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Cours magistral n° 12 - 05/12/2022

Du roi soleil au roi tyran. Les oppositions à l’absolutisme ?

Louis XIV, à partir de 1682, vit de plus en plus isolé à Versailles, jusqu’à y décéder en 1715. Les théoriciens
de l’absolutisme, à la fin du XIXe siècle : contrairement l’idée reçue selon laquelle Louis XIV aurait fortifié
l’absolutisme royal, il l’aurait en revanche affaibli, à travers ses choix politiques dans la dernière moitié du
XVIIe siècle. Au lendemain immédiat de sa mort se met en place un nouveau régime, entièrement pensé et
conçu à l’inverse de l’absolutisme de Louis XIV : il devient pour ses contemporains un contre-modèle.
Comment, se voulant roi Soleil, est-il de plus en plus considéré en France, mais surtout en Europe,
comme un roi tyran ?
Le terme de « roi tyran », ou « roi despote », n’est pas choisi au hasard : cette notion de despotisme avait
auparavant été employée pendant les guerres de religion, et ce terme de pouvoir incontrôlé a justifié et
justifie encore au XVIIe siècle le fait de pouvoir assassiner le roi. Le pouvoir de Louis XIV, à sa mort, est un
pouvoir qui certes connaît des transformations, mais est un pouvoir fragile, fragilité qui pèsera sur les
successeurs de louis XIV pendant tout le XVIIIe siècle ; Louis XV et Louis XVI auront à se confronter aux
oppositions anciennes qui perdureront durant la période louisquatorzienne, voire se renforcer. Elles sont
hétérogènes (révoltes populaires, révoltes des élites) et témoignent de la crise profonde que connut de Louis
XIV au début de son règne.
Une véritable « opinion publique » française et européenne survient contre Louis XIV, par le biais de libelles,
de caricatures, de satyres, qui continuent de faire entendre la voix des oppositions. Norbert Elias, dans La
société de cour, considère que Louis XIV serait parvenu à éliminer toutes les oppositions, à
« domestiquer la société », la civiliser selon un « processus de civilisation ». L’État de Louis XIV devient
un modèle, qui sera ensuite interrogé. Or, il n’aurait en réalité que créer des désordres, donnant lieu à toute
sorte d’opposition.

I. Résistances face aux « malheurs » des temps

1. Le poids des armes

Oppositions multiples qui émergent en particulier des catégories populaires face aux financiers. Le royaume
de France, sous louis XIV, vit dans un contexte de guerre perpétuelle. À travers deux conflits majeurs, des
conflits européens (guerre de Succession d’Espagne / guerre de la Ligue d’Augsbourg), qui voient la France
(qui continue d’avoir une politique d’alliance diplomatique) face au reste de l’Europe : le Saint-Empire
romain germanique et les Pays-Bas.
La France pourra s’allier à l’Espagne mais devra affronter de puissants adversaires sur les mers, les guerres
étant alors fort onéreuses pour Louis XIV. Le XVIIe siècle se caractérise par une puissante révolution
guerrière. La guerre était une guerre principalement maritime ; il s’agit autant de faire la guerre sur terre
que de contrôler les voies de circulation en Atlantique. Bateaux qui doivent prendre de plus en plus charge
de l’artillerie, cout largement supérieur au coût de Versailles, qui est pourtant l’un des postes de dépenses les
plus importants, l’impératif du royaume est de financer la guerre, de recruter des hommes.
Une série de réformes menée par François Michel Le Tellier de Louvois ; la grande dynastie qui détient
presque l’ensemble des postes ministériels est justement celle des Louvois, qui vise à renforcer le contrôle de
l’État sur l’armée : il s’agit de faire disparaître les résidus d’une politique armée ancienne. Les soldats
d’infanterie et de cavaleries sont vêtus du même uniforme, aboutissant à une unification de l’armée. Il y a

une volonté de professionnaliser les hommes : chaque généralité (= espace administratif) est
administrée par un intendant, qui se doit de recruter des hommes. Des sergents recruteurs faisaient le
tour de la généralité pour lever des hommes âgés entre 16 et 50 ans, généralement des paysans. Le service
militaire durait entre 15 et 30 ans, explication la forte contrainte qui pesait sur les soldats, mais aussi les
résistances qui subsistaient à l’encontre de cette levée d’homme. Volonté de l’État d’organiser ces
recrutements pour des armées de plus en plus nombreuses : entre les années 1660 jusque dans les années
1700, le nombre de soldats a plus de doublé. 200,000 hommes pendant la guerre de la Ligue
d’Augsbourg, 450,000 hommes pendant la guerre de Succession d’Espagne. De nombreux paysans et
membres des catégories populaires refusaient ces recrutements, fuyaient ou désertaient : la désertion
constitue une pratique particulièrement prégnante à la fin du XVIIe siècle (env. 20 % des effectifs). Dans les
faits, le roi disposait de bien moins d’hommes que les effectifs théoriques. Louvois avait prévu une peine
spécifique pour les déserteurs, la « peine des galères », à Marseille. Ces galères étaient utilisées par le
roi de France pour le commerce et la surveillance des côtes méditerranéennes.
Ce coût de la guerre pèse fortement sur les populations. Afin d’assouplir, d’alléger celui-ci, louvois
entreprend d’autres réformes, en particulier le fait que les soldats ne « vivent » plus sur les populations ;
lorsqu’ils étaient en guerre, ils s’installaient dans les villages, et prélevés, naturellement, de manière
arbitraire, l’entièreté des ressources villageoises, affaiblissent fortement ces populations envahies. À la fin
du XVIIe siècle, Louvois crée les casernes, des lieux où sont désormais installés les régiments, des lieux
clos qui marquaient une sorte de distinction entre population militaire, soumise à une certaine discipline,
réglementation / une population civile.
Dans l’histoire militaire, il existe une forme d’étatisation de l’armée. Dans le Saint-Empire romain
germanique, ou le modèle des armées prussiennes au XVIIIe siècle s’inspirent également de ce modèle.
L’État doit prendre en charge les soldats. En 1670, création du premier Hôpital des Invalides destiné à
accueillir les militaires ou anciens soldats, incapables de retrouver un emploi. Dans différentes villes (Rouen,
Lyon), d’autres types d’invalides sont chargés d’accueillir ces vétérans. Tout en appesantissant d’autant plus
les populations civiles, l’État cherche néanmoins à réformer car conscient de l’exigence de ses attentes.
Cette guerre était importante pour plusieurs raisons : la guerre n’a plus pour objectif la conquête de
territoires. La politique de Louis XIV, avec Colbert, fut de construire des frontières, des « frontières
naturelles » comme les nomment les contemporains. Faire la guerre participe non seulement à l’éloge du
roi de guerre, mais la guerre et les soldats servent également d’outil de gouvernement des hommes.
Si une partie des soldats est mobilisée pour construire Versailles, une autre part est dédiée à la
répression des populations. L’armée est un outil de maintien de l’ordre public. Le rôle de la guerre se
constate dans les effets « idéologiques » : en 1689, Louis XIV décide, lors de la guerre de la Ligue
d’Augsbourg contre le Saint-Empire romain germanique, d’organiser une offensive contre le
Palatinat, un État dynamique, fortuné et peuplé. Louis XIV, pendant plusieurs semaines, bombarde le
Palatinat (similaire au Barbarès en Méditerranée), une opération inutile d’un point de vue stratégique : la
guerre permet au roi de provoquer l’effroi parmi la population. Ce bombardement entraînera des effets
majeurs : il est l’une des raisons pour laquelle louis XIV, à l’apogée de son projet versaillais, comme roi et
symbole de la civilisation européenne, est abhorré par nombre d’Européens, considéré comme un roi
barbare.
Le guerre comme moyen de gouvernement est également un outil de pouvoir utilisé par le roi qui déviera
vers sa propre personne. Elle nécessite une imposition toujours plus élevée, celle-ci étant un impératif :
comment éviter l’endettement de l’État ?
Michel Chamillart, contrôleur général des Finances et ministre de la Guerre, tente une nouvelle fois de
réformer le régime de la fiscalité.

2. Le poids de l’impôt

À la fin du XVIIe siècle, la problématique est identique à celle de l’ensemble antérieur du XVIIe siècle : des
dépenses toujours croissantes, les recettes habituelles n’étant plus ni suffisantes, ni envisageables. Son seul
allié, le roi espagnol, continue certes de le soutenir, mais ceci ne suffit pas ; pallier l’endettement consiste
en l’augmentation d’impôt, en l’intensification de la fiscalité. Mais il n’est possible d’augmenter l’impôt
direct, la taille, impunément. La fiscalité indirecte fut donc impliquée par l’accroissement des taxes
concernant la circulation des produits. Richelieu, puis Mazarin augmentèrent eux aussi ces taxes ; à la fin
du XVIIe siècle, celles-ci se diversifient (consommation du sel, du tabac, des timbres).
En 1701, création d’une taxe sur les jeux de cartes, sur la glace. En 1709, une taxe sur les huîtres -
suggère que ce produit est désormais consommé par la population urbaine. C’était une façon d’obvier à
la société d’ordres qui excluait du paiement de la taille les nobles et les membres du clergé. Afin d’améliorer
la perception de ces multiples taxes, Colbert fonda la Ferme générale, administration royale composée
de riches financiers qui passaient un contrat avec l’administration royale, un contrat d’affermage
(existe depuis la première moitié du XVIIe siècle), l’État ayant pour interlocuteur d’une quarantaine
de financiers : multiplication des taxes, et afin d’éviter les malversation, l’État propose le contrôle de
cette fiscalité.
Ce système permettait aux financiers de s’enrichir, car ces derniers prélevaient plus que ce qu’ils n’offraient
au roi ; Colbert souhaite endiguer cela. En dépit de la volonté royale, la corruption et les dysfonctionnements
ne s’essoufflent pas, et cette fiscalité indirecte produit un certain mécontentement.
Le roi et ses ministres ont conscience des limites de ce système. Dans les années 1680, l’administration
royale impulse les « enquêtes royales statistiques » : l’administration royale demande des enquêtes
démographiques, originellement confiées au curé du village. Des données sont ajoutées : des tableaux
administratifs, les intendants et ses délégués, doivent inventorier les ressources naturelles, mais aussi
inventorier l’ensemble des récoltes de la localité. L’État souhaite, à travers cette « statistique royale »,
connaître avec plus d’acuité les caractères du royaume, afin d’évaluer justement les « prévisions » de la
fiscalité. Une connaissance plus fine des populations et des ressources naturelles disponibles permet de
requérir de façon adéquate des taxes.
Des projets de réforme totale de la fiscalité directe sont proposés. Un impôt universel est notamment avancé
(Vauban, capitation). Cela nécessite la fin de la société d’ordres, une idée révolutionnaire ; il était entendu,
depuis le Moyen-Âge, que la noblesse et le clergé étaient exemptés d’impôts.
Entre 1695 et 1697, l’impôt « par capitation » prévoit que tous les sujets du royaume (roturiers,
membres de la noblesse et ecclésiastiques) doivent de payer un impôt ; tous les sujets doivent payer un
impôt selon leur fortune personnelle. L’impôt était répartie en 22 classes de fortune. La première
catégorie comprenait le roi et le dauphin ; ensuite, selon la fortune détenue, les sujets, jusqu’au paysan,
étaient distingués (le paysan était distingué du fermier, le fermier du laboureur, des journaliers, des
brassiers).
Lors de la guerre de Succession d’Espagne, selon le même principe, la réforme de l’impôt du
« dixième » impôt prélevé sur tous les propriétaires. Pesé sur les revenus fonciers cet impôt, mais
également sur les revenus mobiliers, des professions libérales, de l’industrie. Un dixième de la fortune de
ces individus était donc prélevé sur leur fortune. Il perdure de 1710 à 1717.
Au sein de l’État, conscience aiguë du mécontentement à l’encontre de ces réformes : elles étaient mises en
place, de façon théorique, mais mises en défaut plus tard par la noblesse ou le clergé qui parvinrent à en être
exonérés, en particulier l’assemblée générale du clergé catholique qui, par principe, ne peut payer l’impôt,
contournant celle-ci en acceptant de verser une somme importante au roi par l’intermédiaire d’un don
gratuit. En 1690 - 1700, le clergé est l’administration la plus lucrative du royaume. C’est un moyen,
pour l’Église, de maintenir l’inégalité, permettant de faire échouer le réforme.

La faiblesse de l’État absolutiste est au giron de ces réformes, qui repose sur le maintien de la société
d’ordres, impliquant le maintien de la société de privilèges, de l’exonération des deux ordres (clergé +
noblesse) de l’impôt direct.
Des expédients : vente d’offices, qui avait pourtant provoqué la rage des parlementaires avant la Fronde, la
vente des charges administratives est doublée dans l’administration militaire (recours expéditif qui n’a
d’efficacité que dans une courte durée) ; fonte de la vaisselle de Versailles ; emprunts (extérieur / intérieur),
qui impliquent nécessairement leur rétrocession future.
Le roi renforce, à terme, son pouvoir financier, mais renforce sa dépendance auprès des financiers ; autant de
raisons pour lesquelles ces réformateurs, dont Vauban, ingénieur qui façonna la « ceinture de fer », des
forteresses, rédige le Traité de dîme royale. Ces réformateurs deviennent progressivement aphones, car
personne n’entend acquiescer à leurs propositions.
En France, les « adulateurs de Louis XIV » considèrent que celui-ci est le plus grand roi de France ; dans les
années 1980, le Dictionnaire du Grand Siècle, rédigé par Bluche qui écrivît la notice de Vauban et renseigna
que celui-ci n’avait jamais rédigé ce traité, car cela signifierait qu’il aurait été opposé à Louis XIV.

3. Accidents climatiques et crises démographiques

Il ne pourrait pas exister ces oppositions sans le contexte général en France de Le petit Poucet (PERRAULT
Charles, 1697). La France est sous l’emprise de famines, empreinte à des fluctuations climatiques, initiant la
pratique anthropophagique.
De 1650 à environ 1670, Emmanuel Leroy Ladurie nomme cette période « le petit âge glacière »,
historien du climat, plusieurs décennies durant lesquelles il y a des périodes très froides, aucun été. La
manière dont est organisée l’agriculture, soit la culture des céréales, empêche les paysans de cultiver leurs
terres. Le système de rotation des cultures est dépendant des conditions climatiques : si celles-ci ne sont pas
optimales, comme en 1690, lors des années « pourries », alors les terres des paysans sont vouées à
demeurer en friche (terres lessivées / récoltes tardives, détruites). Ainsi, des crises démographiques
extrêmes jaillissent de nouveau : entre 2 à 3 millions de morts sont recensés en 1690.
Ces crises sont possibles du fait de l’impossible réforme de l’agriculture française, profondément renouvelée
en Angleterre. En Angleterre, à partir des années 1650, cette réforme comprend la clôture des terres,
l’intensification de l’élevage, un exode rural important, migrant vers les villes et les ports ; l’élevage
permet de sustenter la population britannique de viandes. En France, l’agriculture est « archaïque », ne
connaît ni révolution technique, ni révolution structurelle, basé sur la rotation des cultures, l’assolement des
terres.
Le « grand hiver » de 1709 (gel des semences entre janvier et mars) provoque la mort de la population
rurale, mais également de la population urbaine (plusieurs centaines de morts à Paris ; afin d’éviter les
émeutes, l’administration royale pouvait réquisitionner des ressources céréalières afin de palier aux
crises frumentaires). Les populations demeurent dépendantes des incidents climatiques qui témoignent de
l’incapacité structurelle de l’État à réformer l’économie et l’agriculture. On libéralise le commerce des
grains, une taxation des plus fortunés est engagée, une distribution gratuite des vivres par la
municipalité : ce n’est que l’ébauche d’une réforme idéale.

4.

Face à ces difficultés, les populations ne sont pas passives. Les révoltes paysannes dans les campagnes : la
révolte du « papier timbré », ou des Bonnets rouges, d’avril à septembre 1675 ; des « tard avisés » en
1707.



Dans les villes également, des phénomènes de contestation dans l’industrie dynamique du travail impliquent
la cessation du travail des employés. Ces mouvements sociaux ne sont plus uniquement réservés aux
campagnes, mais atteignent les villes. L’État tente de régir par des peines, des répressions de plus en plus
importantes.
En 1664, la lieutenance générale de police : Paris est découpée en 48 quartiers, chacun étant contrôlé
par un commissariat, commissaire du châtelet, chargé de traquer les mouvements de révolte, de
contestation. Ceux qui contreviennent au règlement sont expédiés dans la Bastille, fort militaire qui sert de
prison, mais également de caserne, où les soldats sont chargés de surveiller les quartiers de l’Est parisien
dans lesquels sont réunis des populations miséreuses.
En 1709, Nicolas Desmarets adresse au roi un mémoire dans lequel il met en évidence la « mauvaise
disposition des esprits de tous les peuples ».

II. Des oppositions religieuses aux contestations politiques

1. Le jansénisme : de l’hérésie à la crise politique

Courant religieux qui naît dans l’Église catholique autour de l’évêque d’Ypres, Cornelius Jansen qui
publie l’Augustinus, ouvrage dans lequel il propose une nouvelle forme du christianisme selon la théorie de
la grâce et la prédestination. Il influence, au sein de la population civile et de l’Église catholique, les
jansénistes, qui ne se bornent d’abord qu’à des préoccupations d’ordre religieux. Jansen considère que
l’Église catholique décline, héritant des courants des dévots : il souhaite renforcer les pratiques, la vie
quotidienne des populations catholiques. Des les années 1630, il dénonce les « faux dévots », en proposant
une nouvelle conception de la religion : le jansénisme.
Selon lui, il apparaît inutile d’assister à la messe, car Dieu a ainsi disposé les hommes en deux factions : les
élus et les simples mortels. Les seconds doivent tenter d’accéder la grâce en imitant le comportement de
leurs prochains. Il reprend certaines critiques formulées par les protestants, avec une influence majeure
de Calvin et de Luther, revenant à une Église primitive, avec des mœurs plus affirmées.
L’Église était alors dirigée par les jésuites, qui considéraient Jansen comme un sectateur. Ce mouvement se
propagera, et des controverses théologiques (entre le Père Louis Molina (libre arbitre) / Jean-Ambroise
Duvergier du Hauranne, abbé de Saint-Cyran) seront exportées vers le domaine politique.

Les jansénistes constituent un problème politique, car :


• Ils se réunissent à l’abbaye de Port-Royal des Champs, autour de la famille de Arnaud, dont
Angélique Arnaud devient l’administratrice, rejoint par des personnages comme Condé, Pascal, toutes
les personnalités ayant participé à la Fronde.
• Les jansénistes élaborent une nouvelle théorie de l’organisation de l’Eglise catholique. Selon eux, la
parole divine ne descend pas du haut vers le bas, mais est inspirée par la communauté des fidèles. Lorsque
Dieu s’adresse aux hommes, il ne s’adresse pas au peuple, mais à la communauté des fidèles. Ils refusent
d’accorder au pape un pouvoir prédominant, et mettent en cause « l’infaillibilité pontificale ».
Les catholiques proches de Louis XIV, tels que Bossuet, confesseur du roi, commencent à percevoir le
danger politique que peuvent admettre les jansénistes. À partir des années 1670, les jansénistes deviennent
des adversaires politiques et théologiques (ils renversent la hiérarchie qui prévaut dans l’Eglise et forme une
nouvelle association frondeuse). À la fin des années 1690, Louis XIV tente d’obtenir de nouveau
l’empire sur l’Eglise. Bossuet rédige la Déclaration des Quatre articles en mars 1682. La régale (=

revenus liés à la fonction de l’évêque) revient désormais de droit à Louis XIV, qui renforce son pouvoir
sur l’Église gallicane.

Une succession de la répression du mouvement janséniste :


• 1709 : dispersion des religieuses de Port-Royal.
• 1711 : destruction de Port-Royal. Les soldats ne dégagèrent pas les vestiges du monument, afin qu’ils
suggèrent à d’éventuels nouveaux ennemis quelle sera la sanction appliquée.
• 1713 : bulle Unigenitus du pape Clément XI.
Cependant, bien que l’ordre janséniste semble avoir été éradiqué, il subsiste. Cette répression présente des
jansénistes victimes de l’ignominie du roi. Les parlementaires soutiennent dès lors les jansénistes, jusqu’à se
déclarer comme tel, afin de s’ériger de nouveau contre le roi ; ils publient des mémoires, s’estiment
défenseurs des jansénistes. Durant le XVIIIe siècle, ils s’en saisissent afin de reconstruire leur légitimité
politique.
Le roi meurt le 1er septembre 1715, sans connaître les conséquences de sa politique et du jansénisme
parlementaire.

2. L’offensive contre le protestantisme…

En 1685, Louis XIV proclame l’édit de Fontainebleau, détruisant tout ce qu’avait établi Henri IV au
travers de l’édit de Nantes.
La citoyenneté civile est retirée aux protestants. Les dragonnades sont envoyées afin de convertir les
protestants subsistants. L’édit de Nantes était une « tolérance » chargée de conditions : le protestantisme et
sa reconnaissance par l’État ne devaient être que temporaires.
Durant tout le siècle, 300,000 personnes en subirent les conséquences. En 1679, les protestants sont exclus
des offices, une décision qui apparaît aberrante ; même Colbert n’y était pas favorable. Ces protestants sont
majoritairement financiers, ou représentés dans des professions libérales : ils permettent de vivifier
l’économie française. Ainsi, l’édit de Fontainebleau provoque l’exil de nombreux protestants vers
l’Angleterre et les Provinces-Unies.
Or, Louis XIV désire construire son empire sur la civilisation européenne. Entre l’Empire ottoman et le
Saint-Empire romain germanique se déploie un conflit : victoire de l’empereur des Habsbourg.
Louis XIV souhaite incarner le catholicisme, et ce en expulsant les protestants du royaume. Ils ne
peuvent plus se marier, ni être enterrés : ils cessent d’exister sur le plan civil. Cette décision est une
victoire incontestable à court terme : l’édit de Fontainebleau entre dans la mythologie instruite par Louis
XIV. Il se présente comme celui ayant rétabli l’autorité catholique au sein du royaume.
Certains protestants se réfugient dans les provinces du « Désert », dans les Cévennes. Une révolte
populaire, réunissant de nombreux paysans protestants, nommés les « camisards », est organisée et
confrontent les armées royales. Certains dirigeants camisards deviennent de véritables effigies du
protestantisme. Une répression violente du maréchal de Villars est engagée.

3. Louis XIV, un « barbare et cannibale »

Louis XIV contribue à son propre affaiblissement politique. S’il parvient à empêcher, ou du moins limiter
toutes les formes d’opposition, de Suisse et du Saint-Empire romain germanique proviennent les oppositions
les plus acérées.


Par le biais de la presse, de périodiques et d’imprimés, une opposition générale manifeste est dirigée contre
Louis XIV au sujet de la répression des jansénistes, du sac du Palatinat. Il n’est plus le symbole de la
civilisation européenne.
Une gravure allemande, produite par un anonyme en 1689, représente le général français Ezéchiel de Mélac
commandant les troupes françaises au Palatinat.
Pierre Jurieu, pasteur en exil en Hollande, est rédacteur de nombreux pamphlets (les Lettres
pastorales, en 1686) contre Louis XIV.
Au début du XVIIIe siècle, on refuse de parler français.

III. La Cour et les oppositions à l’absolutisme

A. Versailles… cadre des cabales et des complots

Louis XIV réunit ses conseillers, les membres de ses Conseils, les Ministres, ainsi que les directeurs de son
administration. Versailles est le lieu de l’État où sont réunis les nobles et les grandes personnalités de
l’Égalise gallicane ; or, il s’y développe également des oppositions au fondement même de l’absolutisme
royal.
Les Grandes Affaires, à la fin des années 1670, bouleversent la Cour : chacun s’accuse de vouloir
empoisonner l’autre. Des procès contre des empoisonneuses et contre des personnages à la Cour sont
intentés, devant la Chambre ardente, procès au cours desquels sont condamnés des individus qualifiés de
« devins », de « magiciens ». En 1682, un édit punit précisément ceux qui sont condamnés pour des
crimes de magie, de sortilèges, d’empoisonnement.
Cela révèle les tensions qui demeuraient entre les différentes clientèles. Madame de Montespan, la
nouvelle maîtresse du roi, est elle-même accusée ; les affaires du roi sont ici offensées.
En 1683, Louis XIV connaît la mort de Marie-Thérèse, sa première épouse. La même année, Madame
de Maintenon, Françoise d’Aubigné, nourrice de ses enfants, lui supplée.
Ces deux maîtresses sont membres de clientèles. La Cour était un lieu de tensions entre les élites royales.
Cela aboutit à la formalisation, à travers des écrits, des mémoires, d’une opposition à la manière de
gouverner de Louis XIV.

B. Oppositions littéraires et morales

À la fin du XVIIe siècle, des affrontements politiques, des querelles littéraires ont des enjeux dans le
domaine politique et esthétique.
1687 - 1694 : Anciens (Boileau) / Modernes (Charles Perrault), les œuvres sont portées à un idéal
esthétique supérieur, à la gloire du roi selon les Modernes, selon des enjeux politiques importants.
Les libertins (prendre ses distances vis-à-vis des règles morales édictées par le royaume) et la critique du
pouvoir :
• Charles de Saint-Evremont fait renaître une forme de scepticisme, une nouvelle morale politique contre
la manière de gouverner de Louis XIV, des plaisirs, des festivités de la Cour = rigueur bigote.
• Gastien de Courtilz de Sandras fait circuler des romans érotiques, où est mis en scène Le grand
alcandre frustré (1696), Louis XIV ; Nouvelles amours de Louis le Grand (1696). Ils ont pour effet de
rendre le roi ridicule.


Pierre Bayle publie le Dictionnaire historique et critique, critiquant systématiquement le règne de Louis
XIV.
Fénelon publie Les aventures de Télémaque à destination du dauphin, dénonçant l’autoritarisme du roi. Il
expose, dans ce traité pédagogique, ce sujet un bon roi, un roi qui apprend à gouverner non pas comme un
despote mais comme un personnage éclairé, voulant former le dauphin comme l’envers de son père.
Ces critiques se juxtaposent, prouvant qu’il existe des alternatives politiques à l’absolutisme de Louis XIV,
certains proposant même de réformer l’Etat.

3. La voix des réformateurs

Ces propriétaires qui paient plus d’impôts, ne faut-il pas donner à ces propriétaire de nouveaux pouvoirs
politiques ?
Les Tables de Chaulnes : le pouvoir royal serait partagé entre le roi et les membres de l’ancienne
noblesse.
En 1715, Louis XIV meurt et délaisse un héritage profondément incertain ; l’absolutisme, loin d’avoir été
renforcé au cours de son règne, fut affaibli.

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