Vous êtes sur la page 1sur 8

Conférence-débat et controverse

L’IMPORTANCE DE L’EAU DANS LES SYSTEMES BIOLOGIQUES

Mardi 31 mars 2009 de 14h30 à 17h45


Organisateur Denis LE BIHAN
Membre de l’Académie des sciences
Académie
des sciences
14 h 30 Ouverture
14 h 55 L'eau liquide de la vie
Paul CARO, Correspondant de l'Académie des sciences
Session 1 N
14 h 55 Rôle de l’eau d’hydratation dans la dynamique des
15 h 20 protéines
Marie-Claire BELLISSENT-FUNEL, Laboratoire Léon-
Brillouin, CEA/CNRS, CEA-Saclay
15 h 20 Des molécules hydrophobes dans l’eau
15 h 45 Bernard CABANE, Correspondant de l’Académie des
sciences, Laboratoire Physique et Mécanique des Milieux
Hétérogènes (PMMH) / ESPCI, Paris
15 h 45 Eau et membranes biologiques
16 h 10 Giuseppe ZACCAI, Institut Laue Langevin, Grenoble
16 h 10 Rôle et importance de l’eau dans les membranes
16 h 35 cellulaires
Grande Se
salle Mounir TAREK, CNRS UMR 7565, Université Henri
des séances Poincaré, Nancy

16 h 35 L’eau, une molécule-clé pour le vivant : l’eau dans la


Palais de 17 h 00 biodiversité
l’Institut de
Gilles BŒUF, UMR 7628, Laboratoire Arago, Université
France
Paris VI/CNRS, Banyuls-sur-mer
23, quai de
Conti 17 h 00 Membranes, eau et diffusion : potentiel pour la
17 h 25 neuroimagerie
75006 Paris
Denis Le BIHAN, Membre de l’Académie des sciences,
NeuroSpin, CEA Saclay et Université de Kyoto
17 h 25 Discussion générale
17 h 45

Contact : Académie des sciences de l’Institut de France


Serv Services des séances – sandrine.chermet@academie-sciences.fr
Conférence débat et controverses

L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques


Mardi 31 mars 2009

Ouverture
L’eau liquide de la vie

Paul CARO, Correspondant de l’Académie des sciences

L’eau possède un certain nombre de propriétés de base qui ont sans doute joué un rôle
dans l’apparition et le maintien de la vie. Le diagramme thermodynamique des états de
l’eau montre une zone de stabilité du liquide bien adaptée aux conditions de
température et de pression à la surface de la Terre. La densité plus faible de la glace
implique que celle-ci flotte sur le liquide, un paramètre important pour conserver la vie
à travers les fluctuations climatiques. La liaison hydrogène qui caractérise les
propriétés chimiques de la molécule est bien adaptée aux liaisons avec les molécules
organiques et entre les molécules d’eau elles mêmes. Elle commande les relations
hydrophiles et hydrophobes dont le jeu réciproque permet une grande variété de
situations chimiques. L’eau, dont la constante diélectrique est élevée, est un solvant
pour un grand nombre de sels, mais aussi des gaz comme l’oxygène. En son sein
peuvent se produire des réactions chimiques. Les propriétés thermodynamiques
mesurées sur l’eau donnent parfois l’impression que l’eau est un liquide « anormal »
(par rapport aux liquides formés d’un assemblage de sphères dures). Cette impression
est due au fait que de nombreuses propriétés ne montrent pas une évolution linéaire
avec la température et la pression en raison de la fluctuation du nombre de liaisons
hydrogène entre les molécules d’eau. La « structure » de l’eau, étudiée par de
nombreuses méthodes physiques, fait toujours l’objet de controverses parfois vives.
Par sa capacité de corrosion vis-à-vis des minéraux, l’eau a dû jouer un rôle primordial
dans l’apparition de la vie (formation d’enzymes soufrées notamment). Elle héberge
toujours des formes « simples », plus ou moins bien connues, d’êtres « vivants »
(comme les virus dans les océans).
Conférence débat et controverses

L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques


Mardi 31 mars 2009

Rôle de l’eau d’hydratation dans la dynamique des protéines

Marie-Claire BELLISSENT-FUNEL, Laboratoire Léon Brillouin, CEA-CNRS,


CEA Saclay, Gif-sur-Yvette

L’eau est un liquide unique dont les propriétés sont cruciales pour les processus de la
vie. Dans les systèmes vivants, les phénomènes essentiels ont lieu, en géométrie
confinée, dans les cellules vivantes, et à proximité des sites actifs des protéines et des
membranes ou à leur surface. La stabilité des systèmes biologiques est contrôlée par le
jeu subtil entre les interactions hydrophiles et les interactions hydrophobes [1]. Il est
admis que l’eau d’hydratation joue un rôle prédominant dans la relation entre la
structure, la dynamique et la fonction des systèmes biologiques [2]. Au cours de cette
conférence, je rendrai compte des propriétés structurales et de transport de l’eau
interfaciale dans des systèmes poreux modèles ainsi que dans des systèmes
biologiques. A température ambiante, les propriétés structurales et dynamiques de
l’eau, au voisinage d’une surface hydrophile, sont comparables à celles de l’eau
surfondue [2]. Enfin, je montrerai, qu’à l’échelle temporelle de la nanoseconde, il
existe une corrélation entre la dynamique de l’eau interfaciale et les mouvements
internes d’une protéine hydratée comme le lysozyme [3].

[1] M.-C. Bellissent-Funel, Hydrophilic-hydrophobic interplay : from model systems


to living systems, C. R. Acad. Sciences, Geoscience, 337, 173-179 (2005)
[2] M.-C. Bellissent-Funel (Ed.), Hydration processes in Biology, Nato Science Series
A, 305, IOS Press (1999)
[3] J.-M. Zanotti, G. Gibrat and M.-C. Bellissent-Funel, Hydration water rotational
motion as a source of configurational entropy driving protein dynamics. Crossovers at
150 and 220 K, PCCP, 10, 4865-4870 (2008)
Conférence débat et controverses

L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques


Mardi 31 mars 2009

Des molécules hydrophobes dans l’eau

Bernard CABANE, Correspondant de l’Académie des sciences, Laboratoire


Physique et Mécanique des Milieux Hétérogènes (PMMH), Ecole Supérieure de
Physique et Chimie Industrielle de Paris (ESPCI)

On appelle “hydrophobes” des molécules dont la solubilité dans l’eau liquide est
faible, principalement parce que ces molécules ne participent pas au réseau de liaisons
hydrogène de l’eau. Dans cet exposé, j’essaierai de montrer comment la dissolution de
molécules apolaires dans l’eau est possible, et comment elle peut se faire sans perte de
liaisons hydrogène. Ensuite, je présenterai deux exemples de grandes molécules
hydrophobes dont la solubilité dans l’eau est très faible, et qui ont rependant des
fonctions biologiques importantes. Le premier exemple concerne des molécules de
médicaments, dont la solubilité est limitée par leur aptitude à cristalliser. Dans ce cas,
on se demande si la production de ces médicaments sous forme de dispersions de
nanoparticules, à structure amorphe, permettrait d’augmenter leur biodisponibilité. Le
second exemple concerne les tanins qui sont produits par les plantes, et font partie de
leur système de défense contre des agresseurs tels que des moisissures ou des
herbivores. Dans ce cas, nous cherchons à comprendre comment la présence de
protéines riches en proline dans la salive des herbivores et des humains permet d’éviter
les effets anti-nutritionnels des tannins.
Conférence débat et controverses

L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques


Mardi 31 mars 2009

Eau et membranes biologiques

Giuseppe ZACCAI, Institut Laue Langevin, Grenoble

Les propriétés extraordinaires de l’eau liquide permettent aux molécules du vivant de


réaliser les structures dynamiques associées à leur fonction et activité biologiques.

La diffusion de neutrons constitue une technique de choix pour étudier la structure et


la dynamique de l’eau dans tous ses états, ainsi que leurs effets sur les systèmes
biologiques. Pour tester différentes hypothèses sur son état à l’intérieur des cellules, la
dynamique de l’eau a été caractérisée in vivo par cette technique dans des organismes
vivant dans des conditions de salinité extrême dans la Mer Morte, dans des cellules
bactériennes et dans les globules rouges humaines

La membrane pourpre de Halobacterium salinarum (un organisme qui vit dans les lacs
salés) est constituée de lipides organisés en bicouche, et d’une protéine appelée
bactériorhodopsine parce que, comme la rhodopsine dans les yeux des animaux, elle
lie le rétinal, une molécule sensible à la lumière. La bactériorhodopsine se comporte
comme une pompe à protons, activée par la lumière. Elle participe à établir le gradient
de pH de part et d’autre de la membrane, nécessaire à la bioénergétique de
l’organisme. Des travaux effectués par diffusion de neutrons sur cette membrane
naturelle ont permis de comprendre le rôle de l’eau dans sa structure même, ainsi que
le couplage entre la dynamique de l’eau et celle des lipides, d’une part, et la
dynamique associée à l’activité de pompe à protons de la bactériorhodopsine, d’autre
part.
Conférence débat et controverses

L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques


Mardi 31 mars 2009

Rôle et importance de l’eau dans les membranes cellulaires

Mounir TAREK, Equipe de dynamique des assemblages membranaires, CNRS


UMR 7565, Université Henri Poincaré, Nancy

La cellule biologique est une unité structurale de tout être vivant. Il s’agit d’un
compartiment limité par une membrane plasmique constituant la barrière naturelle
séparant le cytoplasme du milieu extracellulaire. Cette dernière est formée
principalement d’une bicouche lipidique dans laquelle les protéines membranaires sont
libres de diffuser et d’accomplir une grande variété de fonctions cellulaires
fondamentales. Les membranes ne sont perméables, par diffusion simple, qu'aux
petites molécules hydrophobes mais requièrent des protéines membranaires pour
réguler les exchanges transmembranaires d’ions (canaux ioniques), d’eau
(aquaporines) ou encore de plus grosses molécules (transporteurs)... Nous attirons
l’attention dans cet exposé sur le rôle fondamental que joue l’eau située au voisinage
de la bicouche lipidique dans plusieurs de ces processus de transport. Nous utilisons
pour cela des simulations de dynamique moléculaire qui permettent une caractérisation
à l’échelle moléculaire des propriétés structurales et dynamiques des membranes.
Nous montrons comment l’eau module ces propriétés. A travers deux exemples
concrets, nous décrirons son implication dans le phénomène d’électroporation
largement utilisé aujourd’hui en biotechnologie et dans le fonctionnement des canaux
ioniques sensibles à la tension, composantes essentielles de l’excitabilité cellulaire.
Conférence débat et controverses

L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques


Mardi 31 mars 2009

L’eau, une molécule-clé pour le vivant : l’eau dans la biodiversité

Gilles BOEUF, Université Pierre et Marie Curie-Paris 6/CNRS, Laboratoire


Arago, Banyuls-sur-mer et Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris

Aujourd’hui, l’eau, essentiellement représentée par les océans, couvre plus de 70 % de la


surface de la planète et offre plus de 90 % du volume disponible pour le vivant. Mais cette
eau est salée (osmolarité au large de 1050 mOsm.l-1) et possède des spécificités strictes et
constantes. Un peu moins de 300 000 espèces vivantes ont été décrites du milieu marin ce
qui représente environ 13 % du total reconnu de la diversité spécifique de la Terre. L’eau
est indispensable pour la Vie et la Vie est apparue dans l’océan ancestral, il y a un peu
moins de 4 milliards d’années. Des évènements déterminants s’y sont déroulés, de
l’apparition du noyau de la cellule à la capture de micro-organismes devenus par
symbiose les organites et à la pluricellularité (métazoaires). Plus tard, la sexualité s’y
développera aussi, extraordinaire machine à générer de la diversité. Le second évènement
dans le même sens sera la sortie des océans, vers 400 millions d’années pour la vie
organisée. Les différences entre vie dans l’eau et dans l’air sont fondamentales pour des
raisons physiques comme la densité et la viscosité des fluides, la capacité thermique, le
contenu en oxygène… et la présence d’eau à l’extérieur ou non. L’eau est le solvant
biologique universel et le contenu en eau des organismes vivants varie entre 4 % pour les
formes de résistance à plus de 98 % pour certains groupes aquatiques. Confrontés aux lois
physiques de l’osmose, les êtres vivants ont développé deux stratégies au cours de
l’Evolution quant à la régulation des échanges d’eau et de sels : la régulation isosmotique
intracellulaire, des premières formes de vie aux crustacés et la régulation anisosmotique
extracellulaire, des crustacés aux mammifères et oiseaux. La composition du milieu
intérieur des organismes marins est très proche de celle de l’eau de mer jusqu’à certains
groupes de crustacés qui ont développé, il y a 500 millions d’années, une capacité pour la
première fois à maintenir une homéostasie osmotique, ceci aussi pour la majorité des
vertébrés. Si la vie sort de l’eau par hasard, ce n’est pas par hasard que seulement certains
groupes y parviennent. Les échanges d’eau et d’électrolytes d’une part entre les milieux
intra- et extra-cellulaires, d’autre part entre les fluides internes et le monde extérieur, sont
la résultante de l’osmose et d’énergétiquement coûteux mécanismes du vivant. Un humain
a besoin de 75 m3 d’eau au cours de sa vie pour satisfaire sa physiologie, son organisme
variant en contenu en eau entre 60 et plus de 70 %, ceci dépendant de l’âge et du sexe.
Aujourd’hui, si globalement les ressources en eau ne sont pas menacées (et encore ?),
l’eau buvable et utilisable devient de plus en plus rare et l’humanité doit urgemment
prendre des mesures pour sa survie.
Conférence débat et controverses
L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques
Mardi 31 mars 2009

Membranes, eau et diffusion : potentiel pour la neuroimagerie


Denis LE BIHAN, NeuroSpin, CEA-Saclay, Gif-sur-Yvette, France
Human Brain Research Center, Graduate School of Medicine, Kyoto, Japon

Parmi les articles remarquables que publia Einstein en 1905 s’en trouve un qui, contre toute
attente, a donné lieu à une méthode très puissante d’exploration du cerveau. Le concept de
diffusion moléculaire a été expliqué par Einstein sur la base du mouvement de translation
aléatoire des molécules, lié à leur énergie thermique. En 1985 il fut possible, pour la première
fois, d’obtenir des images du coefficient de diffusion de l’eau dans le cerveau humain avec
l’IRM. Durant leurs déplacements les molécules d’eau sondent les tissus biologiques,
interagissant avec les membranes cellulaires, les macromolécules, et nous donnent ainsi des
informations uniques sur leur organisation spatiale microscopique, bien que la résolution des
images IRM restent millimétrique1. Une application médicale majeure de l’IRM de diffusion
de l’eau est l’ischémie cérébrale à la phase aigüe : la diffusion de l’eau ralentit dans les
régions non irriguées ce qui permet un diagnostic et un traitement dès les premières heures,
avant que l’atteinte soit irréversible. Ce ralentissement de la diffusion est corrélé au
gonflement cellulaire qui accompagne l’œdème cytotoxique, mais le mécanisme exact n’est
pas encore complètement élucidé. D’autre part, il a été montré que la diffusion de l’eau dans
le cerveau était anisotrope, en particulier dans la matière blanche, car les membranes axonales
limitent le mouvement de diffusion dans une direction perpendiculaire aux fibres nerveuses.
Cette découverte est aujourd’hui exploitée pour produire des images spectaculaires de
l’orientation des faisceaux de matière blanche et des connexions intracérébrales à partir de la
mesure du tenseur de diffusion de l’eau. La dernière née des applications de l’IRM de
diffusion de l’eau est celle de l’IRM fonctionnelle. En effet, il a été récemment découvert que
le coefficient de diffusion de l’eau diminuait légèrement et transitoirement dans les régions
cérébrales activées2. Cet effet survient plusieurs secondes avant l’augmentation connue du
débit sanguin qui est utilisée habituellement en neuroimagerie fonctionnelle (TEP ou IRM)
pour obtenir des images de l’activation cérébrale lors de tâches sensorimotrices ou cognitives,
et sa découverte représente une avancée majeure, offrant potentiellement une approche plus
directe et une meilleure résolution. Ce ralentissement diffusionnel de l’eau résulte d’un
transfert d’eau vers un pool à diffusion très lente dans les cellules activées. Ce pool pourrait
être constitué de couches de molécules d’eau électrostatiquement confinées par les
membranes cellulaires, et son extension lors de l’activation traduirait une augmentation de la
surface membranaire, en rapport avec le gonflement cellulaire qui a été observé sur des
préparations neurophysiologiques. Les mouvements d’eau et les changements de leurs
propriétés physiques, comme la diffusion, apparaissent donc au cœur même des processus
d’activation neuronale3.
1
Le Bihan D. Nat Rev Neurosci. 2003, 4(6):469-80; 2Le Bihan D, Urayama S, Aso T, Hanakawa T,
Fukuyama H. Proc Natl Acad Sci U S A. 2006, 103(21):8263-8; 3Le Bihan D. Phys. Med. Biol.
2007 R2 : R57-R90.

Vous aimerez peut-être aussi