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La Dame Noire

Le sculpteur Constantin Brancusi (n. 19.02.1876 Hobita, Gorj, Roumanie---d. 16.03.1957 Paris,
France) rompt d’avec l’influence de Rodin lorsqu’il reçoit en 1907 la commande d’un monument
funéraire qui sera exposé dans le cimetière « Dumbrava » de Buzau, Roumanie. L’ouvrage
« Prière » marquera le tournant dans son œuvre et carrière qui va définir et influencer les
ouvrages à venir. Dans « Prière », remarque le premier biographe de Brancusi, V.G. Paleolog,
réside la peine de la femme priant à genoux sur la terre recouvrant l’être aimé. Les critiques d’art
qui ont étudié et écrit sur l’œuvre de Brancusi sont tombés d’accord que l’œuvre Prière a été
réalisée entre avril et octobre 1907 mais la version finale sera exécutée en 1910 après nombre de
moulages gâchés par l’auteur. Sur une photo de groupe de l’atelier du sculpteur en 1907 on
distingue la figure du savant Nicolae Vaschide, qui va décéder le 13 octobre 1907. Sur cette
photo, derrière le groupe apparaît aussi l’image de la Prière, réalisée dans une copie en plâtre,
écrit dans son livre Nicolae Penes, membre de l’Union des Ecrivains de Roumanie.
Le peintre et le sculpteur Amedeo Clemente Modigliani (n. 12.07.1884 Livorno, Italie---d.
23.01.1920 Paris, France) arrive à Paris en 1906 à l’âge de 22 ans. Il va y réaliser en pleine
période Belle-Epoque la plupart de ses ouvrages. Il faut préciser que son père, Flaminio était un
juif italien d’origine roumaine. En 1907, Amédéo fera la connaissance de Brancusi qui va
influencer en grande partie son activité artistique. Voilà comment décrit André Salmon leur
rencontre : Modigliani est venu dans l’atelier de Brancusi les mains dans les poches de son
costume en velours qu’il portait tout le temps, en serrant sous son bras le carton avec des dessins
qui ne le quittait jamais… Brancusi ne lui avait donné aucun conseil, ne lui a tenu aucune leçon,
mais ce jour-là Modigliani a compris ce que veut dire la géométrie dans l’espace, tout à fait
différente de ce qu’on apprenait d’habitude dans les écoles et les ateliers. La sculpture l’a tenté et
il a essayé de le faire sous l’influence des impressions recueillies dans l’atelier de Brancusi
duquel il a repris l’allongement des figures qui peut être aussi reconnue dans ses toiles.
Modigliani a été influencé par la culture noire africaine à laquelle Brancusi aussi avait été initié.
A partir du moment de la rencontre avec Brancusi, le peintre va intensifier les expériences
graphiques afin de se préparer de la création de ses propres sculptures.
En septembre1909, Modigliani va déménager de Montmartre dans la Cité Falguière, un quartier
de Paris du XIVe siècle, où Constantin Brancuși, avec qui il s’était lié d’amitié entre temps, lui
avait trouvé un atelier. Il n’arrête pas de peindre, mais il va consacrer le plus clair de son temps à
sa nouvelle passion, la sculpture.
Modigliani a appris à sculpter dans l’atelier de Brancusi, en utilisant les matériels que celui-ci
mettait à sa disposition. Jeanne Modigliani avoue que la découverte par Amédéo de l’art noir et
de l’exemple de Brancusi ont encouragé le jeune artiste de Livorno à donner une préférence
autour de 1909 à la sculpture au détriment de la peinture, disant : « Il n’y a pas de doute que
Brancusi, le voisin de Modigliani dans la Cité Falguière, a encouragé l’artiste italien dans ses
intentions. Mais nous ne savons pas si Modigliani s’est installé dans la Cité Falguière pour être
plus près de Brancusi ou si, au contraire, il ne l’y a pas trouvé, compagnon tranquille et
affectueux, à peine une fois lancé dans la sculpture. »
George Cioranescu disait : «Non seulement que Modigliani a appris de Brancusi l’art de ciseler
dans le bois et la pierre des figures stylisées à l’extrême, mais il a aussi étendu la technique
sculpturale dans la peinture, comme il ressort de l’étude de ses toiles à travers les photos
réalisées avec diverses lumières : infrarouge, ultraviolet, la lumière tangentielle et les
radiographies. Du sculpteur, il emprunte le modèle artistique, le corps et le visage humain, pour
lesquels il a une passion presque pathologique, mais aussi la méthode de travailler la pâte dense
qu’il utilise, ses touches de pinceau étant semblables aux coups du ciseau dans la pierre. En
utilisant la technique sculpturale dans la peinture, Modigliani obtient des images stylisées, aux
lignes précises et pures, selon le modèle brancusien d’épuration de la forme qui conduit à
l’expression de l’essence. Le peintre Modigliani a été un artiste complet, ses peintures étant
dominées par un sens de la linéarité hors du commun. Il a utilisé les lignes pour suggérer le corps
et les formes en général, avec beaucoup de talent et sensibilité et la distorsion pour emphatiser
les traits de ses modèles et voire leur personnalité. Les traits comme les cous allongés, les
épaules tombantes, les visages ovales, sont typiques pour l’œuvre de Modigliani. Il a réussi
presque à éliminer le clair-obscur (l’utilisation des gradations de lumière et l’ombre pour obtenir
l’illusion de tridimensionnalité) et a obtenu un sentiment de solidarité aux contours puissants et
les richesses des couleurs juxtaposées. Les tons d’ocre-jaune allant jusqu’à l’orange où le corps
est peint, contraste fortement avec l’arrière-fond d’habitude en couleurs intenses, le bleu,
l’écarlate, le noir.
Il est évident que Brancusi et Modigliani ont été de très bons amis vu que le peintre italien dit au
grand Brancusi : « Je ne peux pas achever ton portrait. Je ne peux pas te fixer et te définir. Tu es
malin comme un renard. Mais je ne peux pas te peindre comme si tu étais un renard, car tu as le
cœur d’or d’un paysan. Je ne peux pas te pendre comme si tu étais un savant, malgré ton
détachement scientifique. Tu es un cuisinier excellent. Je n’ai nulle part mangé un rôti de mouton
meilleur que celui que tu prépares. Comment te peindre comme cuisinier ? Je te vois rester à jeun
des jours entiers en t’affamant pour atteindre l’illumination. Mais comment te peindre comme si
tu étais un saint ? Car tes yeux pétillent à chaque fois que je fais venir ici des putes. Tu as tant de
facettes dans ta figure que je ne peux pas dessiner l’essence. Dis-moi quelle est la facette que tu
préfères ?
La période où Modigliani fréquente Brancusi est la période où le roumain travaille au monument
funéraire Prière, la pièce centrale étant la femme à la main gauche amputée, penchée et
agenouillée devant la croix et le tombeau de son mari décédé. On peut bien comprendre que
Modigliani, de toute évidence atteint par le typhus contracté dans son enfance et qui lui causait
des problèmes de temps en temps, sente et comprenne la souffrance de l’ouvrage la Prière et
qu’il essaie de travailler à une version picturale. Il est aussi possible que Brancusi lui-même l’ait
poussé à peindre ce qu’il était en train de modeler.
Détails techniques sur l’ouvrage en question : La peinture présentée et intitulée « La Dame
Noire » est un ouvrage exécuté sur carton dans le style huile sur carton. Les dimensions sont de
40 / 30 cm sans cadre et de 49 / 38,5 cm avec cadre.
Historique : Le tableau est reçu un cadeau par moi, Spirescu Hans Ioan en 2011 de Viorica
Simona Costescu la petite-fille de Ion Iancu Mamulea, docteur à la Maison Royale de Roumanie
durant le règne du roi Carol Ier.
Les éléments en faveur de l’authenticité de l’ouvrage:
1…Brancusi avait initié Modigliani dans l’art noir africain, la femme est noire.
2…Le noir a été très peu utilisé par les peintres roumains, le peintre Gheorghe Petrascu étant un
exemple.
3…La femme de la peinture est agenouillée devant une croix qui semble plutôt maltaise
qu’orthodoxe.
4…Le jaune chrome utilisé dans la peinture et qui est présent aussi aux extrémités de la
femme… jaune sur le noir… couleur utilisée fréquemment par Modigliani set surtout sur les
portions noires de ses peintures.
5…Les touches de pinceau de Modigliani sont denses comme les coups de ciseau dans la
sculpture… on peut bien le remarquer sur cette toile.
6…La période où Modigliani fréquente Brancusi correspond à la période où le roumain travaille
à la Prière.
7…Le visage ovale, le cou allongé et les épaules tombantes sont spécifiques à l’œuvre de
Modigliani comme c’est le cas de cette peinture.
8…Les pigments utilisés dans le tableau sont spécifiques à Theodor Pallady et c’est une chose
connu que Modigliani a utilisé les pigments de Pallady dans ses ouvrages, Pallady étant souvent
présent à Paris avec des expositions de peinture jusqu’en 1940.
9…Une chose intéressante c’est que le tombeau de Theodor Pallady est veillé par une copie de
la statue Prière de Brancusi.
10…La photographie ancienne de l’atelier de Brancusi prouve que la photographie en question a
été réalisée même dans l’atelier de Brancusi parce que la statue Prière sous sa forme finale
représente la femme plus penchée et le genou gauche en avant décollé du droit et la Dame Noire
est plus relevée et les genoux collés comme dans le moulage de l’atelier de Brancusi. Même le
support sur lequel est pose le moulage dans l’atelier est visible sur le tableau.
11. La signature sur le tableau est à droite en haut où le peintre avait l’habitude de signer. On
remarque l’écriture minuscule et seulement les lettre « modig » le reste semble se trouver sous le
fond de couleur nous suggérant que le support serait le carton marouflé.
12…Le mauve qui a une couleur plus spéciale à Modigliani le peintre a réalisée par le mélange
des trois couleurs : vermillon rouge, Sienna et Blanc… plus en bas on observe très bien une
ressemblance chromatique de la peinture en question avec l’ouvrage « Pierrot » en 1915… en
plus « Pierrot » est travaillé dans le même style sur le carton ayant la dimension de 43 cm / 27
cm…. proche de la dimension de 40 cm / 30 cm de l’ouvrage en question qui est coupé en haut
et sur la latérale gauche. Il y a aussi d’autres ouvrages sur le carton plus proches de la dimension
avec la peinture en question, plus de 25 dont nous évoquons… George Ortiz 1917…43,2 / 27,9
cm, portrait Picasso 43,2 / 26,7 cm, Beatrice Hastings 1915….40 / 28,5 cm, La femme en noir
aux yeux verts 1916…42,5 / 31 cm, La tête de Marta 1915...40,5 / 33 cm, La femme aux
cheveux rouges 1917…35 / 27 cm, George Ortiz ? 1917 ?...43,2 / 27,9 cm, Leopold Zborowski
1917…40 / 32 cm, Georges Cheron 1917…43 / 27 cm.
13… Modigliani a aimé et a utilisé beaucoup comme matériel le carton dur à la texture rigide,
étant présent aussi dans cet ouvrage. En plus le cadre initial du tableau comme on peut voir sur
la première photo est spécifique au début du XXe siècle.
14. Il paraît que le peintre a utilisé le carton marouflé ou collage sur papier pour la peinture en
question, comme on peut voir sur la photo à l’endroit où une petite portion est omise comme sur
la peinture Beatrice Hastings de 1915.
15.Une autre ressemblance de la peinture en ligne présente est aussi avec les célèbres cariatides
de Modigliani où l’on remarque aussi une certaine stylisation par la facture cubiste par le cou
cylindrique, la tête ovale, le buste en forme de trapèze, les formes allongées… donc un corps
géométrisé… cubisme qui aura de l’écho dans les ouvrages de Picasso.
16. Le test XRF réalisé au présent ouvrage, fixe la période d’exécution de la peinture en dessous
de 1920 donc à l’époque de l’activité du peintre. On sait que Modigliani n’a pas utilisé le blanc
titan dans ses ouvrages parce qu’à peine après 1924 le blanc titan ou le dioxyde de titan a été
utilisé à large échelle. En même temps comme on remarque ci-dessous le test réalisé sur les
couleurs… jaune, noir, mauve et orange montre la composante des éléments utilisés après 1850
et jusqu’à l’apparition du titan 1924. Le jaune de chrome (PbCrO4), le jaune de baryum ou
citron chrome (BaCrO4), le plomb, le fer, le zinc, le noir carbone ocre apparaissant non
seulement dans les tests faits sur les peintures de Modigliani mais aussi de celles de Monet,
Renoir, Van Gogh, Toulouse Lautrec etc.
17. Grâce aux éléments découverts et étudiés, il est possible que la peinture présente soit l’un des
ouvrages perdus il y a longtemps de Modigliani, et la présence plus fréquente du support sur
carton et de la dimension semblable pendant la période 1916 et 1917 nous renvoie à l’exposition
de 1917 de Paris (le 3 décembre— le 30 décembre) Galerie Berthe Weill à laquelle l’auteur
participait seul avec un nombre de 32 peintures et de dessins, la plupart perdus et nous nous
arrêtons au numéro 25, l’ouvrage intitulé: La femme aux mains croisées, exactement comme la
femme de la peinture présente.
18. Dans l’ouvrage « In the steps of Brancusi », l’ouvrage créé par Winchester College et le
Collège Stefan Velovan, concernant la sculpture « Prière » de Brancusi, Felix Vardag-Hunter
disait que le modèle utilisé par le sculpteur aurait été Marthe, l’une des amantes de Brancusi. Sur
le tableau on peut observer en bas à droite des lettres qui semblent constituer le nom Marthe ou
Marta. Modigliani a été l’apprenti et l’ami du roumain, donc il a utilisé sans doute le même
modèle dans son tableau. En plus le peintre a réalisé un tableau de Marthe en 1915 et Buste de
jeune femme -Marta en 1916-1917. En plus en bas à droite au-dessus du mollet on observe très
bien deux lettres un C et un M qui signifient Constantin et Marta.
19. Un autre élément important est l’existence au dos de la peinture des traces laissées par
l’auteur, des empreintes et des traces rouge sang. Vu que le peintre souffrait de la tuberculose et
qu’en plus il prenait des drogues, et sa maladie s’est aggravée l’année où il est devenu l’apprenti
de Brancusi, donc on put supposer que pendant qu’il peignait il a toussé involontairement, a mis
la main à sa bouche et qu’il s’est essuyé du dos de l’ouvrage en question. On peut faire très
facilement l’expertise à l’aide de la base de données existante où se trouve l’empreinte du
peintre.
A mon avis, l’ouvrage en question présente le passage de Modigliani de la peinture à la
sculpture dans le contexte de son amitié et apprentissage auprès de Brancusi et comme un
mélange des deux (la peinture et la sculpture) dans une belle œuvre d’art énigmatique et en
même temps un hommage au sculpteur roumain. La peinture non seulement la douleur, la
tristesse et la prière de la femme endeuillée mais aussi l’amour du modèle Marta, envers
Brancusi, s’agenouillant devant lui-même et s’offrant corps et âme. Prière, souffrance et amour.
Observer ci-dessous les photos numérotées pour chaque élément ci-dessus.
10.La photo d’époque de l’atelier

10. La photo avec la version finale du Musée d’art de Roumanie


9. La photo du tombeau de Pallady
11. Signatures
12
Le tableau en question … le fragment en haut à droite.
14
16. Test XRF
La Dame Noire
Jaune
Composition Chimique %

MgO 1,64
Al2O3 0,26
SiO2 0,49
P2O5 0,26
S 0,05
CaO 0,13
Ba 12,63
Cr 0,27
Fe 0,14
Zn 8,43
Sr 0,28
Zr 0,08
Cd 0,17
Sn 0,08
Pb 58,16
Résultat : Jaune de chrome (PbCrO4) et jaune de baryum (BaCrO4)

Noir R 4411
Composition Chimique %

MgO 1,32
Al2O3 0,40
SiO2 2,19
S 2,26
K2O 0,08
CaO 0,83
Ba 1,29
Cr 0,37
Fe 1,43
Cu 0,01
Zn 0,05
Sr 0,01
Pb 0,43

Résultat : Noir de carbone et oxydes de fer.


Mauve R 4412
Composition Chimique %

MgO 1,66
Al2O3 0,41
SiO2 0,81
P2O5 0,23
S 0,05
K2O 0,02
CaO 0,22
Ba 9,03
Cr 0,22
Mn 0,04
Fe 3,42
Ni 0,06
Zn 0,80
Sr 0,21
Zr 0,05
Mo 0,01
Cd 0,09
Sn 0,07
Pb 30,29

Résultat : Jaune de chrome (PbCrO4), jaune de baryum (BaCrO4) et ocre rouge de fer.

Portocaliu R 4413
Composition Chimique %

MgO 1,75
Al2O3 0,37
SiO2 1,53
P2O5 0,24
S 0,04
K2O 0,02
CaO 0,45
Ba 6,62
Cr 0,10
Mn 0,04
Fe 0,12
Ni 0,04
Zn 0,35
Sr 0,14
Zr 0,03
Mo 0,02
Cd 0,06
Sn 0,08
Pb 18,45

Résultat : Jaune de chrome (PbCrO4),et jaune de baryum (BaCrO4)

19.Empreinte
Similarités chromatiques:
Jaune
Mauve
Noire
Noire et jaune
Croquis
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