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Séance 10 - 14/11/2022

LE ROI DE GUERRE

« Le roi de guerre » est une expression façonnée par Joël Cornette, intégrée au titre de son ouvrage éponyme
Le Roi de guerre : essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, publié en 1995. Lors du règne
personnel de Louis XIV, le fait de guerre est de fait essentiel par sa durée et sa répétition. La guerre laisse
aussi son empreinte dans la culture du temps : elle était au coeur de l’éthique nobiliaire, de l’ordre de la
noblesse. La guerre occupe une place fondamentale dans tous les domaines de « la souveraineté
royale » (BODIN Jean), est l’une de ses composantes.

I. La gloire du roi

A. La politique de Louis XIV : pour quoi faire la guerre ?

1. La gloire

Le roi souhaite être reconnu comme le souverain le plus puissant d’Europe, d’où l’importance à la guerre et à
la publicité de la guerre, de la mise en scène du roi. Durant les périodes de paix, ils multiplient les revues et
les inspections des troupes (les gens peuvent contempler le spectacle du roi, chef des armés). Il fait procéder
à des manoeuvres rassemblant plus de 100,000 hommes ; il se déplace avec des apparats exceptionnelles,
réplique de la cour où il se déplace avec ses courtisans, qui l’accompagnent durant plusieurs semaines.
La guerre favorite de Louis XIV est la « guerre spectacle », d’où son goût pour les sièges de villes,
organisées par Vauban. Les places fortes sont les plus importantes constructions de l’époque, elles
mobilisent plusieurs milliers d’hommes (place forte de Lille). Les prises de ces villes sont spectaculaires,
préparées durant plusieurs mois (des milliers de paysans et sapeurs creusent des tranchées pour préparer les
murailles et les assauts). La mise en scène du pouvoir du roi, à son signal, les troupes investissent la
forteresse.
Le siège de Namur, en 1692, est la dernière forteresse investie par le roi. Il se rend, avec une partie de la
cour et sa maîtresse dans cette citadelle, réputée imprenable (même César y avait renoncé) ; on tire sur eux à
plusieurs reprises, le roi préside lui-même à la prise de la ville, puis de la citadelle.
La prise de la ville met en scène le pouvoir du roi faisant la guerre. Après les opérations, la propagande
royale s’empare de ces faits ; des artistes, commandités par le roi, encensent ces évènements. Dans la
Galerie des Glaces, de nombreux tableaux représentent des villes (la prise de Maastricht, en 1673,
forteresse aux Pays-Bas prise en six jours ; Gand, dans les Pays-Bas espagnols, en 13 jours).
L’Académie des belles lettres exalte la fulgurante puissance militaire du roi. La plus grande prouesse
militaire et stratégique réalisée à l’époque est la prise simultanée de plusieurs forteresses en Hollande. Des
dessinateurs, des peintres et des hommes de lettres immortalisent les actions du roi comme chef du guerre.
Jean Racine est aussi historiographe du roi, l’accompagne lors de ses campagnes militaires ; en 1672,
traversée du Rhin jusqu’au siège de Namur, en 1692. Il fait de Louis XIV l’égal des plus grands
conquérants, Alexandre le Grand et César, ses modèles.
Le roi doit être présent pour ses sujets : il est représenté sur des médailles, des statues équestres (1665 -
1680), comme sur la Place des Victoires, à Paris (1679, par Jules Hardouin Mansart et Martin
Desjardins, entreprise privée du duc de La Feuillade : statue équestre en bronze du roi, supportée par
quatre immenses esclaves, avec des bas-reliefs, médaillons glorifiant le souverain).



DESJARDINS Martin, commande du duc de La Feuillade (1678),


Statue équestre de Louis XIV, inaugurée en 1686.

A cette époque, en 1678, fin de la guerre de Hollande (1672 - 1678), des populations riches lancent des
opérations pour célébrer la gloire du roi.

2. Le mercantilisme guerrier

La gloire est une politique de la puissance pour obtenir la primauté du roi de France en Europe. La guerre
d’argent de Colbert, mis à la fois au service de l’appareil militaire et pour but de concurrencer les marchands
hollandais.

II. L’ambition du roi militaire

A. L’armée de terre, ou le « géant du grand siècle » (John LYNN)

Louis XIV engage un énorme effort pour se doter de l’armée la plus importante d’Europe. L’œuvre du
ministre Le Tellier pour le département de la Guerre, et Colbert pour le département la Marine,
travaillant sans relâche pour créer un appareil militaire formidable sur terre et sur mer pour satisfaire le roi,
rivalisant les plus grandes armées de l’époque.
Une croissance des effectifs exceptionnelle, armée marquée par le gigantisme. Les transformations de
l’armée royale remonte aux années de Richelieu ; dans les années 1630, les armées permanentes de Louis
XIII comportent 30,000 hommes ; 100,000 en 1635 ; 200,000 hommes l’année suivante, soutenue par
une petite armée mercenaire fournie par Saxe-Weimar. On recourt à des troupes de mercenaires : des
entrepreneurs militaires, des petits princes et seigneurs allemands louent leur armée à un employeur.
Ces effectifs croissent encore à la fin de la guerre contre l’Espagne, en 1713, lorsque les effectifs sont
démobilisés, débandés ; on ne garde qu’une armée permanente de 70,000 hommes. La hausse des
effectifs de 1672 à 1678, lors de le guerre de Hollande : plus de 260,000 hommes.
La guerre de la Ligue d’Augsbourg de 1688 à 1697 : 400,000 hommes.
Entre 1701 et 1713, lors de guerre de succession d’Espagne : 400,000 hommes.

Depuis la guerre de Trente Ans, augmentation des engagements. En 1674, à Séneffe, le Prince de Condé
commande 50,000 hommes, et à Neerwinden, le maréchal de Luxembourg dirige 80,000 hommes. À
Malplaquet, en 1709, le maréchal de Willard commande 90,000 hommes.
A la fin de la guerre d’Espagne, plus d’un adulte sur quatre est enrôlé dans l’armée : or, ce sont des
chiffres théoriques, très haut niveau de désertion (20 % en moyenne des troupes n’existent pas sur le
terrain, commandants qui falsifient le relevé de l’effectif des armées pour recevoir des financements plus
importants). Cependant, c’est l’armée la plus importante d’Europe : pendant la guerre de Succession
d’Espagne, plus de 500,000 livres / mois pour entretenir l’armée de terre, et 2,5 millions de livres
lorsqu’elle se déplace. Ce qui fait parfois préférer des officiers riches qui peuvent prendre sur leurs deniers
personnels une partie des troupes. Un monstre donc couteux et difficile à contrôler : armée dangereuse pour
les civils sur quelque théâtre d’opération que ce soit.
La « taxe de violence », ou la « taxe de feu » : les communautés villageoises paient des contributions, des
impôts aux troupes à proximité, en échange de quoi celles-ci protègent les habitants et ne brûlent pas les
maisons. Le sytème, sous le règne de Louis XIV, jusqu’alors informel, est intégré aux rouages de
l’organisation miliaire ; commissaires des guerres chargés de collecter ces impôts, ressources essentielles aux
armées pour survivre durant les périodes hivernales, périodes d’inactivité. Elles ne permettent que de se faire
entretenir par les habitants : cette logique économique, derrière les guerres, nécessitent de trouver une bonne
région, expliquant la géographie des guerres. Lors des traités, il n’en est pas question, mais elle n’avaient
pour seul but que d’entretenir les armées. Cette armée est à l’origine du déséquilibre permanent des troupes
royales. Cause d’incapacité structurelle à financer ses guerres et armées gigantesques.
Les armées, épuisées de la longue guerre contre l’Espagne, après 24 ans de guerre ; Michel Le Tellier, aidé
de son fils, la marquis de Louvois, forment tous deux la dynastie ministérielle du ministère de la
Guerre. Elle permettent d’améliorer la discipline des troupes l’organisation, l’intendance et l’armement. Ils
introduisent les uniformes, des premières casernes en France (les habitants devaient jusque là loger les
soldats). Progressivement, il en est de même de la société civile. Séparation plus nette entre sphère
guerrière / sphère civile, de plus, Louis XIV fait désarmer les civils (construction d’une immense
protection des frontières, « la ceinture de fer »).

B. La « ceinture de fer »

Cette ceinture est l’oeuvre de Sébastien Le Prestre, seigneur de Vauban (dans le Morvan, en
Bourgogne). Ce personnage était un noble provincial d’une région reculée, château à Basoches. Il passe sa
vie sur les champs de bataille, aux côtés de Louis XIV. Il est ingénieur militaire (poste ingrat, fonction
technique dédaignée par la haute noblesse car on ne rêve que d’exploits guerriers). À cette époque, cette
fonction prend une importance décisive dans la guerre telle qu’elle est conçue à l’époque ; il est nécessaire
de construire des citadelles (villes comme Lille ou Besançon : fortifications autour de la ville, et au
centre de la ville, sur un promontoire est hissée la citadelle permettant de fixer les armées ennemies
pendant des mois et de défendre le territoire), des places fortes.
Vauban conçoit le projet de ceinture de fer, double lignée de fortifications le long d’une ligne continue pour
protéger le territoire. Ces fortifications sont conçues comme défenses et points d’appui vers l’entrée de
territoires frontaliers. Les points défensifs se portent d’abord sur la frontière nord, dans les Flandres, puis sur
l’Est. Il imite des techniques inventées par les Hollandais, par lesquelles ils résistaient aux armées
espagnoles.
Il fait rénover, agrandir plusieurs dizaines de forteresses en France, chantiers gigantesques. Il crée le corps
des inventeurs militaires, nommé le « Génie ». Il est aussi chef de guerre ; pendant les guerres de Louis
XIV, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, il participe et supervise la prise d’une vingtaine de forteresses. Il est
choyé par le roi de France, qui le récompense en le nommant maréchal de France, consécration pour un

petit noble ; un conseiller, estimé de Louis XIV. Il laisse une France redéfinie, avec deux paysage opposés :
régions frontalières (Alsace, Valenciennes, Lille) / la France des garnisons et des citadelles. Il fait
construire des citadelles à l’île de Ré, à Belle-Isle. Une France de l’intérieur, espace civil où sont démantelés
les remparts, comme à Paris, pourtant fortifiée depuis le Moyen-Âge (dernière enceinte construite sous
Richelieu) ; elles sont détruites dans les années 1670, une promenade, le « boulevard », les supplante,
ainsi que des portes monumentales (portes Saint-Denis et portes Saint-Martin) qui ont une fonction
fiscale (paiement de l’octroi). Les populations sont désarmées, la sécurité est assurée par des
professionnels.

C. La construction de la « Royale » par Colbert

Il n’y avait plus de flottes françaises au XVIe siècle ; Richelieu, grand maître de la navigation, s’était
intéressée à cette question. En 1630, presque plus aucun navire en état de marche. Les efforts de Richelieu
ont été arrêtés par la guerre d’Espagne, les ressources financières convergeant vers les conflits terrestres. Les
Provinces-Unies, puissance navale de l’époque, devait être concurrencée par la France. Aussi, pour protéger
les côtes, les voies maritimes des assauts ennemis, des têtes de ponts furent construites afin de pérenniser un
commerce sécurisé.
L’ordonnance de la marine, en 1681, compile les réformes de transformation de la marine, qui
couronne vingt ans d’efforts. Sous les ordres du secrétaire d’État à la Marine : intendants de marine,
administrateurs installés dans les grands ports sous le Ministre, chargés de l’administration du port, depuis
les navires de guerre, l’intendance, jusqu’au traitement des équipages (organisation de stocks, réparations,
etc.) ; les commissaires de marine, agents nommés par le ministre. Ces structures administratives demeurent
inchangées jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
L’autre aspect de la réforme de la politique de Colbert, développement de grands ports militaires.
Colbert choisit trois grands ports, pôles essentiels de la marine. Deux ports qui sont agrandis et
modernisés : Brest et Toulon, en Méditerranée, dans une rade fortifiée. Il crée un nouveau port à
Rochefort, dont la Corderie. Des arsenaux navals sont installées au Havre, à Marseille, à Lorient (port
de la Compagnie des Indes), à La Rochelle (siège de la Compagnie du Nord). Ces dépenses sont
soutenues par des efforts budgétaires : 3 millions à 10 millions dans les années 1670, représentant jusqu’à
15 % des dépenses du roi.
Les effectifs s’accroissent considérablement : en 1661, le roi de France comptait sur 31 navires, tout type
confondu (dont des galères, des flûtes) ; 10 ans plus tard, 123 vaisseaux et frégates, d’autant plus que
les navires sont plus grands (les canons passent de 40 à 56 ) + flotte d’une quarantaine de galères
installées à Marseille, servant à lutter contre la piraterie et la lutte des côtes du Midi et servant à
acheter des esclaves en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, présents près de la Mer du Nord.
Pour la flotte de guerre, le recrutement des marins est essentiel. Les marins sont une denrée précieuse ; en cas
de guerre, « inscription maritime » ou « système des classes », imaginée par Richelieu et amélioré et mis
en place par Colbert. Tous les marins des littoraux doivent être enregistrés par « inscription maritime » ; en
cas de guerre, ils sont mobilisés de force sur les navires du roi de France (sorte de conscription navale).
En quelques décennies, les ministres de Louis XIV ont introduit des transformations considérables dans le
fonctionnement de l’armée, ont renforcé le poids de l’Etat dans la conduite et l’effort de guerre. Le roi et la
noblesse, dont la fonction était de faire la guerre, est modifiée.

D. L’autorité royale et la domestication de la noblesse




Les diplomates étrangers sont frappés, lorsqu’ils viennent à la cour de Louis XIV, en particulier dans les
années 1680, par la soumission aveugle des officiers au gouvernement, la soumission des troupes et officiers
au roi. Ezechiel Spanheim, ambassadeur du Brandebourg, qui deviendra la Prusse, est étonné de la
discipline de l’aristocratie, son obéissance au roi, liée au développement d’une guerre de plus en plus
contrôlée par l’État (= étatisation de la guerre).
Des facteurs, liés au poids croissant de la technologie. Les effectifs, très nombreux, limitent la marge de
manœuvre personnel du chef de guerre. La guerre est une affaire de plus en plus technique, occupation de
l’ingénieur, une affaire reposant sur la discipline et la subordination des régiments, qui doivent agir en
cadence, de manière cohésive. Une même évolution sur mer, les navires sont de plus en plus imposants,
grâce à l’artillerie navale, les artisans devenant les maîtres de la manœuvre royale.
Ce changement progressif a permis la mutation des nobles, devenant des courtisans respectueux, prêts à obéir
désormais aux ordre du roi. Ce n’est qu’une facette d’un processus minuté, politique et civil, lié aux
transformations induites par la guerre. Tentatives héroïques du maréchal de Boufflers qui semblent désormais
anachroniques ; Boufflers se couvre de ridicule en voulant charger lui-même, à la tête de ses troupes, ce
qu’avait fait Louis XIII trente ans auparavant : désormais, les généraux sont à l’arrière, « guerre de
cabinet », les bureaux du secrétaire d’État à la guerre est installé à Versailles. Le don de soi, l’héroïsme
nobiliaire, qualités constitutives et distinctives des nobles (donner son sang pour le roi de France), ne sont
plus viables. La belle mort, à la fois héroïque et serviable, n’a plus cours. Le cabinet décide des stratégies
d’opérations, et non plus le chef de guerre. L’aristocratie n’est que le bras armé du roi, son moyen d’action.

III. Les guerres de Louis XIV

1. La guerre de Dévolution, 1667 - 1668

Guerre courte et victorieuse. À la mort du roi d’Espagne, Louis XIV réclame des territoires espagnols au
nom de l’héritage de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, fille de feu Philippe IV, alors infante
d’Espagne : territoires espagnols, et notamment la Franche-Comté. Technique de justification
développée par Louis XIV par la suite : au nom de la légalité d’une ancienne coutume successorale belge
du Brabant, la coutume de dévolution, le roi de France peut revendiquer, par sa femme, la dévolution de
territoires qui appartiennent à cette dernière.
Campagne éclair du roi, il s’empare de quelques villes aux Pays-Bas ; Condé prend la Franche-Comté
lors d’une guerre éclair. L’Angleterre et la Hollande viennent au secours de l’Espagne. Louis XIV,
cependant, accepte de léguer la Franche-Comté, mais l’île et les villes de Douai, Tournai, dizaine de places
fortes autour de cette île.

2. La guerre de Hollande, 1672 - 1678, « le grand tournant du règne » (GOUBERT Pierre)

Les Provinces-Unies, confédération dont la Hollande est l’une des provinces. Irritation, en plus des rivalités
économiques, face à l’insolence d’un régime républicain d’un pays de seulement 2 millions d’habitants.
En 1672, le roi se prépare à une offensive expéditive ; il s’empare de plusieurs villes, traverse le Rhin,
par l’Est de la Hollande, faits célébrés par la propagande royale (porte Saint-Martin). Mais les
Hollandais ripostent en ouvrant leur digue et en inondant de fait leur pays : les Provinces-Unies se
transforment en archipels. Les Hollandais recherchent des alliés.
Le commandement est confié à un lieutenant-général des armées, le Stathouder des États, responsable
des armées de la République, Guillaume d’Orange. Il appartient à une grande famille aristocratique des
Provinces-Unies, est fervent protestant, grand chef de guerre et grand politique. Bientôt, les Hollandais,



pendant que les Français mènent leur campagne obsidionale, font alliance avec Léopold de Habsbourg, …
Conflit large et indécis, malgré quelques succès français importants ; le Prince de Condé en Franche-Comté
en 1675, Turenne en Alsace, la marine française maîtrise la Méditerranée. La paix de Nimègue, en 1678,
conclut cette guerre, dernière grande victoire de Louis XIV (que la statue équestre sur la place des Victoires,
commandée par le duc de La Feuillade, tend à célébrer).
Les résultats de cette guerre : confirmation de la prise de la Franche-Comté (Vauban s’empresse de
reconstruire la citadelle), de Valenciennes et Cambrai. Cette victoire est un trompe-l’œil. L’invasion a
échoué, la guerre ayant entrainé une série de conséquences néfastes pour le royaume = système fisco-
financier d’emprunts (révolte du « papier timbré », ou des Bonnets Rouges, en Bretagne, en 1675).
Colbert est contraint de renoncer aux tarifs douaniers protecteurs des années 1664 - 1667, ainsi qu’à
plusieurs de ses ambitions. Cette guerre est la source de toutes les autres, selon Fenelon et Pierre
Goubert. On se battra seulement pour préserver ces maigres gains de 1678.

3. La politique des « réunions » et les deux dernières guerre de Louis XIV

Louis XIV entreprend la politique des « réunions », menée au détriment des Pays-Bas espagnols et de
l’Empire afin de progresser vers le Nord et vers l’Est, le long du Rhin. De tribunaux spéciaux, des
Chambres des réunions, composées de juristes, sont chargées d’examiner des revendications territoriales
présentées au roi.
En 1648, les traités qui établissaient les frontières, la paix de Westphalie : telle seigneurie peut dépendre d’un
prince étranger. En utilisant ces closes, toujours dans le favorable de l’extension du royaume de France,
permettent de grignoter des territoire et de les agréger au territoire royal : les villes et toutes leurs
dépendances reviennent au Roi. Le roi de France envoie ensuite des troupes pour occuper les territoires. En
1681, Strasbourg, petite république indépendante du Saint-Empire romain germanique, avec une
petite armée, est annexée par la décision d’une Chambre de réunion, et par une occupation militaire
française.
Ce genre de politique agressive est délétère pour l’image du royaume. L’autre tournant, la dégradation des
années 1685 - 1690, est liée à cette politique des réunions, notamment de petits États isolés craignant
l’envahissement des armées françaises, permettant de former des alliances. La révocation de l’édit de
Nantes, en 1685, achève de convaincre des puissances protestantes du caractère inhumain et despotique de
Louis XIV. Elle réveille les tensions très fortes en Europe, notamment dans des pays comme l’Angleterre (en
1680, pays officiellement protestant, avec une minorité catholique persécutée, les Anglais ayant toujours
pensé que des puissances catholiques les envahiraient ; le nouveau roi d’Angleterre est crypto-catholique,
donc le Parlement le destitue et appelle un nouveau souverain pour lui succéder, qui doit accepter, en
échange de cela, des droits fondamentaux juridiques.
De 1688 à 1689, la « glorieuse révolution » offre à deux aristocrates, la possibilité de revendiquer le trône
d’Angleterre, choisis pour leur religion protestante. Guillaume d’Orange, Stathouder des Provinces-
Unies, avait épousé la fille du roi Jacques II d’Angleterre. Lorsqu’il se rendit, secondé d’une armée, en
Angleterre, Jacques II, couard, quitta le pays ; ainsi, le 28 décembre 1688, son exil fut estimé comme étant
une abdication. Le Parlement désigna alors Guillaume II d’Orange comme nouveau monarque d’Angleterre,
lui permettant de fusionner les Provinces-Unies à ce nouveau royaume. Face à Louis XIV, la puissance
anglo-irlandaise de Guillaume III d’Orange forma la coalition anti-française. L’Angleterre était jusque là
l’allié du roi de France, Louis XIV subventionnant le roi d’Angleterre, pour mener une politique
indépendamment du Parlement. Jacques II, dernier Stuart, est recueilli par la France à Saint-Germain-
en-Laye pendant des dizaines d’années, aux frais de Louis XIV.
En 1688 commence la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688 - 1697). L’Angleterre entre dans la lutte à
partir de 1689. Il s’agit de briser la puissance maritime française. Ce conflit est éreintant pour la France,

seule contre le reste de l’Europe. Le conflit commence à prendre une dimension mondiale, même si
l’essentiel des opérations se déroulent en Europe : sac du Palatinat, en 1688 - 1689 (dévastation terroriste,
saccage et massacre méthodiques délibérés des champs de cette principauté localisée près de la frontière
française), qui achève de transformer Louis XIV en barbare aux yeux de l’Europe.
Le corsaire Jean Bart et Anne Hilarion de Constentin, comte de Tourville devenu amiral, malgré la
lourde de la flotte française lors de la bataille de La Hougue en 1692, est défaite par l’alliance anglo-
hollandaise.
La France signe la paix de Ryswick en 1697, neutralisation réciproque de la France et de l’Angleterre.
La principale conquête, ou concession française, concerne les Antilles : la partie occidentale de l’île de Saint-
Domingue, possession espagnole, développée au XVIIIe siècle et devenant la principale région sucrière de
toute l’Amérique.
La guerre de Succession d’Espagne (1701 - 1713) commence en 1701. Depuis des dizaines années, les
diplomates européens se préparaient à un évènement : dans les années 1660, avec la mort du roi d’Espagne,
Charles II. Sans héritier, mourant en 1700, son testament désigne le duc d’Anjou, deuxième petit-fils de
Louis XIV comme nouveau roi d’Espagne, sous le nom de Philippe V. Guillaume d’Orange trouve cela
inacceptable, car cela donnerait à la France un allié considérable, et lui ouvrirait l’immense Empire colonial
espagnol, jusqu’à la terre de feu. L’Angleterre et les Provinces-Unies lancent une nouvelle alliance contre
l’Espagne : Angleterre, Provinces-Unies, l’Empire et un certain nombre de princes allemands. Face à cela, la
France et l’Espagne.
Le conflit, après quelques succès français, prend un tour dramatique entre 1709 et 1710. Les Français
assument des défaites par des victoires anglaises du duc de Malborough, notamment à Malplaquet, en
1709. En 1712, les troupes ennemies sont dans la vallée de l’Oise, rétablissement inespéré des troupes
françaises lors de la bataille de Demain grâce au maréchal de Villiers. Le traité d’Utrecht, en 1713
(Philippe V est reconnu roi d’Espagne, mais doit, de ce fait, renoncer à la couronne de France ; les
Bourbons, à la tête de la monarchie espagnole), et le traité de Rastatt, en 1714.
Le conflit consacre la Prusse, petit duché reconnu comme royaume et devient une nouvelle puissance
européenne. La France a obtenu des frontières plus linéaires ; elle est obligée de rendre tous les territoires
conquis. Les Pays-Bas espagnols passent aux mains des Autrichiens ; de la même façon, les territoires
italiens du Milanais, de la Toscane, le royaume de Deux Siciles, Naples passent sous contrôle
autrichien, en partie. L’Angleterre acquière Minorque, Gibraltar, des territoires en Amérique (la baie
d’Hudson, l’Acadie et …), empêchant le développement des colonies françaises et point d’appui de la
marine anglaise, bases de la puissance maritime du XVIIIe siècle. Ils obtiennent aussi l’asiento, droit de
faire le commerce des esclaves, monopole accordé à l’Angleterre. Le traité consacre la première place en
Europe de l’Angleterre, devant la France.

IV. Un royaume façonné par la guerre

1. Les difficultés financières

La répétition des guerres entraîne des difficultés financières. Pour financer cette armée : vente des offices ;
vente des lettres de noblesse ; fonte de la vaisselle d’argent du roi ; manipulation des monnaies,
frottement du métal d’argent ; augmentation de taxes nominales de produits.
La majorité des ressources financières de la monarchie proviennent de l’imposition indirecte. Les gens
devenant riches prennent de l’argent au roi, ou signent des contrats lucratifs pour le fournissement des
armées. Pour se passer des financiers, il faudrait créer de nouveaux impôts, comme le suggère Vauban : la
capitation, en 1695, impôt universel, puis, en 1707, lors de la guerre de Succession d’Espagne, impôt

du « dixième », universel et proportionnel sur les revenus déclarés. En principe, les nobles contournent
ces impôts en payant un forfait. Le poids de la fiscalité continuent de peser sur les plus démunis. Louis XIV
délaisse le royaume, endetté.

2. Les « années de misère » (LACHIVER Marcel)

En plus du poids de la guerre, les populations sont affectées par la famine de 1693 - 1694 (entre 1,6 et 2
millions de morts), puis celle du « Grand Hiver » de 1709 - 1710.
Ces trois dernières décennies du règne durent les plus éprouvantes pour les Français.

CONCLUSION

La guerre entraîna une transformation du royaume, avec la création de deux France, la France de l’intérieur,
des villes désarmées, et la France de l’extérieur, des armées. Les armées sont extrêmement importantes par
rapport aux capacités financières de la monarchie. Ce système guerrier a accentué et durcit les expédients
auxquels l’on avait recours depuis Richelieu : le système de l’extraordinaire, la primauté du souverain. Sur le
plan financier, cela entretient « le désordre des finances ». Cela a aussi eu comme conséquence d’accroitre
le poids de la noblesse. Les difficultés financières, l’image assombrie du roi soleil, et l’un des aspects les
plus contestés du royaume de Louis XIV.

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