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Habib DLALA
Métropolisation et recomposition
territoriale du Nord-Est tunisien
Metropolisation and territory recomposition of the North-East of Tunisia
article 410
RÉSUMÉ/ABSTRACT
Le report de la croissance du Grand Tunis sur sa zone d’influence immédiate s’est opéré tardivement de manière extensive et en
l’absence d’une fonctionnalité fondée sur la division spatiale du travail et d’un différentiel de qualité suffisamment tranché. Les
processus à l’oeuvre dans les zones périurbaines et rurales avoisinantes ainsi que la satellisation des villes petites et moyennes
situées à 30-40 et 60-70 kilomètres autour de la capitale créent une vaste zone de solidarité métropolitaine intégrant, dans la région
du Nord-Est tunisien, zones d’intensification agricole et bassins laitiers, bassins d’emploi, ainsi que deux points d’appui
métropolitains, l’un industrialo-portuaire (Bizerte et Menzel Bourguiba) et l’autre touristique (Nabeul et Hammamet). Liés à de
nouvelles tendances démographiques, à la forte pression du marché foncier et surtout à la transformation du système productif sous
l’effet croissant de la mondialisation, ces processus, qui sous-tendent la « métropolité émergente » de Tunis, expliquent la
recomposition territoriale du Nord-Est tunisien. Mais le tourisme et l’industrie ne sont plus les seuls vecteurs de cette ouverture et de
cette métropolité. Les nouveaux choix et projets volontaires portant sur les activités sport-congrès-culture et transport-logistique,
contribueront à consolider la zone de solidarité métropolitaine de Tunis et à l’étendre vers le Sud le long d’un axe métropolitain
assurant la jonction du Nord-Est au Sahel de Sousse. Ces deux ensembles formeront, autour d’une zone métropolitaine centrale,
modernisée, réhabilitée et plus ouverte, un triangle représentant l’espace le plus compétitif du pays que des points d’appui
nettement plus solides viendront consolider vers le Sud. Cela laisse donc prévoir une profonde reconfiguration de l’espace tunisien
où ce triangle compétitif, aujourd’hui en pleine mutation, prendrait de plus en plus de place.
The deployment of the growth of the Great Tunis, over its immediate zone of influence, was carried on tardily and extensively in the
absence of a functionality set up on the spatial division of labor and of a quality differential adequately settled. The operating
processes within the peri-urban and rural neighbouring zones, together with the small and average-sized towns in the neighbourhood,
30-40 km end 60-70 km from the capital, have created a large integrated zone of metropolitan solidarity in the North-East areas :
those of farming intensification and dairy basins, employment basins as well as two metropolitan bases of operations : One is the
industrial harbor (Bizerte and Menzel Bourguiba), the other is a tourist one (Nabeul and Hammamet).
The latter are related to new demographic tendencies, to the land market pressure, mainly, to the conversion of the productive system
under the increasing effect of globalization, those processes infer the “emerging metropolity” of Tunis and explain the territory
recomposition of the North-East of Tunisia. However, tourism and industry are no longer the only vectors of this opening up and of this
metropolity. The new choices and projects on the sport-congress-culture and logistic and transport activities will contribute to
strengthen the Tunis metropolitan zone of solidarity and to extend it to the South through a metropolitan trunk road assuming the
junction of the North-East to the Sahel of Sousse. These two sets will shape a triangle representing the most competitive space of the
country around a central metropolitan zone modernized, rehabilitated and more open. This triangle will be reinforced towards the
South by evident master positions. That foresees, then, a deep reorganization of the Tunisian space in witch this competitive triangle,
undergoing massive changes today, would take more and more land.
PLAN
Introduction
Dynamique démo-spatiale de la zone métropolitaine centrale : dépeuplement du centre et report de la
croissance vers la périphérie
La croissance démo-spatiale du Grand Tunis
Le dépeuplement de la zone centrale et péricentrale
Les banlieues et les marges d’urbanisation actives (Cartes 1 et 2)
L’étalement urbain (Cartes 3 et 4)
L’enserrement des plans d’eau
L’essor de l’urbanisation anarchique (informelle) autour des sebkhas de Séjoumi et de l’Ariana (Carte 4)
Le recentrage de l’urbanisation (de qualité) autour du Lac de Tunis
TEXTE INTÉGRAL
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Introduction
1 Sans qu'il soit dans notre projet de développer ici une discussion, fort utile par ailleurs, sur les concepts,
notons que la métropolité de Tunis est une métropolité simplement « périphérique » ou « émergente » 1
par rapport à celle des pôles qui structurent l'archipel 2 métropolitain mondial central 3. Largement
favorisée par l'acquisition d'une masse urbaine suffisante, cette propriété contribue, comme cela est le
cas de nombreuses capitales du Tiers Monde, à valoriser les activités « traditionnelles » délocalisées
dans le cadre de la nouvelle division internationale du travail, à jouer le rôle d’interface par rapport au
reste du monde et à conforter le développement du libre échange tant nécessaire à la croissance de
l'économie libérale fortement secouée par l'érosion fordiste 4 depuis près de trente ans. Les autres
attributs de la métropolité « périphérique » ou « émergente » de Tunis sont : la faiblesse des fonctions
innovantes, le recours de la ville à l'intermédiation de l'Etat et un déficit flagrant d'ambiance et d'image
lié au fait que la capitale s’est réservée, en toute priorité et pendant longtemps, le rôle d’organiser et
d’encadrer le territoire national 5, sans se soucier particulièrement du décor urbain et de l’animation de
la ville.
3 De nombreux travaux et débats en géographie et en économie urbaine sont consacrés à la grande ville
qu’ils appréhendent dans un cadre territorial élargi compte tenu des évolutions démo-spatiales en cours
(suburbanisation/périurbanisation, modification des formes et des structures urbaines, nouvelles
centralités …) et des dynamiques fonctionnelles à l’œuvre (nouvelles fonctions, marché foncier, mobilité
des biens et des facteurs, rôle des acteurs…). Les développements consacrés à l’étude de la
dynamique de l’espace métropolitain à l’échelle de la région du Grand Tunis renvoient à ces
problématiques en les inscrivant dans le contexte d’une mondialisation porteuse de changements
urbains 6 et facteur de métropolisation.
Tableau 1 : Evolution des effectifs de la population dans la commune de Tunis et dans les communes périphériques
particulièrement les secteurs de la Médina et de Bab Bhar (ancien centre colonial) dont les densités de
population ont baissé sensiblement (de 12 et 18% en dix ans). L'ampleur prise par ce processus de
conversion est l’un des facteurs freinant la densification verticale du bâti de la zone centrale.
7 Quant aux secteurs péricentraux de la commune de Tunis-ville, ils amorcent à leur tour une tendance au
ralentissement de l'accroissement démographique qui situe les taux de croissance à un niveau très bas
par rapport au taux global du Grand Tunis (2.08%/an). En effet, dans quatre secteurs sur onze ces taux
sont négatifs, et dans trois autres inférieurs à 1%/an (Tableau 3).
9 Quant aux banlieues à forte croissance, elles se situent généralement dans le faisceau Nord du Grand
Tunis. Ce sont :
Les banlieues pour lesquelles les disponibilités de terrains constructibles sont encore relativement
importantes et disposant de marges d’urbanisation actives très recherchées par les promoteurs
immobiliers (l’Ariana, Al Médina Al Jédida et La Marsa) ;
Les marges d’urbanisation actives spontanées (Sidi H'cine, Mnihla, Douar Hicher, Soukra, Ariana
Nord et Raoued).
10 Les marges d'urbanisation actives se forment donc en fonction des disponibilités foncières et donnent
lieu soit à des cités programmées (lotissements d’El Aouina, de Ain Zaghouan et de B’har Lazreg) ou à
des extensions spontanées aux dépens des terrains agricoles (Sidi H'cine, Mnihla, Douar Hicher,
Soukra, Ariana Nord et Raoued).
12 - La première, qui correspond à la période 1960-1975, a permis de développer des espaces d’habitat
programmé surtout vers le Nord grâce à la réalisation, au-delà d’une ceinture discontinue d’habitat
spontané, de vastes lotissements populaires (à Ettahrir, à Ibn Khaldoun, à El Khadra, mais aussi à El
Kabbaria et à El Ouardia) ainsi que des lotissements aisés (à Carnoy et El Menzah). Ces réalisations
ont donné lieu à une urbanisation en grappe étalée sur des centaines d’hectares.
13 - La deuxième tendance, qui a marqué la période 1975-1985, opère un remplissage des discontinuités
de la « grappe » tant au Nord qu’au Sud de la capitale ainsi que des disponibilités foncières résiduelles
non encore bâties. Elle donne lieu à de nouvelles extensions liées à la réalisation de nouvelles
opérations résidentielles à El Manar, El Ghazala, Mnihla, Ettadhamen et Douar Hicher au Nord et au
Nord-Ouest de la ville, et à Al Médina El Jédida au Sud. Elle parachève la continuité du tissu de
l’agglomération de Tunis sans parvenir à rééquilibrer la répartition des logements entre le Nord et le Sud
du Grand Tunis, comme le préconisait le Plan Régional d’Aménagement du Grand Tunis de 1977.
14 - La troisième tendance qui débute vers le milieu des années quatre vingt apporte au Sud une
urbanisation d’envergure sur l’axe préférentiel d’El Mourouj sans pour autant enrayer le déséquilibre de
la répartition résidentielle car la production de logements s’est encore poursuivie au Nord du Grand
Tunis, c’est-à-dire en direction de Nahli et Borj Touil, à El Manar puis Ennasr, aux Jardins d’El Menzah,
à l’Ariana-El Gazala, à Soukra-Ain Zaghouan-Bhar Lazreg, à Marsa-Gammart, à Mnihla et sur la Route
de Bizerte et à l’Ouest à la Manouba-Oued Guériana, Sidi Amor, Oued Ellil et Sidi H’cine à l’Ouest de
Sebkhet Séjoumi.
15 La carte 3 montre que l’étalement des marges d’urbanisation actives est sans précédent puisqu’il
consomme entre 420 et 700 hectares par an. Cet étalement se heurte désormais à trois types
d’obstacles : la série de Jebels qui s’érigent surtout au Nord et à l’Ouest de la ville, les plans d’eau que
sont le Lac de Tunis et les dépressions fermées de Séjoumi et de l’Ariana, et enfin les zones agricoles
protégées s’étendant au Sud vers la vallée du Miliane et la plaine de Mornag. Ces obstacles
commandent et commanderont l’extension du Grand Tunis dans les années à venir. En effet, on observe
déjà :
Le mitage des terres agricoles protégées le long de couloirs vers Fouchana, Mohammadia,
Naassen, Mornag, Borj Cédria et Slimane ;
Et enfin, l’enserrement des plans d’eau que sont le Lac de Tunis, Sebkhet Séjoumi et Sebkhet
Ariana par des zones d’aménagement volontaire (dans le premier cas) ou par des zones d’habitat
anarchique (dans le second).
16 L’enserrement des plans d’eau de la capitale s’est réalisé en deux temps : d’abord par une urbanisation
anarchique informelle autour des sebkhas, ensuite par une urbanisation volontaire de qualité autour du
Lac de Tunis.
18 Quant à l’essor de l’urbanisation anarchique informelle autour des sebkhas de Séjoumi et de l’Ariana, il
s’est opéré à partir de la deuxième moitié des années soixante-dix aux dépens des terres agricoles
basses et fragiles. Des lotisseurs clandestins vendent hâtivement et en dehors de tout cadre légal des
lots de terrain dans les petits fonds d’oueds situés à l’Ariana Nord en direction de la plaine et de la
sebkha et sur le versant Est de Jebel Nahli ainsi que dans la zone inondable de Jaafar-Raoued. Il s’agit
de secteurs exposés à de grands risques pendant la saison pluviale, surtout après la création de
tronçons de voies de circulation sur remblai (Route de l’Ariana à Raoued) et la mise en place de la
station d’épuration des eaux usées à Chotrana dont le trop plein se déverse dans des canalisations
ouvertes sur le littoral de Raoued ou dans la sebkha 8. Ces risques concernent aussi les lotissements
réalisés de manière légale par des entreprises immobilières privées ou coopératives dans les mêmes
conditions d’insalubrité.
19 Ces mêmes phénomènes touchent aussi le secteur de Sidi H’çine-Jayara-Séjoumi situé à l’Ouest de
Sebkhet Séjoumi et caractérisé par une occupation illicite et anarchique, un débordement sur le plan
d’eau et un grignotage des terres agricoles environnantes où les risques d’inondations, aux
conséquences catastrophiques, sont très fréquents pendant la saison pluviale. Ce quartier a bénéficié
dès 1987 d’un programme de réhabilitation qui n’a pas permis d’enrayer ces risques.
22 Le projet, qui couvre dans sa première partie une superficie totale de 1300 hectares, consiste en
l’assainissement du bassin Nord du Lac de Tunis utilisé jusque là comme un réceptacle des eaux usées
et des eaux pluviales et en l’aménagement planifié de ses berges, dans le prolongement des extensions
Nord du centre principal de la capitale, jusqu’à la Goulette. Sa réalisation, partielle à ce jour, a nécessité
la restructuration du réseau d’assainissement pour mettre fin aux rejetset la régularisation du tracé des
berges, ainsi que la préparation de la plate-forme foncière du projet et l’exécution des travaux
d’infrastructure. Fondé sur un parti d’aménagement qui met en avant la dimension environnementale et la
qualité de l’urbanisation, le Plan d’Aménagement Général réserve 50% de la surface des planchers à
l’habitat (soit 4.7 millions de m² pour un total de 27.000 logements et 120000 habitants) et 50% aux
bureaux , aux zones d’activité et aux équipements collectifs (soit 4.7 millions de m² pour 95000 emplois).
Il consacre 30% de la superficie totale de la zone aux espaces verts (en dehors des espaces verts
privés).
Photo 1 : Photographie aérienne des Lacs Nord et Sud de Tunis (après rectification des berges et assainissement)
24 Outre la « fontaine cybernétique » déjà réalisée, plusieurs idées de projets sont également développées
pour l’animation du plan d’eau (base nautique sportive, base nautique récréative, cité commerciale
lacustre,…).
25 Si le projet Lac Nord (El Bouhaira) vise la structuration du littoral Nord menacé par l'urbanisation
anarchique, l'amélioration de l'environnement naturel local et surtout « l’allégement de la charge qui pèse
sur Tunis du fait de l'hyperconcentration des fonctions tertiaires… » 9, la réplique Sud du projet d’El
Bouhaira, qui a pris du retard quant à sa conception et plus encore à sa réalisation, vise à achever
l’assainissement du Lac de Tunis au Sud de la route Tunis-Goulette et de la ligne de chemin de fer
Tunis-Goulette-Marsa qui le traverse en son milieu sur 11 km depuis 1906, et à débarrasser les
populations des communes de Mégrine et de Radès des pollutions et des nuisances qui les affectent
depuis fort longtemps. Toutefois l’objectif principal mis en avant par le PAD reste la production de
terrains urbanisables ou de « nouveaux espaces de qualité et de loisirs » et la mise en place des
équipements urbains qui font défaut au faisceau des banlieues Sud. A cette fin, la première phase du
projet a permis le dragage des couches de vases noires et l’approfondissement à moins 2 m du secteur
Sud du Lac, le remblaiement et la rectification des berges sur environ 15 km, l’ouverture et le calibrage
du canal de Radès et la création de flux d’échange du golf vers le lac puis vers le port de Tunis pour le
renouvellement des eaux.
26 Le projet qui couvre une superficie de 1188 hectares devrait permettre de loger 120000 habitants dans
23500 logements à établir sur 330 hectares. Le parti d’aménagement s’organise selon un plan
semi-radioconcentrique ouvert sur les berges avec au centre des zones polyfonctionnelles de 46 ha
sans les zones d’équipement (84 ha) et de vastes espaces verts totalisant une superficie de 374
hectares. Le projet devrait permettre aussi d’intégrer les secteurs urbains environnants de Radès et Sidi
Rézig, Mégrine et la Cité Chaker et d’assurer la continuité avec d’une part, la Goulette grâce au projet
de pont suspendu en cours de réalisation pour relier Radès à la Goulette et d’autre part à la zone
d’aménagement du Port de Tunis.
27 Le Port ancien de Tunis bénéficie lui aussi d’un projet de réaménagement en port de plaisance et marina
accompagnant l’aménagement des Berges du Lac Sud de la capitale et l’opération envisagée sur le
quartier de la petite Sicile (80 hectares) qui devrait permettre de réconcilier la ville avec son centre
principal et avec le Lac. Dans le cadre de la dynamisation et de la valorisation du centre-ville, la
conception du projet devrait refléter une nouvelle image urbaine du quartier à la mesure des objectifs de
modernisation et des défis imposés par la mondialisation et les nécessités du projet de métropole
internationale tunisois.
29 En effet, le centre-ville majeur est livré aujourd’hui à l’action conjuguée de processus pour le moins
difficilement maîtrisables sur le moyen terme :
30 - La Médina ne parvient pas intégrer de nouvelles fonctionnalités : seules celles autorisées par ses
richesses patrimoniales et touristiques, le foisonnement grandissant de commerces informels refoulés
de la ville basse (centre moderne) et l'implantation d'ateliers de travail clandestin continuent d’animer un
espace urbain dont le délabrement et la paupérisation sont visibles dans sa partie résidentielle loin des
circuits touristiques. Plus récemment, une élite citadine essaie de redonner vie à certaines demeures en
les convertissant à la culture ou à la restauration traditionnelle raffinée.
- L’asthénie du centre colonial dont la masse bâtie est aujourd’hui vieille de plus d’un siècle,
congestionnée et délabrée, se manifeste dans la lenteur du processus de densification limité à quelques
rares opérations de rénovation d’immeubles ainsi que dans l’absence de reconquêtes péricentrales.
Cette asthénie que les récentes actions de réaménagement et d’embellissement fort bien réussies ainsi
que la création d’importants centres commerciaux, tels que le Palmarium, Galaxie et Carrefour-
Champion, ne parviennent pas encore à enrayer, est compensée d’une part par la migration de
l’hypercentre vers le Nord le long du boulevard de Mohamed V prolongé par le nouveau centre d’affaires
Montplaisir-Borgel et du Centre Urbain Nord, et d’autre part par la naissance de nouvelles centralités
périphériques. Ces centralités secondaires, qui ont profité du départ de services banals du centre
principal, ont bénéficié aussi, selon leur niveau de standing, d’un transfert plus limité de certains services
rares 10. Ils se différencient par leur morphologie linéaire, ou nodale, ou bien complexe 11.
31 Sur un autre plan, les nouvelles centralités du Grand Tunis obéissent à des processus de formation et
de développement différents justifiant une typologie plus adaptée à nos propos et comportant : les
centres de banlieues anciens et les « centralités informelles », les centralités volontaires, les centralités
accompagnant les nouveaux lotissements aisés et les centralités liées à la grande distribution.
33 Dans les quartiers spontanés de Mnihla, d’Ettadhamen et de Sidi H’cine, le paysage tend à changer en
raison de la densification du bâti et la naissance d’un grand nombre d’activités légales ou informelles
dont la localisation est linéaire. Il s’agit notamment de la vente de produits alimentaires, de matériaux de
construction et d’articles de quincaillerie, de l’artisanat du bois et de la ferronnerie, des activités de
services d’entretien (automobiles) ainsi que des services divers de proximité et des commerces
informels.
34 A ces nouvelles centralités informelles s’opposent des centralités programmées, volontaires ou liées à la
promotion foncière et immobilière et de nouvelles centralités générées par la proximité de la grande
distribution.
36 Le C.U.N. s’étend sur 90 hectares répartis en quatre tranches dont les trois premières (de 26, 10 et 11
ha) sont déjà réalisées en lotissements pour immeubles de bureaux et comportant principalement un
centre multifonctionnel réunissant habitat, bureaux, services et loisirs, et une cité diplomatique. Et étant
donné sa position géographique privilégiée, la quatrième tranche sera réalisée sur 43 ha pouvant abriter
350 839 m² de planchers pour bureaux en plus de l’habitat, des activités hôtelières, commerciales et de
loisirs.
38 Dans le premier cas, la centralité, à dominante commerciale, repose sur une bonne vingtaine de centres
commerciaux et d’immeubles de services disposés en grappes à El Menzah I et IXb et surtout à El
Manar I et II. De taille variable, ces nouveaux espaces combinent dans des proportions différentes
commerces non alimentaires (textiles, articles chaussants et maroquinerie, équipements de foyers,
commerces rares), magasins à rayons multiples (dans six centres seulement), activités de loisirs (cafés,
fast-food, restaurants...), et représentations commerciales. Certains centres ont attiré en leur sein ou
dans leur voisinage immédiat des bureaux conseil, des bureaux d’études et de promotion immobilière,
des cliniques et des cabinets médicaux, et enfin des sociétés de services informatiques.
39 De tous les éléments de la « grappe », seuls quatre centres ont réussi à s’affirmer en termes de
visibilité et de fréquentation à l’échelle de l’ensemble des faisceaux de banlieues situées au Nord et à
l’Ouest de la capitale. Il s’agit du Centre Jamil (à El Menzah VI), du « Colisée Soula » (à El Manar II),
de « l’Espace Makni » et du « Centre X » (à El Menzah VI). Ceux-la ont bénéficié de l’importance de
leur taille (de 70 à 80 boutiques chacun), et en corollaire de la taille, de la diversité de l’offre de services
et des possibilités de choix offertes à la clientèle. De plus, ces centres sont confortés par le couplage
« géographique » avec un ou plusieurs centres situés dans leur voisinage immédiat tels que le « Centre
Jémil-Cinquante Boutiques », l’« Espace Makni-Centre X-Centre d’Esthétique » et le « Colisée Soula-
Immeubles avoisinants » dont les étages sont destinés aux bureaux, et autour duquel gravitent de petits
centres souffrant d’un manque flagrant de visibilité (Centre Molka , Centre Dorra, Centre El Habib).
Quant aux autres centres, qui ne comptent pas plus d’une trentaine de boutiques chacun, ils se trouvent
plus ou moins en retrait par rapport aux voies d’accès les plus fréquentées et subissent la concurrence
des centres principaux.
40 Conçu comme étant l’avant dernier lotissement AFH au Nord de la capitale (avant les jardins d’El
Menzah), dans la même lignée qu’El Menzah et El Manar, et malgré les difficultés de démarrage de la
première tranche du projet, Ennasr s’est singulièrement doté d’une impressionnante avenue de trois
kilomètres (Avenue Hédi Nouira) flanquée sur les deux côtés d’immeubles d’habitation haut standing de 9
à 12 étages dont les rez-de-chaussée ont été colonisés par des commerces et des services de loisirs
41 Dans le cas particulier d’El Bouhaira (Berges du Lac Nord), la centralité s’est nettement affirmée dans la
phase d’exécution du projet. Conçu au départ comme un quartier résidentiel aisé pour loger environ
30000 habitants dans des villas cossues, El Bouhaira s’est mué en centre de loisirs comportant grand
manège (happy land), bowlings, espaces de jeu, cafés, restaurants, salons de thé, fast food, lieux de
réception… Il s’est transformé aussi en un espace de commerce où les plus grandes chaînes
commerciales tunisiennes (Monoprix, Allani,...) et où les marques les plus célèbres (Rafael, Dessange,
Nafnaf, Infinitif, Benetton, Lewis, Celio, Chicco,…) sont représentées. A cela s’ajoutent les sièges
sociaux d’entreprises tunisiennes ou étrangères (British Gas, Air Liquide, Sotulub, Peugeot…), les
ambassades (Suisse, Liban, Palestine, Etats-Unis, Royaume-Uni), les succursales de banque et un
grand nombre de bureaux.
42 El Bouhaira est ainsi devenu le quartier le plus huppé de Tunis, symbolisant dans le nouveau contexte de
la mondialisation l’ouverture de l’économie et de la société tunisoises au monde extérieur. Cette nouvelle
centralité qui a bénéficié d’une remarquable accessibilité par rapport au centre-ville majeur, à l’aéroport
de Tunis-Carthage et aux quartiers de la côte Nord-Est (Sidi Bou Saïd et La Marsa), d’une architecture
nouvelle hétérogène et clinquante contrastant avec celle qui a émergé dans des secteurs socialement
aisés de la capitale. L’achèvement des différents composants de tout le projet devrait permettre « …la
création d'un centre suffisamment structuré pour qu'il joue un rôle alternatif dans le fonctionnement de
l'agglomération » 12 de Tunis. La réalisation du centre multifonctionnel du projet d’aménagement des
Berges du Lac Sud devrait consolider ce choix.
44 Le deuxième hypermarché portant l’enseigne « Géant » a ouvert ses portes en 2005 au sein d’un grand
centre commercial et de loisirs baptisé « Tunis City ». Géré par les sociétés COPIT (Compagnie de
Promotion Immobilière et Touristique) et MEDIS (la Méditerranéenne de Distribution MEDIS - Groupe
Mabrouk), le projet est créé à hauteur de Jebel Nahli juste au niveau de l’accès et avant le péage de
l’autoroute de Bizerte. On y accède par une route plutôt dégagée et non encombrée par les feux et ce,
surtout, de la Cité Ennasr (à 15 minutes du supermarché), d’El Menzah, de l’Ariana et même de
l'aéroport. Et, afin de faciliter l'accès des lieux, les routes entourant Géant et celles arrivant de l’Ariana
et du Bardo ont été aménagées pour former des entrées directes. L'une d'entre-elles a été aménagée
en 4 voies.
45 Doté d’un parking de 2500 voitures et d’une surface de vente de 12000 m², l’hypermarché comprend
une centaine d’espaces commerciaux dont 80 boutiques (de 50 à 200 m²) et des surfaces spécialisées
(de 300 à 500 m² et de 600 à 1600 m²), 7 espaces de restauration regroupés en un « food court », 2
restaurants avec terrasse (le tout offrant quelques 500 places assises). Le projet « Tunis City » prévoit
aussi l’aménagement et l’équipement d’un pôle de loisirs de 2000 m² comportant diverses activités de
loisirs (manèges et kids-play).
46 Hormis les centres de banlieues et les centres spontanés des quartiers populaires dont le
développement répond à la croissance de leur population, ceux liés à la promotion immobilière sont
créés dans des zones à fort pouvoir d’achat où résident les couches les plus solvables de la société
tunisoise (professions libérales, cadres dans les entreprises privées, hauts fonctionnaires,
commerçants,..) et de ce fait, traduisent une ségrégation socio-spatiale de plus en plus marquée
séparant un faisceau de banlieues aisées et bien équipées situées au Nord de la capitale d’un faisceau
de banlieues de niveau social moyen à l’Ouest et modeste au Sud.
47 Quant à l’ouverture de nouvelles enseignes à Tunis, elles répondent à la volonté des grands groupes de
distribution qui tentent d’élargir leurs assises mondiales en occupant les places non encore prises sur
les marchés émergents comme la Tunisie. Les centres qui leur sont réservés résultent également d’une
volonté d’ouverture à l’économie mondialisée, dans l’industrie et de plus en plus dans le domaine des
services (banques, assurances, conseil, centres d’appel, grande distribution,…). L’effet recherché de
cette ouverture est la restructuration de la distribution dans les supermarchés et les supérettes locaux
par le réaménagement des espaces, le renouvellement des techniques de vente et la promotion des
produits « made in Tunisia » grâce à des contrats négociés avec les producteurs agricoles et industriels
tunisiens. La cession des espaces de la galerie commerciale conduit à l’implantation de marques
désirant accroître leur déploiement international.
49 La demande de transport est estimée à 3 millions de déplacements par jour en 2002, dont 40% sont
assurés par les transports collectifs, contre 55% en 1999 14. Le fléchissement de la part des
transports collectifs ainsi constaté est lié d’une part à la stagnation de l’offre résultant de l’essoufflement
de l’effort d’investissement public dans le secteur et le faible concours des opérateurs privés à cet
effort, et d’autre part aux progrès de la motorisation dans la capitale dus à l’amélioration du niveau de
vie et l’élargissement de la classe moyenne ayant profité de la baisse des taxes à l’importation des
petites cylindrées et de la mise sur le marché de voitures « populaires » (4 CV).
50 D’un côté, le taux de motorisation a triplé en 28 ans (1977-2005) et a presque doublé au cours des dix
dernières années passant de 36.6 en 1977 à 61.2 en 1994 et environ 100 véhicules pour 1000 habitants
en 2005. De l’autre, le nombre de ménages possédant une voiture en milieu communal en 2005 varie de
20.7% dans le gouvernorat de La Manouba à 39% dans celui de l’Ariana. Dans les autres gouvernorats
du Grand Tunis, Tunis et Ben Arous, ce taux est respectivement de 29.4 et 32.1, contre 25.4% pour
l’ensemble de la population communale (urbaine) de la Tunisie. Il est plus élevé dans les communes de
banlieue situées au Nord et au Sud du Lac de Tunis et dans les vieilles banlieues de l’Ouest. Autrement
dit, le nombre de ménages possédant une voiture est plus élevé dans les communes les mieux
desservies par le métro et le bus ou le train de banlieue et le bus, et très faible dans les communes de
la première couronne desservies uniquement par le bus. Seule la population communale d’El Menzah
n’est pas concernée par le transport public car le nombre de ménages possédant une voiture
représente 79% du total. L’autobus privé satisfait le reste de la demande locale des habitants mais ne
couvre pas les besoins du personnel domestique ou salarié travaillant dans le secteur des services d’El
Menzah et El Manar mais habitant dans d’autres quartiers du Grand Tunis.
51 Le transport dans le Grand Tunis est assuré par trois moyens de transport publics : l’autobus, le métro
léger et le train. En 2002, ils assuraient respectivement 65%, 22% et 6% des déplacements collectifs.
L’autobus privé ne contribuait que pour 1% au total. 15
52 Plus souple que les autres modes de transport urbain, l’autobus public géré par la S.T.T. dessert les
zones centrales et péricentrales et toutes les cités et quartiers résidentiels de la périphérie alors que
l’autobus géré par les sociétés privées de transport (T.U.S., T.C.V. et CITY Transport) assure les
déplacements sur quelques lignes dans les quartiers habités par les populations les plus solvables de la
ville de Tunis. Réalisé dès les années quatre-vingt, le métro léger de Tunis comporte trois
lignes traversant les faisceaux de banlieues Sud (Tunis-Ben Arous, 1985, ligne qui sera étendue à El
Mourouj), Nord (Tunis-Ariana, 1989), et Ouest (Tunis Bardo-Ibn Khaldoun, 1990) prolongée (en 1992)
jusqu’à l’Intilaka à l’approche d’Ibn Khaldoun (ligne 5) puis jusqu’à Den Den en 1999 à partir de la station
du Bardo (Ligne 4) et qui sera prolongée jusqu’au Campus Universitaire de la Manouba (Carte 6).
53 Ce panorama est complété par deux lignes ferroviaires desservant deux couloirs urbains importants :
celui de la côte Nord et celui de la côte Sud. La ligne Tunis-Sidi Bou Saïd-La Marsa est déjà électrifiée
(Côte Nord) et on prévoit l’électrification de la ligne Tunis-Hammam Lif-Borj Cédria (Côte Sud).
Carte 8 : Projet de Réseau Ferroviaire Rapide (RFR) dans le Grand Tunis et nouvelles extensions des lignes de métro
léger (2006)
54 Ainsi, il est clair que si le bus dessert tout le Grand Tunis jusqu’à la grande périphérie et la première
couronne, le métro léger ne dessert que des couloirs d’environ 8 kilomètres à partir du centre de la
capitale. La population habitant dans un rayon de 8 à 15 km où les taux de croissance sont les plus
élevés du Grand Tunis (Carte 2) n’est desservie que par des lignes de bus dans de mauvaises
conditions du fait de l’encombrement des voies et des difficultés de rabattement sur le métro, lui-même
saturé.
La saturation du réseau routier qui rend la desserte des banlieues par les lignes de bus de plus
en plus difficile à assurer dans de bonnes conditions de service (vitesse, régularité,
remplissage…). A cela s’ajoutent les difficultés croissantes de rabattement sur les lignes de
métro 16 et les déficiences du réseau de routes périphériques.
Le déficit financier des opérateurs causé par les lourdes compensations occasionnées par les
tarifs scolaires réduits, le régime plein tarif n’arrivant pas à résorber ces compensations du fait
de la stagnation du nombre d’usagers concernés par ce régime. 17
56 Ces insuffisances expliquent la dure réalité du vécu des usagers des transports urbains à Tunis.
57 Jugée indigne d’une métropole méditerranéenne, cette situation a amené l’Etat tunisien à envisager un
programme d’action comportant, outre l’extension des lignes de métro jusqu’à El Mourouj (sur 6.7 km) et
le campus universitaire de la Manouba (sur 4.9 km), la mise en place d’un Réseau Ferroviaire Rapide
(RFR) de 20.000 à 40.000 voyageurs par sens circulant à une vitesse commerciale de 35 km/h (contre
18 pour le métro et 15 pour le bus). Long de 86 km, ce réseau, structuré en lignes prioritaires établies
selon les densités de la population et le déficit de desserte devrait, après achèvement, répondre au
tiers de la demande de transport collectif dans le Grand Tunis. La première ligne reliera Tunis à Borj
Cédria (ligne « A ») sur 23 km. Les autres lignes partiront de Tunis en direction de Fouchana et
Mohammadia (ligne « C ») sur 19.4 km, de La Manouba et de Mnihla (ligne « D ») sur 19.2 km, de la
Cité Ezzouhour et de Sidi H’cine-Séjoumi (ligne « E ») sur 13.9 km, du Nord de l’Ariana (ligne « C’+F »)
sur 10.5 km avec viaduc. Ce réseau utilisera en partie les itinéraires existants et sera complété par des
aires de parking sur certains points de ces itinéraires de manière à permettre aux usagers (motorisés)
d’y laisser leur voiture et d’emprunter le RFR. Les bus ne seront utilisés que pour assurer la
correspondance vers ce réseau de façon à rapprocher les usagers habitant des cités éloignées.
58 Ce programme d’action prévoit aussi l’intégration de la ligne du TGM au réseau de métro léger sur 18.7
km et la création d’une nouvelle ligne sur Aïn Zaghouan et Bhar Lazreg sur 8.7 km à partir de la
Goulette. Enfin, une autre ligne de métro qui dériverait de la ligne 2 est proposée sur la Cité Ennasr.
59 L’intérêt de ce progamme d’action réside dans les possibilités de desserte qu’offrent le RFR pour les
agglomérations de la première couronne de la zone métropolitaine et la reconfiguration du réseau de
transport public ferré (de masse) en réseau à six branches à partir du centre (au lieu de trois). Reste à
souligner qu’avec seulement ce programme, il est difficile de garantir le désengorgement du centre en
l’absence d’une politique développant vigoureusement l’intermodalité et la multiplication des lignes de
rabattement dans la grande périphérie sur le RFR et le métro et limitant l’accès des voitures privées à la
zone centrale.
61 Ces villages sont les nouveaux points de cristallisation urbaine périphérique liée à l’expulsion des
précaires de la capitale par la flambée des prix des terrains à bâtir et des logements vers les
agglomérations situées dans le voisinage de la capitale et, en même temps, au déplacement vers ces
agglomérations de citadins relativement fortunés qui y recherchent des opportunités foncières qui
n'existent plus dans le Grand Tunis. Ces opportunités leur permettent soit de se loger à bon compte
dans de grandes propriétés, soit de former des friches sociales et de bénéficier de la rente de rétention
que procureront à moyen ou long terme les acquisitions foncières citadines.
62 Il est bien entendu que le foncier n’est pas le seul moteur de ce déploiement qui découle aussi de
l’encombrement des voies de circulation et la progression rapide du taux de motorisation. En effet, est-il
besoin de rappeler que le nombre de ménages possédant une voiture privée dans le Grand Tunis a
progressé de 16.4% en 1977 à 26% en 1994 et à environ 30% en 2004.
63 Le phénomène de déploiement concerne modérément des villes un peu plus éloignées notamment
Soliman (2.07%) et Grombalia (2.10%). Au-delà de cette couronne, les taux de croissance
démographique sont nettement plus faibles sauf dans les agglomérations de la deuxième couronne
connaissant une nouvelle impulsion touristique et un impressionnant boom immobilier comme Hammamet
(4.55%/an), Kélibia (2.31%) et les « dépendances urbaines » de Nabeul (Dar Chaabane El Fehri
(3.03%)) et de Bizerte (Zarzouna (2.48%)).
64 En réalité les villes de la deuxième couronne du Nord-Est tunisien satellisées forment de véritables
bassins d’emploi bénéficiant non pas d’un report de population mais d’activités industrielles exportatrices
pour l’essentiel (cartes 9, 10 et 11). En même temps, les campagnes du Nord-Est se sont transformées
en territoire agricole spécifique et en bassins laitiers.
68 On observe ainsi, une satellisation des villes du Nord-Est petites et moyennes situées à 30-40 et 60-70
kilomètres de Tunis formant une aire de solidarité à organisation monocentrique englobant le Sahel de
Bizerte, la Basse Vallée de la Mejerda, le Cap Bon et le Zaghouanais. Cette satellisation est
l'expression d'une métropolité territoriale en formation, liée à une large diffusion périurbaine et un
éclatement de l'espace productif. Le déploiement « extensif » des industries dans le Nord-Est est le
processus qui sous-tend cet éclatement.
Carte 10 : Répartition par agglomération des industries du textile et de l’habillement dans les gouvernorats du Nord-Est
de la Tunisie
70
Carte 11 : Répartition par agglomération des industries électriques, électroniques et des équipements automobiles dans
les gouvernorats du nord-Est de la Tunisie
71 « L'émergence de bassins d'emploi actifs dans la zone de solidarité n'a pas induit de partage d'activités
entre la capitale, ses points d'appui métropolitains et les centres « urbains » situés dans le voisinage.
L'absence d'un différentiel de qualité fondé sur le binôme industries innovantes/industries répétitives
résulte d'une industrialisation textile dominante qui a trop duré, qui n'a pas cessé d'être extensive et qui
est restée durablement attachée au bas de gamme et aux avantages comparatifs de
main-d’œuvre » 20. Et en l’absence d’alternative musclée, ces villes où le textile est dominant sont
menacées de crise multipliant les cas de fermetures ou de re-délocalisations en raison du
démantèlement du régime des quotas depuis la fin des accords multifibres (décembre 2004).
74 A une autre échelle, l'étude de première phase de l’actuel Schéma Directeur d'Aménagement du
Territoire du Grand Tunis (SDAT) précise que, dans le contexte de la mondialisation, la métropolisation
consisterait « à reporter sur les villes périphériques une partie de la croissance et des investissements
publics ». Cette conception, qui réduit le processus de métropolisation à un simple report de population
et d’activités vers la périphérie de la capitale, est approfondie au cours de la deuxième phase de l'étude
qui précise que certains attributs urbains sont désormais « ...nécessaires, autant au fonctionnement de
l’économie, qu'au renforcement de l'image de marque de la ville ». Outre l’amélioration de l’image, la
confirmation de Tunis dans sa vocation naissante de pôle-relais international de services de haut niveau
passerait par la réalisation de projets tels que technopoles, pôles culturels, plate-forme de transport
multimodal…
75 Mais dans l’attente d’une approbation de la version définitive du SDATN comme du SDAT du Grand
Tunis qui tarde à venir, de nombreux projets et idées de projets sont mis en œuvre pour asseoir la
métropolité internationale de Tunis et promouvoir le concept de « ville du futur » 22. Il s’agit en fait
77 D’un côté, les efforts déployés visent l’amélioration des liaisons entre les centres des trois pouvoirs, des
connexions intercommunales, des propriétés de la grande rocade (la route x), de l’accessibilité des
grands équipements, des voies d’accès intergouvernorales ainsi que des voies circumlacustres en
rapport avec le recentrage du développement urbain autour du Lac de Tunis. La structure du bâti, la
mauvaise programmation des emprises et les inconvénients du site orientent ces efforts vers de
nouvelles techniques d’aménagement conférant à la ville de nouveaux caractères paysagers : viaducs,
murs de soutènement, tunnels unidirectionnels ou bidirectionnels (à rayon de courbure insuffisants et
dangereux), bretelles, échangeurs sous-dimensionnés par rapport au voisinage immédiat. Les études
d'impact nécessaires à la réalisation de ces ouvrages semblent avoir été négligées 23.
78 D’un autre côté, l’achèvement des travaux de l’autoroute Tunis-Mejez El Bab-Oued Zerga, de la voie
express reliant l’autoroute Tunis-Bizerte à Menzel Bourguiba et le démarrage des études de faisabilité
technico-économique du tronçon autoroutier de Tunis-El Fahs sur une soixantaine de kilomètres
consolideront les liens de la capitale avec les villes de la deuxième couronne, en particulier la ville de
Méjaz El Bab et les villes du Zaghouanais, maillon encore relativement faible de cette couronne.
80 L'arrivée à saturation de l'aéroport international de Carthage a conduit l'Office des Ports Aériens de
Tunisie à engager, au cours de 1995-1997, un programme d'investissement destiné à améliorer la
capacité des installations aéroportuaires et faire face à l'accroissement du trafic.Les travaux sont
exécutés en deux étapes successives portant la capacité de l'aérogare de 4,5 à 7,5 millions de
passagers. Toutefois, la perspective d’une plus grande insertion de la capitale du pays dans un contexte
mondialisé a amené l'Etat tunisien à envisager la construction d'un nouvel aéroport entre Hergla et
Enfidhaau service des zonestouristiques Hammamet- Nabeul-Sousse ainsi que Tunis et Bizerte.
81 L’aéroport d’Enfidha, qui couvrira au total 6000 hectares, accueillera 30 millions de passagers par an,
dont 5 millions pour la première tranche. Ce projet qui devrait refléter l’image de la Tunisie moderne,
aura une allure futuriste conçue sous forme d’ailes géantes. L’exploitation de cette infrastructure est
concédée par l’Etat tunisien pour quarante ans aux investisseurs privés internationaux qui prendraient en
charge le financement du projet.
82 Ce projet qui devrait être articulé sur la plate-forme multimodale dont l’établissement est prévu par le
nouveau Schéma National d’Aménagement du Territoire créera un point de jonction avec le Sahel de
Sousse dans cet espace de transition, jusque-là peu convoité, entre un Nord-Est en cours de
re-métropolisation et un couloir dynamique relié à Hammamet et à Tunis par l’autoroute Tunis-Msaken.
La requalification de cet espace étendra la zone de solidarité métropolitaine au Sud de Yasmine
Hammamet. Le projet de station touristique de Hergla sur 2400 mètres de plages situé à 110 km de
Tunis, à 50 km de Yasmine Hammamet et à 20 km de la station et du port d’El Kantaoui au Nord de
Sousse, sera réalisé à une vingtaine de kilomètres seulement d’Enfidha et prolongera l’axe métropolitain
plus vers le Sud (Carte 13).
Carte 13 : Répartition des unités hôtelières dans les régions du Nord-Est et du Sahel de Sousse
83 Ce choix est confirmé par la programmation d’un mégaprojet de port en eau profonde à Enfidha et d’une
zone d'activité économique, industrielle et logistique qui s'étalera sur une superficie d’environ 3000 ha
situés dans le voisinage. Dans sa version préliminaire retenue, le projet prévoit la réalisation d'un
terminal à conteneurs destiné au transbordement international et au trafic national de conteneurs et d'un
terminal pour les vracs et les marchandises générales. Justifié par « …l’insuffisance de capacité
portuaire pour le transbordement des conteneurs en Méditerranée et ce dès 2008 en Méditerranée
centrale » 24, le futur port, dont l'étude de faisabilité a été achevée au mois de février 2006, dotera le
pays d'une infrastructure moderne connectée aux principales lignes maritimes internationales et
déploiera des porte-conteneurs plus grands et plus performants, capables de produire les économies
d'échelle nécessaires à faire baisser les frais pour les conteneurs destinés au marché local. Ce nouveau
port détournera à son profit une partie du trafic actuel assuré par les sept ports existants, ports en
surnombre qui connaissent déjà un rétrécissement de leurs arrières-pays respectifs, aujourd’hui limités,
à l’exception de celui de la Goulette-Radès, à la ville portuaire elle-même ou à son gouvernorat.
l’été 2006 et l’édification de la nouvelle Cité de la Culture de Tunis qui ouvrira ses portes en
2009 avenue Mohamed V, permettront, de la même manière que les installations sportives,
d’améliorer l’image de marque de la capitale. Couvrant un terrain de 8 ha dont 4.9 ha couverts
et comportant un opéra de 1.800 places, des salles de projection de 300 à 700 places, une
galerie d’exposition et une tour pour l’animation culturelle, la cité est un espace culturel
intégré et médiatique qui serait l’expression d’une société moderne et ouverte aux autres
cultures.
86 Mais l’ambition d’attirer des grandes manifestations ne s’est pas limitée aux sports (ambition exprimée
aussi par une candidature à l’organisation de la coupe du monde de football) et à la culture, elle s’est
matérialisée aussi par l’organisation de la deuxième phase du Sommet mondial de la Société de
l’Information du 16 au 18 novembre 2005 réunissant 174 pays, 92 organisations internationales, 606
ONG et entités de la société civile et 226 entités du secteur privé, soit au total 19400 personnes.
88 - Située à Borj Cédria au Sud du Grand Tunis à 25 km du centre, en bord de mer entre Hammam Lif et
Soliman, « la Technopole de Borj Cédria » (TBC) est destinée à accueillir des activités de Recherche et
Développement, des activités industrielles innovantes et des activités de formation dans les domaines
des énergies renouvelables, de l’eau et de l’environnement ainsi que des biotechnologies. Doté d'une
superficie de 89 ha, le parc comprend 5 espaces : un « espace production », un « espace
Innovation », des « centres de recherche », un « espace Universitaire » et des Services Communs
(centre de vie).
89 S'étendant sur 20ha, l'espace production comporte une « zone d'attraction industrielle » composée de
lots de terrain aménagés ainsi que d’« Ateliers-Relais » couvrant 1000 m² chacun et offrant des
solutions temporaires et flexibles aux différentes entreprises à leur sortie de la pépinière.
L'aménagement du site de la première tranche a démarré en septembre 2003. Quant à l’espace
d’innovation, il met au service de la communauté scientifique et entrepreneuriale des équipements
d'analyse modernes et des mécanismes de création de projets innovants. La recherche bénéficie de
trois centres, établis en janvier 2006 après la réorganisation de l'INRST (Institut National de la
Recherche Scientifique), en rapport avec les objectifs du parc, qui visent à créer des P.M.E. innovantes,
compétitives et répondant aux priorités nationales : le Centre de Recherche en Sciences et
Technologies de l'Energie, le Centre de Recherche en Sciences et Technologies de l'Eau, le Centre de
Biotechnologie dotés d’un total de 10 laboratoires et de deux unités de recherche. L’espace universitaire
abrite l’Institut Supérieur des Sciences et Technologies de l'Environnement créé en 2004.
nécessaire pour la création de leurs propres entreprises dans le secteur des technologies de la
communication.
- « La Technopole de Sidi Thabet » opère dans les secteurs des biotechnologies et de l’industrie
pharmaceutique. Elle offre des opportunités d'investissement pour la production de médicaments à
usage humain, de vaccins et sérums et de médicaments génériques. Comme pour Borj Cédria, deux
catégories de sous-espaces y sont proposées : une « zone d'attraction industrielle » et des « ateliers-
relais ». Sa pépinière joue le rôle d’incubateur fournissant un support de gestion au profit
d’entrepreneurs au cours de la phase initiale de développement technologique de leur projet, des
conseils aidant à convertir les « idées technologiques » en produits commercialisables. L’espace de
formation et de recherche se compose de six établissements : l’Institut Supérieur des biotechnologies,
l’Institut Supérieur de l'informatique, l’Institut supérieur des sciences et des technologies, l’Ecole de
Médecine Vétérinaire de Tunisie, l’Institut National de Recherche et d’Analyses Physico-chimiques et le
Centre National des Sciences et Technologies Nucléaires.
Conclusion
91 Ainsi, il est clair que la restructuration des systèmes de transport, de manutention et de stockage et
l'utilisation potentielle des technologies avancées dans le centre logistique multifonctionnel visent, dans
une logique de croissance mondialisée, à promouvoir l’ouverture de la Tunisie sur la Méditerranée et à
l’Union Européenne avec laquelle, la Tunisie a signé un accord de libre-échange en 1995. Ainsi, le
tourisme et l’industrie ne sont plus les seuls vecteurs de cette ouverture. Ils sont désormais confortés
par le binôme transport-logistique et par les activités sport-congrès-culture (à la manière de Barcelone).
Il est clair aussi que ces choix contribueront à consolider la zone de solidarité métropolitaine de Tunis à
l’Ouest et au Sud-Ouest (ville de Mejez El Bab et villes du Zaghouanais) et à l’étendre vers le Sud le
long d’un axe métropolitain assurant la jonction avec le Nord-Est et le Sahel. Ces deux ensembles
forment déjà un triangle représentant l’espace le plus ouvert et le plus compétitif du pays. Ce triangle
dont les éléments les plus forts et les plus dynamiques seront davantage articulés autour d’une zone
métropolitaine centrale formera, peut-être, le nouveau Nord-Est de la Tunisie comprenant le Nord-Est
actuel et le sahel de Sousse.
92 Quant à Sfax, deuxième ville du pays avec un demi million d’habitants située géographiquement en
dehors du « triangle compétitif », elle n’a pas réussi à mettre en place un système productif
suffisamment ouvert en tirant avantage de la croissance des activités industrielles exportatrices et des
activités d’accueil et de loisirs, les deux fleurons de l’économie tunisienne. De plus, la réalisation de la
liaison autoroutière avec Tunis, aujourd’hui en cours, a pris beaucoup de retard. La ville ne parvient pas
à engendrer un trafic suffisant pour justifier le développement de son aéroport et de son port. Le
développement des activités touristiques et de loisirs dans la ville (à Sidi Mansour, Taparura) n’est pas
prêt à se concrétiser tant que la ville n’a pas encore nettoyé son littoral des pollutions chimiques et
opéré sérieusement sa réconciliation avec la mer.
BIBLIOGRAPHIE
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Géographie de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis (9-11 mars 2000), Publications
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et pratiques des milieux et territoires », 3e colloque du Département de Géographie de la Faculté des
Sciences Humaines et Sociales de Tunis (9-11 mars 2000), Publications de l’Ecole Normale Supérieure
de Tunis, 15-35 (en langue arabe).
NOTES
1 Dlala H., 2002, ENS.
3 La double référence à la métropolité internationale des villes de l’ « archipel » et aux pays dits « périphériques » ou « émergents »
invite à utiliser l’expression de « métropoles périphériques » ou « émergentes » pour désigner des villes capitales du Sud dotées
d’une métropolité par la taille (millionnaire) jouant le rôle d’interface par rapport au reste du monde et cherchant à s’arrimer à
« l’archipel », engendrant enfin une recomposition du territoire (métropolitain) situé dans leur voisinage.
5 En fait, Tunis n’a commencé à s’occuper sérieusement du développement de son potentiel touristique (10% de la capacité
hôtelière nationale) et de la qualité de ses aménagements urbains que tardivement.
7 Liés à l’exode rural, les quartiers spontanés de la première génération (Mélassine, Saïda Manoubia, Jebel Lahmar, Kram Ouest)
ont bénéficié d’une série d’améliorations grâce à la mise en œuvre de projets urbains de réhabilitation et d’équipement assistés par
la Banque Mondiale. Ces actions ont concerné également certains quartiers de la deuxième génération, notamment celui
d’Ettadhamen-Douar Hicher. Cette zone a également bénéficié d’un plan de restructuration engagé dès 1988 ayant permis la
réhabilitation du bâti, la matérialisation de la voirie et des équipements socio-collectifs.
13 La première enseigne « Champion », du même groupe Carrefour, a ouvert ses portes en septembre 2005 (avec parking à
l’étage), dans le quartier « La Fayette » au centre de la capitale.
14 baltagi A. (Consultant - SIDES, Tunis - Tunisie), Projet d’un réseau intégré de transports collectifs dans la ville de Tunis.
Conférence, CODATU, 7 pages.
18 La Presse de Tunisie (12 juin 2006) - « Modernisation du transport urbain dans le Grand Tunis. La métamorphose d’une capitale
au cœur de la Méditerranée », p. 2 et 3.
19 700 dinars = 399,98 euros (11 septembre 2007), le Smig étant de 137 euros à partir de juillet 2006.
21 MEAT-DGAT/Schéma Directeur d’Aménagement du Territoire du Grand Tunis - Phase II/Tunisie 1997/ page S23.
22 Tunis, « ville du futur » est une idée centrale dans la conception du portail officiel de la municipalité de la capitale.
24 Direction Générale de la Marine Marchande (19 janvier 2006), « Projet de réalisation, de financement et d’exploitation d’un port
en eaux profondes sous forme de concession », Etude financée par l’Union Européenne, don n°119858/D/SV/TN.
AUTEUR
Habib DLALA
Docteur d’Etat en géographie (thèse soutenue à l’Université Louis Pasteur Strasbourg I – France)Professeur à la Faculté des
Sciences Humaines et Sociales de TunisUniversité de Tunis, 94, boulevard du 9 avril 1938 – Tunis 1007 – Tunisie – Fax : 216 71
567 551Habib.Dlala@fshst.rnu.tn