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STRATƒGIE, LOGISTIQUE ET PROPAGAN-

DE : LÕUSAGE DES CARTES MILITAIRES


PAR CHAMLAY
par Jean-Philippe CŽnat

Professeur agrŽgŽ dÕhistoire et docteur en histoire (UniversitŽ Paris I)


6 av. Jules Jouy 93600 Aulnay-sous-Bois
Courriel : jp.cenat@free.fr
Institut gŽographique national,

La fonction mŽconnue de marŽchal gŽnŽral des logis (chef dՎtat-major dÕarmŽe, chargŽ avant tout
dÕorganiser les camps et les marches) occupŽe par Chamlay ˆ lՎpoque de Louis XIV nous montre quÕelle
Žtait pourtant dŽcisive pour crŽer et exploiter les cartes militaires en campagne. DÕautre part, Chamlay sut
Žgalement utiliser les cartes pour glorifier les actions du roi pendant la guerre de Hollande et sÕassurer ainsi
une place dans les cercles proches du pouvoir.

Si les spŽcialistes de cartographie militaire des ments des troupes, mais aussi pour le choix dÕun
XVIIe et XVIIIe sicles connaissent relativement bien champ de bataille, comme le fit, par exemple,
le r™le des ingŽnieurs du GŽnie et des ingŽnieurs Chamlay au moment de lÕaffrontement de Cassel en
gŽographes, celui des marŽchaux des logis des 1677.
camps et armŽes du roi reste encore largement igno-
rŽ. Pourtant ces derniers, dont les fonctions corres- Deux marŽchaux gŽnŽraux des logis accomplirent
pondaient approximativement ˆ celles dÕun chef une brillante carrire ˆ lՎpoque de Louis XIV. Le pre-
dՎtat-major dÕarmŽe, procuraient la principale sour- mier est Jacques-Franois de Chastenet, marquis de
ce dÕinformation gŽographique au commandant en PuysŽgur (1655-1743). CՎtait un excellent logisti-
chef dÕune armŽe en campagne. En effet, ils Žtaient cien et il fit une brillante carrire militaire en sÕillus-
chargŽs, avant tout, dÕorganiser les camps et les trant pendant la guerre de la Ligue dÕAugsbourg et
marches dÕune armŽe et, ˆ cette fin, devaient dispo- celle de la Succession dÕEspagne. Sous la RŽgence,
ser de toutes les informations gŽographiques nŽces- il fit partie du Conseil de la guerre et fut nommŽ
saires pour choisir les meilleurs endroits et Žviter les marŽchal de France en 1734. Il laissa le manuscrit
mauvaises surprises. Leur statut Žtait particulier, dÕun Art de la guerre qui parut aprs sa mort en 1748
puisquÕils Žtaient, ˆ la fois, extŽrieurs ˆ la hiŽrarchie (Bluche 1986, p. 1280-1281). Le second personnage
des officiers militaires (ils nÕavaient thŽoriquement est mŽconnu. Il sÕagit de Jules-Louis BolŽ de
aucun pouvoir de commandement sur les troupes au Chamlay qui devint pourtant lÕun des principaux
combat et ne participaient pas aux batailles) et, en conseillers militaires du roi et de Louvois (CŽnat
partie, extŽrieurs ˆ la hiŽrarchie administrative mili- 2006). NŽ en 1650, Chamlay commena sa carrire
taire qui dŽpendait du dŽpartement de la Guerre et comme marŽchal gŽnŽral des logis pendant la guer-
sÕoccupait des questions dÕintendance. En fait, le re de Hollande (1672-1678), au cours de laquelle il
marŽchal gŽnŽral des logis (autre appellation plus fut rapidement repŽrŽ par les plus grands gŽnŽraux
courte pour le marŽchal des logis des camps et de son temps (notamment Turenne et CondŽ) pour
armŽes du roi) ne recevait ses ordres que du com- ses talents gŽographiques et logistiques. Ainsi, gr‰ce
mandant dÕarmŽe avec qui il travaillait rŽgulirement, Žgalement ˆ un sens aigu de lÕopportunisme et des
ce qui lui laissait une grande autonomie et pouvait lui relations, il rŽussit ˆ sÕimposer, ds 1678, comme un
donner une influence considŽrable. En effet, sÕil collaborateur indispensable de Louvois et du roi.
connaissait bien le pays, il pouvait orienter largement Stratge ˆ la pensŽe trs rationnelle, voire systŽma-
les choix stratŽgiques du gŽnŽral pour les dŽplace- tique, il joua ensuite un r™le dŽcisif dans le ravage du

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Palatinat en 1688-1689 et dans la mise en place de Luxembourg (Service historique de la DŽfense
la stratŽgie de cabinet. SÕil ne succŽda pas ˆ Louvois (SHD), Archives de la Guerre, A1 275, fol. 269 :
en 1691, il fut cependant un personnage aussi Ç Description par Chamlay, annotŽe par
influent quÕun secrŽtaire dՃtat de la Guerre. Luxembourg, du pays au-delˆ de la Lippe, entre
BŽnŽficiant de toute la confiance de Louis XIV, il Dorsten et Lippstadt È). De mme, Louis de Gaya,
occupa des fonctions trs diverses et jamais claire- dans LÕart de la guerre et la manire dont on la fait ˆ
ment dŽfinies, puisquÕil fut Žgalement historien (il col- prŽsent (Gaya 1677, p. 23-25), Žcrit que le marŽchal
labora notamment avec Racine et Boileau) et propa- gŽnŽral des logis Ç pour estre parfait È dans sa
gandiste, et quÕil mena des missions diplomatiques charge, Ç doit estre tel que le Sieur de Chanlay qui
confidentielles. Pragmatique, il proposa, comme son possde aujourdÕhuy celle de lÕarmŽe du roy : et
ami Vauban, des rŽformes de lÕarmŽe, puis en vint, quoi quÕil soit encore jeune, il faut dire ˆ la loŸange,
lui aussi, ˆ sÕintŽresser de prs aux questions Žcono- que quarante annŽes de service ne le rendroient pas
miques et fiscales ˆ partir des annŽes 1690. La car- ny plus habile ny plus expŽrimentŽ quÕil est. È ƒtant
rire exceptionnelle de ce personnage, surtout ˆ ses lÕincarnation mme de sa fonction, Chamlay nous
dŽbuts pendant la guerre de Hollande, nous offre un permettra donc de saisir au mieux le r™le du marŽ-
exemple privilŽgiŽ pour comprendre comment les chal gŽnŽral des logis en campagne.
militaires utilisaient les cartes et la gŽographie lors-
quÕils Žtaient en campagne, tout en nous montrant Tout dÕabord, avant de partir sur le front, ce dernier
comment Chamlay rŽussit Žgalement ˆ faire de ses devait se procurer des cartes des rŽgions que lÕar-
cartes et ordres de marche des outils de propagande mŽe allait traverser. Ces dernires Žtaient donc plus
pour se faire remarquer du roi et de Louvois. anciennes, rŽalisŽes gŽnŽralement lors des guerres
prŽcŽdentes ou quelques annŽes auparavant. Nous
1 Le marŽchal gŽnŽral des logis et savons que les marŽchaux des logis des camps et
la cartographie militaire armŽes du roi rŽcupŽraient les cartes de leurs prŽdŽ-
Pour bien accomplir sa charge, un marŽchal gŽnŽ- cesseurs lorsquÕils prenaient possession de leur
ral des logis devait conna”tre parfaitement le thŽ‰tre charge, ce qui montre un souci de continuitŽ dans
dÕopŽration dans lequel lÕarmŽe se dŽplaait et donc les fonctions, les papiers des marŽchaux gŽnŽraux
possŽder de grands talents gŽographiques. des logis nՎtant pas considŽrŽs comme des biens
DÕailleurs, tous les auteurs qui ont Žcrit sur lÕart mili- personnels de leurs titulaires. Nous savons en
taire aux XVIIe et XVIIIe sicles (Gaya, Guignard, particulier que Chamlay hŽrita thŽoriquement en
Quincy, Daniel, PuysŽgurÉ) ont insistŽ sur le fait que 1669-1670 des cartes des Fougeu, dynastie de
le marŽchal gŽnŽral des logis devait tre bon topo- marŽchaux gŽnŽraux des logis et de cartographes
graphe et disposer de bonnes cartes. Voici ce quÕaf- depuis la fin du XVIe sicle (Desbrire 1995). Ces
firme par exemple Guignard (Guignard 1725, t. II, p. cartes, notamment une partie des Ç dons Bontin È,
332) : ont ŽtŽ transfŽrŽes aux Cartes et plans de la
Ç Un marŽchal des logis doit surtout tre un bon Bibliothque nationale de France. Mais nous
gŽographe et avoir des cartes fidles de la frontire o devrions parler dÕun hŽritage thŽorique. On peut, en
il est employŽ, avec des plans qui ont ŽtŽ dressŽs des effet, se demander si Chamlay a rŽellement pris pos-
diffŽrents campements qui ont ŽtŽ faits partout o la session de ces cartes et croquis dÕopŽration, et sÕil
guerre a ŽtŽ portŽe sous le prŽcŽdent rgne, parce que les a rŽellement utilisŽs car ce sont avant tout des
trs communŽment on se trouve dans les mmes posi-
brouillons, souvent peu lisibles et presque entire-
tions. Il y a de ces plans qui ont ŽtŽ dressŽs par M. de
Chamlay ; ils sont aussi parfaits que leur auteur lՎtait ment pŽrimŽs : ils datent du dŽbut du XVIIe sicle et
dans ce genre. È concernent en gŽnŽral lÕintŽrieur de la France et non
les fronts dÕopŽration des Pays-Bas espagnols ou
Cette aptitude de Chamlay est Žgalement saluŽe dÕAllemagne, o Chamlay servait principalement.
par tous ses contemporains, que ce soient Turenne, Ces cartes nՎtant gure utiles, Myriem Foncin,
CondŽ, Luxembourg, Louis XIV, Saint-Simon, ancienne conservatrice du DŽpartement des cartes
DangeauÉ On peut mme dire que Chamlay appa- et plans de la BNF, qui a ŽtudiŽ prŽcisŽment ce
ra”t, ds les dŽbuts de sa carrire, comme le mod- fonds, a pensŽ quÕen fait elles avaient probablement
le du parfait marŽchal gŽnŽral des logis. Ainsi, ds dž rester au ch‰teau de Bontin depuis le dŽbut du
ses premiers mois de service, en 1672, il fut considŽ- XVIIe sicle, au lieu de changer plusieurs fois de
rŽ comme une vŽritable Ç carte vivante È par mains, des Fougeu ˆ Chamlay, puis de Chamlay ˆ

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son assistant La PrŽe, propriŽtaire du ch‰teau temps quÕil faut pour les parcourir, vingt-deux heures,
(Foncin 1970). Il est donc fort probable que Chamlay par exemple, pour aller de Dorsten ˆ Lippstadt.
ait plut™t utilisŽ des cartes plus rŽcentes. CÕest ce Chamlay insiste sur les diffŽrentes voies de commu-
que confirment quelques ŽlŽments ponctuels. Ainsi, nication, leurs intersections, les points de repre,
en 1686, les comptes du TrŽsor royal indiquent que, comme un arbre isolŽ ou une croix, et sur les points
pour le service du roi, le marŽchal gŽnŽral des logis de rupture que sont les guŽs, ponts et bacs. La lar-
a acquis des livres de gŽographie et des cartes pour geur des chemins ou plut™t du front de marche est
la somme de 2 200 livres (BNF, Ms, fr. 22732, fol. Žgalement trs importante, avec des endroits o les
288v : Comptes du trŽsor royal). De mme, le 22 troupes peuvent marcher ˆ cinquante de front, et
avril 1693, ˆ la veille de partir en campagne dans les dÕautres o lÕon est plus resserrŽ et o, Žventuelle-
Pays-Bas avec le roi, Chamlay demande ˆ son ment, les embuscades sont ˆ craindre.
assistant La PrŽe de lui envoyer la nouvelle carte des
Flandres rŽalisŽe par Jaillot (SHD, AG, A4 97 (Ç Don Le principal objectif de tous ces documents ˆ voca-
de Bontin VII È), lettre de Chamlay ˆ La PrŽe, tion militaire Žtait de renseigner et dÕaider aux dŽpla-
Versailles, 22 avril 1693). Mais souvent ces cartes se cements des troupes, relativement complexes. En
rŽvŽlaient insuffisantes en campagne. Aussi, le effet, ˆ cette Žpoque, une armŽe devait constam-
marŽchal gŽnŽral des logis devait-il alors en rŽaliser ment tre rŽunie en un seul bloc, dans une configu-
lui-mme ou en faire faire par ses subordonnŽs. ration proche de lÕordre de bataille, pour pouvoir faire
CÕest ce que fit Chamlay pendant la guerre de face au plus vite ˆ une attaque. On ne pouvait divi-
Hollande avec lÕaide de son principal assistant, ser lÕarmŽe en plusieurs corps de troupes car ceux-
Franois La PrŽe, qui deviendra lui aussi marŽchal ci risquaient de se faire surprendre par une armŽe
gŽnŽral des logis. Les deux hommes levrent en ennemie complte. Au XVIIe sicle, le poids du choc
effet de nombreuses cartes et de nombreux plans Žtant encore largement dŽcisif par rapport au feu (il
concernant les Pays-Bas espagnols, comme en fallut attendre les progrs de lÕartillerie et des
tŽmoignent les Cartes et plans de la BNF et certains cadences de tir pour inverser la tendance), lÕeffet du
cartons du SHD1. nombre restait primordial : un dŽtachement assailli
par une armŽe entire ne pouvait lui rŽsister trs
Par souci de lisibilitŽ ou par impossibilitŽ tech- longtemps et Žtait vouŽ ˆ lÕanŽantissement. Le sys-
nique, les cartes ne permettaient pas toujours de tme divisionnaire2 ne fut inventŽ quÕau milieu du
reprŽsenter tous les ŽlŽments importants dÕune XVIIIe sicle et mis en pratique sous la RŽvolution et
rŽgion et les techniques de reprŽsentation du relief lÕEmpire. Par consŽquent, au XVIIe sicle, les camps
nՎtaient gure satisfaisantes. Aussi le marŽchal des armŽes se prŽsentaient tout en longueur, sՎten-
gŽnŽral des logis devait-il rŽdiger des descriptions de dant sur, parfois, 5 km de long et 500 m de large, car
pays, cÕest-ˆ-dire des mŽmoires gŽographiques qui il fallait reproduire lÕordre de bataille. Ayant la char-
servaient de complŽments. Une des premires des- ge du choix du lieu du campement et de son instal-
criptions de pays par Chamlay fut celle Ç du pays lation, le marŽchal gŽnŽral des logis devait repŽrer
au-delˆ de la Lippe, entre Dorsten et Lippstadt È au ˆ lÕavance des endroits appropriŽs, cÕest-ˆ-dire de
dŽbut 1672 (SHD, AG, A1 275). Elle donne une vue larges espaces, si possible sur une hauteur ou ˆ
de la rŽgion au fil de la marche, ˆ la manire dÕun iti- proximitŽ dÕun obstacle naturel (une colline, des
nŽraire touristique, mais ˆ vocation militaire. Sont rochers, une rivire) qui pourrait couvrir le camp. Il
indiquŽes les distances entre les villes en lieues et le Žtait Žgalement important dÕavoir ˆ disposition de

1) Ce matŽriel cartographique provient en fait dÕune mme source : les archives du ch‰teau de Bontin, cÕest-ˆ-dire la pro-
priŽtŽ des hŽritiers de Franois La PrŽe. Ensuite, ces archives ont ŽtŽ dispersŽes, rachetŽes et, aujourdÕhui, on les trou-
ve dans plusieurs dŽp™ts diffŽrents : au Service historique de la DŽfense (il sÕagit de la sŽrie des Ç dons de Bontin È,
volumes A4 91 ˆ 97), aux Archives de lÕYonne (Legs Niel, mais qui ne contient pas de cartes) et surtout au DŽpartement
des cartes et plans de la BNF, avec plusieurs achats entre 1897 et 1937 et un nouveau don de Niel enregistrŽ en 1959
(Les cotes de la BNF Žtant trs nombreuses, nous renvoyons ˆ celles citŽes dans les sources de notre thse). Des
archives et des cartes se trouvent encore aujourdÕhui au ch‰teau de Bontin mais ces archives ne sont pas ouvertes au
public.
2) Le principe du systme divisionnaire est de fractionner une armŽe en divisions, cÕest-ˆ-dire en ŽlŽments aux effectifs
Žquivalents composŽs de tous les types dÕarmes (infanterie, cavalerie, artillerie) et capables de rŽsister ˆ nÕimporte quel-
le armŽe ennemie pendant un certain temps. Une division se dŽplaait alors ˆ une distance du gros de lÕarmŽe et lui lais-
sait le temps de rŽsister ˆ une armŽe ennemie jusquՈ lÕarrivŽe des renforts.

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lÕeau potable et un peu de bois pour construire pouvaient servir de logement pour les troupes,
dՎventuels retranchements et alimenter le feu notamment pour des officiers soucieux de leur
(Milot 1971, p. 269-290). confort. On aborde lˆ lÕautre grand objectif des cartes
militaires : assurer au mieux le ravitaillement de lÕar-
Pour les marches, lÕarmŽe Žtait gŽnŽralement divi- mŽe en campagne. Ainsi, lorsque les mŽmoires
sŽe en trois colonnes, mais il Žtait difficile de trouver dŽcrivent les ressources Žconomiques de la rŽgion,
plusieurs routes pour les faire avancer paralllement. cÕest avant tout dans cette optique, comme lÕont bien
Par consŽquent, la route Žtait rŽservŽe ˆ la colonne montrŽ Claire Lemoine-Isabeau et Etienne HŽlin
centrale constituŽe de lÕartillerie et des bagages, pour les cartes du pays de Lige au XVIIIe sicle
alors que lÕinfanterie et la cavalerie se dŽplaaient ˆ (Lemoine-Isabeau et HŽlin 1980, p. 15) :
travers champs ou sur de petits chemins parallles.
Ç Champs labourŽs et moulins annoncent des pro-
CÕest ce que lÕon peut observer, par exemple, sur la
visions de grains ou de farine ; les prairies font bien
carte de la marche des canons, des troupes et des augurer du fourrage et surtout des bestiaux ; les forts
Žquipages de Saint-Tron ˆ Warem et ˆ Hannuye, procurent le bois nŽcessaire aux fascines, aux bara-
datant de 1677 (fig. 1 et 2). On y retrouve les deux quements, aux rŽparations des outils, du charroi et des
longues lignes parallles des deux campements. ponts. Aucune allusion cependant aux btes de somme
Pour la marche elle-mme, trois couleurs permettent ni aux bateaux et pontons, si Žconomiques et pratiques
pour transporter les mortiers et les munitions de gros
dÕen suivre le dŽroulement. On distingue les troupes
calibres nŽcessaires lors des siges. Aucune carte ne
(en orange) qui encadrent le canon (en rouge) et les mentionne les industries, mme lorsquÕelles ont une
Žquipages (en noir), lÕensemble avanant sur quatre utilitŽ militaire aussi Žvidente que les tanneries et les
colonnes parallles. LÕarmŽe en marche Žtait prŽcŽ- armureries. En rgle gŽnŽrale, il ne faut pas attendre
dŽe de paysans et de pionniers qui Žtaient requis des cartes anciennes quÕelles se transforment en
dans les environs pour combler les fossŽs ou couper inventaires des richesses Žconomiques. È

les haies sur le front de marche. Leur travail Žtait diri-


En revanche, sont parfois indiquŽs les vignes et les
gŽ par les fourriers qui relevaient du marŽchal gŽnŽ-
cabarets et gŽnŽralement les rivires navigables qui
ral des logis. Ayant auparavant reconnu le terrain,
sont un atout prŽcieux, voire dŽcisif, pour acheminer
celui-ci devait Žgalement avertir le gŽnŽral en chef
toutes les munitions de bouche ou de guerre, notam-
des passages et dŽfilŽs dŽlicats afin dÕy envoyer une
ment lorsquÕil sÕagit dÕinvestir une place.
avant-garde importante. Pour prŽparer ces marches,
il Žtait nŽcessaire de repŽrer plusieurs trajets com- En ce qui concerne les habitations, on retrouve la
portant un minimum dÕobstacles naturels (ravins, distinction classique ˆ lՎpoque entre les villes reprŽ-
cours dÕeau, bois, marŽcages, montagnesÉ) ou arti- sentŽes en vue plane et aŽrienne, pour indiquer prŽ-
ficiels (retranchements, redoutes, inondations volon- cisŽment les fortifications ou le passage des rivires
tairesÉ). CÕest pourquoi, sur les cartes ou dans les ˆ lÕintŽrieur de la citŽ, et les bourgs et villages, enco-
descriptions de pays, lÕon prŽcisait parfois si les re reprŽsentŽs de manire symbolique par une ou
champs Žtaient coupŽs de haies ou compltement deux maisons et surtout une Žglise. Ainsi, sur la carte
ouverts, si les forts Žtaient broussailleuses ou clair- des environs dÕAth (fig. 3), la ville est reprŽsentŽe en
semŽes. Les cartes et journaux de marche rendent vue plane, avec ses fortifications, alors que les
compte des faibles distances parcourues en une autres villages ne le sont que par des clochers avec
journŽe. Les vitesses de dŽplacement Žtaient trs une ou deux maisons, et lÕon retrouve le campement
lentes, car elles dŽpendaient de celle des vŽhicules de lÕarmŽe franaise vers Cambron. Sont Žgalement
les moins rapides comme les trains dÕartillerie qui indiquŽs quelques lieux dits pour pouvoir se repŽrer
avanaient au pas. En moyenne, lÕarmŽe parcourait sur les chemins (par exemple Ç lÕarbre ˆ Sart È au
entre 4 et 5 lieues par jour (soit entre 16 et 20 km). sud de Meslin, une chapelle ou un ch‰teau isolŽs, le
Exceptionnellement, elle rŽussissait ˆ parcourir 7-8 Ç moulin de Stocq È au nordÉ). En fait, il faut
lieues, exploit quÕon ne pouvait rŽpŽter, car on ris- attendre le milieu du XVIIIe sicle pour que la reprŽ-
quait dՎpuiser alors les troupes (Milot 1971). sentation plane lÕemporte dŽfinitivement. LorsquÕun
sige est prŽvu, le marŽchal gŽnŽral des logis joue
La mention des villages, ch‰teaux et encore un r™le non nŽgligeable, ses fonctions Žtant
abbayes Žtait Žvidemment indispensable pour se complŽmentaires de celle de lÕingŽnieur dirigeant
repŽrer sur le trajet ou pour indiquer les Žventuels lÕattaque de la place. Il est en effet chargŽ de mettre
points de rŽsistance, mais aussi parce que ces lieux en place la ligne de contrevallation, qui est construi-

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te pour protŽger lÕarmŽe assiŽgeante de lÕextŽrieur, celle que vous mÕavez envoyŽe, et je vous assure
et dÕenvoyer des dŽtachements pour reconna”tre les que je rendrais vos services ˆ Sa MajestŽ. È).
alentours et avertir lorsquÕune force de secours Žtait
en vue. Pour cela, il Žtait Žgalement amenŽ ˆ rŽali- 2 La glorification de Louis XIV par
ser des plans plus prŽcis des places fortes et de les cartes : Ç Les Livres du roi È
leurs environs. Ainsi, en vue du sige de Namur en
de 1675 ˆ 1678
1692, Chamlay rŽalisa-t-il un croquis sommaire des
Au-delˆ de leur objectif militaire, les cartes de
environs de la place, o les fortifications et le relief
Chamlay et de son assistant La PrŽe pouvaient avoir
(en hachures) sont un peu plus dŽtaillŽs. Plus intŽ-
Žgalement une autre finalitŽ, celle de glorifier les
ressant est le plan quÕil fit pour le sige de
actions du roi et de ses armŽes. Chamlay le comprit
Valenciennes en 1677 (fig. 4). Si la forme des fortifi-
ds la guerre de Hollande et il se servit de ce moyen
cations nÕest pas prŽcisŽe, un grand intŽrt est portŽ
et de rŽcits historiques pour se faire encore davanta-
aux cours dÕeau (ici lÕEscaut), aux zones inondables
ge remarquer du roi et de Louvois qui apprŽciaient
et aux Žcluses qui pourraient, si nŽcessaire, provo-
dŽjˆ ses talents militaires. CÕest dÕailleurs son gožt
quer les inondations. Le relief constituŽ par les hau-
pour les ordres de marche et la gŽographie qui ont
teurs qui dominent la ville est reprŽsentŽ par des
amenŽ le marŽchal gŽnŽral des logis ˆ Žcrire de lÕhis-
hachures. La citŽ Žtant en cours dÕinvestissement,
toire et lui ont permis de se maintenir dans les
Chamlay a rŽalisŽ un plan du camp, avec la disposi-
cercles proches du pouvoir une fois la paix revenue
tion habituelle des troupes : au centre, le quartier
en 1678. Ds 1672, Chamlay commena par conser-
gŽnŽral du roi et du gŽnŽral en chef, entourŽ des
ver prŽcieusement tous les ordres de marche dont il
corps les plus prestigieux (gardes, maison du roi,
avait eu la charge en vue dÕen faire une compilation
Suisses), et, tout autour de la place, les diffŽrents
ultŽrieure ; avec La PrŽe, il rŽdigea ainsi ˆ la fin de
rŽgiments.
lÕannŽe une relation des mouvements des armŽes
Ces productions cartographiques sont, on lÕa vu, franaises. Peut-tre rŽdigrent-ils Žgalement une
dÕune qualitŽ inŽgale, allant du simple brouillon grif- histoire de la campagne de CondŽ en 1672 (Arch.
fonnŽ ˆ la h‰te ˆ la carte soignŽe et en couleur. Ces dŽp. Yonne, legs Niel, carton 5 ; Martin 1972, p. 31 ;
diffŽrences de qualitŽ proviennent de lÕusage que SHD, AG, A4 91). Au moment de la bataille de
lÕon en faisait. Les esquisses et certaines cartes, Seneffe, le 11 aožt 1674, Chamlay fit encore montre
comme celles indiquant sommairement la marche de ses talents dÕhistorien en rŽdigeant une relation
des troupes et les itinŽraires (fig. 5), nՎtaient pas de la bataille qui fut remarquŽe et apprŽciŽe ˆ
destinŽes ˆ tre conservŽes et avaient une utilitŽ Versailles. Puis, ˆ la fin de lÕannŽe, de retour ˆ Paris,
ponctuelle et limitŽe. En revanche, les belles cartes il se lana, toujours avec lÕaide de La PrŽe, dans
pouvaient servir pour les futures campagnes lՎlaboration dÕune compilation des ordres de marche
(comme celle dŽjˆ vue des environs dÕAth). de lÕarmŽe de CondŽ au cours de la campagne pas-
LorsquÕon Žtudie les campagnes militaires de Louis sŽe. LÕÏuvre, intitulŽe Ç Ordres de marches de lÕar-
XIV, on se rend compte que les armŽes se rŽinstal- mŽe du roi commandŽe par Monseigneur le prince
laient rŽgulirement dans les mmes campements, de CondŽ pendant lÕannŽe 1674 contre les armŽes
dÕune annŽe sur lÕautre. Les cartes Žtaient enfin confŽdŽrŽes de lÕempereur, de lÕEspagne et de
utiles pour illustrer les comptes rendus des opŽra- Hollande È et illustrŽe par de belles cartes en cou-
tions, envoyŽs au roi ou ˆ Louvois qui apprŽciaient leur, indique prŽcisŽment toutes les routes emprun-
particulirement les dŽtails gŽographiques. Cela per- tŽes et tous les campements de lÕarmŽe, avec pour
mettait ˆ la Cour de vivre presque au jour le jour les chacun dÕeux, une petite notice dŽcrivant le site et
ŽvŽnements du front et donnait lÕillusion ˆ Louis XIV ses avantages stratŽgiques (SHD, AG, A1 403 et
et ˆ son ministre de la Guerre de diriger pleinement 404 ; Bibliothque de lÕArsenal, ms 4401). Ainsi, tout
les opŽrations. CÕest pourquoi, pendant la guerre de en glorifiant la conduite de CondŽ et des armŽes du
Hollande, Louvois invitait rŽgulirement Chamlay ˆ roi, Chamlay se mettait-il subtilement en valeur
lui envoyer des rapports trs prŽcis et accompagnŽs auprs de Louvois et de Louis XIV, qui ont certaine-
de cartes, en soulignant que cela Žtait fort gožtŽ par ment reu un exemplaire de ce volume, de mme
le roi (voir par ex, SHD, AG, A1 2538, n¡ 1 : Louvois que Monsieur le Prince. Enfin, toujours pendant lÕhi-
ˆ Chamlay, 28 mars 1673 : Ç Il serait bien que vous ver 1674-1675, Chamlay Žcrivit un court Ç Parallle
accompagniez vos lettres dÕune petite carte comme entre M. le prince de CondŽ et M. le marŽchal de

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Turenne È, qui fut publiŽ dans le Mercure hollandois lyrique mais aussi plus partisan. En effet, La PrŽe
de 1674 (Mercure Hollandois 1674, p. 409-411). Mais dŽveloppe tout au long du mŽmoire un de ses
cÕest ˆ partir de la fin 1675 que ses travaux histo- thmes favoris, quÕil allait reprendre par la suite :
riques et cartographiques vont prendre une autre lÕopposition entre Louis XIV, brillant stratge auquel
ampleur, dans la mesure o ils vont se trouver inti- rien ne rŽsistait, et lÕincompŽtent Guillaume
mement liŽs ˆ ceux entrepris paralllement par Louis dÕOrange, responsable de tous les dŽsastres.
XIV sur la guerre de Hollande. DÕautre part, contrairement au premier Ç Livre du
roi È, lÕefficacitŽ de Louvois dans la prŽparation des
En effet, de mai ˆ juillet 1675, Chamlay passa une siges est soulignŽe. LՎvolution vers une histoire
bonne partie de la campagne au contact direct du roi dŽvouŽe ˆ la cause du roi se poursuivait donc, une
qui apprŽcia beaucoup le travail du marŽchal gŽnŽ- inflexion inŽvitable pour tre bien vu de Louis XIV.
ral des logis et se prit au jeu de rŽdiger les ordres de Enfin, La PrŽe se remit au travail ˆ la fin 1677 et ˆ la
marche en sa compagnie (CŽnat 2006, p. 40-44). De fin 1678, pour complŽter la sŽrie des Ç Livres du roi
retour ˆ Versailles ˆ la fin de lÕautomne, Chamlay Ç (BNF, Ms, fr. 7893 et 7894).
prŽsenta au roi un projet visant ˆ lui remŽmorer les
bons souvenirs de cette campagne. En sÕinspirant et Chaque livre commence par une introduction des
en dŽveloppant son travail de compilation des ordres ŽvŽnements, puis sont copiŽs les ordres de marches
de marche de lÕarmŽe de CondŽ, rŽalisŽ lÕannŽe prŽ- des armŽes, avec ˆ chaque fois une carte en accom-
cŽdente, il sÕagissait dՎcrire une histoire de la cam- pagnement (fig. 6). LÕon y retrouve la mme disposi-
pagne de 1675. Louis XIV y Žtant favorable, tion des camps et des marches que sur les cartes
Chamlay confia ˆ La PrŽe le soin de recopier les prŽcŽdentes, seuls changent le soin et la qualitŽ de
ordres de marche et de dessiner de belles cartes en la carte. Les illustrations des diffŽrents Ç Livres du
couleur, tandis quÕil se rŽservait la t‰che plus noble roi È sont en effet riches et variŽes car elles figu-
de rŽdiger une petite introduction de sept pages, qui rent dans des livres de prestige ˆ la gloire du roi.
rŽsumait les diffŽrents mouvements de lÕarmŽe roya- Avec les cartes et plans indiquant les positions ou
le et surtout mettait en exergue la figure de Louis les mouvements des troupes lors des campagnes,
XIV. Chamlay rŽdigea trois versions de cette intro- sont insŽrŽs quelques Ç tableaux È ou miniatures
duction avant de la prŽsenter au roi qui lÕapprouva en couleur reprŽsentant, par exemple, la bataille de
aprs avoir ajoutŽ une petite correction de sa main Cassel en 1677 ou celle de Saint-Denis qui eut lieu
(les essais dÕintroduction se trouvent en SHD, AG, A4 le 14 aožt 1678 (fig. 7), quelques jours aprs la
93). Ce mŽmoire, superbement illustrŽ, et qui sÕintitu- signature du traitŽ de Nimgue, le 10 aožt : le prin-
le Ç Cartes des marches et mouvements et plans ce dÕOrange aurait voulu poursuivre les hostilitŽs et
de tous les postes occupŽs par lÕarmŽe du roi com- faire Žchouer le traitŽ de paix. Comme sur les
mandŽe par Sa MajestŽ en personne durant la cam- tableaux de Van der Meulen, la peinture se dŽve-
pagne de lÕannŽe MDCLXXV contre les armŽes loppe sur deux plans qui correspondent ˆ deux
confŽdŽrŽes dÕEspagne, de Hollande et de registres. Le premier est celui de lÕanecdote, o lÕon
Lunebourg È est aujourdÕhui conservŽ ˆ la met en valeur les personnages principaux, avec le
Bibliothque nationale de France, constituant ce roi ou le gŽnŽral (ici Luxembourg) donnant ses
quÕon appelle Žgalement le Ç Livre du roi pour ordres. Le deuxime plan est celui de la bataille
1675È (BNF, Ms, fr. 7891). proprement dite, menŽe dans un vaste paysage se
dŽroulant jusquՈ lÕhorizon. Les officiers gŽnŽraux
La mme opŽration se rŽpŽta ˆ la fin de 1676, surplombent la scne sur une hauteur, ˆ lÕorŽe dÕun
puisque Chamlay et La PrŽe furent chargŽs de rŽdi- sous-bois plus obscur. Cette position surŽlevŽe per-
ger un nouveau Ç Livre du roi pour 1676 È (BNF, met de dominer la scne et dÕoffrir une vue panora-
Ms, fr. 7892). Mais celui-ci est beaucoup plus impor- mique de la bataille, qui, par contraste, est entourŽe
tant en volume, puisquÕil couvre toute lÕannŽe. De dÕune lumire plus vive. Le souci du dŽtail et du rŽa-
plus, cՎtait dŽsormais La PrŽe qui assumait la res- lisme est trs fort dans cette reprŽsentation, quÕil
ponsabilitŽ du travail, Chamlay se contentant dÕun sÕagisse de la description topographique (avec le
r™le dՎditeur. Cela nÕempcha pas ce dernier de cours de la Haine, lÕabbaye de Saint-Denis, les bois
rŽcolter tous les honneurs, son fidle assistant res- qui encadrent la plaineÉ) ou de celle des ŽvŽne-
tant inconnu de la Cour. Pourtant le style de ce Ç ments qui suit exactement le rŽcit donnŽ dans le
Livre du roi È est fort diffŽrent : plus enlevŽ, plus livre et dans la Ç Relation du combat de Saint-

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Denis È rŽdigŽe par Luxembourg. Les Franais Chamlay fut donc un acteur important dans la pro-
sortirent vainqueurs du combat, mais la bataille fut duction et lÕutilisation des cartes militaires ˆ lՎpoque
trs sanglante. Les Ç Livres du roi È comportent de Louis XIV. LÕintŽrt dÕun tel personnage est renfor-
Žgalement de nombreuses figures allŽgoriques et cŽ par le fait quÕil sÕest trouvŽ impliquŽ, par la variŽtŽ
mythologiques, des devises, des portraits du roi. de ses fonctions, ˆ tous les niveaux de la Ç cha”ne
Ainsi, en tte des volumes pour 1676 et 1677, Louis È gŽographique. Il a fourni en effet quantitŽ dÕinfor-
XIV est reprŽsentŽ en majestŽ, dÕaprs Mignard, mations gŽographiques et de cartes, puis les a lui-
couronnŽ de lauriers dŽposŽs par une victoire son- mme utilisŽes en tant que marŽchal gŽnŽral des
nant la trompette de la renommŽe. Ailleurs, cÕest un logis. Son action nous a permis de mieux com-
aigle et un lion (reprŽsentant les ennemis de la prendre comment les militaires utilisaient concrte-
France, lÕEmpire et la Hollande) qui sont subjuguŽs ment cartes, mŽmoires, descriptions de pays, et
par lՎclat du coq gaulois. Toutes ces reprŽsenta- comment ils organisaient les marches et les campe-
tions, notamment celles du volume portant sur ments dÕune armŽe en campagne. DÕautre part, au
1678, ont ŽtŽ ŽtudiŽes par Franois Robichon dŽbut de sa carrire, cherchant ˆ se faire bien voir du
(Robichon 1998) qui ignore toutefois les noms des roi, Chamlay entreprit ˆ travers des travaux histo-
auteurs des volumes. Les allŽgories du Ç Livre du riques et cartographiques de glorifier les actions de
roi pour 1678 È, signŽes Bedeau, peintre ordinaire Louis XIV pendant la guerre de Hollande car il com-
du roi et crŽature de Louvois, ouvrent ce volume, prit rapidement que les cartes nՎtaient pas seule-
comme les prŽcŽdents. ment un outil fonctionnel pour les militaires, mais
pouvaient contribuer largement ˆ la propagande
Les travaux historiques de Chamlay et de La PrŽe royale. Enfin, il glissa progressivement des fonctions
ne sÕarrtrent pas lˆ, puisque ces hommes furent de militaire de terrain ˆ celles de stratge de cabinet ;
amenŽs ˆ collaborer Žtroitement avec les deux nou- il fut associŽ trs Žtroitement ˆ la prŽparation des
veaux historiographes du roi, Racine et Boileau, campagnes militaires au point de devenir ˆ partir des
dont la premire t‰che Žtait dՎcrire une histoire annŽes 1690 lÕun des principaux conseillers mili-
o fficielle de la guerre de Hollande. DÕautre part, taires du roi. La carte Žtait alors un outil indispen-
lÕidŽe de compiler les ordres de marche et les sable pour le commandement des armŽes qui se fai-
cartes des campagnes fut reprise dans les annŽes sait depuis Versailles, et pour la mise en place de la
1690 par un autre marŽchal gŽnŽral des logis stratŽgie de cabinet. Enfin, certaines cartes rŽalisŽes
cŽlbre, PuysŽgur, qui servait dans lÕarmŽe de par Chamlay jourent un dernier r™le : considŽrŽes
Luxembourg. Il demanda en effet ˆ lÕingŽnieur gŽo- comme excellentes au mme titre que les mŽmoires
graphe Pennier de rassembler en cinq volumes les gŽographiques et stratŽgiques, elles furent utilisŽes
cartes des campagnes du marŽchal dans les Pays- par le duc de Beauvillier, chargŽ de lՎducation du
Bas (PuysŽgur 1749, t. II, p. 75). duc de Bourgogne, pour parfaire les connaissances
gŽographiques de ce dernier3.

3) G. Lizerand, Le duc de Beauvillier, Paris, 1933, p. 103. LÕauteur signale la prŽsence, dans les archives du ch‰teau de
Saint-Aignan, dÕun portefeuille vert intitulŽ : Ç MŽmoires et abrŽgŽs sur la gŽographie en 1696 par M. de S. A . È, qui
contient justement le mŽmoire et la carte des Pays-Bas par Chamlay. Ces documents dŽcrivent uniquement les cours
dÕeau de la rŽgion.

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Bibliographie
Bluche F., 1986, Dictionnaire du Grand Sicle, Paris, Fayard.
CŽnat J.-Ph., 2006, StratŽgie et direction de la guerre ˆ lՎpoque de Louis XIV : Jules-Louis BolŽ de Chamlay,
conseiller militaire du roi, thse de lÕuniversitŽ Paris I PanthŽon-Sorbonne, soutenue sous la direction dÕA. Cabantous.
Desbrire M., 1995, Ç LÕÏuvre de Jacques Fougeu relative ˆ la Champagne septentrionale pendant le rgne de Henri
IV È, dans Bousquet-Bressolier C., dir., LÕÏil du cartographe, Paris, CTHS, p. 233-244.
Foncin M., 1970, Ç La collection de cartes dÕun ch‰teau bourguignon, le ch‰teau de Bontin È, dans Actes du 95e
Congrs national des sociŽtŽs savantes, Reims, 1970, section gŽographie (publiŽ ˆ Paris en 1973), p. 43-75.
Gaya L., sieur de TrŽville, 1677, LÕart de la guerre et la manire dont on la fait ˆ prŽsent, Paris.
Guignard, 1725, LՎcole de Mars ou mŽmoires instructifs sur toutes les parties qui composent le corps militaire en
France, avec leurs origines, et les diffŽrentes maneuvres ausquelles elles sont employŽes, Paris.
Lemoine-Isabeau C., HŽlin E., 1980, Cartes inŽdites du pays de Lige au XVIIIe sicle, Bruxelles, CrŽdit communal de
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Ph. D. dissertation, University of California at Santa Barbara.
Milot J., avril-juin 1971, Ç Un problme opŽrationnel au XVIIe sicle illustrŽ par un cas rŽgional È, Revue du Nord, 53,
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PuysŽgur, 1749, Art de la guerre par principes et par rgles, ouvrages [É] mis au jour par Mr le Marquis de PuysŽgur,
son fils, Nouvelle Ždition, La Haye.
Robichon F., 1998, Ç Les reprŽsentations de la campagne de Hollande dans les miniatures dÕun manuscrit destinŽ ˆ
Louis XIV È, dans LÕart de la guerre, la vision des peintres aux XVIIe et XVIIIe sicles, actes du sŽminaire tenu ˆ lÕEcole
militaire le 7 juin 1997, CEHD, p. 91-98.

Figure 1 : Marche de Saint-Tron ˆ Warem dans les Pays-Bas espagnols, par Chamlay, 1677
BNF, Cartes et plans, Ge D 3112 (Žchelle 1 : 115 000)

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Figure 2 : Environs de Seneffe, vers 1677, par Chamlay
BNF, Cartes et plans, Ge D 3110

Figure 3 : Environs dÕAth, par Chamlay, vers 1675


BNF, Cartes et plans, Ge D 3130 (Žchelle 1 : 57 500)

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Figure 4 : plan du sige de valanciennes par le roix en 1677, par Chamelay.

Figure 5 : Carte itinŽraire de Ham au Catelet, aux environs de St-Quentin,


vers 1675, par Chamlay. BNF, Cartes et plans, Ge D 3128 (Žchelle 1 : 150 000)

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Figure 6 : Marche du camp de Viset ˆ celui de Kunishem
BNF, Ms, fr.7891, fol. 57 : Livre du roi pour 1675, par Chamlay et La PrŽe

Figure 7 : Bataille de Saint-Denis (14 aožt 1678)


BNF, Ms, fr. 7894, fol. 48 bis : Livre du roi pour 1678, par Chamlay et La PrŽe

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