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MARKETING ET CINÉMA

13Pareilles restructurations comportent évidemment de dures obligations,


d'autant que les professionnels du cinéma considèrent avec quelque
suspicion les experts en marketing qui appliquent les techniques modernes
de la publicité à la promotion d'un film. Les dirigeants des conglomérats
sont aussi hypersensibles aux modes, quitte à dénaturer un projet initial.
Ainsi le titre de  Star Wars faillit être amputé de son second terme sous la
pression des ligues féministes, bruyamment pacifistes. Dans cette nouvelle
perspective le souci esthétique risque fort de passer au second rang derrière
la rentabilité. Les agences publicitaires tendent à privilégier le concept et
écarter l'intérêt du récit dans sa progression dramatique, en somme préférer
l'impact du message aux complexités des intrigues. Comme dans l’industrie
du rock, les études de marché visent à sectoriser les publics en termes d'âge
et d'appartenance sociale, à l'issue d'études de motivation. On a ainsi
constaté que la série des  Rambo remportait les suffrages des jeunes Noirs et
que Spielberg, d’abord populaire chez les adolescents, avait conquis le
public des adultes bien avant   Schindler's List. La part de la publicité directe
ou indirecte grandit chaque année en raison du soutien apporté par les
multinationales. Coca Cola apparaît abondamment dans   Ghostbusters et
M&M dans  E.T. Who's Harry Crumb (1989) ne peut laisser ignorer la relation
entre Coca Cola et Columbia tant les références au   coke sont fréquentes
dans les dialogues entre John Candy et Jim Belushi. Devant ce danger la
firme PepsiCo a investi d'autres productions pour donner l'image de l'ardeur
juvénile (Lean on Me, Flashdance, True Stories ) insufflée par le breuvage.
Ailleurs, Clint Eastwood boit de la bière Budweiser dans   Sudden
Impact, outre la publicité indirecte de Nabisco dans   The Goonies. Ces
services sont naturellement facturés par les producteurs. Le film est
progressivement devenu un autre support publicitaire comme le note la
revue  Incentive: "obsessed with the bottom line, studios no longer snub
promotion tieins—much to the delight of marketers eager to reach the last
captive media audience" (juin 1989, pp. 36-41). On a pu dire que l’itinéraire
de  Rocky III (1982) s'assimile à un parcours de supermarché avec, au
passage du héros, l’apparition successive sur les panneaux de Coca-Cola,
Sanyo, Nike, TWA, Gatorade, American Express et Wheaties. Quant à
Michelin, il prend modestement sa place dans   Over the Top (1987) aux côtés
de Sylvester Stallone.
14L'écran fournit un cadre idéal pour inscrire la publicité dans le
romanesque, alors que les même signes, logos ou labels surgissant dans la
vie courante au détour d'une rue, n’ont rien de commun avec
le  glamor véhiculé par les stars. Inutile d'insister sur le préjudice que subit le
récit quand la prérogative de l'auteur est usurpée par le publiciste. En 1987,
Adidas a pu ainsi habiller les personnages d’une soixantaine de films dotés
de  happy ends, dont  Beverly Hills Cop II et  Superman IV. Mercedes-Benz
veillait dès 1982 à ce qu'aucun mauvais garçon ne conduisît une voiture de
la marque dans les films. On pourrait cependant évoquer le contre-exemple
de  Columbo et de sa 403 hoquetante qui, visiblement ne contribue pas à
étendre le réseau de la firme de Sochaux aux Etats-Unis.

15Dans la  corporate culture qui s'est dorénavant imposée au public, la


concurrence a fait des films une ligne de produits à l'instar des séries de
Chrysler à Détroit ou des céréales du breakfast. "Eddie Murphy is our
Kellogg's Corn Flakes" disait Frank Mancuso, patron de la Paramount en
1989. Il s'agit en somme d'occuper le marché, fût-il celui de la nostalgie ou
de la comédie. Le retour à l'esprit des années soixante dans nombre de
productions révèle l'attente d'un public préalablement nourri des légendes
de la contre-culture au travers du petit écran. Dès lors la madeleine de
Proust se transmue en barre de chocolat Hershey, en gâteaux de Sara Lee et
en cornets de Haagen-Dazs, surtout lorsqu'un séduisant   golden boy de Wall
Street se délecte de ces friandises bon marché malgré son statut
de  yuppie. C'est l'objectif défini pour rallier les "ultra consommateurs", tels
que les définissent les chercheurs de Grey Advertising

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