Vous êtes sur la page 1sur 9

Chronique

L'agriculture urbaine,
une chance pour l'aménagement
du Grand Tunis ?
Moez Bouraoui, Pierre Donadieu, André Fleury

« Brume. - Retour à l'Ariana : charmante baine ou incra- urbaine. Les anima teurs décri r l' intri cation d 'espaces agrico les
délicieuse, enivrante chose. Les terrasses d e différe ntes équipes d e recherche dans le tissu urbain , reli e que la révèle
blanches des maisons à volets verts saillis- s'emploient à rendre l'expressio n « agri- un e observation visuelle. Enfin, il pré-
sent au milieu de la verdure, le tout est culture urbaine » moins co ntingence et à sence les résultats d 'une enquête sur les
dominé, en échappées, par des montagnes en examiner les conditions de généralisa- représentations et pratiques soc ia les
bleues ; champs d'oliviers, caroubiers tion. C'est, encre autres, la position de actuelles d es habi ta nts dans l' es pace
énormes, des haies de nopals (figuier de l'agence The Urban Agriculture Network rural/agricole tunisois. Mise en perspec-
Barbarie) où les feuilles, vieillissant, sont (TUAN), créée en 1989, qui cherche à tive, la synthèse devrait permeccre d'éva-
devenues des branches. » favo riser le échange d'expériences [l]. luer si, en première analyse, les hab itants
Gustave Flaubert Ce rce réflexion gagne les vi lles ara bes parragenc le projet urbai n acmel er ses
Voyage à Carthage, 1858 méditerranéennes, au concexre culturel et modal ités de réalisation ou si leurs pra-
historique différent, malgré des conver- tiques de l'espace ou leurs déclarations
gences évidences dues à l' histo ire colo- suggèrent l'attente d'une autre manière

D
epuis plus d ' un e ce ntaine
d'années, chez certains urba- niale de la première moitié du x:xe siècle, de fai re la ville, norammenc en y inté-
ni s tes théoriciens co mm e aux d éter min a nts de l'ur b an isatio n grant les aménités de l'espace agri co le
E. Howard , J. Greber, modern e (flux routiers, place de l'espace péri urbain.
J. D eryng, etc., la planification urbaine verc public) er aux incenses traditions
prend e n compte l'agriculture com me d'échange encre les grandes cirés mari-
instrument d 'am énagem ent de la vill e. times de la Méditerranée. D es travaux
C'est ainsi qu'est né le vocable « agricul- relatifs à l'agriculture urbaine de l'a ire De la médina
ture urbain e », qualifiant cerce agricul- méditerranéenne so nr réalisés au Proche-
tur e qui ré pond à un e co mm a nd e Orienc (Beyrouth, Gaza), à l'initiative de au Grand Tunis,
urbaine. Il est acruellem enc appliqué à ]. Nasr (comm. pers.) , et au Maghreb,
deux concexces bien différents : celui des avec le concours de l'équipe Agriculcure un siècle d'histoire
Urbai ne (ENSP/INRA). Le programme
villes occidentales, qui cherchent à
répondre a ux as piration s de le ur s de recherche sur la métropole cunisoise,
urbaine
citoyens de disposer d'espaces de nature e n gagé en 1998 , s ' inscrit dan s ce
proches de leurs lieux de vie, et celui des co ntexte. Il témoigne d ' un e nouvelle Trois références so nt parti culi èreme nt
villes tropicales, oü les préoccupation s prise de conscience de l'enri chissement utilisées pour cerce analyse [3-5], ainsi
alim entaires et de gestion des déchets que l'agri culture pou rrait apporter au que la connaissance perso nnelle d' un des
Favorisent l'agriculture vivrière, périur- projet d'aménagemenr de la vill e. Il a fai t auteurs, citoyen de la ville.
l'o bjet de séminaires, cenus en 1999 à
l'Institut national agro nomique de Tunis Les grandes étapes
et à !'École supérieure d'horticulture et
d'élevage de Chon Mariem, ainsi que de l'expansion
M. Bouraoui, P. Donadieu, A. Fleury : d' un cravail de thèse [2]. de la métropole tunisoise
ENSP, Programme Agriculture urbaine, Le présent articl e rapporte l'état actuel
Laboratoire de recherche, 10, rue du de l' ag ri c ulture p ériurbai ne et incra- A l'origine, une ville arabe, doublée
Maréchal -Joffre, RP 914, 78009 Versailles
Cedex, France. urbaine dans l'agglomérati o n tuni so ise, d'une ville européenne
A. Fleury : SADIF (unité Systèmes le Grand Tunis, et son implication appa- Le centre vill e actuel de Tun is résulte de
agraires et développement), Centre lnra rence dans le milieu urbai n. li procède la juxtaposition de deux formes urbaines
de Versailles-Grignon . d'abord de manière diachronique, à par- crès con trastées : la médina et la ville
Tirés à part : A. Fleury tir de la bibliographie et de l'étude de européenne, créée à la fi n du XJXe siècle
documents cartographiques se rapportant sous le protectorat français. La ville arabe,
Thème : Systèmes agraires. à l'ensemble du Grand T unis. Ensuite, iJ ou médina, a été édifiée à faible distance

Cahiers Agricultures 2001 ; 10 : 261-9


de la zone marécageuse située sur la rive miques et politiqu . n matière d' urb:1- ciales (entreposage). Corrélaciven1t:lll, de
Est du lac de Tunis. Héritée de la tradi- nisme et d'aménagement du territoire, ils nombreux habitants se sont déplacés vers
tion arabo-musulmane, cerce ville est se sont traduits par une physionomie la ville européenne.
entourée de remparts (sours) et ne s'ouvre nouvelle donnée à la capitale tunisienne.
que par quelques portes sur l'extérieur. Sa En vue de lui donner une image plus Vers le Grand Tunis
protection éraie assurée par l' imposante dynamique et plus moderne, on a La ville a poursuivi son extension en
forteresse de la Kasbah. L'espace urbain d 'abord démoli les remparts pour leur comblant les vides qui séparaient diffé-
intra-muros de cette ville close et com- su bstituer de larges boul evards périphé- rents noyaux urbains. Le développement
pacte est structuré d\me manière radio- riques. Plus tard, ce fut le tour de la Kas- de la cité olympique et la création des
concentrique, suivant une hiérarchie assez bah, qui a laissé la place à un important zones industrielles de Cherguia I et II
rigoureuse. Au cent re, se trouvenr la pôle administratif. L'identité du noyau ont renforcé le pôle urbain Nord de
grande mosquée de la Zitouna er les acti- urbain de la vieille vi lle a ainsi été pro- l'Ariana. Au sud, l'extension de la zone
vités commerciales les plus importances et fondément modifiée. industrielle de Megrine et de Ben Arous
les plus nobles (grand commerce). Puis, Ensui ce, le développement urbain de et l'implantation des quartiers populaires
en périphérie, les quartiers d ' habitats TLmis et de ses banlieues a été planifié. d'EI Mourouj et de Sidi H 'cine Sijoumi
construits autour de patios privés et les De nombreux projets, privés ou éta- ont rattaché le pôle urbain Sud de Ben
activités secondaires (artisanales) s'écalent tiques, ont engendré l'extension rapide Arous à celui de la ville de Tunis. À l'est,
jusqu'aux limites de la ciré où coexis- de la ville qui a bientôt débordé des le développement de la ville d 'EI Aouina,
taient les quartiers les plus pauvres et les limites de la capitale tunisienne. Au l' implanta tion de la ville no uvelle d 'El
activités les moins différenciées. Le tissu nord, elle a rejoint les villes d'El-Manzah Bouhayra et l' installation de la chaîne
urbain de la médina de Tunis est totale- et de l'Ariana, à l'ouest, les nouveaux hôtelière de Gammarth supérieure et de
ment dépourvu d'espaces verts publics. pôles urbains de Bardo, Manouba et Raoued ont créé une continuité urbaine
Peu de temps avant le protectorat fran- Hay Ez-Zouhour ; au sud, elle arreint les rattachant à Tunis le banlieues Nord et
çais, l'espace urbain runisois couvrait un zones industrielles nouvelles de Megrine Esc. Enfin à l'ouest, l'extension des quar-
territoire de 260 hectares dont et de Ben Arous. La comparaison des tiers résidentiels d'EI-Manzal1 (III, fV,
23 1 construits [6]. recensements de 1956 et 1975 illustre le V, VI, VII et VIII) , la création de la
À la fin du xrxe siècle, le pouvoir colo- développement démographique de Tunis zone indus cri elle de Ksar Saïd et le
nial décide de créer une ville neuve, dire et de ses banlieues : la population passe développement de la ville de Manouba
ville européenne . Implantée entre la de 550 000 à plus de 870 000 habitants et de e environs ont conforté toute la
médina et le lac de Tunis, en direction [3]. masse urbaine Ouest de Tunis. Désor-
du port, elle est édifiée sur des terrains Les projets privés ont été très variés. De mais, cet ensemble urbain forme ce que
vaseux conquis sur la lagune et des terrains nouveaux quartiers d'habitat ont été édi- l'o n appelle le Grand Tunis, d ' une
agricoles rachetés à la « Djemaïa des fi és à la périphérie Nord et Ouest de la superficie de 360 000 hectares er peuplé
Habotis », organisme foncier qui gérait les ville européenne (les quartiers au nord de 1 850 000 habitants [9].
biens des fondations pieuses. Cette ville de Belvédère et les quartiers d'El-Man- L'organisation spatiale du Grand Tunis
adopte d'emblée une forme moderne. Son zah I et II). Des résidences secondaires se voit maintenant renforcée par un
cenue montre surcout des immeubles col- ont été construites dans les banlieues important réseau via.ire. Le processus de
lectifs ; à faible distance, un habitat de vil- Nord et Esc, mais plus particulièrement périurbani sat ion est partout visible :
las est dominant. En contraste avec la dans les villes côtières relies La Marsa, implantation de l'habitat nouveau bien à
médina, les espaces verts y sont abondants Sidi-bou-Said, Carthage et la Goulette, l'extérieur de la ville ancienne, relocalisa-
et de nature variée. Au nord-ouest, le vaste ainsi que dans les petites villes sur la côte cion périphérique d'équipements publics,
parc du Belvédère, créé en 1890, étai t des- Sud (Rades, Ez-Zahara et Hammam- relie !'Éco le de Médecine de Manouba.
tiné à l'ornement de la ville et à l'usage Lif), à l'initiative de la classe moyenne. Les deux étendues d'eau contiguës, le lac
public de loisirs [7] . Les villas occupent Dans le cad re du programme de déve- de Tunis et El Bhira, que sépare la digue
souvent le milieu de leur terrain ; en loppement couristique de la région, de support du métro TGM et d'une voie
façade, un jardin d'entrée est bien visible somptueux hôtels ont été créés sur la rapide, sont devenues le centre géomé-
de la rue, alors que le jardin arrière est côte Nord et plus particulièrement à trique de la vi lle. Sur la rive Nord du lac
d'usage strictement privé. La construction Carthage et La Marsa. de Tunis se construit la Ciré du Lac,
de la ville neuve était entièrement achevée De son côté, l'État a entrepris un impor- consacrée à l' habitat et au loisir (parc
à la fm de la première décennie du xx• tant programme de démolition des d 'a ttractions Dahdah) . De nouvelles
siècle. D 'al lure moderne et uacée selon « gourbivilles » (ensemble d'abris de for- zones d'activité, surtout tertiaire, sont
une trame orthogonale, cette ville impor- tune, généralement en rôle) de la péri- apparues à proximité, en particulier près
tée d'Europe a profondément bouleversé phérie de Tunis; la population a été de l'aéroport de Tunis-Carthage.
le paysage urbain de Tunis, en particulier relogée dans des cités populaires
dans sa partie orientale. construites en périphérie [8]. ce qui a Les espaces ouverts
beaucoup favo risé l'extension en surface
dans la ville,
De l'indépendance à 1970, de Tunis [3].
une première vague Enfi n, la médina a été transformée. Une une question nouvelle
de croissance urbaine partie de ses cours intérieures one été
L'indépendance (1956) a donné le signal ouvertes au public (cafés, restaurants, En contraste avec la continuité de l'urba-
d'importants changements constitution- cen cres cul rurels , etc.) ou dédiées au nisation, le maintien d'espaces ouverts,
nels, législatifs, juridictionnels, écono- développement de fonctions commer- non bâtis, n'est guère apparu comme un

Cahiers Agricultures 2001 ; 10 : 261-9


souci majeur ; de nos jours, de nouveaux L'émergence de nouveaux points certaines conditions de qual ité, l'espace
po in es de v u e émerge n t cepe nd a n t. de vue culti vé y contribue, acquérant alo rs un
L'agriculture a naturellement été absente E n cr éa nr en 199 1 le min is tère d e autre statut que celui de vide urbai n au
de ces évolutio ns, en laissant urbaniser l'Enviro nn em ent et d e l'Am énage ment comblement inéluctable.
son es pace. d u territoire, les po uvoirs publi cs ont
témoigné d 'une prise de conscience nou-
Une régression continue vel le des conséquences do mmageables de
des espaces agricoles la consommation des espaces no n bâtis. l'agriculture
D e faço n gé nérale, l'extensio n de la ville Le pays s' inquiète aussi d e la diminu tio n
s'est faite aux dépens d 'espaces occupés de la surface cultivable par h abitant, due avec la ville,
par d es activités ag ri coles . Les espaces à l'accro issement d ém ographique, à la
cul rivés so nt prog ress ive ment enclavés perte en surface agri cole ec à l' inadéqua- une nouvelle
en tre ce fro nt er les villages extérieurs tio n de certaines su rfaces aux techniques
pé riurb an isés . M êm e si les multipl es mod ern es de production [12] . construction sociale
ramificatio ns de l'urbanisation favo risent L'expressio n de « ceinrure ve rte » a alo rs
la co mpénétration des es paces cul tivés et écé introdui te dans le vocabulaire d e la et spatiale
bâtis, cela ne semble pas induire pour plan ificatio n urbaine. On a notamment
autanr de rapports particuliers entre ces mi eux tenu co mp te d e la variabilité des
form es d 'occupatio n. D 'ailleurs, le pre- potentialités agricol es, en allo uant préfé- D ans une vill e en expansion, les quar-
mi e r plan directe ur d e la rég ion d e rentiellem ent l'urban isati on aux zo nes tiers se diffé rencient socialement et fo nc-
Tunis (1962) ne se préoccupai t pas des in cul tes ou peu productives, et en proté- tio n nellemenc, surto ut dans Je cas d ' une
es paces périphériques de la ville [l O], de geant les espaces d 'agriculture intensive ville ancienne et m aritime comm e Tunis
fait considérés comme vides, et se consa- (vergers ou zo nes de maraîchage) et les qui assume de nos jours d es fo nctions
crait surcout aux infras trucrures u rbaines zo n es équ ipées d 'ir ri ga ti o n , mod e métropolitaines. Son habi tabilité est liée
habiruelles. d' intensification essentiel dans la région. m ainren ant à un d o uble gradi ent : le
L a d es tin ée du J a rd in d 'essa is es t Dans le même esprit, la co nservatio n des centre comm e il l'a to ujours été, et le
d 'aill eurs révéla tri ce. C réé il y a plus sebkhas est m aintenan t ass urée dans le vois in age d e la m e r (cô te Es c). On
d ' un siècle aux fins d e tes ter d es es pèces cadre d' une po litique nationale des zo nes co n state en co nséqu e nce un e g rande
n o u v ell es d ' int é rê t éco n o m i qu e ou humides, en phase avec les principes diversité sociale et des contextes écolo-
o rn em ental , il avait connu un premier ad optés internatio nalemenr (Convention giqu es va riés encre les qua rtie rs ; cela
d ém embre ment d ès ava nt la Seconde d e R a m sar, 1971) [ 13] . Ces zo n es d éterm in e d eux gra ndes zo n es périur-
G uerre m ondial e ; la partie proprem enr humides caractéristiques constituent en ba in es , diffé re ntes par les pro cess us
ag ri co le ava it é cé repoussée au nord. effet des espaces remarquables par leur d 'urbanisation en cou rs (figure), l' une au
Elle n'existe plus maintenant qu'à tra- organisati on spatiale concentrique : le lac nord et à l'est, marquée de l' influence de
vers la présence symbo lique d es insciru- d 'eau sa um âtre au cenrre, un premier la mer, l'autre au sud et à l'ouest, proche
ti o ns d 'e nse ign e m ent et d e rech erche anneau, zone de bacrem enr de l'eau entre de zo nes rurales .
agron o miqu e. À la fin des années 7 0 ses ni vea ux bas en é ré et haut en fin Le maintien de l'activité agricole dans de
sub s ist a ie nt en co re à l' es r quelqu es d ' hi ver, ec un e périphérie cultivée, géné- fumres co upures ve rres d ' urbanisati o n
es paces agricoles (l es o rangeraies d e D ar ralem ent en céréales. po urrait enri chir les paysages, un peu
Facial et de Sidi-Frej, les ch amps d e blé U n remarquable dynamisme a transform é comme le fait le bo rd d e mer actuelle-
de Bh ar El Azreg et les culwres m araî- l'ancienne capitale de la Régence en une rn e n t. Cepend ant, l'avèn e ment d ' un e
chères de Sidi-Dao ud, du Tabeg et d e vaste agglomération. Procéda.n t par agréga- agri culture urbaine n'est pl ausible que si
H ay Moh a med Ali) qui sép araient la tion progressive des noyaux urbai ns ou vil- elle es t culturell em ent et social em en t
ville d e Tunis de Soukra et d es villes d e lageois périphériques, il en est résulté un acceptée. C'est ce q u' il fau t main tenant
la côte [2]. tissu urbain continu. À l'instar d 'autres examiner, grâce à ce que peut suggé rer
Corollai rem ent, on co nstate la moindre métropoles, la questio n se pose mainte- une observa tion directe et à ce que peu t
autonomie alimentaire de la capitale. Les nant de son habitabilité, au sens de la qua- établir une enquête d 'o pinio n.
espaces agri coles jadis d édiés à l'approvi- lité d ' un endroit dont l'am énage ment
sionnement en produits périssables ont invite et autorise l'appro priation par des
largement régressé, puisqu'il n'en subsiste h abitants de cultures di ffé rentes impli- l'observation des relations
que 15 5 000 hectares [2]. Avec plus de quant des rites de propriétés différents spatiales entre ville
60 000 hectares, la céréaliculrure couvre [14]. Cerce idée commence à engendrer et agriculture
la plus grande partie de la surface agricole une ré fl exion di ffé ren te, impliquant la
utile (SAU) . On trouve cependant encore révision des principes actuels d 'urbanisa-
d 'autres rypes d e culrures d 'importance tion. Certes, on ne pense guère à associer À parti r des documenrs cartographiques
non négligeable comme les cultures frui- les zones d'agricultu re à la constructio n de e t d 'élé m ents recu eilli s par l' un d es
ti ères (45 000 h ec t ares), fourr agè res la métropole run isienne ; des boisem enrs auteurs, un it in éra ire d e re pérage d e
(23 000 hectares) et surcout maraîchères relativement récents, visiblement créés aux l'état actuel d es franges urbaines a été
irriguées (1 0 000 hectares) . Ces dernières dépens des champs voisins, l'attestent. Si éta bli er parco uru , a fin d e se re ndre
fo nt du Grand Tunis une des régions les l'a.n1énagemenc de coupures ve rtes d 'urba- compt e de visu d e la pe rs is ta nce d e
plus productives de légumes de la T un isie nisation, solution probable, commence à for m es d 'agri culmre viva nte o u rel ic-
[11 ]. être envisagée, on peut im aginer que, sous ruelle d ans ces espaces.

Cahiers Aaricultures 2001 : 10 : 261-9


Cette zone périurbaine se pr ése nte
• Tissu périurbain N comme une campagne résidentielle pour
D Tissu urbain
Espaces industriels A une population aisée er cu ltivée. Elle se
distingue par l'absence de zones indus-
trielles, l'abondance d ' hôtels de luxe,
mais aussi par des espaces cultivés tenus
par quelques exploitation s agrico les
d'apparence très actives. Le tissu urbain
est composé de grandes résidences d'une
architecmre remarquable, tantôt arabo-
musulmane, rancôc occidentale, avec des
piscines au milieu d ' un jardin d 'agré-
ment ou d'un vaste jnan. Le mot jnan
désigne un cype raditionnel de luxueuse
résidence privée : la riche maison est
entourée d'un potager et d'un verger,
formant un jardin productif animé par
le circuit d'eau des séguias ; sa surface
dépasse parfois trois hectares. Les oran-
geraies bi en connues de la plaine de
Soukra sont ai nsi intégrées à des jnans
de grand luxe , à l'archireccure recher-
chée (photo 1); elles cournenr quelque-
fois à l'agriculrure de loisir, ce que
révèle la diversificacion de la populacion
d'arbres par d 'autres fruiciers ec des
ornemen rai es . Les règles locales de
construction concribuenr à créer ce pay-
sage urbain en imposant un terrain d'au
moins 112 heccare, un faib le coefficient
d 'occupacion du sol et un usage srricre-
Figure. Zones périurbaines dans le Grand Tunis.
menr résidenciel.
Dans la zone périurbaine Nord et Est,
Figure. Periurban areas in Greater Tunis.
l'agriculture occupe encore de grands
espaces ; mais il s'y manifeste des signes
de dégradarion (mirage, friches , etc.) qui
Au nord et à l'est:
une campagne résidentielle
Jadis parsemée de pecits noyaux urbains
résidentiels ou balnéaires (Sidi-bou-Saïd,
Carthage, La Marsa ecc.), de villages
ruraux maraîchers ou fruiciers (Souk.ra,
Gammarch, etc.), de plaines céréalières
(Ariana, Raoued, etc.) ec de massifs
foresciers (Rades, Raoued, ecc.), la cam-
pagne des lictoraux Nord ec Est de Tunis
esc aujourd'hui occupée par un arc
urbain, coupé çà et là par des espaces
agricoles et foresciers. À une vingcaine de
kilomècres de Tunis, cec arc conscicue
désormais la zone périurbaine Nord et
Esc de l'aggloméracion. Elle s'écend de la
forêc de Rades jusqu 'à la sebkha de
l'Ariana en passanc par la côte hiscorique
de la ville de Carchage, le village pitto-
resque de Sidi-bou-Saïd, les espaces
maraîchers de Sidi-Daoud, de Bhar-EI-
Azreg ec de Tabeg, séparant la ville beyli-
cale de La Marsa des orangeraies de
l'ancien bourg de Soukra, ec par les Photo 1. Un jnan à Soukra (cliché P. Donadieu) .
montagnes boisées de la ville de Gam-
marth. Picture 1. A modern jnan (traditional stately home in the middle of an orchard) in Soukra.

Cahiers Aaricultures 2001 ; l O : 261-9


suggèrent une autre évolution urbaine. Photo 2. Habitations
libres dans la zone
Les systèmes agrico les visibles appartien- de Sidi H'cine (envi-
nent à deux registres : rons de Tunis ) (c li -
- arbo ri culture (olivier) ; certai nes ol ive- ché P. Donadieu).
raies sont encore bien entretenu s,
d 'autres semblent négligées, peur-être en Picture 2. A street of
hous es built without
vo ie d 'abandon; planning permis sion
- cé réa li culture (o rge), co nduire e n in Sidi H'ci ne area.
grandes parcelles.
Il s'y ajoure des usages annonçant la
régression agr ico le: d ' un e parc, des
champs déjà enfrichés servem de par-
cou rs à mourons, en plus de la vaine
pâture des chaumes (les quelques trou-
peaux entrevus vont de plusieur dizaines
à plus d'une centaine de têtes) ; d'autre
parc, la présence de boisements récents
impl a ntés à proximité d 'axes ro uti ers
laisse supposer une intention d ' urbanisa-
tion à terme, mais en maintenant des
espace verts arboré .

Au sud et à l'ouest,
la progression libre
d'un habitat modeste
Un autre arc urbain s'est développé ur
les terres ag ri co les proches des zo nes
industrielles ud et Ouest de l'agglomé-
ration. Plusieurs formes d'hab itat y so nt
visibl es.
Tour d 'abord , l'habitat planifié des lotis-
sements de la série El Manzah, au nord-
o ues r, présente un e assez forte
compacité : il ne semble guère y avoir
d'espaces verts publics ou co ll ectifs.
Toute activité agricole en est absente, si
ce n'est quelques parcelles interstitielles,
d'exploitation visiblement très précaire.
On o bserve des zo nes nouvell es d'habita t
illégal en zone agricole proche de la vi lle,
mais à l'écart des routes, sur des terrains
non constructibles ach etés à des proprié-
taires fonciers. Sur la plaine de Sijoumi,
et plus parricul:èremenr du côté de
Anar, Mghira et Sidi H 'cine (photo 2),
l'orga ni sat ion d e ces nouvell es zones
n'est pa sans évoq uer celle de la médina
traditionnelle. Elles sont parfois ceintes
d'un h aut mur presque continu qui
bloque toute communication visuel le et
physique entre le dedans et le dehors ;
leurs rues sont étroites er peu propices à
la circula ti o n a utomobile. Cependant,
elles s'en distinguent profondément par
la faible qualit é architecturale d es
co nstructions et la quasi-absence de la
viabilisation. La démarche de ces squat-
ters est d'attendre la légitimation a poste-
riori par les autorités publiques, indépen- Photo 3. Vestiges d'une olivette à El Mnihla avec le puits au premier plan (environs de Tun is)
damment des documents de planification (cliché P. Donadieu) .
; cela leur permettra d'obtenir l'équipe-
ment de base (eau, électricité, assainisse- Picture 3. Last remnants of olive grove in El Mnihla (a well in the foreground).

ê nhi<>r< Anrir, ,lh ir<>< ?()() 1 · 1 (\ · ?A 1 -0


ment, erc.). De reis nou veaux villages campagne tunisienne et 52 % vivre dans négligence urbaine ? Si cette incompati-
sont é crangers à l' agriculrure locale, une résidence entourée de champs de bilité est ou reste encore fondée, l'agri-
même si les habitants y développent de CLÙtures variées dans un rif non loin de cu lture a peu de chance d'être reconnue
peti rs élevages. la ville, c'est-à-dire un rif péri urbain. comme une infrastructure urbaine.
Des villages-rues, étab li s le long d es Ces résultats incitent à penser que l'on
réseaux publics, montrent une urbanisa- est en face d'un phénomène de société La nécessité d'une nouvelle
tion mieux organisée, moins précaire, roue à fair récent, apparu vraisemblable-
stratégie d'organisation
bien que relativement spontanée. L'agri- ment au cours de ces dix dernières
culture est relicruelle au vois inage même années, et provoqué à la fois par la diffu- et d'aménagement
de la rue ; en revanche, elle reste bien sion de nouveaux modes de vie et par
présence à l'extérieur, présentant un côté des possibilités nouvelles d'accès au rif En périphérie de Tunis et des petites
campagne invisible de la route. Par provincial en général er périurbain en villes voisines, une partie importante du
exemple, la croissance du village d 'El parciculier. Le temps du rif sale er rif témo igne toujours d'une agriculture
Mnihla, à l'ouest d 'El Manar, a isolé une repoussant semble révolu ; c'est une véri- active, fortement menacée par l'extension
oliveraie qui forme encore le côté Sud table nouveauté puisque, il y a encore 15 urbaine. Les agricu lteurs (fellahs) périur-
d'une large place carrée (photo 3) ; un ou 20 ans, aucune attirance envers le rif bains vivent cependant de multiples dif-
puits profond est encore bien visible n'apparaissait [15]. ficultés : pression foncière, cohabitation
bien que hors d'usage er en début de Ainsi, les observations convergent-elles avec les citadins, difficulté d'écoulement
comblement par des déchets ; les pra- pour montrer que le territoire agricole des produits, etc. Aujourd'hui, la fonc-
tiques urbaines de l'espace one fair dispa- recule par les deux mécanismes rencon- tion nourricière du rif runisois, fournis-
raître la pluparr des arbres dont il ne rrés ordinairement, la consommation et seur de produits frais, semble affaibli e
subsiste que quelques individus mori- le mirage de l'espace agricole, d' une part, par la concurrence d'aurres régions agri-
bonds au plus loin de la rue. et la déstructuration des terroirs au voisi- coles plus éloignées. Si elle était recon-
Enfin, l'habitat rural de plaisance se nage de l'urbain , d 'autre part. Le trans- nue comme nécessaire, la préservarion
développe sur la plaine d'El Mhamdiya fert d 'espace agricole au registre d 'espaces des espaces agricoles périurbains et intra-
er de Mournag, au sud de T unis . Ce verrs semble bien limité, même s'il y a çà urbains devrait répondre aux arrentes
type d ' habitat est généralement plus et là boisement. citadines, au-delà de la stricte production
modeste que celui de la plaine de Sou- Cependant, l'observation de l'état spa- agricole. La première fonction nouveJle
kra, mais semble relever du même pro- tial porte sur des effets cumulatifs. esr la gestion durable du territoire urbain
cessus; l'espace agricole enclos du jnan y Quelques indices suggèrent des change- (ceinture verre, poumon ven, etc.) ; les
est bien conservé et clairement dédié à la ments d 'état d'esprit. Le renouveau des autres relèvent d 'un rôle à la fois social
satisfaction des besoins familiaux. Ce jnans suggère un e forme d 'intégration (promenade, loi s irs, détente , fermes
sont des résidences secondaires, cerraines non destructive de formes agricoles pédagogiques, etc.) et écologique (main-
semblant devenir des résidences princi- dans l'espace bâti ; même s'ils ne sont tien de la biodiversiré, recyclage des
pales. guère visibles de l'extérieur, ils construi- déchets verts urbains, etc.). Cerre propo-
sent une limite claire et une transition sition paraît d'autant plus recevable que
L'intérêt des Tunisois harmonieuse entre vill e et campagne. le devenir de l'agriculture métropolitaine
Quant à l' interrogation directe d' habi- semble déso rmais préoccuper les acteurs
pour la campagne tants, elle suggère clairement qu ' un publics et que la population habitante y
nouveau rapport entre le citadi n et est de plus en plus sensibilisée. Le corol-
L'enquête [2] a porté sur les rapporrs l'espace rural/agricole est en train de laire en esr la diversification de l'agricul-
actuels qu 'entretiennent les habitants s'i nstaurer. Il faudra naturellement avoir ture.
avec le rif, la campagne, surtout avec des bases plus solides ; mais ce pourrait
celui de l'espace périurbain. Elle a été être la marque d ' un tournant dans l'his- Les nouveaux
cond uite par entretien semi-directif toire de la culrure urbaine runisoise
contemporaine.
comportements citadins
auprès de 150 personnes. Sans qu ' il
puisse réellement prétendre à représenter envers la campagne
fid èlement la population runisoise ,
l'échantillon a été constitué avec le souci Traduisant w1e attractivité nouvelle ou
d ' une réelle diversité sociale des per- De nouveaux rôles renaissante des citadins pour l' espace
sonnes interrogées. Les principaux axes rural, ils revêtent des formes d 'appropria-
de questionnement portaient sur l'éva- s'annoncent peut-être tion par les citadins de plus en plus diffé-
luation du paysage rural et la projection renciées. On a ainsi observé la persistance
de celui-ci comme lieu d'habitat. pour les espaces des filières courtes d'approvisionnement,
Ces rapporrs évoqués relèvent d'abord de qui mettent directement en relation les
l'esthétique, puisque la plupart des Tuni-
agricoles périurbains producteurs et les consommateurs par Je
sois (58 %) considèrent le rif comme un biais de marchés publics, plus ou moins
lieu calme, beau, naturel , sain et pur. En La vi lle arabo-musulmane est réputée bien équipés, et de vente volante dans les
termes de lieu préféré d'habitat, 63 % étrangère à l'espace vert public. Cela quartiers d'habirarion. Un imérêr culrurel
d'entre eux préféreraient vivre au rif plu- relève+il d 'une incompatibilité profonde pour l'agriculture réapparaît : après la
tôt qu'en vi lle, dont 11 % qui souhaite- entre cette forme héritée et la culture création de la première ferme pédago-
raient s'établir au plus profond de la runisoise, ou seulement d' une certaine gique du parc narurel de Nahli, ['Associa-

Cahiers Aaricultures 2001 · l O : 261-9


rion de amis de Belvédère se propose
d'en implanter une autre dans l'extension
prévue du parc; elle serait orientée vers
l'agriculture bio logique, système tech-
nique peu connu dans la réalité agricole
locale; un agriculteur du nord de Tunis
envisage un projet simi laire dans sa
propre exploitation [2]. On a déjà évoqué
le renouveau de l'habitat dans les franges
rurales que représentent les nouveaux
jnans de la Souk.ra. Enfin, de multiples
autres formes spontanées d'appropriation
de l'espace ouvert se manifestent : le jog-
ger n'esr plus une espèce rare, mais il doit
encore souvent se contenrer des bords de
route au sud de l'agglomération.
Enfin, une autre forme est peut être non
négligeable : beaucoup de délaissés
u rbains (petites parcelles inaptes à la
composition urbaine) sonr exploités par
une agriculture er un élevage interstitiels,
en parciculier dans les quartiers pauvres.
Les micro-troupeaux de mourons sont Photo 4. Vue sur la sebkha de Sijoumi avec vignobles et champs de blé à Sidi-Abdallah El
Méoui (environs de Tunis) .
conduits par des enfants , des vieillards,
quelquefois des femmes à travers le tissu
Picture 4. View of the Sijoumi sebkha: vineyards, orchards and wheat fields at Sidi-Abdallah El
bâti. En de nombreux endroits, le chant Méoui (in the vicinity of Tunis).
des coqs révèle l'existence de petits pou-
laillers domestiques. Dans les villages de
Ra.oued ou d'EI Mnihla, on rencontre
des vaches étiques et des dromadaires, en
pâturage entravés au champ. Il s'agir
alors probablement d'une agriculture de
subsistance [16], destinée à compléter le
revenu, mais qui rappelle aussi l'impor-
tance du mouron dans la culrure arabo-
islamique. Il serait imporram qu 'elle
conserve sa place, et peur-être qu'elle air
le moyen de se développer.

L'agriculture, considérée
comme un instrument
de défense des sites
protégés
Les sebkhas les plus proches de Tunis,
celles de Sijoumi et d 'Ariana , sont
atteintes par la ville. La rive Sud de la
première est déjà construire sur trois
côtés et semble êue un lieu de déverse- Photo 5. Cultures irriguées au nord-ouest de Rao ued: o liviers et maraîchage (environs de
ment d 'eaux usées, alors qu'elle a une Tu nis) (c liché P. Do nad ieu) .
valeur écologique réelle et présente un
paysage remarquable selon les critères de Pict ure 5. lrrigated crops to north-west of Raoued (in the vicinity of Tunis) : olive graves and market
la culture urbaine occidentale (photo 4). gardening.
Elle est abondamment fréquentée par
les oiseaux, en particulier par les fla-
mants roses. Certaines petites îles sont assolements associanr à une base céréa- semble pas intensivement cultivée, mal-
cultivées en céréales, conférant au lieu lière la production de légumes cultivés gré quelques parcelles maraîchères, car
u n cacher singulier et pittoresque. en sec (pomme de terre, oignon, etc.). certains propr iéta ires semb lent avoir
L'agriculture sèche, relativement inten- Paradoxalement, I'ag ricul rure de la préféré une opération financière. Les
sive, présente une grande variété : on zone irriguée de Mghi ra (passage du systèmes irrigués constituent ainsi le
peut voir à Sidi-Abdallah El Méoui des canal Medjerda - Cap-Bon) au sud ne second type de zone à protéger ; c'est

Cahiers Açiricultures 2001 ; 10 : 261-9


d 'autant plus fondé qu ' un investi sse- offre d 'autres moyens d'améliorer la - la conception d e système: agrico les
ment su bstantiel de l'Éta t a déjà été surface verte par habicam. capab les d e ré po ndre à u ne doub le
consenti pour les créer, et que l'eau à L' infrastructure agricole est encore suffi- atten te : être des systèmes agricoles éco-
usage agricole est u n bi en rare à T un is samment présente pour que le processus nomiquement viables, produisant le pay-
et en Tun isie. Ces systèm es irrigués de de construction de campagnes urbai nes sage attendu de l'agriculru re de façon
cultures maraîchères associem à l' in té- [ 17) puisse s'engager. Plus ieurs con di- moi ns coûte use q ue p a r la gest io n
. .
rêt pour l'approvisio nn em ent local un nons sont requises : publique, et capabl es de répo ndre aux
inté rêt paysager, comme au nord-ouest - la protection réglementaire ; le minis- soll icitations des nouveaux marchés;
de Rao ued (photo 5), g u i se trouve tère de !'Agricul ture et celui de l'Envi-
- l'an1élioration d' une accessibi lité res-
en co re i nd em n e d e tout vo is in age ronnement et de l'Aménagement du ter-
pectueuse du public, ce gui implique la
urbai n. Le sys tème de cul ture associe ri co ire sem blent prêts à défe nd re les
protection phys ique des espaces agricoles
deux strates de végétation : la fron dai- investissements hydraul iques, les espaces
ouverts et probablement des modalités
so n d es oliv iers ass u re u n om brage agricoles er les zones humides : l' impo r-
de co-financement local, dans l'esprit des
lége r à l a p ro du ct io n m a raîc h è re tance des espaces agricoles pour le Gran d
conduite en pe ti tes parcell es arrosées à T unis n'est plus à démontrer et l'arbi- Co ntrats territoriaux mis au po in t en
la raie. Une a utre a été n otée à trage entre extensions urbaines et déve- Fran ce.
Manouba et à Oued El Li!, à laquel le loppement agricole doir êu·e une règle de La po pul at ion m é trop o li t ai n e de
le vo isin age de l'aq ued uc romain d e base. Cet arb itrage doit permett re de T u nis , bé néficiant d irecrem en r d e la
Bardo don ne u n cachet singu lier. On y préserve r les espaces agrico les stra té- présence d e l' agri cu lture, deviendra
trouve davantage de serres (tunnels et giques, pour lesquels des mesures conser- alors ac trice de la défense et de la pro-
chapell es) et une produ ction plus di ffé- vato ires et incitatives doivent êrre défi - motio n d e l'ag ri cul tu re urbain e cuni -
renciée, fru itière et florale . nies (18) ; soise •
Dans les deux cas précédents, la moti-
vatio n d 'o rdre éco log iq u e (zo n es
h u mides) et de sécurité alime n ta ire
peut aide r à la protect ion du site .
Cepe ndant, d 'a u tr es espaces posent Summary
dava ntage de ques ti ons q uand, dépo ur-
vus de propriétés singuli ères, ils n'ont
d ' intér êt qu 'en tant que coupures Urban agriculture, a project for Tunis
urbaines. La réponse est alors d 'ordre M. Bouraou i, P. Do nadieu, A. Fleury
urbanisti que ; est-il opporrun de laisser
s'établir une ville continue entre Tunis Modern conceptions of sustainable city development include green spaces
et de la côte Nord-Esr ? Si le choix de (also called open spaces), because of their impact on the quality of urban
la co upure verre était fair, l'agricu lture life. Agricultural areas are increasingly seen as city component, as concerns
bath landscape and food security. Could this trend which is we/1 known in
céréalière et l'élevage extensif seraie nt Europe, apply to a city such as Tunis, which is bath a Mediterranean har-
les systèmes agrico les les p lus aptes à bour and the capital of an Arabian country?
tenir l'espace. A century aga, a European-shaped new town was built near of the old medina.
These two sectors were very different, especial/y as far as green spaces are
concerned: scarce and always private in the old city, numerous and public or
private in the modern sector. Since its independence, the city has been left free
Conclusion to grow steadily at the expense of surrounding rural areas. Moreover, over
recent years, a new urbanisation centre has taken from on the eastern coast, at
about 15 km from the old centre. This new sector is based on tourism. There
D e façon générale, des raiso ns objec- are still fields, some orchards and low quality meadows grazed by sheep. Their
tives so n t invoq uées par l'urban isme surfaces are, however decreasing, indicating that they are susceptible of disap-
contemporain pour que l'agriculture pearing. lt can, therefore, be feared that Tunis may become a metropolis
contribue à re nd re plus hab itab les les without open natural spaces, in spite of its high population (2 million inhabi-
tants).
grandes métropoles, co m me Tunis. Il This process may be brought to an end through current changes:
apparaît qu ' une parrie importante de la - The Tunisian Government has created a Ministry of Environment which, in
population tunisoise (37 %) reconnaît turn, has decided to protect sebkhas, genuine salted wetlands, henceforth.
q ue le spectacle de l'agriculture enrichit - There is the question as to whether Tunis and the whole country will be self-
le paysage de la cap itale. Auss i, la ques- sufficient for food in the future and the realization that the irrigated areas should
tion se pose aujo urd 'hui de mieux ana- be reserved for farming.
- New housing syles, jnan, luxury estates made up of houses in orchards, are
lyser cette tendan ce afin de chercher appearing and are highly esteemed.
co rn ment in tég rer concrètement l' agri- - New recreational activities, jogging, for instance, are developing in open
culture à l'o rga nisation te rritoriale du areas.
Grand Tunis. Les difficultés de gestion Moreover, when asked about their relationships to open spaces, many people
des espaces verts publics, si l'o n en cro it say they appreciate the countryside and dream to living there.
ce que révèle l'état d u parc du Belvé- There is, thus, truly space for an innovative project of urban agriculture in
Tunis.
dère, don ne de l'intérêt à la co-gestion
agr icole, donc pr ivative, d 'espaces Cahiers Agricultures 2001 ; 10 : 261 ·9.
d ' intérêt pub li c: la campagne culrivée

Cahiers Agricu ltures 2001 ; 10 : 261 -9


Références 12. Bunce M. Thirty years of farmland preserva- reche rches URBAMA, Fascicul e de rech erches
tion in North America; discourses and ideolo- n° 14- 15, 1985 ; 1 041 p.
gies of a movement. J Rural Studies 1998 ; 14 :
1. Smit J, Ratta A, Nasr J. Urban agriculture: 233-47. 16. Moustier P, Pag ès J . Le périurbain en
food, jobs and sustainable cities (1'0 édition). Afrique, une agriculture en marge ? Économie
Washington: PNUD, 1996; 302 p. 13. Convention de Ramsar, 1971 . ln: Donadi eu Rurale 1997 ; 241: 48-55.
2. Bouraoui M. L'agriculture, nouvel instrument P, éd. Paysages de marais. Paris : de Monza, 17. Donadieu P, Dalla Santa G. Campagnes
de la construction urbaine ? Étude de deux 1996 ; 199 p. urbaines. Arles : A ctes Sud/ Écol e nationale
modèles agri-urbains d'aménagement du terri- supérieure du paysag e, 1998 ; 219 p.
14. Conan M . Mouvance: cinquante mots pour
toire: le plateau de Saclay à Paris et la plaine le paysage. Paris : Éditions La Villette, 1996 ; 18. Ministère de l'Environnement et de l'Am é-
de Sijoumi, à Tunis. Paris : Th èse 99 p. nagement du territoire. Étude du schéma direc-
ENGREF/ENSP, décembre 2000 ; 442 p. teur du Grand Tunis, rapport final de la pre-
15. Signales P. L'espace tunisien : Capitale et mière phase. Tunis : Direct ion générale de
3. Sebag P. Tunis: histoire d 'une ville. Paris:
Éta t -région . Tours: Centr e d'études et de l'aménagement du territoire, 1997 ; 288 p.
l' Harmattan, 1998; 683 p.
4. Santelli S. Tunis. Saint-Germain-du-Puy : Les
Éditions du Demi-ce rcle/CNRS Éditions, 1995 ;
126 p.
5. Kassab A . Histoire de la Tunisie : l'époque
contemporaine. Tunis : Société tunisienne de
diffusion, 1976 ; 506 p.
Résumé
6. André R. Grandes villes arabes à l'époque
ottomane. Paris : La bibliothèque arabe Sind-
bad, 1985 ; 389 p.
7. Zhioua Zaafrane 1. Le parc de Belvédère de
La production d'espace vert urbain est un e des grandes préoccupations de l'urba-
Tunis. Mémo ire de DEA « Jardins, paysages et nisme contemporain. I..:agriculture commence à y apporter une contribution origi-
territoire». Paris: EAPV/EHESS, 1998 ; 60 p. nale, alors que son espace n'était considéré qu'en attente d' urbanisation future.
8. Belhadi A. L'espace tunisois : organisation, Mais à Tunis, la conception de l'espace vert public n'a guère évolué et le risque
fonctionnement et structure typique. Revue d' urbanisation conrinue est réel. De plus, un nouveau pôle de développement
Tunisienne de Géographie 1979 ; 41 : 9-20.
urbain dédié au tourisme est apparu sur la côte Est, à une quinzaine de kilomètres
9. Ministère de l'Environnement et de l'Aména- de la capitale. Encre ces pôles dynamiques d' urbanisation, l'agriculture n'apparaît
gement du territoire . L'Atlas du Grand Tunis.
Tunis : Directio n générale de l'aménagement du pas durable en soi.
territoire, 1997 ; 43 p. Cependant, de nouvelles attitudes so nt perceptibles. Le souci de l'environnement
10. Haj Ahmed A . La dynamique urbaine du commence à imprégner les politiques publiques d'aménagement. Des formes rési-
Grand Tun is. Actes du séminaire Agriculture dentielles associées à l'agriculture ainsi que des pratiques récréatives ou culturelles
urbaine : réalités et défis, 1999.
utilisant l'espace agricole apparaissent, des citadins déclarent un intérêt nouveau
11. Sethom H. Pouvoir urbain et paysannerie en pour la campagne. Ce sont peut-être les prémices d'une aucre politique d'aména-
Tunisie . Tunis : Cérès product io ns/ Fondation
nationale de la recherche scientifique, 1992 ; gement et de l'avènement d'une agriculrure urbaine tunisoise.
393 p.

Cahiers Aaricultures 2001 : 10 : 261-9

Vous aimerez peut-être aussi