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PRANEU 650 No.

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Pratique Neurologique – FMC 2023;xx:1–8


Sclérose latérale amyotrophique

Stratégie diagnostique : quel bilan


chez un patient suspect de SLA ?
Exploration strategy for suspected ALS

P. Codron a,b,c,d a
Centre de ressources et de compétences sur la
sclérose latérale amyotrophique, CHU d'Angers,
49933 Angers, France
b
Laboratoire de neurobiologie et neuropathologie,
CHU d'Angers, 49933 Angers, France
c
Inserm U1083-CNRS 6015, SFR ICAT, université
d'Angers, Angers, France
d
Service de neurologie, CHU d'Angers, 4, rue Larrey,
49933 Angers, France

RÉSUMÉ MOTS CLÉS


Le diagnostic de Sclérose latérale amyotrophique (SLA) repose sur l'association de signes de Sclérose latérale
souffrance des neurones moteurs centraux et périphériques d'extension progressive au niveau amyotrophique
des sphères bulbaire, cervicale, thoracique et lombaire, en l'absence de diagnostic différentiel Phénotypes cliniques
permettant d'expliquer les symptômes. Le bilan organisé chez un patient présentant des signes Diagnostics différentiels
évocateurs de la maladie doit donc être clinique, électrophysiologique, biologique et radio- Critères de Gold Coast
logique. L'objectif de ce bilan est d'étayer le diagnostic de SLA et d'écarter les pathologies – en Stratégie diagnostique
particulier curables – pouvant mimer la maladie. Cette approche implique une bonne connais-
sance des différents phénotypes cliniques de la SLA et de ses principaux diagnostics KEYWORDS
différentiels. Amyotrophic lateral sclerosis
© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Clinical phenotypes
ALS mimics
Gold Coast criteria
Exploration strategy

SUMMARY
The diagnosis of amyotrophic lateral sclerosis (ALS) relies on signs of upper and lower moto-
neuron degeneration in bulbar, cervical, thoracic and lumbar regions, in the absence of diffe-
rential diagnosis. The diagnostic strategy for suspected ALS is based on clinical,
electrophysiological, biological, and radiological explorations, to confirm the diagnosis and
exclude ALS mimics. This approach requires knowledge of the clinical phenotypes of ALS
and its main differential diagnoses.
© 2023 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

a Sclérose latérale amyotrophique (SLA) 10 pour 100 000 habitants soit près de
L ou maladie de Charcot, est une maladie
neurodégénérative affectant les neurones
7000 patients en France. [2]. Dans 90 %
des cas, la SLA est dite sporadique, sans
moteurs centraux (NMc) du cortex cérébral cause connue à ce jour. Dans 10 % des
et les neurones moteurs périphériques cas, elle est héréditaire, conséquence de la
(NMp) des noyaux du tronc cérébral et de la transmission de mutations pathogènes por-
corne antérieure de la moelle épinière. En tant sur des gènes connus depuis de nom-
France, l'incidence de la maladie est estimée breuses années (SOD1) ou de découverte Auteur correspondant :
à 2,5 cas pour 100 000 habitants, soit environ plus récente (C9orf72, TARDBP, FUS), avec P. Codron,
1500 nouveaux cas par an (4 nouveaux mala- une transmission autosomique dominante Service de neurologie, CHU
des par jour) [1]. Sa prévalence, faible en dans la plupart des cas. d'Angers, 4, rue Larrey, 49933
regard de l'incidence en raison de l'espérance La SLA débute en moyenne aux alentours de Angers, France.
de vie courte des patients, est d'environ 65 ans [2,3]. Les patients atteints de la Adresse e-mail :
Philippe.codron@chu-angers.fr

https://doi.org/10.1016/j.praneu.2023.01.005
© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1

Pour citer cet article : Codron P. Stratégie diagnostique : quel bilan chez un patient suspect de SLA ? Pratique
Neurologique – FMC (2023), https://doi.org/10.1016/j.praneu.2023.01.005
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Sclérose latérale amyotrophique P. Codron

Tableau I. Critères diagnostiques de SLA de Gold Coast [7].


Atteinte motrice déficitaire progressive identifiée lors de l'anamnèse ou d'examens cliniques successifs
Présence de signes d'atteinte du NMc et NMp au niveau d'au moins une régiona (dans la même région si une seule touchée) ou d'une
atteinte du NMp dans au moins 2 régions
Examens complémentaires excluant d'éventuels diagnostics différentiels
NMc : neurone moteur central ; NMp : neurone moteur périphérique ; aBulbaire, cervicale, thoracique ou lombaire.

maladie présentent une atteinte motrice diffuse d'aggravation


progressive responsable d'un déficit moteur des membres PHÉNOTYPES CLINIQUES DE LA SLA
supérieurs et inférieurs, de troubles de la phonation et de la Il existe une importante variabilité clinique chez les patients
déglutition, et d'une insuffisance respiratoire restrictive. La atteints de SLA [10,11] (Fig. 1), qui partagent toutefois un profil
médiane de survie est d'environ 3 ans après le début des neuropathologique commun associant dégénérescence moto-
symptômes, 16 mois après le diagnostic [1,2]. Le seul traite- neuronale et présence d'inclusions de protéine TDP-43 hyper-
ment médicamenteux disponible sans ATU en France pour phosphorylée au sein des neurones et des cellules gliales
ralentir l'évolution de la maladie est le Riluzole, qui permet de [12,13]. Cette hétérogénéité clinique porte sur plusieurs points.
diminuer d'un tiers le taux de décès à 1 an et d'allonger de la La localisation centrale ou périphérique de l'atteinte peut tout
durée de vie sans trachéotomie [4,5]. La prise en charge d'abord varier, avec un spectre allant d'une atteinte exclusi-
repose sur une approche fonctionnelle multidisciplinaire vement centrale appelée Sclérose latérale primitive, aux for-
(antalgie, kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie, ventila- mes périphériques pures appelées Atrophie musculaire
tion non invasive, nutrition entérale), permettant une améliora- progressive. De même la topographie du déficit moteur peut
tion de la survie et de la qualité de vie des patients [6]. différer d'un patient à l'autre, les symptômes pouvant être
restreints – au moins au début de la maladie – au niveau
des membres, à l'étage bulbaire voire purement respiratoire,
avec toutefois une épargne oculomotrice et sphinctérienne
constante. Près de la moitié des patients présente des troubles
cognitifs ou psychocomportementaux, répondant dans 10 à
ENJEUX ET DIFFICULTÉS DIAGNOSTIQUES 15 % des cas aux critères de dégénérescence lobaire fronto-
temporale (SLA-DFT) [14]. Par ailleurs 30 à 60 % des patients
La SLA est loin d'être une maladie exceptionnelle puisque son peuvent présenter un syndrome hypermétabolique, défini par
incidence est de près de la moitié de celle de la sclérose en une augmentation des dépenses énergétiques de repos à l'ori-
plaques. Il s'agit donc d'une pathologie à laquelle tout neuro- gine d'une perte de poids et d'un déclin accéléré des fonctions
logue est régulièrement confronté, et dont le diagnostic est motrices et de la survie [15,16]. Enfin la durée d'évolution de la
toujours difficile, eu égard au pronostic extrêmement sombre maladie est très variable d'un patient à l'autre, pouvant aller de
de la maladie, à la grande diversité des phénotypes clinique, et quelques mois à plusieurs dizaines d'années [17].
à la crainte de méconnaître un diagnostic différentiel curable.
L'enjeu principal est de conforter le diagnostic de SLA par des
arguments cliniques et paracliniques robustes, tout en ne
retardant pas l'annonce de la maladie et l'initiation de la prise PRINCIPAUX DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
en charge par la multiplication d'examens complémentaires. La Fédération européenne des sociétés de neurologie (EFNS)
Le diagnostic de la SLA reste encore aujourd'hui essentielle- retient 77 diagnostics différentiels de SLA [18]. Les principaux
ment clinique et électrophysiologique. Il repose sur l'associa- sont regroupés selon leur mécanisme de pathogénicité dans le
tion de signes de souffrance des neurones moteurs centraux Tableau II. Ces pathologies guident en partie le bilan à orga-
et périphériques, d'extension progressive au niveau des sphè- niser chez un patient présentant des symptômes évocateurs
res bulbaire, cervicale, thoracique et lombaire, et en l'absence de la maladie, comprenant trois temps : clinique, électrophy-
de diagnostic différentiel permettant d'expliquer les symptô- siologique et paraclinique (biologique et radiologique).
mes. Ces éléments sont retrouvés dans les critères diagnos-
tiques de Gold Coast émis en 2019 [7] (Tableau I), qui se
substituent à ceux d'El Escorial révisés [8], et d'Awaji-shima
[9]. Ces nouveaux critères sont moins restrictifs et abandon- BILAN CLINIQUE
nent les degrés de certitude (SLA possible, probable, certaine)
au profit d'un diagnostic retenu ou non, plus clair pour les L'examen clinique constitue le premier temps du bilan diag-
patients comme pour les soignants. nostique. En plus des éléments habituels, il convient d'explorer
Le premier temps du bilan diagnostic doit être clinique, électro- précisément à l'interrogatoire comme à l'examen physique les
physiologique, biologique et radiologique, visant à étayer le symptômes moteurs, bulbaires et respiratoires, en tentant
diagnostic de SLA et écarter les pathologies – en particulier à chaque fois d'identifier les éléments liés à une atteinte du
curables – pouvant mimer la maladie. Cette approche impose NMc et ceux liés à une atteinte du NMp (Tableau III). Il est
une bonne connaissance des différents phénotypes de la également important de s'attacher à rechercher et caractériser
maladie et de ses principaux diagnostics différentiels. les troubles non-moteurs qui peuvent s'inscrire dans le cadre

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Stratégie diagnostique : quel bilan chez un


patient suspect de SLA ?
Sclérose latérale amyotrophique

Figure 1. Phénotypes cliniques de la SLA (présentation initiale). Abréviations : FOSMN : facial onset sensory and motor neuronopathy ;
NMc : neurone moteur central ; NMp : neurone moteur périphérique ; SLA :Sclérose latérale amyotrophique.

de la maladie (syndrome dysexécutif, troubles attentionnels et anatomiques, sans se restreindre aux territoires cliniquement
comportementaux, amaigrissement) ou être en défaveur de atteints. Dans cet esprit, un protocole standardisé d'examen
cette dernière (atteinte sensitive, paralysie oculomotrice, trou- électrophysiologique chez un patient suspect de SLA a été
bles vésicosphinctériens). Une importance particulière doit proposé en 2022 par Lenglet et Camdessanché [19] (Tableau
enfin être accordée à l'élaboration d'un arbre généalogique IV).
intégrant au moins trois générations et reprenant l'ensemble
des antécédents familiaux, en recherchant plus particulière-
ment des apparentés atteints de maladie du motoneurone, de
troubles cognitifs ou de pathologie psychiatrique. BILAN PARACLINIQUE
La prescription systématique d'un bilan biologique standardisé
(Tableau V) et d'une radiographie pulmonaire de face à la
recherche d'adénopathies ou lésion tumorale est recomman-
BILAN ÉLECTROPHYSIOLOGIQUE dée par l'EFNS pour dépister les principaux diagnostics diffé-
L'ENMG reste l'examen clé du diagnostic de SLA, permettant rentiels de la maladie [18]. Des IRM cérébrale et médullaire
de détecter l'atteinte du NMp et d'en préciser la topographie doivent également être organisées pour exclure les atteintes
[9]. Il n'est, dans la maladie, pas enregistré d'altération de la lésionnelles du système nerveux central. Il est parfois possible
conduction nerveuse en stimulodétection motrice comme sen- d'observer chez des patients atteints de SLA un hypersignal
sitive, ni d'anomalie à l'examen de la jonction neuromuscu- en séquence T2 du faisceau cortico-spinal, depuis les centres
laire. L'amplitude des potentiels moteurs peut être abaissée, semi-ovales jusqu'au tronc cérébral, ainsi qu'une atrophie
traduction de la perte axonale, et des pseudo-blocs peuvent corticale prédominant dans les régions frontales.
être observés lors d'une déperdition motoneuronale rapide.
L'examen en détection permet de déceler et caractériser plus
précisément l'atteinte neurogène motrice. Une activité de STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE
repos anormale (fasciculations, fibrillations, ondes lentes posi-
tives) associée à un recrutement neurogène (potentiels d'uni- Au terme de ce premier bilan clinique, électrique, biologique et
tés motrices de durée et/ou d'amplitude accrues) intéressant radiologique, plusieurs situations peuvent être rencontrées
les muscles des territoires déficitaires traduisent des signes de (Fig. 2).
dénervation active et chronique. Une région est considérée
touchée par la maladie lorsqu'une atteinte est observée dans
Bilan orientant d'emblée vers un diagnostic
deux muscles d'innervation radiculaire ou tronculaire différente
pour les régions cervicale et lombaire, un muscle pour les différentiel
régions bulbaire et thoracique [7]. Ces critères impliquent donc Les explorations cliniques et paracliniques seront dans ce cas
l'étude systématique en détection des quatre régions orientées vers la pathologie à l'origine des symptômes du

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Sclérose latérale amyotrophique P. Codron

Tableau II. Principaux diagnostics différentiels de SLA. Tableau III. Bilan clinique.
Atteintes Lésionnelles du système nerveux central
Atteinte du NMc au niveau des membres et du tronc
Lésion cérébrale Fatigabilité motrice
Myélopathie cervicarthrosique Réflexes ostéotendineux vifs polycinétiques diffusés
Autres pathologies médullaires étagées avec atteinte Réflexes ostéotendineux conservés dans un territoire avec
radiculaire atteinte du NMp
Maladie d'Hirayama Signe de Hoffman ou de Babinski
Pathologies dysimmunitaires du système nerveux
Réflexe médioclaviculaire
périphérique
Hypertonie pyramidale
Neuropathie motrice multifocale avec blocs de conduction
Clonus de rotule ou de cheville
Polyradiculonévrite chronique à prédominance motrice
Atteinte du NMp au niveau des membres et du tronc
Pathologies Infectieuses
Faiblesse, déficit moteur
Infection VIH, West Nile virus, Maladie de Lyme, Syphilis
Crampes
Syndrome post-polio
Amyotrophie
Maladies métaboliques et toxiques
Fasciculations
Dysthyroidie
Réflexes ostéotendineux affaiblis ou abolis
Hyperparathyroidie
Atteinte du NMc au niveau de la sphère bulbaire
Carence en vitamine B12
Dysphonie, Dysarthrie, Dysphagie
Intoxication au Plomb
Clonus mentonnier
Maladies génétiques
Apraxie bucco-faciale
Paraparésie spastique héréditaire (SPG)
Réflexe masséterin vif
Adrénomyéloneuropathie liée à l'X
Rire et pleurer spasmodiques
Amyotrophie spinale de type 4
Dissociation automatico-volontaire du voile
Neuropathie héréditaire à expression motrice
Atteinte du NMp au niveau de la sphère bulbaire
Atrophie bulbo-spinale liée à l'X (maladie de Kennedy)
Dysphonie, dysarthrie, dysphagie
Gangliosidose à GM2
Fasciculations de langue
Maladie d'Alexander
Amyotrophie linguale
Maladie de Brown-Vialetto-Van-Laere
Stase salivaire
Atteintes associées aux cancers
Hypotonie vélaire
Syndrome paranéoplasique
Atteinte restrictive à l'examen de la fonction respiratoire
Myélo-radiculite post radique
Dyspnée, polypnée, orthopnée
Pathologies musculaires et jonctionnelles
Tirage, sollicitation de muscles respiratoires accessoires
Myopathie
Signes cliniques d'hypercapnie (céphalées, asterixis,
Myosite à inclusion
hypercrinie)
Myasthénie auto-immune
Signes cliniques d'atteinte du neurone moteur central (NMc) et du neurone
Atteinte fonctionnelle
moteur périphérique (NMp) devant être recherchés lors de l'examen clinique
Syndrome crampes-fasciculations d'un patient suspect de SLA.

patient. Parfois, la découverte à l'IRM d'une atteinte médullaire


étagée avec atteinte radiculaire, en particulier d'une myélopa- un nouvel ENMG à 3 ou 6 mois permettra d'être plus affirmatif
thie cervicarthrosique, peut complexifier le statut diagnostique en faveur ou en défaveur de la maladie.
chez un patient présentant une symptomatologie motrice pure.
Dans ce cas, la présence de signes d'atteinte du deuxième
motoneurone plus diffuse que ne le voudrait l'atteinte lésion- Atteinte isolée du neurone moteur central
nelle et/ou de signes bulbaires permettent d'orienter le diag- Dans la grande majorité des cas les IRM cérébrale et médul-
nostic vers la SLA. laire permettent d'écarter les étiologies lésionnelles du sys-
tème nerveux central et de conclure au diagnostic de Sclérose
latérale primitive ou de syndrome de Mills. La répétition des
Atteinte du neurone moteur central et du neurone
évaluations cliniques et électriques aura pour but de s'assurer
moteur périphérique sans atypie de l'absence d'apparition d'une atteinte secondaire du NMp.
Le diagnostic de SLA peut être retenu et annoncé au patient. Si Chez un sujet jeune présentant une atteinte très progressive
l'atteinte est débutante ou que deux pathologies s'intriquent, prédominant aux membres inférieurs, une Paraparésie

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patient suspect de SLA ?
Sclérose latérale amyotrophique

Tableau IV. Bilan électrophysiologique.


Critères Gold Coast d'atteinte du NMp à l'ENMG
Dénervation active : activité de repos anormale (fasciculations, fibrillations, ondes lentes positives)
Dénervation chronique : recrutement neurogène (potentiels d'unités motrices de durée et/ou d'amplitude accrues)
Dans 2 muscles d'innervation radiculaire ou tronculaire différente pour les régions cervicale et lombaire, 1 muscle pour les régions
bulbaire et thoracique
Protocole d'exploration ENMG d'après Lenglet et Camdessanché
Étude des vitesses de conduction motrices
Enregistrement des nerfs fibulaires et tibiaux, médians et ulnaires
Conduction étagée jusqu'au point d'Erb surtout en cas d'atteinte monomélique, de déficit moteur sans amyotrophie ou d'un
allongement de la latence l'onde F
Enregistrement des nerfs ulnaires sur le premier interosseus dorsalis et l'abductor digiti minimi
Étude des vitesses de conduction sensitives
Étude des vitesses de conduction sensitives en regard des territoires touchés sur le plan moteur
Par défaut étude des nerfs médian, ulnaire (et radial si contexte de syndromes canalaires médian et ulnaire) et suraux
Examen de détection à l'aiguille
Membres inférieurs : tibialis anterior et vastus lateralis
Membres supérieurs : interosseus dorsalis et deltoidus ou biceps brachii
Région thoracique : rectus abdominis ou paraspinatus dorsalis
Région bulbaire : sternocleidomastoidus, genioglossus, trapezius superior
Et muscles supplémentaires en fonction de la présentation clinique
Stimulations répétitives à 3 Hz
En cas de déficit proximal des membres supérieurs, d'atteinte bulbaire isolée ou en l'absence de tracé neurogène en détection
Étude des couples nerf radial/anconeus, nerf spinal/trapezius superior, nerfs V/XII/complexe sous mental des deux côtés
Critères Gold Coast d'atteinte du neurone moteur périphérique (NMp) à l'électroneuromyogramme (ENMG) [7] et proposition de protocole d'exploration d'un patient
suspect de SLA [19].

Tableau V. Bilan paraclinique. spastique héréditaire (panel SPG) ou une Adrénomyéloneu-


ropathie liée à l'X (dosage des acides gras à très longue
Examens Biologiques chaîne, mutation du gène ABCD1) peuvent être recherchées.
Ionogramme sanguin, urée, créatinine
Glycémie à jeun, ASAT, ALAT, LDH, albumine Atteinte isolée du neurone moteur périphérique
Calcémie, TSH, T3L, T4L L'absence d'atteinte du NMc peut être confortée par la norma-
Numération formule sanguine, plaquettes lité de potentiels évoqués moteurs. Dans ce cas, la recherche
Électrophorèse des protéines sériques de blocs non détectés peut motiver la répétition des ENMG et
le recours éventuel à des techniques de stimulation radiculaire
Immunoélectrophorèse des protéines sériques de haut voltage ou de triple stimulation dans l'hypothèse d'une
VS, CRP neuropathie motrice multifocale avec blocs de conduction
Vitamine B12, folates (NMMBC) ou d'une polyradiculonévrite chronique. Dans le
Créatine kinase même esprit, une recherche d'anticorps anti-gangliosides, la
réalisation d'une ponction lombaire et d'une IRM plexique, et
Sérologies VIH, lyme, syphilisa
l'organisation d'un traitement d'épreuve par immunoglobulines
Examens radiologiques intraveineuses peuvent être envisagées. Chez un homme
Radiographie pulmonaire de face jeune présentant une atteinte pseudo-ulnaire motrice pure
IRM cérébrale amyotrophiante progressive uni ou bilatérale asymétrique,
une IRM cervicale avec séquences dynamiques en flexion
IRM médullaire
permettra de rechercher une contrainte des cordons antérieurs
Bilan de première intention recommandé par l'EFNS chez un patient suspect de de la moelle sur la partie postérieure des corps vertébraux
SLA [18]. s'inscrivant dans le cadre d'une maladie d'Hirayama. Enfin,
a
En cas d'exposition ou risque de contage. chez un sujet jeune présentant une atteinte très progressive
avec signes de chronicité à l'ENMG (potentiels d'unité motrice
géants, dissociation électroclinique) pourra se poser la

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Figure 2. Stratégie diagnostique et orientation du bilan chez un patient présentant des signes cliniques évocateurs d'une SLA.
Abréviations : BVVL :Brown-Vialetto-Van-Laere ; ENMG : électroneuromyogramme ; IgIV : immunoglobulines intraveineuses ; MNP :
myéloneuropathie ; NMc : neurone moteur central ; NMMBC : neuropathie motrice multifocale avec blocs de conduction ; NMp : neurone
moteur périphérique ; NP : neuropathie ; PL : ponction lombaire ; PRNC : polyradiculonévrite chronique ; TAP : tomodensitométrie thoraco-
abdomino-pelvienne ; TEP : tomographie par émission de positons ; SD : syndrome ; SLA : Sclérose latérale amyotrophique ; SNC :
système nerveux central ; SP : spinale ; VCM : vitesses de conduction motrices ; VCS : vitesses de conduction sensitives.

question d'une Amyotrophie spinale de type 3 ou 4 (mutation supra-bulbaire progressive (NMc) ou Paralysie bulbaire pro-
du gène SMN), d'une Neuropathie héréditaire motrice distale gressive (NMp) peut être retenue.
(gènes BSCL2, HSPB1, HSPB8 ou GARS en particulier),
d'une maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 2 à prédomi-
Atteinte restreinte à la sphère respiratoire
nance motrice (gènes MFN2 ou MT-ATP6 en particulier) ou
d'une Gangliosidose à GM2 (dosage de l'hexoaminidase A, Situation plus rare, observée habituellement chez des patients
gènes HEXA/B). En l'absence d'élément évocateur de ces hospitalisés en service de pneumologie ou réanimation pour
affections et si deux territoires sont touchés, le diagnostic hypoventilation alvéolaire aiguë ou subaiguë par atteinte dia-
d'Atrophie musculaire progressive peut être retenu. phragmatique. C'est l'absence d'autre cause respiratoire et
l'évolution clinique avec en particulier l'installation de signes
moteurs ou bulbaires qui orienteront le diagnostic.
Atteinte restreinte à la sphère bulbaire
Une attention particulière doit être portée en imagerie sur
Progression rapide et signes non-moteurs
l'étage bulbaire et sur le trajet des nerfs mixtes à la recherche
d'une origine lésionnelle. De même, en cas de tableau aty- associés
pique ou fluctuant, un contrôle électromyographique avec L'évolution rapide de la maladie, l'existence de symptômes
stimulation nerveuse répétitive et la recherche d'anticorps neurologiques non-moteurs (sensitifs, cérébelleux, limbiques),
anti-RACh et anti-MuSK cherchera à écarter l'hypothèse d'une altération de l'état général ou d'anomalies au bilan
d'une myasthénie auto-immune qui peut parfois mimer une paraclinique (perturbations de la formule sanguine, gamma-
SLA bulbaire. Plus rare, une maladie d'Alexander (leucodys- pathie monoclonale, lésion pulmonaire) doivent faire complé-
trophie héréditaire par mutation du gène GFAP) peut être ter les investigations à la recherche d'une origine
évoquée en cas d'atrophie de la moelle cervicale à l'IRM, paranéoplasique, qui peut donner une atteinte du NMc, du
ou une maladie de Brown-Vialetto-Van-Laere chez le sujet NMp ou des 2 neurones moteurs [20]. Les cancers les plus
de moins de 30 ans présentant une hypoacousie (mutation fréquemment associés sont le carcinome pulmonaire à petites
des gènes SLC52A2/A3). En l'absence d'élément supplémen- cellules, l'adénocarcinome mammaire, et les hémopathies
taire, le diagnostic de SLA bulbaire (NMc et NMp), Paralysie malignes (lymphome en particulier). Le bilan peut être

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patient suspect de SLA ?
Sclérose latérale amyotrophique

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radique ou familiale – puisse bénéficier d'une étude biologique J, et al. Electrodiagnostic criteria for diagnosis of ALS. Clin
moléculaire pour les gènes C9orf72 et SOD1 dès le diagnostic Neurophysiol 2008;119(3):497–503.
de la maladie [22]. Une analyse complémentaire (FUS, [10] Goutman SA, Hardiman O, Al-Chalabi A, Chió A, Savelieff MG,
TARDBP, panel de gènes) peut être proposée chez les sujets Kiernan MC, et al. Recent advances in the diagnosis and pro-
jeunes (âge de début avant 45 ans) et/ou de contexte familial gnosis of amyotrophic lateral sclerosis. Lancet Neurol 2022;21
évocateur. L'analyse ne peut se faire qu'après signature d'un (5):480–93.
consentement éclairé, le prélèvement doit être adressé à l'un [11] Pinto WBVR, Debona R, Nunes PP, Assis ACD, Lopes CG,
des 3 laboratoires référents pour la génétique moléculaire de Bortholin T, et al. Atypical motor neuron disease variants: still a
la SLA. Une consultation dédiée doit être organisée pour diagnostic challenge in neurology. Rev Neurol 2019;175(4):221–
informer le patient en personne du résultat. 32.
[12] Arai T, Hasegawa M, Akiyama H, Ikeda K, Nonaka T, Mori H,
et al. TDP-43 is a component of ubiquitin-positive tau-negative
inclusions in frontotemporal lobar degeneration and amyotrophic
CONCLUSION lateral sclerosis. Biochem Biophys Res Commun 2006;351
(3):602–11.
En cas de suspicion de SLA, le bilan réalisé doit permettre de
[13] Neumann M, Sampathu DM, Kwong LK, Truax AC, Micsenyi
poser un diagnostic reposant sur des éléments cliniques et
MC, Chou TT, et al. Ubiquitinated TDP-43 in frontotemporal lobar
paracliniques robustes, et d'orienter rapidement les patients
degeneration and amyotrophic lateral sclerosis. Science
vers l'un des 19 centres référents pour la prise en charge de la
2006;314(5796):130–3.
maladie. L'identification de marqueurs de la SLA tels que le
[14] Strong MJ, Abrahams S, Goldstein LH, Woolley S, Mclaughlin
dosage des neurofilaments, les techniques d'imagerie en ten-
P, Snowden J, et al. Amyotrophic lateral sclerosis-frontotemporal
seur de diffusion et les approches « omiques », est un champ
spectrum disorder (ALS-FTSD): revised diagnostic criteria. Amyo-
actif de la recherche visant à apporter dans les années à venir
troph Lateral Scler Front Degener 2017;18(3–4):153–74.
des éléments supplémentaires au clinicien lors du bilan diag-
[15] Jésus P, Fayemendy P, Nicol M, Lautrette G, Sourisseau H,
nostic de la maladie.
Preux PM, et al. Hypermetabolism is a deleterious prognostic
factor in patients with amyotrophic lateral sclerosis. Eur J Neurol
Déclaration de liens d'intérêts 2018;25(1):97–104.
L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts. [16] Steyn FJ, Ioannides ZA, van Eijk RPA, Heggie S, Thorpe KA,
Ceslis A, et al. Hypermetabolism in ALS is associated with
greater functional decline and shorter survival. J Neurol Neuro-
RÉFÉRENCES surg Psychiatry 2018;89(10):1016–23.
[17] Swinnen B, Robberecht W. The phenotypic variability of amyo-
[1] Luna J, Defressigne O, Erazo D, Lautrette G, Raymondeau- trophic lateral sclerosis. Nat Rev Neurol 2014;10(11):661–70.
Moustafa M, et al. Epidemiological time-trend of amyotrophic [18] Andersen PM, Abrahams S, Borasio GD, de Carvalho M, Chio
lateral sclerosis (ALS) over two decades: the French population- A, Van Damme P, et al. EFNS guidelines on the clinical

Pour citer cet article : Codron P. Stratégie diagnostique : quel bilan chez un patient suspect de SLA ? Pratique
Neurologique – FMC (2023), https://doi.org/10.1016/j.praneu.2023.01.005
PRANEU 650 No. of Pages 8

Sclérose latérale amyotrophique P. Codron

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report of an EFNS task force. Eur J Neurol 2012;19(3):360–75. epidemiology of amyotrophic lateral sclerosis: a systematic
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Pour citer cet article : Codron P. Stratégie diagnostique : quel bilan chez un patient suspect de SLA ? Pratique
Neurologique – FMC (2023), https://doi.org/10.1016/j.praneu.2023.01.005

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