Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Introduction : Dans son livre « Versailles, le pouvoir de la pierre », Joël Cornette commence ainsi « Versailles fait partie
de ces « lieux de mémoire » qui ont forgé l’identité de la Nation France ». Versailles représente tout à la fois la
monarchie absolue de Louis XIV, la puissance française et sa culture. Le château est devenu un symbole de la France
et son usage revêt des dimensions politiques et sociales majeures. Le patrimoine peut aussi être source de tensions
internationales fortes, comme celles qui agitent la Grèce et le Royaume Uni autour de la question des restitutions des
marbres de la frise du Parthénon. Le château de Versailles et les frises du Parthénon ne sont plus des monuments, des
objets, mais deviennent des symboles nationaux puissants.
Problématique : Quels sont les enjeux politiques et sociaux soulevés par la protection et la préservation du
patrimoine ?
Un palais associé à la monarchie absolue : « petit » domaine de chasse construit par Louis XIII, le château de Versailles
devient le lieu d’affirmation de la puissance du Roi Soleil qui s’y installe, accompagné de sa cour, en 1682. Même si
Louis XIV ne connaîtra jamais la fin des travaux, il y accueille la première réception diplomatique en 1685. Rapidement,
Versailles devient un modèle copié dans toute l’Europe. Tous les grands souverains veulent avoir leur « Versailles ».
Le Tsar Pierre le Grand fait aménager sa nouvelle capitale Saint Pétersbourg, sur le modèle de Versailles alors que les
cours allemandes multiplient les châteaux reprenant les codes du classicisme à la française. Le château de Versailles
est agrandi par Louis XV (aile Nord) et Louis XVI (salle de l’Opéra).
Que faire de Versailles ? Pendant la période révolutionnaire, Louis XVI est forcé de s’installer aux Tuileries (journées
révolutionnaires des 5–6 octobre 1789). Devenu un symbole de l’absolutisme, le château de Versailles est vidé de ses
meubles, vendus aux enchères et Napoléon Ier lui préfère Fontainebleau. Malgré tout, les bâtiments sont préservés
car Versailles a déjà acquis cette dimension patrimoniale. Un premier projet de musée voit le jour en 1801 à la gloire
de la peinture française. En 1837, Louis Philippe, le Roi-citoyen, décide de faire de Versailles un musée d’histoire
célébrant les gloires de la Nation, de Clovis à Bonaparte : 3000 œuvres sont entreposées dans un musée moderne avec
des salles à thème, dont la célèbre salle des croisades. Mais le musée ne survit pas à la chute de la monarchie en 1848.
Durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, le château de Versailles est occupé par l’empereur Guillaume Ier
qui y proclame le second Reich.
Un usage républicain : Il est ensuite le siège du gouvernement républicain de Thiers qui lutte contre la commune de
Paris. Au début de la IIIe République, le château de Versailles est donc le siège du pouvoir politique et le restera
jusqu’en 1879. À partir de 1875, un hémicycle permet d’accueillir l’Assemblée nationale et le Sénat qui sont réunis en
Congrès. Tous les présidents de la IIIe et de la IVe Républiques sont élus à Versailles qui devient « le théâtre de la plus
grande cérémonie républicaine » (Joël Cornette). Sous la Ve République, Versailles reste le lieu de réunion du Congrès
qui permet la révision de la constitution. Depuis 2017, le président réunit Assemblée nationale et Sénat une fois par
an pour un discours de politique générale.
Les frises et le Parthénon : au Ve siècle avant Jésus-Christ, la cité d’Athènes domine le monde grec et la Méditerranée.
Sous l’impulsion de Périclès, d’immenses travaux sont entrepris sur la colline de l’Acropole, à la gloire de la cité
d’Athènes et de son organisation sociale. Le principal temple de l’Acropole est le Parthénon, construit entre 447 et
432 avant JC, qui héberge une statue d’Athéna, divinité protectrice de la cité. À l’intérieur du temple, se trouve une
frise longue de 160 m qui raconte la procession des citoyens athéniens en l’honneur d’Athéna. La frise des
Panathénées, sculptée sous la direction de Phidias, regroupe 378 personnages et 245 animaux.
Lord Elgin s’empare des marbres : en 1801, alors que la Grèce fait partie de l’Empire Ottoman, l’ambassadeur
britannique, Lord Elgin, obtient le droit de démonter une partie des marbres du Parthénon, dont les 2/3e environ de
la frise. Entre 1802 et 1805, Lord Elgin fait transporter dans sa résidence les plaques de marbre. En 1816, il vend les
marbres à la couronne britannique qui les intègre au British Museum. Mais en 1830, la Grèce obtient son
indépendance et le Roi Grec réclame dès 1834 le retour des plaques. C’est le début d’un imbroglio patrimonial majeur.
Une tribune, l’UNESCO si le combat de la Grèce pour la restitution de la frise n’est jamais interrompu, il prend une
autre dimension en 1983. Le 27 octobre, la ministre de la culture grecque, Mélina Mercouri, lance à la tribune de
l’Unesco la procédure internationale de demande de restitution des marbres du Parthénon. Pour cela, elle met en
place une campagne internationale de soutien. Le combat de la Grèce pour obtenir le retour de l’ensemble des
marbres du Parthénon connaît une première victoire en 2006 lorsque le musée d’Heidelberg restitue un fragment de
la frise. De son côté, le British Museum justifie son refus par l’ancienneté de la présence de la frise à Londres et par la
qualité de la mise en scène proposée à Londres.
Un nouveau musée Face aux contestations britanniques sur la préservation des œuvres, la Grèce décide de construire
un musée pensé pour accueillir les marbres. En 2009, le nouveau musée de l’Acropole ouvre ses portes alors que le
Vatican et le musée de Palerme restituent à leur tour des marbres de la frise. Dans ce nouveau musée, les 160 mètres
de frise, ainsi que les sculptures du fronton sont replacées à l’identique du Parthénon. Les marbres manquants sont
remplacés par des moulages. Dans le même temps, la Grèce poursuit ses actions internationales. En 2017, elle
demande à la Commission européenne de bénéficier de la directive sur la restitution des biens culturels acquis
illégalement, mais elle est déboutée.
Conclusion :
Le château de Versailles comme les frises du Parthénon sont donc des objets patrimoniaux dont les usages politiques
et sociaux les ont transformés pour en faire de véritables incarnations nationales. En France, le château de Versailles
a été intégré dans les lieux politiques républicains majeurs, transformant le symbole de l’absolutisme en lieu de
réunion des institutions. Il a surtout été utilisé comme expression du rayonnement diplomatique français et son
attractivité touristique ont fait un objet culturel national majeur. Les frises du Parthénon illustrent de leur côté
l’opposition de deux concepts patrimoniaux. D’un côté, la vision britannique universelle du patrimoine qui s’oppose à
la valeur culturelle et politique forte mise en avant par la Grèce. Mais au-delà de la question de la frise, c’est l’ensemble
des politiques d’acquisition des musées européens qui est posée. Si aujourd’hui, quelques musées commencent à
rendre les œuvres spoliées, les freins juridiques et politiques restent nombreux.