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L’impact du choix de point de vue de narration sur la perception du roman par le lecteur

Bonjour à toutes et à tous, aujourd’hui nous allons vous présenter un exposé sur l’impact du choix
de point de vue de narration sur la perception du roman par le lecteur à travers différents points. Il
est important de préciser que lorsque nous diront que meursault a écrit le livre, ce n’est que pour
conformer au récit de Meursault Contre-Enquête puisque dans l’univers de ce roman Camus ne
semble pas exister et plusieurs éléments sont modifiés comme le titre du livre de Meursault.

Les deux livres sont écrits à la première personne du singulier, ce qui est un style d’écriture assez
classique pour des romans. Cependant, dans MCE, Haroun s’adresse directement au lecteur et
l’inclut dans l’histoire ce qui est très rarement fait dans les romans. Tout au long du récit, nous nous
trouvons dans un bar à écouter l’histoire d’Haroun non pas passivement comme nous le faisons dans
l’Etranger mais activement puisque, d’une certaine manière, il nous fait participer au récit. Bien
évidemment, que nous répondions ou non aux questions d’Haroun n’impacte pas le cours du récit,
mais ces dernières sont ouvertes comme quand il nous demande “viendras-tu demain ?” (p.59) ou
alors “Croiras-tu a une autre version des faits, complètement inédite ?” (p.42). Nous lui posons alors
aussi des questions puisqu’il nous dit : “tu me demandes si je veux continuer ? Oui bien sur” (p.25).
Le lecteur est donc un personnage à part entière du roman MCE. Haroun nous salue, nous demande
notre prénom assez tôt dans le récit et demande notre avis plusieurs fois sur des sujets variés (“As-
tu constaté comme les gens s’habillent de plus en plus mal ?” (p.78)) comme si nous étions deux
personnes apprenant à nous connaitre. Plus nous avançons dans l’histoire, plus nous comprenons
qu’Haroun essaye de créer des liens avec nous car il n’a pas reçu l’amour de sa mère et il cherche
alors à combler ce vide en partageant ses pensées et ses ressentis avec nous. Nous créons alors
progressivement un lien avec lui qui peut se remarquer dans le changement de la manière dont il
s’adresse à nous au fil du roman. En effet, il passe de nous surnommer “l’enquêteur” à “l’ami” parce
que nous étions un étranger venu pour faire une contre-enquête mais nous avons réussi à nous
rapprocher suffisamment de lui pour qu’il nous considère comme son ami. Nous nous attachons
alors à lui et ressentons de l’empathie envers lui. De plus, étant son ami, nous apprenons ses manies
(“j’aime divaguer, tu commences à le savoir” (p.62)), ses goûts (“je n’aime pas le café mais j’aime
l’âpre et la fraicheur du vin qu'on a bu hier") et surtout nous devenons son confident. En effet, plus
nous nous rapprochons de lui, plus il nous fait confiance et il finira même par raconter le secret de sa
famille. Cela rend Haroun très réaliste et le récit de sa vie devient alors moins lourd à subir pour le
lecteur. Il n’hésite pas à nous parler de son ressenti contrairement à Meursault qui semble vide de
toute émotion apparente. Les mots de Meursault sont décrits comme “des pierres taillées par
l’exactitude même” (p.12) par Haroun qui a lui-même lu le livre plusieurs fois. Meursault se contente
effectivement de décrire ce qu’il voit ou ce qu’il ressent physiquement, il est comme submergé par le
monde dans lequel il vit, et celui-ci prend le dessus sur ses émotions. “L’éclat de la lumière sur les
murs blancs me fatiguait” (page 17) (pendant qu’il assistait à l’enterrement de sa mère) mais aussi
“La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante qui m'atteignait au front.
Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les a
recouvertes d'un voile tiède et épais.” (page 92). C’est pourquoi il parait si étrange à nos yeux
contrairement à Haroun. Nous comprenons cependant que la froideur de la narration est adéquate
au livre de “l’Etranger” puisque nous arrivons à percevoir la philosophie de Camus à travers
Meursault.

Nous sommes, selon Haroun, ceux qui écrivons le livre puisque, nous sommes venus faire une
contre-enquête au sujet de notre livre favori. (“note donc cette phrase, j'y tiens.” (p.55)). En effet,
nous avons retrouvé Haroun parce que nous cherchions à découvrir l’identité de l’Arabe que
Meursault a tué et Haroun, son frère, nous raconte alors le meurtre de Moussa et sa vie depuis. Tout
comme Haroun auparavant, nous essayons d’en découvrir plus sur le crime et il nous aide alors
puisque, cette enquête, il l’a déjà menée. Comme nous le fait comprendre Haroun assez tôt dans le
récit, nous sommes un très grand fan du livre que Meursault aurait publié une fois sorti de prison
(puisque dans MCE, il est dit que Meursault n’a finalement pas été exécuté) et nous voulons
retrouver la victime jamais nommée de ce livre intitulé “l’autre” devenu un best-seller.

Cependant, vu l’insistance d’Haroun sur le fait que Meursault est notre héros, nous pourrions
culpabiliser puisque nous savons que les actions de Meursault ont eu un impact énorme sur Haroun
et sa mère. Nous nous retrouvons donc comme aliénés en tant que lecteurs puisque nous ne
choisissons pas de “jouer” ce rôle. Certaines personnes pourraient donc y voir dans cette situation
une fausse sympathie de la part du narrateur puisqu’il nous impose ce personnage que nous ne
sommes peut-être pas et d’autres trouveraient ces interactions divertissantes qui permettent
d’ajouter du goût au récit.

En lisant l’Etranger pour la première fois, le fait que Meursault ne nous donne pas d’identité dans le
roman ne nous choque pas. Comme nous l’avons déjà fait dit, intégrer le lecteur dans le récit est très
anormal. D’habitude, lorsque le personne principal écrit à la première personne du singulier, nous
avons simplement l’impression de lire un journal intime. C’est le cas dans l’Etranger, Meursault
raconte sa vie et il n’écrit pas en sachant que des personnes liront le livre mais seulement pour lui.
Tout repose sur sa vision des choses, d’où le pronom “je” qui prime dans le roman. Cependant en
relisant le roman après avoir lu MCE, nous avons l’impression que notre présence est inutile. En
effet, après s’être tellement habitués à être intégré dans cette histoire dans MCE, il nous est étrange
de ne plus en faire partie. Nous nous alors sentons comme étrangers au récit et nous ne nous nous
rendons compte que nous nous focalisions seulement sur Meursault et non sur Moussa et sa famille.

En effet, lorsque nous lisons l’Etranger, nous oublions assez rapidement le meurtre que Meursault a
commis au profil de sa condamnation qui nous indigne puisqu’il est condamné non pas parce qu’il a
tué quelqu’un mais parce qu’il n’a pas pleuré la mort de sa mère. Comme le précise Haroun dans
MCE, “la victime est un simple rebondissement ni vue, ni connue mais seulement tuée” (p.56 et
132). Son frère est donc décrit comme un détail sans importance et Meursault n’a d’ailleurs jamais
cité son nom et s’est contenté de l’appeler “l’Arabe” 25 fois dans son livre ce qui déshumanise
fortement Moussa puisqu’une personne sans nom n’en ait pas réellement une. Pensez-y de cette
manière, dès notre naissance nous recevons un prénom qui permet à autrui de pouvoir nous
identifier et, en appelant Moussa “l’Arabe”, il n’est plus qu’un arabe parmi tant d’autres et son
existence est alors minimisée. Si Meursault avait décidé de citer le nom de Moussa ne serait-ce
qu’une fois, cela aurait été beaucoup plus compliqué de passer outre puisque ça aurait conscientisé
le lecteur sur le fait que Moussa était une personne ayant une vie qui ne se limite pas seulement à
mettre Meursault en prison.

Grâce au fait que le frère de Moussa nous parle dans MCE, nous sentons que nous avons un regard
plus objectif sur toute cette histoire puisque nous avons lu le point de vue de Meursault et celui
d’Haroun. Nous découvrons aussi des informations “omises” par Meursault dans l’Etranger ce qui
remet en cause sa parole et nous force à relire l’Etranger pour porter un regard nouveau sur le livre.
En effet, à plusieurs reprises, Haroun nous dit que certaines informations que Meursault a écrites
dans son livre sont erronées puisqu’il n’aurait pas de sœur et encore moins une sœur “aux mœurs
légères”. Il prétend alors que le fait que Meursault ait écrit que la sœur de l’arabe était une pute ne
serait qu’une justification pour atténuer la gravité de son crime (“Je reconnais à ton héros le talent
d'inventer une tragédie à partir d'un bout de journal ... mais je t'avoue qu'il m'a déçu. Pourquoi une
pute […] pour atténuer ainsi la gravité de sa propre faute” (p.72)) En effet, selon Haroun, lorsque
Meursault décrit l’Arabe et sa sœur, il le fait de manière à faire penser aux lecteurs que ce ne sont
que deux personnes sans importance puisqu’une femme émancipée sexuellement et son frère qui
essaye de la défendre ne sont que des sous-classes de la population surtout à l’époque où le livre a
été écrit. De plus, le fait que le livre de Meursault soit écrit de manière linéaire et logique pourrait
nous pousser à le croire. Haroun trouve cela suspect “on dirait une reconstruction faite main, pas
une confidence. Un alibi trop parfait pas un souvenir” (p.42) et il remet en cause le fait que
Meursault ait assisté à l’enterrement de sa mère et veut même le démontrer d’une manière presque
frénétique.

Haroun se retrouve beaucoup dans le personnage de Meursault puisqu’ils vivent souvent des
expériences semblables “ le livre […] et sa concordance magique avec ma vie” (p.58). En effet, ce
dernier ne regrette pas son meurtre et s’est même senti libéré après celui-ci, il se sent également
étranger face à une terre qui est pourtant la sienne et nous avons même l’impression qu’il se réjouit
de la mort de sa mère. (“je t’emmènerai avec moi assister à son enterrement” p.49). Seulement,
nous avons tendance à mieux comprendre les actes d’Haroun parce qu’il aurait des circonstances
atténuantes. Il a effectivement agi presque tout le long par vengeance et pour retrouver sa liberté
qui lui a été volée depuis la mort de son frère. “C'était l'occasion d'en finir avec lui, de l'enterrer
dignement. Comme ça depuis sa mort, notre vie n'avait été qu'une comédie ou un sursis à peine
sérieux et que nous avions seulement joué à attendre que ce Romy revienne de lui-même sur les
lieux du crime, que nous emportions ou que nous allions.” (p.94). C’est son vécu qui explique donc le
comportement qu’il a adopté durant le récit, il a en fait subi les conséquences de sa misérable
existence. Nous pouvons comprendre ainsi même ses actes les plus exécrables.

Néanmoins, dans l’Etranger, c’est tout le contraire puisque les actes de Meursault sont absurdes.
Nous ne comprenons ainsi pas une seule des actions de Meursault. Pourquoi a-t-il tué l’Arabe ?
Pourquoi a-t-il défendu Raymond, un homme que nous jugeons « d’une moralité douteuse » ?
Pourquoi l’idée de se marier avec Marie ne lui apportait ni bonheur ni dégoût ? Tout cela nous
déstabilise en tant que lecteurs puisque nous ne savons, de ce fait, pas quoi penser de Meursault.
Camus écrit de manière très saccadée et se contente, encore une fois, de décrire tous les
événements de manière objective et complètement détachée. Meursault est dès lors décrit et perçu
par le lecteur comme un personnage bizarre et celui-ci est alors plus susceptible d’établir des
préjugés à son égard. La narration est telle que nous avons l’impression que Meursault est
naturellement étrange et qu’il ne s’en rend même pas compte. En effet, beaucoup sont ceux qui
pensent que Meursault est dénué de sentiments, qu’il est trop pragmatique et qu’il est tout
simplement indifférent face aux interactions sociales et les lecteurs sont alors dans l’incapacité de
s’attacher à lui. Mais tout cela, nous n’en avons pas la certitude puisqu’il ne nous le dit pas
explicitement. Peut-être a-t-il tout simplement peur d’exprimer ces émotions cachées ? Ou n’en
trouve-t-il pas l’utilité ? Nous n’aurons jamais la certitude que Meursault ressentait des sentiments
tels que la culpabilité, le regret, l’amour, le deuil, etc. Et c’est en cela que nous le trouvons
dérangeant. Cependant, quelques extraits nous font douter du jugement que nous portions jusque-
là sur lui comme par exemple -> “J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence
exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux.” “Alors je ne sais pourquoi, il y a quelque chose qui
a crevé en moi. Je me suis mis à crier à plein gosier […] J’étouffais en criant tout ceci.” (p.180 et 181).
Ou encore ”C’était le même soleil que le jour où j’avais enterré maman […]” (pages 92 et 93)
Haroun, lui, nous expose indirectement les raisons de son sentiment d’intrusion face aux siens, le
comportement qu’il a adopté tout le long est notamment justifié par les mauvaises expériences qu’il
a vécues.

Le style d’écriture joue donc un rôle crucial dans la vision du lecteur face aux deux romans. En effet,
nous sommes plus susceptibles de ressentir de l’empathie pour Haroun même si dans MCE, l’auteur
nous montre à maintes reprises qu’Haroun n’est pas si différent de Meursault. La perception du
lecteur sur un ou plusieurs personnages voire sur l’entièreté d’une histoire peut donc se trouver
complètement chamboulée par la narration et le style d’écriture de l’écrivain.

Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que vous soyez nombreux à avoir aimé notre exposé et que vos
cris de joie soient sauvages.

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