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Chapitre I : Notions de chargements limites et critères de rupture usuelles

1. Introduction :
Afin de dimensionner un ouvrage en génie civil, il faut évaluer les charges qu’il devra supporter.
Les charges sont des forces, des déformations ou des accélérations qui s'appliquent sur la
structure ou ses composantes. Elles occasionnent des contraintes, des déformations ou des
déplacements sur les structures.
Il y a deux grandes étapes physiques des matériaux en réponse à un effort : la phase
élastique et la phase plastique. On peut ajouter à cela la rupture qui est le point ultime de la
phase plastique.
La phase élastique correspond aux efforts sous lesquels le matériau revient dans sa forme
géométrique initiale lorsque l’effort est relâché. On peut visualiser cela en étirant un élastique et
en le relâchant, il reprendra alors sa forme initiale.
La phase plastique quant à elle correspond aux efforts au-delà de la phase élastique sous
lesquels le matériau ne revient plus dans sa forme géométrique initiale, c'est-à-dire qu’il est
déformé de manière permanente et que, si l’on continue à augmenter l’effort, le matériau
atteindra son point de rupture et pourrait entraîner la ruine de l'ouvrage. En fait, lorsque les
charges dépassent la zone élastique du matériau, les déformations deviennent non-linéaires,
c'est-à-dire qu’il peut subir de grandes déformations sans que les charges aient à augmenter
drastiquement.
La théorie du calcul à la rupture et de l'analyse limite permet de donner une estimation des
conditions de stabilité d'un système mécanique, pour un domaine de résistance locale et un
mode de chargement donnés.
Le calcul à la rupture permet de déterminer l'ensemble des chargements potentiellement
supportables par une structure, à partir de la seule connaissance de son domaine de résistance
local, de sa géométrie et de son mode de chargement.
Lorsqu’un matériau est sollicité jusqu’`a rupture, les essais montrent que la contrainte de
rupture δR est une grandeur présentant de fortes fluctuations pouvant même dépasser la décade
pour certains matériaux et que le mode de ruine dépend de la nature du matériau.

2. Modes de chargement :
On distingue plusieurs modes de chargement des structures : (1) chargement monotone, (2)
chargement cyclique, (3) chargement constant. Chaque mode de chargement correspond à un
mode de ruine particulier.
2.1. Chargement monotone :
Dans ce cas le chargement croît de façon continue. Le chargement peut consister en un déplacement
imposé ou une charge imposée. Dans le cas linéaire (´élasticité) les deux cas sont similaires. Dans le
cas d’un comportement plastique, il existe une charge limite que la structure ne peut pas dépasser.
Dans le cas d’un chargement en force, il y a rupture brutale par instabilité plastique (figure 1). Il peut
s’agir, par exemple, du cas d’un réservoir dont on augmente la pression.

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Fig. 1: Charge limite et mode de pilotage du chargement.
2.2. Chargement cyclique :
La charge ou le déplacement varient de façon cyclique au cours du temps. La rupture est différée
; elle n’interviendra qu’au bout d’un nombre de cycles dépendant de la sévérité du chargement
(figure 2). On parle de fatigue. Des nombreuses structures sont sollicitées en fatigue : moteurs,
pneus, ailes d’avions, hélices de bateau etc. . .etc.

Fig. 2: Chargement cyclique.


2.3. Chargement constant :
Dans ce cas une charge constante est appliquée sur une structure généralement à haute
température (c’est `a dire pour T=Tf > 0,5). Dans ce cas la structure flue. On se trouve également
dans un cas de rupture différée.
2.4. Chargements complexes :
Dans certains cas, le chargement peut être plus complexe que dans les cas précédents. Une
structure à haute température peut voir son niveau de charge varier au cours du temps. On
parle alors d’interaction fatigue– fluage. Une structure en fatigue dans laquelle se propage
lentement une fissure peut subir une surcharge qui entraine la rupture en charge limite.

3. Classes de matériaux vis à vis de la rupture :


Pour un essai sous chargement monotone d’une éprouvette de traction simple, on peut
distinguer différents types de mode de rupture (figure 3) :
- Rupture élastique - fragile : Le comportement global est linéaire élastique et la rupture
intervient de façon brutale (i.e. sans signes précurseurs). Les déformations à rupture

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sont généralement faibles (< 1%). Les matériaux ayant ce type de comportement sont les
céramiques massives, les verres.

Fig.3 : Matériaux fragiles.


- Rupture quasi – fragile : Le comportement global est non linéaire. Des décharges
partielles indiquent une forte perte de rigidité qui indique une micro – fissuration du
matériau. Cette micro - fissuration est la cause essentielle de la non-linéarité globale. Les
matériaux ayant ce type de comportement sont : Les composites En particulier les
composites céramique - céramique, Les bétons On observe ce comportement en
compression. En traction les bétons ont généralement une rupture élastique - fragile. Les
nouveaux bétons renforcés ont également une rupture quasi - fragile en traction.

Fig.4 : Matériaux quasi-fragiles.


- Rupture plastique– fragile : Le matériau plastifie mais rompt brutalement pour des
déformations relativement faibles. C’est le cas des métaux de type cubique centré ou
hexagonal lorsque la température est suffisamment faible.

Fig.5 : Matériaux plastiques fragiles.


- Rupture ductile : Le matériau plastifie et rompt progressivement. Une fissure stable
peut s’amorcer au sein de la matière. L’endommagement peut-être diffus et relativement
important. Les métaux cubiques à faces centrées ont ce comportement. Les métaux de type
cubique centré sont ductiles pour une température suffisamment élevée.

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Fig. 6 : Matériaux ductiles.

3. Plasticité :
Le comportement plastique est celui d’un corps solide qui prend des déformations permanentes
sans se fissurer. On admet généralement que ces déformations permanentes se produisent au
delà d’un seuil de contrainte appelé seuil de plasticité ou limite d’´elasticité.

3.1. Le seuil de plasticité :


En dessous du seuil de plasticité les déformations ne restent pas toujours parfaitement élastiques
(Frottements internes), mais après décharge, le corps doit reprendre progressivement mais
intégralement sa forme initiale. Le seuil de plasticité doit être vu comme une schématisation commode
: au-delà du seuil les déformations permanentes deviennent beaucoup plus importantes que les
déformations élastiques. La définition du seuil est conventionnelle (Fig. 7) et dépend de la précision
des moyens de mesure utilisés.

Fig. 7 : Seuil de plasticité.

3.2. Classification des cas de plasticité :

- Solide rigide plastique parfait : (Patin)


Dans la pratique la vitesse de déformation est suffisamment lente pour que l’on puisse négliger
les effets de frottement interne : absence de déformation différée ou de recouvrance retardée.
La plasticité pure est indépendante du temps.
| δ | ˂ δs  ɛ=0

δ = ± δs  ɛ = ɛp

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-Solide élasto-plastique parfait :
Elle correspond au cas idéal o`u le seuil d’´ecoulement est une constante matérielle
indépendante de la valeur de la déformation plastique atteinte. L’´ecrouissage ou durcissement
est nul.

| δ | ˂ δs  ɛ = ɛe = δ/E
δ = ± δs  ɛ = δ/E + ɛp

Fig. 8 : Elasto-plastique parfait.

-Solide élasto-plastique écroissable :


Le modèle le plus simple consiste à mettre en parallèle sur le patin un ressort de raideur K appelée
module d’´ecrouissage qui correspond au mécanisme de création des contraintes internes nécessaires
pour contenir l’´ecoulement plastique.

Fig. 9 : Elasto-plastique écrouissant.

4. Fonction de charge et Critères de rupture usuelle (Critères de plasticité) :


4.1. Fonction de charge dans l’état initial :
Pour définir quand les mécanismes de la plasticité sont activés, il faut introduire la notion de
critère de plasticité. Dans le cas unidimensionnel de l’essai de traction, la surface de plasticité se
réduit à deux points et le domaine d’élasticité est une droite :
 | δ | ˂ δ0 : élasticité
 δ = ± δs : plasticité possible
Dans le cas tridimensionnel, on peut se demander pour quelle « magnitude » du tenseur des
contraintes δ la plasticité apparaissent. On introduit un critère portant sur une fonction de
charge f(δ) à valeur scalaire, définie de façon conventionnelle comme étant inférieure ou égale à
zéro, de sorte que :
 f(δ) < 0 : élasticité
 f(δ) = 0 : plasticité possible

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Cette fonction définit le domaine dans l’espace des contraintes à six dimensions R6 (ou dans
l’espace des contraintes principales à trois dimensions) à l’intérieur duquel toute variation de
contrainte n’engendre que des variations de déformation élastique. L’ensemble des états de
contrainte δ tels que f(δ) = 0 définit la surface de charge. La fonction de charge permet de
transformer un état de contrainte complexe à six dimensions en une valeur scalaire équivalente
pouvant être comparée à une donnée expérimentale facile d’accès, la limite d’élasticité en
traction.
Cette fonction de charge est définie en fonction des caractéristiques propres du matériau
considéré.
4.2. Critères de rupture usuelle (Critères de plasticité)
Un critère de plasticité, ou critère d'écoulement plastique, est un critère permettant de savoir,
sous des sollicitations données, si une pièce se déforme plastiquement ou si elle reste dans
le domaine élastique. De nombreux essais ont montré que l'on pouvait utiliser deux critères
principaux : le critère de Tresca-Guest ou le critère de von Mises. En résistance des matériaux,
on désire parfois rester dans le domaine élastique, on parle alors de critère de résistance.
Le tenseur des contraintes caractérise les efforts intérieurs définis pour chaque volume unitaire
de matière. Il permet de décrire précisément l’état de contrainte en chaque point et est noté :

Sachant que les termes hors diagonale correspondent à du cisaillement, et appartenant souvent
à la base vectorielle (X, Y, Z), il peut aussi s’écrire :

Les contraintes peuvent être exprimées dans une base telle que le tenseur des contraintes est une
matrice diagonale : on parle de contraintes principales :

4.2.1. Critère de Tresca (critère de la contrainte de cisaillement maximal) :


Ce critère fut introduit par H. Tresca (1864, 1867, 1868) à la suite d’expériences sur le plomb.
L’idée du critère de Tresca, ou critère du cisaillement maximal, est que la plasticité n’est plus liée à
l’énergie mais est provoquée par la contrainte de cisaillement maximale. Aussi le critère porte sur le
maximum de la contrainte de cisaillement sur toutes les facettes possibles. À une facette donnée de
normale n, le vecteur contraint peut se décomposer de la façon suivante :
T(n) = δ.n = δn + Շ
où δ est la contrainte normale à la facette et Շ le vecteur contrainte tangentielle évoluant dans le
plan tangent. L’état de contrainte tridimensionnel en un point peut être représenté de façon
plane au moyen des tricercles de Mohr schématisés sur la figure 10. Chaque cercle est le lieu
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géométrique des points décrits par l’extrémité du vecteur contrainte lorsque la normale n à la
facette considérée varie dans un plan donné. Le tricercle de Mohr est construit à partir des
contraintes principales δ1, δ2 et δ3 données dans le repère principal (e1; e2; e3). Le domaine
coloré de la figure 10 est le lieu géométrique pouvant être décrit par l’extrémité du vecteur
contrainte (ou état admissible des contraintes) lorsque la normale n à la facette considérée varie
dans l’espace.

Fig.10 : Cercles de Mohr.

Puisque la déformation plastique se fait par cisaillement, le critère de Tresca considère la cission
déterminée selon le cercle de Mohr. Dans le cas de contraintes planes (σ3=0), la condition de
déformation élastique devient :
|σ1 – σ2 | ≤ Re et |σ1 – σ3 | = |σ1 | ≤ Re et |σ2 – σ3 | = |σ2 | ≤ Re.
Dans le cas de contraintes tridimensionnelles, on a :
|σ1 – σ2 | ≤ Re et |σ1 – σ3 | ≤ Re et |σ2 – σ3 | ≤ Re
ou encore :
max i ≠ j (|σi - σj |) ≤ Re
La fonction d'écoulement plastique est alors (la fonction de charge) correspondante s’écrit :
ƒ(σ1, σ2, σ3) = max ( ou sup) i ≠ j (|σi - σj |) - Re. (Re = δ0)
(δ i, j = 1, 2, 3. Contraintes principales).
La surface limite est un prisme à base hexagonale dont l'axe est la trisectrice des trois axes (σ1,
σ2, σ3).

Fig. 11. Critère de Tresca : domaine d’élasticité dans l’espace des contraintes principales
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4.2.2. Critère de Von-Mises (critère de l'énergie de distorsion élastique) :
Le critère dit de von Mises fut formulé par Maxwell en 1865. Huber (1904). Cependant, sa
paternité est généralement attribuée à von Mises (1913). On parle aussi parfois de la théorie de
Maxwell–Huber–Hencky–von Mises, ou de critère de Prandtl-Reuss.
Le critère de von-Mises considère que le seuil de plasticité est lié à l’énergie de déformation
élastique de cisaillement (critère énergétique). L’énergie de déformation élastique est définie à
partir de la puissance des efforts intérieurs.
Le critère de plasticité permet de se positionner par rapport à la Re (δ0) :

 contraintes ≤ Re : non-plastification, d'où existence d'un potentiel de tenue en fatigue


 Contraintes > Re : plastification, potentiel de tenue en fatigue réduit, voire inexistant

Le critère de von Mises est le plus couramment utilisé.


Critère de von Mises :

Ce critère prend compte des composantes de contraintes en traction, compression et


cisaillement pour donner un niveau de contrainte isotrope (le même dans toutes les directions).
Le critère de Von Mises n'indique pas le type de sollicitations : traction, compression,
cisaillement,… .
Le domaine d’élasticité est un cylindre circulaire.

Fig. 11. Critère de Von Mises : (ellipse) domaine d’élasticité dans l’espace des contraintes principales.

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5. Autres critères de limite d'élasticité :

5.1. Critère de Coulomb :


Le critère de Coulomb s'applique aux ouvrages en terre. Là encore, s'il s'agit d'un critère de
limite d'élasticité, ce n'est pas un critère de plasticité. La condition de stabilité est :
τ + σ.tan (φ) - C ≤ 0
avec:
φ : angle de frottement interne compris entre 0 et π/2 ;
C : cohésion du matériau.

5.2. Critère de Rankine :

Le critère de Rankine énonce simplement que pour rester dans le domaine élastique, aucune
contrainte principale ne doit dépasser la limite d'élasticité :
Max (|σ1|, |σ2|, |σ3|) ≤ Re
Dans le cas de contraintes planes, la frontière dessine un carré dans le plan (σ1, σ2).

5.3. Critère de Mohr - Caquot :

Le critère de Mohr-Caquot est un critère de rupture pour les matériaux fragiles ; c'est donc un
critère de limite d'élasticité, mais pas de plasticité (puisqu'il n'y a pas de domaine plastique pour
les matériaux concernés).
L'accroissement de la pression isostatique σm diminue l'amplitude des cercles de Mohr
critiques. Pour les matériaux fragiles, les courbes enveloppes des cercles de Mohr sont deux
droites. La valeur de cisaillement à ne pas dépasser, τmax, s'exprime par :
τmax, c = a + k × σm.

a et k : sont des constantes.

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