Vous êtes sur la page 1sur 4

Sonochimie et cavitation acoustique

Introduction :
Par définition, une cavitation acoustique est la création d'une cavité dans un milieu liquide.
Cependant, le processus implique la formation, la croissance et l'implosion des microbulles
dans un liquide soumis à des irradiations ultrasonores[1].
Les ultrasons sont des vibrations mécaniques qui se situent au-delà de la limite supérieure de
l’audition humaine (20 kHz). On distingue : les ultrasons à faible fréquence (20 kHz – 1
MHz) et les ultrasons à haute fréquence (1 – 10 MHz)[1].
Les ultrasons à faible fréquence sont caractérisés par une énergie très élevée. Leur passage à
travers un milieu liquide transfert cette énergie au milieu en créant des bulles de gaz appelées
cavitation acoustiques. L’implosion de ses bulles génère des températures et des pressions
locales très élevées, et provoque des effets chimiques et physiques divers (génération de
radicaux libres, émission de lumière, ondes de choc…). Ils sont utilisés pour le nettoyage, la
synthèse des nanoparticules, le traitement des eaux...
Par contre, les ultrasons à haute fréquence ont une très faible énergie. Cette énergie n’est pas
suffisante pour créer des cavitations acoustiques et tous les phénomènes qui en résultent. Ils
sont donc utilisés pour le diagnostic médical (écographie) et pour le control non destructif[1]–
[3].
La sonochimie étudie les réactions chimiques qui sont initiées, accélérées, ou dont le
rendement se trouve amélioré sous l’effet de l’implosion des cavitations acoustiques.

Génération d’ultrasons :
La génération d’ultrasons nécessite l’utilisation d’un transducteur. C’est un appareil qui
transforme l’énergie électrique en énergie sonore[1].
Les transducteurs les plus utilisés pour la sonochimie sont les transducteurs piézoélectriques
en titanate et zirconate de plomb (PZT, c’est-à-dire PbTiZrO3). On trouve également le
quartz, le titanate de barium (BaTiO3) et le niobiate de lithium (LiNbO4). Lorsque ces
matériaux sont soumis à un champ électrique alternatif, ils se dilatent et se contracte. Et
lorsqu’ils sont mis en contact avec un milieu liquide, cette vibration mécanique est transmise
au milieu sous forme d’une onde acoustique de fréquence spécifique qui est fonction du
crystal et de sa dimension[1], [4].
Les réacteurs sonochimiques :
Différentes configurations de réacteurs sonochimiques existent sur le marché, mais les plus
utilisées sont les sondes, les bacs et les réacteurs à plusieurs fréquences[5].
Les sondes ultrasonores sont surtout utilisées à l’échelles laboratoire, elles fonctionnent
généralement à une fréquence prédéfinit et une puissance variable. Elles ont une portée
limitée ce qui fait qu'elles ne sont pas adaptées aux applications à grande échelle. Un autre
inconvénient est que le transducteur peut se corroder à cause de son immersion dans le
liquide.
Les bacs à ultrasons sont de simples cuves qui peuvent être remplie par la solution à traité.
Plusieurs transducteurs sont fixés au fond. Ils fonctionnent en batch ou en continue et
l’irradiation peut être directe ou indirecte (présence d’un liquide intermédiaire).
Les réacteurs à plusieurs fréquences sont conçus pour les applications à grande échelle. La
possibilité d'opérer à plusieurs fréquences permet d'obtenir des résultats meilleurs[6]. Les
transducteurs sont fixés sur les parois du réacteur. Différentes formes existent : rectangulaire,
hexagonal… La conception permet de concentrer l'intensité des irradiations au niveau de la
zone centrale loin des transducteurs (pour diminuer le risque d'érosion).

Cavitation acoustique :
Les ondes ultrasonores passent à travers les milieux liquides sous forme de vibrations
mécaniques caractérisées par leur amplitude et leur fréquence. Le liquide subit alors une
alternance de cycles de pressions positives et négatives (Figure 1).
Durant la raréfaction, les pressions négatives provoquent un effet de traction qui s'oppose aux
forces de cohésion du liquide et quand ces forces sont vaincues, une cavité se crée. C’est le
phénomène de nucléation.

Figure 1: Onde acoustique

Théoriquement les pressions nécessaires pour créer une cavité dans de l'eau sont de l'ordre de
quelques centaines d'atmosphères. Mais, on a constaté que la pression nécessaire est beaucoup
plus inférieure. En effet, les microbulles de gaz et les impuretés présentes dans l’eau agissent
comme point de départ pour la création des cavités[1].
Après la nucléation, et sous l’influence du champ ultrasonore, le rayon des bulles oscille
autour d’une valeur d’équilibre en grandissant. Cette croissance est due au phénomène de
diffusion rectifiée qui est définit comme la croissance lente d'une bulle de gaz oscillante due à
un débit moyen de masse dans la bulle en fonction du temps[7]. Crum[7] a expliqué ce
phénomène par deux effets: l'effet de surface et l'effet de coquille (area and shell effect).
Lorsque la bulle se contracte, la concentration des gaz à l'intérieur des bulles augmente
provoquant la diffusion des gaz vers le milieu extérieur. De même, en phase d'expansion la
concentration des gaz diminue et on a diffusion des gaz vers le milieu intérieur. Et puisque le
taux de diffusion est proportionnel à la surface, la quantité de gaz qui entre durant l'expansion
est supérieure à celle qui sort durant la compression. Ainsi, la quantité de gaz à l'intérieur des
bulles augmente légèrement à chaque cycle. C’est l’effet de surface.
Le deuxième effet est l’effet de coquille :Le taux de diffusion des gaz dans un liquide est
proportionnel au gradient de concentration des gaz dissous. Considérons une couche de
liquide sphérique entourant la bulle, lorsque la bulle se contracte, cette couche s'étend et la
concentration de gaz près de la paroi de la bulle est réduite. Ainsi, le taux de diffusion des gaz
de la bulle vers l'extérieur est plus grand que la moyenne. Inversement, lorsque la bulle se
dilate, la couche se contracte, la concentration des gaz près de la bulle augmente, et le taux de
diffusion vers la bulle est plus grand. D'une manière analogue à l'effet de surface, on aura une
légère croissance de la bulle à chaque cycle.
La bulle de cavitation continue à grandir jusqu’à atteindre sa taille de résonance. A ce
moment, sa fréquence d’oscillation est égale à la fréquence ultrasonore appliquée. La bulle
grandit alors brusquement, atteint un maximum, et s’effondre de manière quasi adiabatique en
générant des températures et des pressions extrêmes. L’implosion brusque des cavitations
acoustiques s’accompagne par l’émission d’un flash lumineux, c’est le phénomène de
sonoluminescence[1], [2].
Plusieurs théories ont été mises au point dans le but d’expliquer l’origine de la
sonoluminescence. On cite la théorie du point chaud de Noltingk et Neppiras [8] et supportée
par Suslick [9] et la théorie électrique mise au point par Margulis [10], LePoint et Mullie[11].

Réactions sonochimiques :
La formation de radicaux libres à l’intérieur des bulles de cavitation a été mise en évidence en
1983 [12]. Ces radicaux libres sont à l’origine de la plupart des réactions sonochimiques. Ces
réactions ont lieu dans trois zones[13] :
- La phase gazeuse des bulles de cavitation ou règnent des températures et des pressions
très élevées (de l’ordre de 5200 K et 500 atm). Ces conditions extrêmes provoquent la
dissociation "thermique" des molécules d'eau pour produire des radicaux H. et OH..
Les composés volatiles présents dans la solution forment des radicaux de pyrolyse.
L'oxygène réagit également pour former HOO..
- L’interface de la bulle : les températures sont relativement faibles par rapport à
l'intérieur de la bulle (environ 2000 K), mais elles sont suffisamment élevées pour
provoquer la pyrolyse des composés non-volatiles qui s'accumulent à l'interface. Ces
composés réagissent avec les radicaux s'échappant des bulles.
- La solution (température ambiante) : les radicaux formés à l'intérieur (primaires) et à
l'interface (secondaire) réagissent avec les solutés présents.

Références :
[1] B. G. Pollet and M. Ashokkumar, “Fundamental and Applied Aspects of Ultrasonics
and Sonochemistry,” in Introduction to Ultrasound, Sonochemistry and
Sonoelectrochemistry, Springer, Cham, 2019, pp. 1–19.
[2] S. K. Bhangu and M. Ashokkumar, “Theory of Sonochemistry,” Top. Curr. Chem., vol.
374, no. 4, pp. 1–28, 2016, doi: 10.1007/s41061-016-0054-y.
[3] K. Yasui, Acoustic Cavitation and Bubble Dynamics, SpringerBr. Springer
International Publishing, 2018.
[4] S. Dalhatou, “Application des techniques d ’ oxydation avancée pour la dépollution des
effluents organiques dans les eaux de rejets industriels,” Université de Grenoble, 2016.
[5] P. R. Gogate and P. N. Patil, “Sonochemical Reactors,” Top. Curr. Chem., vol. 374, no.
4, pp. 255–281, 2016, doi: 10.1007/s41061-016-0064-9.
[6] P. R. Gogate, S. Mujumdar, and A. B. Pandit, “Sonochemical reactors for waste water
treatment: Comparison using formic acid degradation as a model reaction,” Adv.
Environ. Res., vol. 7, no. 2, pp. 283–299, Jan. 2003, doi: 10.1016/S1093-
0191(01)00133-2.
[7] L. A. Crum, “Acoustic cavitation series: part five Rectified diffusion,” Ultrasonics, vol.
22, no. 1, pp. 215–223, 1984.
[8] E. A. Neppiras and B. E. Noltingk, “Cavitation Produced by Ultrasonics: Theoretical
Conditions for the Onset of Cavitation,” Proc. Phys. Soc. Sect. B, vol. 64, no. 12, pp.
1032–1038, Dec. 1951, doi: 10.1088/0370-1301/64/12/302.
[9] Y. T. Didenko, W. B. McNamara, and K. S. Suslick, “Hot spot conditions during
cavitation in water,” J. Am. Chem. Soc., vol. 121, no. 24, pp. 5817–5818, 1999, doi:
10.1021/ja9844635.
[10] M. A. Margulis, “Sonoluminescence and sonochemical reactions in cavitation fields. A
review,” Ultrasonics, vol. 23, no. 4, pp. 157–169, 1985, doi: 10.1016/0041-
624X(85)90024-1.
[11] T. Lepoint and F. Mullie, “what exactly is cavitation chemistry-Lepoint et Mullie-
1994.pdf,” Ultrason. Sonochem., vol. 1, no. 1, pp. 13–22, 1994.
[12] K. Makino, M. M. Mossoba, and P. Riesz, “Chemical effects of ultrasound on aqueous
solutions. Formation of hydroxyl radicals and hydrogen atoms,” J. Phys. Chem., vol.
87, no. 8, pp. 1369–1377, 1983, doi: 10.1021/j100231a020.
[13] P. Riesz, T. Kondo, and C. M. Krishna, “Sonochemistry of volatile and non-volatile
solutes in aqueous solutions: e.p.r. and spin trapping studies,” Ultrasonics, vol. 28, no.
5, pp. 295–303, 1990, doi: 10.1016/0041-624X(90)90035-M.

Vous aimerez peut-être aussi