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Cahiers de Fanjeaux

Collection d'histoire religieuse du Midi


au Moyen Âge
43 Germain BUTAUD
Université de Nice-Sophia Antipolis

amille et parenté dans


Généalogie et histoire des rois mages :
la vie religieuse du Midi les origines légendaires
(XIIe. XVe siècle) de la famille des Baux (XIIIe-XVe siècle)

Parmi les légendes généalogiques qui fleurirent au


Moyen Âge et à l'époque moderne l , l'une des plus
intriguantes est celle de la famille des Baux , qui pré-
tendait descendre des roi s mages . Dès 1334, le domi-
nicain Jean Regina y fait une allusion explicite à
l'occasion d ' une oraison funèbre prononcée à Naples, en l'honneur
de Hugues de Baux, seigneur de Berre, frère de Bertrand, comte
d'Andria 2 • Cette mention semble toutefoi s isolée à première vue et
les médiévi tes ont plutôt été enclins à étudier une autre légende
qui concernait les Baux , de la branche des princes d'Orange. Par le
biai s de l ' héraldique , les princes se revendiquèrent comme les héri-
tiers du héros épique Guillaume d ' Orange (alias au Court-Nez , ou
encore, au Cornet)3. Le principal artisan de cette appropriation, qui
permettait de renforcer son indépendance féodale, fut le prince
Guillaume de Baux (t 1218) qui reprit le symbole du cornet sur un
scea u de 1184 4 . Mai s Guillaume d ' Orange était en fait dès le
XIe iècle l 'a ncêtre revendiqué par plusieurs 1ignages , qui lui
étaient parfoi s effectivement apparentés. La mémoire généalogique
s'appuyait sur une légende épique en formations.
ÉDITIONS

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Cahiers de Fanjeaux

Généalogie et histoire des rois mages : les origines légendaires de


la famille des Baux (XIIIe-XVe s.)
Germain Butaud

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Butaud Germain. Généalogie et histoire des rois mages : les origines légendaires de la famille des Baux (XIIIe-XVe s.). In:
Famille et parenté. Toulouse : Éditions Privat, 2008. pp. 107-154. (Cahiers de Fanjeaux, 43);

doi : https://doi.org/10.3406/cafan.2008.1945

https://www.persee.fr/doc/cafan_0575-061x_2008_act_43_1_1945

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Abstract
Butaud (Germain), Genealogy and the History of the Wise Men : the Legendary Origins of the Baux
Family (13th-15th Centuries).
There is a legend, still famous today, linking the Baux family from Provence to the Wise Men. The
dates are controversial, but several points indicate that the legend is likely to be recent and to have
appeared around 1300. After its first attestation in 1334, it is most probably mentioned in Jean de
Hildesheim's Historia Trium Regum — the author having seen the ambassy of Raymond de Baux,
count of Soleto, (died in 1375) in Avignon in 1351. This man was the one who had commissioned the
frescoes of the palace-monastery of Casaluce in the kingdom of Naples. Two mythical ancestors of the
family where mentioned on them : Wise Man Balthazar and William of Gellone. The family's history was
then written thanks to Marguerite de Baux (died in 1469), the wife of Pierre de Luxembourg, count of
Saint-Pol (died in 1433). The latter is mentionned in the couple's genealogy, which was put together by
herald Saint-Pol (circa 1434) and which also allows to correct the genealogy of the Baux family (dukes
of Andria) as it had been assumed until then. In 1471, Clement de Sainghin, in his Généalogie de
Luxembourg gave a very elaborated account of it, using Jean de Hildesheim as a source.
Paradoxically, the legend of the Baux family was preserved through documents which were all written
outside Provence.

Résumé
Butaud (Germain), Généalogie et histoire des rois mages : les origines légendaires des Baux (XIIIe-
XVe s.).
La légende selon laquelle la famille provençale des Baux descendait des rois mages est aujourd’hui
encore célèbre. Sa datation est débattue, mais plusieurs arguments militent pour un thème légendaire
relativement récent, apparu vers 1300. Après sa première attestation, en 1334, la légende est selon
toute probabilité évoquée dans l’Historia trium regum de Jean de Hildesheim qui put voir, en 1351, à
Avignon, une ambassade de Raymond de Baux (✝1375), comte de Soleto. Ce personnage est le
commanditaire des fresques qui recouvraient le palais-monastère de Casaluce dans le royaume de
Naples. On y évoquait les deux ancêtres mythiques de la famille : le roi mage Balthazar et Guillaume
d’Orange, fondateur de Gellone. C’est ensuite grâce à Marguerite de Baux (✝ 1469), épouse de Pierre
de Luxembourg (✝1433), comte de Saint-Pol, que le récit familial fut mis par écrit. On le retrouve dans
la généalogie du couple dressée par le héraut Saint-Pol (vers 1434), qui permet par ailleurs corriger la
généalogie admise jusqu’ici des Baux, ducs d’Andria. En 1471, Clément de Sainghin dans sa
Genealogie de Luxembourg en donna une version très développée, en utilisant Jean de Hildesheim.
De façon paradoxale, la légende des Baux a ainsi été conservée par des textes qui ont tous été
rédigés hors de Provence.
Germain BUT A UO
Université de Nice-Sophia Antipolis

Généalogie et histoire des rois mages :


les origines légendaires
de la famille des Baux (XIIIe-XVe siècle)

Parmi les légendes généalogiques qui fleurirent au


Moyen Âge et à l'époque moderne 1, l'une des plus
intriguantes est celle de la famille des Baux, qui pré-
tendait descendre des rois mages. Dès 1334, le domi-
nicain Jean Regina y fait une allusion explicite à
J'occasion d'une oraison funèbre prononcée à Naples, en l'honneur
de Hugues de Baux, seigneur de Berre, frère de Bertrand, comte
d' Andria2 • Cette mention semble toutefois isolée à première vue et
les médiévistes ont plutôt été enclins à étudier une autre légende
qui concernait les Baux, de la branche des princes d'Orange. Par le
biais de l 'héraldique, les princes se revendiquèrent comme les héri-
tiers du héros épique Guillaume d'Orange (alias au Court-Nez, ou
encore, au Cornet)3. Le principal artisan de cette appropriation, qui
permettait de renforcer son indépendance féodale, fut le prince
Guillaume de Baux (t 1218) qui reprit le symbole du cornet sur un
sceau de 11844 • Mais Guillaume d'Orange était en fait dès le
XIe siècle l'ancêtre revendiqué par plusieurs lignages, qui lui
étaient parfois effectivement apparentés. La mémoire généalogique
s'appuyait sur une légende épique en formation 5 •
108 CAHIERS DE FANJEAUX 43

La légende des origines orientales des Baux ne s’enracine pas


dans un tel terreau épique. Elle est plus récente et il est difficile
d’étudier sa formation. En revanche, trois textes méconnus, ou
inédits, permettent de suivre son développement aux XIVe et
XVe siècles, ce qui est rare pour une légende généalogique médié¬
vale. Après avoir reconsidéré le problème de la datation et de la
genèse de la légende, nous traiterons ainsi d’abord de VHistoria
trium regum de Jean de Hildesheim, écrite entre 1364 et 1375. En
guise d’excursus, un haut lieu de la mémoire généalogique des
Baux, contemporain du livre de Hildesheim, sera ensuite évoqué :
le palais-monastère de Casaluce (royaume de Naples), couvert de
fresques. Les deux derniers développements seront consacrés à des
textes proprement généalogiques écrits par des serviteurs de
Marguerite de Baux, épouse de Pierre de Luxembourg (f 1433),
comte de Saint-Pol : le héraut Saint-Pol, qui écrivait vers 1434,
puis Clément de Sainghin, qui acheva en 1471 une généalogie
exhaustive du couple.

I. L’ORIGINE ORIENTALE DES BAUX :


GENÈSE ET DATATIONDE LA LÉGENDE

1. Armoiries et légende : l’étoile à seize rais

En 1334, Jean Regina faisait état de l’ascendance orientale des


Baux sans s’y attarder :

« Notre seigneur [Hugues de Baux] et tous ceux de sa race tirent leur


origine, comme je l’ai appris d’une personne digne de foi, des saints
mages, soit des rois qui vinrent auprès du Christ, à sa naissance, sous la
conduite d’une étoile leur montrant la voie, comme il apparaît dans
Matthieu II [1-12]. C’est pourquoi, de même, tous portent pour signe sur
leurs armes l’étoile »6.
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 109

Deux datations ont été proposées pour cette légende. Florian


Mazel estime « probable qu’elle soit apparue en Provence au début
du XIIIe siècle » tandis que Jean-Paul Boyer penche pour une data¬
tion « autour de 1300 »7. Cette divergence implique en fait une dif¬
férence fondamentale dans la genèse du thème légendaire. En
adoptant la datation haute, on considère que la légende préexistait
au choix par les Baux comme armoiries de l’étoile à seize rais, qui
est attestée pour la première fois en 12148.

Fig. 1 . Sceau d’Hugues de Baux, 1214.


D’après L. Blancard, Iconographie..., pl. 19.

Le même processus serait donc à l’œuvre qu’avec l’adoption


du cornet par Guillaume de Baux dans les années 1180. Hors du
cas d’espèce, Florian Mazel pense d’ailleurs qu’en « termes sémio¬
tiques et iconologiques, il semble délicat, pour la période médiéva¬
le, d’envisager qu’un discours (la légende) ait pu se développer à
partir d’une image, plutôt que l’inverse »9. Tel est cependant ce qui
arrive dans le cas des légendes héraldiques, quand les armoiries
sont interprétées, rendues de plus en plus « parlantes » et justifiées
a posteriori par un récit10. Il est ainsi tout à fait envisageable que de
la sorte, la légende orientale des Baux se soit appuyée sur l’étoile
110 CAHIERS DE FANJ EAUX 43

héraldique en lui donnant un sens, un mystère, qu’elle ne recélait


en rien à l’origine.
tionnellement d’un récit
A vrai
familial.
dire, les armoiries ne dérivent qu’excep-

Au début du XIIIe siècle, l’étoile à seize rais n’était de plus pas


le monopole des Baux. On a conservé quatre sceaux anciens des
B lacas d’Aups ou de Baudinard11 qui attestent du choix héraldique
de l’étoile par cette famille, qui portait d’argent à l’étoile à seize
rais de gueules.

Fig. 2. Sceau de Blacas, seigneur d’Aups, 1201.


D’après L. Blancard, Iconographie. . ., pl. 21 .

Les Blacas n’auraient fait qu’emprunter, par mimétisme, leurs


armoiries aux Baux, en « inversant » les émaux12. Mais comme
aucun lien féodal ou de parenté n’est attesté entre les deux
lignages, l’hypothèse est invérifiable. Elle semble aussi fragile, si
l’on considère que trois autres familles provençales, au moins, por¬
taient une étoile dans leurs armoiries : les Badat et les Chabaud,
implantés à Nice et dans sa région, et les barons de Beuil13. Là
encore, aucun lien n’est connu avec les Baux. Il est donc arbitraire
de considérer l’étoile à seize rais comme le symbole d’une seule
famille. Cette univocité est en outre infirmée par un sceau équestre
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 111

du comte de Valentinois, Aymar II de Poitiers, datant de 1197, et


donc plus ancien que celui des Baux14.

Fig. 3. Sceau d’Aymar II de Poitiers, comte de Valentinois, 1 197.


D ’ après J . Roman , Description . . n° 607 .

Le revers est décoré d’une étoile à seize rais, ce qui peut sur¬
prendre, car les armoiries des Poitiers sont tout autres : d’azur à six
besants d’argent (3, 2, 1) au chef d’or15. L’étoile ne peut donc être
considérée comme un meuble héraldique et sert ici de motif orne¬
mental. De la même manière, une étoile à huit rais orne le revers de
la bulle des seigneurs d’Hyères16, tout comme une étoile à douze
rais figure au revers d’un sceau de 1270 d’Aymar III de Poitiers17.

Ce dernier
fiant la variation
exempledu nombre
nous invite
de rais.
à neLe
pasnombre
considérer
seizecomme
en lui-même
signi¬

n’a pas de symbolique particulière18.


Au début du XIIIe siècle, l’étoile apparaît ainsi comme un
motif héraldique, et ornemental, qui n’était pas accaparé par la
famille des Baux. Il est certes possible que le prestige de cette
famille ait contribué à sa diffusion, qui semble plus importante
dans la région provençale qu’ ailleurs. On peut aussi y voir, de
112 CAHIERS DE FANJEAUX 43

préférence, une allusion à l’étoile de la Nativité. Mais rien


n’empêche que ce soit un simple symbole céleste, ou même, pro¬
saïquement, une forme dérivée des renforts en escarboucle d’un
écu19. . . Il nous semble en revanche peu probable qu’il s’agisse déjà
d’un emblème familial signifiant que les Baux étaient les descen¬
dants des rois mages. Ce n’est que plus tard que l’étoile à seize rais
acquit cette aura légendaire, jusqu’à devenir « l’étoile des Baux »
dans la langue du blason.

2. Les légendes sur les rois mages et leurs descendants

Depuis longtemps figurés dans les représentations de la


Nativité, les rois mages furent l’objet d’une dévotion plus intense
en Occident à partir du milieu du XIIe siècle. En effet, leurs
reliques furent découvertes en 1158, dans une église de la banlieue
de Milan, puis transférées en 1164 dans la cathédrale de Cologne
par l’archevêque de cette ville, un proche de l’empereur Frédéric
Ier20. Vers la même époque, les noms, d’origine perse, de Melchior,
Balthazar et Gaspard s’imposèrent pour les désigner21. Des récits
légendaires circulèrent ensuite à leur propos, qui les relient au
Prêtre Jean, à l’apôtre Thomas et, chose étonnante, aux Tartares
(Mongols)22.
En 1145, Othon de Freising parla le premier des victoires du
Prêtre Jean sur le roi des Perses. Il en faisait un descendant des

rois mages, qui, à leur exemple, avait décidé de venir au secours


de la « sainte église de Jérusalem »23. Â partir des années 1170-

lettres
1180, lecirculèrent
mythe duenPrêtre
son nom
Jean où
connut
il décrivait
une grande
les terres
audience.
orientales
Des

sous sa domination, peuplées d’êtres fabuleux, et évoquait saint


Thomas, l’apôtre qui avait jadis converti les Indiens, donnant nais¬
sance à la communauté nestorienne24. Au XIIIe siècle, les
conquêtes mongoles s’accompagnèrent de nouveaux récits. Les
défaites musulmanes furent mises à l’actif d’un roi David, descen¬
dant ou fils du prêtre Jean25. Puis, quand les Mongols menacèrent
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 113

l’Europe orientale, les contemporains les assimilèrent aux terribles


peuples de Gog et Magog et expliquèrent leurs ravages par leur
volonté de rapporter dans leur pays les corps de leurs ancêtres, les
rois mages, conservés à Cologne26. Quelques lettres apocryphes qui
posaient des ultimatums aux Européens contribuaient à cette
« actualité » des rois mages27. En 1285 notamment circula une
lettre qui annonçait que David « [fils] de Jean, roi de Tharse et de
l’île orientale et de la nation enfermée » s’était mis en marche,
comme pèlerin, suivant une étoile, pour ramener dans leur patrie le
corps de ses ancêtres Gaspard, Melchior et Balthazar28. Ainsi, à la
fin du XIIIe siècle, les rois mages étaient considérés comme les
ancêtres de souverains orientaux et n’étaient plus seulement des
personnages bibliques. Les légendes à leur égard se greffaient aux
nouvelles connaissances sur l’Orient véhiculées par les mission¬
naires et les marchands. Marco Polo visita ainsi la cité de Saba

(que l’on identifie avec Savah, au sud-ouest de Téhéran) où il vit


les « trois sépulcres moult grant et beaux » des rois mages ; leurs
corps étaient entiers, avec cheveux et barbes29.

3. Une légende datant probablement des environs de 1300

L’examen des légendes concernant les rois mages conforte


ainsi l’hypothèse que le récit sur l’origine des Baux date plutôt de
la fin du XIIIe siècle que du début de ce siècle. Â partir d’une
matière foisonnante, qui admettait de nombreuses variantes, on
s’explique plus aisément qu’une famille aristocratique ait pu s’en
approprier une partie. De plus, la légende orientale des Baux
s’intégre « admirablement à l’ensemble des “légendes saintes” pro¬
vençales qui s’épanouissaient plus que jamais depuis le milieu du
XIIIe siècle »30. C’était une histoire plausible dans un pays qui avait
la réputation d’avoir été converti aux temps évangéliques.
Dater la légende des environs de 1300 ajoute une possibilité
pour ce qui concerne son origine géographique. Plusieurs membres
de la famille de Baux ayant acquis des fiefs dans le royaume de
114 CAHIERS DE FANJE AUX 43

Naples31, on peut envisager que le thème soit apparu en Italie32. Il


est certain, en revanche, qu’au moment où Jean Regina la mention¬
ne, les rois mages connaissaient une popularité grandissante en
Italie et en Provence. Ainsi, à la Noël 1333 se déroula à Toulon un
mystère impliquant soixante-dix personnages joués par les notables
de la ville, dont Gaspard, Balthazar et Melchior accompagnés cha¬
cun d’un chevalier33. A Milan, le jour de l’Épiphanie de l’année
1336, c’est une procession des Mages qui fut instaurée, avec la pré¬
sence d’animaux exotiques, vers l’église Sant’Eustorgio où se trou¬
vait une crèche34.

II. CHISTORIA TRIUMREGUM


DE JEAN DE HILDESHEIM ET LA FAMILLE DES BAUX

UHistoria trium regum 35 fut rédigée à la fin de sa vie par le


frère carme Jean de Hildesheim, docteur en théologie. Il s’agit
d’une œuvre de compilation fondée sur de nombreux apocryphes et
des ouvrages décrivant l’Orient36, tels le Livre de Cologne (rédigé
en haut-allemand) et le De itinere Terrae Sanctae de Ludolf de
Suchen37. Jean de Hildesheim profita aussi des informations
recueillies lors son séjour à Avignon, où il étudia la théologie sous
le pontificat de Clément VI. Il put vraisemblablement accéder à
des récits de missionnaires et de voyageurs revenus d’Orient38.

1 . L’histoire des Indes, anciens royaumes des Mages

De ces sources variées, Jean de Hildesheim fit une synthèse


qui rassemblait de nombreuses traditions. Ne se limitant pas aux
aspects merveilleux, il s’intéresse aux hérésies orientales et à l’his¬
toire des Trois Indes sur lesquelles régnaient autrefois les Mages.
Selon lui, après avoir été convertis et consacrés archevêques par
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 115

saint Thomas, les rois mages désignèrent deux successeurs : le


patriarche Jacques d’Antioche, qui prit le titre de Thomas, avec les
pouvoirs d’un pape, et un souverain avec le titre de Prêtre Jean, en

l’honneur
les titres de
dePrêtre
saint Jean
Jean et
Baptiste.
de Patriarche
Jean de
Thomas
Hildesheim
s’étaient
pensait
transmis
que

jusqu’à son époque39. Les Mages décédèrent plus que centenaires,


à quelques jours d’intervalle, sans enfants, et furent enterrés dans la
même chapelle, à Seuwa, au pied de la montagne où ils avaient
aperçu l’étoile de la Nativité40.
Après leur mort, les Chrétiens d’Orient furent gagnés par les
hérésies, mais ils conservaient en général une dévotion pour les
Mages41. Sur les Indes, l’autorité du Prêtre Jean s’imposait de
façon variable et était souvent fragile. La première Inde était celle
de Melchior, roi de Nubie et d’Arabie. Toute l’Arabie était désor¬
mais sous le pouvoir du Soudan d’Égypte, qui payait cependant
tribut au Prêtre Jean. Les Nubiens restaient en revanche fermement
chrétiens42. De fait, les royaumes chrétiens de Nubie (qui ne se
confondaient pas avec l’Éthiopie) figuraient sur les mappemondes

et lesde
celle portulans
Balthazar,
lesroi
mieux
de Saba
documentés43.
et de Godolie44.
La deuxième
Elle était gagnée
Inde était
par

l’hérésie, mais la foi chrétienne n’y était pas totalement abolie45. La


troisième Inde, enfin, était celle Gaspard, roi de Tharse et de l’île
d’Egrisola, où se trouvait le tombeau de l’apôtre Thomas. Les
Tartares dominaient désormais ce pays des nestoriens, ce
qu’approuve Jean de Hildesheim. Selon lui, en effet, les nestoriens
étaient les pires hérétiques. Ayant abandonné la domination du
Patriarche Thomas et du Prêtre Jean, ils méritaient d’être défaits
par les Tartares. Le grand Khan est, à l’inverse, présenté comme le
plus puissant souverain du monde, bienveillant à l’égard du
christianisme. Ses fils portaient même le nom des Mages et les
frères mendiants étaient en passe de convertir la population. Aussi,
après les avoir combattus, le Prêtre Jean avait reconnu le pouvoir
des Tartares et s’était exilé46, implicitement dans l’ancien royaume
de Melchior. UHistoria trium regum constitue une « étape qui
marque le passage du royaume légendaire du souverain chrétien
d’Inde en Afrique »47.
116 CAHIERS DE FANJEAUX 43

2. La « lignée de Vaus »

En marge de la grande histoire des pays orientaux et du Prêtre


Jean, Jean de Hildesheim s’intéresse à la famille des rois mages.
Après avoir évoqué comment une veille était faite sur le Mont
Vaus48, en Perse, pour guetter tout signe divin, il ajoute qu’il exis¬
tait encore de son temps une famille qui portait le nom de cette
montagne, une « noble lignée de Vaus » ( nobilis progenies de
Vaus) qui figurait parmi les plus nobles d’Orient et descendait du
roi mage Melchior49. Ensuite, il précise que vers 1200, les membres
les plus importants de cette famille de Vaus quittèrent l’Inde pour
s’établirent à Acre, qui connaissait alors son apogée. Ils y construi¬
sirent un luxueux château, où ils conservaient comme trésor un dia¬
dème d’or, orné de pierres précieuses, supportant une croix, une
étoile et des lettres chaldéennes. Ce diadème, qui avait appartenu
jadis à Melchior, fit des guérisons miraculeuses. Il fut ensuite récu¬
péré par les Templiers et l’on perdit sa trace après l’abolition de
l’ordre. Pour donner du crédit à son récit, Jean de Hildesheim
indique que les « princes de Vaus » apportèrent d’Inde à Acre des
livres écrits en chaldéen et en hébreu sur la vie et l’histoire des rois
mages, qui y furent traduits en français. Ces livres, complétés par
d’autres et des relations orales, constituaient la source de son
propre ouvrage. Les Vaus, pour leur part, continuaient à porter sur
leurs bannières et leurs armoiries l’étoile de la Nativité. Dans les
combats contre les Sarrasins, en Orient et partout en Outremer, il
était de coutume d’arborer d’abord le signe de la croix, puis, en
second, l’étoile, en mémoire des rois mages50. La troisième et der¬
nière digression sur les Vaus se trouve à la fin du chapitre impor¬
tant qui relate comment les rois mages avaient organisé leur suc¬
cession. Les saints rois avaient attribué à certains princes de leur
sang royal des terres et des îles, à charge pour eux de se faire appe¬
ler « de Vaus » à perpétuité. Cette lignée était encore aujourd’hui la
plus noble, la plus grande et la plus puissante en Inde et en Orient.
Son palais d’Acre en témoignait, tout comme les mariages de ses
filles avec des grands. De cette lignée étaient issus jusqu’à
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 117

l’époque de l’auteur des princes, dont certains furent ambassadeurs


à la cour pontificale en 1 3 5 1 5 1 .
L’interprétation de ce récit pose de nombreux problèmes. En
effet, Jean de Hildesheim a utilisé Ludolf de Suchen, chez qui il
emprunte la vivante description d’ Acre52, mais, pour tout le reste, il
fait œuvre neuve et ses sources sont inconnues. Alors que Suchen
donnait la liste de seize familles princières et aristocratiques qui
habitaient Acre, Jean de Hildesheim n’en retient que deux : les sei¬
gneurs de la Blanche-Garde53, et, surtout, les Vaus. A la place
d’une simple mention d’un dominus de Vaus à Acre, il développe
une histoire inédite de cette famille, qu’il relie aux rois mages et au
mont d’où fut observée l’étoile de la Nativité. Il en fait la plus
grande famille d’Orient. L’histoire du diadème de Melchior et
l’évocation des livres en chaldéen ne se retrouvent également que
dans VHis tor ia trium regum.
Il est certain que Ludolf de Suchen avait tiré ses informations
sur Acre de la noblesse de Chypre, où il avait séjourné54. Or ces
nobles descendaient en grande partie des familles du royaume de
Jérusalem et avaient une forte conscience généalogique55. Pour
preuve, l’un d’entre eux, Jean d’Ibelin, fit confectionner un très
dense répertoire de filiations : les Lignages d’Outremer. On y
retrouve les familles signalées par Suchen, dont les sires de la
Blanche-Garde, mais pas la lignée de Vaus56. Il faut donc penser
que ce nom de « Vaus » lui avait été transmis par l’un de ses infor¬
mateurs chypriotes. Pure hypothèse, la légende relatée par Jean de
Hildesheim pourrait y être pour quelque chose. Cela nous ramène à
la légende des Baux.

3. Le témoignage de Jean de Hildesheim sur la légende des Baux

Le problème central est bien de savoir si l’on peut identifier les


Vaus avec les Baux. La différence ne tient qu’à la consonne initia¬
le. Du point de vue paléographique, les deux majuscules gothiques
sont souvent difficiles à distinguer. Mais surtout, la proximité pho-
118 CAHIERS DE FANJEAUX 43

nétique de ces deux consonnes labiales fait que « v » et « b » peu¬


vent être utilisées l’un pour l’autre en début de mot, dans certaines
régions du parler occitan et même en langue d’oïl57. Comme
Marianne Elissagaray58, nous pensons donc que la « lignée de Vaus »
doit être identifiée avec les Baux. La famille des Baux prétendait
bien descendre à cette époque d’un roi mage ; elle arborait effecti¬
vement l’étoile comme symbole de son ascendance. Un élément
vient confirmer cette identification. En 1351, l’année où Jean de
Hildesheim mentionne une ambassade des « princes de Vaus » à
Avignon, nous savons qu’en juillet arriva dans la cité pontificale
Raymond de Baux, comte de Soleto, à la tête d’une ambassade
venant du royaume de Naples. Il s’agissait d’une mission importan¬
te, qui visait à conclure la paix dans le royaume de Naples entre
Louis de Hongrie et la reine Jeanne et son époux Louis de Tarente,
et à obtenir du pape le couronnement de ces derniers. Raymond de
Baux resta à Avignon jusqu’en février 135259. Il y a tout lieu de
croire que c’est à cette occasion que Jean de Hildesheim put voir
l’étoile des Baux et prendre connaissance des légendes qui y
étaient attachées. L’histoire du diadème de Melchior et les mysté¬
rieux livres traduits du chaldéen pourraient être aussi des traditions
recueillies par Jean de Hildesheim à Avignon à cette époque. . .
UHistoria trium regum conserve donc, selon toute probabilité,
la première version développée de la légende rattachant les Baux
aux rois mages. Le nom de famille Vaus/Baux est interprété
comme une référence au Mont Vaus/Baux d’où les rois astrologues
guettaient l’étoile de la Nativité. Il s’agit donc d’une interprétation
savante, bien éloignée de l’association étymologique entre Baux et
Bautezar véhiculée à l’époque moderne. De façon surprenante, le
roi Balthazar, justement, n’apparaît pas à propos des Vaus/Baux et
c’est Melchior qui est mis en relation avec la famille. Rappelons
que Jean Regina ne précisait pas de quel roi mage descendaient les
Baux. Rien n’est dit, enfin, sur l’implantation provençale de la
famille. Pour Jean de Hildesheim, seule compte leur histoire en
Orient, comme authentiques descendants des rois mages par voie
collatérale. Il devait penser que les Baux présents en Italie, comme
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 119

Raymond de Baux, comte de Soleto, dont il assista à la venue à


Avignon en 1351, étaient de souche orientale. Le fait que les Baux
soient largement possessionnés en Italie pouvait occulter leur origi¬
ne provençale pour un étranger établi à Avignon.
Le témoignage de Jean de Hildesheim atteste donc de la célé¬
brité de la légende familiale des Baux et de la façon dont on pou¬
vait croire, à l’époque, qu’elle correspondait à des faits authen¬
tiques. Il est indéniable, en revanche, que la graphie « Vaus » ne
facilita pas l’identification avec les Baux. Comme le texte de Jean
de Hildesheim fut lu principalement en Europe du nord, et surtout
dans l’Empire60, ces allusions avaient peu de chance de faire sens.

III. EXCURSUS : LES FRESQUES DE CASALUCE


AU TEMPS DE RAYMOND DE BAUX (t 1375)

À l’époque où Jean de Hildesheim rédigeait VHistoria trium


regum dans son couvent de Marienau, Raymond de Baux, comte de
Soleto (près de Lecce dans les Pouilles) s’occupait d’une fondation
monastique originale à la gloire de sa famille. Né vers 1303 de
Raymond de Baux, seigneur de Courthézon, en principauté
d’Orange, et de Jacopa della Marra, il s’agissait de l’un des plus
grands aristocrates du royaume de Naples61. Il fut maréchal du
royaume sous le roi Robert, puis le principal conseiller de Louis de
Tarente (f 1362), époux de la reine Jeanne, qui le récompensa
notamment en lui accordant des seigneuries provençales. Sa mis¬
sion de 1351 auprès de Clément VI montre sa proximité avec le
pouvoir royal. Chose rare dans le jeu politique napolitain, il ne
connut jamais de disgrâce, à la différence de ses cousins, les Baux
d’Avellino et d’Andria.

Le village de Casaluce, au nord de Naples, dans le diocèse


d’Aversa, fut octroyé à Raymond de Baux par la reine Jeanne vers
1359, puis exempté de la juridiction des officiers royaux par lettres
120 CAHIERS DE FANJEA UX 43

Fresque du vestibule de Casaluce, panneau central. Célestin V


et ses moines (Castel Nuovo, Il Museo civico, cliché de l’auteur).

du 20 avril 1360. Le 8 août suivant, des moines célestins entrèrent


en possession de l’ancien palais royal, de plan quadrangulaire62.
A l’instigation de Raymond de Baux, un monastère y fut aménagé,
avec l’approbation de la reine63. L’église fut construite dans l’aile
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BA UX 121

sud, précédée d’un vestibule, et fut flanquée de sept salles alignées


donnant sur l’extérieur. Vers 1367-1371, l’ensemble fut décoré de
fresques, attribuées pour partie au peintre toscan Niccolô di
Tommaso et à son atelier64. Les mieux conservées ont été déposées
en 1972 et sont visibles aujourd’hui dans la capella palatina du
Castel Nuovo de Naples65.
Dans la niche gauche du vestibule se trouvait une fresque en
triptyque : au centre Célestin V sur un trône, entouré des moines de
son ordre ; de part et d’autre, le couple de donateurs agenouillés, à
droite Raymond de Baux, en habit religieux rouge et blanc, accom¬
pagné par un saint qui peut être Guillaume de Gellone, à gauche
son épouse, Isabella d’Aulnay d’Appia, avec saint Louis d’Anjou66.
Dans la niche droite était représenté saint Benoît. A l’intérieur de
l’église, dont les voûtes sont couvertes d’une trentaine de
médaillons représentant des saints, se trouvait une longue inscrip¬
tion, aujourd’hui dans le vestibule. Elle est importante, car elle rat¬
tache explicitement Raymond de Baux au roi mage Balthazar67. Il
est probable que l’origine des Baux était aussi illustrée par des
fresques de l’une des salles latérales (salle 6). Deux fragments seu¬
lement subsistent, représentant la fuite en Égypte et l’adoration
d’un roi mage devant le Christ. Comment ne pas penser qu’il s’agit
de
sonBalthazar
histoire ? et que d’autres fresques, disparues, pouvaient relater

Une autre salle (salle 3) accueillait des peintures représentant


saint Antoine, saint Pierre apôtre, saint Louis d’Anjou et sainte
Claire, ainsi que des scènes christologiques68. La dernière salle
latérale qui conservait des fresques (salle 2) était entièrement
consacrée à un sujet très rare, sinon unique : la vie de Guillaume
d’Orange. La scène principale69 ne laisse pas de doute sur l’inter¬
prétation iconographique. Un cavalier dont la tête est auréolée et
qui porte sur son écu l’emblème héraldique du comet (qu’il porte
aussi en cimier) charge un géant barbu tenant un bouclier et bran¬
dissant une massue. En arrière-plan se trouvent, d’une part, dans un
bois, trois prisonniers (deux jeunes filles et un garçon) et, d’autre
part, sur une éminence rocheuse, une église. Le combat représenté
Fresque du vestibule de Casaluce, panneau latéral. Isaoena d’Appia
(Castel Nuovo, Il Museo civico, cliché de l’auteur).
/

Fresque du vestibule de Casaluce, panneau latéral. Raymond de Baux,


comte de Soleto (Castel Nuovo, Il Museo civico, cliché de l’auteur).
Le combat entre Guillaume d’Orange, fondateur de Gellone,
et un géant. Fresque de Casaluce
(Castel Nuovo, Il Museo civico, cliché de l’auteur).
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 125

est évoqué dans la chanson de geste du Moniage Guillaume10.


Alors que Guillaume s’était retiré dans son ermitage de Gellone, un
géant terrorisait la Provence en dévorant les habitants (on com¬
prend ainsi le sort qui attendait les prisonniers représentés). Le
combat épique est un véritable pugilat où Guillaume lutte à main
nue et triomphe en écrasant la tête de son adversaire avec une gros¬
se pierre. Niccolô de Tommaso rend la scène beaucoup plus esthé¬
tique. Guillaume n’a pas de nez disgracieux ; il est représenté
comme un svelte chevalier. Dans une autre scène, on le voit dans
un palais, en habit civil orné du cornet, s’agenouiller devant un
souverain ou un prélat. Les autres fragments sont difficiles à inter¬
préter. On remarque notamment une église et une scène où des
femmes et des enfants sont chassés d’une ville71. Au final, il est
clair que le cycle pictural relatait comment Guillaume d’Orange
était devenu un saint ermite, fondateur du monastère de Gellone.
De façon limpide, ces fresques du Moniage Guillaume faisaient
écho à la vie de leur commanditaire. Raymond de Baux avait trans¬
formé la forteresse de Casaluce en monastère, où il gardait une
chambre. Casaluce était en quelque sorte un « Moniage
Raymond ». On y commémorait les deux origines légendaires des
Baux, dont les symboles, l’étoile à seize rais et le comet, figuraient
dans l’écartelé des armoiries du comte de Soleto.

IV. LA GÉNÉALOGIE DE MARGUERITE DE BAUX


PAR LE HÉRAUT SAINT-POL (VERS 1434)

7. L’extinction des Baux de Provence et la trajectoire


de Marguerite de Baux-Andria

Le comte de Soleto décéda en 1375 sans héritier mâle72. Le


hasard a voulu que les branches provençales des Baux connaissent
le même sort. Le prince d’Orange Raymond V ne laissa à sa mort,
126 CAHIERS DE FANJEAUX 43

en 1393, qu’une fille, Marie qui transmit la principauté à son


époux, Jean de Chalon. La branche aînée des seigneurs des Baux-
comtes d’Avellino s’éteignit en la personne d’Alix de Baux, qui
n’eut aucun fils de ses deux époux. Son testament du 7 octobre
1426 témoigne de sa fierté lignagère, de son attachement au nom et
aux armes de sa famille. Elle désigna comme héritier Guillaume,
duc d’Andria, « quar est de mon hostel et plus prochain que j’aye
de lignage de par pere et porte le nom et les armes des Baux, et
apres lui ses loyaux enfans masles procréés de son corps de loyal
mariage l’un apres l’autre »73. L’inventaire du château des Baux,
fait après la mort d’Alix, révèle que les pièces étaient souvent
décorées par l’étoile à seize rais, accompagnée des armoiries des
familles alliées74. Parmi les tapisseries historiées de la chapelle cas-
trale figurait « un drap de hautelisse de l’istoyre aux trois Roys,
viel »75. Hormis l’héraldique, cette ancienne tapisserie est le seul
témoin, indirect, de la légende des Baux connu pour la Provence.
Avec l’extinction des différentes branches de la famille, la chance
de conserver un écrit sur la légende familiale était mince.
C’est par une singulière bonne fortune que deux écrits généalo¬
giques ont été rédigés par l’entourage de l’une des représentantes
de la famille, Marguerite de Baux, qui n’est autre que la sœur de
Guillaume, duc d’Andria, l’héritier d’Alix de Baux76. Grâce à un
chroniqueur bourguignon anonyme, nous savons que Marguerite
avait 76 ans au moment de son décès le 15 novembre 146977. Née
donc vers 1393, elle avait épousé très jeune, en mai 1405, Pierre de
Luxembourg, comte de Conversano, du chef de sa mère. Le couple
était à peine formé qu’il dut s’exiler. Dès 1407, en effet, Pierre de
Luxembourg vit ses terres confisquées par le roi Ladislas de
Duras78. Le jeune couple quitta le royaume de Naples pour toujours
et s’établit dans le royaume de France. Pierre de Luxembourg
s’illustra ensuite dans le camp bourguignon. Il devint chevalier de
la Toison d’or et hérita du comté de Saint-Pol79. Il décéda lors
d’une épidémie de peste à Rambures, le 31 août 1433.
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 127

2. L’œuvre du héraut Saint-Pol

C’est l’année suivante, semble-t-il80, que le héraut Saint-Pol,


serviteur de Pierre de Luxembourg, fit la généalogie du couple,
qu’il adressa au fils aîné et héritier de son maître, Louis de
Luxembourg (f 1482). Le document original était un rouleau de
parchemin où figuraient les seize quartiers de noblesse de chaque
époux, accompagné d’informations généalogiques succinctes81.
Après avoir traité des Luxembourg et des Baux, Saint-Pol concluait
son texte par un développement sur la fée Mélusine et ses enfants,
dont Antoine, ancêtre mythique des Luxembourg82.
En ce qui concerne les ancêtres du père de Marguerite83, trois
composantes peuvent être distinguées dans le texte de Saint-Pol
(Annexe 1). Dans une première partie84, le héraut donne un court
récit de la légende des Baux. Il se contente de dire que la famille
des Baux remontait à Balthazar, roi de Tartarie, qui adopta comme
armoiries de gueules à l’étoile à seize rais d’argent. Balthazar fut
le père de plusieurs enfants dont un Balthazar qui, par mésentente
avec ses frères et sœurs, fut contraint de s’exiler en Provence. C’est
lui qui fonda le château des Baux, « tant bel et tant fort que mervel-
le est a regarder », aux mains du frère de Marguerite. Le héraut
Saint-Pol fait donc des Baux des descendants directs du roi mage
Balthazar, contrairement à Jean de Hildesheim, qui parle d’une
filiation collatérale à partir de Melchior.
Une deuxième partie nous plonge dans une généalogie fictive,
avec des personnages inventés de toute pièce (fig. 8). Elle débute
avec Raymond de Baux, auquel on donne comme épouse
Catherine, fille de Huon, comte de Limoges, et d’une fille de roi de
France. Du couple était issu Butor de Baux. Ce prénom est très
courant dans les chansons de geste pour désigner les rois sarrasins85
et donc connotait une origine orientale. Butor épousa Bazille de
Foix, dame de Béarn, autre alliance fictive qui permettait d’embel¬
lir l’ascendance des Baux. Sur les deux fils de Butor, l’aîné,
François, sans descendance, est imaginaire, mais le cadet, Bertrand
de Baux (f 1347) est réel et Saint-Pol connaît ses deux mariages.
admise
fl
(
384)
Saint-Pol
héraut
au Marsico
de
(2)
Isabelle +
Antonio
398)
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généalogie
La signale Molise
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(
380) comte
France
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347) Montescaglioso
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de ntescaglioso fille *fille
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1 Guil aume
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(
374)
Frédéric
[
Montescaglioso
de
comte Trinacrie
de
roi
d’Avel ino,
1(2) n
Limoges
de [comte] Henry
I Béatrice
(1308)
+1) Margoueu-Tlrite
(1352
Anj+2)
d’
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(
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378?
comte duc Antoinet e 377)
Butor Marguerite
+2)
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+
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Foix,
de (fap.1383) comte
[I] Montescaglioso
de fl
comte (1372) (
+ (fl444) Baux
des
Sanseverino Montescaglioso
de
comte
d’Avel ino, (2)
Andna,
d’
duc
Luisa
Huon,
de
fille comte François Duras Guil aume seigneur
d’Andria, (
1350)
Baux,
duc +1) d’Andria,
des fl
(
383) d’Anjou-
s. François comte
d’Avel ino
d’Andria,
duc 11 duc
Ctiontstulantainorpel
de
Catherine,
+ (2)
j\
347
(fl [Agnès] bâtards
Jacques
(D Humbert de
Viennois
Partie légendaire de
la
généalogie [Marie
(1332) dauphin
+ empereur +
Clémence
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 129

C’est à partir de lui que la généalogie change de nature et devient


fiable. L’exil en jeune âge de Marguerite et l’absence d’archives
disponibles contribuèrent sans doute largement à ce prolongement
des « temps mythiques » jusqu’au début du XIVe siècle.
La dernière partie de la généalogie des Baux correspond à la
famille immédiate de Marguerite. De façon surprenante, ce passage
permet de corriger la généalogie admise des ducs d’Andria.

3. Corrections à la généalogie des Baux, ducs d’Andria

Jusqu’ici en effet, les historiens et généalogistes ont considéré


que le fils de Bertrand, François, premier duc d’Andria, s’était
marié trois fois : d’abord en 1350 avec Luisa Sanseverino (mariage
qu’ignore Saint-Pol), puis en 1352 avec Marguerite d’Anjou-
Tarente86, enfin une troisième fois, en 1381, avec Sveva Orsini,
fille du comte de Nola, qui aurait donné naissance à Marguerite,
Guillaume et, peut-être, Bianchino. François serait mort peu après
son testament de 142287. Il aurait ainsi vécu plus de 92 ans et aurait
eu deux (ou trois) enfants d’un mariage tardif.
La généalogie du héraut Saint-Pol, confirmée ensuite par
Clément de Sainghin, montre qu’en fait, il n’y a pas eu un François
de Baux, mais un père et son fils portant le même prénom. En
dehors du fait qu’elle substitue à un cas de figure rare une succes¬
sion nettement plus habituelle, on conviendra que l’auteur ne pou¬
vait ignorer qui était le père (François II) et le grand-père (François
Ier) de celle dont il dressait la généalogie88. Il faut ainsi corriger sur
ce point important la généalogie admise et ajouter, en outre, une
fille (de nom inconnu) à la descendance du premier duc d’Andria,
et une sœur, morte jeune, à Marguerite de Baux. Enfin, ni Saint-
Pol, ni Sainghin ne font allusion à un deuxième frère de
Marguerite. Bianchino est bien une invention des généalogistes
modernes89, l’ancêtre indispensable à une famille Balzo (qui devint
celle des ducs de Presenzano) pour se greffer sur le prestigieux
lignage homonyme des Baux/Balzo originaires de Provence et se
130 CAHIERS DE FANJEAUX 43

donner ainsi une illustre origine90. Les ancêtres imaginaires ne sont


pas propres au Moyen Age.

V. LA SOMME GÉNÉALOGIQUE
DE CLÉMENT DE SAINGHIN (1471)

Clément de Sainghin, originaire de la région de Lille91, reprit le


même sujet que le héraut Saint-Pol, mais en fit quelque chose de
bien différent. Son œuvre intitulée Genealogie de Luxembourg,
longtemps oubliée, est intéressante à plusieurs titres92. Sainghin
élabora un grand arbre généalogique sur parchemin, qui figure
incontestablement parmi les plus beaux exemplaires conservés93.
Un poème date cet arbre de 1469, année de la mort de Marguerite
de Baux. Au niveau du large tronc se trouvaient les noms et les
armoiries de Pierre de Luxembourg et de Marguerite de Baux.
Ceux de leurs ancêtres ornaient les racines qui étaient représentées
vers le haut, comme des branches, d’où le nom « d’arbre reversé »
donné par Sainghin à son arbre. Pour bien marquer l’étagement des
générations, celles-ci étaient signalées sur l’axe vertical de l’arbre
selon un vocabulaire emprunté au latin (ave - ou tayon -, proave,
abave, aîtave, tritave ). Sainghin remontait ainsi systématiquement
jusqu’aux trisaïeux du couple, mais en fait plus haut dès qu’il le
pouvait. Dans le registre inférieur, se trouvaient les « branches
filiales » : les enfants et petits-enfants du couple.
À cet arbre généalogique, Sainghin associa un long texte qu’il
acheva le 6 mai 1471 . La préface révèle un auteur qui avait pleine
conscience de son projet. Il dédiait son œuvre à Jacques de
Luxembourg (t 1487), seigneur de Richebourg et de Sainghin94.
Mais il l’écrivait en hommage à la mère de son maître, Marguerite
de Baux, à propos de laquelle il ne tarissait pas d’éloges.
Marguerite était l’auteur de mémoires, qu’elle avait rédigés à
l’intention de ses enfants, donc pour leur expliquer ses origines. Ce
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 131

« Arbre renversé » de la Genealogie de Luxembourg


de Clément de Sainghin, détail (BnF, ms fr. 5471, fol. 63 ; Cl. BnF).

texte constituait une source importante pour Sainghin. Il lui permit


de compléter les informations données par le héraut Saint-Pol.
Celui-ci avait écrit « en forme de cronicques abrégiez comme il
appartient a faire a homme de notre office d’armes95 » ; Sainghin,
au contraire, chercha à faire l’histoire des familles qui apparais¬
saient parmi les ancêtres du couple, depuis leurs origines. Pour le
côté Luxembourg, qui occupe les quatre cinquièmes de son œuvre,
132 CAHIERS DE FANJEAUX 43

son enquête aboutit à une succession d’histoires dynastiques96. À

propos
étaient
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l’histoire
Fidèle
s’émanciper
naturellement
«
Balthazar
historique
Provence.
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Cologne,
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d’Inde
l’exil
d’Orient.
son
qu’il
contexte
étaient
récit
put
sur
de
en
et

Balthazar, roi de Tharse98, sous l’empereur Théodose. Ce choix est


judicieux car Théodose, outre qu’il imposa le christianisme comme
religion d’État et condamna l’arianisme, guerroya en Orient, mais
aussi en Italie, contre l’usurpateur Maxime, qu’il vainquit en 388.
Il décéda à Milan, la ville qui accueillit primitivement les reliques
des rois mages. Grâce à cet ajout, les Baux étaient dotés d’un passé
de serviteurs d’un célèbre empereur romain. Revendiquer une ori¬
gine antique était de plus en plus fréquent à cette époque99.
En ce qui concerne la partie proprement généalogique,
Sainghin suit de près le héraut Saint-Pol, comme il l’avoue en se
justifiant. Il ne le complète que pour les générations les plus
proches, avec l’appui du témoignage de Marguerite de Baux.
UHistoria trium regum connut par ailleurs une traduction inté¬
grale en 1474, probablement pour un autre fils de Marguerite,
Thibaut de Luxembourg, seigneur de Fiennes. Cette traduction
côtoie dans le manuscrit original une Vie française de saint Pierre
de Luxembourg100. La famille de Luxembourg pouvait ainsi se tar¬
guer de descendre de Mélusine, d’un roi mage et de compter un
saint récent parmi ses ancêtres. . .
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 133

CONCLUSION

Nous ignorons si la légende des Baux était vivace en Provence


au début de l’époque moderne. En revanche, elle était célèbre dans
le royaume de Naples101, mais également dans le Nord du royaume
de France, grâce aux descendants de Marguerite de Baux, qui pen¬
dant plusieurs décennies en cultivèrent le souvenir. Le contexte
était favorable, car la dévotion envers les rois mages y était particu¬
lièrement présente et la culture héraldique à son apogée. Les
œuvres du héraut Saint-Pol102 et de Clément de Sainghin103 contri¬
buèrent à cette renommée et connurent un certain succès. En 1482,
le lustre des funérailles de Pierre II de Luxembourg, comte de
Saint-Pol, fut en partie justifié par le fait qu’il descendait du roi
mage Balthazar104. La branche des Luxembourg, seigneurs de
Fiennes, en particulier commémora son ascendance orientale par
l’héraldique. Au lieu d’ajouter une brisure ordinaire au lion des
Luxembourg, elle l’écartela avec l’étoile des Baux105. Les princes
d’Orange s’y intéressèrent également. Joseph de La Pise signale en
effet que son père, à la fin du XVIe siècle, trouva dans le château
de Sainte-Anne, en Franche-Comté, où étaient conservées les
archives de la maison de Chalon, un « vieux manuscrit » traitant de
l’histoire des rois mages. Le résumé qu’il en donne et la date de
388 qu’il mentionne permettent d’établir qu’il s’agissait d’un
manuscrit de l’œuvre de Sainghin106. C’est par le biais du Tableau
des princes d’Orange et des généalogistes italiens que la légende
fut diffusée (peut-être même réintroduite) en Provence, en suscitant
toutefois des réticences107. Frédéric Mistral, avec son Calendau,
publié en 1867, constitue ensuite un jalon essentiel quant à la célé¬
brité du récit. Il semble même l’inventeur de la célèbre devise

« A l’asard, Bautezar », en reprenant et en interprétant un dicton


signifiant que « le sort en est jeté108 ». Depuis, la légende, qui
conserve son pouvoir de fascination, n’a cessé d’être colportée,
comme « merveille » liée au site imposant des Baux.
134 CAHIERS DE FANJEAUX 43

ANNEXES

1. La généalogie de Marguerite de Baux selon le héraut


Saint-Pol (vers 1434)

Source : BnF, ms fr. 5229, fol. 39-40 ; ms n. a.fr. 26957, fol. 1-4 ; ms
fr. 982, fol. 122-125 ; ms fr. 32651, fol. 8-11.
Cette édition est provisoire , faute d’avoir pu consulter l’édition de
Maurin Nahuys (voir note 80). Le nombre de copies consultées est sans
doute suffisant pour parvenir à un texte acceptable. Pour alléger l’appa¬
rat critique, nous prenons comme texte de base celui du ms fr. 5229, qui
est le plus proche de l’original, et avons recours aux autres manuscrits
uniquement lorsque ce texte est incomplet ou semble fautif. L’orthographe
n ’est pas normalisée.

Cy apres s’enseult la genealogie de très haulte, puissante dame ma


dame Marguerite des Baulx, fille du duc d’Andrie, espouse au dessusdit
monseigneur Piere de Luxembourg, comte de Saint Pol, de Conversant et
de Brienne et mere a mes seigneurs et dames ses enfans dessus nommés

Je dis premieres que cest dame madame Marguerite des Baux vient
d’antique, de si haulte, si noble lignie comme d’empereurs, de roys, de
ducs et comtes. Et sont lesa> armes de son père et d’elle tellesb) que de droit
extraction leur vient de l’ung des trois rois nommé Baltasar, lequel fut le
premier qui vit et qui congnut l’estoille. Et or donques, au nom de Dieu et
au plus sanblablemens qui porroit, en fist faire une d’argent a XVI pointes
et la mist [sur] son escu qui tout estoit de gheules et les porta et les fist
porter a tous ses enfans comme ses propres armes ; et se monstra en main¬
te grosse bataille aus enemis de la foy chrestienne ou il rechup mainte
noble victoire. Et estoit roy de Tartarie et lay sa pluyseurs enfans, filz et
filles, dont l’aisné apres luy fut nommé Baltasar qui moût eut a soufrir
pour la foy de Dieu soutenir. Et par la fausse et maulvaise creancec) de ses
freres lui convint layssez son royaulme secrètement et se mist en ung
vayssel en mer a tout son trésor et tant navia que, a l’ayde de Dieu, il ariva
au pays de Provence et s’amaysa sur une hault roce ou il fist fonder ung
chastel tant bel et tant fort que mervelle est a regarder. Et luy donna ledit
roy Baltasar a non les Baux et est encores au jourduy son heritayge au duc
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 135

d’André, frere a la dessusdicte dame madame Marguerite des Baux,


contesse de Saint Pol, mere a monseigneur Loys de Luxembourg. Et qui
vous voldroit et polroit nommer tous les seigneurs et les dames dont
depuis ont esté faites aliances de mariage, il y conviendrait mettre grans
temps et grande escripture.
Si commencherons a dire comment Huon le conte de Limoges print a
espouse le fille d’ung roy de France, de la quelle eut pluiseurs enfans, filz
et fille, entre lesquels eut ungne fille aisnee nommee Katheryne qui print a
espoux Raymont, seigneur des Baux, duc d’André, comte d’Avelin et de
Mont Escaillond) et eurent ensamble ung moût puyssant filz nommé Butor
des Baux qui depuis la mort de son pere escartela ses armes de France du
costé de par sa mere. Et en son vivant fut moult aymé du roy et moult
crains de ses voeysins. Et au commandement du roy fist moult de grandes
emprise, très puissamment a son honneur achevées, dont cy n’est metier
d’en plus diree).
Item che Butor des Baux, filz de monseigneur Raymont des Baux
print a espouse la fille du conte de Foys nommee Bazille de Fois, dame de
Berne, de la quelle eut deux filz : le premier fus nommé Franchois des
Baux, conte d’Avelin, et le secont fut nommé Bertran, conte de Mont
EscaillonL
Item apres la mort du pere et du frere, fut monseigneur Bertran des
Baux, duc d’André, conte d’Avelin et Mont Escai lions) et print a espouse
la seur au roy Robert de Secille, enfans de l’un des freres du roy saint Lois
et pere du roy saint Lois de Marselles. Mais de cest dame n’eut mis enfant.
Mais la dessusdicte dame et le dessus diet Robert roy eurent pluyseurs
freres et seurs dont l’ung fut roy de Honguerie, l’autre prince de Saleme,
l’autre duc de Durash), l’autre prince de Tarante ; lequel prince de Tarante
eut en maryage la fille de l’empereur de Grasse de laquelle eut trois filz et
une fille nomee Marguerite de Tarante. Lesquels enfans estaient de par
leur mere droictzJ) hoirs de l’empire de Grasse. Et fut appelle l’un l’empe¬
reur Robert, l’autre Philippe, le tierche Lois, prince de Tarante ; lequel
print a espouse Johanne raynne de Hierusalem et de Secille, fille du filz le
roy Robert de Secille, de la quelle n’eult mis enfans, s’en fut son hoir
Marguerite sa seur princesse de Tarante.
Item ce seigneur Bertran des Baulx dessus nommé pour sa seconde
femme print a espouse la fille au conte de Molesin. Ce conte de Molesin
avoit espousé Helene, fille de la seur au roy de Navarre, laquelle seur au
roy de Navarre avoit espousé l’enfant de Castillek). Et de cest dame
136 CAHIERS DE FANJEAUX 43

Marguerite et de monseigneur Bertrand des Baux issy ung filz et trois


filles. Le filz fut nommé Franchois des Baux. Le premier fille fut nommee
Blanche, contesse des Lices. La seconde Katherine, comtesse de Fondes.
La thierce fut nommee Ysabeau, contesse de Saint Seurin. Item apres le
dessusdicte princesse de Tarente, seur au roy Lois, print a espeux monsei¬
gneur Franchois des Baux, filz de monseigneur Bertrand des Baux. Et
eurent ensamble deux filz et deux filles dont l’aisnee des dictes filles fut
nommee Anthoinette et print a espeux le roy Henri de Tamacle et trespas-
sa de son deuxieme enfant. Item l’aisnee des deux filz fut nommé monsei¬
gneur1* Jaques des Baux qui tout son temps porta tiltre de empereur de
Constantinoble et de Ellespont, de la Romanye joissant paysiblementm\ et
print a espouse dame Clemence, fille au duc de Durasn), laquelle estoit
ante celle0* qui est a present nommee la royne Jehanne de Hierusalem et de
Secille, laquelle fault la lignie du roy sainct Lois es marches par delà. Et
morut devant son pere sans hoirs par mariage mais des bastar il eut grant
planté. Ainsi demoura monseigneur Franchois des Baux, seigneur des
Baux qui print espouse dame Zevene des Ursins.

[Suit la brève généalogie de Sveva Orsini, qui se termine ainsi : ]


Item de che conte de Noie issy une fille nommee Zevene des Ursins
qui print a espeux monseigneur Franchois des Baux, seigneur des Baux,
duc d’André, comte d’Avelin et de Mont Escaillonp* et eurent ensemble
par mariage ung filz et deux filles. Le premiere fille trespassa soubz eage.
La seconde fut dame Marguerite, dame pour qui est fait cest présente
genealogie, qui print pour espeux Piere de Luxembourg, comte de Saint
Pol, de Conversant et de Briane, seigneur d’Enghien, de Fiennes et chaste-
lain de Lille et eurent ensemble pluyseurs enfans, filz et filles. Item le filz,
frere de dame Margueritte des Baux, fut nommé Guillaume des Baux, sei¬
gneur des Baux, duc d’André, conte d’Avelin et de Mont Escaillon a pre¬
sent vivant. [...]

a) les fr. 32651, fr. 982, omis fr. 5529, n. a.fr. 26957. - b) telles n. a.
fr. 26957, fr. 32651, fr. 982, omis fr. 5529. - c) creance n. a.fr. 26957, fr. 982,
crance fr. 5529, fr. 32651 . - d) Mont Escaillon fr. 32651 ,fr. 982, Monstetacion
fr. 5229, Monscecaion n. a.fr. 26957 . - e) dont cy n’est metier d’en plus dire n.
a.fr. 26957, dont cy n’est besoing de plus parler fr. 982, dont de present je me
déporté a cause de briefveté fr. 32651, omis fr. 5229. - f) Mont Escaillon
fr. 32651, fr. 982, Monstataion fr. 5229, Montcecaion n. a.fr. 26957. - g) Mont
Escaillon fr. 32651, fr. 982, Monstataion fr. 5229, Monstecaion n. a.fr. 26957. -
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 137

h) de Duras fr. 982, n. a.fr. 26957 ; du Ras fr. 5229. - i) Lesquelz fr. 982,
fr. 32651 , n. a.fr. 26957, desquelz ms 5229. - j) droictz fr. 32651, trois/r. 5229,
fr. 982, n. a.fr. 26957. - k) Helene - Castille n. a.fr. 26957, fr. 982, Helayne
fille de la seur - l’enfant au roy de Castille fr 32651, l’aisnee fille de le seur aus
roy de Navarre avoit épousé le roy de Castille fr. 5529, passage corrompu. -
1) monseigneur omis par fr. 5229, présent dans les autres mss. - m) de la
Romanye joissant paysiblement/r. 5229, et des pays de Romanie joyssant pasi-
blement n. a.fr. 26957, et fu dispot de Romanie joyssant paisiblement fr. 982, et
dispotz de Romenye joyssant et paisible fr. 32651. - n) au duc de Duras fr. 982,
au duc Duras fr. 32651, a duc du Rois fr. 5229, au for de Duras n. a.fr. 26957. -
o) celle n. a.fr. 26957, fr. 32651, fr. 982, celluy fr. 5229. - p) Mont Escaillon
fr. 32651, Monstantion fr. 5229, Monscecaion n. a.fr. 26957, Mont Chastillon
fr. 982. - q) Mont Escaillon n. a.fr. 26957, fr. 32651, Monscecaion fr. 5229,
fr.982.

2. La Genealogie de Luxembourg de Clément de Sainghin :


prologue sur les origines de la famille des Baux (1471)

Source : BnF, msfr. 5471, fol. 44v-48v (manuscrit autographe), avec


le contrôle, pour certaines abréviations, d’une bonne copie, de peu posté¬
rieure, BnF, msfr. 23989, fol. 52-56.

[fol. 44v] S’ensient pour les aultres seze racines des Baux ung petit
proheme de la definition et cause desdis nom et armes

Ena) l’istore des trois sains roys qui le offrande firent a Jhesu Christ
envoyée a reverend pere en Dieu monsseigneur Florens de Werelben.,
evesque de Ministre109, contenant entre aultres choses que pour ce que
Balaam avoit prophetisié que de Jacob naisteroit une estoille et se esleve-
roit ung homme de Israel qui dominerait sur toutes gens, furent par les
plus grans et peuple universel de Indeb) ordonnes douze sages astrologiens
d’Inde, de Perse et de Caldee, spéculateurs sur la plus haulte montaigne de
ces marces nommee Baux, et aultrement mont victorial, la quelle est tant
haulte, que de son sommet l’en peult veoir les estoilles de son septentrion
estaintes par le point de la terre aux habitans de son midi, et semblable¬
ment celles de son midi non apparantes a ceux de son septentrion. En la
quelle lesdits spéculateurs persevererent divers eages jusques a la nativité
de nostre Seigneur, que la dite estoille apparu sur icelle montaigne, a
138 CAHIERS DE FANJEAUX 43

fachon de soleil radiant le universel firmament du ciel enlumimant et


montant sur ladite montaigne a maniéré de aigle voletant, plaine de longs
rays ardans plus que flambeaux, la quelle avoit en soy la fourme d’un
enfant portant signe de croix. Ce veant pluseurs et meismement ung chas-
cun desdis trois sains roys, cestassavoir, Melcior, roy de Nubye et de
Arabe, Baltasar, roy de Godolie et de Sabbe, et Jaspar le Ethyopien, roy de
Tharse et de l’isle de Egrissaula, non sachant l’un de l’aultre, firent chas-
cun en droit soy grant appareil, et vindrent a grant commitive faire leurs
offrandes en Bethleem, en si brief tempz que puissance humaine ne le
pourrait faire, mais ils furent montés sur drommadaires, bestes de grant
pas et de continuele paine. Et si furent conduis par la dite estoille, le plus
droit chemin de abregiet miraculeux [fol. 45] sans quelque arrest, car les
voyes et plus dangereuses leur furent plaines et ouvertes. Des grans mer¬
veilles de leurs passages, dont chascun tint le sien a part soubz le meisme
conduit de la dite estoille, de leur venue ensemble, du très grant esbahisse-
ment de Herode et de ceux de Jherusalem, de leur estre en Bethleen, de
l’estât de la virge Marie, de Dieu Jhesu Christ son enfant et de leur retour,
qui dura près de deux ans, dont la recitation serait longue, je m’en tays.
Mais ilz retournèrent ensemble a la dite montaigne victoriale ou en le hon¬
neur du nouvel né roy des juifz, ilz ordonnèrent et ricement oumerent une
chappelle et ou vilaige soubz icelle montaigne séjournèrent ung tempz par
solas, ou quel lieu ilz eslurent leurz sepultures, et si promirent de an en an
chascun de eulz avec ses roys et princes y comparoir. Puis retourna chas¬
cun en sa terre, ou ilz firent par tous les temples mettre ymages de la dite
estoille, et en la fourme dessusdite. Et tant que tous les misteres de Jhesu
Christ acomplis, et les apostles envoyés en toutes terres, saint Thomas
arriva en ces marces, par le quel ilz oyrent prechier et reciter ce qu’ilz
avoyent veu, les œuvres, les miracles, la passion, les signes, la resurection
de Jhesu Christ, la mission du Saint Esprit, et les virtus que Dieux, par ses
apostles et disciples, faisoit es hommes. Eulx qui estoyent ensemble venu
devers saint Thomas se firent baptisier et receurent par adjunction avec luy
le office de prechier. Puis ensemble leur commitive et grant peuple se
transportèrent sur la dite montaigne de Baux. Et illec la belle chappelle ou
estoit la rice ymage de celle estoille faite a l’honneur de Jhesu Christ, saint
Thomas dignement consacra, dont grant pèlerinage y commença et se y
continua tellement que lesdits sains roys firent dudit vilage ou piet
[fol. 45 v] dicelle dessusdite montaigne une très noble et puissante cité,
qu’ilz nommèrent Seubba, la quelle est encoires la plus grande et rice des
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 139

parties de Orient, car pour ce le Prestre Jehan, empereur des Indes, et le


Thomas, que nous disons patriarche, y resident. Lesquelz trois sains roys
furent chascun archevesque et ricement donerent pluseurs églises a la
maniéré de lors. Puis eslurent leur perpetuele mansion en la dite cité de
Seubba, ou moult saintement vesquirent virges, sans oncques avoir eu
roynes ne concubines car ilz avoyent offert a Jhesu Christ or, en signe de
virginale dignité, encens, de virginale devotion et mierre, de mortification
de char. Les dessusdis roys ordonnèrent en le espiritualité, cestassavoir en
la succession de saint Thomas ung patriarce qui par toute succession seroit
nommé le Thomas, et en la temporalité pour tous leurs royalmes par elec¬
tion constituèrent ung prince, le quel pour certaines causes, ilz ordonnè¬
rent estre appelle le Prestre Jehan. Puis assignèrent aux princes de leur
sang royal pluseurz aultres terres et isles. Lesquelz a perpétuité pour
memore seroyent nommés princes des Baux. Laquelle lignie des Baux en
Inde et en Orient est encoires la plus noble, la plus grande et la plus puis¬
sante. Lesquelles choses ainsy faites, lesdits trois sains roys par grans
signes de miracles rendirent a Dieu leurz saintes âmes, et furent leurs
corpz pontificalement et regalement ensepulturés ou dessusdit lieu de leur
election.
Apres ce tempz que la venerable Helaine, mere du très glorieux
Constantin, eult trouvé la sainte croix, réparé pluseurs sains lieux, et que
lors pour les erreurs [fol. 46] de la gentilité, pour la quelle ou tempz des¬
dis sains roys, saint Thomas avoit esté mis a mort par le infidélité de
Gondoforus, roy des Indois, cestassavoir d’une partie soubz iceux sains
roys, et pour la nouvelle heresie nestoriane le dessusdit pèlerinage en la
montaigne de Baux ensemble celluy desdis roys, qui avoit duré près de
trois cens ans fu moult anéantis, la dite dame traveilla tant que elle obtint a
son désir les corpz desdis sains roys, et les colloca en l’eglise de Sainte
Sophye a Constantinoble l’an de nostre Seigneur trois cens et trente
quatre. Depuis ung vaillant homme grec nommé Eustorgius, archevesque
de Milan, les translata du dit lieu de Constantinoble a Milan, ou il furent
jusques a l’an mil trois cens soixante quatre110 que Redulphus, T arche¬
vesque de Coulongne, par l’ayde de l’empereur Frederic les translata dudit
Milan a Coulongne, ou ilz sont en l’eglise moult solennelement honnourés
et vénérés.
Entre lesquelles choses, la dite istore contient que ou tempz que la
glorieuse cité de Acre flourissoit en glore et en puissance, et que de plu¬
seurs nobles princes, barons et chevaliers de divers ordres et conditions
140 CAHIERS DE FANJEAUX 43

estait glorieusement et très ricement habitée, et aussy que son nom avoit
parvenu jusques aux fins du monde, si que de toutes langues et nations
marchandise par terre et par mer y arrivoit, pour lesquelles merveilles et
grant renommee les plus grans de ceste nation et princes des Baux d’Inde
avoyent venu oudit Acre. Lesquels y veant l’effect sourmonter la renom¬
mee, pour seule cause de plaisir, y eslurent demourer, et y fondèrent ung
chastel royal moult bel et puissant, le quel de très nobles et rices joyaux
selon leur region, ils le estofferent, et entre iceux d’un dyademe d’or paré
de gemmes fines [fol. 46v], de margarites et d’aultres pierres précieuses
au hault du quel en lettres caldayques estoit le signe de la croix et de
l’estoille, en telle fourme que elle apparu ausdits sains roys. Le quel dya¬
deme fu a Melcior, roy de Nubye, qui offry le or à Jhesu Christ, par le
moyen du quel dyademe furent veus en Acre plusieurs signes de miracle
procéder de virtu divine, meismement contre maladie caducque. Du quel
avoir trouvèrent soubtille fachon les freres templiers qui moult leur valu,
mais apres leur abolition fu ignoré qu’il devint, dont grant plainte en fu
long tempz en ces parties.
En oultre dist la dite istore que tous les ainsnés de ceste lignie des
Baux portent encoires de present en leurz armes et banieres l’estoille et la
croix comme dessus est dit. Et que la coustume des Nubyens est que leur
premier bataille porte la croix et la secunde de l’estoille111, lesquelx
princes aporterent avec eulx en Acre la geste des trois sains roys. La quel¬
le fu illec premiers translatée de caldyen en walech et puis en latin tel que
je en tiengz avoir veu tant que pour souffire ad ce que icy en est recité.
Recite encoires que pour le excellente noblesse et haulte conduite
d’iceux princes des Baux se firent entre les Gréez, Latins et eulx pluseurs
grans mariages.

Or dit Saint Pol le herauld la generation des Baux est venue par de ca
du roy Baltasar, un des dessusdis sains roys qui très bien peult estre de son
lignage, car du lignage d’un chascun desdis trois sains roys et virges
furent princes des Baux si nobles que dessus est dit, mais que la genera¬
tion soit venuec)des personnes de iceux roys, il ne appert point par la dite
istore.
[fol. 47] Mais en ensievant la dite istore et la mémoire des aultres
istoriographes, je treuve que l’an de nostre Seigneur Jhesu Christ IIIe IIIIXX
VIII Theodose, le très catholique empereur et premier de ce nom, posses¬
sor les parties de Orient et de Occident, et que quand parvenus fu audit
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 141

empire, il soustint de grandz labeurs, pour extirper le heresie arriane et


moult d’aultres dampnabilités eslevees tant au moyen de Juliien l’Apostat
comme d’aultres en diverses parties de Orient. Pour la quelle cause ledit
empereur Theodose se transporta en la cité de Jherusalem, et es parties de
Inded), ou il destruisi les temples des ydoles. Fu si très chrestien que ses
ennemis plus par jeunes et oroisons que par fer rendi vaincus et fu tant
parfait en vertus que il fu souverainement amé meismement des nations
barbares et estranges par quoy moult de gens a son commandement ou
simple monition délaissèrent leurs erreurs et infidélités et se convertirent a
la foy chrestienne.
Ou tempz du quel très catholique empereur estant ou lieu dessusdit,
estoit es parties de Inde ung moult puissant prince des Baux nommé
Baltasar, roy de Tharse soubz le Prestre Jehan, descendant des princes de
sang desdis sains roy s, qui pour résister ausdites dampnabilités et catholi¬
quement porter le nom de Jhesu Christ avoit lors moult a souffrir meis¬
mement contre ses plus prouchains, sans ce que par le Prestre Jehan y
peulst estre mis remede. Et tant par ce fu constrains que luy, sa femme,
ses enfans et son trésor moult grand secrètement mist dehors, et de tout
habandonna sa terre, si s’en vint devers ledit empereur Theodose qui très
débonnairement le recoella, et moult honnourablement le rechupt dans
son hostel.
Or advint que apres pluseurs grandz fais achevés illec victorieusement
par ledit empereur pour venger la mort de Gratiien, [fol. 47 v] empereur de
Occident, que Maximiien, roy de Bretaigne, avoit occy a Lion sur la
Ronne112, et contre l’empire de Rome perpétué pluseurs oultrages en
Gaulle et en Germanie, et aussy pour restituer Valentin, frere dudit
Gratiien, audit empire, icelluy empereur Theodose vint a Constantinoble,
ou il ordonna pour cest affere soy venir par Ytalie, et audit prince des
Baux avec aultres prendre leur chemin pour, par la mer de Prouvence,
entrer en Gaulle ; ce qui fut fait et exploité tellement que ledit Maximiien
en moru a Romme et que ledit Valentin fu par ledit empereur Theodose
audit empire de Occident restitué, lequel bon empereur trespassa tantos
apres en la cité de Milan113.
Quand ledit prince des Baux fu par la maniéré dessusdite en
Prouvence arrivé pour la necessaire sceureté de ses biens, femme et
enfans, et pour soy avec sa gent de guerre y retraire se besoingz estoit,
illec sur une très haulte roche se fortifia moult puissamment et le mieulx
qu’il put jusques ad ce que, apres le achèvement dessudit par les don et
142 CAHIERS DE FANJEAUX 43

congié dudit empereur, il y fonda ung très fort et puissant chastel que il
nomma de son nom des Baux, comme encoires appert.
De cestuy roy Balthasar et prince des Baux et de sa femme tant
illustres que par l’istore dessusdite peult apparoir, non obstant les affaires
de Merconirus, duc des Sicambres, les persecutions des Wandeles, des
Goths et d’aultres, la generation a esté catholiquement et illustrement
continuée jusques au prince Raymon des Baux, lesquelz pour en armes
sievir la maniéré latine ne ont porté blason d’armes que de gheulles a une
estoille de XVI pointes d’argent, mais en cognoissance de parures ont
tousjours pour la foy porté la croix des Nubiiens comme en armes fait le
comte de Prouvence114.

Le dessusdit Raymon, prince des Baux, duc de Andrie, comte de


Velin et de Monstaron eult espouse Katherine, fille au conte Huon de
Limoges et d’une fille de France, de la quelle il eult entre aultres pluseurs
enfans deux filz, cestassavoir le ainsné et Butor.
[fol. 48] Des fais et de la fin dudit Raymon, ensemble et des seze
racines des Baux descendans en une ou tronc, je fais en ce present traictié
moult mendre declaration que ou costé de Luxembourg, pour trois causes :
la premiere que pour les faultes commises par ledit Saint Pol heraud ou
costé de Luxembourg me a semblé estre besoing affin de probation, icel-
luy declarer et specifier plus au long ; la secunde, que je n’ay par tout veu
souffissamment les croniques de Prouvence, d’Espaigne, de Sezille, de
Hongrie, de Ostrice, de Baiviere, de Grece, ne des particuliers Rommains
qui toutes sont requises en ceste genealogie ; la tierce, que je treuve en ce
costé le dit Saint Pol, par le haultain advertissement de la dite defuncte,
avoir moult mieulx procédé, et combien que il ne y ayt pas sievy fourme
requise, mais souventteffois employé « plus, maint et non », nientmainse)
je y ai trouvé fruit a concorder, pourquoy en ce réduire a fourme, je me y
suys arresté, excepté que je feray, aucuneffois et peu, certaines declara¬
tions, pour les causes contenues es articles d’icelles.

Baux I Foys II

[écu avec les armoiries des Baux : [écu avec les armoiries de Béarn115 :
de gueules à l’étoile d’or à deux vaches
à seize rais d’argent] de gueules l’une sur l’autre ]
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 143

Le dit Butor, prince des Baux de Orient, duc de Andrie, comte de


Velin et de Monstaron, et seigneur des Baux en Prouvence, eult espouse
Basille, fille du conte de Fois, dame de Berne, les deux premiers noedz
des seze racines du premier quartier des Baux ou degré de attave, descen¬
dant de degré en aultre [fol. 48] ou dit arbre comme il est cy devant plus
au long déclaré et qu’il peult apparoir par l’exemple dudit arbre. De la
quelle entre aultres enfans, il eult deux filz, cestassavoir Franchois et
Bertram Ce Butor du vivant de son frere ainsné esquartela0 ses armes des
Baux et de Limoges, esquartelé par sa mere de France, nientmains en cest
endroit Saint Pol laissa ce quartier de Limoges derrière, qui ne se doibt
point faire car il procedoit de pere. Mais le dit frere ainsné ne procéda
point en lignie ains trespassa josne asses, pour quoy les plaines armes
retournèrent avec toutes les terres oudit Butor, du quel aussy le dit filz
ainsné nommé Franchois trespassa sans hoir de sa char, par quoy Bertran
demoura du tout le heritier. [. . .]

a) La majuscule E, de couleur rouge, est décorée. A sa gauche, on lit verti¬


calement vexilla nubiana. A l’intérieur du E se trouvent deux symboles. En haut,
une croix blanche sur fond or est accompagnée d’un petit phylactères où est
écrit, de nouveau, vexilla nubiana. En bas de la barre médiane du E figure une
étoile rouge à seize pointes, sur fond blanc. Cette initiale, qui associe l’étoile
des Nubiens aux armes des Baux (même si les émaux de leurs armoiries sont
inversés), illustre deux passages du texte. - b) Nous préférons la leçon Inde à
Jude ( adoptée par Lefèvre, Antoine de La Sale, 354) d’après Historia trium
regum, 213. - c) Après venue, un passage biffé : aultrement que dessus est dit il
ne appert point par la dite istore. - d) La leçon Jude est possible également. -
e) Après nientmains, passage biffé inséré plus haut dans le texte, grâce à un
ajout marginal : par le haultain advertissement de la dite deffuncte. - f) esquar-
tela remplace escartela, biffé.

Notes

Sigles et abréviations

- Barthélemy, Inventaire : Louis Barthélemy, Inventaire chronologique et ana¬


lytique des chartes de la maison de Baux, Marseille : Barlatier-Feissat, 1882.
- Blancard, Iconographie : Louis Blancard, Iconographie des sceaux et bulles
des Archives des Bouches-du-Rhône, Marseille : Camoin frères, 1860.
- BnF : Bibliothèque nationale de France.
144 CAHIERS DE FANJEAUX 43

- Bologna, I pittori : Ferdinando Bologna, I pittori alla corte angioina di


Napoli, 1266-1414, Rome : U. Bozzi, 1969.
- Boyer, Les Baux : Jean-Paul Boyer, « Les Baux et le modèle royal. Une orai¬
son funèbre de Jean Regina de Naples (1334) », Provence Historique, 1995,
45, p. 427-452.
- Brassait, Le Blason : Félix Brassait, Le Blason de Lalaing. Notes généalo¬
giques et héraldiques sur une ancienne et illustre maison, Douai : L. Crépin,
1879,2 vol.
- Butaud, Piétri, Les enjeux : Germain Butaud, Valérie Piétri, Les enjeux de la
généalogie, XIIe -XVIIIe siècle. Pouvoir et identité, Paris : Autrement (collec¬
tion Mémoires, 125), 2006.
- Castel Nuovo : Castel Nuovo. Il Museo Civico, dir. Pierluigi Leone de Castris,
Naples : Cantini, 1990.
- De itinere Terrae Sanctae : Ludolf de Suchen, De itinere Terrae Sanctae liber,
éd. Ferdinand Deycks, Stuttgart (Bibliothek des Litterarischen Vereins in
Stuttgart, 25), 1851.
- Elissagaray, La légende : Marianne Elissagaray, La légende des Rois Mages,
Paris : Le Seuil, 1965.
- Gadrat, Image de l’Orient : Christine Gadrat, Une image de l’Orient au
XIVe siècle. Les Mirabilia descripta de Jordan Catala de Sévérac, Paris : Ecole
des chartes, 2005.
- Hirsch, L’espace nubien : Bertrand Hirsch, « L’espace nubien et éthiopien sur
les cartes portulans du XIVe siècle », Médiévales, 18, 1990, p. 69-92.
- Historia trium regum : Jean de Hildesheim, Liber de gestis et translacionibus
trium Regum, éd. Cari Horstmann, dans The three kings of Cologne, an early
english translation of the Historia trium regum by John of Hildesheim,
Londres : Early English Text Society, 1886, p. 206-312.
- Lefèvre, Antoine de La Sale : Sylvie Lefèvre, Antoine de La Sale. La fabrique
de l’œuvre et de l’écrivain, suivi de l’édition critique du Traité des anciens et
des nouveaux tournois, Genève : Droz (Publications romanes et françaises,
238), 2006.
- Mazel, La noblesse : Florian Mazel, La noblesse et l’Église en Provence, fin
Xe-début XIVe
Marseille, Paris
siècle.
: CTHS,
L’exemple
2002. des familles d’ Agoult-Simiane , de Baux et de

- Noblemaire, Histoire : Gustave Noblemaire, Histoire de la maison des Baux,


Paris : Honoré Champion, 1913.
- Richard, L’Extrême-Orient légendaire : Jean Richard, « L’Extrême-Orient
légendaire au Moyen Âge : roi David et Prêtre Jean », dans Annales d’Éthio¬

- pie,
contacts
Richard,
2, 1957,
etUltimatums
relations
p. 225-242,
(XIIe
: Jean
-XVe
repris
Richard,
s.),
dansLondres
id.,
« Ultimatums
Orient
: Variorum
et Occident
mongols
reprints,
auet1976.
Moyen
lettres Age
apo¬:

cryphes : Roi David et Prêtre Jean », Journal of Asian History, 17, 1973,
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 145

p. 212-222, repris dans id., Orient et Occident au Moyen Âge : contacts et


relations (XIIe -XVe s.), Londres : Variorum reprints, 1976.
- Roman, Descriptions : Joseph Roman, « Description des sceaux des familles
seigneuriales de Dauphiné», Bulletin de la société statistique... du départe¬
ment de l’Isère , 35, 1906.

[1] Cf. Butaud, Piétri, Les enjeux, 225-269. - [2] Ce sermon est édité et
commenté par Boyer, Les Baux. - [3] Les premières études sur ce thème sont
dues à Alice Colby-Hall : « L’héraldique au service de la linguistique : le cas du
« cor nier » de Guillaume », dans Au carrefour des routes d’Europe : la chanson
de geste. Senefiance, 20, 1987, 383-397 ; ead., « Guillaume d’Orange sur un
nouveau sceau médiéval de l’abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert », Olifant, 15,
1990, 3-13 ; ead., « Guillaume d’Orange, l’abbaye de Gellone et la vache pie de
Châteauneuf-de-Gadagne », Études sur l’Hérault, 9, 1993, 5-21. - [4] Florian
Mazel, « Mémoire héritée, mémoire inventée. Guilhem de Baux, prince
d’Orange et la légende de Guillaume d’Orange (XIIe-XIIIe s.) », dans Faire
mémoire. Souvenir et commémoration au Moyen Âge, dir. Claude Carozzi,
Huguette Taviani-Carozzi, Aix-en-Provence : Presses Universitaires de
Provence, 1999, 193-228 ; id., « Le prince, le saint et le héros : Guilhem de
Baux (1173-1218) et Guillaume de Gellone, alias Guillaume d’Orange », dans
Guerriers et moines. Conversion et sainteté aristocratiques dans l’Occident
médiéval, dir. Michel Lauwers, Antibes : APDCA, 2002, 449-465. - [5] Voir
sur ce point les actes du colloque entièrement consacré à la figure historique et
légendaire de Guillaume d’Orange : Entre histoire et épopée. Les Guillaume
d’Orange (IXe -XI IIe siècles ), dir. Laurent Macé, Toulouse : CNRS, Université de
Toulouse-Le Mirail, 2006. On notera en particulier : Florian Mazel, « L’héritage
symbolique de Guillaume dans l’aristocratie des XIe-XIIIe siècles : tradition
familiale ou fascination épique », 163-180, qui étudie les ancêtres de Guillaume
de Baux, et Laurent Macé, « Icône du saint, figure du héros : la déclinaison du
cor sur les sceaux et les monnaies dans la Provence et le Languedoc des XIIe-
XIIIe siècles », 135-161. - [6] Sed dominus noster et omnes de suo genere
habuerunt ortum, ut audivi a fide digna persona a sanctis magis seu regibus qui
venerunt ad Christum natum Stella duce seu viam ostendente, ut patet Matth. 2
[1-12]. Propter quod etiam omnes portant pro signo in armis suis stellam
(Boyer, Les Baux, 449). - [7] Mazel, La noblesse, 334 ; Boyer, Les Baux, 432. -
[8] Il s’agit d’un sceau biface d’Hugues de Baux. De plus, on a conservé pour le
même personnage deux bulles où l’étoile apparaît au revers et comme armoiries
du cavalier (Blancard, Iconographie, pl. 19, nos 2, 3 et 4). - [9] Mazel, La
noblesse, 334. - [10] On sait que l’hermine des ducs de Bretagne, qui ne tire
son origine au départ que d’une brisure de Pierre Mauclerc (f 1250), issu des
Dreux, fut ensuite considérée comme les armes ancestrales des princes de
Bretagne. A la fin du Moyen Age, un récit de croisade fut imaginé pour expliquer
146 CAHIERS DE FANJEAUX 43

pourquoi plusieurs familles (dont les Coucy et les Châtillon) portaient de vair et
de gueules dans leurs armoiries (BnF, ms n. a. fr. 6889, fol. B et C ; Michel
Popoff, « De vair et de gueules. Autour d’une légende héraldique », Annales de
généalogie et d’héraldique, 2, 1985, 3-10). Un texte héraldique de 1509 fournit
une explication pittoresque pour les dix losanges des Lalaing, interprétés comme
une référence aux pâtisseries qu’une pieuse ancêtre donnait en aumône aux
pauvres ! (Brassart, Le Blason, I, 5-13). - [11] Blancard, Iconographie, pl. 21,
n° 3 (1201), pl. 23, n° 2 (1223), pl. 21, n°s 2 (1233) et 4 (1233). - [12] Martin
Aurell, « Autour de l’identité héraldique de la noblesse provençale au
XIIIe siècle », Médiévales, 19, 1990, 17-27. - [13] Armoiries des Badat : de
gueules à l’étoile à seize rais d’or ; armoiries des Chabaud : d’or à l’étoile à
seize rais d’azur chargé d’un château de trois tours d’argent ; armoiries des
barons de Beuil du XIIIe siècle, reprises en écartelé par les Grimaldi de Beuil :
d’or à l’étoile à seize rais de gueules. - [14] Roman, Descriptions, 234,
n° 607. - [15] Ces armoiries sont visibles sur un sceau du même Aymar II
datant de 1186 (i bid., 233, n° 606). Précisons que les liens familiaux entre les
Baux et les Poitiers sont postérieurs. - [16] Blancard, Iconographie, pl. 34bis,
n° 6 (bulle de la première moitié du XIIIe siècle). - [17] Roman, Descriptions,
237, n° 614. - [18] Suite à une suggestion de Claude Carozzi, nous avons
vérifié ce point. Rien n’a été trouvé sur le nombre seize dans Vincent Foster
Hopper, La symbolique médiévale des nombres. Origines, signification et
influence sur la pensée et l’expression, Paris : Gérard Monfort, 1995, ni dans
Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris : Robert
Laffont, 1982. - [19] Cette dernière hypothèse peut se justifier par l’examen du
sceau équestre de Robert II, seigneur de Vitré, datant de 1 155. On y voit nette¬
ment un bouclier portant une étoile à seize rais. Comme l’écu n’est pas encore
héraldique, on parle de « renforts en rais d’escarboucle » plutôt que d’étoile
(Pierre Bony, Un siècle de sceaux figurés (1135-1235), Paris : Le Léopard d’or,
2002, 27, pl. XIII, n° 73). Il semble donc logique de penser que certaines étoiles
héraldiques tirent effectivement leur origine du motif formé par les lamelles de
métal rayonnant autour de Vumbo... - [20] Elissagaray, La légende, 48-54. -
[21] Ibid., 30, 39-41. - [22] Richard, L' Extrême-Orient légendaire. - [23] Ces
informations faisaient échos à la victoire du chef d’un peuple des steppes, les
Qara-Khitaï, sur le sultan de Perse Sanjar en 1 141 (ibid., 232). - [24] Ibid., 229-
231. Pour l’analyse de ces lettres, voir Jacqueline Pirenne, La légende du
« Prêtre Jean », Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 1992, 47-87.
L’hypothèse émise d’un original hébreu écrit par un juif de Provence n’est toute¬
fois pas convaincante. - [25] Sur ce personnage, le texte source est la Relatio de
Davide, qui date de 1221. Deux prototypes sont possibles pour ce légendaire roi
David, soit Gengis-Khan, soit le Turc Kütchlüg, chaque identification ayant des
points faibles (Richard, L’ Extrême-Orient légendaire, 233-235). - [26] Ibid.,
235. Cette explication de l’invasion des Mongols par leur volonté de récupérer
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 147

les corps de leurs ancêtres se retrouve notamment chez Mathieu Paris, dans la
chronique d’Aubry de Trois-Fontaines et dans le Speculum historiale de Vincent
de Beauvais (Elissagaray, La légende, 74). Plus tard, le missionnaire Jordan
Catala situera le pays d’origine des rois mages dans la terre de Moughan, à
l’ouest de la Mer Caspienne, au sud du Caucase (Gadrat, Image de l’Orient, 172,
291). - [27] Richard, Ultimatums . - [28] Richard, L’ Extrême-Orient
légendaire, 235 ; Richard, Ultimatums, 221. Cette lettre est conservée par la
chronique de Salimbene de Adam - Chronica fratris Salimbeni de Adam, éd.
Oswald Holder-Egger, Hanovre-Leipzig (Monumenta Germaniae historica,
Scriptores, 32), 1905-1913, 580. - [29] Cf. Elissagaray, La légende, 64-65. -
[30] Boyer, Les Baux, 435. - [31] Mazel, La noblesse, 542-543. - [32] C’est
plutôt l’avis de Jean-Paul Boyer, Les Baux, 436. - [33] Joseph-Hyacinthe
Albanès, « Note sur un Mystère représenté à Toulon en 1333 », Revue des socié¬
tés savantes des départements, 5e série, 8, 1874, 259-262. - [34] Elissagaray, La
légende, 66. C’est dans l’église Sant’Eustorgio que les reliques des Mages
avaient été découvertes en 1158. - [35] Comme d’autres, par commodité, nous
utilisons ce titre pour une œuvre dont le titre varie dans les manuscrits. - [36] A
propos des sources d’Hildesheim, voir Elissagaray, La légende, 68-73, et Sylvia
Harris, « The Historia trium regum and the mediaeval legend of the Magi in
Germany », Medium Ævum, 28, 1959, 23-30, ici 28-29. Pour ce qui concerne les
traditions les plus anciennes sur les Mages, voir Ugo Monneret de Villard, Le
leggende orientali sui magi evangelici, Cité du Vatican : Biblioteca Apostolica
Vatina (Studi e testi, 163), 1952. - [37] De itinere Terrae Sanctae. Cet ouvrage,
écrit vers 1360, était nourri de l’expérience d’un séjour de cinq ans de son auteur
en Méditerranée et en Orient, entre 1336 et 1341. - [38] C’est par exemple dans
l’entourage pontifical que le dominicain Jordan Catala écrivit dans les années
1330 ses Mirabilia descripta (Gadrat, Image de l’Orient). Au sujet des mission¬
naires, voir Jean Richard, La papauté et les missions d’Orient au Moyen Age,
XIIIe -XVe siècle, Rome, Paris : École française de Rome (Collection de l’École

française
(ch. 33 etde34).
Rome,
- [40]
33),
Ibid.,
2e édition,
260-2611998.
(ch. -35).
[39]Nous
Historia
avonstrium
vu d’après
regum, le257-259
témoi¬

gnage de Marco Polo que Seuwa correspond à Savah, près de Téhéran. -


[41] Ibid., 280-289 (ch. 41). Ce catalogue précis des hérésies chrétiennes est tiré
du Livre de Cologne. - [42] Ibid., 226-227 (ch. 10), 277-278 (ch. 41). -
[43] Hirsch, L’espace nubien. - [44] Saba est situé en Inde ; c’est le lieu d’où fut
tiré l’encens offert au Christ. Le terme récent de Godolie est difficile à interpré¬
ter. Il provient de Suchen. - [45] Historia trium regum, 227 (ch. 11), 278
(ch. 41). - [46] Ibid., 227-228 (ch. 12), 278-279 (ch. 41) 297-303 (ch. 44 et 45).
- [47] Elissagaray, La légende, 76. Chez la plupart des cartographes majorquins
ou italiens, le Prêtre Jean est toutefois distingué de l’empereur d’Éthiopie : « il
apparaît plutôt comme un personnage coiffant les rois des régions chrétiennes
de son autorité religieuse » (Hirsch, L’espace nubien, 90). - [48] Hildesheim
148 CAHIERS DE FANJEAUX 43

choisit la graphie « Vaus » pour désigner ce que la tradition appelle le mont


Gazus, qui correspondrait au Kûh-i-Khwaga, dans le Sistan, entre l’Iran et
l’Afghanistan (Elissagaray, La légende, 18-19). Il assimile par ailleurs cette
montagne au mont Victorial, où saint Thomas avait coutume de prêcher pour
convertir les païens. - [49] Historia trium regum, 213-214 (ch. 3). - [50] Ibid.,
214-215 (ch. 4). - [51] Ibid., 259-260 (ch. 34). - [52] De itinere Terrae
Sanctae, 39-41 (chapitre 25 : De gloriosa civitate Acon). - [53] Historia trium
regum, 270 (ch. 39). La Blanche-Garde correspond à Tell es-Safi en Israël, à
l’ouest de Jérusalem. Ce château, construit en 1142, appartenait à une branche
des seigneurs de Barut (Beyrouth). Au milieu du XIVe siècle, la famille était
représentée par deux femmes vivant à Chypre. Voir Charles du Fresne, sieur Du
Cange, Les familles d’Outre-mer, éd. Emmanuel-Guillaume Rey, Paris :
Imprimerie nationale, 1869, 240-243 ; Emmanuel-Guillaume Rey, « Les sei¬
gneurs de Barut », Revue de l’Orient latin, 4, 1896, 12-18 ; Joshua Prawer,
Histoire du royaume latin de Jérusalem, Paris : CNRS éditions, 2ème éd., 2001,
330, 331, 475. - [54] Il fait une description enthousiaste de l’île de Chypre : De
itinere Terrae Sanctae, 29-35 (ch. 20-23). - [55] Voir Aryeh Graboïs, «La
bibliothèque du noble à’ Outremer à Acre dans la seconde moitié du
XIIIe siècle », Le Moyen Âge, 103, 1997, 53-66. - [56] Lignages d’Outremer,
éd. Marie-Adélaïde Nielen, Paris : Académie des inscriptions et belles lettres,
2003, 112, 198. On y relève toutefois un « Johan des Baus qui fu Borgoignon »,
dont la fille Marie épousa Guillaume de Picquigny {ibid., 118). Mais cela
semble trop maigre pour expliquer le « seigneur de Vaus » signalé par Suchen. -
[57] Ainsi, dans une copie du milieu du XVIe siècle de la généalogie dressée par
le héraut Saint-Pol de Marguerite de Baux, son nom est orthographié : « des
Vaulz », BnF, ms fr. 982, fol. 122 (cf. Elissagaray, La légende, 81). -
[58] Elissagaray, La légende, 67-68, 80-82. J.-P. Boyer et Fl. Mazel n’ont pas
pris en compte dans leurs études YHistoria trium regum. - [59] Émile-
Guillaume Léonard, Histoire de Jeanne Ière reine de Naples, comtesse de
Provence (1343-1382). La jeunesse de la reine Jeanne, Monaco, Paris :
Imprimerie de Monaco, Picard, 1932, t. II, 316-320, 331-332, 345. Cette ambas¬
sade conforte l’hypothèse de Marianne Elissagaray, qui ne connaissait que deux
missions des Baux auprès des papes en 1335 et 1345 (La légende, 68). -
[60] L 'Historia trium regum est conservée dans une soixantaine de manuscrits
des régions impériales et a connu pas moins de sept traductions différentes en
allemand (Sylvia Harris, « German Translations of the Historia Trium Regum by
Johannes de Hildesheim », Modem Language Review, 53, 1958, 364-373 ;
Elissagaray, La légende, 77). - [61] J. Gôbbels, « Del Balzo (de Baux),
Raimondo », dans Dizionario biografïco degli Italiani, t. 36, Rome : Istituto
della Enciclopedia italiana, 1988, 320-326 ; Noblemaire, Histoire, 107-110. -
[62] Donato Polieni da Siderno, Historia del regal castello di Casaluce,
Naples, 1622, 36, cité sur le site internet du sanctuaire, où l’on trouvera, outre
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 149

un historique, un riche dossier iconographique et un plan qui permettent de


reconstituer la disposition des fresques, pièce par pièce (www.santuariodicasalu-
ce.it). - [63] Jeanne donna à la nouvelle fondation une icône byzantine (vénérée
aujourd’hui sous le nom de Madonna de Casaluce) et un polyptyque peint par
Andrea Vanni (Bologna, I pittori, 325-326). - [64] Ibid., 325-330, 355. -
[65] Ces fresques sont reproduites (en couleur) et succinctement commentées
dans Castel Nuovo, 75-82. - [66] Ibid., 76-77 ; Bologna, I pittori, 326-327,
pl. VII-80, 82. - [67] Noblemaire, Histoire, 1 10, n.l ; Mazel, La noblesse, 333. -
[68] Ces fresques peuvent être mises en relation avec un polyptyque de Niccolô
di Tommaso qui se trouvait autrefois dans l’église Sant’ Antonio Abate de Foria
(aujourd’hui au Museo di Capodimonte de Naples), Castel Nuovo, 77, 80-82 ;
Bologna, I pittori, 326-327, pl. VII-70-73, 78-79. - [69] Reproduite dans
Castel Nuovo, 78. - [70] Les deux rédactions en vers du Moniage Guillaume,
éd. et commentaire Wilhelm Cloetta, Paris : Firmin-Didot et C'e (Société des
anciens textes français), 1906, t. I, 163-172 (deuxième rédaction, vers 2556-
2746). - [71] Castel Nuovo, 79-81. - [72] Dans l’église Santa Chiara de Naples
sont encore conservés son tombeau et celui de son épouse (voir les photogra¬
phies et commentaires dans Noblemaire, Histoire, 104 bis, 110 ; Mazel, La
noblesse, 565, 567, 568). - [73] Â défaut des Baux-Andria, une substitution
était prévue pour un Del Balzo Orsini (« Jehan Anthoine, mon nepveu, prince de
Tarente, se prendre et accepter le vuelt et ses enfans ») puis pour le frère de
celui-ci, à la condition « que ilz soient tenus de porter purement le nom et armes
des Baux ». En dernier recours, l’héritier serait Louis de Chalon, prince
d’Orange, qui devrait alors « porter les armes des Baux toutes pures » (Archives
départementales des Bouches-du-Rhône : B 1197, fol. 6rv). - [74] Louis
Barthélemy, « Inventaire du château des Baux, en 1426 », Revue des sociétés
savantes des départements, 6e série, 6, 1877, 110-158. - [75] Ibid., 131. -
[76] Dans les faits, le château des Baux fut saisi par le comte de Provence, mais
Guillaume de Baux put entrer en possession des fiefs d’Alix situés en Comtat
Venaissin (Noblemaire, Histoire, 68). - [77] « Ou dit an [1469], le XVe jour de
novembre, la contesse de Sainct Pol trespassa de ce monde, en son eage de
LXXVI ans, en l’abbaye du Vergier, lez Cambray, et fust son corps apporté et
mis en terre en l’eglise et abbaye de Cercamp, en la conté de Sainct Pol. Elle fut
tout son temps sage dame, belle, honneste, et de bonne devotion à Dieu et aux
Sainctz » : Histoire de Charles, dernier duc de Bourgogne , éditée en annexe
dans Jehan de Wavrin, Anchiennes cronicques d’Engleterre, éd. Mlle Dupont,
Paris : veuve Jules Renouard (Société de l’histoire de France), 1863, III, 280. -
[78] BnF, ms ff. 5471 , fol. 42v-43 (Clément de Sainghin). Cf. Lefèvre, Antoine
de La Sale, 238-240. - [79] Saint-Pol-sur-Temoise, Pas-de-Calais, chef-lieu de
canton. - [80] Le texte a été écrit entre 1433 et 1444, entre la mort de Pierre de
Luxembourg et celle de Guillaume de Baux, duc d’Andria. La date de 1434 est
tirée du titre d’une édition du héraut Saint-Pol : Maurin Nahuys , Généalogies de
150 CAHIERS DE FANJEAUX 43

Pierre de Luxembourg, comte de Saint-Paul et de son épouse Marguerite de


Baux ; manuscrit dédié à leur fils Louis de Luxembourg, comte de Saint-Paul. . .
par son héraut d’armes de Saint-Paul en 1434, avec notes explicatives, s. 1.,
s. n., 1870 ; ouvrage repéré grâce à la base de données Worldcat
(http://www.worldcat.org/). Malheureusement, nous n’avons pu accéder à cet
ouvrage fort rare, qui est absent des bibliothèques françaises au vu du Catalogue
collectif de France (http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/servlet/LoginServlet). Nous ne
pouvons donc déterminer la fiabilité de cette date de 1434, qui ne figure pas
dans les manuscrits que nous avons consultés. Toutefois, une allusion à la reine
de Naples Jeanne II, morte le 2 février 1435, semble la confirmer. - [81] Nous
avons utilisé quatre copies de ce texte conservées à la BnF. Le ms fr. 5229 est
un recueil héraldique élaboré entre 1509 et 1527 par un serviteur des Lalaing,
Jean de Cordes, et son fils Louis (voir Brassait, Le Blason, 1, 15-32). Sa copie du
texte du héraut Saint-Pol (fol. 37-41) est la plus proche du rouleau original,
qu’il décrit, mais elle est sans armoiries, d’une écriture négligée et avec
quelques passages corrompus. Le ms fr. 982 provient de la bibliothèque de
Philippe de Lalaing et date des années 1545-1555 pour les folios concernés
(fol. 115v-130v) - voir l’analyse du manuscrit par Elissagaray, La légende,
205-210. L’orthographe semble un peu modernisée, mais la copie est soignée et
comprend une continuation. Le ms n. a. fr. 26957 (8 fol.) - qui nous a été
aimablement signalé par Marie-Françoise Damongeot, conservateur en chef à la
BnF - est un livret sur parchemin luxueux qui ne comprend que la généalogie de
Marguerite de Baux suivie du résumé de l’histoire de Mélusine. Il date du
second quart du XVIe siècle et appartenait à Louise de Bourbon, abbesse de
Fontevraud. Enfin le ms fr. 32651 (20 fol.) est aussi une copie de luxe sur par¬
chemin ; le texte y a été remanié, légèrement, pour être offert à son dédicataire,
Charles de Luxembourg (t 1530), comte de Brienne, Ligny et Roucy. -
[82] BnF, ms fr. 5229, fol. 40-41 ; ms n. a. fr. 26957, fol. 4v-6v ; ms fr. 982,
fol. 125v-127v ; ms. fr. 32651, fol. llv-13. Il est donc faux de dire que le
héraut Saint-Pol « passe sous silence l’ascendance mélusinienne des
Luxembourg » (Lefèvre, Antoine de La Sale, 356 n. 23). Il traite simplement de
Mélusine en troisième partie, et non en introduction à sa généalogie des
Luxembourg. Il en parle même de façon plus détaillée que Clément de Sainghin,
qui ne fait que le résumer (cf. ibid., 349 ; BnF, ms fr. 5471, fol. 2r-v). -
[83] Nous laissons ici de côté l’ascendance de la mère de Marguerite, Sveva
Orsini. Le héraut Saint-Pol est très vague à son sujet et ignore en général les pré¬
noms des individus. - [84] Cette partie a été éditée (d’après BnF, ms fr. 982,
fol. 122) dans Elissagaray, La légende, 81. - [85] On peut recenser pas moins
de trente-sept Butor dans la littérature épique (André Moisan, Répertoire des
noms propres de personnes et de lieux cités dans les chansons de geste fran¬
çaises et les œuvres étrangères dérivées, Genève : Droz, 1986, 1, 273-275). Il est
aussi possible que le prénom de Butor ait été inspiré par un roman d’aventure du
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 151

XIVe siècle intitulé Brun de la Montaigne, dont tout le début relatait l’histoire de
Butor de la Montaigne. Le fait que le château des Baux se trouve au sommet
d’une montagne pouvait faciliter le rapprochement. Cf. Brun de la Montaigne,
roman d’aventure, éd. Paul Meyer, Paris : Firmin Didot (Société des anciens
textes français), 1875. - [86] De ce mariage naquirent Jacques de Baux
(t 1383), empereur titulaire de Constantinople, et Antoinette, épouse de Frédéric
de Sicile (Trinacrie). - [87] Barthélemy, Inventaire ; Noblemaire, Histoire,
61-65 ; F. Pétrucci, « Del Balzo, Francesco » dans Dizionario biografico degli
ltaliani, t. 36, Rome : Istituto della Enciclopedia italiana, 1988, 310-312 ; Sylvie
Pollastri, La noblesse napolitaine sous la dynastie angevine : l’aristocratie des
comtes (1265-1435), Thèse inédite, Université de Paris X - Nanterre, 1994,
449-454, 910. - [88] Il faudrait des recherches supplémentaires pour déterminer
quand décède François, premier duc d’Andria. Il est en tout cas encore vivant en
1383, au moment du testament de son fils aîné Jacques, empereur titulaire de
Constantinople : cf. R. Bisson de Sainte-marie, « Testament de Jacques de
Tarente, dernier empereur de Constantinople en faveur de Louis d’Anjou
(15 juillet 1383) », Bibliothèque de l’École des chartes, 45, 1884, 189-195.
Peut-être est-ce son fils François qui accorda des franchises aux habitants de
Berre ? (Barthélemy, Inventaire, n° 1623). - [89] L’existence de Bianchino est
admise par Louis Barthélemy, qui analyse la copie du testament (supposé) de
François de Baux-Andria de 1422 (Inventaire , n° 1768). G. Noblemaire y croit
également, après avoir fait part du débat à ce sujet (Histoire , 80-83). Les généa¬
logies du héraut Saint-Pol et de Sainghin permettent de donner raison à ceux qui
avaient des doutes à propos de ce Bianchino et du testament de 1422. Ce docu¬
ment, outre sa forme inhabituelle, provient des archives privées de ceux qui
tiraient profit au premier chef de l’existence de Bianchino, les ducs de
Presenzano. Il s’agit donc d’une forgerie, comme le pensait notamment
Lodovico de la Ville sur Yllon ( Napoli nobilissima, avril 1892, cité par
G. Noblemaire). - [90] Un membre de cette famille a consacré un ouvrage à ses
ancêtres (et prétendus ancêtres pour ce qui est de la période médiévale) :
Antonello Del Balzo di Presenzano, A l’asar, Bautezar. I Del Balzo et il loro
tempo, Naples : Arte tipografïca, 2003. - [91] Sainghin-en-Weppes, départ, du
Nord, à la périphérie de Lille. - [92] Le manuscrit autographe, signé par l’auteur
et comportant l’arbre généalogique en parchemin, est conservé : BnF, ms
fr. 5471 (62 fol.). Une bonne copie, de peu postérieure, sans arbre mais avec
une révision des armoiries insérées dans le texte, existe sous la cote ms fr. 23989
(71 fol.). Nous avons fait ailleurs quelques allusions rapides à Sainghin (Butaud,
Piétri, Les enjeux, 46, 49-50, 146, 191). Sylvie Lefèvre y a consacré plusieurs
pages enrichies d’extraits (Lefèvre, Antoine de La Sale, 343-356). - [93] Voir la
reproduction intégrale dans Lefèvre, Antoine de La Sale, 346. Cet arbre est une
pièce importante à ajouter au corpus étudié par Christiane Klapisch-Zuber,
L’ombre des ancêtres. Essai sur l’imaginaire médiéval de la parenté, Paris :
152 CAHIERS DE FANJEA UX 43

Fayard, 2000. - [94] Ce personnage est désormais bien connu, comme membre
important de la cour de Bourgogne et mécène : Jacques Paviot, « Jacques de
Luxembourg. Politique et culture chez un grand seigneur du XVe siècle », dans
Penser le pouvoir au Moyen Age (VIIIe -XVe siècle). Etudes d’histoire et de litté¬
rature offertes à Françoise Autrand, dir. Dominique Boutet, Jacques Verger,
Paris : Éd. Rue d’Ulm, 2000, 327-341 ; Lefèvre, Antoine de La Sale, 207-247,
359-363. - [95] BnF, ms ff. 5229, fol. 4L Au sujet de l’office de héraut, voir
les études réunies dans Le héraut, figure européenne (XIVe -XVIe siècle ), dir.
Bertrand Schnerb, Revue du Nord, 88/366-367, 2006. - [96] La généalogie des
ancêtres de Pierre de Luxembourg occupe les folios 2-44 du ms fr. 5471
de la BnF, tandis que les « seze racines des Baux » se trouvent aux folios
44v-53v. Le reste du manuscrit est consacré aux branches filiales du couple
(fol. 54-56) et à une généalogie descendante des Luxembourg rédigée plus tard
(fol. 57-62v). Il n’y a pas lieu ici de commenter la première partie de l’œuvre de
Sainghin. Nous comptons y revenir dans des études futures. - [97] BnF, ms
fr. 5471, fol. 44v-48 ; cf. le résumé et les extraits dans Lefèvre, Antoine de La
Sale, 353-356. Les transcriptions sont parfois fautives : « monseigneur de
Werelben » au lieu de « monsseigneur Florens de Werelben. », « Tharpe » au
lieu de « Tharse » (354), « Gondosorus » au lieu de « Gondoforus » (355),
« cognoissance de parmens » au lieu de « cognoissance de parures » (356)... Le
texte n’est pas commenté, ni sa source principale (Jean de Hildesheim) signalée.
- [98] Balthazar était roi de Saba et de Godolie pour Hildesheim, roi de Tartarie
pour le héraut Saint-Pol, roi de « Tharse » pour Sainghin. Ces variations se
retrouvent dans les mystères contemporains. Si la Passion d’Arras fait égale¬
ment de Balthazar un roi de Tarse, le Geu des trois rois lui attribue l’Arabie et
fait de Gaspard le roi de Tarse (renseignements aimablement communiqués par
Géraldine Veysseyre, qui prépare une nouvelle édition du Geu des trois rois, à
paraître dans un volume consacré au théâtre médiéval de la Bibliothèque de la
Pléiade). - [99] Butaud, Piétri, Les enjeux, 245-247. - [100] Elissagaray, La
légende, 206, 209. La traduction, conservée dans le manuscrit BnF fr. 982,
fol. 7-45v, est éditée ibid., 91-178. - [101] Un poème de 1499 intitulé Lo
Balzino, écrit par Rogeri de Pacienza di Nerito, en l’honneur d’Isabelle de Baux-
Andria, épouse du roi de Naples Federigo (t 1504), contient une évocation de la
légende (Noblemaire, Histoire, 74). - [102] Nous avons signalé plus haut les
copies du texte (note 81). On peut ajouter que l’œuvre du héraut Saint-Pol eut
une postérité dans le domaine héraldique. Un armorial anglais du milieu du
XVe siècle en reprend là' plupart des écus, tant pour le côté Luxembourg que
pour le côté Baux (British Library, Harleian 6163, fol. 32v-34, éd. Joseph
Foster, Two Tudor Books of Arms, Harleian Mss Nos 2169 & 6163, Londres,
1904, 180-183). Il reste à déterminer si cet emprunt est un cas isolé. -
[103] Charles II (t 1558), comte de Lalaing (dont la mère était Jacqueline de
Luxembourg), à moins que ce soit son fils Philippe, fit faire une copie de la
ORIGINES LÉGENDAIRES DE LA FAMILLE DES BAUX 153

Genealogie de Luxembourg (BnF, ms fr. 5470, fol. 4-65). Son épouse, Marie
de Montmorency, disposait de son propre exemplaire (BnF, ms. fr. 5472,
fol. 14-94, et fol. 15 pour son ex-libris). L’œuvre de Sainghin était lue bien au-
delà des Luxembourg et de leurs alliés, comme nous l’apprend, au milieu du
XVIe siècle, François Piétin, religieux de Phalempin. Dans sa Descente des
chastellains de Lille, il fait une diatribe contre Sainghin, dont le livre avait induit
en erreur son ami l’historien flamand Jacques Meyer (t 1555) et beaucoup
d’autres. « Clement a abusé beaucop de gens fort scavans et dilligens inquisi¬
teurs d’histoires par ce qu’il devise fort bien et est grant langaigeur mais il ne
scet ne ce qu’il dit, ne ce qu’il afferme » (BnF, ms fr. 5470, fol. 108v). -
[104] Nous disposons pour ces funérailles de la relation extrêmement précise
d’Olivier de La Marche. Interrogés sur le fait que la chapelle mortuaire était
décorée par une croix recroisetée, le roi d’armes du Hainaut et Lothrye, héraut
de Bourgogne, maîtres de cérémonie, se justifièrent ainsi : « ce conte estoit
conte de six contéz non pas acquises ne conquises mais venoient de propre
estoc, de propre succession. Et [par] origine de pere et de mere estoit yssu
d’empereurs et de roys et mesmement de Baltazart le premier des trois roys quy
vit l’estoille, quy les conduisit jusques a adorer notre Sauveur Jesus Christ. Et
laquelle estoille ledit roy Baltazart print en ses armes, qui est un escuz de gueul-
le a une estoille d’argent a seize pointe. Et encores est un des quartiers de leur
maison. » (BnF, ms n. a. fr. 6889, fol. 310v). - [105] Une bannière de Jacques
de Luxembourg, seigneur de Fiennes, est conservée à Soleure en Suisse
(Ottfried Neubecker, Le grand livre de l’héraldique, Paris : Bordas, 1997, 140).
Le récit des obsèques de son fils Jacques II, mort en 1517, comporte un dessin
gouaché de son cheval recouvert d’un caparaçon armorié (BnF, ms fr. 5229,
fol. 148). Voir aussi le riche armorial familial fait pour les Lalaing : BnF, ms
fr. 5470, fol. 119v-120v. - [106] Joseph de la Pise, Tableau de l’histoire des
princes et principauté d’Orange, La Haye : Théodore Maire, 1639, 66. Ce
manuscrit est peut-être celui conservé à La Haye (BR 71 E 70), signalé par
Lefèvre, Antoine de La Sale, 343, n. 1 . Jusqu’ici, on pensait que le récit de La
Pise était une excroissance moderne de la légende (Boyer, Les Baux, 436). -
[107] Robert de Brianson et Jean-Antoine Pithon-Curt la considéraient comme
une fable (ibid., 436-437). - [108] Frédéric Mistral, Calendau, Avignon :
J. Roumanille, 1867, 28 ; Boyer, Les Baux, 436. - [109] Sainghin mentionne
clairement sa source : « l’istore des trois sains roys » qui lui inspire la moitié de
son prologue est YHistoria trium regum de Jean de Hildesheim, effectivement
dédié à Florent de Wevelkoven, évêque de Münster de 1364 à 1379. -
[110] Sainghin fait ici une méprise, car l’année de la translation des reliques des
rois mages de Milan à Cologne est 1164. Il s’agit soit d’une faute présente sur
l’exemplaire de YHistoria trium regum qu’il utilise, soit d’une faute commise de
son propre chef. - [111] Nous avons vu (note a) que le « E » initial du texte
représente la croix des Nubiens et l’étoile des Baux. - [1 12] Gratien, empereur
154 CAHIERS DE FANJEAUX 43

d’Occident depuis 367, fut bien tué à Lyon, en 383, par le général de l’armée de
Bretagne Maxime, que l’on assimila à un roi de Bretagne à la suite de YHistoria
regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth. - [113] C’est en 388 que
Théodose intervint militairement contre l’usurpateur Maxime, qui trouva la
mort. Le frère de Gratien, Valentien II, récupéra l’empire d’Occident. Théodose
décéda à Milan le 17 janvier 395. - [1 14] La croix des Nubiens ( d’or à la croix
d’argent) imaginée par Sainghin ne respecte pas la règle de contrariété des
émaux, toute comme la croix de Jérusalem ( d’argent à la croix potencée d’or,
cantonnée de quatre croisettes du même), que portaient les comtes de Provence,
depuis Charles d’Anjou, en tant que rois de Jérusalem. - [1 15] Sainghin a repré¬
senté les armes du Béarn au lieu de celles de Foix. Une copie de son œuvre, de
peu postérieure, donne en revanche à cet endroit les armes de Foix, d’or à trois
pals de gueules (BnF, ms fr. 23989, fol. 56).

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