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dans une perspective multifactorielle, entre les comportements électoraux, les structures de

propriété, les rapports sociaux locaux, les rapports au clergé, dans une perspective historique.
Les caractéristiques physiques du milieu les médiatisent: le granite est le pays de la grande propriété
nobiliaire, dominant, en alliance avec le clergé local, les petites exploitations dispersées et les
paysanneries soumises du bocage ; le calcaire est le pays de la propriété moyenne aisée ou de la
propriété morcelée, des villages groupés, donc d’une tradition de socialisation républicaine mais
très modérée, éventuellement bonapartiste quand la prospérité est bien assise, et d’anticléricalisme.

C’est dans ce sens que nous disions (…) qu’il ne faut jamais chercher l’explication d’une tendance
politique dans une cause unique, mais toujours dans une combinaison complexe de causes
concordantes.
Siegfried met bien en évidence les liaisons entre comportements électoraux et structures de
classe, mais sans aucun simplisme ni automatisme, dans des complexités où interviennent des
médiatisations diverses, tant au niveau individuel qu’à celui des collectivités territoriales. «Dans
l’absolu», le calcaire ne produit pas plus le vote de gauche que l’appartenance à la classe ouvrière
ne détermine automatiquement un vote socialiste ou communiste, même si, dans un contexte donné,
les ouvriers ont plus tendance à voter socialiste ou communiste que d’autres classes sociales.

ainsi, « le vote de droite sera-t-il le plus ancré là où s’additionnent contrôle de la grande
propriété par la noblesse, surtout si elle est résidente, »

Il montre la capacité des structures locales d’encadrement à ampli er l’impact des facteurs
explicatifs structurels, celle des classes dominantes à encadrer et à orienter les comportements
électoraux des classes dominées, celle des structures encadrantes à déterminer les orientations
dominantes des citoyens, même si ceux-ci n’ont pas nécessairement d’opinion sur les questions
prises en elles-mêmes. On est là à la source des hystérésis, ces auto-reproductions des
comportements sociaux, alors même que les structures qui les ont produites ont disparu parfois de
longue date

en ouvrant son ouvrage sur la phrase : « J’ai remarqué souvent, dans les élections, que les
opinions politiques sont sujettes à une répartition géographique ». Et il ajoute, « sous l’apparence
mouvante des élections se précisent donc des courants stables et se dessinent des tempéraments
politiques régionaux. »

En conséquence, Siegfried montre qu’il ne faut pas trop s’attacher aux questions de personnes
ou aux éventuels charismes personnels, qui ne peuvent intervenir que si les facteurs structurels se
compensent, dans des espèces de «marais politiques » indifférenciés.

S’il reconnaît l’importance des personnalités et le fait qu’elles peuvent quelquefois brouiller les
résultats, elles sont avant tout le produit de leur milieu: «Le candidat même le plus vigoureux n’est
pas beaucoup plus qu’un otteur soulevé ou laissé par le ot (…). Il pressent des problèmes qui
dépassent l’instant d’un scrutin, et des lois générales qui donnent le désordre des faits particuliers».

Siegfried développe dans son ouvrage des considérations qui anticipent sur des sujets et concepts
théoriques qui deviendront par la suite centraux pour la science électorale : les dif cultés des
classements partisans, le « gerrymandering», la théorie des clivages, en identi ant un clivage
«politique » fondé sur la révolution nationale (Eglise et noblesse vs. Etat) et un autre, « social »,
correspondant au clivage capital – travail.
longue pratique du terrain, avec la visite systématique de tous les arrondissements et des principaux
cantons, pour « saisir la physionomie géographique et politique du milieu», de nombreux contacts
avec des «informateurs » locaux, des enquêtes, de fastidieux dépouillements d’archives pour rendre
compte de la propriété, la lecture des journaux locaux et des professions de foi des candidats, sans
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compter la réalisation manuelle de très nombreuses cartes, qui suf sent à expliquer que
l’élaboration de l’œuvre ait pris sept ans.

dif culté de développer une géographie électorale ne et s’attaquant à l’analyse des genèses des
comportements électoraux sans disposer des outils informatiques permettant d’opérationnaliser la
statistique. D’autre part, la répulsion de la géographie française classique, jusque dans les années
soixante-dix, à s’impliquer dans le politique, à prendre en considération les rapports de force
sociaux, à dépasser les descriptions régionales nuancées et possibilistes.

Il met en évidence de grands ensembles politiques divisant l’espace français, qui témoignent d’une
« certaine stabilité dans les tempéraments politiques fondamentaux, orientés soit vers la
conservation sociale et la préservation de l’Ordre Etabli, soit vers le Progrès, par le Mouvement».
Parmi ces grands ensembles, la France de l’Ouest apparaît, comme Siegfried l’avait observé, « le
bastion le plus solide et le plus étendu de la Droite, quelle qu’en fût l’étiquette »

Mais Goguel, travaillant au niveau du département, sans recourir aux changements d’échelle,
fournit plutôt un atlas électoral encyclopédique, avec une courte notice décrivant sommairement la
géographie des résultats et situant chaque élection dans son contexte politique national, et ne peut,
de très loin, arriver à la nesse explicative atteinte par Siegfried, pour qui l’espace de référence était
le canton, voire la commune. Comme bien des politologues, Goguel réduit la géographie électorale
à une cartographie des résultats.

In uence petite propriété

La propriété est le plus solide fondement de la liberté politique. La fortune est, d’une façon
générale, synonyme d’indépendance.
pas automatiquement à tous les propriétaires. Encore faut-il, pour qu’ils soient vraiment
indépendants, que leur bien suf se à les nourrir
ouvrier d’usine possesseur d’un champ, car ce champ, loin de lui donner l’indépendance par cela
seul qu’il lui appartient, tendra plutôt à le lier davantage à son patron : le travailleur xé au sol étant
pratiquement dans l’impossibilité de chercher du travail ailleurs.

pour que la liberté économique crée un sentiment correspondant de liberté politique, il faut une
certaine atmosphère collective.
Si la masse des gens sentent perpétuellement au-dessus d’eux quelqu’un dont ils dépendent,
directement ou même indirectement, il est bien évident que la pratique de la liberté politique.
leur sera rendue dif cile, et il sera même fréquent de les en voir perdre l’habitude.

Les régions républicaines (je pourrais dire républicaines de principes) sont celles des petits plutôt
que des moyens propriétaires, et la propriété y produit ses effets politiques d’indépendance,
beaucoup plus que les effets sociaux de conservatisme qu’elle ne manque pas de dessiner dès que
l’aisance s’accentue. Il en résulte un type politique bien dé ni : des gens égalitaires, jaloux du noble
et généralement anticléricaux, mais en même temps hostiles à toute nouvelle révolution. La formule
banale « Ni réaction ni révolution »

Au point de vue politique, la petite propriété crée donc une atmosphère démocratique ; mais au
point de vue social, ses effets sont plus compliqués et assez différents. D’une façon générale, en
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même temps qu’elle donne l’indépendance elle tend à rendre l’individu conservateur, parce qu’elle
le fait en somme solidaire de l’ordre social existant. Les paysans propriétaires, qui sont ennemis de
la réaction, ne le sont pas moins de la révolution

Et si l’idée révolutionnaire gagne certains paysans de la Cornouaille, c’est beaucoup dans la mesure
où, insuf samment dotés de terres, ils se sentent plus proches du prolétaire que du propriétaire.

Il suf t au paysan français de posséder quelques arpents pour désirer surtout ensuite les garder et les
arrondir. => partisan d’un gouvernement fort qui maintienne l’ordre, traduisons : qui lui garantisse
la conservation de son bien.

Pour peu que le tempérament du milieu s’y prête, qu’il y ait dans l’air des menaces de révolution
sociale, on peut voir naître alors l’esprit bonapartiste, qui, dans les campagnes, est essentiellement
un esprit de paysans aisés, égalitaires, ni réactionnaires ni cléricaux, mais surtout conservateurs.

L’in uence politique et sociale de la petite propriété nous apparaîtrait donc très nette et très
homogène en somme, s’il n’existait un cas où ses effets sont complètement annulés. Quand une
population de petits propriétaires est cléricale, elle ne devient ni radicale, ni bonapartiste, ni
conservatrice : elle reste avant tout cléricale, et ce que le prêtre lui dit de faire, elle le fait. C’est la
preuve que les facteurs sociaux résultant du régime foncier peuvent être réduits à rien ou presque
rien par des facteurs moraux plus puissants.

=> règle générale que le morcellement de la terre entraîne avec soi une transformation profonde des
intérêts, du tempérament et des conceptions politiques et sociales.règle générale que le
morcellement de la terre entraîne avec soi une transformation profonde des intérêts, du tempérament
et des conceptions politiques et sociales.

Grande propriété

la grande tend à façonner des sociétés hiérarchiques, où les classes non possédantes sont
dépendantes de celles qui possèdent, et où l’on perçoit comme un re et lointain de la féodalité.

Examinons d’abord les circonstances dans lesquelles la domination du seigneur foncier se


développe avec le maximum d’ampleur. C’est quand la grande propriété, régnant seule, coïncide
avec la petite exploitation, et quand le propriétaire réside en même temps sur ses terres.

plus le maître est riche, plus le fermier est modeste, plus la différence entre eux s’exagère, et plus
l’autorité du premier paraît redoutable au second.
Mais le plus souvent l’intervention du propriétaire est si bien entrée dans les mœurs qu’aucune
menace n’est nécessaire et que le fermier en arrive à ne plus se considérer politiquement comme
tout à fait libre. Par crainte de représailles, qui parfois du reste ne se produiraient même pas (car il
existe des propriétaires très libéraux), il préfère éviter toute manifestation compromettante, et s’il
vote à sa guise, il s’arrange pour le faire dans le plus grand secret.
s’il y était chez lui, il raisonnerait et surtout il sentirait tout autrement. On voit ainsi qu’à la
différence de la fortune mobilière, la fortune immobilière entraîne normalement avec elle
l’in uence politique.

Il est vrai que cette autorité du propriétaire diminue singulièrement quand il ne réside pas : il n’est
plus alors dans sa commune qu’une sorte d’étranger dont les interventions, se produisant par à-
coups, perdent beaucoup de leur ef cacité. Mais s’il demeure toute l’année sur ses terres, alors sa
situation devient tout naturellement prépondérante.
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Ce duel, qui est toute l’histoire de la France paysanne, persiste dans l’Ouest avec une âpreté
particulière, parce que les forces du passé y sont demeurées plus vivaces.

- La mobilité géographique remet en cause la vision déterministe ; la mixité sociale dans les familles.
- => moyennisation de la société.
- Effet de voisinage, de groupe => à l’inverse : vote réactif. Prendre le contre-pied de la façon dont on vote
dans son milieu. => Ces modèles ne mettent pas en évidence un lieu de cause à effet mais plutôt une
corrélation.

Comportements électoraux :

André Sigfried, « Livre Premier : Les conditions déterminantes de la formation politique de


l’Ouest », Tableau politique de la France de l’Ouest sus la Troisième République.

François Goguel, « Bois (Paul), Paysans de l’Ouest », notes bibliographiques in Revue française de
science politique.

Variables lourdes :

- type de croyance religieuse


- statut social
- GEOGRAPHIE => individu fruit d’un environnement social
leaders d’opinion (Lazarsfeld)
Insiste sur les relations sociales dans les groupes primaires d’appartenance.
Les groupes se confortent aux normes, valeurs, opinions dominantes dans leur groupe d’appartenance.
=> approche grégaire du vote.

=> vision collective : pour que la liberté économique crée un sentiment correspondant de liberté politique, il
faut une certaine atmosphère collective.
Si la masse des gens sentent perpétuellement au-dessus d’eux quelqu’un dont ils dépendent,
directement ou même indirectement, il est bien évident que la pratique de la liberté politique.
leur sera rendue dif cile, et il sera même fréquent de les en voir perdre l’habitude.

Thème : les comportements électoraux

Thèse des auteurs étudiés : comportements électoraux peuvent être regardés et expliqués par le prisme de
deux facteurs reconnus (en plus des autres dans une vision déterministe) :

- la propriété
- la géographie



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REACTION PAPER - Les comportements électoraux

Dans son ouvrage L’identité de la France, l’historien et l’académicien Fernand Braudel s’est attelé à
identifier ce qu’il a décidé d’appeler l’ « effroyable morcellement ». Dans la complexité d’une lecture
géographique, il démontre l’accumulation de strates historiques et politiques qui caractérise la France. Il se
permet d’ailleurs de considérer que le manteau d’arlequin que sont les régions de France produit des
« émiettements obstinés », comme si la spécifié de chaque coin du pays rendait à une réalité politique
comportementale singulière.

L’interprétation géographique n’est qu’un prisme parmi les oeillères déterministes par lesquelles les
comportements électoraux peuvent être compris et avant de cerner le sujet, il convient d’en expliciter
précisément les termes clefs.
D’après le dictionnaire de la langue française, le déterminisme désigne l’ensemble des causes ou conditions
nécessaires à la détermination d’un phénomène. Le dictionnaire de l’Académie française précise ces dires en
considérant qu’il s’agit d’un système d’après lequel les phénomènes de la nature sont fatalement produits par
un enchaînement nécessaire d’antécédents et de conséquents, de causes et d’effets.
Un comportement électoral, ramenant de facto aux choix électoraux des citoyens, à leurs tendances et
opinions, semblerait alors dépendre de facteurs pluriels. D’ailleurs, le sociologue et géographe André
Siegfried, pionnier de la sociologie électorale, clarifie cette notion vague de comportement électoral en
écrivant que « le suffrage universel quelque imparfait que soit son expression, fournit périodiquement à
l’électeur, c’est-à-dire chacun l’occasion de déclarer son avis ou d’indiquer ses tendances. C’est dans
l’observation détaillée des élections que nous chercherons la base de cette étude. »1
C’est précisément au milieu de la IIIème République que les premières études scientifiques
comportementales se sont penchées sur ces comportements, tentant alors d’en déterminer des causes
explicatives.

Parmi les chercheurs concernés par ces problématiques électorales, trois ont notamment axés leur
regard sur un déterminisme géo-économique, dressant l’hypothèse que la propriété d’un individu et sa
localisation géographique permettaient, entre autres, de dessiner des perspectives de votes.
Tout d’abord, le sociologie et géographe français André Siegfried qui, dans son ouvrage Tableau politique de
la France de l’Ouest sous la Troisième République publié en 1913. Ce travail, usuellement reconnu comme
fondateur de la discipline de la géographie électorale, relate en effet des régularités spatiales des résultats des
différents partis grâce à l’utilisation des cartes. Il agrémente ses théories en reliant les comportements
électoraux aux structures de propriété, aux rapports sociaux locaux et notamment vis-à-vis du clergé.
L’historien Paul Blois, dans Paysans de l’Ouest, publié en 1960, entreprend un travail similaire dans
la recherche, qui tend toutefois à enrichir si ce n’est contredire certaines théories apportées par André
Siegfried. La légitimation de comportements électoraux ne peut, d’après lui, n’être réduite qu’à une

1 André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, Paris, A. Colin,
1913, p.3





comparaison de structures de propriété. Il calque les théories de ce dernier en les superpose à une réalité
historique plus ancienne.
Le troisième auteur notable qui s’est attardé sur le déterminisme géographique et propriétaire se
nomme François Goguel. Contrairement à ses confrères, son étude n’est pas restreinte à une région mais se
concentre sur l’ensemble du territoire national. Il est notamment l’auteur d’un article intitulé Bois (Paul) -
Paysans de l’Ouest. Des structures économiques et sociales aux options politiques depuis l’époque
révolutionnaire dans la Sarthe publié en 1961 dans la Revue française de science politique qui dresse un
compte-rendu des travaux de Paul Blois.

C’est en corrélant une lecture géographique de l’Ouest français à différentes réalités économiques et
sociales que ces différents auteurs ont su dresser une carte réaliste des tendances politiques composant bout
du territoire, un travail dont la thèse peut être résumée par cette citation d’André Siegfrid : « J’ai remarqué
souvent, dans les élections, que les opinions politiques sont sujettes à une répartition géographique. (…)
sous l’apparence mouvante des élections se précisent donc des courants stables et se dessinent des
tempéraments politiques régionaux. »2
Toutefois, tous ces chercheurs ayant sillonné la France en quête d’éléments probants pour valider leurs
théories ne portent pas de regards similaires sur leurs résultats. De plus, comme la compréhension
géographique si ce n’est écologie, climatique, peut-elle être le point de départ d’un interprétation éco-
politico-sociale de la fabrique d’orientations politiques selon le canton choisi.

Dès lors, il semble pertinent de se demander dans quelle mesure la géographie, par le prisme d’une
lecture écologique du territoire, peut conduire les électeurs à s’insérer dans des tendances politiques
conformes.

Il conviendra dans un premier temps de se pencher sur la détermination géographique des


comportements électoraux en étudiant la pertinence de la science géologique dans la construction du
comportement électoral (I). Ensuite, il s’agira de montrer que cette réalité écologique se range dans une
matérialité socio-historico-économique permettant d’expliquer le dessin de ces orientations politiques. (II)

I - détermination géographique des comportements électoraux

Si la composition géologique d’un sol permet de dégager une première lecture comportementale de la région
étudiée (A), elle traduit également les différentes formes de propriété par lesquelles les tendances de votes
peuvent être appréhendés. (B)

A - « le granit produit le cur et le calcaire l’instituteur »

Ce passage du Tableau politique est le raccourci usuel permettant d’introduire au lien possible entre
l’étude géologique d’un terrain et le comportement électoral des individus y étant installés. Toutefois, avant

2 André Siegfried, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, Paris, A. Colin,
1913, p.9







de prévoir la trajectoire professionnelle de ces individus, il faut comprendre en quoi leur résidence peut
influer sur leurs opinions.
En écrivant que « le calcaire vote à gauche et le granit vote droite », il reconnaît une nature géologique du
vote, commandée par la forme de peuplement puis le type d’exploitation agricole.
Dans son oeuvre, il emploie notamment l’exemple de la Vendée pour qui le passage d’un sol à l’autre fait
muter les opinions. C’est par cette focalisation qu’il produit ce dicton théorisant que « le granit produit le
cur et le calcaire l’instituteur ».
En effet, les régions de granite ont un sol dont la caractéristique est de retenir l’eau, ce qui facilite la
construction de puits. Dès lors, le propre de ces régions granitées est que leurs habitants s’installent autour de
ces réserves dispersées sur le territoire, plutôt que de constituer des amas de population groupée. Il y constate
que des figures sociales du prêtre ou du notable y sont plus importantes.
Cette organisation démographique influence par conséquent la structure agraire de l’Ouest qui favorise donc
la grande propriété foncière. Les terres y étant plus fertiles et les étendues plus vastes compte tenu des
habitations distanciées, c’est précisément ce régime qui prime.
À l’inverse, les régions calcaire reposent sur un sol perméable qui oblige la population à se
rassembler en groupe autour de points d’eau disponibles. Ces territoires sont notamment marqués par la
petite ou moyenne exploitation agricole qu’elle abrite, détenue par une petite bourgeoisie.
En admettant que le granite est le pays de la grande propriété nobiliaire, en Vendée, au sol particulièrement
granitique, la gauche n’a enregistré qu’entre 0 et 25% des voix au premier tour de l’élection présidentielle de
2002. À l’inverse, dans les zones calcaire à la propriété moyenne aisée ou morcelée à l’Ouest de la France,
comme les Côtes d’Armor, la gauche a obtenu entre 53 et 100% des voix au même scrutin.
Bien que la corrélation entre la constatation géologique et politique soit établie et attestée, il ne faut
généraliser pour autant. Cela dit, cette segmentation géolo-politique rend compte des partitions vendéennes
lors les insurrections sous la Terreur. Dans une logique multifactorielle, les liens et explications historiques
sont des arguments utiles que l'on retrouve surtout dans les travaux de Paul Bois pour qui la période
révolutionnaire est révélatrice de certaines tendances contemporaines.

Cette approche constitue pour Siegfried le début de ses études sur l’Ouest de la France puisque lui-
même considérait qu’il parviendrait à tirer des liens explicites entre la géologie et les tendances politiques.
Certaines régions de l’Ouest démontrent par les résultats de leurs échéances des frontières idéologiques
clairement tracées selon le passage du granite au calcaire.
Cette généralisation est toutefois contestée par certains autres intellectuels, à l’instar de l’historien Louis
Chevalier qui, bien qu’en reprenant à son compte nombre des théories de Siegfried, ne va pas jusqu’à
associer le tempérament conservateur d’un pays aux sols granitiques ou ceux de la partie calcaire à une
tradition républicaine comme Siegfried le fait par exemple pour l’Yonne.
Sa thèse sur une commande géologique du vote, quoique pertinente, semble toutefois limitée lorsqu’on l’des
répercutions qu’elle entraîne sur la propriété immobilière des individus. Considérer que la nature d’un sol
conditionne un vote par sa matière serait irrationnel. Siegfried le rappelle d’ailleurs en écrivant « qu’il ne
faut jamais chercher l’explication d’une tendance politique dans une cause unique ». Il existe en finalités des




conséquentes médiates autour des modes d’exploitation, des rapports entre groupes sociaux divers vis-à-vis
de leur mode de propriété.

B - les structures de propriété expliquant la liberté du vote

Les constats opérés par André Siegfried, particulièrement salués dans la discipline de sociologie électorale,
sont le fruit d’un travail fastidieux entamé en 1906 pour une publication en 1913. À une époque dépourvue
de bases de données, ces huit ans de recherches l’ont conduit à visiter chaque arrondissement et canton, à
s’imprégner de journaux et rencontrer des candidats locaux, à réaliser des cartes. Grâce à sa minutie, il en a
tiré une théorie plus large encore qu’un déchiffrage cartographique en remarquant dès lors qu’« Il y a des
r gions politiques comme il y a des r gions g ologiques ou conomiques, et des climats politiques comme il
y a des climats naturels ».
L’une des premières composantes du vote des individus selon leur localisation dans l’Ouest français est la
forme de propriété qu’ils assurent et la dépendance à laquelle ils peuvent être soumis.
C’est au chapitre XXXIII du Tableau qu’il développe cette idée, sous la forme d’une chaîne explicative.
Selon lui, la propriété en elle-même n’a pas d’effet univoque sur les comportements électoraux mais la
position sociale conditionne les rapports de domination ou de liberté ; de dépendance ou de référence que les
propriétaires de chaque part de l’Ouest peuvent entretenir entre eux. Cette liberté singulière influe
conséquemment les rapport au vote et l’orientation de celui-ci.
André Siegfried comme Paul Bois considèrent tous les deux la propriété comme le plus solide fondement de
liberté politique.
Les régions calcaire où la terre est cultivée par plusieurs personnes, les paysans dépendent des
nobles/notables qui en sont les réels propriétaires. Cette dépendance peut être perçue par deux prismes
distincts. Tout d’abord, dans une logique contraignante exercée par une pression du propriétaire sur les
cultivateurs ; une sorte de soumission. En reprenant la Vendée comme repère, Siegfried donne l’exemple du
notable vendéen propriétaire, conscient de son prestige et de sa force d’influence. Un cultivateur se trouvant
sous son joug pourrait percevoir une menace de licenciement si son vote, ou plus largement ses idées,
s’écartait des opinions défendues par son propriétaire.
Dans une logique non plus de pression mais plutôt d’influence évidente et naturelle, le vote des paysans
pourrait très bien s’accoler sur une consigne de vote de leur maître, soit-elle publique, explicitement
partagée, ou instinctivement déduite.
Souvent dans le sud des régions étudiées, ici la Vendée, Paul Bois explique que ces masses paysannes, étant
moins politisées, sont plus malléables et inertes, ce qui peut justifier les contours de leurs comportements
électoraux.
Cette approche grégaire du vote a plus tard été creusée par Paul Lazarsfeld. En calquant sa théorie sur celle
Bois ou Siegfried, les notables propriétaires seraient les leaders d’opinion qu’il introduit dans The People’s
Choice (1944).
L’historien Eugen Weber complète cette vision en considérant que la conformité du vote paysan,
particulièrement homogène, traduit leur faible intérêt pour la politique et d’une soumission et déférence à






l’égard d’un ordre social fortement hiérarchisé.3 Il rappelle notamment que l’entrée de ces derniers en
politique s’est faite très tardivement.

À l’inverse, dans les régions granitiques, rurales et moins denses, au sein desquelles les cultivateurs
sont propriétaires, ces derniers jouissent d’une plus grande égalité et d’une indépendance assumée qui les
rend, si ce n’est imperméables, au moins à l’abri des pressions extérieures sur le vote.
Siegfried prend à cet égard l’exemple de la Cournouaille au début de la IIIème République où règne un
régime de moyenne propriété détenue par des cultivateurs indépendants, capables de voter en conscience et
de manière plus autonome.
La probabilité d’influence ou de pression supposée ; opposable à la liberté de choix interroge
directement la liberté du vote dont la vocation première est la manifestation d’une opinion singulière.

En revanche, bien que cette cohérence géologique, économique et sociale permette d’éclaircir certains
penchants politiques, cette dernière constante - sociale - semble moins dérisoire qu’elle ne peut sembler. Que
la propriété et la structure dans laquelle elle s’insère puissent influencer un comportement électoral soit avéré
offre un socle solide pour épurer les inclinations électorales. Cependant, il convient, pour en cerner la
complexité, d’étudier également ce que la géographie, l’histoire et les spécificités des sociétés de l’Ouest se
répercutent.

II - facteurs socio-économiques

A-
B - place de l’histoire (RF) et des comportements

3 Eugen Weber, La fin des terroirs, 1re éd. 1977, Paris, Fayard, 1983.




Citations à utiliser :

« Au commencement de mes études sur l'Ouest, j'avais cru qu'il serait possible de déterminer des relations
directes entre la géologie et les tendances politiques. J'y étais encouragé par la netteté de certaines limites
[…]. C'est par exemple le cas en Vendée, où, d'une commune à une autre, le passage du calcaire au granit
correspond à un changement complet de l'orientation politique. Mais […] les rapports de la géologie et de la
politique – certainement réels cependant – ne peuvent être présentés que d'une façon indirecte […]. Par
exemple, la géologie commandera le mode de peuplement en même temps que le mode d'exploitation, et par
là, réagissant sur le mode de propriété et sur les rapports des classes entre elles, elle finira par avoir une
répercussion sur la vie politique elle »

«Il y a des r gions politiques comme il y a des r gions g ologiques ou conomiques, et des climats politiques
comme il y a des climats naturels ».

« le vote de droite sera-t-il le plus ancré là où s’additionnent contrôle de la grande propriété
par la noblesse, surtout si elle est résidente, »

« J’ai remarqué souvent, dans les élections, que les opinions politiques sont sujettes à une
répartition géographique ». « sous l’apparence mouvante des élections se précisent donc des
courants stables et se dessinent des tempéraments politiques régionaux. »

« la g ologie commandera le mode de peuplement en m me temps que le mode d’exploitation, et


par l , r agissant sur le mode de propri t et sur les rapports des classes entre elles, elle nira par
avoir une r percussion sur la vie politique elle-m me. Nous ne devons donc pas nous d sint resser
de la g ologie (...). Mais nous ne pouvons pas demander ses r percussions de se produire
directement. [Elles] sont essentiellement m diates et ne se d veloppent de fa on saisissable que
selon certaines combinaisons, qui ne se produisent pas n cessairement. C’est dans ce sens que nous
disions (...) qu’il ne faut jamais chercher l’explication d’une tendance politique dans une cause
unique, mais toujours »




















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