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CINEMA Garabedian.

Les années 1960 inspirent


également une série de films pro-
CROISSANT FERTILE palestiniens qualifiés de westerns
moujaddara (plat de lentilles) afin de
Liban souligner leur médiocrité. La guerre
civile paralyse la production et dévaste
Les premières salles de cinéma existent les infrastructures cinématographiques
au Liban depuis 1909 alors que le pays ainsi que les superbes salles de cinéma
est encore sous domination ottomane. du centre-ville. Pourtant c’est à cette
En 1929 Jordano Pidutti, un cinéphile époque difficile que finit par émerger
italien résidant à Beyrouth, tourne un un cinéma libanais reconnu à l’étranger
film muet Les aventures d’Elias porté par une poignée de cinéastes
Mabrouk (Mughamarat Ilias comme Maroun Baghdadi, Borhan
Mabrouk). Le réalisateur forme Alaouié, Jocelyne Saab, Jean-Claude
également le premier caméraman local Codsi, Jean Chamoun, Ziad Doueiri ou
Georges Costi. Ce dernier participe Randa Chahal-Sabbagh qui obtient le
avec Julio de Luca et Karim Boustany lion d’argent à Venise pour son film Le
à la réalisation du premier long Cerf-Volant en 2003. Leur sujet de
métrage sonore national, Dans les prédilection est celui de la guerre
ruines de Baalbeck (Bayna Hayakil civile. Aujourd’hui une nouvelle
Ba’albak) (1934). Cette histoire génération de cinéastes traite de sujets
d’amour interdit entre une belle plus variés mais encore marqués par le
touriste étrangère et un émir arabe est traumatisme du conflit. Parmi eux,
également le premier film arabe Ghassan Salhab, Assad Fouladkar,
entièrement réalisé dans un pays de la Danielle Arbid, Philippe Aractingi,
région. Il est produit par la Joanna Hajjithomas, Khalil Joreige, et
«Films Lumnar » première société de Nadine Labaki dont le nostalgique
production locale. Après la seconde Caramel connait un grand succès
guerre mondiale, le Liban obtient son commercial en 2007.
indépendance et accueille de nombreux
réalisateurs égyptiens séduits par ses Syrie
paysages et fuyant le fisc de l’époque
nassérienne. Les producteurs et Les syriens découvrent le cinéma dès
distributeurs locaux influencent donc la 1908 à Alep et 1912 à Damas, grâce à
production du géant égyptien, des projectionnistes turcs alors que le
majoritairement composée de pays est encore sous domination
comédies musicales légères jusqu’à la ottomane. C’est Habib Chammas,
guerre civile de 1975. Les réalisateurs tenancier de café damascène qui
libanais s’essayent également au genre organise les premières projections
avec Safarbarlek (1967) et La fille du régulières au sein de son établissement.
gardien (Bint el Hariss) (1968) de Durant le mandat français (1920-
Henri Barakat dont l’icône nationale 1946) les films turcs et allemands sont
Fayrouz interprète le rôle principal. Le remplacés par des films français et
cinéma d’auteur fait quelques américains, supplantés à leur tour à
tentatives avortées durant les années partir des années 1930 par les
1960 avec notamment Vers l’inconnu productions du géant égyptien qui
(Ila ayn ?) (1957) de Georges Nasser, envahissent tous les écrans du Moyen-
Ailes brisées (Al ajniha al Orient. L’accusé innocent (al-
moutakassira) (1964) de Youssef Muttaham al-bari’) (1928) est le
Maalouf ou Garo (1965) de Gary premier film muet syrien produit par
Ayyub Badry. Ce n’est qu’après les tournages de réalisateurs étrangers.
l’indépendance de la Syrie en 1946 que Le film bédouin Fitan wa (et) Hassan
le premier long métrage parlant voit réalisé en 1953 par Haydar al-Omar est
enfin le jour. Lumière et ténèbres (Nur le premier long métrage
wa zalam) (1947) est réalisé et produit authentiquement irakien. Après le coup
par Nazih Shabandar. L’absence d’Etat militaire qui renverse la dynastie
d’infrastructures, de capitaux ou de Hachémite en 1958 le nouveau régime
formation ainsi que la censure met en place un secteur public du
empêche l’émergence d’un vrai cinéma cinéma « L’Organisation générale du
national jusqu’au début des années cinéma et du théâtre ». Quelques
1960. La création de l’Organisme réalisateurs s’y illustrent
général du cinéma en 1963 permet de particulièrement comme Shukri Jamil,
subventionner le septième art, de le Fayçal al Yassiri, Qays al-Zubaidi et
doter d’infrastructures et de former des Qassem Hawal. La guerre Iran Irak
techniciens. Le cinéma est alors avant (1980-1988), la guerre du Golfe
tout perçu par le parti Baath comme (1990-1991) ainsi que le long Boycott
une arme de propagande. La plupart qui va suivre anéantissent les réserves
des auteurs réalisateurs syriens du pays et freinent le développement
parviennent cependant à se former en de son cinéma.
URSS grâce à des bourses allouées par
l’OGC, c’est notamment le cas de Palestine
Mohamed Malas, Samir Zikra, Nabil el
Maleh, Raymond Boutros ou Il faut remonter jusqu’en 1935 pour
Abdellatif Abdelhamid. Le cinéma dater le début du cinéma palestinien
syrien est aujourd’hui reconnu dans les dont le père fondateur est Ibrahim
festivals internationaux grâce à une Hassan Sirhan. Ces premières
poignée de réalisateurs, il peine tentatives cinématographiques seront
cependant à exister localement et est arrêtées net avec le premier conflit
menacé de disparition faute de moyens. israélo-arabe de 1948. Cette année
Seul le très populaire acteur réalisateur qualifiée d’année de la Nakba
Dureid Lahham parvient à obtenir (catastrophe) voit l’exil de nombreux
reconnaissance et succès commerciaux palestiniens qui vont se réfugier dans
en Syrie et dans les pays voisins. les payes arabes voisins. La deuxième
période va de 1948 à 1967, c’est une
Irak période creuse, de silence où très peu
de films sont produits. Elle s’achève au
La première projection publique a lieu moment de la guerre des Six Jours et
en Irak dès 1909 et de nombreuses de la montée en puissance de l’OLP
salles de cinéma fleurissent dans le (Organisation de libération de la
pays, elles projettent des films Palestine) organisme à l’origine du
occidentaux ou égyptiens. C’est après cinéma révolutionnaire de la troisième
la seconde guerre mondiale que naît un période. Ce cinéma d’exil est
cinéma national avec la création du principalement basé à Beyrouth, au
« Centre d’information pour le théâtre Liban, lieu de refuge des membres de
et le cinéma » qui co-produit avec l’OLP. Plus d’une soixantaine de
l’Egypte deux drames sociaux Le fils documentaires à la gloire de la
de l’Orient (Ibn al sharq) (1946) et Le résistance palestinienne sont produits.
Caire-Bagdad (al-qahira-Baghdad) Cette période va s’achever en 1982
(1947). Le Bagdad studio créé en 1948 avec l’invasion israélienne de Beyrouth
avec des fonds privés accueille surtout et la fuite des membres de cette
organisation. La quatrième période qui mettent en scène tous les grands
s’étend des années 1980 à nos jours, chanteurs populaires comme Farid El
est marquée par le retour des cinéastes Atrache, Chadia, Muhammad Abd
dans les Territoires palestiniens et al-Wahhab, Oum Kalsoum, Layla
leur réappropriation du cinéma, Murad ou Sabah. Certains films
notamment et paradoxalement grâce au marquent l'époque comme la Rose
système des co-productions blanche (1932), de Muhammad Karim,
européennes. Ce nouveau système de et Widad d'Ahmad Badrakhan, premier
financement va permettre un cinéma film musical dans lequel chante Oum
plus personnel, loin des priorités des Kalsoum. Le cinéma égyptien
organisations politiques qui dominaient s’exporte dans tout le Moyen-Orient.
les œuvres de la période précédente, Ce succès va d’ailleurs handicaper
ses ambassadeurs les plus prestigieux l’émergence des autres cinémas de la
sont Michel Khleifi, Elia Suleiman, région dont le marché est submergé par
Hani Abu Assad, Rachid Masharawi les productions égyptiennes. Dès 1936
ou encore Annemarie Jacir. des films égyptiens sont sélectionnés
au festival de Venise. Jusqu’aux
EGYPTE années 1940 ces films sont
principalement des comédies ou des
Les premières projections mélodrames où les personnages
cinématographiques ont lieu en Egypte principaux doivent surmonter des
dès 1896 et de nombreux cinémas sont obstacles afin de pouvoir s’aimer
construits à Alexandrie et au Caire librement. Lachine réalisé par
avant la première guerre mondiale. l’allemand Fritz Kramp en 1938 et
La présence des troupes britanniques produit par les studios Misr cause de
en Egypte durant la guerre permet aux sérieux conflits avec la censure mais
habitants de découvrir les productions est unanimement salué par la critique.
cinématographiques européennes et L’année suivante La Volonté (Al-
américaines. La production locale Azima) (1939) du réalisateur égyptien
démarre dès 1917 avec la comédie Kamal Sélim lance le courant réaliste.
satirique Le fonctionnaire de Après la révolution nassérienne de
Muhammad Bayyumi, plusieurs longs 1952 le cinéma bénéficie du soutien
métrages vont suivre. Mais c’est avec étatique. La monarchie est abolie et les
l’avènement du parlant que la réalisateurs s’intéressent à l’Egypte
production égyptienne va « réelle » dans un cinéma patriotique,
véritablement prendre son essor durant historique ou social. L’institut du
les années 1930. En 1932, Awlad al- cinéma est créé au Caire en 1959. En
Zawat, avec Yusuf Wahbi et Amina 1963 les sociétés de production sont
Rizk, est le premier film parlant. En nationalisées et l’Organisme général
1934, Talaat Harb fonde les studios égyptien pour le cinéma voit le jour. Il
Misr, ce qui permettra à l'Égypte finance 153 longs métrages, le plus
d'avoir des studios comparables aux souvent des films d’auteurs produits à
principaux studios Hollywoodiens. De perte et peu diffusés par les exploitants
nombreuses salles sont construites dans de salles qui craignent leur manque de
les grandes villes égyptiennes et dans rentabilité. Ces films abordent des
les pays arabes voisins ce qui permet thèmes peu explorés jusque-là comme
d’exporter la production locale. Le la paysannerie, les femmes, la question
cinéma devient le secteur industriel le palestinienne ou les menaces de
plus profitable après le textile. Les l’impérialisme. Les années 1970
comédies musicales des années 1930 marquées par la disparition de Nasser
sont le théâtre de profonds Iran par ‘Ali Daryābigi, lui-même
bouleversements sociaux. De nouveaux formé en Allemagne. Il fonde
réalisateurs s’affirment comme Tawfiq également Pars Films, qui sera l’un des
Saleh, Hussein Kamal, Salah Abou- principaux studios d'Iran jusqu’en
Sayf ou Youssef Chahine. C’est le 1979. Il se lance alors dans la
travail de ce dernier qui est le plus production de nombreux films
connu à l’étranger durant les années commerciaux inspirés des modèles
1970 et 1980. De nouveaux thèmes égyptien, turc et indien. Entre 1949 et
apparaissent et de nouveaux ennemis 1955, cinquante-huit films sont
sont dénoncés: la corruption, le produits en Iran. Au début des années
matérialisme, la désintégration de la 1960 de nombreuses institutions pour
famille, l'ouverture économique. La la promotion du cinéma voient le jour.
production connaît une "nouvelle Le département du cinéma au sein du
vague" à la fin des années 1980 avec ministère de la culture est crée en
des réalisateurs tels que Mohamed 1964, la faculté pour la télévision et le
Khan et Yousri Nasrallah. Malgré la film ainsi que l’Union des industries
concurrence télévisuelle le cinéma du film iranien le suivent de près.
égyptien garde une production élevée Plusieurs festivals sont organisés. Un
soutenue par le marché arabe, son nouveau courant cinématographique
rayonnement a permis de conserver commence à s’imposer à la fin de la
l’influence culturelle et linguistique de décennie, celui du cinéma dit
l’Egypte dans tout le monde arabe avec motefavet. Il s’agit d’un cinéma plus
notamment un dialecte compris de réaliste influencé par le cinéma
tous. moderne et qui refuse les conventions
imposées par le cinéma commercial de
IRAN l’époque précédente. La décennie
suivante est marquée par les
Le cinématographe fait son apparition adaptations ainsi que par cette nouvelle
en Iran dès l’année 1900. Les premiers vague iranienne. Les réalisateurs les
films réalisés et projetés à la cour sont plus reconnus de cette époque sont :
des commandes du Shah. En 1904 Dariush Mehrjui, Sohrab Shahid
Mirza Ebrāhim Sahhāf-Bāshi ouvre la Saless, Bahram Beyzai, Parviz
première salle de cinéma. A partir des Kimiavi, Abbas Kiarostami, Ebrahim
années 1920 les salles de cinéma se Golestan, Farrokh Ghaffari, Bahman
multiplient dans la capitale et en Farmanara ou encore Nasser Taghvai.
province. Ce n’est cependant qu’en Un mouvement de réalisateurs de
1928 que des salles mixtes sont créées, courts métrages inspirés par le free
les hommes et les femmes sont assis de cinema anglais se développe
chaque côté de la salle séparés par une également. Ce mouvement super 8
allée. Khan Baba Mo'tazedi, Avanes basé sur l’auto-production donne
Ohaniān et Ebrahim Moradi sont les naissance à un millier de films au cours
pionniers du cinéma muet iranien. En des années 1970. Le cinéma iranien
1932, Abdolhossein Sepanta, réalise survit également à la révolution de
Dokhtar-e Lor (La fille Lor) le premier 1979, même si les mollahs l’associent
film parlant iranien. Il y interprète à l’influence occidentale corruptrice.
également le rôle principal. Le film est Khomeini considère que le cinéma
cependant réalisé en Inde avec des peut être bénéfique s’il est bien utilisé
techniciens locaux. En 1947 Esmail et veut s’en servir comme instrument
Koushan produit Tufān-e Zendegi le idéologique pour islamiser la société.
premier film parlant iranien réalisé en Les films doivent donc s’adapter à la
loi islamique, et certains sujets sont servir afin de promouvoir le jeune Etat.
totalement bannis de la production Les institutions sionistes débloquent
iranienne durant la première décennie des fonds et réalisent des films de
suivant l’instauration de la république propagande. C’est l’image que le
islamique comme les femmes ou peuple israélien veut offrir de lui-
l’amour. Après l’élection de même au monde entier qui est entrain
Mohammad Khatami en 1997 ces d’être élaborée durant ces premières
règles s’assouplissent et le cinéma années. Durant les années 1950, les
iranien commence à être reconnu par la longs métrages de fiction produits par
critique internationale. Cette même des producteurs israéliens
année Le goût de la cerise (Tam-e indépendants remplacent peu à peu les
Gilas) d'Abbas Kiarostami obtient la courts métrages de propagande. En
Palme d'Or du festival de Cannes. 1960, la première loi en faveur du
D’autres jeunes cinéastes obtiennent cinéma israélien voit le jour. Cette loi
une consécration internationale comme favorise les productions ayant fait un
Bahman Ghobadi récompensé par la grand nombre d’entrées grâce à une
Caméra d’Or en 2000 pour son premier réduction d’impôts de 33% sur la vente
film Un temps pour l'ivresse des des billets. L’influence
chevaux (Zamāni barāye masti-e hollywoodienne est très perceptible
asbhā) ou Samira Makhmalbaf, la fille dans ces œuvres. Le suspense est au
de Mohsen Makhmalbaf, qui réalise La rendez-vous dans ces récits de
Pomme (Sib) en 1998, à l'âge de 18 bravoure de la guerre d’indépendance
ans. ou de celle du Sinaï. Le voisin arabe,
totalement occulté dans les films de la
ISRAËL première période est ici bel et bien
Le cinéma israélien voit le jour durant présent. Ennemi implacable des Juifs il
la période pré-étatique au sein de la constitue le principal obstacle à la
communauté juive de Palestine des réalisation du projet sioniste. Durant
années 1920. Le père fondateur de ce les années 1960, l’image nationale
cinéma, s’il ne faut en retenir qu’un, codifiée des premiers films se fissure,
est Yaacov Ben Dov. Ce cinéphile la composition sociale plurielle se
propriétaire d’un magasin d’appareils révèle enfin à l’écran grâce à un
photo à Jérusalem filme dès 1918 les nouveau genre cinématographique qui
moments forts vécus par la va connaître un grand succès
communauté juive de Palestine comme commercial durant deux décennies,
la visite de Churchill ou l’inauguration celui des films Bourekas. Ces films
de l’Université hébraïque de permettent enfin de représenter les
Jérusalem. Ben Dov va tourner une Juifs orientaux à l’écran, pour leur plus
trentaine de courts métrages grand plaisir puisqu’ils remportent un
documentaires dont la majorité est énorme succès commercial. Sallah
sauvegardée dans les archives du film Shabati (1964) d’Ephraïm Kishon,
juif à Jérusalem. Les films de cette attire ainsi la moitié de la population
première période sont fortement israélienne de l’époque. Ces films sont
marqués par l’idéal sioniste. Leurs basés sur une intrigue très simple, une
réalisateurs font la promotion de la famille séfarade modeste est
renaissance du peuple Juif et du nouvel confrontée à des problèmes
homme sioniste, par le retour à la terre. économiques, des problèmes qui vont
L’Etat d’Israël est créé en 1948. Ses finir par disparaître notamment grâce à
dirigeants savent que le cinéma peut un mariage mixte qui va les unir à une
mobiliser les masses et veulent s’en riche famille ashkénaze. Un
mécanisme allégorique est donc à est rien. La production israélienne reste
l’œuvre, l’union symbolique entre les très dynamique et aborde sans tabous
deux communautés, par le biais du le conflit israélo-palestinien ainsi que
mariage, résout les tensions des sujets sociaux faisant même des
économiques et communautaires. détours par le cinéma de genre. Le
La guerre des six jours et la cinéma israélien est aujourd’hui diffusé
prospérité qui suit ne font que dans de nombreux festivals
renforcer cet optimisme national. internationaux ainsi que dans les salles
L’époque n’est plus à la mobilisation de cinéma, ses ambassadeurs les plus
idéologique, une nouvelle génération réputés sont Amos Gitaï, Avi
d’artistes influencée par la nouvelle Moghrabi, Eran Riklis ou encore Keren
vague française, veut donner une Yedaya.
nouvelle place au cinéma d’auteur
jusque-là inexistant en Israël. Cette MAGHREB
vague de films côtoie les comédies
populaires de la même époque. Si elle Maroc
ne remporte pas le même succès
commercial, elle gagne cependant Le Centre Cinématographique
l’adhésion de la critique qui reste Marocain est créé dès 1944 par les
réfractaire aux films Bourekas. Un autorités coloniales. Après
nouveau système de financement va l'indépendance en 1956 il produit des
permettre aux films de la « nouvelle actualités ainsi que des films de
sensibilité » de voir le jour, malgré leur commande des ministères mais il faut
peu de succès commercial. En 1978 un attendre douze ans avant la production
système de Soutien aux Films de des premiers longs métrages nationaux.
Qualité est créé. Mais la guerre du En 1968 Mohamed B.A Tazi et Ahmed
Kippour remet rapidement en question Mesnaoui réalisent ainsi Vaincre pour
cet espoir fugitif de paix durable. vivre, Abdelaziz Ramdani et Larbi
L’invasion israélienne du Liban en Bennani tournent Quand mûrissent les
1982 précipite cette prise de dattes. En 1969 Latif Lahlou réalise
conscience politique. Cette invasion Soleil de printemps. Durant les années
génère un mouvement d’opposition 1970 dix nouveaux cinéastes réalisent
sans précédent au sein de la société des longs métrages. Le soutien de l'Etat
israélienne. Les artistes s’impliquent se fait cependant attendre jusqu'en
également dans ce mouvement et 1977. La production
prennent conscience des enjeux du cinématographique reste donc assez
problème israélo-arabe. Ils abordent faible, quinze longs métrages en une
alors frontalement la question du décennie. Deux cinéastes s'imposent:
conflit dans de nombreuses œuvres. De Souheil Benbarka et Abdellah
nombreux films mettent en images le Mesbahi. Ce dernier est influencé par
voisin arabe longtemps refoulé. Cette la tradition du mélodrame égyptien et
vague de films se poursuit durant les traite surtout du conflit entre tradition
années 1990 renforcée par l’euphorie et modernité. Benbarka formé à Rome,
suscitée par les accords d’Oslo. Ces fait des films plus intellectuels
œuvres métaphorisent une union reconnus par la critique internationale
encore impossible entre les deux comme La guerre du pétrole n'aura
peuples. L’échec des accords d’Oslo pas lieu (1974). Le public n'est
et la deuxième Intifada en 2000 cependant pas au rendez-vous et les
devaient logiquement mettre fin à cette films de cette veine ne sont quelques
parenthèse cinématographique. Il n’en fois même pas distribués localement.
En 1980 un fond de soutien géré par le s'affirme comme le réalisateur tunisien
CCM est créé pour encourager une le plus prolifique de son époque.
production entièrement marocaine. D'autres artistes de la même génération
Trente-quatre longs métrages sont achèvent rarement plus d'un long
financés en huit ans. En 1987 le fond métrage. En 1981 un fond d'aide est
de soutien évolue en aide sur dossier et créé, basé sur 6% des recettes brutes.
aide après production mais le public Cependant le niveau de production des
n'est toujours pas au rendez-vous et la longs métrages passe à dix-sept durant
fréquentation cinématographique cette décennie. Au milieu des années
chute. Peu de réalisateurs parviennent à 1980 ce sont les coproductions
dépasser les deux longs métrages par internationales et les producteurs
décennie. Durant les années 1990 les indépendants qui jouent un rôle de plus
financements du fond d'aide en plus important dans la production
augmentent et la fréquentation des tunisienne. Tarak Ben Ammar crée les
salles suit. Environ quatre films sont studios Carthago Films à Sousse et
produits par an, grâce notamment à la Ahmed Attia s'affirme comme le
politique de coproduction. Hakim producteur des films de l'âge d'or
Noury est le cinéaste le plus prolifique tunisien qui débute à la fin de cette
de cette période. Il faut également citer décennie. Les réalisateurs qui
Mostapha Derkaoui ou Mohammed marquent cette période sont Abdellatif
Abderrahman Tazi qui réalise en 1993 Ben Ammar, Ferid Boughedir, Ridha
A la recherche du mari de ma femme Behi, Nejia Ben Mabrouk, Mahmoud
une comédie qui attire un million de Ben Mahmoud ou Nouri Bouzid. Le
spectateurs. En 1997 c'est l'arrivée début des années 1990 consolide les
d'une nouvelle génération de acquis de la période précédente, dix-
réalisateurs comme Nabil Ayouch qui neuf réalisateurs produisent vingt trois
réalise cette année là Mektoub, son films. Halfaouine l'enfant des terrasses
premier film. Au début des années (1990) de Ferid Boughedir est un
2000 sept films par an sont financés. succès. Bezness (1992) de Nouri
Bouzid ou Les Silences du palais
Tunisie (1994) de Moufida Tlati sont aussi à
retenir. La production
Les organismes d'Etat fondés en cinématographique tunisienne reste
Tunisie résistent mal à la concurrence cependant très faible par rapport aux
des multinationales dont les films autres cinémas du Maghreb.
dominent le marché intérieur tunisien. Aujourd'hui le problème majeur est le
Le pays a cependant une forte culture manque de salles de cinémas qui ne
cinématographique avec un cinéclub sont qu'au nombre de trente-six. De
actif depuis 1950. L'Association des jeunes réalisateurs font leurs début
Jeunes Cinéastes Tunisiens est créée en dans les années 2000 comme Nidhal
1961, le Festival International du Film Chatta, Khaled Ghorbal, Jilani Saadi,
Amateur de Kélibia a lieu en 1964 et Nawfel Saheb-Ettaba, Nadia El-Fani et
les Journées Cinématographiques de Raja Amari.
Carthage sont créées à Tunis en 1966.
Cette même année, le réalisateur Omar Algérie
Khlifi achève L'Aube le premier long
métrage tunisien. Durant les années De 1957 à 1962 le cinéma algérien est
1970, vingt longs métrages sont d’abord un outil de lutte pour la
réalisés par quatorze cinéastes. Khlifi libération nationale. En 1957 est créé
qui réalise quatre films en six ans le groupe Farid, un groupe de
réalisateurs dirigés par René Vautier, 1993 la production est privatisée et le
un activiste français du FLN. Ils CAAIC est supprimé en 1998. La
produisent l’Algérie en flammes en fréquentation des salles de cinéma
1959. Une si jeune paix (1965) est le chute considérablement alors que la
premier long métrage de l’après situation politique se dégrade dans un
indépendance réalisé par Jacques climat d’insécurité croissant. Le
Charby également activiste du FLN. fondamentalisme musulman prend de
Entre 1965 et 1967 plusieurs l’ampleur et cette situation se reflète
organismes étatiques produisent des dans les films de la décennie. A partir
longs métrages. Le Centre National du de 1995 l’Algérie ne produit plus
Cinéma Algérien (CNCA), l’Office des qu’un à deux films par an. Aujourd’hui
Actualités Algériennes (OAA ainsi que le cinéma algérien ne bénéficie
la Radiodiffusion Télévision toujours d’aucun soutien ce qui pousse
Algérienne (RTA). En 1967 une les réalisateurs à s’appuyer sur le
réorganisation mène à la création de système des coproductions.
l’Office National du Commerce et de
l’Industrie Cinématographiques TURQUIE
(ONCIC) qui produit la quasi-totalité
des longs métrages algériens jusqu’en C’est l’industrie militaire qui est à
1984. Durant les années 1970 la l’origine des premiers documentaires
production augmente et trente-cinq Turcs. L’agence centrale de l’armée
longs métrages sont réalisés. Mohamed pour le cinéma est fondée en 1914. Le
Slim Riad, Mohamed Lakhdar Hamina mariage de Himmet Aga (1919) est le
et Ahmed Rachedi font partie des premier long métrage Turc, Istambul
réalisateurs marquants de cette période. Sokaklart (Les rues d’Istambul) (1931)
A la fin de la décennie l’Algérie a le premier film parlant. Les autorités
produit plus de films que la Tunisie et ne s’intéressent pourtant pas au cinéma
le Maroc réunis. En 1975 Lakhdar comme instrument de propagande, ils
Hamina réalise Chronique des années se contentent d’instaurer une censure
de braise qui remporte la palme d’or extrêmement sévère à partir de 1939.
au festival de Cannes. Après le thème L’Etat ne soutient pas l’industrie
de la guerre, la réforme agraire est le cinématographique jusqu’à la fin de la
second thème abordé par le cinéma de seconde guerre mondiale. Beaucoup
l’époque. Omar Galato (1976) premier de films sont donc des adaptations
long métrage de Merzak Allouache d’œuvres étrangères et de nombreux
s’éloigne de cette tendance, c’est un réalisateurs sont issus du théâtre
portrait de la jeunesse algérienne. comme Vedat Örfi Bengü, Muhsin
L’ONCIC est dissoute en 1984. Deux Ertuğrul Kadri Ögelman, Cahit Irgat,
organisations sont créées pour se Avni Dilligil, Mümtaz Ener, et plus
partager les tâches : l’Entreprise tard Sami Ayanoğlu, Kâni Kıpçak,
Nationale de Production Talat Artamel, Süavi Tedü. La
Cinématographique (ENAPROC) et longueur des dialogues et le jeu des
l’Entreprise Nationale de Distribution acteurs sont la marque de cette
et d’Exploitation Cinématographique influence. L’association des
(ENADEC). Elles seront remplacées producteurs de films obtient en 1948
par le Centre Algérien pour l’Art et plus de facilités fiscales ce qui permet
l’Industrie Cinématographique d’augmenter la production locale. Au
(CAAIC) en 1987. L’Etat n’a milieu des années 1950 le magazine
d’ailleurs plus le monopole de la Sinema (Cinéma) sensibilise les
production cinématographique. En lecteurs au cinéma en tant qu’art. Cette
publication ne survit cependant que
deux ans. Le style des cinéastes se Il n’existe pas véritablement de
modifie également avec notamment les cinémas nationaux dans la plupart des
films de Lütfi ömer Akad. Le coup pays du Golfe. Il n’y a d’ailleurs
d’Etat militaire de 1960 ouvre la voie à aucune salle de cinéma en Arabie
des films dits de « réalisme social » Saoudite où cet art est jugé contraire
avec Gecelerin Ötesi (Au delà des aux bonnes mœurs. Mais cette
Nuits) de Metin Erksan. Namus méfiance envers les images, que l’on
Uğruna (Pour la Vertu) de Osman F. retrouve chez les religieux les plus
Seden, Kanlı Firar (La Fuite traditionalistes n’est qu’en partie
Sanglante) de Orhan Elmas, responsable de cet état de fait. Les
Dolandırıcılar Şahı (le Shah des productions télévisuelles sont en effet
Trompeurs) de Atıf Yılmaz, Kırık fort nombreuses dans la région. Il faut
Çanaklar (Les Pots Cassés) et teşten plutôt incriminer le coût élevé de la
Damla (La Goutte de Feu) de Memduh production de films, l’absence de
Ün. De 1963 à 1975 c’est l’âge d’or formation locale ainsi que le poids de
des studios turcs dont les plus célèbres la censure, autant de facteurs qui
se trouvent dans la rue Yesilam. En dissuadent les aspirants cinéastes. Le
1965 Henri Langlois fonde la festival des cinémas du Golfe dont la
cinémathèque turque. Mais le coup première édition a lieu en 2008 à
d’Etat militaire de 1980 accompagné Dubaï révèle cependant depuis
d’un retour à la censure met à mal la quelques années une poignée de
production cinématographique. Le cinéastes qui évoquent des sujets
nombre de films produits chute sensibles comme le mariage forcé, le
drastiquement passant de trois cent à niqab ou encore la question de la dot.
vingt films par an environ. Yilmaz
Güney dont le film Yol obtient la
palme d’or à Cannes en 1982 permet le
renouveau du cinéma turc ainsi que sa
reconnaissance à l’étranger.
Aujourd’hui grosses productions et
cinéma d’auteur cohabitent, même si
ce dernier reste peu reconnu
localement. Parmi les réalisateurs de ce
« nouveau cinéma » Zeki Demirkubuz
mais surtout Nuri Bilge Ceylan,
récompensé à Angers pour Kasaba
(1998) et Mayis Sikintisi (Nuages de
mai) (2001) ainsi que pour Uzak, grand
prix du jury et d’interprétation
masculine à Cannes en 2003. Le jeune
cinéma d’auteur survit en grande partie
grâce au fond Eurimages du conseil de
l’Europe et nombre de jeunes
réalisateurs turcs tournent de ce fait des
coproductions ou produisent
directement à l’étranger.

CINEMAS DU GOLFE

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