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RÉSUMÉ
Les patients sous anticoagulants oraux directs (AOD) sont de plus en plus nombreux. Le challenge de ces traitements ne
se limite pas à leur gestion, mais réside également dans l’interprétation des tests biologiques, plus particulièrement les tests
d’hémostase. En effet, lors de l’arrêt d’un AOD, il faut tenir compte de l’action résiduelle des molécules pouvant interférer
avec les tests. L’apixaban est un anti-Xa direct qui interfère dans le dosage de l’héparinémie en le surestimant, comme le
rivaroxaban, et ce, jusqu’à deux jours après l’arrêt (voire plus si insuffisance rénale). Ce « surdosage » en héparine ne doit
pas être pris en compte pour adapter les doses d’héparine. Cette interférence ne doit pas être méconnue des biologistes,
qui se doivent d’en avertir les cliniciens.
MOTS CLÉS
Observation
◗ activité anti-Xa Un homme de 88 ans est adressé au service d’accueil des urgences pour détresse respi-
◗ anticoagulants oraux ratoire. Le bilan d’hémostase à l’entrée montre : fibrinogène 6,2 g/L,TP 66 %,TCA patient
directs 35s pour un témoin à 32s (TCA ratio 1,10), facteur II 88 %, facteur V 92 % et facteur VII
◗ héparinémie 92 %. Le laboratoire ne dispose d’aucune autre information. Il existe une discordance
◗ renseignements entre le TP abaissé et les facteurs du complexe prothrombinique normaux. Le laboratoire
cliniques libère les résultats après avoir contacté le service, pas de prise d’anticoagulant annoncée.
◗ surdosage Le patient est ensuite hospitalisé dans un service de médecine pour embolie pulmonaire
(EP) qui renseigne comme traitement une héparine non fractionnée (HNF). Le dosage
KEYWORDS de l’héparinémie est > 1,1 UI anti-Xa/mL et le service est prévenu par le technicien de
◗ anti-Xa assay laboratoire. La posologie est alors diminuée (figure 1). Les deux jours suivants, l’hépa-
◗ clinical information rinémie reste supérieure à 1,1 UI anti-Xa/mL malgré la diminution des doses d’HNF.
◗ direct oral Devant la persistance de ce « surdosage » en héparine, le biologiste appelle le ser-
anticoagulants vice pour plus de renseignements et pour rechercher une interférence dans le dosage.
◗ heparin dosage L’histoire de la maladie est alors précisée.
◗ overdosage En effet, le patient est porteur d’un stimulateur cardiaque pour bloc atrio-ventriculaire
complet sur une fibrillation atriale (FA) permanente initialement traitée par AVK au long
cours. Il y a deux mois, le patient a chuté et a présenté un hématome du psoas, les AVK
© 2019 – Elsevier Masson SAS
Tous droits réservés. ont été remplacés par apixaban (ELIQUIS®) 5 mg deux fois par jour pour limiter le risque
hémorragique. L’hospitalisation s’était compliquée d’une EP.
Conclusion
Une discordance TP abaissé et facteurs normaux
doit faire suspecter une prise d’AOD. Cette
sensibilité de la mesure aux faibles concentrations interférence pour la mesure du TP est bien connue avec le
de xabans (figure 3) [4]. Même si l’AOD est arrêté, du rivaroxaban ; elle est observée plus souvent qu’annoncée
fait de sa demi-vie l’activité résiduelle interfère avec l’hé- avec l’apixaban.
parinémie et peut faire croire à un surdosage en héparine Même si l’AOD est arrêté, il faut prendre en compte
à tort comme chez notre patient (figure 1). Le dosage sa demi-vie pour interpréter les autres tests d’hémostase,
d’héparinémie est pris en défaut lors d’un relais AOD- notamment l’activité anti-Xa utilisée pour le dosage de
héparine [5]. l’héparinémie (minimum 48 heures).
L’héparinémie (mesurée par l’activité anti-Xa) est sur- De plus, le résultat de l’activité de l’AOD est rendu
estimée en présence d’AOD de type anti-Xa. L’inter- en ng/mL, et ce choix des unités en valeur pondérale
férence de l’AOD peut également être évoquée sur la pourrait être à l’origine de cette confusion.
discordance entre l’héparinémie et un TCA peu allongé Ce cas illustre l’importance de la mise à disposition
car le TCA est peu affecté par l’apixaban. En revanche, des renseignements cliniques pour le biologiste afin
le TCA semble mieux représenter l’effet de l’héparine d’optimiser la prise en charge des patients. Il met
dans ce contexte particulier de relais. Il faut néanmoins également en évidence la nécessité d’une relation
garder à l’esprit les difficultés d’une surveillance d’un renforcée entre les services et le laboratoire et l’intérêt
traitement héparinique par le TCA, test pouvant être primordial du dialogue entre clinicien et biologiste pour
perturbé dans de nombreuses situations, notamment progresser dans l’amélioration des soins. ❚❚
lors d’un syndrome inflammatoire (comme dans ce
cas avec fibrinogénémie > 5 g/L) ou syndrome des Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
antiphospholipides. d’intérêts.
Références
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