Vous êtes sur la page 1sur 46

DYNAMIQUE DES MODELES DE DEVELOPPEMENT DU CAMEROUN :

Enjeux de la SND 30

Par NGAMBO Arnaud1et OTTOU Christian2

RÉSUMÉ

Cette étude fait une analyse sur la pertinence des modèles de développement du
Cameroun adoptés depuis le temps des plans quinquennaux jusqu’au DSCE, et offre une vue
perspective en termes d’amélioration du modèle développement déjà proposé par la nouvelle
stratégie de développement du Cameroun sur la période 2020-2030 en abrégée SND 30.
Pour rappel, le Cameroun dans le cadre da vision prospective de développement
ambitionne d’être émergent à l’horizon 2035 à travers l’industrialisation. Cette vision triphasée
a débuté en 2009 par la mise en œuvre de la stratégie pour la croissance et l’emploi qui devait
mettre en place en les préalables incitatives pour le secteur privé en vue de permettre
l’industrialisation, notamment à travers de gros projets structurants. Parvenu au terme de la
mise en œuvre cette stratégie (2019), il est fort de constater que les résultats économiques et
sociales se peinent à se faire ressentir malgré toute la batterie d’investissements déployée.
D’où la nécessité de marquer un temps d’arrêt pour questionner véritablement le modèle
que prend le Cameroun depuis de nombreuses années, ceci d’autant plus que le pays s’apprête
à entrer dans la deuxième phase de cette vision (SND 30) basée sur l’industrialisation, d’où
l’intérêt de cette étude qui se veut de mécaniser le modèle proposé dans cette stratégie sur la
base des faits historiques.
En utilisant une méthodologie empirico-inductive basée sur une exploration
documentaire (articles, ouvrages, thèses, mémoires, rapports…), notre étude montre que sur la
base des faits théoriques révélant les points faibles de ces précédentes stratégies, la nouvelle
stratégie devrait avoir 06 points déclencheurs : (i) un marché intérieur développé, (ii) une
production locale soutenue, (iii) un capital humain renforcé (iv) une compétitivité extérieure
améliorée, (v) un environnement naturel mieux préservé et (vi) une bonne gouvernance.
Ces points doivent être mis en concert afin d’assurer véritablement le décollage
économique (take-off rostovien) du pays au regard des orientations fondamentales que formule
cette nouvelle stratégie.
Mots Clés : Développement économique, Modèles de planification économique.
Classification JEL: O11, O12, O21.

1Ingénieur Statisticien Economiste PhD student, Université de Dschang, dans le domaine de la macroéconomie.
Courriel : arnongambo@yahoo.fr

2
PhD student, Université de Yaoundé 1, dans le domaine de l’histoire de la pensée économique.
Courriel : ottounsimlapierrechristian@yahoo.com
INTRODUCTION

Durant ces soixante (60) dernières décennies, le Cameroun a connu des transformations
politiques et socioéconomiques d’une ampleur importante. Dans le domaine politique, la
transformation la plus remarquable est sans aucun doute le processus de transition de
« l’autoritarisme » vers la démocratie dans les années 90. Sur le champ socioéconomique, le
pays s’est illustré par la mise en œuvre de divers modèles de développement économique visant
à promouvoir le bien-être de ses populations et à lutter contre le sous-développement. En effet,
au lendemain de l’indépendance l er
janvier 19603, l’Etat camerounais s’est proposé de
promouvoir le développement économique et sociale de la nation avec une action tournée sur
un rôle d’orientation. Il a été successivement, et parfois en même temps, « planificateur » et
« dirigiste », « développeur », « protecteur », et « régulateur ». Mais la déflagration de la crise
économique dans les années 80, marquée par les restructurations économiques des programmes
d’ajustement structurel a profondément modifié la place de l’Etat dans organisation du système
économique. Avec pour paradigme dominant « moins d'État plus de marché »4, l’on est passé
de l’Etat gendarme ayant une forte emprise sur l'économie à l 'État modeste.

Malgré le rétablissement des indicateurs macroéconomique du Cameroun, synonyme de


confiance pour le pays auprès des partenaires internationaux, les programmes d’ajustement
structurel ont essoufflé l’Etat mais également ses populations sur leur « dimension sociale ».
Ce qui allait sérieusement compromettre le modèle de développement d’une société «
polysegmentaire » intégrée dans le cadre de l’unité nationale. Pour pallier la déconfiture sociale
des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS), les Institutions Financières Internationales de
Bretton Woods (FMI et Banque mondiale) mettent en œuvre un nouveau cadre contractuel de
coopération qui consacre le triomphe des politiques de lutte contre la pauvreté dans le cadre de
l’initiative PPTE. Ainsi dans cette initiative, le Cameroun produira un Document de Stratégie
de Reduction de la pauvreté (DSRP) en 2003, malheureusement la troisième Enquête
Camerounaise Auprès des ménages (ECAM 3) de 2007 révélant des résultats jugés

3
Il est important de relever que la date du 1er janvier 1960, consacre la célébration de l’indépendance du Cameroun
sous administration française. A ce propos lire : Daniel Abwa, Cameroun : Histoire d’un nationalisme, Yaoundé,
Clé, 2010 ; Commissaires et hauts commissaires de la France au Cameroun. Ces hommes qui ont façonné
politiquement le Cameroun, Yaoundé, PUACAC, 2000 (deuxième édition) ; Jean-François Bayart, L’Etat au
Cameroun, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1979 ; Ndam Njoya, Le Cameroun
dans les relations internationales, Paris, Librairie générale de droit et jurisprudence, 1976 ; Victor Julius Ngoh,
Cameroun 1884-1985. Cent ans d’histoire, Yaoundé, CEPER, 1990 ; Engelbert Mveng, histoire du Cameroun,
Tome II, Yaoundé, CEPER, 1985 ; Joseph Marie Zang-Atangana, Les forces politiques au Cameroun réunifié,
tome III, Paris, l’Harmattan, 1989 et Marie Irène Ngapeth Biyong, Cameroun, combat pour l’indépendance, Paris,
l’Harmattan, 2008.
4

MINEPAT 2
insatisfaisants sur la pauvreté, a conduit à la révision du DSRP facilitée par l’allégement de la
dette extérieure de 2006.

Dès cet instant le pays envisagera sérieusement de transcender son statut de pays moins
avancé pour devenir un pays émergent à l’horizon 2035, c’est-à-dire un pays « performeur »
adossé sur une croissance expansionniste portée par des structures de transformation dans le
label s’intègre au marché international.

Ainsi pour donc parvenir à ce but, le Cameroun a adopté en 2009 la Vision


développement à l’horizon 2035 qui ambitionne de faire du Cameroun « Un pays émergent,
démocratique et uni dans sa diversité ». La première phase de mise en œuvre de cette vision de
développement à long terme a été opérationnalisée par le Document de Stratégie pour la
Croissance et l’Emploi (DSCE) qui a constitué le cadre global de référence des actions du
Gouvernement et des partenaires au développement pour la période 2010-2019. La deuxième
phase, qui s’appuie sur le bilan de la mise en œuvre du DSCE et des objectifs globaux de la
vision pour la période 2020-20230, entend donc permettre au pays de se rapprocher au
maximum des cibles visées pour l’atteinte de l’émergence (SND 30).

Cependant la revue des politiques du DSCE menée en 2018 a relevé quelques insuffisances
quant à la pertinence de son modèle de développement (à priori de type keynésien et fondé sur
les investissements dans le capital physique) en outre :

✓ Pour la réalisation des grands projets, le pays a dû recourir à la technologie et la main


d’œuvre extérieure sans un mécanisme de transfert de technologie et avec une faible
implication des PME locales, du coup le secteur privé a eu une faible capacité à générer
les emplois pour absorber une main d’œuvre locale sous-employée.

✓ De plus, la réalisation de ces infrastructures devant permettre au secteur privé de se


déployer a pris beaucoup de retard à cause, notamment, des problèmes de maturation de
projets et de coordination des interventions.

Ces projets structurants n’ont pas suffisamment catalysé les investissements privés
compromettant de ce fait l’un des principaux objectifs du DSCE qui était de faire du secteur
privé le moteur de la croissance économique, ayant la capacité à générer les emplois pour
absorber une main d’œuvre locale sous-employée. Du coup, la courroie de transmission qui

MINEPAT 3
devait permettre de réduire le chômage (notamment des jeunes) et augmenter les revenus des
ménages a été rompue.

Des lors, Les conséquences économiques et sociales néfastes de la mise en œuvre de


cette stratégie se sont faites ressentir, sur le pan économique notons une baisse du taux de
croissance du PIB depuis 2014 quittant de 5,6% à 3,2% en 2017 (INS, 2018), la balance du
compte courant toujours déficitaire avec un déficit passant de 613 milliards en 2016 à 729
milliards en 2018 (INS, 2018), le stock de la dette publique sans cesse croissant avec un ratio
de la dette qui va de 18,9% en 2010 à 36,9% en 2017 (CAA, 2018). Sur la dimension sociale,
une remontée remarquable des inégalités (l’indice de Gini de revenu quitte de 37,0% en 2007 à
42,0% en 2014, voir ECAM 2014), une stagnation du taux de pauvreté et plus accentuée en
zone rurale (l’indice de pauvreté est passé de 40,2% en 2001 à 39,9% en 2007, pour atteindre
37,5% en 2014 (ECAM, 2014).

Dans la suite afin de pouvoir éclaircir ce soupçon et en vue de rendre plus solide les
fondements de la nouvelle stratégie en début d’implémentation, il s’avère nécessaire de
manquer un temps d’arrêt sur le modèle de développement du Cameroun en vue de trouver un
mécanisme capable d’assembler de manière stratégique toutes les pièces du puzzle notées dans
cette nouvelle stratégie, qui une fois bien emboitées ne pourront que donner des résultats
satisfaisants en terme d’objectifs de développement durable.

C’est dans ce cadre que s’inscrit ce présent travail qui s’interroge sur la pertinence de
nos modèles de développements adoptés depuis le temps des plans quinquennaux jusqu’au
DSCE, et offre une vue perspective en termes d’amélioration du modèle développement déjà
proposé par la nouvelle stratégie.

Dans la suite de cette analyse, une revue de littérature est présentée (1), ensuite le
cadre méthodologique de l’étude (2), après les résultats (3) et enfin une dernière partie
conclut.

MINEPAT 4
I. REVUE DE LITTERATURE

Concernant la revue de littérature, il s’agit de présenter brièvement les grandes théories


de développement qui ont marqué l’histoire du développement des nations et sur lesquelles ont
été adossés différents modèles de développement de la plupart des pays en voie de
développement. Pour ce faire, nous présenterons chronologiquement ces éléments théoriques
en y apportant un sens critique de notre point de vue, toutefois notons que ces théories seront
abordées successivement suivant 02 approches :

✓ Approche orthodoxe
✓ Approche hétérodoxe

A- DES ANNEES 50 AUX ANNEES 70

Cinq grandes théories de développement ont dominé la première période qui s’étale des
années 50 aux années 70 : la théorie des étapes de ROSTOW, la théorie dualiste de A. LEWIS,
la théorie du cercle vicieux de R. NURKSE, la théorie du big-push de ROSENSTEIN-RODAN
et l’ensemble théorique qu’on peut regrouper sous le courant structuraliste

1. Contexte des années 50 à 70

Nous nous situons dans un contexte d’après-guerre et de guerre froide, les conditions
socio-économiques au cours de la décennie 50 et 60, étaient les suivantes :

Dans les pays industrialisés et ex puissances coloniales, c’est la période appelée « les
trente glorieuses » car c’est une période de forte croissance économique, de plein emploi, de
production et de consommation de masse. La productivité augmente à un rythme sans précédent
dans l’histoire et les sciences économiques sont dominées par les théories keynésiennes.

Dans les pays décolonisés, on constate la faiblesse voire l’absence de secteur industriel,
et une activité économique basée essentiellement sur l’exploitation des matières premières ou
la production agricole pour l’exportation. S’ajoute à cela dans de nombreux pays, des problèmes
de construction d’un Etat national et des instituions.

Deux théories de développement ont dominé cette période : la théorie des 5 étapes de W.
ROSTOW et la théorie du dualisme de LEWIS.

MINEPAT 5
Au début des années 70 et avec le début du constat d’échec des stratégies et politiques de
développement mises en place depuis 20 ans, on met en question les relations de domination
entre les pays développés et les pays sous-développés, notamment en ce qui concerne le marché
des matières premières, principales ressources pour les pays en voie de développés.

En 1973, la décision des principaux pays producteurs et exportateurs de pétrole, réunis


au sein de l’OPEP, d’augmenter le prix du pétrole à la suite de la guerre du kippour, a représenté
à la fois un choc économique pour les économies des pays développés mais aussi un choc
politique dans le commerce international et les relations géostratégiques. A partir de ce moment,
de nombreuses recherches ont été menées pour analyser les termes d’échanges pour les matières
premières et démontrer que le niveau de leurs prix est trop bas. C’est dans ce contexte, que le
deuxième courant théorique de l’échange inégal et de la dépendance domine les théories de
développement.

2. Approche orthodoxe : années 50 à 60

Pour ROSTOW, dans son ouvrage de 1960 « The stages of economic growth : a non-
communist manifesto », la croissance et le développement étaient des synonymes, et la vision
du développement était linéaire, et relevait du courant libéral.

Il postule que pour accéder au développement, toutes les sociétés doivent passer par un
processus universel d’évolution en cinq étapes centrées autour de la phase capitale du décollage
qui est caractérisée par une forte évolution de la capacité d’investissement. Ces cinq étapes sont
: la société traditionnelle, les conditions préalables au décollage, le décollage, le progrès vers la
maturité pour aboutir à un stade ultime de développement caractérisé par la consommation de
masse.

Le sous-développement est considéré comme un simple retard de développement qui


pourra être rattrapé par des politiques imitant celles adoptées par les pays développés lors de
leur industrialisation.

Mais peu à peu, certains économistes rompent avec cette manière de voir le
développement comme un retard de croissance dont principalement R. NUKSE (1953) suivi de
A. LEWIS (1963).

MINEPAT 6
Pour ces auteurs pionniers de l’économie de développement, la croissance ne serait pas
forcément un préalable pour sortir du sous-développement à cause des blocages ou obstacles
que rencontrent l’économie de pays en voie de développement dont notamment leurs structures
économiques héritées de la colonisation.

Ces économistes marquent ainsi une ligne de démarcation avec l’orthodoxie de la


croissance en mettant en avant la structure économique des pays en voie de développement
comme obstacle au développement. Par ailleurs, cette structure économique trouve des
fondements dans le fonctionnement contemporain de l’économie mondiale et dans les modalités
d’insertion qui en découle.

Ainsi l’économiste A. LEWIS postule pour la thèse du dualisme dans son livre « la
théorie de la croissance économique » de 1963.

En effet pour LEWIS, l’économie des pays en voie de développement se caractérise par
l’existence de deux secteurs : un secteur de subsistance (qui correspond au secteur agricole
traditionnel) et un secteur moderne orienté vers le profit (qui correspond aux activités
manufacturières). C’est la désarticulation entre ces deux secteurs qui serait la cause du sous-
développement.

A la frontière de ces deux secteurs s’insère une économie informelle : activités de


réparation, de transformation et de vente de biens industriels. Ces activités sont très peu
capitalistiques et faiblement productives (cireurs de chaussures, vendeurs de lacets, de
cigarettes à l’unité…). La désarticulation provient du fait que l’essor du secteur moderne
n’exerce aucun effet d’entraînement (ou très peu) sur le secteur traditionnel.

Cette dualité peut être la base du processus de développement, dans la mesure où


LEWIS suppose l’existence d’un excédent de main d’œuvre dans le secteur traditionnel, qui
sera transféré vers le secteur moderne offrant ainsi à ce dernier un réservoir de main d’œuvre.
Ceci permettra au secteur moderne de maintenir les salaires à un niveau bas, et donc
d’augmenter les profits. L’augmentation des profits conduira à l’accumulation du capital dont
dépend le développement économique.

MINEPAT 7
Ragnar NURSKE (1953) développe son analyse des cercles vicieux de la pauvreté et
du sous-développement.

La pauvreté se traduit par la faiblesse des revenus, donc une épargne réduite qui ne
permet pas l’accumulation de capital, d’autant plus que la pression démographique est forte du
fait d’une fécondité élevée ; la productivité restant basse, les revenus demeurent faibles. Les
revenus faibles se traduisent également par une demande solvable limitée qui n’incite pas à
investir, du fait du manque de débouchés.

Les investissements insuffisants ne permettent pas d’augmenter la productivité et donc


les revenus. Le montant réduit du revenu national entraîne la faiblesse des dépenses
d’éducation et de formation, donc de la productivité et par conséquent revenu national.

L’économiste met donc en avant la nécessité de recourir aux capitaux étrangers


autorisant un accroissement du stock de capital car la croissance repose sur un minimum
d’investissement au départ. C’est cette idée est rejointe par ROSENSTEIN-RODAN (1943)
dans sa théorie du big push mettant en avant le rôle primordial des infrastructures avant
l’implémentation des structures productives liées à l’industrialisation.

Cependant que ce soit la théorie des 5 étapes de ROSTOW, celle du dualisme de LEWIS,
et du cercle vicieux de R. NURSKE, elles accordent un rôle essentiel à l’industrialisation et
associe le développement à la croissance économique et d’autre part la croissance économique
à l’investissement.

Le lien entre croissance économique et développement rejoint la pensée classique qui


présente la capacité de production matérielle comme condition essentielle du développement
global de la société. Cette pensée classique est appuyée principalement par la vision de David
RICARDO qui suppose par ailleurs que l’insertion des pays sous-développés dans l’économie
internationale permet d’assurer, à travers les échanges, une « transmission de la croissance ».

Quant à la relation entre investissement et croissance, elle découle des analyses post-
keynésiennes qui cherchent à identifier les taux d’épargne et d’investissement nécessaires à une
croissance auto-entretenue.

MINEPAT 8
3. Rupture de l’approche orthodoxe par l’approche hétérodoxe : le courant
structuraliste et dependatiste des années 70

Le courant structuraliste s’est construit à partir des travaux des chercheurs du CEPAL
(Commission Economique pour l’Amérique Latine, une agence des Nations Unies, crée en
1948) et son premier directeur R. PREBISCH. Ce courant a donné lieu à plusieurs théories, et
est considéré comme un des courants les plus importants des théories du développement, à
cause de la volonté de rompre avec les analyses précédentes, souvent linéaires, et anachronique.
De nombreux économistes du développement appartiennent à ce courant théorique et ont
contribué par leurs travaux à son enrichissement. On peut citer : MYRDAL, PERROUX et
HIRSCHMAN. Par ailleurs, les théories du courant structuraliste ont inspiré de nombreuses
stratégies de développement dans les années 50 et 60 notamment celle de substitution des
importations, non seulement dans les pays d’Amérique Latine mais aussi dans d’autres pays en
Afrique ou en Asie.
Selon l’analyse néoclassique, le mouvement international des facteurs de production
permet la meilleure allocation de ces facteurs, ce qui conduit à la croissance. Mais selon les
structuralistes, les termes d’échanges sont défavorables aux pays sous-développés, et les
échanges internationaux tendent à aggraver les déséquilibres des économies dans les pays sous-
développés, et ceci à cause des différences structurelles entre les économies du centre et celles
de la périphérie. Si, dans les pays développés, les gains de productivité conduisent à une
distribution des revenus, ils ne produisent pas les mêmes effets dans les pays en voie de
développés, à cause de facteurs structurels (situation monopolistique, excès de travail).
Par ailleurs, R. PREBISCH constate dans ses travaux, une dégradation des termes de
l’échange (c'est à dire les prix relatifs) entre les produits primaires exportés par les pays en voie
de développés et les produits manufacturés importés par ces derniers. Il explique cette
dégradation par les structures différentes dans les deux groupes de pays : « les produits
primaires sont confrontés à une demande faiblement élastique par rapport aux prix, qui
augmentent très lentement voire pas du tout. D’un autre côté, beaucoup de produits primaires
exportés par les pays en développement ont une régulation de l’offre assez rigide, et réagissant
lentement aux chutes de prix, provoquant une situation de surproduction tendancielle constante
à l’échelle mondiale. ».

MINEPAT 9
Ainsi, pour sortir de cette situation de sous-développement, que la division internationale
du travail et le commerce international ne font qu’aggraver, il faut mettre en place un processus
d’industrialisation impulsé par l’Etat, étant donné les problèmes structurels de l’appareil de
production. Cette prise de position en faveur de l’interventionnisme étatique a pour objet de
permettre à celui-ci d’accélérer la croissance en stimulant les structures et de lutter contre
l’extraversion afin de parvenir à un développement autocentré.

Ceci dit, malgré le rôle central attribué à l’Etat dans le processus de développement et
d’industrialisation, il semble que les structuralistes ont insisté sur le rôle du secteur privé «
compte tenu des défaillances du marché (la présence de distorsions structurelles), la
responsabilité du processus de développement devait être assumée par l’Etat qui, par son
intervention, devait initier la création d’une capacité industrielle locale compétitive favorable à
l’émergence d’initiatives privées » (EHRHARAT, 2004).

Cette analyse a été le fondement de la stratégie de substitution d’importation (connue sous


le nom d’industrialisation par substitution d’importation ISI) mise en place dans plusieurs pays
au cours des années 60, et dont l’objectif était d’amorcer un processus d’industrialisation qui
permet de produire localement les produits importés avec une protection du marché local.

D’autres économistes ont apporté leur contribution à ces analyses, en développant un


ensemble théorique appelé les théories de « la dépendance », dont les plus connus sont : Celso
FURTADO (économiste brésilien), Samir AMIN (économiste égyptien), André GUNDER
FRANK (économiste allemand), Arghiri EMMANUEL. L’idée de base de cet ensemble
théorique est la suivante : c’est le même processus historique d’accumulation du capital et
d’expansion du capitalisme qui a donné d’un côté le développement et de l’autre le sous-
développement, en produisant un système mondial avec un « centre » composé des pays
développés et une périphérie composée des pays sous-développés. Les structures de production
du centre sont homogènes, diversifiées et articulées, alors que dans la périphérie, elles sont
hétérogènes, spécialisées dans quelques produits primaires et désarticulées. Les relations entre
ces deux groupes, ou bien entre le centre et la périphérie, sont des relations de domination du
côté du centre et de dépendance du côté de la périphérie, ainsi les économies des pays en voie
de développement sont des économies dépendantes.

MINEPAT 10
Nous pouvons ainsi constater que le courant structuraliste est un des courants les plus
importants dans l’économie du développement et que ses apports ont largement contribué à
l’enrichissement théorique de ce dernier.
Il est évident aussi que ce courant s’est constitué en dehors de l’orthodoxie économique,
autrement dit en dehors de la pensée libérale et néoclassique, en s’opposant à cette dernière sur
deux points principaux :
Étant donné les spécificités structurelles de l’appareil de production dans les pays sous-
développés, les mécanismes du marché ne peuvent pas fonctionner correctement pour
orienter le processus de développement et d’industrialisation, d’où l’importance de
l’intervention de l’Etat.
Étant donné la division internationale du travail, l’insertion des pays en voie de
développement dans le marché international et le développement des exportations, ne peut
pas être un facteur de développement.

B- LES ANNEES 80 : AJUSTEMENT STRUCTUREL


1. Contexte des années 80
Après la phase d’émergence et de construction théorique autour des concepts de sous-
développement et de développement, la phase d’assimilation entre la croissance et le
développement, et enfin la phase de construction des théories structuralistes, on arrive à la fin
des années 70.
Les pays en voie de développement, décolonisés dans les années 50 et au début des
années 60, et ayant mis en place des politiques de développement inspirées des théories
dominantes de l’époque, notamment les politiques connues sous le nom de « l’industrialisation
par substitution d’importation », se trouvent dans les années 70 en situation de crise. Dans tous
ces pays, la balance commerciale était largement déficitaire, la dette extérieure a atteint des
records et le service de la dette pesait très lourdement sur le budget public au point que des
nouvelles dettes étaient contractées pour s’acquitter du service des précédentes.
L’environnement économique international a été favorable à cette crise de la dette. Suite
à la hausse du prix du pétrole en 1973 (premier choc pétrolier) et en 1979 (deuxième choc
pétrolier) il y a eu des transferts importants de ressources vers les pays pétroliers, qui ont déposé
ces excédents dans des banques commerciales internationales. En même temps, les chocs
pétroliers ont ralenti considérablement les investissements des pays développés, et par

MINEPAT 11
conséquent la demande des fonds. Les banques se sont trouvées ainsi avec un excédent de
liquidités notamment en dollars, ce qui les a poussés à faciliter les prêts aux pays en voie de
développement à des taux d'intérêt faibles (voire négatifs) et les prix des matières premières
semblent garantir les capacités pour rembourser, ces derniers ont eu recours à ces prêts pour
pallier le déficit de leur budget (FAO, 1990).
Cependant avec la politique monétaire restrictive des Etats Unis (hausse des taux
d’intérêt) menée après, et simultanément avec la baisse des cours des matières premières, les
pays en voie de développement vont se trouver dans une situation d’endettement très
importante.
Ainsi, vers la fin des années 70, dans les pays développés, où les politiques économiques
étaient inspirées de la théorie keynésienne, comme dans les pays en voie développement où les
politiques économiques étaient inspirées des théories structuralistes, les conditions
économiques offrent aux économistes néolibéraux un terrain favorable au développement de
leur théorie.
Durant les années 80, le libéralisme économique va être la doctrine économique
dominante dans les pays développés notamment aux Etats Unis et en Angleterre.5 Toujours au
cours de la même période, la théorie néoclassique devient la nouvelle orthodoxie dans le
domaine de l’économie du développement. Elle va être adoptée par les institutions de Bretton
Woods6, dans ce qu’on a appelé « le consensus de Washington ».
On voit donc se dessiner un « package » de politiques macroéconomiques qui seront
mises en place pratiquement dans tous les pays en voie développés au cours des années 80. Ces
politiques ont été nommées « politiques de réforme » ou « politiques d’ajustement structurel ».

2. Ajustement structurel : retour à l’orthodoxie (neoliberalisme)


L’ajustement structurel est devenu dans les années 80 et 90, le nouveau paradigme du
développement. Surtout dans les pays en voie de développement, il désigne un ensemble de
politiques macroéconomiques. Les fondements théoriques qui ont permis d’élaborer ces
politiques se trouvent dans les théories néoclassiques et/ ou néolibérales.

5
aux Etats Unis sous la présidence de R. Reagan, et en Angleterre sous le gouvernement de Mme Teacher
(premier ministre).
6
Les institutions de Bretton Woods : un ensemble d’institutions internationales mises en place au
lendemain de la seconde guerre mondiale, comprenant le Fonds Monétaire International (FMI) et la
Banque Mondiale.

MINEPAT 12
La liberté est, bien entendu, le concept central qui permet d’avoir une société idéale
d’après les libéraux. C’est surtout la liberté des individus qui est la base de toutes les libertés.
Pour Friedman, l’individu est l’élément fondamental de la société, et les individus n’entrent en
contact que pour échanger des biens et des produits en toute liberté. La liberté économique,
celle d’échanger et de choisir les biens, est la première des libertés. Seul le marché peut garantir
cette liberté en coordonnant les actions des individus de manière impersonnelle, et toute
intervention est considérée comme atteinte à la liberté fondamentale, la liberté de choix.
Les institutions économiques existent bien sûr, comme les entreprises par exemple, elles
doivent être privées et ayant l’objectif d’améliorer la coordination entre les individus. Les
néolibéraux, comme les néoclassiques appliquent un individualisme méthodologique :
l’individu est un être rationnel et toute action de sa part donne lieu à un calcul économique
rationnel qui va lui permettre de maximiser son utilité, et les choix des individus ne sont guidés
que par leur préférence et leur intérêt, autrement dit, ils ne sont pas influencés par
l’environnement.
Cette analyse nourrit la réflexion sur le rôle de l’Etat dans la pensée néolibérale, qui affirme
que la société ne peut pas exister sans Etat, mais délimite bien les fonctions de ce dernier.
Dans le cadre d’une société libre basée sur la liberté de choix des individus, l’Etat doit :
Assurer le respect des règles de fonctionnement de l’économie ;
Assurer le respect des droits de propriété privée ;
Assumer certaines fonctions pour la gestion des biens publics.

En dehors de ces fonctions, l’Etat peut éventuellement intervenir en cas de conflit ou pour
la protection de certaines catégories (enfants, vieillards), mais toute intervention de l’Etat doit
préalablement être étudiée pour s’assurer qu’elle ne risque pas d’entraver la liberté de choix des
individus ou la liberté du marché.

Nourris par ce courants néolibéralisme, l’ajustement structurel a été élaboré comme


orientation majeure pour rétablir la situation économique et sortir les pays sous-développés de
la crise, avec une finalité : faire repartir la croissance économique.
Le paradigme de ces politiques est le suivant : la libéralisation interne de l’économie et le
retrait de l’Etat, et l’insertion de l’économie nationale dans le marché international, c'est à dire
la libéralisation externe, sont les deux piliers pour faire démarrer la croissance et le
développement.

MINEPAT 13
C- DES ANNEES 90 A NOS JOURS
1. Contexte des années 90 : le renouveau théorique sur l’hétérodoxie
Depuis le milieu des années 90, on constate un renouveau des théories du
développement. Après une période d’immobilisme et de doute, les études empiriques et les
recherches sur le développement connaissent un nouveau dynamisme.

Le contexte de ce renouveau se caractérise par des nouvelles donnes de l’environnement


international et par l’émergence de nouvelles préoccupations pour les citoyens et les pouvoirs
publics, les éléments contextuels sont les suivants :

La mondialisation ;
L’ampleur des échanges et la rapidité avec laquelle ils se font grâce aux nouvelles
technologies de l’information et des communications, sont jugées de nature
fondamentalement différente de ce que les êtres humains ont connu de toute l’histoire.
L’échec des politiques d’ajustement structurel (PAS), ou la décennie perdue du
développement ;
L’échec des PAS ainsi que leurs conséquences désastreuses ont été démontrées et
reconnues au moins en partie, par les initiateurs de ces PAS eux-mêmes. Cet échec a conduit
à revoir le rôle de l’Etat et des institutions publiques, à comprendre les limites des
mécanismes du marché et à réfléchir sur les liens entre croissance et redistribution.
La problématique environnementale (pollution, épuisement des ressources, qualité
de vie, qualité et sécurité alimentaire) ;

La question environnementale se pose en termes différents dans les pays développés


et dans les pays sous-développés. Dans les premiers, il s’agit d’une demande sur la qualité :
qualité de vie, qualité et sécurité des produits alimentaires etc., alors que dans les pays sous-
développés la question se pose en termes de dilemme entre l’exploitation des ressources pour
la croissance économique et la nécessité de préserver ces ressources fragiles ou rares.

Les tensions sociopolitiques dans les pays en voie de développement.


Une des données importantes du contexte des deux dernières décennies, est la montée
des tensions socio-politiques dans les pays en voie de développement, sous formes diverses
et variées.

MINEPAT 14
Directement ou indirectement, ces tensions, qui se traduisent parfois par des conflits violents,
obligent les chercheurs à revoir les modèles théoriques pour mieux tenir compte de la réalité,
car souvent elles expriment les frustrations issues des échecs des modèles et des politiques de
développement d’une part, et de l’accroissement des inégalités d’autre part.

Le contexte de ce renouveau se caractérise par des nouvelles donnes de l’environnement


international et par l’émergence de nouvelles préoccupations pour les citoyens et les pouvoirs
publics qui ont milité au retour de l’approche hétérodoxe du développement.

2. Retour à l’approche hétérodoxe

a. La théorie néostructuraliste
Le courant structuraliste a inspiré les politiques de développement mises en place dans
la plupart des pays décolonisés, politiques basées sur l’industrialisation (industrialisation par
substitution d’importation) et une intervention forte de l’Etat dans l’activité économique.
Avec l’échec de ces politiques de développement, la montée du courant libéral (consensus de
Washington) et les PAS, le courant structuraliste s’est trouvé marginalisé.

Mais le changement de contexte avec l’échec des PAS et leurs conséquences souvent
désastreuses, ont encouragé les recherches des structuralistes d’un nouveau modèle de
développement. Ces travaux sont connus sous le nom du néostructuralisme.
Les néostructuralistes, très critiques à l’égard des politiques d’ajustement structurel, ont aussi
critiqué certains aspects de la théorie de leurs prédécesseurs.
L’orientation de leurs travaux va dans le sens d’un dépassement nécessaire du faux
dilemme « Etat/marché ». Tout en rappelant les problèmes de distorsions endogènes des
structures de production dans les pays en voie développement, et en reconnaissant les risques
qu’engendre une expansion de l’Etat sans limite, ils affirment qu’il existe une relation de
complémentarité ou d’attraction (pulling-in) entre l’investissement public et l’investissement
privé en ce sens que l’investissement public crée l’environnement économique propice sans
lequel l’investissement privé ne pourrait se réaliser.
Les néostructuralistes soutiennent, par ailleurs, que la stagnation économique et les
pressions inflationnistes peuvent être engendrées par des réductions sans discernement dans
les dépenses gouvernementales en infrastructures économiques et sociales car elles

MINEPAT 15
accroissent les coûts de production du secteur privé et, de ce fait, elles affaiblissent la
profitabilité et l’investissement privé.

Dans cette perspective, les néostructuralistes accordent à l’Etat deux fonctions prioritaires :

agir pour l’équité sociale ;


agir pour la compétitivité extérieure.
Les deux fonctions sont liées car une plus grande équité sociale contribue à améliorer
la compétitivité globale de l’économie, ils dépassent ainsi le cadre idéologique des auteurs
structuralistes de base qui ont mis l’accent sur l’intervention de l’Etat seulement sur la
transformation structurelle, ils y incorporent un volet social qui doit être pris en compte par
l’Etat ainsi que la compétitivité extérieure comme prolongement de la transformation
structurelle qui était juste le but du structuralisme de base.

b. La théorie de l’économie institutionnelle

Les premiers travaux d’économie institutionnelle remontent à la fin du XIX siècle aux
Etats Unis, avec les travaux d’économistes comme VEBLEN, CLARK et COMMONS, dans
un contexte où la théorie de l’évolution et le darwinisme avait une forte influence.

Traditionnellement, la théorie économique standard, dont l’objet d’analyse est l’action


individuelle rationnelle et la marchandise, excluait de son champ les institutions. Or, pour les
institutionnalistes l’action et le processus de choix individuels sont inscrits dans un contexte
économique et social, et les comportements humains varient dans le temps et dans l’espace car
d’après Commons l’individu dont il est question est inscrit dans le procès social.
Ainsi, pour COMMONS, l’analyse de l’action collective, permet de renouveler la
conception des comportements et d’intégrer les institutions à la théorie économique.

Plus tard, ce sont des économistes comme Ronald COASE, Douglass NORTH et Oliver
WILLIAMSON qui ont contribué par leurs travaux à la construction de la nouvelle économie
institutionnelle (NEI).

C’est l’économiste américain O. WILLIAMSON qui a été le premier à donner ce nom


aux travaux des économistes institutionnalistes de la nouvelle génération, afin de les distinguer
de leurs prédécesseurs, dans la mesure où la nouvelle économie institutionnelle (NEI) s’inscrit

MINEPAT 16
dans la théorie néoclassique, mais a l’ambition de l’élargir pour pouvoir traiter des questions
ignorées par cette dernière (NORTH, 1997).
La question centrale de la NEI est d’analyser et d’expliquer l’influence et le rôle des
institutions dans l’efficacité économique. Toutefois la question de la rationalité des agents est le
point de divergence entre la théorie néoclassique et la NEI. En effet, la théorie néoclassique
adopte l’hypothèse de l’individu qui possède une rationalité substantielle lui permettant de traiter
les informations et opérer ses choix de manière à maximiser son utilité. Les institutionnalistes,
en revanche, s’appuient sur l’hypothèse de la rationalité limitée de H. SIMON qui constate que :
l’individu ne peut pas obtenir toutes les informations avant de procéder aux choix, et
par conséquent, l’information est incomplète
même s’il arrive à obtenir les informations, l’individu n’a pas la capacité mentale de
traiter toutes les informations disponibles

Il s’agit alors de rationalité limitée ou procédurale, c’est-à-dire que l’individu va prendre ces
décisions en fonction des informations disponibles et du niveau d’incertitude. Cette incertitude
concerne surtout le comportement et les choix des autres agents économiques, et c’est pour
réduire cette incertitude que les institutions existent (NORTH, 1997).

La NEI propose de définir le développement comme la croissance économique plus le


changement institutionnel approprié, c'est à dire celui qui facilite ou aide à la croissance, au lieu
de définir le développement comme la croissance économique plus le changement structurel.
Donc la NEI met le changement institutionnel au centre de la théorie du développement,
contrairement à la théorie néo- classique qui met l’épargne et l’investissement au centre du
processus de développement (TOYE, 1997).

c. La théorie de l’économie écologique (écodéveloppement)

Derrière les discussions portant sur les rapports entre croissance et environnement, le
courant de l’écodéveloppement voit un faux débat qui cache celui d’autres antagonismes plus
fondamentaux : ceux des inégalités sociales dans et entre pays. Apparu dans les années 1970 au
sein des Nations Unies, le concept d’écodéveloppement a été élaboré à la suite de vifs débats
opposant experts et responsables politiques du Nord et du Sud sur le thème développement et
environnement. Il sera ensuite repris à Cocoyoc au Mexique en 1974, lors du symposium
PNUE/CNUCED portant sur les modes de développement et l’utilisation des ressources

MINEPAT 17
naturelles. Cette perspective rompt avec la vision économique dominante qui fait de la
croissance économique le déroulement normal de l’histoire des sociétés.

L’un des pionniers de ce courant est Ignacy Sachs (1980), pour l’économiste l’importance
de la croissance réside dans ses modalités et dans l’usage qui est fait de son produit, elle peut
alors donner lieu au développement ou au « maldéveloppement » qui se caractérise par de fortes
inégalités sociales et le gaspillage des ressources.

Ce « maldéveloppement » touche particulièrement les pays en développement, dont la


croissance s’effectue dans l’inégalité sociale et régionale, aboutissant à la destruction de
l’environnement. Ainsi, la recherche de rapports harmonieux entre l’homme et la nature passe
par l’instauration de rapports plus équitables entre les hommes, de telle sorte que l’équité
intratemporelle devient aussi importante que l’équité intertemporelle.

Pour ce faire, l’écodéveloppement doit reposer sur trois piliers :

(1) l’autonomie des décisions et la recherche de modèles endogènes propres à chaque


contexte historique, culturel et écologique, (2) la prise en charge équitable des besoins matériels
et immatériels de tous, et (3) la prudence écologique, impliquant la recherche d’un
développement en harmonie avec la nature.

La croissance quant à elle doit être socialement équitable, environnementalement prudente


et économiquement viable (Sachs, 1999)

L’écodéveloppement propose une stratégie de développement endogène qui se distingue


des approches mimétiques de développement. Il s’agit de favoriser, pour chaque communauté,
le choix de son projet social, de son style de développement, avec des critères de progrès
relativisés selon chaque cas. À bien des égards, cette notion d’écodéveloppement propose les
bases de ce qui deviendra le développement durable.

Parvenu au terme cette revue de littérature, nus notons que l’histoire de l’économie de
développement connait des épisodes alternés entre orthodoxie et hétérodoxie, pour autant au
final on remarque qu’il n y a pas de recette consensuelle en matière de développement, en effet
le sous-développement reste d’actualité dans nos économies contemporaines notamment celle
du Cameroun qui s’apprête à entrer dans une nouvelle phase de son développement, ainsi
l’intérêt de cette revue de voir si le nouveau paradigme de développement du pays s’inscrit dans
une approche orthodoxe ou hétérodoxe.

MINEPAT 18
II- CADRE METHODOLOGIQUE

Pour réaliser ce travail, nous avons procédé essentiellement à une exploration


documentaire (articles, ouvrages, thèses, mémoires, rapports…) qui a joué un rôle dualiste dans
la construction de la matrice de cette étude. En premier lieu, elle a permis de dégager la revue
de littérature dans laquelle nous avons transcrite l’ensemble des théories économiques
développement qui ont dominé les débats sur le développement ces 70 dernières années. En
deuxième lieu, elle permet de suivre la trajectoire historique des différents modèles de
développement économique du Cameroun à travers une lecture diachronique depuis les plans
quinquennaux jusqu’à la SND 30.

En privilégiant une approche empirico-inductive, cette étude s’inscrit dans le temps et la


durée. Car elle permet de ressortir les ruptures et les continuités pour situer les différentes étapes
et évolutions de l’environnement économique camerounais en découvrant les antécédents qui
expliquent certaines situations observées. Ce qui nous a permis de trouver les causes efficientes
à l’origine des phénomènes étudiés et de déterminer pourquoi et dans quelles conditions les
faits se sont produits.

Cependant il est important à noter qu’en matière de stratégie nationale de développement,


se cache en réalité un modèle de développement qui peut être conventionnelles, d’inspiration
néoclassique et keynésienne (approche orthodoxe), mais également non-conventionnelles,
basées sur les théories contestataires (approche hétérodoxe).

On distingue alors :

- La stratégie de développement conventionnelle, emmené par des néoclassiques tels que


Robert Solow, suppose l’existence d’un facteur extérieur dans le déclenchement du
développement, prônant ainsi l’ouverture internationale à travers l’exportation des produits des
pays en voie de développement vers ceux développés. Cette stratégie prône un développement
extraverti.

- La stratégies de développement non-conventionnelle considère que l’indépendance


politique d’un pays faiblement développé doit être alignée à l’indépendance économique, dont
l’objectif déclaré est de moderniser l’économie, de valoriser les ressources matérielles et
humaines, et de soutenir l’industrialisation du pays. D’où la promotion de l’idée du
développement autocentré. La stratégie non-conventionnelle tire ses racines de la théorie

MINEPAT 19
dépendantistes (Samir Amin) et de la théorie structuraliste du développement (François
Perroux)7 qui légitiment le rôle de la puissance publique dans la régulation sociopolitique du
développement.

Comme le parcours d’un soleil dans le temps, la politique économique du Cameroun a


évolué au cours des soixante dernières décennies. Elle est passée de la planification
quinquennale de 1960 à 1987, avant de se voir « imposer » l’ultralibéralisme des programmes
d’ajustement structurel par les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale) à la
faveur de la crise économique de 1987. Après l’atteinte de l’initiative Pays Pauvres Très
Endettés (PPTE) en 2006 qui annonce le relâchement la contrainte extérieure notamment de
l’emprise du FMI et de la Banque mondiale, le Cameroun ouvre une nouvelle ère qui consacre
la mise en œuvre d’une vision de développement à long terme codifiée dans la ‘’vision 2035’’
dont l’objectif est de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035. La première phase
de cette vision s’est structurée autour du Document de Stratégie pour la Croissance et l’emploi
(DSCE). Ainsi, cette articulation propose une lecture diachronique qui permet de faire une
analyse rétrospective de l’ensemble des stratégies économiques implémentées par le Cameroun
pour combattre le sous-développement et garantir la prospérité effective de la nation
camerounaise.

7
Selon le courant dépendantiste, qui mette en avant les relations d'exploitation entre « centre » et « périphérie »,
le blocage des pays du tiers monde est lié aux échanges inégaux. Pour Samir Amin, les économies en
développement sont intégrées dans un processus de domination par les anciennes métropoles, porteur de
distorsions et conduisant à des désarticulations internes. C’est pourquoi l'État a pour rôle de promouvoir un
développement autocentré, un contrôle du capital étranger et la constitution d'écrans vis-à-vis du marché mondial.
Selon le courant structuraliste, de François Perroux, les économies en développement se caractérisent par des
rigidités, des blocages structurels et des goulets d'étranglement. Dès lors, les prix du marché ne peuvent jouer le
rôle d'ajustement des variables. En raison des asymétries internationales, la base de l'accumulation doit se faire par
des politiques actives de l'État. L'inflation n'est pas considérée comme un phénomène monétaire mais liée aux
rigidités structurelles. Les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre des séquences d'investissement exerçant des
effets d'entraînement et construire de nouveaux avantages comparatifs. Lire : Économie et sociologie du
développement, « Stratégies et soutenabilité du développement », Module 2 / Partie 3, p. 3.

MINEPAT 20
III- RESULTATS

A. LA PLANIFICATION QUINQUENNALE

1. Enjeux et contexte

L’effondrement des empires coloniaux a fait apparaitre sur la scène internationale un groupe de
pays qualifié de tiers monde8. Dans un contexte international dominé par la guerre froide
(conflit idéologique opposant le bloc capitaliste au le bloc communiste), la plupart de ces pays
conscient de leur identité et de leur système social qui différaient aussi bien du système
capitaliste que celui du communisme, ont opté pour un système économique et sociale
correspondant à leurs spécificités historiques et structurelles. Il est important de noter qu’en
1960, le Cameroun est un jeune Etat et comme tous les pays en voie de développement à cette
époque, le pays souffre d’une faible dotation des facteurs de production qui se caractérise par
un capital humain peu formé, la quasi-inexistence de support technologique et un capital
physique embryonnaire incapable de favoriser l’émergence de structures de transformation. Par
ailleurs, la structure économique du pays semble être conçue pour les besoins exclusifs de la
puissance coloniale c’est-à-dire une économie de rente, spécialisée dans l’exportation des
matières premières. Dans ce contexte, la planification se présente comme la voie royale
permettant de réaliser les objectifs de développement du pays.

Pour le gouvernement camerounais, les plans sont des instruments techniques aux mains
de l’Etat dont la mise en œuvre obéit à une stratégie d'indépendance économique devant rythmé
le changement des structures socio-économiques internes, la rupture avec la dépendance
commerciale et financière extérieure, la réallocation volontariste du surplus vers les secteurs
productifs d'import-substitution et d'exportation, et la mobilisation des forces paysannes et
ouvrière.

8
Expression due à Alfred Sauvy qui, par analogie avec le Tiers-Etat de l’ancien Régime dominé par la noblesse
et le clergé, désigne les pays en voie de développement réunis à la première conférence des pays non alignés à
Bandoeng en 1955. Ce sont donc les pays qui n’appartiennent pas aux deux blocs dominants : le bloc occidental
capitaliste libéral, emmené par les Etats-Unis et le bloc de l’est, communiste soviétique dominé par l’URSS. Lire
Ahmed Silem et al., Lexique d’économie, Paris, Dolloz, 1989, p. 540.

MINEPAT 21
2. Identification et pertinence du modèle : Mix approche orthodoxe et hétérodoxe

Tout comme de nombreux pays en voie de développement, le Cameroun accède à la


souveraineté internationale après la seconde Guerre mondiale. La relation avec les anciennes
métropoles ayant été vécue comme une relation de domination et d'exploitation économique, le
Cameroun va rejeter le modèle occidental. Dans cette perspective, le pays adopte un modèle
développementaliste dit « original » qui répond à ces valeurs, dont le socle idéologique
s’articule autour du libéralisme planifié sous le régime du président Ahmadou Ahidjo qui va se
transformer en libéralisme communautaire avec l’accession de Paul Biya à la magistrature
suprême à partie de 1982.

Pour le président Ahmadou Ahidjo, le libéralisme planifié est une philosophie de


développement « humaniste ». Il le définit comme étant un syncrétisme, qui emprunte des
techniques du capitalisme et du socialisme pour les greffer sur les valeurs de la civilisation
africaine. Plus concrètement, le libéralisme planifié considère l’initiative privé comme le
catalyseur de l’expansion de la croissance économique devant promouvoir le développement,
et l’Etat comme le responsable de l’intérêt général, devant mobiliser, coordonner et orienter les
efforts pour le progrès de la nation dans une atmosphère de respect des exigences de la
souveraineté nationale. Quant au libéralisme communautaire structuré par le président Paul
Biya, il se préoccupe davantage de la justice sociale et promeut les valeurs de rigueur dans la
gestion des affaires publiques et de moralisation des comportements comme vecteur d’un
développement équilibré.

L’exposé qui vient d’être dégagé permet de comprendre que la planification


camerounaise a fait cohabiter l’approche autocentrée basée sur une demande intérieure
suffisamment forte et l’approche extraverti organisée sur une importante demande extérieure,
cependant avec un dosage plus important de l’approche extraverti lors de la mise en œuvre des
premiers notamment les 2 premiers plans.

Le modèle autocentré camerounais s’inscrit dans une idéologie de construction


nationale qui repose sur deux axes majeurs : la recherche de l’autosuffisance alimentaire et la
valorisation à long terme des ressources locales comme base d’une accumulation nationale à
travers l’expansion du secteur agricole. Il s'agit de promouvoir un développement économique
basé sur le marché intérieur du pays, en refusant la logique du libre-échange, considéré par de

MINEPAT 22
nombreux penseurs9 comme un vecteur de l'impérialisme capitaliste. Il se caractérise par
l’émergence d’un secteur industriel domestique constitué essentiellement d’entreprises
publiques et parapubliques, et de quelques acteurs locaux.

La stratégie d’industrialisation choisie ici est de type endogène structurée autour de la


stratégie d’industries industrialisantes (mise en œuvre en Inde ou en Algérie), qui repose sur les
analyses de la croissance déséquilibrée d’Albert Hirschman, selon laquelle, il faut privilégier
un secteur industriel qui lancera le processus d'industrialisation et emmènera avec lui les autres,
par des effets d'entraînement. L'industrie lourde est alors privilégiée par des investissements
publics massifs dans le cadre des plans quinquennaux. L’exemple empirique pour le cas du
Cameroun est l’expérience malheureuse de la CELLUCAM. Cette entreprise au coût
d’investissement s’élevant à 350 millions de dollars10, était supposée produire 120 000 tonnes
de pâte blanchie à papier par an, et entendait valoriser les ressources forestières. Présentée
ainsi, l’on voir clairement que la CELLUCAM a été construite comme une industrie en amont
qui devait permettre de dégager des gains de productivité dont bénéficieraient ensuite celles
situées en aval.

Pour ce qui est de l’approche extraverti camerounaise, elle a été suivie par une
spécialisation dans les produits primaires (matières premières tels que le pétrole, produits
agricoles comme le cacao, le café ou encore le coton).

Mais la réussite de cette stratégie hybride s'est avérée très aléatoire du fait de la volatilité
des cours mondiaux des produits primaires ainsi que le risque d'une spécialisation dans une
monoculture.

Par ailleurs, la stratégie autocentrée camerounaise va se solder globalement par un échec.


En effet, trois facteurs la handicapent fortement : 1) l'absence d'un marché intérieur important,
que ce soit par la taille ou bien la puissance économique du fait de l'extrême pauvreté ainsi que
de l'instabilité sociale héritée de la colonisation ; 2) la place centrale occupée par l'Etat empêche
la mise en place d'institutions marchandes permettant de valider ou de sanctionner les choix
industriels réalisés par l’Etat. De nombreux investissements vont ainsi se révéler être des gâchis
financiers importants ; 3) cette stratégie a entraîné paradoxalement une forte dépendance

9
Analyses néo-marxistes inspirées des écrits de Rosa Luxembourg, ou encore de l'échange inégal de Arghiri
Emmanuel.
10
Sylvie Brunel, « Les difficultés du Cameroun : fin d'un modèle ou crise de croissance ? », in L'information
géographique, volume 67, n°1, 2003. pp. 134-142. ; lire en ligne sur le site :
doi https://doi.org/10.3406/ingeo.2003.286 ou https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-
0093_2003_hos_67_1_2864, consulté le 19 septembre 2020

MINEPAT 23
extérieure du fait des technologies nécessaires à la mise en œuvre des projets industriels et des
produits agricoles que le système productif national a délaissés et qu'il faut donc importer. Cette
dépendance se caractérise par une balance courante de plus en plus déficitaire pour la plupart
de l’Etat, des dévaluations subies en réponse à la détérioration des termes de l’échange ainsi
qu'une crise de la dette dans les années 1980 et donc la nécessité de recourir à l'aide des
organismes internationaux de crédit, ce qui va inaugurer une nouvelle ère des stratégies de
développement.

B. LES PROGRAMMES D’AJUSTEMENT STRUCTUREL AU CAMEROUN

1. Fondements des Programmes d’ajustements structurel au Cameroun

L’origine des programmes d’ajustement structurel au Cameroun plonge ses racines


dans ce que Pierre Jacquemot et Marc Raffinot qualifient de : « faillite instrumentaliste de l’Etat
néo-patrimoniale africain »11. En effet, jusqu'en 1980, la tendance dominante en Afrique a été
celle d'un État « développeur » véritable démiurge du développement. Cette réalité traduit le
pragmatisme d’un dirigisme du « tout État » c’est-à-dire une politique interventionniste de
l’État, qui se dote de larges compétences réglementaires, économiques et sociales en vue
d’assurer une panoplie plus ou moins étendue de fonction sociale au bénéfice des citoyens telles
que l’éducation, la santé, la protection sociale, la recherche etc. Il faut dire pour les premiers
leaders politiques africains, les interventions de la puissance publique apparaissaient comme le
vecteur naturel du « décollage» économique. Conformément à l'idée du démiurge, l'État a
prétendu tout faire et faire la société en même temps qu'il se faisait lui-même. L'État a trop
grandi et trop vite. Inévitablement, l'État « baudruche» connaît une crise de croissance, c'est-à-
dire que, parvenu à un certain degré d'emprise, il ne peut plus faire face à ses responsabilités12

Sur le plan exogène, le contexte de la crise internationale des années 80, qui se traduit par
une fluctuation descendante de la valeur du dollar en 1986, conduit inexorablement à une
détérioration des termes d’échanges sur le marché international. Cette situation entraine une
tendance durable à la baisse des cours du sucre, du café, du tabac, du cuivre et fluctuations
erratiques des cours du coton, du cacao et de l'arachide. Une telle conjoncture allait avoir des
conséquences dévastatrices pour le pays qui se caractériseront par : la dégradation de la balance
de paiement, le déficit budgétaire récurrent, recul des importations et diminution des

11
Pierre Jacquemot Marc Raffinot, La nouvelle politique économique en Afrique, Paris, EDICEF, 1993, p. 15.
12
Ibid., p. 21.

MINEPAT 24
investissements étatiques. Ainsi, pour la seule année budgétaire 1986-87, les pertes enregistrées
au niveau des recettes d’exportation au Cameroun seront estimées à 525 milliards de F CFA13.

Sur le plan endogène, la crise économique que traverse le Cameroun s’explique


principalement par la déroute des systèmes de planification et les errements liés à la mauvaise
gouvernance de l’Etat néo-patrimoniale.

En effet, Après avoir connu l'euphorie des modèles de développement des années 60,
rythmé par la planification quinquennale, l’économie du Cameroun tombe brutalement dans
une tragique récession qui entraine le discrédit des plans quinquennaux.

Quant aux errements dans la gouvernance de l’Etat néo-patrimoniale, ils se caractérisent


d’une part par une corruption endémique foisonnante dans l’appareil administrative publique,
et d’autre part par une politique de gâchis. De nombreux investissements vont ainsi se révéler
être des gouffres financiers importants. Entre 1985/86 et 1992/93, les recettes de 1’Etat
diminuent de moitié, passant de 877 à 431 milliards de francs F CFA14. Tels déficits budgétaires
entrainent la formation d’une économie de crédit menaçant tout le système financier qui
provoque une crise de la dette vers la fin des années 1980. Face à une économie en pleine
agonie, le gouvernement n’aura guère le choix de recourir à l'aide des organismes
internationaux de crédit. Ce qui va inaugurer une nouvelle ère des stratégies de développement
incarné par les programmes d’ajustement structurel.

2. Analyse du modèle et de sa pertinence : Approche orthodoxe (néoliberal)

Les politiques d’ajustement structurel peuvent se définir comme l’ensemble des


programmes de réformes économiques conçues et mise œuvre par les instances financières
internationales de Bretton Woods (FMI et la Banque mondiale) afin de permettre aux pays en
voie de développements touchés par de grandes difficultés économiques de sortir de leur crise.
Les PAS sont adossés sur un modèle de développement néolibérale ou néoclassique qui prône
le « tout économie ». Ce modèle préconise :

- une limitation du rôle de l’Etat en matière économique, sociale et juridique ;


- l’ouverture de nouveaux domaines d’activités à la loi du marché ;
- La vision d’un capital humain qui parvient à développement et à faire fructifier
s’il sait s’adapter et innover.

13
Jean-Joël Aerts et al., L'économie camerounaise un espoir évanoui, Paris, Éditions Karthala, 2000, p. 48.
14
Jean-Joël Aerts et al., L'économie camerounaise un espoir évanoui, p. 51.

MINEPAT 25
À la fin des années 1970, le paradigme dominant est renversé, dans un contexte
d'endettement permanent des pays du Tiers-Monde. L'économie de marché, l'ouverture
économique et la discipline macroéconomique deviennent les principes dominants. L’idée de
base des PAS repose sur le « consensus de Washington », base sur le courant néoclassique lui-
même structuré par l’économiste américain Williamson. Dans l’esprit de ce dernier, seul le
marché constituerait le meilleur moyen de résoudre les problèmes économiques des pays tant
développés qu’en développement et qui, de ce fait, seront contraints de déréglementer à
l’intérieur afin de laisser faire l’initiative privée à la place de l’Etat et ouvrir largement leurs
portes à l’extérieur. Dans cette perspective néolibérale, l’économie doit devenir plus flexible et
plus compétitive de manière à pouvoir entretenir une croissance à long terme car le déficit
d'épargne est comblé par l'investissement extérieur et le commerce extérieur.

De manière opérationnelle, dix impératifs définissent une « bonne politique » selon les
PAS : 1. discipline budgétaire ; 2. réorientation des dépenses publiques vers la croissance ; 3.
réformes fiscales ; 4. libéralisation du taux d'intérêt ; 5. taux de change compétitif ; 6.
libéralisation commerciale ; 7. attraction des IDE ; 8. privatisation des entreprises publiques ;
9. déréglementation ; 10. droit de propriété, fondés sur le monétarisme et la nouvelle économie
classique, ces principes donnent lieu aux politiques de stabilisation et d'ajustement structurel.

Qualifiés de « thérapie de choc » par Joseph Stiglitz, ces plans mis en œuvre dans de
nombreux pays en développement durant les années 1980 sont pour la majorité des échecs. En
effet, leur brutalité provoque la déstabilisation des économies via l'hyperinflation ou
l'appauvrissement d'une part importante de la population qui souffre du retrait de l'Etat au profit
de la régulation marchande.

Face à la dégradation des conditions de vies des populations, on relève un retour sur les
préoccupations sociales, notamment avec une nouvelle politique des dépenses accordant la
priorité aux secteurs Éducation, Santé, Développement rural, infrastructure de base, et la mise
en œuvre d’un plan d’action visant l’amélioration de la dépense publique. C’est l’ère de
l’opérationnalisation de l’Initiative en faveur des Pays pauvres et très endettés (PPTE) pour la
lutte contre la pauvreté, dont la stratégie se décline dans le Document Stratégique de Réduction
de la Pauvreté (DSRP).

MINEPAT 26
C. Le DRSP

1. Le DSRP : esquisse de définition et genèse

Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté, en abrégé DSRP, est le document


dans lequel sont formulés les objectifs et les stratégies de réduction de la pauvreté et la
croissance des pays engagés dans l'Initiative PPTE. Mieux, il est le nouveau cadre contractuel
de partenariat entre les institutions de Bretton Woods et les pays pauvres très endettés. Le DSRP
présentait la vision et les actions prioritaires du gouvernement pour lutter contre la pauvreté
dans l’optique des Objectifs de développement du millénaire (ODM) fixés pour 2015.

Le DSRP se caractérise par la recherche de la compatibilité des politiques


macroéconomiques, structurelles et sociales d'un pays avec la poursuite des objectifs de
réduction de la pauvreté et de développement social. Il sert de base à la formulation des
opérations de prêts de la Banque mondiale et du FMI, et constitue un cadre pour assurer la
cohérence de tous les programmes appuyés par la Facilité de Réduction de la Pauvreté et de la
Croissance ou par la Banque mondiale.

Schématiquement, la structure-type du DSRP comporte cinq points à élucider : une revue


des politiques économiques (contexte économique et social ; rappel des politiques passées et en
cours) ; la description du processus participatif ; les objectifs et les axes stratégiques de
réduction de la pauvreté et la croissance ; l'évaluation des coûts et l'allocation des ressources ;
le suivi-évaluation. Dès cet instant, l’on est en droit de se poser la question de savoir : comment
sommes-nous arrivé à ce document ?

Le DSRP est né dans le cadre de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE, HIPC
Heavily Indebted Poor Countries en anglais). En effet, l’Initiative PPTE est une initiative qui
vise à assister les pays les plus pauvres du monde en rendant leurs dettes internationales
« soutenables ». Au cours de la seconde moitié de la dernière décennie, les Institutions
financières sont préoccupées de préparer la suite de l'ajustement structurel. Il est question de
préparer à la fois un nouveau cadre conceptuel de développement et un nouvel outil financier.

Le Comprehensive Development Framework (CDF) est le vaste plan de développement


multi-acteurs conçu et présenté sous forme de matrice. Promu par le Président Wolfensohn lui-
même et officialisé en juillet 1999, il s'impose pendant une courte période comme le nouvel

MINEPAT 27
instrument de travail de la Banque mondiale avec les pays pauvres. Le CDF s'attaque
principalement à deux faiblesses des précédents programmes d'ajustement :

- il a une vocation globale permettant de traiter tous les secteurs et non pas de se cantonner
aux réformes de type macroéconomique ;
- il est destiné, de par son champ étendu et son caractère multi-acteurs, à devenir
l'instrument de coordination entre les bailleurs de fonds par excellence, et plus
généralement entre tous les acteurs (gouvernement, société civile, secteur privé,
partenaires financiers).15

Presque dans le même temps que se développe le CDF, les services de la Banque
mondiale développement et présentent également en septembre 1999, l'idée d'un cadre
stratégique de partenariat centré sur la lutte contre la pauvreté. C'est finalement cet instrument,
le DSRP, à la fois plus opérationnel et plus « moderne », qui est retenu comme suite à
l'ajustement structurel. Et c'est ainsi que le DSRP s'est imposé comme base de tous les accords
au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC).

2. le modèle et sa pertinence : Approche hétérodoxe

En déclinant une stratégie de lutte contre la pauvreté, le DSRP renferme en lui les rouages
des principaux modèles de développement des années 90 : la théorie néostructuraliste du
développement et les théories de l’école anglo-saxonne de l’institutionnalisme qui reposent sur
le concept de la bonne gouvernance institutionnelle comme facteur stimulant l’expansion de la
croissance.

Le penchant néostructuraliste et institutionnaliste du DSRP est perceptible dans les


objectifs qui animent ces réformes notamment : de réduire sensiblement la pauvreté au moyen
d’une croissance économique forte et durable, d’une meilleure efficience des dépenses, des
politiques de réduction de la pauvreté convenablement ciblées.

En effet, le modèle néostructuraliste part du constat que l’approche macroéconomique


très monétaire du libéralisme « pur » ou néolibérale, fondé sur le fait que l’offre n’est pas de
nature à favoriser la redistribution des richesses et réduire efficacement les inégalités entre les
couches sociales. Dans le souci de privilégier le développement de l’être humain et la justice

15
Sosthène Hervé Mouafo Ngatom, « L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun: une analyse
sociologique » Université de Yaoundé I, DEA en sociologie, 2007, p. 32.

MINEPAT 28
sociale, il est nécessaire d’empêcher la pauvreté d’apparaître en donnant les moyens à chaque
individu de pouvoir s’adapter en permanence aux aléas du libéralisme, grâce à :

- un système éducatif et de formation efficace qui permet une meilleure insertion


socioprofessionnelle;
- un système de santé ouvert et accessible à tous ;
- le développement et l’accès aux infrastructures sociaux de bases telles que : l’énergie
électrique, l’eau potable,... qui améliorent le quotidien des populations.

Ces mécanismes de régulation économique sont des leviers qui permettent de construire
un « capital social » (capital humain) capable de porter une croissance forte, inclusive et
durable. C’est pourquoi, pour le DSRP, lutte contre la pauvreté c’est : « mettre en place les
conditions d’une croissance économique soutenue et d’un redressement tangible du niveau de
vie des populations » 16autrement-dit promouvoir le développement.

Pour ce qui est du modèle institutionnaliste que renferme le DSRP, il met l'accent sur
l'environnement institutionnel et le renforcement de la gouvernance. D’après cette approche,
l’environnement institutionnel et la stabilité politique sont des vecteurs favorisant le processus
de développement car la croissance est compatible avec des politiques volontaristes combinées
avec le marché.

Les modèles des Nouveaux Pays Industrialisé des années 1970 et ceux des pays
émergents des années 1980, l’illustre parfaitement. La « bonne gouvernance » dans ces entités
étatiques qui a souvent pris la forme d’un « alignement des procédures à la vision », permet de
rassurer les investisseurs ou d’assurer une allocation efficace des ressources productives.

Cet exposé permet de comprendre les mobiles pour lesquels le DSRP prévoit de mettre
un accent sur l’amélioration du cadre institutionnel, de la gestion administrative et de la
gouvernance, dans lequel le gouvernement s’engage améliorer la gestion des affaires publiques
et à poursuivre les efforts pour éradiquer le phénomène de corruption.

Cependant, ce modèle n’était pas de nature à modifier la structure de l’économie


camerounaise car il semble avoir négligé l’apport des facteurs de production, pourtant
indispensable dans la consolidation d’un capital social fort. En effet, dans un environnement où
les habitudes de consommation sont essentiellement extraverties, une des faiblesses majeures
du DSRP reste de n’avoir pas pensé à l’expansion des structures de productions locales capables

16
MINEPAT, « Document de stratégie de réduction de la pauvreté », Avril 2003, p. II.

MINEPAT 29
d’absorber la demande nationale. Ainsi, le DSRP a certes compris l’importance d’éradiquer la
pauvreté, mais n’a pas mise en place un cadre favorable permettant d’encourager la
compétitivité des produits locaux sur le marché national qu’international. Pour finir, il faut noter
que le Cameroun ne disposait pas des mécanismes institutionnels suffisamment contraignants
pour implémenter effacement les reformes de bonne gouvernance.

D. Le DSCE

Face aux résultats mitigés du DSRP, le pays envisagera sérieusement de transcender son
statut de pays moins avancé pour devenir un pays émergent à l’horizon 2035, c’est-à-dire un
pays « performeur » adossé sur une croissance expansionniste portée par des structures de
transformation dans le label s’intègre au marché international.

Ainsi pour donc parvenir à ce but, le Cameroun a adopté en 2009 la Vision


développement à l’horizon 2035 qui ambitionne de faire du Cameroun « Un pays émergent,
démocratique et uni dans sa diversité ». La première phase de mise en œuvre de cette vision de
développement à long terme a été opérationnalisée par le Document de Stratégie pour la
Croissance et l’Emploi (DSCE) qui a constitué le cadre global de référence des actions du
Gouvernement et des partenaires au développement pour la période 2010-2019.

1. Les objectifs
Le DSCE qui va couvrir les dix premières années de la vision à long terme sera centré
sur l’accélération de la croissance, la création d’emplois formels et la réduction de la pauvreté.
Il vise en conséquence :

- porter la croissance à 5,5% en moyenne annuelle dans la période 2010-2020 ;


- ramener le sous-emploi de 75,8% à moins de 50% en 2020 avec la création de dizaines de
milliers d’emplois formels par an dans les dix prochaines années ;
- ramener le taux de pauvreté monétaire de 39,9% en 2007 à 28,7% en 2020

MINEPAT 30
2. Identification et Pertinence du modèle : Approche orthodoxe (keynésien)

Il convient de rappeler que le DSCE est la première phase de mise en œuvre de la vision
2035 dont le but ultime est d’accélérer croissance économique du Cameroun. Le schéma ci-
dessous donne une vue synoptique du modèle de développement sur lequel se base le DSCE.
Figure 1 : Modèle de développement du DSCE

Source : Auteurs
Au regard du schéma ci-dessus il s’agit d’un modèle essentiellement basé sur le capital
physique à travers la réalisation des grands projets infrastructurels qui doivent constituer un
socle solide pour l’attraction des investissements tant intérieurs qu’extérieurs.

Concrètement cette grosse formation brute de capital fixe à travers la réalisation de ces
projets infrastructurels doit stimuler l’investissement privé car en effet le secteur privé doit
pouvoir être dans un cadre incitatif vu les infrastructures (routes, port, barrages, …) déjà mis
sur pied.

Une fois le secteur privé incité à l’investissement, la relance de l’activité économique


doit suivre, il s’agit de la relance par l’investissement (PIB=C+I+X-M). La croissance
économique en hausse s’accompagne dès lors de la création d’emplois car l’augmentation de la
richesse nationale fait en sorte qu’au niveau du marché de l’emploi, l’offre pourra satisfaire la
demande. Ceci s’explique par le fait que la relance économique entraine des flux

MINEPAT 31
supplémentaires sur la consommation future des ménages (processus de redistribution), par la
suite la demande potentielle sera en hausse.

En réponse à cette augmentation de la demande potentielle, les entreprises auront


besoin de la main d’œuvre pour capter cette demande potentielle croissante. La création
d’emploi va induire une augmentation du revenu des ménages et de surcroit une hausse de la
demande effective et la boucle se referme. Cette boucle se répète tel que le présente la figure,
ceci à moyen terme pour chuter à long terme l’objectif ultime qui est l’accélération de la
croissance et la réduction de la pauvreté, ce modèle se veut donc être un type keynésien de part
de sa morphologie et ses caractéristiques.

Dès lors ce modèle de développement fondé sur le capital physique à travers la


réalisation des grands projets structurants était la volonté manifeste de l’Etat d’inciter à
l’investissement privé. Cependant cette orientation essentiellement tournée vers ces gros projets
présentait des risques de ne pas pouvoir atteindre totalement l’objectif escompté, remettant ainsi
en cause sa pertinence. En effet le capital physique largement favorisé au détriment du capital
humain fait en sorte que les problèmes d’emploi sont très récurrents, en outre :

✓ Pour la réalisation des grands projets, le pays a dû recourir à la technologie et la main


d’œuvre extérieure sans un mécanisme de transfert de technologie et avec une faible
implication des PME locales, du coup le secteur privé a eu une faible capacité à générer
les emplois pour absorber une main d’œuvre locale sous-employée.

✓ De plus, la réalisation de ces infrastructures devant permettre au secteur privé de se


déployer a pris beaucoup de retard à cause, notamment, des problèmes de maturation de
projets et de coordination des interventions.

Ces projets structurants n’ont pas suffisamment catalysé les investissements privés
compromettant de ce fait l’un des principaux objectifs du DSCE qui était de faire du secteur
privé le moteur de la croissance économique, ayant la capacité à générer les emplois pour
absorber une main d’œuvre locale sous-employée. Du coup, la courroie de transmission qui
devait permettre de réduire le chômage (notamment des jeunes) et augmenter les revenus des
ménages a été rompue.

MINEPAT 32
Dans le même sillage, ces infrastructures une fois réalisés ne peuvent pas permettre une
réaction immédiate du secteur privé. En effet un autre facteur à prendre en compte dans
l’attraction des investissements privés est la demande tant intérieure qu’extérieure. Ces projets
infrastructurels incitent le privé en ce sens qu’ils agissent sur la production, car ils contribuent
à la hausse de production des biens et services dans le secteur privé (car il y a une baisse des
couts de production). Mais si la demande ne suit pas l’offre proposée, les entreprises feront à
face des exercices déficitaires.

E. Stratégie Nationale de Développement du Cameroun : 2020-2030

1. Contexte et enjeux de la SND 30

Afin de conduire son développement de manière rationnelle et méthodique, et surtout


en cohérence avec ces objectifs d’émergence, le gouvernement camerounais décide de se doter
d’un nouveau cadre de planification décennal, qui incarne la phase II de la vision de
développement à long terme codifié dans « la vision 2035 » donc l’objectif est : « Devenir un
pays à revenu intermédiaire » avec un PIB/ habitant qui atteint les 1,8 million de F CFA.
Rappelons que les réflexions qui entourent le SND se déroulent dans un environnement national
inédit pour le Cameroun.

Dans un contexte national marqué par les assisses du « Grand Dialogue National »
convoquée le président de la République Paul Biya, pour examiner les voies et moyens de
répondre aux aspirations profondes des populations et renforcer l’unité nationale du pays, il faut
dire depuis quelques années, le Cameroun fait face des défis multiples notamment la persistance
des attaques du groupe terroriste « Boko haram » dans l’extrême Nord du pays, le conflit
irrédentiste et sécessionnistes dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la
résurgence du terrorisme des coupeurs de route dans la Adamaoua, et les assauts des groupes
armées centrafricaines dans la région de l’Est. En outre, l’on relève des vives tensions dans le
paysage politique du pays aminées par une opposition virulente.

Sur le plan international, les enjeux sont tout aussi importants. En effet, au lendemain de
la conférence de Paris sur le climat (la Cop 21), le débat sur le développement durable et la
préservation de l’environnement domine plus que jamais les discours sur le développement au
sein de la communauté internationale. Dans ce sillage, le Cameroun, comme bien d’autres pays,

MINEPAT 33
a signé les ODD (Objectifs du Développement Durable) en 2015 et s’est engagé à promouvoir
les conditions d’un développement responsable.

2. Formulation de la SND 30

Forte de ces atouts (une population jeune et dynamique, capable d’absorber avec grande
facilité des nouvelles technologies de l’information et de la communication pour générer une
croissance économique durable, une structure physique idéale avec d’énormes potentialités
naturelles et un positionnement stratégique dans le golfe de guinée), le Cameroun a décidé de
mettre sur pied une nouveau cadre intégré de développement qui s’articule autour d’un
ensemble de stratégies macroéconomiques et sectorielles visant à accélérer la croissance et
acheminer le Cameroun vers la réalisation des ODD. Ainsi, la SND 30 s’organise en quatre (04)
piliers : la transformation structurelle de l’économie ; le développement du capital humain ; la
promotion de l’emploi et l’insertion économique ; la gouvernance et la gestion stratégique de
l’Etat.

En ce qui concerne le premier pilier, elle propose la transformation structurelle de


l’économie camerounaise en opérant des changements fondamentaux dans les structures
économiques et sociales, afin de favoriser un développement plus inclusif. Pour y parvenir, la
proposition fait est : l’accélération de l’industrialisation, l’objectif principal vers lequel les
efforts doivent être concentrés.

Le deuxième pilier traite du développement du capital humain qui constitue un facteur


clé au développement économique et en particulier à l’industrialisation d’un pays. En effet, il
est indispensable pour le secteur industriel de disposer d’une main d’œuvre suffisante et de
bonne qualité. Pour ce faire, il est nécessaire de mettre en place des politiques de santé,
d’éducation et de protection sociale qui devraient permettre le développement d’un capital
humain sain et productif.

Le troisième pilier est relatif à la promotion de l’emploi et l’insertion économique. Les


orientations stratégiques de l’emploi ont été établies dans le document de la Politique Nationale
de l’Emploi (PNE) adoptée en 2017 dont l’objectif global est de promouvoir le plein emploi
décent au Cameroun, à travers l’élargissement et la valorisation des opportunités de création
d’emplois dans l’économie. Relativement à ce pilier, il s’agira d’améliorer l’efficacité et

MINEPAT 34
l’efficience de nos mécanismes de soutien à l’installation des jeunes, pour les rendre plus
cohérents et moins dispersés.

Le quatrième pilier et le dernier, est relatif à la gouvernance et la gestion stratégique de


l’Etat. Il traite de l’Etat de droit, de la protection des droits humains, de l’accélération de la
décentralisation et du développement local, du système judiciaire, du maintien de l’ordre et de
la sécurité, et du rôle de l’Etat dans l’économie. Ce pilier inclut également les questions liées
au multiculturalisme et au bilinguisme qui sont au centre de la troisième dimension de « la
Vision 2035 », à savoir « l’unité dans la diversité ». En effet, la gouvernance occupe une place
de choix dans la stratégie de développement, en tant que composante indispensable du
processus d’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Ainsi, ce pilier est articulé autour de la
gouvernance politique et institutionnelle, de la gouvernance administrative, de la gouvernance
économique et financière, de la gouvernance territoriale, et de la gouvernance sociale et
culturelle.

F. Essai d’un modèle pertinent adossé à la SND 30

1. Orientations stratégiques

- Mix entre import/substitution et promotion des exportations

Adoption d’une politique de substitution des importations et celle de promotion des


exportations en s’appuyant sur les avantages comparatifs de l’économie nationale. Canalisation
des moyens vers des solutions sectorielles et industrielles développées localement pour induire
une dynamique d’auto-renforcement de la croissance à long terme.

- Etat stratège et pragmatique

Mise en place les facilités pour l’émergence du secteur privé comme principal moteur de la
croissance économique et la réalisation des interventions ciblées dans des secteurs hautement
stratégiques, via le levier de la commande publique et l’accompagnement des champions
nationaux.

- Articulation entre planification indicative et planification impérative

Combinaison entre le format assez contraignant de la planification quinquennale et celui


indicatif de la planification stratégique.

MINEPAT 35
2. Identification du modèle : Mix approche orthodoxe et hétérodoxe

Au regard des orientations faites dans la nouvelle soutenues les piliers présentés en
amont, on se retrouve dans une approche hybride (développement autocentré et extravertie).

Le coté hétérodoxe basée essentiellement sur le néostructuralisme accompagné d’une


bonne dose institutionnaliste et environnementaliste, en effet on y retrouve encore le
protectionnisme éducateur de l’industrialisation par substitution des importations
(développement autocentré) prônée dans les plans quinquennaux avec un état volontariste
mettant en œuvre les conditions pour le renforcement du capital humain et la bonne
gouvernance, mais on y retrouve y retrouve les principes de l’écodéveloppement assis une
croissance socialement équitable, environnementalement prudente et économiquement viable.

Le coté orthodoxe se base sur le courant classique du commerce international à travers


l’industrialisation par la promotion des exportations (développement extraverti).

On revient à peu près au modèle proposé par les plans quinquennaux cependant avec un
séquençage plutôt différent. En effet dans le modèle des plans quinquennaux, on avait plutôt
dans un premier temps plus du développement extraverti (exportations primaires) et dans un
deuxième temps plus du développement autocentrée (substitution des importations).
L’approche de la SND 30 est tout à l’inverse, le développement autocentré au début de la mise
en œuvre suivi du développement extraverti (exportations manufacturières).

Toutefois, précisons que la finalité de la SND 30, devrait faire de la politique de la


promotion des exportations le pilier central de la stratégie d’industrialisation. Une telle
démarche s’inscrit clairement en droite ligne de l’objectif quatre transcris dans « la vision
2035 » dont l’ambition est d’« Atteindre le stade de nouveau pays industrialisé ». Ce qui
suppose l’intégration plus dense des différentes branches d’activités, accroitre sensiblement le
poids des produits issus de l’industrie manufacturières dans les exportations, développer les
services notamment les services financiers capables de mobiliser les ressources financières
nécessaires pour accroitre la demande. Mais la promotion des exportations nécessite un bon
dosage de protectionnisme à travers la substitution des importations, l’idée est qu’il faut
absolument être compétitif tout en protégeant les entreprises locales dans un premier temps.

C’est ce dosage que les pays d’Asie du Sud-Est tel que les NPI ont entrepris pour bien
s’insérer dans les chaines de valeur mondiale et être émergents.

MINEPAT 36
3. Formulation du mécanisme

La typologie du modèle clairement identifié, nous pouvons proposer d’illustrer le


mécanisme en prenant en compte les ponts déclencheurs de cette approche hybride.

Pour rappel, un point commun à noter concernant la substitution des importations ainsi
que la promotion des exportations est la remontée des filières, ces deux principes supposent une
remontée des filières de l’aval vers l’amont dans les chaines de valeur suivant l’ordre
technologie suivant :

Les biens sans technologie (matières premières) ;


Les biens de basse de technologie (biens de consommation de masse) ;
Les biens de moyenne technologie (biens intermédiaires) ;
Les biens de haute technologie (biens d’équipement)

Sur la base des faits historique, 6 points déclencheurs sont à prendre en compte :

- Demande intérieure forte ;


- Politiques en soutien à l’offre local dans le processus de transformation structurelle (infrastructures,
crédit, concurrence, droits des affaires, progrès technique, investissements directs étrangers,
formation professionnelle…) ;
- Renforcement du capital humain ;
- Forte compétitivité ;
- Bonne gouvernance ;
- Protection de l’environnement ;

Les 04 premiers points permettront d’agir sur l’offre et la demande des biens et services
(de plus en plus sophistiqués), soit un marché équilibré, les 02 derniers points étant transversaux
permettant d’assurer un bon équilibre sur ce marché.

MINEPAT 37
Figure 2 : Schéma simplifié

Source : Auteurs

Au regard de schéma, les 04 piliers de la stratégie sont parfaitement représentés. Par


ailleurs La SND 30 à travers ses 15 plans (plan STEM, plan Energie, Plan CSU...) sont en phase
avec ces points déclencheurs, il représente le schéma d’une croissance équilibrée (Nurske,
Rosenstein-Rodan) caractérisée par un développement endogène, inclusif et auto-entretenu.
Toutefois, il convient d’ajouter les agents économiques pour une meilleure interprétation, c’est-
à-dire dépasser le cadre du marché des biens et services.

MINEPAT 38
Figure 3 : Schéma macroéconomique

Source : Auteurs

Le schéma ci-dessous représente le schéma d’un circuit économique d’une petite


économie ouverte comme celle du Cameroun avec la présentation de 04 grands agents
institutionnels ainsi que la présentation des grandes variables économiques.

Les agents institutionnels sont :

✓ Les Ménages ;
✓ Les sociétés (financières et non financières) ;
✓ APU (administrations publiques) ;
✓ Reste du monde.

MINEPAT 39
Les variables économiques du modèle sont : (i) la consommation privée, (ii)
l’investissement privé, (iii) les dépenses publiques, (iv) la consommation intermédiaire, (v) les
exportations, (vi) les importations, (vii) les transferts nets entre l’APU et les agents
institutionnels résidents, (viii) les emprunts nets des agents institutionnels auprès du marché
financier (capacité ou besoin de financement).

Par la suite, nous définissons les étapes leviers à travers les points déclencheurs
identifiés plus haut :

a) Biens et services de basse technologie


1- Demande intérieure forte
✓ Commande publique orientée vers la production locale des biens et services de
basse technologie ;
✓ Politique de protectionnisme éducateur orienté à travers la réduction progressive
des importations de biens et services de basse technologie ;
✓ Formation professionnelle et progrès technique orienté à la fabrication des biens
et service de basse technologie destinés au marché intérieur ;

En accroissant les dépenses publiques et en réduisant les importations des biens et


service de basse technologie, l’offre locale en bénéficie si les couts de production
n’augmentent pas notamment les biens intermédiaires (Ci) et les biens d’équipement (Ip),
d’où la mise en place d’un plan de soutien de l’offre local.

2- Plan de soutien à l’offre local


✓ Développement financier (IDE, Project finance, financement monétaire, fonds
de la diaspora …) en vue du financement des biens d’équipement
(Infrastructures, Energie, …) ;
✓ Politiques de subvention à la production ;
✓ Développement du secteur rural (accès facile au foncier, ...) ;
✓ Formation professionnelle et progrès technique orienté vers la fabrication des
biens intermédiaires entrant dans la fabrication des biens de basse technologie.

Pour la formation professionnelle, on peut former une partie de la main d’œuvre déjà
disponible dans secteur primaire.

MINEPAT 40
Cette politique de soutien à l’offre local vise à réduire les couts de production, par la
suite l’offre local (P) s’accroit. Ainsi avec l’accroissement de l’offre local, la taxe fiscale des
entreprises destinée à l’Etat augmente également ainsi que leur épargne.

3- Renforcement du capital humain


L’essentiel des actions dans ce champ provient de l’Etat qui mène prioritairement :
✓ Les politiques sociales bien ciblées (éducation, santé, protection sociale, nutrition)
✓ Les politiques de subventions à la consommation ;

Avec l’accroissement de l’offre local (P), le revenu des facteurs des ménages augmente,
par ailleurs elle s’accompagne d’une politique de redistribution de l’Etat plus équitable, on
renforce ainsi le capital humain, ce qui a une incidence positive sur le revenu global des
ménages par ricochet sur la consommation privée (Cp) et leur épargne.

Le renforcement du capital humain soutien la demande intérieure ainsi que l’offre local.
En résultante de la hausse de l’épargne des agents résidents, il s’en suit l’amélioration de la
capacité de financement des agents résidents qui deviennent de moins en moins dépendants
financièrement de l’extérieur, ceci compense le financement extérieur des biens d’équipement.

4- Forte compétitivité

Jusque-là nous sommes dans un développement autocentré accès sur l’offre locale en
réaction au développement du marché intérieur, cependant les exportations sont très
importantes dans ce processus surtout si nous voulons faire la transition vers la fabrication des
biens et services de plus en plus sophistiqués. En effet pour la transition vers les produits de
moyenne technologie, il faudra importer de plus en plus les intrants (donc la consommation
intermédiaire), pour compenser cela, il faudra être compétitif sur le marché international des
biens et services de basse technologie pour faire rentrer les devises.

Pour cela, les actions doivent concerner les points suivants :

✓ Politique monétaire (pour agir sur les prix à l’exportation de ces biens) ;
✓ Formation professionnelle et progrès technique orienté à la fabrication des biens et
service de basse technologie destiné à l’exportation en vue de respecter les normes
extérieures ;
✓ Intégration régionale.

MINEPAT 41
✓ Relâchement progressif du protectionnisme éducateur en faveur de la concurrence
contrôlée donc l’Etat intervient de moins en moins sur le marché des biens et
services de basse technologie afin qu’ils soient concurrentiels ;

Ces actions ont pour but d’accroitre les exportations (X) permettant d’avoir les devises
nécessaires pour l’achat des intrants dont le pays ne dispose pas pour la fabrication des biens et
service de moyenne technologie.

b) Transition 1 : des biens et services de basse technologie aux biens de services de


moyenne technologie

Tout comme la procédure des biens et services de basse technologie, on reprend la


même boucle.

c) Transition 2 : des biens et services de moyenne technologie aux biens de services


de haute technologie (Idem)

On procède alors à la remontée des filières d’importation et d’exportation tel que le


prévoit l’approche hybride de la SND 30, bien évidemment la clé essentielle durant toutes ces
phases de transition repose sur 02 éléments transversaux que sont :

✓ Bonne gouvernance à travers le renforcement de l’état des droits et la sécurité


des personnes et des biens, l’amélioration du service public de l’Etat, la
gouvernance économique et financière ;
✓ La protection de l’environnement (développement durable) à travers la gestion
durable des ressources naturelles et l’adaptation aux changements climatiques.

MINEPAT 42
CONCLUSION

Après le relâchement de la contrainte extérieure à la suite de l’Initiative PPTE, le


gouvernement camerounais, qui décide de promouvoir le développement économique et social
de la nation, adopte en 2009, la Vision développement à l’horizon 2035 qui ambitionne de faire
du Cameroun « Un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité ». La première phase
de mise en œuvre de cette vision de développement à long terme a été opérationnalisée par le
Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE) qui a constitué le cadre global
de référence des actions du Gouvernement et des partenaires au développement pour la période
2010-2019. La deuxième phase, qui s’appuie sur le bilan de la mise en œuvre du DSCE et des
objectifs globaux de la vision pour la période 2020-20230, entend donc permettre au pays de se
rapprocher au maximum des cibles visées pour l’atteinte de l’émergence.

C’est dans ce cadre que s’inscrit ce présent travail qui s’interroge sur la pertinence des
modèles de développement du Cameroun adoptés depuis le temps des plans quinquennaux
jusqu’à la SND 30, et offre une vue perspective en termes d’amélioration du modèle
développement déjà proposé par la nouvelle stratégie.

Ainsi en termes de résultat, l’on retiendra que la SND 30 propose une approche hybride entre
développement autocentré et extravertie. Toutefois, il est important de préciser que la politique
de la promotion des exportations par la remontée des filières doit être l’axe central de la stratégie
d’industrialisation pour un Cameroun comme l’a fait les pays émergents d’Asie du Sud-Est.
Cependant cette promotion des exportations doit être accompagné par un bon dosage de
substitution des importations pour protéger les entreprises locales.

Ainsi, la formulation mécanique de cette stratégie repose sur six (06) points déclencheurs :

- Demande intérieure forte ;


- Politiques en soutien à l’offre local dans le processus de transformation structurelle (infrastructures,
crédit, concurrence, droits des affaires, progrès technique, investissements directs étrangers,
formation professionnelle…) ;
- Renforcement du capital humain ;
- Forte compétitivité ;
- Bonne gouvernance ;
- Protection de l’environnement.

MINEPAT 43
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1. ABENA ETOUNDI m.j., « planification économique au cameroun : aperçu historique (1960-


2000) », thèse de doctorat/ph.d en histoire, université de yaoundé i, 2008
2. AERTS. J-j. Et al., l'économie camerounaise un espoir évanoui, paris, éditions karthala, 2000.
3. AMIN S. 1973. Le développement inégal. Essai sur les formations sociales du capitalisme
périphérique. Paris : éditions de minuit 365 p

4. AMOUGOU. G., esquisse d’histoire des politiques de développement au cameroun : un regard


contextuel, fondation nationale suisse pour la recherche scientifique (fnsrs),
5. BRUNEL, S., « les difficultés du cameroun : fin d'un modèle ou crise de croissance ? », in
l'information géographique, volume 67, n°1, p. 134-142; doi : 10.3406/ingeo.2003.2864, 2003.
6. CHAPONNIÈRE. J-r et LAUTIER. R., les économies émergentes d’asie : entre etat et
marché, paris, armand colin, 2014.
7. COASE, R. H., 1984, the new institutional economics, journal of institutional and theoretical
economics, vol. 140, n° 1, p. 229-231.
8. DESSOUANE. P et VERRE. P., « cameroun : du développement autocentré au national-
libéralisme » in la politique africaine le réveil du cameroun.
9. DURANG. X., « sortir du salariat et réapprendre à vivre “petit’’ » in le désarroi camerounais :
l’épreuve de l’économie-monde, paris, karthala, 2000
10. EBALÉ. R., « vingt ans d’ajustement structurel au cameroun (1986-2006) », in abwa daniel et
al., regards croisés sur les cinquantenaires du cameroun indépendant et réunifié, paris,
l’harmattan, 2012.
11. EHRHARAT, C., 2004. La relation entre l’etat et le marché dans le développement
économique : l’expérience latino-américaine. In berthomieu,c. Et al. (dir.) La restauration du
rôle de l’etat dans la croissance et le développement économiques. Paris : editions publisud,
2004.
12. EMMANUEL A. 1972. Unequal exchange. A study of the imperialism of trade. New york:
monthly review press, 453 p.
13. FAO 1990. Effets des programmes de stabilisation et d’ajustement structurel sur la sécurité
alimentaire. Etude fao, développement économique et social. Rome,1990.
14. FRANK A. G, 1969. “from the 'development of underdevelopment' to the 'world system'”
monthly review press, new york and london.

MINEPAT 44
15. FURTADO C. 1964. Development and underdevelopement. Berkeley: university of california
press. 181 p
16. HIRSCHMANN, a.o. ( 1986). Grandeur et décadence de l’économie du développement. In
economie politique. Paris : puf

17. IKONICOFF. M., « théorie et stratégie du développement : le rôle de l'état ». In: tiers-monde,
tome 24, n°93, 1983.
18. JACQUEMOT. P ET RAFFINOT. M., la nouvelle politique économique en afrique, paris,
edicef, 1993.
19. LEWIS, W. A, 1963. La théorie de la croissance économique. Paris : edition payot, 1963

20. MAMA. T., l’économie camerounaise à l’épreuve de l’émergence, yaoundé, afrédit, 2018
21. MAMA. T., l’économie camerounaise, pour un nouveau départ, yaoundé, afrédit, 2008.
22. MANKIW. G. N. ET MARK P. T., les principes de l’économie, bruxelles, beboeck 3e
édition, 2013.
23. MINEPAT, Document de la Stratégie Nationale de Développement 30 (SND 30), 2020.
24. MINEPAT, Document Stratégique pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), 2009.
25. MINEPAT, Document Stratégique pour la Reduction de la Pauvreté (DSRP), 2003.
26. MINEPAT, Revue des politiques publiques sous l’ère du DSCE, 2018.
27. MOUAFO NGATOM S.H., « l'initiative ppte et la lutte contre la pauvreté au cameroun: une
analyse sociologique » université de yaoundé i, dea en sociologie, 2007

28. MYRDALG., 1957,economic theory and under-developed regions,duckworth.


29. NORTH, D, 1997. The new institutional economics and third world development. In hariss, j.,
hunter, j., lewis, c. (edit.) The new institutional economics and third world development.
London and new york : edition routledge.
30. NURKSE, R, 1953, problems of capital formation in underdeveloped countries. Oxford, basil
blackwell
31. PERROUX., 1959, les pôles de développement et le développement
intérieur : la coexistence pacifque, pug.
32. PREBISCH, R. 1950. The economic development of latin america and its principal problems.
New york : lake success, united nations department of economic affairs, 59 p.
33. ROSENSTEIN-RODAN, p. (1943), “problems of industrialization of eastern and south-eastern
europe”, economic journal, 53, p. 202-11.
34. ROSTOW, W. 1960. The process of economic growth. 2e ed. Oxford: clarendon press. 372 p.

MINEPAT 45
35. SACHS, I. 1980. Stratégies de l’écodéveloppement, paris : les éditions ouvrières, 137 p.
36. SACHS, J. et WARNER, a. 2001. “ natural resources and economic development: the curse
of natural resources ”. European economic review; no 45, pp. 827-838.

37. SCHOUAME. A. M., politiques d’ajustement structurel : nécessité d’un recentrage, thèse de
doctorat 3e cycle option analyse et politique économique, faculté des sciences économiques et
gestion, université de yaoundé ii, avril 1994
38. SILEM. A., et al., lexique d’économie, paris, dolloz, 1989.

39. SOLOW, R. 1974. “intergenerational equity and exhaustible resources ”, review of economics
studies, special issue “symposium on the economics of exhaustible resources” vol 41, pp. 29-
45.

40. THIEBAULT. J-l., « comment les pays émergents se sont-ils développés économiquement ?
La perspective de l'économie politique », revue internationale de politique comparée, vol. 18,
2011.
41. TOYE, J, 1997: the new institutional economics and its implications for development theory.
In hariss, j., hunter, j., lewis, c. (edit.) The new institutional economics and third world
development. London and new york : edition routledge.
42. WILLIAMSON O. E., 1994, les institutions de l’économie, intereditions.

43. YERGIN. D et STAINISLAW. J., la grande bataille, les marchés à l’assaut du pouvoir, paris,
nouveaux horizons, 2000.

MINEPAT 46

Vous aimerez peut-être aussi