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Hausse des prix : Le kebab tente sa mue en pleine crise du

pouvoir d’achat
Les crevasses sous les yeux se dissipent peu à peu, la tête se fait moins lourde et un sourire se
dessine enfin sur ce visage encore légèrement dans le mal. Pour décrire le kebab et ses
sensations, zappons les habituels clichés journalistiques vus et revus de la chaleur de la broche
ou de l’odeur qui envahit le snack et concentrons-nous plutôt sur la résurrection express du
visage d’Arnaud, bouchée par bouchée. Ce jeune parisien de 23 ans a la tronche de celui qui a
abusé de facilement trois bières de trop la veille, et après une nuit dans le brouillard, ce grec
ingurgité cinq minutes montre en main constitue enfin une fenêtre de ciel bleu.

Nous aussi, on a eu 20 ans, et on a connu ces soirées folles et leur lendemain à ramper jusqu’au
kebab le plus proche renaître en un repas. Arnaud nous prouve que le remède anti-gueule de
bois fait toujours autant de miracles. Mais si l’efficacité n’a pas changé, la rentabilité n’est plus
la même. Comptez 9 euros avec frites pour le salade-tomate-oignon de notre étudiant, quand
dans notre jeunesse - au début des années 2010, on avait le même sandwich pour moitié prix.
« J’y vais rarement, confie Arnaud, le regard encore un peu dans le vide. C’est devenu une
sortie de luxe, comme le ciné. Mais là, j’en avais vraiment besoin. »

40 % d’augmentation en cinq ans

Bernard Boutboul, fondateur du cabinet Gira Conseil spécialisé dans la consommation


alimentaire, confirme la hausse de budget : « Il y a encore cinq ans, le prix moyen du kebab en
France, boisson comprise, tournait autour de 5 euros. Le prix était de 6,50 euros à l’été 2022.
Désormais, la moyenne est de 7 euros. » Soit une augmentation de 40 % en l’espace de cinq
ans, un coup de chaleur encore plus fort que celui qu’a connu le foie d’Arnaud hier soir.

Les prix s’envolent mais le kebab peine à se dépêtrer de son image de casse-croûte bon marché.
Pendant des années, il a représenté la pause midi ou le sauvetage de fin de soirée le plus rentable
de France. Lycéens, étudiants et toute personne aux finances un peu raides se rendait au grec
avec un deal complice. Ok, ce n’était pas forcément de la haute gastronomie, pas vraiment «
healthy » non plus mais avec moins d’un billet de 5 euros, on était calé pour l’après-midi, le
ventre plein et les poches pas si vides.

« Les clients ne pardonnent pas la hausse des prix »

Cette légende colle au kebab comme la dernière bouchée à l’estomac. Et contraint les chefs à
toucher le moins possible au prix. « Les clients ne le pardonnent pas », estime Noé, chef du
Gemüse dans le 18e arrondissement. Déjà, le passage du menu avec frites de 11 euros à 11,50
euros reste dans l’établissement un évènement plus historique que le triplé de Mbappé en finale
de Coupe du monde. « Pas le choix », avec l’envol du prix des matières premières et de
l’énergie.

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