabha) sont les moyens
de connaissance valide [ q u i p e r m e t t r a i e n t d e s!assurer des qua-
lités et fautes morales caractérisant d!autres séries psychiques].
[PV I.219]
PVSV 110,11
En effet, [c!est] en vertu de qualités et de fautes [morales]
"d!ordre mental#65 [que] les hommes agissent de façon juste ou de

port] à [telle] autre [matière] grâce à la constatation [préalable] de la fiabilité


[dudit traité] sur un certain point.».
61
Introduction, PV! P293b1$2/D248a1: gal te skyes bu ñes pa zad pa ga! yin
pa de!i tshig las !jug par bya!o "es de ltar !dod pa de!i tshe |. «Si l!on admet
ainsi qu!il faut agir [à partir] de la parole d!un homme qui est une autorité/
qui a détruit les fautes [morales], alors%»
62
C!est-à-dire les bouddhistes (saugata), selon PVV 365,24.
63
Selon les explications grammaticales de PV! P293b8/D248a5 = PVSV!
397,7$9 et PVV 365,24$25, durbodh# est à lire au féminin singulier avec
nirdo$at#, mais à transformer en un masculin pluriel avec anyado$#%. «Diffi-
cile de reconnaître»: impossible aux gens ordinaires, mais possible aux dé-
tenteurs de l!abhijñ#.
64
«Tel» (evam), c!est-à-dire doté de fautes morales (do$avat); par «ou non
[tel]» (na v# evam), il faut entendre nirdo$a selon PV! P293b7/D284a4 =
PVSV! 396,31 et PVV 365,23.
65
Selon PV! P294a4/D248a7$b1 = PVSV! 397,12$13, «qualités» de compas-
sion (k&p#), de dépassionnement (vair#gya) ou de compréhension (bodha);
«fautes [morales]» de concupiscence (r#ga, PVSV!) ou d!hostilité (dve$a,
PV!). «D!ordre mental», c!est-à-dire «d!origine mentale» (cetasi bhav#%
caitas#%, PV! P294a3$4/D248a7 = PVSV! 397,12). Prav&tti = k#yav#k-
karman.
230 Traduction

façon fausse. Or [les qualités et fautes morales d!autrui étant] su-


prasensibles [en tant précisément qu!elles sont des propriétés men-
tales]66",# peut-être seront-elles (syu!) inférables à partir des com-
portements corporels et langagiers dont elles forment l!origine.
Mais [tel n!est pas le cas, car] les comportements [corporels et lan-
gagiers, procédant] de façon délibérée pour la plupart, peuvent éga-
lement être consentis de façon trompeuse,67 parce que [les compor-
tements] sont fonction des intentions humaines, et que les [gens]
ont des motivations [très] variées.68 Donc si, de par la confusion de
l!indice [inférentiel],69 [elle ne peut] s!assurer [qu!une personne a
détruit les fautes morales], comment la [personne inférant qualités
et fautes morales] pourrait-elle reconnaître [l!auteur d!une Écritu-
re]?
PVSV 110,15 70
Si maintenant [l!on s!enquiert de savoir] s!il n!y a vrai-
ment pas d!homme tel qu!il soit dénué de [toute] faute [morale,
nous répondons:]
66
Et, selon PV! P294a7$8/D248b2 et PVSV! 397,15, ne sont donc accessibles
ni à la perception, ni à une inférence fondée sur un svabh"vali#ga. Explica-
tions: (1) PV! P294a8/D248b2$3: de!i ra# b$in ñid ni bsgrub par bya ba ñid
yin pa!i phyir ro ||. (2) PVSV! 397,15$16: at%ndriyatv"d eva svabh"vali#-
gasya asiddhe! |. Ce qui suit suggère la possibilité de fonder l!inférence sur
un k"ryali#ga.
67
Explication, PV! P294b3$4/D248b4$5 " PVSV! 397,19$20: voir pp. 93$96
et n. 86, p. 95.
68
Explication, PV! P294b6$7/D248b6$7 = PVSV! 397,23$24: les comporte-
ments procédant arbitrairement (yathe&'am), distinguer (viveka) ceux qui s!o-
riginent à des qualités mentales de ceux qui s!originent à des fautes morales
ne fait l!objet d!aucune certitude (ni(caya).
69
C!est-à-dire en raison de la (possible) déviance de l!indice (li#gavyabhic"r"t,
PV! P294b8/D248b7 = PVSV! 397,25): l!inférence serait concluante en
présence d!une corrélation fixe entre comportements corporels et langagiers
d!un côté, propriétés mentales de l!autre.
70
Sur PVSV 110,15$112,6, voir APPENDICE D. Selon PV! P295a1$2/D249a1$
2, l!adversaire s!inquiète de ce qu!avec et depuis PVSV 110,8 (na ani&'e!%),
Dharmak#rti a admis l!existence d!une personne ayant éliminé toutes les fau-
tes morales; cet adversaire désire voir maintenant produit le moyen de con-
naissance valide permettant à Dharmak#rti de l!admettre.
Traduction 231

Puisque tous [les influx néfastes,] qui tendent à diminuer ou à


augmenter [selon qu!on l e l e u r o p p o s e o u n o n , ] o n t u n c o n t r e -
carrant,71 [ces] influx néfastes pourraient, dans une [série psy-
chique] donnée, être éliminés g r â c e a u f a i t q u e , p a r u n e p r a t i -
que répétée du[dit contrecarrant, cel u i - c i e n v i e n t f i n a l e m e n t à ]
former l!essence [de la série psychique].72 [PV I.220]
PVSV 110,19
[Loin donc d!en nier l!existence, nous disons] simplement
[que] l![homme] qui a éliminé les influx néfastes [de sa série psy-
chique] est difficile à reconnaître. [Selon qu!]elles ont la propriété
d![être en] diminution ou [en] augmentation, les fautes [morales]
prouvent en effet la force ou la faiblesse de [leur] subjugation par
le contracarrant, comme des [choses] telles qu!une flamme.73 74En
effet [les fautes morales] s!originent à [cet événement d!ordre stric-
tement] conceptuel (vikalpa) [qu!est l!acte d!attention incorrect;
donc] même si [votre supposé] substrat [extramental] existe, elles
[ne] faiblissent [que] par la pratique répétée d!une certaine qualité
mentale[, la perception de l!insubstantialité];75 [et] si cette [qualité

71
Selon PV! P295b2/D249a6 " PVSV! 398,11"12, l!annulateur (b!dhaka)
des fautes morales est nair!tmyajñ!na; selon Vibh. 366n.1, nair!tmya en est
l!antidote (pratipak"a). Sur ce point, voir pp. 508"510 et n. 32, p. 509.
72
Sur abhy!sa et s!tm#bh!va, voir n. 38, pp. 510"511. La série psychique
essencifiée par l!antidote est dite s!tm#bh$tado"apratipak"a (PV! P295b1/
D249a6 = PVSV! 398,11). Explication générale, PVV 366,7"8: [na] nirdo-
"apuru"!pal!pa% kriyate ki&tu tadavadh!ra'op!yo na asti ity ucyate | icch!-
dh#nasya vy!h!rasya anyath! api kartu& (akyatv!t | na tatas tath!rthani(-
caya% |.
73
Ou, selon PV! P296a1/D249b3 = PVSV! 398,19, comme le contact du froid
et du chaud par exemple ((#to"'aspar(!di). Selon qu!elle diminue ou aug-
mente, la flamme prouve l!intensité relative de sa subjugation par l!eau, son
contrecarrant (voir PV! P296a1"3/D249b3"4 = PVSV! 398, 20"21, et TSP
870,19"27 sous TS n°3338).
74
Selon l!adversaire de PV! P296a3"4/D249b4"5 et PVSV! 398,22"23, les
fautes morales sont liées à un objet extramental (b!hy!rthapratibaddha), pré-
sent en permanence (nitya& sa&nihitam, PVSV!; jamais détruit, PV!): com-
ment donc leur destruction (uccheda) pourrait-elle intervenir?
75
Les fautes morales obéissent à la présence et à l!absence (anvayavyatirek!nu-
232 Traduction

mentale devait atteindre son] paroxysme, [les fautes morales] pour-


raient [fort bien] avoir pour propriété une annihilation définitive,76
exactement comme la flamme, etc. Il se pourrait donc même qu!e-
xiste une [personne entièrement] dénuée de fautes [morales].
PVSV 110,23 77
[Objection:] Comment [dire une personne] «dénuée de
fautes [morales]» dès lors que,78 tout comme le contrecarrant [peut
selon vous] se produire chez une [personne] qu!essencifient les
fautes [morales]79, les fautes [morales pourraient elles] aussi, selon
les conditions, se produire même [chez une personne] qu!essencifie
le contrecarrant aux fautes [morales]? [Réponse:] Voilà qui n!est
pas une faute [susceptible d!affecter notre position], parce que
les [fautes morales qui en sont en tout point] les contraires80
n!annulent pas [le Chemin, c!est-à-dire la perception de l!in-

vidh![n/yitv]a, PV! P296a7/D249b7) d!un acte d!attention incorrect (ayoni-


"omanask!ra): selon PV! P296a6"7/D249b6"7 " PVSV! 398,25"26, elles
ne se produisent pas sans lui (même en présence d!une entité extramentale
censée lui servir de substrat). Intéressante explication dans PV! P296b1"
3/D250a1"2 " PVSV! 398,29"31. Sur l!ayoni"omanas(i)k!ra, voir pp. 513"
514.
76
C!est-à-dire sans qu!en subsiste de trace pour les faire réapparaître. Selon
PV! P296b5/D250a3 = PVSV! 399,7, concomitantes au «germe de passion»
(kle"ab#ja), les fautes morales en naissent. PV! P296b6"7/D250a4 = PVSV!
399,9 expliquent: v!sanay! saha vin!"adharm!$a ity artha% |. «Le sens [visé
est] qu!elles ont pour propriété d!être annihilées avec [leur] relent.» Sur ce
passage, voir ELTSCHINGER 2005b: 182"184. Pour un raisonnement formel,
voir PV! P296b8"297a2/D250a5"6 et PVSV! 399,10"13.
77
Sur ce qui suit et en particulier sur l!objection et sa réponse dans PV I.221 =
PV II.210, voir en général pp. 511"517, et ELTSCHINGER 2005b: 183.
78
PVSV! 399,15 comprend y!vat! dans le sens de yad!, «dès lors que»;
PVSVt rend !di ltar, que PV! P297a4"5/D250b1 interprète comme yasm!t
(ga& gi phyir).
79
PV! P297a5"6/D250b1 = PVSV! 399,16 notent: en raison de leur pratique
répétée depuis un temps sans commencement (an!dik!l!bhy!s!t).
80
Selon PV! P298a1/D251a1 = PVSV! 399,24 et Vibh. 366n. 3: qui compor-
tent des affres (sopadrava), n!ont pas un objet réel (abh't!rtha) et ne sont
pas nature propre (asvabh!va).
Traduction 233

substantialité,] nature propre [de l!esprit] dénuée des affres [du


Sa!s"ra] et possédant un objet réel, car même à s!efforcer [en
quelque façon de les ressusciter], la connaissance incline [tout
entière] au [Chemin doté de qualités, l!antidote aux fautes mo-
rales].81 [PV I.221]
PVSV 111,1
[L!homme que l!antidote essencifie] ne peut en effet se sé-
parer sans effort de la nature propre [qu!est la perception de l!in-
substantialité], comme [ne peut être écartée sans effort] la répul-
sion [qu!éprouvait pour la condition de K"p"lika] un [brahmane]
lettré [après qu!il est lui-même] devenu K"p"lika.82 Et l!effort [des-
tiné à écarter la nature de Chemin,] on [ne le] pourrait consentir
[qu!]en constatant des qualités et des défauts[, respectivement,]
aux deux natures propres à acquérir et à écarter.83 Or cette [consta-

81
Dharmak#rti dit yatnavattve !pi buddhe! tatpak"ap#tata! en concédant que
cet effort puisse intervenir (voir PV$ P298a3/D251a2 = PVSV$ 399,27),
mais en fait, selon PV$ P298a2"3/D251a2, PVSV$ 399,26 et PVV 276,13"
14, pareil effort ne survient pas pour qui pratique le chemin (lam goms par
gyur pa can la) ou pour celui que le chemin essencifie (s#tm$bh%tam#r-
gasya). Explication, PV$ P298a4"5/D251a3 = PVSV$ 399,28"400,7: do"o-
tp#dane yatna& nivartya gu'apak"ap#tena do"apratipak"a eva yatn#dh#n#d
iti y#vat |. Noter que pak"ap#ta est glosé bahum#na (PVSV$ 399,28 et Vibh.
366n. 4), et expliqué abhirucitavi"ayatvena pak"ap#tata!: la traduction «in-
clination» rend les sens de «partialité» et d!«affection». Explication générale,
PVV 366,16"17: voir n. 60, p. 517.
82
Intéressante explication de gh('# dans PVP P61b7/D54b1 sous PV I.131ab:
mi gtsa) ba la smod pa"i mtshan ñid can mi gtsa) ba, qu!on peut, grâce à
Vibh. 57n. 1 (a*ucivi[ju]gup[s]#), aisément restituer en: *a*ucivijugups#la-
k"a'# gh('#, «la répulsion se définit comme le dégoût [qu!on éprouve] pour
l!impur». Que Dharmak#rti vise ici la répulsion que continue un temps d!é-
prouver, pour la condition de K"p"lika, le brahmane lettré (*rotriya) après
qu!il est devenu K"p"lika, ressort très clairement des différents commentaires
(PV$ P298a7/D251a4"5 = PVSV$ 400,10"11 [ya! *rotriya! san k#p#liko
bhavati tasya *rotriy#vasth#y#& y# gh('# s#]), mais aussi des exemples men-
tionnés par Devendrabuddhi et %"kyabuddhi sous PV II.119, dans PVP
P58b1"5/D51b5"7 et PV$ ñe P142a2/D116a4 (voir ELTSCHINGER [à paraître
1, n. 40]).
83
Selon PVSV$ 400,12 et 13, la nature propre à acquérir et valoriser serait
alors celle de concupiscence, etc., alors que la nature à écarter et dévaloriser
234 Traduction

tation de qualités] aux fautes [morales] n!intervient pas chez un


homme qu!essencifie le contrecarrant. [Quant à la constatation de
défauts dans le contrecarrant, elle n!intervient pas chez lui] puisque
ce [contrecarrant] est dénué des [trois sortes d!]affres,84 de par l!é-
limination de toutes les fautes [morales]; de par la dissociation
d![avec] les douleurs liées au sévissement actuel [des passions] et à
l!existence (janman);85 [et enfin] faute d!aversion pour la saveur
[propre au] bonheur [non souillé] de l!apaisement.86 [Quant à] ce
dont l!objet est irréel,87 "naissant par la [seule] force du substrat

serait celle de vipa!yan" (discernement).


84
Explication, PV! P298b3#6/D251a7#b1 " PVSV! 400,17#20: trividho hy
upadravo yasya abh"v"n nirupadravo m"rga# | tath" hi citta$ vibaddhu$
hetur do%opadravo yai! citta$ vibaddha$ bh&t"rthadar!ane na pravartate |
k"yacittavyath"hetur du#khadaurmanasyopadrava# | s"sravasukhasya apra-
!"ntatay" *tadupabhoge vairasya udvega! ca* |. *PV! porte: de!i ñe bar lo's
spyod pa na ro mya' ba ñid kyis skyo ba!o, év. *tadupabhoge "sv"datay"
udvega! [ca]: ma traduction suit ici PV!. «Triple est en effet l!affre dont
l!absence fait le Chemin sans affres: c!est ainsi que la cause qui obstrue l!es-
prit, c!est l!affre des fautes [morales], par lesquelles l!esprit [ainsi] obstrué ne
procède pas à une perception dont l!objet est réel; la cause des souffrances du
corps et de l!esprit, c!est l!affre de la douleur et de la peine; et [enfin, la
troisième affre,] c!est l!agitation que l!on doit au fait que le bonheur souillé
n!a pas cessé [et] que l!on goûte sa jouissance.» Comparer TSP 874,12#15
sous TS n°3338; sur nirupadrava (m"rga), voir aussi PVP P104a3#4/D90a3#
4 et PVV 83,24 sous PV II.210, AK VII.13/LA VALLEE POUSSIN 1980: V.32
(nirupadrava = nirdu#kha, AKVy 626,23#24); pour une interprétation de ce
passage relatif aux upadrava, voir ELTSCHINGER 2005b: 196#197. Les trois
propositions suivantes décrivent successivement l!absence des trois affres
dans le Chemin.
85
Sur paryavasth"na, voir LA VALLEE POUSSIN 1980: V.3#4 et JAINI 2001c;
PV! P298b8/D251b2 = PVSV! 400,23: r"g"disa$mukh(bh"va# paryava-
sth"nam |. Selon PV! P298b8#299a1/D251b3#4 = PVSV! 400,24#26, pa-
ryavasth"nadu#kha, c!est la consomption (parid"ha) du corps et de l!esprit
lorsque naît la concupiscence, etc.; janmadu#kha, c!est la douleur liée à la
naissance, à la vieillesse et à la maladie.
86
PV! P299a2/D251b4 = PVSV! 400,27: pra!amo r"g"divirahalak%a)a$ nir-
v")am |. «La cessation, c!est le nirv")a défini comme l!affranchissement de
la concupiscence, etc.»
87
Selon PV! P299a4/D251b5, ce qui suit montre l!absence de toute cause exté-
Traduction 235

[qu!est l!imprégnation latente d!un concept erroné]", il ne peut en


fait plus se produire puisque l!on s!est approprié [son contrecar-
rant, qui est] le contraire de la série [de connaissance reposant sur
des germes de concupiscence];88 mais tel n!est pas le cas de ce dont
l!objet est réel,89 car [cela] se produit par la force des entités [réel-
les telles qu!en leur condition propre].90 Or ayant des objets irré-
els,91 les fautes [morales] n!#annulent" pas l!essentialité du contre-
carrant[, dont l!objet est réel]. C!est pourquoi les fautes [morales]
ne réapparaissent plus [chez ceux qui les ont éliminées, et ce] mê-
me si un effort [devait être consenti en ce sens], car [déjà] chez une
[personne] évaluant [rationnellement les choses, et tout] particuliè-
rement chez une [personne moralement] immaculée,92 l!effort porte
sur le seul contrecarrant étant donné que la connaissance incline
aux [seules] qualités.

rieure (b!hyanimitta).
88
Explication, PV! P299a6$7/D251b7: phyin ci log gi rnam par sgro btags nas
!jug pa!i ñes pa dag ni ya" dag pa!i don !dzin pa gñen po!i phyogs gnod pa
can yo"s su gzu" ba!i phyir skye bar mi !gyur ro #es bya ba!i tha tshig go ||.
«Le sens [visé est le suivant:] Les fautes [morales] qui entrent en jeu après
qu!on a surimposé un aspect erroné ne peuvent pas se produire, en raison de
la saisie du contrecarrant annulateur qui appréhende un objet réel.»
89
C!est-à-dire, selon PV! P299a7$8/D252a1 = PVSV! 401,11: cela ne peut
que se produire.
90
Explication, PV! P299a8$299b1/D252a1$2 " PVSV! 401,12$14: déjà pour
la personne qu!essencifient les fautes morales, les moyens de connaissance
valide conduisent au Chemin contrecarrant (pratipak$am!rga) puisqu!ils ap-
préhendent des aspects réels (bh%t!k!ra) tels que l!impermanence (voir
ELTSCHINGER [à paraître 2, §§2$3]); qui plus est pour la personne qu!essen-
cifie le discernement (PVSV! vipa&yan!s!tmani sthitasya, PV!P *vipa&yan!-
m!rge sthitasya, PV!D *vipa&yan!bhy!se sthitasya): voir pp. 514$516 et n.
55, p. 516.
91
Explication, PVSV! 401,14$15: !tm!tm'y!dhy!ropite "rthe prav(tte) |.
«Puisqu!elles portent sur (ou: procèdent relativement à) un objet surimposé
comme soi et comme sien.»
92
Répondant à la question kasya, le génitif par'k$!vato vi&e$e*a adu$+!tmana)
peut aussi être gouverné par buddhe) (cf. PVSVt) ou par yatn!dh!n!t: ma
traduction «locative» ne tranche pas.
236 Traduction
PVSV 111,10 93
[Objection:] Mais quelle est l!origine de ces fautes [mo-
rales, origine] dont la pratique répétée de l!antidote [les] élimine?
[Réponse:]
La naissance de toutes les sortes de fautes [morales] procède
d e l a v u e p e r s o n n a l i s t e ; 9 4 [ o r ] c e l l e - c i [ n ! e s t autre que] la nes-
cience; 95sur ce [à quoi l!on adhère en tant que soi et en tant
que sien,96 naît] l!attachement au [soi et au sien, et] de celui-ci
n a i s s e n t l e s [ p a s s i o n s d ! ] h o s t i l i t é [ à l ! e n dr o i t d e c e q u i l e u r f a i t
d u t o r t ] , e t c . 9 7 [ P V I . 2 2 2]
PVSV 111,15
Pour la [personne] qui, sans [rien] prendre,98 voit [sous le
double aspect du] non-moi [et du] non-mien, il n!est en effet d!at-
tachement à l!endroit de rien; et pour la [personne] détachée, il
n!est d!hostilité à l!endroit de rien, car on n!a d![hostilité] ni pour

93
Sur ce qui suit, voir pp. 503"508.
94
Selon PV! P300a1/D252a6"7 = PVSV! 401,24 et PVV 366,23, l!adversaire
suspecte maintenant une contradiction (vy!gh!ta, virodha) avec l!Écriture
prêchée par le Bienheureux, selon laquelle les passions ont pour cause la nes-
cience (avidy!hetuka).
95
Selon PV! P300a2/D252a7 = PVSV! 401,25"26, ce qui suit montre la façon
dont procèdent les passions à partir de la vue personnaliste. Voir aussi PVV
367,3.
96
Selon PV! P300a3/D252b1 = PVSV! 401,26"27 (tatra !tm!tm"yatvena
abhinivi#$e !rthe); mais PVV 367,1"2 glose tatra par satk!yadar%ane sati, «la
vue personnaliste étant [posée].»
97
Explication, PVV 367,3"4: ato nair!tmyadar%ana& m!rgo yukta' satk!ya-
d(#$ipratipak#atv!t |. «Il est donc correct que le Chemin consiste dans la per-
ception de l!insubstantialité, puisqu!il s!agit [là] de l!antidote à la vue per-
sonnaliste.»
98
Explication, PV! P300a5"6/D252b2"3 " PVSV! 401,30"402,8: !tm!tm"ya-
tvena tadanugr!hakatvena parikalpya grahas tena vin! |. «Sans la prise [de
quelque chose] après l!avoir conceptualisé en tant que soi et sien et en tant
que favorable au [soi et au sien].» Parigraha est glosé abhi#va)ga dans PVP
P110b5, PVV 87,16, abhi#va)ga expliquant r!ga dans PVSV 9,5"6. Noter
aussi TSP 870,13"14 sous TS n°3338: n!pi mama ity ag(h*ata !tmasukho-
tp!dan!nuk+latvena ag(h"te vastuny !tm!tm"yatvena abhi#va)ga' samudbha-
vati |.
Traduction 237

ce qui ne fait nul tort au soi et au sien, ni pour ce qui entrave le tort
[fait à la prise comme soi et comme sien].99 Par conséquent, née de
la pratique [immémorialement] répétée d!une [vue] de même type
[et de son imprégnation latente], la vue du soi donne lieu à la cro-
yance au sien, toutes deux à l!attachement au [soi et au sien], et cet
[attachement] aux [passions d!]hostilité, etc.: toutes les fautes [mo-
rales] naissent donc de la vue personnaliste, et c!est elle qu!on ap-
pelle «ignorance» [dans notre système doctrinal].
Voilà pourquoi [un S!tra] déclare que l!hébétude est la cause
[principale] des fautes [morales, alors qu!il est dit] ailleurs
[que] la vue personnalis te [est la c au s e p r i n c i p al e d e s f a u t e s
morales]; 100[on dit que c!en est la cause principale] car on éli-
mine [les fautes morales] s i l ! o n é l i m i n e l a [ v u e p e r s o n n a l i s -
te101]. [PV I.223]
PVSV 111,23
[Les Bouddha Bienheureux] ont dit de l!hébétude qu!elle
est la cause des fautes [morales] car les fautes [morales] ne se pro-
duisent pas chez qui n!est pas hébété; mais ailleurs, [ils ont dit que

99
Selon PV" P300a8"b2/D252b4"5 = PVSV" 402,10"13, le premier cas se ré-
fère à ce qui demeure indifférent (ud!s"napak#e); le second, à ce qui est favo-
rable (mitrapak#e). Explication, PV" P300b2"3/D252b5"6 # PVSV"
402,13"14: ki$tv !tm!tm"yasnehavi#ayabh%tavirodhena ya& sthita& pratik%-
lavart" tatra eva dve#a& | tasm!n na !tm!tm"yasneham antare'a dve#a iti |.
«Mais on n!a d!hostilité que pour ce qui [nous] résiste en s!opposant à ce qui
est l!objet de [notre] attachement au soi et au sien. Par conséquent, il n!est
pas d!hostilité sans attachement au soi et au sien.» Noter aussi TSP 870,14"
16 sous TS n°3338: dve#o !pi na hi kvacid asaktasya !tm!tm"yapratik%la-
tvena ag(h"te vastuni pr!durbh!vam !s!dayati | !tm"y!nuparodhini tadupa-
rodhapratigh!tini ca tasya asambhav!t |.
100
Introduction, PVV 367,10"11: nanv anye !pi indriyavi#ay!yoni)omanask!r!-
dayo do#ahetava&, tat kim avidy!satk!yad(#*y eva abhihita ity !ha |. «[Objec-
tion:] D!autres [facteurs] encore sont causes des fautes [morales, tels] les ob-
jets des facultés sensorielles ou l!acte d!attention incorrect; pourquoi donc
seules la nescience et la vue personnalistes sont-elles déclarées [telles]?»
101
Selon PV" P301a1"2/D253a3 = PVSV" 402,25"26. Mais PVV 367,13 ex-
plique: tasya mohasya satk!yad(#*ilak#a'asya prah!'e, «en éliminant l!hébé-
tude définie comme la vue personnaliste».
238 Traduction

leur cause est] la vue personnaliste. Voilà102 qui [pourtant ne] sau-
rait valoir [que] si l!exposé [porte] sur la [cause] principale,103 car
il serait contradictoire [d!affirmer] que des fautes [morales] nais-
sant d!un [complexe causal] multiple104 se produisent à partir d!une
[cause] unique[, hébétude et vue personnaliste].105 Et si [toutes]
deux étaient [choses différentes l!une de l!autre mais néanmoins
chacune cause] principale [des fautes morales, les] exposer [tantôt]
l!une et [tantôt] l!autre [en différents passages serait pour le moins]
inélégant [de la part du locuteur]! [Mais si elles ne diffèrent pas
selon la nature propre,] exposer un seul [et même objet tour à tour]
de deux façons [différentes, par les expressions d!«hébétude» et de
«vue personnaliste»,] n!est pas contradictoire [de sa principialité].
Or en tant qu!elle est le substrat des [fautes morales,106 la vue per-
sonnaliste] est principielle, car on élimine les fautes [morales] si
l!on élimine la [vue personnaliste]. Il est donc possible d!éliminer
les fautes [morales,] qui naissent [on l!a vu] de la vue personnalis-
te, grâce à une pratique répétée de la perception de l!insubstantiali-
té, l!antidote de cette [vue personnaliste]. [Bien] difficile à recon-
naître est toutefois l![instructeur] ayant détruit les fautes [morales,

102
C!est-à-dire, selon PV! P301a3/D253a4 = PVSV! 402,28, le fait que l!hébé-
tude et la vue personnaliste soient la cause des fautes morales (tac ca etat k!-
ra"atva# mohasya satk!yad$%&e' ca).
103
Explication, PV! P301a4/D253a4 = PVSV! 403,8: na hetum!tranirde'e |.
«Mais pas si l!exposé porte sur la cause en général.»
104
Complexe (kal!pa) multiple comprenant, selon PV! P301a4/D253a4"5 =
PVSV! 403,8"9, les facultés sensorielles (indriya), leur objet (vi%aya) et
l!acte d!attention incorrect (ayoni'omanask!ra).
105
Explication, PV! P301a5"6/D353a5"6 = PVSV! 403,10"11: tasm!d anya-
k!ra"asambhave !pi pr!dh!nya# g$h(tv! mohasatk!yad$%&yo) k!ra"atvam
uktam iti gamyate |. «On comprend donc que bien qu!il existe d!autres causes
[aux fautes morales], il ait été dit, par référence au [seul] caractère principal,
qu!hébétude et vue personnaliste sont la cause [des fautes morales].»
106
PV! P301b1"2/D253b1 = PVSV! 403,17"18: tac ca anantaram eva prati-
p!ditam | pratip!dayi%yate ca dvit(ye paricchede |. Voir les références grou-
pées pp. 506"508.
Traduction 239

et] grâce à l!enseignement duquel la [personne désirant agir] peut


s!engager à la pratique (pratipadyeta)!107
PVSV 112,6 108
[Arguant précisément] de ce qu!un auteur [d!Écriture
immaculé] est [comme on l!a dit] difficile à reconnaître109[, et]
cherchant à éviter (m! bh"t) que l!Écriture soit une parole se fon-
dant sur l!homme,
d!aucuns disent que puisque les fautes [morales], causes de la
fausseté des paroles, se fondent sur l!homme,110 [seul] un [é-
n o n c é ] i n c r é é e s t v é r i d i q u e [ é t an t d o n n é q u e l e s f a u t e s m o r a l e s
n e p e u v e n t l e s o u s - t e n dr e ] . [ P V I . 2 2 4 ]
PVSV 112,10
Certains [considèrent que] de toute Écriture[, créée ou in-
créée], on ne saurait [également] redouter qu!elle [nous] trompe":#

107
Explication, PV! P301b4/D253b3 = PVSV! 403,23: pratipadyeta | tena
upadi#$am artham anuti#$het |.
108
Introduction, PVV 367,17: vedapr!m!%ya& nir!cik'r#an paramatam utth!-
payati |. «Désireux de réfuter l!autorité du Veda, [Dharmak"rti] présente la
pensée de [son] adversaire.» Qu!il s!agit là de M"m#$saka est explicité par
PV! P302a2/D253b7 = PVSV! 404,5 (kecin m'm!&sak!(); PVV 367,22 dit:
kecij jaimin'y!(. Ici s!ouvre la critique de l!incréation (apauru#eyat!) comme
critère de l!autorité scripturaire: sur la position générale de la M"m#$s# ici
visée, ainsi que sur la structure générale de la critique de l!apauru#eyat!, voir
pp. 116$128. Dans PVSV! 404,7$405,19, K donne un exposé lumineux de
la position générale de Kum#rila en matière de vedapr!m!%ya et de svata(-
pr!m!%ya (sur les citations de %V criblant ce développement, voir APPENDI-
CE B); voir aussi Vibh. 367n. 1, inspiré de K.
109
Dans %V codan! 133$136, Kum#rila démontre qu!il est impossible à l!hom-
me ordinaire de reconnaître une personne omnisciente: voir n. 84, pp. 93$94.
110
Sur les fautes morales (do#a), voir pp. 117$119. Selon les explications gram-
maticales de PV! P301b7$302a2/D253b5$6 & PVSV! 403,28$404,4, deux
interprétations de do#!%!& puru#!)ray!t sont recevables. Dans la première,
le génitif do#!%!m a valeur de kart* (agent), puru#a° de karman (objet), et la
phrase s!entend: do#ai( puru#a[sya] parig*h'tatv!t, «car les fautes [morales]
se saisissent de l!homme» (donc: «les fautes [morales] se fondent sur l!hom-
me»); dans la seconde, do#!%!m a valeur de karman, et puru#a° de kart*:
do#!%!& puru#e%a parigrah!t, «car l!homme se saisit des fautes [morales]»
(donc: «l!homme se fonde sur les fautes [morales]»).
240 Traduction

puisque les fautes [morales] causes de tromperie se fondent sur


l!homme",# un [énoncé] incréé [sera] véridique, car l!absence de la
cause permet [à leurs yeux] de prouver l!absence de l!effet.111 Con-
tre les [M!m"#saka] qui s!expriment ainsi,
d!autres112 disent: puisque les qualités [morales], causes de "la
vérité# des paroles, se fondent sur l!homme, 113pourquoi [un é-
noncé] incréé n!est-il pas faux [étant donné que les qualités
morales ne peuvent le sous-tendre]? [PV I.225]
PVSV 112,16 114
On constate que, captif de [fautes morales] telles que la
concupiscence, un homme ment; de même [constate-t-on qu!un
homme] dit vrai [s!]il a pour propriété fondamentale une [qualité

111
Selon PV$ P302a5/D254a1$2 et PVSV$ 405,24$25, la cause consiste en
l!homme et les fautes morales, causes de fausseté, qui se fondent sur lui (de
la brten pa!i ñes pa log pa ñid kyi rgyu rnams, PV$), tandis que l!effet con-
siste en la fausseté (mithy!tva, PV$/PVSV$).
112
PV$ P302a6$7/D254a2$3 = PVSV$ 405,26$27, Vibh. 368n. 1: paramukhe-
na "!strak!ra eva !ha |. «C!est l!auteur du traité[, Dharmak!rti lui-même,]
qui parle par la bouche d!autrui.» Selon PVV 368,5, les bouddhis-
tes (saugat!#).
113
Explications, PV$ P302a7$8/D254a3$4 = PVSV$ 405,27$29: apauru$eye$u
v!kye$u puru$aniv%tty! satyatvak!ra&asya gu&asya niv%tte# k!ryasya api sa-
tyatvasya niv%ttir iti. «Puisque en niant l!homme dans les énoncés [védiques]
incréés, on nie [ipso facto] la qualité [morale] qui est la [seule] cause de la
vérité [d!un énoncé], on nie également l!effet[, c!est-à-dire] la vérité.» Vibh.
368n. 3 avance d!un pas, et anticipe la position de Dharmak!rti dans PVSV
112,16$19. Par «qualité [morale]», il faut entendre ici les propriétés suscepti-
bles de caractériser la série psychique de la personne crédible; Kum"rila nie
que ces qualités morales puissent être les causes de la véracité des énoncés:
voir pp. 117$119.
114
PVSV$ 405,30$407,14 présente un développement autonome où K répond
point par point aux positions m'm!(saka qu!il a présentées dans PVSV$
404,7$405,19. Dans cinq arguments successifs, K montre que ces positions
n!épargnent au Veda aucun des trois types d!apr!m!&ya reconnus par la M!-
m"#s" (n. 9, p. 118): ni anutpattilak$a&am apr!m!&yam (405,30$406,6), ni
sa("ayalak$a&am apr!m!&yam (406,7$17 et 407,9$14), ni mithy!tvalak$a-
&am apr!m!&yam (406,18$29 et 406,30$407,9).
Traduction 241

mentale] telle que la compassion.115 Par conséquent, tout comme


un énoncé doit [sa] fausseté à ce qu!il se fonde sur l!homme, de
même [lui doit-il] également [sa] véracité; donc [y] nier l![homme
y] nie également la [véracité, et non la seule fausseté];116 aussi [un
énoncé incréé tel que le Veda] peut-il être soit dénué de significa-
tion,117 soit le contraire [de vrai, c!est-à-dire faux]. 118En effet, les
paroles ne sont pas dotées de signification par nature, car [c!est]
grâce à une convention [qu!]à partir d!elles on comprend la signifi-
cation, à l!exemple notamment de signes corporels [tels que geste
de la main ou clin d!"il].119 La convenance [des paroles à révéler la
signification, loin de leur être intrinsèque,] consiste bien plutôt
dans une irrestriction,120 car lors [de l!établissement] d!une conven-
tion, la fixation [des paroles procède arbitrairement] selon la [seu-
le] intention de la [personne qui passe la convention]: il est en effet
impossible que des [paroles] établies naturellement [dans leur si-

115
PV! P302b2/D254a5 = PVSV! 407,16: !di"abd!t prajñ!"raddh!di |. «Avec
"telle que#, [il faut encore entendre] la sapience, la foi, etc.»
116
Cette position, ainsi que son utilisation polémique, trouve d!amples antécé-
dents dans #V codan! 21$46: voir n. 109, pp. 142$143.
117
Explication, PVSV! 407,18$19: iti puru#aniv$ttau taddharmayo% saty!rtha-
tvamithy!rthatvayor niv$tt!v !narthakya& vede sy!t |. «Aussi, dès lors que
nier l!homme revient à nier les deux propriétés de véracité et de fausseté, le
Veda sera-t-il dénué de signification.» Voir aussi TS n°1500$1503.
118
Introduction, PV! P302b6$7/D254b1 = PVSV! 407,22$23: sy!n matam | na
puru#!pek#ay! "abd!n!m arthavatt! ki&tu svabh!vata eva iti. «Admettons
qu!on pense: ce n!est pas en dépendance de l!homme que les paroles sont do-
tées de signification, mais par leur nature propre.» Sur les théories du langa-
ge impliquées dans PVSV 112,19$23, voir pp. 122$134 et pp. 134$140.
119
Les clins d!"il (ak#inikoca) servent déjà d!exemple dans l!objection conven-
tionnaliste de #V s!p 12; Kum$rila y répond sur l!exemple des signes de la
main (hastasa&jñ!) dans #V s!p 139cd$140ab; voir aussi #V "abdapari-
ccheda 20 et TV sous M%S& I.iii.24/II.186,3sq.
120
Explication, PV! P303a2/D255b7 ' PVSV! 407,27$28: apr!tik'lya& ! ya-
th!sa(keta& prav$ttir eva, «l!irrestriction [consiste en cela que] la référence
[fonctionne] selon la [seule] convention [arbitrairement fixée]».
242 Traduction

gnification] notifient [celle-ci] selon [le seul] arbitraire [humain].121


[Donc] sans signification [par elles-mêmes], les [paroles ne] peu-
vent être dotées de signification [qu!]en vertu d!un conditionne-
ment humain[, c!est-à-dire par une convention humaine]. 122Or seu-
le leur conditionnabilité par l![homme] est fondée à [en] constituer
le caractère humain (pauru!eyat"), non [leur simple] production
[par l!homme], car c!est de la [convention humaine] que provient
la tromperie sur l!objet. [Cette tromperie en effet ne provient pas
de leur production par l!homme, car123] même [lorsqu!elle est] pro-
duite [par l!homme], la [parole] n!induit pas en erreur [si on en a]
convenu autrement, à l!exemple de [telle] autre propriété humaine
que la [parole, clin d!"il notamment].124 C!est pourquoi nier
l![homme] nie [du même coup la possibilité d!]une intuition de la
signification, [intuition] qui provient de la [seule] convention fixée
par [l!homme] lui-même. D!où [vient-il] donc [que ce soit selon

121
Voir aussi PVSV 115,5#12.
122
Introduction, PV! P303a6#7/D256a3 " PVSV! 408,9#10: atha m" bh#d
anarthakatvam iti puru!asa$sk"r"pek!ay" arthavattva$ te!"m i!yate | tad"
pauru!eyat" eva sy"t |. «Si maintenant, de peur qu!elles soient dénuées de si-
gnification, on admet que c!est en dépendance d!un conditionnement humain
que les (paroles védiquesPVT) sont dotées de signification, elles ne sauraient
[alors] qu!être de création humaine.»
123
PV! P303b1#2/D256a4#5: gal te ma skyes pa ya% skyes bus legs par byas pa
las !khrul par dogs na [ma] skyes pa ñid kyi skyes bus ma byas pa ñid ni don
med pa yin | !di ltar skyes bus legs par byas pa ñid las sgra rnams ni skyes pa
da% ma skyes pa dag gis log pa da% bden pa!i don can du mi !gyur ro ||. «Si,
quand bien même elles n!auraient pas été produites [par l!homme], on doit
redouter une tromperie [sur l!objet] en raison de [leur] conditionnement par
l!homme, une incréation de [type] non-production [par l!homme devient]
inutile, car en raison [même] de [leur] conditionnement par l!homme, les pa-
roles ne seraient plus fausses ou vraies selon [respectivement] qu!elles ont
été produites ou non [par l!homme].»
124
PV! P303b5/D256a7#b1: ci ste !khrul pa yod par ma gyur cig sñam pas
skyes bus legs par byas pa mi !dod pa de!i tshe | bya rog gi skad la sogs pa
da% !dra bar don med pa can du !gyur ro ||. «Mais si l!on n!admet pas [un tel]
conditionnement humain de peur qu!il y ait tromperie, il y aura alors absence
[totale] de signification, à l!exemple du croassement des corbeaux, etc.»
Traduction 243

vous] la véracité[, et non l!absence de signification, qui résulte] de


la négation de l![homme]?125 Mais si maintenant le fait d!être de
création humaine consiste dans la seule production, PVSV 113,1 et non
[plus] dans la fixation d!une convention (samay!khy!na)126:
[Seule] cause à la notification de la signification, la convention
s e f o n d e s u r l ! h o m m e [ e n t a n t q u ! el l e o b é i t à l ! a r b i t r a i r e h u -
main]: que [les paroles] soient fausses [reste] de ce fait127 pos-
sible même si [l!on admet que ces] paroles sont incréées.128
[PV I.226]
PVSV 113,4
A quoi bon en effet [postuler] l!incréation du [Veda], puis-
que la convention grâce à laquelle on connaît [la] signification[, é-
tant] de création humaine, pourrait [de ce fait] aussi [bien] être er-
ronée?129 [Et donc] l!énoncé [védique stipulant] que le ciel a la mo-
125
Développement, PVSV! 408,20"25: «Par là, ce qu!a dit [Kum"rila dans sa
B"ha##$k!] est écarté, car même si [le Veda] est incréé et permanent, [l!avocat
du Veda] n!a pas [encore] atteint [son] objectif puisque le Veda est [ainsi]
dénué de [toute] signification.» Pour la citation de B!?, voir APPENDICE B
(PVSV! 408,21"24).
126
Explication, PV! P303b8"304a1/D254b1"2: !di ltar skyes bus legs par byas
pas don gsal bar byed pa yod du zin kya% | rig byed ni skyes bus byas pa ñid
yin par mi !gyur ro &es bya ba bsams pa!o ||. «On pense que de la sorte le Ve-
da ne sera pas de création humaine[, et ce] malgré que ce soit le condition-
nement humain qui [en] révèle la signification.» PVSV! 408,27: tena apau-
ru'eyatv!d eva yath!rtho veda iti bh!va( |. «Le sens [visé est] que par là, le
Veda est objectif parce qu!il est incréé.»
127
Explications. (1) PV! P304a3/D254b3 = PVSV! 409,6"7: ata( puru'ecch!-
nurodhina( sa%ket!t. (2) PVV 368,10"11: ata( sa%ketasya puru'!)rayatv!t.
128
Explication, PVV 368,11"13: sa%ketava)ena v!co "rtha* bruvate | sa ca do-
'!)raye+a puru'e+a kriyata iti t!s!* na visa*v!da)a%k!nir!sa( pauru'eya-
v!kyavad iti vyartham apauru'eyatvakalpanam |. «Les paroles disent [leur]
signification grâce à une convention. Or celle-ci est le fait de l!homme, fon-
dement des fautes [morales]: ainsi donc n!y lève-t-on pas le doute quant à
[leur] non-fiabilité, comme [on ne l!écarte pas] d!énoncés de création humai-
ne. Ainsi est-il vain de postuler [comme vous le faites] l!incréation [des paro-
les].»
129
PV! P304a6/D254b5 = PVSV! 409,9: sv!tantry!t |. «En raison de l!autono-
mie [de l!homme].»
244 Traduction

ralité pour moyen de réalisation, on [le] pourrait fausser moyen-


nant une convention [fixée] autrement [que sur l!objet escompté
par l!homme].130 Donc puisqu!il est possible [qu!une parole incré-
ée] révèle [sa signification] de façon erronée aussi, cette même fau-
te [demeure131].
132
Si [l!on admettait que] la relation [entre parole védique et si-
gnification] est incréée, une [personne] ininformée [de la con-
vention] comprendrait [la signification].133 [PV I.227ab]
130
C!est là ce que fait la M!m"#s" elle-même selon PVSV$ 409,10"12 (où le
passage visé définit le ciel comme sumerup!"#ha). Le passage visé par Dhar-
mak!rti pourrait être celui que Kum"rila lui-même cite dans TV sous M!S%
I.iii.30/II.242,9"10, et qu!il dit expressément védique (vede): ye hi jan$% pu-
&yak!ta% svarga' loka' yanti te"$m et$ni jyot('"i nak"atr$&i tath$ cai"a
jyoti"manta' pu&yaloka' jayati. De l!aveu même de Kum"rila, ce passage
recoupe ceux qui, dans les Itih"sa et les Pur"&a, affirment que le ciel est le
merup!"#ha. Selon ces passages, l!homme vertueux (pu&yak!t > )(la) gagnera
le ciel, région des astres située au sommet du Mont Meru. Mais dans l!in-
jonction fameuse (agnihotra' juhuy$t svargak$ma%, voir PV I.318ab), la M!-
m"#s" tient l!oblation au feu (et non la moralité ou la vertu) pour le moyen
de réaliser le ciel (voir aussi 'Bh sous M!S% I.i.2/I.16,3"4), un ciel qu!elle
définit d!ailleurs, non comme nak"atrade)a ou merup!"#ha, mais comme (ni-
rati)ay$) pr(ti% (voir 'Bh sous M!S% IV.iii.15/V.72,6"7, et la discussion sous
M!S% VI.i.1; cf. PV I.320ab et PVSV$ 598,25"26; Kum"rila dit aussi nirmi-
)rasukha et kevalam eva sukham, TV sous M!S% I.iii.30/II.241,24 et 242,11"
12). La M!m"#s" contrefait donc, en passant " selon Dharmak!rti " de nou-
velles conventions, le sens obvie des paroles védiques: elle fait mentir le Ve-
da, et abuse ceux qui sacrifient pour gagner le ciel. Sur ce type de probléma-
tique, voir encore PVSV 114,9"21.
131
Voir PVSV 112,10"12, selon PV$ P304a8"b1/D254b6"7 ( PVSV$ 409,14"
15.
132
Voir en général pp. 122"128. Dans son développement introductif (PVSV$
409,16"29), K vise les théories m(m$'saka du v!ddhavyavah$ra (et cite 'V
s$p 136cd"137ab, voir n. 47, p. 125 et APPENDICE B [PVSV$ 409,19"20]) et
de la sambandhasya tripram$&akat$ (et cite 'V s$p 140cd"141, voir n. 59, p.
128 et APPENDICE B [PVSV$ 409,26"29]). PVV 368,15"16: atha )abd$r-
thayo% sambandho na pauru"eya% ki'tu sv$bh$vika% | tato na mithy$tva-
sambhava% |. «Si maintenant la relation entre parole et signification n!est pas
de création humaine, mais ressortit à la nature propre [des corrélats], la faus-
seté n!est donc plus possible.» Voir aussi la maigre introduction de PV$
Traduction 245
PVSV 113,9
Soit la [position] que voici: c!est une relation improduisi-
ble [par les hommes] que les paroles entretiennent [avec leur signi-
fication], et les hommes ne les [sauraient] fausser (anyath! vipa-
ryasyante) quant aux significations [qu!elles expriment];134 de ce
fait, la faute [selon laquelle ces paroles pourraient n!être pas fia-
bles] n!a pas cours. [A cela nous répondons:] Dès lors [que la rela-
tion est incréée,] à quoi bon une convention? [Dans cette hypothè-
se] en effet, ce grâce à quoi on comprend la signification, c!est la
relation; si celle-ci était incréée, l![homme] ne dépendrait pas
d!une convention.135 136Ou alors, comment [ce qui n!est] pas le fon-
dement de la compréhension [peut-il être] relation?

P304b1"2/D254b7.
133
Explication, PVV 368,19"20: na cec chabd!rthayo" s!#ketiko v!cyav!caka-
t!sambandha" ki$ tu sv!bh!vika" | tad! ag%h&tasa#keto !pi 'rut!c chabd!d
artha$ pratipadyeta iti |. «Si la relation signifié-signifiant entre parole et si-
gnification n!était pas conventionnelle, mais ressortissait à la nature propre
[des corrélats], alors même celui qui ignore la convention connaîtrait la signi-
fication par la parole qu!il entend.»
134
PV! P304b5/D255a3 (sans rnam pa g(an du) " PVSV! 410,12"13 expli-
quent: vitathajñ!nahetavo na kriyante |. «Ne [les] rendent pas causes d!une
connaissance erronée.» L!idée est que les hommes ne peuvent les détourner
de leur signification «naturelle» (PV! P304b5/D255a2"3: ra# b(in du gnas
pa"i don las), de leur nature propre, qui consiste à informer objectivement
(PVSV! 410,12: yath!rthaprak!'akatv!t svabh!v!t).
135
Cet argument apparaît déjà dans #V s! 33 (voir n. 56, p. 127). PV! P304b8"
305a2/D255a5 puis 256a2"3 " PVSV! 410,16"17: prad&p!divat | (rig byed
pa"i sgra las # don rtogs pa"i phyir skyes bu) apek)ate ca sa#ketam | tasm!n
na 'abd!n!m arthena saha apauru)eya" sambandho r!jacihn!divat |. «A l!e-
xemple de la lampe [qui révèle naturellement un objet]. Or PVTafin de com-
prendre une signification à partir des paroles védiques, l!hommePVT dépend
d!une convention. Donc la relation des paroles avec leur signification n!est
pas incréée, à l!exemple des insignes royaux notamment.» Sur les insignes
royaux, voir PVSV 173,4 (type même de l!objet d!une connaissance conven-
tionnelle).
136
Introduction, PV! P305a1"2/D256a3: "dod par ni "gyur na sgra da# don dag
gi "brel pa ni skyes bus ma byas pa ñid kho na yin te | de ya# rtogs pa la brten
pa ma yin pa de"i phyir skyes bus brda la ltos pa yin no (e na |. «Soit la
position que voici: la relation entre parole et signification est strictement in-
246 Traduction
137
Si la manifestation de la [relation est le fait] de la conven-
tion, il est redondant (asamartha) de postuler une [relation] au-
tre [que cette convention]. [P V I.227cd]
PVSV 113,14
[Selon vous] la relation, bien qu!elle existe [réellement],
n!est pas la cause de [notre] compréhension [tant qu!elle n!est] pas
manifestée; une convention, cependant, la manifeste. Mais cette
[relation], qui remplit [donc] son office une fois [la compréhension
déjà] établie [par la convention], pourquoi [la] promeut-on sans
raison? Générer [notre] compréhension de la signification, [en fait]
la seule fonction (vy!p!ra) de la relation, n!est-il pas assuré (k"ta)
par la seule convention? [Objection:] Une convention n![en] est
pas capable [si on la passe] sur une [parole] qui ne convient pas [en
elle-même à communiquer la signification]; "la relation# consiste
donc en [cette] convenance [de la parole].138 [Réponse:] Mais pour-

créée, mais elle n!est pas le fondement de la compréhension [de la significa-


tion]; on dépend par conséquent de la convention [fixée] par un homme.»
Comparer PVSV! 410,18$19, fautif.
137
Introductions. (1) PVSV! 410,20$25, qui cite "V s!p 32 et 41 (voir APPEN-
DICE B [PVSV! 410,21$24]). (2) Les objections introductives de PV!
P305a4$5/D256a4$5 et PVV 369,1$2 posent que la relation, quoique réelle
(sat, PVV), incréée et seule cause de notre compréhension (PV!), ne permet
de comprendre la signification qu!une fois révélée par une convention (pra-
d#pavad gha$!de%, PVV): «donc qui ignore la [convention] révélatrice ne
comprend pas la [relation] révélée» (ato na ag"h#tavyañjakasya vya&gyapra-
t#ti%, PVV). Telle est précisément la position de Kum#rila (et de VP, YBh,
AD$p): voir pp. 122$134.
138
Explication, PVSV! 411,10$11: la notion d!une parole «convenante» est
introduite par l!adversaire par inconsistance, autrement (anyath!nupapatti),
de la compréhension: telle est bien la position de Kum#rila, pour qui c!est la
présomption qui donne la relation (voir pp. 127$128). PVSV! 411,12$13
cite "V s!p 28 (voir APPENDICE B, et pp. 125$127), puis fait la transition en
expliquant (PVSV! 411,15$17): eva' manyate | na ek! (akti% (abd!rthayo%
sthit! ki'tu (abdasth! hi v!caka(aktir any! !rthe sth!tu' v!cya(aktir any!
eva | yad! tu (abda(akti% sambandhas tad! ya eva sambandha% sa eva
sambandh# pr!pta iti p"cchati |. «Ainsi pense-t-on: Il n!y a pas une seule
capacité tenant [à la fois] dans la parole et dans la signification; bien plutôt,
une [chose] est la capacité expressive inhérente à la parole, autre [chose] la
capacité d!être exprimé inhérente à la signification. [Dharmak$rti] demande
Traduction 247

quoi faut-il donc que la relation consiste dans la parole [elle-mê-


me]? En effet, la convenance est la nature efficace de la parole[, et
non autre chose qu!elle], "comme la convenance [de la cause] à
produire [son] effet# [est la cause même, et non autre chose qu!el-
le]. [Mais] si[, afin d!éviter à la relation d!être le corrélat lui-mê-
me, on soutient que] la [convenance] est chose différente [de la pa-
role], pourquoi [cette convenance est-elle celle] de la parole? Il
[vous] faut donc dire [quelle] relation [subsiste entre parole et con-
venance].139 [Objection:] A la convenance [qui est chose différente
d!elle, la parole apporte] une aide.140 [Réponse:] Non, parce qu!une
[convenance] permanente n!a pas [à recevoir] de propriété supplé-
mentaire, 141[et] qu!en raison de la conséquence absurde [qu!il y
aurait à devoir postuler à l!infini une aide] à cette [aide elle-]mê-
me, l!aide [de la parole à la convenance] est inétablie[, et avec elle
une relation de la parole à la convenance]. 142Mais (ca) si [l!on ad-

[alors]: Mais dès lors que la relation est une capacité de la parole, ne résulte-
t-il pas que la relation n!est autre que le corrélat?» Comparer PV! P305b3$
4/D256b2.
139
On pourrait aussi comprendre: «pourquoi devoir poser [maintenant] une rela-
tion [entre parole et convenance] de sorte que [cette convenance soit celle] de
la parole?» Explication, PV! P305b8$306a1/D256b5 = PVSV! 411,22:
anyath! "abdasya iya# yogyat! iti na sidhyet |. «Sinon il ne serait pas établi
que cette convenance [est celle] de la parole.» Voir aussi PVSV 131,21$22,
de nature à faire préférer l!interprétation alternative.
140
Explication, PV! P306a2/D256b6 " PVSV! 411,24: "abdajanyatv!c chab-
dasya yogyat! ity ucyata iti bh!va$ |. «L!intention [de Dharmak#rti est la sui-
vante:] Puisqu!elle est générée par la parole, on dit que la convenance [est
celle] de la parole.»
141
Pour préserver la permanence de la convenance, l!adversaire pourrait suppo-
ser que l!aide apportée (k%ta) par la parole est indépendante (vyatirikta) de la
convenance elle-même. On le sommera alors de préciser quelle relation sub-
siste entre cette aide indépendante et la convenance. Si l!adversaire postule
alors une nouvelle (anya) aide (nécessairement indépendante) à l!aide elle-
même, il s!exposera à une régression à l!infini (anavasth!), avec cette consé-
quence que, l!aide de la parole à la convenance n!étant pas établie, nulle rela-
tion ne sera jamais établie entre la parole et la convenance (PV! P306a3$
6/D256b7$257a2 " PVSV! 411,25$29).
142
Introduction, PV! P306a6$7/D257a2 = PVSV! 411,29$412,9: ki# ca vyati-
248 Traduction

met que la parole] convient par elle-même à la convenance, pour-


quoi ne pas accepter que [sa nature convienne directement] à [gé-
nérer notre compréhension de] la signification même?143
PVSV 113,23
[Objection:] Mais comment !la relation entre parole et si-
gnification" [peut-elle consister, selon vous autres bouddhistes, en]
une convention, puisque [celle-ci est] fonction des hommes[, et
non de la parole et de la signification]?144 145[Réponse:] D#[entités]
discrètes (ami!ra) [et] d#[entités déjà] établies [dans l#existence], il
n#est aucune relation [du type d#une fusion des natures et du type
d#une dépendance], parce que [leur] indistinction s#ensuivrait, et
parce qu#[une entité déjà établie dans l#existence] ne dépend [plus
de rien].146 147Stimulée par le souhait de [communiquer] une signifi-

rikt"# yogyat"m upakurv"$a% !abda% svar&pe$a eva upakaroti na parar&-


pe$a | !abdasya anupak"rakatvaprasa'g"t |. «De plus, lorsqu#elle aide [cette]
convenance indépendante, c#est par sa nature propre qu#elle [l#]aide, non par
une tierce nature, car il s#ensuivrait [sinon] que la parole ne [l#]aiderait pas.»
143
Selon l#adversaire, la parole conviendrait par nature (svar&pe$a) à la conve-
nance (indépendante) à générer la compréhension de la signification. L#inten-
tion de Dharmak!rti (iti y"vat) est ici de demander: «[Mais] pourquoi [la pa-
role génère-t-elle selon vous] indirectement [notre compréhension de la si-
gnification]?» (ki# p"ramparye$a dans PV" P306b1/D257a3 = PVSV"
412,10). Conclusion, PV" P306b1$2/D257a3$4: de bas na ru' ba ñid ces
bya ba!i !brel pa tha dad pa !ga! (ig kya' yod pa ma yin te | de ni don rtogs
pa!i rgyu ma yin gyi brda kho na las don rtogs pa!i phyir ro ||. «Il n#existe
donc nulle relation indépendante appelée #convenance%. Celle-ci n#est pas la
cause de [notre] compréhension de la signification, car c#est plutôt par la seu-
le convention qu#on comprend la signification.» Comparer PVSV" 412,10$
11.
144
Explication, PV" P306b4/D257a5 $ PVSV" 412,14: na ca anyadharmo
anyasya dharmo "!vadharma iva go% |. «Or la propriété de l#un n#est pas la
propriété de l#autre, comme la propriété d#un cheval [n#est pas celle] d#une
vache.»
145
Introduction, PV" P306b4$5/D257a5$6 $ PVSV" 412,15$16: "c"ryas tu na
kevala# samayo na sambandho "nyo "pi bh"vika% sambandho na asti ity "ha |
na ity"di |. «Le maître ne se contente pas de dire que la convention n#est pas
une relation, mais qu#aucune autre relation réelle n#existe. Afin de le mon-
trer, il dit ce qui suit.»
146
Ny%ya et M!m%&s% rejettent le modèle d#une fusion des natures (sa#!le)a,
Traduction 249

cation donnée (arthavi!e"a), la parole [émise par le locuteur] indi-


que, à la [personne] qui sait que tel [énoncé provient] de telle [in-
tention], un objet présentant l!apparence de la cause propre [de la
parole, c!est-à-dire de l!intention du locuteur]; ainsi la relation [en-
tre parole et signification] consiste-t-elle [selon nous] dans le rap-
port de générant à généré qu!entretiennent [respectivement] "une
nature notionnelle [définie comme une intention], et une notifica-
tion verbale#. PVSV 114,1 La connaissance [que nous tirons] de la paro-
le [vient] donc d!une corrélation régulière,148 [et] la convention est
ce qui [nous] révèle (#khy#na) cette [corrélation régulière].149 Puis-

voir n. 36, p. 122); mais tandis que les Naiy!yika, comme Dharmak"rti,
n!admettent qu!une convention entre v#cya et v#caka, Kum!rila (inspiré de
Bhart#hari) envisage la relation entre signifié et signifiant comme une dépen-
dance, un rapport d!auxiliarité (upak#ryopak#rit#, voir n. 53, p. 126). Con-
trairement à ce qu!il fera dans SP 1$3 (voir FRAUWALLNER 1934), Dharma-
k"rti ne distingue pas (encore?) ici entre p#ratantrya et par#pek"#. Cepen-
dant, $ et K s!efforcent de faire entrer le présent passage dans le cadre de la
SP, où Dharmak"rti critiquera trois modèles réalistes de relation, p#ratantrya
(SP 1), r$pa!le"a (SP 2), par#pek"# (SP 3): sur ce point, voir PV% P306b5$
307a1/D257a5$b2 & PVSV% 412,16$21. Noter aussi PV% P307a1/D257b1$
2: de ya% %Brel pa brtag pa las rgyas par b!ad zin pa!i phyir !dir ma spros
so ||. «Puisque [Dharmak"rti] l!a déjà expliqué en détail dans la SP, il ne s!y
étend pas ici.»
147
Selon l!adversaire de PV% P307a1$3/D257b2 & PVSV% 412,22$23, trois
problèmes se posent à défaut de relation: (1) comment s!effectue la compré-
hension (prat&ti)? (2) comment inclure la connaissance verbale (!#bda' jñ#-
nam) dans l!inférence? (3) quel est le but (prayojana) d!une convention? Sur
ce qui suit, voir pp. 138$140.
148
C!est-à-dire, selon PV% P307a7$8/D257b5: la parole ne se produit pas si
l!objet existant dans la pensée n!existe pas (blo la yod pa!i don med na sgra
ni mi !byu% ba yin). Par là, selon PV% P307a8/D257b5$6 = PVSV% 413,3$4,
Dharmak"rti donne sa solution aux deux premiers problèmes soulevés par
l!adversaire (voir n. précédente). PVSV% 412,31$413,2 voit également là une
réponse à la position de Kum!rila dans le !abdapariccheda du $V (voir AP-
PENDICE B). Selon PV% P307b1/D257b6$7 et PVSV% 413,5, la phrase sui-
vante résout le troisième problème soulevé par l!adversaire.
149
Explication, PV% P307b2$3/D257b7$258a1: ji skad du b!ad pa!i sgra da%
don dag gi !brel pa ni ldog par mi byed de | med na mi !byu% ba!i mtshan ñid
can gyi !brel pa khas bla%s pa!i phyir ro || !on kya% ga% (ig don dam pa!i
250 Traduction

que c!est grâce à cette [convention] qu!est établie la relation [de


corrélation régulière] qui [nous] informe [de la signification, grâce
à elle donc] qu!est révélée [cette] relation[, on dit métaphorique-
ment cette convention une «relation»], mais cette [convention]
n!est nullement une relation [véritable].150
PVSV 114,3
Ou [alors,] soit une relation permanente autre [que celle
que nous venons de définir en termes de corrélation régulière].
Si les paroles étaient ordonnées PVSVpar cette [relation]PVSV à
[n!exprimer qu!]une seule signification, on ne pourrait com-
prendre[, par le biais d!une nouvelle convention,] une signifi-
cation autre [que celle à laquelle sont ordonnées les paroles].
[PV I.228ab]
PVSV 114,6
Comprendre une signification [qui ne serait] pas liée [à la
parole] par cette relation[-ci serait] en effet infondé, car il s!ensui-
vrait [, si la chose était fondée], que cette [relation] serait inutile.
Or on constate que toute [parole peut être] révélatrice de toute [si-
gnification] dès lors qu!elle fait l!objet, selon l!arbitraire [de
l!homme qui l!utilise], d!une convention [en ce sens].
Si [l!on admet maintenant que la parole védique] est liée à des
significations multiples, 151la révélation d!une [signification]

!brel pa don g!an !dod pa de bkag pa yin no ||. «On ne nie pas une relation
entre parole et signification expliquée en ces termes, puisqu!on accepte une
relation définie comme une corrélation régulière. On réfute en revanche qui-
conque accepte[rait] une relation réelle hypostasiée.» Voir aussi TS n°2622"
2623.
150
Développement conclusif, PVSV! 413,9"414,12. (1) K considère que la po-
sition de Dharmak"rti écarte celle de Kum#rila dans $V s"p 13 (voir APPEN-
DICE B [PVSV! 413,10"11]); (2) K répond à deux objections contre la posi-
tion de Dharmak"rti: (2a: PVSV! 413,12"17) doit-on en conclure que la rela-
tion entre fumée et feu est conventionnelle? (2b: PVSV! 413,18"414,12)
comment inférer un signifié dès lors que ce qui naît de l!intention n!est que
phonèmes dénués de toute signification (K cite et critique $V s"p 14 et
21cd"23; voir APPENDICE B [PVSV! 413,27"414,10])?
151
Explication, PV! P308a3"5/D258a6"7 % PVSV! 414,19"21: yady ek"rtha-
niyamena samayak"ro "bhivyakti# karoti | tad" abhimata eva arthe karoti na
Traduction 251

i n c o m p a t i b l e [ a v e c c e q u e l ! o n escompte] est p o s s i b l e [ , s e l o n
la convention qu!on aura arbitr airement retenue afin d!ordon-
ner la parole à une et une se ule signification]. [PV I.228cd]
PVSV 114,10
Si maintenant, pensant éviter [ainsi] une incompatibilité
avec ce que l!on constate [empiriquement, notre adversaire admet
que] toutes [les paroles] sont expressives de toute [signification],
de même [lui faut-il nécessairement admettre que] tout [objet] ne
permet pas de réaliser tout [résultat] puisqu![il est de règle qu!]un
rapport de causalité [n!admet] pas de confusion.152 Cela posé (ta-
tra), d!où vient-il que, là où l!on escompte un objet [tel que le
ciel], dont le moyen de réalisation est [une entité bien] déterminée
(pratiniyata) [telle que l!agnihotra], l!auteur de la convention ne
révèle, d!une parole [pourtant] commune aux moyens de réalisa-
tion [respectifs] de tous les [effets] réalisables,153 que [l!objet] dési-
rable [en tant que c!est lui seul qui permet de réaliser un effet dé-
terminé tel que le ciel]?154 Non ordonnée [par elle-même à aucun

tv anyasmin eva viruddha iti na asti niyamas tata!! «Si celui qui fixe la
convention manifeste [la signification] en ordonnant [la parole] à une seule
signification, il n!y a [aucune] nécessité (niyama) à ce qu!il [la] fixe sur la
seule signification escomptée et non sur une autre, incompatible [avec ce que
l!on escompte]; donc"»
152
Au contraire du rapport signifié-signifiant, arbitraire et conventionnel, le rap-
port de causalité est fixe (pratiniyata): à telle cause correspond tel effet; les
causes ne sont pas arbitrairement et conventionnellement substituables les
unes aux autres. Voir aussi TS n°2659#2660, et TSP 711,11#15.
153
Traduction fondée sur PVSV! 415,9#10. PVSVt et PV! P308b3#4/D258b4
comprennent °s"dhyas"dhana° comme un dvandva: «parole commune à tous
les [effets] réalisables et moyens de réalisation.»
154
Il existe une entité telle que cette entité (1) permet de réaliser le ciel et (2) est
le référent du mot «agnihotra» (ou: «agni#$oma»). Or en niant toute percep-
tion du suprasensible (< buddhim"ndya), la M"m#$s# prive l!auteur de la
convention des moyens gnoséologiques d!identifier cette entité. D!où un
doute (sandeha, sa%&aya): lorsque l!auteur de la convention fixe, pour «agni-
hotra», une convention telle que «agnihotra» se réfère à un type donné
d!oblation biquotidienne au feu (l!agnihotra), qu!est-ce qui garantit que ce
rituel est bien ce qui permet de réaliser le ciel, et non quelque chose d!incom-
patible avec la réalisation du ciel (svargas"dhanaviruddh"rtha)? Le mot
252 Traduction

signifié], la [parole] !reçoit" de l#homme[, par convention, son] or-


dination [à un signifié donné, lequel peut se révéler incompatible
avec les attentes humaines]; PVetPV alors [il est non seulement pos-
sible que la convention révèle quelque chose d#incompatible avec
les attentes humaines, mais]
postuler l#incréation [du Veda] serait [en outre parfaitement]
vain.155 [PV I.229ab]
PVSV 114,16
Dans l#espoir de connaître[, à partir de paroles incréées,]
une signification épurée [de tout élément indésirable], on évacue
[cet] homme [qu#on tient pour] la cause de la confusion [du désira-
ble et de l#indésirable, des paroles védiques]. [A cette démarche
nous opposons ce qui suit:] Utilisées en une certaine [signification
arbitraire] par les hommes, [les paroles tenues pour de création hu-
maine] sont trompeuses (sa!k"ryante) [en tant qu#il est possible
qu#elles expriment quelque chose d#indésirable; or] puisque [selon
vous les hommes] ignorent la [vraie] réalité [des choses], telles [se-
ront] alors (tatra) exactement [les paroles tenues pour incréées,]
que les [hommes doivent] coordonner [par convention arbitraire] à
une certaine [signification] alors qu#elles sont [en elles-mêmes]
communes à toutes! [Objection:] C#est par nature que les [paroles]
védiques sont ordonnées [à la signification escomptée].156 [Ré-
ponse:] [Si tel était le cas,] elles ne dépendraient pas d#un ensei-
gnement [pour révéler leur signification];157 elles ne révéleraient

«agnihotra» pourrait en effet tout aussi bien se référer à un repas de chair


canine (voir n. 130, p. 244). Voir PVV 369,14$15 et Vibh. 369n. 4 (sous PV
I.228cd), PV! P308b4$309a2/D258b5$259a2 et PVSV! 415,12$14, PVSV
115,10$11, pp. 142$143, et ELTSCHINGER 2003: 161$162.
155
Explication, PVV 369,20$21: tadabhyupagame !pi puru#asv$tantry$bhyupa-
gam$t |. «Car même si l#on admet l#[incréation du Veda], on admet l#autono-
mie de l#homme [quant à fixer les conventions].»
156
Explication, PV! P309b2/D259a7 " PVSV! 415,25: tato na puru#asa%sk$-
rak&to do#a'. «Par conséquent, point [là] de faute qui serait le fait d#un con-
ditionnement humain.»
157
Explication, PV! P309b2$3/D259b1 = PVSV! 415,26: apek#ante ca | svatas
tebhyo !rthaprat"ter abh$v$t |. «Or elles en dépendent, car on ne comprend
pas [leur] signification directement à partir d#elles.»
Traduction 253

pas [une autre signification] moyennant une [nouvelle] convention


[fixée] différemment; et la diversité des explications [que l!on ren-
contre chez les exégètes du Veda] n!aurait pas cours. Et puisque
l!enseignement [des exégètes] n!a pas la fiabilité désirée quant à un
[énoncé védique] susceptible d!une diversité [de sens selon l!expli-
cation retenue], l!incréation [du Veda] est parfaitement vaine.158
Et [celui qui admet une relation entre la parole védique et sa si-
gnification] doit préciser [quel type de] raison [logique159 pré-
side] à [sa] détermination d!une relation entre [les natures] dis-
t i n c t e s [ q u e s o n t l a p a r o l e e t l a s ig n i f i ca t i o n ] . [ P V I . 2 2 9 c d ]
PVSV 114,25
En effet, les objets extérieurs [tels que cruches et pièces
d!étoffe] ne sont pas la nature de la parole, [pas plus que] la parole
n!est [celle] des objets,160 en sorte que malgré une différence de
statut [logique],161 [parole et objet] entretiendraient une relation né-

158
Explication, PV! P310a1/D259b5"6 = PVSV! 416,13: t!m api kalpayitv!
vyabhic!r!"a#k!y! aniv$tte% |. «Car même après l!avoir postulée, la crainte
d!une déviation n!est pas écartée.»
159
C!est-à-dire: soit un svabh!vahetu fondé sur un t!d!tmyalak&a'a% samban-
dha%, soit un k!ryahetu fondé sur un tadutpattilak&a'a% sambandha%. Dhar-
mak"rti rejette la première hypothèse dans PVSV 114,25"27 (selon PVV
370,1, l!hypothèse ne tient pas puisque ces natures sont réellement distinc-
tes); la seconde, dans PVSV 114,27"28 (selon PVV 370,1"2 et PV!
P310b6"7/D260a7"261b1, la parole se produit par la seule intention du locu-
teur, sans objet extérieur). Cette seconde hypothèse se divise en deux sous-
hypothèses: la signification consiste soit dans un contenu intentionnel, soit
dans un objet extramental. Dans les deux sous-hypothèses, le M"m#$saka
s!expose à l!impermanence de la parole. L!argumentaire développé dans et
sous PV I.229cd servira de fondement aux critiques postérieures de la con-
naissance verbale ("!bda) comme pram!'a autonome, chez %#ntarak&ita, Ji-
t#ri, Ratnak"rti et Mok&#karagupta: voir ELTSCHINGER 2003: 142"149.
160
Selon PV! P310a4"6/D259b7"260a1, deux conséquences inacceptables
(prasa#ga): si artha était la nature de "abda, "abda cesserait d!être "abda
("abdasvabh!vat!h!ni°); si "abda était la nature de artha, artha cesserait
d!être artha (gha(!disvabh!vat!h!ni°). Comparer PVSV! 416,17"18.
161
Explication, PV! P310a6"7/D260a2 = PVSV! 416,19"20: iti vy!v$ttibheda-
sam!"raye'a s!dhyas!dhanabhede !pi |. «C!est-à-dire malgré la différence
entre [propriété] à prouver et [propriété] probatrice, qui repose sur une [sim-
254 Traduction

cessaire en tant qu!étant d!une essence identique, à l!exemple de la


confection et de l!impermanence. De plus, les sons [védiques] ni
ne naissent d!une intention du locuteur162 " ou [s!ils sont] sans
naissance, ne sont révélables par [ladite] intention163 ", ni ne repo-
sent sur des objets [extérieurs].164 [Mais] dès lors (id!n"m) [qu!il
n!y a de relation d!aucune de ces deux sortes entre eux,] comment
donc [les paroles] permettraient-elles de prouver la présence de
l![objet, laquelle n!est] démontrable [que] par [leur] corrélation à
l![objet en termes d!identité ou de causalité]? PVSV 115,1 En effet, [la
parole] n!en fait pas la preuve [si elle n!est] pas liée [à l!objet].
Par [leur] inconditionnabilité de la part des hommes, [les paro-
les védiques] seraient de toute façon165 dénuées de significa-
tion[, c!est-à-dire ne seraient ni vraies ni fausses]; si l!on [ré]a-
dmettait un conditio nnement [humain afin de s e d é b a r r a s s e r d e
c e t t e a b s e n c e d e s i g n i f i c a t i o n , l e u r f a u s s e t é a u ss i s e r a i t p o s s i -

ple] différence d!exclusions [conceptuelles].» Sur ce point, qui se trouve au


fondement de l!apoha, voir HB 5*,11"12 (STEINKELLNER 1967: 39 et 101"
102n. 4), et STEINKELLNER 1974: 126.
162
Explication, PV! P310b3/D260a5 = PVSV! 416,26: nityatv!bhyupagam!t |.
«Puisque [notre adversaire en] admet la permanence.»
163
Explication, PV! P310b3"4/D260a5"6 " PVSV! 416,27"28: nityatvah!ni-
prasa#g!t | vya#gy!n!m utp!dyatv!d ity ukta$ pr!k |. «Parce qu!il s!ensui-
vrait qu!ils perdraient leur permanence: on a [en effet] dit plus haut que les
[entités] révélables sont des produits.» Sur ce point, voir pp. 189"196.
164
Explication, PV! P310b5/D260a6 = PVSV! 416,30: nityatv!d eva |. «Préci-
sément parce qu!ils sont permanents.» Pour Dharmak#rti, «dépendre de» est
équivalent de «recevoir une propriété supplémentaire de», et donc de «être
produit»/«changer». Noter PV! P310b5"6/D260a6"7 = PVSV! 416,31"
417,10: anye tv ekam eva grantha$ k%tv! vy!cak&ate | yasm!n na vivak&!jan-
m!no na api tadvya#gy!' | tasm!d ubhayath! api na arth!yatt! na b!hye va-
stuni pratibaddh! vaidik!' (abd!' |.
165
Explication, PVSV! 417,14"15: sarvath! iti | yadi puru&air arth!bhipr!ye)a
(abd! na kriyante na api sa#ketyante |. «De toute façon, c!est-à-dire: si les
hommes ne produisent pas les paroles par intention de [communiquer] une si-
gnification, ni ne passent de conventions.»
Traduction 255

ble:] voilà qui serait véritablement [comparable au] bain de


l!éléphant!1 6 6 [ P V I . 2 3 0 ]
PVSV 115,5
[C!était là] une stance récapitulative. De plus[, si elle exis-
tait], la relation entre parole et signification pourrait être soit per-
manente, soit impermanente. Si [elle est] impermanente, [elle pour-
rait être] fonction de l!arbitraire humain[, à l!exemple de la tension
d!un membre], ou [n!en être] pas fonction[, à l!exemple de la pous-
se]. "Si[, dans la seconde sous-hypothèse, la relation] ne dépendait
pas de l!homme#, la [parole] ne notifierait pas, avec un changement
de lieu notamment, [une signification] selon la [seule] intention des
hommes [qui vivent en tels lieu et époque particuliers], car même
si le désir [de notifier quelque chose à travers elle se faisait sentir
en l!homme, celui-ci ne pourrait] jamais faire usage [à son gré]
d!une [parole] indépendante [de lui], comme [il ne saurait se servir
de choses] telles qu!une montagne.167 Cette même faute vaut égale-

166
Selon PV! P311a6$7/D260b5$6, PVSV! 417,19$20 et PVV 370,9$10, les
éléphants, après s!être baignés pour se laver de leur boue (pa!ka), s!asper-
gent à nouveau de boue. Afin d!écarter toute fausseté des énoncés védiques,
la M"m#$s# évacue l!homme, qu!elle tient pour cause de tromperie. Mais se-
lon Dharmak"rti, la signification $ vérité et fausseté $ est fonction de l!hom-
me qui passe les conventions arbitrairement. Se priver de l!homme revient
dès lors à se priver de signification. Pour autoriser une signification vraie au
Veda, le M"m#$saka doit s!accommoder de conventions et d!arbitraire hu-
mains, et partant, accepter le risque concomitant de fausseté.
167
PV! P311b6$7/D261a3$4: yul la sogs pa g"an du gyur pa bsam pa ji lta ba
b"in du ston pa ni mtho! ste | yul g"an la sogs pa la don g"an pa can gyi sgra
de ñid ni | yul [g"an] la sogs pa don g"an du ston pa dmigs pa!i phyir ro || de
bas na skyes bu rnams la !brel pa rag las pa med pa ma yin no ||. «Or on
constate que [la parole] notifie, avec un changement de lieu notamment, [une
signification différente] selon la [seule] intention [des hommes] (d#$%a& ca
de&'dipar'v#tty' yath'bhipr'ya( pratip'danamPVSVT 417,28$29). On observe en
effet que tels lieux et [époque] donnés (de&'ntar'di) présentent en telle signi-
fication donnée (arth'ntara) la parole même qui possède telle autre significa-
tion (arth'ntara) en tels autres lieux et [époques] (de&'ntar'di). La relation
n!est donc pas sans dépendre des hommes (tasm'n [na] puru$e$v an'yatta)
sambandha)PVSVT 417,29).» Sur ce point, voir PVin II.69,13$70,1/20*,31$21*,1,
ELTSCHINGER 1999: 53$55 et ELTSCHINGER 2003: 159$160 (avec n. 67). Le
thème apparaît également dans et sous NS II.1.56, dans et sous M"S% I.iii.10
256 Traduction

ment si [la relation] est permanente, car sa nature constante ne sau-


rait changer [avec un changement spatio-temporel, à l!exemple de
celle de l!espace]; [et] même si [l!on postule que la relation] sub-
siste en toute [signification] "simultanément#, il s!ensuivra comme
auparavant que, "faute d!ordination à la [signification] désirée#,
l!on ne saurait connaître la [signification] particulière à partir de
cette [relation au demeurant commune à toutes].168 Mais si [la rela-
tion impermanente] est fonction de l!arbitraire [humain, alors] elle
est de création humaine, [et] partant, [il faudra] redouter la trompe-
rie [puisque l!homme est selon vous cause de tromperie]. De
plus,169
puisque les corrélats[, c!est-à-dire les objets signifiés,] sont im-
permanents, la relation [qui repose sur eux] n!a pas de perma-
nence [non plus]. [PV I.231ab]
PVSV 115,14
Une relation prend assurément [quelque chose d!]autre
pour point d!appui, car il ne se peut pas que les deux [corrélats]
aient une relation170 si [la relation] ne repose pas [sur le corrélat].

(voir aussi TV sous M!S" I.iii.9/II.142,12$23 [p!rvapak"a]). Dans le contex-


te de sa critique de var#$nup!rv%, Dharmak!rti développe un argumentaire
analogue (voir PVSV 135,12$17).
168
La conséquence inacceptable est celle qu!exhibe Dharmak!rti dans et sous
PV I.228cd, selon PV# P312a5$6/D261b1 et PVSV# 418,17$18: une telle
parole pourrait révéler une signification incompatible avec les attentes hu-
maines, car «il faut admettre que même liée à de multiples significations, la
parole reçoit d!un conditionnement humain [son] ordination à la signification
escomptée» (PV# P312a4$5/D261a7$b1 $ PVSV# 418,16$17: anek$rth$-
bhisambaddho !pi &abda' puru"asa(sk$r$d i")$rtha[pratiPVT]niyama( prati-
padyata ity a*g%kartavyam). Par «signification désirée/escomptée», il faut en-
tendre l!état de chose (rituel, agnihotra par exemple) permettant de réaliser la
fin escomptée (svarga par exemple).
169
Selon PV# P312a7$8/D261b2 et PVSV# 418,21, Dharmak!rti adresse ici une
nouvelle critique à une relation permanente; selon PVSV# 418,21$23, l!objet
(vi"aya) des paroles est de deux sortes: le genre lui-même (s$k"$j j$ti'), ou
l!individu caractérisé par le genre (tallak"it$ vyakti'). Il commence par l!hy-
PVSV 115,12$17), et traitera du
pothèse selon laquelle l!objet est l!individu (P
genre dans PVSV 115,17$21.
170
On pourrait aussi comprendre: «car il ne se peut pas que les deux [corrélats]
Traduction 257

Or le point d!appui [de la relation entre parole et signification] est


impermanent: si ce [point d!appui] disparaît, la relation [qui s!ap-
puie sur lui] disparaît [elle] aussi[, comme la clarté disparaît si la
lampe s!éteint]; sinon, [la relation] serait sans prendre appui [sur
son point d!appui supposé].171 Donc [la relation] n!est pas perma-
nente. Il [vous] faut en outre préciser [en quel] sens [vous entendez
que les deux corrélats forment] le point d!appui de cette [relation],
172
"puisqu!une [relation] permanente ne peut recevoir d!aide. Or un
[point d!appui supposé] qui n!apporte pas d!aide ne [saurait être]
un point d!appui#. [Objection:] Puisque le genre[, qui est perma-
nent,] est le signifié, la faute173 [que vous dénoncez] n!a pas cours.
[Réponse:] Non, car il n!y a [aucune] utilité [pratique] à ce que [la
parole] exprime le [genre]: cela[, nous l!avons] développé [plus
haut174]. Et il ne se peut pas [que la parole exprime le genre], parce

soient des corrélats», de sens identique.


171
PV! P312b5$6/D261b6: ga! "ig ga! !jig pa na mi !jig pa de ni de la brten
par rigs pa ma yin te | dper na bum pa !jig pa na snam bu mi !jig pa lta
bu!o ||. «[D!]un x qui ne périt pas lorsque y périt, il est incorrect [d!affirmer]
qu!il s!appuie sur y; par exemple, une pièce d!étoffe ne périt pas lorsque une
cruche périt.»
172
Explication, PV! P312b7/D261b7 = PVSV! 419,8: upak#r#rtho hy #$ray#-
rtha% | sa ca iha na asti |. «En effet, le sens de "point d!appui% est le sens de
"aide%. Or ce [sens] ne vaut pas ici.» Sur ce point, voir pp. 189$196.
173
Selon PV! P312b8$313a2/D262a1$2 = PVSV! 419,11$12, il s!agit de la
faute selon laquelle la relation est impermanente en raison de la périssabilité
des corrélats. Selon l!adversaire, cette faute se présente si le signifié est l!in-
dividu (vyakti), mais pas s!il consiste dans un genre permanent.
174
Selon PV! P313a3$4/D262a3$4 et PVSV! 419,15$16, dans la section con-
sacrée à any#poha, et plus particulièrement dans et sous PV I.93$94ab1, i.e.
dans PVSV 45,29$46,25 (voir FRAUWALLNER 1932: 274$276, VETTER 1964:
59$60 et VORA/OTA 1982: 16$19): «Dharmak&rti geht " von dem Grundsatz
aus, daß die Sprache ebenso wie die Erkenntnis dem zweckmäßigen Handeln
dienen muß. Die Worte " müssen also die Erkenntnis von Gegenständen ver-
mitteln, welche geeignet sind, als Grundlage zweckmäßigen Handelns zu die-
nen " [Die] Lehre, daß die Gemeinsamkeit [s#m#nya = j#ti] der Gegenstand
der Worte ist, widerlegt er durch den Hinweis darauf, daß die Gemeinsamkeit
unwirksam ist und daher nicht als Grundlage zweckmäßigen Handelns dienen
kann. Die Sprache wäre " in diesem Fall für das Handeln der Menschen
258 Traduction

que toute [expression] n!a pas un genre [pour référent, à l!exemple]


des [expressions] accidentelles, qui expriment l!individu [seule-
ment],175 et parce que si [la parole] exprimait (codana) toujours le
genre, agir [par rapport à l!individu visé] en excluant les autres
particuliers ne serait pas possible.176 177Par conséquent, une relation

ohne Wert.» Traduction FRAUWALLNER 1932: 275"276. PVSV 46,11"12: na


hi j!ti" kvacid v!hadoh!d!v upati#$hate | na ca t!d%&a' prakara(am anta-
re(a loke &abdaprayogo vyavah!re#u |. «Le genre en effet ne sert à aucune
[activité pratique] telle que le transport ou la traite; or dans le monde ordinai-
re, on n!utilise pas les paroles, dans [le cadre] de [nos] transactions [quoti-
diennes], indépendamment d!un tel contexte [pragmatique].»
175
Selon PV! P313a7/D262a5 = PVSV! 419,21, Dharmak"rti s!exprime en
adoptant le point de vue de ceux (les Grammairiens) qui divisent les mots
(&abda) en quatre catégories (voir APPENDICE B [PVSV! 419,20"21] et
D!SA 1980: 85"86): mots de genre (j!ti&abd!", p. ex. «gau"»), mots de qua-
lité (gu(a&abd!", p. ex. «n)la»), mots d!action (kriy!&abd!", p. ex. «p!ca-
ka») et mots d!arbitraire, i.e. noms propres/accidentels (yad%cch!&abd!", p.
ex. «Di$$ha»; selon PV! P313a5"6/D262a4"5 # PVSV! 419,18"19, yad%-
cch!, c!est le désir d!utiliser un mot indépendamment de [tout] critère/indice
extérieur, b!hya' nimittam antare(a &abdaprayogecch! yad%cch!). Les qua-
tre catégories sont formées, non selon le pad!rtha, l!objet dénoté par le mot,
mais selon le critère/indice présidant à l!application du mot (prav%ttinimitta).
Dharmak"rti et ses commentateurs négligent ici cette distinction. Une divi-
sion quintuple (avec dravya&abd!") apparaît dans PSV sous PS I.3d (voir
HATTORI 1968: 25, et surtout 1968: 83"85), et sextuple (avec sarvan!man)
dans TV sous M"S$ I.iii.30/II.229,13"14.
176
Explication, PVSV! 419,24"26: d%#$! ca gosv!min! g!m !naya ity ukte
!nyasv!migovyud!sena viniyat! eva gor !nayan!rtha' prav%tti" | s! ca eva'
sy!d yadi prakara(!din! go&abdo vi&e#av%tti" sy!t |. «Or on constate que
lorsque le propriétaire d!une vache dit: %Amène la vache#, l!action servant à
amener la vache est strictement limitée par exclusion des vaches appartenant
à d!autres propriétaires. Or cette [action n!]est possible de cette façon [que]
si, en fonction [de facteurs] tels que le contexte, le mot %vache# se réfère à
une [vache] particulière.» Comparer PV! P313b1"4/D262a7"262b1. Le con-
texte étant celui d!une phrase injonctive, on hésite à traduire °codana (tou-
tefois uniformément rendu par tib. brjod pa, même dans PVSV 46,13) par
«enjoignait».
177
Introduction, PV! P313b4/D262b2 = PVSV! 419,27"28: yata eva' v!sta-
va" sambandho na sa'gacchate prak%tibhinn!n!' tasm!t" «Puisque ainsi
une relation réelle ne vaut pas d![entités] distinctes par nature, par consé-
Traduction 259

[entre entités distinctes par nature se résume à] l!existence et [à]


l!inexistence [qui sont celles] d!une entité[, tenue pour un effet,]
qui est présente et absente [selon que ce qu!on tient pour sa cause
existe ou n!existe pas].
[C!est] donc aux hommes [qu!il revient] de confectionner
(sa!sk"rya), par la pensée, la [relation] entre les paroles [qui
sont des effets] et les significations [qui en sont les causes].
[PV I.231cd]
PVSV 115,24
C!est sur la base des existence et inexistence [de la parole
par rapport à celles de la signification] que, par un habitus [immé-
morial] des pratiques conventionnelles, deux [entités] pourtant dis-
sociées [par nature] apparaissent à [la connaissance conceptuelle
de] l!homme "[comme] associées#: PVSV 116,1 la réunion des entités
est donc de création humaine.178 De plus, si la destruction du point
d!appui entraînait que la relation périsse, la parole, puisque [désor-
mais] sans relation, ne pourrait être réassociée à un nouveau [signi-
fié,] et [partant, toutes] les entités encore à naître, sans relation fau-
te qu!une relation dure [jusqu!à leur naissance], ne seraient pas
[verbalement] signifiables.179 Et dans leur cas,

quent$» Selon PV! P313b6/D262b3 = PVSV! 419,29%420,11, la descrip-


tion qui suit vise un rapport de causalité (janyajanakabh"va) du même type
que celui décrit dans PVSV 113,25%114,3 et PVSV 118,14%18 (voir aussi pp.
138%140).
178
Explication, PV! P314a3/D262b6 = PVSV! 420,20: vyavah"rav"san"bale-
na avasth"pyam"natv"t |. «Car [leur réunion] est établie en vertu de l!impré-
gnation de la pratique conventionnelle.»
179
La proposition écarte l!hypothèse selon laquelle la relation irait à chaque
nouvel individu (vyakti) produit, et donc ne périrait pas (voir PV! P314a6%
7/D263a2). PV! P314a8%b1/D263a3%4 " PVSV! 420,25%27 expliquent ain-
si sthitasambandh"bh"v"t: na t"vad utp"d"t p#rva! sambandha$ sthitas ta-
sya dvi%&hasya sambandhinam antare'a sth"n"yog"t |. «Une relation ne dure
pas jusqu!à ce qu!elles se produisent, car cette [relation, nécessairement]
biplace, ne saurait subsister sans un corrélat [pour lui servir de point d!ap-
pui].» Asambandhin peut s!entendre de trois façons: (1) «sans relation», (2)
«sans corrélat [langagier]», (3) «[n!étant] pas les corrélats [de paroles]». Tib.
!brel pa can ma yin pa me paraît pouvoir appuyer (1) et (3), plutôt que (2).
Ces trois sens sont compatibles avec la conséquence av"cy"$ syu$.
260 Traduction

si une [co]production [de la relation] avec les objets eux-mê-


mes [P V I.232a]
devait être postulée, [nous répondrions que]
[ n u l l e ] a l t é r a t i o n d e nature propre ne se ju s t i f i e s ! a g i s s a n t d e
paroles [permanentes].180 [PV I.232bc1]
PVSV 116,10
Si maintenant, pensant [ainsi] éviter qu!une parole dont la
relation a péri n!ait pas de nouvel (antara) objet, et [donc] que les
objets [se produisant ensuite] ne soient pas [verbalement] signifia-
bles, [on admettait que tout] objet "encore à naître# se produit muni
d!une relation, [alors] cette relation, [à supposer] même qu!elle se
produise, n!appartiendrait pas à la parole[, et ce pour deux raisons]:
la [parole], dont [ce n!est] pas la nature d!être en relation avec cette
[nouvelle relation], ne saurait l!être sans altération de [sa] nature
propre; et une [relation co]produite avec l!objet, [donc déjà] établie
par autre [chose que la parole], ne [peut prendre] appui sur une pa-
role qui ne [lui] apporte [aucune] aide.181 Si [maintenant l!on pos-
tule que] la [parole] coopère [elle] aussi à la production de la [rela-
tion], il s!ensuivra qu!une [parole permanente] capable [de produi-
re la relation la] produira en permanence, car elle ne dépend pas
[de coopérants] puisque [ces derniers] ne [sont d!aucune] aide à
une [parole] permanente. [Mais] même si [l!on en admettait] l!in-
capacité [préalable],182 elle [y] sera également inefficace après183
puisqu!elle ne perd pas [sa] nature propre.

180
Selon PV! P314b3$4/D263a5$6 " PVSV! 421,8$10 et PVV 371,8$9, l!alté-
ration consisterait pour elles à passer d!une condition dénuée de relation avec
un objet donné, à une condition dotée de relation avec lui. Ce changement
(not. anyath!tva, PVV) leur vaudrait de perdre leur permanence (nityat!h!ni-
prasa"ga, PVV).
181
Selon les principes stipulant (1) qu!être un point d!appui (!#rayatva) consiste
à apporter une aide ou propriété supplémentaire (upak!rakatva); (2) que ce
qui a déjà été établi dans l!existence ne nécessite plus aucune aide (anupak!-
ryatva). Noter que selon PVSV! 421,19, la proposition justifie tadbh!v!yo-
ga.
182
De sorte que la présence de coopérants lui confère à un certain moment la ca-
pacité de générer la relation (PVSV! 421,23$24); afin donc d!éviter une pro-
Traduction 261

La faute184 entachant une relation [réelle] n!affecte pas une [re-


lation] conçue.185 [PV I.232c2d]
PVSV 116,19
En effet, apparaissant dans l!habitus [cognitif] de l!hom-
186
me [et] se caractérisant [à ce titre] comme une dépendance [par
rapport] à cet [habitus cognitif],187 la relation ne dépend pas d!une
fusion [réelle] des entités.188 [Simplement,] sans changer la nature
propre des [entités, et] moins encore [si elles sont] permanentes,
l![homme] peut, lui, combiner [des entités] en [les] considérant lui-
même pour quelque [raison189 comme liées entre elles]: les [entités

duction en permanence (PV! P315a6/D263b6).


183
C!est-à-dire: au moment où l!objet est présent (PVSV! 421,24: pa!c"d apy
arth[a]sa#nidhik"le !pi), ou: au moment de [produire] la relation (PV!
P315a7/D263b"7: phyis kya$ "brel pa"i dus su ya$).
184
Explication, PVV 371,13: aya# svabh"v"nyatvado%a&, «la faute d!un chan-
gement de nature propre».
185
Explication, PVV 371,14: na hi kalpan"k'pto dharma& svabh"va# vastuta&
sp(!ati |. «Car une propriété façonnée par la pensée n!affecte pas réellement
la nature propre.»
186
Noter l!explication de PV! P315a8"b1/D263b7"264a1 " PVSV! 421,29:
puru%asya bh"van" abhy"savat) vikalpabuddhis tatra pratibh"situ# !)lam
asya iti. «Qui a la faculté d!apparaître dans l!habitus[, c!est-à-dire] à la con-
naissance conceptuelle habituelle de l!homme.»
187
Selon #$kyabuddhi (PV! P315b1"2/D264a1), qui explique ainsi tadapek%"-
lak%a*a&: de ñid kyi phyir | blo de la goms pa la ltos pa"i rgyu mtshan "ga" +ig
gis sbyar ba"i mtshan [ñid] can, «se caractérise donc comme une mise en
rapport en vertu de quelque cause dépendant de l!habitus [propre] à cette
pensée». Je préfère lire tad = puru%abh"van" plutôt que tad = buddhi. Kar%a-
kagomin explique quant à lui (PVSV! 421,27"28): tadapek%" te%"# bh"v"-
n"# paraspar"pek%" kuta!cin nimitt"d buddhiparikalpit"t | tallak%a*a&, «dé-
pendance par rapport à ceci[, c!est-à-dire] dépendance mutuelle de ces entités
en vertu de quelque cause entièrement conçue par la pensée; se caractérisant
comme cela#»
188
Explication, PV! P315b3/D264a2 = PVSV! 422,12: sarve%"# bh"v"n"#
prak(tibhedena svasvar,p"vasth"n"t |. «Car toutes les entités subsistent selon
leur nature en leur propre nature.»
189
Explication, PVSV! 422,14"15: kuta!cid iti tadbh"ve kasyacid bh"vadar!a-
n"t | antastath"bh,tavyavah"rav"san"parip"k"d v" |. «Pour quelque [raison],
262 Traduction

tenues pour permanentes] pourraient donc [elles] aussi être tel-


les,190 et [ce] sans [pour autant] présenter la propriété de se départir
[de leur précédente nature propre].191
PVSV 116,22
[Objection:] A la [critique] que [vous nous avez] adressée
[plus haut, à savoir] que, puisque la relation qui prend appui périt
avec la disparition de [son] point d!appui, la [relation] est imper-
manente[, nous rétorquons que]
[la relation,] puisqu!elle est permanente, ne périt pas malgré la
disparition de [son] point d!appui, à l!exemple du genre. [Ré-
ponse:] [Mais] à l!égard d![entités] permanentes [telles que le
g e n r e o u la r e l a t i o n ] , q u e l l e [ e s t donc] la capacité de [ce] po int
d ! a p p u i [ s u p p o s é ] , d e s o r t e q u ! o n a d m e t t e q ue c e [qui n!exerce
en fait aucun e a cti on] form e un point d!a p p u i ? [ P V I . 2 3 3 ]
PVSV 116,26
Le bruit court192 que, bien que le genre soit permanent et
"qu!il prenne appui# [sur l!individu], il ne périt pas avec [son] point
d!appui: simplement, nous ne constatons pas qu!un point d!appui
possède [la moindre] capacité à l!égard d![entités] permanentes
[telles que le genre], de sorte que ce [point d!appui supposé serait
effectivement] un point d!appui, parce que [ce qui a déjà été] pro-

c!est-à-dire parce qu!il constate que quelque chose existe si telle [autre cho-
se] existe, ou par la maturation de l!imprégnation interne d!une pratique con-
ventionnelle de même type.» La deuxième possibilité est celle de PV!
P315b5/D264a3, toutefois sans équivalent de °vyavah!ra°.
190
C!est-à-dire, selon PV! P315b6/D264a4 = PVSV! 422,16, être munies d!u-
ne relation conceptuellement construite par les hommes (puru"opakalpita-
sambandhavat), et ce en vertu de leur habitude des pratiques conventionnel-
les (vyavah!r!bhy!s!t).
191
Selon PV! P315b7$8/D264a5 et PVSV! 422,18$19, Dharmak"rti cherchait à
montrer ici qu!une relation imaginée (buddhiparikalpita), au contraire de la
relation réelle (v!stava) postulée par l!adversaire, n!est pas incompatible (na
virudhyate) avec les entités permanentes que postule ce même adversaire.
192
Selon PV! P316a5/D264b1 = PVSV! 422,24$25, Dharmak"rti utilise cette
formule pour montrer que ce qui suit est de pure acceptation mondaine (pra-
siddhim!tra), rumeur sans fondement (nirvastuka).
Traduction 263

duit193 n!a pas [besoin] de production, et que [rien] "ne dépend#


d!un [point d!appui] improductif.
PVSV 116,28
[Objection:] La révélation du genre et de la relation par le
point d!appui[, telle est] l!aide [qu!apporte ce point d!appui]; donc
[c!est à bon droit que nous parlons de] point d!appui.194 [Réponse:]
PVSV 117,1
Même d![entités] telles que les cruches[, voilà ce que]
les experts en [matière d!]argumentation rationnelle admettent
[être] la révélation: que, grâce à la réunion195 des causes coopé-
rant à la production d!une connaissance, [ces entités] se pro-
d u i s e n t e n t a n t q u e co n v e n a n t à p r o d u i r e c e t t e [connaissance
d!elles-mêmes]. [Mais] des [entités] immuables [telles que
genre ou relation] ne se différenciant pas,196 quel service leurs

193
PV! P316a7/D264b2 = PVSV! 422,27 glosent k!tasya («produit») par si-
ddhasvabh"vasya, «d!une nature propre [déjà] établie [dans l!existence]».
Produite ou (déjà) établie, car permanente, elle précède l!hypothétique inter-
vention de son point d!appui supposé: cette entité est alors en quelque sorte
«déjà là».
194
Ou: «donc [on parle à bon droit de] prise d!appui», selon le second sens de
"#raya. PV! P316a8$b1/D264b3 glose en effet: d$os po la (b)rten, moins
ambigu que PVSV! 422,30, pad"rtha "#raya%, qu!on peut comprendre com-
me: «l!entité [est] point d!appui», ou comme: «s!appuie sur l!entité». Au fi-
nal, le sens est le même. Introduction de PVV 371,21$22: atha nityasya api
j"tisambandh"der "#raye&a abhivyaktilak'a&a upak"ra% kriyate | na ca abhi-
vyaktihetu% k"raka% | d(p"divad gha)"de% |. «Mais si le point d!appui apporte
une aide définie comme une manifestation à une [entité] telle que le genre ou
la relation[, et ce] malgré que [cette entité soit] permanente, et [si l!on suppo-
se que] la cause de la manifestation n!est pas un agent, comme une [chose]
telle qu!une lampe [n!est pas l!agent] de la cruche [qu!elle manifeste].» Sur
PVSV 117,1$16, voir pp. 189$196.
195
C!est-à-dire, selon PV! P316b1$2/D264b4 = PVSV! 423,8 = Vibh. 372n. 1,
grâce à leur situation dans un lieu adéquat (yogyade#"vasth"na).
196
C!est-à-dire, selon PV! P316b3/D264b5 " PVSV! 423,10$11, ne se produi-
sant pas comme convenant à produire une connaissance d!elles-mêmes. Il
faut comprendre: «ne pouvant se différencier sous l!action d!un révélateur»,
étant donné qu!elles sont permanentes. Les deux valeurs de vi#e'a («différen-
ce» et «propriété supplémentaire») %uvrent de concert: devenir différent en
tant qu!on obtient une propriété supplémentaire qualifiant à une fonction à
264 Traduction

révélateurs [peuvent-ils bien le u r ] ! r e n d r e " p o u r q u # o n l e s t i e n -


ne pour révélées pa r eux? [PV I.234$235]
PVSV 117,6
La manifestation d#[entités] telles que les cruches n#est
[autre] que la production, grâce à la présence d#un coopérant $ la-
quelle dépend de la [phase précédente de la cruche en qualité de]
cause matérielle197 $, d#une nouvelle phase convenant [quant à elle]
à générer une connaissance [de soi-même; à cela, deux raisons:]
parce qu#il s#ensuivrait sinon198 que [les cruches] produiraient une
connaissance [d#elles-mêmes] indépendamment de l#aide [appor-
tée] par la [lampe], 199et parce que la [lampe] qui [en] produit la ca-
pacité est génératrice [par rapport à la cruche] !étant donné que cet-
te [capacité] consiste [précisément] en l#[entité révélable elle-mê-
me]",200 201et que si [elle en était] chose différente, il s#ensuivrait
que [les révélateurs n#apporteraient] pas d#aide à l#entité [à révé-
ler]. Or étant donné que la production de la connaissance [provient]
de [cette seule] capacité, !il résulterait [de cette hypothèse] que
l#on n#appréhenderait" jamais les cruches, etc.[, mais toujours cette

quoi l#on n#était pas qualifié dans la phase précédente.


197
Phase précédente de cruche quant à elle incapable de générer la connaissan-
ce, selon PV! P316b6$7/D264b7$265a1 " PVSV! 423,14$15.
198
C#est-à-dire, selon PV! P316b8/D265a1 = PVSV! 423,16$17: si des choses
telles que les cruches ne recevaient pas d#une lampe, etc., leur convenance à
produire une connaissance d#elles-mêmes.
199
Introduction, PV! P317a1/D265a2 = PVSV! 423,19: atha prad!p"di# pr"g
asamarthasya vya$gyasya s"marthya% karoti iti i&yate. «Mais si maintenant
l#on admet qu#une lampe, etc., produit la capacité [qui est celle] d#une [enti-
té] révélable préalablement incapable [de produire une connaissance].»
200
Explication, PV! P317a3/D265a3 = PVSV! 423,21: tasya janane gha'"dir
eva janita# sy"t |. «Car lorsque cette [capacité] serait générée, c#est la cruche,
etc., qui serait générée.» L#optatif $ i.e. la valeur de conditionnel $ ne doit
pas faire oublier que c#est là la position même de Dharmak#rti.
201
Selon PV! P317a3$4/D265a3$4 = PVSV! 423,22$23: atha m" bh(d e&a
do&a iti prad!p"dik)tasya s"marthyasya vya$gy"d arth"ntaratvam i&yate. «Si
maintenant, afin d#éviter cette faute, on admet que la capacité produite par
une [chose] telle qu#une lampe est chose différente du révélable.»
Traduction 265

seule capacité],202 car [si l!on devait les appréhender,] il s!ensui-


vrait que [leur] appréhension ne dépendrait pas de la lumière.
Quant à [cette] indépendance [des cruches par rapport à la lumière,
on la tire] de ce que [les lampes] n!aideraient [en rien] l!essence
[des cruches].203 Par conséquent, dépendant d!un autre afin de gé-
nérer une connaissance d!elles-mêmes (svavi!aya), ces [entités ré-
vélables] font leur une propriété supplémentaire de [leur] nature
propre204 grâce à cet [autre]; donc les [entités qu!on tient pour révé-
lées ne sont en fait que] des produits de cet [autre]. Mais puis-
qu!elles acquièrent [d!un révélateur] une nature connaissable, on
dit, d!un mot exprimant la spécificité de l!effet sous le rapport de la
connaissance,205 [qu!elles sont] «révélables», afin de signaler [leur]
différence [par rapport à des effets dont la connaissance ne se saisit
pas nécessairement].206 [Or] des [entités permanentes] telles que le

202
Explications. (1) PV! P317a6"7/D265a5 = PVSV! 423,26: svavi!ayajñ"n"-
janan"n"# gha$"d%n"m, «des [choses] telles que des cruches qui ne génèrent
pas de connaissance d!elles-mêmes.» (2) PV! P317a7/D265a6 = PVSV!
423,26"27: i!yate ca gha$"d%n"# graha&am |. «Or on admet appréhender des
[choses] telles que les cruches.»
203
Explication, PV! P317b2/D265a7"b1 " PVSV! 424,11"12: vyatiriktasya hi
s"marthyasya kara&e na gha$"d%n"# ka'cid upak"ra( |. «Car si [les lampes]
produisent une capacité qui est indépendante [des cruches], elles n!aident au-
cunement les cruches, etc.»
204
C!est-à-dire, selon PV! P317a4/D265b2 = PVSV! 424,14, font leur une
nature (svar)pa) convenant à générer cette connaissance.
205
Explication, PV! P317b6/D265b3 = PVSV! 424,16"17: ava'ya# tadvi!a-
ya# jñ"na# bhavaty ato jñ"nava'ena |. «Une connaissance qui les a pour ob-
jets advient nécessairement; donc, du point de vue de la connaissance.»
206
PV! P317b8/D265b4"5: gdon mi za bar 'es pas gzu* bar bya ba ga* yin pa
de bskyed par bya ba yin du zin kya* gsal bya +es brjod do ||. «Ce que la con-
naissance appréhende nécessairement, on le dit #révélable# malgré qu!il s!a-
gisse [en réalité] d!un produit.» Comparer PVSV! 424,19. PV! P317b8"
318a1/D265b5 " PVSV! 424,19"20: yat tu na evambh)ta# tat k"ryam eva
ity ucyata ity eva# prasiddhyartha# vya*gy"( khy"pyanta ity artha( |. «Mais
ce qui n!est pas tel, on le dit simplement un #effet#; ainsi donc [est-ce] au
sens de ce qui est communément admis [qu!]on [les] dit #révélables#. Tel est
le sens [visé].»
266 Traduction

genre et la relation ne sauraient sur le même modèle (evam) [être]


révélées par un [point d!appui] qui ne [les] aidera [en rien] puis-
qu!elles ne peuvent être aidées en aucune façon.
207
Et si la relation est une entité[, voici donc une troisième enti-
té] de par [sa] différence [par rapport aux deux corrélats; or si
cette troisième entité remplit les conditions de perceptibilité], il
devrait y avoir variété de [notre] connaissance.208 [PV I.236ab]
PVSV 117,18
Et si elle existe [en tant qu!]entité, cette relation-là ne dé-
roge assurément pas à [l!alternative entre] distinction et indistinc-
tion par rapport à la parole et à la signification, car une entité est
nature [propre, et nous avons] dit [plus haut209] que de celle-ci, l!al-
térité n!est [autre] que la non-identité. Or pour sensible qu!elle soit,

207
Selon PVSV! 424,24 et Vibh. 372n. 2, Dharmak"rti s!en prend maintenant
(jusqu!à PVSV 118,14 selon PVSV! 427,25"27) à la doctrine du tripram!-
"akasambandha développée par Kum#rila dans $V s!p 140"141 (voir pp.
127"128). Selon Kum#rila, la relation de capacité s!apprend perceptivement
dans l!interaction avec les adultes; inférentiellement en apprenant l!expres-
sivité (v!cakat!, abhidh!yakat!, etc.) des paroles; présomptivement en expli-
quant par cette relation une communication sinon inexplicable. Dans PVSV
117,17"118,14, Dharmak"rti va critiquer la perceptibilité (P
PVSV 117,17"25),
PVSV 117,26"118,13) et (selon le seul Kar%akagomin, voir n.
l!inférabilité (P
PVSV 118,14) d!une relation réelle (v!stava,
227, p. 271) la présumabilité (P
vastubh#ta).
208
PV! P318a5/D266a1 & PVSV! 424,26: pad!rthatray!lambanatvena sy!d
buddhicitrit! |. «Il devrait y avoir variété de [notre] connaissance en tant
qu!elle aurait trois entités pour supports objectifs.» PVV 372,14"15: tritaya$
d%&yeta | na ca 'k(yate |. «On percevrait trois [choses]. Or on ne [les] voit
pas.» Par «variété de la connaissance», il faut entendre que ces trois entités
devraient y apparaître ensemble comme objets.
209
PVSV 75,21"23 selon PV! P318a7"8/D266a3 = PVSV! 424,29"425,7: sva-
bh!vo hi svabh!v!n na tattvam anyatva$ v! la)ghayati | r#pasya atadbh#-
tasya anyatv!vyatikram!t | idam eva khalu r#pasya anyatva$ yan na tad.
«Das Wesen (svabh#va') überspringt nämlich in bezug auf ein (anderes)
Wesen nicht das Dies- oder Anders-sein ! Denn eine Form (r(pam), die
nicht dieses ist, kann nicht umhin, ein Anderes zu sein. Denn darin besteht ja
das Anderssein einer Form, daß sie nicht das(selbe) ist.» Traduction VETTER
1964: 107.
Traduction 267

cette [relation] n!apparaît pas, dans la connaissance [que nous a-


vons] d!elle, [sous forme] d!une nature séparée d!autre [chose]
qu!elle: comment [donc] pourrait-elle être telle,210 puisque la non-
séparation211 et la non-perception d!une [entité] perceptible forment
les fondements des contraires[, respectivement,] de la séparation et
de l!existence[, c!est-à-dire les fondements de l!identité et de l!ine-
xistence]212? "Il s!ensuivra sinon213# que la prédication de [l!identité
et de l!inexistence] n!aura plus cours.214 [Objection:] Puisque [la
relation] est suprasensible, la faute [que vous dénoncez] n!a pas
cours malgré que [la relation] n!apparaisse pas [comme séparée à
la connaissance], comme [il en va] de [choses] telles que les facul-
tés sensorielles.215 [Réponse:] Non[, la relation n!est pas suprasen-

210
C!est-à-dire, selon PV! P318a8$b1/D266a4$5 = PVSV! 425,10, comment
pourrait-elle être une nature séparée d!autre chose qu!elle (tadanyaviveki r!-
pam)? Il faut analyser tadanyavivekin comme: séparée du corrélat qui est au-
tre que cette relation (PVSV! 425,9: tasm"t sambandh"d anya# sambandh$
tato vivek[i]n["]).
211
Par rapport à un objet perceptible (pratyak%"d arth"t), selon PVSV! 425,10$
11.
212
PV! P318b4/D266a6$7 " PVSV! 425,13$14: yad yato bhedena na upala-
bhyate tat tato na anyat | yad yad d&'ya( san na upalabhyate [tat] tan na asti
iti y"vat |. «Tel est le sens: le x qui n!est pas perçu comme distinct de y n!est
pas autre que y; rien de ce qui n!est pas perçu malgré qu!il soit [censément]
perceptible, n!existe.»
213
C!est-à-dire, selon PV! P318b4$5/D266a7 " PVSV! 425,15$16: yad yato
!rth"ntaram abhyupagata( d&'ya( ca tasya tasm"d aviveke saty adar'ane ca
yadi viveka# satt" ca kalpyate |. «Si, alors [même] que le x qu!on admet [être]
chose différente de y et [être] imperceptible, n!est ni séparé de y ni perçu, on
conclut à [sa] séparation et à [son] inexistence.»
214
PV! P318b6$7/D266b1$2 " PVSV! 425,17$18: tath" hi d&'y"vivek"dar-
'ane !sy" vyavasth"y" nimitte | te ca avivek"bh"vayor na s"dhanam i%)e tad"
tadvyavasth" ucchidyate |. «C!est ainsi que la non-séparation et la non-per-
ception d!un perceptible sont les causes de cette détermination; or on ne les
accepte pas comme la preuve de la non-séparation et de l!inexistence; dès
lors cette détermination tombe.»
215
Bien qu!elle n!apparaisse pas comme séparée des visibles (r!pa), une faculté
telle que la vue n!en est pas moins indépendante (vyatirikta) des visibles
268 Traduction

sible], car étant donné que ce qui [reste] inétabli [sous sa forme
propre] ne notifie [rien], il s!ensuivrait qu!à partir de cette [relation
suprasensible], on ne connaîtrait pas [la signification].216 Si [l!on
admettait maintenant que, comme une faculté sensorielle, la rela-
tion] notifie [la signification] par [sa] seule présence, même des
[gens] non instruits [de la relation entre parole et signification] au-
raient [connaissance de ce que telle parole exprime telle significa-
tion].
PVSV 117,26
[De plus,] la connaissance [de la relation comme séparée
ne provient] pas d!une inférence, car on ne dispose pas d!un indice
[inférentiel susceptible d!en faire la preuve]217 "étant donné qu!il
n!est pas établi d!exemple#218: puisque [la relation] n!est pas moins

(PV! P318b8$319a1/D266b3$4 " PVSV! 425,20$21). Sur les facultés im-


perceptibles et/ou leur inférence, voir VPV sous VP I.83, et TV sous M#S$
I.iii.24/II.210,18$20.
216
PV! P319a2$3/D266b4 = PVSV! 425,24: na hi yena saha yasya sambandho
na g!hyate taddv"re#a tasya prat$tir yukt" |. «Car on ne peut connaître, par
un y, un x dont la relation avec y n!est pas appréhendée.»
217
PV! P319a7/D266b7: !bras bur gyur pa!i kho% du chud pa rtags yin par
brjod na | de ya% !brel pa grub pa s%on du so% ba can yin na de grub pa med
par yod pa ma yin pa!i phyir rtags ma yin no ||. «Si l!on soutient que la com-
préhension qui est l!effet [de la relation en] constitue l!indice, [nous répon-
dons qu!]elle n![en] constitue pas l!indice car étant donné qu!elle [doit être]
précédée par l!établissement de la relation, elle n!intervient pas tant que cette
[relation] n!a pas été établie.» %&kyabuddhi dénonce donc un cercle.
218
Sur cette traduction inspirée de K, voir p. 494. K paraît interpréter d!-
&'"nt"siddhe( comme une justification de li%g"bh"v"t (PVSV! 426,8: artha-
prat$tir api na li%gam | d!&'"nt"siddhe( | na hi kvacid d!&'"nte sambandhak"-
ry" arthaprat$ti( pratipann" |. «Et la compréhension de la signification n!est
pas un indice [inférentiel], car il n!est pas établi d!exemple; en effet, une
compréhension de la signification qui soit l!effet d!une relation n!est donnée
dans aucun exemple.») % paraît interpréter d!&'"nt"siddhe( comme une se-
conde raison logique à na anum"n"t pratipatti( (PV! P319a8/ D267a1: dpe
ma grub pa!i phyir ya% rjes su dpag pa las rjes su grub pa ma yin no ||. «Et
puisqu!il n!est pas établi d!exemple, [une relation séparée] n!est pas établie
par inférence.») Il explique ensuite, PV! P319a8$b1/D267a1: brjod par bya
ba da% rjod par byed pa!i mtshan ñid can gyi !brel pa log par rtogs pa de lta
bur gyur pa!i !brel pa !ga! )ig kya% grub pa med pa na ga% )ig dper
Traduction 269

suprasensible dans ce [qu!on invoquerait comme exemple], on de-


vrait en effet [là aussi] recourir à une preuve [dont on ne dispose-
rait pas faute, ici encore, qu!un exemple soit établi]. PVSV 118,1 [Ob-
jection:] De même [manque-t-on d!exemple] également dans le cas
[où l!on infère l!existence] de [choses suprasensibles] telles que les
facultés sensorielles. [Réponse:] Non, car l!inférence des [facultés
sensorielles procède] de façon différente219: une connaissance [per-
ceptive] qui, certaines [choses telles que la lumière] étant présen-
tes, est absente [si les yeux sont clos] et présente [s!ils sont ou-
verts], permet en effet de prouver qu!elle ne naît pas de ces seules
[choses], et qu!elle dépend de [quelque cause] indépendante d!el-
les. Donc la preuve (siddhi) des facultés sensorielles [procède] par
le biais de l!effet220[, mais il n!en va] pas ainsi de la relation,221 car
la connaissance même qui en est l!effet manque si cette [relation]
n!est pas établie. 222En effet, ni la nature verbale ni la signification

!gyur |. «On connaît erronément une relation de type signifié-signifiant: aucu-


ne relation de ce type n!est établie, qui puisse servir d!exemple.»
219
PV! P319b3"4/D267a3"4 " PVSV! 426,13"14: na apratyak!"#"m indriy"-
#"m ida$tay" (PV! !dis) ki$cid r%pa$ pras"dhyate yena tulyo do!a& sy"t |.
«De [ces] facultés sensorielles imperceptibles, on ne prouve pas une certaine
nature en tant que telle [en particulier], de sorte que la même faute se présen-
terait.»
220
PVSV! 426,21: k"ra#"ntaravaikaly"sambhavina' ca a(kur"dayo "tra d)!*"-
nta& |. «Et dans cette [preuve, des choses] telles que la pousse tiennent lieu
d!exemple, qui ne se produisent pas si une autre cause fait défaut.» PV!
P319b7"8/D267a6, sinon identique, porte rgyu ma tsha( ba!i mi !byu( ba
can dag, k"ra#avaikaly"sambhavina&, à traduire peut-être comme: «qui ne se
produisent pas si [leur] cause est incomplète.»
221
Selon PV! P319b8/D267a7 " PVSV! 426,22: na cak!ur"divat k"ryavyatire-
k[adv"re#PV!]a anum"nam |. «Au contraire de [l!inférence de choses supra-
sensibles] telles que la vue (cak!u&), on n!infère pas [la relation] par le biais
de l!absence de l!effet [quand les autres causes sont présentes].» Explication
et transition, PVSV! 426,22"24: vi'e!"num"n"t | tath" hi sambandho "sti iti
yad anum"na$ tad vi'e!asya eva anum"nam | tac ca ayuktam | ki$ k"ra#am |.
«Car [dans le cas de la relation,] on infère un particulier. C!est ainsi que l!in-
férence qu!une relation existe, c!est l!inférence d!un particulier. Or celle-ci
est infondée. " Pourquoi cela?»
222
Objection introductive, PV! P320a1/D267a7: gal te sgra da( don ñid !brel
270 Traduction

n!en sont l!indice [inférentiel], car toutes deux conviennent à toute


[signification et à toute parole en tant respectivement que signifiant
et que signifié]. [Or] puisque[, ainsi non ordonnées les unes aux
autres, elles] ne notifient pas [la relation censément au] fondement
de [notre] compréhension d!une [signification] particulière,223 on
ne connaîtra pas cette [relation grâce à elles], car cette [connaissan-
ce de la relation] ne se justifie pas à défaut d!une relation particu-
lière [entre elles et la relation].224 225Ou si [l!on admet maintenant
que] cette [connaissance] est dénuée de cause, pourquoi ne pas ad-
mettre que le fait que les paroles notifient la signification est [lui]
aussi dénué de cause, au même titre [d!ailleurs] que l!ordination de
[notre] connaissance à cette [relation] particulière? Par conséquent,
l!indice [consistant en la parole et la signification étant] semblable
pour toute relation, [la parole] ferait donc connaître indifféremment
[toute relation]: c!est donc indifféremment [que toute signification]
serait comprise, et de toute [personne, qu!elle soit ou non informée
des conventions]. Par conséquent, puisqu!il comprendrait la signi-

pa rjes su dpog pa!i rtags yin no !e na |. «[Objection:] La parole et la signi-


fication sont [elles-]mêmes l!indice permettant d!inférer la relation.»
223
PV! P320a3"4/D267b2"3 = PVSV! 427,7"8: praty"yane v" vi#e$"bh"vena
sarvasambandhaprat%t[e]& sarv"rthagati& sy"t | na ca evam |. «Ou si [elles
nous la] notifiaient, on saisirait toutes les significations puisqu!on connaîtrait
toutes les relations indifféremment. Or il n!en va pas ainsi.»
224
Selon l!introduction de PVSV! 427,9"10: yadi ca #abd"rth"n"' samban-
dhena saha sambandhavi#e$a& siddha& sy"t kvacit | tad" sambandhavi#e$a-
prat%ti& sy"t |. «Et si, dans un cas, une relation particulière des paroles et si-
gnifications avec la relation était établie, alors on connaîtrait une relation par-
ticulière.» Noter cependant PV! P320a5"6 (sans correspondant D) " PVSV!
427,10: na hy asaty"' sambandhavi#e$e(a #abd"[rth"PV!]n"' sambandha-
siddhau, qui requiert trop d!acrobatie à mon goût pour être accordée à PVSV
asati sambandhavi#e$e. Conclusion, PV! P320a6 (sans correspondant D): de
bas na ma )es pa dag las !brel pa!i khyad par rtogs pa ma yin no ||. «On ne
connaît donc pas de relation particulière à partir de [paroles et de significa-
tions] non ordonnées [les unes aux autres].»
225
Introduction, PVSV! 427,12: atha puna& sambandham antare(a #abd"t sam-
bandhavi#e$aprat%tir i$yate. «Mais si maintenant l!on admet que [notre] con-
naissance de la relation particulière par la parole [a lieu] sans relation [entre
elle et la relation].» Comparer PV! P320a6"7/D267b3"4, incomplet.
Traduction 271

fication en établissant la relation [de la façon susdite], nul [homme]


ne dépendrait [plus] de l!enseignement [d!autrui pour comprendre
la signification]. [Objection:] [Ce n!est pas à elle seule, mais] ac-
compagnée d!un enseignement[, que la parole] est l!indice [infé-
rentiel permettant d!établir la relation]. [Réponse:] "Dès lors# donc,
à quoi bon cette médiateté?226 Pourquoi n!est-ce pas la [parole seu-
le, sans relation réelle mais] dépendante d!un enseignement, qui
accomplit la notification de la signification?227 Or [c!est bien] la
parole, que l!on constate être utilisée[, au moment de la conven-
tion,] par des [hommes] animés de l!intention de [communiquer] la
[signification x, mais] qu!on ne constate pas [être utilisée] de façon
différente228[, qui] génère [chez l!auditeur], grâce à [ces] constata-

226
«Médiateté», ou «séquence». Explication, PV! P320b3$4/D267b7 " PVSV!
427,21$22: samprad!yas tata" #abdasya li$gatva% tasm!t sambandhaprat&tis
tato !rthasya praty!yanam iti kim anay! paramparay! |. «[D!abord,] un en-
seignement; grâce à lui, #indicialité% de la parole; grâce à cela, connaissance
de la relation; [et] grâce à elle, notification de la signification: à quoi bon
cette médiateté?» PV! sans équivalent de sambandhaprat&ti".
227
PV! P320b5/D268a1 " PVSV! 427,23$24: yena sambandho !para" kalpya-
te |. «De sorte qu!il [vous faille] postuler une autre relation.» PVSV!
427,25$27 lit ici une critique de la thèse selon laquelle la relation de capacité
serait connaissable par présomption (arth!patti); la critique de la doctrine
kum$rilienne du tripram!'aka" sambandha" (initiée avec PV I.236ab) serait
dès lors achevée: ata eva arthaprat&tyanyath!nupapatty! #aktisambandhakal-
pan! nirast! | #aktim antare'a sa$ketabal!d eva arthaprat&tisambhav!t | tena
sambandhas tripram!'aka iti yad ucyate tad ap!stam |. «[La démarche con-
sistant à] postuler par inconsistance, autrement, de [notre] compréhension de
la signification, une relation de capacité, est donc rejetée, car [notre] compré-
hension de la signification peut procéder de la seule convention, sans capaci-
té. Se trouve donc écarté ce qu!a dit [Kum$rila dans %V s!p 141, i.e.] que la
relation requiert trois moyens de connaissance valide (tripram!'aka) [pour
être connue].» Voir n. 207, p. 266; pp. 127$128; APPENDICE B (PVSV!
409,26$29).
228
Explications. (1) PV! P320b6/D268a1$2 = PVSV! 428,11: vivak(it!rthavi-
paryaye'a prayujyam!no na d)(*a" |. «Qu!on ne constate pas être utilisée de
façon contraire à la signification désirée.» (2) PV! P320b6$7/D268a2 =
PVSV! 428,11$12: etena anvayavyatirek!v uktau |. «Par là sont évoquées les
coprésence et co-absence [de l!intention et de la parole].» Sur le caractère in-
272 Traduction

tion et non-constatation, une compréhension de la [signification x,


exactement] comme des [choses] telles que la fumée [génèrent no-
tre connaissance du feu, etc.]; cette relation-là, on l!appelle donc
une «corrélation régulière». Mais nous ne constatons pas qu!une
[relation réelle] autre [que ladite corrélation régulière] soit capable
[de générer la compréhension], pas plus [d!ailleurs que nous ne vo-
yons] de moyen de l!établir.
PVSV 118,18
Mais si maintenant la relation entre parole et signification
n!est pas autre [que ces corrélats]:
Si [la relation] ne diffère pas des deux [corrélats], ces deux
s e u l s [ e x i s t e n t , m a i s r i e n q u ! o n p u i s se a p p e l e r « r e l a t i o n » ] : i l
n!est d!autre possibilité [en effet] pour une entité que l![alter-
native entre identité et altérité]. [PV I.236cd]
PVSV 118,21
Puisque une condition distincte229 a pour critère une diffé-
rence [effective] des natures, ce qui est [admis être] de la nature de
x ne saurait être que x. 230En revanche[, puisque totalement imagi-
née,] une différence de propriétés est possible de la façon qu!on a
dite plus haut [en exposant la théorie de l!exclusion conceptuelle],
et elle231 est strictement non contradictoire [lorsqu!on la dit de ce
qui est un], au contraire (na) de la différence [propre à] des enti-
férentiel de la connaissance verbale et la description de la relation comme un
avin!bh!va de type causal, voir supra, PVSV 113,23"114,3, PVSV 115,21"
116,2, et plus généralement pp. 138"140.
229
C!est-à-dire, selon PV! P321a5/D268a6 = PVSV! 428,22"23, la condition
de nature propre distincte (vyavasth!ntarasya iti svabh!v!ntaravyavasth!na-
sya).
230
Introductions. (1) PV! P321a7/D268a7"b1: sna tshogs pa ñid ma yin du zin
kya" khyod kyis byas pa da" mi rtag pa ñid tha dad par g#ag par byas pa ya"
ma yin #e na |. «[Objection:] [Mais] ne déterminez-vous pas aussi comme dis-
tinctes la confection et l!impermanence malgré qu!elles ne soient pas dis-
tinctes?» (2) PVSV! 428,25: katha$ tarhy anayo% sambandha iti prat&tir ity
!ha |. «[Dharmak"rti] répond [à l!objection que voici:] Mais comment sait-on
que [c!est] leur relation?»
231
Explication, PV! P321a8"b1/D268b2 = PVSV! 428,26"27: sa ca vy!v'tti-
bheda% kalpan!k'ta%, «et cette différence d!exclusion [conceptuelle], fabri-
quée par la [seule] pensée.»
Traduction 273

tés[, laquelle est contradictoire puisque l!un ne saurait être ultime-


ment multiple]. Or il n!est d!autre possibilité pour une entité que la
distinction ou l!indistinction, parce que cette entité se définit com-
me une nature, et qu!une nature n!échappe pas à cette alternati-
ve.232 De plus:
Puisque la nature des [deux] entités[-corrélats] est distincte, la
relation [n!es t pas réelle, mais] es t le fait de la [s eule] pensée.
[PV I.237ab]
PVSV 118,27
[Cela, nous l!avons déjà] dit plus haut.233 Entre des entités
discrètes (a!li"#a), en effet, il n!y a pas de relation définie comme
une fusion [des natures]. Or la relation [réelle qui est] la leur n!est
pas chose différente [de la fusion de leurs natures], parce qu![on se
demande bien]
PVSV 119,1
comment l!exis tant [ré el q u!es t cett e r e l a t i o n ] p o u r r a i t
reposer sur autrui[, c!est-à-dire sur les corrélats],234 ou[, si la
relation est fusion des natures,] comment une substance[, une
entité distincte donc,] pourrait être la relation d!autrui?235 [PV
I.237cd]
232
Voir supra, n. 209, p. 266.
233
Référence: PVSV 115,24"116,1 et suivantes selon PV! P321b4"5/D268b4"
5 " PVSV! 429,11"13 (plus généralement PVSV 115,21"116,2: voir n. 177,
pp. 258"259), à quoi on ajoutera PVSV 113,24"25 et n. 146, pp. 248"249.
Dans PV I.237 et PVSV, Dharmak#rti continue de viser une relation réelle
(v$stava, vastubh%ta, bh$vika); «réelle» veut dire: troisième entité (t&t'ya(
vastu) distincte des corrélats.
234
Explication, PVSV! 429,17: sambandh[ya]dh'na! ca sambandha i"yate dvi-
"#hatv$t |. «Or on admet que la relation repose sur les corrélats puisqu!elle est
biplace.» Sur le caractère biplace (dvi"#hatva) de la relation, voir aussi SPV
269,19"20 sous SP 2.
235
(1) Explication, PVSV! 429,20"21: etena arth$ntaratve sambandhasya sam-
bandhy$!ritatva( para!le"ar%patva( ca yat pare)a i"#a( tad ubhaya( nir-
astam |. «Par là, si la relation est chose différente, se trouvent écartés les deux
[points] qu!admet l!adversaire, [à savoir] le fait que [la relation] prenne appui
sur les corrélats, et le fait qu!elle ait pour nature la fusion d!autre [chose
qu!elle-même].» (2) Les trois commentaires présentent trois explications dif-
férentes de PV I.237cd (ma traduction reflète celle de PVSV! 429,16"19,
274 Traduction
PVSV 119,3
En effet, un existant [déjà] établi ne dépend pas d!autrui
[et,] autonome [en tant que] ne dépendant [de rien], n!est pas la re-
lation [d!autrui].236 Et par «substance», on entend une nature pro-
pre: comment cette [dernière] pourrait-elle être la fusion d!une au-
tre entité?237 On ne dit en effet pas telle (anya) [nature propre, celle
des corrélats,] «unie» par l!existence de [quelque] tierce (antara)
nature propre. [Objection:] [Une entité] peut bien ne pas être [réu-
nie à une autre] par un [tiers, la relation, qui ne lui est] pas uni,
mais elle pourrait [l!]être par un [tiers qui lui est] uni. [Réponse:]
Non, car il est inétabli que leur soit uni cela même "qui[, leur étant
uni,] les unirait#. Donc si les deux objets [corrélats] sont unis par

que corrobore PVSV 119,3$5). PV! P321b6$8/D268b6$269a1 interprète


ainsi PV I.237cd: «Comment une [entité] existante reposant sur autrui[, i.e.
sur les corrélats,] pourrait-elle être la relation d!une autre [entité], ou [com-
ment, si la relation est fusion des natures,] une substance[, i.e. une troisième
entité séparée qui serait la cause de la relation, pourrait-elle être] la relation
d!un autre[, i.e. la cause de la fusion des natures des corrélats]?» PVV 373,2$
4 interprète ainsi PV I.237cd: «Comment la substance [réellement] existante
[qu!on nomme "relation%] pourrait-elle reposer sur autrui, ou [être] la relation
d!autrui [définie comme une fusion]?» (3a) Selon PVSV! 429,20$21 et PV!
P321b8$322a2/D269a1$2, les deux questions visent une relation conçue
comme une entité tierce (t!t"yaPVT) ou chose différente (arth#ntaraPVSVT) des
corrélats. La première critique l!hypothèse selon laquelle cette entité pren-
drait appui sur une autre (sambandhy#$ritatvaPVSVT ): c!est l!hypothèse déjà
rencontrée d!un paratantralak%a&a' sambandha'; la seconde critique l!hy-
pothèse selon laquelle cette entité aurait pour nature la fusion des deux autres
(para$le%ar(patvaPVSVT), ou serait la cause de leur fusion (r(pa$le%ahetu-
tvaPVT). Ces deux hypothèses étaient déjà celles de PVSV 113,24$25 (voir n.
146, pp. 248$249). (3b) PVSV 118,27$28 contraint de considérer le p#da PV
I.237c une justification de PVSV 118,28, et en PV I.237d, un retour à l!hypo-
thèse, déjà dûment écartée dans PVSV 118,27$28, du r(pa$le%alak%a&a'
sambandha'.
236
Être une relation, c!est reposer sur quelque chose, et reposer sur quelque cho-
se, c!est dépendre de lui; or dépendre, c!est recevoir une aide, une propriété
supplémentaire, dont ce qui est déjà établi n!a plus besoin.
237
Explication, PV! P322a4/D269a3: !dres pa!i rgyur ji ltar !gyur )es bya ba!i
don to ||. «Le sens [visé par Dharmak$rti est]: comment pourrait-elle être la
cause de [sa] fusion?» Voir aussi l!introduction de K à la phrase suivante,
PVSV! 429,26: na api $le%ahetur bhavati |.
Traduction 275

un [tiers qui en est] chose différente, voilà [que se présentera] cette


conséquence absurde [que tout pourrait être uni par n!importe quel
tiers] puisqu!il n!y aura [plus la moindre] différence.238
PVSV 119,8
De plus:
239
Les phonèmes, qui existent [à titre d!entités, sont] dénués de
signification; [quant au] mot, etc.[, qui est quant à lui doté de
signification, il est] totalement imaginé [par la connaissance, et
donc inexistant]: comment cette relation réelle [entre signifié et
s i g n i f i a n t ] p o u r r a i t - e l l e r e p o s e r s u r l a non-entité [qu!es t le mo t
ou la phrase]? [PV I.238]
PVSV 119,12
Par [le fait que ce qu!on appelle «relation» est] la cause de
l!expressivité,240 [seule] une [parole] expressive peut posséder cette
[relation]. [Or] bien qu!ils existent [réellement], les phonèmes sont
inexpressifs.241 "Par conséquent, la relation entre signifié et signi-

238
Explication, PV! P322a7#8/D269a6 = PVSV! 430,10#11: na hi samban-
dh!bhimatasya anyasya ca pad!rth!ntare"a sambaddhatve ka#cid vi#e$o
!sti |. «Car si [les deux corrélats] sont liés par une entité distincte, il n!y a au-
cune différence entre ce qu!on tient pour la relation et autre [chose].» On
comparera l!argumentaire de SPV 269,15#20 contre le r%pa#le$alak$a"a&
sambandha&.
239
PV I.238a (et PVSV 119,13#17) vise la M"m#$s# (PV! P322a8/D269a6: re
'ig dpyod pa la); PV I.238b[d] (et PVSV 119,17#29) vise en priorité les
Grammairiens (Vibh. 374n1: vaiy!kara"!n!( var"!divyatirikta( pad!di ni-
rasyate |; voir aussi n. 248, p. 277). Sur la position m)m!(saka, voir pp. 182#
189; sur les positions spho*av!din, voir pp. 163#174. Dans PVV 373,6#
374,16, Manorathanandin présente un intéressant résumé de ces différentes
problématiques.
240
Par souci de clarté, j!ai lu vacan!+ga (glosé uktinimitta PVSV! 430,18) sur
le modèle du v!cakatv!+gatva de PVSV! 430,23.
241
Explication, PVSV! 430,19#21: pratyekam arth!pratip!dakatv!t | s!hity!-
bh!v!t | n!n!prayokt,prayuktebhya# ca arthapratipattyadar#an!d av!cak!& |.
«Ils sont inexpressifs, parce qu!ils ne notifient pas la signification pris cha-
cun individuellement, parce qu!il n!est pas d!association [possible pour eux],
et parce qu!on ne constate pas qu!on connaisse la signification à partir de
[phonèmes] articulés par plusieurs phonateurs.» K déploie ici contre le var-
"av!din l!argumentaire type du spho*av!din (sur les deux premiers argu-
276 Traduction

fiant [ne repose] pas sur eux!, car si elle reposait sur ces [phonèmes
inexpressifs], il s"ensuivrait qu"elle perdrait sa nature propre [de
cause de l"expressivité].242 [Objection:] [Ce sont] #les phonèmes
eux-mêmes243! [qui, utilisés] avec un ordre de succession particu-
lier, sont expressifs.244 [Réponse:] Non, car étant donné que l"ordre
de succession n"est pas chose différente [des phonèmes eux-mê-
mes], il ne [les] différencie pas;245 [et] puisqu"un [ordre de succes-
sion] consistant (°r!pa) dans les [phonèmes eux-mêmes] ne diffère
pas même en un ordre de succession différent, [notre] connaissance
[de la signification] devrait être la même [dans les séries phonéti-
ques «sara"» et «rasa"»].246 #Plus bas, nous réfuterons! aussi [l"hy-

ments, voir ELTSCHINGER 2001b: 273sq; sur le troisième, voir SS[V] 15 et


BIARDEAU 1958: 33$34, en notant que Kum!rila admet que l"unité de locu-
teur est conditionnelle de l"accès à la signification ["V spho#a 70$72]).
242
Explication, PV# P322b7/D269b4: rjod par byed pa ma yin pa dag la gnas
pa ni rje khol gyi !brel pa da$ !dra bar rjod par byed par !gyur bar rigs pa
ma yin no ||. «Il est [en effet] incorrect qu"une [relation] qui repose sur [quel-
que chose] d"inexpressif soit expressive, à l"exemple de la relation maître-es-
clave.»
243
Noter PVSV# 430,25: ekaprayokt%prayukt&", «[s"ils sont] prononcés par un
seul phonateur.» Voir n. 241, pp. 275$276.
244
PVSV# 430,26$431,14 illustre la position avec "V spho#a 69$71, 73, 83,
85$86: voir APPENDICE B. Sur cette doctrine m'm&(saka, voir aussi pp. 186$
189.
245
Explication, PV# P323a1$2/D269b6 $ PVSV# 431,17: na hi yad yato "na-
rth&ntara( tat tatsvabh&vasya bhedaka( bhavati |. «Car le x qui n"est pas
chose différente de y ne différencie pas la nature propre de y.»
246
«Même en un ordre de succession différent», c"est-à-dire même si les mêmes
phonèmes sont organisés dans une autre séquence (on hésite à donner au lo-
catif kram&ntare une valeur ablative: «ne diffère d"[aucun] autre ordre de
succession»; voir RENOU 1984: 312 [§223h] et BHSG §7.82). Cet argument
d"inspiration spho#av&din apparaît régulièrement chez Dharmak%rti et ses
commentateurs, notamment dans PVSV 155,28$156,2 (voir ELTSCHINGER
2000: 100$101n. 267) et PV I.301ac (voir TILLEMANS 1990: I.250n. 230:
Dharmap!la pourrait être le premier bouddhiste à en avoir fait usage).
Traduction 277

pothèse selon laquelle] l!ordre de succession est chose différente


[des phonèmes].247
PVSV 119,17 248
Si donc les phonèmes ne sont pas expressifs, il se pour-
rait qu!un [élément linguistique] tel que le mot[, lui,] soit expressif.
Or il ne [l!]est d!aucune façon, car [ses] séparation et non-sépara-
tion [par rapport aux phonèmes] sont incompatibles [l!une et l!au-
tre avec son expressivité].249 250[Étant] donc une illusion, consécu-
tive à une connaissance sensorielle particulière, où apparaît un con-
cept dont la cause matérielle est une imprégnation homogène, le
mot "et la phrase# qui [nous] apparaissent [sous forme] unitaire ne
sont qu!erreur,251 car [le signifiant qui nous apparaît ainsi] ne peut

247
Dharmak!rti rejette cette hypothèse dans PVSV 134,26$135,6 et PVSV
141,7$11. Sa critique de l!hypothèse précédente (kramasya var!ebhyo !nar-
th"ntaratvam) forme le gros de sa polémique contre le var!av"da de Kum"ri-
la, dans PVSV 135,7$141,7 (voir chapitre 6). PVSV# 431,21$434,15 insère
ici un long développement critiquant systématiquement $V spho#a 108$113
et 115$116, consacrées à différents modèles d!appréhension mentale et mné-
sique du mot sur la base du dernier phonème; PVSV# 434,16$19 cite VP
I.73 contre les M!m"%saka (sur ces différentes citations, voir APPENDICE B).
248
Introduction, PVSV# 434,20: samprati vaiy"kara!"n"$ var!"divyatirikta$
pad"di nir"kartum "ha |. «[Dharmak!rti] dit [ce qui suit] contre les Grammai-
riens, pour réfuter un mot, etc., séparé des phonèmes, etc.»
249
Explication, PV# P323a5$7/D270a2$3 = PVSV# 434,23$25: vyatireke bhe-
dena upalambha% sy"d d&'yasya | ad&'yatve !py av"cakatvam ag&h(tasya jñ"-
pakatv"yog"t | avyatireke !pi var!avad eva av"cakatvaprasa)ga% |. «S!il [en]
est séparé, on devrait [le] percevoir comme distinct[, lui qui est] perceptible.
Même s!il n!est pas perceptible, il est inexpressif, car ce qu!on n!appréhende
pas ne saurait [rien] notifier. Et s!il [en] est séparé aussi, il s!ensuivra qu!il
est aussi inexpressif que les phonèmes.»
250
PV# P323a7/D270a3 explique tasm"t et opère ainsi la transition: ga) gi
phyir de ltar yi ge rnams las tshig la sogs pa tha dad pa da) tha mi dad pa
"gal ba de bas na | tshig la sogs pa d)os por gyur pa ma yin no ||. «Puisqu!il
en est ainsi[, c!est-à-dire puisque] le mot, etc., [qu!il soit] séparé ou non des
phonèmes, est incompatible [avec l!expressivité], le mot, etc., n!est donc pas
réel.» La démarche est récurrente: une entité réelle peut être a ou ~a; si elle
n!est ni a ni ~a, elle est irréelle.
251
(1) Selon PV# P323b2$3/D270a5$6 et PVSV# 435,3$4, une connaissance
278 Traduction

être ni un ni multiple.252 En effet [le mot] n!est pas un, car [un mot
un] ne saurait être appréhendé de façon successive par une con-
naissance qui est multiple [en tant qu!elle appréhende une série de
phonèmes].253 Mais une seule [connaissance] ne peut l!appréhender
[non plus], parce que [c!est] par une série de phonèmes [qu!on

mentale (manovijñ!na, conceptuelle selon !), apparaît subséquemment (p"-


#$habh!vin) à l!expérience directe des phonèmes en série (kramavar%!nubha-
va, K), ou à la connaissance auditive particulière (&rotravijñ!navi&e#a, !);
selon !, cette connaissance mentale surimpose l!unité au mot et à la phrase;
selon K, elle détermine les phonèmes entendus sous forme de mots unitaires.
(2) Sur PVSV" 435,5"14, voir n. 68, pp. 177"178.
252
On doit accommoder ce ek!nekatv!yog!t à ce qui le suit: na hy ekam (P PVSV
119,21) # na apy aneka' pad!di (P PVSV 119,28) # tan na vastu (P PVSV
119,29). Mon interprétation dérive de ce qui me paraît être celle de ! (PV"
P323b4/D270a7: de ltar sna( ba can gyi tshig la sogs pa don dam par gcig
da( du ma ñid du mi ru( ba!i phyir ro || re )ig tshig la sogs pa gcig ma yin
no ||), et de ce qui me paraît la lecture la plus «naturelle» de hi. Il se pourrait
cependant que K (PVSV" 435,15"17; 437,9"10) propose une interprétation
différente et plus sophistiquée de l!argument; avec lui on traduirait plutôt:
«car [le signifiant qui apparaît ainsi] ne peut être [sans contradiction à la fois]
un et multiple. Mais/or (hi) il n!est pas un # [et] le mot, etc., n!est pas multi-
ple non plus.» A la fois un et multiple, car ce sont des phonèmes multiples
(bhinna) qui nous apparaissent erronément sous la forme d!un mot un (eka-
pad!dir*patay!, PVSV" 435,14"15): selon cette interprétation, le mot de-
vrait être soit un, soit multiple, mais il n!est en réalité ni l!un ni l!autre. Au
bout du compte, les deux interprétations (si deux interprétations il y a) con-
vergent vers la même conclusion: n!étant ni un ni multiple, le mot n!est pas
une entité réelle. La même divergence (apparente) d!interprétation se fait jour
lors de l!explication de tan na vastu (P PVSV 119,29), dans PV" P325a2/
D271b2 et PVSV" 437,7"8.
253
Explications. (1) PV" P323b5"6/D270a7"b1: gcig ñid yin na ni blo ñid kyis
thams cad du gzu( bar !gyur ro || gcig la gzu( ba ma gzu( ba!i ra( b)in ma
ru( ba!i phyir ro ||. «Si [le mot] était un, la connaissance [l!]appréhenderait
en entier, car l!un ne saurait être [de deux] natures appréhendée et non [enco-
re] appréhendée.» (2) PVSV" 435,18: ekatve hy ekay! eva buddhy! sak"d g"-
hyeta |. «Car si [le mot] était un, une seule connaissance [l!]appréhenderait de
façon simultanée[, en une fois].» Ces arguments forment la base de la criti-
que du spho$a dans et sous PV I.250. Voir aussi ELTSCHINGER 2001b: 260"
261 et 263"264.
Traduction 279

l!]appréhende, 254et parce qu!"au moment où [fût-ce] un phonème a


été appréhendé#, de multiples connaissances ont [déjà] passé255
étant donné que les connaissances sont instantanées; 256qu!un ins-
tant dure [le temps que dure] le passage d!un seul atome257 $ car si
[l!on admet qu!il] excède [la durée indiquée], il ne peut[, ainsi] di-
visible, avoir de terme [temporel]; que l!achèvement d!un phonème
[aussi] infime [qu!un son «a» extrêmement ramassé] possède la
même durée que le clin d!%il, au cours duquel passent [déjà] de
multiples atomes.258 Quant au souvenir, il a la durée même de

254
Deux introductions: selon PV! P323b7$8/D270b2$3, si plusieurs connais-
sances ont passé à l!achèvement d!un seul phonème (ekavar!ani"pattik#le),
combien plus après plusieurs! Selon l!adversaire de PVSV! 435,21, un mot
d!un seul phonème (ekavar!ar$pa) sera appréhendé par une seule connais-
sance.
255
Dans PVSV! 435,22$28, K critique l!indivisibilité du phonème professée
dans "V spho%a 10$11ab: voir APPENDICE B (PVSV! 435,25$27), et pp.
182$189.
256
Selon PV! P323b8$324a1/D270b3$4 et PVSV! 436,5$6, l!adversaire iden-
tifie maintenant la durée de l!instant à celle de l!appréhension du mot (pad#-
digraha!a, "), ou à celle de l!achèvement d!un phonème (var!ani"patti, K):
ainsi une connaissance unique appréhendera-t-elle un mot (d!une seule syl-
labe, K).
257
Sur cette doctrine sautr#ntika d!inspiration jainiste (qui reparaît dans PV
III.496ab: voir VETTER 1964: 17), voir VON ROSPATT 1995: 102$103, LA
VALLEE POUSSIN 1931$1932n. 5 et 1980: III.177$178n. 6. PV! P324a2/
D270b4 # PVSV! 436,6$7: y#vat# k#lena eka& param#!u& param#!vanta-
ram atikr#mati t#vatk#latv#t k"a!asya |. «Car un instant dure autant de temps
qu!il en faut à un seul atome pour passer un intervalle atomique/un autre ato-
me.» Le sens de param#!vantara n!est pas clair (LA VALLEE POUSSIN 1931$
1932: 5: «On doute si a!vantara signifie $un autre atome&; plutôt $l!inter-
valle, l!étendue d!un atome&.») Quoi qu!il en soit, franchir un intervalle ato-
mique ou franchir (l!espace occupé par) un autre atome me paraissent con-
ceptuellement équivalents. Ce qui seul compte ici, c!est l!insécabilité/indivi-
sibilité de l!instant.
258
Explication et transition, PVSV! 436,12$13: tasm#n na ekavar!ar$pa'
padam ekabuddhigr#hyam | na apy anek#tmakam ekapada' sm(tigr#hyam |.
«Donc [même] un mot ayant la nature d!un seul phonème n!est pas appré-
hendable par une seule connaissance, pas plus [d!ailleurs] qu!un mot unique
280 Traduction

l![expérience directe], parce que la mémoire [fonctionne] à la fa-


çon de l!expérience directe, et qu!on n!observe [aucune] différence
entre les séries [qui sont celles] de l!expérience directe et de la mé-
moire. [Mais] un [signifiant] tel que le mot n!est pas multiple non
plus, parce qu!il apparaît comme indivis à la connaissance [qui en
présente l!aspect],259 et qu!on en réfutera [plus avant] la multipli-
cité.260 Donc261 [puisqu!il n!est ni un ni multiple, le mot] n!est pas
une entité, car celle-ci ne déroge pas à cette alternative. Or la rela-
tion [qu!admet notre adversaire] est une entité: comment pourrait-
elle prendre appui sur ces [non-entités que sont le mot ou la phra-
se], PVSV 120,1 puisque [ceux-ci] ne peuvent servir de point d!appui [à
une relation en tant qu!ils n!existent pas]? Car ainsi[, faute de point
d!appui, cette relation] serait sans prendre appui, et [serait] de cette
manière une non-relation. Par conséquent, la relation entre parole
et signification n!est pas naturelle[, mais est de création strictement
humaine]. 262La réalité que, produite ou manifestée par la verbali-

consistant en plusieurs [phonèmes] n!est appréhendable par le souvenir.»


Comparer PV! P324a6"7/D270b7"271a1. Sur la connaissance mnésique
dans ce contexte, voir PVSV 129,17"21.
259
Explications. (1) PV! P324b3"325a1/D271a4"b1, qui cite VP I.86: voir n.
69, pp. 178"179, et APPENDICE B (PV! P324b6"7/D271a6"7). (2) PVSV!
436,22"27: tath! hi pade v!kye ca ucc!rita ekam ida" pada" v!kya" ca iti
lokasya matir bhavati | tena yad ucyate | <#V spho$a 121> iti | tad ap!stam |
var%!nubhavottarak!lam ekapad!dhy!ropik!y! buddher utpatte& |. «C!est
ainsi que lorsqu!un mot ou (ca) une phrase est prononcé, le monde ordinaire
[en] a connaissance ainsi: "Ce mot est un#, et: "cette phrase [est une]#. Par là
se trouve rejeté ce qu!a dit [Kum#rila] dans $V spho$a 121, car au moment
qui suit l!expérience [sensorielle] directe des phonèmes, il se produit une
connaissance qui surimpose un mot un.» Sur $V spho$a 121: voir APPENDICE
B (PVSV! 436,25"26).
260
Dans PVSV 127,17"128,21 (voir ELTSCHINGER 2001b: 262"263).
261
Deux interprétations de tad: (1) comme tasm!t (PV! P325a2/D271b2 =
PVSV! 437,7); (2) comme pad!di (PVSVt; PV! P325a2/D271b2, PVSV!
437,7 à titre d!alternative). Sur l!interprétation de cette conclusion, voir n.
252, p. 278.
262
Selon PV! P325a7/D271b6, Dharmak%rti présente ici la vraie nature de la
relation entre parole et signification; selon PVSV! 437,15"16, Dharmak%rti
Traduction 281

sation d!une intention de [communiquer telle signification], la pa-


role ne dévie pas de cette [intention, telle est] la relation de la
[parole].263 Or la production ou la manifestation [de la parole, qui
constitue] le fondement de [sa] non-déviation [quant à notifier la
signification], est humaine (pauru!eya); ainsi [donc] la relation
[entre parole et signification] n!est-elle que de création humaine";#
et étant donné que c!est par le biais de cette [relation-là] que les pa-
roles "sont ordonnées# à notifier la signification, cette même trom-
perie264 [demeure] quand bien même [elles] seraient incréées.265
PVSV 120,8 266
[Les M!m"#saka] acceptent paraît-il également l!in-
création [des énoncés du Veda] parce qu!on ne s![e n] rappelle
pas les auteurs, [PV I.239ab]
PVSV 120,9
incréation des énoncés du Veda que [Jaimini] professe par-
ce qu!on ne se rappelle pas [leur] auteur!267

en justifie ici le caractère humainement créé.


263
Selon PV$ P325b1$2/D271b7$272a1, tattvam = *arthapratip"dan"vyabhi-
c"ritvam: «ne pas dévier de la notification de la signification»; selon PVSV$
437,18$19: tattvam = arthapratip"dan"bhipr"yak"ryatvam: «être l!effet de
l!intention de notifier la signification». Sur ce point, voir n. 228, pp. 271$
272. Si Dharmak!rti dit «produite ou manifestée», c!est qu!il n!a pas encore
réfuté la révélabilité d!une parole permanente, spho#a ou var$a[krama]: voir
pp. 189$196..
264
Explication, PV$ P323b4$5/D272a3: skyes bus byas pa!i !brel pa ni !khrul
pa!i rgyur khas len pa!i phyir ro ||. «Car [notre adversaire] admet qu!une rela-
tion de création humaine est cause de tromperie.»
265
Explication, PV$ P325b5/D272a3 % PVSV$ 437,23$24: tath" ca apauru!e-
yatvakalpan" vyarth" eva iti bh"va% |. «L!intention [est la suivante]: et ainsi,
postuler [leur] incréation est parfaitement vain.»
266
Après avoir réfuté l!incréation et la réalité de la relation, Dharmak!rti criti-
que, dans PVSV 120,8$126,15, deux arguments m&m"'saka en faveur de
l!incréation du Veda: l!argument fondé sur le non-souvenir (asm(ti, asmara-
$a) d!un auteur du Veda (P PVSV 120,8$121,6), et l!argument formulé dans
&V v"kya 366 (P PVSV 121,7$126,15). Sur ce passage, voir en général chapi-
tre 4. Le premier argument est attribué à Jaimini par &, K et Vibh., malgré
qu!il ne figure pas à ma connaissance dans M!S' (n. 2, p. 146).
267
Selon PV$ P325b6$7/D272a4$5 % PVSV$ 437,27$28 et Vibh. 374n. 3, il est
282 Traduction

[Et] comme ce [point de doctrine] trouve [aujourd!hui] encore


de [soi-disants érudits p o u r s ! e n f a i r e l e s ] é p ig o n e s , [ q u e d i r e
sinon qu!]hélas, la ténèbre [nous] envahit! [PV I.239cd]
PVSV 120,12
A se demander comment une telle déchéance intellectuelle
survint d!abord à ce [pauvre Jaimini], notre esprit s!étonne et s!api-
toie [déjà];268 alors comme d!autres [soi-disants penseurs]269 répè-
tent [aujourd!hui] encore [qu!il en est ainsi, comment ne pas déplo-
rer qu!]hélas, une ténèbre assaillant impitoyablement le monde
[nous] envahit! 270Quel mal [en effet peut-on bien reprocher] à la
créature que trompe [sa] quête du bien?

de nombreuses choses dont on ne se rappelle pas l!auteur, sans pour autant


conclure qu!elles n!ont pas été produites (ak!taka): c!est notamment le cas de
vieux puits (j"r#ak$pa, tiré de !Bh sous M"S# I.i.5/I.63,6 [F42,21]). Ainsi la
raison logique est-elle spécieuse (vyabhic%ra). !abara distingue entre non-
souvenir et oubli: on peut avoir oublié le créateur de ce dont on ne se sert
plus (un puits désaffecté, de vieilles cruches dans un lieu désert), mais non de
ce dont on fait encore usage (le langage, le Veda). Dans ce dernier cas, on
doit conclure à l!incréation si l!on ne se rappelle pas l!auteur. Voir pp. 145"
148.
268
Selon PV$ P326a2"4/D272a7 % PVSV$ 438,13"14 et Vibh. 375n. 4, l!esprit
s!étonne de voir une telle nescience (avidy%) se manifester chez une personne
pourtant érudite (&rutavato !pi), et s!apitoie de voir les êtres tourmentés par le
lien fermement serré de la nescience (g%'hena avidy%bandhena).
269
PVSV$ 438,15 et Vibh. 375n. 1 voient ici une référence à Kum&rila, traité de
par"k(aka)manya, et de pa#'ita)manya dans PVV 375,1, «pseudo-penseur»
ou «pseudo-érudit».
270
Introduction, PV$ P326a5/D272b2 = PVSV$ 438,16"17 et Vibh. 375n. 2:
ajñ%nasya eva atra dhigv%do yukto na pr%#ina* | yasm%t" «L!expression du
regret vaut ici de la seule ignorance, non de la créature [elle-même], car#»
Selon PV$ P326a6/D272b2 = PVSV$ 438,18"19, la faute n!est que celle de
l!ignorance (ajñ%nasya eva aya) do(a*).
Traduction 283
PVSV 120,15 271
C!est ainsi que les disciples du Sugata se rappellent [les
!"i] A!"aka[, V#maka, V#madeva, Vi$v#mitra], etc., [comme étant]
les auteurs des mantra, et que les [Vai$e!ika] disciples de Ka%#da
[se rappellent quant à eux] Hira%yagarbha[, c!est-à-dire Brahman,
comme en étant l!auteur].272 [Objection:] La [doctrine] des [disci-
ples du Sugata et de Ka%#da] est mensonge.273 [Réponse:] [A vous
entendre tenir] ainsi [ces doctrines pour mensongères, nous deman-
dons:] quelle est désormais la [parole qui,] quoique différente [du
Veda, est encore] de création humaine, dès lors que l!on pourrait
récuser de cette [même] manière ceux qui[, tel le poète K#lid#sa,]
présentent leur propre personne (#tman) ou [telle] autre [personne]
comme étant l!auteur d!["uvres] telles que le Kum#rasambhava?274
[Objection:] A refuser [un auteur] au [Kum#rasambhava, on en-

271
Introduction, PV& P326a6#7/D272b3 = PVSV& 438,19#20 (Vibh. 375n. 3):
ki$ punas tasya eva$vadata% prajñ#skhalitam | yasm#d ida$ s#dhanam asi-
ddham anaik#ntika$ ca |. «Mais pourquoi y a-t-il déchéance intellectuelle de
qui s!exprime ainsi? Parce que cet argument est à la fois inétabli et inconclu-
sif.» Dans PVSV 120,15#121,1, Dharmak'rti critique la raison «kartur asma-
ra&#t» comme inétablie (parallèle avec MHK IX.26cd dans ELTSCHINGER
1997: 1097#1098; avec (V v#kya 367cd#368, pp. 150#152); dans PVSV
121,2#6, Dharmak'rti en critiquera l!inconclusivité.
272
Sur les !"i dans le contexte du bouddhisme, voir ELTSCHINGER 2000: 44#46.
Il est possible que le motif de Hira%yagarbha (vidh#t!, PVV 375,4) comme
auteur des Veda remonte à la '(k# (perdue) de Pra$astap#da à la Ka)and(
(voir ELTSCHINGER 1997: 1099n. 17, et BRONKHORST 1996). Voir aussi pp.
150#156.
273
Explication, PV& P326b2/D272b5 = PVSV& 438,24#25: tata% siddhahetu%.
«Donc la raison logique [)parce qu!on ne s!en rappelle pas l!auteur$] est [bel
et bien] établie.» Ici, deux erreurs majeures selon la M'm#*s#: d!abord, les
!"i sont les explicateurs (pravakt!) et non les auteurs des recensions (*#kh#)
qui portent leurs noms (M'S+ I.i.30 et dépendances); ensuite, les revendica-
tions théistes dérivent d!arthav#da erronés ((V v#kya 367d#368): voir en gé-
néral pp. 150#152.
274
Selon PV& P326b5/D272b7 = PVSV& 439,7, en disant: «Vous mentez, vous
n![en] êtes pas l!auteur!» (mithy#v#do yu"m#ka$ na y+ya$ pra&et#ra iti).
Mêmes argument et exemple dans NM 573,14#15, 580,9#10 et 580,15.
284 Traduction

court] une annulation par ce qui est accepté.275 [Réponse:] Mais le


[non-souvenir d!un auteur] n!est-il pas précisément le critère
(a!ga) d!acceptation [au titre d!incréé]?276 Qu!est-ce donc qui sera
annulé[, et par quoi]? [Et si nous devions néanmoins encourir une
telle annulation lorsque nous refusons un auteur au Kum"rasam-
bhava,] celle-ci [serait alors] strictement la même pour [notre] ad-
versaire aussi. [Objection:] Puisque l![avocat du Veda en] accepte
[l!incréation, il n!encourt] pas la faute [d!une annulation par ce qui
est accepté lorsqu!il refuse un auteur aux énoncés du Veda]. [Ré-
ponse:] D!où [vient-il alors que] son acceptation [du Veda en tant
qu!incréé] restait sans moyen de connaissance valide avant [qu!on
ne procède à l!évaluation qui constitue le critère d!acceptation
d!une Écriture]?277 Et pourquoi ce [M!m"#saka] qui adhère gratui-
tement [à l!incréation du Veda] recourt-il soudain, sur un certain
point, à un argument qui l!embarrasse lui-même avec la [simple]
critique du créé et de l!incréé?278 Donc si [c!est] parce qu!il accepte

275
Telle est la position de Kum"rila: on ne peut arguer de l!incréation sur le mo-
dèle de M!S$ I.i.30 (i.e. en expliquant "khy" par pravakt#tva et non par
kart#tva) que là où la tradition autorisée n!a pas conservé le ferme souvenir
d!un auteur (d#$hakart#sm#ti, kart#sm#tid"r$hya). Partout ailleurs (compren-
dre: en tout autre cas que le Veda), cet argumentaire est illégitime. Voir pp.
152"156.
276
Puisque kartur asmara%am est le critère d!acceptation comme incréé et qu!il
vaut également du Kum"rasambhava (PV% P326b7/D273a1"2 & PVSV%
439,9"10), ce dernier doit être accepté comme incréé. On ne peut donc annu-
ler par ce qui est accepté la proposition affirmant que le Kum"rasambhava
est incréé.
277
Explication, PV% P327a3"4/D273a4"5 = PVSV% 439,16"18: tath" hi veda-
sya apauru&eyatv"bhyupagame kartur asmara%a' pram"%am uktam | tatra ca
anantaram ukto do&a ity apram"%ik" iyam i&(i) |. «C!est ainsi que [l!avocat
du Veda] a proposé le non-souvenir d!un auteur comme moyen de connais-
sance valide pour admettre l!incréation du Veda; or nous venons de dénoncer
la faute affectant ce [critère]; aussi cette acceptation était-elle [auparavant]
sans moyen de connaissance valide.»
278
Explication, PV% P327a7"8/D273a7 & PVSV% 439,22"23: yo hy ayuktigr"h*
sa sarvatra tath" eva pravartat"m | kim iti kvacit pram"%"vat"ra%ena "tm"-
na' du)khayati iti samud"y"rtha) |. «Le sens général est: car celui qui adhè-
Traduction 285

[le Veda comme incréé que l!avocat du Veda] n!est pas annulé par
ce qui est accepté [lorsqu!il refuse un auteur au Veda], de même
[en ira-t-il] pour une [personne] autre que le [M!m"#saka lors-
qu!elle refuse un auteur au Kum!rasambhava]: donc [nous n!en-
courons] pas le reproche [d!une annulation par ce qui est accepté
lorsque nous refusons un auteur au Kum!rasambhava]. Et sans
constater ni que de tels arguments [en faveur] de l!incréation279 dif-
fèrent pour des énoncés [considérés comme créés ou comme in-
créés], ni que les propriétés [qui sont celles] d!effets280 [diffèrent
selon que les énoncés sont ordinaires ou védiques], le [M!m"#sa-
ka] accepte [néanmoins] dans un cas[, celui de la parole védique,]
une différence [qu!il définit comme une incréation, mais pas dans
l!autre]: ainsi sa démarche est-elle strictement sans fondement.281
PVSV 121,2 282
On constate de plus [qu!il est des paroles, telles «va"e
va"e vai#rava$a»,] qui [d!une part] ont vu s!interrompre l!ensei-
gnement [relatif] à [leur] composition, et [qui d!autre part ont été]
produites.283 [Objection:] Ceux qui s![y] efforcent voient [que] ces

re sans raison se doit de procéder ainsi en tout point; pourquoi donc se tortu-
rer soi-même avec l!introduction, sur un certain point, d!un moyen de con-
naissance valide?»
279
C!est ainsi que le non-souvenir d!un auteur vaut, au même titre que des énon-
cés védiques, de nombreux énoncés créés dont les auteurs appartiennent à
des époques depuis longtemps révolues (cirak!l!t%takart&ka, PV$ P327b4"
5/D273b3"4 % PVSV$ 439,30"440,7). & et K prêtent donc à Dharmak!rti un
argumentaire voisin de celui du Naiy"yika de &Bh sous M!S' I.i.5/I.63,4"5
(F42,20): voir pp. 145"148 et n. 7, p. 147.
280
A savoir des propriétés telles qu!obéir à des concomitances positive et néga-
tive avec l!homme (puru'!nvayavyatirek!nuvidh!yitv!daya(, PV$ P327b6"
7/D273b4"5 = PVSV$ 440,8"9).
281
Explication, PV$ P328a1"2/D273b6"7 % PVSV$ 440,10"11: na ki)cid
abhyupagame s!dhanam asti iti. «Étant donné qu!il n!est aucun argument à
[son] acceptation.»
282
Selon PV$ P328a2"3/D273b7 % PVSV$ 440,12, Dharmak!rti ouvre ici sa
critique de l!inconclusivité (anaik!ntikatva) de l!argument «kartur asmara-
PVSV 121,2"6).
$!t» (P
283
Selon PV$ P328a4"5/D274a2 % PVSV$ 440,14"15, l!expression vicchinna-
286 Traduction

[paroles-là ont été produites par tel homme].284 [Réponse:] Non[, il


n!en va pas ainsi], car il n!y a [aucune] nécessité [à ce que même
en s!y efforçant, ils s!en rappellent l!auteur];285 286parce que "même
dans l!autre cas#[, celui d!une parole tenue pour incréée], la non-
perception ou la perception [d!un auteur] sont indignes de [toute]
certitude [puisque toutes deux procèdent, non d!un moyen de con-
naissance valide, mais] à partir de l!enseignement d!autrui[, lequel
n!est] pas fiable; 287parce qu!on voit des [gens] qui désavouent des
[paroles] qu!ils ont pourtant produites eux-mêmes, [et] qu!on ne
peut [dans ce cas] parvenir à [aucun] jugement décisif [quant à l!i-
dentité de l!auteur].
288
Un certain [M!m"#saka dit]: l!homme [qui aujourd!hui réci-

kriy!samprad!ya vise la propriété d!avoir un auteur qu!on ne se rappelle pas


(asmaryam!"akart#tva). La propriété probatrice invoquée intervient donc
dans des contre-instances de la propriété à prouver, PV$ P328a5/D274a2 =
PVSV$ 440,15$16: tata$ pauru%eye !pi v!kye kartur asmara"a& vartata ity
anaik!ntiko !ya& hetu$ |. «Donc puisque le non-souvenir d!un auteur vaut
également d!un énoncé de création humaine, la raison est inconclusive.»
284
Explication, PV$ P328a6/D274a3: de bas na gtan tshigs mi mthun pa"i
phyogs la gnas pa can ma yin no 'e na |. «Donc la raison n!a pas d!occurren-
ce dans les contre-instances.»
285
Explication, PV$ P328a7$8/D274a4 = PVSV$ 440,19: iti sandeha eva |.
«Donc il n!y a que doute [quant à la présence ou à l!absence de la raison dans
les contre-instances].» Il n!est pas possible d!exclure l!occurrence de la rai-
son logique dans les contre-instances (il s!agit donc d!un sandigdhavipak%a-
vy!v#ttiko hetu$).
286
Après avoir montré le caractère inétabli de la concomitance négative (vyati-
rekavy!pti), Dharmak!rti montre maintenant celui de la concomitance positi-
ve (anvayavy!pti): aucun pram!"a ne garantit l!occurrence de la raison logi-
que dans les co-instances (c!est-à-dire dans le cas des paroles tenues pour in-
créées, apauru%ey!bhimata(abda).
287
Introduction, PV$ P328b2$3/D274a6 % PVSV$ 440,23$24: may! veda-
v!ky!ni k#t!ni ity eva&v!dino !nupalambh!d vedav!kye%u kartur abh!vo ni(-
c)yata ity etad api na asti |. «Ce n!est pas le cas non plus que, parce qu!on ne
perçoit personne pour dire qu!il a composé les énoncés védiques, on [puisse]
certifier l!absence d!un auteur des énoncés védiques.»
288
Selon PV$ P328b6$7/D274b1 et PVSV$ 440,28$441,10, Dharmak!rti, ayant
Traduction 287

te le Veda] ne peut prononcer [pour la réciter] cette succession


de phonèmes et de mots sans [l!]avoir [préalablement] enten-
due d!un autre[, son précepteur]; de même [n!en aurait pas été
c a p a b l e ] n o n pl u s [ t e l ] a u t r e [ h o m m e q u e l ! o n t i e n d r a i t p o u r
l!auteur du Veda, et ainsi de suite indéfiniment].289 [PV I.240]
PVSV 121,9
A celui [qui s!exprime en ces termes] aussi, la réplique est
celle-là même [que nous avons opposée à l!argument passant par le
non-souvenir d!un auteur], en bref290 (!di): de même si [l!on devait
prouver] ainsi l!incréation [du Veda], quel [énoncé serait-il] désor-
mais de création humaine? C!est ainsi que:
291
Ou quelle "uvre292 autre [que le Veda,] composée [par un
h o m m e , ] v o i t - o n [ ê t r e ] r é c i t é e (a b h i h i t a ) p a r d ! a u t r e s [ q u e s o n

réfuté l!argument «kartur asmara"!t» (comme inétabli et inconclusif, PV!


P328b5#6/D274a7#b1), s!en prend maintenant (P PVSV 121,7#126,15) à un
nouvel argument (s!dhana) en faveur de l!incréation du Veda, celui de "V
v!kya 366: voir pp. 148#150 et APPENDICE B (PVSV! 440,29#30/Vibh.
375n. 6).
289
Selon l!interprétation de PV! P328b8#329a1/D274b2#3 = PVSV! 441,12#
13, qui concluent: an!ditv!t siddham apauru#eyatvam |. «Puisque [le proces-
sus] est sans commencement, l!incréation [du Veda] est établie.» Selon PVV
375,15, anyo !pi vise le précepteur (up!dhy!ya). Conclusion, PVV 375,16:
sarvasya eva vedap!$ha% paropade&!d iti nityat! eva ved!n!m |. «Étant don-
né que la récitation védique de tout [homme] provient de l!enseignement
d!autrui, les Veda sont permanents.» Dans PV! P329a1#2/D274b3#4, "#-
kyabuddhi présente "V v!kya 366 sous forme de prayoga.
290
Selon PV! P329a4#5/D274b5#6 $ PVSV! 441,15#17, on pourrait de même
établir l!incréation du Kum!rasambhava sur le non-commencement (ou l!é-
ternité) de sa récitation, puisque cette dernière est nécessairement précédée
de la récitation d!un autre. Et toutes les critiques adressées à l!argument «ka-
rtur asmara"!t» dans PVSV 120,17#121,1 pourraient être réintroduites ici.
291
Selon PV! P329a6/D274b6#7 = PVSV! 441,19, Dharmak%rti s!attache
maintenant à montrer la conséquence absurde (atiprasa'ga) qui entache la
position défendue par l!adversaire. La conséquence absurde avait déjà été dé-
noncée dans "V v!kya 367a, sur l!exemple du Mah!bh!rata: voir pp. 150#
152.
292
C!est-à-dire, selon PV! P329a6/D274b7 = PVSV! 441,19#20, le Kum!ra-
sambhava de K#lid#sa, ou, selon PVV 376,3, une "uvre poétique (k!vya)
288 Traduction

auteur] sans enseignement [préalable], de sorte qu!on n!infère


pas que cette ["uvre] aussi est telle[, c!est-à-dire incréée]? [PV
I.241]
PVSV 121,13
Le fondement [permettant d!établir] l!incréation [du Ve-
da] n!est assurément rien d!autre que l!incapacité des [gens] d!au-
jourd!hui à réciter [leur Veda] sans enseignement [préalable de la
part d!autrui]. Or même lorsqu!on a affaire à une "uvre autre [que
le Veda,] composée par un [certain homme], cette [incapacité] est
la même pour [tel] autre [homme qui la récite]. Celui qui adopte
cette [incapacité comme faisant la preuve de l!incréation,] se doit
[donc] de conclure que toute [parole] est telle[, c!est-à-dire incré-
ée], ou qu!aucune ne l!est[, fût-elle védique]. 293Et quand[, plus
haut, notre adversaire déjà se refusait à une conclusion analogue en
disant:] «[Non,] car la [parole ordinaire] n!est pas admise [être] tel-
le», et ainsi de suite (!di), [nous lui avions immédiatement] répon-
du: «[Si,] car l!acceptation [seule] fonde la [preuve de l!incréa-
tion]», et ainsi de suite. De plus,
quoiqu!on n!en perçoive pas la cause, on sait que [telle entité]
x ! ( anya ) [ , s i e l l e ] n e d i f f è r e p a s [ d e t e l l e e n t i t é x e n t a n t q u ! e l -
le présente des propriétés semblables à cette dernière, naît] du
y dont est établi [naître] ce [x] de même type que x![: il en va
i c i ] c o m m e d u f e u e t d e l a b û c h e .2 9 4 [ P V I . 2 4 2 ]

composée par un poète (kavi).


293
Introduction, PV! P329b5#6/D275a4#5: ci ste g"an gyis "jig rten pa"i sgra
rnams skyes bus ma byas pa ñid du "dod na | de la skyes bus ma byas pa ñid
du rjes su dpog pa na khas bla#s pa la sogs pa"i skyon yod do "e na |. «[Ob-
jection:] Mais si [notre] adversaire admet que les paroles ordinaires sont in-
créées, il se heurtera à la faute d![une annulation par] ce qui est accepté, et
ainsi de suite, lorsqu!il inférera que cette [parole] est incréée.» Dans la phra-
se qui suit, Dharmak"rti renvoie au débat de PVSV 120,19#20 (p$rvapak%a)
et 120,20#25 (uttarapak%a).
294
Selon PVSV! 442,17#18, Dharmak"rti annule ici par inférence (anum!nab!-
dh!) la thèse (pratijñ!) que soutient le M"m#$saka lorsqu!il cherche à prou-
ver l!incréation du Veda. Les propriétés de la parole védique ne différant pas
de celles de la parole ordinaire (parmi lesquelles, selon TS n°2787#2789, k!-
mamithy!kriy!, pr!&ihi's!, asaty!bhidh!, durbha&atva, ou encore efficacité
Traduction 289
PVSV 121,20
On ne peut dire [une entité] «sans cause» [simplement]
parce qu!on n![en] perçoit pas la cause: d!entités qui, bien qu!on
n!en perçoive pas les causes, "ne connaissent [aucune] différence
de nature propre# avec des [entités] autres qu!elles [mais dont en
revanche on perçoit les causes], on conclut en effet [valablement]
qu!elles [aussi] sont telles[, c!est-à-dire ont des causes identiques
aux secondes].295 [Mais si l!on admet qu!à la parole védique] cette
nature296 ne manque pas malgré qu![y] manque la nature qui [en]
est la cause, [alors,] parce que [se trouve ainsi] violée une propriété
[caractéristique] de l!effet,297 [aucun énoncé] ne devrait plus prove-
nir de l![homme, et] partant aucune [parole ordinaire] ne devrait
plus être décrite ainsi[, c!est-à-dire comme de création humaine].
"Ou [alors] il [vous] faut montrer [quelle] différence de nature#
obéirait [chez les paroles de création humaine] à cette cause [qu!on
appelle «homme», différence] qui [seule] interdirait (yena ! na
sy!t) que d!un [Veda] reconnu [comme incréé] et d!une [parole or-
dinaire] non reconnue [comme incréée], il en aille [précisément] au

magique; voir aussi TV sous M!S" I.iii.33/II.254,7sq, NM 580,17$582,6, et


PVV 376,14$15: na ca vaidikapauru"eyav!ky!n!# ka$cid bheda%, sarve"!#
durbha&atv!d'n!# mantr!dis!marthy!n!# ca s!dh!ra&atv!t |), on inférera
que la parole védique, même si l!on n!en perçoit pas actuellement la cause,
provient de ce dont est établi (par anvaya et vyatireka) provenir la parole
ordinaire, à savoir de l!homme (vivak"!, kara&a, etc.).
295
Explication, PV# P330a5$6/D275b3$4 $ PVSV# 442,22$23: ayam atra sa-
mud!y!rtha% | laukikena $abdena sam!nadharmo vaidiko "pi $abdo laukika-
vat puru"ahetuka% sy!n na v! ka$cid api iti |. «Le sens général est ici que la
parole védique, partageant ses propriétés avec la parole ordinaire, doit avoir
[elle] aussi l!homme pour cause, comme la [parole] ordinaire, ou [alors
qu!]aucune [ne devrait avoir l!homme pour cause].»
296
PV# P330a6$7/D275b4 explique: rgyu mtho( ba can skyes bus byas pa#i
sgra da( mtshu(s pa#i (o bo (*d)"*ahetu[ka]pauru"eya$abdasam!na# r+-
pam), «nature semblable à [celle de] la parole de création humaine dont on
perçoit la cause»; PVSV# 442,24 explique: puru"ahetu$abdasam!na# r+-
pam, «nature semblable à [celle de] la parole dont la cause est l!homme.»
297
Explication, PVSV# 442,25$26: aya# hi k!ryasya dharmo yat k!ra&aniv)-
ttau niv)tti% |. «Car telle est la propriété d!un effet qu!il manque lorsque [sa]
cause manque.»
290 Traduction

contraire de ce qu!on reconnaît. Mais si [l!on admettait que ces]


entités ne diffèrent pas sinon qu!on refuse [aux unes] la nature pro-
pre [qui est celle] de la cause,298 [alors] "la différence# [censée être
occasionnée par l!homme aux paroles de création humaine] serait
[purement] fortuite,299 [et] pourrait n!être déniée à rien[, pas même
à l!espace].300 Donc si elle ne diffère pas [chez x!], la nature propre
qu!on a vue [chez x] naître de y ne "coupe[ra]# pas, chez [cet] x! (a-
nyatra) [de cause inconnue], à la propriété d!être [elle] aussi l!effet
de y[, et ce] de par sa nature même, comme [il en va] du feu et du
combustible.301
PVSV 122,1
[Notre adversaire] n!ayant pas exhibé, selon cette [rè-
g l e ] , d e d i f f é r e n c e [ e n t r e p a r o l e s v é d i q u e s et o r d i n a i r e s ] p u i s -
que l!on constate la similitude [des premières] avec [les secon-
des, qui elles sont] des effets,302 toutes les raisons [logiques]303
298
La cause en question est l!homme, qui assure que les énoncés ne diffèrent
pas, selon PV! P331a1$2/D276a4. (1) Selon PV! P331a2/D276a4$5, le gé-
nitif (malgré PVSVt ldog pa las!) exprime le dédain (ma gus pa; glose: tha
dad pa med pa !es pa"i rgyu"i ra! b"in ldog pa ma gtogs par ya!). (2)
PVSV! 443,11$12 confère à ce génitif une valeur locative, et glose niv#tter
niv#tt$v api. J!ai suivi PV!.
299
Explication, PV! P331a3$4/D276a6 " PVSV! 443,14$15: puru%am antare-
&a api vaidike%u v$kye%u tasya vi'e%asya bh$v$t |. «Car cette différence existe
dans les énoncés védiques même sans l!homme.»
300
Selon PVSV! 443,15 ($k$'$dau). Explication, PV! P331a4$5/D276a6:
thams cad du thams cad kyi tshe bdag ñid thams cad "gyur na. «Toute nature
pourrait [l!]avoir en tout lieu et en tout temps.» Or selon PV! et PVSV!
(mêmes références), na ca evam, «il n!en va pas ainsi.»
301
Explication, PV! P336a8/D276b1$2 " PVSV! 443,19$20: d#%(ena indhana-
k$ra&ena agnin$ abhedam anubhavann ad#%(ak$ra&o !py agnir yath$ indha-
nak$ryat$) na ativartate tadvat |. «Comme le feu qui, ne connaissant pas de
différence avec un feu dont on a vu qu!il a pour cause le combustible, ne
coupe pas à [la qualité d!]être l!effet du combustible[, et ce] bien qu!on n!en
perçoive pas la cause.»
302
PVSVt, PV! et PVV font de k$ryas$m$nyadar'an$t la raison de bhedam
apradar'ya, alors que PVSV! semble en faire la raison de vyabhic$ri&a*.
PVSV 123,6$7 me paraît corroborer PVSVt, PV! et PVV.
303
Il s!agit de kartur asmara&$t et de #V v$kya 366, selon PVV 376,21$377,1,
Traduction 291

qu!il développe [afin de démontrer l!incréation du Veda] sont


spécieuses[, c!est-à-dire inconclusives],304 [PV I.243]
PVSV 122,3
à la façon [dont est spécieux l!argument suivant:] Même le
premier feu [réputé avoir été] fait par un voyageur305 fut précédé
d!une autre flamme, [et] non pas précédé de la friction de bois d!al-
lumage, parce que c!est un feu de camp, comme le feu [que l!on
voit se produire] à la suite immédiate [d!une autre flamme]. [Ob-
jection:] Mais en quoi [l!argument] du feu de camp est-il spécieux?
On se fonde en effet sur la capacité [du feu] à naître d!une flamme
[qui le précède] pour écarter [qu!]une autre cause[, la friction de
bois d!allumage, soit à l!origine] du feu [qu!a fait un voyageur],
car si [ce feu] était [alors] survenu sans [qu!]une flamme [le précè-
de], il surviendrait [de cette même façon] ailleurs aussi.306 [Répon-
se:] Faute que les naissances dues à la flamme et à autre chose
soient [l!une à l!autre] dans un rapport d!annulation réciproque (a-
b!dhyab!dhakatva) [s!agissant du feu en général], il pourrait aussi

PVSV! 443,23 et PVSV! 443,25"444,9 (qui cite trois kk. de Kum"rila: voir
APPENDICE B). Dharmak#rti s!en prendra aussi, dans PVSV 122,24"123,3, au
hetu «puru"atv!t» (voir APPENDICE B, mêmes références). Les critères diffé-
renciateurs discutés dans PVSV 123,8"14 (vedatva) et 123,14"124,26 (man-
tratva) tombent, d!un point de vue logique, sous la même critique générale.
304
PV I.243 fait l!objet d!une explication alternative dans PVSV! 444,13"16, et
pour partie (k!ryas!m!nyadar#an!t), dans PV! P331b5"6/D276b4"6.
305
Explications. (1) PVSV! 444,17: ad$"%ahetutv!t, «car on n![en] voit pas la
cause.» (2) PV! P331b7/D276b6: bskyed pa!i bye brag ma mtho& ba can,
«dont on ne voit pas la naissance spécifique.» J!allège ci-après la traduction
«feu d!un voyageur» en: «feu de camp». L!argument discuté parodie évidem-
ment celui de $V v!kya 366.
306
Explication, PVSV! 444,22"23: jv!l!p'rvakapathik!gnisth!ne "pi, «même
là où le feu de camp [fut effectivement] précédé d!une [autre] flamme»
(comparer PV! P332a4"5/D276a3: da ltar ba!i !gron pos bta& ba!i me!i gnas
su m&on par !dod pa la ya&). Dans PVSV 122,17, Dharmak#rti cite cette ob-
jection; là, les commentateurs s!accordent à expliquer anyatra api par jv!l!-
rahite "pi prade#e, «même en un endroit dénué de flamme» (PV! P333b2/
D278b3 = PVSV! 446,12"13). Si Hira%yagarbha avait récité le Veda après
l!avoir composé lui-même, d!autres personnes aujourd!hui encore pourraient
réciter le Veda après l!avoir composé elles-mêmes.
292 Traduction

bien [en être] autrement de [la nature que vous prêtez au feu, celle
de ne] s!originer [qu!]à une [autre] flamme; ainsi, puisque [ces]
deux propriétés [non incompatibles] sont possibles d!une seule [et
même] chose[, le feu en général,] il ne peut se faire que le feu de
camp, ou autre chose [comme la récitation védique], soient ordon-
nés à une seule [parmi ces propriétés]: on suspecte donc la spécio-
sité de cet (tatra) [argument].307 On dit [en effet] que même l!oc-
currence de deux propriétés mutuellement exclusives n!est pas in-
compatible s!agissant de l!universel d!une entité, mais [qu!elle
l!est] d!un particulier de condition spécifique, car il est contradic-
toire qu!une essence indivise soit [à la fois] telle et non telle. Or
[s!agissant] du feu de camp [en général], les naissances dues à la
flamme et à autre chose ne sont pas [l!une à l!autre] dans un rap-
port d!annulation réciproque, car ce [feu] n!est pas impossible sans
s!originer à une [autre] flamme. D!un feu de camp tel [qu!on l!a vu
naître d!une autre flamme], on peut [légitimement] dire qu!il s!ori-
gine à une [autre] flamme[, mais] pas de tout [feu indifféremment],
parce qu!on ne peut y308 dénier la différence [qu!y fait la friction du

307
Explication, PV! P332b2"5/D277a7"b2: !don par byed pa la sogs pa skyes
bus ma byas pa ñid du sgrub par byed pa!i gtan tshigs ni !khrul pa yin te |
!gal ba med pa!i phyir ro || rig byed !don par byed pa ya! yin la | rig byed
!don par byed pa!i s!on du so! ba can ya! ma yin no "es bya ba ga! yin pa
!di la !gal ba ci "ig yod de | dper na da ltar ba dag bdag ñid rtsom par [ mi]
byed la tsha!s pa la sogs pa ya! byed pas gcig la so sor !es pa yod pa ma yin
pa lta bu da! dper na me !ga! "ig me s!on du so! ba can yin la | !ga! "ig
gtsub #i! gtsubs pa s!on du so! ba can yin pas na gcig la so sor !es pa [yod
pa ma yin pa] lta bu!o ||. «Une raison [logique] telle que la récitation [du
Veda, censée] prouver l!incréation, est spécieuse, faute d!une [quelconque]
incompatibilité [entre les deux propriétés]. Quelle incompatibilité y a-t-il [en
effet] à être à la fois récitation du Veda et non précédé d!une [autre] récita-
tion du Veda? [Aucune.] Par exemple, il n!y a pas de limitation à une seule
[propriété dans le cas de la récitation védique] puisque les gens d!aujourd!hui
[ne] composent [pas le Veda] alors qu!une [divinité] telle que Brahm"[, elle,
l!a] fait; par exemple, [il n!y a pas de] limitation à une seule [propriété dans
le cas du feu] puisqu!un certain feu est précédé d!un [autre] feu alors qu!un
certain [autre] feu est[, lui,] précédé de la friction du bois d!allumage.» Com-
parer PVSV! 445,9"11.
308
Explication, PV! P333a7/D278a1 = PVSV! 446,9: tatra hetubhedabhinne
Traduction 293

bois d!allumage], et qu!un [feu] où [cette] différence existe ne se


laisse pas réduire (aniyama) à cette condition [de s!originer à une
autre flamme]. "Et quand [vous dites] que si# [le premier feu de
camp] était survenu sans [qu!]une flamme [le précède, le feu] sur-
viendrait [de cette même manière] également en [tel] autre [lieu où
ne se trouve pourtant pas de flamme, nous répondons: oui,] il [y]
est bel et bien pour peu que s![y] trouve le complexe [causal]309 au-
quel "il# doit d!exister.310 [Mais si,] ayant exhibé la présence de ce
[complexe causal], on exhibait l!inexistence du [feu] ou [montrait
qu!]une flamme [existait] à l![emplacement du complexe en ques-
tion, alors] ce serait le cas [que le feu est toujours précédé d!une
autre flamme].311 312Par conséquent, [constater que] la récitation

vahnau, «dans ce feu qui diffère selon sa cause».


309
C!est-à-dire, selon PV! P333b3/D278a4 = PVSV! 446, 14: ara!inirmatha-
nalak"a!ay# s#magry#, «le complexe [causal] défini comme la friction du
bois d!allumage».
310
Explication, PV! P333b4$5/D278a4$5: !di skad du me med pa!i phyir thog
mar !gron pos bta$ ba!i me med par !gyur ba ma yin gyi | !on kya$ ra$ ñid
kyis gtsub %i$ gtsubs pa!i tshogs pa med pa!i phyir ro &es bstan par !gyur ro ||.
«En ces termes, [Dharmak"rti] montre que ce n!est pas parce qu!il n!y avait
pas [là] de flamme que le premier feu de camp n!existerait pas, mais parce
qu![y] manquait le complexe [causal] qui est de frotter soi-même? le bois
d!allumage.»
311
Explication, PVSV! 446,17$18: na ca evam | tasm#n na sarva' pathik#gnir
jv#l#p(rvaka iti vyabhic#ra' |. «Or il n!en va pas ainsi. Par conséquent, tout
feu de camp n!est pas précédé d!une [autre] flamme; donc [l!argument] est
spécieux.» Comparer PV! P333b6$7/D278a6 (*tasm#n na " jv#l#p(rvaka'
siddha' |).
312
Introduction, PV! P333b7$334a1/D278a6$7: ji ltar !gron pos bta$ ba!i me
thams cad me s$on du so$ ba can ñid du bsgrub par bya ba la gtan tshigs
!khrul pa yin pa | de ltar rig byed !don par byed pa thams cad ni rig byed !don
pa s$on du so$ ba can ñid du bsgrub par bya ba la gtan tshigs !khrul pa yin
no &es bstan pa!i phyir de bas na &es bya ba la sogs pa smos te |. «De même
qu!est spécieuse la raison [logique destinée] à prouver que tout feu allumé
par un voyageur a été précédé d!une [autre] flamme, de même est spécieuse
la raison [logique destinée] à prouver que toute récitation du Veda a été pré-
cédée d!une [autre] récitation du Veda. Afin de le montrer, [Dharmak"rti] dit:
#Par conséquent%, etc.»
294 Traduction

[védique] de l!un[, la personne d!aujourd!hui incapable de compo-


ser le Veda,] est précédée [de celle] d!un autre[, le précepteur qui
la lui a enseignée], ne permet [nullement] de prouver que toute [ré-
citation védique] soit telle[, y compris celle de Hira!yagarbha], car
il n!est pas impossible qu![il en ait été] autrement de la [récitation
védique propre à Hira!yagarbha].313 Mais d!un [homme d!aujour-
d!hui] tel [que,] dénué de l!intelligence [nécessaire] à composer le
[Veda, il ne peut le réciter après l!avoir composé lui-même, la réci-
tation] serait [effectivement] telle[, à savoir précédée d!une autre
récitation]; on pourrait donc [à bon droit] décrire ainsi une [récita-
tion] de ce type, [mais] décrire indifféremment[, ainsi que vous le
faites,] cette [récitation] où une différence est possible, [voilà qui]
ne grossit pas l!élégance [de l!argument]!314
PVSV 122,24 315
[Objection:] Comment [cette] différence est-elle possi-
313
Explications, PV" P334a4/D278b2"3: g!an s"on du so" ba can med par ya"
bdag ñid kyis sbyar ba yod pa!i phyir ro !es bya ba!i don to ||. «Le sens [visé]
est: parce que [Hira!yagarbha] peut [l!]avoir composée lui-même sans [que
cette récitation ait été] précédée [de celle] d!un autre.» Suite immédiate, PV"
P334a4"5/D278b3 = PVSV" 446,22"23: hira#yagarbh$d%n$& vedaracan$-
y$& 'aktisambhav$t |. «Parce que des [êtres] tels que Hira!yagarbha avaient
[assurément] la capacité de composer le Veda.»
314
«Indifféremment», c!est-à-dire (PV" P334a8"b1/D278b5"6 = PVSV"
447,7"8) en disant, comme le fait Kum#rila dans $V v$kya 366: «Toute réci-
tation [védique] est précédée d!une autre récitation [védique].» La différence
est possible étant donné la possibilité d!une personne exceptionnelle (puru($-
ti'ayasambhavena) susceptible de réciter le Veda après l!avoir composé
(PV" P334a8/D278b5 = PVSV" 446,27"447,7). Cette description indiffé-
renciée ne grossit pas l!élégance de l!argument, car étant donné que la conco-
mitance (entre la propriété probatrice ved$dhyayanatva et la propriété à prou-
ver ved$dhyayan$ntarap)rvakatva) est inétablie, l!argument est spécieux
(vy$ptyasiddhy$ vyabhic$ritv$t, PV" P334b1"2/D278b6 = PVSV" 447,8"9):
l!argument ne fait pas la preuve de la propriété à prouver envisagée (vivak(i-
tas$dhy$s$dhan$t, PV" P334b2/D278b6 = PVSV" 447,9).
315
Dans PVSV 122,24"123,3, Dharmak%rti critique la raison logique puru(atv$t
(voir APPENDICE B [PVSV" 443,27"444,9]). Qu!il s!agit là d!un hetu auto-
nome me paraît établi par PVSV" 447,23 (ubhayo*); cela étant, c!est dans le
but d!établir la concomitance entre les deux propriétés que le M%m#&saka
entreprend désormais de nier la possibilité d!une personne exceptionnelle
Traduction 295

ble dès lors que les hommes [erronément tenus pour avoir composé
le Veda, Brahm! notamment,] étaient tout à fait incapables [de le
faire] eux aussi, à l!exemple des hommes d!aujourd!hui [qui s!en
révèlent incapables]? [Réponse:] Étant donné que dans ce [raison-
nement] non plus, nulle constatation [n!est faite] d!une [quelcon-
que] incompatibilité entre la capacité [de composer le Veda] et [la
propriété d!être] un homme,316 [ce] raisonnement de non-percep-
tion où se trouve affirmé [quelque chose qui n!est] pas incompati-
ble, n!est pas concluant317: [nous avons] en effet [déjà] dit que s!a-
gissant d![entités] suprasensibles [telles que Brahm!], on ne [peut]
connaître d!incompatibilité.318 Et ce [raisonnement-ci] ne diffère
pas du raisonnement précédent [sous le rapport de son caractère in-

(puru!"ti#aya) telle que ses capacités cognitives (#akti, not. pratibh") aient
pu la rendre capable de composer (kriy") le Veda. Sur ce point, voir pp. 148"
150, et ELTSCHINGER 2001a: 105.
316
Explication, PV" P334b6/D279b2 = PVSV" 447,14"15: tata# ca brahm"di-
!u puru!atva$ hetutvena uktam aviruddhatv"n na vedakara%a#aktim apana-
yati |. «Et donc dans le cas de Brahm!, etc., [la propriété d!]être homme invo-
quée en tant que raison [logique] n!exclut pas [le moins du monde] la capaci-
té de composer le Veda, car [les deux propriétés] ne sont pas incompatibles.»
317
Sur ce point, voir PVSV 5,9"21 (# PVin II.60,3"61,2/12*,32"13*,17), et no-
tamment PVSV 5,11"12: aviruddhasya vidhau sahabh"vavirodh"bh"v"d
aprati!edha& |. «[Bejaht man] etwas Nichtwidersprüchliches, liegt keine Ver-
neinung vor, weil der Widerspruch beim miteinander Vorkommen [des Ver-
neinten und Bejahten] fehlt.» Traduction STEINKELLNER 1979: 53. L!adver-
saire voudrait nier #akti en affirmant puru!atva; or il n!y a pas de négation en
posant/affirmant ce qui n!est pas incompatible. Deux possibilités d!analyse
du possessif aviruddhavidhi, selon PV" P334b7"8/D279a3"4: comme vya-
dhikara%abahuvr'hi (g(i tha dad pa!i !bru ma) po); comme sam"n"dhikara-
%abahuvr'hi (g(i mthun pa!i !bru ma) po). Voir KALE 1988: §§246sq.
318
C!est-à-dire, selon PV" P335a2"4/D279a5"6 et PVSV" 447,18"20, aucun
des deux types d!incompatibilité: ni contrariété (sah"navasth"na, car on
ignore si Brahm! et capacité sont contraires puisqu!ils sont suprasensibles),
ni contradiction proprement dite (parasparaparih"rasthiti, car on ne peut y
reconnaître de contradiction entre capacité et non-capacité, ou entre homme
et non-homme). Sur ces deux types d!incompatibilité, voir STEINKELLNER
1991: 316n. 32.
296 Traduction

conclusif].319 [A notre adversaire soutenant] que si les gens [d!au-


trefois] avaient été capables [de réciter le Veda après l!avoir com-
posé], les [gens] d!aujourd!hui aussi [en seraient capables, nous ré-
pondons:] cela serait s!il n!y avait [aucune] différence [parmi les
hommes]. Or cette [absence de différence] est [pour le moins] dif-
ficile à prouver.320 [Donc dans l!argument stipulant] que de ce dont
un seul [homme] est incapable, tous les hommes [sont incapables
car ils sont des hommes, l!indice inférentiel «être-un-homme»] est
aussi spécieux que [l!était] auparavant [l!indice «être-une-récita-
tion-du-Veda»], car bien que les [hommes] d!aujourd!hui soient in-
capables d!["uvres] telles que le Mah!bh!rata, il est établi qu!un
[homme exceptionnel en] fut capable [en la personne de Vy!sa].321
PVSV 123,3
Par conséquent, [la personne] qui distingue les causes322
doit montrer la différence de nature propre que présentent les ob-
jets [eux-]mêmes[, selon qu!ils sont] nés ou non de telle [cause
donnée];323 à défaut de cette [différence], tout [objet sera] de cette
319
Selon PV" P335a4#6/D279a6#7 et PVSV" 447,21#23, le raisonnement: «Ce
qui est homme n!est pas capable de composer le Veda, à l!instar de l!homme
d!aujourd!hui» (ya" puru#a" sa vedakara$a% praty a&akto yath! id!n'%ta-
na" puru#a") ne se distingue pas du raisonnement: «Ce qui est récitation vé-
dique est précédé d!une autre récitation védique, à l!instar de la récitation vé-
dique d!aujourd!hui» (yad ved!dhyayana% tad ved!dhyayanap(rvakam id!-
n'%tanaved!dhyayanavat).
320
Explication, PV" P335a8/D279b2 = PVSV" 447,27: b!dhak!bh!v!t |. «Fau-
te de [moyen de connaissance valide] annulateur.» Du"s!dha" est expliqué
a&akyas!dhana", «indémontrable».
321
L!exemple est bien entendu emprunté à #V v!kya 367a (voir d!abord pp.
150#152).
322
Selon PV" P335a3#4/D279b4, la personne qui distingue les causes en disant:
«Ceci est la cause de x, mais n!est pas la cause de y» (!di!i rgyu ni !di yin la
!di!i ni !di ma yin no). Selon PVSV" 448,11#12, la personne qui nie que
l!opération des organes phonatoires soit la cause des énoncés védiques (vai-
dik!n!% v!ky!n!% t!lv!divy!p!ra% k!ra$am apanayat!).
323
Selon PV" P335a5#6/D279b5#6, cette personne doit montrer «qu!une nature
propre de la sorte a naît de la cause x, et que ce qui ne naît pas de la cause x
n!est pas de la sorte a» (de da) !dra ba!i ra) b*in ni rgyu de las byu) ba can
da) rgyu de las byu) ba can ma yin pa dag ni de !dra ba ma yin no *es).
Traduction 297

nature, ou aucun [ne le sera].324 Or nous ne voyons ici[-bas325 aucu-


ne] différence de nature propre entre [énoncés] ordinaires et védi-
ques.326 [Et] cette [différence] faisant défaut puisqu!on ne leur con-
state que similitude [en tant que tous deux sont des séries de pho-
nèmes, la personne] qui réserve (vivecayat) à un seul [de ces énon-
cés] "quelque# propriété [telle que création humaine ou incréation],
voit sa position suspecte de spéciosité de par la [similitude même]
que présentent leurs natures propres.327
PVSV 123,8
[Objection:] Entre Veda et non-Veda, il y a bel et bien une
différence, qu!on définira comme le fait d!être [ou non] le [Ve-

Selon PVSV! 448,13$14, cette personne doit montrer «que telle (!d"#a) est
la nature propre des [paroles ordinaires] qui ont pour cause les organes pho-
natoires, etc., autre (any$d"#a) la nature propre des [paroles védiques] qui ne
les ont pas pour cause» (t$lv$dik$ra%$n$m !d"#a& svabh$vo !tatk$ra%$n$m
any$d"#a& svabh$va iti).
324
Il est difficile de déterminer le sens de ce tad$tm$. PV! P335b7/D279b6 pa-
raît gloser de da' mtshu's pa"i ra' b(in can (*tatsam$nasvabh$va&), peut-
être de"i rgyu can gyi ra' b(in (*tatk$ra%asvabh$va&?). On comprendrait
alors: «sera d!une nature semblable à celle [qui naît de cette cause]», ou «au-
ra pour nature d!avoir ceci pour cause» (t$lv$divy$p$ra?). Explication, PV!
P335b7$8/D279b6$7: sgra thams cad skyes bus byas par "gyur ba"am "ga"
(ig kya' ma yin no (es bya ba"i don to ||. «Le sens [visé par Dharmak"rti est le
suivant]: Toute parole serait de création humaine, ou aucune[, pas même la
parole ordinaire, ne le serait].» Voir PVSV! 448,16 (sarva& #abda& pauru)e-
ya& sy$n na v$ ka#cil laukiko !pi).
325
Selon PVSV! 448,17$18 (atra jagati), mais noter PV! P335b8$336a1/
D279b7$280a1: "gro ba "di la"am sgra"i sbyor ba "di la, «dans cet univers,
ou dans l!usage des paroles (*#abdaprayoge v$).»
326
Diversité de nature qui permettrait de poser (vyavaSTH*) les premiers com-
me de création humaine, les seconds comme incréés (PV! P336a1/D280a1).
Voir n. 294, pp. 288$289.
327
Explication, PV! P336a5$6/D380a3$4 # PVSV! 448,24$25: pauru)eyatu-
lyadharmakasya vedasya apauru)eyatva+ vadan vyabhic$ryata iti y$vat |.
«Le sens [visé est le suivant:] Spécieux [l!argumentaire de] qui professe l!in-
création d!un Veda qui possède [pourtant] les mêmes propriétés que les [é-
noncés] ordinaires.» En lieu et place de vyabhic$ryate, PV! porte brdzun du
smra ba can du "gyur ro.
298 Traduction

da]. [Réponse:] Certes elle existe,328 [et] pas seulement entre eux,
mais aussi entre [tel] Pur!"a des #i"$ika329 et [tel] autre [Pur!"a
composé par une autorité supposée]. Or révélant [aux fins de la

328
Selon PV% P336b1!2/D280a6!7 & PVSV% 448,28, une telle différence exis-
te mais ne prouve pas que les énoncés ordinaires et védiques sont respective-
ment créés et incréés, car"
329
L#identité de ces !i"!ika (tib. kha bya) est mystérieuse. (1) Les deux occur-
rences de !i"!ika chez Dharmak'rti (P PVSV 123,10 et HB 6*,24) sont glosées
par nagn#c#rya; mais là où les v. tib. de Vin'tadeva et de Arca(a rendent (lit-
téralement) gcer bu ba!i slob dpon (suggérant à STEINKELLNER 1967: 109n.
II.41 que les !i"!ika sont des [Digambara-]Jaina), celles de PV% (P336b3/
D280a7!b1) rendent lo rgyus mkhan, «versé dans l#/les histoire(s)» (MMW
525b et SCHMIDT 1991: 225c rendent nagn#c#rya par «barde», ce qui me pa-
raît établir que lo rgyus mkhan rend nagn#c#rya). (2) Rien n#assure à mes
yeux que ces !i"!ika soient des (Digambara-)Jaina. Les !i"!ika du Pratijñ#-
yaugandhar#ya"a ressemblent fort à des ascètes )ivaïtes (corps frottés de
cendre, bâton, marque sectaire [tri]pu"!ra[ka]); ceux de B$hatkath#%loka-
sa&graha XVIII.202sq sont explicitement dits des P!)upata; ceux de P#da-
t#!itaka 4c semblent des experts dans l#art de la «pleasantry» (vinarmaka-
l#vidagdha); ceux de B$hatkath#%lokasa&graha XVII.96(!97) s#apparentent
plutôt à des colporteurs (de rumeurs); sur ces différentes références, voir
SCHOKKER 1966: 143!144 (et aussi WARDER 1977: §§1166 et 1445). De ces
sources ressort une représentation ambivalente: aspect terrifique et «rogue»
d#un côté, ridicule et plaisantin de l#autre (cette ambivalence préside égale-
ment à la représentation du K!p!lika dans le théâtre sanskrit: voir LORENZEN
1991: 48!62 et passim). (3) Le groupe visé par «!i"!ika» doit présenter un
minimum d#homogénéité socio-religieuse: toute catégorie sociale ne compo-
se pas de Pur!"a, toute n#a pas de svaya' vyavah#r#rtha' svaprakriy# (voir
n. suivante); en même temps, ce groupe paraît plutôt insignifiant, «vilain»,
sans notoriété, presque anonyme (sinon collectivement par «!i"!ika»); en
atteste peut-être l#explication de *!kyabuddhi (ibid.), qui au !i"!ikai( k$ta'
pur#"am (= PVSV%, ibid.) oppose un *#pt#bhimatena k$tam [itara' pur#-
"am]. (4) Mon imagination me suggère la représentation suivante des !i"!i-
ka: des religieux mendiants (les «Bettler» de STEINKELLNER 1967: 41), «gue-
nilleux» (LACOTE sur !i"!ika/!i"!in, dans SCHOKKER 1966: 143) méprisa-
bles qui sont (sinon présentent l#aspect) des ascètes )ivaïtes (SCHOKKER
1966: 144 se risque à l#hypothèse de [Lakul')a] P!)upata [du pays L!(a]), et
dont (une part de) la subsistance pourrait provenir d#une activité de «storytel-
lers» (s#il ne s#agit pas là pour eux d#un simple penchant).
Traduction 299

praxis] la différence des récits d!origine330 propres [aux groupes


qui s!y reconnaissent], une [simple] différence nominale n!annule
pas la facture humaine [du Veda], car il s!ensuivrait qu![en vertu
de la différence nominale qui les distingue entre elles, l!incréation
vaudrait] également d!["uvres] autres [que le Veda, de Pur!"a par
exemple]. [En revanche,] si les hommes se montraient [totalement]
incapables de produire une composition [de phonèmes et de mots]
telle [qu!on la rencontre dans les énoncés védiques], ou si une [per-
sonne] qui n!a pas acquis la convention distinguait [à l!oreille] une
[composition qui a été] produite [par un homme à l!imitation du
Veda, alors] le Veda [serait] de toute évidence incréé.
PVSV 123,14 331
[Objection:] Les hommes sont strictement incapables de

330
Le contexte immédiat (les Pur!"a), les v. tib. (lo rgyus) et MVy 1445/
LXVI.15 (où prakriy! = lo rgyus figure dans la rubrique des catégories tex-
tuelles/genres littéraires), me suggèrent de comprendre prakriy! au sens de
«récit d!origine», «histoire» (voir aussi PVA 328,4; cf. l!emploi BHS de pra-
k"ti au sens de «histoire», «événement»). Skt. prakriy! note uniformément un
processus dérivatif/évolutif, engagé à partir d!un élément/principe initial, et
supposé expliquer un fait, état ou événement (souvent actuel). D!où l!emploi
grammatical (prakriy! note les opérations par lesquelles le grammairien déri-
ve, à partir de bases [prak"ti] et suffixes [pratyaya] notamment, les différents
mots [voir p. ex. TV sous M#S$ I.iii.24/II.206,19, TV sous M#S$
I.iii.27/II.216,19 et II.226,19]); l!emploi métaphysique/cosmologique (%
processionnisme, dans VP I.1 et TV sous M#S$ I.iii.2/II.81,11#12); peut-être,
un emploi «scientifique»/heuristique (VP II.233, où entendu selon son con-
texte proche, prakriy! note les opérations/dérivations grammaticales expo-
sées dans les #!stra grammaticaux, et entendu plus largement [avec VPV2,
voir HOUBEN 1997: 325#326, et RAMSEIER 1994: 1364#1365], paraît viser
les procédures logico-argumentatives par lesquelles les différents #!stra déri-
vent leurs conclusions).
331
(A) Dans cette objection, le M#m!&saka semble poursuivre trois objectifs
concomitants: (1) présenter une différence de nature propre entre énoncés vé-
diques et ordinaires (i.e. l!efficacité magique de la parole védique; voir TS
n°2787#2789); (2) montrer que l!incapacité à faire des mantra efficaces im-
plique l!incapacité de composer le Veda; (3) donc établir la vy!pti entre les
propriétés ved!dhyayanatva et ved!dhyayan!ntarap$rvakatva (voir supra,
PVSV 122,24#25, et n. 315, pp. 294#295). Dans PVSV 123,14#124,26,
Dharmak#rti donne un premier aperçu de sa position sur les mantra (qu!il dé-
300 Traduction

faire des mantra [leur assurant le résultat escompté]. [Réponse:]


[Que les mantra sont eux aussi de création strictement humaine,]
nous l!examinerons ultérieurement. De plus, ce que l!on nomme
«mantra» n!est rien d!autre que la parole d![hommes] dotés d!un
pouvoir [leur provenant] de [leurs] véracité et austérités[, une paro-
le qui est] le moyen de réaliser le résultat souhaité.332 [Or la parole
qu!on définit un «mantra»,] on la rencontre aujourd!hui encore par-
mi les hommes, parce qu!on constate que chacun "grâce à sa réso-
lution à la vérité#, ils neutralisent des [fléaux] tels que le poison et
le feu;333 334parce que certains Barbares [se livrant à des pénitences

taille dans PVSV 155,18$164,24; voir en général ELTSCHINGER 2001a). La


raison d!être de ce passage tient à ce que la doctrine des mantra sert à prou-
ver la perception du suprasensible: or c!est là ce que le M!m"#saka doit ré-
futer s!il entend établir la vy!pti entre les propriétés «être-une-récitation-du-
Veda» et «être-précédé-d!une-autre-récitation-védique». (B) L!attribution de
ce p"rvapak#a à la M!m"#s" pose un problème historique: (1) la M!m"#s"
articule sa théorie des mantra autour du seul rituel védique, et ne laisse aucu-
ne place à une prétendue efficacité magique des mantra védiques (voir
TABER 1989); (2) je n!ai connaissance d!aucun locus m$m!%saka prédharma-
k!rtien tendant à accorder aux mantra védiques une efficacité magique (l!idée
fait le fond du Kau&ikas"tra et des 'g- et S!mavidh!na [pour des références,
voir ELTSCHINGER 2001a: 60$61n. 238], littératures sur lesquelles Kum"rila
ne se prononce pas à ma connaissance); (3) Dharmak!rti prête à la M!m"#s"
la notion d!une efficacité naturelle (bh!va&akti) des mantra; or cette notion,
fréquente chez Bhart$hari (hors du contexte des mantra) et susceptible de
s!être développée dans la médecine, est bien attestée dans les textes tantri-
ques bouddhiques (voir ELTSCHINGER 2001a: 121$122); (4) Kum"rila prête à
divers groupes hétérodoxes (dont les bouddhistes) l!utilisation et le (rare!)
succès de mantra à vocation toxicologique ou subjugatrice (voir TV sous
M!S% I.iii.4/II.112,20$21).
332
Sur le composé satyatapa(prabh!vavat!m, voir ELTSCHINGER 2001a: 13n.
12. La véracité, c!est de dire vrai (yath!bh"t!khy!na, PV& P337a3/D280b6 =
PVSV& 449,17$18); les austérités, c!est de dompter ses facultés sensorielles
et son esprit (indriyamanasor damanam, ibid.); le pouvoir, c!est la capacité
de neutraliser un poison, etc. (vi#astambhan!dis!marthya, ibid.). En résumé,
un mantra est une parole qui est une cause (*hetu°/k!ra)abh"ta% yad vaca-
na% tad eva mantra(, PV& P337a5/D280b7).
333
Des mantra ignifuges sont signalés dans VPV 90,4$5 sous VP I.33.
334
Selon PV& P337a6$7/D281a1, Dharmak!rti montre maintenant que les hom-
Traduction 301

qui leur sont propres] font aujourd!hui même des mantra [capables
d!éliminer le poison]; parce qu!on voit des mantrakalpa qui ne sont
pas védiques[, mais] bouddhiques[, jainistes, g!ru"a ou m!he#va-
ra] notamment,335 et que ceux-ci sont de facture humaine.336 PVSV
123,24 337
Si [l!on postule que ces mantrakalpa non védiques sont] eux
aussi incréés, comment dès lors [tout énoncé] incréé [pourra-t-il
être] véridique? C!est ainsi que dans deux mantrakalpa, [l!un] bou-
ddhique et [le second] autre [que bouddhique], des [pratiques] tel-
les que violence [aux êtres], accouplement ou contemplation du soi
sont présentées [tantôt] comme des causes d!infélicité et [tantôt] de

mes qui possèdent des qualités telles que la véracité ne sont pas même seuls à
faire des mantra. La science des !abara en matière de mantra à vocation toxi-
cologique réapparaît dans le commentaire de Hel"r"ja sous VP III.iii.35 (voir
HOUBEN 1995: 250 et 372). Selon AKVy 326,4"5, les !abara habitent les
monts Vindhya.
335
Le composé mantrakalp!n!m est analysé mantr!$!% mantrakalp!n!% ca/
s&ags da& s&ags kyi rtog pa dag (PV# P337b1/D281a3 $ PVSV# 449,25).
Par mantra, il faut entendre des «syllabes de science magique» (vidy!k'ar!$i
mantr!(, PVSV# 449,25"26; comparer PV# P337b1"2/D281a3). Par kalpa,
il faut entendre des #uvres enseignant les règles permettant la réussite des
mantra (tats!dhanavidh!nopade#! mantrakalp!(, PVSV# 449,26 = PV#
P337b2/D281a3"4). Sur ces définitions et attributions, voir ELTSCHINGER
2001a: 27"34 et 45"62, à quoi on ajoutera, pour des définitions alternatives
du kalpa, K!vyam)m!%s! II.6 (GONDA 1977: 467n. 8) et TV sous M%S&
I.iii.11/155,8"18 (JHA 1998: I.224), et pour l!attribution de mantra (plus ou
moins) efficaces à diverses dénominations confessionnelles, TV sous M%S&
I.iii.4/II.112,17"2: Kum"rila trouve des mantra dans des #uvres (grantha)
s!&khya, yoga, p!ñcar!tra, p!#upata et #!kya (i.e. bouddhistes). Dans ce qui
suit, il est pratiquement impossible de déterminer si mantrakalpa vaut du
composé (i.e. s&ags da& rtog pa) ou de son seul second membre (i.e. s&ags
kyi rtog pa), malgré que PVSVt rende toujours mantrakalpa par s&ags da&
rtog pa.
336
Explication, PV# P337b3/D281a4 = PVSV# 449,28: tasm!n na laukikebhyo
vaidik!n!% svabh!vabheda( |. «La nature des [énoncés/mantra] védiques ne
diffère donc pas de celle des [énoncés/mantra] ordinaires.»
337
PVSV# 449,29 (tatra ity!di para() ouvre ici une objection qui ne se clôt ja-
mais; PV# P338a1/D281b1 referme sur PVSV 123,25 (sy!t |) une objection
qui ne s!est jamais ouverte. Je ne tiens pas PVSV 123,21"25 (tatra ! sy!t |)
pour une objection.
302 Traduction

façon différente[, comme des causes de félicité]. [Or si tous les


mantrakalpa étaient incréés,] comment deux [énoncés] affirmant
d!une seule [et même chose quelque chose] de contradictoire pour-
raient-ils être [simultanément] vrais? 338Si l!on postule pour le [ma-
ntrakalpa bouddhique] une signification autre [que communément
établie], voilà qui vaudra également de [tel mantrakalpa] autre
[que bouddhique; et] par conséquent, de par l!indétermination de la
signification [résultant de ce que l!on pourrait aussi bien prêter à
tout mantrakalpa une signification autre que communément éta-
blie, il ne sera de] praxis à l!endroit d!aucun [des objets exposés
par un mantrakalpa]. Aussi (tath! ca) un [énoncé] incréé, dût-il
exister, ne servira-t-il [à nulle finalité humaine]. Si [l!on prétendait
maintenant que] les [mantra non védiques,] bouddhiques par exem-
ple, ne sont [en fait] pas des mantra, il faudrait [alors, pour établir
qu!]un [mantra] autre que ceux-ci [est] quand même (api) [un man-
tra], se soumettre à [telle ordalie consistant à] boire de l!eau consa-
crée.339 340On constate [en effet] que les [mantra] bouddhiques, etc.,

338
Selon l!introduction de PV! P338a1"2/D281b1"2 " PVSV! 450,14"15,
l!adversaire pourrait prêter aux mots du mantrakalpa bouddhique une signifi-
cation autre, non communément établie: ne se disant pas de la même chose,
les deux mantrakalpa bouddhique et védique ne seraient plus mutuellement
contradictoires.
339
Selon MSm# VIII.109, on recourt à l!ordalie ("apatha; divya dans NSm#)
dans les affaires sans pièces ni témoins (as!k#ika); selon NSm# I.253, l!or-
dalie sert à établir la vérité dans le cas d!une affaire douteuse (sandigdha),
permet de discerner le vrai du faux (saty!n$tavi"uddhaye) par intervention
surnaturelle. Sept types d!ordalie chez N$rada (cinq chez Y$jñavalkya II.95,
MSm# VIII.113"115 ambiguë): par la balance (tul!/dha%a), par le feu (agni),
par l!eau (udaka), par le poison (vi#a), par la libation sacrée/absorption d!eau
consacrée (ko"a[p!na]), par le riz (ta&'ula) et par les pièces d!or brûlantes
(taptam!#aka): sur le ko"ap!nadivya, voir SHASTRI 2002: 143"144 et KANE
1973: 373"374. C!est là une manière de montrer, selon PV! P337a7"
8/D281b5"6 et PVSV! 450,22, qu!on ne dispose d!aucune argumentation ra-
tionnelle (yukti) pour établir que les mantra védiques sont des mantra tandis
que les mantra bouddhiques n!en sont pas.
340
Introduction, PV! P338a8/D281b6 " PVSV! 450, 22"23: d$#%aviruddha( ca
etad bauddh!dayo na mantr! iti | tath! hi! «Que les [mantra] bouddhiques,
etc., ne soient pas des mantra, contredit en outre ce que l!on constate [empiri-
Traduction 303

produisent [eux] aussi des [effets] tels que l!action [magique] con-
tre le poison: [aussi leur] dénie-t-on à eux aussi [la qualité] de
n!être pas des mantra.341 342[De plus, quoique] non syllabiques, les
gestes rituels [de la main], les diagrammes concentriques et les
concentrations psychiques343 produisent [eux] aussi des actions
[magiques telles que l!élimination d!un poison]. Or il est faux que
ces [gestes rituels, diagrammes concentriques et concentrations
psychiques] soient incréés [et] permanents. 344[Et] s!il [leur] est
possible de produire ces [gestes, diagrammes et concentrations],
qu!est-ce qui interdit à des hommes [exceptionnels] la composition
de syllabes [qu!est un mantra]? Il n!est donc rien que ces [hom-

quement]: c!est ainsi que"» PV! porte pratyak!aviruddham.


341
Selon PV! P338b2/D281b7 = PVSV! 450,25#26, l!efficacité magique était
en effet le critère retenu par l!adversaire pour établir le mantratva des mantra
védiques. Selon PV! P338b2#3/D281b7#282a1, nier cette qualité des mantra
bouddhiques exigerait qu!on la niât aussi des mantra védiques.
342
Introduction, PV! P338a3#4/D282a1#2: rig byed pa!i "ag rnams dug la sogs
pa sel bar nus pas "ag g#an las khyad par can yin pa ni bla ste | de tsam gyis
de rtag pa ñid du rigs pa ni ma yin no ||. «Admettons toutefois que les énon-
cés védiques capables d!éliminer le poison, etc., possèdent une propriété sup-
plémentaire par rapport aux autres; il n!est pas pour autant justifié qu!ils
soient permanents.» Comparer PVSV! 450,25#26, qui vise l!apauru!eyat$ et
non la permanence (nityat$).
343
PVSV! 450,27: p$%ya"gulasa&nive'o mudr$ |. «Une mudr$ est une disposi-
tion [particulière] des doigts de la main» (comparer PV! P338b4#5/D282a3).
PV! P338b5/D282a2 = PVSV! 450,27: ma%(ala& devat$diracan$vi'e!a) |.
«Un ma%(ala est un arrangement [graphique] particulier des divinités.» PV!
P338b5/D282a2: bsam gtan ni nam mkha" ldi" la sogs pa sems pa ste |. «Un
dhy$na est une pensée concentrée sur Garu"a, etc.» PVSV! 450,28: dhy$-
na& devat$dir*pacintanam |. «Un dhy$na est une pensée concentrée sur la
forme d!une divinité, etc.» Sur l!efficacité magique des mudr$, ma%(ala et
dhy$na, voir ELTSCHINGER 2001a: 16#17n. 36. Par «non syllabique» (ana-
k!ara), il faut entendre: «de nature non verbale» (a'abdasvabh$va, PV!
P338b6/D282a3 = PVSV! 450,28).
344
Selon PV! P338b8#339a1/D282a4#5 et PVSV! 450,30, l!adversaire veut
maintenant que l!efficacité des mudr$, ma%(ala et dhy$na vienne de l!hom-
me, mais pas celle des séries de phonèmes et de mots (var%a[padaPV!]krama)
que sont les mantra. Cette différence fonderait l!incréation de ces derniers.
304 Traduction

mes] ne puissent produire.345 [Objection:] [Si, loin d!être incréés,]


ils s!originent [comme vous le croyez] à la véracité [d!un homme],
comment deux mantrakalpa [de création humaine pourront-ils] dès
lors [être] mutuellement contradictoires? [Réponse:] Ils ne s!origi-
nent assurément pas en tout cas à la véracité, [car] ils se caracté-
risent aussi comme la promesse d!une personne dotée d!un pou-
voir.346 [Or loin de provenir de la seule véracité,] ce pouvoir peut
également provenir d!une destinée [transmigratoire] particulière ou
du succès particulier [d!un mantra].347 [Objection:] Si les mantra
sont de création humaine, pourquoi tous les hommes ne font-ils pas
des mantra?348 [Réponse:] Parce qu!ils manquent des moyens d!en

345
Explication, PV! P339a3"4/D282a6"7 " PVSV! 451,12: yena puru!e"a
ak#tam ati$ayam upalabhya laukikebhyo vaidik%n%& svabh%vabheda' kalpye-
ta |. «De sorte qu!ayant perçu* une propriété supplémentaire qui n!est pas le
fait de l!homme, on puisse postuler que les [paroles] védiques ont une nature
propre différente [de celle] des [paroles] ordinaires.» *PV! porte ñe bar
bstan pas, peut-être *upalak!ya.
346
Exemple, PV! P339a8"b2/D282b2"4 = PVSV! 451,18"21: ya im%& var"a-
padaracan%m abhyasyati tadvidhi& ca anuti!(hati tasya aha& yath%pratijñ%-
tam artha& samp%dayi!y%mi iti |. «A qui répète cette composition de phonè-
mes et de mots et met en pratique son injonction [d!utilisation], j!octroierai le
résultat tel que promis». L!homme doté du pouvoir de neutraliser un poison
fait serment, ou promet, d!accorder ce résultat à toute personne qui récitera
son mantra en respectant les prescriptions liées à la prononciation et au rituel
fixées par lui. Pour d!autres exemples et des explications sur les notions de
promesse (pratijñ%) et de serment (samaya), voir ELTSCHINGER 2001a: 22"
27. Explication, PV! P339b1"2/D282b3"4 = PVSV! 451,20"21: tato !nya-
th%v%dy api prabh%vayukto mantrakalpau kury%d eva ity avirodha' |. «Donc
même s!il parle faussement, un homme doté d!un pouvoir peut produire des
mantrakalpa: pas de contradiction donc.»
347
Destinée particulière obtenue grâce à l!accumulation d!actions méritoires
(pu"ya), selon PV! P339b3/D282b4 et PVSV! 451,22"23, et succès d!un
mantra favorisé (sa)g#h*ta) par une divinité, selon PVSV! 451,23.
348
L!expression mantrak%rin recoupe celle, védique, de mantrak#t: voir #V
IX.114.2ab et, pour les Br%hma"a, LEVI 1966: 145n. 3 et 148n. 4; voir aussi
la discussion de TV sous M$S% I.iii.11/II.157,14sq, et pour la valeur de ce
terme chez Dharmak$rti, ELTSCHINGER 2001a: 117"120.
Traduction 305

faire;349 [mais] pour peu que [les hommes] soient dotés de tels [mo-
yens,] véracité et austérités notamment, ils [en] font! De plus, [dire
qu!]étant donné qu!un homme [doué de l!intelligence y nécessaire]
fait des poèmes, tout homme[, même dénué de l!intelligence y né-
cessaire,] doit être auteur de poèmes, ou [que] si [l!un n!en] fait
pas, aucun [autre n!en peut faire], comme celui [qui en est incapa-
ble], voilà une rhétorique350 [réellement] inouïe [de spéciosité]!
[Objection:] Il est vrai que les [hommes] dénués du moyen de faire
des mantra ne font pas de mantra; mais puisque [tous] les hommes
ont des propriétés semblables, nous ne constatons pas que quicon-
que [en] soit doté. [Réponse:] A cela, [nous avons déjà] répondu
que ce qu!on nomme un «mantra» n!est rien d!autre que la parole
et le serment d![hommes] possédant des [moyens tels que] véraci-
té, etc.351 Or [ces moyens de faire des mantra,] on les rencontre par-
fois chez les hommes.352 De plus, [affirmer] que tous les hommes
en sont dénués [ne comporte qu!]indétermination puisque l!exis-
tence353 [de ces moyens] n!est pas incompatible [avec le fait d!être
homme]; et la non-perception n!est pas une raison [logique por-
teuse] de certitude [s!agissant] d![états de fait] dont la nature pro-
pre [nous demeure] invisible. 354De plus, [des moyens tels que] la

349
Par «moyens de faire des mantra» (mantrakriy!s!dhana), il faut entendre
(PV! P340a5"6/D283a4"5 = PVSV! 452,19) les quatre facteurs énumérés
jusqu!ici: véracité (satya), austérités (tapas), destinée particulière (gativi"e#a)
et succès particulier [d!un mantra] (siddhivi"e#a). S!y ajouteront, dans PVSV
124,18"19, quatre nouveaux facteurs: sm$ti, mati, prativedha, "akti. Sur ces
facteurs et leurs définitions, voir ELTSCHINGER 2001a: 18"21 et 74"81, et n.
355, p. 306.
350
Le caractère dépréciatif de l!expression v!coyukti se confirme dans TV sous
M"S# I.iii.12/II.163,9.
351
Voir supra, PVSV 123,15"17 et 124,6"7, et n. 346, p. 304.
352
Malgré PVSVt et PV! P340a6/D283a5, qui paraissent comprendre kvacit pu-
ru#e#u comme ke#ucit puru#e#u, «chez certains hommes» (skyes bu !ga! %ig
la mtho& &o ||).
353
Malgré la glose yod ci& srid pa de PV! P340a8/D283a6.
354
Selon l!objection introductive de PV! P340b2"3/D283b1 = PVSV! 452,27"
28, ne pas percevoir ces facteurs en soi-même (!tmani), c!est-à-dire dans sa
306 Traduction

réminiscence [des existences antérieures], la notion [de la pensée


d!autrui], le discernement [de l!essence des entités perçues], la vé-
racité et le pouvoir,355 n!appartiennent pas à toutes [les séries psy-
chiques humaines]: 356de même qu![il existe, dans telle Écriture et
non dans toutes,] un enseignement spécifique quant au moyen de
les réaliser, différentes qualités [mentales telles que la réminiscen-
ce] peuvent également se trouver réalisées [chez une certaine per-
sonne grâce à sa mise en pratique de leurs causes respectives]. "En-
suite, quand bien même elle existe[rait], [la qualité mentale propre
à une autre série psychique] ne peut être perçue [par l!homme or-
dinaire]#: voilà pourquoi l!on ne déniera pas [l!existence à] une
[qualité mentale] qu!on ne perçoit pas. Enfin, il n!est rien pour an-
nuler (pratiroddh!) quelque qualité [mentale] tendant à se produire
chez les hommes, 357car étant donné que [l!homme ordinaire] ne
perçoit pas la [qualité mentale] à annuler, [nul] rapport d!annula-
tion réciproque n!est établi [entre cette qualité mentale et la pro-
priété censément annulatrice].358 Par là, des [critiques] telles que la

propre série psychique, permettrait d!en garantir l!inexistence chez autrui


(paratra api), c!est-à-dire dans la série psychique d!autrui.
355
Selon les définitions suivantes de ces mantrahetu (voir n. 349, p. 305): ati-
kr"ntajanm"dismara#a$ sm!ti% (PV! P340b3$4/D284a1$2 = PVSV!
452,28$29); paracitt"vabodho mati% (PVSV! 452,29; PV! P340b4/
D284a2: blo ni g&an gyi sems pa!o); so sor rig pa ni d'os po mtho' ba!i de
kho na ñid mtho' ba!o (PV! P340b4/D284a2; PVSV! 452,29: ad!()e(u pa-
d"rthatattvadar*ana$ prativedha%); satyam ananyath"v"ditvam (PV!
P340b4/D284a2 = PVSV! 452,29$30); *akti% prabh"va% (PVSV! 452,30;
PV! P340b5/D284a2: nus pa ni mthu!i ra' b&in no).
356
Introductions. (1) PV! P340b6/D283b3: !di ltar (yasm"t, ou tath" hi), «parce
que» ou «c!est ainsi que». (2) PVSV! 453,7: id"n+$ sm!ty"d+n"$ kvacid eva
puru(e sambhavam "ha |. «[Dharmak"rti] évoque maintenant la possibilité de
[facteurs] tels que la réminiscence chez un certain homme [et non chez
tous].»
357
Selon l!introduction de PV! P341a6$7/D284a2$3 = PVSV! 453,16$17,
l!adversaire tient une propriété (dharma) telle que la qualité d!être homme
pour annulatrice (b"dhaka) de cette qualité mentale.
358
Explication, PV! P341a8/D284a3$4 # PVSV! 453,19: ab"dhak"c ca aprati-
k(epa% |. «Or puisque [cette propriété n!est] pas annulatrice, [on ne peut] pas
Traduction 307

négation de l!omniscience [ou du dépassionnement] voient [elles]


aussi décrite la réponse [qu!il convient de leur opposer].359 Il est là
aussi légitime [d!affirmer] qu!un [homme] tel qu!il ne dispose pas
d!un enseignement quant au moyen de réaliser le [dépassionne-
ment ou l!omniscience,] n!est pas [dépassionné ou omniscient,
mais il n!y est] pas [légitime] non plus [d!affirmer, par simple non-
perception,] qu!une [personne] chez qui l!on ne perçoit pas d![indi-
ce] informant [d!une telle qualité,] n!a pas cette [qualité] pour na-
ture propre360[, et ce pour deux raisons:] parce que l!effet [consti-
tuant l!indice inférentiel] de [certaines choses] pourtant existantes
pourrait n!avoir pas [encore] été engendré, et que [même si l!on
pouvait dire cet effet «engendré» par elles,] on ne pourrait voir
[que c!est là l!effet de ces choses] en raison de [leur] inaccessibilité
par la nature propre.361 Par conséquent, [lorsque l!on veut prouver]
qu!une récitation est précédée d!une autre récitation, parce que
[c!est] une récitation, [l!indice inférentiel «parce que c!est une ré-
citation»] est spécieux puisqu!il vaut également de la récitation du
Mah!bh!rata[, "uvre de création humaine s!il en est].
PVSV 124,28
[Objection:] De par la spécification [de la raison logique]
par le Veda, la faute [que vous dénoncez n!affecte] pas [notre posi-
tion].362 [Réponse:] Mais quelle est [cette] propriété supplémentaire

nier [l!existence d!une telle qualité mentale].»


359
PV! P341b1#2/D284a4#5 = PVSV! 453,22 renvoient implicitement à la
discussion de NB III.71#73: yath! na vakt"tv!dili#gena sarvajñatv!d$n!%
pratik&epa iti |. «Par exemple, on ne nie pas des [qualités mentales] telles que
l!omniscience au moyen d!un indice [inférentiel] tel que la qualité d!être lo-
cuteur.» Voir n. 370, p. 310.
360
Explication, PV! P341b7#8/D284b1#2 = PVSV! 453,28#29: na hi jñ!pak!-
nupalambham!tre'a jñ!pyasya abh!vo ny!yya( |. «Car il n!est pas légitime
que ce sur quoi [un indice] informe n!existe pas simplement parce qu!on
n![en] perçoit pas l![indice] informateur.»
361
Explication, PV! P342a2/D284b3 " PVSV! 454,10#11: tasm!n mantrakri-
y!s!dhanavaikalya% yath! ekasya tath! sarvasya ity etad a)akyani)cayam iti
sthitam |. «Il est donc acquis qu!on ne peut certifier que, tout comme l!un
manque du moyen de faire des mantra, tous [en manquent] de même.»
362
Selon PV! P342a4#6/D284b4#6 et PVSV! 454,14#15, l!adversaire recon-
308 Traduction

de la récitation védique [consistant en cela] qu!elle ne peut pas être


récitée de façon différente[, c!est-à-dire après composition person-
nelle]?363 En effet, une spécification qui n!est pas incompatible
avec les contre-instances ne permet pas d!en exclure la raison [lo-
gique], car deux [propriétés] non incompatibles [telles que «être le
Veda» et «n!être pas précédé d!une autre récitation»] sont possi-
bles d!une seule [et même chose telle que l!énoncé du Veda]. [Ob-
jection:] [Il en est ainsi] parce que les [hommes] d!aujourd!hui [ne]
récitent [leur Veda que précédés en cela par la récitation des maî-
tres qui les y ont instruits]. PVSV 125,1 [Réponse:] Cela a [déjà] reçu
réponse.364 [Objection:] [Il en est ainsi] car on n![en] perçoit pas
[l!auteur]. [Réponse:] Cela aussi [nous l!avons] refusé.365 Et étant
donné qu!une simple non-perception ne permet pas de conclure à
l!inexistence, [la raison: «parce que c!est une récitation du Veda»
ne comporte] que spéciosité. Donc étant donné que la spécification
n!apporte [aucune] propriété supplémentaire [à la raison logi-

naît que la raison, sous le concept général de la récitation (adhyayanam!tra),


est spécieuse (PVSV!), n!est pas un indice inférentiel (PV!). Il présente
donc une raison logique spécifiée (vi"i#$a), ved!dhyayan[atv]!t, censée ne
trouver aucune occurrence dans les contre-instances de la propriété adhyaya-
n!ntarap%rvakatvam.
363
Explication, PV! P342a8"b1/D284b7 = PVSV! 454,16"18: na eva ka"cid
ati"aya& | tato ved!dhyayana' ca sy!n na ca adhyayanap%rvakam iti viro-
dh!bh!v!t sa eva vyabhic!ra& |. «Il n!y a aucune propriété supplémentaire.
Donc puisqu!il n!y a pas de contradiction à être à la fois récitation du Veda et
non précédé d!une [autre] récitation, voilà qui est spécieux.»
364
Explication, PV! P342b4"6/D285a3"4 " PVSV! 454,22"24: bh!rat!dhya-
yane !pi prasa(g!t | tad api hi id!n)ntan!& paropade"ena eva adh)yata iti |
tasya apy !dy!bhimatam adhyayanam adhyayan!ntarap%rvakatvena vedavad
apauru#eya' sy!d [ity uktamPV!] |. «[Nous avons ditPV!:] Parce que [l!incréa-
tion] s!ensuivrait également dans le cas du Mah!bh!rata. En effet, les [gens]
d!aujourd!hui le récitent aussi grâce au seul enseignement d!autrui; la récita-
tion du [Mah!bh!rata] tenue pour initiale serait donc elle aussi incréée, com-
me [celle du] Veda, en tant qu!elle fut [elle aussi] précédée d!une autre réci-
tation.»
365
Référence: PVSV 121,2sq, selon PV! P342b7/D285a5 et PVSV! 454,25"
26.
Traduction 309

que],366 [il en va d!elle une fois adoptée] comme [lorsqu!on ne l!a-


vait] pas adoptée. [Par conséquent,] la concomitance n!est pas éta-
blie non plus [lorsqu!on dit, une fois spécifiée la raison logique,]
que "tout ce qui est récitation du Veda est précédé d!une autre réci-
tation [du Veda]#, car [faute d!un moyen de connaissance valide
annulateur du contraire,367] il n!est pas établi que toute [récitation
du Veda] soit de ce type. Mais [seule] peut être [décrite] ainsi la
[récitation] qui est telle qu!on [l!]a vue avoir cette [autre récitation]
pour cause. [N!]ayant vu [qu!]un [cas] particulier[, c!est-à-dire la
récitation d!un sot qui n!a pas composé ce qu!il récite], il est spé-
cieux d!invoquer, au mépris (ty!gena) de ce [simple cas particu-
lier], l!universel [«être-récitation-védique»] en tant que critère
d![une récitation antérieure]368: de même [serait-il spécieux d!invo-
quer] la qualité de substance jaunâtre (p!"#udravyatva) lorsqu!on
établit [l!existence] du [feu] mangeur d!oblation.369 Par là, on ob-
jecte [également] aux [raisons logiques qui,] telles l!usage de la pa-
role (vacana) [ou la qualité d!être homme, sont invoquées par notre

366
Explication, PV! P343a1$2/D285a6$7 " PVSV! 454,28$29: vipak$aviro-
dh!bh!vena vipak$!d avy!vartan!t |. «Puisque [cette spécification] ne permet
pas d!exclure [la raison logique] des contre-instances du fait qu!elle n!est pas
contradictoire de [ces] contre-instances.»
367
C!est-à-dire: faute qu!un moyen de connaissance valide permette d!exclure la
raison logique des contre-instances, i.e. d!exclure qu!une récitation du Veda
(notamment celle de Brahm#/Hira$yagarbha) ne soit pas précédée d!une au-
tre récitation du Veda.
368
Selon une interprétation commune à K et à %. PVSV! 455,15$17 présente
cependant une interprétation alternative de d%$&e vi'e$e tannimittatay! tatty!-
gena, qui inviterait à traduire: «Ayant vu une différence[, définie comme une
récitation après composition personnelle,] en tant que critère de la [capacité
de composition], il est spécieux d!invoquer, au mépris de cette [différence],
l!universel [&être-récitation-du-Veda%].»
369
Selon PV! P343b1$2/D286a5 = PVSV! 455,19$20, l!idée est qu!après avoir
constaté à tel feu une fumée d!un blanc jaunâtre particulier (p!"#uvi'e$a), on
se servirait de toute substance blanc jaunâtre, du blanc jaunâtre en général,
pour établir l!existence du feu: parce qu!il y aurait du blanc jaunâtre, il y au-
rait du feu.
310 Traduction

adversaire] dans [sa] preuve de [ce que l!homme est pétri de fautes
morales] telles que concupiscence [ou hostilité].370
PVSV 125,9
Soit sinon (v!) la récitation [du Veda] la preuve de l!anté-
riorité d!une [autre] récitation:
d e t o u t e f a ç o n , [ c e n ! e s t q u e ] l!éternité [du Veda qu!]on établi-
rait de la sorte, non un fondement [qui ne serait] pas humain;
[mais] si [l!on tirait] l!incréation de la [seule éternité, telle]
autre [pratique ordinaire] serait [el le] a ussi dénué e de [t out]
fondement humain371 [puisque perpétuée sans commencement
jusqu!à nous]. [PV I.244]
PVSV 125,13
Qu!il ait conçu lui-même ou [appris] d!autrui [ce qu!il ré-
cite], c!est en effet l!homme seul qui récite: les paroles des [hom-
mes], quand les organes phonatoires [de ceux-ci] n!opèrent pas, ne
résonent pas d!elles-mêmes, de sorte qu!elles seraient incréées.372
370
Selon PV! P343b4"5/D285b5 " PVSV! 455,24"25, ayant observé que telle
parole (vacanavi"e#a) s!origine à une faute morale telle que la concupiscen-
ce, il est spécieux d!invoquer, au mépris de ce simple cas particulier, l!uni-
versel «être-locuteur» (vakt$tvas!m!nya) pour prouver l!universalité de la
concupiscence (et donc refuser les qualités mentales d!omniscience ou de dé-
passionnement). Dans PVSV 8,19"23 (MOOKERJEE/NAGASAKI 1964: 38"
39), PVSV 164,13"24 et NB III.71"73 (ELTSCHINGER 2001a: 105"109),
Dharmak#rti dénonce ces indices comme «résiduants» ("e#avat, de même que
l!inférence à laquelle ils donnent lieu): bien qu!on ne constate pas d!occur-
rence de l!indice (vakt$tva, puru#atva, etc.) dans les contre-instances (v%ta-
r!ga°, sarvajñapuru#a, etc.), on ne peut exclure qu!il s!y trouve (ou: on peut
douter s!il ne s!y trouve pas, sandigdhavipak#avy!v$ttika), parce que la pro-
priété caractérisant les contre-instances est suprasensible, que ces propriétés
ne sont pas incompatibles.
371
Apuru#!"raya est un substantif (glosé puru#!"raya&!bh!va' PVV 377,8, et
apauru#eyatvam PV! P343b7/D286a6 = PVSV! 455,27) qui s!interprète
comme un karmadh!raya («fondement qui n!est pas l!homme») ou comme
un tatpuru#a («non-fondement sur l!homme»), malgré tib. skyes min rten
can; anar!"raya est un adjectif (glosé apauru#eya PV! P343b8/D286a2 =
PVSV! 455,27 et PVV 377,13) bahuvr%hi (tib. mi min rten can), soit «dont le
fondement n!est pas l!homme», soit «sans fondement humain.» Voir aussi n.
110, p. 239.
372
Littéralement: «les paroles des [hommes] dont les organes phonatoires n!opè-
Traduction 311

Peut-être seraient-elles incréées si les hommes avaient eu un com-


mencement [et pas elles],373 [mais] il n!est dès lors plus établi que
[la récitation du premier homme fut] précédée d!une autre, puis-
qu!il n!y avait pas d![autre homme avant lui] pour [lui] enseigner à
réciter [le Veda]. [Donc étant donné qu!il le récita après l!avoir
conçu lui-même,] "le récitateur initial du [Veda]# doit [en] avoir été
l!auteur. Par conséquent, il se peut qu!au même titre que le jeu des
bambins dans le sable [ou l!alimentation], l![institution de la récita-
tion védique soit] une pratique humaine374 sans commencement [en
tant qu!elle] procède par l!enseignement de chaque [génération]
précédente [à la suivante,375 mais il ne se peut] pas qu![elle soit] in-
créée.
PVSV 125,19
[Mais] si [l!on admet que] l!incréation [du Veda résulte]
de [son] éternité, énormément de choses [différentes du Veda se-
ront] dès lors incréées [puisque dénuées de tout commencement].
C!est ainsi que

rent pas». Explication, PV! P344a2$3/D286a3 " PVSV! 456,9$10: ki!tu


(PV! de bas na) puru"avy#p#re$a e"#! vaidik#n#! %abd#n#! dhvanan#l
laukikav#kyavat pauru"eyatvam eva |. «Mais puisque les paroles védiques ré-
sonent grâce à l!opération humaine, elles sont de pure création humaine,
comme les énoncés ordinaires.»
373
Explication, PV! P344a4$6/D286a4$5: gal te skyes bu dag las s&ar yod pa
ñid du rig byed grub par !gyur na rig byed skyes bus ma byas par !grub par
!gyur mod kyi | !on kya& skyes bu dag las s&ar gnas pa ñid du rig byed de ñid
ma grub pa yin no || skyes bu rnams la thog ma ñid yod la | rig byed thog ma
da& ldan pa ñid ma yin na de grub par !gyur ro ||. «S!il était établi que le
Veda existait avant les hommes, il serait établi que le Veda est incréé; il n!est
cependant pas établi que le Veda subsistait avant les hommes. L![incréation
du Veda] serait [en effet] établie si les hommes avaient eu un commencement
mais que le Veda était [quant à lui] dépourvu de commencement.»
374
Noter l!explication de PVSV! 456,16$17: puru"avyavah#ra iti puru"air eva
aya! racito vyavah#ra'. «Pratique humaine, c!est-à-dire [que] cette pratique
[est] créée par les seuls hommes.»
375
Explication, PV! P344b1$2/D286a7$b1 " PVSV! 456,15$16: ekasm#d
adh(tya aparam adhy#payati so "py anyam iti, «[l!]ayant appris de l!un, [un
tel le] fait réciter à [tel] autre, [puis] cet [autre] à son tour à un autre.» Sur ce
point, voir pp. 148$150.
312 Traduction

p u i s q u e l e s p r a t i q u e s d e [ g e n s ] t e l s q u e l e s B ar b a r e s [ o u ] le s
professions de nihilisme sont [elles] aussi sans commence-
ment, [elles devraient] être telles[, c!est-à-dire incréées; sans
commencement, ces pratiques et professions le sont] de par la
continuité due aux dispositio ns antérieures. [PV I.245 ]
PVSV 125,23
Certaines pratiques des Barbares telles que le [re]mariage
de la mère [veuve à son fils], des [pratiques] telles que la Fête de
l!Amour,376 et les paroles de nihilisme niant des [choses] telles que
l!ap!rva et l!autre monde,377 sont [elles] aussi sans commence-
ment. En effet, [les gens d!aujourd!hui] ne s!y adonnent (pravarta-

376
Selon PV! P345a4"5/D286b7 et PVSV! 456,28, madanotsav"daya# illustre
le °"di° de PV I.245a.
377
(1) Sur les pratiques des Barbares. Selon Vibh. 377n. 6, le remariage avec le
fils (putre$a) intervient à la mort de l!époux légitime (m%te bhartari), c!est-à-
dire du père (m%te pitari, PV! P345a3/D286b6"7 = PVSV! 456,26); selon
PV! P344b6"7/D286b3"4 = PVSV! 456,20"21, mariage des mères aux des-
cendants directs de leurs propres familles (svakulakram"gata). Les mleccha
dont il est ici question pourraient recouper les P"ras#ka de PVSV 170,20"
21 (DrPr 15,16"18; sur ce point, voir HALBFASS 1990: 513nn. 78"79, KANE
1973: 859n. 1665, KAWASAKI 1975, LAMOTTE 1981: 797n. 1, LINDTNER
1988, TS n°2797). Le mot «"di» comprend des usages tels que la mise à
mort des vieillards dans le but de les libérer du sa&s"ra (PV!
P345a4/D286b7 = PVSV! 456, 27"28; voir aussi PVV 377,17 et Vibh. 377n.
6; sur les sa&s"ramocaka, voir HALBFASS 1983: 10"15, LAMOTTE 1981:
797n. 1, MHK IX.35 [LINDTNER 1997: 100]). (2) Sur la Fête de l!Amour
(exemple probable d!une pratique des $rya, selon PV! P344b7"8/D286b4 %
PVSV! 456,22, ce que confirme TV sous M#S& I.iii.7/II.126,22"23 [vasanto-
tsava]). PV! P345a5"6/D287a1 et PVSV! 456,28"29 expliquent que «la
Fête de l!Amour [se déroule?] à la fête (parvan) de Madanatrayoda'(» (sur le
madanotsava, voir RENOU/FILLIOZAT 1985: I.§1212e et AUBOYER 1994: 145).
Le mot «"di» comprend encore des usages tels que les festivités liées à la
naissance d!un fils (putrajanmotsava, PV! P345a6/D287a1 = PVSV!
456,29). (3) Sur les professions de nihilisme. Par ap!rva, il faut entendre
dharm"dharma (mérite et démérite) selon PV! P345a7"8/D287a2 = PVSV!
457,8"9. A la liste, PVV 377,18 ajoute la négation du fruit de l!acte (karma-
phala); ces propos sont tenus par des Matérialistes (lauk"yatika/lok"yati-
kaVibh.; !jig rten rgya) !phen pa), selon PV! P345a6"7/D287a1 = PVSV!
456,29"457,8 et Vibh. 377n. 7.
Traduction 313

yanti) pas sans que d!autres [gens nés avant eux] ne leur aient im-
primé des dispositions [à cet effet],378 379car même ceux qui de leur
propre intelligence forment une convention [poétique nouvelle], ne
procèdent que par synthèse de [différents] concepts d!un objet tel
qu![ils l!ont] appris [d!autres personnes avant eux].380 [De ce poè-
me,] on dit [cependant] qu!il n!a pas été précédé d!un autre, car
étant donné que tel [motif] provient de tel [maître, et tel autre de tel
autre], il n!y a pas un seul maître par pièce littéraire. [Si même une
"uvre originale est ultimement précédée d!autres "uvres,] com-
bien plus est-ce à la [seule] imitation [d!autrui] (yath!dar"anam)
que l!on consent [ou rejette] les pratiques ordinaires où l!on agit
[moralement] bien ou mal! [Objection:] Mais [étant donné qu!elles
étaient] strictement invisibles aux [êtres] de la période cosmique
initiale, n!admet-on pas que [ces] pratiques [ont été] introduites ul-
térieurement?381 [Réponse:] Non, car [ces pratiques] se seront actu-

378
Selon PV! P345b3/D287a4 = PVSV! 457,14, sans que leurs esprits n!en
aient été instruits (avyutpanna°, avyutp!ditabuddhi). Ceux qui les y ont édu-
qués y avaient été éduqués par d!autres, et ainsi de suite sans commencement
dans le temps (PV! P345b3#4/D287a4#5 " PVSV! 457,15). Sur ce point et
sur ce qui suit, voir TS n°2797 et TSP 741,9#12.
379
Introduction, PV! P345b4#5/D287a5 = PVSV! 457,16#17: ye !py ap#rva$
k!vy!dika$ kurvanti | te%!m apy anyak&tena eva sa$sk!re'a prav&ttes tatk&to
!pi vyavah!ro !n!dir iti kathayann !ha |. «[Dharmak#rti] dit [ce qui suit] afin
de montrer que, puisque même ceux qui font un poème, etc., nouveau, procè-
dent grâce à la disposition produite [en eux] par d!autres, la convention qu!ils
produisent est elle aussi sans commencement.»
380
Explication, PV! P345b7#8/D287a7 " PVSV! 457,20#21: svapratibh!racito
!pi grantho vastuta( parap#rvaka eva |. «[Donc] même une "uvre composée
par l!intelligence propre [de son auteur] est en réalité précédée d!autres ["u-
vres].»
381
Dans cette objection, l!adversaire suspecte la spéciosité (vyabhic!ra) de l!ar-
gument précédent. Selon cet adversaire, le fait que ces êtres aient été les pre-
miers interdit qu!ils aient pu percevoir (upaLABH) ces pratiques au contact
des générations précédentes (p#rvebhya(, PV! P346a7#8/D287b5 = PVSV!
458,9#10). L!adversaire pourrait, sur ce point, s!autoriser de l!Aggañña Sutta
et de ses nombreuses dépendances (sur quoi voir ELTSCHINGER 2000: 14#20
et 73#78).
314 Traduction

alisées chez eux aussi au gré des conditions, imprégnés [qu!ils


étaient] par des dispositions [dues à] d!autres [pratiques du même
type apprises dans leurs existences antérieures].382
PVSV 126,2
[Objection:] Soit [donc] l!incréation de toutes [les pratiques
en raison de leur éternité]. [Réponse:]
Même s i une incréation telle [qu!ell e r é s u l t e d e l a s e u l e é t e r n i t é
devait être] établie [pour toutes les pratiques, correctes aussi
bien qu!incorrectes], quel avantage y aurait-il [à cela]? [PV
I.246ab]
PVSV 126,4
Bien qu!on accepte l!incréation car [censée le critère de ce
qui est] fiable,383 celle-ci vaut, puisqu!elles sont sans commence-
ment, de certaines [pratiques ordinaires] qui pourtant ne sont pas
fiables;384 donc à quoi bon [postuler cette] incréation?
PVSV 126,6
Ou [même] si seuls les énoncés du Veda sont incréés,

382
La phrase n!est pas claire. (1) PV! P346b1/D287b6 = PVSV! 458,11 rap-
portent sans ambiguïté te!"m api aux "dikalpikapuru!a; cela étant, te!"m api
pourrait aussi bien (sinon plus naturellement) renvoyer aux vyavah"r"#:
d!abord, cette lecture s!harmoniserait mieux à mes yeux avec prabodh"t =
prav$tte#; ensuite, il est notable que K a inversé l!ordre du composé en ex-
pliquant: " "hitasa%sk"r"&"m, et que PV! P346b1/D287b6 porte: " bag
chags su bsgos pa, «imprimé(e)s à titre de dispositions [latentes]». J!ai suivi
les commentateurs; mais à lire te!"m api avec vyavah"r"#, on traduirait:
«Non, car ces [pratiques] aussi, imprimées [qu!elles étaient chez eux] à titre
de dispositions [latentes dues à] d!autres [pratiques du même type], s![y] se-
ront actualisées au gré des conditions.» (2) La portée exacte de anya° est dif-
ficile à déterminer. PVSVt rend legs par byas pa g'an gyis bsgos pas, alors
que PV! P346a8#b1/D287b5#6 " PVSV! 458,11#12 expliquent, sans lever
l!équivoque: p(rvajanmaprasare!u p(rvad$!)avyavah"re&a "hitasa%sk"r"-
&"m(/bag chags su bsgos pas).
383
Selon PV! P346b4#5/D288a1, «et non parce qu!elle permet de préserver
l!ordre des classes sociales» (rigs kyi chos bsru* ba!i phyir ni ma yin na). Sur
ce point, voir ELTSCHINGER 2000: 93#95.
384
Conclusion et transition, PV! P346b5#6/D288a1#2 " PVSV! 458,17#18: iti
na apauru!eyatvam avitathatvasya s"dhaka% vyabhic"r"d iti, «donc de par
[sa] spéciosité, l!incréation ne prouve pas la vérité; donc"»
Traduction 315

le doute [surgit] à nouveau [quant aux significations qu!ex-


priment ces énoncés védiques], car on constate [que différents
maîtres donnent] des explications différentes de la signification
[ d u V e d a ] . [ PV I . 2 4 6 c d ]
PVSV 126,8
Même s!il était incréé, on [ne] témoignerait de confiance
[au Veda que] si [chacun de ses énoncés] générait une intelligence
fixe de sa signification [chez qui désire agir].385 Mais on constate
[au contraire] que des [exégètes] tels que les Étymologistes, les
M!m"#saka [et les Grammairiens] dissèquent386 arbitrairement les
énoncés du Veda par ajout et soustraction [de significations387]. Et
il est faux que les significations [contradictoires qu!imaginent les
différents exégètes] ne conviennent pas aux [énoncés du Veda],388
385
Parce qu!une signification erronée serait alors impossible (phyin ci log pa!i
don ni srid pa med pa!i phyir, PV$ P347a3/D288a5), ou parce qu!il n!y serait
alors pas ajouté de signification erronée (vipar!t"rthasam"rop"bh"v"t,
PVSV$ 458,25"26).
386
Explication de vi#asanta$, PVSV$ 458,29: n"n"rth"n kurvanti, «rendent po-
lysémiques».
387
Selon l!interprétation de %"kyabuddhi, PV$ P347a4"5/D288a5"6, qui porte
artha là où PVSV$ 458,27 porte #abda: sam"rop"pav"d"bhy"m adhika#a-
bdaprak%epe&a #abd"ntar"pahnavena v" ity artha$ |. «Par ajout et soustrac-
tion, [c!est-à-dire] par adjonction de paroles/significations supplémentaires
ou par retrait d!autres paroles/significations: tel est le sens [visé par Dharma-
k!rti].» Sur les explications alternatives dues aux différents exégètes, voir
déjà PV I.226 et PVSV 113,4"7, PV I.229ab et PVSV 114,16"22; sur l!exé-
gèse védique de la M!m"#s", du Nirukta et du Vy"kara&a, voir par exemple
TV sous M!S' I.iii.10/II.154,7"25 (JHA 1998: I.222"223), TV sous M!S'
I.iii.24/II.200,5"6 (JHA 1998: I.283), TV sous M!S' I.iii.33/II.255,20"22
(JHA 1998: I.354).
388
Explication, PV$ P347a7"b1/D288b1"2: sgra de dag ni !chad pa po tha dad
pas ñe bar brtags pa!i don thams cad rjod par byed pa ni srid pa!i phyir ro ||
rigs pa da' !gal ba la sogs pa ya' dba' po las !das pa dag la mi !jug pa!i
phyir ro || de bas na re (ig ra' gi don dag la the tshom za ba!i phyir rig byed
kyi 'ag rnams la yid ches pa ñid med do ||. «Car il est possible que ces paroles
expriment toutes les significations imaginées par les différents exégètes,
puisque des [critères] tels que l!irrationalité (yuktivirodh"di) ne fonctionnent
pas dans l![ordre du] suprasensible. Donc puisque le doute règne quant à
leurs significations propres, on ne [saurait] témoigner [la moindre] confiance
316 Traduction

parce que l!introduction de la signification a pour principe la con-


vention",# [et] que [selon la convention retenue,] plusieurs [signifi-
cations] alternatives sont [donc] possibles d!un énoncé pourtant
unique;389 390parce que radicaux et suffixes se lisent [eux-mêmes]
en de multiples significations [dans les énumérations grammatica-
les];391 392parce que même à l!emploi traditionnel [des mots, les
exégètes] ne souscrivent pas nécessairement;393 qu![en plus] les
mots non traditionnels [tels que «jarbhur!"a»] abondent [dans le
Veda];394 que leur signification dépend [tout entière] de l!enseigne-

aux énoncés du Veda.»


389
Explication, PV! P347b3/D288b3 = PVSV! 459,12: sa#$aya eva |. «Il n!y a
[donc] que doute [quant à sa signification].»
390
Introduction, PV! P347b3$4/D288b3$4 = PVSV! 459,12$13: prak%tipra-
tyay!nus!re"a ca vedav!ky!n!# vy!khy!n!t | te&!# ca niyat!rthatv!n na ve-
dav!kye&v anek!rthavikalpasambhava ity api mithy! |. «Il est également faux
de soutenir que, parce qu!on explique les énoncés du Veda selon les radicaux
et les suffixes et que ceux-ci ont une signification fixe, les énoncés du Veda
ne sont pas susceptibles de plusieurs significations alternatives.»
391
Explication, PV! P347b5$6/D288b4$5 = PVSV! 459,15: yath!bhipr!yam
arthasa#sk!rabhed!t sa#$aya' |. «En raison de [ce que] l!explication de
[leur] signification diffère selon l!arbitraire [de la personne qui les explique,]
il y a un doute [quant à leur signification].»
392
Selon les introductions de PV! P347b6$7/D288b5 et PVSV! 459,16$17,
c!est en se fondant sur l!emploi traditionnel/conventionnel (r()hi) des mots
qu!on détermine (PV!) ou explique (PVSV!) la signification du Veda: il n!y
a donc pas de doute lié aux ajouts ou aux soustractions des exégètes (PV!),
ou malgré la polysémie des radicaux et suffixes (PVSV!). Selon la M"m#$-
s#, le sens du Veda et donc les normes de Dharma seraient perdus sans com-
mensurabilité sémantique entre mots védiques et ordinaires: %Bh sous M"S&
I.iii.30/II.231,6$232,3 (BIARDEAU 1964: 84$85), TV sous M"S&
I.iii.30/II.229,17sq (JHA 1998: I.323$324) et TV sous M"S& I.iii.33/
II.255,6sq (JHA 1998: I.353sq). Sur r()hi dans le même contexte, voir TV
sous M"S& I.iii.10/II.149,14$15 (JHA 1998: I.217).
393
Selon PV! P347b7$8/D288b6$7, cas des mots svarga («ciel») et urva$*
(nom d!une nymphe), que les M"m#$saka emploient dans un sens non tradi-
tionnel (voir PV I.320ab et PVSV 169,26$30, où Dharmak"rti développe ce
point [STEINKELLNER 1979: 74], et nn. 131, p. 244, et 154, pp. 251$252).
394
Selon PVSV! 459,18, que je n!ai pas suivi ici, cette proposition justifie la
Traduction 317

ment de la personne [qui les explique, et] que l!enseignement de


cette [dernière] obéit à son [seul] arbitraire: les significations des
énoncés du Veda ne présentent [donc] qu!indétermination.
PVSV 126,16 395
De plus l![avocat du Veda], lorsqu!il prouve l!incréa-
tion, pourrait [la] prouver soit des phonèmes, soit de l!énoncé [doté
de signification, mot ou phrase]. Dans la [première hypothèse],
puisque [les phonèmes védiques] ne diffèrent pas des autres
[ p h o n è m e s , c ! e s t - à - d i r e d e s p h o n è m e s o r d in a i r e s ] , q u e l f r u i t y
aurait-il à prouver [l!incréation] des phonèmes? [PV I.247ab]
PVSV 126,19
Phonèmes du monde et du Veda, en effet, ne diffèrent
396
pas. Et même si [l!on admettait que phonèmes ordinaires et védi-
ques] diffèrent, des phonèmes [spécifiquement] védiques n![en] se-
raient pas [pour autant] établis[, et ce pour quatre raisons:] car il

précédente. Explication, PV! P348a1/D288b7 " PVSV! 459,18"20: tato na


tatra r!"hi#abd$n nir%aya& |. «Donc on ne détermine pas [la signification
d!un énoncé védique] à partir du mot dans son emploi traditionnel.» Sur jar-
bhur$%a, voir #V II.10,5 (participe moyen de l!intensif védique de la racine
BHUR-, «to quiver», spécialisation de la racine BH'- selon WHITNEY 1991:
113; voir aussi MAYRHOFER 1963: 508"509 s.v. bhuráti). Sur les mots «ex-
tra-ordinaires» dans le Veda, voir aussi TV sous M$S% I.iii.9/II.146,3sq (JHA
1998: I.212sq), TV sous M$S% I.iii.24/II.193,15sq (JHA 1998: I.275), TV sous
M$S% I.iii.30/II.254,7sq (JHA 1998: I.352"353). Sur l!usage proprement védi-
que des prak(ti et pratyaya, voir TV sous M$S% I.iii.30/II.231,15 (JHA 1998:
I.325).
395
PVSV 126,17"24 traite l!hypothèse selon laquelle la preuve de l!incréation
porte sur les phonèmes; PVSV 126,24"141,14 traite l!hypothèse selon la-
quelle la preuve porte sur l!énoncé doté de signification, hypothèse qui se
subdivise en deux: contre un énoncé indépendant des phonèmes (P PVSV
126,24"134,25), et contre l!énoncé comme var%$nup!rv) (1 134,26"141,14).
396
Explication, PV! P348a7"8/D289a3"4 = PVSV! 460,9"10: ki* tarhi | yath$
vaidik$ ak$r$dayo !bhinn$s tath$ laukik$ api | ekatvena pratyabhijñ$yam$-
natv$t |. «Mais, bien plutôt, tout comme les sons védiques &a#, etc., ne diffè-
rent pas [entre eux], de même [en va-t-il] aussi des [sons &a#] ordinaires, car
on les reconnaît [tous] comme uns.» Telle est la doctrine de la M$m'(s', que
Kum'rila condense (notamment pour les var%a et pratyak+apratyabhijñ$na)
dans TV sous M$S% I.iii.30/II.232,21"233,7 (JHA 1998: I.327); voir aussi TS
n°2141.
318 Traduction

s!ensuivrait que, puisque la reconnaissance ne diffère pas [d!un cas


à l!autre], l!unicité [des phonèmes védiques à chaque prononcia-
tion] ne serait pas établie par elle;397 car on n!observe pas que [pho-
nèmes ordinaires et védiques] diffèrent; 398car il s!ensuivrait qu!on
ne connaîtrait pas [l!unicité de choses telles que les cruches] par la
reconnaissance;399 enfin, car [vous autres M!m"#saka] n!acceptez

397
Plusieurs interprétations possibles de bhede !pi ca pratyabhijñ!n!vi"e#!t tata
ekatv!siddhiprasa$g!t" J!ai suivi celle de PVSV$ 460,11#14. PV$
P348a8#b4/D289a4#7 suggérerait la traduction suivante: «car il s!ensuivrait
que, puisque la reconnaissance ne diffère pas [entre eux] malgré qu![on ad-
mette que phonèmes ordinaires et védiques] diffèrent, l!unicité [des phonè-
mes védiques à chaque prononciation] ne serait pas établie par elle.» Selon
PV$ P348b1/D289a3#4, la reconnaissance ne diffère pas, car toutes nos con-
naissances des phonèmes «a», que ceux-ci soient réputés védiques ou ordi-
naires, présentent le même aspect (ek!k!ra). Selon PVSV$ 460,13, la recon-
naissance ne diffère pas selon qu!il s!agit de phonèmes réputés védiques ou
de phonèmes réputés ordinaires: une reconnaissance qui n!assure pas l!identi-
té entre phonèmes ordinaires et védiques ne saurait assurer l!identité des pho-
nèmes védiques entre eux. Malgré cela, % et K s!accordent sur cela que l!ar-
gument vise un adversaire qui admettrait que phonèmes ordinaires et védi-
ques diffèrent (PV$ P348a8/D289a4, PVSV$ 460,10#11); % et K s!accordent
également sur la finalité de l!argument: la reconnaissance étant spécieuse
(ekatvavyabhic!rin, PVSV$ 460,13#14; "khrul pa, PV$ P348b3/D289a6), on
ne pourrait établir l!identité des phonèmes védiques à chaque prononciation,
et partant, les phonèmes védiques seraient aussi multiples et instantanés que
les phonèmes produits/ordinaires (PV$ P348b2#4/D289a6#7, PVSV$
460,13#14).
398
Selon l!objection introductive de PVSV$ 460,16#17, pratyabhijñ!na est mo-
yen de connaissance valide quant aux seuls phonèmes védiques (car il est le
critère de leur unicité, ekatvanimittatv!t), mais en nul autre cas (car il est er-
roné par la [faute d!une simple] ressemblance, s!d%"yena bhr!ntatv!t). Selon
l!objection introductive de PV$ P348b7#8/D289b1#2, il y a bel et bien une
différence entre phonèmes ordinaires et védiques, mais celle-ci est occultée
(bsgribs pa = !v%ta?) par une reconnaissance erronée qui surimpose un as-
pect un (ek!k!ra) survenu subséquemment (phyis "byu$ ba = p%#&habh!vin) à
la perception. Sur le caractère possiblement fallacieux de la reconnaissance
dans la M!m"#s", voir aussi n. 37, p. 198.
399
Conséquence inacceptable, car pratyabhijñ!na compte au nombre des argu-
ments m'm!(saka contre la permanence (voir MIMAKI 1976: 13#24, et pp.
Traduction 319

pas [que phonèmes ordinaires et védiques diffèrent]. Et puisque, si


[c!est] des [phonèmes qu!il entend] prouver l!incréation, ceux-ci
sont les mêmes partout[, dans le monde et dans le Veda], quelle
[sorte de phonèmes] le [M!m"#saka procédant ainsi] laissera-t-il
[pour être encore de création humaine]? Et ainsi, étant donné que
toute pratique [langagière] est incréée mais que toute n!est pas vé-
ridique, la peine [consentie à postuler l!incréation en ces termes]
est [parfaitement] vaine.
PVSV 126,24 400
Si maintenant l!on admet que l!énoncé est incréé[, cela
est faux, car]
PVSV 127,1
il n!existe pas d!énoncé distinct des phonèmes, puis-
qu!on ne [le401] perçoit pas. [PV I.247cd]
PVSV 127,3
Quant à nous, en effet, nous ne constatons pas qu!à [l!audi-
tion] de mots et de phrases tels que «Devadatta» [et «amène la va-
che blanche», notre] connaissance présente d!autre apparence402
que celle (pratibh!sa) des sons «d», etc., tout comme [elle ne pré-
sente pas] l!apparence du deuxième phonème [au moment où appa-
raît le premier]. Or s!il n!apparaît pas à l!appréhension, ce dont on
admet qu!il est appréhendable ne peut être [valablement] déterminé

197"199). Bien qu!on appréhende comme distinctes toutes les phases d!une
cruche, c!est à une reconnaissance erronée et surimposante qu!on devrait la
notion de l!unité de la cruche (PV$ P349a1"2/D289b2"3). Le M!m"#saka
prouverait ipso facto l!instantanéité des cruches.
400
Ici débute la critique de l!hypothèse selon laquelle la preuve de l!incréation
PVSV 126,24"134,25, et plus large-
porte sur l!énoncé doté de signification (P
ment 126,24"141,14: voir p. 159 et n. 395, pp. 317). Dans PVSV 127,1"16,
Dharmak!rti commence par montrer qu!il n!existe pas d!énoncé séparé des
phonèmes.
401
Selon PV$ P350a8/D290a1"2, parce qu!on ne perçoit pas que l!énoncé soit
distinct des phonèmes; selon PVSV$ 460,27"28, parce qu!on ne perçoit pas
(cet énoncé qui devrait être) perceptible (d"#ya).
402
C!est-à-dire, selon PV$ P350b3/D290a3 % PVSV$ 460,30"461,5, l!apparen-
ce non phonétique d!un mot ou d!une phrase (anyam avar$!tmaka% [PV$
°rnam pa can] padav!kyapratibh!sam).
320 Traduction

exister ou [être] autre [que les phonèmes],403 à l!exemple d!un autre


aspect.404
PVSV 127,6 405
[Objection:] Impossible aux autres[, c!est-à-dire aux
phonèmes], l!effet [qu!est la notification de la signification] permet
de conclure [par inférence à l!existence de mots et phrases indé-
pendants]. [Réponse:] Ce [mot séparé des phonèmes] existerait [à
la rigueur] si l!effet manquait alors même que les phonèmes se-
raient présents.406 [Objection:] [Notre compréhension de la signifi-
cation] ne provient pas [des phonèmes], car [dans cette hypothèse]
on n!aurait pas [notion d!une signification différente] malgré que
les [phonèmes] ne diffèrent pas dans [tel] autre mot ou phrase.407

403
Chacun des protagonistes reconnaît que rejeter l!existence revient à rejeter
l!altérité (astitve ni!iddhe !nyattvam api ni!iddham eva): nul besoin donc d!a-
jouter anyad iti. Mais selon PVSV! 461,9"10, Dharmak"rti entend montrer
que l!existence absolue (atyantasattva) sert de fondement (up"d"na) aux
deux déterminations d!existence et d!altérité. Selon PV! P350b6"8/D290a5"
6, Dharmak"rti demande: de quoi ce dont l!existence est difficile à montrer
peut-il être différent?
404
Selon PV! P351a1/D290a6"7 # PVSV! 461,10"11, là où un seul aspect ap-
paraît, tel autre aspect particulier réputé perceptible (d#$ya/upalabdhilak!a-
%apr"pta) n!existe pas s!il n!apparaît pas. Voir aussi PVSV 75,23 (VETTER
1964: 107), IHARA 1961: 152 et $MAE 1990: 57.
405
Après avoir, dans PVSV 127,1"6, critiqué la perceptibilité d!un énoncé indé-
pendant, Dharmak"rti s!attaque, dans PVSV 127,6"12, à une preuve qui pro-
céderait par inférence (voir TS n°2706). Cette critique s!ouvre sur un argu-
mentaire typiquement spho&av"din: la compréhension ne provient pas des
phonèmes, puisque chaque phonème est dénué de signification, et que l!asso-
ciation (s"mastya) des phonèmes constitutifs n!est pas réalisée au moment du
phonème singulier (ekavar%ak"le) (PV! P351a3"4/D290b1"2 # PVSV!
461,13"16). Sur ce type d!argumentaire, voir PVSV 134,1"6 et aussi pp.
170"174.
406
Si l!on ne comprenait pas la signification à partir d!un simple groupe de pho-
nèmes ayant fait l!objet d!une convention (sa'ketita), alors un tel mot existe-
rait peut-être; or tel n!est pas le cas (PVSV! 461,18"20; comparer PV!
P349a8/D290b3). PVSV! 461,21"22 cite ici %V spho&a 95: voir APPENDICE
B.
407
Selon PV! P349b2"4/D290b4"5 # PVSV! 461,24"27, si la compréhension
Traduction 321

[Réponse:] Non, car il n!est pas établi que ces [phonèmes] ne diffè-
rent pas [dans d!autres énoncés].408 [Objection:] Que [les phonè-
mes] ne diffèrent pas [à chaque énoncé] s!établit sur [l!indice de] la
reconnaissance. [Réponse:] Non, parce que la [reconnaissance] est
spécieuse,409 et qu!elle est dénuée d!exemple.410 411[Et] quand bien

de la signification provenait des seuls phonèmes, on ne comprendrait pas


«étang» en entendant «sara!», et «saveur» en entendant «rasa!», étant donné
que les deux mots se composent des mêmes phonèmes: la compréhension de-
vrait être la même. Sur ce nouvel argument spho"av#din, voir n. 246, p. 276.
Noter aussi TSP 721,17"18: var$#vi%e&e !pi saro rasa ity#d#v arthapra-
t'tibhed#t spho"#khya( k#ra$#ntara( kalpayi&y#ma iti |. «Nous postulerons
une autre cause [que les phonèmes], appelée !spho"a#, puisque dans !sara!#
et !rasa!# notamment, la compréhension de la signification diffère alors mê-
me que les phonèmes ne diffèrent pas.» Voir SSV 97,5"6 et 103,12"13, TB
67,4, SDS 302,2"3: nava/vana, nad'/d'na, m#ra/r#ma, r#ja/j#ra.
408
Selon PV" P349b5"6/D290b6 = PVSV" 461,28"30, des phonèmes diffé-
rents se produisent à chaque énoncé (prativ#kyam) selon l!effort articulatoire
humain (puru&aprayatnabhedena). Voir pp. 207"212.
409
Sur pratyabhijñ#na et sa spéciosité, voir nn. 396"399, pp. 317"319. Selon
PV" P349b7"8/D290b7"291a1 et PVSV" 462,6"8, une personne trompée
par une simple ressemblance (s#d)%yena vipralabdha!) reconnaît des choses
pourtant réellement (d*os su) distinctes: cheveux ayant repoussé après avoir
été coupés (l+napunarj#ta, PVSV"), corps de forme similaire (gzugs mtshu*s
pa lus, PV"). Selon PVSV" 462,8, appréhender une ressemblance, c!est ap-
préhender la nature propre du semblable (sad)%asya svar+pagraha$am), et
non appréhender quelque chose comme étant semblable à un autre (anyasa-
d)%a iti graha$am).
410
De quelque chose de (perceptivement) reconnu à l!identique, il n!est aucun
exemple qui soit établi pour les deux protagonistes du débat (v#diprativ#disi-
ddha); Dharmak#rti reviendra sur le thème de la carence en exemple dans et
sous PV I.266. Dans PV" P349b8"350a2/D291a1"2 et PVSV" 462,9"17, $
et K adressent encore diverses critiques à la reconnaissance. Conclusion,
PV" P350a2/D291a2 = PVSV" 462,18"19: tasm#t sthitam etat prativ#kya(
bhinn# eva var$#s te&#m eva bhed#d arthaprat'ter bheda iti |. «Il est donc ac-
quis [que] les phonèmes diffèrent à chaque énoncé[, et que] c!est de leur dif-
férence que [provient] la différence de [notre] compréhension de la significa-
tion.»
411
Pour la discussion introductive de PVSV" 462,20"23, voir n. 59, pp. 174"
175. Pour un argumentaire analogue à PVSV 127,11"12, voir déjà PVSV
322 Traduction

même les phonèmes ne différeraient pas [à chaque énoncé], l!effet


particulier [à partir duquel inférer un énoncé indépendant ne] pour-
rait consister [qu!]en une connaissance particulière [résultant] d!un
énoncé particulier. Or étant donné que cette [connaissance-là de-
vrait provenir] d!un énoncé et que celui-ci est suprasensible [puis-
qu!il n!apparaît pas séparément des phonèmes à la connaissance
sensorielle], d!où viendrait [donc cette connaissance]?412 413Si [l!on
admettait maintenant que l!énoncé] génère [la compréhension] par
[sa] seule présence, une [personne] qui n!a pas été instruite [de la
convention fixée] bénéficierait [elle] aussi [de cette compréhen-
sion].414 Il n!est par conséquent rien qui, répondant au nom d!«é-
noncé», [serait] chose différente des phonèmes[, et] dont on pour-
rait prouver l!incréation. [Et] puisque cet [énoncé] n!existe pas,
[seuls subsistent les phonèmes, et il faut alors prouver] également
l!incréation des phonèmes [ordinaires,] lesquels ne se différencient
pas [de ceux] du Veda[; or à cela nous avons déjà] objecté dans [le
cadre de] la première hypothèse[, en affirmant que toute la peine
consentie à postuler l!incréation serait dès lors vaine].415

118,4"12. Comparer TB 64,3"66,2 (BIARDEAU 1956: 25).


412
Cette connaissance ne nous viendrait pas de l!énoncé (PV! P351a5/D291a4
= PVSV! 462,26"27): (1) parce qu!on n!appréhende pas de relation entre cet
énoncé suprasensible et la connaissance (PVSV! 462,27); (2) un énoncé
qu!on ne perçoit pas n!est pas la cause (a!ga) de notre connaissance de la si-
gnification; mais sans cette connaissance, nulle inférence du mot ou de la
phrase (PV!, ibid.).
413
Dans PVSV 127,12"13, Dharmak"rti critique une preuve par voie de présom-
ption (arth"patti): bien qu!imperceptible, l!énoncé génère la compréhension
par sa seule présence, comme les facultés sensorielles (PV! P351a6/D291a5
= PVSV! 462,28"29). On postule donc un énoncé indépendant par impossi-
bilité d!expliquer autrement la compréhension (prat#tyanyath"nupapatty",
PVSV! 462,29). Voir TS n°2707"2709ab, et TSP 722,5"6.
414
Explication, PVSV! 463,11"12: pourquoi donc postuler un énoncé prat#ty-
anyath"nupapatty", dès lors que la compréhension s!explique à partir des
seuls phonèmes et de la convention fixée sur eux? Voir aussi TS n°2705.
415
Référence: PVSV 126,17"24, et surtout 126,23"24. L!argument tient à cela
que les phonèmes védiques et ordinaires étant les mêmes, tous seraient in-
créés: toute pratique langagière serait incréée, mais ne serait pas véridique.
Traduction 323
PVSV 127,16 416
De plus, soit l!énoncé chose différente [des phonèmes];
cet [énoncé] pourrait [alors] soit consister en de multiples parties,
soit être dénué de parties:
Dans [l!hypothèse où l!énoncé] consiste en de multiples par-
ties, [si] chacune de ces [parties] est dénuée de signification,
[PV I.248ab]
PVSV 127,19
[c!est-à-dire] si chacune de ses nombreuses parties est dé-
pourvue de signification par nature[, alors l!énoncé, qui consiste en
l!association de ces multiples parties, sera lui aussi dépourvu de si-
gnification],
et [donc] on impute la possession de cette nature à ce qui ne
possède pas cette nature,417 tout comme [en certaine métaphore
o n i m p u t e a u j e u n e b r a h m a n e ] d e s [propriétés] te lles que la
léonité.418 [PV I.248cd]
416
Dans PVSV 127,16"134,25, Dharmak!rti admet, pour les besoins de son ar-
gumentaire, le principe d!un énoncé «transphonétique». Dans PVSV 127,18"
128,21, il commence par critiquer l!hypothèse d!un énoncé doté de parties;
dans PVSV 127,18"23, il critique la sous-hypothèse de parties inexpressives
(voir TSP 723,10"15, où il est question de anarthak!" spho#!$%!"); dans
PVSV 127,23"128,21, la sous-hypothèse de parties expressives (av!caka,
anarthaka; voir TSP 723,15"19, et n. 419, p. 324). La critique de l!hypothèse
d!un énoncé indivis (c!est-à-dire du spho#a proprement dit) s!ouvre sur
PVSV 128,21 (voir n. 434, p. 327).
417
T!dr&pya, c!est-à-dire v!cakav!kyar&pa, i.e. arthavattva (PV" P351b8"
352a1/D291b4 = PVSV" 463,23"24) ou v!cakatva (PVV 379,1); atadr&pa,
c!est-à-dire un conglomérat de parties inexpressif en tant qu!il est dénué de
signification (anarthakatvena av!cakar&pe !vayavasa'gh!te, PV" P351b8/
D291b4 = PVSV" 463,23).
418
Dans des métaphores (upac!ra) telles que: «Le jeune brahmane est un lion»
(si$ho m!(avaka", PV" P352a1"2/D291b4"5 = PVSV" 463,24"25; voir
aussi PV III.36, TSP 723,13). Au témoignage de Mukulabha##a, Bhart$mitra
distinguait cinq types de relation métaphorique, et la deuxième (s!d)%ya)
avec cet exemple (voir KUNJUNNI RAJA 1963: 238"245). L!exemple discuté
dans %Bh et TV sous M!S& I.iv.23"28/II.315,9sq et 316,9sq (resp.) est: si$ho
devadatta"; dans TV sous M!S& I.iv.23"28/II.317,9"18, Kum'rila introduit
une objection d!inspiration bouddhique (< Sthiramati?), expliquant gau(av)-
tti comme sam!ropa, et la critique en détail (ainsi que la notion même de sa-
324 Traduction
PVSV 127,21
Un énoncé, c!est une nature dotée de signification; or les
parties [de l!énoncé sont] sans signification par elles-mêmes. La
nature [dotée de signification qu!est l!énoncé] doit [donc] leur être
surimposée par la pensée, tout comme [on surimpose une proprié-
té] telle que la léonité sur un jeune brahmane, etc.: [cette nature ex-
pressive] est donc de création strictement humaine.
PVSV 127,23
Si maintenant l!on admet, pour éviter cette faute, que cha-
cune des parties [de l!énoncé] est dotée de signification419:
PVSV 128,1
Et si chacune [des parties de l!énoncé] est dotée de si-
gnification, il est faux de postuler une multiplicité [de parties];
et [dès lors que la partie serait dotée de signification,] on com-
prendrait la signification de l!énoncé [entier] en [n!en] saisis-
sant [qu!]une seule partie.420 [PV I.249]
PVSV 128,3
En effet, un énoncé est une nature verbale de signification
complète.421 Or étant donné que les parties [d!un énoncé] sont tel-
les chacune séparément,422 [il s!ensuit que] chacune d!elles est

m!ropa) dans TV sous M!S" I.iv.23"28/II.317,18"319,7.


419
Sur PVSV 128,1"21, voir pp. 160"163, où je formule l!hypothèse que dans
ce passage, Dharmak!rti vise le même type de (proto-)anvit!bhidh!nav!din
(expression de Pu#yar$ja; voir aussi PVSV% 464,9"19) que Bhart&hari dans
VP II.2ab/17"18 et le passage de MBhD? cité PVSV% 434,10"12 (voir AP-
PENDICE B) .
420
Explication, PV% P352a6"8/D292a1, PVSV% 464,6"7 et Vibh. 379n. 3:
puisque une seule partie possède la signification complète (parisam!pt!rtha),
elle suffit à faire comprendre intégralement la signification de l!énoncé: con-
cevoir une multiplicité de parties est donc vain (PV%); faire dépendre l!énon-
cé de parties multiples est donc incorrect (PVSV%). PV I.249 est cité TSP
723,18"19.
421
Mais il n!est pas d!autre définition d!un énoncé, selon PV% P352b1"2/
D292a3. Sur l!expression parisam!pt!rtha, voir par exemple MBhD II.34,23,
VP II.18 (sam!pyate, voir pp. 160"163), AKBh 80,15"16 et AKVy 182,3"
33.
422
C!est-à-dire: sont chacune séparément de signification complète. Explication,
PV% P352b2"3/D292a3: "ag gi don rtogs pa skyed par byed ces bya ba!i don
to ||. «Le sens [visé par Dharmak!rti est le suivant: étant donné que chacune
de ces parties] génère la connaissance de la signification de l!énoncé.»
Traduction 325

énoncé. Aussi un [seul] énoncé ne comporte-t-il pas de multiples


parties. Et puisque l!on connaîtrait la signification [entière] d!un
énoncé par la connaissance d!une seule partie [de celui-ci], il n!y
aurait plus ni dépendance [de l!auditeur] par rapport à [quelque]
autre partie, ni laps temporel: on connaîtrait en effet "en un [seul]
instant# cette [signification] de nature indivise puisqu!on [l!]aurait
saisie intégralement quand [ne se serait] produite [qu!]une seule [et
unique] connaissance,423 et que sinon424 [ces deux natures de l!é-
noncé, l!une appréhendée et l!autre non encore appréhendée,] con-
trediraient [cette] unité.
Et si [l!on postule] une audition de toutes [les parties] simulta-
nément, [toute] division temporelle est [encore une fois] injus-
tifiée.425 [PV I.250ab]
PVSV 128,10
De peur de perdre la multiplicité des parties de l!énoncé
puisque la signification [entière] de celui-ci (v!kya) serait établie
par une seule partie indépendamment des autres parties, on admet
maintenant que l!on entend simultanément toutes les parties [de
l!énoncé]. [Mais] même alors[, répondons-nous, tout] laps tempo-
rel est strictement injustifié[, et ce pour deux raisons:] parce qu!on
[devrait les] entendre toutes au moment même où l!on [ne] connaît

423
Deux interprétations de k!lak"epa: (1) PVSV! 464,25$26, où k!lak"epa con-
cerne v!ky!rthaprat#ti; (2) PV! P352b5$6/D292a5, où k!lak"epa concerne
avayava (cf. PVSV! 465,9$10, qui attribue cette alternative à «anye»). Donc,
deux interprétations de tasya ni"kal!tmana$ k"a%ena pratipatter ekajñ!no-
tpattau ni$&e"!vagam!t: là où K glose par v!ky!rtha (PVSV! 464,26$28), "
glose par avayava (PV! P352b6$7/D292a5$6 reflété dans PVSV! 465,10$
12). Sur la durée de l!instant et l!instantanéité des connaissances, voir PVSV
119,21$26.
424
Explication, PV! P352b7$8/D292a6$7 = PVSV! 465,13: anyath! iti yady
ekajñ!nak"a%ena sarvasya graha%a' na sy!t. «Sinon, c!est-à-dire si l!on
n!appréhendait pas toute [la signification de l!énoncé] en un seul instant de
connaissance.»
425
Selon PVV 379,14, «[toute] division temporelle à l!audition des parties»
(avayava&rava%asya k!labheda$). PVV 379,15: d(&y[a]t[e] ca, «or on [la]
constate [empiriquement].»
326 Traduction

[en fait qu!]une seule partie;426 et parce que si l!audition [procède


quand même] de façon successive, [toute] autre [partie] se révélera
inutile puisque la signification de l![énoncé] sera établie [à partir]
d!une seule de [ces parties] dont chacune est dotée de significa-
tion.427 Et si [l!on admet] une audition [de toutes les parties] simul-
tanément, il n!est en outre [plus] établi que soient dotées de signifi-
cation [des parties] dont on ne perçoit plus[, ainsi associées,] la ca-
pacité [de renvoyer] à chacune de [leurs] significations [respecti-
ves].428 "[Objection:] Puisque l!on constate une signification aux
[parties] associées,429 la faute [que vous dénoncez] n!a pas cours.#
[Réponse:] Non, parce qu!une nature qui manque à chacune [des
parties individuellement] manque également à [leur] association,430
431
et qu!il ne [leur] naît pas une [nouvelle nature qui serait] chose

426
Explication, PVSV! 465,20$21: krame!a ca "rava!a# d$%&am |. «Or on con-
state que l!audition [procède] de façon successive.» On voudrait comprendre
ek'vayavapratipattik'la eva comme ek'vayavapratipattik'lena eva, «dans le
temps [nécessaire] à la connaissance d!une seule partie.»
427
Faut-il entendre le génitif p$thag arthavat'm dans un sens absolu, ainsi que
le pourrait suggérer PVSV! 465,21: avayav'n'# p$thak p$thag arthavat'#
sat'm? PVSVt et PV! P353a4/D292b2 ne permettent pas de trancher. PV!
P353a5/D292b3 = PVSV! 465,22: etac ca anantaram eva uktam |. «Mais
cela, nous venons de le dire [dans PV I.249 et PVSV 128,3$8].»
428
PVSVt et PV! P353a7/D292b4 rendent le possessif ad$%&as'marthy'n'm
par mtho( ba!i nus pa med pa can dag gi, «sans capacité perceptible». Je l!ai
lu comme un *ma mtho( ba!i nus pa can dag gi, «de capacité imperceptible».
Quant à p$thak, j!ai préféré l!associer à arthe%u (avec PVSVt et PV!: don tha
dad pa dag la, et don tha dad pa dag la )es bya ba brjod par bya ba so so dag
la) qu!à ad$%&as'marthy'n'm [avayav'n'#].
429
Conséquence, PV! P353a8/D292b4 = PVSV! 465,26$27: p$thag apy avaya-
v'n'm arthaprat*tijananas'marthyam asti, «chacune des parties a la capacité
de générer la notion de la signification.»
430
Par «nature» il faut entendre, selon PV! P353b1/D292b5 = PVSV! 465,28$
29, «la nature consistant à communiquer la signification» (arthapratip'dana-
svabh'va). Malgré tib. mi srid pa, j!ai rendu asambhava comme un med pa;
on peut cependant aussi bien comprendre: «est également impossible à [leur]
association.»
431
Selon l!objection introductive de PV! P353b1$2/D292b5$6 et PVSV!
Traduction 327

différente [de la précédente].432 La faute [que nous avons dénon-


cée] jusque-là n!affecte [cependant] pas l!avocat de la production
des paroles, car [pour lui ces] parties, bien que chacune [en soit
isolément] incapable, servent à [cet] effet particulier [qu!est la
compréhension de la signification une fois] dotées, grâce à l!aide
particulière [que leur apporte l!effort articulatoire humain], d!une
propriété supplémentaire.433 [Pour l!avocat de la permanence] en
revanche, postuler une autre [partie] serait vain si chacune des par-
ties [est individuellement] capable [de cet effet].
PVSV 128,21 434
Mais si maintenant l!énoncé [est] strictement un, sans
parties, [nous répliquons] dans ce cas:

465,30"466,10, il échoirait (upapadyate) aux parties regroupées (samudita)


une nature autre que celle qu!elles ont à l!état isolé (kevala), une nature capa-
ble de communiquer la signification.
432
Explication, PV! P353b3/D292b6 = PVSV! 466,11: nityatv!d var"!n!m iti
bh!va# |. «L!intention [de Dharmak"rti est la suivante:] puisque les phonèmes
sont permanents [selon vous].»
433
Selon PV! P353b5/D292b7"293a1 # PVSV! 466,15"16, la propriété sup-
plémentaire qu!on définit comme la capacité de communiquer la signification
à l!état associé (sahit!vasth!y!m).
434
Selon PV! P353b7/D293a2, Dharmak"rti laisse ici l!hypothèse d!un énoncé
PVSV 127,18"128,21), pour examiner celle d!un énoncé in-
doté de parties (P
PVSV 128,21"134,25); ici s!ouvre la critique du spho$a
divis, sans parties (P
proprement dit (voir pp. 163"174), comme l!atteste l!introduction de PVV
379,17"20 à PV I.250cd: atha anavayavam eka% var"ebhyo vyatirikta%
spho$ar&pa% v!kya% tac ca kramavadbhir niyat!nup&rv'kair dhvanibhi# kra-
me"a vyajyate | vyaktyanukrame"a eva ca kramavat prat'yate tadr&p!vibh!-
gena n!dar&p!"!% var"!n!% graha"!d var"avibh!gavac ca lak(yate | vastu-
tas tadrahitam* api iti kecit |. «Maintenant l!énoncé [est] sans parties, un, in-
dépendant des phonèmes, a la nature du spho$a, [et] cet [énoncé] est révélé
de façon successive par les résonances successives [organisées] en ordre fixe.
Et c!est en vertu de la série [qui est celle] de la révélation que l!on connaît
[erronément cet énoncé] comme doté de succession, et [c!est] parce qu!on
appréhende les phonèmes ayant nature de sons [bruts] en ne [les] distinguant
pas de la nature [qui est celle] de l![énoncé] que [cet énoncé nous] paraît
avoir des parties consistant dans les phonèmes, bien qu!en réalité il en soit
dépourvu. Voilà [ce que pensent] certains.» *S et Pa portent tath!rahitam,
DD$ porte tath!rohitam, à quoi je préfère tadrahitam (voir PVSV! 467,26).
328 Traduction

m a i s s i [ l ! o n a d m e t u n é n o n c é ] u n [ , l à ] e n c o r e , puisqu!il es t
impossible de saisir l! indivis d e façon successive, [P V I.250cd]
PVSV 128,24
[nulle] division temporelle ne se justifie. En effet, connaî-
tre l!un de façon successive n!est pas justifié, puisque appréhendé
et non [encore] appréhendé ne s![y] distinguent pas.435 Or on con-
state [que notre] connaissance d!un énoncé [procède] de façon suc-
cessive[, et ce pour deux raisons:] parce que le temps [requis pour]
articuler, entendre et mémoriser tout énoncé, [n!arrive à] complé-
tion [qu!]en une série de clins d!"il [dont chacun compte] de mul-
tiples instants;436 et que, puisque la connaissance [d!un énoncé pas-
se nécessairement] par une série de phonèmes, [nulle] entité verba-
le n!apparaît [à notre connaissance auditive, qui soit] sans rapport
avec la nature phonétique [et] apparaisse dans une seule [phase de]
connaissance. [En outre, notre] compréhension d!un énoncé est sé-
rielle [et non simultanée], car la différence entre les énoncés est le
fait de l!ordre de succession [où apparaissent les phonèmes, et ce]
même si ces [derniers] ne diffèrent pas [d!un énoncé à l!autre]. PVSV
129,1
Si [l!énoncé] ne dépendait pas de l!aide [que lui apporte] l!or-
dre de succession des phonèmes, on comprendrait n!importe quel
énoncé avec ces [phonèmes,] quelle que soit même la façon dont
on [les] utilise,437 voire #même$ sans phonèmes [du tout, et ce pour
trois raisons:] parce que ces [phonèmes] sériels ne sauraient [ap-
porter d!]aide à un [énoncé] sans succession,438 439qu!on ne peut ar-

435
Selon PV! P354a1%2/D293 = PVSV! 466,22%23, de l!un il n!est pas de na-
ture autre que l!appréhendée, pas de nature que l!on pourrait appréhender à la
suite de la première, de façon successive. Sur cet argument, voir déjà PVSV
119,21%22 et n. 253, p. 278.
436
Sur le modèle de communication verbale élaboré par Dharmak"rti, voir pp.
204%212; sur la durée de l!instant et son rapport au thème de l!énonciation,
voir PVSV 119,21%26.
437
N!importe quel énoncé, c!est-à-dire par exemple raso !sti (il y a une saveur)
lorsqu!on prononce «saro !sti» («il y a un étang», PV! P354b4/D293b3 =
PVSV! 467,11). De n!importe quelle façon, c!est-à-dire dans quelque ordre
de succession que ce soit (tatkramair anyakramair api, PV! P354b3%
4/D293b3 = PVSV! 467,10). Voir nn. 246, p. 276, et 407, pp. 320%321.
438
Des entités sérielles ne pouvant apporter d!aide que sérielle, l!énoncé à aider
Traduction 329

ticuler [des phonèmes] de façon non successive, et qu!il n!est pas


d!autre possibilité.440 [Objection:] L!énoncé ne comporte pas de
phonèmes;441 [mais] en vertu de l!ordre de succession [propre] aux
[résonances] qui [le] révèlent,442 cette nature verbale [pourtant]
strictement une apparaît [à l!homme comme] dotée de succession
et de partition en phonèmes443[, malgré qu!elle soit ultimement dé-
pourvue de l!une comme de l!autre].444 [Réponse:] A la révéla-
tion445 d!un [énoncé] sans succession par un révélateur sériel, il a

(upak!rya) ne saurait être que sériel (PV! P354b6"7/D293b5 = PVSV!


467,13"14). Or l!adversaire (le Grammairien) n!admet pas la sérialité de l!é-
noncé (PVSV! 467,14); or comme il n!en va pas ainsi, on pourrait appréhen-
der l!énoncé même sans phonèmes (PV! P354b7/D293b5"6).
439
Selon l!objection introductive de PV! P354b7"8/D293b6 = PVSV! 467,15,
l!adversaire voudrait maintenant que des phonèmes sans succession (akrama)
apportent leur aide à l!énoncé.
440
Pas d!autre possibilité: (1) que les caractères successif (kramavattva) ou non
successif des phonèmes (PV! P355a1"2/D293b7); (2) que des aides succes-
sive ou non successive (kram!kramopak!ravyatireke"a, PVSV! 467,16"17).
Conclusion, PV! P355a2/D293b7 = PVSV! 467,17"18: il est donc acquis
(sthita) que les phonèmes n!apportent aucune aide à l!énoncé.
441
Sans quoi son unité serait perdue puisque c!est par la succession des phonè-
mes qu!on le connaîtrait (PV! P355a3"4/D294a1).
442
Selon le Spho"av#din de PVSV! 467,19"24, les résonances sérielles révéla-
trices révèlent l!énoncé selon un ordre de succession particulier (vi#i$%a), non
de façon désordonnée (vyutkrame"a); donc la faute dénoncée plus haut par
Dharmak$rti n!affecte pas le Spho"av#din: des phonèmes utilisés de n!impor-
te quelle façon ne font pas connaître l!énoncé. PVSV! 467,21"22 cite à ce
propos VP I.94: voir APPENDICE B.
443
Elle semble dotée d!une partition en phonèmes, car on appréhende les phonè-
mes (sous forme de sons bruts, n!dar&pa) sans les distinguer de la nature de
spho%a (spho%ar&p!vibh!gena, PVSV! 467,24"25).
444
PVSV! 467,27"468,4 cite à ce propos VP I.49 et 104: voir APPENDICE B.
445
Selon PVSV! 468,5"6, la manifestation peut avoir la forme de la détermina-
tion (avadh!ra"ar&pa) ou celle de l!indétermination (anavadh!ra"a°). Dhar-
mak$rti examinerait ici la première hypothèse (PVSV! 468,7"8 glose d!ail-
leurs PVSV 129,7"8 vyakt!vyakta° par avadh't!navadh'ta°). Voir aussi n.
447, p. 330.
330 Traduction

[déjà446] été objecté [plus haut sur l!argument suivant:] parce que
[deux natures] révélée et non [encore] révélée sont contradictoires
[d!un énoncé un].447 448Et si [l!on admettait] un énoncé sans phonè-
mes ni parties,449 [jamais quelqu!un] à qui l!on fait entendre [une
série de phonèmes] partiellement ne saisirait un énoncé partiel,
puisque [un énoncé] un ne comporte pas de fragments;450 ou [bien]
personne n!entendrait [l!énoncé] en entier [puisqu!on n!entendrait
que les parties mais jamais l!énoncé lui-même].451

446
Référence: PVSV 128,24"25 selon PV! P355a6/D294a3.
447
Explication, PV! P355a8/D294a4 et PVSV! 468,8"9: na hy avadh!tar"p#d
(PV! vyaktasvabh#v#d) anyad anavadh!ta$ (PV! [a]vyakta$) r"p#ntaram
ekasya asti yena tat pa%c#d vyajyeta |. «En effet, l!un ne possède pas, autre
que [sa] nature déterminée, d!autre nature non [encore] déterminée, de sorte
que celle-ci pourrait être révélée ultérieurement.» PVSV! 468,9"11: tena
yad ucyate | prathamena var&ena abhivyaktasya anavadh#ra&#d avadh#ra-
&#rtham anye'#$ var&#n#$ vy#p#ra iti tad ap#stam | prathamena eva var&e-
na avadh#ra&ar"p#y# vyakter ni'p#ditatv#t |. «Par là, on écarte ce qu!a dit
[Bhart"hari?:] #Puisque ce qu!a manifesté le premier phonème n!est pas [en-
core] déterminé, d!autres phonèmes opèrent en vue de la détermination.# [On
l!écarte,] car c!est avec le premier phonème [déjà] qu!aura été produite une
révélation ayant nature de détermination.» Sur cette citation, voir APPENDICE
B. Voir aussi TS n°2716"2717, et TSP 723,20"724,3.
448
En guise d!introduction, PVSV! 468,15 cite VP I.83cd: APPENDICE B.
449
Deux interprétations de avar&abh#ge v#kye: (1) PVSVt et PV! P355b1/
D294a4"5, que j!ai suivis ici (yi ge da( cha med pa can); (2) PVSV!
468,16"17: «un énoncé sans parties [consistant en] phonèmes» (avidyam#n#
var&ar"p# bh#g# yasmin v#kye).
450
Explication, PVSV! 468,19"20: bhavati ca loke katipayavar&a%rava&e p"-
rvav#kyabh#ga%rava&aprat)ti* |. «Or dans le monde, c!est bien le cas qu!on
entend et comprend les parties initiales (p"rva) d!un énoncé lorsqu!on [n!en]
entend [que les] quelques [premiers] phonèmes.» Comparer l!explication de
PV! P355b3"5/D294a6"7.
451
(1) Trois interprétations possibles de PVSV 129,9"10 (sakala%rutir na v# ka-
syacit), que j!ai traduit selon l!interprétation de PV! P355b5"7/D294a7"b1.
(2) L!interprétation de PVSV! 468,20"25 suggérerait la traduction suivante:
« $ [si l!on n!entendait que quelques phonèmes,] soit on entendrait [l!énon-
cé] en entier [puisqu!il est un], soit [on n!en entendrait] rien[, pas même la
partie initiale, puisqu!il est indépendant des phonèmes].» Selon PVSV!
Traduction 331
PVSV 129,10 452
Il est également faux [de postuler] que, munie des dis-
positions [imprimées] par tous les phonèmes [antécédents], la der-
nière connaissance453 [permet] la détermination d!un énoncé [indi-
vis], parce que personne ne connaîtra jamais [ainsi] cet [énoncé in-
divis] sans rapport avec la nature phonétique, 454et qu!on ne connaît

468,26"469,4, cet argumentaire permet de réfuter SS 102,6"7 (nommément


attribué à Ma!"ana, voir APPENDICE B [PVSV# 468,26"27], lequel critiquait
le présent passage): tad ap!stam | sakal!sakalavar"abh!gapratipattik!le ni#-
kalasya v!kyasya a$rava"!t | na hi vya%gyavyañjakayo& s!d'$ya( var"!-
var"!tmakatvena visad'$atv!t tat katha( v!kye var"!tmagraha"!bhim!na iti
yat ki(cid etat |. «Ce [qu!a dit Ma!"ana dans SS 102,6"7] est écarté, car [ce
n!est] pas l!énoncé indivis [qu!]on entend au moment où l!on connaît les
parties [consistant en] phonèmes[, que celles-ci soient] complètes ou incom-
plètes. Il n!y a en effet [nulle] ressemblance entre [spho)a] à révéler et [ré-
sonances] révélatrices, puisque [tous deux] sont dissemblables en tant que
[les secondes] consistent en phonèmes et non [le premier]; comment donc
[peut-on] croire saisir, s!agissant de l!énoncé, une nature phonétique? Voilà
qui est donc n!importe quoi.» (3) PVSV# 469,5"10 présente une interpréta-
tion alternative (anye tu) qui, en dépit de similitudes, ne paraît pas être celle
de $; selon cette troisième interprétation, on traduirait: « # [cette personne]
entendrait [l!énoncé] entier, ou personne [n!entendrait l!énoncé entier].»
452
En guise d!introduction, PVSV# 469,11"22 paraphrase et cite (469,16"21)
VP I.84"86: voir APPENDICE B et ELTSCHINGER 2001b: 267n. 76. Ici s!ouvre
la critique d!une anavadh!ra"ar*p! (abhi)vyakti& (voir n. 445, pp. 329"330).
Dans PVSV 129,10"17, Dharmak%rti critique l!hypothèse spho)av!din selon
laquelle l!énoncé un et transphonétique serait révélé de façon déterminée à
l!audition de la dernière partie de son vocal révélateur: voir VPV 150,4"
151,1 sous VP I.86 (BIARDEAU 1964b: 127), YBh 208,13"14 (ELTSCHINGER
2001b: 268n. 77) et AD%p 112,2"3 (ELTSCHINGER 2001b: 268n. 77); voir
aussi les critiques de Vasubandhu dans AKBh 81,12"14, de Kum&rila dans
$V spho)a 117"119 et 121 (ELTSCHINGER 2001b: 268n. 78 et 270n. 80). Voir
TS n°2711"12 et TSP 722,12"24 (TSP 722,22"24 reproduit littéralement
PVSV 129,15"17).
453
Selon PV# P355b8/D294b2, la connaissance qui naît immédiatement après
(anantaram) le dernier phonème; selon PVSV# 469,24, la connaissance qui a
pour objet le dernier phonème (antyavar"avi#aya).
454
Objection introductive, PVSV# 469,28: var"!tmakam eva v!kya( tena
indriyajñ!navi#ayam eva iti. «L!énoncé ne consiste qu!en phonèmes; c!est
donc bien le cas qu!il fait l!objet d!une connaissance sensorielle [auditive].»
332 Traduction

pas les phonèmes de façon non successive: d!où [vient alors que
l!entité] qu!on nomme «énoncé» puisse être appréhendée de façon
non successive par une seule connaissance?455 456Et après [notre]
connaissance du dernier phonème, nous n!observons pas d!autre
entité verbale dénuée de fragments, pas plus que le locuteur lui-
même ne rend manifeste [une telle entité verbale].457 Mais l!esprit
égaré par le désir de ce qu!il aimerait[, songeant] combien il lui
plairait qu!il en soit comme [il dit, ce locuteur] rêve458 qu!une paro-
le aux parties complètes apparaît dans la dernière connaissance!
459
En effet, même [lorsqu!ils appartiennent] à un mot ou à une

455
Avec un akramam adjectival (PVSVt et PV! P356a3"4/D294b4): «d!où
[vient alors que l!entité] sans succession qu!on nomme "énoncé# puisse être
appréhendée par une seule connaissance?»
456
Selon les objections introductives de PV! P356a4/D294b4"5 et PVSV!
470,11"12, après la connaissance du dernier phonème (antyavar!apratipatter
"rdhvam) intervient, grâce à une connaissance mentale (m#nasena jñ#nena,
PVSV! seule), la détermination de l!énoncé indivis (niravayava, PVSV!)/
entier (ma lus pa, PV!).
457
Explication, PVSV! 470,13"15: tath# hi tad (S tad#) api v#kyam avadh#ra-
yan var!#nukramam eva b#hyar"patay# avadh#rayati | na tu var!avyatiri-
kta$ nirvibh#ga$ v#kyam avadh#rayati |. «C!est ainsi que [ce locuteur, cher-
chant] même [à] déterminer cet énoncé, ne détermine[ra] qu!une série pho-
nétique comme nature extra[mentale], mais pas un énoncé indivis indépen-
dant des phonèmes.»
458
PVSV! 470,17"22 propose une explication grammaticale de la forme sva-
pn#yate. Selon PV! P356a8/D294b7 = PVSV! 470,17"18: asvapann api
svapne vyavasthitam iva #tm#nam #carati |.
459
Selon PV! P356a8"b1/D294b7"295a1: gal te ñams su myo% ba!i &es pas
tshig da% %ag gi rim med par !dzin par !gyur ba ni ma yin gyi | !on kya% dran
pa!i &es pas tshig da% %ag rim med pa gzu% ba yin no 'e na |. «[Objection:]
Une connaissance expérientielle directe (anubhavajñ#na) ne peut [certes] ap-
préhender sans succession le mot et la phrase, mais une connaissance mnési-
que (smara!ajñ#na)[, elle,] appréhende un mot et une phrase sans succes-
sion.» Ce modèle d!accès à la signification n!est plus celui des Spho#av$din,
mais celui de «var!av#din» (M%m$&s$ et Ny$ya): refusant la détermination
finale d!une entité transphonétique, ceux-ci recourent à une connaissance
mentale d!ordre mnésique pour rendre compte de la simultanéité où semblent
apparaître les phonèmes au terme de leur articulation (voir 'V spho(a 113).
Traduction 333

phrase qu!on se rappelle, les phonèmes ne se manifestent pas sans


une succession particulière[, dans une connaissance unique dépour-
vue de succession]. [Mais si tel était le cas,] la différence qu!opère
[la représentation de] cette [séquence] entre les différents mots et
[les différentes] phrases n!aurait pas lieu, puisqu!une connaissance
sans succession ne comporte pas de séquence.460 [Nous avons] en
outre [déjà461] dit que nous ne percevons [nulle] autre nature verba-
le dénuée de succession phonétique.
PVSV 129,21 462
Ou si [elle] existe, cette [nature verbale dénuée de suc-
cession qu!est le mot ou la phrase] peut être impermanente ou per-
manente. Si [elle est]

Dans !V spho!a, Kum"rila distingue deux modèles: l!un sans sa"sk#ra (kk.
95"98), l!autre avec sa"sk#ra (kk. 99"121, ce modèle emportant la préféren-
ce de Kum"rila). Directement perçus, les phonèmes impriment des disposi-
tions génératrices du souvenir et (seul élément non empirique concédé par
Kum"rila) de la connaissance de l!objet (kk. 102"103). Ces dispositions con-
courent à produire une connaissance (samastavar$avijñ#na) mentale (m#na-
sa) d!ordre mnésique, une connaissance synthétique (samuccayajñ#na) por-
tant sur l!ensemble des phonèmes antérieurement perçus (kk. 108"110). Dans
cette connaissance mnésique, les phonèmes apparaissent simultanément (yu-
gapatsmara$a, kk. 115"116). Pour le Ny"ya, voir NV sous NS II.57/298,11"
12, et NVT# ad loc. (plus explicite!); voir aussi TB 6,4"5 (Ny"ya) et 7,1"2
(M$m"%s"), et KUNJUNNI RAJA 1963: 110"111. Il est frappant d!observer
que !"ntarak&ita et Kamala'$la adopteront cette position (dans une version
s#k#rav#din, voir l!importante TSP 726,7"10) dans TS n°2720sq: ici (voir
TSP 725,1"3), la position de Dharmak$rti forme le p%rvapak&a! Dans PVSV
129,17"21, Dharmak$rti ne prête pas erronément au tenant du spho!a un mo-
dèle qui ne lui appartient pas, mais cherche à montrer que ce modèle ne peut
constituer pour lui une échappatoire. Comme dans PVSV 119,26"28, Dhar-
mak$rti va plaider la similitude (sérialité) des deux types de connaissance
(voir PV# P356b3/D295a2 = PVSV# 470,25"26,).
460
Selon PV# P356b5/D295a3"4 = PVSV# 470,29"471, 12, seule la représen-
tation (pratibh#sa) d!une succession phonétique particulière permet de diffé-
rencier les mots et les phrases les uns des autres.
461
Référence: PVSV 129,11"12 (jusqu!au premier apratipatte' pour K, au se-
cond pour !), selon PV# P356b7/D295a4"5 et PVSV# 471,14"15.
462
Dans PVSV 129,22"130,1, Dharmak$rti s!attaque à l!hypothèse d!un énoncé
impermanent: la critique pourrait viser les Vaibh"&ika, selon la suggestion de
334 Traduction

impermanente, elle naît de l!effort [articulatoire humain]: com-


ment [dès lors] ne [serait-]elle pas de création humaine? [PV
I.251ab]
PVSV 129,24
L!impermanent doit en effet nécessairement de naître à
quelque [cause qui lui est propre]. C!est ainsi que [nous avons dé-
jà463] dit qu!à [admettre] la fortuité de l!existence, [celle-ci] n!au-
rait [aucune] détermination [de l!ordre] de l!espace, etc. Or cet [é-
noncé,] on [le] constate [exister] chez [les personnes] dont les or-
ganes phonatoires non défectueux [ont été] stimulés par un effort
[d!articulation, mais] pas autrement.464 Ainsi, puisqu!on [y] consta-
te [par rapport à l!énoncé] la propriété [qui est celle] d!une cau-
se,465 c!est l!opération humaine [qui en est] la cause[, et] PVSV 130,1
donc [l!énoncé védique466] doit être [lui aussi] de création humaine.
467
Et si [l!énoncé] est permanent, [notre] perception [en sera]
permanente car il n!est pas d!obstruction [à cet énoncé perma-
nent].468 [PV I.251cd]

TSP 723,3: vaibh!"ik! hi kecit padak!y!bhidh!nena v!kyaspho#am anityatv!j


janya$ pratipann!% |. Telle est au moins l!opinion de Vimalamitra (AD!p
111,6"7). Voir aussi n. 15, p. 164, et IYER 1937, auquel je n!ai pas pu avoir
accès.
463
En plus des références de GNOLI 1960: 193 (PVSV sous I.195, notamment
99,12"14 [STEINKELLNER 1979: 87"88]), noter PV" P357a3"4/D295a7"b1:
thams cad du thams cad kyi tshe d&os por !gyur ro 'es go& du b(ad zin to ||.
Quoique non clairement identifiable, la citation pourrait renvoyer à PV"
P331a4"5/D276a6 sous PVSV 121,26"27 (voir n. 300, p. 290).
464
«Pas autrement», c!est-à-dire faute d!un désir de s!exprimer (vaktuk!mat!)
ou en cas de déficience (vaigu)ya) des organes phonatoires (PV" P357a5/
D295b1 # PVSV" 471,23).
465
«Propriété qui est celle d!une cause», c!est-à-dire coprésence et co-absence
de l!effort phonatoire humain et de l!énoncé (PV" P357a5"6/D295b2 #
PVSV" 471,24, Vibh. 380n. 1).
466
«Védique» selon PV" P357a6/D295b2 (PVSV" 471,25 peut-être lacunaire:
pauru"eyam api).
467
Dans PVSV 130,2"134,25, Dharmak!rti s!attaque à l!hypothèse d!un énoncé
permanent (voir pp. 157"159).
468
Plusieurs analyses possibles de nityopalabdhi%: comme composé à terme ini-
Traduction 335
PVSV 130,3
Si maintenant cette nature verbale était [à la fois] perma-
nente et d!une nature propre perceptible, on devrait [la] percevoir
en permanence "étant donné que la nature [perceptible qui est la]
sienne# ne se perd jamais: ainsi en effet cette [nature perceptible]
serait-elle permanente dès lors qu!elle ne se départirait d!"aucune#
capacité;469 [or elle ne s!en départit pas,] parce que la capacité de
générer la connaissance est [précisément] cette [parole réputée per-
manente], et que [nous avons déjà] rejeté plus haut470 que [cette ca-
pacité] soit chose différente [de la parole elle-même].
PVSV 130,7 471
Il n!est en outre aucune obstruction à la perception de cet
[énoncé] d!essence perceptible,472 car même si elle existait, cette
[obstruction supposée] ne pourrait sans en supprimer l!essence reti-
rer [à cette parole permanente sa] capacité [de générer la connais-
sance; d!une obstruction supposée] en effet, on ne dira pas qu![el-
le] exerce une quelconque action si elle n!occasionne pas (anutp!-
dayat) de propriété supplémentaire à l![essence de la parole]; or
n!exerçant aucune action, qu!est-ce qui constitue une obstruction,
ou autre [chose du même ordre],473 à quoi? [Mais] voilà [qui a déjà

tial adverbial (rtag par [ni] dmigs par !gyur ro, PV! P357a7/D295b3; nityam
upalabhyeta, PVSV 130,4) ou adjectival; hors composition, par euphonie
(upalabdhir nity!, PVV 380,4$5).
469
Capacité consistant à générer la connaissance (jñ!najanana) selon PV!
P357b2/D295b4$5 = PVSV! 472,10. Peut-être pourrait-on aussi compren-
dre, contre PVSVt: «si rien ne la privait de [sa] capacité».
470
Référence: PVSV 117,9$10 selon PV! P357b4$5/D295b6 = PVSV! 472,13.
471
Selon les objections introductives de PV! P357b5/D295b6 et PVSV!
472,14, une obstruction (!vara"a, déterminée spatio-temporellement) per-
mettrait d!expliquer pourquoi la parole n!est pas perçue en permanence. Sur
le thème de l!obstruction, voir pp. 195$196; sur la nature de l!obstruction ici
visée, voir nn. 473, p. 336, et 611, p. 374.
472
Explication, PV! P357b6$7/D295b7 " PVSV! 472,15$16: tatsiddhau pra-
m!"!bh!v!t |. «Faute d!un moyen de connaissance valide pour l!établir.»
473
Par «obstruction» (!vara"a), on entend «ce qui interdit la (production
d!unePV!) connaissance» (jñ!na[utpatti]vibandhaka, PV! P358a2/D296a2,
PVSV! 472,19); par «autre», on entend «ce qui entrave de quelque autre fa-
çon» (prak!re"a antare"a upagh!takam, PV! P358a2/D296a2 = PVSV!
336 Traduction

été] amplement développé [plus haut].474 [Objection:] Des [choses]


telles que les murs, quelle propriété supplémentaire occasionnent-
elles à des [choses] telles que les cruches, ou [au contraire y] sup-
priment-elles, de sorte qu!on admette [qu!elles forment] une ob-
struction?475 [Réponse:] Nous n!affirmons pas que les [murs] diffé-
rencient quelque chose [comme une cruche]; 476bien plutôt, [nous
soutenons que] toutes les phases d!une cruche ne sont pas causes
de connaissance sensorielle chez toute [personne], mais [que c!est]
en association mutuelle [que] l!objet, la faculté sensorielle et la
lumière, puisqu!ils produisent ensemble une nouvelle phase [de
cruche] différenciée [par rapport aux précédentes], sont les causes
d!une connaissance: en effet, ce qui ne requiert pas d!aide ne sau-
rait dépendre [d!un autre]. [Et nous avons déjà] dit que [ce qui ne
requiert pas d!aide] générerait [son effet] en permanence [s!il était]
d!une nature efficace [à le générer], ou bien ne [le] générerait ja-
mais [s!il était] autre[, c!est-à-dire d!une nature inefficace]. Et lors-
que [rien d!]autre [d!]"entravant# ne s!interpose [entre elles], ces
[causes] s![entr]aident l!une l!autre, car étant donné qu!elles ont
pour coopérant la convenance d!un lieu où [rien] ne s!interpose
[entre elles], elles [s!]occasionnent (utpatti) les unes les autres une
propriété supplémentaire. Mais si [quelque chose comme un mur]
s!interpose [entre elles], la connaissance [de la cruche] ne se pro-
duira pas étant donné que la nouvelle phase capable ne se sera pas

472,20).
474
En s!inspirant de GNOLI 1960: 193, mentionnons PVSV sous PV I.106cd et
144$145.
475
L!adversaire cherche désormais à montrer que certains objets font obstruc-
tion à d!autres sans pour autant exercer d!action sur eux (PV! P358a3/
D296a3 " PVSV! 472,21). De même quelque chose pourra-t-il obstruer la
parole permanente sans y occasionner de propriété supplémentaire (PV!
P358a4$5/D296a4 " PVSV! 472,23$24). Selon PV! P358a4/D296a3 =
PVSV! 472,22$23, par: «suppression d!une propriété supplémentaire», il
faut entendre: «suppression d!une capacité particulière» (s!marthy!ti"aya).
476
Selon PV! P358a6$7/D296a5 = PVSV! 472,26, Dharmak#rti précise main-
tenant en quoi (katham) on dit que des choses telles que les murs forment une
obstruction à des choses telles que les cruches.
Traduction 337

produite faute de cause.477 Donc478 puisque [la phase] capable qui


s!est produite auparavant479 a cessé [de soi-même], "et# que s!il y a
un mur [pour faire écran], une nouvelle [phase capable] demandant
à se produire ne se produit pas faute de la cause [sus-mentionnée,
la cause de la connaissance fait défaut; et] de par [ce] déficit de
cause, la connaissance [de cruches auxquelles un mur fait écran] ne
se produit pas: ainsi dit-on [que] des [choses] telles que les murs
[font] obstruction, [mais on ne le dit] pas pour l!entrave [qu!elles
feraient] à une [cruche] qui auparavant convenait [à générer la con-
naissance], car [même en présence d!un mur,] cette [cruche-là] ne
se départirait pas de sa nature propre.480

477
C!est-à-dire: à défaut de la convenance d!un lieu où rien ne s!interpose (PV!
P358b6/D296b3 = PVSV! 473,15$16).
478
C!est-à-dire: puisque les entités instantanées (k!a"ika) ne préservent (anuv#-
tti) pas en tout temps la même nature intrinsèque (ekasvar$pa, PV! P358b7$
8/D296b3$4 = PVSV! 473,17).
479
Selon PV! P358b8/D296b4 = PVSV! 473,18, il s!agit là de la phase précé-
dente de chacune des causes composant le complexe causal: faculté senso-
rielle, etc.
480
Explication, PV! P359a3$5/D296b6$7: nus pa ga% yin pa de ni nus pa ñid
yin la nus pa med pa ga% yin pa de ni g&an ñid yin te | ra% b&in gcig la gnas
pa ni nus pa da% nus pa ma yin par rigs pa ma yin no &es bya ba!i don to || de
bas na !di ltar skad cig ma rnams la ji skad du b'ad pa!i rnam pas phul du
byu% bar byed pa ma yin na ya% sgrib par byed par rigs pa yin gyi | sgra rtag
pa la ni ma yin no ||. «Ce qui est capable [ne saurait être] que capable, et ce
qui n!est pas capable [ne saurait être] qu!autre[, c!est-à-dire incapable]. Il est
incorrect que ce qui subsiste dans une nature propre une (ekasvabh(ve sthi-
tasya) soit à la fois capable et incapable: tel est le sens [visé par Dharma-
k"rti]. Ainsi donc peut-on [parler d!]obstruction dans le cas d![entités] instan-
tanées malgré que, de la façon qu!on a exposée, elles ne différencient (ati'a-
yam akurvad apiPVSV!) [pas l!essence de ce qu!elles obstruent], mais [on ne le
peut] pas dans le cas d!une parole permanente.» Comparer PVSV! 473,23$
24.
338 Traduction
PVSV 130,24 481
Ou bien, l!entraide mutuelle des entités instantanées
existe quand même [mais nous demeure indiscernable], car la ca-
pacité des causes et conditions est inconcevable à qui n!est pas
omniscient.482 Peut-être se pourrait-il donc que l!obstruction qui se
situerait entre la faculté sensorielle et l!objet les différencie [tous
deux, et ce] en [les affectant de] différents degrés d!inhabilité à
produire une connaissance,483 484car on constate que l!audition d!un
[objet] tel qu!un son est [plus ou moins] confuse ou distincte selon
[le type de] l!obstruction [qui s!interpose, de la flanelle, de l!étoffe

481
Dans ce qui suit, Dharmak!rti envisage la possibilité que la qualité d!obstruc-
tion passe quand même par l!apport d!une propriété supplémentaire (ati!a-
yakara"ena, PV" P359a5"6/D296b7"297a1, PVSV" 473,25). Selon PV"
P359a6"7/D297a1"2 et PVSV" 473,26, il est acquis (viv#d#bh#v#t) que les
causes coopérantes apportent une propriété supplémentaire à des entités in-
stantanées; le débat porte ici seulement sur celle qu!occasionneraient des ob-
structions telles que les murs à des entités instantanées telles que les cruches.
482
Sur ce motif d!obédience sautr#ntika, voir KRITZER 2002: 64, 71"73, et 82n.
34. Selon PVSV" 473,28"30, on ne peut concevoir comment une obstruction
distante (d$rade!avartin) de la cruche apporterait à celle-ci une propriété
supplémentaire (upak#raka); mais malgré qu!on ne puisse concevoir non plus
comment un aimant (ayask#nta) distant du fer attire (sam#kar%a"a) ce der-
nier, le magnétisme est une donnée d!expérience. Selon PV" P359a7"
b1/D297a2"3, un état de fait que les gens de perception limitée (arv#gdar!in)
ne discerneraient (ñe bar rtogs pa) pas n!en serait pas pour autant inexistant.
Sur l!inconcevabilité du magnétisme, voir ELTSCHINGER 2001a: 83"86.
483
Dans PVSV" 474,10"18, K répond à l!objection suivante: un objet n!est ob-
strué (i.e. rendu incapable de générer la connaissance) qu!à partir de la
phase qui suit l!intervention de l!obstruction (c!est-à-dire à la deuxième pha-
se), car la propriété supplémentaire ne peut pas survenir simultanément à
l!obstruction qui la génère. Selon K, l!expérience nous montre que l!objet est
rendu incapable dès l!intervention de l!obstruction (#d#v api, prathame k%a-
"e), et c!est aussi ce phénomène inexplicable que viserait Dharmak!rti en
disant: acintyatv#d dhetupratyayas#marthyasya asarvavid# (P PVSV 130,25).
484
Selon PV" P359b3"4/D297a5, l!apport (upak#ra) de l!obstruction se peut
même autoriser d!un indice inférentiel (li&ga); selon PVSV" 474,19"20, la
capacité de l!obstruction à dispenser l!inhabilité à l!objet et à la faculté (#va-
ra"asya vaigu"y#dh#ne s#marthyam) est inférable (anugantavya) par anvaya
et vyatireka.
Traduction 339

ou un mur].485 Autrement,486 conclure que telle [est l!obstruction]


de telle [parole] serait pure création de la pensée discursive (vikal-
panirmita), PVSV 131,2 [mais] ne serait pas fondé en réalité, car la pré-
sence même d!une [obstruction] n!exerçant d!action sur rien487 est
identique à [son] absence. Or les efficiences réelles n!obéissent pas
aux surimpositions [de notre pensée discursive] car[, par exemple,]
on se sert pas d!un jeune brahmane pour la cuisson parce qu!on
[l!]associe métaphoriquement au feu.488 Donc même si la pensée
intervient, les entités, qui n!en subissent [aucun] changement (atat-
par!v"tti), ne sauraient que fonctionner selon leur nature propre.
C!est pourquoi489 des [causes] telles que les facultés sensorielles
devraient faire connaître malgré l!obstruction; or il n!en va pas
ainsi. On [en] conclut donc qu!elles doivent en recevoir une pro-
priété supplémentaire. [Mais] de paroles permanentes, à l!inverse,
il n!est assurément ni perte ni acquisition (utpatti) d!une propriété
supplémentaire en présence de quelque [obstruction particulière].
Donc si leur nature propre est génératrice de connaissance, elles

485
Ici, «audition» vaut par synecdoque (upalak#a$a) pour toute expérience sen-
sorielle directe (anubhava, PV! P359b5/D297a6), vision notamment (dar%a-
n!di, PVSV! 474,22); «son» vaut en conséquence également pour des objets
tels qu!odeurs ou tangibles (gandhaspar%a, PVSV! 474,21). Là où PVSV!
474,20"21 explique !vara$abhedena par karpa&apa&aku'y!divyavadh!na-
bhedena, PV! P359b4"5/D297a5"6 explique: ma( po da( ñu( (u!i mtshan
ñid can gyis so (*mahadalpalak#a$ena?). Il est notable que "#kyabuddhi
(PV! P359b8"360a1/D297b1"2) signale une interprétation alternative (*anye
tu " vy!cak#ate) de !vara$abhedena: «selon la présence ou l!absence d!une
obstruction.»
486
C!est-à-dire si l!obstruction ne confère pas de propriété supplémentaire (vi%e-
#a), selon PV! P360a1/D297b2 = PVSV! 474,22"23.
487
Le locatif kvacid api, que les commentateurs n!expliquent pas, se pourrait
aussi entendre: «[présence] en quelque lieu», comme paraît le faire PVSVt. Je
fonde mon interprétation sur PVSV 131,25"26.
488
Sur cette métaphore, voir "Bh sous M$S% I.i.5/I.58,6"7, TV sous M$S%
I.iv.23"28/II.314,16"22, et KUNJUNNI RAJA 1963: 245"249.
489
Explication, PV! P360a8/D297b6"7 & PVSV! 475,13: tasm!d yady !vara-
$ena na vi%e#o !dh)yate tad!", «donc si l!obstruction ne confère pas de pro-
priété supplémentaire, alors# »
340 Traduction

devraient générer simultanément, pour tout [homme et] en tout


temps, toutes les connaissances dont elles sont elles-mêmes les ob-
jets; sinon, jamais [elles ne devraient générer] la moindre [connais-
sance] pour personne. Voilà [qui tient] de la nécessité.
[Objection:] [Quoique permanente,] on n!entend pas [la parole
en tout temps], car il [lui] manque un certain coopérant.490 [PV
I.252ab]
PVSV 131,12
Soit ce [qui suit]: [certes,] ce n!est pas [en raison] d!une
obstruction que [tous les hommes] n!entendent pas toutes les paro-
les en permanence; bien plutôt, un certain coopérant [cause de la
connaissance] existe[, qui est] ordonné [par sa condition même] à
la connaissance de chacune de ces [paroles permanentes. Or] étant
donné que ce [coopérant] vaut pour une certaine [parole] à un cer-
tain moment [seulement], l!audition des [paroles] qui en résulte
[n!intervient qu!]à un certain moment [et] dans un certain [lieu].
[Réponse:] [Que la parole ait] ainsi recours à un autre[, c!est-à-
dire à un coopérant], soit! Mais [sa] limitation [à sa nature pro-
pre antérieure] s!en trouve[ra par là-même] contredite.491 [PV
I.252cd]
PVSV 131,16
Quant à nous, nous ne rejetons assurément pas les coopé-
rants des causes; mais [ces] causes, elles dépendent d!un [coopé-
rant] qui apporte une aide à leur condition [même de natures pro-
pres génératrices de l!effet attendu], car [c!est] la propriété supplé-

490
Par coopérant, il faut entendre le(s) facteur(s) de manifestation de la parole
permanente, soit surtout les sons bruts (dhvani) reconnus (par Bhart!hari et
Kum"rila) être les porteurs des déterminations spatio-temporelles, quantita-
tives et qualitatives, ainsi que la physiologie de la phonation qui donne lieu à
ces sons bruts: sur ce point, voir pp. 167"170 et n. 5, p. 183. Voir aussi infra
PVSV 131,23"25, PV# P361a7/D298b3 et nn. 493"494, pp. 341"342.
491
Parce que ce coopérant lui apporte une propriété supplémentaire (ati!aya,
PV# P360b8"361a1/D298a6), ou parce qu!elle dépend alors de quelque cho-
se qui lui apporte une aide (upak"raka, PVSV# 475,29). La parole changeant
ainsi de nature propre, sa permanence s!en trouvera perdue. Voir aussi PVV
380,15"16, de même substance, pp. 189"196, et l!intéressante VPV 161,3"10
sous VP I.98.
Traduction 341

mentaire qu![elles] en obtiennent (labhya) [qui leur] sert à [générer


leur] effet. Ainsi, si la parole [védique] devait [elle] aussi produire
[son] effet en dépendance de quelque [coopérant, rien ne s!oppose-
rait à ce] qu!elle le fasse! [Mais alors,] il ne serait plus [question]
que [cette parole] se limite à sa nature propre antérieure, parce que
[dans ce cas] elle s!en départirait, et qu!elle acquerrait du [coopé-
rant] dont elle dépend une nouvelle nature propre. [Nous avons] en
effet [déjà] dit qu!on ne dépend pas de ce qui n!apporte [aucune]
aide. Et si [notre adversaire admet maintenant que] l!aide [apportée
par le coopérant] est chose différente [de la parole elle-même, rap-
pelons-lui avoir déjà] dénoncé aussi des [fautes] telles que le man-
que d!une relation du type: «[Telle est l!aide] de telle [parole]».492
Et [dans cette hypothèse,] l!inconnaissabilité de la [parole suivra],
puisque ce n!est qu!en vertu de [cette] aide493 que la connaissance
se produit. Par conséquent cette parole-ci ne dépend, pour générer
une connaissance d!elle-même, ni de la faculté sensorielle [auditi-
ve], ni du contact [entre elle et cette faculté], ni du soi,494 ni d!au-

492
Explication, PV! P361a8"b1/D298b4"5 = PVSV! 476,24"26: !di"abd!d
yadi sambandhasiddhyartha# sahak!rik$ta upak!re "abdak$ta upak!ra% kal-
pyate tad! tatra apy aparas tatra apy apara ity anavasth!do&!dayo !py
ukt!% |. «Avec le mot "telles que!, [il faut entendre qu!]ont également [déjà]
été dénoncées des fautes telles que la régression à l!infini: [car] si, afin d!éta-
blir [cette] relation, on postule une aide apportée par la parole à l!aide ap-
portée [à la parole] par le coopérant, alors [il faudra] à cette [aide] également
une autre [aide, et] à cette [aide] encore une autre [aide, etc., jusqu!à l!infi-
ni].» Le passage visé semble PVSV 113,20"22.
493
La parole ne peut produire une connaissance d!elle-même que si elle reçoit
du coopérant une propriété supplémentaire; or cette aide/propriété supplé-
mentaire étant chose différente de la parole, la production d!une connaissan-
ce est impossible à la parole (voir aussi PV! P361b2/D298b5 = PVSV!
476,27).
494
Selon PV! P361b3/D298b6 = PVSV! 476,29, Dharmak#rti énonce ces trois
premiers facteurs par référence à la doctrine acceptée par l!adversaire (para-
prasiddhy!). Ces facteurs rappellent, manas excepté, les facteurs impliqués
dans la conception m'm!#saka de la perception, que critique Dign$ga dans
PS(V sous) I.6.2cd (voir HATTORI 1968: 64 et 162"163n. 6.4). Voir aussi %V
"abdanityat! 48ab, 73cd"74ab, 77cd"78ab.
342 Traduction

cun autre fondement [susceptible de coopérer] à la génération de la


connaissance,495 car aucun [coopérant] n!exerce [la moindre] action
sur cette [parole permanente].
PVSV 131,26 496
De plus, ces paroles pourraient être soit omniprésentes,
soit non omniprésentes.
S i c e s [ p a r o l e s ] n e sont pas omniprésentes, on ne peut les per-
cevoir partout. [PV I.253ab]
PVSV 131,28
Comment une [personne] située dans un lieu vide de [pa-
role] pourrait-elle [en effet] percevoir une [parole] qui [ne] subsiste
[qu!]en un seul lieu?497 [Objection:] Dans l!hypothèse d!une appré-
hension [sensorielle] sans contact,498 la faute [que vous dénoncez]
n!a pas cours. PVSV 132,1 [Réponse:] Non, car dans cette [hypothèse]
495
Selon PV! P361b3"4/D298b6 = PVSV! 476,29, par «autre», il faut entendre
l!effort phonatoire, etc. (prayatn!dikam).
496
Dans PVSV 131,27"132,1, Dharmak"rti s!attaque à l!hypothèse d!un énoncé
(mais voir n. suivante) non omniprésent (avy!pin).
497
Selon PV! P361b7"362a1/D299a1"2, le propos vise la doctrine m"m!#saka
(nommément) de l!uni[ci]té des phonèmes: le phonème «a» (ordinaire et vé-
dique) étant strictement un, comment une personne située dans un lieu qui en
est vide pourrait-elle le percevoir? PVV 380,20"21 illustre le propos sur
l!exemple de la montagne (ekade$asthita% $aila%). Glosant PVSV 131,26
($abd!%), PV! P361b5/D298b7 expliquait déjà: yi ge la sogs pa!i &o bo!i
sgra de dag, «ces paroles ayant la nature de phonèmes, etc.» La discussion de
PVSV 131,26"134,1 viserait alors aussi sinon d!abord la M"m#$s#, malgré
qu!on ne puisse déterminer clairement la portée de °!di° (probablement:
var'apadav!kyar(p!%). Voir pp. 157"159.
498
Explication, PVSV! 477,8"9: apr!pta eva $rotrade$a# $abda% $rotrendriye-
'a g)hyate. «La faculté auditive appréhende la parole sans [que celle-ci n!en-
tre en] contact avec l!appareil auditif.» Comparer PV! P362a1/D299a2"
3. L!adversaire embrasse ici une position bouddhique (les bouddhistes ad-
mettent en effet que la vue, l!ouïe et le sens interne opèrent sans contact di-
rect entre l!objet et la faculté, alors que la majorité des écoles brahmaniques,
dont la M"m#$s#, adoptent le modèle pr!pyak!ritva, selon lequel toutes les
facultés opèrent par contact: voir HATTORI 1968: 124"126). Sur cette ques-
tion, voir aussi TILLEMANS 1990: I.156"159 et 188"190; LA VALLEE POUS-
SIN 1980: I.87"92; TS n°2519"2528; APPENDICE B (PVSV! 477,23"26); VP
I.82.
Traduction 343

aussi, [la faculté sensorielle] dépend du degré dans lequel [la paro-
le] est présente en un lieu convenant [à son appréhension], à
l!exemple de [choses] telles qu!un aimant.499 Autrement, il n!y au-
rait [aucune] différence entre auditions distincte et indistincte [se-
lon la présence relative de la parole en un lieu convenable],500 et si
la condition de [leur] perception501 était présente, on percevrait [ces
paroles] à l!identique en tout lieu[, proche ou lointain]. Par consé-
quent, [les paroles] ne sont pas non omniprésentes.502
503
[Mais] si [elles] sont omniprésentes, tous [les hommes504] de-
v r a i e n t [ l e s ] p e r c e v o i r [ t o u t e s ] simu ltanément. [PV I.253 cd]
499
Explications. (1) PV! P362a4"5/D299a4"5 = PVSV! 477,13"14: yath!
ayask!ntasya apr!pt!kar"atve !pi na ayogyade#!vasthitaloh!kar"a$a% tad-
vat |. «Comme l!aimant qui, bien qu!il attire [le fer] sans contact direct, n!at-
tire pas le fer situé dans un lieu qui ne convient pas [à cette attraction].» Sur
l!exemple de l!aimant dans ce même contexte, voir déjà AKBh 32,4"5 sous
AK I.43cd1 et TS n°2519"2521. (2) Selon PV! P362a5"6/D299a5 et PVSV!
477,14"15, par «etc.», il faut comprendre le cas du (venin de) serpent (!#&vi-
"a/sbrul gdug pa) entravant (upagh!taka) une lampe (d&pa) située à proximi-
té, mais pas une lampe distante: faut-il comprendre que ce serpent peut cra-
cher son venin et éteindre une lampe dans un certain rayon seulement?
500
Selon PV! P362a8"b1/D299a6"7, il s!agit là d!un upalak"a$a pour: il n!y
aurait nulle différence entre audition et non-audition. PVSV! 477,17 en con-
clut: bhavati ca | tasm!d yogyade#!pek"atvam |. «Or [cette différence] existe;
donc [la faculté] dépend de ce que le lieu convient [à l!appréhension de l!ob-
jet].»
501
Selon PV! P362b1/D299a7, l!opération des points d!articulation et des orga-
nes phonatoires (sth!nakara$avy!p!r!di); selon PVSV! 477,19, l!opération
du palais, etc. (t!lv!divy!p!ra).
502
Dans un développement (PVSV! 477,20"478,16), K répond aux critiques
adressées dans "V #abdanityat! 119"120 à l!apr!pyak!ritva bouddhique;
pour les besoins de son argumentaire, K adapte PV III.408ab et cite PV
III.235: voir APPENDICE B (resp. PVSV! 477,23"26, 478,9 et 478,15"16).
503
Dans PVSV 132,5"134,25, Dharmak#rti s!attaque à l!hypothèse d!un énoncé
omniprésent (vy!pin). PVSV! 478,17"26 cite quatre kk. de Kum$rila en gui-
se d!introduction, et conclut: tasm!d vy!pina' #abd! iti |. «Par conséquent,
les paroles sont omniprésentes.» Voir APPENDICE B (PVSV! 478,18"25).
Sur la position générale de Kum$rila sur l!omniprésence et la permanence de
#abda, voir pp. 182"189; la doctrine de l!omniprésence est malaisée à docu-
344 Traduction
PVSV 132,6
Étant donné en effet qu!aucune parole ne manque nulle
part, toutes [les paroles] devraient être perçues simultanément, et
par les [hommes] situés en tous lieux: parce que [les hommes] dis-
posent de facultés sensorielles convenant [à leur perception]; parce
que l!objet [qu!est la parole] est [toujours et partout] présent; et
parce qu![une parole permanente ne pouvant recevoir de propriété
supplémentaire ne connaît] pas d!entrave.
Et si [pour éviter cette faute on admet qu!il n!y a de] percep-
tion [que] de [ce qui a été préalablement] disposé505 [à cet effet,
nous répondons:] qu!est-ce qui peut disposer une [parole] im-
muable [car perman ente]? [P V I.254ab]
PVSV 132,10
Soit ce [qui suit]: Quoiqu!elle existe [toujours et partout],
toute parole n!est pas perçue par tout [homme], car seule une [fa-
culté auditive] disposée perçoit une [parole] disposée. [Réponse:]

menter dans les sources spho!av"din: noter VPV 162,6"163,3 sous VP I.99,
et !V #abdanityat" 78cd"80ab.
504
Selon l!interprétation de PV" P362b2"3/D299b1 = PVSV" 478,27 (sarve-
$"% pu%s"m). PVV 380,22 comprend néanmoins: sarve$"% #abd"n"m.
PVSV 132,6"7 peut justifier les deux interprétations.
505
Selon PV" P362b7"8/D299b4 = PVSV" 479,13"14 et Vibh. 380n. 3, le gé-
nitif sa%sk&tasya vaut ici de #abda et de indriya, car karma'i kartari v"
$a$!h(. Donc: «perception, par une faculté disposée (legs par byas pa), d!une
parole disposée (!dus byas pa).» Selon PVSV" 479,13"14 et Vibh. 380n. 3,
la parole est disposée par le souffle (abdominal) percuté par l!effort articula-
toire (prayatn"bhihatav"yu); selon PVV 380,24, la parole est disposée par la
manifestation (abhivyakti), laquelle inclut tout le processus initié par l!effort
articulatoire, et ponctué par la disposition de la faculté auditive (i.e. son
acquisition d!une capacité perceptive); selon Kum#rila, c!est un seul et uni-
que processus qui dispose la parole et la faculté auditive: sur ces différents
points, voir pp. 184"186. Bhart$hari (MBhD I.17,15"17, VP I.80 et VPV
145,2"7 ad loc.) et Kum#rila (!V #abdanityat" 51cd, puis 65cd"87ab) s!ac-
cordent à distinguer trois possibilités de sa%sk"ra: de l!objet, de la faculté
auditive, des deux. Selon TS n°2719 et TSP 724,19"20, il faut sur ce point
adresser une seule et même critique au Spho%av#din et au Var&av#din. C!est
là je crois ce que fait Dharmak'rti dans PVSV 132,9"134,1 (où PVSV
132,11"12 vise l!hypothèse d!un sa%sk"ra de l!objet, et où PVSV 132,13"
134,1 vise l!hypothèse d!un sa%sk"ra de la faculté sensorielle auditive).
Traduction 345

Dans ce cas,506 la perception n!est [d!abord] pas [celle] d!une [pa-


role] disposée, puisqu!on ne saurait disposer une [parole] à laquelle
on ne peut faire subir [aucun] changement. [Ensuite,]
"507quant à une disposition de la faculté [auditive, elle serait
possible]#, mais [ainsi disposée, ] c e t t e [ f a c u l t é ] e n t e n d r a i t [ l a
paro le] en totalité[, et non pas une seule paro le]. [P V I.254cd]
PVSV 132,14
Dans cette [hypothèse], si une [personne] dont la faculté
n!a pas été disposée ne perçoit pas [la parole] étant donné que [seu-
le] une [faculté auditive] disposée [à cet effet la] perçoit, [alors il
suit que] la [personne] dont la faculté sensorielle a été disposée de-
vrait entendre toutes les paroles simultanément;508 ainsi la consé-
quence inacceptable [dénoncée plus haut] n!est-elle nullement
écartée.
509
Si, puisqu!elle diffère par une disposition différente [à cha-
que objet, la faculté auditive] est [à chaque fois] ordonnée à

506
Deux interprétations de tatra: (1) PV! P363a4/D299b6: de ltar !dod pa de la,
«au cas où l!on admet [qu!il en est] ainsi». (2) PVSV! 479,19: tatra tayor
madhye, «dans ce cas[, c!est-à-dire] parmi ces deux». Dans PVSV 132,11$
12, Dharmak"rti critique l!hypothèse d!une disposition de la parole.
507
Dans PVSV 132,13$134,1, Dharmak"rti critique l!hypothèse d!une disposi-
tion de la faculté sensorielle. Selon PV! P363a5$6/D299b7 # PVSV!
479,20$21, et PVV 381,4$5, la faculté étant impermanente au contraire de la
parole, elle peut se voir conférer une propriété supplémentaire. K cite à cet
effet $V !abdanityat" 121cd et 124ab (voir APPENDICE B [PVSV! 479,22$
23] et pp. 184$186), puis expose fidèlement la pensée de Kum%rila (PVSV!
479,24$25): !abdar#papratipattyanyath"nupapatty" ca indriyasya !akti$ kal-
pyate | !aktir#pa! ca sa%sk"ra i&yata iti |. «Par inconsistance, autrement, de
[notre] connaissance de la nature verbale, on postule une [certaine] capacité
de la faculté [auditive], et accepte que la disposition a la nature de [cette] ca-
pacité.»
508
Une critique analogue apparaît déjà dans $V !abdanityat" 60cd$61ab.
509
Selon PVSV! 479,30$480,8 et Vibh. 381n. 1, on a postulé jusque-là, par im-
possibilité d!expliquer autrement notre connaissance de la parole, une dispo-
sition de la faculté sensorielle auditive; par impossibilité d!expliquer autre-
ment notre connaissance d!une parole particulière, on va postuler maintenant
une disposition particulière de la faculté pour chacune. Dans son introduc-
346 Traduction

[ l ! a p p r é h e n s i o n d ! ] u n s e u l o b j e t [ , c!est-à-dire d!un seul son],


comment [expliquer alors qu!]on entende le vacarme, conglo-
m é r a t d e m u l t i p l e s s o n s ?5 1 0 [ P V I . 2 5 5 ]
PVSV 132,19
Supposons maintenant [qu!on dise] encore: les disposi-
tions [qui sont celles de la faculté sensorielle] sont ordonnées à des
sons; [or] étant donné que dans cette [hypothèse], une faculté sen-
sorielle disposée par un certain [son] n!appréhende qu!un certain
[son], nulle audition de toutes les paroles simultanément! [A cela,
nous répondons:] Si [l!on admet que nos] facultés sensorielles sont
limitées (niyama) dans [leur] audition par des dispositions particu-
lières [à chaque objet], on ne devrait pas entendre le vacarme, con-
glomérat de multiples sons. En effet, ce qu!on nomme «vacarme»
n!est pas un son unique, parce qu!on [y] entend simultanément des
[sons] de diverses natures,511 512et parce que [tout] jugement de di-
versité se fonde sur la diversité des natures propres.513 [Objection:]

tion, K cite opportunément !V !abdanityat" 125cd:: voir APPENDICE B


(PVSV" 480,8).
510
Explications. PV" P363b2/D300a4 = PVSV" 480,12: na eva sy"t | d#!yate
ca |. «[Dans cette hypothèse, cette audition] ne devrait pas avoir lieu. Or on
[la] constate.» PVV 381,11: sa$sk"rapratiniyam"d indriya$ na aneka!abda-
gr"hi sy"t |. «De par l!ordination des dispositions [qui sont les siennes], la fa-
culté [auditive] ne devrait pas [pouvoir] appréhender des sons multiples.» Sur
les sons susceptibles de composer le kalakala, voir n. suivante. Dans le débat
linguistique classique, le thème du kalakala s!inscrit dans la critique qu!op-
pose le Spho#av$din au facteur de l!unité d!agent/locuteur (kartr°/vaktreka-
tva), invoqué par Kum$rila en tant que condition (a%ga) de la compréhension
de la signification (voir !V spho&a 70"72, SS[V] 15"18, et les p'rvapak(a de
NR% 374,10"11 et !VK"&MAE 124,6"7).
511
Selon PV" P363b6/D300a6 = PVSV" 480,17"18, flûte (ve)u), tambour (m#-
da%ga), poésie (k"vya), récitation (p"&ha) et chant (g*ta). L!interprétation des
cinq termes en dvandva est suggérée par PV".
512
Introduction, PV" P363b6"7/D300a6"7 = PVSV" 480,18"19: na api bhin-
nasvabh"vagraha)e !py abhedo yata+", «[on ne peut soutenir] non plus
l!unité [du vacarme] malgré qu!on [y] appréhende [des sons de] diverses na-
tures, parce que# »
513
Dans PV" P363b7"364a2/D300a7"b2, ! montre que l!hypothèse d!une dis-
position de la faculté est incompatible avec la permanence et l!omniprésence
Traduction 347
514
L!audition simultanée [de nombreux sons dans le vacarme] est
une impression trompeuse due au débit [extrêmement] rapide [des
connaissances auditives successives515]. [Réponse:] [Mais alors,516]
de par le ramassement des parties qui [nous] font connaître la mé-
lodie d!une flûte par exemple, [notre] connaissance [de cette mélo-
die elle aussi] devrait être compacte[, et non pas présenter comme
c!est le cas un caractère successif].517 Mais on présentera une réfu-
tation sur ce point [en temps opportun].518 Donc puisque la capacité

des paroles: la faculté est disposée selon que la parole est présente (*yath!-
sa"nihita#abda?); or la parole étant toujours et partout présente, cette faculté
les entendrait toutes simultanément. Dans PVSV! 480,20"26, K discute et
réfute l!hypothèse (posée aneka#abda#rava$!nyath!nupapatty!) d!une dispo-
sition multiple (aneka): si elle est identique à la faculté, elle ne peut être mul-
tiple puisque la faculté est une; si elle en diffère, il ne sera pas établi de re-
lation (sambandha) du type: «Telle est la disposition de telle faculté».
514
Selon PV! P364a3/D300b2 et PVSV! 480,26"27, l!adversaire soutient
maintenant que l!audition des sons composant le vacarme a lieu de façon
successive (krame$a), et non pas simultanée (yugapad).
515
Selon PVSV! 480,27"28: t!ni ! #rava$ajñ!n!ni laghuv%tt&ni | tato laghu-
v%tte' k!ra$!t. PV! P364a3/D300b2"3, en revanche, commente: sgra"i "jug
pa myur ba yin pa de bas na "jug pa myur ba"i rgyu"i phyir. On comprendrait
donc: «due au débit [extrêmement] rapide [des sons successifs]». Thème ana-
logue dans TS n°2533.
516
I.e. si entendre [des sons successifs] simultanément est une impression trom-
peuse due à un débit rapide (d!après PV! P364a4/D300b3: gal te de ltar "jug
pa myur ba las cig car thos par "khrul pa de"i tshe |).
517
Deux autres exemples chez "#kyabuddhi: l!audition simultanée étant une im-
pression trompeuse due à un débit rapide, (1) on ne connaîtrait plus comme
«longues» (d&rgha), etc., les parties (vocalliques?) longues et protractées
(*atid&rgha $ pluta?); (2) on ne comprendrait pas séquentiellement des mots
(pada) et phrases (v!kya) prononcés très rapidement (PV! P364a6"
8/D300b4"5, avec cette conséquence implicite qu!on ne pourrait plus diffé-
rencier entre eux les mots et les phrases).
518
Référence: PV III.493cd et suivantes selon PVSV! 481,13"14. Selon PV!
P364a8/D300b5"6, dans la section de PV III traitant de l!occurrence simulta-
née des connaissances (PV III.485"503ab?). Selon la conclusion de PV!
P364a8"b1/D300b6, entendre simultanément divers sons dans un vacarme
n!est donc pas une impression trompeuse due au débit rapide: c!est bien une
348 Traduction

de la faculté sensorielle est [selon vous] ordonnée à la saisie d!un


seul [son],519 "on ne devrait pas entendre# le vacarme, qui consiste
en de multiples [sons]!520
[Objection:] Dans le [vacarme], ce ne sont que des résonances
[brutes] qu!on entend, non point des [paroles] expressives. [PV
I.256ab]
PVSV 133,1
Dans le vacarme, on n!entend assurément pas de phonè-
mes, mots et phrases [expressifs], puisque ce ne sont que de pures
résonances [inexpressives] qu!on [y] entend.521 522Or [ce que nous
soutenons, c!est que] la faculté sensorielle voit sa capacité ordon-
née à la [seule parole] expressive, non aux résonances [brutes inex-
pressives]. Dans ce cas [nous répondons:]
Qu!il existe une [nature verbale expressive] distincte des réso-
nances [brutes que l! o n e n t e n d ] , v o i l à q u i f a i t v r a i m e n t b e a u -
coup à croire!523 [PV I.256cd]

multiplicité de sons qu!on y entend simultanément.


519
PVSV 132,27 (ekagati!aktipratiniyam"d indriyasya) est susceptible de plu-
sieurs interprétations. Je fonde ma lecture sur PVSV 133,2 et 133,20$21.
520
Selon PV! P364b2$3/D300b7$301a1, la faculté n!étant pas ordonnée à n!ap-
préhender qu!un seul son, la faute dénoncée plus haut subsiste, qu!une facul-
té disposée saisira tous les sons simultanément. Selon PVSV! 481,16$18, il
n!y a donc pas disposition de la faculté sensorielle, mais production des sons
par les organes phonatoires; on entend autant de sons qu!il en est produit, et
donc on appréhende bel et bien le vacarme.
521
Il faut relever que la position de cet adversaire ne représente pas la concep-
tion spho#av"din, du moins celle qui s!exprime dans SSV 87,4$5 sous SS 15:
na ca dhvanim"tra!rava$a% tatra, var$apadav"kyaparicched"n"m api ke-
&"%cid buddh"v up"roh"d iti |. Le var$av"din V"caspatimi#ra ne l!admet pas
non plus (TB 70,1; voir BIARDEAU 1956: 27).
522
Introduction, PV! P364b5/D301a2 $ PVSV! 481,21: ekagati!aktipratiniya-
me dhvan'n"m api katha% yugapac chrava$am iti cet |. «[Objection:] Si la ca-
pacité est ordonnée à la saisie d!un seul [son], comment [expliquer que] l!on
entende quand même simultanément les résonances [brutes]?»
523
Explications. (1) PV! P364b8/D301a3$4 $ PVSV! 481,25: etatsatt"gr"ha-
kapram"$"bh"v"t, «faute de moyen de connaissance valide pour en appré-
hender/prouverPV! l!existence.» (2) PVV 381,17: !raddh"va!"d yady etad
Traduction 349
PVSV 133,5
Quant à nous en effet, nous n!observons pas [d!un côté]
une résonance [brute inexpressive], et [de l!autre] une parole ex-
pressive de nature séparée [de la première]; [bien plutôt,] en enten-
dant une fois une série de phonèmes, c!est une seule entité verbale
que nous constatons[, caractérisée comme une simple série de pho-
nèmes]. [Or] sans constater [d!entité verbale indépendante des ré-
sonances brutes], comment donc introduirons-nous une expression
qui [en] présuppose la constatation [préalable]?524 C!est donc cette
seule résonance particulière525 qu!on appelle «phonème», etc.
PVSV 133,9
De plus:
526
Lorsque [tous] les autres sons [du vacarme] ont cessé [en rai-
son du silence observé par la plupart des phonateurs], comment
[ s e f a i t - i l q u ! ] o n e n t e n d e [ , d e l a seule personne ayant continué
d!articuler, ] une [parole] express ive? [PV I.257ab]
PVSV 133,11
Une résonance "de nature distincte# de la [parole expressi-
ve] ne [s!entend] ni avec cette [dernière], ni séparément [d!elle].527

a!g"kriyate na tu pram#$abal#t |. «Si l!on s!y range par la foi plutôt qu!en
vertu d!un moyen de connaissance valide.»
524
Une expression immotivée (anibandhana) telle que celle de PV I.256c, à sa-
voir: «Il existe une nature [verbale] indépendante des résonances [brutes]»
(*dhvanibhyo bhinna% &abdar'pam asti iti, voir PV! P365a4/D301a6 et
comparer PVSV! 481,30$482,6).
525
Explication, PV! P365a4$5/D301a6$7: sgra tsam gyi khyad par ñid yi ge a
la sogs pa!i !o bo!i go rim gyi khyad par gyis gnas pa, «la seule résonance
particulière située (sthitaPVSV!) dans une série particulière sous forme de sons
tels que "a% (ak#r#dir'pe$aPVSV!).»
526
Introductions, PV! P365a6$7/D301a8$b1, PVSV! 482,9 et PVV 381,20$21,
de même teneur: si, dans le vacarme, on n!entend que des résonances inex-
pressives, et non des paroles expressives, alors&
527
Explication, PV! P365b1$3/D301b2$3: gal te rjod par byed pa las sgra tsam
g(an yin par !gyur na | de ya! de!i tshe thos par !gyur ro || gcig brjod pa na
sgra tsam ñid yod pa ma yin no (es brjod par mi nus te | ma! po dag smra ba
la ya! de med par thal bar !gyur ba!i phyir ro || de bas na ji ltar gcig smra
bar byed pa na sgra tha dad pa med par thos pa de ltar ma! po dag la yin no
de bas na rjod par byed pa!i sgra las sgra tsam g(an ma yin no ||. «Si la réso-
nance était autre que la [parole] expressive, alors on l!entendrait également.
350 Traduction
528
Or (hi) s!agissant d!un objet [directement] perceptible, l!ensei-
gnement d!autrui ne pèse pas plus [que la perception].529 Donc
n!entendant que simple parole [expressive] lorsque les autres pho-
nateurs ont cessé [d!articuler et qu!un seul continue de le faire],
l![auditeur] sait que les conditions530 [présidant] à la perception de
cette [parole] ne peuvent donner lieu à autre [chose] que la [parole
qu!il entend], car si elles [en] étaient capables[, elles lui donne-
raient lieu, et] l!on percevrait la [résonance] qu!elles auraient pro-
duite. 531Mais [ces] conditions, dont c!est la nature propre de [géné-

[Et] l!on ne peut affirmer que lorsqu!une seule [personne] articule, c!est la
résonance qui n!existe pas, car il s!ensuivrait que la [résonance] n!existerait
pas non plus lorsque plusieurs [personnes] articulent. Par conséquent, de mê-
me qu!on entend que la parole n!est pas distincte lorsqu!une seule [personne]
articule, de même en va-t-il [également] de plusieurs [personnes qui articu-
lent]. Donc la résonance n!est pas autre que la parole expressive.»
528
Introduction, PV! P365b3/D301b3"4: gal te gcig smra bar byed pa na ya!
rjod par byed pa las tha dad par sgra tsam !es par gzu! ba ñid yin no "e na |.
«[Objection:] Même quand une seule personne articule, on détermine (*ava-
dh#ra$a?) bien la résonance comme distincte de la [parole] expressive.»
L!adversaire paraît vouloir inférer une différence entre dhvani et v#caka dans
le vacarme à partir de la différence censément perçue lorsqu!un seul pho-
nateur articule.
529
Explication, PVSV! 482,14"15: yena svaya% vivekena a&'$vann api tvadva-
canam#tr#d dhvane( &rava$a% vyatiriktasya pratipadyate |. «De sorte que,
sans pourtant [l!]entendre soi-même comme distincte, on apprenne de ta seu-
le parole que l!on entend une résonance indépendante [de la parole expressi-
ve].» PV! P365b4"5/D301b4"5, sinon presque identique, ajoute: de ltar ma!
po dag la ya!, «[et] de même également de multiples [phonateurs]».
530
Selon PV! P365b6/D301b5"6 et PVSV! 482,17, les conditions relevant du
phonateur, telles que la bonne qualité des organes phonatoires (kara$a-
s#[d]gu$ya? PVSV! °s#!gulya, PV! byed pa yon tan).
531
Introductions. PV! P365b8"366a2/D301b7"302a1: ji ltar smra ba po gcig gi
sgra!i dmigs pa!i rkyen dag gis sgra tsam tha dad pa sgrub pa la nus pa med
pa de ltar ma! po dag la ya! !o || de bas na sgra smra ba po dag gi rjod par
byed pa dag las ca co!i sgra tsam tha dad pa yod pa ma yin pa de ñid bstan
par bya ba!i phyir. «De même que les conditions de perception de la parole
[qui sont propres] à un seul locuteur sont incapables de donner lieu à une
résonance indépendante, de même [en va-t-il] également de [celles de] mul-
tiples [locuteurs]; donc il n!y a pas dans le vacarme de résonance indépen-
Traduction 351

rer une parole franche de résonances], comment engendreraient-


elles !autre chose" [que leur seul effet propre] en [situation de] va-
carme? Car il est injustifié que l#effet diffère sans que la cause dif-
fère, puisqu#il s#ensuivrait qu#une [telle] différence [d#effet, indé-
pendante d#une différence de cause,] serait dénuée de cause: [cela,
nous l#avons déjà] dit.532 On n#est de plus pas sans entendre de [pa-
role] expressive dans le vacarme, puisqu#on [y] observe des bribes
de mots et de phrases.
Ou comment saisirait-on les différentes résonances [composant
l e v a c a r m e ] , p u i s q u e l a c a p a c i t é [ d e l a f a c u lté aud i tiv e] est or-
donnée [à n#en saisir qu#une seule]? [PV I.257cd]
PVSV 133,21
Quoique leurs capacités soient ordonnées [à n#en saisir
qu#une seule], ces facultés sensorielles entendent [simultanément]
les multiples résonances ordonnées à chaque parole [à titre de révé-
latrices], !mais [n#entendent] pas [simultanément] les paroles elles-

dante de la parole expressive des locuteurs. Afin de le montrer, [Dharmak!rti


dit ce qui suit].» PVSV" 482,22: atha sy!t | kalakale te dhvany!rambhak! iti.
«Soit maintenant [l#objection qui voici]: dans le vacarme, ces [conditions]
engendrent des résonances[, et non la parole expressive].»
532
Référence: PVSV sous PV I.34$35 (MOOKERJEE/NAGASAKI 1964: 83$86)
selon GNOLI 1960: 193. Conclusion, PVSV" 482,27: tasm!t kalakale v!cak!
eva "r#yante na dhvanaya$ |. «Par conséquent, dans le vacarme, on n#entend
que des [paroles] expressives, non des résonances.» Développement, PVSV"
482,28$483,12: nanu yadi kalakale v!cak! eva santi ity abhyupagamyate |
katha% tarhi d#ravartin!% dhvanim!tra"rava&a% sam'pavartin!% v!cak!-
n!% dhvan'n!% [ca?] "rava&am iti | satyam | ya eva v!cak!$ prayatn!bhi-
ni(pann!s ta eva parasparasa%har(e&a dhvany!rambhak!$ | tena kalakale
ke(!%cid dhvanim!trasya prat'tir anye(!m ubhayaprat'tir ity ado(a$ |. «[Ob-
jection:] Si l#on admet que dans le vacarme, il n#y a que des [paroles] expres-
sives, comment [se fait-il] alors que les [personnes] situées à distance en-
tendent des résonances seulement, [alors que] les [personnes] situées à proxi-
mité entendent des résonances et? des [paroles] expressives? [Réponse:] Cer-
tes, [mais] ce sont les [sons] mêmes qui, produits par l#effort [articulatoire
comme] expressifs, engendrent les résonances par collision mutuelle. Puis-
que, donc, certains n#ont connaissance, dans le vacarme, que de résonances
[alors que] d#autres ont connaissance des deux[, paroles expressives et? réso-
nances], il n#y a pas [là] faute [de notre part].»
352 Traduction

mêmes!; quelle est donc leur aversion pour les paroles [expressi-
ves]?
PVSV 134,1 533
[Objection:] Lorsque [vous autres bouddhistes] affirmez
que des résonances ne sont pas établies comme [étant] distinctes
des [phonèmes, mots et phrases] expressifs, en quoi [donc] ne sont-
elles pas établies, puisqu"on [ne] connaît la signification [qu"]à
partir d"une expression? En effet, #on ne comprend pas la significa-
tion! à partir d"une infime partie de résonance [révélatrice d"un
phonème],534 et cette [infime partie, puisqu"elle est instantanée,]
n"en rencontre [jamais] d"autre [née ultérieurement]. Devant son
existence (s!dhya) à un [facteur expressif] où les natures de mot ou
de phrase sont complètes, [notre] compréhension de la signification
ne tient (sambhavati) donc pas aux résonances, dont les parties
sont incomplètes;535 sont donc536 établies une nature verbale dont
l"existence est dénuée de succession, et [séparée d"elle,] une réso-
nance dont les parties sont dotées de succession. [Réponse:] Tel

533
Dans PVSV 134,1$25, Dharmak!rti parachève sa polémique contre le spho"a.
Dans PVSV 134,1$6, l"adversaire spho"av!din prend prétexte de PVSV
132,29$134,1 pour réaffirmer sa position, et défendre l"hétérogénéité entre
facteur linguistique expressif (v!caka, i.e. spho"a) et matériau phonique brut
(dhvani). Sur les sources de l"argumentaire déployé dans PVSV 134,1$6,
voir pp. 167$172, et ELTSCHINGER 2001b: 273$276; sur cet argumentaire,
voir aussi n. 405, p. 320.
534
Explication, PV" P366b8$367a1/D302b4 # PVSV" 483,24: var#o !py ekas
t!vat pr!ye#a anarthaka$ | pr!g eva vyañjako "lp%y!n dhvanibh!ga$ |. «Un
seul phonème est en règle générale déjà dénué de signification; qui plus est
l"infime partie de résonance qui [le] révèle!» Dans cet argumentaire spho"a-
v!din type, la résonance est séquentielle, car dotée de parties et instantanée
(PV" P366b6$7/D302b3).
535
Explication, PV" P367a4$5/D302b6: sgra tsam gyi cha skye &i' "byu' ba
skad cig ma gñis pa la gnas pa med pa!i phyir |. «Puisque aucune des parties
de résonance nées successivement ne subsiste au moment suivant» (ou, selon
PVSV" 483,28$29, lorsque la partie suivante se produit).
536
Interprétations de iti: a) valeur causale selon PVSVt et PV" P367a5/D302b7;
b) valeur de «ainsi» selon PVSV" 483,29$30, qui explique: evam arthaprati-
pattyanyath!nupapatty! |. «Ainsi, par inconsistance, autrement, de [notre]
connaissance de la signification.»
Traduction 353

n!est pas le cas, car [nous avons déjà] rejeté plus haut537 une [paro-
le] sans succession [censément] indépendante des [phonèmes] do-
tés de succession. [Il y a] en outre une conséquence absurde [à pen-
ser] ainsi [que vous le faites]538: [c!est ainsi que,] puisque les par-
ties antérieure et postérieure d!un acte539 n!entrent pas en con-
nexion [l!une avec l!autre], et qu![on ne tire] pas connaissance [de
sa signification à partir] d!une seule partie [de cet acte], il faudrait
"également# admettre, tout comme [on postule] une parole [expres-
sive indépendante des résonances, qu!]une "entité-acte complète#
(samastar!pa), indépendante des [parties de l!acte], cause [notre]
connaissance de la signification des signes de la main, etc.540 [Sur

537
Référence: PVSV 127,3$5sq selon PV! P367b1/D303a2$3 = PVSV! 484,8$
9. Que la parole dont il est ici question soit sans succession me paraît suggé-
rer plutôt un renvoi à PVSV 128,21sq; on peut mentionner aussi PVSV
119,18$29.
538
Explication, PV! P367b2/D303a3 " PVSV! 484,11: yadi ca asamastabh"-
ge#u dhvani#v arthaprat$ter asambhav"d akramasattva% &abdar!pa% kalpya-
te |. «Et si, puisque [notre] compréhension de la signification ne tient pas à
des résonances aux parties incomplètes, on postule [comme vous le faites]
une nature verbale dont l!existence est dénuée de succession.»
539
Selon PV! P367b3$5/D303a4$5 " PVSV! 484,12$15, par «acte», il faut par
exemple entendre un geste de la main notifiant, selon la convention fixée,
une signification telle que départ ou arrivée (gaman"gaman"di), ou (selon
PV! P367b5$6/D303a5$6 et PVSV! 484,16$17) un hochement de tête (&i-
ra'kamp") marquant la (dés)approbation.
540
Explication, PV! P367b8/D303a7: de ltar na ji ltar las kyi cha dag las bzlog
pa!i las kyi bdag ñid med pa de ltar sgra tsam gyi cha dag la ya( sgra!i bdag
ñid tha dad pa yod pa ma yin no ||. «Ainsi, de même qu!il n!est pas d!entité-
acte indépendante des parties de l!acte, de même n!y a-t-il pas non plus, dans
le cas des parties de résonance, d!entité verbale [qui soit] distincte [de ces
parties].» Comparer PVSV! 484,28$29. Dans PVSV! 484,19$29, K cite et
critique SSV 104,11$12 (sous SS 33, voir APPENDICE B [PVSV! 484,19$
21]), où Ma#$ana critique la conséquence absurde dénoncée par Dharmak%rti
dans PVSV 134,7$11. Ce que Dharmak%rti traite en conséquence absurde (et
que Ma#$ana Mi&ra accepte sur la base d!un argument d!autorité) n!est autre
que la position développée dans VPV 54,3$55,3 sous VP I.23 (voir BIAR-
DEAU 1964b: 53$57 pour une traduction, et ELTSCHINGER 2001b: 276$278
pour une discussion); sur l!irréalité de utk#epa)as"m"nya, voir PV III.6
354 Traduction

ce point cependant, voilà ce qui est] correct: advenant de façon


strictement successive [et] différant par le fonctionnement de cha-
cun de leurs organes [respectifs], les parties de phonème ou les
parties d!acte génèrent, selon la seule convention, [notre] compré-
hension de la signification [une fois devenues,] de façon successi-
ve, les objets de concepts [qui obéissent à l!ordre de l!expérience
directe].
PVSV 134,13 541
En outre:
Quelles que soient les fautes gr âce auxquelles [notre adversai-
re] tient les résonances pour inexpressives,542 comment [se fait-
il que] ces [fautes] n!affectent pas aussi la [parole] expressive
[lorsque] celle-ci est révélée par [ces] résonances [successi-
ves]?543 [PV I.258]

(ELTSCHINGER 2001b: 279"280).


541
Selon PVSV! 485,11, Dharmak"rti va dénoncer ici une autre faute (do!"-
ntara) dans l!argumentaire spho#av"din; selon PV! P368b5/D303b3"4, ce
qui suit se dit dans l!hypothèse où l!on admettrait quand même une entité
verbale indépendante des résonances (dhvanivyatirikta$ %abd"tm"). Sur ce
nouvel argument anti-Spho#av$din, voir ELTSCHINGER 2001b: 280"282. Le
problème ici soulevé par Dharmak"rti l!avait déjà été par Vasubandhu (pour
partie, AKBh 81,11"16 sous AK II.47ab [LA VALLEE POUSSIN 1980: I.240"
241, et AKVy 184,1"10]) et par Kum$rila (%V spho#a 91, si l!on en croit
Umbeka [%VT!&MAE 53,2"8] et Sucarita [%VK!&MAE 133,7sq]; voir aussi SDS
301,2"8 [COWELL/GOUGH 1986: 296]). Au témoignage de VPV 148,6"149,2
sous VP I.84, un problème voisin aurait déjé été envisagé dans le Sa&hit"s'-
trabh"!yavivara(a (= MBhD sous P$'. I.iv.109?).
542
Selon PV! P368a6"7/D303b4, il s!agit ici des M"m$(saka; selon PVSV!
485,12"13 et Vibh. 382n. 3, il s!agit ici, entre autres ("di), des Grammairiens
(vaiy"kara(a); par «entre autres», on peut entendre des Vaibh$)ika et des
épigones du YBh. Les fautes ici visées sont celles qu!a stigmatisées le Spho-
#av$din dans PVSV 134,1"6, et surtout 134,2"3: impossibilité d!une associa-
tion des parties instantanées, et inexpressivité de chacune d!elles (PV!
P368a6/D303b4 * PVSV! 485,11"12, Vibh. 382n. 3; voir aussi PVV
382,12"15, et n. 533, p. 352).
543
Dans un développement autonome (PVSV! 485,15"25), K cite et critique SS
29: voir APPENDICE B (PVSV! 485,19"20). SS 29 est censée appuyer l!utile
p'rvapak!a (inspiré de textes tels que ceux que cite K dans PVSV! 468,9"10
Traduction 355
PVSV 134,16
L![entité verbale] expressive [et dénuée de succession] ex-
prime paraît-il [la signification quand elle est] révélée par des par-
ties de résonance qui se produisent de façon successive[, et non par
sa seule présence]. [Or] ces [parties de résonance] ne révèlent pas
l![entité verbale] en une fois, puisqu!elles comportent une succes-
sion, pas plus [d!ailleurs] qu!une seule partie [de résonance] ne ré-
vèle la parole, puisqu!il s!ensuivrait que [toute partie de résonance]
autre que celle-ci serait inutile, et puisqu!on n!observe pas de natu-
re [expressive] complète au moment où [ne s!est produite qu!]une
seule partie de phonème.544 Donc comme [il en va selon vous de] la

et 469,16"21 [voir APPENDICE B]) que voici (PVSV! 485,15"18): nanu


dhvanaya! pratyeka" samudit# v# p$rvoktena ny#yena na arthasya pratip#-
dak#! | v#cakasya tu te pratyekam abhivyañjak# i%yante | ekena dhvanin#
abhivyaktasya v#cakasya anavadh&tatv#d any#nyair abhivyaktasya sa"sk#-
r#dh#nat#ratamyaprabodhena avadh#ra'am iti dhvanibhir vyajyam#ne v#-
cake !pi kutas te do%# iti |. «[Objection:] De la façon qu!on a dite plus haut,
les résonances ne notifient la signification ni une à une, ni ensemble, mais on
admet qu!une à une, elles révèlent la [parole] expressive. [Et] puisque [cette
parole] expressive n!est pas déterminée [lorsqu!elle n!a été] manifestée [que]
par une résonance, [sa] détermination [est effective une fois qu!elle a été]
manifestée par toutes les autres [résonances, et ce] par la conscience [que
nous en prenons] grâce à l!impression graduelle des dispositions [par ces ré-
sonances]; d!où [vient-il] donc que ces fautes-là affectent également la [pa-
role] expressive révélée par les résonances?»
544
Explication, PV! P368b4"7/D304a1"3: de bas na sgra tsam gyi cha go rim
b(in du yod pa can dag gis sgra m)on par gsal ba ya) go rim b(in du yin no ||
de"i sgra ltar sgra tsam gyi cha gsal bar byed pa s)a ma da) phyi ma "brel pa
med pa can de ltar sgra"i cha gsal ba ya) yin no || "di ltar ga) gi tshe phyi ma
phyi ma gsal ba ya) yin te | "di ltar de"i tshe [P, D ga) gi tshe] tshogs pa med
pa"i phyir ro || ci ste gsal byed "gags su zin kya) gsal ba ga) yin pa de gsal ba
ñid du yod par "gyur ro || de"i tshe gsal byed gcig tu zin kya) cig car gsal ba
ma "gags pa"i phyir rtag tu thos par "gyur ro ||. «Par conséquent, les parties
de résonance advenant de façon successive manifestent également la parole
de façon successive. De même que les parties de résonance révélatrices [de la
parole] sont disjointes les unes des autres, de même les parties révélées de
parole [le] sont-elles aussi. Ainsi [en ira-t-il] également lors des révélations
successives suivantes, parce que de même il n!y aura pas alors davantage de
complétion. Si maintenant, bien que les [parties] révélatrices soient détruites,
[on admet que] ce qu!elles ont révélé existe [néanmoins] en tant [précisé-
356 Traduction

résonance,545 comment cette [entité verbale] dont la perception en-


tière n!est [jamais] réunie pourrait-elle réaliser un résultat546 que
[seule] la comprésence de la totalité des perceptions peut réaliser?
En cas de non-perception absolue, quelle différence [y a-t-il] en ef-
fet entre [quelque chose d!]existant et [quelque chose d!]inexistant
eu égard à des résultats que [seule] peut réaliser la perception?547 Et
[cette entité verbale indépendante de la perception] ne permet (s!-
dhana) pas [la compréhension de la signification] par [sa] seule
présence,548 car elle dépend d!une révélation. Or étant donné que
cette [révélation, en tant qu!elle] advient de façon successive, est

ment] que révélé, alors, bien que les [parties] révélatrices soient détruites, on
devrait percevoir [ce qu!elles ont révélé] en permanence puisque ce qu!elles
ont révélé n!est pas détruit en même temps [qu!elles].»
545
Explication, PV! P369a3"4/D304a6 " PVSV! 486,16"17: yath! dhvanibh!-
g!s tvanmatena p"rv!pare#a apratisandh!n!d artha$ na prak!%ayeyus tad-
vat |. «Comme les parties de résonance ne peuvent, selon votre position, ré-
véler la signification puisqu!elles n!entrent pas en connexion l!une avec
l!autre.»
546
Explication, PV! P369a2"3/D304a5 " PVSV! 486,15: artha$ sv!bhidheya-
prak!%analak&a#am, «résultat consistant dans la révélation de son propre si-
gnifié.»
547
Explication, PV! P369a6"7/D304a7"b1 " PVSV! 486,19"21: yath! hi k&a-
#ik! dhvanibh!g! uttarottarabh!g!vasth!y!m asattv!d asamastopalambhan!
na samarth!s tath! eva akramo !pi %abd!tm! sann apy asv'k(tasamastopa-
lambhano na samartha eva iti |. «Les parties de résonance instantanées, qu!on
ne perçoit pas au complet puisqu!elles n!existent pas en condition de parties
successives, n![en] sont pas capables; de même l!entité verbale non succes-
sive, bien qu!elle existe, n![en] est-elle pas non plus capable, elle qui ne fait
pas sienne une perception complète.» On notera que pour le Spho#av$din, les
résonances brutes périssent sitôt nées (VPV 136,3"6 sous VP I.73 et YBh
208,7"8), et sont réputées asat par Bhart%hari (VP I.87, mais voir BIARDEAU
1964a: 376"378).
548
Explication, PV! P369a8/D304b2: yod pa tsam ga) gis rtogs par "gyur,
«seule présence en vertu de laquelle on connaîtrait [cette entité verbale].» La
comprésence de la totalité des perceptions n!étant jamais réalisée, l!entité
verbale n!est pas perçue; l!adversaire soutient donc que la seule présence de
cette entité suffit à engendrer l!effet qu!est la compréhension de la significa-
tion.
Traduction 357

d!une utilité identique à l![entité verbale] existante et à la [partie de


résonance] inexistante, l!effet [qu!est la compréhension de la signi-
fication] est irréalisable aux résonances, de même [qu!il l!est]
également à cette [entité verbale révélée par les résonances]: assez
donc d!une [parole conçue comme] autre [que les résonances]! Par
conséquent, l!incréation ne [vaut] ni des phonèmes, ni de
l!énoncé.549
[Objection:] L!énoncé [n!est pas indépendant des phonèmes,
mais consiste en] un ordre de succession [particulier] de pho-
nèmes[, lequel est incréé]. [Réponse:] Non, car les phonèmes
ne se dis tinguent pa s [de l!ordre de succession]. [P V I.259ab]
PVSV 135,1
[Objection:] Un énoncé [consistant dans] une nature ver-
bale [qui serait] chose strictement différente [des phonèmes] n!est
pas incréé, car selon nous [M!m"#saka550], l!énoncé se définit bien
plutôt comme une série [déterminée] de phonèmes, [et c!est là] ce
qui peut être prouvé [comme étant] incréé. [Réponse:] Non, car les
phonèmes ne se distinguent pas de l!ordre de succession. Cet [or-
dre de succession] n!est pas chose différente des phonèmes, parce
que perceptible, on [le] percevrait distinctement [des phonèmes],551

549
Telle est la conclusion (PV$ P369b4/D304b4 = PVSV$ 486,27) de la discus-
sion entamée avec PVSV 126,16, où v!kya = var"avyatirikta# pad!di. Con-
clusion toute provisoire pourtant, car Dharmak!rti n!en a pas fini avec la cri-
tique d!un énoncé incréé: après le rejet d!un énoncé transphonétique, il en-
treprend ci-après (PPVSV 134,26"141,14) de réfuter le var"av!da de la M!-
m"#s", selon quoi v!kya = var"!nup$rv% (sur cette section, voir chapitre 6).
Dans PVSV 134,26"141,7, Dharmak!rti examine l!hypothèse générale selon
laquelle l!ordre de succession n!est pas chose différente des phonèmes; dans
PVSV 134,26"136,9, il traite d!abord de la sous-hypothèse selon laquelle
l!ordre de succession serait celui des phonèmes comme entités ou natures
(var"asvar$pa).
550
Selon PVSV$ 487,11.
551
Or on ne le perçoit pas: il s!agit là de non-perception de la nature propre
(svabh!v!nupalabdhi, PV$ P369b8/D304b6 % PVSV$ 487,14"15; voir KAJI-
YAMA 1966: 81 [§13.5.1]), i.e. de la chose même, non-perception simple in-
hérente à tous les types classifiés; or selon PVSV 5,22"23 et PVin II.61,11"
12/14*,3"4, cette non-perception n!est autre que l!inexistence (asatt! eva)
358 Traduction

qu!imperceptible, "on ne connaîtrait pas [la signification] à partir


de lui, et [enfin] parce qu!il n!y a pas d!indice# [inférentiel établis-
sant que cet ordre de succession est chose différente des phonè-
mes]. Or étant donné qu!à défaut d!un ordre de succession distinct,
il ne reste que les seuls phonèmes en tout [énoncé, ordinaire et vé-
dique], la conséquence inacceptable [consistant en l!incréation de
n!importe quel énoncé suivra,] comme auparavant.552
553
Et la fixité (vyavasth!na) des [phonèmes dans un ordre de
succession déterminé] n!es t pas [possible], car un ordre de suc-
cession différent [de celui qui seul leur est intrinsèque leur] se-
rait incompatible. [PV I.259cd]
PVSV 135,8
Si l!ordre de succession des phonèmes est inconditionné et
que les [phonèmes] de même type ne sont pas multiples (en sorte
que certains[, védiques,] auraient un ordre de succession fixe [alors
que] d!autres[, ordinaires,] seraient permutables à volonté), mais
[s!il n!est au contraire] qu!un seul son «a» de même qu![un seul]

elle-même (voir STEINKELLNER 1979: 55).


552
Référence: PVSV 126,22$23 selon PV! P370a3$4/D305a1$2 " PVSV!
487,18$19. Selon PVV 382,20$383,2, un ordre de succession distinct n!étant
pas objet de notre connaissance (prat"tivi#aya), l!énoncé se résoudra aux
seuls phonèmes; or ceux-ci ne différant pas entre énoncés védiques et ordi-
naires, tout énoncé sera moyen de connaissance valide (sarvatra pr!m!-
$yam), ou aucun ne le sera. Pour le traitement de l!hypothèse selon laquelle
l!ordre de succession serait chose différente des phonèmes, voir PVSV
141,7$11.
553
Introductions. (1) PV! P370a4/D305a2: yi ge!i go rim skyes bus ma byas pa
ñid du rigs pa ya% ma yin no || ci!i phyir &e na |. «Il est également injustifié
qu!un ordre de succession de phonèmes soit incréé. $ Pourquoi cela?» (2)
PVSV! 487,20$26, qui cite (ll. 21$26) #V 'abdanityat! 286cd$289ab (voir
APPENDICE B et nn. 17$18, p. 188), au sens de quoi l!ordre de succession
n!est qu!une propriété (dharmam!tra) des phonèmes, non chose différente
d!eux; cet ordre de succession sans commencement s!apprend par mimétisme
de génération en génération (p(rvap(rvav)ddhadar'an!y!ta), et donc est
incréé. (3) Selon l!objection introductive de PVV 383,2$3, l!énoncé consiste
dans les seuls phonèmes en un ordre de succession particulier (vi'e#!nup(r-
vika).
Traduction 359

son «g» dans le triple monde,554 alors «agni» seul serait [possible],
non «gagana», car la séquence des deux sons «a» et «g» est fixe.555
[C!est qu!]à l!exemple de [choses] telles que le germe, la pousse et
la feuille, ou (ca) de [choses] telles que saisons et années,556 il est
déjà impossible d!inverser l!ordre de succession des [entités] con-
ditionnées, lesquelles sont déterminées (niyamavat) par le dévelop-
pement de [leur] cause;557 à plus forte raison [le sera-t-il] de [pho-
nèmes] inconditionnés demeurant figés de quelque manière,558 in-
tangibles dans leur condition [au sein d!une séquence] et dans leur

554
PVSV! 488,11"12 illustre cette position en citant une k. non identifiée (<
B!?): voir APPENDICE B. Sur l!unicité et l!omniprésence des phonèmes chez
Kum"rila, voir pp. 182"189.
555
Explication, PV! P370b2"3/D305a6 = PVSV! 488,14"16: ak!ro gak!r!t
p"rvam eva ak!r!d gak!ra# pare$a eva vyavasthita ity artha# | gaganam ity
atra gak!r!t pare$a ak!ra# sy!d iti kram!ntara% na sy!t |. «Le son #a! est
fixe [en tant que situé] avant le son #g!, [alors que] le son #g! est fixe [en tant
que situé] après le son #a!: [tel est] le sens [visé par Dharmak$rti]. Dans le
[mot] #gagana!, le son #a! suivrait le son #g!; ainsi donc [cet] autre ordre de
succession ne serait-il pas [possible].» Pour une utilisation analogue de vya-
vasthita au sens de «fixité (dans une séquence)», voir TV sous M$S% I.iii.2/
II.76,7.
556
PVSV! 488,23"24 illustre sa%vatsara par &aukrab!rhaspaty!di (où &aukra
m!échappe; PV! P370b8/D305b2 n!a qu!un mot, byi gla', non attesté; sur
les années du cycle jovien, voir RENOU/FILLIOZAT 1985: II.725"727). Par
«etc.», il faut encore entendre les planètes (graha = gza!) et les constellations
(nak(atra = rgyu skar), selon PV! P371a1/D305b3 = PVSV! 488,24.
557
Par «développement de [leur] cause» (hetupari$!ma), il faut entendre les
phases (ou: états, conditions) successives du complexe (PVSV! 488,19"20
explique pari$!ma par uttarottar!vasth!pratilambha), qui selon PVSV
98,26"99,1 = PVin II.77,13"78,1/27*,20 (voir STEINKELLNER 1979: 87) ont
la production de cette entité pour but (p"rva# pari$!mas tadartha eva |), et
qui en déterminent exhaustivement la localisation, le moment et le mode
d!être. Voir aussi HB 9*,9 (traduction dans STEINKELLNER 1967: 45) et
STEINKELLNER 1967: 137"138 pour le modèle de causalité impliqué (deuxiè-
me schéma).
558
Explication, PV! P371a1"2/D305b4 & PVSV! 488,26: katha%cid vyavasthi-
t!n!m | viniyatena krame$a |. «Figés de quelque manière, [c!est-à-dire] dans
un ordre de succession [fixement] déterminé.»
360 Traduction

nature propre, parce que [ceux-ci] ne sauraient changer [d!ordre de


succession] sans abandonner [leur] condition antérieure, ou que
leur destruction s!ensuivrait si [l!on admettait qu!ils l!]abandon-
nent. [Et impossible, l!inversion le sera tout] particulièrement si
l!ordre de succession est permanent!559 "[Que leur ordre de succes-
sion diffère,] voilà qui# serait [pourtant possible] si, soit en raison
de la production de nouveaux [phonèmes à chaque mot], soit en
raison de la multiplicité des phonèmes [du même type], les phonè-
mes différaient à chaque mot. Or cela[, le M!m"#saka] ne [le]
reconnaît pas.560 De plus,
il n!est de succession [phonétique] ni selon l!espace, ni selon le
temps, puisque [notre adversaire] professe et l!omniprésence et
la permanence [des phonèmes]. 5 6 1 [ P V I . 2 6 0 a b ]
PVSV 135,21
C!est que cet ordre de succession des phonèmes pourrait
être soit le fait de l!espace, à l!exemple de [celui qu!on observe
dans une] file de fourmis, soit le fait du temps, à l!exemple de [ce-
lui de choses] telles que le germe et la pousse. [Or] aucune de ces
deux sortes d![ordre de succession] ne vaut des phonèmes, en rai-
son de l!omniprésence et de la permanence [qu!on leur prête]. En
effet, une séquence spatiale [se définit par] l!occurrence [d!entités]
par exclusion mutuelle de l!espace; PVSV 136,1 [mais] puisque tout
[phonème] occupe le même espace que tout [autre], ce [type de sé-

559
Comparer PV I.306 et PVSV 161,14$20, traduits en introduction, n. 64, p.
208.
560
«Cela», c!est-à-dire aucune des deux hypothèses (PV$ P371a8/D305b7 =
PVSV$ 489,14), «car les phonèmes sont uns et permanents pour les M!m"#-
saka» (PVSV$ 489,14$15: m!m"#sak"n"m ekatv"n nityatv"d var$"n"m).
Ces deux hypothèses sont celles que retient Dharmak!rti dans PV I.305 et
PVSV 161,9$11 (traduits n. 61, p. 207).
561
PVSV$ 489, 17$19 illustre la position en citant une k. non identifiée (<
B$?): voir APPENDICE B. Dans %V %abdanityat" 279ab, un Spho&av"din
adresse déjà la même critique à Kum"rila: var$"& sarvagatatv"d vo na svata&
kramav'ttaya& |. «Les phonèmes, puisqu!ils sont selon vous omniprésents [et
permanents], n!existent pas eux-mêmes en série.» Voir aussi NR' 566,22$
23 ad loc. (de%ata& k"lato v" kramo bhavati | na ca sarvagat"n"# nity"n"#
ca svata& sa sambhavati |).
Traduction 361

quence] ne vaut pas des phonèmes, comme [il ne vaut ni] du vent
et du jour, ni de l!!tman, etc.562 De même une séquence temporelle
[se définit-elle par] l!occurrence [d!entités] par "exclusion mutuelle
du temps#, car quand l!une n!existe pas, l!autre existe; [mais] ce
[type de séquence] non plus ne vaut pas de [phonèmes] perma-
nents, puisque tout [phonème] existe toujours. Or [s!]il n!est d!au-
tre possibilité [pour un ordre de succession qu!être le fait de l!espa-
ce ou du temps], comment [pourriez-vous] prouver qu!un énoncé
qui [consiste en] une séquence de phonèmes est incréé?563
Et [nous avons déjà] signalé plus haut564 la faute [qu!il y aurait
pour vous] à [admettre que les phonèmes] ne sont ni imperma-
n e n t s n i o mn i p r és en t s . [ P V I . 2 6 0 c d ]
PVSV 136,8
Si maintenant, afin d!éviter la faute [que serait l!inexisten-
ce d!un ordre de succession des phonèmes, l!avocat du Veda] ad-
mettait que les phonèmes sont impermanents et ne sont pas omni-
présents,565 [cela n!appellerait] pas de réponse [de notre part] puis-
que toutes deux hypothèses ont été réfutées plus haut.

562
Selon PV! P371b8$372a1/D306a5$6 = PVSV! 489,28$29, le vent et le jour
sont des exemples ordinaires (laukika), alors que !tman et !k!"a sont des
exemples techniques ("!str#ya); selon PV! P372a2/D306a6, l!exemple de
l!!tman n!est introduit que parce que l!adversaire l!accepte.
563
Développement, PVSV! 490,10$29: dans PVSV! 490,10$17, Kar"akago-
min cite et défend le p$rvapak%a de #V "abdanityat! 279cd$280ab; dans
PVSV! 490,18$29, Kar"akagomin cite et critique l!uttarapak%a de #V
"abdanityat! 287$288. Voir pp. 186$189 pour la problématique et les traduc-
tions (nn. 15, p. 187$188, et 18, pp. 188), APPENDICE B pour les citations
(PVSV! 490,12$13 et 19$22).
564
Références: PV I.251ab pour anityatva, et PV I.253ab pour avy!pitva selon
PV! P372a8$b1/D306b3$4 $ PVSV! 491,14$15; références corroborées (et
critique résumée) par PVV 383,17$18: anityatve pauru%eyat! avy!pitve ca
sarvatra upalabdhi" ca na sy!t |. «Si [les phonèmes] sont impermanents, ils
sont de création humaine, et si [les phonèmes] ne sont pas omniprésents, on
ne saurait [plus les] percevoir partout.»
565
Selon PV! P372a7$8/D306b2$3 = PVSV! 491,13$14, admettre l!imperma-
nence des phonèmes permettrait de poser une séquence d!ordre temporel (k!-
lak&tapaurv!parya); la non-omniprésence, une séquence d!ordre spatial (de-
362 Traduction
566
L!énoncé ne consiste pas davantage dans la succession[, li-
m i t é e d a n s l ! e s p a c e e t l e t e m p s , qu i est c elle] de l a r é v é l a t i o n
[des phonèmes permanents et omniprésents], car [nous avons
d é j à ] r é f u t é [ t o u t e] r é v é l a t i o n d e [ q u e l q u e c h o s e d e ] p e r m a -
nent.567 [PV I.261ab]
PVSV 136,11
L!énoncé n!est pas un ordre de succession des natures des
phonèmes [elles-mêmes], mais [celui] de leur révélation: étant don-
né que, "procédant selon la succession des conditions propres à la
manifestation de chacun des phonèmes#, cette [révélation est] pour-
vue de succession, l!énoncé consiste dans l!ordre de succession
[qui est celui] des [phonèmes révélés]. [Voilà qui est] également
faux, car cette [révélation, nous l!avons déjà] rejetée plus haut pour
des [entités] permanentes: [rappelons avoir] fait savoir que la révé-
lation n!est qu!un "type particulier d!être-effet# [qui est propre à]
des [entités] "qui génèrent une connaissance# [d!elles-mêmes] mo-
yennant une capacité [à le faire] directement [qu!elles reçoivent
d!un révélateur].568

!ak"ta).
566
Dans PVSV 136,10$141,7 sous PV I.261$267, Dharmak!rti traite de la deu-
xième sous-hypothèse (cf. n. 549, p. 357): l!ordre de succession est mainte-
nant celui de la révélation des phonèmes, et non plus celui des phonèmes
eux-mêmes. C!est là la position même de Kum"rila (voir pp. 182$189), que
Kar#akagomin décrit ainsi (PVSV$ 491,17$18): var#$n$% vyaktivi&ayatva-
kramo v$kyam. «L!énoncé, c!est l!ordre de succession des phonèmes en tant
qu!ils font objet d!une révélation [par les sons bruts émis par l!appareil pho-
natoire].»
567
Références: PV I.234$235 selon PVV 384,2$3, mais PV I.146$147 selon
PV$ P372b6/D306b7 = PVSV$ 491,25$26 (pr$g eva s$m$nyavyakticint$-
sth$ne). Sur la critique dharmak!rtienne de la révélabilité des entités perma-
nentes, voir pp. 194$196.
568
Selon PV$ P372b7/D307a1: m'on sum du !es pa skye bar nus pa° (PVSV$
491,27 et Vibh. 384n. 2: s$k&$jjanana!akti°). Selon Dharmak!rti, le révéla-
teur supposé (la lumière p. ex.) contribue à générer, dans le continuum du ré-
vélé (la cruche, p. ex.), une phase (k&a#a) capable de générer une connais-
sance perceptuelle directe d!elle-même: en ce sens, le révélateur n!est autre
qu!un coopérant (sahak$rin), et la phase capable, un effet. Sur ces différents
points, voir pp. 189$194 (et spécialement n. 22, pp. 191$192 pour s$k&$t).
Traduction 363

Et de ce que l!établissement [perceptif] des [phonèmes pro-


vient] de la seule opération des organes phonatoires, [il résulte
q u e c e s p h o n è m e s ] s o n t d es e f f e t s . [ P V I . 2 6 1 c d ]
PVSV 136,17
Le monde [ordinaire, lorsqu!il] désigne [tel x] comme un
effet [de y,] se fonde sur une perception de la nature x [telle que
cette perception est] en relation strictement nécessaire avec la per-
ception du y grâce auquel seul on perçoit [x]. [Or] la [perception ci-
décrite] existe également dans le cas des phonèmes,569 et [comme]
c!est elle [qui sert de] fondement à la [désignation comme effet]
dans le cas de toute autre (anyatra api) [entité communément re-
connue comme effet], il n!y a pas [la moindre] différence. Donc si
le critère d!acceptation [comme effet] est identique, comment [se
fait-il que] les phonèmes ne soient pas des effets? [Objection:]
"L!usage [concernant] le fait d!être un effet ne se fonde pas sur cet-
te perception-là#, mais se fonde sur l!existence[, sous la forme]:
«"Tel x n!existe que si [tel y] existe#».570 [Réponse: Certes, mais]
grâce à quel [moyen de connaissance valide] établit-on cette exis-
tence, de sorte qu!elle permette de prouver qu![une entité] est un
effet? Car si l![existence] n!a pas été [préalablement] établie, "il
n!en ira pas d!une façon telle [qu!on puisse dire que x existe si y
existe]#. Par conséquent, établir l!existence fait la preuve de [ce
qu!une entité est un effet], et l![établissement de l!existence tient à]
la seule perception.571 [Objection:] Ainsi [en irait-il] certes572 si

Par «type particulier d!être-effet» (k!ryat!vi"e#a), Dharmak!rti entend dire


que ce type est propre aux seules entités dont la phase nouvellement produite
est capable de générer une connaissance d!elle-même.
569
Explication, PVSV" 492,8: prayatnavy!p!ropalabdhin!ntar$yakatv!d eva
var%opalabdhe& |. «Parce que la perception des phonèmes est en relation
strictement nécessaire avec la perception de l!opération due? à l!effort [arti-
culatoire].» Comparer PV" P373a3$4/D307a3$4.
570
Selon PV" P373a8/D307a6 et PVSV" 492,13$14, l!adversaire entend ainsi
montrer que ce ne sont pas les phonèmes, mais la perception (upalabdhi) des
phonèmes, qui doit son existence à des causes (k!ra%a, PV"), c!est-à-dire
aux organes phonatoires (kara%a, PVSV").
571
Explication, PV" P373b3/D307b1 = PVSV" 492,18$19: siddher jñ!nasva-
bh!vatv!t |. «Parce que l!établissement a pour nature propre la connaissan-
364 Traduction

l!existence de la [parole] préalablement [à l!opération des organes


phonatoires] n!était pas établie,573 car [seul peut motiver une dési-
gnation en tant qu!effet] un établissement de l!existence qui fait
suite à un non-établissement. [Réponse: 574] Mais cette nature [de la
parole] n!est-elle pas strictement inétablie, qui assure (upayogin)
une "telle# connaissance sans interruption?575 PVSV 137,2 [Objection:]
Établie, cette [nature] l!est, [mais] faute de [quelque] autre [condi-
tion coopérante], elle ne sert pas [de cause à une connaissance au-
ditive]. [Réponse:] Comment [pourraient] dès lors ne pas différer

ce.» Selon PV! P373b3$4/D307b1$2 " PVSV! 492,19$20, le théorème ac-


quis (sthita) jusque-là est le suivant: le x dont la perception (de l!existen-
cePVSVT) est en relation strictement nécessaire avec y, ce x est l!effet de ce y.
Or le théorème s!applique valablement aux phonèmes et à l!opération de
l!appareil phonatoire.
572
C!est-à-dire: la parole serait l!effet des organes phonatoires si on ne la perce-
vait qu!à partir de leur opération (PV! P373b4$5/D307b2 = PVSV! 492,21$
22), comme on ne perçoit une cruche préalablement inexistante qu!après
l!opération du potier (PV! P373b7/D307b3$4 = PVSV! 492,27$28).
573
PV! P373b8/D307b2$3 " PVSV! 492,22$23: ki!tu siddh" eva [anyenaPVT]
pram"#ena |. «Au contraire, elle est bel et bien établie par un [autrePVT] mo-
yen de connaissance valide.» Selon PVSV! 492,23$26, la reconnaissance
(pratyabhijñ") appréhendant l!identité (tattvagr"hin) de deux paroles présup-
pose l!existence de la parole dans l!intervalle (antar"le) entre leurs deux au-
ditions (voir #V $abdanityat" 442, n. 43, pp. 199$200): la présomption
(arth"patti) permet donc d!établir l!existence de la parole au préalable (voir
#V $abdanityat" 235$236, n. 46, p. 201); voir aussi le très instructif p%rva-
pak&a de PVSV! 494,31$495,5.
574
Selon PV! P373b8$374a2/D307b4$5 et PVSV! 492,29$31, l!existence de la
parole préalablement à l!opération phonatoire (prayatnavy"p"ra, PV!) est
demeurée jusque-là (t"vat) inétablie, faute de moyen de connaissance valide
(la reconnaissance, pure illusion trompeuse, n!en étant pas un). Dans ce qui
suit, Dharmak$rti admet cependant provisoirement que le point soit établi:
«Or même ainsi%»
575
C!est-à-dire d!une connaissance où apparaît un particulier de parole ($abda-
svalak&a#a, PV! P374a3/D307b5 " PVSV! 493,10). Explication, PV!
P374a3$4/D307b6 = PVSV! 493,11$12: yadi hi tath"bh%ta! r%pa! pr"k
siddha! sy"t tad" nitya! $abdopalambha' sy"t |. «Car si une telle nature
était établie au préalable, alors on percevrait la parole en permanence.»
Traduction 365

![ces] deux [conditions incompatibles de la parole, celle] qui sert [à


sa propre connaissance en présence du coopérant,] et [celle] qui
n"[y] sert pas [avant l"effort articulatoire]#?576 577Et la différence [de
la première sur la seconde] n"est pas !sans toucher à la nature pro-
pre de la parole#, car puisque c"est cette propriété supplémentaire
qui est établie servir [à la connaissance de la parole], !il s"ensui-
vrait que la [parole] ne serait pas cause [de connaissance]#: seul
peut en effet servir à y un x tel que [le y] à réaliser n"est établi que
si [ce x] existe. 578Même si [l"on postule] un service de la [parole] à
cette propriété supplémentaire, une conséquence inacceptable iden-
tique à [celle qui se présente dans le cas de] la [connaissance sui-
vra].579 C"est donc bien qu"une condition nouvelle (avasth!bheda),
qui sert [à causer la connaissance] par une capacité [désormais]

576
Explication, PVSV! 493,17$18: api tu bheda eva tata" ca n!n!tv!t sa t!d#-
"a$ "abdasya svabh!va$ k#ta iti k!rya eva "abda$ sy!t |. «Elles diffèrent ce-
pendant bel et bien, et donc puisque multiple, une telle nature propre de la
parole est produite; ainsi donc la parole ne saurait-elle être qu"un effet.»
577
Selon les introductions de PV! P374a6$7/D308a1 et PVSV! 493,19$20,
l"adversaire admet désormais que les deux conditions sont distinctes (PV!),
c"est-à-dire que la seconde possède une propriété supplémentaire (bheda =
ati"aya, PVSV!, dite k!rak!vasth!lak%a&a), mais cette dernière ne ressortit
pas à l"essence de la parole ("abdasya !tmabh'ta$): elle en est chose diffé-
rente (arth!ntara). L"adversaire espère ainsi préserver l"immutabilité de la
parole (p'rvakasvabh!v!d apracyuta eva, PVSV!).
578
Selon l"objection introductive de PV! P374b2$3/D308a3 " PVSV! 493,24$
25, la propriété supplémentaire sert certes directement (s!k%!t) à la connais-
sance, mais puisque la parole sert également la propriété supplémentaire, la
parole sert indirectement (p!ramparye&a) à la connaissance.
579
Par «conséquence inacceptable», il faut bien sûr entendre une régression à
l"infini (anavasth!): lorsqu"il s"agit de produire une connaissance, la parole
requiert une propriété supplémentaire qui est chose différente d"elle; de mê-
me, lorsqu"il s"agit pour elle de produire une propriété supplémentaire (pour
la propriété supplémentaire), elle requiert une propriété supplémentaire autre
qu"elle, et ainsi de suite à l"infini, sous peine de voir sa permanence perdue
(PV! P374b4$6/D308a4$5 " PVSV! 493,28$30). Par conséquent, la pro-
priété supplémentaire permettant à la parole de générer la connaissance n"est
pas chose différente d"elle (PVSV! 493,30, qui explique ainsi le tasm!t
introduisant la proposition suivante).
366 Traduction

inentravée, se différencie par rapport à une [condition préalable]


autre qu!elle.580 581On a de plus [déjà] rejeté plus haut qu!une [enti-
té] sans propriété supplémentaire dépende [d!un coopérant]. Et
étant donné que cette [nature propre génératrice de connaissance]
est établie par la seule opération des organes phonatoires, elle pos-
sède la même propriété que tout [autre] effet. [Donc] si [l!on ad-
met] la révélation d!une [parole] telle [qu!elle a la même propriété
que tout autre effet], tout [sera] révélable[, même la pousse], ou
rien [ne le sera, pas même la parole], faute de différence [entre la
parole et un autre effet].582 Car [il en va] ainsi que,
à l!exemple de la lampe[ , qui n o u s f a i t c o n n a î t r e u n e c r u c h e
d é j à f a b r i q u é e p a r u n potier], on tient pour un révélateur [l!ob-
jet qui,] par la connaissance [que l!on a] de lui-même, es t la
c a u s e d e [ n o t r e ] n o t i o n d!un autre dès lors que [ c e t a u t r e ] o b j e t
[avait déjà été] établi [par un agent]; sinon[, si cet autre n!était
pas préalablement établi], quell e différence entre c e [ r é v é l a -
teur] et un agent? 5 8 3 [ P V I . 2 6 2 ]

580
C!est-à-dire se différencie par rapport à la nature propre qui ne générait pas
de connaissance d!elle-même (svavi!ayajñ"n["]janana# $abdasvabh"vam,
PV! P374b6/D308a5 = PVSV! 493,30"31). Sinon, la parole générerait cette
connaissance antérieurement même l!effort articulatoire (prayatn"t pr"k,
PV! P374b8/D308a6"7).
581
Selon les objections introductives de PV! P374b8"375a1/D308a7 et PVSV!
494,7"8, la condition génératrice (janika) ne naît pas, car elle est permanente;
si la parole ne génère pas la connaissance, c!est seulement que le coopérant
(i.e. t"lv"dika) dont elle dépend pour la générer fait momentanément défaut.
582
Dharmak"rti critique l!"nup%rv& de la M"m#$s# selon un argumentaire de
structure analogue, dans PV I.307 et PVSV 161,23"162,11: voir d!abord pp.
207"212.
583
Conclusion, PVV 384,10"11: na ka$cit | ap%rvapratipattihetutv"vi$e!"t |.
«Aucune, faute de différence [en tant que tous deux] seraient la cause de [no-
tre] connaissance de [quelque chose de] nouveau.» Sur la doctrine générale
de Dharmak"rti en matière de révélation et de production, voir pp. 189"194;
sur l!application de cette doctrine au cas des entités permanentes, voir pp.
194"196.
Traduction 367
PVSV 137,14
Il est [communément] établi dans le monde [qu!]à l!exem-
ple de [choses] telles qu!une lampe, un révélateur [est ce qui], par
le biais de la connaissance [qu!on a] de lui, est la cause de la con-
naissance [qu!on a] d!un autre, sous réserve que cet [autre] soit éta-
bli avant [l!opération du révélateur; 584si nous disons: «sous réserve
que cet autre soit établi avant», c!est] parce qu!une phase homo-
gène de la cause matérielle585 doit être établie [avant l!opération du
révélateur, et] non parce que [devrait être établie] la propriété sup-
plémentaire qui est la cause de la connaissance, car la[dite proprié-
té supplémentaire] a [justement] pour condition le complexe [cau-
sal] du [révélateur]. En revanche, [les entités] qui font percevoir un
[objet qui n!était] pas établi [avant leur propre opération, celles-ci]
ne sont que des agents, comme le potier notamment [l!est] par rap-
port à la cruche, etc.586
PVSV 137,18 587
[De plus,] les raisons logiques [qui,] telle la reconnais-

584
Selon l!objection introductive de PV! P375b2"3/D308b5"6 " PVSV!
494,21"22, la lampe génère pourtant une phase de cruche convenant à la per-
ception, qui était préalablement inétablie: la condition (sa cet pr!k siddha"
sy!t) posée par Dharmak#rti paraît donc infondée à son adversaire.
585
C!est-à-dire, selon PV! P375b3"4/D308b6 = PVSV! 494,23, une phase de
cruche antérieure qui ne convenait pas à la perception (anupalambhayogya"
p#rvako gha$!dik%a&a").
586
Explication, PV! P375b7"8/D309a1"2 = PVSV! 494,29"30: 'abdasya apy
upalambhahetava" kul!l!dituly! iti | 'abdo !pi gha$!divat k!rya eva |. «Étant
donné que les causes de la perception de la parole aussi sont identiques au
potier, la parole aussi n!est qu!un effet, comme la cruche, etc.»
587
Développement introductif sur pratyabhijñ!na, PVSV! 494,31"495,20, dont
495,6"14 est traduit n. 50, pp. 203"204. Selon les introductions de PV!
P375b8"376a3/D309a2"3 et PVSV! 495,21"24, ce qui suit vise deux argu-
ments en faveur de la permanence: par la reconnaissance (pratyabhijñ![na]),
et «par l!utilisation de ce qui [pré]existe» (satprayoga). (1) Puisqu!on la re-
connaît, on sait que la parole est une (eka) et donc permanente: si la parole
était impermanente, elle serait multiple (aneka), et donc on ne la reconnaîtrait
pas (selon PV! P376a8"b1/D309a6"7 = PVSV! 495,31, l!adversaire pense
que prouver l!unicité permet de prouver la permanence). (2) Tout ce qu!on
utilise (prayujyate) en vue d!autre chose (par!rtham) existe avant son utilisa-
tion, comme la hache qu!on utilise pour fendre le bois (v!sy!dicchid!y!m).
368 Traduction

sance[, sont invoquées] pour établir [la permanence de la parole,


celles-ci] non plus ne satisfont pas à la définition d!une raison logi-
que.588 Quel que soit [l!indice invoqué pour prouver l!unicité de la
parole], notamment589: «La connaissance ultérieure du son !a! pos-
sède le même objet que la précédente, car comme la [précédente,
c!est] une connaissance du son !a!»,590 cet [argument] ne pourra
prouver que deux particuliers [successifs de son «a»] sont identi-
ques, 591"car il est inétabli que [la connaissance ultérieure du son
«a»] ait pour nature propre la [connaissance antérieure du son

Or on utilise la parole pour notifier à autrui (parapraty!yan!ya); donc elle


préexiste à son utilisation. Ces deux arguments (inspirés resp. de M"S# I.i.20
et 18) sont discutés par Dharmak"rti dans PV I.266 et PVSV 140,1#20: voir
pp. 197#203.
588
Selon PV$ P376a4#5/D309a4#5 = PVSV$ 495,26#27, la première raison
(pratyabhijñ!yam!natv!t) est inconclusive (anaik!ntika), car on reconnaît
une lampe malgré son impermanence. Selon PVSV$ 495,27#28, le second
argument (prayujyam!natv!t) est lui aussi inconclusif, car une utilisation se
constate également d!un mouvement instantané (k"a#ike !pi karma#i). Selon
PV$ P376a5#7/D309a5#6, la raison est inétablie pour chacun des deux pro-
tagonistes du débat (cig $os la ma grub pa), qui divergent sur la signification
de «prayoga/prayujyam!na» dans le cas de la parole: sur ce dernier point,
voir PVSV 140,14#18.
589
Explications de °!di. (1) PV$ P376b2/D309a7#b1 reprend l!argument sui-
vant sur l!exemple du son «i». (2) Selon PVSV$ 496,5#6, il faut inclure ici
les arguments m%m!&saka destinés à prouver qu!un phonème est un malgré
les différences de débit (drutamadhyavilambit!vasth!y!m eka eva gak!r!di-
var#a'): sur ce dernier point, voir n. 5, p. 183.
590
Selon PV$ P376b2#4/D309b1#2 % PVSV$ 496,7#9, le raisonnement formel
(prayoga) dérivable de cet argument est une contrefaçon de svabh!vahetu
(svabh!vahetupratir(paka).
591
Selon PV$ P376b4#6/D309b2#3 et PVSV$ 496,9#11, la raison logique
«ak!raprat%te'» peut s!entendre spécifiquement (vi$e"e#a, alors explicitable
p(rv!k!raprat%tir(patv!t), ou génériquement (s!m!nyena, alors explicitable
ak!raprat%tim!tratv!t). Dans la première hypothèse, la raison logique est iné-
tablie (asiddha), car il est inétabli que la connaissance ultérieure du son «a»
ait/soit la nature propre de la précédente (leurs natures propres différant, PV$
P376b6#7/D309b3#4); voir aussi PVSV$ 496,14#15. Pour la seconde hypo-
thèse, voir la phrase suivante.
Traduction 369

«a»]!; [et] si [l"indice inférentiel] s"entend génériquement, il n"est


pas incompatible non plus [que ces deux connaissances successi-
ves] aient des objets distincts. PVSV 138,1 De plus, deux connaissances
ayant un seul [et même particulier pour] objet #ne sauraient [sans
contradiction] exister successivement!, parce qu"[un effet] se pro-
duit ou non selon que [sa] cause est présente ou non, [et] parce
qu"une [seconde connaissance de son «a» qui ne se serait] pas pro-
duite alors même que [la cause de la première] était présente, n"a
pas pour cause la [cause de la connaissance initiale].592 [Donc] ces
deux [connaissances successives du son «a»] ont des causes entiè-
rement distinctes. 593[Et] même si [leur cause] unique ne différait
pas dans le [complexe causal,594 ces deux connaissances devraient
survenir en même temps] puisque [cette cause, si elle est] capable,
ne dépend pas [d"un coopérant]. Que deux connaissances successi-
ves aient un seul [et même] objet contredit [donc toute] argumenta-
tion rationnelle.595

592
(1) Si les deux connaissances ont un seul et même objet, elles doivent se pro-
duire en même temps (PV! P377a4$5/D309b6$7 et PVSV! 496,22$23); (2)
si seule la première (p!rva) se produit quand la cause est présente, la seconde
ne se produira jamais plus (pa"c#d api s# na sy#t, PVSV! 496,23$24).
593
Selon PV! P377a8$b1/D310a2 et PVSV! 496,28$29, l"adversaire objecte
que toutes deux connaissances ont bien pour cause une parole unique ("abda
eva eka$), mais que c"est en raison de la différencePV!/successionPVSV! de
leurs coopérants qu"elles ne se produisent pas simultanément.
594
Selon PV! P377b1/D310a3 (rgyu!i tshogs pa de la). PVSV! 496,30 interprè-
te: tatra tasmin p!rvottar#k#raprat%tyutpattik#le, «au moment où se produi-
sent les deux connaissances successives du son "a!.»
595
Explication, PV! P377b2$5/D310a3$5 # PVSV! 497,3$7: etena ca sarve&a
uttar#k#raprat%te$ p!rv#k#raprat%tyabhinnavi'ayatve s#dhye "num#nab#dhi-
tatva( pratijñ#y# uktam | anum#na( tv %d)"am | yat kramabh#vi tan na eka-
vi'ayam | yath# krame&a bhavac cak'u$"rotravijñ#nam | kramabh#vinyau ca
p!rvottare "k#raprat%t% | ekavi'ayatvam akramabh#vitvena vy#pta( tadviru-
ddha( ca kramabh#vitvam iti vy#pakaviruddham |. «Et avec tout cela, [Dhar-
mak$rti] dit que lorsque l"on entend prouver que la connaissance ultérieure du
son "a! a un objet identique à la connaissance antérieure du son "a!, la thèse
s"annule par inférence. Et [cette] inférence est telle [que voici]: ce qui sur-
vient successivement n"a pas un seul objet, à l"exemple de la connaissance
370 Traduction
PVSV 138,5
Qu!en raison de [leur] communauté de nom, [toutes deux]
aient un seul [et même] objet malgré que [ces deux] connaissances
diffèrent par [leur] apparence et par [leur] nature propre,596 [voilà
qui est] également incorrect, car il s!ensuivrait que [l!argument
vaudrait] également de [choses] telles que les cruches.597 [Objec-
tion:] Puisque dans la [preuve de l!unicité des cruches il faut déplo-
rer] une incompatibilité avec ce que l!on constate [empiriquement,
voilà qui] "n!est pas une preuve# [de leur unicité]. [Réponse:]
[Mais] dans la [preuve que vous faites de l!unicité des phonèmes]
aussi, par quel [moyen de connaissance valide] établit-on qu!il n!y
a pas incompatiblité [avec ce que l!on constate empiriquement]?598

visuelle ou auditive qui survient de façon successive. Or deux connaissances


successives du son !a! surviennent de façon successive. Avoir un seul objet
implique de ne pas survenir de façon successive, et survenir de façon succes-
sive [en] est contradictoire. Donc vy!pakaviruddham.» La propriété krama-
bh!vitva (b) implique la propriété anekavi"ayatva (a): b implique a; ~a
implique ~b; b est contradictoire de ~a. Dans un long développement con-
clusif (PVSV" 497,8$499,19), Kar#akagomin critique (497,19$498,21) les
vues de Umbeka sur pratyabhijñ!na comme annulant le k"a#ikatv!num!na;
il s!en prend ensuite (498,20$499,19) aux vues de Kum$rila sur les différen-
ces de débit notamment (voir APPENDICE B pour les citations).
596
Deux interprétations. Selon PVSV" 499,21$22, leurs apparences diffèrent en
tant qu!elles sont successives (p$rvottarar$patay!), alors que leurs natures
propres diffèrent selon que le débit est rapide, soutenu ou lent (drutamadhya-
vilambit!dibhedena). Mais selon PV" P377b6$7/D310a5$6, c!est parce que
leurs apparences diffèrent selon le débit que leurs natures propres diffèrent.
Je tends à favoriser cette dernière interprétation. Les deux commentateurs
s!accordent avec PVSVt pour lire ici un dvandva.
597
Selon PV" P377b8$378a2/D310a7$b1 % PVSV" 499,24$27, deux connais-
sances successives de deux cruches différentes auraient un seul et même ob-
jet, car toutes deux nommées «connaissance d!une cruche», et l!on conclurait
alors à l!omniprésence d!une seule et même cruche (sarvatra [vy]!pnoti).
598
Selon PV" P378a3$4/D310b2 et PVSV" 499,28$29, ce qui est consta-
téPV"/établiPVSV", c!est que les phonèmes diffèrent selon les différents organes
phonatoires. Mais selon PVSV" 499,29, on impute erronément, sur la base
d!une simple similitude, une unité (s!d%&y!d ekatv!dhyavas!ya') aux phonè-
mes, comme dans le cas des cheveux qui repoussent après avoir été coupés
(l$napunarj!te"u ke&e"v iva).
Traduction 371
599
Autant il n!est pas prouvé qu!être désigné de la même façon im-
plique une identité d!objet, autant l!absence [de la raison logique
dans les contre-instances est-elle] douteuse. Et dès lors que l!on
prouve [comme étant] une la parole qui pénètre l!ouïe avec une na-
ture propre différant selon que diffère chaque organe phonatoire,
pourquoi ne [pas le faire aussi] de [choses] telles que les cruches?
[Ce d!autant qu!il serait] là aussi "tout à fait# possible de répliquer
qu![en dépit de l!unicité de la cruche,] l!apparence [des deux con-
naissances] diffère parce que le révélateur [de la cruche] diffère.
"De plus#:
e t p u i s q u e l ! o n p e r ç o i t i m m an q u a b l e m e n t [ l a p a r o l e ] g r â c e à
l ! o p é r a t i o n d e s o r g a n e s p h o n a t o i r e s a s s o c i é s , [ i l résulte que la
parole] est un effet, car la [perception d!un révélable] n!a pas
[immanquable ment] lieu dans le cas d!une [cause] révélatrice.
[PV I.263]
PVSV 138,16
On n!est en effet jamais sans percevoir la parole lorsque
les organes phonatoires opèrent, tandis que (ca) l!opération d!un
révélateur ne fait pas nécessairement percevoir un objet, car malgré
[la présence d!]un révélateur [tel qu!une lampe], on ne percevra
pas une [chose] telle qu!une cruche en un [lieu vide de cruche].
Elle [qui procède] immanquablement de l!opération des [organes
phonatoires], la perception de la parole doit [donc] avoir lieu dès
l!avènement de la [parole par leur opération],600 car même s!il opé-
rait, un [organe phonatoire qui n!en serait] pas l!agent ne pourrait
établir la [parole]. [Objection:] Puisque [au contraire des cruches,
etc., les paroles] sont omniprésentes et permanentes, on [les] per-

599
Selon PV! P378a4/D310b2$3 = PVSV! 500,8, Dharmak"rti montre mainte-
nant en quoi la raison «n!mas!my!t» est inconclusive (anaik!ntika).
600
Selon PVSV! 500,23, la conclusion vaut pour un homme chez qui les causes
coopérant à la production d!une connaissance sont complètes (avikalavijñ!-
notp!dasahak!rik!ra"asya pu#sa$). Explication, PV! P378b6$7/D311a3 =
PVSV! 500,25: tata% ca janya eva %abdo na vya&gya$ |. «Et donc la parole
n!est qu!un produit, et non pas [quelque chose de] révélable.» Dans PVSV!
500,26$31, K réexplique au M"m#$saka que la révélation n!est ultimement
qu!un aspect de la production (sur ce point, voir pp. 189$194).
372 Traduction

çoit [en toute circonstance grâce à l!opération de l!organe phona-


toire qui en est le révélateur]. [Réponse:] [S!il en est ainsi,] quelle
est désormais [notre] certitude concernant des [choses] telles que
les cruches?601 [Objection:] Car on n!admet pas [qu!il en soit] ainsi
des [cruches]. [Réponse:] Pourquoi [alors l!]admettre [de] la paro-
le, dont les propriétés sont [pourtant] similaires à [celles] des [cru-
ches]? Et [nous avons déjà602] dit que la [parole ne présente] au-
cune propriété supplémentaire [par rapport à des choses telles que
les cruches], ainsi que nié l!omniprésence et la permanence [que
vous revendiquez pour elle]. [Objection:] Puisque les [choses] tel-
les que les cruches ont un révélateur autre [que leur agent], la faute
[que vous dénoncez] n!a pas cours.603 [Dans le monde, c!est] en ef-
fet la lumière [qui est communément] établie [comme] leur révéla-
teur[, et non le potier, car] si des [agents] tels que les potiers [en]
étaient les révélateurs, ils seraient strictement semblables [à des
lampes en ce qu!ils ne feraient pas immanquablement percevoir les
cruches]. Or [en ce que la cruche existe à chaque fois qu!ils opè-
rent, les potiers] s!en différencient: de par cette différence par rap-
port à un révélateur, [les potiers] sont bien des agents, car il n!est
d!autre possibilité pour ce qui apporte une aide [qu!être un agent
ou être un révélateur].604 [Réponse:] [Avoir un révélateur autre que

601
Autant qu!impermanentes et non omniprésentes, les cruches pourraient être
permanentes et omniprésentes: il n!est rien qui vaudrait des paroles sans va-
loir aussi des cruches (PV! P379a1"3/D311a5"6 et PVSV! 501,13"15).
602
Références: PVSV 138,7 (gha!"di#v api prasa$g"t |), PVSV 138,8 ([iha api]
virodh"bh"va% [kena siddha% |]) selon PV! P379a4"5/D311a7, contre ou en
sus des références données GNOLI 1960: 193.
603
Explication, PV! P379a6"7/D311b1 " PVSV! 501,20: &abdena tulyatvapra-
sa$gado#o na asti ||. «La faute n!a pas cours qu!une identité [de cas] avec la
parole s!ensuit.»
604
Explication, PV! P379b3"5/D311b4"5 " PVSV! 501,27"30: tatra vyañja-
katve ni#iddhe p"ri&e#y"t k"rakatva' kul"l"d(n"m | na eva' &abdasya kara-
)a' muktv" anyad vyañjak"ntara' siddha' yena kara)am eva &abdasya k"-
raka' kalpyeta | tasm"d gha!"divailak#a)y"c chabdo vya$gya eva |. «Dans ce
cas, si l!on rejette qu!ils sont des révélateurs, les potiers, etc., sont des agents,
parce que c!est ce qui reste [de l!alternative]. Pour la parole au contraire, il
n!est pas établi de révélateur particulier autre que l!organe phonatoire, de
Traduction 373

son agent,] voilà qui vaut (tulya) également des paroles, car là
aussi, les organes phonatoires diffèrent de [facteurs] tels que la
faculté sensorielle [auditive, sa] localisation adéquate [ou l!acte
d!attention], puisqu!on constate en effet605 [aussi] aux organes pho-
natoires la propriété [qui est celle] des agents de [choses] telles que
les cruches.606 607[Et] puisqu!un [révélateur] tel que cette lampe el-
le-même, ou (ca) quelque autre objet [tel qu!une saveur], n!ont
d!autres révélateurs [non plus que leurs agents], leurs causes de-
vraient en être les révélateurs. Par conséquent, il n!y a pas révéla-
tion [mais production] de la parole [par les organes phonatoires].
PVSV 139,1 608
Ou si révélation de la parole par les organes phonatoires
il doit y avoir, [celle-ci consistera pour la parole] soit [dans] la pos-

sorte qu!on pourrait postuler que l!organe phonatoire est bien l!agent de la
parole. Donc pour [cette] dissemblance [par rapport] à des [choses] telles que
les cruches, la parole est révélée.»
605
Selon PV! P379b7"8/D311b7 = PVSV! 502, 9, ici ca = hi (hyarthe ca!ab-
da").
606
Dans cette proposition, Dharmak"rti montre en quoi les organes phonatoires
diffèrent (ati!aya) des autres facteurs. Selon PV! P379b8/D311b7, la pro-
priété est de faire immanquablement percevoir son effet propre (niyamena
svak#ryopalambhakatvam); selon PVSV! 502,10, de l!engendrer immanqua-
blement (niyamena svak#ry#rambhakatvam).* En cela, les organes phona-
toires sont semblables aux potiers (PV! P379b8"380a1/D312a1 et PVSV!
502,10"11): au contraire de la lumière (# cruche) ou de l!acte d!attention
(# parole), ils font percevoir/engendrent immanquablement la cruche ou la
parole. *La différence entre les deux explications a quelque chance de tenir à
la transmission des deux textes.
607
Selon PV! P380a2"3/D312a2, Dharmak"rti exhibe ici une conséquence ab-
surde (atiprasa$ga) de la position adverse. Comme la parole, un révélateur
n!a pas non plus de révélateur autre que sa cause supposée (lampe pour la lu-
mière, aliment pour la saveur): comme les organes phonatoires révèlent la
parole, le potier révélera donc la cruche.
608
De PVSV 136,10 à PVSV 138,30, Dharmak"rti a réfuté la thèse selon la-
quelle la parole, au contraire de choses telles que les cruches, serait révélée et
non pas produite. Dans PVSV 138,30"141,7, il admet provisoirement la ré-
vélation de la parole, et somme son adversaire de choisir entre trois concepts
alternatifs (vikalpa) d!une révélation de la parole par les organes phonatoires.
Dans PVSV 138,30"139,2, il formule d!abord ces trois concepts alternatifs.
374 Traduction

session d!une propriété supplémentaire [par abandon de sa condi-


tion antérieure], soit [dans] la levée d!une obstruction [à sa con-
naissance], soit [dans] une connaissance [dont elle ferait l!objet],
car il n!y a pas d!autre possibilité [que ces trois-ci]. 609Dans cette
[triple alternative, la révélation de la parole n!est d!abord] pas la
production d!une propriété supplémentaire, car puisque celle-ci se
définit comme la perte de la nature antérieure et l!acquisition (upa-
janana) d!une nouvelle nature, l!impermanence [de la parole] s!en-
suivrait. 610Si maintenant [l!on passe à la deuxième possibilité]:
Et si vous [M!m"#saka admettez que] la révélation [de la pa-
role consiste dans] la levée des obstructions611 [s!opposant à la
perception] de sa nature [génératrice, nous demanderons: puis-
q u e l a l e v ée d e s o bs t r u c t io n s n ! es t qu!abs ence et n!es t donc pas
un effet,] quelle capacité l!ensemble des organes phonatoires
pourrait-il bien avoir eu égard à [cette simple] absence? [PV
I.264]
PVSV 139,7
[D!abord, on ne saurait] en effet dire «capables» des orga-
nes phonatoires qui n!exercent aucune action sur [la nature déjà é-
tablie d!]une obstruction; 612et [ensuite,] la levée [des obstructions]
est absence, et une absence n!est pas un effet: cela[, nous l!avons

609
PVSV 139,2"3: critique du premier concept de la révélation (= ati!ayava-
tt"/ati!ayotp"dana).
610
PVSV 139,3"140,24: critique du deuxième concept de la révélation (= "va-
ra#avigama).
611
Selon PVSV$ 502,23"24 % PVV 385,1, ces obstructions ont pour nature l!as-
sociation de particules venteuses figées (stimitav"yav$y"vayavasamyogar%-
pa). Selon PVSV$ 502,24"25 % PVV 385,1"2, par «levée» (vigama), il faut
entendre leur suppression grâce au vent stimulé par l!effort phonatoire (pra-
yatnapreritena v"yun" viyoga&). Sur la physiologie et la physique de la pho-
nation dans la M!m"#s", voir pp. 184"186, et dans l!APPENDICE B, &V
!abdanityat" 122"124ab (PVSV$ 502,26"31).
612
Introduction, PV$ P380b6/D312b2 = PVSV$ 503,13: "vara#avigame !pi na
te'"( s"marthyam |. «Les [organes phonatoires] ne sont pas non plus capa-
bles de lever l!obstruction.»
Traduction 375

déjà613] fait savoir, 614et [nous avons] aussi dit qu!il n!est aucune
obstruction à une parole permanente,615 de par l!incapacité [où se-
rait cette obstruction à affecter une entité permanente]. Par consé-
quent, on ne saurait invoquer les organes phonatoires eu égard à
une obstruction.616 [Mais] puisqu!on ne perçoit pas la parole sans
leurs opérations, ces [organes phonatoires] ne sont pas non plus
sans capacité [vis-à-vis de la parole]: que ces [opérations des orga-
nes phonatoires] produisent les paroles est donc correct. Autre-
ment617
la révélation d!autres [entités] aussi s!ensuivra[, telle celle des
c r u c h e s p a r l e s p o t i e r s ], c a r e l l e s n e d i f f è r e n t p a s d e l a p a r o l e ;
[mais] si l!on accepte [qu!il en est] ainsi, toutes les causes [te-
nues pour des révélateurs] sont inutiles.618 [PV I.265]

613
Selon PV! P380b6"7/D312b3, dans la s!m!nyavyakticint!; selon GNOLI
1960: 193, dans PVSV 71,19sq et 100,10sq (contexte de vin!"itv!num!na;
voir PVin II.82,9sq/31*,25sq, et STEINKELLNER 1979: 98"99).
614
Introduction, PV! P380b7/D312b3 " PVSV! 503,15: [!vara#amPV!] abhyu-
pagamya ca etad uktam | tad eva na asti ity !ha |. «Ce [qui vient d!être] dit
[l!a été] en acceptant [provisoirement] une obstructionPV!; [Dharmak#rti] dit
[maintenant] que cette [obstruction] n!existe pas.»
615
Explication, PV! P380b8/D312b4 = PVSV! 503,16"17: yena !vara#aviga-
mo vyakti$ sy!t |. «De sorte que la révélation [de la parole] pourrait consister
dans la levée d!une obstruction.»
616
Explication, PV! P381a1"2/D312b5 " PVSV! 503,18"19: kara#!ny !vara-
#avigama% "abdasya kurvanti ity etan na upanyasan&yam ity artha$ |. «Le
sens [visé par Dharmak#rti est qu!]on ne saurait poser que les organes phona-
toires effectuent la levée d!une obstruction à [la perception de] la parole.»
617
C!est-à-dire si les organes phonatoires ne sont pas des agents, mais des révé-
lateurs (PV! P381a3"4/D312b6 " PVSV! 503,23), et donc si les paroles ne
sont pas des effets (PVV 385,6"7).
618
Explications. (1) PV! P381a5/D312b6: bya ba !ga! 'ig kya( med pa!i phyir
ro ||. «Parce qu!il n!y a [dès lors plus] aucune opération [productive].» (2)
PVSV! 503,27"29: tath! hi vya(gye vastuny ati"ayasya k!rako v! !vara#!-
bh!vasya k!rako v! jñ!nasya v! k!rako vyañjaka$ sy!t | ati"ay!der vyakti-
svar)pasya ca ak!ryatv!t | sarve*!% vyaktik!rak!#!% svar)pak!rak!#!% ca
nirarthat! |. «C!est ainsi qu!eu égard à une entité à révéler, le révélateur
pourrait être soit l!agent d!une propriété supplémentaire, soit l!agent d!une
376 Traduction
PVSV 139,15
Si les organes phonatoires, dont les propriétés sont pour-
tant similaires à [celles de] toutes les causes, [devaient être] les ré-
vélateurs [de la parole], rien ne serait [plus] désormais l!effet [de
rien]. Or [que tout soit révélable,] cela n!est pas correct, parce qu!il
s!ensuivrait que toutes les causes [tenues pour révélatrices] seraient
inutiles; 619parce qu!une entité [dont la nature est déjà établie] n!a
pas à recevoir de propriété supplémentaire (vi!e"a); parce que l!ab-
sence d!obstruction n!est pas un effet; parce qu!au même titre que
l!entité [elle-même], la "connaissance de cette [entité]# est [elle]
aussi [déjà] établie [pour qui professe la préexistence de l!effet];
[et] parce que si [l!on admettait maintenant que] quelque chose soit
agent par rapport à la connaissance, il s!ensuivrait que d!autres [en-
tités] de ce type seraient telles [elles] aussi620[, et] partant que toute

absence d!obstruction, soit l!agent d!une connaissance. Or puisqu!une pro-


priété supplémentaire, etc., nature [même] de la révélation, ne peut être pro-
duite, tous les agents de révélation ou de nature propre sont inutiles.» Si je
comprends K, un révélateur étant un agent, toute révélation devient elle-
même impossible.
619
Mon sentiment est que les quatre raisons qui suivent n!expliquent pas la pro-
position précédente, mais se situent sur un autre plan: là où sarvak#ra$#n#m
#narthakyaprasa%g#t tire la même conséquence absurde que PVSV!
503,27$29 (voir n. précédente), les quatre raisons suivantes montrent qu!une
révélation est impossible quel qu!en soit le concept retenu. Selon PV!
P381b1$2/D313a3$4 et PVSV! 504,11$13 (voir PVSV 138,30$139,2) trois
concepts alternatifs (vikalpa) d!un révélateur. Un (x, potier) pourrait être le
révélateur d!un (y, cruche): (1) parce que (x) produit une propriété supplé-
mentaire (ati!ayakara$a) chez (y); (2) parce que (x) produit l!absence d!ob-
struction (#vara$#bh#vakara$a) à la connaissance de (y); (3) parce que (x)
produit la connaissance (jñ#nakara$a) de (y). PVSV 139,17$20 examine suc-
cessivement ces trois possibilités, subdivisant la troisième en deux parties, la
première contre un satk#ryav#din (PV! P381b4/D313a5 = PVSV! 504,17),
la seconde contre un asatk#ryav#din (PVSV! 504,17: atha asad eva jñ#na&
kriyate | tad#!).
620
«D!autres [entités]», c!est-à-dire des potiers, etc.; «de ce type», c!est-à-dire
ayant les mêmes propriétés (tulyadharma) que les agents de la connaissance;
«seraient telles», c!est-à-dire seraient des agents par rapport aux cruches, etc.
(PV! P381b6$7/D313a6$7 = PVSV! 504,18$20).
Traduction 377

[entité] serait un effet.621 Donc étant donné que l!ensemble des ob-
jets qu!on tient pour des agents [ne sert] ni à une révélation [que
nous venons d!écarter], ni à une production [que vous n!admettez
pas,622 ces objets] seraient tout à fait vains, et ainsi cet univers sans
[rien] à aider ni pour apporter une aide serait [parfaitement] inerte.
PVSV 139,23 623
En outre (ca), lorsqu![il s!agit pour lui de prouver] la
permanence de la parole,
[ce] que [notre advers a i r e ] t i e n t p o u r u n a r g u m e n t " l a r e c o n -
n a i s s a n c e [ o u q u e l q u e au t re ra ison] t el le q ue l!utilisa ti on d e
ce[la seulement] qui [pré]existe [à son utilisation]624 " est dé-

621
Explication, PV! P381b7"8/D313a7 " PVSV! 504,20"21: vi!e"o v# v#cyo
yena jñ#na$ prati k#rakatva$ na gha%#d&n prati |. «Ou alors il faut montrer
la différence en vertu de laquelle on peut être agent par rapport à une con-
naissance, mais pas par rapport à des [choses] telles qu!une cruche.»
622
Puisqu!on n!admet rien comme étant un effet (PV! P383a2"3/D313b2 "
PVSV! 504,24: [kasyacid apiPV!] k#ryatv#nabhyupagam#t |).
623
PVSV 139,23"140,24 constitue un excursus destiné à montrer que la mo-
mentanéité (k"a'abha(gat#) des choses rend caducs tous les arguments invo-
qués par la M#m$%s$ pour établir la permanence de la parole. Voir pp. 197"
203.
624
(1) Selon PV! P382a5"6/D313b4 et PVSV! 504,29, il s!agirait d!un argu-
ment du type: «La parole est permanente car on [la] reconnaît comme une.»
Selon K (504,29"505,6), c!est là ce qu!affirment Jaimini dans M#S& I.i.20
(sa(khy#bh#v#t |) et 'abara dans 'Bh sous M#S& I.i.20/I.105,5"6 (voir pp.
197"199 et APPENDICE B). (2) Selon PV! P382a6"7/D313b4"5 " PVSV!
505,6"7 et PVV 289, 25"26, on n!utilise que ce qui existe déjà au moment où
on l!utilise, à l!exemple de la hache (v#sy#) dont on se sert pour fendre
(chid#) le bois. De même des paroles (!abda, '/K) ou des phonèmes (var'a,
M), dont on se sert pour communiquer (voir aussi n. 587, p. 367"368). (3)
Par «etc.», il faut entendre selon PV! P382a7/D313b5 un argument du type:
«La connaissance ultérieure du son (a! a un objet qui n!est pas distinct de
[celui] de la [connaissance] antécédente [du son (a!]» (cf. supra, PVSV
137,19"138,13); selon PVSV! 505,8"11 et PVV 385,16"17, il faut entendre
un argument du type «par#rtham ucc#ryam#'atv#t», qu!exposent Jaimini
dans M#S& I.i.18 (sy#d dar!anasya par#rthatv#t |) et 'abara dans 'Bh sous
M#S& I.i.18/I.101, 10"102, 3, cités par K (voir pp. 200"201 et APPENDICE B).
Ce dernier argument ne diffère pas de (2).
378 Traduction

n u é d e [ t o u t ] e x e m p l e [ s u r l e q u e l s ! a p p u y e r ] , car toutes les en-


tités sont momentanées. [P V I.266]
PVSV 140,1
Puisque [leur] destruction est dénuée de cause [extérieure],
toutes les entités sont momentanées: [nous l!avons] dit et [le] di-
rons [encore].625 Et puisque [leur] existence ne saurait être fortui-
te,626 [toutes les entités réelles] ont une naissance[, et ce] grâce à
[quelque cause] autre [qu!elles-mêmes, et sont donc impermanen-
tes]. Donc la reconnaissance[, ou un indice] comme l!utilisation de
ce[la seulement] qui [pré]existe [à son utilisation], n!est présent
dans aucune [entité telle que,] d!une seule nature constante627[, elle
pourrait tenir lieu de co-instance à la propriété à prouver]. Puisque
[au contraire] on ne constate [sa présence] que dans des [choses]
telles que les lampes, lesquelles changent par la nature propre sans
cesse différente [qui est la leur, cet indice intervenant dans les con-
tre-instances] est strictement contradictoire. [Objection:] Non[, cet
indice n!est pas contradictoire], car [si la reconnaissance,] qui naît
d!une [entité réellement] une, intervient dans le cas de [choses] tel-
les que les cruches[, c!est] en vertu d!une impression trompeuse
due à ce que la ressemblance [entre deux instants successifs nous]
induit en erreur.628 [Réponse:] Sur quelle base [la] dit-on «naître

625
Sur la momentanéité, voir en premier lieu pp. 201"203; pour les références
aux deux vin!"itv!num!na de PV I, voir n. 48, pp. 201"202. Selon PV!
P382b1"2/D313b6"7 = PVSV! 505,14"15, Dharmak"rti vient de présenter
l!impermanence par le biais de la destruction (vin!"adv!re#a) des entités;
dans la phrase suivante, il l!expose par le biais de leur production (utpatti-
dv!re#a).
626
Selon PV! P382b3"4/D314a1 et PVSV! 505,17, si elle était fortuite, elle
n!aurait de détermination ni spatiale, ni temporelle, ni ontologique (de"ak!la-
dravyaniyama), ce qui n!est bien sûr pas le cas.
627
Sthiraikar$pa interprété sur PVSVt: brtan pa!i %o bo gcig pa can. Selon PV!
P382b5"6/D314a2"3, Dharmak"rti dit «une» (eka) parce qu!on prête une
constance (*sthairya?) à la série; «constante», parce qu!on prête à une seule
phase la même nature (*ekar$pa) que les précédentes?. Le sens visé serait
qu!elle n!est détruite à aucun moment (dus thams cad du !jig pa can ma yin
no).
628
Selon PV! P383a1"2/D314a5 = PVSV! 505,25"26, l!adversaire ne recon-
Traduction 379

d!une [entité] une»,629 puisqu!en tant que [toute chose] est séquen-
tielle [à l!instar de la lampe], cette unité [de pure illusion] est con-
cevable de toute [chose, diamant ou pierre]. [Objection:] De même
[que leur unité, leur] différence [d!instant en instant] aussi [est con-
cevable630]. [Réponse:] Soit donc631 un doute [quant à la différence
ou l!unité des objets qu!on reconnaît]; or on n!établit pas [l!unité
de la parole] à partir d!un [indice] laissant place au doute.632 [Ob-
jection:] Puisqu!on ne perçoit pas de différence [entre ses condi-
tions successives, il est établi qu!une entité telle que le diamant] est
une. [Réponse:] Non,633 car puisqu!on établit l!existence et l!ine-

naît comme indice (li!gatvena up"ttam) qu!une reconnaissance non erronée


(abhr"nta), qui n!intervient pas dans le cas des cruches. Telle est bien la
position de !abara et de Kum"rila: voir n. 37, p. 198.
629
«Sur quelle base», c!est-à-dire grâce à quel moyen de connaissance valide
(PV# P383a2/D314a5"6 = PVSV# 505,27); selon PV# P383a3/D314a6, au-
cun moyen de connaissance valide ne permet de l!affirmer. Selon PVSV#
505,28"29, on ne peut l!affirmer puisque ce qui est permanent manque de
toute capacité causale (selon K donc, il faut aussi voir là une réfutation de ce
que la reconnaissance soit perception directe).
630
PV# P383a5/D314a7"b1 comprend ani#caya (!es pa med pa) là où PVSV#
506,8"9 comprend cintyatva. Selon PV# P383a5"6/D314b1, des contacts
distincts avec le froid et le chaud sont assurés (!es pa); il est dès lors incon-
sistant qu!un diamant soit un alors qu!il est tantôt froid et tantôt chaud. Sur le
diamant, voir TSP sous TS n°444"445.
631
C!est-à-dire, selon PVSV# 506,11"12, parce qu!on ne peut déterminer abso-
lument (ek"ntena) si les choses qu!on reconnaît sont unes ou différentes d!in-
stant en instant (donc: tena eva anavadh"ra$ena).
632
C!est-à-dire à partir d!un indice dont on peut redouter la présence dans les
contre-instances (PV# P383a8/D314b3, malgré mthun pa!i phyogs la).
633
Selon PVSV# 506,17"21, la perception ne donne pas accès à la différence
entre deux phases successives d!une entité, mais à la seule apparence actuelle
(id"n%mpratibh"sa) de cette entité, i.e. à la phase instantanée sous sa forme
propre (svar&pe$a). Or percevoir la phase instantanée sous sa forme propre,
c!est la percevoir dans sa différence (vivekena) par rapport à la précédente.
Cette différence n!étant toutefois pas déterminée (na avadh"ryate) dans la
perception elle-même, on introduit une inférence en vue de sa détermination,
inférence que Dharmak$rti formule dans ce qui suit, et qui montre qu!on peut
connaître cette différence.
380 Traduction

xistence [d!une entité telle que le diamant] grâce à la séquence des


connaissances, il existe réellement une différence de nature propre:
si les connaissances ultérieures avaient vu leurs causes présentes
auparavant[, au moment des connaissances précédentes], elles se-
raient nées au même titre que les connaissances précédentes; mais
non nées, elles indiquent l!inexistence de [leurs propres] causes
[auparavant], parce qu!une [cause qui en aurait été] capable [les]
aurait générées [avant]",# et parce qu!une [cause qui en était] inca-
pable n!acquerra plus [de rien cette] capacité $ ou que si [elle l!]ac-
quiert [après], elle ne saurait [plus] être constante.634 C!est pour-
quoi [la seconde raison logique invoquée,] l!utilisation de ce[la
seulement] qui [pré]existe [à son utilisation, n!affirme] elle aussi
[rien d!autre] que la génération [de la parole], puisque [sa] capacité
[à produire l!effet escompté lui vient] de [son] utilisateur635: car si
[la parole en était] capable par elle-même [avant l!opération de
l!utilisateur], ce dernier ne servirait [à rien].636 [Donc par le mot]
«utilisation» aussi, on entend la production d!une [nature propre]
capable de réaliser ce qu!on désire[, production] qui soit dépend, à
l!exemple de l!utilisation d!une [chose] telle qu!une hache, d!une
cause matérielle de même type,637 soit n![en] dépend pas, à l!exem-
ple de l!usage d!un mouvement notamment.638 639Et nous réfuterons

634
Explication, PV! P384a1$2/D315a2 " PVSV! 507,13$15: tasm!t krama-
bh!v"ni vijñ!n!ni svavi#ayasya api krama$ s!dhayanti iti sarvapad!rth!n!$
bhedasiddher anityatvam |. «Donc étant donné que les connaissances, qui se
produisent successivement, permettent de prouver la succession de leur pro-
pre objet aussi, toutes les entités sont impermanentes puisque leur différence
est établie.»
635
Selon PVSV! 507,16. Très proche de PVSVt, PV! P384a3/D315a3
comprend: « % n![affirme] elle aussi que la génération de la parole par la ca-
pacité [que lui confère son] utilisateur.»
636
PV! P384a5/D315a4$5 " PVSV! 507,19$20: puru#!napek#!%!$ svayam
eva v!sy!d"n!$ prav&tti' sy!t |. «C!est par elles-mêmes qu!indépendantes
des hommes, des [choses] comme les haches agiraient.»
637
C!est-à-dire, selon PV! P384a7$8/D315a6 " PVSV! 507,22$23, de la phase
précédente qui en est la cause (p(rva$ k!ra%abh(ta$ k#a%am apek#ata iti).
638
Selon PV! P384b1/D315a7 " PVSV! 507,24$25, par «notamment» il faut
Traduction 381

aussi plus bas640 qui estime que la reconnaissance d!une [entité im-
médiatement] perceptible est perception, [et que] c!est grâce à cette
perception-là qu!on établit la constance [des entités réelles].
[Sur ce modèle est] réfutable toute autr e p i è t r e r a i s o n [ q u ! a -
vancerait l!adversaire a f i n d e p r o u v e r l a c o n s t a n c e d e s e n t i t é s
réelles]. [PV I.267a]
PVSV 140,22
[Il n!est en effet] strictement aucune propriété [probatrice
destinée à prouver la stabilité des choses,] qui entretienne une con-
comitance positive avec une [entité] de même type,641 car toutes
choses partagent cette condition [de perdre et d!acquérir des natu-
res propres successives]. Et puisque toute thèse de constance con-
tredit l!argumentation rationnelle selon les termes [du présent traité
et de ceux de nos coreligionnaires642], toutes les autres raisons logi-

entendre la parole/les sons (!abdaPVT), ou les sons d!un luth, etc. (v"#$di-
!abdaPVSVT). La compréhension de prayoga par Dharmak!rti est donc parfai-
tement symétrique à cette de [abhi]vyakti: voir pp. 189"194.
639
Selon PV" P384b2"3/D315b1"2, l!adversaire distinguerait deux types de re-
connaissance. Le premier porte sur une entité appartenant au passé (donc im-
perceptible, parok%a), dont quelque cause éveille ultérieurement le souvenir
(phyis dran pa sad pa!i rgyu !ga! &ig). Le second porte sur une entité nous
faisant immédiatement face (puro "vasthita' vastu, PV" = PVSV" 507,27"
28), donc perceptible (samak%a). Selon cet adversaire, seul le second type de
reconnaissance est moyen de connaissance valide (pram$#a), i.e. perception
directe. Selon PVSV" 507,27, l!adversaire cherche ici à éviter à la recon-
naissance un statut inférentiel (car elle serait fallacieuse, vyabhic$r$t).
640
Référence: selon GNOLI (1960: 194), PV III.503cd et suivantes, consacrées à
pratyabhijñ$na. Sur la critique post-dharmak!rtienne de pratyabhijñ$na com-
me perception, voir MIMAKI 1976: 18.
641
Explication, PV" P384b6/D315b3 = PVSV" 508,11: sam$naj$t"ya' sthirai-
kasvabh$va' vastu, «avec [une entité] de même type[, c!est-à-dire] avec une
entité ayant une seule nature propre constante.»
642
C!est-à-dire, selon PV" P384b8/D315b4"5 = PVSV" 508,14, au regard de la
preuve de l!instantanéité (k%a#ikatvas$dhana) qui a été et sera formulée dans
le présent traité (!$stra). Selon PV" P384b8"385a1/D315b5, et selon les ter-
mes d!autres traités dus à des coreligionnaires (*svay(tha?). On pense évi-
demment à l!AKBh, peut-être au MSA (voire à une preuve due à Dign#ga):
sur le développement du k%a#ikatv$num$na (ici vin$!itv$num$na), voir
382 Traduction

ques [imaginées par l!adversaire en faveur] de la permanence doi-


vent être réputées viciées.643
644
Si [notre adversaire entreprend maintenant de prouver que]
l a c o n n a i s s a n c e n e r e p o s e p a r s u r l ! ho m m e , [s a t h è s e ] s ! e n
t r o u v e r a a n n u l é e à l a f o i s p a r c e q u ! i l ad met [lui- même], par ce
qu!on connaît par la perception et par ce qui s!infère. [P V
I.267bd]
PVSV 140,27
Si la révélation consiste dans la connaissance, l!énoncé se-
ra l!ordre de succession [qui est celui] des [connaissances]. [Ce-
pendant le M!m"#saka,] à démontrer que cet [ordre de succession]
est incréé[, se doit de prouver l!incréation de la connaissance elle-
même, et] sa doctrine s!en trouve [alors] annulée puisque [dans son
propre système doctrinal,] il accepte les connaissances comme des
qualités humaines. PVSV 141,2 Mais il est également perceptible que
ces connaissances proviennent de [facteurs] tels que l!acte d!atten-
tion [ou les facultés sensorielles, lesquels] soit se résument [à la
convention d!]«homme», soit sont des qualités humaines.645 646Et ce

STEINKELLNER 1968.
643
Littéralement: «sont dont les vices [logiques] sont dénonçables.» PVSVt et
PV$ P385a1"2/D315b6 rendent: skyon can du brjod par bya!o, «sont dénon-
çables comme comportant des vices [logiques].»
644
PVSV 140,25"141,7: troisième concept alternatif de la révélation (= vijñ!-
na/buddhi). Introduction, PV$ P385a2"5/D315b6"316a1 et PVSV$ 508,16"
23. Depuis PV I.261, Dharmak!rti examine l!hypothèse selon laquelle vyakti-
krama = v!kya; pour ce faire, il a examiné jusque-là (depuis PVSV 138,30)
deux des trois concepts alternatifs de la vyakti: ati"ayotp!dana et !vara#a-
vigama. Reste le troisième, [vi]jñ!na/buddhi. Si v!kya = vyaktikrama et vya-
kti = buddhi, alors v!kya = buddh$n!m !nup%rv$; or cela est faux: (1) parce
qu!un énoncé ne consiste pas en connaissance (abuddhisvabh!vatva); (2)
parce que si l!on veut prouver que v!kya = vyaktikrama est incréé, il faudra
prouver que la connaissance elle-même est incréée (voir PVV 386,1"2 et
Vibh. 386n. 1). C!est à cette seconde critique que s!attache maintenant Dhar-
mak!rti.
645
«Se résument [à la convention d!]!homme!», c!est-à-dire (selon PV$
P385b4/D316a6 % PVSV$ 509,7) auxquels on attache la convention «hom-
me» afin de faciliter la praxis (vyavah!ral!ghav!rtham); mais (selon PV$,
ibid.) la désignation d!!homme! manque d!un référent qui existerait séparé-
Traduction 383

qu!on nomme «l!être-effet» n!est autre que les existence et inexis-


tence particulières [d!une entité selon que sa cause existe ou non];
or nous dirons [plus loin] que l!existence est perceptible, [et que]
l!inexistence, qui se définit comme non-perception, s!établit indi-
rectement par la perception.647 Que les connaissances sont des ef-
fets de l!homme est donc648 inférable étant donné que la [désigna-
tion en tant qu!effet] a pour indice [inférentiel] des co-présence et
co-absence.649 650De plus:

ment (logs !ig na = p"thak?) de ces facteurs: telle est la position bouddhiste
(svamata), la position du M!m"#saka consistant dans le second terme de l!al-
ternative. Conclusion (PV$ P385b5"6/D316a7 % PVSV$ 509,8"9): à prou-
ver l!incréation de la connaissance, on s!expose à une annulation par la per-
ception (pratyak#ab$dh$), car il est établi par la perception que la connais-
sance, naissant de ces facteurs, est un effet (k$ryatva).
646
Selon l!objection introductive de PV$ P385b6/D316a7"b1 = PVSV$
509,11"12, l!être-effet (k$ryat$) étant imperceptible, l!annulation par la per-
ception n!a pas cours ici.
647
«Indirectement» (s$marthy$t) car lorsqu!en tel lieu a on perçoit une entité x,
distincte d!une autre entité y, cette perception de x dans a fait médiatement
connaître l!inexistence de y dans a (PV$ P386a2"3/D316b3"4 et PVSV$
509,16"17), sous réserve que y remplisse les conditions de perceptibilité (d"-
!ya, upalabdhilak#a%apr$pta, etc.). En d!autres termes, la perception ne con-
naît pas directement (d&os su = s$k#$t?) l!inexistence, car cette dernière n!est
pas cause d!une perception (PV$, ibid.); sur ces différents points, voir
STEINKELLNER 1967: 154"155 et 167 (n. 6), et NB III.36"37. Selon GNOLI
(1960: 194), la référence pourrait être PV IV.274.
648
C!est-à-dire: puisque la connaissance existe ou non selon que l!acte d!atten-
tion existe ou non (PV$ P386a3"4/D316b4 = PVSV$ 509,17"18).
649
Selon PV$ P386a6"7/D316b6 Dharmak!rti présente en outre implicitement
une annulation par ce qui est communément établi (*prasiddhab$dh$?), puis-
qu!un objet établi par la perception et par l!inférence est communément éta-
bli dans le monde ordinaire (*loka[pra]siddha?).
650
Dharmak!rti laisse ici la critique de l!hypothèse selon laquelle l!$nup'rv( se-
rait une propriété des phonèmes (abhedapak#a), et s!attaque, dans PVSV
141,7"11, à l!hypothèse selon laquelle l!$nup'rv( est distincte des phonèmes
eux-mêmes (bhedapak#a; PV$ P386a7"8/D316a6"7, PVSV$ 509,20 et PVV
386,9). L!hypothèse selon laquelle l!ordre de succession serait chose diffé-
rente des phonèmes (mais reposerait sur eux " var%$!raya) krama)), est ba-
384 Traduction

Quant à [l!hypothèse selo n l a q u e l l e ] l ! o r d r e d e s u c c e s s i o n [ s e -


r a i t ] d i f f é r e n t d e s phonèmes [eux-mêmes, nous l!avons déjà]
traitée avec [l!examen critique du] spho!a: cet ordre de suc-
cession ne saurait donc qu!être surimposé par la pensée [hypo-
stasiante]. Comment dès lors [ p o u r r a i t - i l ] n e p a s r e p o s e r s u r
l!homme? [PV I.268]
PVSV 141,10
On objecte à un ordre de succession indépendant des pho-
nèmes selon la méthode même [que nous avons développée lors]
de [notre] examen du spho!a.651 652[Mais] cet [ordre de succession]
n!a pas non plus les phonèmes pour nature propre653[; or il n!est pas
sans pouvoir être décrit en termes d!identité ou d!altérité,] car ce
qui a la nature d!une entité ne déroge pas à cette alternative. Un
«ordre de succession», ce [ne] peut [donc qu!]être l!erreur [propre]
à une connaissance où apparaît la surimposition de cette nature sur

layée par Kum!rila dans "V "abdanityat# 285cd"286: voir pp. 186"189.
L!hypothèse paraît de nature rhétorique tant chez Kum!rila que chez Dhar-
mak#rti.
651
Références. (1) PVSV 127,17sq sous PV I.247cd (et suivantes) selon PV$
P386b2"3/D317a2"3; (2) PV I.247cd et suivantes selon PVSV$ 509,27"28;
(3) PV I.250cd et suivantes selon PVV 386,12"13. K voit juste en ce qu!il
vise le début du passage où Dharmak#rti critique l!hypothèse d!un énoncé in-
dépendant; " voit juste en ce qu!il vise le début du passage où Dharmak#rti
s!attaque à un énoncé un et indépendant; M voit le plus juste en ce qu!il vise
le début de la critique du spho!a proprement dit. Voir aussi ELTSCHINGER
2001b: 246"249 et n. 9.
652
PVSV 141,11"14 forme la conclusion générale de la critique du var$av#da.
De PV I.259 à 267, Dharmak#rti a réfuté que l!ordre de succession fût intrin-
sèque aux phonèmes; dans PV I.268, il réfute que l!ordre de succession soit
indépendant des phonèmes. Or selon PVSV$ 509,22"23 et PVV 386,13"14,
il n!y a pas d!autre possibilité (gati, prak#ra) pour une entité réelle (vastu);
donc un ordre de succession réel (vastubh%ta) est impossible (PVV 386,15).
Selon PV$ P386b1/D317a1, l!ordre de succession ne pouvant être dit ni
identique ni distinct (tattv#nyattva), il n!existe pas réellement (don dam par).
Irréel, il ne saurait donc qu!être une création intellectuelle.
653
Explication, PVSV$ 509,29 (cf. PVV 386,13"14): saro rasa iti pratipatti-
bhed[#]bh#vaprasa&g#t |. «Car il s!ensuivrait inacceptablement qu!entre [les
mots] %sara! et %rasa!, les connaissances seraient identiques.» Cet argument
d!inspiration spho!av#din n!a évidemment ici de valeur que rhétorique.
Traduction 385

des [phonèmes] qui n!ont pas cette nature.654 Or cet [ordre de suc-
cession-ci,655] comment [pourrait-il être] incréé puisque la repré-
sentation [que nous en avons n!]est due [qu!]au fonctionnement
[créateur] de la connaissance?656 657De plus, puisqu!il n!existe au-
cune nature non finie [dans le temps], il faut [nécessairement] que
la résonance, qui existe, soit finie. Et cette [résonance, qui pour
être incréée devrait] soit n!avoir pas de cause, soit avoir une autre
cause [que l!homme], existerait en permanence [dans la première
hypothèse],658 et pas par l!opération humaine [dans la seconde hy-
pothèse].659 "[On en conclut] donc [qu!elle est] de création humai-
ne#.

654
«Cette nature», c!est-à-dire l!ordre de succession; «qui n!ont pas cette natu-
re», c!est-à-dire qui sont dépourvus d!un ordre de succession réel distinct ou
indistinct d!eux-mêmes (vastubh!tabhinn["bhinnPV!]"nup!rv#rahite$u, PV!
P386b6$7/D317a4$5 " PVSV! 510,11).
655
Explication, PV! P386b7$8/D317a5: !di ltar blos sgro btags pa skyes bu la
brten pa go rim de, «cet ordre de succession ainsi surimposé par la connais-
sance[, et qui de ce fait] repose sur l!homme.»
656
Sur vi%hapanapratyupasth"pana, voir BHSD s.v. vi%hapana. Je rends vi%hapa-
na par «fonctionnement [créateur]» en raison de la glose vy"p"ra pour vi%ha-
pana; pratyupasth"pana par «représentation» en raison de la glose sandar&i-
tatva (PV! P386b8/D317a6 = PVSV! 510,13$14).
657
Les trois phrases qui suivent (PPVSV 141,14$17) introduisent le vin"&itv"nu-
m"na (= PV I.269$282/PVSV 141,17$150,2) établissant que la destruction
([vi]n"&a) des entités ressortit à leur existence même (voir pp. 201$203).
Dans l!économie interne de PV I et de la polémique contre la M#m$%s$, la
preuve écarte définitivement la permanence de la parole, de la relation et du
corrélat extralinguistique (voir PV I.283 et PVSV 150,4$11).
658
Explication, PV! P387a2/D317a7 = PVSV! 510,17$18: any"napek$a'"t |.
«Car [alors] elle ne dépendrait pas d!un autre.»
659
Explication, PVSV! 510,18$19: bhavati ca puru$avy"p"r"t |. «Or elle existe
par l!opération humaine.»
Appendice A
1. Avertissement quant à l!édition du texte tibétain

1.1. Le catalogue de lDan dkar ma/lHan kar, compilé vers 812, at-
teste que des traductions tibétaines du Pram!"av!rttika (n°733,
Tshad ma rnam !grel [LALOU 1953: 337]) et de sa V#tti (n°734,
rNam !grel gyi !grel pa [LALOU 1953: 337]) étaient en cours au
début du 9e siècle (voir MEJOR 1991: 179"180). De cette traduction
initiale (qui n!a pas survécu), on ne sait ni l!identité des exécutants,
ni si elle fut exploitée par les traducteurs ultérieurs. Le PV, la
PVSV et la PVP furent (re)traduits au milieu du 11e siècle au Ca-
chemire par le pa"$ita indien Subh!ti"r#"$nti et le lots!ba rMa dGe
ba#i blo gros, disciple de Rin chen bza% po (958"1055). Au con-
traire du sort que connut la version des k!rik! (remaniée à la fin du
11e siècle par *Bhavyar$ja et r&og Blo ldan "es rab, puis vers 1210
par '$kya"r#bhadra et Sa skya Pa()ita), rien n!atteste que la traduc-
tion tibétaine de PVSV ait subi d!importants remaniements. Quel-
les qu!aient été les vicissitudes de sa transmission tibétaine, cette
traduction nous est parvenue par l!intermédiaire de quatre xylo-
graphes de bsTan !gyur. Le passage ici traduit et édité en forme les
sections suivantes:
Pékin (P) Ce 478a4"505b5
sNar tha% (N) Ce 484a6"508b4
sDe dge (D) Ce 321b6"343a7
Co ne (C) Ce 318b6"340a6
La présente édition se fondant sur des bsTan !gyur du seul Tibet
oriental, et de surcroît fort tardifs (1er tiers du 18e siècle environ),
elle n!a aucune vocation «critique» au sens défini pour le bKa!
!gyur par HARRISON (1992; c!est-à-dire établir le texte du «Vieux
sNar tha%»): au contraire de la transmission des textes incorporés
au bKa! !gyur, qui commence d!être mieux comprise (voir en géné-
390 Appendice A

ral SKILLING 1997), les modalités de la transmission et de la con-


stitution «du» bsTan !gyur demeurent en effet presque inconnues à
ce jour (voir TAUSCHER 1994).
1.2. Je me dois de fournir quelques éléments d!explications quant à
mon usage de la version tibétaine de la PV! (Tshad ma rnam !grel
gyi !grel b!ad), elle aussi traduite par rMa dGe ba"i blo gros (voir
MEJOR 1991: 191 pour un colophon). Plusieurs cas de figure sont à
signaler ici:
1.2.1. PV! corrobore la leçon retenue, par exemple:
D, C rtog (PV!): P, N rtogs

1.2.2. PV! corrobore un amendement apporté au texte. Par exem-


ple:
em. ya" (PV!): P, N, D, C da"

1.2.3. P, N, D, C portent un texte homogène et intelligible en l!état,


mais PV! présente un texte plus conforme au texte sanskrit retenu.
Par exemple:
P, N, D, C kho na (PV! de ltar)

1.2.4. P, N, D, C portent un texte homogène et intelligible en l!état,


mais dont on peut suspecter qu!il a été amputé d!un segment en
cours de transmission, ou dont une traduction plus fidèle est pos-
sible. Par exemple, dans la traduction de PVSV 111,5#6 (pra!ama-
sukhasya anudvejan"c ca |):
D, C rab tu #i ba"i bde ba"i phyir da" |: P, N om. rab tu #i ba"i bde ba"i
phyir da" |. Cf. PV! P299a2#3/D251b4#5: rab tu #i ba ni !dod chags la
sogs pa da$ bral ba"i mtshan ñid can gyi mya $an las !das pa"o || de"i zag
pa med pa""i bde ba ga$ yin pa de""i ro mya$ ba de la skyo ba med pa ste |
rgyab kyis phyogs par mi byed pa""i phyir ro ||, suggérant: *rab tu #i ba!i
bde ba!i ro mya" ba la skyo ba med pa!i phyir da" |.

1.3. Je n!ai pas mentionné les très nombreuses variantes orthogra-


phiques de type:
D, C ltos: P, N bltos
Avertissement quant à la version tibétaine 391

P, N rim: D, C rims
D, C gra!: P, N dra!
D, C slu: [P,] N bslu
De même n!ai-je pas signalé les variantes induites par le traitement
des particules (finales surtout) dans certaines portions de N (mas-
sivement dans N505a et 505b): phyiro, yino, yodo, medo, !gyuro,
byedo, ainsi que byedu (N506b7), ñidu (N505b1, N507a7), ou telle
abréviation/contraction de thams cad en th°d/tha"d (N507a6, ex-
trême fin de ligne).
1.4. La numérotation continue (ligne par ligne) est celle de P.
2. Version tibétaine
tshad ma gsum log tu zin kya! d!os po med par !grub pa ma yin no
"es b#ad pa ga! yin pa de tshad ma g"an log pa na ldog par mi
!gyur te | de dag ni ma lus pa!i yul [P5] can ñid ma yin pa ñid kyi
phyir ro || !di la1 lu! gis ni cu! "ig kya! ma khyab pa med de | de la
log pa ji [N484b] ltar go bar byed pa ma yin "e na | !di la lu! dag tu
don [C319a] thams [D322a] cad ñe bar sbyar2 ba med par [P6] ni
b#ad zin te | skabs su bab pa ñid ma yin pa!i phyir ro || g"an ya! |
sgra rnams d!os da! lhan cig tu |
| m e d n a m i ! b y u ! ñid med phyir |
| de las don grub min de dag |
| smra ba!i bsam [P7] pa ston par byed || [PV I.213]
sgra ni d!os po ji lta ba b"in du !jug pa ma yin te | ga! gi phyir de
dag las don gyi ra! b"in !es par !gyur na | de dag ni smra ba po
brjod par !dod pa3 la rag lus pas [P8] !jug pa can dag yin pa!i phyir |
de med na mi !byu! ba yin pas de ñid kyi4 go bar byed pa yin par5
!gyur ro || skyes bu!i !dod pa thams cad kya! don ji lta ba b"in du
!gyur ba can ma yin [P478b1] la | de la rag lus pa med pa!i ra! b"in
can gyi d!os po ni g"an go bar byed pa ma yin no || !on kya! ga!6 |
yid ches tshig ni mi slu ba || spyi las7 rjes su dpag pa ñid ||8 ces lu!
rjes su dpag pa ñid du [P2] gsu!s pa de ji ltar yin "e na | skyes bu !di
ni lu! gi tshad ma la ma brten par g"ag par nus pa ma yin te | !bras
bu m!on sum du gyur pa ma yin pa can la la dag gi !jug pa da! |
ldog pa!i phan [P3] yon chen po da! | !an so! dag thos pa!i phyir

1
P, N, D, C !di la (PV$ om. !di la)
2
P, N sbyar (PV$): D, C sbyor
3
D, C pa (PV$): P, N par
4
em. kyi: P, N, D, C kyis
5
D, C par (PV$): P, N pas
6
P, N, D, C ga! (PV$ ga! !di)
7
em. las (PV$): P, N, D, C la
8
= PS II.5ab
394 Appendice A

da! | de yod pa la !gal ba1 ma mtho! ba!i phyir ro || de bas na !jug


par bya ba yod2 na !di ltar !jug pa yin pa!i phyir brtags nas tshad
mar gsu!s [P4] so || de ya! |
!brel pa da ! ni rjes mthun thabs |
| skyes bu!i don3 ni rjod byed !ag |
| y o ! s su brtags pa dba ! b y a s y i n |
| de las g"an pa dba! byas min || [PV I.214]
!brel pa ni !ag rnams don gcig tu [P5] sdud4 pa la phan !dogs par
byed pa!o || de ltar ma yin na smra ba po!i5 mi mthun pa ston6 par
!gyur te | se!u bcu "es bya ba la sogs pa!i !ag da! !dra bar bsdud7
med pa kho na yin no || !bras bu !dod [P6] pa bstan bcos thabs nus pa
med pa can gyi !bras bu can la dpyod par bya ba!i phyir gus par mi
[N485a] !gyur "i! | skyes bu don gyi !bras bu med pa can dag la
ya! ste | dug "i bar bya ba!i phyir !jog [P7] po!i8 gtsug gi rin po che!i
rgyan gyi man !ag lta bu da! | bya rog gi so la9 brtag10 pa lta bu!o ||
[D322b/C319b] de bzlog nas sdud pa da! ldan pa da! thabs nus pa
can da! | skyes bu!i don rjod par byed pa!i bstan bcos ni [P8] yo!s su
brtag par bya ba yin te | g"an la gus par bya ba ñid ni mi rigs pa ñid
kyi phyir ro || de11 ni gal te yo!s su brtags pa la slu ba brten12 pa

1
D, C ba (PV#): P, N ba la
2
D, C yod (PV#): P, N yin
3
N, D, C don (PV#): P !od
4
P, N, C sdud (PV#): D sdug
5
P, N po!i: D, C po
6
P, N, D ston (PV#): C sten
7
P bsdud: N, D, C bsdur
8
P, N po!i (PV#): D, C pa!i
9
D, C la: P, N om. la
10
P, N brtag (PV#): D, C brtags
11
P, D, C de: N da
12
P, N brten (PV#P): D, C bstan
Version tibétaine 395

med pa de la1 !jug pa na mdzes par !gyur ro || [P479a1] !di!i mi slu


ba2 ga! "e na |
mtho! da! ma mtho! d!os po yi3 |
| don de dag la m!on sum da! |
| rjes dpag rnam pa gñis kyis kya! |
| gnod med !di ni mi slu ba!o || [PV I.215]
m!on sum du !dod [P2] pa!i don dag la de b"in du !gyur ba ni m!on
sum gyis gnod pa med pa ste | dper na s!on po la sogs pa da! bde
ba da! sdug bs!al4 da! rgyu mtshan ñe bar mtshon par byed pa da!
!dod chags la sogs pa da! [P3] blo dag lta bu!o || de ltar m!on par
!dod pa ma yin pa dag kya! m!on sum ñid ma yin te | dper na sgra
la sogs pa!i !o bo "en pa can bde ba la sogs pa dag da! | rdzas da!
las da! spyi da! ldan pa la [P4] sogs pa5 dag lta bu!o || de b"in du lu!
la ltos pa med pa!i rjes su dpag pa!i yul du !dod pa dag la de b"in
du !gyur te | dper na !phags pa!i bden pa b"i dag lta bu!o || rjes su
dpag par bya ba ma [P5] yin pa de dag6 ni de ltar !gyur te | dper na
bdag la sogs pa lta bu!o || lu! la bltos pa!i rjes su dpag pa ya! dper
na !dod chags la sogs pa!i !o bo da! de las byu! ba!i chos ma yin
par khas [P6] bla!s nas de spa! ba!i7 phyir khrus da! me8 la sbyin
sreg la sogs pa ma9 bstan pa lta bu!o || yo!s su gcod par nus pa!i
yul ma lus pa rnam par dag pa de ni mi slu ba yin no ||
yid ches tshig ni mi [P7] slu ba |
| spyi las !di yi lkog gyur pa!i |
| yul la !a! [N485b] go skabs med blo ni |

1
D, C la (PV#): P, N la la
2
P, N, D, C mi slu ba (PV# mi slu ba ya!)
3
N, D, C yi: P yis
4
P, N bs!al (PV#): D, C bs!al ba
5
D, C pa: P, N om. pa
6
P, N, D, C de dag (PV# om. de)
7
D, C spa! ba!i: P, N spa!s pa!i
8
P, D, C me: N ma
9
P, N, D pa ma (PV#): C pas
396 Appendice A

| rjes su dpag pa ñi d d u b r j o d | | [ P V I . 2 1 6 ]
de da! !di de lta bur gyur pa!i ñes pa zad pa!i tshig mi slu bar
mtshu!s pa!i phyir ma mtho! bar [P8] !khrul pa med pa can m!on
sum da! rjes su dpag pa dag gis go ba ma yin pa!i don rtogs pa ni
de la brten pa ñid kyi phyir de las g"an pa!i rtogs pa da! !dra bar
mi slu bar rjes su dpag1 par bya ba yin no || [P479b1] de bas na
sgras rab [D323a] tu phye2 ba yin du zin kya! sgra las byu! ba
[C320a] da! !dra bar bsam pa ñid ston par byed pa ni ma yin pa de
ltar na don la mi slu ba!i phyir rjes su dpag pa ya! yin no || ya! na
rnam pa g"an gyis [P2] ñes pa zad pa!i tshig mi slu ba yin pa!i phyir
rjes su dpag pa ñid du brjod par bya ste |
bla! da! dor bya!i de ñid ni |
| thabs bcas rab tu !es pa yis |
| gtso bo!i3 don la mi slu!i phyir |
| g"an la !a!4 [P3] rjes su dpag pa yin || [PV I.217]
bla! bar bya ba da!5 dor bar bya ba da! de!i thabs des bstan pa dag
la phyin ci log med pa ni mi slu ba yin te | dper na !phags pa!i bden
pa6 b"i po !chad par !gyur ba!i tshul lta bu!o || [P4] skyes bu!i don la
ñe bar mkho ba can goms par !os7 pa de da! !di!i mi slu ba!i phyir8
yul g"an la ya! de b"in du khas bla! bar bya!i slu ba ni ma yin te |
!gal ba med pa!i phyir da!9 | !chad pa po dgos [P5] pa med pa la log
par ston pa la !bras bu med pa!i phyir ro || de da! de rnam pa gñis
gas kya! go skabs med pas lu! rjes su dpag pa ñid du brjod pa yin
no || lu! la !jug pa na de ltar !jug par bya!o || [P6] de ltar na rjes su

1
D, C dpag (PV#): P, N dpog
2
N, D, C phye: P phya
3
N, D, C bo!i (PV#): P !o!i
4
D, C la!a! (PV#): P, N la ya!
5
D, C da! (PV#): P, N om. da!
6
N, D, C pa (PV#): P pa li
7
D, C par !os: P, N pa la bltos
8
em. mi slu ba"i phyir (PV#): P, N, D, C mi slu ba"i
9
N, D, C da!: P do!
Version tibétaine 397

dpag pa ya! ñes pa med pa ma yin te | sgra dag ni don rnams la


med na mi !byu! ba ñid ma yin pa!i phyir ro1 "es bstan zin to2 ||
s k y e s b u p h u l b y u ! l a bl t o s p a |
| ji b"in3 don du g"an [P7] gyis #es || [PV I.218ab]
don ji lta ba b"in du mtho! ba la sogs pa!i yon tan da! ldan pa!i4
skyes bu ñes pa zad pa ste | des byas pa ni mi slu ba "es bya!o "es
bya ba ni g"an dag gi!o ||
gal te phul du byu! ba de5 |
| [P8] #es [N486a] par nus na don !di !dod || [PV I.218cd]
rtog pa s!on du gto! ba !jug par !dod pa can thams cad ni lu! !am
lu! ma yin pa tshol bar byed kyi pho!s pas ni ma yin no || ji ltar
ya! !di las nan tan du byas [P480a1] #i! #es nas !jug pa na don da!
ldan par !gyur ba de ltar mtho! bar nus pa can la slu ba med pa!i
rkyen gyis de g"an dag la ya! !jug par !gyur te | !jig rten gyi tha
sñad ni de ltar [P2] phal che ba can ñid kyi phyir ro6 || skyes bu yo!s
su brtags nas !jug pa na7 mi !jug pa kho na [D323b] yin te | de lta
bur gyur pa de #es par mi nus [C320b] pa ñid kyi phyir ro || mi !dod
pa!i phyir ni ma yin te | de !dra [P3] ba ni phyin ci ma log pa ston
pa!i phyir ro || !di ltar |
tshad ma rnams ni rñed dka!i 8 phyir |
| !di ni !di lta !am min no "es |
| g"an ñes pa !am ñes med kya! |
| rtogs dka! "es ni g"an gyis #es || [PV I.219]

1
P, D, C ro: N ra
2
P, D, C to: N te
3
N, D, C b"in (PV$): P !"in
4
em. pa!i (PV$): P, N, D, C ni
5
em. de (PV$): P, N, D, C ste
6
P, D, C ro: N om. ro
7
D, C na (PV$): P, N ni
8
P, N, C dka!i (PV$): D dga!i
398 Appendice A

[P4] skyes bu dag sems1 las byu! ba!i yon tan da! skyon dag las ya!
dag pa da! log2 par !jug pa can yin na de ya! dba! po las !das pa
dag yin te | ra! las byu! ba!i lus da! !ag gi bya ba da! smra bas [P5]
rjes su dpag par bya ba dag yin na | tha sñad kya! phal cher blo
s!on du gto! bas rnam pa g"an du ya! bya bar nus te | skyes bu!i
!dod pas3 !jug pa can ñid yin pa!i phyir da! | de dag kya! bsam pa
4
[P6] sna tshogs pa can yin pa!i phyir ro || de bas na !di ni gtan tshigs
chal5 ba!i phyir !es pa med pa yin na ji ltar rtogs par !gyur | ci ste
ga! ñes pa med pa de !dra ba!i skyes bu ci yod pa ma yin nam "e
na | [P7]
!grib da! phul byu! brten pa kun |
| mi mthun phyogs da! bcas ñid phyir |
| de goms pa las bdag gyu r pas |
| la lar6 zag pa zad par !gyur || [PV I.220]
zag pa zad pa de ya! #es par7 dka! ba yin no || [P8] ñes pa !di ni !grib
pa da! phul du byu! ba!i chos can gyis8 yin te | mi mthun pa!i
phyogs kyis zil gyis gnon pa khyad par du byed pa [N486b] da! mi
byed pa9 me la sogs da! !dra bar sgrub par byed do || [P480b1] de
dag ni rnam par rtog10 pa las !byu! ba can dag yin te | ñe bar len pa
dag yod11 na ya! yid kyi yon tan !ga! "ig goms pa12 las khyad par

1
P, D, C sems: N sams
2
P, N log (PV$): D, C ldog
3
P, N pas (PV$): D, C pa!i
4
D, C pa: P, N om. pa
5
N chal (PV$ !chol): P, D, C tshol
6
N, D, C lar (PV$): P las
7
D, C par (PV$): P, N pa
8
P, N gyis: D, C gyi
9
D, C pa: P, N pa da!
10
D, C rtog (PV$): P, N rtogs
11
P, N yod (PV$): D, C yin
12
P, N, D pa (PV$): C om. pa
Version tibétaine 399

du !gyur ba med pa da! | de gsal ba na me la sogs pa da! !dra bar1


[P2] rjes su !gro ba med pa can gyi !jig pa!i chos can du !gyur ro || de
bas na ñes pa med par ya! !gyur ro || ñes pa med pa "es bya ba ya!
ji lta bu yin | !di ltar ñes pa!i mi mthun pa!i phyogs kyi bdag [P3] ñid
du !gyur ba ñid yod na ya! rkyen ji lta ba b"in du ñes pa ya! !byu!
ba yin te | ñes pa!i bdag ñid du gyur pa!i mi2 mthun pa!i phyogs
skye ba da! !dra!o "e na | ñes3 [D324a] pa !di [P4] ni med de !di ltar |
!tshe ba med da! ya! dag don |
| !o bo ñid la phyin4 log gis |
| !bad du zin kya! mi bzlog ste5 |
| blo ni de phyogs !dzi n p h y i r r o | | [ P V I . 2 2 1 ]
[C321a] ra! b"in ni6 !bad rtsol med par bzlog par nus pa [P5] ma yin
te | gtsa! sbra7 can8 thod pa can la !dod pa da! !dra!o || !bad rtsol
ya! thob pa da! ldog pa!i ra! b"in dag ni yon tan da!9 skyon
mtho! bas byas pa yin na | de ya! mi mthun pa!i phyogs kyi bdag
ñid [P6] can du !gyur ba!i skyes bu!i skyon dag la yod pa ma yin te |
de ni ñe bar !tshe ba med pa ñid yin pa!i phyir ro || ñes pa ma lus pa
spa!s pa!i phyir da! | kun nas dkris pa da! skye ba la rag lus pa!i
sdug [P7] bs!al da! bral ba!i phyir da! | rab tu "i ba!i bde ba!i phyir
da! |10 skyo ba med pa!i phyir ro || ya! dag pa!i don can ma yin pa

1
D, C !dra bar (PV#): P, N om. !dra bar
2
P, N, D mi (PV#): C ma
3
P, N, D ñes (PV#): C ñas
4
D, C phyin: P, N phyin ci
5
D, C bzlog ste: P, N zlogs te
6
P, N ni: D, C du
7
D, C sbra (PV#): P, N sgra
8
P, N can (PV#): D, C can la
9
P, N da! (PV#): D, C om. da!
10
D, C rab tu "i ba!i bde ba!i phyir da! |: P, N om. rab tu "i ba!i bde ba!i phyir
da! |. Cf. PV# P299a2"3/D251b4"5: rab tu !i ba ni !dod chags la sogs pa
da" bral ba"i mtshan ñid can gyi mya "an las !das pa"o || de"i zag pa med pa""i
bde ba ga" yin pa de""i ro mya" ba de la skyo ba med pa ste | rgyab kyis
phyogs par mi byed pa""i phyir ro ||, suggérant: *rab tu "i ba#i bde ba#i ro
400 Appendice A

ñe bar len pa!i stobs las1 byu! ba can2 ya! rgyud3 las rnam par
bzlog pa bzu! ba!i phyir mi !gyur ro || ya! [P8] dag pa!i don can ni
ma yin te | d!os po!i stobs kyis skye ba!i phyir ro || ñes pa4 ya! dag
pa!i don ma yin pa can gñen po!i phyogs kyi bdag ñid can du gyur
pa la gnod par byed pa ma yin no || [P481a1] de bas na ñes pa5 skye
ba ma yin te | !bad rtsol yod [N487a] na ya! rtog pa da! ldan pa!i
blo da! khyad par du skyon med pa!i bdag ñid can ni yon tan gyi
phyogs su gyur pas gñen po!i phyogs [P2] ñid la rtsol ba byed pa!i
phyir ro || ñes pa de dag skyed par byed pa6 ga! gi gñen po!i
phyogs goms7 pa las spo! bar !gyur ba ya! ga! "e na |
ñes pa!i8 rnam pa thams cad dag |
| !jig9 tshogs lta las skye [P3] ba yin |
| de ma rig10 de der chags pa |
| de las "e sda! la sogs !byu! || [PV I.222]
!a ma yin !a!i ma yin "es lta ba!i yo!s su !dzin pa med par !ga! "ig
la ya! chags pa med ci! | rjes su chags pa med [P4] par !ga! "ig la "e
sda! med de | bdag da!11 bdag gi la ñe bar gnod pa med pa can da!
ñe bar gnod pa !joms par byed pa la de med pa!i phyir ro || de bas
na rigs mtshu!s pa goms pa las [P5] skye ba!i bdag tu lta bas12 bdag

mya! ba la skyo ba med pa"i phyir da! |.


1
D, C las (PV#): P, N las las
2
D, C can (PV#): P, N om. can
3
D, C rgyud (PV#P): P, N rgyu
4
em. pa (PV#): P, N, D, C pa!i
5
P, N, D, C ñes pa (PV# ñes pa ya!)
6
P, N, D pa: C par
7
P, D, C goms: N gams
8
P, N pa!i (PV#): D, C par
9
D, C !jig (PV#): P, N !jigs
10
P, N ma rig (PV#): D, C mi rigs
11
em. da! (PV#): P, N, D, C med pa
12
D, C bas (PV#): P, N ba
Version tibétaine 401

gir !dzin pa1 skyed par2 byed do || de dag gis kya! de la chags pa3
da! "e sda!4 la sogs pa skyed par [D324b] byed pa!i phyir | ñes pa
thams cad ni !jig tshogs su lta ba las skye ba yin no || [P6/C
C321b]
5 6
de ñid kya! mi #es pa "es bya ste |
de ñid phyir na ñes rnams kyi |
| r g y u n i g t i m u g y i n p a r g s u !s |
| g"an ya! !jig tshogs lta ba ste7 |
| de spa!s pa na spa!s phyir ro || [PV I.223]
gti mug [P7] ni ñes pa!i rgyu yin par gsu!s te | rmo!s pa med pa la
ñes pa dag mi skye ba!i phyir ro || g"an dag tu ni !jig tshogs su lta
ba ya! yin no || de da! de ni gtso bo bstan pa yin na !gyur te | du
ma las [P8] skye ba can gyi ñes pa dag ni gcig las skye ba !gal ba!i
phyir ro || gñi ga gtso bo yin na ni re re bstan pas mdzes pa la brten
pa8 ma yin no || rnam pa gñi9 ga ya! gcig tu bstan pa na !gal ba med
do || [P481b1] gtso bo ya! de dag10 gi ñe bar len pa ñid kyis yin te |
de spa!s pa na ñes pa dag spa!s pa!i phyir ro || de bas na !jig tshogs
su lta ba las skye ba can [N487b] gyi ñes pa rnams ni de!i gñen
po!i phyogs bdag med [P2] pa mtho! ba goms pa las spa!s pa yod
par !gyur ro || ñes pa zad pa can rtogs dka! ba de ya! ga! gis bstan
pa las !dis rtogs par !gyur ro || skyes bu la brten pa can gyi tshig ni
lu! [P3] ma yin te | byed pa po rtogs dka!11 ba ñid kyi phyir ro ||

1
D, C pa (PV$): P, N par
2
P, N skyed par (PV$): D, C skye bar
3
D, C pa (PV$): P, N om. pa
4
P, N, D, C "e sda! (PV$ des "e sda!)
5
P, D, C #es (PV$): N #as
6
em. pa: D,C pas ma rig pa: P pas ma rigs pa: N par ma rig pa. Cf. PV$
P300b7/D253a1"2: de ñid kya! mi "es pa ste ma rig pa!o #es gsu!s so ||.
7
N, D, C ste: P da!
8
D, C brten pa (PV$): P, N om. brten pa
9
N, D, C gñi: P gñis
10
D, C de dag (PV$): P, N !ag
11
N, D, C dka! (PV$): P dga!
402 Appendice A

tshig rnams log pa ñid kyi rgyu |


| ñes rnams skyes bu la brten phyir |
| skyes bus ma byas bden don can |
| !es ni la la rjod par byed || [PV I.224]
lu" thams cad ni !khrul par srid pa ma yin te | !khrul pa!i rgyu
[P4]
ñes pa rnams ni skyes bu la brten pa ñid kyi phyir ro || skyes bus
ma byas bden don can !es bya ba ni g!an dag gi yin te | [P5] rgyu
med pas ni !bras bu med pa sgrub1 par byed pa!i phyir ro || de skad
du smra ba de ñid la |
tshig rnams bden pa ñid kyi rgyu |
| yon tan skyes bu la brten phyir |
| skyes bus ma byas log pa!i don |
| [P6] ci min !es ni g!an dag brjod || [PV I.225]
ji ltar !dod chags la sogs pa da" ldan pa!i skyes bu brdzun du smra
ba mtho" ba de ltar | brtse ba!i chos ñid la sogs pa da" ldan pa bden
par smra ba yin [P7] no || de bas na ji ltar tshig ni skyes bu la brten
pa ñid kyi phyir log pa!i don2 yin pa de ltar bden pa!i don ya" yin
pa!i phyir de [D325a] log [C322a] pa na de ya" log pa de ltar na
don3 med pa !am phyin ci log tu !gyur [P8] ro || sgra rnams ni "o bo
ñid kyis4 don da" ldan pa ma yin gyi brda las yin te | de las don
rtogs pa!i phyir lus kyi brda la sogs pa lta bu!o || rjes su mthun par5
ru" ba ñid yin te | brda!i [P482a1] tshe de!i !dod pas6 brdar byas pa
ñid kyi phyir ro || "o bo ñid kyis7 grub pa dag la ni !dod pa!i dba"
gis bstan pa mi ru" ba!i phyir ro || de dag don med pa can yin pas
skyes bus [P2] legs par byas pa las don da" ldan par !gyur | de dag

1
em. sgrub (PV#): P, N, D, C grub
2
P, N, D, C log pa"i don (PV# log pa"i don ñid)
3
em. don med pa (PV#): P, N, D, C med pa
4
P, N kyis (PV#D): D, C kyi
5
P, N, D, C rjes su mthun par (PV# rjes su mthun par ya")
6
em. pas (PV#): P, N, D, C pa
7
P, N kyis (PV#): D, C kyi
Version tibétaine 403

kya! de dag gis legs par bya ba kho1 na skyes bus2 byas pa can kho
na ñid du rigs kyi skyes pa ni ma yin no || de ñid [N488a] las don la
!khrul pa!i [P3] phyir ro || skyes pa3 ya! rnam pa g"an du brdar byas
pa ya!4 de las g"an pa!i skyes bu!i chos da! !dra bar !gal ba med
pa can yin no || de bas na !di log pas ra! gis byas pa!i brda las byu!
[P4] ba can gyi don gyi blo dag log par !gyur ro || de bas na de log
par ga! las bden pa!i don can ñid yin | ci ste ya! skyes pa kho na
skyes bus byas5 pa ñid yin gyi brdar byas pa ma yin na |
don #es [P5] byed6 pa dag gi rgyu |
| brda ni skyes bu la brten 7 p a s |
| tshig rnams skyes bus byas min ya! |
| de phyir log pa ñid du srid || [PV I.226]
!di skyes bus byas pa ma yin pa ñid kyis ci "ig bya | brda ga! las
don [P6] rtogs par !gyur ba de skyes bus byas pa8 de ni phyin ci log
tu ya! !gyur ro || brda rnam pa g"an gyis tshul khrims sgrub par
byed pa can gyi mtho ris kyi tshig phyin ci log tu !gyur ro || des na9
don [P7] ji lta10 ba b"in ma yin ya! ston par byed pa srid pa!i phyir
de ñid skyon yin no ||
!brel pa skyes bus byas min na |
| brda rig med par rtogs par !gyur || [PV I.227ab]

1
P, D, C kho: N khas
2
N, D, C bus (PV$): P bus ma
3
D, C pa (PV$): P bu: N illis.
4
D, C pa ya!: P, N pa la ya!
5
D, C byas (PV$): P, N om. byas
6
P, N byed (PV$): D, C byas
7
P, D, C brten: N brtan
8
em. skyes bus byas pa (PV$): P, N, D, C skyes bus ma byas pa
9
P, N des na (PV$): D, C de bas na
10
D, C lta (PV$): P, N ltar
404 Appendice A

de1 ltar ni !gyur na sgra2 !brel pa ma byas pa [P8] can de dag ni don
rnams la skyes bu dag gis rnam pa g!an du phyin ci log par !gyur
ba ma yin pa de bas na skyon yod pa ma yin no !e na | da ni brdas3
ci !ig bya ste | ga" las don rtogs pa de4 ni [P482b1] !brel pa yin
no || gal te de skyes bus ma byas pa yin na !di ni brda la5 bltos pa
med pa ñid yin no || rtogs pa la brten6 pa [C322b] ma yin na ji7 ltar
na !brel pa yin na8 |
[D325b] b r d a s d e d a g n i g s a l y i n n a |
| [P2] rtog9 pa g!an dag don med !gyur || [PV I.227cd]
!brel pa yod na ya" gsal ba med na rtogs pa!i rgyu ma yin no ||
brdas kya" !di gsal bar byed pa yin no || !on te de10 grub pa la ñe
bar gnas pa can rgyu [P3] ma yin pas ci !ig bya11 | !brel pa!i bya ba
ni ga" don rtogs pa skyed par byed pa de tsam ma yin nam | de ni
brda ñid [N488b] kyis byas zin to || gal te ru" ba ma yin pa!i brdas
nus pa ma yin pa!i phyir ru" [P4] ba ñid !brel pa yin no !e na | de bas
na ci sgra !brel pa yin pa bla12 ste | rgyu da" !bras bu!i ru" ba ñid
da" !dra bar sgra!i nus pa!i "o bo13 ru" ba ñid yin no || gal te14 don

1
N, D, C de (PV#): P des
2
D, C sgra (PV#): P, N om. sgra
3
em. brdas: P,N,D,C brda
4
D, C de: P, N om. de
5
em. la (PV#): P, N, D, C las
6
P, D, C brten: N brtan
7
N, D, C ji (PV#): P ci
8
D, C na: P, N om. na
9
P, N rtog: D, C rtogs
10
P, N de (PV#): D, C om. de
11
P, N, D, C yin pas ci !ig bya. Cf. PV# P305a8"b1/D256a7: rgyu ma yin pa
!bras bu med pa can gso !i" yo"s su skyo" bas ci !ig bya |, suggérant: *rgyu
ma yin pa gso bas ci !ig bya |.
12
P, N pa bla (PV#): D, C par bya
13
D, C "o bo: P, N "o bo ñid
14
P, N, D, C gal te (PV# gal te de)
Version tibétaine 405

g!an yin na sgra!i1 !es bya ba!i [P5] !brel pa brjod pas ci !ig bya | gal
te ru" ba ñid la phan !dogs par byed pa yin no !e na | ma yin te rtag
pa ñid ni phul du dbyu" du med pa ñid kyi phyir ro || de la ya" #in
tu thal bar !gyur [P6] ba!i phyir | phan !dogs pa ma grub pa!i phyir
ro || ru" ba ñid kya" don la "o bo ñid kyis ru" ba ñid du ci!i phyir
mi !dod | !on te brda ni ji ltar sgra da" don dag gi !brel pa yin te |
skyes bu [P7] rnams la !jug pa!i phyir ro || ma !dres pa rnams da"
grub pa rnams la ni !brel ba ga" ya" yod pa ma yin te2 | tha dad pa
med par thal bar !gyur ba!i phyir da" bltos pa med pa!i phyir ro ||
don gyi [P8] khyad par brjod par !dod pa !pha"s pa!i tshig gis !di las
!di !es #es pa!i ra" gi rgyu la sna" ba!i don ston3 par byed pa!i
phyir | blo!i "o bo da" "ag gi rnam par rig byed dag ni bskyed par
bya ba da" skyed [P483a1] par byed pa!i "o bo!i4 !brel pa yin pa de
bas na sgra las rtogs pa ni med5 na mi !byu" ba yin pa!i phyir ro ||
de6 gsal bar byed pa ni brda yin te | de las #es par byed pa!i !brel [P2]
pa grub pa!i phyir da" | !brel pa gsal bar byed pa!i phyir | de ñid ni
!brel pa ma yin no || g!an ñid !brel7 pa rtag pa yin par ni bla ste |
des na |
tshig rnams don gcig la "es8 na |
| don9 g!an rtogs [P3] par mi !gyur ro || [PV I.228ab]
!brel pa des !brel pa med pa!i don rtogs par rigs pa ma yin te | de ni
don med pa can du thal bar !gyur ba!i phyir ro || !dod pa!i dba" gis

1
D, C sgra!i (PV$): P, N sgra
2
P, D, C te: N to
3
P, N ston (PV$): D, C rten
4
P, D, C bo!i: N ba!i
5
P, N, D med: C mad
6
D, C de (PV$): P, N de da"
7
P, D, C !brel: N !bral
8
P, D, C "es: N "as
9
P, D, C don: N dan
406 Appendice A

brdar byas pa can thams cad [P4] kyis1 thams cad gsal bar byed pa
ya! mtho! !o ||
don du ma da! m!on !brel na |
| ! g a l b a [ N 4 8 9 a ] g s a l b a r b y ed p a s r i d | | [ P V I . 2 2 8 c d ]
[C323a] ci ste mtho! ba [D326a] !gal bar ma gyur cig sñam pas
thams cad thams cad [P5] kyi rjod par byed pa yin no || de2 ltar na
thams cad thams cad kyi sgrub par ni ma yin te | rgyu da! !bras bu
dag ni !chol ba med pa!i phyir ro ||3 de la4 so sor !es par byed pa
sgrub pa can gyi m!on par [P6] !dod pa!i don la bsgrub par bya ba
da! | sgrub par5 byed pa thams cad kyi thun mo! gi sgra ni !dod
pa!i don gsal bar byed pa ñid brda6 byed pas byas pa yin no "es bya
ba de ga! las yin | de ma !es pa !es pa skyes bu7 las [P7] thob8 par
!gyur ba de!i tshe |
skyes bus ma byas pa ñid kyi |
| k u n t u r t o g p a ! a! 9 d o n m e d ! g y u r | | [ P V I . 2 2 9 a b ]
ji ltar ya! don ma !chol ba rtogs pa!i phyir skyes bu rgyur !chol ba
bsal10 ba yin no || de la11 [P8] skyes bu rnams kyis12 ci !dra ba dag
!ga! "ig la rab tu sbyor ba !chol bar !gyur ro || de !dra ba ñid thams
cad da! thun mo! du gyur pa13 yod na | !ga! "ig la de rnams kyis

1
em. kyis (PV#): P, N, D, C kyi
2
D, C de (PV#): P, N de de
3
D, C ro ||: P, N om. ro ||
4
em. la: P, N, D, C las
5
D, C bya ba da! | sgrub par (PV#): P, N om. bya ba da! | sgrub par
6
P, N byed pa ñid brda: D, C om. byed pa ñid brda
7
D, C bu (PV#): P, N bus
8
em. thob (PV#): P, N, D, C mtho!
9
P, D, C !a!: N !i!
10
P, N bsal: D, C gsal
11
D, C de la: P, N de las
12
em. kyis (PV#): P, N, D, C kyi
13
D, C gyur pa: P, N !gyur ba
Version tibétaine 407

!es par byas pa yin te | [P483b1] de kho na ñid yo!s su "es pa med
pa!i phyir ro || gal te rig byed pa ni1 !o2 bo ñid kyis !es pa yin no
#e3 na | bstan pa la rag las pa med par !gyur ba da! | brda rnam pa
g#an gyis ston par mi !gyur ba da! | [P2] !chad pa!i rnam par rtog par
mi !gyur ro || rnam par rtog par nus pa can yod na ston pa!i !dod pa
la mi slu ba med pa!i phyir skyes bus ma byas pa ñid ni don med
pa can ñid du !gyur ro ||
tha dad rnams [P3] kyi !brel pa ya! |
| rnam par g#ag phyir gtan tshigs brjod || [PV I.229cd]
phyi rol gyi don ni sgra!i !o bo ma yin4 #i! | sgra ni don rnams kyi
ma yin te | tha dad pa med pa!i bdag ñid can5 ga! gis gnas skabs [P4]
tha dad pa ya! byas pa6 da! mi rtag pa7 da! !dra bar8 med na mi
!byu! ba ñid du !gyur ro || sgra de dag kya! brjod par !dod pa las
skye ba can nam | skye ba med pa can brjod par !dod pas [N489b]
gsal bar bya ba dag [P5] ma yin #i! don la rag las pa ma yin no || de
bas na de la9 so sor !es par bsgrub par bya ba de!i rjes su !gro ba ji
ltar sgrub par byed10 par !gyur te | rag las pa med pa de!i ni sgrub
par byed pa ma yin no ||
skyes bus [P6] legs par ma byas pas |
| rnam pa kun tu 1 1 don med !gyur |
| legs byas khas len na !di [C323b] yi |
| d!o s s u g l a ! p o [ D 3 2 6 b ] k h r u s ! d r a r ! g y u r | | [P V I .2 3 0 ]

1
em. ni (PV$): P, N, D, C !i
2
P, D, C !o: N !a
3
N, D, C #e (PV$): P #es
4
P, N, D yin: C lin
5
P, N can: D, C om. can
6
P, N, D, C byas pa (PV$ byas pa ñid)
7
P, N, D, C mi rtag pa (PV$ mi rtag pa ñid)
8
em. bar (PV$): P, N, D, C ba
9
D de la (PV$): C da la: P, N om. de la
10
D, C par byed: P, N om. par byed
11
P, N tu: D, C du
408 Appendice A

!es bya ba ni bsdu ba!i tshigs su bcad pa!o || g!an ya" sgra da" [P7]
don dag gi !brel pa rtag pa!am mi rtag par !gyur | gal te mi rtag pa
skyes bu!i1 !dod pas !jug pa2 can nam mi !jug pa can yin gra" na |
skyes bu la rag las pa ñid ma yin na skyes bu!i bsam [P8] pa ji lta ba
b!in du yul la sogs par gyur pas3 des4 ston par mi !gyur te | !dod pa
la rag lus pa med pa ya" ri bo la sogs pa5 da" !dra bar !ga! !ig tu
ya" mi ru" ba!i phyir ro || !di ñid ni rtag pa [P484a1] ñid la ya"
skyon yin te | de!i rtag6 pa "o bo g!an du gyur pa mi ru" ba!i phyir
ro || gnas skabs thams cad la ya" mtshu"s pa yin te | !dod pa la so
sor "es pa med [P2] pa!i phyir ro || de las khyad par rtogs pa mi !gyur
ba!i phyir | s"a ma b!in du thal bar !gyur ro || !dod pas !jug pa yin
na ya" skyes bus byas pa ñid yin pa!i phyir !khrul par dogs7 par [P3]
!gyur ro || g!an ya" |
!brel pa can rnams mi r t a g p h y i r |
| !brel pa l a rta g yod ma yin || [P V I.231ab]
g!an la8 rten pa can !brel pa yin na ni rag las pa med pa la de dag
gi9 !brel pa ñid10 [P4] mi ru" ba!i phyir ro || rten de ya" mi rtag pa yin
te | de !ig11 na !brel pa ya" !ig par !gyur ro || de lta ma yin na
brten12 par mi !gyur ro || de bas na rtag pa ma yin no || de!i rten gyi
don ya" brjod [P5] par bya ste | rtag pa la phan gdags su byar med pa
ñid kyi phyir ro || phan !dogs par mi byed pa ya" rten ma yin no ||

1
P, N bu"i: D, C bus
2
D, C pa (PV#): P, N pas
3
em. pas (PV#): P, N, D, C pa
4
em. des (PV#): P, N, D, C der
5
P, N, D pa: C pa la
6
D, C rtag (PV#): P, N brtags
7
D, C dogs (PV#): P, N !dod
8
D, C la: P, N ya"
9
D, C gi (PV#): P, N gis
10
D, C ñid (PV#): P, N ñid yin pa!i [P4] phyir
11
D, C !ig: P, N !ig pa
12
em. brten (PV#): P, N, D, C !ig
Version tibétaine 409

gal te rigs [N490a] brjod par bya ba ñid yin pa!i phyir skyon med
do !e na | ma yin te | [P6] de brjod pa la dgos pa med pa!i phyir ro
!es bya bas de dpyad zin to || thams cad du ya" rigs med pa!i phyir
!dod rgyal ñid gsal bar brjod pa rnams la mi ru" ba da" | rnam pa
thams cad du rigs [P7] brjod pa na khyad par g!an spa"s nas !jug pa
mi ru" ba!i phyir ro || de!i phyir de!i rjes su !gro ba da" ldog pa can
gyi d"os po!i yod pa da" med pa ni !brel pa yin no ||
de!i phyir don da" sgra yi1 de |
| skyes [P8] bus blo yis legs par byas || [PV I.231cd]
yod pa da" med pa de dag la brten nas ma !dres su zin kya" tha
sñad la goms pa las skyes bu la !dres par [D327a/C324a] sna" ba!i
phyir | d"os po rnams kyi !dres pa ni skyes bus [P484b1] byas pa
yin no || g!an ya" rten !ig pa las2 !brel pa !ig par !gyur na | sgra de
ya" s"a na med pa da" !brel pa ma yin te | !brel pa can ñid med
pa!i phyir da" | skyes #i" !gyur ba!i d"os po !brel [P2] pa can ma yin
pa rnams ni brjod par bya ba ma yin par3 !gyur te | !brel pa gnas pa
med pa!i phyir ro || de la ya" |
don da" lhan cig skyes pa na4 || [PV I.232a]
rtog5 par !gyur6 na |
sgra rnams la ni ra" [P3] b!in dag7 |
| rnam par bzlog pa mi rigs so || [= PV I.232bc1]
ci ste !brel pa !ig pa don g!an la med pa !am | don rnams brjod par
bya ba ma yin par ma gyur cig sñam pas | gal te skyes #i" byu" ba!i
don [P4] !brel pa da" ldan pa skye bar8 !gyur na | !brel pa de skyes su

1
D, C yi: P, N yid
2
em. las (PV$): P, N, D, C la
3
P, N, D, C ma yin par (PV$ ma yin par ya")
4
em. na (PV$): P, N, D, C ma
5
em. rtog: P, N, D, C rtogs
6
P, N !gyur: D, C gyur
7
P, N, D dag: C da"
8
D, C skye bar (PV$): P, N skyed par
410 Appendice A

zin kya! sgra la mi !gyur te | de da! !brel pa med pa can gyi ra!
b"in ni ra! b"in bzlog pa med par de!i !o bo mi ru! ba!i phyir da! |
[P5] don da! lhan cig skyes pa g"an las grub pa ya! sgra phan !dogs
pa med pa la mi brten pa!i phyir ro || de ya! de skyed par byed pa!i
lhan cig byed pa ñid yin na nus pa ni rtag tu bskyed par thal bar [P6]
!gyur te | bltos pa med pa!i phyir te | rtag1 pa la phan [N490b]
gdags su med pa!i phyir ro || nus pa med pa yin na2 ya! phyis kya!
nus pa ma yin te | ra! b"in mi !dor ba!i phyir ro ||
rnam brtags [P7] !brel la ñes !di med || [= PV I.232c2d]
d!os po !dres pa bltos pa can ni ma yin gyi skyes bu goms pa la3
sna! ba can de la bltos pa!i mtshan ñid can ni !brel pa yin te | des
rtag tu zin kya! ra! b"in g"an [P8] du bsgyur ba med par !ga! "ig las
ra! ñid kyis dpyad nas sbyor bar byed pa!i phyir | de dag kya! de
b"in !gyur na ya! !jig pa!i chos can ma yin no || rten "ig pas brten
pa !brel pa "ig [P485a1] pa!i phyir de mi rtag pa yin no "es b#ad pa
ga! yin pa de la |
gal te rten ni !jig na ya! |
| !jig min rtag phyir rigs da! !dra |
| r t a g r n a m s l a b r t e n n u s p a g a! |
| [P2] ga! gis brten de4 !dod pa yin || [PV I.233]
!di skad du rigs da!5 brten pa ni rtag pa yin na rten da! lhan cig !jig
pa ya! ma yin no [C324b] "es thos mod kyi | !on kya! rtag pa
rnams la rten gyi nus pa ma mtho! na [P3] ga! gis [D327b] na !di!i
rten yin te | byas pa la byed pa med pa!i phyir da! | byed pa po ma
yin pa la ya! mi bltos pa ñid kyi phyir ro || gal te rigs da! !brel pa
ni brten nas gsal bar phan !dogs [P4] pa6 yin pa des na rten1 "es
bya!o "e na |

1
P, N, D rtag: C rtags
2
D, C na (PV$): P, N om. na
3
em. goms pa la (PV$): P, N, D, C goms pa
4
P, N de: D, C te
5
P, N da!: D, C om. da!
6
D, C pa: P, N par
Version tibétaine 411

!es pa skyed byed lhan cig byed |


| rgyu rnams tshogs par gyur pa las |
| d e b s k y e d p a r n i r u" ñ i d ph y i r |
| r i g s p a ! es pa s bu m so gs k y i | [ P V I . 2 3 4 ]
| gsal [P5] ba bskyed pa la ya" !dod |
| khyad med !gyur ba med rnams kyi |
| gsal byed ra" gis2 don ci byas |
| ga" phyir de dag des gsal !dod || [PV I.235]
lhan cig byed pa sna" ba ñe bar len pa la bltos pa las !es pa [P6]
skyed par byed pa3 skad cig ma g#an bskyed pa kho na bum pa la
sogs pa rnams m"on par gsal ba yin no || de lta ma yin na de las
phan !dogs pa la bltos pa med pa !es pa bskyed par thal bar [P7]
!gyur ba!i phyir ro || nus pa byed pa ya" skyed par byed pa4 ñid yin
[N491a] pa!i phyir te | de ni de!i bdag ñid can ñid yin pa!i phyir
ro || don g#an ñid yin na ni d"os po la phan !dogs par byed pa ma
yin par [P8] thal bar !gyur ba!i phyir ro || nus pas kya" !es pa bskyed
pa!i phyir rtag tu bum pa la sogs pa mi !dzin par !gyur la | sna" ba
la bltos pa med pa can !dzin par thal bar !gyur ba!i phyir ro ||
[P485b1] bltos pa med pa ni bdag ñid la phan !dogs pa med pa!i
phyir ro || de bas na !di dag ni ra" gi yul la rnam par !es pa bskyed
pa!i phyir g#an la bltos par gyur pa na de las ra" gi "o bo phul du
[P2] dbyu" ba bdag gir byed do || de bas na !di!i de dag bskyed par
bya ba yin no || !es bya!i "o bo thob nas kya" !es pa!i dba" gis
!bras bu!i khyad par brjod pa!i sgras khyad par gsal bar bya [P3] ba!i
phyir | gsal bar5 brjod do || de ltar rigs da" !brel pa la sogs pa dag ni
rnam pa !ga! #ig kya" phan gdags par bya ba ñid ma yin pa!i phyir
phan !dogs par byed pa ma yin pas [P4] gsal bar rigs pa ma yin no ||

1
D, C rten (PV$D): P, N brten
2
em. gis: P, N, D, C gi
3
P, N, D, C pa (PV$ par ru" ba"i)
4
D, C pa (PV$): P, N par
5
P, N, D, C bar (PV$ bya)
412 Appendice A

!brel pa d!os po ñid yin na1 |


| t h a d a d p h y i r b l o s n a tshogs !gyur || [P V I.236ab]
!brel pa de ni2 d!os por !gyur na !es par sgra da! don dag [C325a]
las tha dad [D328a] pa da! tha dad pa [P5] med pa las !das pa ma yin
no || !o bo d!os po yin na ni de!i !o bo ñid ma yin pa ñid ni g"an3
yin no "es b#ad zin to || de ya! mig gis gzu! bar bya ba yin na ra!
gi blo la de las [P6] g"an pa4 dag las !o bo tha dad pa can sna! ba
med na ji ltar na de ltar !gyur te | sna! ba tha dad pa med pa da!
ma mtho! ba dag ni tha dad pa da! yod pa ñid bzlog pa dag gi rten5
can ñid yin pa!i [P7] phyir ro || de lta ma yin na de dag gi gnas pa ni
med par thal bar !gyur ba!i phyir ro6 || gal te dba! po las !das pa ñid
yin pa!i phyir mi sna! du zin kya! dba! po la sogs pa da! !dra bar
7
[P8] skyon yod pa ma yin no "e na | ma yin te | de las mi rtogs
[N491b] par thal ba!i phyir da! | rab tu ma grub pa ni #es par byed
pa ñid ma yin pa!i phyir ro || thag ñe ba tsam gyis #es par byed pa
[P486a1] ñid yin na ni blo ma8 bya! ba rnams kya! !gyur ro || rjes
su dpag pa las rtogs pa ma yin te | rtags med pa!i phyir da! dpe ma
grub pa!i phyir ro || de ya! dba! po las !das pa [P2] ñid kyis sgrub
par byed pa la bltos pa!i phyir ro || gal te dba! po la sogs pa dag la
ya! mtshu!s so "e na | ma yin te | de dag ni rnam pa g"an gyis rjes
su dpag pa!i phyir ro || !ga! "ig [P3] yod na rjes su !gro ba da! ldog
pa da! ldan pa!i #es pas de tsam las mi !byu! ba can da! | de las
bzlog9 pa la bltos pa sgrub par byed do || de bas na !bras bu!i sgo
nas dba! po grub pa yin no || [P4] de ltar !brel pa ni ma yin te | de ma

1
P, N na (PV$): D, C no
2
P, N, D, C de ni (PV$ de ya!)
3
P, N, D, C g"an (PV$ g"an ñid)
4
P, N pa (PV$): D, C om. pa
5
D, C rten: P, N brten
6
P, N, D, C med par thal bar !gyur ba!i phyir ro (PV$ med par thal bar !gyur
ro)
7
P, N rtogs: D, C rtog
8
N, D, C ma (PV$): P la
9
N, D, C bzlog: P bltog
Version tibétaine 413

grub na de!i !bras bu!i !es pa ñid med pa!i phyir ro || de la ni sgra
!am don gyi "o bo rtags ma1 yin te | de dag ni thams cad la ru" ba
ñid kyi phyir ro || khyad par [P5] rtogs pa la brten pa rtogs pa med
pa!i phyir !di rtogs pa ma yin te | !brel pa!i khyad par med par ni de
rigs pa ma yin pa !am | de rgyu mtshan med pa can ñid yin na | de!i
khyad par rtogs pa [P6] "es pa da" !dra bar sgra rnams kyis bstan pa
ya" rgyu mtshan med pa can du ci!i phyir mi !dod | de bas na !brel
pa thams cad la rtags de da" !dra bar khyad par med par go bar
!gyur ro || de!i phyir [P7] khyad par med pa2 ñid du thams cad kyis
[C325b] rtogs par [D328b] !gyur ro || de bas na !brel pa grub pas
don rtogs pa!i phyir !ga! #ig gis ya" dag pa!i man "ag la bltos par
mi !gyur ro || gal te ya" dag [P8] pa!i man "ag da" bcas pa ni rtags3
yin no #e na | de bas na da4 ni brgyud pa !dis ci #ig bya ste | ya"
dag pa!i man "ag la bltos pa de ñid don !es par byed pa5 ci!i phyir
mi byed | sgra de ya" [P486b1] ga" la bsam pa can gyis rab tu
sbyor bar byed pa ni mtho" gi g#an du na ni ma mtho" ste | mtho"
[N492a] ba da" ma mtho" ba dag las du ba la sogs pa da" !dra bar
de rtogs6 par bskyed pa!i phyir | med na [P2] mi !byu" ba #es bya ba
de ñid !brel pa yin no || !di la ya" g#an gyi nus pa ma mtho" #i"
grub pa!i thabs ma mtho" "o || ci ste ya" sgra da" don dag gi !brel
pa ni g#an ñid ma yin na |
de las [P3] tha dad min de ñid |
| !di las g#an d"os yod ma yin || [PV I.236cd]
gnas skabs g#an ni "o bo tha dad pa!i rgyu can ñid yin pa!i phyir7
de!i "o bo can ni de ñid yin par !gyur ro || s"ar b!ad [P4] pa!i rnam
pas chos tha dad par ya" !gyur na | de ya" !gal ba8 med pa kho na

1
P, N rtags ma (PV$): D, C rtag pa
2
P, N pa (PV$): D, C pa can
3
P, N, D, C rtags (PV$ rtags ñid)
4
D, C da (PV$): P, N om. da
5
D, C pa: P, N par
6
P, N rtogs: D, C rtog
7
P, N phyir: D, C phyir ro ||
8
D, C ba (PV$): P, N bar
414 Appendice A

yin te | d!os po tha dad pa ni ma yin no || tha dad pa da! tha dad pa
med pa ma gtogs par d!os po rnam pa1 g"an pa ni [P5] med de | de ni
!o bo!i2 mtshan ñid can3 yin pa!i phyir ro || !o bo ya! rnam par rtog
pa de las ma !das pa!i phyir ro || g"an ya! |
d!o s p o ! i !o b o t h a d a d p h y i r |
| !brel pa rtogs pas byas pa yin || [PV I.237ab]
"es bya [P6] ba ni s!ar b#ad zin to || !dres pa!i mtshan ñid can gyi
!brel pa ni d!os po ma !dres pa rnams la yod pa ma yin no || de dag
gi !brel pa ni don g"an ya! ma yin te | !di ltar |
ji ltar yod [P7] g"an rag lus pa |
| rdzas ni g"an gyi !brel par !gyur || [PV I.237cd]
yod pa4 grub pa g"an la bltos par mi !gyur te | bltos pa med par ra!
rgyud pa5 ni !brel pa ma yin no || rdzas "es bya ba ni [P8] ra! b"in
brjod pa yin na de ji ltar d!os po g"an la !dres par !gyur te | ra!
b"in g"an yod pa ñid kyis g"an da! !dres pa "es bya ba ma yin no ||
gal te ma !dres pa can da! mi [P487a1] !gyur mod kyi !dres pa can
da! ni !gyur ro "e na | ma yin te | ga! gis de dag la !dres par !gyur
ba de ñid de dag da! !dres pa ma grub pa!i phyir ro || de bas na
[C326a] gal te don dag don [P2] g"an [D329a] da! [N492b] !dres par
!gyur ba !di ni #in tu thal bar !gyur te | khyad par med pa!i phyir
ro || g"an ya! |
yi ge don med can !gyur "i! |
| tshig sogs kun brtags d!os med la |
| ji ltar don [P3] dam pa !brel pa |
| !di ni gnas par !gyur ba yin || [PV I.238]

1
em. rnam pa (PV$): P, N, D, C rnams la
2
em. de ni !o bo!i (PV$): P, N, D, C de!i !o bo ni
3
P, N, D, C mtshan ñid can (PV$ mtshan ñid can ñid)
4
em. pa (PV$): P, N, D, C par
5
D, C pa (PV$): P, N pa ñid
Version tibétaine 415

rjod par byed pa ni tshig yan lag gis de da! ldan par !gyur na | yi ge
dag yod du zin kya! rjod par byed pa ma1 yin no || de bas na de dag
la [P4] brjod par bya ba da! | rjod par byed pa!i !brel pa yod pa ma
yin te | de dag la gnas na ra! gi !o bo ñams par thal bar !gyur ba!i
phyir ro || gal te bkod pa!i khyad par gyis yi ge ñid rjod par [P5] byed
pa yin no "e na | ma yin te | bkod pa ni don g"an ma yin pa ñid kyis
tha dad pa med pa ñid kyi phyir ro || de!i !o bo can ni bkod pa g"an
la ya! khyad par med pa!i phyir rtogs pa mtshu!s par [P6] !gyur ro ||
bkod pa don g"an ñid yin na ya! !og nas !gog2 par !gyur ro || de bas
na yi ge rnams rjod par byed pa ñid ma yin na tshig la sogs pa rjod
par byed par !gyur sñam na | de [P7] cir ya! mi ru! ste | tha dad pa
da! tha dad pa med pa3 ni !gal ba!i phyir ro || de bas na dba! po!i
rnam par #es pa khyad par can gyi rjes su !jug pa!i rigs mthun pa!i
bag chags kyi ñe bar len [P8] pa can gyi rnam par rtog pa la sna! ba
can gyi4 tshig da! !ag ni !khrul pa yin no || gcig tu sna! ba can ni
log pa kho na yin te | gcig da! du ma ñid ni mi ru! ba!i phyir ro ||
gcig ma yin te blo [P487b1] du ma!i rim5 pas6 !dzin pa mi ru! ba!i
phyir da! | de ni gcig gis gzu! bar bya ba ma yin te | yi ge bkod pa
rjes su !dzin pa!i phyir da! | yi ge gcig !dzin pa na ya! blo du ma
!gags pa!i phyir te | [P2] blo rnams ni skad cig ma yin pa!i phyir
da! | skad cig ma ni rdul phra rab gcig las !das pa!i dus can ñid yin
pa!i phyir da! | lhag ma yin na ni cha can gyi mtha! mi [N493a]
ru! ba!i phyir da! | yi ge [P3] thu! du rdzogs pa!i rdul phra rab du7
ma !das pa can gyi mig !byed pa!i dus can ñid yin pa!i phyir da! |
dran pa ya!8 de!i dus can kho na [D329b] yin te | ji ltar ñams su
myo! ba b"in du dran pa!i phyir [P4] da! | ñams [C326b] su myo!

1
P, N ma (PV$): D, C om. ma
2
D, C !gog: P, N !gogs
3
D, C pa (PV$): P, N pa"i
4
D, C gyi: P, N om. gyi
5
D, C rim (PV$): P, N rig
6
D, C pas: P, N par
7
D, C du (PV$): P, N tu
8
em. ya! (PV$): P, N, D, C da!
416 Appendice A

ba da! dran pa!i go rim dag khyad par rtogs pa med pa!i phyir ro ||
tshig la sogs pa du ma ya! ma yin te | blo la tha dad pa med par
sna!1 ba!i phyir da! | de!i du ma [P5] ñid ni !gog par !gyur ba!i phyir
ro || de ni d!os po ma yin te | de!i rnam par rtog pa de las ma !das
pa!i phyir ro || !brel pa d!os po yin na ya! ji ltar de!i rten can2 du
!gyur te | rten [P6] du bya bar mi ru! ba!i phyir ro || de ltar na rten
ma yin par !gyur ro || de ltar na !brel pa ma yin no ||3 de bas na sgra
da! don dag gi !brel pa ni ra! b"in can ma yin no || de!i bsam pa
can gyi [P7] sbyor ba las byu! ba !am | m!on par gsal ba!i sgra ni
der !khrul pa med pa!i phyir !di!i !brel pa ni de kho na ñid do ||
!byu! ba !am m!on par gsal ba de ya! !khrul pa med pa la brten [P8]
pa4 skyes bus byas pa!i phyir !brel pa ni skyes bus byas pa kho na
yin no || de!i sgo5 nas sgra rnams ni don rtogs pa la !es pa yin pa de
lta na | skyes bus ma byas pa ñid yin na ya! de ñid [P488a1] !khrul
pa yin no ||
byed pa po rnams mi dran phyir |
| skyes bus ma byas kya ! !dod lo || [PV I.239ab]
ga! !di rig byed pa!i !ag skyes bus ma byas pa ñid du ya! brjod
de |6 byed pa7 po [P2] mi dran pa!i phyir ro ||
! d i l a ! a!8 rjes su br jod p a yo d |
| de ltar !an pa mun khyab byed || [PV I.239cd]
re "ig de ñid #es rab !chal ba de9 !dra ba ji ltar skye sñam pas kho
bo cag gi sems !o mtshar1 da! rjes su [P3] brtse ba da! bcas pa2 yin

1
D, C sna! (PV$): P, N ya!
2
P, N can (PV$): D, C om. can
3
P, N de ltar na !brel pa ma yin no || (PV$): D, C om. de ltar na !brel pa ma
yin no ||
4
em. pa: P, N, D, C pa!i
5
P, N, D sgo (PV$): C sgro
6
P, N brjod de | (PV$): D !dod de |: C !dod do ||
7
P, N pa (PV$): D, C om. pa
8
P, N, C !a! (PV$): D !am
9
D, C de (PV$): P, N om. de
Version tibétaine 417

no || de la g!an kya"3 rjes su rjod par byed pas srid pa brtse ba med
pas [N493b] gnod pa can gyi "an pa mun khyab par byed pa yin
no || srog chags phan pa !dod pa slu [P4] bar byed pa la ñes pa ci !ig
yod | !di ltar bDe bar g#egs pa dag gis s"ags rnams byed pa po
brGyad pa la sogs pa dag da" | gZegs zan pa dag gis dByig gi sñi"
po can dran pa4 [P5] yin no || gal te de5 dag gi de log par smra ba yin
no !e na | da ni de ltar skyes bus ma byas pa yin na ga" skyes bus
byas pa yin | ga" gi tshe !di ltar g$on nu !byu" ba can la sogs pa [P6]
bdag gam g!an rtsom pa po yin par6 ston pa spo" bar byed [D330a]
par !gyur ro || de la gal te spo" ba la khas bla"s pas gnod pa yin no
!e7 na | !di ñid khas bla"s pa!i yan lag ma yin [C327a] nam | [P7] ga"
la gnod pa yin8 | de g!an la ya" mtshu"s pa kho na yin no || gal te
de!i !dod pa ñid yin pa!i phyir skyon med do !e na | !di!i !dod pa
!di tshad ma med pa can ga" las thog ma [P8] nas yod par !gyur na |
glo9 bur du !dzin pa can !di la ya" !ga! !ig tu sgrub par byed pa la
bltos pas ci !ig bya | ga" gis skyes bus byas pa da" skyes bus ma
byas pa dpyod pas [P488b1] bdag ñid dub par byed10 | de ñid !dod
pa!i phyir khas11 bla"s pas gnod pa med par !dod pa de las g!an pa
la ya" mtshu"s pa!i phyir klan ka btsal du med do || phul du byu"
ba mtho" [P2] ba med pa can !di ya" "ag rnams rnam pa12 de lta bur
skyes bus ma byas pa ñid du sgrub13 par byed pa !am | !bras bu!i

1
N, D, C mtshar (PV%): P mtshan
2
D, C pa (PV%): P, N pa can
3
P, N kya" (PV%): D, C ya"
4
P, N pa (PV%): D, C pa ma
5
D, C de (PV%): P, N om. de
6
D, C par (PV%): P, N om. par
7
N, D, C !e (PV%): P !es
8
P, N yin (PV%): D, C yin na
9
N, D, C glo (PV%): P blo
10
D, C byed: P, N byed pa !am
11
em. khas bla"s pas (PV%): N, D, C khas ma bla"s pas: P khas ya bla"s pas
12
N, D, C pa (PV%): P par
13
em. sgrub: P, N, D, C grub
418 Appendice A

chos rnams !ga! !ig la phul du byu" bar khas len pa de ltar na | !di!i
1
[P3] !jug pa rigs pa med pa can kho na yin no || byed pa!i ya" dag
pa!i man "ag rgyun chad pa can gyis byas pa ya" mtho" "o || gal te
!bad rtsol da" ldan pas dmigs pa yin no !e na | ma [P4] yin te "es pa
med pa!i phyir ro || g!an la ya" mi dmigs pa da" dmigs pa g!an
gyis bstan pa yid ches2 par bya ba ma yin pa las "es par rigs pa ñid
[N494a] ma yin pa!i phyir ro || bdag [P5] ñid kyis byas pa dag la ya"
bsñon pa mtho" ba!i phyir ro || "es pa la brten par mi nus pa ñid kyi
phyir ro ||
j i l t a r s k y e s b u ! d i g ! an las |
| thos med par !di yi ge da" |
| tshig bkod [P6] pa !di brjod3 nus med |
| de ltar g!an la !a" !es !ga! smra || [PV I.240]
ga" skyes bus ma byas pa4 ñid yin5 na | ga" skyes bus byas pa yin
!es bya ba la sogs pa de ñid6 lan yin no || de ltar na |
7
[P7] spel ba yi ni g!u" g!an ya" |
| man "ag med par g!an rnams kyis |
| brjod par8 ci mtho" na ga" gis |
| de ya" de ltar rjes mi dpog9 || [PV I.241]

1
D, C ya" dag (PV#): P, N yan lag
2
P, N, D ches: C chas
3
D, C brjod (PV#): P, N rjod
4
P, N pa: D, C om. pa
5
P, N yin (PV#): D, C min
6
P, N, D ñid: C ni
7
P, N, D, C font précéder ce p!da du p!da: | g!u" bkod pa g!an dag tu |, que
PV# P329a6/D274b6"7 commente en détail. PVt (Miy.) porte: | spel ba yi ni
g!u" g!an ya" |, non commenté dans PV#. S#agit-il là d#un vestige d#une
traduction plus ancienne?
8
P, N par: D, C pa
9
P, N mi dpog: D mi dpogs: C mid dpogs
Version tibétaine 419

da1 ltar ba rnams [P8] man !ag med par klog par mi nus pa las g"an
du skyes bus ma byas pa ñid kyi rten cu! zad kya! yod pa ma yin
no || de ni gcig gis brtsams pa!i g"u! g"an la ya! g"an gyi da!
[P489a1] mtshu!s so || de!i rjes su [D330b] !bra!s nas thams cad
de ltar rjes su [C327b] dpog pa yin pa !am | !ga! "ig kya! ma yin
no || de ni de ltar mi !dod pa ñid kyi phyir "es bya [P2] ba la sogs pa
la !dod pa ni de!i rten ñid yin pa!i phyir "es bya ba la sogs pa ya!
b#ad zin to || g"an ya! |
rigs2 ga! ga! las grub pa des |
| rgyu ma mtho! ba can g"an ya! |
| [P3] bye brag med par me #i! b"in |
| d e l a s ! g y u r b a r y a! d a g # e s | | [ P V I . 2 4 2 ]
rgyu ma mtho! ba!i phyir rgyu med pa can "es bya ba ma yin no ||
d!os po rgyu ma mtho! ba can yin na ya! de las g"an [P4] pa dag
gis3 ra! b"in tha dad pa ñams su myo! ba med par de lta bu!i rnam
pa ya! dag par rjes su dpog par !gyur ro || rgyu!i !o bo log tu zin
kya! de!i !o bo log pa ma yin na ni !bras bu!i [P5] chos las !das pa!i
phyir | de las !gyur ba med pas na cu! "ig de ltar brjod par bya ba
ma yin pa !am | [N494b] !o bo bye brag bstan par bya ba yin na4
ga! gis rgyu de!i rjes su byed par !gyur [P6] |5 ga! gis6 !dod pa da!
mi !dod pa dag gi !dod pa7 phyin ci log tu mi !gyur ro || rgyu!i ra!
b"in ldog pa las kya! d!os po rnams tha dad pa med pa yin na8 tha
dad pa de ni glo bur bar [P7] !gyur ba!i phyir !ga! "ig tu ya! ldog par
mi !gyur ro || de bas na ra! b"in ga! las skye ba can du mtho! ba
ga! yin pa de ni g"an la ya! tha dad par mi byed pa na #i! da! me

1
P, N da (PV$): D, C de
2
P, N rigs: D, C rig
3
em. gis (PV$): P, N, D, C gi
4
P, N na: D, C na ni da
5
D, C !gyur |: P, N !gyur ro ||
6
em. gis (PV$): P, N, D, C "ig
7
P, N dag gi !dod pa: D, C om. dag gi !dod pa
8
P, N na (PV$): D, C no ||
420 Appendice A

b!in du ra" gi1 bdag ñid kyis de!i !bras bu ñid las !das pa ma yin
[P8]
no ||
de la !bras mtshu"s mtho" ba!i phyir |
| k h y a d p a r d a g n i ma bstan par |
| gtan tshigs rab tu spros [P489b1] pa dag |
| de dag thams cad !khrul p a y i n | | [ P V I . 2 4 3 ]
dper na thog mar !gron2 pos bta"3 ba!i me ñid kya" !gron4 pos bta"
ba!i me ñid yin pa!i phyir | me g!an s"on du so" ba can yin gyi5 |
[P2] gtsub #i" gtsubs pa s"on du so" ba can ni ma yin te | de ma thag
pa!i me b!in no || ji ltar6 !gron7 pos bta" ba!i me ya" !khrul pa yin
te | me las byu" ba!i nus pa la brten nas [P3] me!i rgyu g!an spo" bar
byed do || gal te me med par ya" !gyur na ni g!an dag la ya" !gyur
ro !e na | de la me ñid da" cig #os las byu" ba dag la gnod par bya
ba da"8 gnod par byed pa med par9 me [P4] las byu" ba ñid ni g!an
dag la ya" !gyur ba [D331a] de ltar na chos gñis dag don gcig la
srid pa!i phyir | !gron10 [C328a] pos bta" ba!i me !am | don g!an ni
gcig la so sor "es par [P5] !gyur ba med pas na !khrul par dogs pa
yin no || phan tshun tha dad pa can gyi chos gñis11 !jug pa de ya"
d"os po!i spyi12 la !gal ba med do !es brjod par bya ba!i gnas skabs
tha dad pa [P6] can gyi khyad par ni ma yin te | cha med pa!i bdag

1
em. gi (PV$): P, N, D, C b!in
2
P, N !gron (PV$): D, C !dron
3
em. bta" (PV$): P, N, D, C gta"
4
P, N !gron (PV$): D, C !dron
5
P, N gyi (PV$): D, C gyis
6
P, N ji ltar: D, C ji ltar na
7
P, N !gron (PV$): D, C !dron
8
D, C gnod par bya ba da" (PV$): P, N om. gnod par bya ba da"
9
P, N par: D, C pas
10
P, N !gron (PV$): D, C !dron
11
D, C gñis (PV$): P, N om. gñis
12
em. d"os po!i spyi (PV$): P, N spyi!i d"os po: D, C phyi!i d"os po
Version tibétaine 421

ñid la1 de ñid da! de ñid ma yin pa !gal ba!i phyir ro || !gron2 pos
bta! ba!i me la3 me da! cig "os kyis bskyed pa ni gnod bya da!4
gnod byed [N495a] ma yin [P7] te | de ni mes bskyed pa med par mi
srid pa med pa!i phyir ro || de lta bur gyur5 pa!i !gron6 pos bta! ba!i
me me las byu! ba #es bya bar ni !gyur gyi | thams cad ni ma yin
te | de la khyad par [P8] spo! bar byed par mi nus pa!i phyir da! |
khyad par yod pa can gyi de!i gnas skabs can ñid la !es pa med
pa!i phyir ro || gal te me med par ya! !gyur na ni g#an dag la ya!
[P490a1] !gyur ro || #es bya ba gal te tshogs pa ga! gis der !gyur ba
na de !gyur #i! !gyur ba ñid yin no || de yod pa7 bstan nas de med
par ston8 par !gyur ba !am [P2] de la me ston na9 der !gyur ro || de
bas na gcig gis !don par byed pa g#an s!on du so! ba can yin pa de
lta bu!i !o bor thams cad sgrub par byed pa ma yin te | de [P3] la
rnam pa g#an du10 mi srid pa med pa!i phyir ro || de byed pa!i spobs
pa da! bral ba de lta bu!i rnam pa la ni de ltar !gyur ba!i phyir de
lta bur gyur pa kho na11 brjod par bya bar !gyur la | [P4] bye brag
med par khyad par srid pa can de brjod na ni mdzes pa12 thob pa
ma yin no || ji ltar khyad par srid pa yin | ga! gi tshe skyes bu13 de
dag kya! nus pa med pa kho na yin te | da ltar [P5] ba!i skyes bu

1
P, N la: D, C las
2
N !gron (PV$): P mgron: D, C !dron
3
N, D, C me la (PV$): P om. me la
4
D, C gnod bya da! (PV$): P, N om. gnod bya da!
5
D, C gyur (PV$): P, N om. gyur
6
P, N !gron (PV$): D, C !dron
7
P, N pa (PV$): D, C pas
8
P, N ston (PV$): D, C bstan
9
em. !am de la me ston na: N, D, C "am de la !am de med par ston na: P !am
de la ston de med par ston na. Cf. PV$ P333b6/D278a6: de la me yod par
ston par !gyur ba, suggérant: *de la me ston [par !gyur] na.
10
D, C du (PV$): P, N du du
11
P, N, D, C kho na (PV$ de ltar)
12
P, N pa (PV$): D, C par
13
em. bu (PV$): P, N, D, C bus
422 Appendice A

!dra!o || !di la ya! skyes bu da! nus pa dag la1 !gal ba cu! zad kya!
mtho! ba med pa!i phyir2 mi !gal ba sgrub pa can mi dmigs pa!i
sbyor ba ni go bar byed pa ma yin no || dba! [P6] po las !das pa dag
la ni !gal ba rtogs pa yod pa ma yin no "es b#ad zin to || sbyor ba
!di ya! sbyor ba s!a ma las tha dad pa ma yin no || gal te skyes bu3
[D331b] nus par !gyur na [P7] da ltar bas kya! yin no "e na | khyad
par med pa yin na der !gyur na | de ya! [C328b] bsgrub par dka! ba
yin no || ga! la gcig nus pa med pa de la4 skyes bu5 thams cad kya!
"es [P8] bya ba ya! s!a ma b"in du !khrul pa yin te | Bha6 ra ta la
sogs pa da ltar ba rnams la ya! nus pa med pa [N495b] yin na ya!
!ga! "ig la nus pa grub pa!i phyir ro || de bas na rgyu rnam
[P490b1] par !byed par byed pas | de las byu! ba can da! de las
byu! ba can ma yin pa!i don rnams kyi ya! ra! b"in gyi khyad par
bstan par bya!o || de med na thams cad de!i bdag ñid can nam !ga!
[P2] "ig kya! ma yin no || !di la !jig rten pa da! rig byed pa dag gi
ra! b"in gyi khyad par mtho! ba med do || de yod pa ma yin pa de
dag mtshu!s pa ñid du mtho! ba!i phyir | gcig gi chos [P3] !ga! "ig
rnam par !byed pa!i de!i ra! b"in srid pa des !khrul par dogs pa!i
brjod pa can du byed7 do || rig8 byed da!9 rig byed ma yin pa dag la
de ñid kyi mtshan ñid can gyi khyad par yod [P4] pa ma yin nam |
yod pa bden te de dag !ba! "ig kho na la ma yin te | !on kya! kha
bya!i10 gna!1 gtam da! cig #os dag la ya! yin no || ra! ñid kyi lo

1
em. !di la ya! skyes bu da! nus pa dag la (PV$): P, N, D, C nus pa dag la.
Cf. PV$ P334b5/D279a1"2: sbyor ba !di la ya! skyes bu da! nus pa dag la
"es bya ba#
2
em. phyir: P, N, D, C phyir da! |
3
em. bu: P, N, D, C bus
4
em. la (PV$): P, N, D, C las
5
em. bu: P, N, D, C bus
6
D, C bha: P, N ba
7
P, N byed (PV$): D, C !byed
8
N, D, C rig (PV$): P rigs
9
P, N da! (PV$): D, C de
10
D, C bya!i (PV$): P, N bya ba!i
Version tibétaine 423

rgyus kyi bye brag gsal bar byed [P5] pa!i mi! gi2 khyad par gyis
skyes bus byas pa la gnod pa3 ma yin te | g"an dag la ya! thal bar
!gyur ba!i phyir ro || gal te de !dra ba!i sbyor ba skyes bus byed par
mi nus par !gyur ba [P6] !am | byas pa la ma byas pa!i brdas rnam
par !byed par4 !gyur ba na | rig byed skyes bus ma byas par gsal ba5
yin no || skyes bu dag ni6 s!ags byed pa!i nus pa da! mi ldan pa
kho na [P7] ma yin nam | de ni !og nas rnam par dpyad par bya!o ||
g"an ya! s!ags "es bya ba g"an cu! zad kya! yod pa ma yin no || !o
na ci yin "e na | bden pa da! dka! thub kyi mthu da! ldan [P8] pa!i
!dod pa!i don sgrub par byed pa!i tshig yin no ||7 de ni da ltar ñid
kya! skyes bu rnams la sna! ba kho na yin te | bdag ñid ji lta ba
b"in du bden pa!i byin gyi rlabs8 kyi stobs las dug [P491a1] da!
me la sogs pa kun nas re!s par byed pa!i phyir ro || da ltar ya! ri
khrod !ga! "ig s!ags byed pa!i phyir [D332a] da! | rig byed ma yin
pa9 sa!s rgyas pa10 la sogs pa!i [P2] s!ags da! rtog11 pa dag mtho!
ba!i phyir [N496a] ro || de dag kya! skyes bus [C329a] byas pa yin
pa!i phyir ro || de la12 skyes bus ma byas pa ñid yin na ya! ji ltar
na13 da skyes bus ma byas pa bden pa yin te | [P3] !di ltar sa!s rgyas
pa da! cig #os dag gi s!ags da! rtog14 pa dag la !tshe ba da! | !khrig

1
em. gna! (PV$): P, N, D, C mna!
2
D, C gi (PV$): P, N om. gi
3
D, C pa (PV$): P, N par
4
P, N par: D, C pas
5
D, C ba (PV$): P, N bar
6
em. ni: P, N, D, C gi
7
P, N no ||: D, C te |
8
D, C rlabs (PV$): P, N brlabs
9
P, N pa: D, C pa!i
10
em. pa (PV$): P, N, D, C om. pa
11
P, N rtog: D, C rtogs
12
P, N skyes bus byas pa yin pa!i phyir ro || de la: D, C om. skyes bus byas pa
yin pa!i phyir ro || de la
13
P, N ya! ji ltar na: D, C om. ya! ji ltar na
14
P, N rtog: D, C rtogs
424 Appendice A

pa da! bdag tu lta ba la sogs pa m!on par mtho ba ma yin pa!i rgyu
da! rnam pa g"an du brjod do || [P4] de ji ltar na gcig la !gal ba brjod
na gñis bden par !gyur | de la don g"an du rtog1 pa na de ni g"an2 la
ya! mtshu!s pa de ltar na don la !es pa med pa!i phyir3 | !ga! "ig
kya! rtogs par [P5] mi !gyur ro || de ltar na ya! skyes bus ma byas
pa4 yin du zin kya! ñe bar mkho ba ma yin no || sa!s rgyas pa la
sogs pa dag gi s!ags ñid ma yin na de las g"an pa la ya! mna!5 [P6]
chu btu! dgos par !gyur ro || sa!s rgyas pa la sogs pa dag6 dug gi
las7 la sogs pa byed pa mtho! ste | de la ya! s!ags ñid bkag pa med
do || phyag rgya da! dkyil !khor da! bsam [P7] gtan yi ge med pa can
dag gis kya! las rnams byed par !gyur te | de dag ni skyes bus ma
byas pa da! rtag par rigs pa ma yin no || de dag gi byed pa yod na
skyes bu rnams yi ge bkod [P8] pa byed pa la !gal ba ci yod | de bas
na de dag gi byed pa nus pa med pa ni8 cir ya! mi ru! !o || da ni ji
ltar na bden pa las byu! ba can gyi s!ags da! rtog9 pa phan tshun
!gal ba dag yin | [P491b] de dag ni thams cad du bden pa las byu!
ba can dag ma yin te | skyes bu mthu da! ldan pa!i dam bcas pa!i
mtshan ñid can dag la ya! !gyur ro10 || mthu de ni !gro ba da! grub
pa!i khyad par dag [P2] las kya! !gyur ro || gal te s!ags skyes bus
byas pa yin na skyes bu thams cad ci!i phyir s!ags byed pa ma yin
no "e na | de byed pa!i sgrub par byed pa da! bral ba!i phyir ro ||
gal te de [P3] !dra ba!i bden pa da! dka! thub la sogs pa da! ldan
[N496b] par !gyur na byed pa ñid du !gyur ro || g"an ya! skyes bu
sñan d!ags byed pa!i phyir | skyes bu thams cad sñan d!ags byed

1
P, N rtog (PV#): D, C rtogs
2
D, C g"an (PV#): P, N g"an pa
3
em. !es pa med pa"i phyir (PV#): P, N, D, C !es pa"i phyir
4
D, C pa (PV#): P, N pa ñid
5
N, D, C mna! (PV#): P mna!i
6
P, N, D, C dag (PV# dag kya!)
7
D, C las (PV#): P, N om. las
8
em. ni (PV#): P, N, D, C na
9
N rtog (PV#): P, D, C rtogs
10
P, N, D, C ya! !gyur ro (PV# ya! de dag !gyur ro)
Version tibétaine 425

par [P4] !gyur la | mi byed na !ga! !ig [D332b] kya" mi byed pa de


da" !dra bar de ltar na rigs1 pa de dag ni s"a na med pa yin no ||
s"ags byed pa!i sgrub par byed pa da"2 bral ba dag s"ags mi
[C329b] byed pa ni bden [P5] na | tshogs pa de ya" !ga!3 !ig la ya"
ma mtho" ste | skyes bu rnams ni chos mtshu"s pa can ñid kyi
phyir ro || !dir s"ags !es bya ba bden pa la sogs pa da" ldan pa!i
tshig da" [P6] dam bcas pa las g!an cu" zad kya" med do !es b#ad
zin to || de dag kya" skyes bu !ga! !ig la mtho" "o || skyes bu thams
cad de da" bral ba yin pa de lta ya" "es pa yod pa ma [P7] yin te | de
yod pa la !gal ba med pa!i phyir ro || lkog tu gyur pa!i ra" b!in can
dag la4 mi dmigs pa ni5 "es pa!i gtan tshigs ma yin no || dran pa da"
blo da" so sor rig pa da" bden [P8] pa da" nus pa thams cad la !gyur
ba ya" ma yin no || de sgrub par byed pa!i ya" dag pa!i man "ag gi
khyad par !dra bar yon tan g!an sgrub par byed pa dag kya" yod
par !gyur ro || [P492a1] yod du zin kya" thams cad mtho" bar nus
pa ya" ma yin no || de ñid kyi phyir ma mtho" ba la bsñon du med
do || skyes bu rnams la6 yon tan !ga! !ig bskyed par !dod [P2] pa la
ya" !gal bar byed pa med de |7 gnod par bya ba ma mtho" bas gnod
par bya ba da" gnod par byed pa "o bo ma grub pa!i phyir ro || des
ni thams cad mkhyen pa"i ye #es8 !gog pa la sogs [P3] pa!i lan "es
par brjod pa yin no || de la de sgrub par byed pa!i ya" dag pa!i man
"ag med pa can !di ci !dra ba de lta bur gyur pa ya"9 ma yin [P4] no
!es bya ba ni rigs pa yin gyi #es par byed pa ma mtho" ba can de"i

1
P, N rigs (PV$): D, C rig
2
D, C pa da" (PV$): P, N pa!i
3
P, D, C !ga!: N !ba!
4
em. la: P, N, D, C las
5
em. pa ni (PV$): P, N, D, C pa!i
6
em. rnams la (PV$): P, N, D, C rnams
7
P, N de |: D, C do ||
8
P, N, D, C pa!i ye #es (PV$ pa)
9
em. ci !dra ba de lta bur gyur pa ya": P, N, D, C ci !dra ba g!an dag kya" de
lta bur gyur pa yin na | de lta bur gyur pa ya"
426 Appendice A

ra! b"in can1 ma yin no "es bya ba ya! ma yin te | yod du zin kya!
!bras bu rtsom pa med pa srid pa!i phyir da! | ra! b"in gyis bskal
[P5] pa rnams ni mtho! bar mi nus pa ñid kyi [N497a] phyir ro || de
bas na !don par byed pa yin pa!i2 phyir | !don3 par byed pa ni !don
par byed pa g"an s!on du so! ba can yin no "es bya ba ni [P6] !khrul
pa yin te | Bha ra ta !don4 par byed pa la ya! yod pa!i phyir ro || rig
byed kyis5 khyad par du byas pa!i phyir skyon med pa ma yin nam
"e na | rig byed !don6 [D333a] par byed pa la phul [P7] du byu! ba
ya! ci "ig yod na ga! gis rnam pa g"an gyis !don par mi nus pa
yin | mi mthun pa!i phyogs da! khyad par !gal ba med pa !di las
gtan tshigs ldog par byed pa [P8] ma yin te | !gal ba med pa dag
[C330a] ni gcig la srid pa!i phyir ro || gal te da ltar ba7 rnams !don
par byed pa!i phyir ro "e na | de!i lan ni8 b#ad zin to || gal te ma
mtho! ba!i [P492b1] phyir ro "e na | !di9 ya! spa!s zin to || ma
mtho! ba tsam ya! med par go bar byed pa ma yin pa!i phyir
!khrul pa kho na yin no || de bas na khyad par phul du byu! ba la
brten10 pa ma yin pa!i11 [P2] phyir | ma bzu!12 ba da! mtshu!s pa yin
no || ga! cu! "ig rig byed !don par byed pa de thams cad ni rig

1
em. #es par byed pa ma mtho! ba can de"i ra! b"in can ma yin no: P, N, D, C
#es par byed pa ma mtho! ba can ma yin no. Cf. PV$ P341b5#6/D284a7: !es
par byed pa ma mtho" ba can de!i ra" b#in can la ma yin no #es bya bar ya"
ma yin pa ste |.
2
D, C pa!i: P, N pa yin
3
N, D, C !don (PV$): P !dod
4
N, D, C !don (PV$): P !dod
5
P, N kyis: D, C kyi (PV$)
6
N, D, C !don (PV$): P !dod
7
em. da ltar ba (PV$): P, N, D, C da ltar
8
P, D, C ni: N na
9
em. !di: P, N, D, C !di la. Cf. PV$ P342b6/D285a4#5: "di ya" spa"s zin pa
ste |.
10
N, D, C brten (PV$): P rten
11
D, C pa!i: P, N om. pa!i
12
D, C bzu! (PV$D): P, N gzu!
Version tibétaine 427

byed !don pa g!an s"on du so" ba can yin no !es bya ba!i khyab pa
ya" !grub [P3] pa ma yin te | thams cad de lta bu!i "o bor ma grub
pa!i phyir ro || de!i rgyu mtshan1 ci !dra ba mtho" ba de ni de ltar
yin no !es bya bar !gyur la | khyad par mtho" ba de dor !i" de!i [P4]
rgyu mtshan can ñid kyis spyi smos pa ni bsreg2 za sgrub la rdzas
s"on po da" !dra bar !khrul pa ñid yin no || !dis !dod chags la sogs
pa ni sgrub3 par byed pa la tshig la sogs pa [P5] dag gsal ba yin no ||
!don par byed pa !di !don par byed pa s"on du so"4 ba can sgrub pa
yin par ya" bla ste |
rnam kun thog med g r u b ! g y u r b a |
| de ltar skyes min rten can min |
| [P6] de!i5 phyir skyes bus ma6 byas ñid |
| g!an ya" mi min7 rten can !gyur || [PV I.244]
skyes bu bdag ñid kyis brtags [N497b] nas sam | g!an las !don par
byed pa na | byed pa!i bya ba med pa can [P7] de dag gi sgra ra" ñid
sgrogs par byed pa ma yin na ga" gis na skyes bus ma byas par
!gyur | gal te skyes bu rnams kyi thog ma ñid yod par !gyur na |
skyes bus ma byas pa la [P8] ya" !gyur ro || de!i tshe ya" g!an s"on
du so" ba can mi !grub ste | !don par byed pa po med pa!i phyir ro ||
de!i da" po !don par byed pa ni byed pa po ñid du !gyur ro || de bas
na [P493a1] !di ni byis pas rdul gyi rtsed mo la sogs pa da" !dra
bar s"a ma s"a ma mtho" bas !jug pa yin pas na | [D333b] skyes
bu!i tha sñad thog ma med can8 du !gyur gyi | [P2] skyes bus ma
byas pa ñid ma yin no || thog ma med pa ñid kyi phyir skyes bus

1
P, N, D, C rgyu mtshan (PV# rgyu mtshan can)
2
P, D, C bsreg: N bsrag
3
P, N sgrub (PV#): D, C grub
4
D, C so" (PV#): P, N s"on
5
D, C de!i (PV#): P, N de
6
P, N, D ma: C om. ma
7
D, C min (PV#): P, N mi"
8
D, C med can (PV#): P, N med pa da" can
428 Appendice A

ma byas pa yin na ni | da1 !in tu ma" po skyes bus ma byas pa yin


no || de ltar na |
kla klo la sogs tha sñad [P3] da" |
| med par [C330b] smra ba!i tshig2 rnams ni |
| thog med phyir na de b#in !gyur |
| s "on l egs byas pa!i rg yun phyir ro || [PV I .245]
kla klo la sogs pa!i tha sñad ma bag mar len pa la sogs [P4] pa da" |
!dod pa!i dga! ston la sogs pa da" | med par smra ba!i tshig s"a na
med pa da" | !jig rten pha rol la sogs pa la skur bar byed pa dag
thog ma med pa can yin no || [P5] de dag ni g#an gyis legs3 par ma
bsgos4 na !jug par mi !gyur ro || bdag ñid kyis spobs pas bkod pa!i
brda byed pa can dag kya" don ji ltar thos pa b#in du rnam par rtog
pas [P6] bsdus pa!i sgo nas !jug pa!i phyir ro || de ni !ga! #ig las cu"
zad !o"s pa yin no #es ston par byed pa gcig ni rgyun gyis med pa!i
phyir | g#an s"on du so" ba can ma yin no [P7] #es brjod de | phal
cher5 !jig rten gyi tha sñad dag ji ltar mtho" ba b#in du !jug pa can
te | ya" dag pa6 da"7 log par !jug pa can dag yin no || thog ma!i
bskal pa pa rnams [P8] la mtho" ba ñid med par tha sñad rnams la
phyis !jug par !gyur [N498a] bar !dod pa ma yin nam | ma yin te |
legs par byas pa g#an gyis bsgos pas de dag gi8 ni rkyen ji lta ba
[P493b1] b#in du rab tu sad pa!i phyir ro || gal te thams cad skyes
bus ma byas pa ñid du !gyur ro #e na |
d e !dra!i skyes bus m a b y a s ñ i d |
| grub na!a" yon tan ci #ig !gyur || [PV I.246ab]

1
D, C da (PV$): P, N om. da
2
P, D, C tshig: N tshigs
3
P, D, C legs: N lags
4
D, C bsgos (PV$): P, N bsgom
5
N, D, C cher (PV$): P tsher
6
D, C pa (PV$): P, N par
7
P, N da" (PV$): D, C om. da"
8
P, N gi: D, C gis
Version tibétaine 429

rnam pa ga! gis [P2] mi slu ba!i phyir | skyes bus ma byas pa ñid du
!dod na de ni thog ma med pa ñid can du1 yin pa!i phyir | slu bar
byed pa la la2 dag la ya! yod pas skyes bus ma byas pa ñid kyis ci
"ig bya | rig [P3] byed kyi !ag dag kho na skyes bus ma byas pa yin
na ya! |
d on ni !dus byas khyad par rnams |
| mtho! phyir the tshom dag kya! yin || [PV I.246cd]
gal te skyes bus3 ma byas pa ñid yin4 ya! de!i5 [P4] don gyi6 spobs pa
so sor !es pa bskyed par !gyur ba na yid ches par !gyur ro || ji ltar
!dod pa b"in du sgro !dogs [D334a] pa da! skur ba !debs pa dag
gis #es par brjod pa da! dPyod [P5] pa pa la sogs pa dag gis rig
byed kyi !ag rnams tha dad par byed par mtho! !o || don de rnams7
de dag la8 mi !thad par !gyur ba ma yin te | don la !jug pa [C331a]
brda gtso bo yin pa!i phyir [P6] da! | !ag gcig la ya! rnam par rtog
pa du ma srid pa!i phyir da! | ra! b"in da! rkyen rnams kyi don du
mar brjod pa!i phyir da! | grags9 su zin kya! gcig ñid du khas mi
len pa!i phyir [P7] da! | ma grags pa!i10 ma! ba ñid kyi11 phyir da! |
de!i don ni12 skyes bus bstan pa la rag lus pa!i phyir da! | des
bstan13 pa ni de!i !dod pa!i rjes su !jug pa!i phyir | rig byed kyi !ag

1
D, C du: P, N om. du
2
D, C la (PV$): P, N om. la
3
P, N bus: D, C bus byas
4
D, C yin (PV$): P, N li!
5
D, C de!i (PV$): P !a"i: N illis.
6
P, N gyi: D, C gyis
7
P, N, D, C rnams (PV$ rnams kya!)
8
em. la (PV$): P, N, D, C om. la
9
P, N grags (PV$): D, C grogs
10
P, N, D, C ma grags pa"i (PV$ ma grags pa"i sgra)
11
P, N kyi (PV$): D, C om. kyi
12
P, N ni: D, C om. ni
13
D, C bstan (PV$): P, N brtan
430 Appendice A

gi don rnams !es pa med pa kho na1 yin no || g"an ya! !di skyes
[P8]
bus ma byas pa ñid du sgrub2 na yi ge rnams sam !ag sgrub par
byed par !gyur gra! na | de la |
yig rnams g"an las3 khyad med [P494a1] phyir |
| sgrub par byed par !bras cir4 !gyur || [PV I.247ab]
!jig rten pa da! rig byed pa dag gi !ag gi5 yi ge tha [N498b] dad pa
ma yin no || tha dad na6 ya! !o #es pa la khyad par med pa!i phyir |
de las gcig [P2] ñid ma grub par thal bar7 !gyur ba!i phyir da! |
khyad par rtogs pa med pa!i phyir da! | rig byed pa!i yi ge dag ma
!grub8 pa!i phyir da! | !o #es pa las rtogs pa med pa!i thal bar !gyur
ba!i phyir da! | [P3] khas mi len pa!i phyir ro || de dag skyes bus ma
byas pa ñid du bsgrubs9 pa na de thams cad la mtshu!s pa!i phyir |
!dis lhag pa ci "ig byas | de10 ltar tha sñad thams cad skyes bus ma
byas pa yin na thams cad bden pa [P4] ma yin pa!i phyir yo!s su !al
ba11 don med pa yin no || ci ste !ag rnams skyes bus ma byas par
!dod na ni |
!ag ni yi ge las tha dad |
| par yod min te mi dmigs phyir || [PV I.247cd]
kho bo cag [P5] gi blo la lhas12 byin la sogs pa!i tshig da! !ag rnams
kyi yi ge da la sogs pa sna! ba ma gtogs par yi ge gñis pa sna! ba

1
em. !es pa med pa kho na (PV$): P, N, D, C !es pa kho na
2
P, N sgrub (PV$): D, C bsgrubs
3
em. las (PV$): P, N, D, C la
4
D, C cir (PV$): P, N phyir
5
D, C !ag gi: P, N om. !ag gi
6
D, C na: P, N pa
7
P, N, D bar (PV$): C om. bar
8
D, C !grub: P, N grub
9
D, C bsgrubs: P, N sgrub
10
N, D, C de (PV$): P da
11
D, C ba (PV$): P, N ba"i
12
P, N lhas (PV$P): D, C lha
Version tibétaine 431

da! !dra bar | sna! ba g"an ni ma mtho! !o || !dzin1 pa la sna! bar


gyur pa med na [P6] gzu! bar !dod pa [D334b] yod pa !am | g"an "es
!es par nus pa ma yin te rnam pa g"an b"in no || gal te g"an la mi
srid pa can gyi !bras bu go bar byed pa yin no "e2 na | yin na gal te
yi ge yod pa de dag [P7] la ya! !bras bu de med par !gyur ro || gal te
tshig [C331b] da! !ag g"an la de dag khyad par med pa yin na ya!
med pa!i phyir !gyur ba ma yin no "e na | ma yin te | de dag ni
khyad par med pa ma grub pa!i phyir ro || gal te [P8] !o #es pa las
khyad par grub pa yin no "e na | ma yin te | de ni !khrul pa!i phyir
da! | dpe med pa ñid kyi phyir ro || yi ge khyad par med pa yin na
ya! !ag gi3 khyad par las4 don rtogs pa!i khyad par ni !bras bu!i
khyad par [P494b1] yin par !gyur la de ya! !ag las !gyur ro || de
ya! dba! po las !das pa yin pa!i phyir ga! las !gyur | thag ñe ba
tsam gyis bskyed pa yin na ni5 ma bya! bar ya! [N499a] !gyur ro ||
de bas !ag ces bya ba yi ge dag las [P2] don g"an du gyur pa cu! "ig
kya! med na ga! skyes bus ma byas pa ñid du bsgrub6 par !gyur |
de med pa!i phyir rig byed kyi khyad par du ma byas pa!i yi ge
skyes bus ma byas pa ñid kyi phyogs da! po!i ya! lan btab pa [P3]
yin no || g"an ya! don g"an du gyur pa!i !ag yod pa ni bla ste | de
yan lag du ma!i bdag ñid can nam | yan lag med pa can du !gyur
gra! na |
y an lag du ma!i b d a g ñ i d y i n |
| de rnams tha dad don med ñid || [PV I.248ab]
gal te de!i yan lag de dag kya! du ma yin na | tha dad pa!i ra!
[P4]
b"in don med pa can yin no ||
de d !os can min de d!os can |

1
P, N, D !dzin (PV$): C !jin
2
N, D, C "e (PV$): P "es
3
D, C gi (PV$): P, N gis
4
D, C las: P, N om. las
5
P, N ni (PV$): D, C om. ni
6
D, C bsgrub (PV$): P, N sgrub
432 Appendice A

| brtags1 pa se! ge ñid sogs b"in || [PV I.248cd]


don da! ldan pa!i bdag ñid kho na !ag yin [P5] no || yan lag de dag
kya! bdag ñid don med pa yin te | de dag bdag ñid des rtog2 pas
sgro btags par !gyur ro || bram ze!i khye!u la sogs pa la se! ge ñid
la sogs pa3 da! !dra ba yin pa!i phyir | skyes bus [P6] byas pa kho na
yin no || ci ste gal te skyon der ma gyur cig sñam pas yan lag de
dag so so don da! bcas par !dod na |
re re don bcas ñid yin na !a ! |
| du ma ñid rtog4 log pa yin |
| yan lag gcig ni rtogs [P7/D335a] pas kya! |
| !ag gi don dag rtogs par !gyur5 || [PV I.249]
don yo!s su rdzogs pa can gyi sgra!i !o bo ni !ag yin no || yan lag
de dag kya! so so so sor de lta bu!i rnam pa yin pa!i phyir | so so
de dag !ag yin no || de ltar yan [P8] lag du ma [C332a] can ni !ag ma
yin no || yan lag gcig rtogs pas kya! !ag gi don rtogs pa!i phyir yan
lag g"an la bltos pa da! | dus la sdod par mi !gyur ro || cha #as med
pa!i bdag ñid can de ni skad cig ma [P495a1] gcig gis rtogs pa!i
phyir | #es pa gcig skyes pa na ma lus par kho! du chud pa!i phyir
ro || de lta ma yin na gcig pa ñid !gal ba!i phyir ro ||
[N499b] thams cad cig car thos na6 ya! |
| dus kyi tha dad [P2] mi ru! !o || [PV I.250ab]
yan lag g"an la bltos pa med par ya! yan lag gcig7 kho na las8 !ag
gi don grub pa!i phyir | !ag gi yan lag du ma ñid ñams par ma gyur
cig sñam pas cig car yan lag thams cad thos par !dod [P3] na | de!i

1
D, C brtags (PV$D): P, N btags
2
em. rtog (PV$P): P, N, D, C rtogs
3
em. pa (PV$): P, N, D, C pa!i
4
P, N rtog (PV$P): D, C rtogs
5
N, D, C !gyur: P !gyur ro
6
D, C na (PV$): P, N nas
7
D, C gcig (PV$): P, N cig
8
em. las (PV$): P, N, D, C la
Version tibétaine 433

tshe ya! dus la sdod pa mi rigs pa kho yin te | yan lag gcig1 rtogs
pa!i dus ñid na thams cad thos pa!i phyir ro || rim b"in du thos pa
yin na ya! don tha dad pa da! ldan pa dag ni gcig ñid las [P4] de!i
don grub pa!i phyir | g"an ni don med pa can ñid du !gyur ba!i
phyir ro2 || cig car thos na ya! don tha dad pa dag la mtho! ba!i nus
pa med pa can dag gi don da! ldan pa ñid kya! mi !grub po || gal te
tshogs pa [P5] rnams kyi don mtho! ba!i phyir skyon med do "e na |
ma yin te | tha dad pa la yod pa ma yin pa!i !o bo ni3 tshogs pa la
ya!4 mi srid pa!i phyir da! | don g"an mi skye ba!i phyir ro || re "ig
sgra skye bar smra ba la skyon !di ñid [P6] yod pa ma yin te | so sor
nus pa med pa!i yan lag rnams kya! phan !dogs pa!i khyad par las
phul du5 byu! ba da! ldan pa!i !bras bu!i khyad par la6 ñe bar sbyor
ba!i phyir ro || yan lag re re nus pa yod pa yin [P7] na ya! g"an du7
rtogs pa don med par !gyur ro || ci ste ya! !ag gcig kho na yan8 lag
med pa can9 yin na | de la |
[D335b] gcig ñid na10 ya! tha dad med |
| go rim !dzin pa mi srid phyir || [P V I.250cd]
dus tha dad ñid mi ru! !o || gcig [P8] la ni go rim b"in du rtogs pa mi
rigs te | gzu! ba da! ma gzu!11 ba dag tha dad pa med pas gzu!12 ba
da! ma gzu! ba13 med pa!i phyir ro || [C332b] rim b"in du !ag

1
D, C gcig (PV#): P, N cig
2
D, C ro: P, N om. ro
3
em. ni (PV#): P, N, D, C !i
4
D, C ya! (PV#): P, N om. ya!
5
D, C du (PV#): P, N om. du
6
em. la (PV#): P, N, D, C las
7
N du (PV#): P, D, C tu
8
P, N, C yan (PV#): D yin
9
D, C can: P, N om. can
10
P, N na (PV#): D, C ni
11
P, N gzu! (PV#P): D, C bzu!
12
P, N gzu!: D, C bzu!
13
D, C ba: P, N om. ba
434 Appendice A

rtogs pa ya! mtho! ste | !ag thams cad kyi tha sñad [P495b1] da!
thos pa da! dran1 pa!i dus su mig !dzum2 pa skad cig ma du ma can
gyi go rim gyis yo!s su3 rdzogs pa!i phyir ro || yi ge!i !o bo la ma
reg pa can da! blo gcig la sna! ba can gyi sgra!i bdag4 ñid ni mi [P2]
sna! ba!i phyir te | yi ge!i go rim gyis [N500a] rtogs pa!i phyir ro ||
de khyad par med pa yin na ya! !ag gi khyad par go rim b"in du
byas pa ñid kyi phyir | !ag go rim da! ldan pa rtogs pa yin no || yi
5
[P3] ge!i go rim gyis phan btags pa la bltos pa med pa!i phyir da! |
ga! ji ltar ya! ru! ba de dag rab tu sbyar ba dag gis sam6 | yi ge
med pa dag gis kya! !ag rtogs par !gyur ro || go rim da! [P4] ldan pa
de dag gis go rim med pa la phan !dogs pa mi ru! ba!i phyir da! |
go rim med par rjod7 par mi nus pa ñid kyi phyir da! | rnam pa
g"an med pa!i phyir ro || !ag la yi ge dag yod pa [P5] ñid ma yin no ||
gal te sgra!i !o bo gcig po de ñid ni gsal byed kyi go rim gyi dba!
gis go rim8 da! ldan pa da! | yi ge!i rnam par dbye ba da! ldan par
sna! !o "e na | gsal byed [P6] go rim da! ldan pas gsal bya go rim
med pa spa!s zin te | gsal ba da! gsal ba ma yin pa !gal ba!i phyir
ro || !ag yi ge da! cha med pa can yin na ma lus par thos pa [P7] med
par !ag mñan par9 mi !gyur te | gcig la cha med pa!i phyir ro || ya!
!ga! "ig kya! cha med pa mñan par10 mi !gyur ro || yi ge ma lus pa
legs par byas pa da! ldan pa!i blo tha [P8] mas !ag11 !es par gzu! !o
"es bya ba ya! log pa yin te | yi ge!i !o bo la ma reg pa12 de la !ga!

1
em. dran (PV#): P, N, D, C !dren
2
em. !dzum (PV#P): P, N, D, C tu mtshu!s
3
N, D, C su (PV#): P om. su
4
N, D, C bdag (PV#): P bnag
5
P, N gyis (PV#): D, C gyi
6
D, C gis sam: P, N gi bsam
7
D, C rjod: P, N brjod
8
em. rim (PV#P): D, C rims: P, N rim ma ma
9
P, N, C par (PV#): D phar
10
D, C par (PV#): P, N pa
11
P, N, D !ag (PV#): C rag
12
P, N, D, C ma reg pa (PV# ma reg pa can)
Version tibétaine 435

!ig kya"1 !ga! !ig gi tshe rtogs pa med pa!i phyir da" | yi ge rnams
kya" go rim med par rtogs pa [P496a1] med pa!i phyir ga" las "ag
ces bya ba [D336a] go rim med pa blo gcig gis gzu" bar bya ba
yin | yi ge tha ma rtogs pa las phyis kya" sgra!i bdag ñid cha med
pa [P2] g!an ñe bar rtogs pa ma yin te | smra ba po bdag ñid !dis
kya" "es par byed pa ma yin no || gal te !di ltar blo tha [C333a] ma
la sgra cha #as rdzogs pa yan gar ba sna" bar !gyur [P3] na | legs par
!gyur ba de ltar na dge ba !dod pas rmo"s pa!i blo can rmi [N500b]
lam b!in du spyod do || tshig da" "ag dran par gyur pa dag la ya" yi
ge!i go rim gyi khyad [P4] par med par2 "es par !gyur ba ma yin no ||
blo go rim med pa can dag la s"a phyi med pa!i phyir | des byas
pa!i tshig da" "ag gi khyad par de dag3 khyad par med par !gyur
ro || yi ge!i4 [P5] go rim med pa can gyi sgra!i "o bo g!an ma mtho"
"o !es b#ad zin to || yod na ya" de mi rtag pa !am rtag par !gyur
gra" na | gal te mi rtag pa yin na ni |
rtsol ba las [P6] byu" mi rtag na |
| de ci skyes bus byas p a m i n | | [ P V I . 2 5 1 a b ]
mi rtag pa ni gdon mi za bar !ga! !ig las skye ba da" ldan par !gyur
ro || de lta na5 yod pa ñid glo6 bur ba yin na yul [P7] la sogs pa "es
par mi !gyur ro !es b#ad zin to7 || de ya" !bad rtsol gyis !pha"s pa
byed pa!i yon tan da" bral ba ma yin pa can dag la mtho" ba g!an
du ma [P8] mtho" "o || de ltar rgyu!i chos mtho" ba!i phyir8 skyes
bu!i bya ba ñid ni rgyu yin pa de bas na skyes bus byas par !gyur
ro ||
rtag ñid yin na !a" rtag pa ni |

1
D, C !ga" !ig kya" (PV$): P, N om. !ga" !ig kya"
2
em. khyad par med par (PV$D): P, N, D, C khyad par
3
D, C de dag (PV$): P, N de dag de
4
D, C ge"i (PV$): P, N ge
5
em. de lta na (PV$P): P, N, D, C de ldan par
6
D, C glo (PV$): P, N blo
7
P, N to (PV$): D, C te
8
em. mtho" ba"i phyir (PV$): P, N, D, C mtho" ba"i
436 Appendice A

| dmigs !gyur sgrib [P496b1] g.yogs med phyir ro || [PV I.251cd]


ci ste sgra!i !o bo ñid de rtag pa da! dmigs pa!i ra! b"in can du
!gyur na de!i ra! b"in de ni !ga! "ig gi tshe ya! ñams pa med pa!i
phyir rtag tu dmigs [P2] par !gyur ro || gal te nus pa !ga! "ig las kya!
!pho ba med pa de ltar na1 rtag par !gyur te | #es pa bskyed pa!i2
nus pa de!i3 bdag ñid can ñid yin pa!i phyir da! | [P3] don g"an du
gyur pa ni s!ar bkag zin pa ñid kyi phyir ro || dmigs pa!i bdag ñid
can de la ya! dmigs pa!i sgrib g.yogs su gyur pa cu! zad kya! yod
pa ma yin te | de [P4] yod du zin kya! de!i bdag ñid4 ñams pa med
par nus pa zil gyis mnan par mi ru! ba!i phyir ro || de [D336b] la
phul du byu! ba bskyed par mi nus na ni cu! "ig byed pa "es bya
ba ma yin no || [P5] cu! "ig mi byed na ya! ga! la5 sgrib par byed pa
!am g"an "es bya ba de ni [C333b] ma! du dpyad6 zin to || bum7 pa
la sogs [N501a] pa dag la rtsig pa la sogs pa dag gis phul du byu!
ba [P6] skyed8 par byed pa !am ñams pa ci "ig byed na ga! gis sgrib
par !dod ce na | de dag !ga! "ig gi phul du byu! ba byed pa yin par
ni mi smra!i | !on kya! bum pa!i skad cig [P7] ma thams cad dba!
po!i #es pa!i rgyu ma yin no || phan tshun !dus pa yul da! dba! po
da! sna! ba rnams ni gcig la gcig gis9 khyad par10 can gyi skad
cig11 ma g"an bskyed pa!i phyir [P8] rnam par #es pa!i rgyu yin te |
phan gdags par bya ba ma yin pa!i bltos pa mi ru! ba!i phyir ro ||

1
P, N, D, C de ltar na (PV$ de ltar na de)
2
P, N, D, C pa de"i (PV$ pa"i)
3
em. de"i (PV$): P, N, D, C bskyed pa
4
D, C ñid (PV$): P, N om. ñid
5
em. ga! la (PV$D): P, N, D, C !ag la
6
P, N dpyad (PV$D): D dpyod
7
P, N, D bum (PV$): C dum
8
D, C skyed (PV$): P, N bskyed
9
D, C gcig la gcig gis (PV$): P, N gcig gis
10
P, N, C par (PV$): D pa
11
N, D, C cig (PV$): P om. cig
Version tibétaine 437

nus pa!i ra! b"in can rtag tu skyed par byed pa1 !am | skyed par mi
byed [P497a1] pa !am | g"an thams cad du !gyur ro "es b#ad zin
to || de dag kya! thogs par byed pa g"an gyis2 bar ma chod par phan
tshun du !dogs par byed pa yin te | bar du [P2] gcod pa med pa can
gyi yul ru! ba ñid kyi lhan cig byed pa can ñid kyis de dag phan
tshun du phul du byu! ba bskyed pa ñid kyi phyir ro || bar chad yod
na ni rgyu med pas3 nus pa!i skad cig ma [P3] g"an mi bskyed pa!i
phyir | rnam par #es pa mi bskyed pa yin no || de bas na s!ar byu!
ba!i nus pa !gags pa!i phyir | rtsig pa yod na g"an skye bar !dod pa
rgyu med pas mi [P4] skye ba!i phyir rgyu da! bral bas4 #es pa mi
skye ba de ltar na rtsig pa la sogs pa la sgrib g.yogs #es5 bya!o ||
s!ar ru! ba la gegs6 byed pa!i phyir ni7 ma yin te | de!i ra! b"in las
8
[P5] ma !phos pa!i phyir ro || ya! na d!os po skad cig ma rnams
phan tshun phan9 !dogs pa yod du zin kya! | thams cad #es pa ma
yin pas | rgyu da! rkyen gyi nus pa bsam gyis mi khyab pa [P6] ñid
kyi phyir ro || de bas na gal te dba! po da! yul gyi bar na gnas pa!i
sgrib g.yogs des de la rnam par #es pa skyed10 par byed pa da! #in
tu mi mthun pa!i bye brag gis phul du [P7] byu!11 ba can du byed
du12 zin [N501b] kya! | sgrib g.yogs kyi bye brag gis sgra la sogs
pa [D337a] mñan pa gsal ba da! mi gsal ba mtho! ba!i phyir ro ||
de lta ma yin na !ga! "ig la ya! thag ñe ba [P8] yin du zin kya! cu!

1
D, C pa (PV$): P, N par
2
em. gyis: P, N, D, C gyi
3
em. pas: P, N, D, C pa
4
D, C bral bas (PV$): P, N !bras bus
5
P, N #es: D, C "es
6
N, D, C gegs (PV$): P gogs
7
D, C ni: P, N om. ni
8
D, C ma (PV$): P, N om. ma
9
N, D, C phan (PV$): P om. phan
10
D, C skyed (PV$): P, N bskyed
11
D, C byu! (PV$): P, N !byu!
12
P, N du (PV$): D, C om. du
438 Appendice A

!ig mi byed1 pa ni2 thag ñe [C334a] ba ma yin pa da" mtshu"s pa!i


phyir | !di!i !di !es ñe bar sbyar ba ni rnam par rtog pas sprul pa ñid
yin gyi d"os po la brten pa can ni ma yin no || [P497b1] sgro btags3
pa!i rjes su byed pa!i "a" tshul can ni don byed pa dag ma yin te |
bram ze!i khye!u la me ñe bar btags4 pa las !tshed pa!i phyir bsten
pa ma yin pa lta bu!o || de bas na rtog5 pa yod [P2] du zin kya" d"os
po des6 yo"s su gyur pa can ma yin pa dag ni ra" b!in ji lta ba b!in
du gnas pa7 ñid du !gyur ro || de bas na sgrib g.yogs yod du zin
kya" dba" po la sogs pa [P3] dag #es par byed par !gyur na de lta ya"
ma yin no || de bas na des bya ba8 khyad par9 de ltar #es par !gyur
ro || de ltar10 sgra rtag pa rnams !ga! !ig yod na ya" phul du [P4]
byu" ba ñams pa !am skye bar11 !gyur ro || de bas na gal te de
rnams #es pa bskyed pa!i ra" b!in yin na | thams cad thams cad kyi
tshe ra" gi yul gyi #es pa thams cad cig [P5] car bskyed par !gyur ba
!am | !ga! !ig !ga! !ig gi tshe12 cu" !ig kya" bskyed par mi !gyur ro
!es bya ba de ni "es pa yin no ||
g a l t e l h a n c i g b y e d 1 3 ! g a ! d a" |
| bral ñid phyir na [P6] mñan14 pa med || [PV I.252ab]

1
em. mi byed (PV$): P, N, D, C med
2
P, N ni (PV$): D, C om. ni
3
P, D, C btags: N brtags
4
N, D, C btags (PV$): P brtags
5
P, N rtog (PV$P): D, C rtogs
6
em. des: P, N, D, C de
7
P, N, D, C gnas pa (PV$ gnas pa can)
8
D, C bya ba: P, N byas pa
9
P, N, D, C khyad par (PV$ khyad par can)
10
D, C ltar: P, N ltar na
11
em. !am skye bar (PV$): P, N, D, C med par
12
D, C !ga! !ig !ga! !ig gi tshe (PV$): P, N !ga! !ig gi tshe
13
D, C byed (PV$P): P, N byed pa
14
N, D, C mñan (PV$): P mñen
Version tibétaine 439

de ltar ni1 !gyur na sgrib g.yogs las rtag tu sgra dag2 ma thos par3 ni
ma yin mod kyi | !on kya! de dag rtogs pa la4 lhan cig byed pa !es
pa cu! zad ni yod5 [P7] do || de ni !ga! "ig gi tshe !ga! "ig tu !gyur ro
"es de dag !ga! "ig gi tshe !ga! "ig tu des6 byas pa thos pa yin no "e
na |
de ltar g"an bltos yin bla ste |
| !es pa dag ni [P8] !gal ba yin || [PV I.252cd]
kho bo cag ni rgyu rnams kyi7 lhan cig byed pa dag8 spo! ba ma
yin mod kyi | !on kya! rgyu rnams de!i skabs la phan !dogs par
byed pa9 [N502a] la bltos pa kho na yin te | de las [P498a1] rñed
pa!i phul du byu! ba!i !bras bu la ñe bar sbyor ba!i phyir ro || de
ltar na gal te sgra dag kya! !ga! "ig la bltos nas !bras bu10 byed par
!gyur na byed la rag go || [P2] s!a ma"i [D337b] ra! b"in !es pa "es
bya ba der mi !gyur te | de ni !phos pa!i phyir da! | [C334b] bltos
par bya ba las ra! b"in g"an thob11 pa!i phyir ro || phan !dogs12 pa
ma yin pa ni bltos par [P3] bya bar !gyur ba ma yin no "es bya ba de
ni b#ad zin to || phan !dogs par byed pa don g"an ñid yin na | de!i
"es !brel ba med pa la sogs pa ya! b#ad zin to || de ya! #es [P4] bya13
ñid ma yin te | phan !dogs pa ñid las14 #es pa skye ba!i phyir ro || de

1
N, D, C ni (PV$): P na
2
P, N, D, C sgra dag (PV$ sgra thams cad)
3
D, C par: P, N pas
4
em. la (PV$): P, N, D, C las
5
N, D, C yod (PV$): P yid
6
em. des (PV$): P, N, D, C de
7
P, N kyi (PV$): C ni: D illis.
8
D, C dag (PV$): P, N om. dag
9
P, N pa: D, C om. pa
10
D, C bu (PV$): P, N bus
11
em. thob (PV$): P, N, D, C thos
12
N, D, C !dogs (PV$): P !dog
13
N, D, C bya: P bya ba
14
N, D, C las (PV$): P la
440 Appendice A

bas na sgra de dag ni dba! po da! phrad pa da! | bdag ñid da! |
g"an rnam par #es pa skyed1 par byed pa!i rten [P5] ra! gi #es pa
skyed par byed pa !ga! "ig la bltos pa med pa yin te | de la thams
cad cu! zad kya! mi byed pa!i phyir ro || g"an ya! sgra de dag
khyab par byed pa !am | khyab par byed [P6] pa ma yin par !gyur
gra! na |
gal te de dag khyab byed min |
| thams cad du ni2 dmigs mi !gyur || [PV I.253ab]
yul gcig la gnas pa des sto! pa!i yul la gnas pas ji ltar dmigs par [P7]
!gyur | gal te ma phrad par !dzin pa!i phyogs la skyon yod pa ma
yin no "e na | ma yin te | de la ya! rdo khab len3 la sogs pa da! !dra
bar4 yul ru! ba ñid la gnas pa khyad par [P8] can la bltos pa!i phyir
ro || de ltar ma yin na thos5 pa gsal ba da! mi gsal ba!i khyad par
du6 mi !gyur ro || dmigs pa!i rkyen yod na ya! yul thams cad la !dra
bar dmigs [P498b1] par !gyur ro || de bas na khyab7 par byed pa ma
yin pa ma yin no ||
gal te khyab na th ams cad kyis |
| cig car dmigs pa dag tu !gyur || [PV I.253cd]
sgra !ga! [N502b] "ig la ya! med pa8 ma yin pa!i phyir | thams cad
[P2] yul thams cad na gnas pa dag gis cig car dmigs par !gyur te |
dba! po ru! ba can ñid yin pa!i phyir da! | yul thag ñe ba ñid kyi
phyir da! | gegs byed pa9 med pa!i phyir ro || [P3]
!dus byas dmigs pa yin na ya ! |

1
D, C skyed: P, N bskyed
2
D, C ni (PV$): P, N om. ni
3
P, D, C len: N lan
4
D, C bar (PV$): P, N bar ya!
5
N, D, C thos (PV$): P thog
6
P, D, C du: N ru
7
N, D, C khyab (PV$): P khyag
8
D, C med pa (PV$): P, N om. med pa
9
D, C pa: P, N om. pa
Version tibétaine 441

| !gyur med ga! gis legs1 par byed || [PV I.254ab]


de ltar ni2 !gyur na sgra thams cad yod du zin kya! dmigs par !gyur
ba ma yin te | !dus byas pa [P4] legs par byed pa3 kho nas dmigs pa!i
phyir ro "e na | de la !dus byas pa [D338a] ni dmigs pa ma yin te |
bsgyur bar bya ba ma [C335a] yin pa can ni !dus byas par4 mi ru!
ba!i phyir ro ||
dba! po [P5] legs par byas gyur na |
| des kya! ma lus thos par !gyur5 || [PV I.254cd]
de la gal te legs par byas pas dmigs pa!i phyir dba! po legs par ma
byas pas dmigs par mi !gyur ro || ga! gi6 [P6] dba! po legs par byas
pa des sgra7 thams cad cig car thos par !gyur ba de ltar na thal bar
!gyur ba ñid ma log pa yin no ||
g al te legs byas k h y a d p a r l a s |
| tha dad phyir don [P7] gcig !es yin |
| sgra yi !dus pa sna tshogs pa!i |
| ca co ji ltar thos par !gyur || [P V I.255]
ci ste8 ya! !dus byas pa sgra dag la so sor !es par !gyur ba yin te |
de la !ga! "ig gis [P8] dba! po9 legs par byas pa !ga! "ig !dzin par
byed pa!i phyir | sgra thams cad cig car thos pa ma yin no "e na |
legs par byas pa!i khyad par las dba! po rnams kyis thos [P499a1]
pa !es pa yin na sgra!i tshogs sna tshogs10 pa!i ca co thos par mi
!gyur ro || ca co "es bya ba ni sgra gcig ma yin te | ra! b"in tha dad

1
P, D, C legs: N lags
2
D, C ni: P, N mi
3
D, C pa (PV#): P, N pas
4
D, C par (PV#): P, N pa
5
P, N !gyur (PV#): D, C gyur
6
P, N gi: D, C gis
7
P, N sgra (PV#): D, C sgra rnam pa
8
N, D, C ste (PV#): P sde
9
P, N po (PV#): D, C po legs so
10
P, N sna tshogs (PV#): D, C om. sna tshogs
442 Appendice A

pa can dag cig car thos pa!i phyir ro || tha dad pa [P2] rnam par g!ag1
pa ya" ra" b!in tha dad pa la brten pa can ñid yin pa!i phyir ro || gal
te !jug pa myur ba!i phyir | cig car thos pa !khrul pa2 yin no !e na |
gli"3 bu la sogs pa!i sgra!i [P3] rgyun go bar byed pa!i yan lag !dus
pa las [N503a] !dres par gyur pa rtogs par !gyur ro || !di !gog4 par
byed pa5 la ya" !og nas !chad par !gyur ro || de bas na dba" po ni
gcig [P4] rtogs par nus pa so sor "es pa yin pa!i phyir | ca co du ma!i
bdag ñid can thos pa ma yin no ||
de la gal te sgra yan gar |
| thos !gyur rjod byed dag ma yin || [PV I.256ab]
ca co la yi ge da" [P5] tshig da"6 "ag dag ni thos pa ma yin te | sgra
tsam yan gar ba dag thos pa!i phyir ro || rjod7 par byed pa la dba"
po so sor "es pa!i nus pa can yod kyi8 sgra tsam dag la ni ma yin
no ||9 [P6] de la |
sgra las tha dad yod do !es10 |
| ! d i l a # in tu ches dad bya | | [ P V I . 2 5 6 c d ]
kho bo cag gis ni sgra tsam da" rjod par byed [D338b] pa!i sgra!i
"o bo [C335b] tha dad pa ma mtho" "o || dus gcig gi tshe yi ge!i go
rim thos pa [P7] na sgra!i bdag ñid gcig kho nar "es so || de bas na
"es pa s"on du so" ba can gyi tha sñad yo"s su bcad11 pa med par ji

1
D, C g!ag (PV$): P, N b!ag
2
D, C pa (PV$): P, N pa!i
3
N, D, C gli" (PV$): P gle"
4
D, C !gog (PV$): P, N !gogs
5
D, C pa: P, N par
6
em. da" (PV$): P, N, D, C dag
7
D, C rjod (PV$): P, N brjod
8
P, N kyi (PV$): D, C pa!i
9
P, N no || (PV$): D, C yin |
10
D, C !es (PV$): P, N !e na
11
P, N bcad (PV$): D, C gcad
Version tibétaine 443

ltar !jug par !gyur || de bas na sgra!i khyad par !di ñid yi [P8] ge la
sogs pa !es bya!o || g!an ya" |
sgra g ! a n d a g n i g n a s p a n a |
| rjod byed ji ltar thos pa yin || [PV I.257ab]
!di las sgra tsam1 tha dad pa!i "o bo da" lhan cig gam tha dad pa ni
ma yin no || [P499b1] m"on sum gyi don la g!an gyis bstan pa chen
por gyur pa ma yin no || de bas na !dis smra ba po g!an dag !dug
par gyur pa na | sgra !ba!2 !ig thos pa de!i dmigs pa!i rkyen dag de
las [P2] g!an pa sgrub pa la nus pa med pa3 "es par byed do || gal te
nus pa dag tu !gyur na de sgrub par byed pa de dmigs par !gyur na |
de!i ra" b!in can ñid kyi rkyen dag gis ji ltar [P3] ca co don g!an du
gyur pa byed par !gyur te4 | rgyu tha dad pa med pa la !bras bu!i tha
dad pa rigs pa ma yin no || de ni rgyu med pa can ñid du thal bar
!gyur ba!i phyir ro !es b#ad zin [P4] to || ca co la rjod par [N503b]
byed pa5 ma thos pa ma yin te | tshig da" "ag chod pa dag ñe bar
mtshon ba!i phyir ro ||
ya" na nus pa "es pa!i phyir |
| tha dad sgra6 rtogs ji ltar !gyur || [PV I.257cd]
dba" [P5] po nus pa so sor "es pa can de dag gis kya" sgra so so la
"es pa!i sgra tsam7 "o bo sna tshogs pa thos pa na sgra dag ñid ma
yin te | de ltar na sgra dag la de dag gis rgyab kyis phyogs pa [P6]
yin no ||8 rjod par byed pa dag las tha dad par sgra tsam <3dag grub
pa med do !es b#ad pa ga" yin pa ji ltar na mi !grub ste | tshig las
don rtogs pa!i phyir ro || sgra tsam gyi cha #in tu chu" ba las ni don

1
D, C tsam (PV$): P, N can
2
em. !ba! (PV$): P, N, D, C !ga!
3
D, C pa (PV$): P, N pa!i
4
P, N, D, C don g!an du gyur pa byed par !gyur te. Cf. PV$ P366a3/D302a2:
!bras bu g!an du gyur pa rtsom par !gyur te.
5
em. pa (PV$): P, N, D, C par
6
em. sgra: P, N, D, C sgras
7
D, C tsam (PV$): P, N can
8
P, N no ||: D, C yin |
444 Appendice A

rtogs pa ma yin !i" de g!an da" !dres pa ya" ma yin no || de bas


na1> sgra tsam gyi "o bo ma lus pa can gyis bsgrub par bya ba rtogs
pa !di ni | sgra tsam cha ma lus pa can [P8] ma yin pa dag la2 yod pa
ma yin pa!i phyir | sgra!i "o bo go rim med pa can du yod pa can
ñid grub pa <5da" | sgra tsam gyi cha go rim da" ldan pa can grub
pa3> yin no !e na | de ni ma yin te | go rim med pa can du ni yi ge
go rim [D339a/C336a] da" ldan [P500a1] pa las tha dad pa s"ar
bkag pa ñid kyi phyir4 da" | de ltar thal ches pa!i phyir ro || las kyi
cha dag gi s"a ma da" phyi ma la !brel pa med pa!i phyir da" | cha
gcig las rtogs par mi [P2] !gyur ba!i phyir | de las tha dad pa can gyi
lag pa!i brda la sogs pa dag las kyi bdag ñid kyi "o bo ma lus pa
ya" go bar byed pa!i rgyur sgra da" !dra bar khas bla" bar bya ba5
yin par !gyur [P3] ro || bdag ñid ji lta ba b!in du byed pa!i sbyor ba
las6 yi ge!i cha !am las kyi cha tha dad pa go rim b!in du !byu" ba
can ñid yin na | go rim b!in du rnam par rtog pa!i yul dag gis [P4]
brda ji lta ba b!in du don rtogs pa skyed7 do !es bya ba ni rigs pa
da" ldan pa yin no | g!an ya" |
ñes pa ga" da" ga" dag gis8 |
| rjod byed min de !a" sgra tsam !dod |

1
D, C dag grub pa med do !es b#ad pa ga" yin pa ji ltar na mi !grub ste | tshig
las don rtogs pa!i phyir ro || sgra tsam gyi cha #in tu chu" ba las ni don rtogs
pa ma yin !i" de g!an da" !dres pa ya" ma yin no || de bas na: P, N yan gar
ba dag thos pa!i phyir ro || rjod par byed pa la dba" po so sor "es pa!i nus pa
can yod kyi sgra tsam dag la ni ma yin [P7] no || de las tha dad yod do !es || !di
la #in tu ches dad bya || kho bo cag gis ni (= PVSV 133,2"5/PVSVt P499a5"
6: keval!n!" #rava$!t | v!cake ca pratiniyata#akt%ndriya" na dhvani&u | ta-
tra | dhvanibhyo bhinnam ast%ti #raddheyam atibahv idam || [na hi] vayam)
2
P, N la (PV$): D, C om. la
3
D, C da" | sgra tsam gyi cha go rim da" ldan pa can grub pa: P, N om. da" |
sgra tsam gyi cha go rim da" ldan pa can grub pa
4
D, C phyir (PV$): P, N om. phyir
5
D, C ba (PV$): P, N bar
6
em. las (PV$): P, N, D, C la
7
D, C skyed: P, N bskyed
8
N, D, C gis (PV$): P gi
Version tibétaine 445

| sgra tsam dag gis [P5] gsal ba na |


| ji ltar rjod byed la de med || [PV I.258]
go [N504a] rim su !byu! ba!i sgra tsam gyi cha dag gis gsal ba rjod
par byed pas brjod pa yin no lo || de ya! de dag gis cig car gsal bar
[P6] byed pa ma yin te | go rim yod pa!i phyir ro || cha gcig gis kya!
ma yin te | de las g"an pa don med par1 thal ba!i phyir da! | yi ge
cha gcig gi2 dus na !o bo ma lus pa ñe [P7] bar rig pa med pa!i phyir
ro || de bas na dmigs pa tshogs #i! tsha! ba can ma yin pa !dis sgra
tsam da! !dra bar dmigs pa tsha! bas bsgrub par bya ba!i don ji ltar
bsgrub3 [P8] par !gyur | #in tu dmigs su med pas4 yod pa da! med pa
dag ni dmigs pas bsgrub par bya ba!i don dag la khyad par ci "ig
yod | thag ñe ba tsam gyis sgrub par byed pa [P500b1] ya! ma yin
te | gsal ba la bltos pa!i phyir ro || yod pa da! med pa!i go rim b"in
du !byu! ba!i !a! tshul can de ya! mtshu!s pa ñe bar sbyor ba!i
phyir | sgra tsam dag gis sgrub5 [P2] par nus pa ma yin na | de la ya!
de ltar !gyur ba de ltar na g"an gyis ci "ig bya | de bas na yi ge da!
!ag dag6 ni skyes bus7 ma byas pa ñid ma yin no ||
gal te yi ge!i rim pa !ag |
| [P3] yig rnams8 tha dad med phyir [D339b] min || [PV I.259ab]
gal te don g"an du gyur pa!i sgra!i !o bo ñid kyi !ag ni skyes bus
ma byas pa ma [C336b] yin no || !o na ci "e na | kho bo cag gi yi
ge!i go rim gyi mtshan ñid can ni [P4] !ag yin te | de ni skyes bus ma
byas pa ñid du bsgrub par bya ba yin "e na | ma yin te | yi ge rnams
kyi go rim dag las tha dad pa med pa!i phyir ro || !di ni yi ge dag

1
P, N, D par (PV$): C pa
2
N, D, C gi (PV$): P gis
3
D, C bsgrub (PV$): P, N sgrub
4
D, C pas: P, N pa!i
5
P, N sgrub (PV$): D, C bsgrub
6
P, N !ag dag: D, C !ag
7
P, N bus (PV$): D, C bu!i
8
P, N rnams (PV$): D, C rnam
446 Appendice A

las1 don g!an ma [P5] yin te | sna" ba tha dad par dmigs par thal bar
!gyur ba!i phyir ro || mi sna" na ni de las rtogs pa med pa!i phyir
da" rtags2 med pa!i phyir ro || [N504b] go rim tha dad pa da" ldan
pa ya" [P6] med na ni thams cad du yi ge tsam lus pa!i phyir s"a ma
b!in du thal bar !gyur ba yin no ||
de dag rnam par g!ag3 pa !a" med |
| go rim g!an ni !gal phyir ro || [PV I.259cd]
gal te yi ge rnams [P7] kyi go rim ma byas pa yin la | de dag rigs
mtshu"s pa ma" po dag ma yin na | ga" gis !ga! !ig rnam par gnas
pa!i go rim can du !gyur !i" | g!an dag ji ltar !dod pa [P8] b!in du
g!an du !gyur ba4 can du !gyur | !o na ci yin !e na | !jig rten gsum
na yi ge a gcig ñid da" de b!in du yi ge ga5 ya" "o || de!i tshe ag ni
!es bya ba ñid du !gyur gyi | [P501a1] ga ga6 na !es bya ba ma yin
te | yi ge a da" ga dag ni s"a phyi!i "o bor rnam par gnas pa ñid kyi
phyir ro || rgyu yo"s su gyur pa las "es pa da" ldan pa!i byas pa dag
gi ya" go rim bzlog par7 nus pa [P2] ma yin te | dper na sa bon da"
myu gu da" lo ma la sogs pa da" dus da" lo la sogs pa lta bu!o ||
ma byas pa gnas skabs da" ra" b!in ma8 bskyod pa can rnam pa
!ga! !ig gis gnas pa dag kya" ci smos te | s"a ma!i [P3] gnas skabs
dor ba med par9 rnam pa g!an du !gyur10 ba mi ru" ba!i phyir ro ||
dor na ya" !jig par thal ba!i phyir ro || khyad par du go rim rtag pa!i
ya" "o || tshig11 so sor1 yi ge g!an ñid yin na s"a na med pa [P4]

1
em. las: P, N, D, C la
2
D, C rtags (PV#): P, N brtags
3
N, D, C g!ag (PV#): P b!ag
4
D, C !gyur ba (PV#): P, N gyur pa
5
P, N ga (PV#): D, C om. ga
6
em. ga (PV#): P, N, D, C gha
7
P, N bzlog par: D, C bzlog par bya bar
8
em. ma bskyod pa can (PV#): P, N, D, C bskyod pa can
9
em. par (PV#): P, N, D, C pa
10
em. !gyur: P, N, D, C mi !gyur
11
N, D, C tshig (PV#): P tsheg
Version tibétaine 447

!byu! ba!i phyir ram | yi ge ma! po ñid kyi phyir de da! der !gyur
na de ya! !dod pa ma yin no || g"an ya! |
khyab da! rtag par brjod pa!i phyir |
| y u l d a! d u s k y i g o r i m m e d | | [ P V I . 2 6 0 a b ]
yi ge rnams kyi go rim de ya! yul gyis2 byas [D D340a/P5] pa ste |
dper na grog mo dag rgyu ba lta bu!o || dus kyis byas pa ste | dper
na sa bon da! myu gu la sogs par !gyur gra! na | yi ge rnams la de
rnam pa gñi ga [C337a] yod pa ma yin te | khyab pa!i phyir da!
rtag pa ñid kyi phyir ro || [P6] yul phan tshun spa!s pas !jug pa ni yul
gyi s!a phyir !gyur ba yin na | thams cad [N505a] thams cad la
mtshu!s pa ñid kyi phyir | de ni yi ge rnams la yod pa ma yin te |
rlu! da! ñin mo b"in da! bdag3 la sogs pa b"in no || [P7] de b"in du
dus phan tshun spa!s nas !jug pa ni dus kyi s!a phyir !gyur ba yin
te | ga! gi4 tshe gcig med pa de!i tshe g"an yod pa!i phyir ro || de5
ya! rtag pa la sogs pa la6 ma yin te7 | thams cad kyi tshe thams cad
yod [P8] pa!i phyir ro || rnam pa g"an yod pa ya! ma yin na yi ge!i
s!a phyir gyur pa!i !ag ga!8 yin pa de ji ltar skyes bus ma byas par
sgrub |
mi rtag khyab byed ma yin pa!i |
| skyon ya! s!ar ni brjod pa yin || [PV I.260cd]
[P501b1] ci ste ñes pa der ma gyur cig sñam pas yi ge mi rtag pa
da! khyab par byed pa ma yin par !dod na | phyogs de ya! s!ar
bsal9 ba!i phyir lan ma yin no ||
gsal ba!i go rim [P2] kya! !ag min |

1
em. sor: P, N, D, C so
2
D, C gyis (PV#): P, N? gyi
3
D, C bdag (PV#): P, N !ag
4
D, C gi (PV#): P, N om. gi
5
D, C de (PV#): P, N de!i
6
P, N, D, C rtag pa la sogs pa la (PV# rtag pa dag la)
7
P, N, D, C ma yin te (PV# yod pa ma yin te)
8
em. ga! yin pa: P, N, D, C yin pa
9
em. bsal (PV#): P, N, D, C gsal
448 Appendice A

| rtag pa!i gsal ba bs al 1 phyir ro || [PV I.261ab]


yi ge!i !o bo!i go rim ni !ag ma yin no || !o na ci yin "e na | de dag
gi gsal ba yin no || de ni bdag ñid ji lta [P3] ba b"in du yi ge m!on
par gsal ba!i rkyen gyi go2 rim las !byu! ba!i go rim da! ldan pa
yin pa!i phyir ro || de!i go rim !ag yin no3 "es bya ba ya! log pa yin
te4 | rtag pa [P4] dag gi de ni s!ar bkag pa ñid kyi phyir ro || m!on
sum du nus pa ñe bas5 #es pa skyed par byed pa !bras6 bu khyad par
can ñid gsal ba7 yin no "es de8 b#ad pa yin no ||
byed [P5] pa rnams kyi bya9 ñid las |
| de grub phyir na !bras ñ i d y i n | | [ P V I . 2 6 1 c d ]
ga! kho na10 las !o bo dmigs pa ga! yin pa de la dmigs pa med na
mi !byu! ba dmigs pa la brten nas !jig rten pa dag !bras bu ñid du11
tha sñad !dogs [P6] par byed do || de ni yi ge dag la ya!12 yod do ||13
de ñid kya! g"an dag gi ya! de!i rten yin par khyad par yod pa ma
yin no || de bas [D340b] na khas len pa!i rgyu mtshu!s pa yin na ji
[P7] ltar na yi ge !bras bu dag ma yin | de dmigs pa!i rten can !bras
bu ñid kyi tha sñad ma yin no || !o na [C337b] ci yin "e na | ga! yod
na !gyur ba de [N505b] ltar na yod pa ñid kyi rten can [P8] yin no ||

1
em. bsal: P, N, D, C gsal
2
N, D, C go (PV$): P om. go
3
P, D, C no: N om. no
4
D, C te: P, N no te
5
N, D, C ñe bas: P ñe bar
6
N, D, C !bras (PV$): P !bral
7
D, C ba (PV$): P, N bar
8
D, C de (PV$): P, N om. de
9
D, C bya (PV$): P bya ba: N chos
10
N, D, C na (PV$): P ni
11
P, N du (PV$): D, C om. du
12
D, C ya! (PV$): P, N om. ya!
13
P, N do ||: D, C de |
Version tibétaine 449

yod pa ñid de ga! las grub na ga! gis1 !bras bu ñid du grub par
!gyur | !di ma grub pa na2 de ltar mi !gyur ro || de bas na yod pa ñid
du3 grub na de sgrub4 par byed pa yin la [P502a1] de ya! dmigs pa
kho na yin no || de ltar ni5 bden na gal te de ni s!ar yod pa ñid du6
grub par mi !gyur te | yod pa ñid du grub pa ga! yin pa de ni ma
grub pa s!on [P2] du so! ba can yin no || de lta bur gyur pa!i rnam
par "es pa ma chod pas ñe bar sbyor ba can gyi !o bo ga! yin pa de
ma grub pa ñid ma yin nam | gal te de ni grub pa ñid yin mod [P3]
kyi g#an da! bral bas ñe bar sbyor ba ma yin no #e na | da ni ñe bar
sbyor ba da! ñe bar sbyor ba ma yin pa!i gnas skabs dag la ji ltar
na tha dad pa med | khyad par ni ra! b#in [P4] la mi reg pa!i !a!
tshul can ya! ma yin te | phul du byu! ba de ñid la ñe bar sbyor ba
grub pa!i phyir ro || de ni rgyu med pa ñid du thal bar !gyur ba!i
phyir ro || ga! kho na [P5] yod na bsgrub byar gyur pa de ni de la ñe
bar sbyor ba can du rigs pa yin7 no || phul du byu! ba de ñe bar
sbyor ba na ya! !di ni de da! !dra bar8 thal bar !gyur ro || nus pa bar
9
[P6] du ma chod pas ñe bar sbyor ba can gyi gnas skabs tha dad pas
de las g#an pa ñid khyad par du byed do || phul du dbyu! du med
pa can gyi bltos pa ya! s!ar bkag zin to || [P7] de ya! byed pa!i bya
ba ñid las grub pa!i phyir | !bras bu thams cad da! chos mtshu!s
pa10 ñid can no || de !dra ba de gsal ba yin na thams cad gsal bya
!am | cu! [P8] #ig kya! ma yin te khyad par med pa!i phyir ro || de
ltar na ni |
grub pa!i don la ra! "es pas |

1
D, C gis (PV$): P, N gi
2
em. na: P, N, D, C ni
3
D, C du (PV$): P, N om. du
4
em. sgrub (PV$): P, N, D, C grub
5
D, C ni: P, N na
6
D, C du (PV$): P, N om. du
7
D, C yin (PV$): P, N ma yin
8
P, N bar (PV$): D, C ba"i
9
em. skabs (PV$): P, N, D, C skabs las
10
N, D, C pa (PV$): P om. pa
450 Appendice A

| g!an blo!i rgyu1 ni gsal byed !dod |


| dper na sgron b!in [P502b1] g!an du ya" |
| b y e d p o l a s ! d i k h y a d par ci || [P V I.262]
bdag ñid rtogs pa!i sgo nas g!an rtogs pa!i rgyu !jig rten la sgron
ma la sogs pa da" !dra bar gsal byed du grags pa yin no || [P2] gal te
de s"ar grub par !gyur te | rigs mthun pa!i ñe bar len pa!i skad cig
ma [D341a] grub pa!i phyir ro || phul du byu" ba de ñid kyi #es
[N506a] pa!i rgyu ni de!i tshogs pa!i rkyen can ñid yin pa!i [P3]
phyir ro || ma grub pa dmigs pa2 ga" yin pa de dag kya" byed
[C338a] pa po yin te | bum pa la sogs pa!i rdza mkhan la sogs pa
lta bu!o || "o #es pa la sogs pa!i grub pa!i rgyu dag gis [P4] kya"
rgyu!i mtshan ñid gso bar byed pa ma yin no || ga" cu" zad phyis yi
ge a rtogs pa ni s"a ma da" tha dad pa med pa yul can yin te | yi ge
a rtogs pa!i phyir de !dra!o !es [P5] bya ba la sogs pa lta bu!o || des
kya" ra" gi mtshan ñid tha dad pa med par sgrub par nus pa ma yin
te | de!i ra" b!in ma grub pa!i phyir ro || spyi brjod na tha dad pa
med pa!i yul can [P6] la ya" !gal ba med do || yul gcig rtogs pa ya"
s"a ma da" phyi ma!i "o bo mi ru" ba!i phyir ro || rgyu thag ñe ba
can da" rgyu thag ñe ba can ma yin pa ñid kyis bskyed pa da" mi
bskyed pa [P7] ñid kyi phyir ro || <4thag ñe ba yin du zin kya" mi
skye ba ni de!i rgyu can ma yin pa ñid kyi phyir ro ||3> de dag ni
rgyu ma lus pa tha dad pa can ñid yin no || de la gcig tha dad pa
med du zin kya" nus pa na bltos pa med pa!i phyir ro || s"a phyi!i
rtogs pa dag ni yul [P8] gcig pa4 ñid du rigs pa da" !gal lo || rtogs pa!i
sna" ba da" ra" b!in tha dad pa ya" mi"5 mtshu"s pa!i phyir yul
gcig pa ma yin te |6 bum pa la sogs pa dag la ya" thal1 bar !gyur

1
D, C rgyu (PV$): P, N rgyu"i
2
D, C pa (PV$): P, N par
3
D, C thag ñe ba yin du zin kya" mi skye ba ni de!i rgyu can ma yin pa ñid kyi
phyir ro ||: P, N om. thag ñe ba yin du zin kya" mi skye ba ni de!i rgyu can
ma yin pa ñid kyi phyir ro ||
4
P, N, D, C gcig pa (PV$ gcig pa can)
5
em. mi" (PV$): P, N, D, C mi
6
N, D, C te |: P no ||
Version tibétaine 451

ba!i [P503a1] phyir ro || gal te de la2 mtho! ba da! !gal ba!i phyir
sgrub par byed pa ñid ma yin no "e na | !di la ya! !gal ba med pa
ga! gis grub | ji srid de skad du [P2] brjod pa don tha dad pa med pas
khyab par ma bsgrubs3 pa de srid du ldog pa la the tshom za ba yin
no || ga! gi tshe byed pa so so tha dad pas kya! sgra tha dad pa!i
ra! b"in can mñan pa la sna! ba na [P3] gcig sgrub par byed na4 ci!i
phyir bum pa la sogs pa ma yin | de la ya! gsal byed tha dad pa las
sna! ba tha dad do "es lan btab par nus pa kho na yin no ||5 g"an
ya! |
byed [P4] pa rnams kyi tshogs pa yi |
| [N506b] bya ba yis ni !es par6 ya! |
| dmigs phyir !bras bu ñid yin te |
| [ D 3 4 1 b ] g s a l b y e d d e l a m i srid phyir | | [ P V I . 2 6 3 ]
!ga! "ig gi tshe ya! byed pa!i bya ba rnams la sgra mi7 [P5] dmigs pa
ni yod pa ma8 yin | gdon mi za bar gsal byed kyi bya bas don la
dmigs par byed pa dag ma yin [C338b] te | !ga! "ig na gsal byed
yod du zin kya! bum pa mi dmigs pa!i [P6] phyir ro || de!i bya ba las
sgra !es par dmigs pa des de !byu!9 bar !gyur ro || byed pa po ma
yin pa!i bya ba de yod10 na ya! de grub par11 mi ru! ba!i phyir ro ||
gal te khyab pa da! rtag pa [P7] ñid kyi phyir dmigs pa yin no "e na |
da ni bum pa la sogs pa dag la !es pa ci yod | gal te de dag de ltar

1
P, N thal (PV#): D, C bral
2
em. la (PV#): P, N, D, C las
3
D, C bsgrubs: P, N bsgrub
4
D, C byed na: P, N byed pa na
5
P, N no || (PV#): D, C na
6
em. par (PV#D): P, N, D, C pa
7
P, N, C mi (PV#): D ma
8
em. yod pa ma yin (PV#): P, N, D, C yod pa yin
9
P, N !byu! (PV#): D, C byu!
10
P, D, C yod: N yad
11
P, N par (PV#D): D, C pa
452 Appendice A

mi !dod do !e1 na | de da" chos mthun pa ñid can gyi sgra ci!i phyir
!dod | [P8] !di la phul du byu" ba cu" !ig kya" med do !es b#ad zin
to || khyab par byed pa da" rtag pa ñid kya" bkag zin to || bum pa la
sogs pa dag la gsal byed kyi khyad par yod pa!i phyir | skyon yod
[P503b1] pa ma yin te | de dag gi gsal byed grags pa da" | rdza
mkhan la sogs pa dag gsal byed ñid yin na | de !dra ba ñid du !gyur
ba na khyad par du byas par !gyur ba gsal byed kyi khyad par de
las byed [P2] pa po yin te | phan !dogs par2 byed pa la rnam pa g!an
med pa!i phyir ro || de da" de ni sgra dag la ya" mtshu"s so || de la
ya" dba" po da" yul ru" ba la sogs pa dag las byed pa rnams phul
du [P3] byu" ba!i phyir ro || byed pa dag la ya" bum pa la sogs pa!i
byed pa po!i chos kya" mtho" ba!i phyir ro || sgron ma la sogs pa
de ñid da" yul g!an !ga! !ig la gsal byed g!an med pa!i phyir de
dag [P4] gi rgyu dag3 kya" de dag gsal byed du !gyur ro || de bas na
sgra gsal ba ma yin no || !gyur na ya" byed pa dag las sgra phul du
byu" ba da" ldan pa !am | sgrib par byed pa da" bral ba !am | [P5]
rnam par #es pa gsal ba yin te | rnam pa g!an med pa!i phyir ro ||
[N507a] de la phul du byu" ba bskyed pa ni ma yin te | mi rtag pa
ñid du thal bar !gyur ba!i phyir ro || de ni "o bo s"a ma da" phyi ma
ñams pa da" [P6] skye ba!i mtshan ñid can yin pa!i phyir ro || ci ste |
g a l t e k h y e d k y i d e "o b o ! i |
| sgrib byed bral ba gsal yin na !a" |
| ci!i phyir med pa la byed4 pa!i |
| tshogs kyi nus pa de ru " ! g y u r | | [ P V I . 2 6 4 ]
sgrib [P7] par [D342a] byed pa cu" !ig kya" mi byed pa nus pa !es
bya ba med do || bral ba ya" med pa yin la med pa ya" !bras bu ma
yin no !es brjod zin to || sgra rtag pa!i sgrib par byed [C339a] pa [P8]
ya" cu" zad kya" med pa!i phyir ro !es bya ba ya" b#ad zin to ||5 de

1
N, D, C !e (PV$): P !es
2
P, N par (PV$): D, C pa
3
D, C dag (PV$): P, N dag gis
4
em. byed (PV$): P, N, C med: D illis.
5
P, N, D, C sgra rtag pa"i sgrib par byed pa ya" cu" zad kya" med pa"i phyir
ro !es bya ba ya" b#ad zin to ||. Cf. PV$ P380b7#381a1/D312b3#4: sgra rtag
Version tibétaine 453

bas na sgrib par byed pa la byed pa dag ñe bar dgod par bya ba ma
yin no1 || de dag ni nus pa med pa ya!2 ma yin [P504a1] te | de dag
gi bya ba med par sgra3 mi dmigs pa!i phyir ro || de bas na de dag
gis sgra!i !o bo yin pa4 byed par rigs5 pa yin no || de lta ma yin na |6
sgra da! khyad par med [P2] pa!i phyir |
| g"an dag kya! gsal thob par !gyur |
| de b"in du ni khas len na |
| rgyu rnams kun ni don med ñid || [PV I.265]
gal te rgyu thams cad da! chos mthun pa can gyi byed pa gsal byed
pa7 dag [P3] gis kya! | da ni !bras bu cu! "ig kya! byed par mi !gyur
na8 de9 ya! rigs pa ma yin no ||10 d!os po ni bya ba ma yin pa!i11
khyad par can ñid12 yin pa!i phyir ro || sgrib par byed pa med pa ni

pa ma byas pa phul du byu! ba ñid ma yin pa!i phyir sgrib par byed pa cu!
zad kya! yod pa ma yin na | ga! gis sgrib par byed pa da! bral ba gsal bar
"gyur | ci!i phyir "e na | sgrib par byed pa de ni d!os po rtag pa ñid la nus pa
med pa!i phyir ro "es bya ba ya! b#ad zin to ||, suggérant: *sgra rtag pa"i sgrib
par byed pa ya! cu! zad kya! yod pa ma yin te nus pa med pa"i phyir ro "es
bya ba ya! "es zin to ||.
1
em. ñe bar dgod par bya ba ma yin no (PV#): P, N, D, C ñe bar dgod par bya
ba yin no
2
P, N ya!: D, C om. ya!
3
N, D, C sgra (PV#): P skra
4
P, N, D, C sgra"i !o bo yin pa (PV# sgra)
5
D, C rigs: P, N rig
6
N, D na | (PV#): P no ||: C no |
7
D, C pa: P, N om. pa
8
P, N, D, C da ni !bras bu cu! "ig kya! byed par mi !gyur na. Cf. PV#
P381a7/D313a1: da ni "ga! "ig kya! "ga! "ig gi "bras bur mi "gyur te |.
9
N, D, C de (PV#): P da
10
P, N, D, C sans équivalent de PVSV 139,15#16: sarvak$ra%$n$m $nartha-
kyaprasa!g$t |. Cf. PV# P381a1/D313a2#3: rgyu thams cad gsal bar byed pa
ñid du m!on par "dod pa dag don med par thal bar "gyur ba!i phyir ro ||.
11
P, N pa"i (PV#): D, C pa
12
N, D, C ñid (PV#): P om. ñid
454 Appendice A

!bras bu [P4] ñid ma yin pa!i phyir ro || de!i !es pa ya" d"os po da"
!dra bar grub pa ñid kyi phyir ro || !es pa la !ga! #ig byed pa por
!dod na de lta bur gyur pa g#an dag la ya" de ltar !gyur [P5] bar thal
ba!i sgo nas thams cad !bras bu ñid du thal bar !gyur ba!i phyir ro ||
de bas na don gyi tshogs byed pa por m"on par !dod pa !di gsal ba
la ma yin #i" bya ba la ma yin [P6] pa!i phyir |1 don med pa ñid du
!gyur ro || de ltar na2 phan gdags par bya ba da" phan !dogs par
byed pa can [N507b] ma yin pa!i !gro ba !di byed pa med par !gyur
ro || sgra rtag pa ñid yin na [P7] ya"3
| " o ! es pa da " y o d s b y o r s o g s |
| ga" yin sgrub byed !dod na ni |
| dpe med can yin d"os kun ni |
| skad cig gis ni !jig phyir ro || [P V I.266]
d"os po thams cad ni !jig pa!i [P8] rgyu med pa ñid kyi phyir | skad
cig mas !jig pa yin no || #es b!ad ci" !chad par ya" !gyur ro || g#an
las skye ba can ya" yin te | yod pa ñid ni glo bur ba ñid du mi ru"
ba!i phyir ro || de bas [P504b1] na "o !es pa da" yod par sbyor ba
la sogs pa !di4 ni5 brtan pa!i "o bo gcig pa can !ga! #ig la [D342b]
!jug pa ma yin no || sgron ma la sogs pa ra" b#in6 g#an da" g#an du
gyur pa can dag la mtho" [P2] ba!i phyir !gal ba ñid yin no || ma yin
te | skye ba tha dad pa [C339b] med pa can ni chos mthun pa ñid
can7 du rnam par !khrul pas8 sgron ma la sogs pa dag la yod pa!i

1
N, D, C phyir |: P phyir ro ||
2
D, C de ltar na (PV$): P, N de ltar
3
em. yin na ya" (PV$): P, N, D, C yin na ya" "o ||
4
em. !di: P, N, D, C !di"i
5
P, D, C ni: N mi
6
D, C b#in (PV$): P, N b#in da"
7
P, D, C can: N tsam
8
P, N, D, C chos mthun pa ñid can du rnam par !khrul pas. Cf. PV$ P382b8#
383a3/D: !khrul pa[s] sgron ma la sogs pa dag la yod pa"i phyir ro || gal te
!khrul pa ñid ji ltar yin !e na | chos mthun pa ñid can du rnam par !khrul pa"i
phyir te |, suggérant: *chos mthun pa ñid can du rnam par !khrul pa"i phyir
!khrul pas.
Version tibétaine 455

phyir ro || skye ba tha dad pa [P3] med pa can !es1 bya ba ga" la
brten nas brjod pa yin | tha dad pa med pa de2 ni thams cad la s"a
phyir dpyad par bya ba ñid yin pa!i phyir ro || gal te de b!in du tha
dad pa ya" yin no !e na | de ñid [P4] kyis the tshom yin pa ya"3 bla
ste | the tshom las grub pa ni ma yin no || gal te tha dad par mtho"
ba med pa!i phyir | gcig yin no !e na | ma yin te | #es pa s"a phyis
yod pa [P5] da" med pa ñid du grub pa!i phyir | ra" b!in tha dad pa
srid pa!i phyir ro || gal te phyis !byu" ba!i #es pa s"ar rgyu thag ñe
ba can dag yin na #es pa s"a ma da" !dra bar skye ba ñid du !gyur
la | [P6] mi skye na ni rgyu da" bral ba ñid ston par byed de |4 nus pa
skyed par byed pa!i phyir ro || nus pa med na ya" phyis kya" nus pa
da" mi ldan pa!i phyir da" | ldan pa5 ñid yin na ni mi brtan pa [P7]
ñid kyi phyir ro6 || de bas na yod pa!i sbyor ba !di yin pa de ltar na7
ya" sbyor ba po!i nus pas bskyed pa ñid yin te | bdag ñid kyi nus pa
la de [N508a] ni ñe bar sbyor ba med pa ñid kyi phyir ro || [P8] sbyor
ba !es bya ba ya" rigs mthun pa!i ñe bar len pa bltos pa can nam |
bltos pa8 med pa can !dod pa sgrub par byed pa la nus pa bskyed pa
ñid yin par brjod de | [P505a1] ste!u la sogs pa!i sbyor ba9 b!in
da" | las la sogs pa!i sbyor ba b!in no || m"on sum du gyur pa "o
#es pa ni m"on sum ñid yin te | m"on [P2] sum de las brtan pa grub
pa yin no sñam du sems pa ga" yin pa de ya" !og nas dgag par
bya!o ||
rtags "an g!an ya" sun dbyu" bya || [PV I.267a]

1
em. tha dad pa med pa can !es (PV$): P, N tha dad pa can !es: D, C tha dad ces
2
D, C de (PV$): P, N om. de
3
em. ya" (PV$): P, N, D, C !am
4
em. byed de | (PV$ byed do ||): P, N, D, C byed
5
D, C ldan pa: P, N lhan cig pa
6
P, N, D, C mi brtan pa [P7] ñid kyi phyir ro. Cf. PV$ P383b8"384a1/D315a1:
brtan pa ñid mi ru! ba!i phyir te.
7
P, D, C na: N ma
8
N, D, C pa (PV$): P la
9
P, N sbyor ba (PV$): D, C sbyor ba sbyor ba
456 Appendice A

ga! chos !ga! "ig kya! rigs [P3] mthun pa!i rjes su !gro ba med de |
chos thams cad de!i gnas skabs can ñid yin pa!i phyir ro || brtan1
par dam bcas pa thams cad kya! ji skad du brjod pa!i rigs pa da!
!gal [P4] ba!i phyir ro || rtag pa!i gtan tshigs g"an dag kya! skyon
can du brjod par bya!o ||
b l o n i s k y e s b u ! i2 r t e n [ D 3 4 3 a ] c a n m i n |
| khas bla!s m!on sum grags pa da! |
| rjes su dpag pas cig [P5] car3 gnod || [PV I.267bd]
gal te gsal ba blo yin na ni4 de!i go rim [C340a] !ag yin la | de
skyes bus ma byas pa ñid du sgrub par byed na blo rnams ni skyes
bu!i yon tan ñid du khas bla!s pas !di!i grub pa!i [P6] mtha! la gnod
par !gyur ro || blo !di5 ni skyes bur bgra!6 ba can da! | skyes bu!i
yon tan yid la byed pa la sogs pa dag las !gyur ro || "es bya ba ga!
yin pa de ya! m!on sum [P7] yin no || yod pa da! med pa!i khyad
par las !bras bu "es bya ba g"an med de | yod pa de ya! m!on sum
yin "i! mi dmigs pa!i mtshan ñid can gyi med pa ya! m!on sum
gyi [P8] stobs kyis grub pa yin no || "es !chad7 par !gyur ro || de ñid
kyi phyir blo rnams ni skyes bu!i !bras bu ñid du rjes su dpag par
bya ste | !di ni rjes su !gro ba8 da! ldog pa!i rtags can [P505b1] ñid
yin pa!i phyir ro || g"an ya! | [N508b]
yi ge rnams las9 tha dad pa!i |
| go rim kya! gsal dpyad zin to |
| d e r t o g 1 0 sgro btags yin !gyur 1 na |

1
P, N brtan (PV#): D, C brten
2
D, C bu"i (PV#): P, N bus
3
N, D, C car (PV#): P par
4
D, C ni: P, N om. ni
5
P, N !di (PV#): D, C !di!i
6
P, C bgra! (PV#): D !gra!: N bgre!
7
D, C !chad (PV#): P, N chad
8
N, D, C ba (PV#): P bar
9
D, C las (PV#): P, N la
10
D, C rtog (PV#): P, N rtogs
Version tibétaine 457

| ji ltar skyes min rten can yin || [PV I.268]


yi ge las tha dad [P2] pa can gyi go rim ni gsal ba2 rnam par dpyad
pa!i go rim gyis lan btab zin to || de ya! yi ge!i ra! b"in can ma yin
no || d!os po!i ra! b"in ni rnam par rtog pa de las ma !das pa!i
phyir ro || de [P3] bas na de!i !o bo can ma yin pa dag la de!i !o bor
sgro btags par sna! ba can gyi blo!i go rim !di "es !khrul par !gyur
na | de3 ya! ji ltar na skyes bus ma byas pa yin te | blo!i sgrub pas4
so sor !jog pa!i phyir ro || [P4] g"an ya! gtan du ba!i ra! b"in !ga! "ig
kya! med pa!i phyir | sgra yod pas5 gtan du ba ma yin par !gyur
ro || de ya! rgyu med pa can nam g"an gyi rgyu can yin par !gyur
gra! na | rtag6 [P5] par !gyur ba da! skyes bu!i byed pa las ma yin
no || de bas na skyes bus byas pa yin no ||

1
P, N !gyur: D, C gyur
2
D, C ba (PV#): P, N bar
3
P, N de (PV#): D, C ga!
4
em. pas (PV#): P, N, D, C par
5
P, N pas (PV#): D, C pa la
6
P, N rtag (PV#): D, C brtag
Appendice B
Répertoire des citations

Le présent appendice consigne toutes les citations qu!il m!a été


donné de repérer dans PVSV, PV!, PVSV! et Vibh., à l!exception
des simples références internes au texte ici traduit, PVSV 107,14"
141,14. L!ordre de présentation des citations suit celui de leur ap-
parition dans le texte, sans traitement séparé selon les sources. Je
me suis efforcé (1) d!identifier ces citations, ou d!émettre des con-
jectures quant à leurs sources; (2) d!en proposer une traduction; (3)
d!en inventorier les parallèles dans les sections thématiquement ap-
parentées du TS et de la SSV. Je n!ai que très rarement mentionné
les (très nombreuses) variantes entre le texte tel qu!il est cité et la
source telle qu!éditée. On trouvera en fin d!appendice une table des
citations par auteur et par #uvre.

PVSV 108,1 et 109,5 = PS II.5ab = "V !abda 23


#ptav#d#visa$v#das#m#ny#d anum#nat# |
Pour une traduction, voir p. 70.

PV! P297b5"6/D250b6 = PV II.208


| s ems $di % o b o ñ i d k y i s n i |
| $od gsal dri ma glo bur ba |
| de yi ra% b&in thog ma nas |
| n u s p a m e d p a $ a % phyis nus med |
Original sanskrit et traduction, p. 512.

PVSV! 404,11"14 ! "V codan" 62"63


'abdado(odbhavas t#vad vaktryadh)na [sic] iti sthitam |
460 Appendice B

tadabh!va" kvacit t!vad gu#avadvakt$katvata" ||


tadgu#air apak$%&!n!' (abde sa'kr!ntyasambhav!t |
yad v! vaktur abh!vena na syur do%! nir!(ray!" ||
«To begin with, it is established that the arising of bad qualities in
speech depends on the speaker. In some cases, first, the absence of
them [i.e. bad qualities] is [brought about] by [the condition] that
[the speech] has a speaker with good qualities. For those [bad qua-
lities] which are removed by his good qualities cannot enter the
speech. Or, [in the case of the Veda in particular], bad qualities
being without a locus, cannot exist, because there is no speaker.»
Traduction KATAOKA, à paraître, p. 119.

PVSV) 404,18!19 ! *V codan! 99cd-100ab


evambh+tasya vedasya jñ!notpatti' ca kurvata" |
svar+pavipar,tatvasa'(ayau bh!%yav!ritau ||
«And the commentary[*] excludes [two possibilities, i.e.,] falsity
of [the cognition] itself and doubt, for the Veda which has this cha-
racter, which [actually] causes a cognition to arise.» Traduction
KATAOKA, à paraître, p. 146.
*Probablement *Bh sous M,S+ I.i.2/I.16,3!4 et I.17,3!4 (F16,20!22 et
16,26!18,2).

PVSV) 404,25!405,13 ! *V codan! 68, 71!72, 89!90


tatr!pav!danirmuktir vaktryabh!v!l [sic] lagh,yas, |
vede ten!pram!#atva' n!(a-k!m api gacchati ||
pr!m!#ya' pauru%eye tu pram!#!ntarabh!vata" |
tadabh!ve tu tad du%yed vaidika' na kad!cana ||
tenetarapram!#air y! codan!n!m asa-gati" |
tayaiva sy!t pram!#atvam anuv!datvam anyath! ||
codan!rth!nyath!bh!va' kurvata( c!num!nata" |
tajjñ!nenaiva yo b!dha" sa katha' viniv!ryate ||
Répertoire des citations 461

tanmithy!tv!d ab!dha" cet pr!ptam anyonyasa#"rayam |


n!num!n!d ato !nyad dhi b!dhaka# ki#c[i]d asti te ||
«As concerns the Veda (tatra), being free from the cancellation [of
the general situation] is more simply [arrived at] because there is
no speaker. Therefore, it does not even come to be suspected that
the Veda is not a means of valid cognition. As for a human state-
ment, it is based on another means of valid cognition, because it
would be defective without that [i.e. unless it is based on another
means of valid cognition]. [The statements of the Veda,] which are
different [from human ones] are never [defective, though they are
not based on another means of valid cognition]. Therefore, precise-
ly because Vedic injunctions do not agree with other means of
valid cognition, they can become means of valid cognition. Other-
wise, [i.e. if they had agreement, they would be] a [mere] repeti-
tion. And how can the invalidation, by the very cognition [arisen]
from that injunction, be avoided for one who is establishing
through inference that the object of a [Vedic] injunction is other-
wise [than as cognized]? If [you object that:] There is no invali-
dation [for us], because it [i.e. cognition produced from a Vedic
injunction] is wrong " [then we reply that] a mutual reliance would
follow: for you have nothing else other than this inference as an
invalidating ground.» Traduction KATAOKA, à paraître, pp. 123,
125"126, 141.

PVSV$ 405,16"19 ! %V codan! 91ab, 92ab"93ab


na c!nyair agrahe !rthasya sy!d abh!vo ras!divat |
taddhiyaiv!rthabodha" cet t!d&gdharme bhavi'yati ||
mam!siddham it(da# ced ved!j j!te !vabodhane |
vaktu# na dve'am!tre)a yujyate satyav!din! ||
«Nor, as in the case of taste and so on, should the absence of an
object [be concluded] if [it is] not grasped by other [means]. If
[you insist that you should have another] cognition of an object
[i.e. of a taste and so on] by means of the very cognition arising
from that [i.e. from the faculty of taste and so on], a similar [sub-
462 Appendice B

sequent cognition arising from the same cause, i.e. the Veda,] can
arise with respect to dharma. And it is not proper for an honest
man to say from mere hatred that ![The Veda] is not established
[as valid] for me!, when [he actually has] a cognition arisen from
the Veda.» Traduction KATAOKA, à paraître, pp. 142!143.

PVSV" 406,4!5 ! #V codan! 92cd-93ab


mam$siddham it%da& ced ved$j j$te "vabodhane |
vaktu& na dve'am$tre(a yujyate satyav$din$ ||
Voir supra, PVSV" 405,18!19.

PVSV" 408,21!24 = TS 2101 et 2103 < B" ?


yat p)rv$parayo* ko+yo* parai* s$dhanam ucyate |
tannir$kara(a& k,tv$ k,t$rth$ vedav$dina* ||
p)rv$ vedasya y$ ko+i* pauru'eyatvalak'a($ |
par$ vin$-ar)p$ ca tadabh$vo hi nityat$ ||
«Les avocats du Veda ont atteint [leur] objectif une fois qu"ils ont
[dûment] réfuté l"argument invoqué par [leurs] adversaires [afin de
prouver] les deux termes initial et final [du Veda]: le terme initial
du Veda se définit comme le fait qu"il soit de création humaine, et
[son terme] final consiste en [sa] destruction; mais l"absence de ces
[deux termes dans le Veda en constitue] l"éternité.»

PVSV" 409,19!20 ! #V s!p 136cd-137ab ! TS 2777


-abd$rth$n$dit$& muktv$ sambandh$n$dik$ra(am |
asti n$nyad ato vede sambandh$dir na vidyate ||
«Hormis l"éternité de la parole et de la signification, il n"y a [aucu-
ne] autre cause à l"éternité de la relation; dans le Veda, il n"y a
donc pas de commencement à la relation [entre parole et significa-
tion].»
Répertoire des citations 463

PVSV! 409,26!29 ! "V s!p 140cd-141 ! TS 2650!2651


#abd[a]v$ddh%[bh]idhey%&# ca pratyak'e(%tra pa#yati |
#rotu# ca pratipannatvam anum%nena ce')ay% ||
anyath%nupapatty% ca budhyec chakti& dvay%#rit%m |
arth%patty% ca budhyante sambandha& tripram%(akam ||
Pour une traduction, voir p. 128.

PVSV! 410,21!24 ! "V s!p 32 et 41 ! TS 2266 et 2273


jñ%pakatv%d dhi sambandha* sv%tmajñ%nam apek'ate |
ten%sau vidyam%no "pi n%g$h+ta* prak%#aka* ||
sarve'%m anabhivyakt%n%& [sic] p,rvap,rvaprayokt$ta* |
siddha* sambandha ity eva& sambandh%dir na vidyate ||
«Car étant donné qu"elle est informatrice, la relation dépend[, pour
faire connaître la signification,] de la connaissance [qu"on a] de sa
propre nature. Donc quoiqu"elle existe [réellement, cette relation]
ne révèle pas [la signification tant qu"elle demeure] non appréhen-
dée. Pour toutes [les personnes], qui [l"]ignorent [au départ]*, la re-
lation s"établit grâce à des usagers toujours antérieurs; ainsi donc
n"y a-t-il pas de commencement à la relation.»
*Avec "V et TS, j"ai lu anabhijñ!n!".

PVSV! 411,12!13 ! "V s!p 28 ! TS 2262


#aktir eva hi sambandho bheda# c%sy% na d$#yate |
s% hi k%ry%numeyatv%t tadbhedam anuvartate ||
«La relation consiste en effet dans la seule capacité [de la parole],
et l"on ne constate [aucune] diversité à cette [capacité], car cette
[capacité], puisqu"il faut [nécessairement l"]inférer à partir de [son]
effet, obéira à la diversité de cet [effet; or cet effet, la connaissance
d"un genre, est un; donc la capacité est une].»
464 Appendice B

PVSV! 412,31!413,1*
pad"d arthamatir yady apy anum"na# v"ky"t tv arthaprat$ti%
pram"&"ntara# sambandh"grah"t | na ca atra avin"bh"va upa-
y o g$ |
«Même si la connaissance de la signification à partir d"un mot [de-
vait être] une inférence, la compréhension de la signification à par-
tir d"une phrase [ressortit] cependant [à] un autre moyen de con-
naissance valide, car on n"appréhende pas de relation [dans ce der-
nier cas]; et ici, une corrélation régulière ne sert [à rien].»
*L"expression na c!tr!vin!bh!va upayog" s"apparente à 'V s! 16ab1. Le
propos rappelle la pensée de Kum"rila dans 'V #abda (not. k. 108; voir
aussi v!kya, kk. 238ab, 245cd, etc.); il pourrait en former une paraphrase
libre par Kar&akagomin.

PVSV! 413,10!11 ! 'V s!p 13 ! TS 2254


samaya% pratimartya# v" pratyucc"ra&am eva v" |
kriyate jagad"dau v" sak(d ekena kenacit ||
«[Si convention il doit y avoir, cette] convention est fixée soit à
chaque mortel, soit à chaque prononciation [d"une parole], soit en
une fois, au début du monde[, au moment de la création], par une
certaine [personne] unique[, Praj"pati par exemple].»

PVSV! 413,27!414,10 ! 'V s!p 14 et 21cd-23 ! TS 2255 et


2256!2258ab
pratyeka# sa ca sambandho bhidyetaiko "thav" bhavet |
ekatve k(tako na sy"d bhinna) ced bhedadh$r bhavet ||
vakt()rot(dhiyo[r] bhed"d vyavah"ra) ca du*yati |
vaktur anyo hi sambandho buddhau )rotus tath"para% ||
)rotu% kartu# ca sambandha# vakt" ka# pratipadyate |
p+rvad(*,o hi yas tena ta# )rotur na karoty asau ||
ya# karoti nava# so "pi na d(*,a% pratip"daka% |
Répertoire des citations 465

«Et la relation [artificielle que vous invoquez] soit différerait à


chaque fois[, c!est-à-dire pour chaque personne], soit serait une; si
elle est une[, à l!instar d!un genre], elle ne saurait être produite[, et
donc est permanente; mais] si elle diffère, on devrait avoir [à cha-
que fois] notion de [cette] différence[, ce qui n!est pas le cas]. Et
[dans l!hypothèse encore où la relation de convention serait fixée
par chaque mortel, tout] échange linguistique (vyavah!ra) est
compromis puisque les idées du locuteur et de l!auditeur diffèrent:
en effet, une (anya) est la relation dans l!esprit (buddhi) du locu-
teur, et (tath!) autre [celle qui subsiste à l!esprit] de l!auditeur. De
plus, quelle relation un locuteur peut-il bien fixer pour un auditeur?
Le [locuteur] ne fixe pas, pour [son] auditeur, la [relation] qu!il a
constatée/apprise auparavant[, car celle-ci est alors détruite]; mais
la [relation] nouvelle qu!il fixe[rait, l!auditeur] n!a pas con-
staté/appris qu!elle notifiât [quoi que ce soit étant donné qu!elle lui
demeure inconnue].»

PVSV! 419,20"21 = PV! P313a7"8/D262a5"6 ! MBh"#ya ad P"


I.i.2/I.19,20"21
catu#$ay% &abd"n"' prav(tti[)] # j"ti&abd" gu*a&abd") kriy"-
&abd" yad(cch"&abd"[)] |
«On emploie les mots de quatre manières: il y a les mots qui s!ap-
pliquent aux espèces d!êtres, les mots qui s!appliquent aux quali-
tés, les mots qui s!appliquent aux actions et les noms propres.»
Traduction BIARDEAU 1964: 49"50n. 2.

PVSV! 430,26"431,14 ! +V spho"a 69"71, 73, 83, 85"86 ; +V


spho"a 69 ! SSV 76,4"5; +V spho"a 70"71 ! SSV 86,12"15.
y"vanto y"d(&" ye ca yadarthapratip"dane |
var*") prajñ"tas"marthy"s te tathaiv"vabodhak") ||
te#"' tu gu*abh,t"n"m arthapraty"yana' prati |
s"hityam ekakartr"dikrama& c"pi vivak#ita) ||
kartraikatvanimitte [sic] ca krame sati niy"makam |
466 Appendice B

prayuñj!nasya yat p"rva# v$ddhebhya% kramadar&anam ||


yugapad d$'(as!marthy!n naiva &akt!% krame yath! |
bh!v!s tath! krame &akt! yaugapadye na &aknuyu% ||
ava&yambh!vin) nitya# praty!satti& ca kasyacit |
na t!vat! vyapetatv!d itare'!m ana*gat! ||
yath! visarjan)yasya vyavadh!ne na &aktat! |
tathaiva &aktir anye'!m !nantarye na vidyate ||
na ca yatraika&o !&aktis tatra sarve'!m a&aktat! |
rath!*g!ni hi d$&yante &akt!ni vahan!di'u ||
«Les phonèmes qui, en un certain nombre et d!une certaine nature,
sont reconnus capables de faire connaître un sens donné, sont, en
tant que tels et seulement ainsi, les instruments de cette connais-
sance.(1) Mais alors, de ces phonèmes qui deviennent les accessoi-
res de la connaissance du sens, on veut aussi mentionner leur asso-
ciation, l!unité d!agent et l!ordre de succession. Étant donné qu!il y
a un ordre de succession qui a pour cause l!unité de la personne qui
prononce (les phonèmes), ce qui règle cette personne, c!est l!obser-
vation de l!ordre de succession (suivi) auparavant par les gens
d!expérience.(2) [Certaines] entités dont on constate la capacité [à
produire un résultat lorsqu!elles sont utilisées] de façon simultanée,
n![en] sont [pourtant plus] capables [lorsqu!elles sont utilisées] de
façon successive; de même [certaines] entités[, pourtant] capables
[d!un résultat lorsqu!elles sont utilisées] de façon successive, peu-
vent-elles n![en] être plus capables de façon simultanée[, comme
les phonèmes d!un mot lorsqu!ils sont prononcés simultanément
par plusieurs personnes et non successivement par un seul locu-
teur]. Et la proximité immédiate de quelque chose est toujours né-
cessaire; mais ce n!est pas parce que séparés [de l!avènement du
résultat] que les autres ne sont pas des causes [en vue dudit résul-
tat]. De même que le visarga n!est pas capable [de générer une
connaissance de la signification] lorsqu!il est séparé [des deux pho-
nèmes +g! et +au!], de même les deux autres [phonèmes] n!ont-ils
pas cette capacité lorsqu!ils sont dans l!immédiateté [du résultat fi-
nal]. Ce n!est de plus pas le cas que là où [des entités prises] une à
une sont incapables [d!un résultat], toutes [ces entités en] sont in-
Répertoire des citations 467

capables [une fois assemblées]: on constate [en effet] que les piè-
ces d!un char notamment sont capables de [résultats] tels que le
transport du riz*.» (1)Traduction (avec «phonèmes» pour «lettres»)
BIARDEAU 1958: 15; (2)traduction (avec «phonèmes» pour «let-
tres») BIARDEAU 1958: 33.
*Avec !V, j!ai lu !"ly"divahan"di#u.

PVSV" 432,13 = !V spho$a 86a


na ca yatraika#o !#akti$
Voir supra, PVSV" 431,13"14.

PVSV" 432,25"26 ! !V spho$a 108 ! SSV 80,19"20


ittha% kramag&h't(n(% yugapad y(thav( sthiti$ |
tata$ s( k(ra)a% na$ sy(n nityam arthadhiya% prati ||
«Ou encore, s!il en est ainsi, l!autre état (des phonèmes) qui ont été
saisis de façon successive, l!état simultané, devrait être cause en
permanence de la connaissance du sens.» Traduction (avec «pho-
nèmes» pour «lettres») BIARDEAU 1958: 23 (sur # yugapad y"tha-
v" par" | sthiti% #).

PVSV" 433,4"7 ! !V spho$a 109"110; !V spho$a 109 ! SSV 79,20"21


yad v( pratyak*ata$ p+rva% kramajñ(te*u yatparam |
samastavar)avijñ(na% tad arthajñ(nak(ra)am ||
tatra jñ(ne ca var)(n(% yaugapadya% prat'yate |
n(va#ya% yaugapadyena pratyak*asthena tad bhavet ||
«La connaissance de l!ensemble des [phonèmes] qui suit la percep-
tion de ces [phonèmes] connus d!abord de façon successive, est la
cause de la connaissance du sens.(1) Et dans cette connaissance [ul-
térieure], la simultanéité des phonèmes [nous] apparaît: la [con-
naissance de la signification] ne doit [donc] pas nécessairement
468 Appendice B

survenir grâce à une simultanéité ressortissant à la perception [elle-


même].» (1)Traduction BIARDEAU 1958: 21.

PVSV! 433,15!16 ! "V spho!a 111


citrar#p$% ca t$% buddhi% sadasadvar&agocar$m |
kecid $hur yay$ var&o g'hyate "ntya( pade pade ||
«La connaissance grâce à laquelle le phonème final est appréhendé
à chaque mot, d"aucuns la tiennent avoir une nature variée en tant
qu"elle porte sur des phonèmes existants et inexistants[, c"est-à-di-
re actuels et passés].»

PVSV! 433,24!29/434,7!8 ! "V spho!a 112!113 et 115!116 !


TS 2721!2722 et 2724!2725
antyavar&e hi vijñ$ne sarvasa%sk$rak$ritam |
smara&a% yaugapadyena sarve)v anye pracak)ate ||
sarve)u caivam arthe)u m$nasa% sarvav$din$m |
i)*a% samuccayajñ$na% kramajñ$ne)u satsv api ||
tena +rotramanobhy$% ca kram$d var&e)u yady api |
p#rva% jñ$na% parast$t tu yugapatsmara&a% bhavet ||
tad$r#,h$s tato var&$ na d#re "rth$vabodhan$t |
+abd$d arthamatis tena laukikair abhidh-yate ||
«D"autres disent qu"une fois connu* le dernier phonème, [il naît]
un souvenir, produit par toutes les dispositions [antérieures], de
tous [les phonèmes] simultanément. Et tous les protagonistes [de
ce débat] admettent cette** connaissance mentale synthétique por-
tant sur tous les objets [entendus antérieurement, et ce] malgré que
[ces objets] ont été connus*** de façon successive [dans l"expé-
rience sensorielle]. Par conséquent, par l"ouïe [d"abord] et par l"es-
prit [ensuite], même si la connaissance antérieure des phonèmes
était survenue de façon successive, un souvenir [portant sur tous
les phonèmes] simultanément est possible ultérieurement. Donc les
phonèmes, [une fois] portés à cette [connaissance mentale synthéti-
Répertoire des citations 469

que], sont contigus (na d!re) à [notre] compréhension de la signifi-


cation[, et] c!est pourquoi les gens ordinaires disent que la connais-
sance de la signification [provient] de la parole[, c!est-à-dire des
phonèmes].»
*Avec !V et TS, j!ai lu vijñ"te.
**Avec !V et TS, j!ai lu etad.
***Avec !V et TS, j!ai lu jñ"te#u.

PVSV" 434,16"17 ! VP I.73


na var#avyatireke#a padam anyad dhi vidyate |
v$kya% var#apad$bhy$% ca vyatirikta% na ki%cana ||
«Il n!existe pas de mot qui soit quelque chose d!autre que les [pho-
nèmes], ni de phrase qui soit quelque chose de plus que les [phonè-
mes] et les mots.» Traduction BIARDEAU 1964b: 115.

PVSV" 435,25"27 ! !V spho$a 10"11ab


alp&yas$ !pi yatnena 'abdam uccarita% mati( |
yadi v$ naiva g)h#$ti var#a% v$ sakala% sphu*am ||
p)thak ca nopalabhyante var#asy$vayav$( kvacit |
«La parole, même [si elle a été] prononcée avec un infime effort
[articulatoire], ou bien la connaissance ne [l!]appréhende pas du
tout, ou bien [elle appréhende] distinctement le phonème entier,
mais en aucun cas il n!est appréhendé séparément des parties de
phonème.»

PV" P324b6"7/D271a6"7 ! VP I.86 ! TS 2711


| sgra yis bsgos pa#i sa bon can |
| tha ma#i sgra da+ bcas par ni |
| yo+s [D: P ya+s] smin skye ba can gyi ni |
| blo la mi+ dag +es par byed |
470 Appendice B

«Quand l!idée, dont le germe a été produit par les résonances, arri-
ve à maturité avec le dernier son, la parole est déterminée.» Tra-
duction BIARDEAU 1964b: 127.
Voir infra, PVSV! 469,20"21, pour l!original sanskrit.

PVSV! 436,25"26 ! "V spho!a 121 ! TS 2730 ! SSV 95,12"13


#aighry$d alp$ntaratv$c ca go#abde s$ bhaved api |
devadatt$di#abde%u sphu&o bheda' prat(yate ||
«Cette (erreur) doit aussi venir, quand il s!agit du mot gau", de la
brièveté et du petit nombre de syllabes. Tandis que dans le mot Deva-
datta, la différence est éclatante!» Traduction BIARDEAU 1958: 47.

PVSV! 440,29"30/Vibh. 375n. 6 = "V v#kya 366 = TS 2342


vedasy$dhyayana) sarva) gurvadhyayanap*rvakam |
ved$dhyayanav$cyatv$d adhun$dhyayana) yath$ ||
Pour une traduction, voir p. 148; voir aussi PVSV 124,27 et PV!
P329a1"2/D274b3"4.

PVSV! 443,25"444,9 < B! ?; PVSV! 443,25"26 = "V v#kya 366


= TS 2342; PVSV! 443,27"444,9 ! TS 2344"2345
vedasy$dhyayana) sarva) gurvadhyayanap*rvakam |
ved$dhyayanav$cyatv$d adhun$dhyayana) yath$ ||
at(t$n$gatau k$lau vedak$raviyoginau |
k$latv$t tad yath$ k$lo vartam$na' sam(k%yate ||
brahm$dayo na ved$n$) kart$ra iti gamyat$m |
puru%atv$dihetubhyas tad yath$ pr$k+t$ nar$' ||
«Toute récitation du Veda est précédée de la récitation [védique]
d!un guru, car à l!exemple de la récitation [védique] d!aujourd!hui,
on [la] dit une ,récitation du Veda#. Les temps passé et futur sont
dépourvus de [tout] auteur des Veda, parce qu!ils sont du temps, à
Répertoire des citations 471

l!exemple du temps présent que l!on perçoit. [Et] l!on peut savoir
que des [êtres personnels] tels que Brahm! ne sont pas les auteurs
des Veda, grâce à des raisons telles que le fait d!être homme, à
l!exemple des hommes ordinaires.»

PVSV 124,27 < "V v!kya 366


adhyayanam adhyayan!ntarap#rvakam adhyayan!t
Voir supra, PVSV$ 443,25"26.

PVSV$ 457,12 ! PV$ P345b1"2/D287a3 ! P! I.2.69


napu%sakam anapu%sakena ekavac c!nyatarasy!m |
«Wenn ein Neutrum mit seinem entsprechenden Masculinum oder
Femininum zusammengefasst werden soll, dann bleibt das Neutrum
allein übrig und kann in diesem Fall im Singular stehen.» Traduc-
tion BÖHTLINGK 1964: 20.

PVSV$ 461,21"22 ! "V spho"a 95 ! SSV 76,7"8


n!nyath!nupapattis tu bhavaty arthamati% prati |
tad ev!sy!nimitta% sy!j j!yate yadanantaram ||
«Et il n!est pas impossible d!expliquer autrement la connaissance
du sens. Ce immédiatement après quoi elle se produit, cela seul est
sa cause.» Traduction BIARDEAU 1958: 15.

PVSV$ 464,10"12 < Bhart&hari (yad !ha bhart#hari$, PVSV$


464, 10), MBhD?
sarve'!% p&thag arthavatt! sarve'u k&tsn!rthaparisam!pte( | ta-
th! yad eva prathama% pada% up!d)yate tasmin sarvar#p!rtho-
pagr!hi*i niyam!nuv!danibandhan!ni pad!ntar!*i vijñ!yante |
Discussion et traduction de ce passage, pp. 160"163.
472 Appendice B

PVSV! 467,21!22 = VP I.94 = SSV 92,15!16


yath"nup#rv$niyamo vik"re k%$rab$jayo& |
tathaiva pratipatt'(") niyato buddhi%u krama& ||
«De même qu"il y a un ordre fixe de succession dans la transforma-
tion du lait et d"un germe, de même il y a un ordre de succession fixe
dans les idées des auditeurs.» Traduction BIARDEAU 1964b: 131.

PVSV! 467,27!468, 4 ! VP I.49 et 104


n"dasya kramajanyatv"n na p#rvo n"para* ca sa& |
akrama& kramar#pe(a bhedav"n iva j"yate ||
tasm"d abhinnak"le%u var(av"kyapad"di%u |
*abdak"lasvabh"va* ca n"dabhed"d vibhidyate ||
«Puisque c"est la résonance qui se produit de façon successive, la
(parole) n"a ni avant ni après; elle est sans succession mais apparaît
comme divisée par la forme successive (des résonances). C"est
pourquoi (d"ailleurs aussi), quand il s"agit de phonèmes, mots et
phrases de durée indifférenciée, on distingue la durée de leur débit
et leur durée propre à partir de la différenciation des résonances.»
Traduction (avec «phonèmes» pour «lettres») BIARDEAU 1964b: 91
et 141.

PVSV! 468,9!10 < MBhD?


prathamena var(ena abhivyaktasya anavadh"ra("d avadh"ra-
("rtham anye%") var("n") vy"p"ra& |
«Puisque ce qu"a manifesté le premier phonème n"est pas [encore]
déterminé, d"autres phonèmes opèrent en vue de la détermination.»

PVSV! 468,15 = VP I.83cd


kai*cid dhvanir asa)vedya& svatantro "nyai& prakalpita[&] |
Répertoire des citations 473

«D!autres pensent que le son n!est pas perceptible, tandis que d!au-
tres le supposent (doué d!une existence) indépendante.» Traduction
BIARDEAU 1964b: 123.

PVSV! 468,26"27 < SSV 102, 6"7 (yad ucyate ma!"anena)


vyañjakas"d#$y"c ca v"kye tad"tmagraha%"bhim"nas tena na
a$rava%a& sakala$rava%a& v" iti |
PVSV! 468,26"27 forme une adaptation de: vyañjakas#d$%y#t tu
%abd#ntaragraha!#bhim#na&; tena na a%rava!a' sy#t sakala%ra-
va!a' v# iti |. «Mais du fait d!une ressemblance entre (les sons) qui
manifestent (le spho(a), on croit saisir d!autres éléments verbaux
(i.e. les phonèmes); c!est pourquoi il n!est pas vrai de dire qu!il doit
y avoir soit non-audition soit audition intégrale.» Traduction (avec
«phonèmes» pour «lettres») BIARDEAU 1958: 62.

PVSV! 469,16"21 ! VP I.84"86 ! SSV 89,7"12; VP I.86 ! TS 2711


yath"nuv"ka' $loko v" so(hatvam upagacchati |
"v#tty" na tu sa granthapraty"v#ttir nirucyate ||
pratyayair anup"khyeyair graha%"nugu%ais tath" |
dhvani' [sic] prak"$ite $abde svar)pam avadh"ryate ||
n"dair "hitab*j"y"m antyena dhvanin" saha |
"v#ttiparip"k"y"& buddhau $abdo #vadh"ryata iti ||
«On devient capable de retenir (par c$ur) un chapitre ou un vers à
force de le répéter, mais le texte n!est parfaitement retenu à aucune
des répétitions prises séparément. De même, quand une parole est
mise en lumière par des sons, sa forme propre est déterminée grâce
à des idées (partielles) indescriptibles qui concourent à son appré-
hension. Quand l!idée, dont le germe a été produit par les résonan-
ces, arrive à maturité avec le dernier son, la parole est déterminée.»
Traduction BIARDEAU 1964b: 125/127.
Voir aussi supra, PV! P324b6"7/D271a6"7.
474 Appendice B

PVSV! 477,23!26 ! "V !abdanityat" 119cd-121ab ! TS 2174!2175


ye#$m apr$pta ev$ya% &abda' &rotre(a g)hyate |
te#$m apr$ptitulyatva% d*ravyavahit$di#u ||
tatra d*rasam+pasthagraha($graha(e same |
sy$t$% na ca kramo n$pi t+vramand$disambhava' ||
«Pour les [bouddhistes] selon qui l"ouïe appréhende la parole sans
contact aucun, l"absence de contact [avec la faculté sensorielle] est
la même pour des [paroles] distantes, [des paroles] auxquelles on
fait écran, etc.; par conséquent, appréhension et non-appréhension
par des [personnes] situées à distance ou à proximité devraient être
les mêmes dans ce cas, et [il n"y aurait alors] ni succession [dans
les appréhensions selon l"éloignement], ni même possibilité de
[gradation entre auditions] intense, faible, etc.»

PVSV! 478,9*
d*r$sann$dibhedena spa#,$spa#,a' prat+yate |
« On connaît [également la parole] comme [plus ou moins] distinc-
te ou indistincte selon [qu"elle est plus ou moins] éloignée, proche,
etc.»
*Comparer PV III.408ab: d#r"sann"dibhedena vyakt"vyakta$ na yujyate |
(conséquence absurde), et TS 2523ab: d#r"sann"dibhedena spa%&"spa%&a$
yathek%yate | (où il est question de r#pam). Spa%&"spa%&a' prat(yate paraît
une adaptation au contexte (PVSV! 478,8: tath" !abdo!pi), où la k. est trai-
tée en objection.

PVSV! 478,15!16 ! PV III.235


j$to n$m$&rayo #ny$nya& cetas$% tasya vastuna' |
ekasyaiva kuto r*pa% bhinn$k$r$vabh$si ta[t] ||
«L"un et l"autre fondements des connaissances [portant sur un uni-
versel] peuvent bien être produits, [mais] d"où [vient-il que] la na-
ture de cette entité strictement une [qu"est un universel nous] appa-
Répertoire des citations 475

raisse sous différents aspects[, c!est-à-dire sous des aspects dis-


tincts ou indistincts]?»

(a) PVSV! 478,18"19 ! TS 2117 < B!? (voir infra, PVSV! 489, 18"19)
(b) PVSV! 478,20"23 ! "V !abdanityat" 197"198 ! TS 2226"2227
(c) PVSV! 478,24"25 ! TS 2118 < B! ?
yasm#c chabdasya nityatva$ %rotrajapratyabhijñay# |
vibhutva$ ca sthita$ tasya ko !dhyavasyed viparyayam || (a)
de%abhedena bhinnatvam ity etac c#num#nikam |
pratyak&as tu sa eveti pratyayas tasya b#dhaka' ||
pary#ye(a yath# loke bhinn#n de%#n vrajann api |
devadatto na bhidyeta tath# %abdo na bhidyate || (b)
tasm#d y# sarvak#le&u sarvade%e&u caikat# |
pratyak&apratyabhijñ#naprasiddh# s#sya b#dhik# || (c)
«Puisque la permanence et l!omniprésence de la parole sont éta-
blies par la reconnaissance, qui naît de l!ouïe[, donc par la percep-
tion], qui [donc] en pourrait établir le contraire? Que [quelque cho-
se comme la parole] diffère selon le lieu, cela est d!ordre inféren-
tiel; mais la connaissance d!identité (sa eveti pratyaya#), d!ordre
perceptif, annule cette [inférence car la perception est de plus
grande autorité que l!inférence]. De même que Devadatta ne sau-
rait différer bien qu!il gagne successivement différents lieux dans
le monde, de même la parole ne diffère-t-elle pas [selon le lieu et le
temps]. Par conséquent l!unicité (ekat") [de la parole], en tous
temps et en tous lieux, qu!établit la reconnaissance perceptive,
celle-là est annulatrice de la [différence invoquée par inférence].»

PVSV! 479,22 = "V !abdanityat" 122ab = TS 2176cd


prayatn#bhihato v#yu' ko&)hyo y#t*ty asa$%ayam |
Pour une traduction, voir p. 184.
Voir aussi infra, PVSV! 502,26.
476 Appendice B

PVSV! 479,23 ! "V !abdanityat" 124cd ! TS 2179ab


kar#avyomani sampr$pta% &akti' &rotre niyacchati |
Pour une traduction, voir p. 185.

PVSV! 480,8 ! "V !abdanityat" 126ab ! TS 2180cd


tathaiva tadvi&e(o !pi vi&i()a&rava#$d bhavet |
«De même une différence de [dispositions] pourrait-elle également
être [postulée, et ce] sur la base de [notre] audition de [paroles]
particulières.»

PVSV! 484,19"21 < SSV 104,11"12 (yat punar ukta# ma$%a-


nena |)
yad$ traividyav*ddh$ hastasa'jñ$divi(ay$n utk(epa#atv$di&a-
bdanirde&y$n s$m$nyavi&e($n abhyupagacchanti tad$ ko #ya'
prasa+ga% | eka% karm$tm$ abhyupagantavya iti |
PVSV! 484,19"20 forme une adaptation de: ko !ya# prasa&ga
eka' karm"tm" abhyupagantavya iti? yad" traividyav(ddh" hasta-
sa#jñ"divi)ay"n " utk)epa$atv"di!abdanirde!y"n s"m"nyavi!e-
)"n anupayanty eva |. «Quelle est donc cette conséquence (erronée
mentionnée par l!adversaire) en ces termes: ,Il faut admettre une
entité-acte qui soit une?! (= PVSV 134,20) Alors que les gens ver-
sés dans les trois sciences reconnaissent des traits communs parti-
culiers qui ont pour objet un signe de la main $ [et sont] désignés
par des termes comme ,le fait de projeter en l!air! etc.» Traduction
BIARDEAU 1958: 65.

PVSV! 485,19"20 ! SS 29 (tad ukta# ma$%anena |)


n$nek$vayava' v$kya' pada' v$ spho)av$din$m | ekatve #pi
hy abhinnasya krama&o dar&it$ gati% |
«Pour les avocats du spho*a, la phrase et le mot n!ont pas de multi-
ples parties, mais même dans le cas d!une unité, on observe qu!il y
Répertoire des citations 477

a connaissance progressive de l!indivisible.» Traduction BIARDEAU


1958: 61.
Voir aussi supra, PVSV! 468,26"27.

PVSV! 487,21"26 ! "V !abdanityat" 286cd-289ab ! TS 2285"2287


dharmam#tram asau te$#% na vastvantaram i$yate |
krame&a jñ#yam#n#' syur var&#s ten#vabodhak#' ||
na ca kramasya k#ryatva% p(rvasiddhiparigrah#t |
vakt# na hi krama% ka)cit sv#tantrye&a prapadyate ||
yathaiv#sya parair uktas tathaivaina% vivak$ati |
paro !py eva% sata) c#sya sambandhavad an#dit# ||
Pour une traduction, voir pp. 188"189.

PVSV! 488,11"12 = TS 2141 < B! ?


de)ak#laprayokt*&#% bhede !pi ca na bhedav#n |
g#divar&o yatas tatra pratyabhijñ# parisphu+# ||
«Et quoique l!espace, le temps et le locuteur diffèrent, un phonème
tel que ,g! n!a pas [la moindre] différence, parce que la reconnais-
sance en est parfaitement évidente.»

PVSV! 489,18"19 ! TS 2117 ! PVSV! 478,18"19 < B! ?


ki% ca )abdasya nityatva% )rotrajapratyabhijñay# |
vibhutva% ca sthita% tasya ko vyavasyed viparyayam ||
«De plus, la permanence et l!omniprésence de la parole sont éta-
blies par la reconnaissance, qui naît de l!ouïe[, donc par la percep-
tion]: qui [donc] en pourrait établir le contraire?»

PVSV! 490,12"13 = "V !abdanityat" 279cd"280ab = TS 2280cd"2281ab


anityadhvanik#ryatv#t kramasy#to vin#)it# |
478 Appendice B

puru!"dh#nat" c"sya tadvivak!"va$"d bhavet ||


«Puisqu!elle est l!effet de sons bruts impermanents, la série est
donc périssable; et la [série] ne saurait que reposer sur l!homme
puisqu![elle procède] en vertu de sa [seule] intention.»

PVSV% 490,19"22 ! &V !abdanityat" 287cd-289ab ! TS 2286"2287


na ca kramasya k"ryatva' p(rvasiddhiparigrah"t |
vakt" na hi krama' ka$cit sv"tantrye)a prapadyate ||
yathaiv"sya parair uktas tathaivaina' vivak!ati |
paro !py evam ata$ c"sya sambandhavad an"dit" ||
Pour une traduction, voir p. 189; voir aussi supra, PVSV% 487,21"
26

PVSV% 497,19"25 < Umbeka (umbekas tv "ha |)


yadi sa eva ayam ity ek"nubhavas tath" apy ayam at#tajñ"na-
karmat" !parok!ate ek"dhikara)e g*h)an sa'vedyate | atha api
pratyayadvayam ida' graha)asmara)ar(pam | tath" api gha+a-
smara)apa+agraha)ayor nirantarotpannayor vilak!a)am ida'
parasparavi!ayatvena pratibh"san"t | aparok!a eva hy artho !t#-
tajñ"navi$i!+atay" sm*tau pratibh"sate | at#tajñ"navi!aya$ ca
aparok!atay" pratyak!e | tad aha' smar"my etad iti pratibh"sa-
n"t | tasm"d animi!i(ta)d*!+e, puru!asya yad utpattivin"$arahi-
t"nuv*tt"vas"ya, sa eva b"dhaka, k!a)abha-gas"dhakasya
anum"nasya |
Citation non identifiée, peut-être tirée du commentaire (perdu) de
Umbeka à &V !abdanityat".
Répertoire des citations 479

PVSV! 498,8!9 < Umbeka?


ya" pratik#a$am anyatva% vadati tasya ca aya% b&dha" pra-
tyabhijñ&nam&tre$a anyattve tu vina#'asya api tattv&vagam&t |
m(tapratyabhijñ&y&m iva |
Citation non identifiée, peut-être tirée du commentaire (perdu) de
Umbeka à )V !abdanityat".

PVSV! 498,26!29 ! )V spho#a 22!23 = TS 2142 et 2146


na hi drut&dibhede "pi ni#pann& samprat*yate |
gavyaktyantaravicchinn& gavyaktir apar& sphu'& ||
tenaikatvena var$asya buddhir ekopaj&yate |
vi+e#abuddhisadbh&vo bhaved vyañjakabhedata" ||
«Car [une fois qu"il est] établi on ne note pas, malgré une différen-
ce de [débit,] rapide[, moyen ou lent], qu"un certain individu ,g!
distinct[ement perçu] diffère de [tel] autre individu ,g!; en tant
donc que le phonème est un, la connaissance qui se produit est une:
que la connaissance d"une différence existe [quand même] ne
saurait provenir que de la diversité des révélateurs[, et non du pho-
nème lui-même].»

PVSV! 499,14!17 ! )V spho#a 50!51 ! TS 2154!2155


svato hrasv&dibhedas tu nityav&de virudhyate |
sarvad& yasya sadbh&va" sa katha% m&trika" svayam ||
tasm&d ucc&ra$a% tasya m&tr&k&la% prat*yat&m |
dvim&tra% v& trim&tra% v& na +abdo m&trika" svayam ||
«Mais [admettre pour la parole] elle-même une diversité de [lon-
gueur vocallique,] notamment brève[, longue ou protractée], con-
tredit la doctrine de la permanence: comment ce qui existe éternel-
lement [pourrait-il] soi-même comporter des mores? [C"est] donc
sa [seule] prononciation [qu"]il faut connaître comme durant une
480 Appendice B

more, ou comme ayant deux ou trois mores, [mais] la parole elle-


même ne comporte pas de mores.»

PVSV! 502,26!31 ! "V !abdanityat" 122!124ab ! TS 2176cd!2178


prayatn#bhihato v#yu$ ko%&hyo y#t'ty asa()ayam |
sa sa(yogavibh#gau ca t#lv#der anuvartate ||
vegavattv#c ca so "va)ya( y#vadvega( prati%&hate |
tasy#tm#vayav#n#( ca stimitena ca v#yun# ||
sa(yog#) ca viyog#) ca j#yante gaman#d dhruvam |
Pour une traduction, voir pp. 184!185.

PVSV! 504,29!505,6 ! M'S* I.i.20 et "Bh sous M'S* I.i.20/105,5!6


sa+khy#bh#v#t | a%&ak,tvo go)abda uccarita iti hi vadanti | na
a%&au go)abd# ity anena avagamyate pratyabhij#nanti |
Pour une traduction, voir p. 197.

PVSV! 505,8!11 ! M'S* I.i.18 et "Bh sous M'S* I.i.18/101,10!102,3


nityas tu sy#d dar)anasya par#rthatv#t | dar)anam ucc#ra-am |
tat par#rtham artha( praty#yayitum | uccaritam#tra eva vina%&e
)abde | na tato "rtha( praty#yayitu( )aknuy#d ato na par#-
rtham ucc#ryeta |
«Mais [la parole] doit être permanente [eu égard à la relation qu"el-
le entretient], car [sa] prononciation [intervient] en vue d"autrui.
.Dar!ana! [signifie ici] prononciation. Cette [dernière] sert à noti-
fier la signification pour autrui, [car] si la parole périssait à peine
prononcée, on ne pourrait notifier la signification grâce à elle, [et]
donc on ne [la] prononcerait pas pour autrui.»
Répertoire des citations 481

PVSV! 511,8!9 = VS IV.i.1


sad ak"ra#avan nityam |
«[Est réputé] permanent ce qui existe [et est] dénué de cause.»
482 Appendice B

Table des citations

Source: Localisation: Équivalent TS:

Bhart!hari

! V"kyapad#ya

I.49 K.467,27!28 !

I.73 K.434,16!17 !

I.83cd K.468,15 !

I.84 K.469,16!17 !

I.85 K.469,18!19 !

I.86 K.469,20!21 TS 2711

idem ".P324b6!7/D271a6!7 idem

I.94 K.467,21!22 !

I.104 K.468,3!4 !

! Mah"bh"$yad#pik"?

? K.464,10!12 !

? K.468,9!10 !

Dharmak#rti

! Pram"%av"rttika

II.208 ".P297b5!6/D250b6 TS 3435

III.235 K.478,15!16 !

III.408a K.478,9 TS 2523a

Dign$ga

! Pram"%asamuccaya
Répertoire des citations 483

II.5ab Dh.108,1 !

idem Dh.109,5 (= PV I.216ab) !

Jaimini

! M"m#$s#s%tra

I.i.18 K.504,29 !

I.i.20 K.505,8!9 !

Ka!"da

! Vai&e'ikas%tra

IV.i.1 K.511,8!9 !

Kum"rila

! (lokav#rttika

codan#

62 K.404,11!12 !

63 K.404,13!14 !

68 K.404,25!26 !

71 K.404,27!405,7 !

72 K.405,8!9 !

89 K.405,10!11 !

90 K.405,12!13 !

91ab K.405,16 !

92ab!93ab K.405,17!19 !

[92cd-93ab K.406,4!5 idem]

99cd-100ab K.404,18!19 !

sambandh#k'epa

16ab1? K.413,1 !
484 Appendice B

spho!a

10 K.435,25!26 !

11ab K.435,27 !

22 K.498,26!27 TS 2142

23 K.498,28!29 TS 2146

50 K.499,14!15 TS 2154

51 K.499,16!17 TS 2155

69 K.430,27!28 !

70 K.430,30!31 !

71 K.431,4!5 !

73 K.431,6!7 !

83 K.431,9!10 !

85 K.431,11!12 !

86 K.431,13!14 !

86a K.432,13 idem

95 K.461,21!22 !

108 K.432,25!26 !

109 K.433,4!5 !

110 K.433,6!7 !

111 K.433,15!16 !

112 K.433,24!25 TS 2721

113 K.433,26!27 TS 2722

115 K.433,28!29 TS 2724

116 K.434,7!8 TS 2725

121 K.436,25!26 TS 2730


Répertoire des citations 485

sambandh!k"epaparih!ra

13 K.413,10!11 TS 2254

14 K.413,27!28 TS 2255

21cd K.413,29 TS 2256ab

22 K.413,30!414,8 TS 2256cd-2257ab

23 K.414,9!10 TS 2257cd-2258ab

28 K.411,12!13 TS 2262

32 K.410,21!22 TS 2266

41 K.410,23!24 TS 2273

136cd-137ab K.409,19!20 TS 2777

140cd? K.409,26!27 TS 2650

141? K.409,28!29 TS 2651

#abdanityat!

119cd-120ab K.477,23!24 TS 2174

120cd-121ab K.477,25!26 TS 2175

122ab K.479,22 TS 2176cd

122 K.502,26!27 TS 2176cd-2177ab

123 K.502,28!29 TS 2177cd-2178ab

124ab K.502,31 TS 2178cd

124cd K.479,23 TS 2179ab

126ab K.480,8 TS 2180cd

197 K.478,20!21 TS 2226

198 K.478,22!23 TS 2227

279cd-280ab K.490,12!13 TS 2280cd-2281ab

286cd K.487,21 TS 2285ab


486 Appendice B

287 K.487,22!23 TS 2285cd-2286ab

287cd K.490,19 TS 2686ab

288 K.487,24!25 TS 2286cd-2287ab

idem K. 490,20!21 idem

289ab K.487,26 TS 2287cd

idem K.490,22 idem

v!kya

366 K.440,29!30 TS 2342

idem Vibh. 375n. 6 idem

idem adapt. Dh.124,27 idem

" B#ha$$%k!?

? K.408,21!22 TS 2101

? K.408,23!24 TS 2103

? K.443,27!28 TS 2344

? K.444,8!9 TS 2345

? K.478,18!19 TS 2117

idem K.489,18!19 idem

? K.478,24!25 TS 2118

? K.488,11!12 TS 2141

Ma!"anami#ra

" Spho$asiddhi

29 K.485,19!20 !

" Spho$asiddhiv#tti

102,6!7 K.468,26!27 !

104,11!12 K.484,19!21 !
Répertoire des citations 487

Patañjali

! Mah"bh"#ya

I.19,20!21 (I.i.2) !. P313a7!8/D262a5!6 !

idem K.419,20!21 !

P"#ini

! A#$"dhy"y%

I.ii.69 !. P345b1!2/D287a3 !

idem K.457,12 !

!abara

! &"barabh"#ya

101,10!102,3 (I.i.18) K.505,9!11 !

105,5!6 (I.i.20) K.504,30!505,6 !

Umbeka

! &lokav"rttikat"tparya$%k" sous &V 'abdanityat"?

? K.497,19!25 !

? K.498,8!9 !
Appendice C
Amendements au texte de l!édition GNOLI

Cet appendice consigne tous les amendements que m!a inspirés la


lecture de PVSV 107,14"141,14. Dans tous les cas, j!ai inclus les
leçons suggérées par la PV! (généralement P, sigle «"»), que le
savant éditeur italien n!a pas incorporées à son appareil critique.
Ci-dessous, le sigle «PVSVt» renvoie aux seules leçons de P, N, D,
C; «K» se réfère à la PVSV! telle qu!éditée par S, sans consulta-
tion du manuscrit; «S», au texte de la PVSV établi (le plus souvent
reconstruit du tibétain) par S#$K%TY#YANA. Toutes les références
aux mss. A, B et Z procèdent sur la foi des notes critiques de
GNOLI; hors tout projet de réédition critique de la PVSV, il ne m!a
pas paru nécessaire de consulter les mss.: pour incomplète qu!en
soit parfois l!annotation critique, l!édition GNOLI produit un texte
assez bien lisible pour qu!une telle réédition n!apparaisse pas
comme un desideratum urgent. La colonne de gauche présente la
leçon retenue par GNOLI; celle de droite, la leçon par moi retenue.

107,15"16 anyapram!"!niv#ttau K389,16"17, PVSVt et "284b7 portent anya-


pram!"aniv#ttau/tshad ma g$an log pa na. J!ai
lu, avec YAITA 1987: 4: anyapram!"aniv#ttau.

107,16 asakalavi%ayatv!d !gama& PVSVt porte: ma lus pa!i yul can ñid ma yin
pa ñid kyi phyir ro || lu' gis, comme "284b8.
PVSVt introduit la phrase par !di la/atra, sans
équivalent dans K389,18 et "284b8. J!ai lu:
asakalavi%ayatv!t | !gama&.

108,4 mah!nu(a)s!p!pa° PVSVt et "286a6 portent phan yon chen po


da' 'an so', suggérant mah!nu(a)s!p!ya°
(YAITA 1987: nn. 13 et 43), alors que K390,25
porte °p!pa° (ms. A om.). Le contexte escha-
490 Appendice C

tologique (anu!a"s# expliqué svarga, ap#ya/


p#pa expliqué naraka) m!a porté à lire: mah#-
nu!a"s#p#ya°.

108,11 a!akyop#yaph#l#ni J!ai lu, avec YAITA 1987: 4: a!akyop#yapha-


l#ni.

108,25 cat$r%#m J!ai lu, avec YAITA 1987: 4: catur%#m.

109,18 vipralambh#yanuparodh#t K395,20"21 porte vipralambh#ya | na visa"-


v#d#ya bhavati | ki" k#ra%am | anuparodh#t |.
J!ai lu: vipralambh#ya anuparodh#t.

110,6 pravartate K396,22, PVSVt et !293a8 portent pravar-


teta/!jug par !gyur ro. J!ai lu: pravarteta.

110,9 anyado&#nirdo&at# La leçon suppose anirdo&at#, contre K397,7,


M365,23, !293b7"8 et PVSVt, qui tous com-
prennent: nirdo&at#/ñes pa med (pa ñid). L!ex-
plication grammaticale (voir n. 63, p. 229) de
K, !, M et Vibh. sur durbodh# ne laisse par
ailleurs subsister aucun doute. J!ai lu: anya-
do&# nirdo&at#.

110,11 caitasyebhya' K397,11"12 porte caitasebhya'. J!ai lu: caita-


sebhya'.

110,12 te ca at(ndriy#' PVSVt porte dba) po las !das pa dag yin te |,


suggérant la possibilité d!un da%*a. On lirait
alors: te ca at(ndriy#' |, également recevable,
et traduirait: «Or [les qualités et fautes mora-
les d!autrui sont] suprasensibles [en tant préci-
sément qu!elles sont des propriétés mentales].
Peut-être#»

111,6"7 up#d#nabalabh#visant#nasyaPVSVt sépare nettement ñe bar len pa!i stobs


las byu) ba can de rgyud las, comme (mais
non décisivement) K401,9: °balabh#vi | tad
evambh$ta°, et surtout !299a5: byu) ba can
no || de lta bur gyur pa de ni (qui suggère
Amendements au texte de l!édition GNOLI 491

d!amender K en: tad evambh!tam). J!ai lu:


up"d"nabalabh"vi sant"nasya.

112,11 puru#"$ray"d apauru#eyam PVSVt et !302a4 portent: skyes bu la brten pa


ñid kyi phyir ro || skyes bus ma byas; !
introduit vipralambhahet!n"% do#"&"% puru-
#"$ray"d par ci!i phyir 'e na. La leçon:
puru#"$ray"t | apauru#eyam paraît également
recevable. Par souci de préserver le parallélis-
me avec PV I.224, j!ai néanmoins lu puru#"-
$ray"d apauru#eyam.

112,14 saty"rthahet!n"% Miy. porte saty"rthahet!n"%, contre K405,27,


PVPVV et PVV 368,3, qui portent satyatvahet!-
n"%, corroborés par PVSVt et !302a7: bden
pa ñid kyi rgyu, symétrique au mithy"tva° de
PV I.224. J!ai lu: satyatvahet!n"%.

(Ms. A manquant, 112,14 > 113,27)

113,18 tatsambandha$ Tat° n!est corroboré ni par K411,11, ni par


PVSVt, ni par !305b3. J!ai lu: sambandha$.

113,19"20 k"ryakara&ayogyat"vat PVSVt et le prat(ka de K411,19 portent °k"ra-


&a°/rgyu. Explication de K411,20"21: k"rya-
kara&"ya yogyat" k"ryakara&ayogyat" | yath"
k"ra&asya "tmabh!t" tadvat |. De !305b5"7:
!bras bu byed pa!ii rgyu!ii ru) ba ñid ga) yin
pa de ni dper na rgyu!i bdag ñid du !gyur ba
da) !dra bar sgra!i ru) ba ñid dam | ya) na
rgyu da) !bras bu dag gi ru) ba ñid ces blta
bar bya ste | !di ñid kyis !di ni !bras bu yin no
'es bya ba!i !bras bu!i ru) ba ñid do || !di!i !di
ñid rgyu yin no 'es bya ba !di ni rgyu!i ru) ba
ñid do || de ya) de dag gi bdag ñid du gyur pa
kho na!o ||. On ne peut exclure qu!à l!époque
où ! composait son commentaire, les deux va-
riantes étaient déjà attestées. J!ai lu: k"ryaka-
ra&ayogyat"vat, quoique k"ryak"ra&ayogya-
492 Appendice C

t!vat («comme la convenance de la cause pour


l!effet») me paraisse également recevable.

113,23"24 "abd!rthasambandh!# K412,12 porte "abd!rthasambandha#. J!ai lu:


"abd!rthasambandha#.

113,27 buddhir$pav!g vijñaptyor K412,28 explique: buddhir$pasya ! v!gvi-


jñapte" ca. PVSVt et !307a5"6 rendent blo"i
%o bo da% %ag gi rnam par rig byed dag. J!ai
lu: buddhir$pav!gvijñaptyor.

(Reprise du ms. A, 113,27)

114,14 pratipadyate Le ms. B et K415,16 portent pratipadyate,


alors que le ms. A porte pratipadyeta, possi-
blement corroboré par PVSVt et !309a3, qui
portent thob par "gyur ba. J!ai lu: pratipadya-
te, quoique la leçon pratipadyeta me paraisse
également recevable (« # la [parole] doit
recevoir de l!homme # »).

114,16"17 puru&op!k'r(a# J!ai lu: puru&o #p!k'r(a#.

115,6"7 apuru&!dh'natve Le ms. A porte puru&!dh'natvena. Le ms. B,


PVSVt et !311b1"2 portent ou suggèrent apu-
ru&!dh'natve. K417,22 (puru&!dh'natvapak&e)
ne tranche pas. J!ai lu: apuru&!dh'natve, quoi-
qu!avec GNOLI, je juge puru&!dh'natvena
également recevable.

115,10 °ayog!d iti samam Iti sans équivalent dans K418,13, PVSVt,
!312a1"2. Deux interprétations de samam. (1)
K418,14 (!312a2"3 me demeurant inintelligi-
ble): samam ekak!la) sarvasminn arthe sam-
bandhasya avasth!ne #pi kalpyam!ne (d!où
ma traduction); (2) PVSVt: gnas skabs thams
cad la mtshu%s pa yin te. Iti ne me paraît
pourtant avoir sa place dans aucune de ces
deux interprétations. J!ai lu: °ayog!t | samam.

115,10"11 #p'&tapratiniyam!bh!vatJ!ai lu: #p'&*apratiniyam!bh!v!t.


Amendements au texte de l!édition GNOLI 493

115,17 nityasya ! c!n!"raya# | Ces deux phrases ont été considérées comme
une demi-strophe par M279,11"12 ainsi que
par une secunda manus dans le ms. Z, et
incorporées par DD! et Pa au titre de PV
I.232cd sous la forme: nityasy!nupak!ryatv!d
akurv!$a" ca n!"raya# ||, la demi-strophe
étant métriquement incorrecte avec c!n!"ra-
ya#. PVSVt et PVt n!en font pas une demi-
strophe. Sur ce point, voir GNOLI 1960: xxxii-
xxxiii.

115,24 iva Le ms. B, K420,17, PVSVt et !314a2 ne


portent pas de iva, mais sa%s&'(au seul:
sa%s&'(au puru'asya ! pratibh!ta iti me pa-
raît également recevable.

116,11 utpanno "rtha# PVSVt, K420,13 et !314b6 portent: utpanno-


tpanno "rtha#/skyes "i) #byu) ba#i don. J!ai lu:
utpannotpanno "rtha#.

116,28 anapek'atv!t Malgré K422,28, !316a7 et PVSVt (anape-


k'atv!t), j!ai lu: anapek'yatv!t.

117,4 kuta# K423,12, PVSVt, !316b4, PVDD! portent k&-


ta#/byas, contre Miy., PVS et M372,7, qui
lisent kuta#. J!ai lu: k&ta#.

117,9 tasya ca tad!tmakatv!t Représenté dans le seul ms. B, ca est sans


équivalent dans le ms. A, K423,20"21,
PVSVt, !317a2"3. Le ms. A porte tad!tma-
tv!t, contre K423,20, PVSVt et !317a2, qui
portent tad!tmakatv!t/de#i bdag ñid can ñid
yin pa#i phyir ro. J!ai lu: tasya tad!tmakatv!t.

117,11 agraha$!patter PVSVt et !317a7 portent mi #dzin par #gyur,


alors que K423,26 porte agraha$aprasa)g!t.
J!ai lu: agraha$!pattir.

117,23 abh!vaprasa)g!t K425,16"17 et !317b6 portent abh!vaprasa-


)ga#/med par thal bar #gyur ro, contre PVSVt
494 Appendice C

qui porte: med par thal bar !gyur ba!i phyir


ro. J!ai lu: abh!vaprasa"ga#.

117,26 d$%&!nt!siddhe' ca | PVSVt et le ms. A portent ca. Le ms. B et


K426,9 n!ont pas d!équivalent de ca; !319a6"
8 est ambigu (un possible da" s!étant néces-
sairement perdu dans les méandres du com-
mentaire; mais noter: dpe ma grub pa!i phyir
ya"). Je considère comme un argument contre
ca que K426,11 et !319b1"2 ponctuent leur
commentaire à la phrase suivante sur: na ca
asti s!dhanam | tatra api d$%&!nt!siddhe# |. Ici
au moins, d$%&!nt!siddhe# justifie li"g!bh!va.
J!ai lu: d$%&!nt!siddhe# |.

118,13 anay! Le ms. B, PVSVt (DC), K427,21 , !320b3 com-


portent un id!n(), contre le ms. A et PVSVt
(PN). J!ai lu: anay! id!n().

(Ms. A manquant, 118,22 > 121,8)

119,7 sa eva asiddha#" sa eva asiddha# sans équivalent dans PVSVt,


K430,8 et !322a6. J!ai lu: yas tau 'le%ayet |.

119,13 v!cyav!cakasambandha# Faut-il lire: tan na te%u vartate v!cyav!caka-


sambandha#? PVSVt, !322b6, K430,22 com-
portent en effet un vartate.

119,14 var*! PVSVt, K430,25, !322b7 portent var*! eva/yi


ge ñid. J!ai lu: var*! eva.

119,16"17 ni%etsy!ma# K431,21, PVSVt et !323a4 portent pa'c!n ni-


%etsyam!natv!t/!og nas !gog par !gyur ro. J!ai
lu: pa'c!n ni%etsy!ma#.

119,20 padam | v!kya) ca (1) Skt. v!kyam est bel et bien représenté dans
PVSVt. (2) J!ai lu: pada) v!kya) ca.

120,6 sambandhas taddv!re*a ca Avec PVSVt, K437,22 et !325b3, j!ai lu: sam-
bandha# | taddv!re*a ca.
Amendements au texte de l!édition GNOLI 495

120,6 !niyama! L!avagraha ne figure pas dans le ms. B,


confirmant PVSVt et !325b4, qui portent (don
rtogs pa la) "es pa yin pa, contre K437,22, qui
porte na niyama!. La doctrine de Dharmak"rti
est bien entendu qu!il n!y a pas de niyama
d!ordre naturel entre #abda et artha; cela dit,
pour lui (cf. PV I.327a et passim), vivak$%
niyame hetu!, comme ici. Il y a un avin%bh%va
entre vivak$% et #abda, qui permet le k%rya-
hetu. J!ai lu: niyama!.

121,3 anyatra PVSVt, K440,20 et !328a8 portent anyatra


api/g&an la ya". J!ai lu: anyatra api.

(Reprise du ms. A, 121,8)

121,21 svabh%v%bhedam anubhavantas Le ms. A et K442,20"21 portent sva-


bh%v%bhedam anubhavantas, contre le ms. B,
PVSVt et !330a4"5, qui portent svabh%vabhe-
dam ananubhavantas/ra" b&in tha dad pa
ñams su myo" ba med par, également receva-
ble.

121,24 r'pavi#e$o v% tath% dar#an(ya! PVSVt, K443,7 et !330b3 sans équiva-


lent de tath%. J!ai lu: r'pavi#e$o v% dar#an(-
ya!.

121,26 bheda! PVSVt, K443,13 et !331a3 portent sa bheda!/


tha dad pa de ni. J!ai lu: sa bheda!.

121,28 na ativarteta PVSVt, K443,18, et !331a7 portent na ativa-


rtate. J!ai lu: na ativartate.

122,17 yad api " sy%t Un yadi paraît manquer à cette proposition.
K446,12 porte yad api " yadi sy%d; !333b2
porte gal te ga" ya" " #gyur na ni; PVSVt
porte gal te " ya" " #gyur na ni, sans équi-
valent de yad. J!ai traduit un hypothétique (<
K/!): yad api vin% jv%lay% yadi sy%t.
496 Appendice C

122,18 yay! s!magry! sambhavati Avec PVSVt, K446,14 et !333b3, on pourrait


lire aussi: yay! s!magry! sa sambhavati.

123,7 ka"cid K448,20 porte ka#cid, probablement avec


PVSVt, qui porte gcig gi chos !ga! $ig. J!ai lu:
ka#cid.

123,18 saty!dhi%&h!nabal! PVSVt, K449,21 et !337a6 portent saty!dhi-


%&h!nabal!t/bden pa!i byin gyi brlabs kyi stobs
las. J!ai lu: saty!dhi%&h!nabal!t.

124,20 sarva' K453,13"14 et !341a4 sans équivalent ni glo-


se de sarva'. C!est la doctrine même de Dhar-
mak"rti que nulle qualité mentale exogène ne
peut être perçue par l!homme ordinaire (voir
PVSV 110,2"16). J!ai lu: n!pi sann api dra-
%&u# "akya'.

125,4 sarva# tadadhyayan!ntara° PVSVt (ga( cu( $ig " de thams cad ni ") et
!343a3 suggèrent de détacher tad° du compo-
sé, pour en faire le corrélatif de yat. J!ai lu:
sarva# tad adhyayan!ntara°.

125,16"17 tat prathamo #dhyet! K456,13"14 et !344a8 lisent ostensiblement


tatprathamo #dhyet!, comme PVSVt (de!i da(
po !don par byed pa), et lisent tat° comme ve-
dasya. J!ai lu: tatpratham!dhyet!. Également
recevable, la leçon: tatprathamo #dhyet! (sur
tatprathama, voir MMW, s.v.)

126,11"12 arthanive"asya ekasya api PVSVt porte don la !jug pa brda gtso bo
yin pa!i phyir da( | (ag gcig la ya(. La
structure de l!explication de K459,10"11 et
!347b2"3 ne laisse guère place au doute. J!ai
lu: arthanive"asya | ekasya api.

128,7 k%a)ena PVSVt porte skad cig ma gcig gis, corroboré


peut-être par K464,27/465,10"11 et !352b6
(k%a)ena ekena). k%a)ena ekena me paraît
également recevable.
Amendements au texte de l!édition GNOLI 497

128,16 ado!a" Le ms. B porte ado!a iti cet, PVSVt gal te !


#e na, K465,26/27 et !353a7/8 sy$d etat !
iti/de ltar "gyur na gal te ! #e na. ado!a iti
cet me paraît également recevable.

129,2 vin$ PVSVt, K467,12 et !354b5 portent vin$ api.


J!ai lu: vin$ api.

130,4 sa ca tasya svabh$va" Le ms. B, K471,29"30, PVSVt et !357b1"2


ne portent pas (d!équivalents) de ca, contre le
ms. A, qui porte ca. J!ai lu: sa tasya svabh$-
va".

130,5 na kuta%cit Le ms. B, K472,10, et probablement PVSVt et


!357b2, portent na kuta%cid api. J!ai lu: na
kuta%cid api.

130,17 pratigh$&in$ K473,12, PVSVt et !358b4 portent pratigh$-


tin$/thogs par byed pa. J!ai lu: pratigh$tin$.

130,21 sati ku'ye K473,18 et !358b8 portent sati ca ku'ye. J!ai


lu: sati ca ku'ye.

(Ms. A folio 80 manquant, 131,10 > 132,22)

132,13 indriyasya hi sa(sk$ra" Trois lectures de PV I.258c: (1) indriyasya


sy$t sa(sk$ra" (PVPVV et PVPa), métriquement
problématique. (2) indriyasya tu sa(sk$ra"
(PVS et PVDD!), corroboré K479,20. (3)
indriyasya hi sa(sk$ra" (PVMiy et PVGnoli, ce
dernier fondé sur le ms. B: indriye sy$d dhi
sa(sk$ra"). Notons que sy$t intervient dans
les trois gloses (et peut-être PVSVt et !363a5"
6, dba) po legs par byas "gyur na). J!ai lu:
indriyasya tu sa(sk$ra".

(Reprise du ms. A, folio 81a, 132,22)

132,28 %r*yeta K481,16, PVSVt et !364b2 portent na %r*ya-


te/thos pa ma yin no. %r*yate est également
recevable.
498 Appendice C

133,2 !rava"at Lire: !rava"#t.

133,11 bhinnas Le ms. B, K482,13, PVSVt et !365a8 portent


bhinnar$pas/tha dad pa!i %o bo, contre le ms.
A. J!ai lu: bhinnar$pas.

133,16 arth#ntaram K482,24 et !366a3 portent k#ry#ntaram, con-


tre PVSVt, qui portent don g&an du gyur pa.
S!il ne constitue pas un simple fait de glose,
ce k#ry#ntaram est également recevable.

133,22 eva' Le ms. A, K483,17, PVSVt et !366b2 portent


eva/ñid, contre le ms. B, qui porte evam. J!ai
lu: eva, quoique evam soit également receva-
ble.

134,3 !abd#rthaprat(ti) K483,23, !366b8 et PVSVt (DC) portent artha-


prat(ti)/don rtogs pa, contre le ms. B, qui
porte prat(ti), et contre le ms. A, qui porte
!abd#rthaprat(ti). J!ai lu: arthaprat(ti).

134,10 karm#tm# Le ms. B, PVSVt et !367b6 portent karm#tm#


api, contre K484,16"17, sans api. J!ai lu:
karm#tm# api.

135,5 apratipatter li%g#bh#v#t | PVSVt porte rtogs pa med pa!i phyir da% rtags
med pa!i phyir ro, suggérant apratipatte) |
li%g#bh#v#c ca |. K487,16"17 et !370a1"2
semblent accréditer un ca. J!ai lu: aprati-
patte) | li%g#bh#v#c ca.

135,17 tad etat " kram#nyatva' kram#nyatva' n!apparaît ni dans PVSVt, ni


dans le ms. B, et «in rasura» dans le ms. A. A
lire !371a5"6 et K489,12, kram#nyatva'
paraît une glose à tad etat. J!ai lu: tad etat
pratipada' var"#nyatve.

136,3 k#laparih#re"a PVSVt, K490,5 et !372a2 portent anyonya'


k#laparih#re"a/dus phan tshun spa%s nas, où
il est difficile de déterminer si anyonyam est
ou non un élément de glose destiné à rétablir
Amendements au texte de l!édition GNOLI 499

la symétrie avec PVSV 135,23"136,1 (anyo-


nyade!aparih"re#a). J!ai lu: anyonyak"la-
parih"re#a.

(Ms. A, folios 83"85 perdus, 136,11"141,8)

136,12 yath" svavar#"° PVSVt, K491,22 et !372b4 portent yath"sva-


var#"°. J!ai lu: yath"svavar#"°.

136,14 k"ryat"vi!e$a Le ms. B et K491,26 (prat%ka) portent k"rya-


t"vi!e$a, alors que K491,27 et Vibh. 384n. 2
portent k"ryavi!e$a, visiblement avec PVSVt
et !372b8, qui portent !bras bu khyad par can.
J!ai lu: k"ryat"vi!e$a, quoique k"ryavi!e$a
soit également recevable.

136,14"15 jñ"najanak"n"m GNOLI tire jñ"najanak"n"m de PVSVt (!es pa


skyed par byed pa), alors que le ms. B porte
jñ"najanan"m (sic!), K491,27, Vibh. 384n. 2
et !372b7"8 portant jñ"najananasamarth"-
n"m, «perhaps K"s reading»). Skt. janana-
ayant mêmes sens et valeur adjectivaux que
skt. janaka-, j!ai lu: jñ"najanan"n"&.

(Omission par inadvertance dans le ms. B, 136,17 > 139,11: PLUS DE MSS.!)

136,20"21 na ca etad° PVSVt et !373a6"7 sans équivalent de ca,


contre K492,11, qui porte na ca etad°. J!ai lu:
na etad°.

136,21"22 yatsaty eva bhavati Extrêmement elliptique, l!expression s!appa-


rente à une formule, à comprendre comme
suit: K492,12"13 yat saty eva bhavati | yasmin
saty eva yad bhavati |; !373a7 ga' yod na
!gyur ba ste | ga' yod na ga' !bras bur gyur
pa (PVSVt ga' yod na !gyur ba). J!ai lu: yat
saty eva bhavati.

136,23 bhavati iti PVSVt, K492,17 et !373b3 sans équivalent de


iti. J!ai lu: bhavati.
500 Appendice C

137,1 tath!bh"ta° K492,31!493,10 porte tath!vidha, PVSVt et


!373b7/374a2!3 portant de lta bur gyur pa.
J"ai lu: tath!vidha°.

137,3 upayukt!nupayuktayor PVSVt porte ñe bar sbyor ba da# ñe bar sbyor


ba ma yin pa!i gnas skabs dag la, corroboré
par K493,16!17 qui, glose ou non, porte upa-
yukt!nupayuktayor avasthayo$. Upayukt!nu-
payuktayor avasthayor est également receva-
ble.

137,4 %abdasvabh!v!sa&spar%' K493,21!22 porte %abda°, contre PVSVt et


!374a8, qui portent svabh!v!sa&spar%', éga-
lement recevable.

137,4!5 tasy! k!ra(atvaprasa#g!t Lire: tasya ak!ra(atvaprasa#g!t.

137,21 tatsvabh!v!siddhe$ PVSVt et !376b6 portent de!i ra# b)in ma


grub pa!i phyir; cependant, K496,12 porte tat-
svabh!vatv!siddhe$, et toutes les explications
ultérieures de ! et K semblent impliquer des
lectures en °tva. J"ai lu: tatsvabh!vatv!-
siddhe$.

138,2 °ayog!t K496,21 et !377a3 ne portent que p"rv!pa-


rabh!vo virudhyate, contre PVSVt, qui porte
mi ru# ba!i phyir ro. La teneur et la structure
des commentaires interdisent de voir là une
raison justifiant la proposition précédente
(noter aussi l"introduction par ki& ca chez ! et
K). J"ai lu: °ayoga$.

138,7!8 as!dhanatvam S et PVSVt portent as!dhanatvam, contre


K499,27 et !378a2!3, qui portent as!dhanam,
également recevable.

138,12 eva& PVSVt et !378b1 portent nus pa kho na yin no


(%akyam eva), contre K500,15 et S, qui portent
eva&, qu"on justifie sans peine aussi. J"ai lu:
eva.
Amendements au texte de l!édition GNOLI 501

138,13 api ca K500,17 porte ki! ca, PVSVt et !378b1


portant g"an ya#, et S étant sans équivalent de
ki! ca/g"an ya#. J!ai lu: ki! ca.

(Suite du ms. B, 139,11)

139,18 jñ$nasya K504,17, PVSVt et !381b4 portent tajjñ$na-


sya/de!i %es pa. J!ai lu: tajjñ$nasya.

140,13 janan$d asamarthasya J!ai lu: janan$t | asamarthasya.

(Reprise du ms. A, 141,8)

141,17 tasm$n na apauru&eya' Le ms. B, PVSVt, K510,19 et !387a3 portent


tasm$t pauru&eya'/de bas na skyes bus byas
pa yin no, contre le ms. A, qui porte tasm$n
na apauru&eya'. J!ai lu: tasm$t pauru&eya'.
Appendice D
Nescience, fautes morales et destruction des fautes morales

1. Dans PVSV 111,19!112,3, PV II.196 et PV II.213, Dharmak!rti


identifie nescience (avidy! = moha = ajñ!na) et vue personnaliste
(satk!yadar"ana).1 Comme l"a noté VETTER, cette conception dé-
solidarise pour partie Dharmak!rti de Vasubandhu, et le rapproche
du #!listamba S$tra.2 Dharmak!rti ne s"explique nulle part sur cette
identification (dans PVSV 111,19!112,3, il évacue le reproche
d"une contradiction avec les Écritures sur la base de considérations
d"ordre herméneutique). Notre meilleure source d"explication con-
siste dès lors dans les commentaires donnés à PV II.213cd!214a,
où Dharmak!rti, après avoir identifié moha (source des souillures,
mala) et satk!yadar"ana, expose sa conception de la nescience
comme perception erronée (mithyopalabdhi).
Dans une démarche étroitement parallèle à celle de AKBh 140,26!
28 (sous AK III.28cd), les commentateurs cherchent à définir la
nescience. Selon Devendrabuddhi,3 la «science» (vidy!) est per-

1
Sur la satk!yad%&'i, voir RAHDER 1932, LA VALLEE POUSSIN 1980: V.15!
17nn. 2!3 et LAMOTTE 1981: 737n. 3; voir aussi TVBh 23,12 (up!d!na-
skandhe&v !tm! iti dar"anam !tmad%&'i( satk!yad%&'ir ity artha( |) et 29,21
(satk!yad%&'ir yat pañcasu up!d!naskandhe&v !tm!tm)yadar"anam |). Que
c"est bien l"ignorance souillée qui est satk!yad%&'i ressort clairement de PVA
145,12!13 (avec k. 886): kli&'o hi moha( satk!yadar"anam eva | arhat!* tu
yad ajñ!na* na tat kli&'am ato na te | mohe !py ayuktasant!n! h)nasatk!ya-
dar"an!( ||.
2
Voir VETTER 1990: 25!26 et 112!114. «Pour partie», car AKBh 291,5!6
(sous AK V.20ab) identifie moha et (notamment) satk!yad%&'i (LA VALLEE
POUSSIN 1980: IV.41!42; voir aussi 1980: II.84). Voir notamment "S cité
dans PrP 562,14sq (MAY 1959: 269); SCHMITHAUSEN 1987: II.517!519 = n.
1421, YAITA 1988: 443n. 50, et, selon PVP P107a2, le Da"abh$mika S$tra
("di ñid la ya+ ma rig pa"i yan lag bstan pas bdag tu lta ba bstan pa yin no ||).
3
PVP P105b3. Voir aussi PV# P134b2!3/D113b7!114a1 = PVSV# 209,20!
504 Appendice D

ception objective (bh!t"rthadar#ana). La nescience pourrait donc


être: (1) autre que vidy", (2) absence de vidy", (3) contradictoire de
vidy".4 Elle n!est pas simplement autre que vidy", car alors les
visibles (r!p"di, ou cak$usAKBh) aussi seraient nescience.5 Elle n!est
pas non plus absence de vidy", (a) parce qu!elle ne serait pas la
cause des dispositions formatrices (sa%sk"ra) étant donné qu!une
absence (abh"va) n!est pas une cause;6 (b) parce que l!absence de
vidy" (c!est-à-dire asamprakhy"na, la «non-clarté») se prolonge, à
l!état non souillé (akli$&a), par-delà le Nirv!"a.7 Il s!ensuit donc
que la nescience est un événement distinct (dharm["ntar]aAKBh),
contradictoire et contrecarrant de vidy".8
Dharmak#rti avance un autre argument pour montrer que la nes-
cience a nature de connaissance: en tant qu!elle est un événement
mental (caitta), c!est-à-dire un dharma associé à la pensée (citta-
samprayukta), la nescience est perception.9 Les commentateurs
l!expliquent en empruntant à l!AK(Bh) sa définition de «sam-
prayukta»10: en tant que mental associé à la pensée, la nescience

21: bh!t"rthagraha'a% vidy" | tadvirodh"d vikalpa eva avidy" |; puis, PV$


P134b3"4/D114a1"2 = PVSV$ 209,22"23: yath"vasthitavastvagraha'a% hi
vikalpasya svabh"va( prak)ty" bhr"ntatv"t tasya |.
4
PVP P105b3"4, PVA 145,25"146,3, PVV 85,6"7.
5
PVP P105b4, PVA 145,23"24.
6
PVP P105b4"5, PVA 145,23.
7
PVA 145,23, PVV 85,5"6.
8
PV II.213a/c, PVP P105b5"6, PVA 145,24"146,3. Noter aussi Upaniban-
dhana sous MSa%gr I.6.2, traduit LAMOTTE 1973: 16.
9
PV II.213b: caittatvenopalabdhita(.
10
PVP P106a6"7, PVA 146,3"5, PVV 85,8"9: "#ray"lamban"k"rak"ladravya-
samat"bhi((a) sama% prayukt" iti(b) samprayukt"((c), où (a) = AKBh 62,9, (b)
= AKBh 62,7, (c) = AK II.34d1. AKBh 62,9"10: pañcabhi( samat"prak"rair
"#ray"lamban"k"rak"ladravyasamat"bhi( | k" iya% samat" | yath" eva hy
eka% cittam eva% caitt" apy ekaik" iti |. «La pensée et les mentaux sont
associés en raison de cinq égalités ou identités (samat"), identité d!appui
("#raya), d!objet ("lambana), d!aspect ("k"ra), de temps (k"la); égalité dans
le nombre des dravyas. C!est-à-dire: les mentaux (sensation, etc.) et la pensée
sont associés (1"3) parce qu!ils ont même point d!appui, même objet, même
Nescience, fautes morales, etc. 505

partage avec cette dernière un point d!appui, un objet, un aspect,


etc. Or visibles et non-clarté ne sont liés à aucun objet ni aspect11:
ils ne sont donc pas des mentaux, et donc pas la nescience. Tels
sont les arguments rationnels (yukti). Ceux-ci s!augmentent de ré-
férences scripturaires12: Devendrabuddhi cite nommément le Can-
draprad!pasam"dhi (= Sam"dhir"ja) et le Da#abh$mika S$tra.13
Deux arguments rationnels et un argument scripturaire posent donc
que la nescience se définit comme perception erronée: l!accord
avec Vasubandhu est jusqu!ici linéaire.
L!obstacle majeur à l!identification entre nescience et vue person-
naliste tient au fait que Vasubandhu se refuse catégoriquement à
identifier la nescience à la vue fausse (d%&'i), notamment parce que
la vue fausse est associée à la nescience,14 en tant que toutes deux,
distinctes mais associées, appartiennent à toute pensée souillée (i.e.
sont kle#amah"bh$mika). Comme le disent les objections introduc-
tives de PV II.214a, si la nescience est identique à la vue fausse, le
sens de samprayukta est perdu, et l!Écriture15 ipso facto contredite.
Voici la solution des commentateurs: selon eux, ce passage (ou: le
terme «samprayukta») doit s!entendre comme on entend les ex-
pressions «pal"#ayukta( vanam», ou «p")iyukta( #ar!ram», c!est-
à-dire: la forêt est pal"#asvabh"va eva, ou: le corps est (i.a.) p")i-
svabh"va eva. Entre ces termes comme entre nescience et vue per-
sonnaliste, subsiste un rapport d!instancié (ekade#in) à instanciant

aspect; (4) parce qu!ils sont simultanés; (5) parce que, dans cette association,
chaque espèce est représentée par un seul individu (dravya): à un moment
donné ne peut naître qu!une seule pensée; à cette unique pensée se trouvent
associés une sensation (eka( vedan"dravyam), une notion, un mental de
chaque espèce.» Traduction LA VALLEE POUSSIN 1980: I.178.
11
PVV 85,9"10.
12
PV II.213d1: ukte*.
13
PVP P106b4"5 et 106b5"107a2 resp.; comparer PVA 146,5"7 et PVV
85,10"12.
14
AK III.29c: d%&'es tatsamprayuktatv"t.
15
D%&'isamprayukt" avidy" iti, dans PVP P107a7"8, PVA 146,15"16, PVV
85,15"16.
506 Appendice D

(ekade!a),16 d!universel (s"m"nya) à particulier (vi!e#a).17 Ainsi la


contradiction apparente avec l!Écriture se résout-elle par ces rap-
ports: la vue personnaliste est un particulier/instanciant de la nes-
cience (universel/instancié), laquelle se réduit dès lors tout entière
à la vue personnaliste (on dirait donc: avidy" satk"yadar!anasva-
bh"v" eva).
2. PVSV 111,11"20 identifie nescience et vue personnaliste, y
trouve la source de toutes les fautes morales,18 décrit la procession
(krama) des fautes morales à partir d!elle(s).19 Le motif se retrouve
dans PV II20: «L!hébétude est la racine[, c!est-à-dire la cause origi-
nelle,] des fautes [morales], et l![hébétude, c!est] la croyance en un
être [personnel, c!est-à-dire la vue du soi et du sien].» Dans PV
II.211, Dharmak!rti affirme également que21 «concupiscence et a-
version ont une matrice unique[, c!est-à-dire une cause unique], la
croyance au soi.» Les fautes morales procèdent ultimement de la
surimposition qu!est la croyance en, l!adhésion à et la vue (resp.
graha, abhinive!a, d$#%i/dar!ana) d!un soi substantiel, permanent,
personnel ("tman, «soi» qui s!exprime sous la forme du «je»,
aham/aha&k"ra)22: «La vue innée d!un être [personnel] consiste
dans l!idée même du "je! [qui est à l!#uvre] chez qui convoite:
"Puissé-je être heureux!, ou: "Puissé-je n!être point malheureux!;
en effet, nul ne s!attache au soi qui ne voit un "je!.» Appliquée en
premier lieu aux constituants appropriés de la pseudo-personne, la

16
PVP P107a8"b3, PVV 85,16"17 et Vibh. 85n. 10.
17
PVP P105b2"3, PVA 146,20"22, PVV 85,19"21 et Vibh. 85nn. 12"13.
18
Voir les références de VETTER (1990: 113"114n. 3) et de YAITA 1988: 443n.
50. Noter TVBh 15,3"4: tath" hy "tmad$#%iprabhav" r"g"daya' kle!"' (pour
le contexte de cette remarque, voir n. 32, p. 509).
19
PV# P300a2/D252a7 = PVSV# 401,25"26 et PVV 367,3.
20
PV II.196ab1: moha! ca m(la& do#")"& sa ca sattvagraha'.
21
Adapté de PV II.211: "tmagrahaikayonitv"t ! r"gapratighayo'.
22
PV II.200"201ab: sukh* bhaveya& du'kh* v" m" bh(vam iti t$#yata' | yaiv"-
ham iti dh*' saiva sahaja& sattvadar!anam || na hy apa!yann aham iti snih-
yaty "tmani ka!cana |. Sur la sahaj" satk"yad$#%i', voir VETTER 1990: 113n.
3, et ELTSCHINGER (à paraître 3, §§1.2 et 3.2).
Nescience, fautes morales, etc. 507

notion du soi est indissociable de l!idée du «sien» (!tm"ya, qui


s!exprime sous la forme du «mien», mama), comme l!affirme PV
II.220ab23: «[Une personne] attachée au soi n!est assurément pas
détachée du sien [en tant que celui-ci est le moyen ordonné à la
jouissance de ce soi].» C!est ce processus de surimposition person-
nalisatrice et appropriatrice, ainsi que son résultat, la soif (t#$%!),
que décrit en termes abhidharmiques PV II.27024: «Ayant surimpo-
sé aux quatre Vérités Saintes les seize aspects irréels de stabilité,
de bonheur, de mien et de moi, etc., [la personne ainsi affectée de
la vue personnaliste, recherchant l!expédient au bonheur de ce soi,]
éprouve la soif.» Une fois posés le soi et le sien, la pseudo-person-
ne éprouve soif et concupiscence pour ce qui n!est pas soi et sien,
haine et aversion pour ce qui, n!étant pas soi et sien, offre résis-
tance et frustration au soi et au sien25: «Lorsqu!il y a un soi [pour
une personne donnée], la notion de l!autre [intervient à sa suite]; de
[cette] division en soi et autre [procèdent] prise et hostilité, et liées
à ces deux-ci naissent toutes les fautes [morales, telles concupis-
cence, envie et avarice].» Devendrabuddhi explique ainsi la notion
de l!autre26: «Tant que la connaissance adhère au !soi!, [il y a]
notion du soi, et lorsque cette [notion-là] existe [chez une person-
ne], tout ce que [cette personne] n!appréhende pas de cette façon-
là[, c!est-à-dire comme soi,] est autre [qu!elle]: telle est la notion

23
PV II.220ab: niyamen!tmani snihya&s tad"ye na virajyate |.
24
PV II.270: sthira& sukha& mam!ha& cety!di satyacatu$'aye | abh(t!n $o)a-
*!k!r!n !ropya parit#$yati ||. Chacun de ces aspects est contraire (vipar"-
ta/phyin ci log) à un aspect réel des Vérités: voir PVP P134a5"7, PVV
102,20"21, ELTSCHINGER (à paraître 3, §3.1). Sur les seize aspects des Véri-
tés, voir AK VI.17c1 et AKBh 343,16"19 (LA VALLEE POUSSIN 1980:
IV.163) et AKBh 400,2"401,17 (sous AK VII.13a, LA VALLEE POUSSIN
1980: V.30"39). Pour du+khasatya: anitya/pratyay!dh"natva, du+kha/p")an!-
tmakatva, *(nya/!tm"yad#$'ivipak$a et an!tmaka/!tmad#$'ivipak$a.
25
PV II.219: !tmani sati parasa&jñ! svaparavibh!g!t parigrahadve$au | ana-
yo+ sampratibaddh!+ sarve do$!+ praj!yante ||.
26
PVP P110b4"5: ji srid du blo bdag ces m,on par -en pa de srid du bdag tu
!du *es pa da, | de yod na de ltar mi !dzin pa ga, yin pa de thams cad g-an
yin no -es bya ba ni g-an !du *es pa!o ||.
508 Appendice D

de l!autre.» !"kyabuddhi et Kar#akagomin expliquent de la façon


suivante la dérivation de l!hostilité à partir de l!attachement27: «On
n!a d!hostilité que pour ce qui [nous] résiste en s!opposant à ce qui
est l!objet de [notre] attachement au soi et au sien. Par conséquent,
il n!y a pas d!hostilité sans attachement au soi et au sien.» PV
II.218"219 décrit le même processus général, en insistant sur l!en-
chaînement à l!existence qu!entraîne la séquence vue du soi $ at-
tachement $ soif $ appropriation; Dharmak%rti y polémique
contre un adversaire qui, se justifiant de B&U IV.5.6,28 affirme que
la délivrance s!obtient par la cultivation du soi29 et non par l!intui-
tionPVA ou la cultivationPVV de l!insubstantialité. Dharmak%rti ré-
pond30: «La [personne] qui voit un soi [éprouve] pour ce [soi] un
attachement continuel [sous la forme d!un] 'je!; de par [cet] at-
tachement [au soi], elle éprouve de la soif pour les bonheurs [du
soi, et cette] soif [pour les bonheurs du soi lui] cache les défauts
[des choses impures supposées occasionner ces bonheurs]. [Leur]
voyant [au contraire] des qualités [et les] convoitant [ardemment,
cette personne] s!approprie [comme étant] 'siens! les moyens de
réaliser ces [bonheurs]; donc [puisque la naissance s!enracine dans
la vue du soi], la [personne qui voit un soi demeure] dans l!existen-
ce migratoire tant qu!en dure l!adhésion au soi.»
3. PV II.144 établit l!impermanence des fautes morales et la pos-
sibilité de leur destruction31: «Puisque [les fautes morales] ont une
cause[, il est inétabli qu!elles soient permanentes; et] puisqu!on dé-
truit [leur] cause grâce à la pratique répétée du contraire de [cette]
cause[, il est inétabli qu!il n!existe pas de moyen].» Selon les com-

27
PV( P300b2/D252b5"6 ) PVSV( 402,13"14: !tm!tm"yasnehavi#ayabh$ta-
virodhena ya% sthita% pratik$lavart" tatra eva dve#a% | tasm!n na !tm!tm"ya-
sneham antare&a dve#a iti |.
28
Voir OLIVELLE 1998: 129.
29
PVA 146,30"31: !tmabh!vana; PVV 86,25"26: !tmabh!van!.
30
PV II.217"218: ya% pa'yaty !tm!na( tatr!sy!ham iti '!'vata% sneha% | sne-
h!t sukhe#u t)#yati t)#&! do#!(s tiraskurute || gu&adar'" parit)#yan mameti
tats!dhan!ny up!datte | ten!tm!bhinive'o y!vat t!vat sa sa(s!re ||.
31
PV II.144ab: hetumattv!d viruddhasya hetor abhy!sata% k#ay!t |.
Nescience, fautes morales, etc. 509

mentateurs, leur cause est la vue du soi (!tmadar"ana); le contraire


dont la pratique répétée les détruit est la perception de l!insubstan-
tialité.32 PV II.135 explicite et confirme ce principe33: «Produit par

32
PVP P69a1: nair!tmyadar"ana; PVV 61,3: nair!tmya. Régulières encore
dans ce contexte, les expressions nair!tmyad#$%i, nair!tmyajñ!na, nair!tmya-
m!rga et "&nyat!d#$%i (où l!on vise pudgala° et non dharma°). Pour Dharma-
k!rti, ces expressions notent m!rga. Le Chemin, perception de l!insubstan-
tialité, est le contrecarrant (vipak$a), l!antidote (pratipak$a), l!annulateur
(b!dhaka), de la cause des fautes morales, la vue personnaliste (VETTER
1990: 41n. 2 a raison: ici, vipak$a = pratipak$a = b!dhaka; voir AKVy
626,14"15 ad AKBh 400,2"3, et TVBh 15,2"5: pudgaladharmanair!tmya-
pratip!dana' puna( kle"ajñey!vara)aprah!)!rtham | tath! hy !tmad#$%i-
prabhav! r!g!daya( kle"!( pudgalanair!tmy!vabodha" ca satk!yad#$%e(
pratipak$atv!t tatprah!)!ya pravartam!na( sarvakle"!n prajah!ti |. «Et ex-
poser l!insubstantialité de la personne et [celle] des choses sert à éliminer les
obstructions que sont les passions et [les obstructions faisant écran] au con-
naissable. C!est ainsi en effet que les passions de concupiscence, etc., s!origi-
nent à la vue du soi. Et puisque la compréhension de l!insubstantialité de la
personne est l!antidote de la vue personnnaliste, celui qui [la] met en #uvre
afin d!éliminer cette [vue] élimine toutes les passions.» La source de nair!-
tmya°/"&nyat!d#$%i est décrite dans PV II.252"253: sa'sk!radu(khat!' ma-
tv! kathit! du(khabh!van! | s! ca na( pratyayotpatti( s! nair!tmyad#g-
!"raya( || muktis tu "&nyat!d#$%es tadarth!( "e$abh!van!( | anity!t pr!ha te-
naiva du(kha' du(kh!n nir!tmat! ||. «[C!est] en pensant à la dolorosité-con-
ditionnement (sa'sk!radu(khat!) [que le Bienheureux a] professé la culti-
vation de la douleur[, et non en visant la dolorosité-douleur]. Or pour nous
[bouddhistes], la [dolorosité-conditionnement, c!est] la production condition-
née* (pratyayotpatti), et cette [dernière] est le point d!appui** de la vue de
l!insubstantialité. Quant à la libération [du Sa"s#ra, elle provient] de la vue
de la vacuité [d!être personnel, et c!est] à cette [vue que] servent les cultiva-
tions restantes: voilà pourquoi [le Bienheureux] a enseigné la douleur à partir
de l!impermanence (anitya), l!insubstantialité à partir de la douleur.» *PVP
P125b8"126a1: rkyen las byu* | d*os po skad cig ma rnams ni rgyu!i g+an
dba* ñid yin no ||; PVV 97,1: pratyayotpattir hetup!ratantryam |. **PVP
P126a1"2: bdag med lta rten yin | bdag med pa ñid mtho* ba skye ba!i thabs
yin te |; PVV 97,1"2: !"raya( k!ra)am.
33
PV II.135: !tm!tm,yagrahak#ta( sneha( sa'sk!ragocara( | hetur virodhi
nair!tmyadar"ana' tasya b!dhakam ||. PVP P64a5"6 précise: sdug bs*al du
gyur pa!i !dus byas bdag da* bdag gi da* bral ba la | bdag da* bdag gi!i
rnam par m*on par +en pas !jug pa.
510 Appendice D

la croyance au soi et au sien, l!attachement portant sur les disposi-


tions formatrices est la cause [de la douleur]; contradictoire de cet-
te [cause], la perception de l!insubstantialité en est l!annulatrice.»
Selon PV II.266ab et PV I.220, la prédominance de nair!tmyad"#$i
tend à affaiblir les fautes morales, alors que la prédominance de
leur cause tend à les renforcer34: «[Les fautes morales] diminuent
ou augmentent selon qu![en] prospère[, par la pratique répétée,]
l!antidote ou l!auxiliaire [respectivement].» Devendrabuddhi et
Manorathanandin expliquent «antidote» par «perception de l!in-
substantialité»,35 et «auxiliaire» par «connaissance erronée, soif,
etc.» (*mithy!jñ!nat"#%!de&, PVP P131b8"132a1), et par «réfle-
xion incorrecte» (ayoni'omanask!ra, PVV 101,10"11).36 La prati-
que répétée de l!antidote ou contrecarrant entraîne une diminution
graduelle de la vue personnaliste37: «Même si dans un premier
temps la cause des fautes [morales] n!est pas entièrement annihilée
puisque [son] antidote n!a pas [atteint son] acuité maximale, les
fautes [morales] décroissent néanmoins jusqu!à devenir de plus en
plus ténues puisque [leur] cause voit sa capacité faiblir en raison de
la pratique répétée de [son] antidote.» Une fois le contrecarrant à
son maximum, les fautes morales et leur source sont entièrement et
définitivement taries: pratiqué avec assiduité, le contrecarrant es-
sencifie38 désormais la série psychique.

34
D!après PV II.266ab: nirhr!s!ti'ay!t pu#$au pratipak#asvapak#ayo& |.
35
PVP P131b8 et PVV 101,10.
36
Telle est également l!interprétation de PV! P296a6"7/D249b6"7 " PVSV!
398,25"26 sous PVSV 110,21 (vikalpaprabhav!&). Voir n. 42, p. 513.
37
Librement sur PV! P296b1"3/D250a1"2 " PVSV! 398,29"31: yady api t!-
vad do#anid!nasya sarvad!* na uccheda& pratipak#asya atyantap!$av!-
bh!v!t | tath! api pratipak#!bhy!s!n mand(k"tas!marthy!d up!d!n!d apaka-
r#i%a& k#!mak#!matar! do#! bhavanti iti. *Lu sarvath! d!après rnam pa
thams cad du. Sur abhy!sa, voir ELTSCHINGER (à paraître 3, §3.3). Voir aussi
TSP 875,10"22.
38
Je rends, faute de mieux, s!tmya et s!tmatva par «essentialité», s!tm(bh!va
par «essencification», s!tm(bh)ta par «essencifié», malgré que SCHMITHAU-
SEN (1973: 150"151) ait défendu la traduction: «[zur-]Gewohnheit[!gewor-
den-Sein].» La valeur de l!habituation est assurément impliquée, mais les
Nescience, fautes morales, etc. 511

4.1. Dans PVSV 110,23!25, un adversaire introduit l"objection sui-


vante39: «Comment [dire une personne] !dénuée de fautes [mora-
les]! puisque, tout comme le contrecarrant [peut selon vous] se
produire chez une [personne] qu"essencifient les fautes [morales],
les fautes [morales pourraient] tout aussi bien se produire, selon les
conditions, même chez [une personne] qu"essencifie le contrecar-
rant aux fautes [morales].» L"objection réapparaît dans PV II40:
«[Objection:] Comme le Chemin [peut apparaître chez une person-
ne que les fautes morales essencifient], les fautes [morales peuvent
elles aussi ré]apparaître même s"il y a essencification [par le Che-
min; on ne se délivre donc pas définitivement des fautes morales].»
A cela, Dharmak"rti répond41: «Non, car [les fautes morales sont

gloses suggèrent que ces termes notent le résultat de cette habituation, la


«(co)naturalité»: PVSV# 401,15 gl. s!tmya (P PVSV 111,8) par svabh!vatva;
PVV 86,20 gl. s!tmya (PV II.206) par prak"titva pr!pta; PVV 86,20!21 gl.
s!tmatva (PV II.216) par prak"titva; PV# P295a8!b1/D249a5 = PVSV#
398,9!10 gl. s!tm#bh!va$ (P PVSV 110,18) par tadaurjatya% tanmayat!, «son
intensité [et] le fait que [la série] en consiste.» Le terme «essencification» me
paraît rendre les deux aspects du vocable, habituation et naturalité subsé-
quente. Sur s!tm#bh!va et s!tm#bh&ta, voir aussi TS n°5cd et surtout TS
n°3438!3440.
39
PVSV 110,23!25: katha% nirdo'o n!ma | y!vat! do'avipak'as!tmatve !pi
do'as!tmano vipak'otpattivad yath!pratyaya% do'otpattir api |. Voir aussi
TSP 870,28!871,6.
40
PV II.205cd1: s!tmye !pi do'abh!va( cen m!rgavat.
41
PV II.205d2!210: n!vibhutvata$ || vi'ayagraha)a% dharmo vijñ!nasya yath!-
sti sa$ | g"hyate so !sya janako vidyam!n!tmaneti ca || e'! prak"tir asy!s tu
nimitt!ntarata$ skhalat | vy!v"ttau pratyay!pek'am ad"*ha% sarpabu-
ddhivat || prabh!svaram ida% citta% prak"ty!gantavo mal!$ | tatpr!g apy a-
samarth!n!% pa(c!c chakti$ kva tanmaye || n!la% praro*hum atyanta% sya-
ndiny!m agnivad bhuvi | b!dhakotpattis!marthyagarbhe (akto !pi vastuni ||
nirupadravabh&t!rthasvabh!vasya viparyayai$ | na b!dh! yatnavattve !pi
buddhes tatpak'ap!tata$ ||. Sur PV II.205!210, voir SEYFORT RUEGG 1969:
435!437, SCHMITHAUSEN 1973: 139 et 150!151, VETTER 1990: 105!110,
JACKSON 1993: 413!420, FRANCO 1997: 84!93 (qui porte surtout sur PV
II.208) et ELTSCHINGER 2005b: 180!197. Sur le motif de la pensée lumineu-
se par nature, voir SEYFORT RUEGG 1969: 409sq, LAMOTTE 1987: 51!60, et
les passages parallèles de TS(P) n°3434!3440. PV II.210 reproduit PV I.221,
512 Appendice D

dans l!]incapacité [de réapparaître dans l!esprit d!une personne que


le Chemin essencifie]. Appréhender un objet est la propriété de la
connaissance[, qui] appréhende cet [objet] tel qu!il est[, sous ses
aspects d!impermanence, etc.]; et [c!est] par [son] être [réellement]
existant [que] cet [objet] génère cette [connaissance]. Telle est la
nature [de la connaissance]. Mais déviant de cette [nature-ci] par
[le fait d!]une autre cause, aussi infirme que [l!est] la connaissance
d!un serpent [pour une corde], elle nécessite le recours [aux mo-
yens de connaissance valide] afin de se départir [de cette altéra-
tion]. L!esprit est lumineux par nature, [alors que] les souillures
[telles que la vue du soi ou la concupiscence] sont adventices.
Donc incapables [d!annuler la nature propre de l!esprit] déjà avant
[la perception de l!insubstantialité], combien moins [ces souillures
en seront-elles] capables après[, une fois établie la pratique répétée
de cette perception], vis-à-vis d!un [esprit] qui [désormais] consiste
dans ce [Chemin! Mais] même [si elle en était] capable, [la souil-
lure mentale] ne pourrait se développer pleinement dans une enti-
té[, la série psychique,] qui consiste essentiellement dans la capaci-
té de produire un annulateur, comme le feu [ne peut se développer]
sur un sol ruisselant. [Les fautes morales qui en sont] les contraires
n!annulent pas [le Chemin, c!est-à-dire la perception de l!insub-
stantialité,] nature propre sans affres et possédant un objet réel, car
même à s!efforcer [en quelque façon de les ressusciter], la connais-
sance incline [au Chemin doté de qualités, l!antidote aux fautes
morales].» Nous avons vu plus haut que fautes morales et vue per-
sonnaliste d!un côté, perception de l!insubstantialité = Chemin de
l!autre, entrent dans un rapport d!antagonisme, que le renforcement
d!un pôle affaiblit l!autre. Dans PVSV 110,23"111,11 et PV

et dans son commentaire à PV I.221 (°bh!t"rtha°), !"kyabuddhi introduit et


cite PV II.208 (PPV# P297b3"6/D250b4"6: ya# dag pa!i don smos pa ni sems
kyi don yin te | de la sgro btags pa!i rnam pas !jug pa de ni !khrul pa yin no ||
de ya# sems kyi ra# b$in ma yin pa de ñid kyi phyir ñes pa ni glo bur ba dag
yin te | sgro btags pa!i rnam pas !jug pa ñid kyi phyir ro || re $ig goms par ma
byas pa!i lam gyi gnas skabs la ya# lam gyi sems ni tshad ma!i grogs ñid yin
pa!i phyir ra# b$in ñid du rigs na ci goms par byas pa!i lam la ya# ma yin | de
ya# le!u gñis pa las [PV II.208] $es bya ba la sogs pas gsal bar byed par
!gyur ro ||).
Nescience, fautes morales, etc. 513

II.205!210, Dharmak!rti entreprend d"expliquer ce rapport de con-


trariété: les fautes morales sont en tout point les contraires (vipa-
ryaya) de la perception de l"insubstantialité/Chemin. Considérons
les deux séquences impliquées par ces passages parallèles: pour les
fautes morales, une séquence: abh!t"rthat" # asvabh"vat"; pour
citta, une séquence: bh!t"rthat" # svabh"vat".
4.2. En quoi les fautes morales ont-elles un objet irréel (abh!t"-
rtha)? De ces fautes morales, nos textes soulignent d"abord la pro-
venance et la nature conceptuelles. Selon PVSV 110,21, les fautes
morales s"originent à un donné conceptuel (vikalpaprabhava) que
l"on présente comme réflexion incorrecte (ayoni$omanask"ra): fau-
tes morales et réflexion incorrecte entrent dans un rapport de co-
occurrence (anvayavyatireka).42 Selon PVSV 111,6!7, les fautes
morales naissent par la seule force du substrat (up"d"nabalabh"-
vin), c"est-à-dire par la seule force de l"imprégnation latente d"un
concept erroné.43 On les dit encore naître d"un germe de passion
(kle$ab%ja), provenir d"un germe de même type qu"elles-mêmes.44
En d"autres termes, les fautes morales naissent de ce que nous ran-

42
PV" P296a6!7/D249b6!7 # PVSV" 398,25!26. PVSV 8,20!21: "tm"tm%y"-
bhinive$ap!rvak" hi r"g"dayo !yoni$omanask"rap!rvakatv"t sarvado&otpa-
tte' |. «Les [fautes morales de] concupiscence, etc., sont précédées d"une a-
dhésion au soi et au sien [sous forme de $je# et de $mien#], car la réflexion
incorrecte [qui pose le soi et le sien] précède la naissance de toutes les fautes
morales.» Selon PV" D23a6!b2 et PVSV" 50,27!51,13 (avec étymologie
complète de l"expression), la réflexion correcte est connaissance de l"insub-
stantialité (nair"tmyajñ"na), et saisit l"impermanence, la dolorosité ou encore
l"insubstantialité des entités (pad"rth"n"m anityadu'kh"n"tm"di). Voir aussi
PVV 367,10!11, PV" P301a4/D253a-45 = PVSV" 403,8!9, PVV 101,10
sous PV II.206, et YAITA 1988: 441!442n. 35. Sur l"ayoni$omanas(i)k"ra,
voir LA VALLEE POUSSIN 1980: II.70!72. Sur les rapports qu"entretiennent
ayoni$omanas(i)k"ra et satk"yad(&)i, voir MSa%gr II.20.9 (traduit LAMOTTE
1973: II.115), Param"rthag"th" 20 (WAYMAN 1961: 170), BhK I.215,8sq
(en particulier I.215,10!15).
43
PV" P299a4!5/D251b6 = PVSV" 400,30!401,9: vitathavikalpav"san"bala-
bh"vin (voir aussi PV" P296b6!7/D250a4 = PVSV" 399,9, PV" P ñe
164b5!6, PVP P103a1!3 et PV" P ñe 165b1 ad loc).
44
Resp. PV" P296b5/D250a3 = PVSV" 399,7 et PV II.266.
514 Appendice D

geons l!entier de notre expérience sous les catégories factices et


subrepticement reproduites du moi et du mien.
Nos textes soulignent corrélativement la facticité, le caractère su-
rimpositionnel et erroné des fautes morales et de leur objet. Les
fautes morales sont erronées, obéissent à un aspect erroné45: en tant
que telles, elles ne sont nullement corroborées par les moyens de
connaissance valide.46 Les fautes morales sont dites fonctionner
consécutivement (ou: grâce) à la surimposition d!un aspect erroné,
en vertu de quelque chose d!irréel sur la base d!un aspect surim-
posé; ressortir à la surimposition de quelque chose d!irréel; porter
sur un objet surimposé comme soi et comme sien, auquel on adhè-
re comme soi et comme sien; devoir leur existence à un support
adventice qui n!est autre qu!une connaissance où fonctionne un
aspect surimposé tel que le soi.47
D!origine conceptuelle, c!est-à-dire procédant de germe, substrat
ou imprégnation latente homogènes, les fautes morales ressortis-
sent tout entières à, ou portent sur, un aspect surimposé à une ré-
alité qui ultimement ne le possède pas; nées d!une irréalité et elles-
mêmes irréelles, adventices (!gantuka) donc, elles ne sont pas na-
ture propre, ne constituent pas la nature propre de l!esprit. Voilà
qui explique que PV I.221 = II.210 rapporte aux fautes morales la
séquence: abh"t!rthat! # a[citta]svabh!vat!.
4.3. De l!esprit, les propriétés sont diamétralement opposées: parce
qu!il a un objet réel,48 l!esprit est nature propre, et non surimposi-
45
PV! P ñe 166a3: phyin ci log; PV! P297b3"4/D250b4"5: !khrul pa; PVP
P100b3"4: phyin ci log gi rnam pa da$ rjes su !brel pa.
46
Voir surtout PVP P102b6"7; voir aussi PVP P103a4 et PV! P ñe 164b4"5.
47
PV! P299a6"7/D251b7: phyin ci log gi rnam pa sgro btags nas !jug pa; PVP
P103a4: sgro btags pa!i rnam pa!i sgo nas d$os po med pa!i stobs kyis %ugs
pa; PVA 144,9"10: asadbh"tasam!ropa; PVSV! 401,14"15: !tm!tm&y!-
dhy!ropite "rthe; PV! P300a3/D252b1 = PVSV! 401,26"27: !tm!tm&-
yatvena abhinivi'(e "rthe; PVP P100b3"4: glo bur ba!i rkyen gyi dba$
gis (voir PV! P ñe 164b4"5 ad loc.).
48
Le anity!disvalak'a)a, selon PV! P297b2/D250b4 = PVSV! 399,20. PV!
P297b2"3/D250b4 = PVSV! 399,20"21 (et Vibh. 366n. 2), ainsi que PV!
Nescience, fautes morales, etc. 515

tion erronée, une nature propre ne fonctionnant qu!en vertu de


quelque chose de réel.49
L!impermanence ou l!insubstantialité sont les aspects réels (ya!
dag pa = bh"ta), réellement/actuellement existants (vidyam#na),
d!un objet.50 De cet objet, la nature propre est de générer une con-
naissance de soi-même sous ses aspects réel[lement existant]s, con-
siste dans la capacité même de projeter ces aspects.51 Or selon PV
II.206, c!est précisément la nature propre de l!esprit que d!appré-
hender l!objet tel qu!en sa condition propre, c!est-à-dire les aspects
réel[lement existant]s de cet objet: d!appréhender, donc, l!imper-
manence, l!insubstantialité, etc. En ce sens, la nature propre de
l!esprit consiste en tattvadar$ana.52 De plus, affirmer que l!esprit
possède un objet réel revient à dire que son objet est corroboré par
les moyens de connaissance valide.53
D!après nos textes, la nature propre de l!esprit se peut encore for-
muler de deux façons: d!abord, elle est perception de l!insubstan-

P297b8"298a1/D250b7"251a1 et PVSV! 399,22"23: parce qu!il a un objet


réel, l!antidote/Chemin d!insubstantialité est nature propre de l!esprit.
49
PVP P100b3"4: d!os po!i stobs kyis %ugs pa!i ra! b%in ñid yin pa!i phyir ro ||.
50
Voir aussi, par contraste et en référence aux fautes morales, PVA 144,9"10:
na param#rthato nityatva& kvacit pratibh#ti | tato vic#ra$"nyatv#d #gantavo
mal#' |.
51
Voir PVP P102a5: mi rtag pa la sogs pa!i rnam par yod pa!i yul ga! yin pa!i
rnam pa de ñid kyis ra! gi rnam par $es pa skyed par byed pa yin no %es bya
ba de ni yul gyi ra! b%in yin no ||; PVA 143,7: #k#r#rpa(ak)ama& hi k#ra-
(a& vijñ#nasya vi)aya' |; PVV 82,21"22: vi)ayasya ca sv#k#r#rpa(apra-
v*ttatv#t |. Voir PV III.247b2d dans ELTSCHINGER 2005b: 186"187.
52
Voir PVP P100b3"4: sems kyi ra! b%in ni de kho na ñid mtho! ba!i bdag ñid
can yin; PVP P101a5"6: yul gyi rnam pa yod pa !dzin pa ga! yin pa de ni
sems kyi ra! b%in no ||; PVP P101b2"3: de!i ra! b%in ni ya! dag pa!i yul gyi
rnam pa !dzin pa yin no ||; PVP P103a5"6: sems ni !o bo ñid kyis de kho na
ñid mtho! ba!i bdag ñid can yin la |.
53
Voir PVP P104a4: ya! dag pa!i don gyi ra! b%in yin te | mi rtag pa la sogs
pa!i rnam pa!i yul can ñid yin pa!i phyir ro || des ni tshad ma!i grogs can ñid
yin par b$ad do ||; PVV 366,13"14: bh"t#rthasya pram#(aparid*)+#rtha-
vi)ayatv#t |; PVV 83,24: pram#(asa&v#ditvena bh"t#rthasya saty#rthasya.
516 Appendice D

tialité, connaissance de l!insubstantialité, Chemin de l!insubstantia-


lité;54 ensuite, elle est discernement (vipa!yan"), lequel se définit
comme une sapience (prajñ") percevant l!insubstantialité.55 Ces
trois descriptions de cittasvabh"va s!articulent donc autour de l!ac-
cès cognitif direct à l!insubstantialité: appréhension des aspects
réels de l!objet, perception de l!insubstantialité, prajñ" portant sur
l!insubstantialité. C!est en ce sens que la nature propre de l!esprit
est Chemin, et c!est en ce seul sens qu!il faut entendre l!affirma-
tion selon laquelle l!esprit est «lumineux par nature» (prak#ty"
prabh"svaram).56 Dans la perspective de Dharmak!rti, la nature
propre de l!esprit est appréhension de la réalité vraie: les moyens
de connaissance valide écartent l!erreur humaine, le Chemin (nai-
r"tmyadar!ana, nair"tmyabh"van", nair"tmy"bhy"sa, vipa!yan")
corrige graduellement la déviation de l!esprit en éliminant les
souillures qui en distordent l!activité. Les moyens de connaissance
valide possèdent donc une réelle pertinence sotériologique.57
4.4. Le rapport entre fautes morales et nair"tmya/cittasvabh"va
n!est donc pas celui que propose l!adversaire de PV II.216, c!est-à-
dire celui du cuivre (t"mra) et du feu (où le cuivre, après s!être li-
quéfié sous l!action du feu, se resolidifie dès que cesse le contact
avec le feu, PV II.209), mais celui qu!entretiennent (1) le feu et un
sol gorgé d!eau/ruisselant (syandin$ bh%, où même s!il devait appa-
raître, le feu ne pourrait s!implanter ni développer), et (2) la bûche
(k"&'ha) et le feu (où la bûche, une fois réduite en cendre, bhas-
54
PV" P ñe 164b7"8 résume toute la problématique: d(os po ji ltar gnas pa
b)in du !dzin pas )ugs pa!i bdag med pa!i lam ni sems kyi ra( b)in ñid yin
pa!i phyir ro ||.
55
PVSV" 400,12/13; PV" P299a8"b1/D252a1"2, divergents # PVSV"
401,12"14; PVP P103b7"104a1: ra( b)in ya( lhag mtho( yin; PV" P ñe
166a1: lhag mtho( yin la )es bya ba bdag med pa la dmigs pa!i !es rab bo ||.
Sur vipa!yan", voir ELTSCHINGER 2005b: 192"193n. 133, et BoBh
W109,18"22/D77,10"12, W260,12"14/D177,18"19, W260,23"261,5/D177,
26"178,1.
56
PVP P103a1: !od gsal te | ya( dag pa ji lta ba b)in du !dzin pa!i ra( b)in no ||.
57
Sur la valorisation logico-épistémologique de la classique cint"may$ prajñ",
voir ELTSCHINGER (à paraître 2).
Nescience, fautes morales, etc. 517

man, ne redevient pas bûche, PV II.216).58 D!un côté, la série psy-


chique est intrinsèquement (ontologiquement) imperméable aux
fautes morales: purifiée de toute immixtion adventice grâce à la
pratique répétée du Chemin contrecarrant, elle leur est (mais d!a-
bord devient, comme si elle «devenait ce qu!elle est») un terrain
impropre et hostile puisque par son essence elle est ce Chemin con-
trecarrant;59 de l!autre, l!action du contrecarrant a consumé les fau-
tes morales de façon définitive. Voilà pourquoi selon Dharmak!rti
les fautes morales ne reviennent plus.60

58
Sur ces images, voir aussi TSP 871,27"872,1 et 873,28"874,5, ELTSCHINGER
2005b: 194n. 140 et ELTSCHINGER (à paraître 1, §2.5).
59
Que les fautes morales n!annulent pas la nature propre de l!esprit s!explique
PVSV" 399,25): s!tm"bh#ta$ m!rgam abhibh#ya na do%!&!m utpattir ity
(P
artha' |. PV" P298a2/D251a1"2, sinon identique, porte lam goms par gyur
pa (P pas) zil gyis mnan pas.
60
On peut considérer que l!explication par [pra]yatna et pak%ap!ta, dans PV
I.221 = II.210 et PVSV 111, 1"3 et 9"11, forme un pendant psychologique à
cette explication ontologique; sur ce point, voir aussi PVP P103b7"104a1 et
PV" P ñe 166a1"3 ad loc., PVA 144,21"23 avec les kk. 784"785, et PVV
83,17"21 (introductions à PV II.210). Noter encore, en complément à PV
II.207 traduit p. 512, PVV 366,16"17 sous PV I.221: na hi rajjv!$ niv(tta-
sarpabhrama' sarpa$ bh!vayitu$ yatate ka)cit | bh#t!rthasya dar)an!t |.
«En effet, nulle [personne] ne s!efforce de faire [ré]advenir [à sa connais-
sance] un serpent [alors qu!]a cessé [pour elle] l!illusion trompeuse [précé-
dente qui lui faisait voir] un serpent pour une corde, car [cette personne] a vu
l!objet réel.»
112,6!173,13)
2. L"incréation (apauru!eyat") comme critère de "gamapr"m"#ya (1

112,6!12)
2.1. Position de la M!m"#s": ved"pauru!eyat" permet d"établir vedapr"m"#ya (1

112,12!173,13)
2.2. Critique générale de l"incréation (1

112,12!120,7)
2.2.1. Réponse de Dharmak!rti: ved"pauru!eyat" n"écarte pas le risque de fausseté (1

112,12!113,7)
2.2.1.1. Position générale de Dharmak!rti en théorie du langage (1
Appendice E

113,8!120,7)
2.2.1.2. Une relation incréée entre parole et signification ne permet pas d"établir la véracité (1

113,9!10)
2.2.1.2.1. Énoncé de la position m$m"%saka (1
Analyse de PVSV 112,6!141,11

113,10!114,3)
2.2.1.2.2. Critique n°1: une convention serait alors inutile, car on n"en dépendrait plus (1

113,10!12)
2.2.1.2.2.1. Inutilité de la convention (1

113,13!15)
2.2.1.2.2.2. Objection: la convention sert à révéler la relation incréée (1

113,15!114,3)
2.2.1.2.2.3. Réponse: la relation est alors redondante; la convention suffit à expliquer la compréhension (1
520

113,15!17)
2.2.1.2.2.3.1. Redondance de la relation (1

113,17!18)
2.2.1.2.2.3.2. Objection n°1: la relation est une convenance de la parole (1

113,18!23)
2.2.1.2.2.3.3. Réponse: la relation n"est pas une convenance de la parole (1

113,23!24)
2.2.1.2.2.3.4. Objection n°2: la convention repose sur l"homme, non sur la parole et l"objet (1

113,24!114,3)
2.2.1.2.2.3.5. Réponse: Position générale de Dharmak!rti en matière de relation (1

113,24!25)
2.2.1.2.2.3.5.1. Il n"existe pas de relation réelle, fusion des natures ou dépendance (1

113,25!114,3)
2.2.1.2.2.3.5.2. Ce qu"on nomme "relation# est un avin!bh!va de type causal révélé par une convention (1

114,4!22)
2.2.1.2.3. Critique n°2: contre le niyama (1
Appendice E

114,4!8)
2.2.1.2.3.1. Hypothèse d"un ek!rthaniyama (1

114,4!7)
2.2.1.2.3.1.1. Critique (1

114,7!8)
2.2.1.2.3.1.2. Position de Dharmak!rti (1

114,9!22)
2.2.1.2.3.2. Hypothèse d"un anek!rthaniyama (1

114,9!13)
2.2.1.2.3.2.1. Cette hypothèse interdit toute praxis religieuse au M!m#$saka (1

114,13!22)
2.2.1.2.3.2.2. Inutilité de l"apauru"eyat! (1

114,13!19)
2.2.1.2.3.2.2.1. Inutilité de l"apauru"eyat! (1
114,19)
2.2.1.2.3.2.2.2. Objection: les paroles védiques sont ordonnées par nature à leur signification (1

114,19"20)
2.2.1.2.3.2.2.3. Réponse n°1: elles ne dépendraient alors pas d!un enseignement (1

114,20)
2.2.1.2.3.2.2.4. Réponse n°2: elles ne pourraient révéler une autre signification par une nouvelle convention (1

114,20"21)
2.2.1.2.3.2.2.5. Réponse n°3: il n!y aurait pas alors de diversité exégétique (1

114,21)
2.2.1.2.3.2.2.6. Réponse n°4: l!enseignement des exégètes manque de fiabilité (1

114,21"22)
2.2.1.2.3.2.2.7. Conclusion (1

114,23"115,2)
2.2.1.2.4. Critique n°3: quel type de raison (hetu) préside-t-il à l!établissement de la relation? (1

114,23"24)
2.2.1.2.4.1. Formulation (1
Analyse

114,25"27)
2.2.1.2.4.2. La raison n!est pas un svabh!vahetu fondé sur un t!d!tmyalak"a#a$ sambandha$ (1

114,25)
2.2.1.2.4.2.1. Les objets extramentaux ne sont pas la nature de la parole (1

114,25)
2.2.1.2.4.2.2. La parole n!est pas la nature des objets extramentaux (1

114,27"28)
2.2.1.2.4.3. La raison n!est pas un k!ryahetu fondé sur un tadutpattilak"a#a$ sambandha$ (1

114,27"28)
2.2.1.2.4.3.1. Pas de rapport entre sons et intention du locuteur (1

114,27)
2.2.1.2.4.3.1.1. Les sons permanents ne sont pas produits par l!intention du locuteur (1

114,27"28)
2.2.1.2.4.3.1.2. Les sons permanents ne sont pas révélables par l!intention du locuteur (1
521
522

114,28)
2.2.1.2.4.3.2. Les sons ne dépendent pas des objets extramentaux (1

114,28!115,5)
2.2.1.2.4.4. Conclusion et sa!graha"loka (1

115,5!120,7)
2.2.1.2.5. Critique n°4: la M!m"#s" ne peut admettre de relation ni permanente, ni impermanente (1

115,5!12)
2.2.1.2.5.1. La relation pourrait être (1) permanente; (2a) impermanente et arbitraire; (2b) impermanente et non arbitraire (1

115,6!11)
2.2.1.2.5.1.1. Critique des hypothèses (1) et (2b) (1

115,6!10)
2.2.1.2.5.1.1.1. Les variations régionales de la signification seraient inexplicables (1

115,10!11)
2.2.1.2.5.1.1.2. Réitération de la critique (prasa!ga) de 114,9!13 (1

115,12)
2.2.1.2.5.1.2. Critique de l"hypothèse (2a): une tromperie due à l"intervention humaine est possible (1
Appendice E

115,12!117,16)
2.2.1.2.6. Critique n°5: l"impermanence de l"objet entraîne l"impermanence de la relation (1

115,13!17)
2.2.1.2.6.1. Énoncé de la critique (1

115,17!18)
2.2.1.2.6.2. Objection 1: le genre (j#ti), permanent, est le signifié (1

115,18!116,22)
2.2.1.2.6.3. Réponse, position propre et nouvelle critique (1

115,18!21)
2.2.1.2.6.3.1. Réponse: le genre n"est pas le signifié des paroles (1

115,18!19)
2.2.1.2.6.3.1.1. Aucune utilité pratique (prayojana) à ce que la parole exprime le genre (1

115,19!20)
2.2.1.2.6.3.1.2. Cas des yad$cch#"abda (1
115,20!21)
2.2.1.2.6.3.1.3. La praxis humaine serait impossible si la parole exprimait le genre (1

115,21!116,2)
2.2.1.2.6.3.2. Position propre: la relation consiste en un avin!bh!va, et est le produit d"un habitus humain (1

116,2!22)
2.2.1.2.6.3.3. Nouvelle critique: si la relation périt avec le corrélat, les corrélats futurs seront inexprimables (1

116,2!4)
2.2.1.2.6.3.3.1. Énoncé de la critique (1

116,4!7)
2.2.1.2.6.3.3.2. Objection n°1: la relation est coproduite avec l"objet (1

116,8!22)
2.2.1.2.6.3.3.3. Réponse et position propre (1

116,8!17)
2.2.1.2.6.3.3.3.1. Réponse: cette hypothèse implique pour la parole un changement de nature propre (1

116,18!22)
2.2.1.2.6.3.3.3.2. Position propre: l"homme seul, en vertu d"un habitus, met en rapport les entités (1
Analyse

116,22!24)
2.2.1.6.2.4. Objection n°2: la relation ne périt pas plus que le genre quand l"individu périt (1

116,25!117,16)
2.2.1.6.2.5. Réponse: un point d"appui apporte une aide, chose impossible à une entité permanente (1

116,25!28)
2.2.1.2.6.5.1. Énoncé (1

116,28!29)
2.2.1.2.6.5.2. Objection: l"aide du point d"appui consiste en ce qu"il révèle la relation (1

117,1!16)
2.2.1.2.6.5.3. Réponse: la révélation est production (1

117,17!120,4)
2.2.1.2.7. Critique générale d"une relation réelle, conçue comme une troisième entité (t"t#ya$ vastu) (1

117,17!119,8)
2.2.1.2.7.1. Une relation réelle pourrait être distincte ou indistincte par rapport aux corrélats (1
523
524

117,17!118,18)
2.2.1.2.7.1.1. Si la relation en est distincte, elle doit être connaissable comme telle (1

117,17!23)
2.2.1.2.7.1.1.1. Position: une relation réelle et distincte devrait être perçue (1

117,23!24)
2.2.1.2.7.1.1.2. Objection: la relation est suprasensible, comme les facultés sensorielles (1

117,24!118,18)
2.2.1.2.7.1.1.3. Réponse: la relation ne peut être suprasensible (1

117,24!25)
2.2.1.2.7.1.1.3.1. Une relation suprasensible ne ferait pas connaître la signification (1

117,25)
2.2.1.2.7.1.1.3.2. Une relation suprasensible ne fait pas connaître la signification par sa seule présence (1

117,26!118,18)
2.2.1.2.7.1.1.3.3. Une relation suprasensible n"est pas inférable (1

117,26!118,1)
2.2.1.2.7.1.1.3.3.1. Manque d"indice inférentiel et non-établissement de l"exemple (1
Appendice E

118,1)
2.2.1.2.7.1.1.3.3.2. Objection: le manque d"exemple est le même dans l"inférence des indriya (1

118,1!14)
2.2.1.2.7.1.1.3.3.3. Réponse: l"inférence des indriya passe par l"effet, non celle de la relation (1

118,14!18)
2.2.1.2.7.1.1.3.3.4. Position générale de Dharmak!rti (1

118,18!24)
2.2.1.2.7.1.2. Si la relation n"en est pas distincte, seuls existent les corrélats, mais pas la relation (1

118,25!119,8)
2.2.1.2.7.2. Puisque les corrélats sont d"une nature distincte, la relation est créée par la pensée (1

118,26!28)
2.2.1.2.7.2.1. Une relation réelle ne peut pas se caractériser comme une fusion des natures (1

118,28!119,1)
2.2.1.2.7.2.2. Une relation réelle ne peut pas se caractériser comme une dépendance (1
119,1!8)
2.2.1.2.7.2.3. Retour sur les deux hypothèses (1

119,3!4)
2.2.1.2.7.2.3.1. Une relation réelle ne peut pas se caractériser comme une fusion des natures [bis] (1

119,4!8)
2.2.1.2.7.2.3.2. Une relation réelle ne peut pas se caractériser comme une dépendance [bis] (1

119,8!120,4)
2.2.1.2.7.3. Un v!cyav!cakasambandha réel ne peut prendre appui ni sur les phonèmes ni sur l"énoncé (1

119,12!17)
2.2.1.2.7.3.1. Les phonèmes sont réels, mais sans signification, ne peuvent servir de corrélats (1

119,12!14)
2.2.1.2.7.3.1.1. Énoncé de la critique (1

119,14)
2.2.1.2.7.3.1.2. Objection: les phonèmes sont expressifs dans un ordre de succession particulier (1

119,14!17)
2.2.1.2.7.3.1.3. Réponse: l"ordre de succession est incompatible avec l"expressivité des phonèmes (1
Analyse

119,14!16)
2.2.1.2.7.3.1.3.1. Critique de l"hypothèse d"un ordre de succession non distinct des phonèmes (1

119,16!17)
2.2.1.2.7.3.1.3.2. Critique de l"hypothèse d"un ordre de succession distinct des phonèmes (1

119,17)
2.2.1.2.7.3.1.4. Conclusion et transition (1

119,18!120,2)
2.2.1.2.7.3.2. Les énoncés sont dotés de signification mais, irréels, ne peuvent servir de corrélats (1

119,18!30)
2.2.1.2.7.3.2.1. L"énoncé est illusion trompeuse, car il n"est ni un ni multiple (1

119,21!28)
2.2.1.2.7.3.2.1.1. Critique de l"hypothèse spho"av!din d"un énoncé un (1

119,28!29)
2.2.1.2.7.3.2.1.2. Critique de l"hypothèse d"un énoncé multiple (1
525
526

119,29"120,2)
2.2.1.2.7.3.2.2. Conclusion: l!énoncé n!est pas une entité réelle, et n!est donc pas un corrélat (1

120,2"4)
2.2.1.2.7.3.3. Conclusion: irréalité de la relation et position générale de Dharmak!rti (1

120,7)
2.2.1.2.8. Conclusion: la relation étant irréelle et donc de création humaine, elle n!écarte pas le rique de tromperie (1

120,8"126,15)
2.2.1.3. Critique générale de la thèse de l!éternité (an!dit!) du Veda (1

120,8"121,6)
2.2.1.3.1 Critique de l!argument kartur asmara"!t (1

120,8"15)
2.2.1.3.1.1. Énoncé de l!argument m#m!$saka (1

120,15"121,1)
2.2.1.3.1.2. La raison kartur asmara"!t est inétablie (1

120,15"16)
2.2.1.3.1.2.1. Énoncé de l!asiddhat! (1
Appendice E

120,16"17)
2.2.1.3.1.2.2. Objection: les revendications d!autorité sur les mantra védiques sont mensongères (1

120,17"19)
2.2.1.3.1.2.3. Réponse: l!objection entraîne une conséquence absurde (1

120,19"20)
2.2.1.3.1.2.4. Objection: tentative de neutralisation de la conséquence absurde par abhyupetab!dh! (1

120,20"25)
2.2.1.3.1.2.5. Réponse: le reproche d!abhyupetab!dh! vaut également pour le M!m"#saka (1

120,25"121,1)
2.2.1.3.1.2.6. Conclusion: la démarche du M!m"#saka est sans fondement (1

121,2"6)
2.2.1.3.1.3. La raison kartur asmara"!t est inconclusive (1

121,2 )
2.2.1.3.1.3.1. Énoncé: il existe des paroles produites (k%taka) dont on a oublié l!auteur (1
121,2"6)
2.2.1.3.1.3.2. Le M!m"#saka ne dispose d!aucun pram!"a pour établir la vy!pti (1

121,7"126,15)
2.2.1.3.2. Critique de l!argument de $V v!kya 366 (1

121,7"8)
2.2.1.3.2.1. Énoncé de l!argument m#m!$saka (1

121,9"125,9)
2.2.1.3.2.2. $V v!kya 366 ne fait pas la preuve de l!éternité (1

121,9"16)
2.2.1.3.2.2.1. Critique n°1: l!argument présente une conséquence absurde (1

121,9"10)
2.2.1.3.2.2.1.1. Renvoi au débat de PVSV 120,17"121,1 (1

121,10"16)
2.2.1.3.2.2.1.2. Conséquence absurde proprement dite (1

121,10"15)
2.2.1.3.2.2.1.2.1. Formulation (1
Analyse

121,15)
2.2.1.3.2.2.1.2.2. Conséquence: tout est incréé, ou rien ne l!est (1

121,15"16)
2.2.1.3.2.2.1.2.3. Renvoi au débat de PVSV 120,19"25 (1

121,17"125,9)
2.2.1.3.2.2.2. Critique n°2: le Veda est de création humaine (1

121,17"29)
2.2.1.3.2.2.2.1. Réfutation de la thèse par inférence (1

121,17"22)
2.2.1.3.2.2.2.1.1. Règle: si un x! ad%&'ahetuka ne diffère pas d!un x d%&'ahetuka, x! a la même cause que x (1

121,22"23)
2.2.1.3.2.2.2.1.2. Conséquence: si la parole védique est incréée, toute parole doit l!être (1

121,24"27)
2.2.1.3.2.2.2.1.3. Seule une différence de nature justifierait la pauru&eyat! des seuls laukikav!kya (1
527
528

121,27!29)
2.2.1.3.2.2.2.1.4. Conclusion: reformulation de la règle (1

122,1!125,9)
2.2.1.3.2.2.2.2. Spéciosité de tous les hetu invoqués sans présenter de différence de nature propre (1

122,1!2)
2.2.1.3.2.2.2.2.1. Énoncé (1

122,3!123,8)
2.2.1.3.2.2.2.2.2. Spéciosité de deux arguments (1

122,3!24)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1. Spéciosité de !adhyayanatv!t" (1

122,3!19)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.1. Parodie de la raison !adhyayanatv!t": !pathik!gnitv!t" (1

122,3!4)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.1.1. Formulation de l#argument parodique (1

122,4!7)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.1.2. Défense de l#argument parodique par un adversaire fictif (1
Appendice E

122,7!19)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.1.3. Démonstration de la spéciosité de l#argument parodique (1

122,7!14)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.1.3.1. Les deux propriétés ne sont pas incompatibles (1

122,14!17)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.1.3.2. Le s!dhyadharma ne peut valoir indifféremment (1

122,17!19)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.1.3.3. Condition à satisfaire pour que l#argument soit probant (1

122,20!24)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.2. Application de l#argumentaire à la raison !adhyayanatv!t" (1

122,20!21)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.2.1. La raison est sandigdhavipak"avy!v#ttika (1

122,21!24)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.1.2.2. Le s!dhyadharma ne peut valoir indifféremment (1
122,24"123,2)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.2. Spéciosité de !puru!atv"t! (1

122,24"25)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.2.1. Formulation de l#argument (1

122,25"123,3)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.2.2. Démonstration de la spéciosité de la raison !puru!atv"t! (1

122,25"28)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.2.2.1. L#incompatibilité est inconnaissable dans le suprasensible (1

122,28"123,3)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.2.2.2. L#inconclusivité est la même que celle de !adhyayanatv"t! (1

122,28"123,1)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.2.2.2.1. Condition à satisfaire pour que la raison soit probante (1

123,1"2)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.2.2.2.2. La raison est également sandigdhavipak!avy"v#ttika (1

123,2"3)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.2.2.2.3. Parallèle avec le Mah"bh"rata (1
Analyse

123,3"8)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.3. Conclusion (1

123,3"5)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.3.1. Nécessité d#exhiber une différence de nature propre (1

123,5"8)
2.2.1.3.2.2.2.2.2.3.2. Non-perception d#une telle différence, et spéciosité consécutive (1

123,8"124,28)
2.2.1.3.2.2.2.2.3. Critique des critères différenciateurs invoqués par la M"m#$s# (1

123,8"14)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.1. Différenciation par n"mabheda (vedatva) (1

123,8"9)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.1.1. Énoncé de la différence: veda et aveda (1

123,9"12)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.1.2. Conséquence inacceptable: l#incréation vaudrait alors aussi d#un Pur#%a (1
529
530

123,12"14)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.1.3. Conditions à satisfaire pour admettre l!incréation du Veda (1

123,14"124,26)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2. Différenciation par l!efficacité magique (mantratva) (1

123,14)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.1. Objection: les hommes sont incapables de faire des mantra (1

123,14"124,12)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2. Réponse n°1: certains hommes sont capables de faire des mantra (1

123,14"15)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.1. Renvoi à PVSV 155,18sq (1

123,15"17)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.2. Définition d!un mantra (1

123,17"124,1)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.3. Efficacité de mantra ordinaires et de création humaine (1

123,17"21)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.3.1. Existence de mantra non védiques (1
Appendice E

123,21"27)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.3.2. On ne peut admettre l!incréation des mantra non védiques (1

123,27"124,1)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.3.3. Les mantra non védiques sont bien des mantra (1

124,1"4)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.4. L!efficacité ne suffit pas à prouver l!incréation (1

124,1"3)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.4.1. Cas des mudr!, ma"#ala et dhy!na efficaces et produits (1

124,3"4)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.4.2. Tout ce qui est efficace peut être produit par l!homme (1

124,4"8)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.5. Discussion relative à la définition (1

124,8"12)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.2.6. Il est spécieux de dire que si l!un le peut, tous le peuvent (1
124,12!26)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3. Réponse n°2: On ne peut nier la capacité de faire des mantra (1

124,12!14)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.1. Objection: aucun homme n"a les moyens de faire des mantra (1

124,14!15)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.2. Réitération de la définition (1

124,15!16)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.3. D!"#aviruddhat$ (1

124,16!26)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4. Puru"$ti%ayaprati"edhad&"a'a (1

124,16!18)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4.1. Rien ne permet d"exclure la raison des contre-instances (1

124,16!17)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4.1.1. Absence d"incompatibilité entre les propriétés (1

124,17!18)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4.1.2. Inopérativité de la non-perception (1
Analyse

124,18!22)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4.2. On ne peut nier l"existence de qualités dans un sant$na (1

124,18!20)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4.2.1. Elles n"appartiennent pas à tous les sant$na (1

124,20!21)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4.2.2. Les qualités mentales sont imperceptibles (1

124,21!22)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4.2.3. On ne peut poser un rapport d"annulation (1

124,22!26)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.2.3.4.3. Application de l"argumentaire au sarvajñ$naprati"edha (1

124,27!28)
2.2.1.3.2.2.2.2.3.3. Conclusion (1

124,28!125,9)
2.2.1.3.2.2.2.2.4. La spécification de !adhyayanatv$t# par vedatva ne rend pas le hetu probant (1
531
532

124,28!29)
2.2.1.3.2.2.2.2.4.1. Objection: la spécification de la raison par vedatva en neutralise la spéciosité (1

124,29!125,9)
2.2.1.3.2.2.2.2.4.2. Réponse: même spécifiée, la raison est un sandigdhavipak!avy"v#ttiko hetu$ (1

124,29!125,6)
2.2.1.3.2.2.2.2.4.2.1. Démonstration du non-établissement de la vy"pti (1

125,6!9)
2.2.1.3.2.2.2.2.4.2.2. Explicitation du vice logique entachant la preuve m%m"&saka (1

125,9)
2.2.1.3.2.2.2.2.4.2.3. Application de l"argumentaire à des raisons telles que vakt#tva (1

125,9!126,15)
2.2.1.3.2.3. Hypothèse selon laquelle !V v"kya 366 fait la preuve de l"éternité (1

125,9!10)
2.2.1.3.2.3.1. Énoncé: !V v"kya 366 fait la preuve de l"éternité (1

125,11!19)
2.2.1.3.2.3.2. Critique: l"éternité ne fait pas la preuve de l"incréation (1
Appendice E

125,19!126,15)
2.2.1.3.2.3.3. Hypothèse selon laquelle l"éternité fait la preuve de l"incréation (1

125,19!126,1)
2.2.1.3.2.3.3.1. L"hypothèse présente une conséquence absurde (1

125,19!24)
2.2.1.3.2.3.3.1.1. Énoncé de la conséquence absurde: les pratiques des Barbares, etc., seraient incréées (1

125,24!126,1)
2.2.1.3.2.3.3.1.2. Explication de l"éternité des pratiques des Barbares, etc. (1

126,2!5)
2.2.1.3.2.3.3.2. La conséquence entraîne l"inutilité de l"incréation puisque des pratiques erronées sont incréées (1

126,6!15)
2.2.1.3.2.3.3.3. L"inutilité de l"incréation n"est pas moindre si seul le Veda est incréé (1

126,6)
2.2.1.3.2.3.3.3.1. Hypothèse: seuls les énoncés védiques sont incréés (1
126,7!15)
2.2.1.3.2.3.3.3.2. Critique: la diversité des exégèses suscite le doute quant à la signification des énoncés (1

126,7!10)
2.2.1.3.2.3.3.3.2.1. Les exégètes du Veda prêtent des significations contradictoires aux énoncés (1

126,10!15)
2.2.1.3.2.3.3.3.2.2. Rien ne permet de lever le doute quant à la signification des énoncés védiques (1

126,11!12)
2.2.1.3.2.3.3.3.2.2.1. Seules des conventions arbitraires régissent la signification (1

126,12!13)
2.2.1.3.2.3.3.3.2.2.2. Les radicaux et suffixes (prak!tipratyaya) sont polysémiques (1

126,13!15)
2.2.1.3.2.3.3.3.2.2.3. L"emploi traditionnel (r"#hi) ne sert pas de clavis hermeneutica (1

126,13)
2.2.1.3.2.3.3.3.2.2.3.1. Les exégètes ne respectent pas l"emploi traditionnel des mots (1

126,13!15)
2.2.1.3.2.3.3.3.2.2.3.2. Le Veda abonde en mots d"emploi non traditionnel (ar"#ha) (1
Analyse

126,16!141,14)
2.2.1.4. Contre l"incréation de la parole: thème général de l"objet de la preuve de l"incréation (1

126,17!24)
2.2.1.4.1. Critique de l"hypothèse selon laquelle la preuve de l"incréation porte sur les phonèmes (1

126,19)
2.2.1.4.1.1. Phonèmes ordinaires et védiques ne diffèrent pas (1

126,19!22)
2.2.1.4.1.2. Non-établissement d"une différence entre phonèmes ordinaires et védiques (1

126,19!20)
2.2.1.4.1.2.1. Prasa$ga n°1 (1

126,20)
2.2.1.4.1.2.2. Non-observation d"une différence (1

126,21)
2.2.1.4.1.2.3. Prasa$ga n°2 (1
533
534

126,21"22)
2.2.1.4.1.2.4. Non-acceptation d!une différence par le M!m"#saka (1

126,22"24)
2.2.1.4.1.3. Conséquence absurde et inutilité d!une preuve portant sur les phonèmes (1

126,24"141,14)
2.2.1.4.2. Critique de l!hypothèse selon laquelle la preuve de l!incréation porte sur les énoncés (1

127,1"16)
2.2.1.4.2.1. Il n!existe pas d!énoncé indépendant des phonèmes (1

127,1"6)
2.2.1.4.2.1.1. Un énoncé indépendant est imperceptible (1

127,6"12)
2.2.1.4.2.1.2. Un énoncé indépendant est ininférable (1

127,12"13)
2.2.1.4.2.1.3. Un énoncé indépendant est imprésumable (1

127,13"16)
2.2.1.4.2.1.4. Conclusion: inexistence d!un tel énoncé, et retour à 126,22"24 (1
Appendice E

127,16"134,25)
2.2.1.4.2.2. Hypothèse selon laquelle il existe un énoncé indépendant des phonèmes (1

127,18"128,21)
2.2.1.4.2.2.1. Hypothèse d!un énoncé indépendant divisible en parties (1

127,18"23)
2.2.1.4.2.2.1.1. Hypothèse de parties inexpressives (1

127,18"19)
2.2.1.4.2.2.1.1.1. Antécédent: les parties sont inexpressives (1

127,20"23)
2.2.1.4.2.2.1.1.2. Conséquence n°1: l!expressivité est surimposée par la pensée (1

127,23)
2.2.1.4.2.2.1.1.3. Conséquence n°2: un énoncé expressif est de création humaine (1

128,1"128,21)
2.2.1.4.2.2.1.2. Hypothèse de parties expressives (1
128,1!5)
2.2.1.4.2.2.1.2.1. Inutilité de parties multiples (1

128,5!8)
2.2.1.4.2.2.1.2.2. Injustifiabilité du recours à d"autres parties et d"un laps temporel (1

128,9!18)
2.2.1.4.2.2.1.2.3. Impossibilité d"une audition simultanée de toutes les parties (1

128,10!12)
2.2.1.4.2.2.1.2.3.1. Formulation de l"hypothèse d"une audition simultanée (1

128,12!15)
2.2.1.4.2.2.1.2.3.2. Injustifiabilité d"un laps temporel (1

128,15!18)
2.2.1.4.2.2.1.2.3.3. Inétablissement de l"expressivité de chaque partie (1

128,18!21)
2.2.1.4.2.2.1.2.4. L"avocat de la production des paroles est immunisé contre ces fautes (1

128,21!134,25)
2.2.1.4.2.2.2. Hypothèse d"un énoncé indépendant indivis/spho!a (1
Analyse

128,21!129,21)
2.2.1.4.2.2.2.1. Il n"existe pas d"énoncé indépendant indivis (1

128,22!129,4)
2.2.1.4.2.2.2.1.1. Notre connaissance d"un énoncé est sérielle (1

128,22!25)
2.2.1.4.2.2.2.1.1.1. Impossibilité de connaître l"un de façon successive (1

128,25!28)
2.2.1.4.2.2.2.1.1.2. On constate la sérialité de notre connaissance d"un énoncé (1

128,29!129,4)
2.2.1.4.2.2.2.1.1.3. Nécessité d"un ordre de succession phonétique différenciateur (1

129,4!6)
2.2.1.4.2.2.2.1.2. Objection spho!av"din: succession et partition en phonèmes sont illusoires (1

129,7!10)
2.2.1.4.2.2.2.1.3. Réponse (1
535
536

129,7!8)
2.2.1.4.2.2.2.1.3.1. Retour à 128,22!25 (1

129,8!10)
2.2.1.4.2.2.2.1.3.2. Conséquences inacceptables (1

129,10!21)
2.2.1.4.2.2.2.1.4. Impossibilité de connaître un énoncé dans une connaissance unique (1

129,10!17)
2.2.1.4.2.2.2.1.4.1. Critique du modèle spho!av"din sa#sk"ra + détermination finale (1

129,17!21)
2.2.1.4.2.2.2.1.4.2. Critique du modèle var$av"din smara$a/samuccayajñ"na (1

129,21!134,25)
2.2.1.4.2.2.2.2. Hypothèse selon laquelle un énoncé indépendant indivis existe (1

129,22!130,1)
2.2.1.4.2.2.2.2.1. Hypothèse selon laquelle cet énoncé est impermanent (1

129,22!25)
2.2.1.4.2.2.2.2.1.1. Ce qui est impermanent naît d"une cause (1
Appendice E

129,25!130,1)
2.2.1.4.2.2.2.2.1.2. Constatation d"un rapport de causalité énoncé-opération humaine (1

130,1)
2.2.1.4.2.2.2.2.1.3. Conclusion: l"énoncé est de création humaine (1

130,2!134,25)
2.2.1.4.2.2.2.2.2. Hypothèse selon laquelle cet énoncé est permanent (1

130,2!131,26)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1. Réfutation de l"hypothèse d"un énoncé permanent (1

130,2!7)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.1. Prasa%ga: on percevrait en permanence un énoncé permanent (1

130,7!131,10)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.2. Impossibilité d"une obstruction à la perception d"un tel énoncé (1

130,7!24)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.2.1. Une obstruction n"apporte pas de propriété supplémentaire (1
130,24"131,10)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.2.2. Hypothèse (spéculative) d!un ati!ayakara"a (1

130,24"131,7)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.2.2.1. Établissement (spéculatif) d!un ati!ayakara"a (1

130,24"28)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.2.2.1.1. Établissement par inférence (1

130,28"131,7)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.2.2.1.2. Conséquences du refus d!un ati!ayakara"a (1

131,7"8)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.2.2.2. Inapplicabilité du modèle à un énoncé permanent (1

131,8"10)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.2.2.3. Conclusion: réitération du prasa#ga de 130,2"7 (1

131,11"26)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.3. Impossibilité de la manifestation d!un énoncé permanent (1

131,11"14)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.3.1. Objection: un coopérant manifeste l!énoncé permanent (1
Analyse

131,15"26)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.3.2. Réponse: indépendance d!un énoncé permanent (1

131,15"23)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.3.2.1. Un énoncé permanent ne peut recevoir d!aide (1

131,15"21)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.3.2.1.1. Conséquence: cet énoncé changerait (1

131,21"23)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.3.2.1.2. L!aide ne peut être chose différente de l!énoncé (1

131,23"26)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.1.3.2.2. Conclusion: indépendance d!un énoncé permanent (1

131,27"132,4)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.2. Hypothèse selon laquelle cet énoncé permanent est avy$pin (1

131,27"28)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.2.1. Dans cette hypothèse, on ne percevra pas l!énoncé partout (1
537
538

131,28"132,1)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.2.2. Objection: l!apr!ptagraha"apak#a permet d!éviter cette faute (1

132,1"4)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.2.3. Réponse: même ainsi, la faculté dépend du degré de présence de l!objet (1

132,1"2)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.2.3.1. Formulation de la condition et exemple de l!aimant (1

132,2"4)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.2.3.2. Conséquences d!un refus de la condition (1

132,4)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.2.3.3. Conclusion: l!énoncé n!est pas non omniprésent (1

132,5"134,25)
2.2.1.4.2.2.2.2.2.3. Hypothèse selon laquelle cet énoncé permanent est vy!pin (1

134,26"141,14)
2.2.1.4.2.3. Hypothèse selon laquelle l!énoncé consiste en var"!nup$rv% (1

132,5"8)
2.2.1.4.2.3.1. Prasa&ga: tous les hommes devraient percevoir l!énoncé toujours et partout (1
Appendice E

132,9"11)
2.2.1.4.2.3.2. Objection: une faculté disposée (sa'sk(ta) perçoit une parole disposée (1

132,11"134,25)
2.2.1.4.2.3.3. Réponse: inadmissibilité d!un quelconque sa'sk!ra (1

132,11"12)
2.2.1.4.2.3.3.1. Indisposabilité d!une parole immuable (1

132,13"134,25)
2.2.1.4.2.3.3.2. Inadmissibilité d!une disposition de la faculté sensorielle (1

132,13"16)
2.2.1.4.2.3.3.2.1. Retour au prasa&ga de 132,5"8 (1

132,17"21)
2.2.1.4.2.3.3.2.2. Objection: la disposition diffère pour chaque objet (1

132,21"134,25)
2.2.1.4.2.3.3.2.3. Réponse: dans cette hypothèse, on ne percevrait pas le kalakala (1
132,21!28)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.1. Formulation de la critique (1

132,29!133,3)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.2. Objection: dans le kalakala, on ne perçoit que des dhvani (1

133,3!134,25)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.3. Réponse: dhvani et v!caka"abda ne diffèrent pas (1

133,5!9)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.3.1. Critique n°1: on ne constate pas que dhvani et v!caka"abda diffèrent (1

133,10!19)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.3.2. Critique n°2: dans le kalakala, on entend des paroles expressives (1

133,20!134,1)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.3.3. Critique n°3: aversion des facultés pour la parole expressive? (1

134,1!6)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.4. Objection spho#av!din: dhvani et v!caka"abda sont établis l"un et l"autre (1

134,6!25)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.5. Réponse: critique d"une distinction entre dhvani et v!caka"abda (1
Analyse

134,6!7)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.5.1. Renvoi à 127,1sq (1

134,7!13)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.5.2. Atiprasa$ga: postulation d"un karm!tman distinct des karmabh!ga (1

134,7!11)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.5.2.1. Formulation de l"absurdité (1

134,11!13)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.5.2.2. Position propre de Dharmak!rti (1

134,13!25)
2.2.1.4.2.3.3.2.3.5.3. La stratégie probatoire du spho#av!din se retourne contre le spho#av!da (1

134,25)
2.2.1.4.3. Conclusion: la preuve de l"incréation ne porte ni sur les phonèmes, ni sur l"énoncé (1

134,26!141,7)
2.2.1.4.4. Critique de l"hypothèse selon laquelle l"énoncé est un ordre de succession de phonèmes (1
539
540

134, 26!135, 6)
2.2.1.4.4.1. Réfutation n°1: var!am"tr"va#e$a (1

135, 7!141, 7)
2.2.1.4.4.2. Réfutation n°2: v"kya = var!"nup%rv& !intrinsèque" (1

135, 7!136, 9)
2.2.1.4.4.2.1. V"kya = r%pakrama (1

135, 7!19)
2.2.1.4.4.2.1.1. L#argument par vyavasth"na (1

135, 19!136, 6)
2.2.1.4.4.2.1.2. L#argument par de#a et k"la (1

135, 7!9)
2.2.1.4.4.2.1.3. Anity"vy"pit"y"' ca do$a( pr"g eva k&rtita( (1

136, 10!141, 7)
2.2.1.4.4.2.2. V"kya = vyaktikrama (1

136, 10!138, 30)


2.2.1.4.4.2.2.1. )abdasya anabhivyaktat" (1
Appendice E

136, 10!15)
2.2.1.4.4.2.2.1.1. Nityavastuna( vyaktyayoga( (1

136, 16!138, 30)


2.2.1.4.4.2.2.1.2. Var!"n"' k"ryat", kara!avy"p"r"t (1

136, 16!137, 11)


2.2.1.4.4.2.2.1.2.1. Définition de k"ryat" (1

137, 11!138, 30)


2.2.1.4.4.2.2.1.2.2. Définition de vyakti (1

137, 11!18)
2.2.1.4.4.2.2.1.2.2.1. Définition de vyakti (1

137, 18!138, 13)


2.2.1.4.4.2.2.1.2.2.2. Excursus (1

137, 18!19)
2.2.1.4.4.2.2.1.2.2.2.1. Hetu n°1: pratyabhijñ"na (1
137, 19!138, 5)
2.2.1.4.4.2.2.1.2.2.2.2. Hetu n°2: ak!raprat"titva (1

138, 5!138, 13)


2.2.1.4.4.2.2.1.2.2.2.3. Hetu n°3: n!mas!mya (1

138, 13!30)
2.2.1.4.4.2.2.1.2.2.3. Niyamena upalabdhita# k!ryat! (1

138, 30!141, 7)
2.2.1.4.4.2.2.2. $abdasya abhivyaktat! (1

2.2.1.4.4.2.2.2.1. Vyakti = ati%ayotp!dana (139, 2!3)

139, 3!140, 24)


2.2.1.4.4.2.2.2.2. Vyakti = !vara&avigama (1

139, 3!23)
2.2.1.4.4.2.2.2.2.1. Vyakti = !vara&avigama (1

139, 24!140, 24)


2.2.1.4.4.2.2.2.2.2. Excursus: anidar%anat! (1
Analyse

139, 24!140, 5)
2.2.1.4.4.2.2.2.2.2.1. Viruddhahetu (1

140, 5!14)
2.2.1.4.4.2.2.2.2.2.2. Pratyabhijñ!na (1

140, 14!18)
2.2.1.4.4.2.2.2.2.2.3. Satprayoga (1

140, 18!20)
2.2.1.4.4.2.2.2.2.2.4. Pratyak'!tmaka( pratyabhijñ!nam (1

140, 21!24)
2.2.1.4.4.2.2.2.2.2.5. D)'ya# kuhetur anyo!pi (1

140, 25!141, 7)
2.2.1.4.4.2.2.2.3. Vyakti = vijñ!notpatti (1

141, 7!11)
2.2.1.4.4.3. Réfutation n°3: v!kya = var&!nup)rv" !intrinsèque" (1
541
Abréviations et bibliographie
1. Abréviations

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Store (The Publishing Association of Abhidharmako#avy$khy$).

%M Pandit PANNALAL JAIN BAKALIWAL: %r&sama'tabhadrasv"mivira-


cit" (ptam&m"'s" sy"dv"davidy"pati!r&vidy"na'dasv"miviracit"
Pram")apar&k#" ca. V$r$&as!, 1914 (San$tanajainagrantham$l$,
n°10).

%MV (ptam&m"'s"v*tti. Voir %M.

A' A#$a!at&. Voir %M.

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tionary. Volume 2: Dictionary. Delhi, 1993 (New Haven, 19531):
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BHSG Franklin EDGERTON: Buddhist Hybrid Sanskrit Grammar and Dic-


tionary. Volume 1: Grammar. Delhi, 1993 (New Haven, 19531):
Motilal Banarsidass.

BoBh W = Unrai WOGIHARA: Bodhisattvabh"mi. A Statement of Whole


Course of the Bodhisattva (Being Fifteenth Section of Yog!c!rabh"-
mi). T#ky#, 1971 (T#ky#, 1930!19361): Sankibo Buddhist Book
Store. D = Nalinaksha DUTT: Bodhisattvabh"mi (Being the XVth
Section of Asa#gap!da!s Yog!c!rabh"mi). Patna, 1978: K.P. Jaya-
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B' B$ha''%k! (perdue, Kum%rila).


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ited at the Library of Congress. New York, 1974: Stony Brook, The
Institute for Advanced Studies of World Religion.
cf. comparer.

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CS VAIDYA JADAVAJI TRIKAMJI )CHARYA: The Charakasa*hit! by


Agnive)a Revised by Charaka and D$idhabala With the +yurveda-
D%pik! Commentary of Chakrap!,idatta. Bombay, 1941: Nir&aya
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Abréviations et bibliographie 545

D Canon bouddhique tibétain, édition de sDe dge. J. TAKASAKI/Z.


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served at the Faculty of Letters, University of Tokyo. T!ky!, 1981 et
suivantes.

DD" Sv#m$ DV%RIKAD%S "%STR&: Dharmakirtti Nibandhawali (1): Pra-


m"#av"rttika of Acharya Dharmakirtti with the Commentary !Vritti"
of Acharya Manorathanandin. Varanasi, 1994 (Varanasi, 19681):
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Dh Dharmak$rti.

DhPr Dalsukh MALVANIA: Pa#$ita Durveka Mi%ra"s Dharmottaraprad&-


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commentary on Dharmak&rti"s Ny"yabindu. Patna, 1971 (Patna,
19551).

DhS Kenjiu KASAWARA/Friedrich M. MÜLLER/H. WENZEL: The Dhar-


masa'graha: An Ancient Collection of Buddhist Technical Terms.
Delhi, 1999 (Oxford, 18851): Pilgrim Books.

Div. E.B. COWELL/R.A NEIL: The Divy"vad"na. A Collection of Early


Buddhist Legends. Amsterdam, 1971 (Cambridge, 18861): Oriental
Press NV/Philo Press.

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gl. glosé, glose.

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Text und rekonstruierter Sanskrit-Text. Wien: Hermann Bölhaus
Nachf./Kommissionsverlag der Österreichischen Akademie der
Wissenschaften (Veröffentlichungen der Kommission für Sprachen
und Kulturen Südasiens, Heft 4).
i.a. inter alia.
ibid. ibidem.

k(k). k"rik"(s).

K Kar'akagomin. Voir PVSV(.


546 Abréviations et bibliographie

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tary Kasika of Sucaritami$ra. Parts I & II. Trivandrum, 1990R (Tri-
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n°23, 29, 31).

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LVP LA VALLÉE POUSSIN, Louis de.

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MA Madhyamak"vat"ra (Candrak%rti), cité à partir de SEYFORT RUEGG


1994b.

MABh Madhyamak"vat"rabh"%ya (Candrak%rti), cité à partir de SEYFORT


RUEGG 1994b.

MAV R. PANDEYA: Madhy"nta-Vibh"ga-&"stra, Containing the K"rik"-s


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1999R (Delhi, 19711): Motilal Banarsidass.

MAVBh Madhy"ntavibh"gabh"%ya (Vasubandhu). Voir MAV.

MAV! Madhy"ntavibh"ga'!k" (Sthiramati). Voir MAV.

MBh Mah"bh"rata. Cité à partir de SUTTON 2000.

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MBhD Johannes BRONKHORST: Mah"bh"%yad!pik" of Bhart)hari. Fascicu-


le IV: "hnika I. Poona, 1987: Bhandarkar Oriental Research Insti-
tute (Post-Graduate and Research Department Series, n°28).

MHK IX Voir KAWASAKI 1992: 407!471. Voir aussi TJ.

M%S( M!m"#s"s*tra (Jaimini). Voir #Bh.

Miy. MIYASAKA, Y(sho. Voir PV.

MK M*lamadhyamakak"rik" (N&g&rjuna). Voir PrP.


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logically and Philologically Arranged with Special References to
Cognate Indo-European Languages). Delhi, 1990 (Oxford, 18991):
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trine du Grand Véhicule selon le système Yog%c%ra. Tome 1: Texte.
Paris, 1907: Librairie Honoré Champion.

MSABh Mah%y%nas$tr%la'k%rabh%(ya (Vasubandhu?). Voir MSA.

MSa"gr Étienne LAMOTTE: La somme du Grand Véhicule d!Asa'ga (Mah%-


y%nasa'graha). Tome 1: versions tibétaine et chinoise (Hiuan-
Tsang). Louvain-la-Neuve, 1973: Université de Louvain, Institut
Orientaliste (Publications de l!Institut Orientaliste de Louvain,
n°8).

MSm# V.N. MANDLIK: M%nava-Dharma-)%stra [Institutes of Manu] with


the Commentaries of Medh%tithi, Sarvajñan%r%ya*a, Kull$ka, R%-
ghav%nanda, Nandana, and R%machandra and an Appendix. 3 volu-
mes. Delhi, 1992 (Bombay, 18861): Munshiram Manoharlal.

MVastu Émile SENART: Le Mah%vastu. Trois tomes. Paris, 1882: Société


Asiatique.

MVy Mah%vyutpatti. Ry$zaburo SAKAKI: Bonz+kanwa shiyaku taik+


Hon-yaku my+gi taish$. 2 vol. T$ky$, 1962R (Ky$to, 19161): Suzu-
ki Research Foundation.

N Canon bouddhique tibétain, xylographe de sNar tha" déposé à la


bibliothèque du Musée Guimet (Paris).
548 Abréviations et bibliographie

NA Piotr BALCEROWICZ: Jaina Epistemology in Historical and Compa-


rative Perspective. Critical Edition and English Translation of Logi-
cal-Epistemological Treatises: Ny!yâvat!ra, Ny!yâvat!ra-viv"tti
and Ny!yâvat!ra-#ippana with Introduction and Notes. Volume 2.
Stuttgart, 2001: Franz Steiner Verlag (Alt- und Neu-Indische Stu-
dien, 53.2).

NAV Ny!y!vat!raviv"tti (Siddhar!iga"i). Voir NA.

NB Th. STCHERBATSKI: Ny!yabindu $%&&'()*'( %+,-./*-


012/*/ )1+/.,.', &3453*/46/ / 610*173.', .3
.,21 Ny!yabindu#8k! )1+/.,.', &345166349. Osna-
brück, 1970R (Saint-Pétersbourg, 19041): Biblio Verlag.

NBh Ny!yabh!:ya (Pak!ilasv#min). Voir NS.

NBPS Hiromasa TOSAKI: «Kamala$%la saku Ny!yabindup;rvapak:asa<-


k:ipta, genryo sh& no tekisuto to wayaku». Acta Indologica IV
(1984), pp. 477!493.

NB'Dh Ny!yabindu#8k! (Dharmottara). Voir NB.

NB'V Louis de LA VALLÉE POUSSIN: Tibetan Translation of the Ny!ya-


bindu of Dharmak8rti (A Treatise on Buddhist Logic) with the Com-
mentary of Vin8tadeva. Calcutta, 1984 (19071): The Asiatic Society
(Bibliotheca Indica, n°171).

Nir. Lakshman SAR(P: The Nigha=#u and the Nirukta. The Oldest Indian
Treatise on Etymology, Philology and Semantics. Delhi, 1967: Mo-
tilal Banarsidass.

NM K.S VARADACHARYA: Ny!yamañjar8 of Jayantabha##a with >ippa-


=8-Ny!yasaurabha by the Editor. Mysore, 1969: Oriental Research
Institute (University of Mysore, Oriental Research Institute Series,
n°116).

not. notamment.

NR) (?V-)Ny!yaratn!kara (P#rthas#rathimi$ra). Voir *V.


Abréviations et bibliographie 549

NS Ny!yas"tra (Gautama/Ak!ap"da). Anantalal THAKUR: Gautam#ya-


ny!yadar$ana with Bh!%ya of V!tsy!yana (Ny!yacaturgranthik!,
vol. 1). Delhi, 1997: Indian Council of Philosophical Research.

NS"ra UGGAR SAIN: Niyamsara (The Perfect Law) by Shri Kunda Kunda
&ch!rya. Lucknow, 1981: The Central Jaina Publishing House (The
Sacred Books of the Jainas, vol. IX/Jagmandarlal Jaini Memorial
Series, vol. 5).

NSm# N!rad(#y)asm'ti, citée à partir de SHASTRI 2002.

NV Anantalal THAKUR: Ny!yabh!%yav!rttika of Bh!radv!ja Uddyota-


kara (Ny!yacaturgranthik!, vol. 2). Delhi, 1997: Indian Council of
Philosophical Research.

NVT$ Anantalal THAKUR: Ny!yav!rttikat!tparya(#k! of V!caspatimi$ra


(Ny!yacaturgranthik!, vol. 3). Delhi, 1996: Indian Council of Phi-
losophical Research.

P Canon bouddhique tibétain, édition de Pékin. Daisetz T. SUZUKI:


The Tibetan Tripi(aka: Peking Edition. T%ky%/Ky%to 1957: Tibetan
Tripitaka Research Institute.

p. ex. par exemple.

Pa Ram Chandra PANDEYA: The Pram!)av!rttikam of &c!rya Dhar-


mak#rti With the Commentaries Svopajñav'tti of the Author and
Pram!)av!rttikav'tti of Manorathanandin. Delhi, 1989: Motilal Ba-
narsidass.

P" P"&ini. Voir BÖHTLINGK 1964.

PDhS Pad!rthadharmasa*graha. Johannes BRONKHORST/Yves RAMSEI-


ER: Word Index to the Pra$astap!dabh!%ya: A Complete Word In-
dex to the Printed Editions of Pra$astap!dabh!%ya. Delhi, 1994:
Motilal Banarsidass.
PPur Pa&'ita GIRIDHARA (ARM) CATURVED*: Padmapuranam (Contai-
ning Srishti Khandam) by Shriman Maharshi Krishna Dwaipayan
Vyasdeva. Volume 1. Calcutta, 1957: Gurumandal Series, n°18.

pr"k. pr"krit.
550 Abréviations et bibliographie

PrP Louis de LA VALLÉE POUSSIN: Madhyamakav!tti". M#lamadhya-


makak$rik$s (M$dhyamikas#tras) de N$g$rjuna avec la Prasanna-
pad$ Commentaire de Candrak%rti. Osnabrück, 1970R (Saint-Péters-
bourg, 1903!19131): Biblio Verlag.

PS(V) Pram$&asamuccaya(v!tti) (Dign!ga). PS = P n°5700, ce 1!13a5


(Kanakavarman); D n°4203, ce 1b1!13a1 (Vasudhararak"ita).
Cité(e) à partir de HATTORI 1968, HAYES 1988, VAN BIJLERT 1989
et TILLEMANS 1990.

PV(SV) PV I/PVSV (Sv$rth$num$napariccheda) dans Raniero GNOLI: The


Pram$&av$rttika of Dharmak%rti. The First Chapter with the Auto-
commentary. Roma, 1960: Istituto Italiano per il Medio ed Estremo
Oriente (Serie Orientale Roma, n°23). PV II (Pram$&asiddhipari-
ccheda), PV III (Pratyak'apariccheda), PV IV (Par$rth$num$na-
pariccheda) dans Y#sho MIYASAKA: «Pram!$a-v!rttika-K!rik!
(Sanskrit and Tibetan)». Acta Indologica II (1972), pp. 1!206. Pour
PV II, j"ai régulièrement utilisé le texte édité par VETTER (1990);
pour PV IV, celui édité par TILLEMANS (2000), ainsi que ceux de
PVV et PVA. Voir aussi DD% et Pa.

PVA R!hula S&'K(TY&YANA: Pram$&av$rttikabh$'yam or V$rttik$la(-


k$ra" of Prajñ$karagupta (Being a Commentary on Dharmak%rti!s
Pram$&av$rttikam). Patna, 1953: Kashi Prasad Jayaswal Research
Institute.

PVin I (1) Édition critique du texte sanskrit par Ernst STEINKELLNER, à


paraître sous les auspices du China Tibetology Publishing House et
de l"Austrian Academy of Sciences Press. (2) Voir VETTER 1966.

PVin II (1) Édition critique du texte sanskrit par Ernst STEINKELLNER, à


paraître sous les auspices du China Tibetology Publishing House et
de l"Austrian Academy of Sciences Press. (2) Ernst STEINKELLNER:
Dharmak%rti!s Pram$&avini)caya". Zweites Kapitel: Sv$rth$num$-
nam. Teil I: Tibetischer Text und Sanskrittexte. Wien, 1973: Verlag
der Österreichischen Akademie der Wissenschaften (Veröffentli-
chungen der Kommission für Sprachen und Kulturen Südasiens,
Heft 12).
Abréviations et bibliographie 551

PVin III P n°5710, ce 285a7!329a7/D n°4211, ce 187a6!230b7.

PVP Pram!"av!rttikapañjik! (Devendrabuddhi). P n°5717, che 1!


390a8.

PVSV! R"hula S#$K%TY#YANA: #c!rya-Dharmak$rte% Pram!"av!rttikam


(Sv!rth!num!napariccheda%) Svopajñav&tty! Kar"akagomiviracita-
y! ta''$kay! ca sahitam. Ky&to, 1982 (Allahabad, 19431): Rinsen
Books.

PV! Pram!"av!rttika'$k! ('"kyabuddhi). P n°5718, je 1!ñe 348a8/D


n°4220, je 1!ñe 282a7.

PVV R"hula S#$K%TY#YANA: Dharmak$rti!s Pram!"av!rttika with


Commentary by Manorathanandin. Paru en appendice du Journal of
the Bhandarkar Oriental Research Institute 24!26 (1938!1940).
Voir aussi DD' et Pa.

R Anantalal THAKUR: Ratnak$rtinibandh!vali% (Buddhist Ny!ya


Works of Ratnak$rti). Patna, 19752 (Patna, 19571): Kashi Prasad
Jayaswal Research Institute (Tibetan Sanskrit Works Series, n°3).

resp. respectivement.

S S#$K%TY#YANA, R"hula. Renvoie au texte de PVSV édité/re-


construit par S (voir PVSV!), et au texte de PV édité par S (voir
PVV).

' '"kyabuddhi. Voir PV!.

s! 'V sambandh!k(epa.

s!p 'V sambandh!k(epaparih!ra.

'Bh )!barabh!(ya ('abara). (1) )r$majjaiminipra"$ta* M$m!*s!dar+a-


nam, édition de l"#nand"(rama (7 volumes comprenant les S,tra de
Jaimini, le Bh!(ya de 'abara, le Tantrav!rttika et la -up'$k! de
Kum"rila). Poona, 1994. (2) Pour 'Bh sous M)S* I.i.1!5, voir
FRAUWALLNER 1968: 10!60 (= F).

SDS M.V. SHASTRI ABHYANKAR: Sarva-Dar+ana-Sa*graha of S!ya"a-


M!dhava, Edited with an Original Commentary in Sanskrit. Poona,
552 Abréviations et bibliographie

1978: Bhandarkar Oriental Research Institute (Government Oriental


Series, Class A, n°1). Voir aussi COWELL/GOUGH 1986.

!DS K.S. MURTY: !a"-dar#ana Samuccaya: A Compendium of Six Phi-


losophies by Haribhadra. Translated into English with Notes.
Delhi, 1986: Eastern Books Linkers.

SK S$%khyak$rik$ ("#varak$%&a). Voir YD.

'KA &$rd'lakar($vad$na. Voir Div.

skt sanskrit.

SNS Sandhinirmocanas'tra. Voir LAMOTTE 1935.

SP(V) Sambandhapar)k*$(v+tti) (Dharmak(rti). Voir FRAUWALLNER 1934.


'Pur Nag Sharan SINGH: The &ivamah$pur$(a. Delhi, 1981: Nag Publi-
shers (Purana Text Series, n°1).

SPUS) S. BAGCHI: Suvar(aprabh$sas'tra. Darbhanga, 1967: The Mithila


Institute of Post-Graduate Studies and Research in Sanskrit Lear-
ning (Buddhist Sanskrit Texts, n°8).

SRK D.D. KOSAMBI/V.V. GOKHALE: The Subh$*itaratnako#a Compiled


by Vidy$nanda. Cambridge (Mass.), 1957: Harvard University
Press (Harvard Oriental Series, vol. 42).

SSK Shigeaki WATANABE: «'ubhagupta!s Sarvajñasiddhik*rik*». Jour-


nal of Naritasan Institute for Buddhist Studies 10, pp. 55"74 (en
langue japonaise).

SS(V) Spho,asiddhi(v+tti) (Ma&+anami#ra). Voir BIARDEAU 1958.

SS' S$k$rasiddhi#$stra (Jñ*na#r(mitra). Pp. 367"513 de Anantalal


THAKUR: Jñ$na#r)mitranibandh$vali. Patna, 1987 (Patna, 19591):
Kashi Prasad Jayaswal Research Institute (Tibetan Sanskrit Works
Series, n°5).

!T(V) !a*,itantra(v+tti) (V$%aga&a/Vindhyav*sin?). Voir STEINKELLNER


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Index

Répertoire géographique +r" La(k! ! 29, 52


+rughna ! 53
Ayodhy! ! 50, 54, 55, 56 Sth!&v")vara ! 53
Bactriane ! 47, 53 Sur!,'ra ! 52, 53, 56
Bengale ! 50 T!mralipti ! 53
Bhitar" ! 29 Tel!%haka ! 28
Camp! ! 50 Til!ddha ! 28
Co#a ! 26, 28 Tila%haka ! 28
C$%!ma&i ! 26 Tirumalai ! 26
Dekkan ! 50 Tirumalla ! 26
Gandh!ra ! 47, 48, 50, 53 Trimalaya ! 26
Gange ! 47, 48, 50, 53, 54, 56 U%%y!na ! 47
Gau%a ! 56 Ujjayin" ! 39
Gay! ! 29 Vai)!l" ! 50
Him!laya ! 209 Valabh" ! 50, 52, 53, 55, 56
Himavat ! 208, 209 V!r!&as" ! 26, 50, 54, 56
J!landhara ! 53 Vindhya ! 208, 209, 301
K!kan!dabo'a ! 29 Vi)!kh! ! 54, 55
Kali(ga ! 26
Kany!kubja/Kanauj ! 50, 54, 55, 56
Kapilavastu ! 50 Auteurs modernes
Ka)m"r ! 13, 50, 53, 389
Kau)!mb" ! 50, 54 Biardeau ! 198
Kumr!har ! 50 Brough ! 167
Ku)inagara ! 50, 56 Brown ! 25, 26
L!'a ! 298 Bühler ! 12
Magadha ! 13, 28, 48, 53, 56 Burnouf ! 12
Malaya ! 208, 209 Cardona ! 167
Mathur! ! 26, 50, 54 Chattopadhyaya ! 51
Matipura ! 53 Choudhary ! 37
N!land! ! 26, 28, 30, 38, 50, 52, 55, 56 Conze ! 59
P!'aliputra ! 56 Davidson ! 14, 15, 17, 46, 47, 49, 51, 55,
Penj!b ! 50, 53 59, 60
Pray!ga ! 54 Doniger O"Flaherty ! 33
R!jag*ha ! 50 Ejima ! 27
S!rn!th ! 54, 55 Frauwallner ! 6, 26
+r!vast" ! 50, 54 Funayama ! 27, 28
590 Index
Gnoli ! 489 %ryadeva ! 70, 96, 99, 110
Graham 18, 20
! A'vagho(a ! 100
Halbfass ! 57 %'val"yana ! 155
Hara ! 122 B"dar"ya)a ! 124
Harrison 389! Baudh"yana ! 155
Hayes ! 61 Bh"(va)viveka/Bhavya ! 26, 27, 58, 59, 69,
Heitzmann ! 48, 49 70, 73, 97, 98, 99, 100, 141, 145, 149
Houben ! 132, 160 Bhart$hari ! 19, 69, 115, 116, 129, 130,
Joshi ! 26, 46 131, 132, 134, 136, 141, 157, 158,
Katsura 26
! 160, 161, 162, 164, 166, 167, 170,
Kimura ! 27, 28 171, 172, 249, 300, 324, 330, 340,
Krasser ! 19 344, 356, 471
Kuwayama 47 ! Bhart$mitra ! 323
La Vallée Poussin ! 90 Bhavya ! 27
Lamotte ! 12 Bhavyar"ja ! 389
Lindtner 26, 27, 98
! Buddhamitra ! 30
Liu ! 13, 48 Budhagupta ! 30
McClintock ! 60, 61 Candragupta II ! 29, 37
Ogawa 160
! Candrak*rti ! 27, 69, 80
Olbrechts-tyteca ! 60 Devavi()u ! 29
!mae ! 163, 205 Devendrabuddhi ! 90, 92, 107, 108, 233,
Perelman 60 ! 503, 505, 507, 510
Pollock ! 145 Dharmap"la ! 26, 27, 28, 58, 59, 70, 99,
S"#k$ty"yana ! 489 110, 111, 223, 276
Schmithausen 510 ! Dharmottara ! 10, 19, 93, 105, 107, 201
Schopen ! 11, 12, 13 Dign"ga ! 27, 58, 59, 60, 63, 67, 69, 70,
Seyfort Ruegg ! 27, 77, 79 73, 74, 87, 89, 91, 100, 132, 134, 135,
Stcherbatsky ! 26 137, 138, 141, 219, 220, 223, 224,
Steinkellner ! 27, 298 341, 381
Thakur 47, 50, 52
! Gautama/Ak(ap"da ! 76, 96, 195
Tillemans ! 104, 110 Gu)amati ! 26
Vetter ! 503 Gupta ! 13, 16, 28, 29, 30, 33, 37, 38, 45,
Vidyabhusana 26 ! 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 55
Wezler ! 78 Gupta magadhéens ! 52, 55
Haribhadra ! 107
Harivarman ! 223
Har(avardhana ! 28, 38, 56
Noms indiens
Hel"r"ja ! 131, 132, 141, 301
+'varasena ! 6, 27, 59, 63
Akala#ka ! 95, 105, 107
Jaimini ! 146, 149, 161, 281, 282, 377
%mrak"rdava ! 29
rGyal dpog ! 146
%pastamba ! 155
Jit"ri 10, 253
!
Arca&a ! 298
Index 591
Jñ!nacandra ! 28 Narasi(hagupta ! 30
Jñ!na"r#bhadra 131 ! Narendraya"as ! 47
Jñ!na"r#mitra ! 27, 83, 87 Pak%ilasv!min ! 70, 78, 81, 96, 97, 99, 195
K!lid!sa ! 283, 287 P!$ini ! 123, 148
Kamala"#la 10, 61, 101, 166, 204, 333
! P!rthas!rathimi"ra ! 99, 146
Ka$!da ! 76, 283 Patañjali ! 116, 129, 130, 171
gZegs zan ! 76 Pi)gala ! 123
Ka$abhak%a ! 76 Prabh!karavardhana ! 56
Kar$akagomin ! 7, 9, 74, 118, 126, 138, Prajñ!karagupta ! 88
146, 157, 158, 159, 160, 161, 162, Pra"astap!da ! 73, 283
164, 165, 166, 167, 170, 183, 187, Pu$yar!ja ! 131, 141, 160, 161, 324
188, 192, 200, 203, 261, 266, 361, Puragupta ! 30
362, 370, 464, 508 Pu%yabh*ti ! 53, 56
K!ty!yana ! 129, 155, 171 R!jyavardhana ! 56
Kum!ragupta I ! 29, 30 Ratnak#rti ! 10, 83, 201, 253
Kum!rila ! 27, 39, 40, 41, 42, 43, 59, 60, +abara ! 118, 119, 120, 121, 122, 123,
62, 63, 94, 99, 105, 115, 118, 119, 124, 129, 146, 148, 149, 152, 161,
121, 122, 125, 126, 127, 132, 136, 182, 197, 198, 200, 201, 282, 377, 379
141, 146, 148, 149, 150, 151, 152, +aka ! 38
153, 154, 155, 158, 159, 162, 179, +!kyabuddhi ! 7, 74, 106, 113, 146, 164,
181, 182, 183, 184, 186, 188, 197, 165, 166, 225, 233, 261, 268, 287,
198, 199, 200, 201, 239, 240, 241, 298, 315, 339, 347, 508, 512
243, 244, 246, 249, 250, 266, 271, +!kya"r#bhadra ! 389
276, 277, 280, 282, 284, 291, 294, Samantabhadra ! 105
300, 301, 317, 323, 331, 333, 340, Samudragupta ! 29
343, 344, 345, 346, 354, 359, 360, Sa)ghabhadra ! 164, 172
362, 370, 379, 384, 464 +!ntarak%ita ! 9, 10, 27, 61, 101, 111,
Kundakunda ! 78, 80, 107 141, 157, 166, 201, 204, 253, 333
Ku%!$a ! 38, 48, 49, 50 Sarvavarman ! 56
Maitraka 52, 53, 55
! +a"!)ka ! 56
Ma$&anami"ra ! 157, 158, 163, 166, 331, S!tav!hana ! 48, 52
353, 473, 476 Siddhasena ! 59
Manorathanandin ! 7, 9, 78, 92, 107, 167, +ivar!ma ! 28
200, 275, 510 Skandagupta ! 29, 30
Maukhari ! 55, 56 Soma ! 56
Meghavar$a 29 ! Sthiramati ! 26, 323
Mihirakula ! 50 Subandhu ! 27
Mok%!karagupta ! 10, 83, 253 +ubhagupta ! 9, 10, 135, 137
Mukulabha''a 323 ! Subh*ti"r#"!nti ! 389
N!g!rjuna ! 77 Sucaritami"ra ! 99, 354
N!ge"a ! 167 Sudhanvan ! 39
N!rada 302
! Toram!$a ! 50
592 Index
Uddyotakara ! 78, 195, 197, 201 Dieux, saints et prophètes
Umbeka 354, 370, 478, 479
!

Upavar!a ! 182 'Jig rten 'di pa ! 76


V"caspatimi#ra ! 348 A'giras ! 151, 154
V"lm$ki 65
!
Arhat ! 90, 503
Vasubandhu ! 29, 58, 62, 63, 86, 90, 104, Asura ! 33, 35, 36
133, 134, 164, 201, 202, 331, 354, Bodhisattva ! 60, 91, 93
503, 505 Brahm" ! 38, 80, 151, 292, 295, 309, 470,
Vibh%ticandra ! 146 471
Vimalamitra ! 104, 133, 164, 172, 334 Tsha's pa ! 292
Vin$tadeva ! 107, 298 Brahman ! 283
V&ttik"ra ! 122, 123, 124, 125, 130, 131, brGyad pa (A!+aka) ! 417
146, 147, 148, 161, 182, 201 B&haspati ! 34
Vy"sa ! 65, 78, 79, 80, 150, 296 Buddha ! 16, 18, 19, 30, 33, 37, 38, 42,
Ya#omitra ! 164 43, 44, 56, 60, 62, 69, 76, 77, 81, 86,
87, 89, 90, 91, 93, 99, 100, 101, 104,
111, 112, 133, 134, 153, 154, 237
Autres noms Bhagavat ! 69, 77, 93, 134, 226
Sa's rgyas ! 76
Sugata ! 76, 87, 89, 91, 283
al-B$r%n$ ! 18
Tath"gata ! 44, 93, 98
Bu ston ! 25, 26
De b,in g#egs pa ! 98
Faxian (! ") ! 30, 50, 52
Daitya ! 33, 34, 35, 36
Guillaume de Ruybrouck ! 20
Ga)e#a ! 34, 36
Huizhao (# $) ! 27
Garu*a ! 29, 303
Pierre le Vénérable ! 20
Nam mkha' ldi' ! 303
rGyal tshab rje ! 110
Hira)yagarbha ! 283, 291, 294, 309
Rin chen bza' po ! 389
dByig gi sñi' po can ! 417
rMa dGe ba'i blo gros ! 389, 390
Jina 56, 76
!
r(og Blo ldan #es rab ! 389
Kalkin ! 37, 45
Sa skya Pa)*ita ! 389
Kapila ! 76
Songyun (% &) ! 47
Ser skya ! 76
Sro' btsan sgam po ! 26
Ka+ha ! 152, 155
T"ran"tha ! 25, 26
K&!)a ! 29
Tso' kha pa ! 110
Lak!m$ ! 29
Wuhang (' () ! 28
Manu ! 41, 44, 45, 149, 151
Xuanzang () *) ! 13, 26, 27, 28, 38, 47,
Ma#aka ! 153, 155
50, 53, 54, 55, 56
M"y"moha ! 33, 34, 35, 36
Yijing (+ ,) ! 13, 26, 28, 52, 53
Nagna ! 76
gCer bu ! 76
P"r#va ! 29
Praj"pati ! 150, 151, 464
Index 593
Pramati/Pramiti ! 37 Mah!bh!rata ! 150, 287, 296, 307, 308,
R!ma 29
! 529
"#abha ! 76 Bha ra ta ! 422, 426
$iva ! 34, 56 M+cchaka,ik! ! 32
S%rya 34, 36
! M%lasarv!stiv!davinaya ! 13
Tak#aka ! 103 N!masa'g&ti ! 90
T&rtha'kara ! 29, 76 N!,ya(!stra ! 136
Urva(& ! 316 Nirukta ! 315
Vai(amp!yana ! 152 Ny!y!nus!ra ! 164
V!madeva 283
! Pram!)!ntarbhavaprakara)a ! 10
V!maka ! 283 Pram!)avini(caya,&k! ! 10
Vardham!na ! 76 Pratijñ!yaugandhar!ya)a ! 298
Vi#)u 29, 33, 34, 36, 37
! "gvidh!na ! 300
Vi(v!mitra ! 283 $!listambas%tra ! 503
Sam!dhir!jas%tra ! 505
S!mavidh!na ! 300
Sa0hit!s%tra ! 171
!uvres et passages
Sa0hit!s%trabh!#yavivara)a ! 171, 354
mentionnés
Sa'graha ! 129, 131
Sant!n!ntarasiddhi ! 95
*Hetuprakara)a ! 6, 58
$rutikart+siddhi ! 10
'Brel pa brtag pa ! 249
Tarkabh!#! ! 10
Adhy!(ayasañcodanas%tra ! 60, 104
Tattvani#kar#a ! 27
Aggañña Sutta ! 313
Tattvasiddhi ! 27
Akala'kastotra ! 107
V!savadatt! ! 28
*lambanapar&k#!v+tti ! 27
Ved!pr!m!)yasiddhi ! 10
A,,has!lin& ! 133
Vi(e#!va(yakabh!#ya ! 103
*va(yakaniryukti ! 102, 103
V+ttik!ragrantha ! 115
Bh!gavatapur!)a ! 37
B+hann!rad&yapur!)a ! 32
Buddhaparinirv!)astotra ! 28
Candraprad&pasam!dhi ! 505 Genres, collections, etc.
Catu-prati(ara)as%tra ! 93
Da(abh%mikas%tra ! 101, 503, 505 Br!hma)a ! 304
Dev!gamastotra ! 105 Itih!sa ! 244
Kalpan!ma).itik! ! 108 Kalpas%tra ! 152, 153, 155
Ka,and& ! 283 Prajñ!p!ramit! ! 105
K!ty!yanav!rttika ! 129 Pur!)a ! 29, 30, 33, 37, 38, 39, 40, 41, 42,
Kau(ikas%tra 300! 43, 45, 46, 62, 244, 298, 299, 529
Kum!rasambhava ! 283, 284, 285, 287 Sm+ti ! 29, 30, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 43,
g/on nu 'byu' ba can ! 417 44, 45, 46, 61, 62, 152, 153, 155
Laukikapram!)apar&k#! 27 ! $ruti ! 19, 105, 115, 116, 186, 200, 204,
205, 330
594 Index
S!tra ! 18, 102, 105, 110, 130, 237 M%dhyamika ! 27, 35, 58, 69
mDo 101! Mah%y%na ! 38, 54
Tantra ! 16, 76 M#m%)s% ! 5, 6, 9, 19, 21, 25, 38, 39, 45,
Veda ! 8, 10, 11, 18, 20, 30, 31, 34, 35, 46, 58, 62, 69, 75, 81, 84, 115, 116,
36, 38, 42, 43, 44, 45, 46, 59, 62, 68, 119, 120, 129, 131, 132, 133, 134,
96, 97, 105, 108, 113, 114, 116, 119, 136, 137, 142, 143, 145, 146, 153,
120, 121, 123, 125, 131, 133, 142, 156, 157, 158, 161, 164, 174, 181,
143, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 182, 197, 207, 208, 239, 240, 244,
151, 152, 153, 154, 155, 156, 189, 248, 251, 255, 275, 283, 300, 315,
239, 240, 241, 243, 244, 252, 253, 316, 317, 318, 332, 333, 342, 357,
255, 281, 282, 283, 284, 285, 287, 366, 374, 377, 385, 519, 522, 529
288, 289, 291, 292, 293, 294, 295, M#m%)saka ! 18, 19, 44, 45, 57, 59, 61,
296, 297, 298, 299, 300, 308, 309, 63, 71, 81, 84, 97, 98, 113, 114, 121,
310, 311, 314, 315, 316, 317, 322, 123, 124, 131, 132, 134, 145, 146,
361, 460, 461, 462, 470, 471, 526, 154, 159, 161, 187, 189, 195, 197,
527, 529, 530, 532, 533 199, 203, 209, 212, 239, 240, 244,
Rig byed ! 243, 311 253, 255, 275, 276, 277, 281, 284,
285, 286, 288, 294, 299, 300, 315,
316, 318, 319, 341, 342, 354, 357,
360, 368, 371, 374, 382, 383, 519,
Groupes, écoles, représen-
520, 526, 527, 532, 534
tants, etc.
dPyod pa pa ! 275, 429
Jaimin#ya ! 84, 131, 239
Abhidharma ! 104, 108
rGyal dpog pa ! 146
"bhidharmika ! 137
Jaranm#m%)saka ! 161
"j#vika ! 31
V*ddham#m%)saka ! 113, 161
Ala$k%ra ! 136
Naiy%yika ! 18, 57, 59, 60, 78, 79, 96, 129,
Bauddha ! 58, 83, 163, 302
147, 189, 195, 197, 201, 249, 285
&%kya ! 39, 42, 43, 44, 58, 153, 301
Nirukta ! 315
Saugata ! 229, 240
+es par brjod pa ! 429
bDe bar g'egs pa ! 417
Ny%ya ! 9, 57, 76, 78, 122, 129, 132, 134,
G%ru((ik)a ! 83, 301
137, 248, 332, 333
Jaina ! 18, 31, 34, 36, 40, 42, 44, 53, 59,
&aiva ! 16, 19, 31, 38, 46, 56, 59, 83
60, 76, 78, 83, 279, 301
Bhairava ! 31
"rhata ! 35, 83
K%p%lika ! 30, 31, 233, 298
Digambara ! 298
M%he'vara ! 54, 83, 301
Lok%yata ! 31, 36, 76, 312
P%'upata ! 31, 40, 298, 301
'Jig rten rgya$ 'phen pa ! 312
Lakul#'ap%'upata ! 298
Lauk%yatika ! 312
S%)mit#ya ! 54, 55, 58
Lok%yatika ! 312
S%$khya ! 40, 58, 69, 76, 222, 223, 301
Med par smra ba pa ! 76
Gra$s can gyi 'dod pa ! 222
Lokottarav%din ! 30
K%pila ! 31
Madhyamaka ! 13, 46, 58
Index 595
S!"khyadar#ana ! 222 akt!k&a ! 184
S!"khyamata 222 ! akrama ! 163, 165, 168, 169, 329, 332,
Sautr!ntika ! 58, 133, 279, 338 356, 472
$r!vaka ! 58 akramabh!vitva ! 369
H%nay!nistes 53, 54
! akramasattva ! 168, 171, 353
Sthavira ! 58 akriy! ! 212
T!ntrika akriy!bhinive#a ! 210
milieux (proto)tantriques ! 63 akli&*a ! 504
Vaibh!&ika ! 53, 58, 62, 63, 116, 133, 164, ak&a'ika ! 113
170, 172, 333, 334, 354 ak&abuddhi ! 120
Vai#e&ika ! 18, 58, 69, 70, 76, 80, 97, 124, ak&ara ! 175, 301
134, 137, 141, 183, 184, 189, 222, 283 ak&inikoca ! 241
gZegs zan pa 417! akha'+a ! 168
Vai#e&ik!didar#ana ! 222 agaty! ! 73, 75, 224
Vai#e&ik!dimata ! 222 ag(h%tavyañjaka ! 246
Vai&'ava 29, 31
! ag(h%tasa"keta ! 245
Bh!gavata ! 29, 38 agni ! 192, 290, 291, 302, 359, 511
P!ñcar!tra ! 31, 40, 301 agni&*oma ! 251
Vaiy!kara'a 163, 166, 275, 277, 354
! agnisvalak&a'a ! 192
Ved!nta ! 58 agnihotra ! 29, 108, 113, 124, 143, 244,
Vijñ!nav!da ! 13, 34 251, 252, 256
Vijñ!nav!din 141! agraha ! 461
Vy!kara'a ! 62, 158, 315 a"kura ! 208, 209, 269
Yoga ! 19, 40, 78, 301 a"ga ! 42, 127, 150, 153, 275, 284, 322,
Yog!c!ra 58! 346, 466
a"gasm(ti ! 155
a"g!"gibh!va ! 102
acintya ! 195, 338
Termes sanskrits
aj!ji ! 102
ajutta/ayukta ! 105
akart( ! 152
ajña ! 72, 73, 84
akart(ka ! 115, 154
ajñ!t!rthaprak!#a ! 19
akalpa ! 86, 88
ajñ!na ! 118, 218, 227, 282, 503
ak!ra ! 205, 317, 349, 359, 368, 369, 541
a'unityatva ! 187
ak!ra'avat ! 481
a'vantara ! 279
aki)citkara ! 195, 202
at!rkika ! 186
aku#alakarmapatha ! 104
atikr!ntajanm!dismara'a ! 306
ak(ta ! 304
atigambh%ra ! 110
ak(taka ! 153, 282
atitvarita ! 205
ak(takatva ! 153
atid%rgha ! 347
ak(tasambandha ! 130
atidruta ! 205
ak(trima ! 123, 210
atip!pin ! 33
akau*asthya ! 188, 189
596 Index
atiprasa!ga ! 174, 287, 373, 539 adhikara)a ! 478
atimohak"t 35 ! adhika#abdaprak&epa ! 315
atirikta ! 187 adhik%bhiyoga ! 64
ati#aya ! 191, 193, 194, 195, 196, 228, adhigantavya ! 78
294, 295, 304, 308, 336, 337, 338, adhigamahetu ! 78
340, 365, 373, 374, 375, 376, 382, adhimukti ! 93
510, 537, 541 adhi&'h%na ! 82, 113
ati#ayavat ! 82, 196, 374 adh$yate ! 308, 311
at$takart"ka ! 285 adhyak&a ! 105
at$tajñ%nakarmat% 478 ! adhyayana ! 148, 149, 212, 294, 296, 299,
at$t%n%gata ! 470 308, 470, 471, 528, 529, 531
at$ndriya ! 67, 68, 71, 72, 77, 105, 168, adhyayanap*rvaka ! 308
185, 223, 230 adhyayan%ntarap*rvaka ! 308, 471
at$ndriyadar#ana ! 82, 84 adhyavas%ya ! 87, 370
at$ndriya#aktibhedayukta ! 81 adhyavasita ! 207
at$ndriy%rthadar#ana 83 ! adhyasta ! 175
at$ndriy%rthadar#in ! 81, 82 adhy%payati ! 149, 311
at$ndriy%rthavid ! 80, 93 adhy%payit" ! 44, 155
atta/%pta 75 ! adhy%yin ! 152
atyantaparok&a ! 67, 70, 74, 78, 92, 106, adhy%ropika ! 176, 177, 179, 280
110, 219, 224 adhy%ropita ! 177, 235, 514
atyantap%'ava 510 ! adhyet" ! 44, 148, 150, 151, 155
atyantaprasiddha ! 113 adhvanika ! 169
atyantavirodhin ! 41 anak&ara ! 303
atyantasattva 320 ! ana!gat% ! 466
atyant%k&aparok&a ! 78 anatikrama ! 210
atyukti ! 65 anantajñ%nadar#ana ! 80
adu&'amanas ! 80 ananyath%v%ditva ! 306
adu&'%tman ! 235 anap%ya ! 227
ad"(ha 511! anapu+saka ! 471
ad"#ya ! 277 anapek&itab%hy%rthopanidhi ! 176
ad"&'a ! 67, 71, 78, 96, 97, 106, 184, 210, anabhijña ! 463
221 anabhivyakta ! 463, 540
ad"&'ak%ra)a ! 290 anar%#raya ! 310
ad"&'aparam%rthas%ra ! 64 anartha ! 224
ad"&'ali!gasambandha 97, 98 ! anarthaka ! 158, 242, 323, 352
ad"&'avyabhic%ra ! 72, 110 anala ! 35
ad"&'as%marthya ! 326 anavadh%ra)a ! 329, 330, 331, 379, 472
ad"&'ahetu 291 ! anavadh"ta ! 329, 330, 355
ad"&'ahetuka ! 527 anavayava ! 158, 167, 168, 169, 182, 327
ad"&'e&'avirodhaka ! 105 anavasth% ! 117, 247, 341, 365
adharma 40, 108, 122, 312
! anavasth%na ! 173
Index 597
an!gama ! 72, 176 anupalabdhi ! 58, 67, 68, 195, 223, 357
an!tmaka 507 ! anupalambha ! 195, 198, 199, 286, 307,
an!tman ! 513 367
an!di ! 115, 131, 155, 177, 313 anupa$le%a ! 172
an!dik!l!bhy!sa 232 ! anupasa)h!ra ! 102
an!dik!l"navyavah!r!bhy!sa ! 138 anup!khyeya ! 473
an!dit! ! 149, 155, 188, 212, 287, 462, anupra$n! ! 33
477, 478, 526 anubaddhasp'ha ! 64
an!dinitya ! 115, 123, 125, 189 anubhava ! 176, 177, 201, 278, 280, 290,
an!div!sanodbh#ta 135 ! 332, 339
an!diveda$!kh! ! 155 anum!na ! 39, 67, 69, 70, 73, 97, 98, 105,
an!disabh!gav!san! ! 177 111, 113, 128, 199, 221, 223, 227,
an!disam!khy! 155 ! 268, 269, 369, 370, 375, 378, 381,
an!dh!ra ! 34, 35 385, 460, 461, 463, 464, 478
an!dheyavi$e%a ! 113 anum!nat! ! 219, 224, 459
an!dhey!ti$aya 194 ! anum!natva ! 227
an!pt!pra&"tokti ! 120 anum!nab!dh! ! 288
anitya ! 98, 130, 187, 507, 509, 513 anum!nab!dhita ! 369
anityat! 87, 540
! anumeya ! 37, 69, 463
anityatva ! 164, 187, 334, 361, 380 anur!ga ! 183
anityadar$ana ! 151 anur#pa ! 86
anityadhvani 187, 477 ! anurodha ! 192
anityav!din ! 199 anurodhin ! 192
anity!disvalak%a&a ! 514 anuv!ka ! 473
anidar$anat! 541 ! anuv!da ! 160, 162, 460, 471
animi%itad'%(i ! 478 anuv'tta ! 478
anirodhana ! 137 anuv'tti ! 195, 337
anuk!ra ! 115, 166 anu$a)s! ! 74
anuk#la ! 236 anu$aya ! 109
anukrama 168, 170, 208, 210, 327, 332
! anu$!sanapr!tih!rya ! 76, 90
anugu&a ! 473 anu%(h!na ! 82, 84, 220, 239, 304
anugu&op!ya ! 60, 103, 113, 220, 224 anu%(hita ! 152
anugraha 170, 172
! anu%(heya ! 72, 84, 228
anugr!haka ! 127, 236 an'ta ! 91, 302
anutantra ! 130 an'tahetuvimukta ! 69
anud!tta 183 ! an'%i ! 153
anud!hara&a ! 203 aneka ! 278, 279, 347, 367
anudvejana ! 390 aneka$abdagr!hin ! 346
anupak!rakatva 248 ! aneka$abda$rava&a ! 347
anupak!rya ! 194, 260 anek!nta ! 197
anuparata ! 186 anek!ntav!da ! 35
anuparodha 111, 226 ! anek!rthaniyama ! 520
598 Index
anek!rthavikalpa ! 316 ap!"ini ! 147
anek!rth!bhisambaddha 256 ! ap!ya ! 74, 176
anek!vayava ! 158, 476 ap!rthaka ! 102
anaik!ntika ! 198, 201, 283, 285, 286, apunar!v#tti ! 89
368, 371 apuru'!rthaphala ! 103
antar ! 138 apuru'!$raya ! 310
antya ! 171, 203, 468, 473 ap%pa ! 102
antyavar"a ! 164, 331, 468 ap%rva ! 78, 194, 312, 313
antyavar"ak!la ! 203 apoha ! 5, 6, 59, 63, 223, 254
antyavar"apratipatti 332 ! apauru'eya ! 116, 122, 133, 134, 240,
antyavar"abh!ga ! 203 245, 286, 308, 310
andhak!ra ! 191 apauru'eyat! ! 38, 59, 113, 115, 116, 125,
anyakrama 328 ! 133, 137, 143, 239, 303, 519, 520
anyatva ! 168, 266, 320, 384, 479 apauru'eyatva ! 120, 243, 287, 297, 310,
anyatv!vyatikrama ! 266 314
anyath!nupapatti ! 128, 175, 185, 246, apauru'eyatvakalpan! ! 243, 281
271, 322, 345, 347, 352, 463, 471 apauru'eyatvas!dhana ! 157
anyasad#$a ! 321 apauru'eyatv!bhyupagama ! 284
anyasv!migovyud!sa 258 ! apra")ta ! 142
any!poha ! 257 apratik%lat! ! 136
any%n!dhikatva ! 187 apratibaddha ! 218
anyonyasa&$raya 461 ! apratibalaprajña ! 64
anvaya ! 289 apratisandh!na ! 356
anvayavyatireka ! 128, 210, 217, 231, 271, apratisambandha ! 102
285, 338, 513 apratyak'a ! 113, 269
anvayavyatirekin ! 139 apratyak'aphala ! 74
anvayavy!pti ! 286 apram!"at! ! 41, 199
anvit!bhidh!na ! 161, 162, 324 apram!"atva ! 142, 460
apakar'in ! 510 apram!"avi'aya ! 106
apak#'(a 460
! apram!"ika ! 284
apagama ! 108 apra$!ntat! ! 234
apa(u ! 205 apr!tik%lya ! 136, 241
apabhra&$a 34, 44 ! apr!pta ! 342, 474
apabhra'(a ! 44 apr!ptagraha"a ! 538
aparapratyaya ! 93 apr!pt!kar'a ! 343
aparok'a 478
! apr!pti ! 474
apal!pa ! 231 apr!pyak!ritva ! 343
apavarga ! 85, 98, 103, 111, 220 apr!m!"ya ! 31, 117, 118, 240
apav!da 315, 460
! aprek'!p%rvak!rin ! 74
apasth!pita ! 164 abaddhapral!pa ! 104
apasm#ti ! 46 ab!dhyab!dhakatva ! 291
apahnava 315 ! abh!ga ! 163
Index 599
abhigh!ta ! 186 ayuktigr!hin ! 284
abhijñ! 80, 83, 90, 94, 229
! ayugapatk!la ! 169, 172
abhijñ!ta ! 93 ayogyade"!vasthita ! 343
abhidh!yakat! ! 128, 266 ayoni"omanask!ra ! 232, 237, 238, 510,
abhidh!"akti 126 ! 513
abhidheya ! 128 ara(inirmathana ! 293
abhinivi#$a ! 236, 514 ar')ha ! 533
abhinive"a ! 506, 508, 513 arthakriy! ! 135
abhini#panna ! 351 arthakriy!s!marthya ! 27
abhinna 158, 167, 168, 182
! arthacihnar'pa ! 164
abhinnak!la ! 169 arthatattva ! 70, 141
abhipr!ya ! 70, 135, 141, 218, 225, 254, arthapara ! 151
281 arthaparisam!pti ! 160
abhim!na ! 331, 473 artham!tradar"ana ! 88
abhiyoga ! 91, 92, 111 artham!trad*" ! 88
abhirucita 233 ! arthavat ! 165, 187, 326
abhil!pasa%sargayogya ! 135 arthavatt! ! 160, 241, 471
abhivyakta ! 330, 355, 472, 541 arthavattva ! 242, 323
abhivyakti 166, 184, 185, 189, 250, 263,
! arthav!da ! 150, 151, 283
331, 344, 381 arthasa%sk!ra ! 316
abhivya&gya ! 170 arthasahajat! ! 133
abhivyañjaka 160, 170, 355! arth!nartha"rava(a ! 224
abhi#eka ! 16 arth!patti ! 39, 128, 152, 271, 322, 364,
abhi#va&ga ! 236 463
abhisambaddha 256 ! arth!visa%v!da ! 70
abhisambandha ! 160 arth!vyabhic!ra ! 218
abhihata ! 184, 344, 475, 480 arthopasa%hita ! 104
abhihit!nvayav!da ! 186 arpa(a ! 515
abh'ta ! 86, 88, 507 arbhakodita ! 35
abh't!rtha 232, 513, 514
! arv!gdar"ana ! 71, 82, 94
abhy!sa ! 90, 91, 92, 138, 149, 201, 231, arv!gdar"in ! 71, 82, 195, 338
261, 304, 508, 510, 516 ala&k!rabh'#ita ! 28
abhyuccaya 155 ! alabdhasad*"apratigr!haka ! 64
abhyudaya ! 85, 103, 220 ali&ga ! 68
abhyup!ya ! 74, 84 alp!ntara ! 179, 470
abhyupetab!dh! 219, 526 ! avag!hana ! 64
amantra ! 81 avat!ra ! 33
am!rga ! 108 avat!ra(a ! 284
ami"ra 138, 248
! avatthaya/ap!rthaka ! 102
ambhonidhi ! 65 avadh!na ! 228
ayath!rtha ! 88 avadh!ra(a ! 329, 330, 350, 355, 472
ayask!nta 338, 343
! avadh!ra(op!ya ! 231
600 Index
avadh!rayati ! 332, 379, 473 avyakta ! 127, 329, 330, 474
avadh"ta 330 ! avyatireka ! 277
avadh"t!navadh"ta ! 329 avyapade#ya ! 172
avabh!sin ! 166, 175, 176, 177, 208, 474 avyabhic!ritva ! 281
avayava ! 158, 160, 172, 184, 325, 326, avyavacchinna ! 115
374, 469, 476, 480 avyavadh!nade#ayogyat! ! 196
avayava#rava$a ! 325 avy!pin ! 158, 342, 361, 537
avayavasa%gh!ta ! 323 avy!vartana ! 309
avayavasamud!ya ! 173 avy!hat!gama ! 74
avar$abh!ga 168, 330 ! avyutpannabuddhi ! 313
avar$!tmaka ! 168, 319, 331 avyutp!ditabuddhi ! 313
ava#yambh!vin ! 466 a#akala ! 168
avas!ya 478 ! a#akyani#caya ! 307
avasth! ! 191, 327, 356, 365, 368 a#akyas!dhana ! 296
avasth!pratilambha ! 359 a#ucivijugups! ! 233
avasthita 132, 381! a#ubha ! 43, 86, 88
av!caka ! 169, 275, 277, 323 a#ubh! ! 86
avikala ! 161, 371 a#li'(a ! 273
avik!ra 169
! a#vadharma ! 248
avik!rin ! 189 a#vamedha ! 29, 38
avik!rya ! 189 a'(ak"tvas ! 197, 480
avic!lin 129
! a'(!da#adharmasa)hit! ! 42
avicchinnar&pa ! 186 a'(!da#avidy!sth!na ! 42
aviccheda ! 149 asa)vedya ! 472
avitathatva 314 ! asa)#aya ! 92, 475, 480
aviditakart" ! 210 asa)s"'(a ! 139
avidy! ! 282, 503, 504, 505, 506 asa)sk"ta ! 154
avidy!bandha ! 282 asakalavar$abh!ga ! 331
avidy!r!g!divirahita ! 80 asakta ! 237
avidy!satk!yad"'(i 237 ! asa%gati ! 460
avidy!hetuka ! 236 asatk!ryav!din ! 376
avin!bh!va ! 139, 140, 272, 464, 520, 523 asaty!bhidh! ! 288
avibh!ga 169, 327, 329
! asadbh&tasam!ropa ! 514
avibhutva ! 511 asanni#caya ! 68
aviruddha ! 208, 295 asamastabh!ga ! 171, 353
aviruddhavidhi 295 ! asamastopalambhana ! 356
aviveka ! 267 asamprakhy!na ! 504
avisa)v!da ! 70, 72, 79, 96, 104, 105, asambandhin ! 259
110, 111, 219, 224, 228, 459 asarvajña ! 94
avisa)v!daka ! 69, 71 asarvavid ! 195, 338
avisa)v!din ! 19, 71, 105, 141, 219 as!k'ika ! 302
aveda 529
! as!dh!ra$agu$a ! 82
Index 601
as!dhu"abda ! 44, 154 !c!ryap!ramparyopade"a ! 225
asiddha 201, 283, 368, 461, 462, 526
! !tmagrahaikayoni ! 506
asiddhopalambhaka ! 190, 193, 194 !tmatu$%i ! 43
asiddhopalambhana ! 190 !tmadar"ana ! 509
astitva 133, 320
! !tmad'$%i ! 503, 506, 509
asthisa#kal! ! 86 !tmad'$%ivipak$a ! 507
aspa$%a ! 474 !tman ! 165, 166, 167, 283, 361, 503,
asmara&a ! 145, 146, 150, 212, 281, 283, 506, 507, 508
284, 285, 286, 287, 290, 526 !tmapratilambha ! 194
asmaryam!&akart'ka 212 ! !tmabh!vana ! 508
asmaryam!&akart'tva ! 286 !tmabh!van! ! 508
asm'ti ! 145, 281 !tmabh*ta ! 365
aha(k!ra 506 ! !tmasukhotp!dan!nuk*la ! 236
aham ! 506, 507, 508 !tm!tm)ya ! 236, 514
ahi(s! ! 34, 39 !tm!tm)yagraha ! 509
!kar$a 343! !tm!tm)yadar"ana ! 503
!kar$a&a ! 172 !tm!tm)yapratik*la ! 237
!kasmika ! 202, 209, 210 !tm!tm)yasneha ! 237, 508
!k!ra 176, 177, 209, 504
! !tm!tm)y!dhy!ropita ! 235, 514
!k!rasamat! ! 504 !tm!tm)y!bhinive"a ! 513
!k!r!rpa&ak$ama ! 515 !tm!bhinive"a ! 508
!k!"a 198, 290, 361
! !tm)ya ! 235, 236, 237, 503, 507, 508,
!k'ti ! 123, 125 509, 513, 514
!khy! ! 152, 154, 155, 284 !tm)yad'$%ivipak$a ! 507
!khy!na 140, 249 ! !tm)y!nuparodhin ! 237
!gata ! 19 !di ! 124, 462, 463, 464
!gantu ! 511, 515 !dikalpikapuru$a ! 314
!gantuka ! 514 !dimat ! 155
!gama ! 17, 18, 19, 35, 36, 69, 72, 73, 74, !daic ! 147, 148
75, 76, 78, 90, 92, 93, 97, 100, 105, !dya ! 161, 162, 308
106, 107, 115, 116, 219, 220, 221, 227 !nantarya ! 466
!gamana ! 353 !nayana ! 258
!gamaparigraha 74 ! !narthakya ! 162, 241, 376
!gamapr!m!&ya ! 74, 78, 81, 224, 519 !nup*rv) ! 159, 166, 169, 181, 186, 205,
!gamavikalp!vyavak)r&a ! 88 206, 208, 210, 256, 317, 327, 357,
!gamasiddhali#gatrair*pya 107 ! 366, 382, 383, 385, 538, 541
!gam!pek$!num!na ! 105, 106, 221, 223 !nup*rv)niyama ! 170, 472
!gam!"ray!num!na ! 113 !nup*rvya ! 186
!gamin 132 ! !nup*rvyanityatva ! 187
!#girasa ! 154 !num!nika ! 199, 475
!cara&a ! 42, 332 !ntara ! 166, 176
!c!rya 74, 77, 149, 248, 298
! !nv)k$ik) ! 57
602 Index
!pastamba ! 156 !vara"a ! 195, 335, 338, 339, 375
!pta ! 60, 69, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, !vara"aprah!"a ! 509
89, 90, 93, 95, 96, 97, 105, 115, 142, !vara"avigama ! 196, 374, 375, 382, 541
228, 298 !vara"!bh!va ! 375, 376
!ptapr!m!"ya 77, 78, 92, 96, 97 ! !virbh!va ! 166
!ptavacana ! 76, 92 !virbh'ta ! 172
!ptav!ky!visa#v!da ! 70 !v)ta ! 318
!ptav!c ! 69 !v)tti ! 473
!ptav!da ! 35, 36, 67, 70, 110, 219, 224, !v)ttiparip!ka ! 473
225 !ve"ikadharma ! 81
!ptav!d!visa#v!da ! 70, 73, 459 !$a*k! ! 253, 460
!ptav!din ! 9 !$%vi&a ! 343
!pta$ruti 76 ! !$rama ! 30, 31, 34, 36
!pt!gama ! 69, 76 !$rayasamat! ! 504
!pti ! 76 !$ray!lamban!k!rak!ladravyasamat! ! 504
!ptokti 120 ! !sanna ! 474
!ptopade$a ! 76, 77, 97 !srava/!$rava ! 90
!ptopade$apr!m!"ya ! 77 !sravak&aya ! 90
!bh%k&"ya 129 ! !sravak&ayajñ!na ! 90
!mn!ta ! 130 !sv!da ! 234
!mn!ya ! 76 !hita ! 177
!yatana 134 ! !hitab%ja ! 473
!yurveda ! 78, 96, 97 !hitasa#sk!ra ! 177, 314
!yurvedapr!m!"ya ! 97 !hitasa#sk!raprabodha ! 203
!rambhaka 351, 373 ! icch! ! 135, 137, 209, 258
!rambh!bhiyoga ! 91 icch!dh%na ! 231
!r!ma ! 43, 57 icch!m!trasa#$raya ! 137
!r'(ha ! 468 icch!"viruddha ! 208
!rogya ! 78 ida#t! ! 269
!ropa 177, 507
! id!n%#tana ! 296, 308
!rya ! 82, 312 id!n%#tanaved!dhyayana ! 296
!ryasatya ! 87, 88, 112 id!n%mpratibh!sa ! 379
!ryasatyadar$ana 87 ! indriya ! 69, 119, 131, 174, 175, 197, 237,
!r&acak&us ! 80 238, 269, 300, 331, 344, 345, 346, 524
!r&ajñ!na ! 80 indriy!rthasambandha ! 99
!r&eya 153 ! indhana ! 210, 290
!r&eyavacana ! 153 i&+!rthapratiniyama ! 256
!rhatagrantha ! 42 i&+i ! 284
!lambana 204, 266, 504 ! %r&y!mala ! 64
!lambanasamat! ! 504 %$vara ! 31, 76, 79, 80, 132, 200, 223
!l!pa ! 33 ukti ! 275, 505
!lokana 32 ! uccarita ! 197, 200, 469, 480
Index 603
uccaritapradhva!sin ! 172 upadh"na ! 177
ucc"#ana 39 ! upanyasan(ya ! 375
ucc"ra$a ! 162, 163, 200, 205, 377, 464, upaplava ! 88
479, 480 upapluta ! 86
ucc"rita 179, 280
! upabhoga ! 234
uccheda ! 231, 267, 510 upam" ! 182
utk%epa$atva ! 476 upam"na ! 39
utk%epa$as"m"nya ! 353 upayuktasarvajñat" ! 83, 84, 85
uttarottarabh"g"vasth" ! 356 upayoga ! 194
uttarottaravar$asamutth"paka 204 ! upayogin ! 364, 464
uttarottar"vasth"pratilambha ! 359 uparata ! 186
utth"pana ! 205 uparodhapratigh"tin ! 237
utpattidv"re$a 378 ! upalak%a$a ! 222, 339, 343
utpattivin"&arahit"nuv'tt"vas"ya ! 478 upalabdhilak%a$apr"pta ! 320, 383
utsanna ! 29 upalambhaka ! 190, 193, 194, 373
utsanna&"kh" 43 ! upal(yante ! 205
utsava ! 312 upav"sa ! 108
udaka ! 302 upaveda ! 42
ud"tta 183
! upavyañjana ! 160
ud"s(napak%a ! 237 upahata ! 118
ud(rita ! 160 up")ga ! 42
udgraha$a 222 ! up"tta ! 379
udvega ! 234 up"d"na ! 175, 176, 191, 193, 194, 320,
unmatta ! 142 510
unm"da 118 ! up"d"nabalabh"vin ! 513
unm"dana ! 39 up"d"naskandha ! 503
upakalpita ! 166, 262 up"deya ! 78
upak"ra ! 191, 248, 257, 263, 265, 329, up"deyop"ya ! 78
338, 341 up"dhi ! 183, 205
upak"raka 191, 260, 338, 340
! up"dhy"ya ! 287
upak"rin ! 191 up"ya ! 111, 166, 231
upak"rya ! 329 up"y"bhy"sa ! 91, 92
upak"ryopak"rit" 126, 249 ! up"roha ! 348
upag'h(ta ! 161 upek%a$(ya ! 102
upagr"hin ! 471 uraga ! 184
upagh"taka 335, 343 ! *%$aspar&a ! 231
upac"ra ! 323 *ha ! 132
upajanana ! 374 'c ! 44
upadar&it"rthapr"paka 88 ! 'ddhi ! 83, 110
upade&a ! 19, 72, 76, 111, 124, 225, 301 '%i ! 32, 75, 76, 82, 83, 117, 152, 153, 283
upade%#' ! 75 eka ! 158, 163, 167, 168, 169, 177, 179,
upadrava 232, 234
! 182, 185, 278, 279, 280, 327, 330,
604 Index
352, 367, 369, 378, 464, 471, 474, ek#dhikara%a ! 478
479, 504, 505 ek#nubhava ! 478
ekakart!tva ! 187, 465 ek#nekatv#yoga ! 278
ekagati"aktipratiniyama ! 348 ek#nek#rthavi$ayapratipatti ! 97
ekajñ#nak$a%a 325 ! ek#nta ! 379
ekajñ#notpatti ! 325 ek#rthaniyama ! 250, 520
ekat# ! 475 ek#rthopasa&h#ropak#ra ! 102
ekatva ! 174, 185, 207, 209, 317, 360, ek#vabh#sin ! 175, 177
464, 476, 479 ek#vayavapratipattik#la ! 326
ekatvanimitta 318 ! aitihya ! 76
ekatvavyabhic#rin ! 318 o& ! 132
ekatv#dhyavas#ya ! 370 opap#tikan#ma ! 133
ekatv#ropa 177 ! auk#ra ! 182
ekatv#siddhi ! 318 autpattika ! 122, 124, 126, 129, 130
ekade"a ! 506 aurjatya ! 511
ekade"asthita 342 ! au$adhi ! 39
ekade"#visa&v#da ! 228 katipayavar%a"rava%a ! 330
ekade"in ! 505 kara%a ! 126, 170, 265, 289, 343, 363,
ekapada 279 ! 372, 375
ekapad#dir'pa ! 177, 207, 208, 278 kara%adaurbalya ! 197
ekapad#disam#ropika ! 179 kara%avy#p#ra ! 540
ekapad#dyadhy#ropita 177 ! kara%as#dgu%ya ! 350
ekapad#dyanubhava ! 177 kar%avyoman ! 184, 476
ekapad#dyavabh#sin ! 176, 177 kart! ! 113, 131, 145, 146, 147, 150, 151,
ekapad#dhy#ropika 176, 177, 179, 280 ! 152, 155, 212, 239, 283, 284, 285,
ekaprayokt!prayukta ! 276 286, 287, 290, 344, 470, 526
ekabuddhi ! 182 kart!ka ! 285
ekabuddhigr#hya ! 168, 279 kart!cittasa&sk#ra ! 207
ekabuddhipratibh#sin ! 168 kart!tva ! 126, 153, 155, 284
ekabuddhivi$aya 164 ! kart!do$a ! 154
ekavar%ak#la ! 320 kart!vyavahart! ! 147
ekavar%ani$pattik#la ! 279 kart!sa&sk#ra ! 207
ekavar%ar'pa 279 ! kart!sampratipannat# ! 147
ekavikalp#vabh#sin ! 208 kart!smara%a ! 147, 154
ekavi$aya ! 369 kart!smara%ad#r(hya ! 45
eka"as 466, 467
! kart!sm!ti ! 150, 154, 155, 284
eka"#kh#dhy#yin ! 152 kart!sm!tid#r(hya ! 154, 284
ekasamaya ! 172 kartrekatva ! 346, 465
ekasvabh#vasthita 337 ! karpa)a ! 339
ekasvabh#v#nuv!tti ! 195 karman ! 35, 126, 198, 222, 229, 239,
ek#k#ra ! 166, 176, 177, 318 344, 368, 478
ek#k#r#nubhav#hitasa&sk#ra 177 ! karmaphala ! 113, 312
Index 605
karmabh!ga ! 539 k!ry!numeya ! 463
karmav!da 34 ! k!la ! 470, 504
karmavi"e#!nukrama ! 208 k!lak$tapaurv!parya ! 361
karm!tman ! 476, 539 k!lak#epa ! 168, 325
kalakala 346, 351, 538, 539
! k!labheda ! 168, 325
kal!pa ! 238 k!lasamat! ! 504
kalik!la ! 41 k!l!paka ! 152
kaliyuga ! 34, 37, 39, 41, 45 k!vya ! 287, 313, 346
kalpa ! 153, 301 k!#(ha ! 516
kalpana 243
! ki+citkara ! 195
kalpan! ! 86, 135, 175, 187, 271, 281 k'(asa*khy!parijñ!na ! 84
kalpan!k$ta ! 272 ku,ya ! 195, 339
kalpan!k%pta 261 ! ku),a ! 102
Kalpas&tra ! 153 kutsana ! 32
kalpas&trak$t ! 153 kud$#(i ! 44
kalpas&tragrantha 155 ! kula ! 183, 312
kalpita ! 138, 207 kul!la ! 190, 367, 372
kavi ! 288 ku"!stra ! 104
k!kadantapar'k#! 103 ! kuhetu ! 541
k!(haka ! 152, 153, 154 kuhet&kti ! 43
k!d!citka ! 39 k&(astha ! 129
k!ma 118
! k&(asthanitya ! 182, 189
k!mamithy!kriy! ! 288 k&(asthanityat! ! 115, 125, 129
k!yacittavyath!hetu ! 234 k&pa ! 282
k!yav!kkarman 108, 229 ! k$ta ! 286, 365
k!yav!gvyavah!ra ! 94 k$taka ! 78, 123, 147, 152, 464, 526
k!raka ! 136, 190, 192, 193, 263, 372, k$takatva ! 146, 202
375, 377 k$t!rtha ! 462
k!rak!vasth! ! 365 k$t!vadhi ! 173
k!ra)avaikalya 269 ! k$trima ! 138, 210
k!ru)ya ! 80 k$tvasuc ! 197
k!rya ! 129, 166, 187, 188, 193, 202, 204, k$tsna ! 160, 161
206, 207, 265, 269, 289, 365, 367, k$tsn!yatana ! 86
377, 383, 477, 478, 540, 541 k$tsn!rthaparisam!pti ! 160, 471
k!ryak!ra)at! ! 206 k$p! ! 79, 229
k!ryak!ra)abh!va 206, 209, 210, 211 ! k$p!lu ! 218
k!ryak!ra)abh&tapratyayotpanna ! 208 kevala ! 183, 244, 327
k!ryat!vi"e#a ! 363 kevalajñ!na ! 80
k!ryali*ga 94, 223, 230
! ke"a ! 370
k!ryas!m!nya ! 290, 291 ko(i ! 462
k!ryahetu ! 58, 253, 521 ko"ap!nadivya ! 302
k!ry!ti"aya 193 ! ko#(hya ! 184, 475, 480
606 Index
krama ! 166, 170, 176, 177, 181, 186, k&a$a ! 191, 200, 203, 279, 325, 338, 362,
187, 188, 204, 206, 207, 208, 276, 367, 380
277, 281, 326, 327, 328, 347, 359, k&a$abha)ga ! 154
360, 362, 369, 380, 382, 383, 465, k&a$abha)gat# ! 377
466, 468, 472, 474, 477, 478, 506, 540 k&a$abha)gas#dhaka ! 478
kramag!h"ta ! 467 k&a$abha)gasiddhi ! 201
kramajanman ! 169, 172 k&a$abha)gin ! 201
kramajanya ! 169, 472 k&a$ika ! 99, 169, 174, 195, 219, 337, 356,
kramajñ#ta ! 467 368
kramajñ#na 468 ! k&a$ikatva ! 99
kramaprav!tt#vayava ! 172 k&a$ikatvas#dhana ! 381
kramabh#vin ! 169, 205, 369, 370, 380 k&a$ikatv#num#na ! 201, 370, 381
kramayaugapadya 172, 173 ! k&atriya ! 41
kramaracan# ! 208 k&aya ! 508
kramalabdhajanman ! 172 k&#mak&#matara ! 510
kramavat 168, 169, 327, 329
! k&"$ado&a ! 78, 79, 90, 218
kramavadbh#ga ! 169, 171 k&"$ado&av#da ! 219
kramavadvyatirekin ! 168 k&"rab"ja ! 170, 472
kramavarjita 187 ! k&udh#divirahita ! 80
kramavar$#nubhava ! 278 k&udh ! 118
kramavi%e&atva ! 187 k&epa ! 325
kramav!tti 187, 360
! kha*ga ! 90
krama%as ! 476 khy#ti ! 39
kram#kramopak#ra ! 329 khy#pana ! 225
kram#gata 312 ! gak#ra ! 182, 359, 368
kram#dh"na ! 187 gagana ! 359
kram#ntara ! 359 ga$a ! 162
kramin ! 207, 208 gati ! 82, 186, 270, 305, 348, 384, 476
kramotpanna ! 205 gatva ! 183
kramotp#din 169 ! gandha ! 339
kramopeta ! 188 gandhav#sita ! 39
kriy# ! 121, 128, 133, 210, 286, 295, 305 gamana ! 184, 353, 480
kriy#%abda 258, 465
! garbha ! 511
krodha ! 118 gavyakti ! 479
kli&'a ! 104, 503 g#*ha ! 282
kle%a 506, 509
! g#divar$a ! 477
kle%ajñey#vara$aprah#$a ! 509 g#rhaspatya ! 32
kle%aprah#$a ! 104, 225 g"ta ! 346
kle%aprah#yaka 104 ! gu$a ! 72, 79, 82, 90, 95, 102, 105, 118,
kle%ab"ja ! 232, 513 142, 240, 460
kle%amah#bh(mika ! 505 gu$atraya ! 102
kle%#vara$a 509 ! gu$adar%in ! 508
Index 607
gu!apak"ap#ta ! 233 cara!a ! 155
gu!abh$ta 187, 465 ! cikits# ! 39
gu!ayukta ! 224 citta ! 204, 205, 207, 234, 306, 504, 511,
gu!avadvakt%ka ! 460 513
gu!a&abda 258, 465 ! cittakrama ! 204
guru ! 75, 148, 470 cittaviprayuktasa*sk#ra ! 62, 133, 164
gurunirde&#vyatibhinna ! 88 cittavyath#hetu ! 234
gurvadhyayanap$rvaka ! 148, 470 cittasamutth#na ! 175, 205
g%dhra ! 84 cittasamprayukta ! 504
g%ha 199
! cittasvabh#va ! 516
g%hajana ! 199 citrar$pa ! 468
g%hastha ! 30 citr#bhisandhi ! 95
g%h't#vayavasamud#ya 173 ! citrit# ! 266
go ! 127, 166, 179, 182, 248, 258, 470 cintana ! 303
gotra ! 155 cint# ! 64, 106, 107
gotv#dij#ti 201 ! cint#may' prajñ# ! 516
go&abda ! 166, 179, 197, 258, 470, 480 cintya ! 379
go"(hika ! 51 cirak#l#t'takart%ka ! 285
gosv#min 258 ! cirav%tta ! 147
gau!av%tti ! 323 cihna ! 164
gaurava ! 101 ceta)pary#yajñ#na ! 83
grantha 44, 153, 155, 254, 301, 313
! cetan# ! 219, 224
granthak#ra ! 155 cetas ! 184, 204, 205, 206, 229, 474
granthapraty#v%tti ! 473 ce"(# ! 86, 128, 463
graha 236, 359, 506, 509
! caitanya ! 116
graha!a ! 174, 185, 203, 265, 321, 325, caitasa ! 229
327, 331, 474, 478, 511 caitta ! 504
graha!#nugu!a ! 473 caitya ! 57
graha!#bhim#na ! 473 caityavandana ! 99
gr#hicetas 204, 206, 207
! codana ! 258
gr#hijñ#na ! 206 codan# ! 120, 121, 142, 460
gr#hya&akti ! 126 chandatas ! 136
gha(a 187, 190, 191, 203, 210, 246, 253,
! chid# ! 377
263, 264, 265, 367, 372, 377, 478 chinnam$la ! 94
gh%!# ! 233 jagat ! 64, 297
gho"a 164! jagad#di ! 464
cakrabh%t ! 29 jagaddhitai"in ! 89, 92
cak"us ! 118, 170, 222, 269, 369, 504 jana ! 244
catu)satya 91 ! janmadu)kha ! 234
caturthavar!a ! 42 janman ! 234, 306, 314
caturda&avidy#sth#na ! 42 janmasthitiniv%tti ! 113
catu"(ay' 465 ! janya ! 164, 193, 206, 334, 371
608 Index
janyajanakabh!va ! 140, 259 tadup!dhi ! 205
japa 108
! tadbh!vabh!vin ! 210
jar! ! 64 tanmaya ! 511
jarbhur!"a ! 316, 317 tapa ! 101
j!#ya 108 ! tapas ! 82, 300, 305
j!ti ! 125, 167, 183, 189, 195, 201, 256, taptam!(aka ! 302
257, 258, 263, 522 tamas ! 80, 222
j!ti$abda ! 258, 465 tamoni(%ha ! 44
j!tispho%a ! 167 tarkam!nin ! 40
j!tyandha 119 ! tarkin ! 31, 40
j!y! ! 199 t!th!gata ! 69, 77, 93
j!ra ! 321 t!d!tmya ! 253, 521
jitendriya 35 ! t!dr'pya ! 323
jinavacana ! 77 t!mra ! 516
jina$!sana ! 78 t!ya ! 91
j&r"ak'pa 282 ! t!yin ! 87, 89, 91, 92, 112
j&vik! ! 39 t!ratamya ! 355
jñ!nakrama ! 206 t!rkika ! 31, 40, 62
jñ!nadar$anac!ritra 78 ! t!lu ! 184, 296, 297, 343, 366, 480
jñ!nadharmopade$a ! 76 tikta ! 184
jñ!nam!tra ! 99 timira ! 118
jñ!notpattivibandhaka 335 ! tirask!ra ! 195, 508
jñ!paka ! 277, 463 tirobh'ta ! 172
jñ!pak!nupalambha ! 307 tirohita ! 203
jñ!pya 307 ! t&rtha$!stra ! 104
jñeyar'p!s!dana ! 193 t&rthasn!na ! 109, 223
jñey!vara"a ! 509 t&rthika ! 53, 54, 56, 83, 90
jyoti( ! 244 t&vra ! 183, 474
jv!l! ! 291, 293 tur&ya ! 171, 172
#i"#ika 298 ! tur&yatur&ya ! 172
#i"#in ! 298 tul! ! 302
ta"#ula ! 302 tul!dh)ti ! 65
tattva 84, 141, 225, 266, 281
! tu(%i ! 43
tattvagr!haka ! 203 t)t&ya ! 273, 274, 523
tattvagr!hin ! 364 t)t&yasth!na ! 106
tattvadar$ana 306, 515! t)("! ! 118, 506, 507, 508, 510
tattv!nyattva ! 384 tyaktalajja ! 44
tattv!bhinive$a ! 151 tray&dharma ! 35
tattv!rtha 29, 93 ! tray&b!hya ! 42, 44
tattv!vagama ! 479 tray&m!rga ! 35, 41, 42
tad&ya ! 507 tray&vid ! 40
tadutpatti 253, 521
! tray&vipar&ta ! 39
Index 609
tray!sa"vara#a ! 31 durlabha ! 229
trigu#a 89
! du)carita ! 109
tritaya ! 266 du*+a ! 35, 36
tripu#$raka ! 298 du*+adharma ! 35
Tripura 34, 35
! d&ra ! 468, 469, 474
tripram%#aka ! 128, 244, 266, 271, 463 d&radar)in ! 84
trim%tra ! 479 d&rade)avartin ! 338
trir&pali'ga ! 69 d&ravartin ! 351
trair&pya ! 141 d&ravyavahita ! 474
traividyav(ddha 476 ! d&rasam!pastha ! 474
da#$an!ti ! 42 d($ha ! 117, 118
dama ! 39, 42, 43 d($hakart(sm(ti ! 154, 155, 284
damana 300 ! d($himan ! 155
day% ! 39, 43, 79, 92 d($hendriya ! 197
day%lu ! 91 d()ya ! 267, 277, 319, 320, 383
dar)ana 61 ! d()y%vivek%dar)ana ! 267
dahana ! 210 d(*+a ! 36, 70, 96, 97, 98, 221
d%k*i#%tya ! 44 d(*+apram%#oparodha ! 72
d%$ima 102
! d(*+aviruddha ! 302, 531
d%na ! 36, 39, 42, 43, 108 d(*+as%marthya ! 466
d%nava ! 33 d(*+ahetuka ! 289, 527
d%nahi"s%cetan% 224 ! d(*+%nta ! 268, 269
d%r$hya ! 45, 154, 284 d(*+%nt%siddhi ! 268
d%rv%dy%kar*a#akriy% ! 172 d(*+i ! 505, 506, 509
d%ha 210
! d(*+ivipak*a ! 507
digambara ! 35 d(*+isamprayukta ! 505
Di++ha ! 258 deva ! 35, 82
divya ! 302 devat% ! 32, 78
divyacak*us ! 80 devat%diracan%vi)e*a ! 303
d!na 321
! devat%dir&pacintana ! 303
d!pa ! 190, 263, 343 Devadatta ! 127, 179, 319, 323, 470, 475
d!rgha ! 183, 185, 347 devadatt%di)abda ! 179
du,kha 90, 222, 225, 234, 507, 509, 513
! devadharma ! 36
du,khat% ! 509 de)ak%ladravyaniyama ! 378
du,khadaurmanasyopadrava ! 234 de)ak%laniyama ! 210
du,khabh%van% 509 ! de)ak%laprayokt( ! 477
du,khasatya ! 225, 507 de)ak%l%diniyata ! 194
du,khin ! 506 de)ak%l%dibheda ! 120
du,s%dha 296 ! de)ak(tapaurv%parya ! 362
dur%c%ra ! 33 de)%dipar%v(tti ! 255
durbodha ! 229 do*a ! 80, 90, 95, 102, 105, 118, 154, 233,
durbha#atva 288, 289 ! 239, 243, 252, 269, 282, 284, 341,
610 Index
354, 355, 372, 459, 460, 506, 507, dharma#uddhi ! 41
508, 510, 511, 513, 517, 540 dharmasa(hit" ! 42
do!anid"na ! 510 dharmasetu ! 56
do!apratipak!a ! 231, 233 dharmah"ni ! 37
do!avat 229
! dharm"dharma ! 312
do!avarjita ! 120 dharm"dharm"vabodha ! 122
do!avipak!as"tman ! 511 dharm"ntara ! 504
do!as"tman ! 511 dharmin ! 107
do!ahetu ! 237 dharmecch" ! 108
do!opadrava 234 ! dharmopacaya ! 109
doha ! 258 dharmopasa(hita ! 104
daurbalya ! 197 dh"tu ! 134
daurmanasya 234 ! dhigv"da ! 282
dyotaka ! 162 dh'ma ! 192, 201
dravya ! 155, 172, 173, 222, 504, 505 dhy"na ! 43, 303, 530
dravya#abda 258 ! dhruva ! 184
dravyasamat" ! 504 dhvaja ! 29
dra!$% ! 96, 97 dhvanana ! 311
druta 183, 368, 370, 479
! dhvani ! 166, 168, 169, 170, 171, 174,
dvay"#rita ! 128, 463 185, 186, 187, 190, 204, 205, 327,
dvija ! 32, 35, 43, 149 340, 348, 349, 350, 351, 352, 353,
dvijanman 35 ! 355, 472, 473, 477, 539
dvim"tra ! 479 dhvanidharma ! 185
dvi!$ha ! 259, 273 dhvanibh"ga ! 171, 174, 352, 356
dve!a 80, 108, 118, 229, 237, 461, 462,
! dhvanim"tra#rava&a ! 348, 351
507, 508 dhvanirahita ! 168
dha$a ! 302 dhvanivivikta ! 168
dharma ! 31, 35, 36, 37, 39, 41, 42, 43, dhvanivyatirikta ! 168, 354
44, 45, 58, 60, 63, 64, 78, 79, 93, 102, dhvanisa(s%!$a ! 168
109, 116, 119, 121, 122, 124, 133, dhvany"rambhaka ! 351
134, 138, 188, 289, 306, 316, 376, nak!atra ! 244, 359
461, 504, 511, 528 nak!atrade#a ! 244
dharmanityat" 44 ! nagna ! 31, 32, 33
dharmanibandhana ! 40 nagn"c"rya ! 298
dharmanair"tmya ! 509 nad) ! 321
dharmaprati#ara&at" 93 ! napu(saka ! 471
dharmapram"&a ! 42, 43, 121 nabhas ! 35
dharmam"tra ! 188, 358, 477 nara ! 470
dharmam'la 43 ! naraka ! 219
dharmavidve!in ! 31 nava ! 200, 321, 464
dharmavipluti ! 39 na#vara ! 202
dharmav%ddhi 109 ! na!$a ! 199
Index 611
n!ga ! 103 nid!na ! 108, 109, 140, 510
n!da 166, 167, 169, 170, 183, 185, 190,
! nid!nin ! 109
327, 329, 472, 473 nind! ! 151
n!d!bhivya"gya ! 170 nimitta ! 124, 125, 169, 258, 261, 267,
n!n!prayokt#prayukta 275 ! 275, 309, 318, 465, 511
n!ntar$yaka ! 224, 363 nimitt!khya ! 164
n!ma ! 133 nimittodgraha+a ! 222
n!mak!ya ! 133, 164 nimittopalak)a+a ! 222
n!man ! 134, 138, 173 niyata ! 151, 170, 194, 316, 472
n!mabheda 529 ! niyat!nup%rv$ka ! 169, 327
n!mas!mya ! 371, 541 niyat!bhidheya ! 134
n!m!khya ! 164 niyama ! 78, 126, 136, 137, 162, 170, 209,
n!m!rthasambandha 133 ! 210, 250, 251, 346, 359, 373, 378,
n!vy!r%&ha ! 184 507, 520, 541
n!'a ! 199, 202 niyam!nuv!danibandhana ! 160, 471
n!'ana 108 ! niy!maka ! 465
n!'it! ! 187 niyoga ! 127
n!stika ! 31, 32 nirati'aya ! 244
n!stikya 32 ! niranugraha ! 172
ni('e)at! ! 89 nirartha ! 158
ni('e)ado)arahita ! 80 nirarthaka ! 174, 175, 208
ni('e)!vagama 325 ! nirarthat! ! 375
ni('reyasa ! 19, 85, 103, 120, 221 niravayava ! 168, 332
ni(sa*'aya ! 77 nir!kara+a ! 462
nika)a 101! nir!k!ra ! 198
nik!ya ! 131 nir!tmat! ! 509
nikoca ! 241 nir!lambana ! 210
nija ! 35 nirupadrava ! 234, 511
nitya ! 78, 122, 123, 129, 130, 132, 158, nirodhasatya ! 225
164, 166, 182, 187, 189, 194, 198, nir+aya ! 317
231, 263, 335, 360, 364, 466, 467, nir+$ta ! 87, 88
475, 480, 481, 540 nirdu(kha ! 234
nityat! 44, 115, 125, 129, 130, 132, 146,
! nirdo)a ! 10, 79, 80, 227, 229, 511
187, 189, 260, 287, 303, 462 nirdo)apuru)!pal!pa ! 231
nityatva ! 113, 187, 254, 327, 360, 477, nirbh!ga ! 166, 169
515 nirmathana ! 293
nityapary!ya ! 153 nirmi'rasukha ! 244
nityav!da ! 479 nirmukti ! 460
nityas!dhana 199 ! nirm%la ! 142, 188
nity!vasthita ! 155 nirvastuka ! 262
nityopalabdhi ! 334 nirv!+a ! 35, 60, 78, 85, 90, 103, 104,
nidar'ana 39 ! 111, 225, 226, 234, 504
612 Index
nirv!"agu"!nu#a$sapradar#aka ! 104 padak!ya ! 133, 164, 334
nirv!"apr!pti 226 ! padan!#it! ! 187
nirv!"ahetu ! 111, 226 padav!kyapratibh!sa ! 319
nirvikalpa ! 86 padasa)gh!ta ! 146
nirvibh!ga 168, 332 ! padasamud!ya ! 175
nirhr!s!ti#aya ! 510 padaspho'a ! 163
nivartaka ! 121 pad!digraha"a ! 279
niv%tti ! 68, 74, 78, 109, 240, 241, 289, pad!divyavah!ra ! 177
290 pad!rtha ! 113, 223, 258, 263, 266, 275,
ni#caya 72, 75, 92, 94, 95, 225, 228,
! 380, 513
230, 231, 286, 307 pad!rthatattvadar#ana ! 306
ni#cay!k!ra ! 209 payas ! 64
ni&kala 165, 325, 331
! payonidhi ! 64
ni&k%&'a ! 128 parakriy! ! 210
ni&prayojana ! 147 paracitt!vabodha ! 306
ni&phala 187 ! paratantra ! 126, 274
n(ti ! 112, 226 parapraty!yana ! 368
n(la ! 222, 258 paraprasiddhi ! 341
nair!tmya 87, 231, 509, 516
! paramata ! 239
nair!tmyajñ!na ! 231, 509, 513 paramar&i ! 75
nair!tmyadar#ana ! 90, 92, 236, 509, 516 paramas!k&(bh+ta ! 79
nair!tmyad%g!#raya 509 ! param!"u ! 172, 187, 279
nair!tmyad%&'i ! 509, 510 param!tman ! 107
nair!tmyabh!van! ! 103, 104, 220, 516 param!rthatas ! 207, 515
nair!tmyam!rga 509 ! param!rthanityat! ! 115
nair!tmy!bhy!sa ! 516 param!rthasatya ! 64
nair!tmy!vabodha ! 509 param!rth!#raya ! 130
pak&adharma ! 107 parampar! ! 151, 155, 192, 271
pak&ap!ta ! 233, 511, 517 paraloka ! 31, 78, 88
pa)ka 255 ! paravijñ!pana ! 175
pañcamah!yajña ! 29 para#le&ar+pa ! 273, 274
pañc!bhijña ! 83 parasa$jñ! ! 507
pa'a 339, 478
! parasparaparih!rasthiti ! 295
pa"*ita ! 101, 389 parasparasa$har&a ! 351
pa"*ita$manya ! 282 par!rtha ! 91, 98, 367, 377, 480
pa"*itam!nin 31 ! par!rthav%tti ! 90
pathik!gni ! 291, 293, 528 par!v%tti ! 339
pada ! 134, 160, 161, 162, 163, 164, 170, parikalpita ! 173, 261, 262
171, 172, 175, 176, 177, 179, 186, parigraha ! 239, 478, 507
187, 203, 205, 207, 208, 275, 277, pari"!ma ! 359
278, 279, 280, 304, 342, 347, 348, parit%&yati ! 507, 508
357, 464, 468, 469, 471, 472, 476 parid!ha ! 234
Index 613
parip!ka ! 138, 261, 473 pit!putra ! 133
parivr!j 32! pit% ! 133, 199, 312
parisam!pt!rtha ! 165, 324 pittado#a ! 184
parisam!pti ! 160, 471 p")an!tmakatva ! 507
par"k#aka$manya 282 ! p")ita ! 43
par"k#! ! 74, 100, 105, 107, 114, 235 p"ta ! 184
par"k#!k#ama ! 100 pu$s ! 203, 225, 344, 371
par"k#!dhik%ta ! 102 pu(ya ! 33, 304
parok#a ! 70, 97, 98, 106, 111, 381 pu(yak%t ! 244
parok#!rthajñ!na 84 ! pu(yaloka ! 244
parok#!rthadar&in ! 81, 82 putra ! 131, 133, 312
paropak!ra ! 64 putrajanmotsava ! 312
paropade&a 287, 308 ! pudgala ! 60, 93, 509
parop!dhi ! 183 pudgaladharmanair!tmya ! 509
paryavasth!na ! 109, 234 pudgalanair!tmya ! 509
paryavasth!nadu'kha 234 ! pudgalapratisara(a ! 93
parvan ! 312 punarj!ta ! 321, 370
palala ! 102 puratas ! 86
pal!&a 505
! puras ! 381
pa&ugh!ta ! 35 puru#ak%ta ! 146, 210
pa&uhi$s! ! 41, 43 puru#atva ! 291, 294, 295, 310, 529
p!kha()a 31 ! puru#atv!dihetu ! 470
p!caka ! 258 puru#adharmasa+khy!ta ! 208
p!*ava ! 90, 510 puru#ani'&reya ! 80
p!*ha 287, 346
! puru#aniv%tti ! 240, 241
p!(i ! 505 puru#aparampar! ! 155
p!(inik%ti ! 147 puru#aprayatna ! 174, 207, 210, 211, 321
p!()u ! 309 puru#aprav%tti ! 74
p!()udravyatva ! 309 puru#apr"ti ! 121
p!(ya+gulasa$nive&a 303 ! puru#abh!van! ! 261
p!pa ! 108, 109 puru#avitarkavic!rak%ta ! 208
p!pak%t ! 32 puru#avyavah!ra ! 311
p!pa&odhana 113 ! puru#avy!p!ra ! 311, 385
p!ratantrya ! 117, 138, 249, 509 puru#asa$sk!ra ! 206, 207, 242, 252, 256
p!ramparya ! 150, 151, 205, 225, 248, 365 puru#asv!tantrya ! 252
p!ras"ka 312
! puru#ahetuka ! 289
p!ri&e#ya ! 372 puru#ahetu&abda ! 289
P!rtha ! 65 puru#!khya ! 151
p!rtha&ara 65 ! puru#!ti&aya ! 79, 94, 228, 294, 295, 531
p!#a()a ! 31, 35, 40 puru#!dh"na ! 187, 478
p!#a()av%ddhi ! 37 puru#!dh"napr!m!(ya ! 142
p!#a()in 31, 32, 33, 44
! puru#!napek#a ! 380
614 Index
puru!"ntarastha ! 149 prakar!a ! 152
puru!"rtha 85 ! prak"#aka ! 187, 245, 463
puru!"rth"bhidh"na ! 113 prak"#ana ! 356
puru!"rth"bhidh"yitva ! 60, 103 prak"#ita ! 473
puru!"rthopayogin 111 ! prak'ti ! 70, 299, 316, 317, 511
puru!"#raya ! 206, 208, 239, 243 prak'titvapr"pta ! 511
puru!"#raya$a ! 310 prak'tipratyaya ! 533
puru!ecch" ! 95, 209 prak'tipratyay"nus"ra ! 316
puru!ecch"nurodhin ! 243 prak'tibhinna ! 138, 258
puru!ecch"nuvidh"yin 208 ! prak'tibheda ! 261
puru!opakalpita ! 262 prak'!%a ! 152
pu!%i ! 510 prakriy" ! 298, 299
p&jana 36
! prak!($"#e!ar"g"dido!aga$a ! 80
p&j" ! 34, 36, 39 prak!epa ! 315
p&rvajanmaprasara ! 314 prajñ" ! 88, 109, 241, 516
p&rvaniv"s"nusm'ti 83 ! prajñ"prakar!a ! 113
p&rvap&rvaprayokt' ! 463 prajñ"m"nin ! 31
p&rvap&rvavakt' ! 177 prajñ"skhalita ! 283
p&rvap&rvavar$a 203, 204 ! pra$ava ! 132
p&rvap&rvav'ddhadar#ana ! 358 pra$(ta ! 147, 228
p&rvap&rva#rot' ! 177 pra$et' ! 116, 130, 283
p&rvavar$abh"ga 203 ! pratik&lavartin ! 237, 508
p&rvavar$avi#e!a$a ! 205 pratik!a$am ! 199, 479
p&rvavar$asmara$a ! 205 pratigha ! 506
p&rvav"kyabh"ga#rava$a 330 ! pratijñ" ! 82, 288, 304, 369
p&rv"parado!avirahita ! 107 pratiniyata ! 251
p&rv"paravirodha ! 105, 107 pratiniyama ! 256, 346, 348
p'thak ! 161, 326, 383, 469, 471 pratipak!a ! 231, 233, 236, 509, 510
p'thagjana ! 83, 90 pratipak!am"rga ! 235
p'thagbh&ta 162 ! pratipak!asvapak!a ! 510
p'thagr&pa ! 168 pratipak!"bhy"sa ! 510
p'thiv(k'tsn"yatana ! 86, 88 pratipatti ! 72, 84, 140
p'!%habh"vin 278, 318 ! pratipatt' ! 73, 160, 170, 472
paippal"daka ! 152 pratipadam ! 161
paur"$ika ! 37 pratibaddha ! 231, 254
pauru!eya 115, 119, 138, 139, 206, 208,
! pratibandha ! 202
243, 244, 281, 286, 289, 297, 334, 460 pratibh" ! 295, 313
pauru!eyat" ! 150, 242, 361, 527 pratibh"na ! 104
pauru!eyatva 116, 153, 311, 462
! pratibh"sa ! 135, 175, 319, 333, 379
paurv"parya ! 102, 361 pratibh"sana ! 177, 478
paurv"paryavirodha ! 106 pratibh"savibhrama ! 175
prakara$a 258 ! pratimartyam ! 464
Index 615
pratir!paka ! 160, 368 pradh$n$rtha ! 111
pratiroddh" 306 ! pradhva(sin ! 172
pratilambha ! 195 prabuddhasa(sk$ra ! 203
prativar#am ! 161 prabodha ! 139, 176, 203, 314, 355
prativ$kyam 321 ! prabh$va ! 83, 300, 304, 306
prativ$din ! 321 prabh$svara ! 511, 516
prativedha ! 82, 305, 306 pram$#a ! 9, 18, 19, 42, 43, 61, 69, 70,
prati%ara#a ! 93 72, 73, 75, 77, 79, 84, 87, 88, 89, 91,
pratisara#a ! 93 92, 93, 94, 97, 104, 111, 117, 118,
pratis$dhana 148 ! 120, 141, 142, 197, 199, 219, 226,
pratyak&a ! 39, 69, 70, 88, 105, 113, 120, 227, 228, 253, 284, 286, 335, 348,
124, 128, 142, 147, 151, 192, 197, 349, 364, 381, 460, 464, 527
198, 199, 203, 221, 228, 267, 463, pram$#atraya ! 69
467, 475, 478, 541 pram$#aparid"&)$rtha ! 515
pratyak&adharman ! 79 pram$#apuru&a ! 77
pratyak&apratyabhijñ$na 317, 475 ! pram$#abh!ta ! 19, 60, 77, 89
pratyak&ab$dh$ ! 383 pram$#abh!tadv$raka ! 92
pratyak&aviruddha ! 199, 303 pram$#abh!tapuru&a ! 77
pratyak&astha 467 ! pram$#av$da ! 13
pratyak&$num$n$gamya ! 110 pram$#avirodha ! 113
pratyabhijñ$ ! 198, 364, 475, 477, 479 pram$#asa(v$din ! 515
pratyabhijñ$na 197, 198, 199, 203, 317,
! pram$#asa*khy$vipratipatti ! 9
318, 321, 367, 370, 381, 475, 479, pram$#$ntar$b$dhana ! 105
540, 541 pram$#$vat$ra#a ! 284
pratyaya 111, 119, 164, 191, 199, 204,
! prayatna ! 174, 207, 210, 211, 321, 342,
205, 206, 208, 299, 316, 317, 338, 366, 517
473, 475, 478, 511, 533 prayatnaprerita ! 374
pratyayahetu ! 129 prayatnavy$p$ra ! 363, 364
pratyay$dh'natva ! 507 prayatn$bhini&panna ! 351
pratyayitapuru&a 119 ! prayatn$bhihata ! 184, 344, 475, 480
pratyayotpatti ! 509 prayokt" ! 153, 275, 276, 463, 477
praty$yaka ! 122, 187 prayoga ! 197, 287, 297, 367, 368, 381
praty$yakasambandha 140 ! prayoga%$stra ! 154
praty$yana ! 172, 173, 187 prayogecch$ ! 258
praty$yya ! 122 prayojana ! 103, 149, 249, 522
praty$v"tti 473
! pravakt" ! 96, 97, 150, 152, 154, 283, 284
praty$satti ! 466 pravacana ! 76, 154, 155
pratyucc$ra#am ! 464 pravartaka ! 121
pratyupasth$pana 385 ! pravartana ! 228
pratyekam ! 172, 275, 355, 464 pravartitavya ! 74
prad'pa ! 190, 245, 246, 264 prav$da ! 116
pradh$na 70, 223
! prav$hanityat$ ! 129
616 Index
prav!tta ! 72, 74 bakav!tti ! 33
prav!tti 72, 74, 78, 86, 121, 224, 229,
! bandhak& ! 113
241, 258, 313, 314, 380, 465 barhipicchadhara ! 35
prav!ttik"ma ! 72, 225 bal"ka ! 192
prav!ttinimitta 258 ! balvaja ! 172, 173
prav!ttivi#aya ! 19 bahi#k"rya ! 32
prave$a ! 199 bahum"na ! 233
pra$ama ! 234 bahuvr&hi ! 295
pra$amasukha ! 390 bahu$"kh"dhy"yin ! 152
pra$astat" 89 ! b"dha ! 199, 460, 479
pras"ritamukha ! 65 b"dhaka ! 219, 231, 296, 306, 461, 475,
prasiddha ! 113, 182, 210, 383 478, 509
prasiddhab"dh" 383 ! b"dhakotpattis"marthyagarbha ! 511
prasiddhaviparyaya ! 113 b"dh" ! 288, 383, 511, 526
prasiddhi ! 111, 113, 153, 225, 262, 265, b"rhaspatya ! 359
341 b"la ! 124
prah"%a ! 89, 108, 225, 237, 509 b"lonmatt"div"kya ! 142
prah&%"$e#ado#a ! 80 b"hya ! 176, 217, 254, 258, 332
prah&%"srava 90 ! b"hyat"rkika ! 40
pr"k!ta ! 470 b"hyanimitta ! 235
pr"k!tapuru#a ! 71, 82 b"hyasvalak#a%a ! 218
pr"k!tasakti 64 ! b"hy"rthapratibaddha ! 231
pr"kprabuddhasa'sk"ra ! 203 bimb" ! 56
pr"galbhya ! 113 b&ja ! 166, 170, 193, 209, 232, 472, 473,
pr"%in 282
! 513
pr"%ihi's" ! 288 buddhadharma ! 63
pr"durbh"va ! 237 buddhavacana ! 105, 133, 152
pr"dh"nya ! 238 buddhav"kya ! 154
pr"pa%a$akti ! 19 buddhav"kyasam"khy" ! 154
pr"pyak"ritva 342 ! buddha$"stra ! 44, 154
pr"m"%ya ! 19, 44, 70, 73, 74, 75, 77, 84, buddhasa)gati ! 28
92, 96, 97, 116, 117, 118, 141, 142, buddh"gama ! 99
154, 217, 224, 239, 358, 460, 519 buddhi ! 90, 120, 138, 141, 164, 166, 168,
pr"$astya ! 151 170, 171, 176, 177, 179, 182, 183,
pr&ti ! 121, 244 185, 196, 198, 222, 233, 235, 261,
prek#"p(rvak"rin 61, 72 ! 278, 279, 280, 313, 348, 382, 464,
prek#"vat ! 61, 74, 78, 103 465, 468, 472, 473, 479, 511
prek#"vatt"h"ni ! 74 buddhicitrit" ! 266
prerita 140, 186, 374
! buddhiparikalpita ! 261, 262
pluta ! 183, 347 buddhip(rva ! 95
phalas"dhanop"ya ! 103 buddhim"ndya ! 251
phal"rthin 103 ! buddhir(pav"gvijñapti ! 140
Index 617
buddhistha ! 165 bh$ta ! 32, 87, 88, 92, 515
buddhokta 111 ! bh$taday! ! 80, 96
buddhotp!da ! 134 bh$t!k!ra ! 235
bubhutsu ! 94 bh$t!nugraha ! 80
bodha 79, 229, 461
! bh$t!rtha ! 511, 512, 513, 515, 517
bauddhagrantha ! 42 bh$t!rthagraha#a ! 504
bauddh!gama ! 35, 36 bh$t!rthadar(ana ! 234, 504
bauddh!rtha ! 135 BH)- ! 317
baudh!yana ! 156 bhai"ajya ! 78
brahmar"i 82 ! bhokt% ! 113
br!hma#a ! 29, 32, 36, 38, 41, 43, 121, bhrama ! 184, 517
233 bhr!nta ! 86, 184, 318, 504
br!hma#ad$"a#a 43 ! bhr!nti ! 35, 41, 150, 168, 184, 198
bhaya ! 80 ma ! 123
bhart% ! 29, 312 ma#*ala ! 16, 43, 303, 530
bhavasa&ka'a 35, 36 ! ma#*$kavas! ! 184
bhavit!tman ! 80 mata ! 61, 64, 222, 239, 383
bhasman ! 517 mati ! 82, 83, 179, 198, 280, 305, 306,
bh!ga 168, 169, 171, 172, 174, 203, 330,
! 464, 468, 469, 471
331, 352, 356, 539 mada ! 118
bh!rat!dhyayana ! 308 madanatrayoda(+ ! 312
bh!vana 508 ! madanotsava ! 312
bh!van! ! 85, 86, 87, 139, 220, 261, 508, madhura ! 109, 184
509, 516 madhya ! 183, 368, 370
bh!van!ja 88 ! manas ! 118, 300, 341
bh!van!ni"patti ! 85 manask!ra ! 232, 510, 513
bh!van!parini"patti ! 88 manovikalpa ! 176
bh!van!pratibh!sin ! 139 manovijñ!na ! 175, 278
bh!van!balanirmita ! 85, 86 mantra ! 6, 39, 81, 82, 83, 96, 145, 153,
bh!van!maya 85 ! 154, 283, 289, 299, 300, 301, 302,
bh!van!hetuka ! 85 303, 304, 305, 307, 526, 530, 531
bh!van!hetuni"pattika ! 85 mantrakalpa ! 83, 301, 302, 304
bh!va(akti 81, 82, 300
! mantrak!rin ! 304
bh!vika ! 74, 138, 248, 273 mantrak%t ! 153, 304
bh!"ya ! 130, 460 mantrakriy!s!dhana ! 82, 305, 307
bh!"yak!ra 201 ! mantratva ! 291, 303, 530
bhik"u ! 30, 101 mantray!na ! 15, 16, 17
bhinna ! 177 mantrahetu ! 82, 306
bhinnapral!pit! 104 ! manda ! 474
bhinn!k!r!vabh!sin ! 474 mandac!rin ! 205
BHUR- ! 317 mand+k%tas!marthya ! 510
bh$ 511, 516
! mama ! 236, 507, 508
618 Index
mala ! 503, 511, 515 m%la ! 32, 108, 506
mahar!i 130 ! m&ta ! 312, 479
mah"karu#" ! 80 m&da*ga ! 346
mah"tman ! 37 m&dutva ! 183
mah"pade$a 93 ! m&!" ! 142
mah"bh%mika ! 505 Meru ! 244
mah"malla ! 80 merup&!'ha ! 244
mah"muni ! 90 Maitreya ! 35, 36, 37
mah"vih"ra ! 47 mok!a ! 34, 103
m"gadha 44 ! mok!op"ya ! 78
m"#avaka ! 323 moha ! 80, 108, 222, 237, 238, 503, 506
m"t& ! 199 moha$"stra ! 34, 36, 37, 41, 45
m"tr" 183
! mohasatk"yad&!'i ! 238
m"tr"k"la ! 479 mohita ! 35
m"trika ! 479 mleccha ! 37, 38, 312
m"na 77, 80, 118
! yajus ! 44
m"nava ! 41 yajña ! 43
m"nasa ! 69, 332, 333, 468 yajñakarmakal"pa ! 35
m"ndya 251 ! yajñokta ! 41
m"y"puru!a ! 34, 35, 45 yatna ! 188, 200, 210, 233, 235, 469, 511
m"y"maya ! 34 yath"k"mam ! 136
m"y"$"stra 34, 36, 37 ! yath"dar$anam ! 313
m"ra ! 321 yath"d&!'"rthav"din ! 119
m"rga ! 78, 233, 234, 235, 236, 509, 511, yath"pratijñ"ta ! 304
517 yath"pratyayam ! 511
m"rgad&!'i ! 108 yath"bh"vam ! 218
m"rgasatya ! 225 yath"bhipr"ya ! 255
m"l" ! 200 yath"bhipr"yam ! 316
m"$aka ! 153, 155 yath"bh%t"khy"na ! 300
m"!aka 302 ! yath"bh%t"rthacikhy"payi!" ! 75, 96
mitrapak!a ! 237 yath"bh%t"rthadar$in ! 79
mithy" ! 175, 177, 316, 461 yath"rtha ! 79, 94, 227, 243
mithy"jñ"na 118, 510 ! yath"rthadar$ana ! 79
mithy"tva ! 118, 177, 240, 244 yath"rthanivedana ! 80
mithy"rthatva ! 241 yath"rthaprak"$aka ! 245
mithy"v"da 283 ! yath"vasthita ! 132
mithyopalabdhi ! 503 yath"vasthitavastvagraha#a ! 504
m(lana ! 102 yath"sa*ketam ! 241
mukti 509
! yatheccham ! 209
mukhodgata ! 92 yathe!'am ! 230
mu#)a ! 35 yad&cch"$abda ! 258, 465, 522
mudr" 303, 530
! yad&cchika ! 134
Index 619
ya!as ! 44 r"gadve$avivarjita ! 80
y"ga 121, 142
! r"gapratigha ! 506
y"jñika ! 143 r"g"didu$)a ! 35, 36
y"th"tathya ! 72 r"g"diviyukta ! 80
y"vadvegam 480 ! r"g"diviraha ! 234
yukti ! 61, 90, 93, 100, 105, 302, 505 r"g"disa'mukh#bh"va ! 234
yuktijña ! 191 r"ja ! 321
yuktipar#k$ita ! 93 r"jacihna ! 245
yuktipratisara%a ! 93 r"j"dhir"ja ! 16
yuktiprasiddhaka 69 ! r"ma ! 321
yuktimat ! 35, 36 r&*ha ! 198
yuktim&la ! 39 r&*hi ! 316, 317, 533
yuktiyojita 35, 36
! r&pakrama ! 540
yuktivirodha ! 315 r&pa!le$a ! 138, 249, 274, 275
yukti!"str"virodhiv"c ! 105 r&paskandha ! 133, 222
yuktisaha 35, 36
! reph"k"ra ! 205
yukty"gama ! 90 roga ! 78
yugapacchrava%a ! 348 rogahetu ! 78
yugapatsmara%a 333, 468 ! laghuv+tti ! 347
yugapad ! 347, 466, 467 lajj" ! 118
y&pa ! 29 l"ghava ! 382
yogin 85, 87, 88, 91
! l"bha ! 39
yogipratyak$a ! 87 li(ga ! 107, 203, 223, 268, 271, 307, 338,
yogya ! 136, 367 379
yogyak$a%a 191 ! li(gatrair&pya ! 107
yogyat" ! 131, 132, 135, 136, 185, 191, li(gabuddhi ! 120
192, 196, 247, 248 li(gavyabhic"ra ! 230
yogyat"sa'vid ! 131 li(gasa(kara ! 95
yogyatva ! 191, 192 li(g"r"dhana ! 36
yogyade!"pek$atva 343 ! l&napunarj"ta ! 321, 370
yogyade!"vasth"na ! 191, 196, 263 loka ! 65, 127, 179, 182, 190, 244, 258,
yoni ! 506 280, 330, 475
yaugapadya 171, 172, 173, 466, 467, 468
! lokaprasiddha ! 383
rakt"mbara ! 35 lokaveda ! 131
racan" ! 186, 187, 208, 294, 303, 304 lok"nugraha ! 80
racita 311, 313
! lokopasa(graha ! 40
rajas ! 80, 222 lokopah"sa ! 44
rajj& ! 172, 517 lobha ! 43, 80, 109, 118
rath"(ga 466! loh"kar$a%a ! 343
rasa ! 276, 321, 328, 384, 461 laukika ! 134, 211, 289, 297, 301, 304,
r"ga ! 80, 107, 108, 109, 118, 222, 229, 317, 361, 468
236, 506, 509, 513 laukikav"kya ! 311, 527
620 Index
va!"a ! 184 var&#tmagraha&#bhim#na ! 331
vaktuk#mat# 334 ! var&#divyatirikta ! 275, 277
vakt$ ! 70, 111, 118, 135, 137, 140, 141, var&#nukrama ! 210, 332
177, 188, 459, 460, 464, 477, 478 var&#nup*rv' ! 159, 181, 210, 256, 317,
vakt$tva 310, 532
! 357, 538, 540, 541
vakt$tvas#m#nya ! 310 var&#nubhava ! 176, 179, 278, 280
vakt$tv#dili%ga ! 307 var&#"ramadharma ! 31, 36, 46
vakt$pr#m#&ya ! 142 var&#"ramavivarjita ! 34
vakt$"rot$dh' ! 464 var&opalabdhi ! 363
vakt$sant#na 204 ! vartam#nak#la ! 470
vakt$stha ! 204 va"'kara&a ! 39
vaktrekatva ! 346 vasantotsava ! 312
vacan#%ga 275 ! vastutas ! 224, 225, 261, 313, 327
va(e va(e ! 285 vastudharma ! 87
vana ! 321, 505 vastudharm#tikrama ! 113
var&a 125, 157, 159, 163, 164, 166, 167,
! vastudharm#natikrama ! 210
170, 172, 174, 175, 177, 182, 183, vastubalaprav$tta ! 71, 219, 221
185, 187, 188, 189, 203, 204, 205, vastubalabh#vin ! 221
206, 207, 208, 209, 277, 279, 317, vastubal#y#ta ! 71
321, 327, 330, 331, 333, 342, 348, vastubh*ta ! 138, 266, 273, 384, 385
352, 357, 360, 362, 368, 377, 383, vahana ! 466
465, 467, 468, 469, 472, 477, 479, 540 vahni ! 192, 293
var&akrama ! 176, 177, 207, 281 v#kkarman ! 229
var&atur'ya ! 171, 172 v#kchabda ! 173
var&ani)patti 279 ! v#kya ! 35, 39, 157, 158, 159, 160, 161,
var&apadakrama ! 303 162, 164, 165, 167, 169, 170, 171,
var&apadaracan# ! 304 172, 175, 177, 179, 181, 203, 205,
var&apadav#ky#bhidh#na ! 205 240, 243, 280, 286, 290, 296, 311,
var&abh#ga ! 172, 174, 203, 331 323, 325, 327, 330, 331, 332, 342,
var&ar*p#sa!spar"in 167 ! 347, 348, 357, 362, 382, 464, 469,
var&av#da ! 178, 277, 357, 384 472, 473, 476, 540, 541
var&av#din ! 179, 275, 332, 344, 348, 536 v#kyanityat# ! 146
var&avibh#ga 167, 168, 170, 327
! v#kyapratibh#sa ! 319
var&avyaktikrama ! 181 v#kyabh#ga ! 330
var&avyañjaka ! 169 v#kyaspho(a ! 164, 334
var&avyatirikta 158, 163, 167, 332, 357
! v#ky#rtha ! 160, 161, 162, 325
var&avyatireka ! 166, 469 v#gvijñapti ! 140, 175, 205
var&asamud#ya ! 175, 203 v#caka ! 126, 127, 128, 158, 165, 166,
var&aspho(a 167 ! 167, 168, 171, 175, 187, 188, 245,
var&asvar*pakrama ! 181 249, 266, 323, 350, 351, 352, 355,
var&asvalak)a&a ! 175 525, 539
var&#tirikta 187
! v#cakatv#%ga ! 275
Index 621
v!caka"akti ! 126, 246 vigama ! 374, 375, 382, 541
v!coyukti 44, 305 ! vig!na ! 94
v!cyatva ! 126 vicak&a%a ! 37, 69, 93
v!cyav!cakat!sambandha ! 245 vic!ra ! 112, 208, 209, 226
v!cyav!cakatva 132 ! vic!ra"'nya ! 515
v!cyav!caka"akti ! 132 vic!rita ! 171, 224
v!cyav!cakasambandha ! 125, 525 vicchinnakriy!samprad!ya ! 286
v!cyav!cakas!marthyaniyama ! 126 viccheda ! 172
v!cya"akti ! 126, 246 vijugups! ! 233
v!da 102
! vijñapti ! 140, 175, 205
v!din ! 79 vijñ!na ! 117, 174, 175, 191, 192, 193,
v!diprativ!disiddha ! 321 194, 196, 198, 204, 222, 278, 333,
v!naprastha 30, 32 ! 369, 380, 382, 467, 468, 511, 515, 541
v!narah#ta ! 65 vijñ!namaya ! 34, 35
v!yava ! 186 vijñ!naskandha ! 222
v!yav$y!vayava 374 ! vijñ!pana ! 175
v!yu ! 184, 186, 344, 374, 475, 480 vijñeya ! 188
v!rttika ! 130 vi(hapana ! 385
v!san! 90, 135, 138, 175, 176, 177, 232,
! vitathajñ!nahetu ! 245
259, 513 vitathavikalpav!san! ! 513
v!san!parip!ka ! 261 vitath!bhidh!na ! 111, 227
v!san!prabodha 176 ! vitarka ! 208, 209
v!stava ! 107, 127, 138, 258, 262, 266, vitarkavic!rak#ta ! 208
273 vidagdha ! 298
v!sy! 377, 380
! vidyam!n!tman ! 511
v!sy!dicchid! ! 368 vidy! ! 90, 503, 504
v!ha ! 258 vidy!k&ara ! 301
v!haya ! 105 vidy!va%ij ! 31
vikarmastha ! 33, 44 vidy!sth!na ! 42
vikalpa 41, 135, 136, 138, 140, 175, 176,
! vidvas ! 140
177, 196, 207, 208, 209, 210, 231, vidh!t# ! 283
261, 316, 373, 376, 504, 510, 513 vidh!na ! 301
vikalpan! 210 ! vidhi ! 36, 121, 295, 304
vikalpanirmita ! 339 vidh'takalpan!j!la ! 86
vikalpapratibh!savibhrama ! 177 vidheya ! 102, 121, 151
vikalpav!san! 176, 513 ! vinaya ! 12
vikalpav!san!prabodha ! 176 vinarmakal!vidagdha ! 298
vikalp!nukrama ! 208 vina&(a ! 199, 200, 479, 480
vikalpita 208 ! vin!"a ! 113, 199, 201, 202, 232, 385,
vik!ra ! 170, 472 462, 478
vikurva%a ! 110 vin!"adv!re%a ! 378
vik#ta 169
! vin!"it! ! 187, 199, 477
622 Index
vin!"itva ! 199, 200 vivak$! ! 70, 135, 136, 137, 141, 177, 187,
vin!"itv!num!na 181, 201, 375, 378,
! 204, 217, 218, 254, 289, 478
381, 385 vivak$ita ! 188, 294, 465, 477, 478
vinind! ! 35 vivak$it!rthaviparyaya ! 271
viniyata 258, 359
! viv!da ! 338
vin#la ! 86 vivikta ! 168
vipak$a ! 203, 286, 309, 310, 507, 509, viv&tta ! 170
511 viveka ! 230, 267, 297, 350, 379
vipak$as!tman ! 511 vivekin ! 267
vipar#ta 315, 460, 507
! vivekin ! 267
viparyaya ! 271, 475, 477, 511, 513 vi"uddha ! 106
vipary!sa ! 209, 245 vi"uddhi ! 108, 110, 302
vipa"yan! 234, 516
! vi"e$akhy!ti ! 193
vipa"yan!bhy!sa ! 235 vi"e$av&tti ! 258
vipa"yan!m!rga ! 235 vi"e$a"abda ! 160
vipa"yan!s!tman 235 ! vi"e$!num!na ! 269
vip%yaka ! 86 vi$a ! 39, 302, 343
viprakar$in ! 78 vi$ama ! 113
viprak&$'a 67, 78! vi$astambhana ! 300
vipratipatti ! 147 vi$!dyapanayana ! 211
viprayukta ! 133, 164 visa*v!da ! 118
viprayoga 184 ! visa*v!daka ! 227
vipralabdha ! 321 visa*v!dabh!j ! 221
vipralambha ! 111 visa*v!da"a(k! ! 243
vipralambhana"a(kin 84 ! visa*v!d!bhipr!ya ! 218
vibandhaka ! 335 visad&"a ! 331
vibhakta ! 226 visarga ! 182, 206, 466
vibhakti ! 136 visarjan#ya ! 182, 205, 466
vibh!ga ! 167, 170, 184, 223, 327, 480, vih!ra ! 29, 30, 43, 57
507 vihita ! 122
vibh!garahita ! 168 vihitaprati$iddha ! 122
vibhutva ! 475, 477 v#)! ! 381
vibhrama 175, 177
! v#tar!ga ! 95, 310
vimar"a ! 209 v&tti ! 72, 176, 323, 347, 360
viyoga ! 374, 480 v&ddha ! 124, 127, 128, 182, 463, 466
viruddha 198, 199, 201, 203, 251, 369,
! v&ddhadar"an!y!ta ! 358
508 v&ddhavyavah!ra ! 123, 124, 127, 244
viruddhahetu ! 541 v&ddhi ! 37, 123, 148
virodhodbh!vana 107 ! v&ddhi"abda ! 147
vilak$a)a ! 478 vega ! 184, 186, 480
vilambita ! 183, 368, 370 ve)u ! 346
vedaka ! 84
Index 623
vedakara!a ! 296 vai"rava!a ! 285
vedakara!a"akti 295 ! vyakta ! 160, 330
vedak#raviyogin ! 470 vyakt#vyakta ! 329, 474
vedatva ! 291, 529, 531, 532 vyakti ! 166, 169, 183, 184, 189, 191, 256,
vedadharma 36 ! 257, 259, 330, 362, 375, 382, 479,
vedan#dravya ! 505 540, 541
vedan#skandha ! 222 vyaktik#raka ! 375
vedanindaka ! 31, 32 vyaktikrama ! 382, 540
vedanind# ! 32 vyaktivi&ayatvakrama ! 362
vedap#$ha 287 ! vyaktopavyañjana ! 160
vedapr#m#!ya ! 97, 113, 239, 519 vyaktyanukrama ! 327
vedapr#m#!yasiddhi ! 154 vya)gya ! 190, 192, 193, 194, 246, 254,
vedab#hya 33, 44
! 264, 265, 331, 371, 372, 375
vedabr#hma!ad%&a!a ! 43 vyañjaka ! 169, 183, 185, 189, 190, 192,
vedabh#ga ! 96, 97 193, 246, 331, 352, 372, 375, 479
vedam#rga 35 ! vyañjakadhvani ! 166, 170, 186
vedam#rg#nus#rin ! 37 vyañjakavyakti ! 183
vedam%la ! 42 vyañjakas#d'"ya ! 473
vedam%l#natikrama 42 ! vyañjak#nukrama ! 170
vedarak&# ! 149 vyañjana ! 134, 183
vedaracan# ! 294 vyañjanak#ya ! 133, 164
vedav#kya 116, 286, 316
! vyatirikta ! 166, 167, 168, 169, 247, 248,
vedav#din ! 462 265, 267, 275, 277, 327, 332, 350,
veda"#kh# ! 44, 155 354, 357, 469
vedasiddh#nta 44 ! vyatireka ! 166, 169, 210, 277, 289, 469
vedasm'tyudita ! 35 vyatirekavy#pti ! 286
ved#dhyayana ! 148, 212, 294, 296, 299, vyatirekin ! 168
308, 470 vyath# ! 234
ved#dhyayanap%rvaka ! 296 vyadhikara!abahuvr*hi ! 295
ved#dhyayan#ntarap%rvakatva 294, 299 ! vyapagat#"e&ado&a ! 80
ved#pauru&eyat# ! 116, 519 vyapeta ! 466
vedaikade"a ! 113 vyabhic#ra ! 192, 197, 253, 282, 293, 297,
vaikalya 202, 269, 307
! 308, 313, 314, 381
vaigu!ya ! 334, 338 vyabhic#rin ! 290, 294, 318
vai(#lavratika ! 33 vyartha ! 243, 281
vaidika 83, 147, 211, 254, 289, 290, 296,
! vyavaccheda ! 115
301, 304, 311, 317, 460 vyavadh#na ! 339, 466
vaiphalya ! 91 vyavasth# ! 267, 272
vaiyarthya 161 ! vyavasth#na ! 272, 358, 540
vaira ! 234 vyavasthita ! 332, 359
vair#gya ! 43, 79, 80, 229 vyavahart' ! 147
vailak&a!ya 372 !
624 Index
vyavah!ra ! 95, 125, 127, 130, 135, 138, %akyapariccheda ! 110, 224
147, 177, 178, 188, 244, 258, 262, %akyavic!ra ! 73
298, 311, 313, 314, 464, 465 %aky!nu&'h!na ! 103
vyavah!rak!la ! 147, 177 %a(k! ! 72, 243
vyavah!ranitya 182, 189! %a'ha ! 33
vyavah!ranityat! ! 115, 125, 129 %apatha ! 302
vyavah!rabh!van! ! 139 %abara ! 83, 301
vyavah!ral!ghava ! 382 %abda ! 9, 10, 70, 76, 98, 117, 123, 124,
vyavah!rav!san! ! 259 125, 126, 128, 129, 130, 131, 136,
vyavah!rav!san!parip!ka 138, 261 ! 137, 138, 139, 140, 141, 147, 158,
vyavah!raviccheda ! 172 160, 161, 164, 169, 170, 172, 173,
vyavah!r!bhy!sa ! 138, 262 174, 179, 181, 182, 184, 185, 186,
vyavah!rin 147 ! 189, 193, 195, 200, 201, 203, 222,
vyavahita ! 67, 474 225, 241, 244, 245, 246, 247, 248,
vyasana ! 64, 72 253, 254, 256, 258, 270, 271, 286,
vy!khy!na 316 ! 289, 297, 311, 341, 342, 343, 344,
vy!gh!ta ! 236 347, 364, 365, 366, 369, 371, 372,
vy!dhi ! 109 375, 377, 381, 460, 463, 465, 468,
vy!pakaviruddha 369, 370 ! 469, 470, 472, 473, 474, 475, 477,
vy!p!ra ! 164, 190, 246, 296, 330, 343, 479, 480, 522, 540, 541
364, 385, 472 %abdado&odbhava ! 459
vy!pit! 158, 540
! %abdanityatvakalpan! ! 187
vy!pin ! 158, 343, 538 %abdanirde%ya ! 476
vy!pta ! 369 %abdap"rvatva ! 148
vy!pti 109, 202, 286, 299, 300, 527, 532
! %abdaprayoga ! 258, 297
vy!ptyasiddhi ! 294 %abdaprayogecch! ! 258
vy!m"#ha ! 42, 197 %abdabodha ! 184
vy!moha ! 198 %abdar"pa ! 165, 167, 170, 171, 349, 353
vy!v$tti ! 511 %abdav$ddh!bhidheya ! 128
vy!v$ttika 286 ! %abdavyañjaka ! 169
vy!v$ttibheda ! 253, 272 %abda%akti ! 131, 246
vy!hat!gama ! 74 %abdastha ! 246
vy!h!ra 231! %abdasmara)a ! 203
vyutkrama ! 329 %abdasvalak&a)a ! 174, 218, 364
vyud!sa ! 258 %abd!k!rasa*sargayogya ! 136
vyoman 184, 186, 476
! %abd!tman ! 165, 166, 167, 218, 354, 356
%akta ! 194, 466, 511 %abd!bhivyaktihetu ! 185
%akti ! 82, 83, 125, 126, 127, 128, 132, %ar+ra ! 505
184, 185, 191, 193, 210, 246, 271, %!kyagrantha ! 44
294, 295, 300, 305, 306, 345, 348, %!ky!digrantha ! 153
362, 463, 466, 476, 511 %!kh! ! 43, 44, 152, 153, 155, 283
%aktisambandhakalpan! 271 ! %!kh!dhy!yin ! 152
Index 625
!"kh"!ik#" ! 42 !aighrya ! 179, 470
!"bda 9, 10, 70, 97, 98, 141, 249, 253
! !aila ! 65, 342
!"l" ! 200 !ai!avamantra ! 154
!"ly"divahana ! 467 !odhanas"marthya ! 108
!"!vata 508 ! !obha ! 39, 41
!"sana ! 91 !aukra ! 359
!"st$ ! 30, 56, 87, 89, 90 !raddh" ! 241, 348
!"st$tva ! 92 !raddheya ! 99
!"st$tvasampad ! 90 !rava%a ! 325, 326, 330, 347, 348, 350,
!"stra 29, 32, 34, 36, 39, 42, 44, 60, 76,
! 351, 473, 476
78, 85, 96, 102, 105, 115, 154, 299, !r"ddhadharma ! 36
381 !r"ddhopagh"taka ! 33
!"strak"ra 240 ! !ruta ! 68, 76, 245
!"strado#"nudar!in ! 31 !rutavat ! 282
!"stradharma ! 102, 113 !rutipar&k#" ! 10
!"straparigraha 106 ! !rutim(la ! 41
!"stralak#a%a ! 78 !rutivirodha ! 39
!"strav"da ! 80 !rutivihita ! 41
!"stra!ar&ra 113 ! !rutism$tisa*v"din ! 39
!"str"dhik"ra ! 68 !re%i ! 51
!"str&ya ! 361 !reyas ! 92, 121
!ik#" 42
! !reyaskara ! 120
!ira'kamp" ! 353 !rot$ ! 128, 140, 173, 177, 186, 463, 464
!ivap(j" ! 36 !rot$sant"na ! 204
!i#)a 42, 76, 115
! !rotra ! 174, 182, 184, 474, 476
!i#ya ! 149 !rotrajapratyabhijñ" ! 475, 477
!i#y"c"ryasambandha ! 149 !rotrade!a ! 342
!&ghratva ! 183 !rotrabuddhi ! 182
!&tala ! 109 !rotramanas ! 468
!&to#%aspar!a 231 ! !rotravijñ"na ! 174, 204, 205, 278, 369
!&r#a ! 166 !rotriya ! 186, 233
!&la ! 109, 244 !rotriy"vasth" ! 233
!&lavratapar"mar!a 108 ! !rotrendriya ! 174, 342
!uddha ! 107 !rauta ! 34, 36, 38
!uddhi ! 41, 142 !rautasm"rtaviruddha ! 34
!(dra 37, 42, 43
! !le#a ! 138, 274
!(nya ! 507, 515 !le#man ! 109
!(nyacetana ! 44 !lai#mika ! 109
!(nyat" 111 ! !loka ! 473
!(nyat"d$#)i ! 92, 509 !vam"*sa ! 143
!(nyav"da ! 34 !veta ! 184
!e#avat 310 ! #o+a!"k"ra ! 507
626 Index
sa!kr"nti ! 460 sakala&ruti ! 330
sa!jñ" 241, 507
! sakal"sakalavar%abh"ga ! 331
sa!jñ"kart# ! 173 sak"ra ! 205
sa!jñ"karman ! 70 sak#t ! 278, 464
sa!jñ"sa!jñilak$a%a 122, 125 ! sakha%*apak$a ! 161
sa!jñ"skandha ! 222 sa+k'r%a ! 128
sa!nikar$a ! 151 sa+k'ryante ! 252
sa!nive&a ! 303 sa+keta ! 132, 133, 134, 137, 164, 175,
sa!ny"sa ! 30 177, 243, 245, 254, 271
sa!mukh'bh"va 234 ! sa+ketita ! 320
sa!yoga ! 184, 222, 374, 480 sa+khy"ta ! 208
sa!yogavibh"ga ! 184, 186, 480 sa+khy"bh"va ! 377, 480
sa!vatsara 359 ! sa+gat"rthat" ! 102
sa!v"da ! 117 sa+gha ! 29, 48, 93
sa!v"din ! 39, 88, 515 sa+gh"ta ! 148, 323
sa!v#tisatya 64 ! sa+gh"r"ma ! 53, 54
sa!vyavah"ra ! 123, 124, 147, 200 sacaila ! 33
sa!&aya ! 111, 118, 240, 251, 316, 460 saj"t'yop"d"na ! 193
sa!&ayita 72 ! sat ! 37, 246, 481
sa!&le$a ! 122, 138, 139, 248 satk"yadar&ana ! 236, 503, 506
sa!sarga ! 135, 136 satk"yad#$(i ! 237, 238, 503, 506, 509, 513
sa!s"ra 91, 233, 312, 508, 509
! satk"yad#$(ipratipak$a ! 236
sa!s"ragu%"nu&a!s"pradar&aka ! 104 satk"ryav"din ! 376
sa!s"ramocaka ! 312 satt"gr"hakapram"%a ! 348
sa!s"rin 90! sattopadh"na ! 177
sa!s#$(a ! 138, 139, 168 sattva ! 202, 222, 320, 353
sa!sk"ra ! 98, 133, 164, 176, 177, 184, sattvagraha ! 506
185, 203, 206, 207, 219, 242, 252, sattvadar&ana ! 506
256, 313, 314, 316, 333, 344, 345, sattvasabh"gat" ! 63
355, 468, 504, 509, 536, 538 sattv"num"na ! 201
sa!sk"radu)khat" ! 509 satprayoga ! 200, 201, 367, 541
sa!sk"rapratiniyama ! 346 satya ! 82, 87, 92, 99, 119, 142, 240, 305,
sa!sk"raprabodha 203 ! 306, 507
sa!sk"raskandha ! 133, 222 satyacatu$(aya ! 88, 92, 111, 226, 507
sa!sk"r"dh"nat"ratamyaprabodha ! 355 satyatapa)prabh"vavat ! 300
sa!sk"rya 138, 139, 259
! satyatapomaya ! 82
sa!sk#ta ! 99, 185, 186, 344, 538 satyatvak"ra%a ! 240
sa!sk#ti ! 185 satyavacana ! 39, 43
sa!har$a 351 ! satyav"din ! 76, 99, 461, 462
sa!h#tasarvab'ja ! 166 saty"n#tavi&uddhi ! 302
sakalav"ky"rthaprat'ti ! 161 saty"bhidh"na ! 113
sakala&rava%a 473 ! saty"rtha ! 79, 227, 241, 515
Index 627
sad!"a ! 198, 199, 321 samutth$pana ! 204, 205
sadbh#ta 87 ! samudayasatya ! 225
sadbh#t$rthopade"aka ! 80 samud$ya ! 171, 172, 173, 175, 203
san$tana ! 116 samudita ! 327, 355
santati 191
! sampad ! 60, 90
sant$na ! 191, 204, 503, 531 samparka ! 33
sandar"itatva ! 385 sampratipatti ! 123, 147
sandigdha ! 302 sampratipannat$ ! 147
sandigdhavipak%avy$v!ttika ! 286, 310, sampratibaddha ! 507
528, 529, 532 samprad$ya ! 82, 271, 286
sandeha ! 251, 286 samprad$y$nupaccheda ! 149
sapak%a ! 203 samprad$y$bhy$s$viccheda ! 149
saptaratna 48 ! samprayukta ! 504, 505
sabh$gav$san$ ! 175, 177 sambaddh$nugu&op$ya ! 220, 224
samat$ ! 504 sambanddh! ! 123, 147
samanantarapratyaya 204, 205 ! sambandha ! 102, 113, 115, 122, 124,
samaya ! 82, 105, 131, 132, 137, 140, 125, 127, 128, 129, 130, 131, 133,
172, 248, 304, 464 134, 138, 139, 140, 142, 146, 147,
samayak$ra 250 ! 149, 188, 189, 191, 192, 195, 200,
samay$khy$na ! 243 218, 225, 244, 245, 246, 248, 253,
samav$ya ! 190, 223 255, 258, 259, 263, 266, 267, 268,
samav$yik$ra&a 113 ! 269, 270, 271, 272, 273, 274, 275,
samasta ! 353, 356 341, 347, 463, 464, 477, 478, 521, 525
samastapadav$kyar#pa ! 171 sambandhakart! ! 123
samastavar&avijñ$na 333, 467 ! sambandhakalpan$ ! 271
samastopalambhana ! 356 sambandhasm!ti ! 98
sam$kar%a&a ! 338 sambandh$khy$na ! 140
sam$khy$ ! 152, 153, 154, 155 sambandh$di ! 462, 463
sam$khy$t! ! 152 sambandh$digu&ayukta ! 224
sam$dhi 109! sambandh$n$dik$ra&a ! 462
sam$naj$t'ya ! 381 sambandh$nubhava ! 201
sam$naj$t'yop$d$nak%a&a ! 191 sambandhin ! 190, 246, 259, 267
sam$n$dhikara&abahuvr'hi 295 ! sambandhyadh'na ! 273
sam$pyate ! 160, 161, 324 sambandhy$"rita ! 273, 274
sam$ropa ! 315, 323, 324, 514 sambh$%a&a ! 33
sam$rop$pav$da 315 ! sambhinnapral$pa ! 104
sam$ropika ! 179 sambh#ya ! 172
sam'pa ! 351, 474 samyaksambuddha ! 35
sam'h$ 72, 140
! samyagup$ya ! 74
samuccayajñ$na ! 333, 468, 536 samyagjñ$na ! 71
samutth$na ! 175, 205 samyagbudha ! 35
samutth$paka 204, 206 ! saras ! 204, 206, 276, 321, 328, 384
628 Index
sarahasya ! 149 s!tm(bh)tam!rga ! 233
sar!ga 95 ! s!tmya ! 510, 511
sarga ! 132 s!daranirantarad(rghak!la ! 86
sarpabuddhi ! 511 s!d'"ya ! 197, 200, 207, 209, 318, 321,
sarpabhrama 517 ! 323, 331, 370, 473
sarvakle"aprah!#a ! 225 s!dgu#ya ! 350
sarvagata ! 182, 187, 360 s!dhaka ! 219, 314, 478
sarvajña ! 79, 94, 99, 105, 111, 134, 310 s!dhakatama ! 127
sarvajñat! ! 83, 84, 85 s!dhana ! 13, 82, 84, 92, 157, 199, 203,
sarvajñatva 307 ! 251, 253, 267, 283, 285, 287, 305,
sarvajñabh!$ita ! 69 356, 381, 462, 508
sarvajñ!na ! 84 s!dh!ra#a ! 289
sarvajñ!naprati$edha 531 ! s!dhya ! 121, 129, 352, 369
sarvatodikka ! 186 s!dhyadharma ! 528
sarvan!man ! 258 s!dhyas!dhana ! 251, 253
sarvav!din 468 ! s!dhy!s!dhana ! 294
sarvasarvajñat! ! 83, 84, 85 s!magr( ! 191, 293
sarv!rthagati ! 270 s!man ! 44
salila 192
! s!manta ! 15, 16
savikalpaka ! 175 s!marthya ! 82, 125, 132, 186, 187, 191,
sahak!rin ! 191, 205, 362, 341, 371 264, 265, 289, 300, 326, 336, 338,
sahaja 133, 506
! 374, 383, 510, 511
sahabh!vavirodha ! 295 s!mavedin ! 29
sah!navasth!na ! 295 s!mastya ! 320
sahita 207, 208
! s!m!nya ! 70, 73, 97, 100, 105, 113, 175,
sahit!vasth! ! 327 183, 189, 194, 197, 219, 222, 257,
s!%"a ! 203 290, 291, 310, 353, 368, 459, 506
s!k!&k$a ! 161 s!m!nyapratir)paka ! 160
s!k!rav!din ! 333 s!m!nyalak$a#a ! 135
s!k$!jjanana"akti 362 ! s!m!nyavi"e$a ! 476
s!k$!t ! 192, 194, 204, 205, 256, 362, s!m!nyavyakticint! ! 362, 375
365, 383 s!mya ! 371
s!k$!tkartavya 228 ! s!rthaka ! 158, 160
s!k$!tk'tadharman ! 79, 96 s!rthav!da ! 150
s!&ketika ! 136, 245 s!vayava ! 172
s!&ga 149 ! s!sravasukha ! 234
s!tman ! 511 s!hitya ! 126, 275, 465
s!tmatva ! 510, 511 si%ha ! 323
s!tman 235 ! siddha ! 107, 123, 129, 130, 131, 190,
s!tm(bh!va ! 231, 510, 511 202, 263
s!tm(bh)ta ! 510, 511, 517 siddhahetu ! 283
s!tm(bh)tado$apratipak$a 231 ! siddh!nta ! 44
Index 629
siddhi ! 83, 208, 477, 478 spa"'a ! 86
siddhivi!e"a 82, 305 ! spa"'$bha ! 86
siddhopalambhaka ! 190, 193 spa"'$rthapratibh$sit$ ! 86
su° ! 89 spa"'$spa"'a ! 474
sukha 103, 222, 234, 236, 244, 390, 507,
! sp&!ati ! 261
508 sphu'a ! 86, 88
sukhadu#kha ! 222 spho'a ! 6, 10, 62, 133, 134, 157, 158,
sukhadu#kh$disa%vedana ! 69 159, 160, 163, 164, 165, 166, 167,
sukhin ! 506 169, 170, 171, 173, 174, 189, 190,
sugatatva 89, 92 ! 195, 278, 281, 321, 323, 327, 329,
subh$"ita ! 64 331, 333, 334, 352, 384, 473, 476, 535
sumerup&"'ha ! 244 spho'ar)pa ! 167, 327, 329
suvar(a 101 ! spho'av$da ! 164, 178, 184, 539
s)kt$bhy$sa ! 64 spho'av$din ! 134, 157, 158, 159, 163,
s)k"m$ntaritad)r$rtha ! 78 166, 170, 171, 173, 179, 182, 187,
s)rya 33
! 208, 275, 276, 320, 321, 329, 331,
so*hatva ! 473 332, 344, 346, 348, 352, 354, 356,
sopadrava ! 232 360, 384, 476, 525, 535, 536, 539
saukarya 41 ! spho'$%!a ! 323
sauk"mya ! 118 spho'$khya ! 164, 166, 321
skandha ! 90, 133, 134, 222, 223, 503 smara(a ! 147, 151, 203, 205, 333, 468,
skhalat 511
! 478, 536
skhalita ! 283 smara(ajñ$na ! 177, 332
stambhana ! 300 smara(ad$r*hya ! 45
stimita 184, 186, 374, 480
! sm$rta ! 34, 36, 38
stimitav$yav+y$vayavasamyoga ! 374 sm&ta ! 149, 155
stutipara ! 151 sm&ti ! 19, 41, 82, 83, 115, 150, 154, 155,
st)pa ! 30 173, 205, 284, 305, 306, 478
str+dharma ! 36 sm&tigr$hya ! 279
sthavira 93 ! sm&tid$r*hya ! 284
sth$nakara(avy$p$ra ! 343 sm&tisa%v$din ! 39
sthita ! 132, 200 sm&tyaviccheda ! 94
sthitakrama 208, 209 ! syandin ! 511, 516
sthitasambandha ! 259 svak$ry$rambhakatva ! 373
sthira ! 201, 507 svak$ryopalambhakatva ! 373
sthiraikasvabh$va 381 ! svakulakram$gata ! 312
sthairya ! 378 svata#pr$m$(ya ! 44, 116, 117, 239
sn$na ! 33, 36, 108, 223 svatantra ! 153, 162, 188, 472
snigdha 109 ! svad&"'am$rga ! 91
sneha ! 90, 237, 508, 509 svadeha ! 64
spar!a ! 231, 339 svadharmakavaca ! 31
spar!ana 33 ! svanik$yasiddha ! 131
630 Index
svanid!nabh!sin ! 140 h#%a ! 47, 56
svaparavibh!ga 507 ! heujutta/hetuyukta ! 105
svapna ! 332 hetu ! 204, 206, 286, 291, 368, 521, 528,
svapn!yate ! 332 531, 532, 540, 541
svaprakriy! 298 ! hetucetas ! 207
svapratibh!racita ! 313 hetuj!la ! 43
svabh!vatas ! 241 hetud)$*i ! 108
svabh!vaniyata ! 136 hetupari%!ma ! 359
svabh!vali"ga ! 94, 223, 230 hetup!ratantrya ! 509
svabh!vasiddha 130 ! hetupratyayas!marthya ! 338
svabh!vahetu ! 58, 253, 521 hetumat ! 508
svabh!vahetupratir#paka ! 368 hetum!tranirde&a ! 238
svabh!v!nupalabdhi ! 357 hetuv!din ! 31, 40, 62
svamata ! 383 hetuvidy! ! 13
svay#tha ! 381 hetu&!stra ! 32
svarita 183
! het#kti ! 41, 43
svarga ! 34, 35, 70, 78, 85, 98, 103, 111, heya ! 78
121, 142, 219, 220, 244, 256, 316 heyahetu ! 78
svargak!ma 143, 244 ! heyop!deyatattva ! 84, 111
svargas!dhanaviruddha ! 251 heyop!ya ! 78
svalak$a%a ! 135, 174, 175, 176, 218, 364, haituka ! 32, 33, 40, 44
514 homa ! 108
sva&aktivigh!tin ! 127 hrasva ! 183, 479
svasa'vedana ! 222
svasa'vedya ! 44
svasiddh!nta ! 222 Termes tibétains
sv!k!r!rpa%a ! 515
sv!tantrya ! 117, 188, 243, 252, 477, 478 bka'i don ! 101
sv!tmajñ!na ! 463 bkod pa ! 178
sv!bh!vika 127, 132, 138, 244, 245
!
rkyen ! 350, 514
sv!min ! 258 rkyen las byu" ! 509
sv!rthapara ! 151 lkog tu gyur pa ! 101
sv!rthapraty!yana 133 !
skad cig ma ! 337, 509
hatamohamah!malla ! 80 skad cig ma gñis pa ! 352
havis ! 35 skal pa da" ldan pa ! 112
hastasa'jñ! 241, 476 !
skyes bu la brten pa ! 385
h!tavya ! 78 skyes bu'i 'jug pa ! 227
h!nihetu ! 78 skyes bu'i don la mi slu ba ! 227
h!nop!ya 78 !
skyes bu'i 'bad rtsol ! 210
hi's! ! 35, 43, 108, 288 skyes bus byas pa ! 243, 281, 289, 297
hi's!cetan! ! 219, 224 skyes bus ma byas pa ! 210, 211, 311, 358
h(nasatk!yadar&ana 503 !
Index 631
skyes bus ma byas pa ñid ! 242, 245, 288, sgro btags pa'i rnam pa ! 514
292 sgro btags pa'i rnam pas 'jug pa ! 512
skyes bus legs par byas pa ! 242, 243 sgro 'dogs pa ! 176, 178
skyes min rten can ! 310 bsgom pa ! 85
skyo ba 234 ! bsgos pa ! 314
skyon ! 288, 382 bsgos pa'i sa bon can ! 178, 469
kha bya ! 298 bsgribs pa ! 318
kho! du chud pa ! 268 bsgrub par bya ba ! 293
khol ! 276 !ag ! 176, 178, 303, 332
mkhas pa 101 ! !ag gi don ! 324
'khrul pa ! 242, 281, 292, 293, 318, 347, !es pa ! 227, 290, 379
512, 514 !es pa med pa ! 379
go rim 358, 385
! !es par byed ! 178, 469
go rim gyi khyad par ! 349 !es par gzu! ba ! 350
go rim b"in du ! 355 d!os po ji ltar gnas pa b"in du 'dzin pa !

go rim b"in du yod pa can ! 355 516


goms pa ! 261 d!os po mtho! ba'i de kho na ñid mtho!
goms par byas pa'i lam ! 512 ba ! 306
goms par ma byas pa'i lam ! 512 d!os po med pa ! 514
grub pa'i mtha ! 222 d!os po'i stobs kyis "ugs pa ! 106, 515
grogs ! 512, 515 d!os por gyur pa ! 277
glo bur ba 459, 512, 514
! d!os su ! 321, 383
bgrod par bya ba ! 227 m!ar ba ! 109
'gro ba ! 297 m!on par "en pa ! 507, 509
'gron pos bta! ba'i me 291, 293 ! m!on par gsal ba ! 355
rgyu skar ! 359 m!on sum ! 87, 101, 222
rgyu ma tsha! ba ! 269 m!on sum du ! 192, 362
rgyu mtho! ba can ! 289 s!a phyi 'gal ba ! 106
rgyu mtshan ! 261 s!a phyi can ! 169
rgyu'i tshogs pa 369 ! s!a ma da! phyi ma ! 355
rgyu'i g"an dba! ñid ! 509 s!ags ! 301
sgra ! 178, 242, 245, 249, 269, 288, 297, s!ags kyi rtog pa ! 301
315, 337, 342, 350, 355, 469 s!ags da! rtog pa ! 301
sgra tsam ! 349, 350 ca co ! 350
sgra tsam gyi cha ! 352, 353, 355 cig car thos pa ! 347
sgra las byu! ba 98 ! cig car gsal ba ! 355
sgra'i cha ! 355 cig #os la ma grub pa ! 368
sgra'i 'jug pa ! 347 gcad ! 101
sgra'i bdag ñid 353 ! gcig ! 176, 178, 278, 355
sgra'i sbyor ba ! 297 gcig brjod pa ! 349
sgrib par byed pa ! 337 gcig ñid ! 178
sgro btags pa 235, 385, 514!
632 Index
gcig ñid du sgro 'dogs pa'i rnam par rtog ston pa ñid phun sum tshogs pa ! 90
pa 176, 178
! brtags pa ! 101
gcig tu sgro 'dogs pa'i blo ! 178 brtan pa ! 378
gcig tu sna! ba ! 178 bstan bcos ! 106, 108
gcig tu "en pa'i blo ! 176, 178 tha dad pa med par sna! ba ! 176
gcig par 'dzin pa ! 178 tha ma'i sgra ! 178, 469
gcer bu ba'i slob dpon ! 298 thabs ! 74, 509
bcad pa ! 101 thams cad #es pa ! 73
'jig rten pa'i sgra ! 288 thar pa ! 99
'jig pa ! 257 the tshom ! 73
'jig pa can ! 378 the tshom za ba ! 315
'jug pa myur ba ! 347 thog ma ! 311
'jug par 'dod pa can 228 ! thog ma da! ldan pa ! 311
rje khol gyi 'brel pa ! 276 thos pa ! 347, 349, 355
rjes su dpag pa ! 99, 101, 106, 268 mthu ! 306
rjes su dpag pa'i kho!s su gtogs pa 99 ! mthun pa'i phyogs ! 379
rjes su dpog pa'i rtags ! 270 mtho ris ! 99
rjod par byed pa ! 268, 276, 349, 350 da ltar ba ! 292
rjod par byed pa ma yin pa ! 276 du ma ñid ! 178
brjod par 'dod pa ! 218 dug la sogs pa sel bar nus pa ! 303
brjod par bya ba da! rjod par byed pa'i de kho na ñid ! 306
mtshan ñid can gyi 'brel pa ! 268 de kho na ñid mtho! ba ! 515
cha ! 330, 352, 353, 355 don thams cad rjod par byed pa ! 315
cha da! bcas pa ! 169 don dam pa ! 107
chos 314! don dam pa'i 'brel pa ! 250
chos can ! 107 don dam par ! 278, 384
ñams su myo! ba ! 176, 178, 222, 332 don tsam mtho! ba ! 88
ñe bar brtags pa ! 315 don la mi slu ba ! 225
ñe bar len pa ! 210 dran pa ! 176, 178
ñe bar lo!s spyod pa 234 ! dran pa sad pa'i rgyu ! 381
ñes pa ! 235, 240, 512 dran pa'i #es pa ! 332
ñes pa zad pa ! 229 dri ma ! 459
ñes pa zad pa'i tshig 219 ! bdag ! 507
gñen po'i phyogs gnod pa can ! 235 bdag gi ! 509
gtan tshigs ! 286, 292, 293 bdag tu lta ba ! 503
bta! sñoms 222 ! bdag tu 'du #es ! 507
rtag tu thos pa ! 355 bdag da! bdag gi ! 509
rtag pa ! 335, 337 bdag da! bdag gi'i rnam par m!on par "en
rtag pa ñid ! 303 pa ! 509
rtags ! 268, 270 bdag med lta ! 509
lta ! 509 bdag med pa ñid mtho! ba ! 509
lta ba 503 ! bdag med pa la dmigs pa'i #es rab ! 516
Index 633
bdag med pa'i lam ! 516 phan tshun mi 'gal ba ! 101
bdar ba 100, 101
! phul du byu" bar byed pa ! 337
bde ba ! 222 phyi ma phyi ma ! 355
bden pa ! 112 phyi rol ! 178
bden pa bsgom pa 85 ! phyin ci ma log par brjod pa ! 73
bden pa dpyod pa ! 87 phyin ci log ! 315, 507, 514
bden pa'i don can ! 242 phyin ci log gi rnam pa ! 235, 514
'du !es ! 507 phyin ci log gi rnam pa da" rjes su 'brel pa
'dul ba ! 101 ! 514
'dus byas 344, 509! phyis 'byu" ba ! 178, 318
'dod pa ! 222 phyogs kyi chos ! 107
'dod pa tsam gyi rjes su 'jug pa ! 137 'phags pa'i bden pa ! 87
'dod pa'i sgra ! 137 bag chags su bsgos pa ! 314
'don par byed pa ! 292, 293 bad kan ! 109
'dres pa ! 274 bum pa ! 257
sdug bs"al 222 ! bya ba ! 375
sdug bs"al du gyur pa'i 'dus byas ! 509 bya rog gi skad ! 242
brda ! 245, 248 byas pa ñid ! 272
brdar 101 ! byi gla" ! 359
nad ! 109 byed pa yon tan ! 350
nan tan du byed par 'dod pa ! 228 blo ! 176, 178, 249, 261, 278, 306, 385,
nus pa ! 306, 337 469, 507
nor bu ! 100 dba" po las 'das pa ! 227, 315
gnas skabs ! 512 dba" po las 'das pa'i don mtho" ba ! 227
gnod pa can ! 235 'bad rtsol ! 210
gnod pa med pa ! 224, 228 'bras bu'i rtags ! 223
rnam pa yod pa 'dzin pa ! 515 'bras bur gyur pa ! 268
rnam par 'gyur ba med pa ! 100 'bru ma" po ! 295
rnam par 'jog pa ! 178 'brel pa ! 245, 248, 249, 255, 261, 268,
rnam par rtog pa ! 176, 178, 210 270, 281
rnam par dag pa ! 106, 224 'brel pa can ma yin pa ! 259
rnam par dpyad par gyur pa ! 222 'brel pa med pa can ! 355
rnam par g#ag pa 227 ! sbrul gdug pa ! 343
rnal 'byor ba'i m"on sum ! 88 ma gus pa ! 290
rnal 'byor ba'i !es pa ! 87 ma "es pa ! 270
sna tshogs pa ñid ! 272 ma rig pa'i yan lag ! 503
snam bu ! 257 ma lus pa ! 332
snum pa ! 109 mi mkhas pa ! 100
dpe 269
! mi "es pa ñid ! 227
dpe ma grub pa ! 268 mi 'jig pa ! 257
dpyod pa ! 106 mi rtag pa ! 87, 515
phan pas 'jug pa ! 227 mi rtag pa ñid ! 272
634 Index
mi mthun pa'i phyogs ! 286 gza' ! 359
mi min rten can 310 ! gzugs mtshu!s pa lus ! 321
mi gtsa! ba ! 233 gzu! ba ma gzu! ba'i ra! b#in ! 278
mi gtsa! ba la smod pa ! 233 bzod pa ! 100
mi bzod pa 100 ! 'od gsal ! 459, 516
mi slu ba ! 225, 227 ya! dag pa ! 515
mi! ! 178, 469 ya! dag pa ji lta ba b#in du 'dzin pa ! 516
me ! 210, 291, 292, 293 ya! dag pa'i don ! 512, 515
med na mi 'byu! ba ! 249 ya! dag pa'i don ston pa ! 112
myur ba 347
! ya! dag pa'i don 'dzin pa ! 235
smod pa ! 233 ya! dag pa'i yul gyi rnam pa 'dzin pa ! 515
smra ba po ! 350 yan lag ! 503
smra bar byed pa 349, 350 ! yi ge ! 178, 277, 342
gtsub "i! gtsubs pa ! 292, 293 yi ge a ! 349
gtso bo da! gtso bo ma yin pa ñid ! 102 yi ge da! cha med pa can ! 330
gtso bo ma yin pa'i don ! 226 yi ge'i go rim ! 358
gtso bo'i don ! 227 yi ge'i go rim med pa can ! 168
brtse ba ! 112 yid kyi rtog ! 137
brtse ba da! ldan pa 112 ! yid ches pa ! 315
brtse ba med pa ! 112 yo!s smin ! 178, 469
tshad ma ! 106 yo!s su rtog pa ! 101
tshad ma ñid 92 ! yod pa tsam ! 356
tshad ma ñid kyi thabs ! 112 ra! rgyud pa ! 137
tshad ma'i skyes bu ! 77 ra! b#in gyi gtan tshigs ! 137
tshad ma'i grogs 512, 515 ! ra! b#in gyi rtags ! 223
tshad mar gyur pa'i skyes bu ! 77 ra! b#in gcig la gnas pa ! 337
tshig ! 176, 178, 277, 278, 332 rig byed kyi !ag ! 315
tshig da! !ag gi rnam pa can gyi rnam par rig byed 'don pa s!on du so! ba can ! 293
rtog pa'i blo ! 176 rig byed 'don par byed pa ! 292, 293
tshig da! !ag tha dad pa med par sna! rig byed 'don par byed pa'i s!on du so! ba
ba'i blo ! 176 can ! 292
tshu rol mtho! ba ! 94 rig byed pa'i sgra ! 245
tshogs pa 293, 369
! rig byed pa'i !ag ! 303
tshogs pa med pa ! 355 rigs kyi chos bsru! ba ! 314
rdzas ! 109 rigs pa ! 101
brdzun du smra ba can ! 297 rigs pa da! 'gal ba ! 315
g#an gyi sdug bs!al ! 112 rigs pas bgrod par bya ba ! 227
g#an dba! ñid ! 509 rin po che ! 100
g#an la phan pas 'jug pa ! 227 rim med pa ! 332
g#i tha dad pa'i 'bru ma! po ! 295 ru! ba ñid ! 248
g#i mthun pa'i 'bru ma! po ! 295 ro mya! ba ! 234
zil gyis mnan pa ! 517 lam ! 512, 516
Index 635
lam goms par gyur pa ! 233, 517 gsal byed ! 355
lam gyi sems 512 ! gser ! 101
las kyi cha ! 353 gser bza! po ! 100
las kyi bdag ñid ! 353 bsam gtan ! 303
lu! 17, 98, 99, 100, 106, 107
! bsam pa ji lta ba b$in du ! 255
lu! gi don la nan tan du byed par 'dod pa ! bsil ba ! 109
228 bsreg pa ! 100, 101
lu! gi rnam par rtog pa da! ma 'dres pa ! lhag mtho! ! 516
88
lu! gi tshad ma ! 68
lu! la ltos pa'i rjes su dpag pa ! 106
lu! la brten pa'i rjes su dpag pa ! 107
lus ! 321
legs pa ! 112
legs pa ma yin pa ! 112
legs par byas pa ! 242, 243, 314, 344
lo rgyus ! 299
lo rgyus mkhan ! 298
lo ts" ba ! 389
log pa ñid ! 240
log pa da! bden pa'i don can ! 242
log par rtogs pa ! 268
log par ston pa ! 112
logs #ig na ! 383
#i! ! 210
#in tu lkog tu gyur pa ! 101, 225, 227
#es rab ! 516
sa bon ! 178
sa!s rgyas pa'i grub pa'i mtha' ! 222
sad pa'i rgyu ! 381
sems ! 459, 512, 515
sems kyi ra! b$in ! 515, 516
sems kyi ra! b$in ma yin pa ! 512
sems pa ! 303
so sor !es pa ! 292
so sor rig pa ! 306
slu ba ! 227
slu bar mi byed pa ! 227
slob dpon ! 298
gsal ba ! 210, 355
gsal bar byed pa ! 243, 355
gsal bya ! 265
Index locorum

AD!p I.9 " 79 s(trasth%na 11,18!19 "

109,8!9 133 " "MV 75, 78


109,14!15 " 137 4,22 " 78 s(trasth%na 11,19 " 92
110,1!3 " 173 5,17 " 80 s(trasth%na 11,27 " 76,
110,7!13 172 " 5,18!19 105 " 80, 81
111,6!7 " 334 A# s(trasth%na 11,27!29 "

111,7!13 " 134 4,33 " 78 75, 78


113,10!19 134 " AV s(trasth%na 11,29 " 80
164,6 " 104 VI.12 " 82 C#
k. II.146ab " 164 AVBh 280 " 110, 111
AK II.657,19!20 82 " DhPr
II.34d1 " 504 II.657,23!24 " 82 15,12!15 " 103
II.47 " 137 AVK 15,16!18 " 312
III.29c 505" 20 140
" DhS
IV.76cd " 104 22!23 " 135 LIII/11,13 " 93
IV.77bc " 104 B"U HB
AKBh IV.5.6 " 508 6*,24 " 298
62,7 " 504 BCAP K%vyam!m%)s%
62,9!10 504 " 314,3!7 104 " II.6 " 301
81,11!16 " 354 BoBh LV
81,18!21 " 133 W37,25!26/D25,17 " 319,9 " 77, 79
140,26!28 503 " 69 MAV
282,8!9 " 108 W43,24!45,12/D30,1! III.12b " 69
291,5!6 " 503 26 " 135 MAVBh
338,1!2 86 " W44,23/D30,18 136 " 97,17 " 69
411,11 " 81 W108,18!19/D76,19 " MAV*
414,17!415,10 " 81 93 98,14!16 " 69
424,13!425,3 76, 90 " W257,4!8/D175,18!21 MBh
429,2!3 " 83 " 93 1.62.33 " 68
AKVy B$hat! 8.49.18 " 68
181,28!186,16 164 " 194,1 132" 18.5.31 " 76
184,1!10 " 354 B$hatkath%&lokasa'graha 18.5.32 " 78, 79, 80
326,4!5 " 301 XVII.96!97 " 298 18.5.33 " 80
525,10 76 " XVIII.202 298 " MBh%+ya
526,11!12 " 86 Buddhacarita I.3,18 " 166
704,21 " 93 XXV.45 " 101 I.6,16!19 " 129
"M CS I.6,21!22 " 129
I.5 " 78, 105 s(trasth%na 11,17 " 76 I.11 " 79
I.6 " 80, 105 s(trasth%na 11,18 80 " I.19,20!21 " 465
Index 637
I.39,10 ! 77 I.i.29 ! 146, 148 NBh
I.356,1"13 171 ! I.i.30 ! 154, 155, 283, 14,4"5 ! 75, 79
MBhD 284 90,1"2 ! 136
I.3,13 ! 169 I.iii.10 ! 255 96,15"16 ! 92
I.3,13"14 165, 169 ! MMK 96,18 ! 77, 79
I.3,18"19 ! 165, 169 634,7 ! 56 96,18"19 ! 75
I.17,9"10 ! 170 634,8"9 ! 57 96,19 ! 75, 81
I.17,12 ! 170 634,9 ! 56 96,19"97,1 ! 78
I.17,15"17 ! 344 634,11"12 ! 57 97,2 ! 77
I.18,13"14 131 ! MRP 97,5"6 ! 76
I.24,3"19 ! 132 P343a ! 27 97,6 ! 77
I.24,24"25,2 ! 126 MSA 97,6"7 ! 77
II.25,14 169 ! XVIII.31 75 ! 97,7 ! 75
IV.7,16 ! 19 MSABh 97,8"16 ! 97
MHK 53,18"19 ! 68 98,3"5 ! 149
V.8 76
! 138,5 77 ! 110,17"111,1 ! 195
V.8ab ! 69, 77, 93 MSa#grUp 314,5"8 ! 102
V.8c ! 77 I.6.2 ! 504 NBPS
IX.4a 145 ! VII.7a 174 ! 480,14"17 ! 101
IX.4c ! 149 MSm$ 480,24"481,4 ! 101
IX.5 ! 78 II.6 ! 43 NB%Dh
IX.8"9 97 ! II.11 32 ! 1,9"10 ! 103
IX.19 ! 149 II.140 ! 149 11,18 ! 87
IX.20 ! 100 IV.30 ! 32, 33, 44 59,8"9 ! 136
IX.26 145 ! IV.61 32 ! 81,19 ! 107
IX.26cd ! 283 IV.163 ! 32 82,2"3 ! 105
IX.30 ! 137 VIII.22 ! 32 NB%V
IX.35 ! 312 VIII.109 ! 302 47,5 ! 87
IX.53"54 ! 98 VIII.113"115 ! 302 130,1"3 ! 107
IX.120"123 108 ! VIII.309 32 ! Nir.
M!S" MVy I.20 ! 75, 79
I.i.2 ! 120 1445/LXVI.15 ! 299 NM
I.i.4 125
! NA 573,14"15 ! 283
I.i.5 ! 122, 124, 125 8 ! 77 574,13"14 ! 148
I.i.18 ! 196, 200, 201, 9 ! 75, 105 580,9"10 ! 283
368, 377, 480 NAV 580,15 ! 283
I.i.20 ! 196, 197, 201, 382,8"9 ! 78, 80 k. IV.1 ! 146
368, 377, 480 382,17"383,4 ! 105 NR&
I.i.25 146, 161
! NB 62,5"10 ! 99
I.i.27 ! 151 I.5 ! 135 82,5 ! 121
I.i.27"32 ! 146 III.71"73 ! 84, 307, 288,11 ! 78
I.i.28 151! 310 370,31 ! 183
638 Index
538,20!539,10 " 184 P!dat!#itaka 208c " 135
558,7 201 " k. 4c 298
" 213 " 137
573,3!4 " 201 PDhS 215 " 105
585,14!15 " 198 §59 " 80 216ac " 73
608,2!5 161 " §240 223
" 217 " 111
668,4!5 " 146 §288 " 75, 78, 80 218!219 " 9
668,17 " 151 §289 " 78 221 " 232
668,20!22 " 151 §385 " 223 224!230 " 116
NS Prajñ!p!ramit!pi$#!rtha- 224!268 " 116
I.i.3 78 " sa%graha 224!330 " 115
I.i.7 " 75, 76 k. 48 " 138 225 " 142
II.i.53 " 122 PrP 226 " 143
II.i.55 137 " 75,6!7 78, 80, 93
" 228cd!229ab " 143
II.i.56 " 255 75,7 " 75, 76 229cd " 10
II.i.68 " 92, 96 268,1 " 77 231!238 " 116
II.ii.18!21 195 " 268,1!2 93 " 231d " 138
II.ii.29!32 " 201 268,1!269,3 " 75, 76 234!235a " 191
V.ii.10 " 102, 107 268,2 " 80 238a " 208
NS!ra 269,2 77 " 239!246 " 116, 145
1ab " 80 PS 240 " 148
2!4 " 78 I (ma%gala&loka) " 64, 247!268 " 116
3 80
" 67, 77, 89 249 " 160
5 " 75, 80 I.6.2cd " 341 252cd " 195
8 " 76, 92 II.5ab " 60, 67, 70, 71, 259a " 181
8ac1 " 107 73, 74, 100, 219, 262ac1 " 190
NSm" 459 266 " 197, 200
I.158 " 32 V.1 " 141 266!267a " 201
I.253 " 302 V.2 " 135 268 " 165
IV.180 " 32 PS' 269!282 " 385
NV P71a8/D63b1 222 " 298d " 174
54,16!20 " 78 PV 301ac " 276
259,11!17 " 200 I 301d!307 " 204
260,3!9 149 " 14 84 " 302!303 " 205
287,12!15 " 201 31cd " 99 304 " 206
288,9!289,10 " 197 33ab " 99 305 " 207, 360
P!. 92 135" 306 " 208, 360
I.ii.69 " 471 93!94ab1, " 257 307 " 366
I.iv.109 " 354 131ab " 233 318 " 143
I.iv.109 (v!rttika 9!10) 146!147 192 " 327a " 136
" 171 196a " 202 327ab " 137
V.iv.21 " 85 199 " 68 330!335 " 113
205ab 135 " 339 " 68
Index 639
340 ! 108 266ab ! 510 327,32"33 ! 88
II 270 507! 527,16 ! 107
1c2"2 ! 70, 141 280 ! 84 527,18 ! 108
1"33 ! 89 282 ! 92 530,28 ! 136
29"33 84! III PVin
31cd"32 ! 83 4 ! 27 I
32ab1 ! 78 235 ! 343, 474 17,3"7/56*,10"15 !

34"131b ! 89 281"286 ! 85, 91 135


119 ! 233 281cd"283b ! 86 27,11"12/74*,4"5 !

131c"138 89 ! 284 86 ! 87
131cd"135 ! 90 284d ! 85 28,7"8/74*,19"21 !

135 ! 90, 509 285"286 ! 88 86


136"138ab 90 ! 285c 85 ! II
139"144 ! 84, 89 285d ! 86 61,11"12/14*,3"4 !

144 ! 508 408ab ! 343, 474 357


145"146ab 19, 91 ! 485"503ab 347 ! 66,5"6/17*,30"31)
145"279 ! 89 493cd ! 347 ! 218
145ab ! 90 496ab ! 279 66,9"67,1/18*,1"11
146cd 90! 503cd 203, 381 ! ! 228
147cd-279 ! 112 IV 66,9"67,5/18*,1"19
196 ! 503 48"51 ! 106 ! 93
196ab1 ! 506 50 110
! 72,9"10/23*,6"8 !

200"201ab ! 506 101ab ! 73 113


205"210 ! 511, 513 106"108 ! 106 76,10"
206 511, 515
! 106cd"107ab1 ! 107 78,14/26*,14"
207 ! 517 107 ! 108 28*,18 ! 202
208 ! 459, 511, 512 111b2"d ! 136 76,14"77,9/26*,22"
209 ! 516 116ab ! 137 27*,11 ! 202
210 ! 511, 514, 517 125d ! 137 77,13"78,1/27*,20 !
211 506
! PVA 359
213 ! 503 52,15 ! 83 81,7"83,8/30*,27"
213a"c ! 504 143,7 ! 515 32*,21 ! 202
213cd"214a 503 ! 144,9"10 514 ! 82,9"83,8/31*,25"
213d1 ! 505 145,12"13 ! 503 32*,21 ! 202
214a ! 505 145,23"146,3 ! 504 82,13"16/32*,1"7 !

216 511, 516, 517


! 146,3"5 504 ! 202
217"218 ! 508 146,5"7 ! 505 k. 56a ! 202
218"219 ! 60, 508 146,15"16 ! 505 III
219 507
! 146,20"22 506 ! P295a4"5/D197a5 !

220ab ! 507 146,30"31 ! 508 109


252"253 ! 509 326,22 ! 87 PVP
266 513
! 326,22"23 85 ! P58b1"5 ! 233
640 Index
P61b7 ! 233 8,19"23 ! 310 113,4"7 ! 143
P64a5"6 509 ! 8,20"21 513 ! 113,25"114,3 ! 140
P64b6"7 ! 90 9,7"9 ! 95 114,10"22 ! 143
P65a3"5 ! 91 10,21"25 ! 84 115,21"116,2 ! 139
P69a1 509
! 45,20"21 135 ! 115,24"116,1 ! 138
P69b6"7 ! 90 45,24"29 ! 135 116,1 ! 139
P100b3"4 ! 514, 515 45,29"46,25 ! 257 116,1"2 ! 138
P101a5"6 ! 515 71,19 ! 375 116,18"22 ! 139
P101b2"3 ! 515 72,19"23 ! 193 117,6"7 ! 191
P102a5 515! 73,1"7 192! 117,12"15 ! 192
P103a1 ! 516 73,7"11 ! 194 117,15"16 ! 195
P103a4 ! 514 94,8"100,24 ! 202 118,14"18 ! 139
P103a5"6 515 ! 98,4"100,24 201 ! 120,8"126,15 ! 145
P103b7"104a1 ! 516 98,8"22 ! 202 120,8"126,15 ! 145,
P104a4 ! 515 98,26"99,1 ! 359 156
P105b2"3 506 ! 99,12"14 334 ! 124,22"23 ! 84
P105b3 ! 503 100,8"24 ! 202 126,16"134,25 ! 157,
P105b3"6 ! 504 100,10 ! 375 158, 159, 163
P106a6"7 504 ! 101,19"102,12 217 ! 126,17"24 ! 157
P106b4"107a2 ! 505 102,2"4 ! 104 126,24"127,16 ! 158
P107a2 ! 503 105,26"27 ! 140 126,24"134,25 ! 157
P107a7"8 505 ! 107,13 135! 127,17"23 ! 160
P107a8"b3 ! 506 107,14"19 ! 68 127,18"23 ! 158
P110b4"5 ! 507 108,1 ! 70 127,23"128,21 ! 158,
P110b5 236! 108,2"5 107 ! 160, 162
P125b8"126a2 ! 509 108,5"6 ! 74 128,1"15 ! 162
P131b8"132a1 ! 510 108,16"109,11 ! 104 128,21"129,21 ! 157,
P140b3"6 ! 112 109,1"3 ! 105 158, 163
P140b6"7 ! 92 109,3"4 ! 110 129,21"22 ! 158
P246b5"6 88 ! 109,5 70
! 129,21"134,1 ! 158
P246b6"7 ! 87 109,7"9 ! 110 130,2"134,25 ! 158
P247a5"6 ! 86 109,10"11 ! 70 130,17"24 ! 196
P247b8"248a1 87 ! 109,11"19 104 ! 130,24"131,10 ! 195
P248a5 ! 88 109,15 ! 78 131,16"21 ! 195
P346b4"6 ! 107 109,16 ! 112 131,26"134,25 ! 158
P346b6"7 108, 109 ! 109,16"19 111 ! 134,1"25 ! 157, 158,
P346b7"8 ! 108 109,23"110,1 ! 78 163
P346b8 ! 108, 109 110,3"5 ! 72 134,26"141,14 ! 159
P347a1"2 109 ! 110,3"10 61 ! 134,26"141,17 ! 181
P347a4"6 ! 108 112,16"19 ! 142 136,13"15 ! 195
PVSV 112,19"27 ! 143 137,14"15 ! 190
5,22"23 357
! 112,20"21 136 ! 137,15"17 ! 191
Index 641
137,17!18 " 190 393,22!23 " 109 567,12!13 " 206
138,30!141,7 196 " 394,28!30 111 " 567,13 " 205
140,1!24 " 201 396,10!13 " 79 567,22!24 " 205
140,3!14 " 197 404,7!405,19 " 118 568,28!29 " 175
140,14!18 200" 409,19!20 125 " 571,5!7 " 207
140,18!20 " 197 409,21!29 " 128 571,9 " 207
141,8 " 164 410,19!20 " 128 571,29!30 " 207
141,10 " 164 411,11!17 " 126 572,12!15 " 208
141,14 " 159 413,10!11 " 137 572,13!16 " 207
141,17!150,2 202 " 419,27 138
" 572,29!30 " 208
150,5!6 " 131 420,18!21 " 138 573,14!16 " 209
155,28!156,2 " 276 421,25 " 138 573,17!18 " 208
158,26 174
" 422,14!15 138, 139
" 573,28 " 210
159,12!17 " 176 422,19 " 138 574,10 " 210
160,19 " 175 423,6 " 191 574,15!16 " 211
160,19!161,3 205 " 427,23 138
" 574,24!25 " 211
161,3!6 " 206 428,15 " 138 574,28!29 " 212
161,9!11 " 207, 360 429,11 " 138 576,8!9 " 81
161,14!20 208, 360
" 436,22!27 179 " 576,10!11 " 82
161,23!162,11 " 210, 437,29 " 146 576,28!29 " 81
366 438,10!11 " 146 612,9!10 " 108, 109
162,17 81" 440,29!30 148 " 612,11!12 " 223
164,13!24 " 84, 310 443,25!26 " 148 612,13 " 108, 109
168,1!3 " 75 443,27!444,9 " 150 612,13!14 " 109
169,26!30 316" 452,30 83
" 617,12 " 73
170,20!21 " 312 464,10!12 " 160 PV!
172,6 " 136 479,23 " 184 Je
173,15 " 159 487,21!26 " 188 P134b2!3/D113b7!
173,19!174,6 " 113 488,11!12 " 182 114a1 " 503
173,28!174,2 72 " 489,18!19 182 " P199a3!4/D173b2 "

174,7!175,2 " 113 490,10!17 " 187 192


174,23 " 108, 109 490,18!29 " 188 P199a5!6/D173b3!
174,26 102
" 494,28 190
" 4 " 193
175,27!176,4 " 72 494,31!495,20 " 203 P199b56/D174a3!5
PVSV! 497,8!498,20 " 203 " 192
50,27!51,13 513 " 498,20!499,19 183 " P267a3/D229a7 " 68
209,20!21 " 504 502,26!31 " 184 P286a2!3/D242b5!
287,22 " 192 504,29!505,6 " 197 6 " 74
287,23!24 193" 505,8!11 200
" P289a6!7/D285a3 "

288,17!19 " 192 567,8!10 " 204 108


393,15!17 " 105 567,10!11 " 205 P289b1!2/D245a4!
393,18!19 108" 567,12 204
" 5 " 109
642 Index
P291b1!2/D246b2! P78b5!6/D65b3!4 " 203,9 " 86
3 111
" 108 203,22 " 86
P292b5!6/D247a7! P78b6/D65b3 " 109 204,3 " 87
b1 " 79 P78b6!7/D65b3 " 204,4!5 " 86
P294a4/D248a7!b1 223 204,9 " 88
" 79 P78b8/D65b3 " 108 204,12!14 " 88
P316b1/D264b4 " P78b8/D65b4 " 109 363,18 " 103
191 P79a4/D65b6!7 " 365,9!10 " 111
P324b3!8/D271a4! 102 365,14!16 " 79
b1 178 " P79a6/D65b7!66a1 366,13!14 " 515
P325b8/D272a5 " " 103 373,2 " 138
146 P83b3!4/D69a6!7 " 374,20 " 146
Ñe 73 385,16!17 " 200
P35a5!6/D31a5!6 " P83b7!84a1/ 410,18!411,1 " 107
206 D69b2!3 " 73 411,1 " 108
P36b8/D32b4!5 " P142a2/D116a4 " 411,1!2 " 109
175 233 411,2 " 108
P38a6!8/D33b7! P164b7!8/D133b5 " 449,26 " 107, 108
34a2 207 " 516 450,3!4 " 107
P39a4!5/D34b4 " P166a3/D134b4!5 " 450,4 " 108
208 516 450,4!6 " 109
P39b2!3/D35a2!3 " P328b1!2/D266b5! 450,5 " 108, 109
209 6 " 137 450,6!10 " 108
P39b3!4/D35a3 " PVV 450,15!16 " 106
208 61,3 509
" R
P40a5/D35b3 " 210 82,21!22 " 515 1,15!16 " 83
P40a7!b1/D35b5!6 83,24 " 515 !Bh
" 210 85,5!9 " 504 I.14,1 (F16,9) " 121
P40b3!4/D36a1 " 85,9!12 " 505 I.15,1 (F16,11!12) "

210 85,15!16 505 " 120


P40b5!6/D36a3 " 85,16!17 " 506 I.15,2!3 (F16,12!14) "

211 85,19!21 " 506 121


P41a3!4/D36a7!b1 86,20!21 511 " I.16,3!4 (F16,26!18,2)
" 211 86,25!26 " 508 " 460
P41a5!6/D36b2 " 87,16 " 236 I.17,3 (F16,26!18,1) "

211 97,1!2 509 " 117


P41a7/D36b3 " 212 101,10!11 " 510 I.17,3!4 (F16,26!18,2)
P42b2!3/D37b4!5 " 107,21 " 92 " 460
81 107,27!28 92 " I.17,3!7 (F16,26!18,6)
P43b1!2/D38b1 " 108,1 " 92 " 119
82 203,1 " 87 I.17,7 (F18,5!6) " 120
203,1!2 85 " I.18,2!3 (F18,8) " 119
Index 643
I.18,6!7 (F18,12!13) " " 123 II.5.5.35 " 35, 36
119 I.68,3!10 (F46,15! II.5.5.49!54 " 36
I.20,2!3 (F20,1!3) " 48,2) " 124 II.5.6.28 " 35
120 I.95,5!7 " 184 SPV
I.20,4!5 (F20,4!5) " I.95,5!8 186 " 269,15!20 " 275
121 I.101,10!102,3 " 480 269,19!20 " 273
I.20,5!21,1 (F20,4!6) " I.101,10!102,12 " 200 SS
121 I.101,10!102,3 " 377 29 " 354, 476
I.28,3!4 (F24,3!5) " I.102,5!11 " 200 SSK
122 I.105,5!6 " 197, 377, 20!25 " 81
I.28,5!29,1 (F24,5!6) " 480 SS"
124 I.105,7 " 197 418,26!419,1 " 27
I.33,2!7 (F26,11!17) " I.106,1!2 197 " SSV
118 I.106,3 " 198 76,4!5 " 465
I.50,2!3 (F34,9!11) " I.106,5!6 " 198 76,7!8 " 471
119 I.106,9!12 199 " 79,20!21 " 467
I.50,7 (F34,15) " 122 I.107,2!3 " 199 80,19!20 " 467
I.51,1!2 (F34,16!17) " I.107,7!8 " 199 86,12!15 " 465
124 I.119,3 146 " 87,4!5 " 348
I.52,1!7 (F36,6!14) " I.120,12!121,5 " 152 89,7!12 " 473
122 I.122,2 " 148 92,15!16 " 472
I.54,7!9 (F38,3!5) " I.122,5!123,5 152 " 95,12!13 " 470
182 II.231,6!232,3 " 316 99,7!101,12 " 163
I.56,5!6 (F38,20) " 102 V.72,6!7 " 121 102,6!7 " 166, 331,
I.62,4!63,1 (F42,12! !DS 473
15) " 147 45bd " 80 104,11!12 " 166, 353,
I.62,6!63,1 (F42,13! 46b " 80 476
15) " 123 58 " 107 SuSam
I.63,1!4 (F42,16!19) " SK kalpasth#na 5,9 " 82
147 4ab1 " 69 "V
I.63,1!66,2 (F42,16! "KA abh#va
44,12) " 123 637,1!12 " 82 18cd " 132
I.63,4!5 (F42,20) " SNS anum#na
147, 285 VI.4 " 137 110!112 " 136
I.63,6 (F42,21) " 282 VI.25 " 137 codan#
I.64,2!66,2 (F42,23! SP 1 " 121
44,12) " 147 1 " 249 3cd " 121
I.66,6!8 (F44,17!20) " 1!3 " 249 7cd " 121
124 2 249
" 21!32 " 142
I.67,3!5 (F46,2!5) " 3 " 249 21!46 " 241
124 "Pur 38!46 " 142
I.67,9!68,2 (F46,9!12) II.2.4.10!11 34 " 47ab " 117
644 Index
52cd ! 119 #abda 287cd"290ab ! 150,
54"55 118 ! 4 78
! 188
60cd ! 119 23 ! 459 293cd ! 136
62"63 ! 459 41 ! 136 309"311 ! 201
62ab 118 ! 108 464
! 315"316 ! 126
63"65 ! 119 #abdanityat! 370cd ! 197
68 ! 120, 460 6 ! 125 372ab ! 197
71"72 ! 460 45 ! 185 373"374ab ! 198
80"81 ! 117 51cd ! 344 375"415 ! 198
89"90 460 ! 60cd"61ab 345 ! 379 ! 198
91ab ! 461 65cd"87ab ! 344 389 ! 199
92ab"93ab ! 461 109 ! 186 391 ! 199
92cd-93ab 462 ! 119"120 343 ! 414 ! 197
97ab ! 120 119cd"121ab ! 474 422"423 ! 199
99cd"100ab ! 460 121ab ! 186 442 ! 200
102 119! 121cd 345 ! sambandh!k"epapari-
106 ! 119 121cd"124 ! 184 h!ra
121 ! 99 122"124ab ! 480 11 ! 126
122"125 117 ! 122ab 475 ! 12 ! 241
133"136 ! 94, 239 124ab ! 345 12ab ! 127
163"164 ! 136 124cd ! 476 13 ! 137, 250, 464
184"185 120 ! 125cd 346 ! 14 ! 250, 464
190"192 ! 121 126 ! 185 21cd"23 ! 250, 464
210"215 ! 121 126ab ! 476 28 ! 246, 463
242ac 122 ! 130 185
! 28a ! 126
nir!lambana 172"175 ! 186 32 ! 127, 246, 463
147 ! 136 197"198 ! 475 41 ! 246, 463
pratyak"a 221ab ! 185 121"122ab ! 127
43ab ! 132 229"315 ! 201 123cd"134ab ! 147
64ab 132 ! 254"277 200 ! 136cd"137ab ! 125,
224 ! 126, 127 278"283 ! 187 244, 462
227 ! 126 279ab ! 360 139cd"140ab ! 241
sambandh!k"epa 279cd"280ab ! 187, 140"141 ! 128, 266
3 ! 125 361, 477 140cd"141 ! 244,
11ab ! 125 285ab ! 188 463
12cd"15 126 ! 285cd"286 384 ! 141 ! 271
16ab1 ! 464 286cd"287ab ! 188 spho$a
32ab ! 125 286cd"289ab ! 358, 1 ! 125
33 126, 127, 245
! 477 2"3 ! 182
35cd"36 ! 127 287"288 ! 361 5 ! 182
40"41ab ! 127 287cd-289ab ! 478 9ac ! 182
43cd 127 ! 10"11ab ! 279, 469
Index 645
10!12 " 182 367a " 287, 296 2179ab " 476
15ab 182 " 367cd!368 283 " 2180cd " 476
15cd!64 " 183 368ab " 155 2226!2227 " 475
22!23 " 183, 479 vedanityat! 2254!2258ab " 464
23 185" 1!2 151" 2262 " 463
25!26 " 183 3!12 " 152 2263ab " 128
30!31 " 183 "VK# 2266 " 463
41!44 " 184 127,18!22 " 99 2273 " 463
45!58ab " 183 133,7 " 354 2280cd!2281ab " 477
50!51 479 " "VT#$MAE 2285!2287 " 477
61 " 183 53,2!8 " 354 2286!2287 " 478
68cd " 187 TB 2339ab " 146
69!71 276, 465 " 70,1 348
" 2341cd!2342 " 148
70!72 " 276 93,2!4 " 162 2342 " 470
70ab " 187 TJ 2343 " 150
71 188" P310a7!8/D274b4!5 " 2344!2345 " 150, 470
73 " 276, 465 76 2345 " 151
80 " 136 P310a8/D274b4 " 77 2523ab " 474
83 276, 465
" P315b5!7/D279a7!b1 " 2533 " 347
85!86 " 276, 465 100 2632!2635 " 140
86a " 467 P317a2/D280a3!4 " 2650!2651 " 463
91 354" 151 2700!2702 " 204
95 " 320, 471 P327a7!8/D289b3!4 " 2702 " 206
99!121 " 333 98 2711 " 469, 473
108 467 " P327a8/D289b4!5 99 " 2719 " 344
108!113 " 277 P327b2!4/D289b5!7 " 98 2720 " 333
109!111 " 467 TS 2721!2722 " 468
112!113 " 468 1487!1488 " 9 2724!2725 " 468
115!116 " 277, 468 1513!1514 " 10 2730 " 470
121 179, 280, 470
" 1515!1525 141 " 2775 " 113
v!kya 2101 " 462 2777 " 462
50cd!52ab " 162 2103 " 462 2787!2789 " 288
108cd 137 " 2117 " 475, 477 2852cd!2855 " 117
110!111 " 186 2118 " 475 2882ab " 118
228!229 " 186 2141 " 477 3136!3140 " 84
365ab 146 " 2142 479
" 3150 " 76
365cd!366 " 148 2146 " 479 3325 " 76
366 " 148, 150, 281, 2154!2155 " 479 3343 " 102
287, 290, 291, 2174!2175 474 " 3348 " 76
294, 470, 471, 2176cd " 475 3452!3455ab " 81
527, 532 2176cd!2178 " 480 3528 " 111
367!368 150 " 2176cd!2179 184 " 3588 " 101
646 Index
TSP II.126,22!23 " 312 203n. 1 " 88
4,1!6 74
" II.152,7 121
" 364n. 1 " 102
4,7!8 " 93 II.155,8!18 " 301 372n. 1 " 191
290,2!3 " 164 II.156,18!19 " 44 374n. 3 " 146
604,8 186
" II.157,7!8 153 " 375n. 6 " 148
604,9!19 " 184 II.157,13!14 " 153 450n. 1 " 108
643,14!16 " 151 II.157,16 " 153 450n. 3 " 109
709,7!14 " 128 II.157,24!25 " 153 450n. 4 " 106
720,22!24 " 166 II.161,23!24 " 153 ViPur
721,17!18 321 " II.162,4!11 154 " III.18.15!25 " 35
723,3 " 164 II.162,20!166,26 " 154 III.18.30 " 35
723,18!19 " 324 II.163,9 " 305 III.18.35!36 " 31
724,19!20 344 " II.163,24!164,3 125 " III.18.36d " 32
724,21!23 " 166 II.167,5!8 " 155 III.18.37 " 32
725,1!3 " 333 II.167,11!15 " 155 III.18.38!42 " 32
726,27!28 166 " II.170,15!17 149 " III.18.100 " 33, 44
822,16 " 76 II.187,6!7 " 119 III.18.100!102 " 33
870,13!14 " 236 II.187,23 " 121 VI.1.44!46 " 37
870,14!16 237 " II.199,13 149 " VN
874,12!15 " 234 II.213,18!21 " 126 43,11!14 " 102
877,24!25 " 103, 220 II.225,9!10 " 105 VP
877,24!27 103 " II.229,13!14 258 " I
878,5 " 223 II.229,17 " 316 1 " 299
900,6!7 " 71 II.232,21!233,7 " 317 23 " 130
904,4!5 103" II.241,24 244 " 28 " 131
TS! II.242,9!12 " 244 38 " 78, 80
I.9 " 80 II.255,6 " 316 48cd " 170
TV II.316,9 " 323 49 " 166, 169, 170,
II.15,4 " 151 II.317,9!18 " 323 472
II.73,5!7 149 " II.317,18!319,7 324 " 73 " 166, 169, 277,
II.81,11!12 " 299 TVBh 469
II.112,17!20 " 301 15,2!5 " 509 76 " 169
II.113,1!10 41 " 15,3!4 506
" 80 " 344
II.113,22!114,1 " 42 23,12 " 503 83cd " 166, 330,
II.114,26!115,10 " 44 29,21 " 503 472
II.118,14 118 " V"s. 84 171
"

II.121,23!122,1 " 43 235,3 " 27 84!86 " 166, 331,


II.122,2!5 " 42 235,13 " 28 473
II.123,18!19 42 " Vibh. 86 " 166, 179, 280,
II.123,24!25 " 39 57n. 1 " 233 469
II.125,18!19 " 43 85n. 10 " 506 87 " 356
II.125,21!22 43 " 85nn. 12!13 506 " 94 " 166, 170, 472
Index 647
97ab ! 169 81,4"5 ! 131 39,1"2 ! 75
104 166, 170, 472
! 90,4"5 300 ! 39,4 ! 78
172 ! 115 104,4 ! 170 39,5 ! 79
II 106,6"7 ! 166 40,2 ! 79
1 169
! 106,7"107,1 169 ! 40,5 ! 81
1"2 ! 161, 162 106,7"107,3 ! 170 40,5"41,1 ! 76
17"18 ! 160, 161, 136,3"6 ! 172, 356 41,2 ! 75
162 145,2"7 ! 344 43,2-3 ! 133
28"29 ! 172 148,6"149,2 ! 171, 354 208,6"15 ! 163
31 166! 150,4 166
! 208,7"8 ! 172, 356
168 ! 128 151,4 ! 169 YD
233 ! 299 152,7 ! 170 64,19 ! 222
404"405 126 ! 152,7"8 166 ! 70,14 ! 76
III 152,7"153,1 ! 170 70,14"15 ! 92
iii.4"5 ! 126 153,1 ! 169 70,15 ! 78
iii.29 132 ! 156,3 169
! 87,1"13 ! 75, 76
iii.29"38 ! 131 157,6"7 ! 166, 169 87,4 ! 80
iii.31cd ! 132 160,3 ! 169 87,9 ! 81
iii.35 301 ! 160,5 170
! 87,11"12 ! 80
iii.37 ! 129 162,6"163,3 ! 344 87,12 ! 77, 92
iii.38 ! 130 166,6"167,1 ! 166 YS
VP! 168,11"13 116 ! I.24 ! 75
1,10"13 ! 161 VPV2 I.25 ! 79
4,22"23 ! 141 200,20"21 ! 161 I.26 ! 75
11,6"7 160 ! VS I.27 ! 132
11,20"21 ! 161 II.i.19 ! 70 IV.1 ! 83
11,22"23 ! 160 IV.i.1 ! 481 YSm#
11,26"12,3 ! 161 VII.ii.24 ! 137 I.130 ! 32
VPV VS" I.271"272 ! 32
54,3"55,3 353 ! 223,2"12 82 ! II.95 ! 302
59,1"4 ! 130 YBh
60,1"2 ! 131 37,3"4 ! 76
Table des matières

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Première partie: Introduction historique et doctrinale


Chapitre 1 ! Contexte historique et idéologique de la critique
adressée à la M!m"#s" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.1. Chronologie de Dharmak!rti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
1.2. L"hostilité orthodoxe au bouddhisme: Sm$ti et Pur"%a . . . 29
1.3. L"hostilité orthodoxe au bouddhisme: la M!m"#s" de
Kum"rila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
1.4. Précarisation et concentration des institutions boud-
dhiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
1.5. Incidences sur l"activité philosophique bouddhique . . . . . . 57
1.6. Dharmak!rti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Chapitre 2 ! La doctrine métareligieuse de Dharmak!rti . . . . . . . . 67
2.1. Sources et fondements de la doctrine métareligieuse de
Dharmak!rti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
2.2. Personnes d"autorité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
2.3. Perception du suprasensible et autorité épistémique chez
Dharmak!rti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
2.4. Autorité de la personne crédible et autorité scripturaire . . 92
Chapitre 3 ! Sur l"incréation et les versions réalistes de la re-
lation entre parole et signification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
3.1. Svata!pr"m"#ya et ved"pauru$eyat" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
3.2. La relation entre parole et signification dans le %"ba-
rabh"$ya et chez Kum"rila . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
650 Table des matières

3.3. La relation entre parole et signification chez les Gram-


mairiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
3.4. Quelques remarques de l!AD!p sur la relation entre
parole et signification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
3.5. Position de Dharmak!rti en matière de relation entre
parole et signification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Chapitre 4 " Sur l!éternité du Veda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
4.1. L!anonymat du Veda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
4.2 Éternité de la tradition védique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
4.3. Kart! ou pravakt!? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
4.4. Un buddhavacana éternel et sans auteur? . . . . . . . . . . . . . . . 152
Chapitre 5 " Critique d!un énoncé indépendant des phonèmes .. 157
5.1. Remarques préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
5.2. Sur l!hypothèse d!un énoncé divisible aux parties ex-
pressives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
5.3. Sur l!hypothèse d!un énoncé indivisible . . . . . . . . . . . . . . . . 163
5.4. Position générale de Dharmak!rti et de ses commenta-
teurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
Chapitre 6 " Contre le phonocentrisme de Kum"rila . . . . . . . . . . . 181
6.1. L!ontologie phonocentrique de Kum"rila . . . . . . . . . . . . . . . 182
6.2. Dharmak!rti sur la révélabilité des entités permanentes . 189
6.3. Contre deux arguments m"m#$saka en faveur de la per-
manence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
6.4. Dharmak!rti sur la notion d!ordre de succession pho-
nétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204

Deuxième partie: Traduction française annotée de PVSV


107,14"141,17
Avertissement quant à la traduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215
Traduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
Table des matières 651

Troisième partie: Appendices, bibliographie et index


Appendice A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 389
1. Avertissement quant à l!édition du texte tibétain . . . . . . . . . 389
2. Version tibétaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 393
Appendice B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459
Répertoire des citations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 459
Table des citations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482
Appendice C . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 489
Amendements au texte de l!édition GNOLI . . . . . . . . . . . . . . . . . . 489
Appendice D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503
Nescience, fautes morales et destruction des fautes
morales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503
Appendice E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 519
Analyse de PVSV 112,6"141,11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 519
Abréviations et bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 543
1. Abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 543
2. Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 556
Index. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 589
Répertoire géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 589
Auteurs modernes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 589
Noms indiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 590
Autres noms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592
Dieux, saints et prophètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592
#uvres et passages mentionnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593
Genres, collections, etc. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593
Groupes, écoles, représentants, etc. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 594
Termes sanskrits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 595
Termes tibétains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 630
Index locorum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 636

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