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Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

CHAPITRE 1
GENERALITES

1.1.Les Grandes classes des matériaux


1.1.1. Classification selon les propriétés mécaniques
Les matériaux résultent de la matière travaillée par l'homme pour fabriquer des objets. Le
processus d'élaboration procure au matériau une certaine microstructure qui à son tour
détermine ses propriétés chimiques, physiques, mécaniques, électriques, thermiques. Il s'agit là
des propriétés intrinsèques du matériau.
L'ingénieur groupe les matériaux en trois classes correspondant approximativement à trois types
de comportement.

Matériaux Comportement
Verres et céramiques Dureté et fragilité
Métaux et Alliages Ductilité
Polymères Déformabilité

Tab 1.1. Les trois classes de matériaux

A ces trois classes s'ajoute la classe des composites comportant au moins deux constituants
distincts réunis par un matériau de liaison.L'association confère à l'ensemble des propriétés que
ne possède aucun des composants pris séparément. Les matériaux assemblés peuvent être du
bois, des fibres végétales, du plastique, du métal.

1.1.2. Classification selon leur microstructure


Selon leur microstructure, les matériaux se divisent en deux classes suivant qu’ils sont
cristallins ou amorphes.
Les matériaux cristallins comprennent les métaux, une grande partie des céramiques, une partie
des polymères et la plupart des minéraux. Les atomes y sont disposés régulièrement suivant un
réseau tridimensionnel.
L’état amorphe est caractérisé au contraire par des atomes placés de façon plus irrégulière. Les
matériaux amorphes comprennent en dehors des verres de nombreux polymères.
Une structure mixte contient à la fois des zones amorphes et des zones cristallisées.

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Monocristal Polycristal

SiO2 : Silicate de sodium


SiO2 cristallin SiO2 amorphe

Structure mixte

Fig. 1.1. Microstructures des matériaux

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1.2. Echelle et moyens d’observation


Le comportement des matériaux peut être étudié :
➢ a) échelle atomique (nanomètre ou moins) ;
➢ b) Echelle microscopique (1 à quelques dizaines de microns) ;
➢ c) Echelle mésoscopique (centaine de microns) ;
➢ d) Echelle macroscopique (centimètre) : échelle du laboratoire (éprouvette).
➢ e) Echelle de l’ingénieur (du centimètre au mètre) : structures.

Fig. 1.2. Echelles d’observation et les principaux moyens utilisés

1.2.Méthodes expérimentales
L’objectif des essais est de fournir à l’ingénieur, les caractéristiques mécaniques du
matériau (modules d'élasticité, limite d'élasticité, écrouissage, ductilité etc.) nécessaires aux
calculs qu’il compte mener. Dans la plupart de ces essais, on observe les déformations
que subit une éprouvette sous l’action d’un système donné de contraintes.
Il existe de nombreux essais qui permettent de caractériser les propriétés mécaniques des
matériaux. Certains sont normalisés :
AFNOR - Association Française de NORmalisation
ISO - International Standardisation Organisation
Allemagne - DIN 50 125, 50 145
ASTM - American Society for Testing and Materials.
Les méthodes expérimentales peuvent être classées comme suit.

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1.2.1. Selon le chargement


a) Chargement monotone
Dans ce cas le chargement croît de façon continue. Le chargement peut consister en un
déplacement imposé ou une charge imposée. Dans le cas linéaire (élasticité) les deux cas sont
similaires. Dans le cas d’un comportement plastique, il existe une charge limite que la structure
ne peut pas dépasser. Dans le cas d’un chargement en force, il y a rupture brutale par
Instabilité plastique (figure 1.3). Il peut s’agir, par exemple, du cas d’un réservoir dont on
augmente la pression.

Fig. 1.3. Pilotage du chargement

b) Charge-décharge
On augmente la force F puis on la ramène à 0. La figure 1.4 représente la réponse à une série
de charges-décharges consécutives dans le cas d’un comportement avec écrouissage.

Fig. 1.4. Réponse à une série de charges-décharges consécutives

c) Chargement cyclique

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La charge ou le déplacement varient de façon cyclique au cours du temps. La rupture est différée
; elle n’interviendra qu’au bout d’un nombre de cycles dépendant de la sévérité du chargement
(figure 1.5). On parle de fatigue.

Fig. 1.5. Chargement cyclique

d) Chargement constant
Dans ce cas une charge constante est appliquée sur une structure généralement à haute
température. Dans ce cas la structure flue. On se trouve donc dans un cas de rupture différée.

e) Chargements complexes
Dans certains cas, le chargement peut être plus complexe que dans les cas précédents. Une
structure à haute température peut voir son niveau de charge varier au cours du temps. On parle
alors d’interaction fatigue–fluage. Une structure en fatigue dans laquelle se propage lentement
une fissure peut subir une surcharge qui entraine la rupture en charge limite.

1.2.2. Selon que la contrainte ou la déformation soit imposée


Essai d’écrouissage :Essai pour lequel la déformation est imposée à vitesse constante;

Fig.1.6. Ecrouissage

Fluage + recouvrance : Essai pour lequel la contrainte  est imposée grâce à une fonction
échelon suivi d’attente à contrainte nulle. La courbe de réponse caractérise la déformation
différée (viscosité).

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Fig.1.7. Fluage +recouvrance

Relaxation :Essai pour lequel la déformation est imposée selon une fonction échelon. La
courbe de réponse caractérise aussi la viscosité.

Fig. 1.8. Relaxation

1.2.3. Selon la direction des contraintes


a) Les essais uniaxiaux classiques
Pour identifier le comportement macroscopique d'un matériau, on réalise des essais uniaxiaux
sur éprouvette, i.e. des essais où l'on exerce des forces de traction ou de compression dans une
direction (soit e1 ). Le tenseur des contraintes sera alors de la forme :

11 0 0
 =  0 0 0 =  e1  e1
 
 0 0 0

Le tenseur des déformations  ne sera pas en général uniaxial et on notera  sa composante


11.L’essai peut être piloté en contrainte (on impose une valeur à la force F donc à la
contrainte) ou en déformation (on applique un déplacement aux têtes d’éprouvette de façon à
atteindre une déformation prescrite  dans la zone utile de l’éprouvette).Une histoire de
chargement (en contrainte ou en déformation) est appliquée à l’éprouvette et les résultats des

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mesures sont portés dans un diagramme (,). Différents types de chargement permettent de
mettre en évidence différents aspects du comportement des matériaux testés.

Fig. 1.10. Essai de traction

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L’essai de torsion : Réalisé sur éprouvette pleine, cet essai est essentiellement utilisé à haute
température pour connaître l'aptitude à la mise en forme des métaux. L'avantage de ce type
d’essai est d'éviter la striction. Par contre, il est d'interprétation difficile, dans la mesure où l'état
de contrainte et déformation n'est pas uniforme. Il est possible de remédier à ce dernier
inconvénient, en adoptant comme éprouvettes des tubes minces qui peuvent être instrumentés
localement, à l'aide de jauges ou d'extensomètres.

Fig. 1.11. Essai de torsion

L’essai de flexion : L’essai de flexion est un test mécanique statique. Cet essai permet de
caractériser des propriétés intrinsèques et extrinsèques du matériau étudié.

Machine universelle de flexion trois points Flexion 4 points

Fig. 1.12. Essais de flexion

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Cet essai permet par exemple de connaitre :


- la résistance à la traction du béton ;
- la déformabilité des matériaux (courbes charge-flèche) ;
- le comportement mécanique du matériau.

b) Essais biaxiaux
Les essais les plus courants sont des essais biaxiaux (deux contraintes principales non nulles)
effectuées sur éprouvettes minces. L’essai de traction-torsion effectué sur un tube mince (figure
1.13) permet d’imposer dans la zone utile de l’éprouvette un état de contrainte de la forme :
0 0 0 
 = 0 0   =  e z  e z +  ( e   e z + e z  e  )
 
0  

Fig. 1.13. Essai traction-torsion

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L’état de contrainte que l’on peut imposer lors d’un essai de traction biaxiale sur éprouvette
plane et mince (figure 1.14) est de la forme :

11 0 0
 =  0 22 0 =  e1  e1 +  e2  e2
 
 0 0 0

Fig. 1.14. Essai de traction biaxiale

Les essais sur éprouvettes minces sont limités par le phénomène de flambement (instabilité en
compression) qui impose de travailler avec de faibles contraintes de compression.

c) Essai triaxiaux
Il existe peu d’essais réellement triaxiaux où les trois contraintes principales sont pilotées
indépendamment (figure 1.15). En mécanique des sols, l’essai triaxial (figure 1.16) est un essai
de compression axiale d’un échantillon soumis à une pression latérale p constante. La
compression axiale est poussée jusqu’à l’obtention de la rupture. Le tenseur des contraintes peut
s’écrire sous la forme :

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F 
 = (e2  e2 + e3  e3 ) +  +   e1  e1
S 

Fig. 1.15. Montage d’essai de tri-compression

Fig.1.16. Essai triaxial

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d) Essais complexes
Outre les essais de traction-torsion sur tube, il existe d’autres moyens de générer des états de
contraintes multiaxiales contrôlés dans des éprouvettes. C’est le cas d’essais de traction-
pression interne sur tube.

Fig. 1.17. Essai multiaxial

1.3. Les grandes classes de comportement macroscopique


1.3.1. Sous charges monotones
Les essais sous charge monotone permettent de mettre en évidence plus précisément les
phénomènes suivants.
- Un domaine (en contrainte ou en déformation) à l’intérieur duquel le comportement (c’est-à-
dire la relation(,) est linéaire et à l’extérieur duquel il devient non linéaire.

Fig. 1.18. Loi de comportement comportant une partie linéaire et une partie non linéaire

- Le durcissement du matériau. Le durcissement correspond au cas d’une courbe (,) croissante


(toute augmentation de déformation requiert une augmentation de contrainte).

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- L’adoucissement du matériau. L’adoucissement correspond à une courbe(,) décroissante (la


contrainte diminue alors que la déformation augmente).Pour détecter correctement
l’adoucissement il est nécessaire de contrôler l’essai en déformation (le pilotage en contrainte
ne peut se poursuivre au-delà de la contrainte maximale et provoque une instabilité de l’essai).

Fig. 1.19. Durcissement et adoucissement du matériau

La plus ou moins grande ductilité du matériau : certains matériaux se rompent très rapidement
après avoir dépassé leur domaine de linéarité (figure 1.20a). Lorsque la rupture intervient en
même temps que la perte de linéarité, le matériau est dit élastique-fragile. A l’inverse certains
matériaux se déforment beaucoup avant de se rompre(caoutchoucs, polymères, certains métaux
à chaud). Ils sont dits ductiles et la déformation à rupture est une mesure de la ductilité du
matériau. La figure 1.20b présente la courbe de traction typique d’un acier doux. On note que
sitôt après la perte de linéarité cette courbe présente un plateau avant de se redresser pour des
déformations plus importantes.

a) Comportement élastique fragile b) Comportement ductile

Fig. 1.20. Comportement ductile et fragile des matériaux

1.3.2. Charge-décharge
- L’anélasticité :si les courbes de charge-décharge coïncident, le milieu est élastique
(éventuellement non linéaire). Dans le cas contraire il est anélastique. Après décharge complète,
il subsiste une déformation résiduelle. Cette déformation résiduelle peut s’effacer avec le temps,
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signe d’une viscosité du matériau. Dans les matériaux insensibles à la vitesse de chargement
(métaux laminés à froid par exemple), cette déformation résiduelle est permanente, tant que
l’application d’une contrainte ne vient pas la perturber.

a) comportement élastique b) comportement anélastique


(éventuellement non linéaire)

Fig. 1.21. Comportement élastique et anélastique des matériaux

Ecrouissage : L’anélasticité ne se manifeste que lorsque la force atteint un certain seuil, qui est
la limite d’élasticité du matériau. Initialement ce seuil est0 (voir figure1.21b).Dans la plupart
des métaux, si on effectue une décharge de A à B puis on recharge en B, la charge se fait à
nouveau le long du trajet AB et de façon élastique(le trajet AB est réversible) et selon le
coefficient de proportionnalité E. La limite d’élasticité pour une charge à partir de Best donc
A. Le matériau est dit écrouissable.
Effet Bauschinger : Quand on effectue un essai de compression à partir de l’état naturel sans
contrainte (à partir du point O), on observe en général un seuil 0 identique en traction et en
compression. En revanche si l’on déforme le matériau plastiquement puis qu’on le décharge (à
partir du point A) et que l’on prolonge la décharge par application d’une contrainte négative
(compression), on observe souvent une dissymétrie du seuil d’élasticité en compression par
rapport à sa valeur en traction : c’est l’effet Bauschinger (c A).

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Fig. 1.22. Effet Bauschinger


Endommagement : Dans le domaine élastique et dans la plage des petites déformations, la
charge et la décharge s’effectuent le plus souvent suivant une droite. La plupart du temps la
pente de cette droite est la pente initiale de la courbe contrainte déformation, Il arrive cependant
que le module d’élasticité diminue lors d’une série d’essais de charge-décharge, il y a alors
endommagement.

Fig. 1.23. Endommagement couplé à la plasticité

1.3.3. Essai cyclique


Sous l’effet des chargements cycliques à contraintes imposées, les matériaux peuvent avoir l’un
des trois états limites : l’adaptation, l’accommodation, ou le phénomène de rochet (figure 1.24).

Fig. 1.24. Comportement des matériaux sous chargement cyclique

Les phénomènes d’adaptation et d’accommodation correspondent à une stabilisation de la


déformation après quelques cycles. Lorsque le cycle stabilisé présente une boucle d’hystérésis,
on dit qu’il y’a accommodation. L’adaptation correspond à un cycle stabilisé où le
comportement devient élastique. Ces deux phénomènes sont différents du rochet puisque dans
ce dernier, la déformation résiduelle dans la structure augmente régulièrement cycle après cycle.
Le phénomène de rochet est donc le plus dangereux pour la sécurité des ouvrages car il conduit
rapidement à la ruine de la structure.

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Lors des essais cycliques à déformation imposée, suivant la nature du matériau, il peut se
produire le phénomène de durcissement ou d’adoucissement (figure 1.25).

Fig. 1.25. Phénomènes de durcissement et d’adoucissement

Sous chargement cyclique, les éléments de construction se rompent sous des contraintes
inférieures à la résistance ultime mesurées dans les essais statiques, parfois même inférieures à
la limite d’élasticité (s’il s’agit d’un matériau ductile). On observe également que plus la
variation des contraintes est forte, plus le nombre de cycles de sollicitations nécessaires à
produire la rupture diminue. Ce phénomène de la décroissance de la résistance du matériau aux
efforts variables dans le temps s’appelle fatigue.
La courbe de Wöhler est la seule qui permet de visualiser la tenue de la pièce ou des matériaux
dans le domaine de fatigue. Elle définit une relation entre la contrainte appliquée σ (parfois
notée S) et le nombre de cycles à la rupture NR (en fait nombre de cycles pour lequel on observe
P% de ruptures). La courbe de Wöhler est appelée courbe S-N (Stress - Number of cycles) dans
les pays anglo-saxons. En pratique, la courbe de Wöhler est généralement donnée pour une
probabilité de rupture p = 50%.

Sur la courbe de Wöhler, on peut distinguer trois domaines :


Domaine de fatigue oligocyclique où les ruptures surviennent après un petit nombre de cycles
(N 103….105). Il correspond à des contraintes élevées pour lesquelles se produit une
déformation plastique macroscopique du matériau.
Domaine de l’endurance limitée où les ruptures surviennent après un nombre de cycles
croissant avec la décroissance de la contrainte(103….105 <N 107….108).Dans ce cas, la
rupture survient sans être accompagnée d’une déformation plastique d’ensemble mesurable. La
réponse de l’éprouvette peut être purement élastique (comportement élastique dès les premiers
cycles) ou bien adapté (comportement devenu élastique après stabilisation cyclique).
Domaine d’endurance illimitée ou zone de sécurité où les ruptures ne se produisent pas avant
un nombre de cycles supérieur à la durée de vie envisagée de la pièce (N> 107….108).
En deçà d’une valeur seuil , dite limite de fatigue, il n’y a jamais de rupture par fatigue quel
que soit le nombre de cycles appliqué. Cette limite peut ne pas exister ou être mal définie pour
certains matériaux (aciers à haute résistance, métaux non ferreux).

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x x

x x x

x xx x
xx x
x xx
xx x
x x xx x x x x x

x x x x x

103 107

Fig. 1.26. Courbe de Wöhler S-N et les différents domaines de fatigue

1.4. Diversité des mécanismes de déformation microscopiques


Le comportement macroscopique est en fait le résultat de déformations locales à une échelle
microscopique, voire à une échelle inférieure. Cet aspect microscopique est fondamental pour
la compréhension physique des phénomènes et relève du domaine des matériaux.
A l’échelle microscopique, les différents mécanismes de déformation observés sont :
Clivage : Rupture des liaisons interatomiques dans une direction perpendiculaire au plan de
rupture. Ce mécanisme est dominant dans les matériaux fragiles.

Fig. 1.27. Mécanisme du clivage

Glissement : Le glissement est activé par la contrainte de cisaillement sur les plans atomiques
dont les liaisons sont les plus faibles. Ce mécanisme est dominant dans les matériaux ductiles.
Le glissement des plans atomiques ne s’effectue pas d’un bloc mais progressivement par
propagation d’un défaut appelé dislocation dans l’arrangement des atomes.

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Glissement en bloc

Glissement progressif (dislocation)

Fig. 1.28. Mécanismes de Glissements


Le Glissement des Plans Atomiqs d’un Bloc m

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CHAPITRE 2
PLASTICITE UNIAXIALE

2.1. Modélisation du comportement en traction–compression


Les chargements uniaxiaux correspondent à un tenseur de contrainte comportant une seule
composante non nulle. L'essai de traction, constitue la base de la caractérisation du
comportement inélastique. Sous chargement monotone, les différentes schématisations
couramment utilisées pour traiter des problèmes d’évolution élasto-plastique sont :
- les modèles parfaits ;
- les modèles élastique-plastique linéaires ;
- Les modèles avec écrouissage non linéaire.

2.1.1. Modèles parfaits


Ces modèles négligent l’écrouissage du matériau. Le système ne peut pas supporter une
contrainte dont la valeur absolue est plus grande que la contrainte d’écoulement plastique y.
Le modèle rigide plastique parfait est utilisé pour les problèmes de calcul des charges limites.
Le modèle élasto-plastique parfait est surtout utilisé du point de vue académique pour simplifier
la résolution analytique des problèmes posés.

Fig. 2.1. Schématisation des modèles parfaits

L'association d'un ressort et d'un patin en série (figure 2.2) correspond exactement au
comportement élastique-parfaitement plastique. Le ressort qui symbolise l'élasticité linéaire
parfaite, pour laquelle la déformation est entièrement réversible lors d'une décharge. Le patin,
modélise l'apparition de déformations permanentes lorsque la charge est suffisante.

Fig. 2.2. Association en série patin ressort

2.1.2. Modèles avec écrouissage linéaire

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Le comportement élastique-plastique linéaire caractéristique les matériaux capables de se durcir


(notion d'écrouissage) avec la déformation plastique. Pour modéliser les courbes d’écrouissage
des essais de traction–compression obtenues pour un chargement monotone, le plus simple est
d’utiliser des modèles construit à partir de segments de droite (figure 2.3).Le modèle rigide
plastique peut être utilisé lorsque les déformations plastiques sont très importantes par rapport
aux déformations élastiques.

(a) élasto-plastique avec écrouissage (EPE) (b) rigide-plastique avec écrouissage


(RPE)

(c) modèle d’écrouissage multi-linéaire

Fig. 2.3. Modèles d’écrouissage monotone

Par ailleurs, on distingue dans les modèles de comportement deux types d’écrouissage pour
caractériser l’évolution du domaine élastique : l’écrouissage isotrope et l’écrouissage
cinématique. L’´écrouissage isotrope modélise un gonflement du domaine élastique.
L’écrouissage cinématique correspond à une translation du domaine élastique. Le modèle
cinématique respecte l’effet Bauschinger couramment observé pour les matériaux métalliques,
à savoir un durcissement dans un sens (sens de l’écoulement plastique) et un adoucissement
d’égale amplitude dans le sens contraire (décharge élastique). Dans la réalité, les matériaux ont
un écrouissage qui est la combinaison des deux phénomènes (figure 2.4).
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Fig.2.4. Illustration des deux principaux types d’écrouissage

L'association d’un ressort et d'un patin en parallèle (figure 2.5) correspond au comportement
rigide plastique avec écrouissage.

Fig.2.5. Association ressort-patin en parallèle (Modèle de Prager)

Le modèle analogique ressort + patin devient élasto-plastique si on lui rajoute un ressort en


série (figure 2.6).

Fig. 2.6. Association ressort-patin-ressort

2.1.3. Modèles avec écrouissage non linéaire


Les modèles rhéologiques invoqués donnent des courbes linéaires, avec des modules plastiques
nul (modèle plastique parfait, H=0) ou constant. Une courbe contrainte-déformation (−) lors
d’un essai d’écrouissage est caractérisée par une partie élastique et une partie plastique. Nous

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nous intéressons ici principalement à la partie plastique. Cette courbe sera donc parfois
transformée comme décrit sur la figure 2.7.

pe

Fig. 2.7. Courbes de traction

En pratique, pour beaucoup de matériaux (dont la plupart des métaux), la partie élastique de la
déformation est très faible devant la partie plastique. Il est donc fréquent, dans une approche
phénoménologique, de négliger e, et donc de confondre  et p. Les principales lois de
comportement phénoménologiques utilisées sont les suivantes :
- la loi de Hollomon ou loi puissance, décrite sur la figure 2.8, où la contrainte est donnée sous
la forme :

 = k ( p ) 0.1  n  0.5
n

K et n sont deux paramètres, qu’on détermine à partir de la courbe d’essai de traction. Cette loi
ne s'appuie que sur les deux paramètres k et n et n'apporte aucune information sur la limite
d'élasticité.

Fig. 2.8. Loi de Hollomon

- Loi Ramberg-Osgood :
1
 = Y + k Y ( p ) MY

Y : contrainte à la limite élastique ;


KY : coefficient de résistance plastique ;

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MY exposant d’écrouissage.
- La loi de Ludwik :

 = Y + k (  p )
n

Fig. 2.9. Loi de Ludwik

- la loi de Swift ou loi de Krupkowski :

 = k ( 0 +  p )
n

On remarque,qu 'aveccetteloi,la limited 'élasticitédu matériau vaut y = k ( 0 )


n

Fig. 2.10.loi de Krupkowski

2.2. Surfaces et fonctions de charge

On appelle surface ou fonction de charge, la surface qui, à l'instant t, va délimiter le domaine


élastique dans l'espace des contraintes.

2.2.1 Modèle élastique-parfaitement plastique


La fonction de charge f est définie par :

f (  ) =  − y

𝜎̇
- Domaine d’élasticité si : f < 0 𝜀̇ = 𝜀̇𝑒 = 𝜀̇𝑝 = 0
𝐸
𝜎̇
̇
- Décharge élastique :f = 0 et f < 0𝜀̇ = 𝜀̇𝑒 = 𝜀̇𝑝 = 0
𝐸

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- Ecoulement plastique si :f = 0 et ḟ = 0 𝜀̇ = 𝜀̇𝑝 𝜀̇𝑒 = 0 𝜀̇𝑝 ≥ 0 =?


En régime élastique, la vitesse de déformation plastique est bien entendu nulle, la vitesse de
déformation élastique devenant à son tour nulle pendant l’écoulement plastique. Ceci implique
que l’expression de la vitesse de déformation plastique ne peut pas se faire à l’aide de la
contrainte.

2.2.2Modèle élastique-plastique avec écrouissage cinématique (Modèle de Prager, 1958)


Le modèle à écrouissage linéaire (figure 2.11b) est dit cinématique, car dépendant de la valeur
actuelle de la déformation plastique. Lors de l'écoulement plastique, la contrainte qui s'établit
dans le ressort vaut X = Hεp. H étant le coefficient d’écrouissage. Par ailleurs, cet écoulement
ne se produit que si la valeur absolue de la contrainte dans le patin, soit |σ-x|, est égale à σy,
Pour une déformation donnée, cette contrainte x est une contrainte interne (back stress) qui
caractérise le nouvel état neutre du matériau. La fonction de charge dépend maintenant de la
contrainte appliquée et de la contrainte interne. Elle s’écrit :

f ( , X ) =  − X − y

Dans le cas général, les conditions de "charge-décharge" s'expriment donc ainsi :

𝜎̇
- Domaine d’élasticité si : f(σ, X) < 0𝜀̇ = 𝜀̇𝑒 =
𝐸
𝜎̇
̇
- Décharge élastique : f(σ, X) = 0etf(σ, X) < 0𝜀̇ = 𝜀̇𝑒 = 𝜀̇ 𝑝 =0
𝐸
𝜎̇
- Ecoulement plastique si :f(σ, X ) = 0etḟ(σ, X) = 0𝜀̇ = 𝜀𝑒̇ + 𝜀𝑝̇ = + 𝜀𝑝̇
𝐸

2.2.3. Ecrouissage isotrope


Une autre évolution élémentaire que peut subir le domaine d’élasticité est l’expansion. Cet autre
cas (figure 2.11a) correspond à un matériau dont le domaine d’élasticité voit sa taille augmenter,
mais qui reste centré sur l’origine : il s’agit d’un écrouissage isotrope (Taylor et Quinney, 1931).
La variable d’écrouissage qui intervient dans f estla dimension du domaine d’élasticité, notée
R:

f ( , R ) =  − R − y

R est un paramètre scalaire mesurant la taille du domaine. L’évolution de cette variable est la
même quel que soit le signe de la vitesse de déformation plastique.
Dans bien des cas, les utilisateurs ne prennent pas la peine de définir une forme explicite de la
loi de comportement, et décrivent la courbe de traction point par point. Cela revient
implicitement à considérer un écrouissage isotrope.
L’écrouissage isotrope est prédominant pour les déformations importantes (au-delà de 10%).
Cependant, l’écrouissage cinématique continue de jouer un rôle important lors de décharges,
même pour les grandes déformations, et c’est lui qui est prépondérant pour les faibles
déformations et les chargements cycliques. Il permet en particulier de simuler correctement
l’effet Bauschinger. Il est néanmoins moins souvent utilisé que l’écrouissage isotrope, car son
traitement numérique est plus délicat.

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Fig. 2.11. Illustration des deux types d’écrouissage

2.3. Influence de la vitesse de déformation


Il est bien connu que pour un matériau de composition donnée, la courbe de traction dépend
fortement de sa microstructure, de la température à laquelle l'essai est exécuté ainsi que la
vitesse de chargement, qui est à spécifier au début de l'essai.
La vitesse de traction (qu’on peut maintenir constante durant l’essai) s’exprime
conventionnellement en grandeur nominale et en grandeur vraie par :

dn 1 dl
n = =
dt l 0 dt
d 1 dl
= =
dt l dt

Fig. 2.12. Influence de la vitesse de déformation sur la courbe de traction

Une façon de mettre en évidence la dépendance de la courbe de comportement à la vitesse de


déformation est de faire des essais de traction uniaxiaux en pilotant en déformation et en
imposant une vitesse de déformation constante. On constate que, plus la vitesse de déformation
est grande, plus la contrainte est élevée pour le même niveau de déformation (figure 2.12). La
sensibilité à la vitesse de chargement traduit le caractère visqueux du matériau.

25
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

La vitesse de déformation recommandée pour un essai standard est de l'ordre de 0.4% par s
dans le domaine plastique. Aux alentours de la limite élastique, le taux d'augmentation de la
contrainte ne devrait pas dépasser une dizaine de MPa par s.
Lors de la réalisation d’un essai, on doit donc utiliser une vitesse aussi proche que possible que
celle produite durant le phénomène étudié. Par exemple, si l’objectif est de valider la tenue en
fluage d’une structure, sous l’effet de son propre poids, la vitesse de déformation à considérer
sera très faible. Par contre, si l’objectif est d’étudier la tenue aux séismes de cette structure, la
vitesse de déformation doit prendre des valeurs beaucoup plus élevées, et la loi de
comportement à utiliser ne sera sans doute pas la même. Ceci conduit à différents types d’essais,
qui peuvent être classés en fonction de la vitesse de déformation mise en jeu (tableau 2.1).
Régime mécanique Vitesse de déformation (s-1)
fluage 10-6
quasi-statique 10-4 à 10-2
intermédiaire 1
dynamique 10 à 104
2

impact 106

Tab 2.1. Classification des essais en fonction du régime mécanique

Par exemple, un essai quasi-statique de traction uniaxiale sera réalisé à l’aide d’une machine
hydraulique ou mécanique. Par contre, dans le régime dynamique, la machine classique ne
suffira plus car la traverse ne pourra plus atteindre la vitesse requise. L’essai sera alors réalisé
sur un système de barres de Hopkinson où l’éprouvette est sollicitée par l’onde élastique de
compression arrivant de la barre incidente. Enfin, dans le régime d’impact, on utilisera, par
exemple un essai d’impact de plaques. Une plaque incidente vient impacter à 500m/s environ
la plaque étudiée.
On notera que la viscosité est généralement un mécanisme thermiquement activé. Il sera
d’autant plus important que le matériau est à une température élevée.

2.4. Influence de la température


Lorsque l’on sollicite mécaniquement un même matériau à différents niveaux de température,
on observe une évolution de sa réponse aussi bien dans le domaine élastique que dans le
domaine plastique. Généralement, lorsque la température augmente, la déformation totale
observée est plus importante pour un même niveau de contrainte.

Fig. 2.13. Influence de la température


2.5. Choix des lois de comportement

26
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

- Comportements viscoélastique :
➢ pour les polymères thermoplastiques au voisinage de la température de fusion,
➢ pour les verres au voisinage de la température de transition,
➢ pour les bétons frais.
- Comportements rigides-parfaitement plastiques:
➢ pour l'étude des sols,
➢ pour l’analyse limite,
➢ pour la mise en forme des métaux.
- Comportements plastiques :
➢ pour les métaux à des températures inférieures au quart de la température de fusion,
➢ pour les sols et roches.
- Comportements viscoplastiques :
➢ pour les métaux à moyenne et haute température,
➢ pour le bois, les sols (dont le sel),
➢ pour les céramiques à très haute température.

Il faut noter que chacun de ces types de modèles est approché, et que le choix de l'une ou l'autre
modélisation du comportement va dépendre de l'application visée. Ainsi un acier à température
ambiante peut être considéré comme élastique linéaire pour le calcul des flèches d'une structure
mécanique, viscoélastique pour un problème d'amortissement de vibrations, rigide-parfaitement
plastique pour un calcul de charge limite, élasto-viscoplastique pour l'étude de contraintes
résiduelles.

27
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

CHAPITRE 3
Plasticité des poutres en flexion

3.1. Introduction
En étudiant le comportement des structures en béton armé, en acier ou mixte jusqu’à la rupture,
il a été constaté, qu’au-delà de certaines charges, la distribution des efforts différent de celle
obtenue à l’aide du calcul élastique. Ce processus de redistribution est dû essentiellement à la
plastification du matériau ou à la fissuration du béton. C’est Kazincky (1914) qui a été le
premier à observer et à expliquer théoriquement la redistribution des moments dans les
structures en béton armé. Ce sont les états unis, en 1963, et l’ex Union soviétique, en 1954, qui
ont introduit les premiers dans leurs règlements les méthodes de calcul plastique.
Le calcul par la méthode plastique permet de :
- présenter d’une façon plus précise le comportement de la structure dans différentes conditions
;
- réaliser des économies de matériaux ;
- simplifier les calculs.

3.2. Moment plastique


Considérons une section transversale d’une poutre asymétrique soumise à une flexion pure. Si
le moment fléchissant est faible, la contrainte et la déformation varient linéairement sur la
hauteur conformément avec la théorie de la résistance des matériaux. En augmentant le moment
fléchissant, la limite élastique est atteinte dans la fibre la plus éloignée du centre de gravité de
la section transversale (figure 3.1a) et on obtient le moment élastique maximal qu’on calcule à
l’aide de la formule classique suivante :

IG
M e = Wéla e = e
y max

où IG est le moment d’inertie de la section transversale calculé par rapport à l’axe qui passe par
le centre de gravité de la section, perpendiculairement au chargement; Wéla est le module de
résistance élastique et ymax est la distance de la fibre neutre n-n à la fibre extrême.

Fig. 3.1. Plastification progressive d’une section transversale

28
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

Si le moment augmente au-delà de Me, la plastification se propage à partir de la fibre extrême


vers l’intérieur et atteigne la fibre extrême opposée (figure 3.1b). Si le moment fléchissant
continue à croître, la zone élastique diminue jusqu’à ce que toute la section transversale soit
complétement plastifiée (fig. 3.1d). Le diagramme bi-rectangulaire des contraintes correspond
au moment de plastification Mpl ou au moment ultime Mu de la section, moment maximum que
peut supporter la section, s’il n’y a pas risque de voilement ou de déversement de la poutre. On
remarque que l’axe neutre évolue avec la progression de la plastification de la section. Pour une
section symétrique, l’axe neutre coïncide avec l’axe neutre élastique.
Quand la section est entièrement plastifiée, la position de l’axe neutre (axe neutre plastique p-
p) se détermine par la condition d’effort normal nul :

  dA = ( A2 − A1 ) e = 0  A2 = A1
A

En d’autres termes, les aires des deux côtés de l’axe neutre plastique doivent être égales (A1=
A2).
Le moment plastique de la section transversale s’obtient par la formule :

A
M pl = Wpl e = ( y1 + y 2 ) A1e = ( y1 + y 2 ) e
2

où Wpl = ( y1 + y2 ) A1 est le module de résistance plastique de la section transversale.

Fig. 3.2. Axe neutre plastique (p-p) d’une section asymétrique

Pour une section rectangulaire, on peut facilement démontrer :

bh 2
- moment élastique maximum : M e = e
6
bh 2
- moment plastique : M pl = e
4

Le coefficient de forme plastique caractérise le gain de résistance dû à la plastification et


vaut :

M pl
= 1.5
Me

29
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Le tableau 3.1 indique les facteurs de forme plastiques pour différentes sections.

16 4 12 + 3S / S'
2  1.7 1.5  1.27
3  12 + 2S / S'

Tableau 3.1. Facteurs de forme plastique pour différentes sections

Plus ce rapport tend vers l’unité, meilleure est la section du point de vue élastique (toutes les
fibres plastifient en même temps). Dans ce cadre, la section 5 du tableau 3.1est optimale.

3.3. Loi moment-courbure


La loi de conservation des sections planes de Bernoulli se traduit par la relation suivante :

y
=− = −y
r
1
= désigne la courbure et r le rayon de courbure
r

Fig. 3.3. Courbure d’une poutre en flexion pure

L’analyse élasto-plastique ne peut être effectuée que si l’on établit une relation entre le moment
fléchissant et la courbure pour chaque section de la structure. Cette relation est généralement
représentée par un diagramme non dimensionnel montrant la variation du rapport M/Me en
fonction de /e. Cette loi dépend de la forme de la section transversale comme il est montré
dans la figure 3.4.

30
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

Fig. 3.4. Loi moment-courbure pour diverses formes de section droite

3.4. Rotule plastique


Considérons une poutre simplement appuyée chargée par une force concentrée en son milieu et
faisons croitre P jusqu’à ce que le moment maximal sous la charge P, PL/4, atteigne le moment
plastique de la section Mpl.

a) loi moment-courbure élasto-plastique b) loi moment-courbure élastique-


parfaitement plastique

Fig. 3.5. Plastification et déformation d’une poutre simple sous force concentrée

Selon la loi moment-rotation « élasto-plastique », les déformations plastiques s’étendent sur la


zone CD où le moment dépasse le moment élastique Méla, la courbure restant très faible, dans
les portions AC et DB. Par contre, si on utilise la loi moment-rotation « élastique-parfaitement
plastique», les déformations plastiques tendent à se concentrer dans la section E (moment
maximum), la courbure restant faible sur toute la longueur de la poutre, sauf E où elle est

31
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

théoriquement infinie (figure 3.5b). La déformée de la poutre tend donc à présenter un point
anguleux en E’ et tout se passe comme si la poutre était formée de deux tronçons articulés entre
eux au point E’ de moment maximum Mpl : on dit qu’une rotule plastique s’est produite en ce
point.
Les méthodes de calcul plastique admettent qu’il se forme dans une section de moment maximal
une rotule plastique qui diffère d’une articulation mécanique puisque elle équilibre un moment
non nul égal à Mpl (figure 3.6).

Fig. 3.6. Moments au droit d’une rotule plastique

Les essais expérimentaux ont montré que les sections des poutres peuvent résister à des
moments supérieurs au moment plastique et cela grâce à l’écrouissage de l’acier (figure 3.7).
Le comportement élastique-parfaitement plastique assure donc des résultats du côté de la
sécurité.

Fig. 3.7. Lois moment-courbure élasto-plastiques

32
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

3.5. Mécanismes de ruine


Quand les actions exercées sur une structure croissent, le moment fléchissant atteint dans
certaines sections (sections critiques) le moment plastique ultime Mpl. Il se forme dans ces
points des rotules plastiques qui vont se déformer sous moment constant. Les rotules se forment
au droit des charges concentrées et des sections où le rapport entre le moment sollicitant et le
moment résistant est le plus élevé.
Si la structure est p fois hyperstatique et s’il y’a création de p rotules plastiques supplémentaires,
elle devient isostatique. La naissance d’une rotule plastique supplémentaire a pour effet de
transformer la structure en un système hypostatique, c'est-à-dire elle se transforme en un
mécanisme qui s’écroule par suite d’une augmentation quelconque de la charge. Une structure
isostatique atteint l’état limite ultime dès l’apparition de la première rotule plastique. La ruine
de la structure peut se produire aussi de deux autres façons (figure 3.8) :
- mécanisme partiel qui n’affecte qu’une partie de la structure (figure 3.8b) ;
- mécanisme surabondant, qui pour des raisons de symétrie, fait intervenir un nombre de rotules
plus grand que le nombre nécessaire (figure 3.8c).

Fig. 3.8. Types de mécanismes de ruine

3.6. Méthodes de calcul plastique


Pour le calcul plastique, on admet que toute les charges croissent proportionnellement à un
multiplicateur (). La résistance limite plastique est déterminée par le multiplicateur limite
plastique (pl). L’état limite ultime étant atteint lorsque la structure se transforme en un
mécanisme. Le calcul selon la méthode plastique peut être conduit suivant l’une des deux
procédures suivantes :
- calcul à l’état limite ultime (méthode de l’équilibre ultime) en faisant abstraction de son
comportement antérieur. Pour le calcul à l’état limite ultime, il existe deux approches :
l’approche cinématique et l’approche statique.
- le calcul pas à pas qui consiste à suivre le comportement de la structure de façon continue,
lorsque le multiplicateur des charges  croit de zéro à sa valeur ultime. L’étude du problème
est décomposé en une succession de calculs élastiques conventionnels ;

3.7. Méthode de l’équilibre ultime


Par opposition à la méthode  pas à pas qui consiste à analyser l’évolution des efforts dans
une structure depuis le début jusqu’à la ruine, la méthode de l’équilibre ultime ne fournit que la
répartition des efforts internes juste avant la ruine, d’où le nom de la méthode.
Les hypothèses principales de la méthode de l’équilibre ultime sont :
- si dans l’une des sections de la structure le moment Mplest atteint, il naisse une rotule plastique
parfaite ;

33
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

- la rotation de la section où se situe la rotule plastique peut augmenter sans restriction et sans
que le moment fléchissant s’accroisse ;
- on néglige les déformations élastiques, ceci conduit à admettre une loi du type rigide-plastique
pour le diagramme moment-courbure des sections droites comme il est représentée dans la
figure 3.9;
- avant la ruine, il ne se produit aucun phénomène d’instabilité dans la structure ou dans l’une
de ses parties.

Fig. 3.9. Loi moment-courbure du type rigide-plastique

3.7.1. Théorèmes fondamentaux


Le calcul à l’état limite ultime des structures doit satisfaire les conditions suivantes:
1) Equilibre : les forces extérieures et les réactions appliquées à la structure doivent s’équilibrer
;
2) Résistance: les moments fléchissants ne doivent pas être supérieurs aux valeurs limites durant
toutes les étapes de chargement (M  Mpl);
3) Mécanisme : un nombre suffisant de rotules plastiques doit se former afin que la structure
puisse se transformer en un système instable.
Notons que dans le calcul élastique, la troisième condition est remplacée par la condition de
compatibilité et de continuité des déformations.
Il n’est, en général, pas possible de satisfaire en une seule fois les trois conditions du calcul
plastique. On est obligé de partir de deux de ces conditions et essayer de satisfaire la troisième
par tâtonnement.

3.7.2. Approche cinématique


Dans l’approche cinématique, on cherche la charge ultime en partant des conditions de
mécanisme et d’équilibre, tout en essayant de satisfaire les conditions de résistance. L’approche
cinématique est une méthode dite de la borne supérieure ; tout mécanisme autre que le
mécanisme de ruine correct fournira une charge ultime plus grande que la charge ultime « exacte
». Il existe une infinité de façons de placer des rotules pour obtenir un mécanisme. Les rotules
plastiques peuvent se former dans une section de moment fléchissant maximal (appui, nœuds
de cadre, section d’application d’une charge concentrée), ou dans une section de moment
plastique plus faible (changement de section, effets de l’effort tranchant et de l’effort normal).
La résistance limite plastique (charge ultime) associé au mécanisme plausible choisi est déduite
d’une équation des travaux virtuels.

Q   = M pl 

où le terme de gauche représente le travail virtuel des forces extérieures et celui de droite le
travail virtuel des déformations intérieures.

34
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

3.7.2. Approche statique


Dans cette approche, le but est de trouver un diagramme des moments statiquement admissible
en essayant de transformer la structure en un mécanisme. Il y a une infinité de diagrammes des
moments de flexion statiquement admissible ; en revanche, il n’y a qu’un seul diagramme des
moments de flexion qui soit statiquement et plastiquement admissible. L’approche statique
consiste donc à satisfaire les conditions de résistance et d’équilibre ainsi qu’à contrôler la
condition de mécanisme.
L’approche statique est une approche qui donne une charge ultime égale ou plus petite que la
charge ultime «exacte» ; c’est une solution de la borne inférieure. Elle donne des valeurs du
côté de la sécurité.

3.7.4. Théorème d’unicité


Des deux théorèmes précédents, où :

Q u,statique  Qu,exacte
Q u,cinématique  Qu,exacte

On peut déduire le théorème d’unicité suivant :


 Lorsqu’il est possible de faire correspondre à un mécanisme de ruine cinématiquement
admissible un champ de moments statiquement admissible, la charge commune correspondante
est la charge ultime théoriquement exacte (figure 3.10).
Il y a donc deux approches possibles pour déterminer la charge ultime par la méthode de
l’équilibre ultime :
- soit d’appliquer d’abord le théorème statique, avec contrôle par le théorème cinématique ;
- soit d’appliquer d’abord le théorème cinématique, avec contrôle par le théorème statique.

qu
Méthode cinématique
Méthode
cinématique

qu, exact Méthode Statique

Mécanisme
Diagrammes des moments
Fig. 3.10. Théorème d’unicité

3.8. Méthode pas à pas

La méthode pas à pas consiste à analyser les structures par étape en faisant croître
progressivement le coefficient de charge. Chaque étape est un calcul élastique classique.
Lorsque le moment fléchissant atteint dans une section critique le moment de plastification Mpl,
une rotule plastique naisse, ceci correspond à la fin de l’étape. La structure sera analysée dans

35
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

l’étape suivante en introduisant une articulation au droit de la section où s’est formée la rotule
plastique. Cette procédure sera répétée jusqu’à ce que la structure soit devenue un mécanisme.
Le facteur de charge i est déterminé pour chaque étape de calcul. La charge ultime au moment
de la ruine aura alors pour valeur :
n
Pu =  i P
1

n étant le nombre des pas.

L’avantage appréciable de cette méthode est qu’elle donne, en plus de la charge ultime :
- l’ordre de formation des rotules ;
- les déformations au cours des différents pas et les rotations plastiques ;
- les réactions hyperstatiques et les efforts internes au cours des différents pas.

36
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

CHAPITRE 4
PLASTICITE MULTIAXIALE

4.1. Introduction
Comme cela a été vu au chapitre 2, le comportement des matériaux peut présenter plusieurs
régimes (élastique, plastique). Pour exprimer la transition d’un régime à l’autre, il nous faut
disposer de critères. Dans le cas du comportement élastique-fragile, ce critère peut s’exprimer
aussi bien en contrainte qu’en déformation (ces deux grandeurs étant proportionnelles jusqu’à
la rupture brutale). Mais dans le cas de la plasticité, c’est sur les contraintes que le critère doit
porter.
Le problème serait simple s’il ne s’agissait que de traiter les cas où l’état de contrainte est
uniaxial : le critère s’exprimerait à l’aide de la seule composante non nulle de  . Mais en
général, l’état de contrainte dans une structure est multiaxial, c’est à dire que les trois contraintes
principales sont non nulles (ou plus simplement, la matrice représentant le tenseur des
contraintes dans une base fixe est pleine).
La définition donnée au chapitre 2 peut être généralisée en postulant qu'il existe, à chaque
instant dans l'espace des contraintes des tenseurs d'ordre 2 symétriques, un domaine dit domaine
de réversibilité ou domaine d'élasticité tel que la déformation plastique n'évolue pas tant que
les contraintes restent à l'intérieur. Le bord de ce domaine est appelé surface seuil de plasticité.
En pratique, il est commode de représenter ce domaine de réversibilité à l'aide d'une fonction
scalaire f, dite fonction de charge, fonction seuil ou critère de plasticité telle que :

- si f ()  0 , l’état actuel est intérieur au domaine d’élasticité  =   = D : 


e e

- si f ( ) = 0 et f ( )  0 , Il y’a décharge élastique  =   = D : 


e e

-si f () = 0 , l’état actuel se situe sur la frontière du domaine  =   = D :  − 


p
(p
)

Fig.4.1 Surface de charge en plasticité

Un état extérieur au domaine d’élasticité (f ()  0) est physiquement impossible à obtenir, le


domaine d’élasticité représente donc l’ensemble des états de contraintes admissibles.

37
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

4.2. Critères portant sur le vecteur contrainte

Le monocristal est anisotrope en raison du rôle particulier joué par certains plans ou certaines
directions de l’espace. Les matériaux de l’ingénieur sont le plus souvent considérés comme
isotropes, c’est-à-dire qu’aucune direction de l’espace n’est privilégiée, comme dans les
polycristaux (non texturés) où les différents grains peuvent être orientés selon toutes les
directions de l’espace de façon équiprobable. Cette hypothèse simplificatrice-mais néanmoins
acceptable assure l’invariance de f quel que soit le repère choisi pour exprimer le tenseur des
contraintes. En particulier, on peut utiliser le repère principal des contraintes pour exprimer f,
qui s’écrit donc :

f (I , II , III )  0

De plus l’isotropie impose que la permutation de deux arguments ne change pas la valeur de la
fonction :

f (II , I , III ) = f (I , II , III )

4.2.1. Critère de la contrainte normale maximale


Dans le cas des matériaux fragiles sujets au clivage (qu’ils soient polycristallins ou non), le
critère de la contrainte normale maximale exprime que la rupture se produit lorsque la traction
sur une facette dépasse une valeur critique 0indépendante de l’orientation de la facette. La
facette qui se rompt est donc celle qui est soumise à la plus grande traction. Toutes facettes
confondues, le critère s’écrit :

Sup  (n )  0
n =1

0 est la contrainte limite en traction simple du matériau.

si Sup  (n )  0 : pas de clivage


n =1

si  n tel que  (n) = 0 clivage sur le(s) plan(s) de normale n


où la contrainte limite est atteinte

La contrainte normale maximale est égale à la plus grande contrainte principale. En d’autres
termes, le critère est nécessairement atteint sur une facette principale de contrainte.
Les états de contrainte autorisés par le critère sont représentés sur la figure 4.2 par des cercles
de Mohr situés à gauche de la droite (verticale dans le plan de Mohr) d’équation  = 0 . Tout
état de contrainte conduisant à des cercles de Mohr coupant cette droite ne respecte pas le
critère.

38
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

Fig. 4.2. Représentation du critère de la contrainte normale maximale dans le plan de Mohr.
L’état de contrainte est représenté par les cercles de Mohr. a) Etat de contrainte physiquement
admissible, le critère n’est pas atteint. b) Etat de contrainte non physiquement admissible. c)
Etat limite : critère atteint.

4.2.2. Critère du cisaillement maximal


Le même raisonnement permet de proposer un critère simple de glissement plastique dans les
matériaux ductiles isotropes (polycristallins ou non) en ne privilégiant aucune direction
particulière. Tresca a postulé que la plastification se produit en un point du matériau lorsque la
contrainte de cisaillement (ou scission) maximale atteint une valeur critique 0 :

Sup  (n )  0 et
n =1
et

si Sup  (n )  0 : pas de glissement


n =1
si  n tel que  (n) = 0 glissement sur le plande la normale n
où le cisaillement limite est atteint

Le cisaillement maximal est égal à la moitié de la plus grande différence entre les contraintes
principales.Le critère de cisaillement maximal peut s’écrire donc :

  − II I − III II − III 


Sup  (n ) = max  I , ,   0
 2 2 2 
n =1

Le cisaillement critique 0peut être déterminé par un essai de traction simple où les contraintes
principales II = III sont nuls. Le cisaillement maximal étant égal à la moitié du diamètre du
grand cercle de Mohr vaut /2 dans un essai de traction simple d’intensité. Le cisaillement
critique est donc lié à la limite d’élasticité0 en traction simple par:0 = 0/2.
Le critère peut s’écrire donc également sous la forme :

39
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

max ( i −  j )  0
I  i, j  III

Les états de contrainte autorisés par le critère sont représentés sur la figure 4.3 par des cercles
de Mohr situés sous la droite (horizontale dans le plan de Mohr)  =0. Tout état de contrainte
conduisant à des cercles de Mohr coupant cette droite ne respecte pas le critère.

0

Fig. 4.3. Représentation du critère du cisaillement maximal dans le plan de Mohr. a) Etat de
contrainte physiquement admissible. b) Etat de contrainte non physiquement admissible. c) Etat
limite : critère atteint.

4.3. Critères portant sur le tenseur des contraintes


4.3.1. Critère de von Mises
Le critère dit de von Mises fut formulé par Maxwell en 1865. Huber (1904) le développa
partiellement dans un article en polonais. Cependant, sa paternité est généralement attribuée à
von Mises (1913). On parle aussi parfois de la théorie de Maxwell–Huber–Hencky–von Mises,
ou de critère de Prandtl-Reuss.
Le critère de von Mises, dit critère du plus grand travail de distorsion, suppose que la rupture
est due à la part de l’énergie de déformation provoquée par les seules déformations angulaires
(ij). Il peut ainsi s’énoncer comme suit : l’énergie fournie pour augmenter ou diminuer le
volume initial ne joue aucun rôle dans la rupture de l’équilibre élastique, seule l’énergie fournie
pour déformer le volume entre en ligne de compte.
L’énergie due au changement de forme sans changement de volume se calcule par la formule :

Uf =
1
12G
(
( 11 − 22 ) + ( 22 − 33 ) ( 11 − 33 ) + 6 ( 122 + 232 + 312 )
2 2 2
)
=
1
12G
( 2 2 2
) J
( I − II ) + ( II − III ) + ( I − III ) = 2
2G

où ij (i  1, j  3) est le tenseur des contraintes dans une base quelconque, i (I  i  III) est le
tenseur des contraintes principales, J2est le second invariant du déviateur du tenseur des
contraintes et G est le module de cisaillement.
Cette énergie ne doit pas dépasser une valeur limite si l'on veut rester dans le domaine élastique.
La valeur critique de l'énergie est donc, en prenant comme référence la traction uniaxiale (σII =
σIII = 0, σI = σ0 à la limite) :

40
Cours de Plasticité Soltani Mohamed Rédha

1 2
U crf = 0
6G
Le critère de Von-Mises revient en fait à limiter la contrainte octaédriqueoct, considérée comme
représentative des contraintes tangentielles, à une valeur déterminé par l’essai de traction :

oct  oct lim

Dans l’espace des contraintes principales, le critère s’écrit :

oct =
1
3
( )
tr 2D =
1
3
( I − II )
2
+ (  II −  III ) + (  I −  III )   oct lim
2 2

 D est le tenseur des contraintes déviatoriques.


La contrainte octaédrique limite octlim peut être déterminé par un essai de traction simple où les
contraintes principales sont1 = 2 = 0 et 3 = I, soit :

 I 0 0
=0 0 0
 
 0 0 0
d'où
1 1
oct = 22I   oct lim = 202
3 3

Le critère de von Mises s’écrit alors sous la forme :


- Dans la base principale :

f (  ) = ( I − II ) + (  II −  III ) + (  I −  III ) − 202  0


2 2 2

- Dans une base quelconque :

f (  ) = ( 11 − 22 ) + ( 22 − 33 ) ( 11 − 33 ) + 6 ( 12 ) − 202  0


2 2 2
2
+ 23
2
+ 31
2

σe est la limite d’élasticité en traction simple du matériau.


Le critère de von Mises, d’un usage très courant pour les métaux, peut aussi s’exprimer par :

f (  ) = eq − 0 = 3J 2 − 0  0

eq est la contrainte équivalente de von Mises qui traduit unétat de contrainte complexe en une
contrainte de traction qui lui est − vis-à-vis du critère de von Mises – équivalente. J2 est le
deuxième invariant du tenseur des contraintes déviatoriques :

J2 =
1
6

( I − II ) + (  II −  III ) + (  I −  III )
2 2 2

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Dans l’espace des contraintes principales, la surface limite est un cylindre à base circulaire,
circonscrit au cylindre à base hexagonale de Tresca, axé sur la trissectrice du repère (I, II,
20
III) et de rayon R = (figure 4.4).
3

Fig. 4.4 Critères de Tresca et de Von Mises dans l’espace des contraintes principales

Le critère de Tresca est plus sévère que celui de von Mises et l’écart maximal entre les deux
critères est de l’ordre de 13%
Les critères de Tresca et de von Mises sont tous deux insensibles à la pression hydrostatique.
En d’autres termes, si  vérifie le critère,  + pI vérifie le critère pour tout p = m = 1/3 tr().En
effet, pour le critère de Tresca on remarque que l’ajout d’une pression p aux contraintes
principales n’affecte pas le cisaillement maximal. En ce qui concerne le critère de von Mises,
il suffit de remarquer que  et  + pI ont même déviateur et donc même contrainte équivalente.
Les critères de Tresca et de von Mises vérifient l’hypothèse d’équivalence de la traction et de
la compression. Cette hypothèse se traduit, pour tout état de contrainte par :

f () = f ( − )

Il est à noter que la plupart des métaux ne vérifient pas cette hypothèse simplificatrice (effet
Bauschinger).

4.3.2. Comparaison des critères de plasticité de Tresca et de von Mises


Dans le plan traction-cisaillement (Figure. 4.5a ), lorsque seules les composantes σ = σ11 et τ =
σ12 sont non nulles; les expressions des critères se réduisent alors à:

- von Mises (forme Huber) : f ( ,  ) = 2 + 32 −  y


- Tresca : f ( ,  ) = 2 + 42 −  y

Dans le plan des contraintes principales (σ1, σ2) (Fig. 4.5b), lorsque la troisième contrainte
principale σ3 est nulle :

- von Mises : f ( 1 , 2 ) = 12 + 22 − 12 −  y

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- Tresca :
f ( 1 , 2 ) = 2 −  y si 0  1  2
f ( 1 , 2 ) = 1 −  y si 0  2  1
f ( 1 , 2 ) = 1 − 2 −  y si 0  1  2

a) En traction cisaillement b) En traction biaxiale


von Mises  m =  y / 3 , Tresca  t =  y / 2

Fig. 4.5. Critère de Tresca et von Mises

4.3.3. Critère de Mohr-Coulomb


Le critère de Mohr-Coulomb est utilisé pour les sols pulvérulents (sable), pour les sols cohérents
à long terme (argile et limons) et parfois pour le béton. Il est apparenté au critère de Tresca,
faisant intervenir comme lui le cisaillement maximum, mais en même temps la contrainte
"moyenne", représentée par le centre du cercle de Mohr correspondant au cisaillement
maximum. La surface de charge f () dans le repère des contraintes principales s’exprime de la
façon suivante :

f ( ) =
( 1 − 3 ) − ( 1 + 3 ) sin  − c cos  = 0
2 2

où 1et 3 sont les contraintes principales extrêmes (1>2>3), c’est la cohésion et  est
l’angle de frottement interne.

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Fig. 4.6. Représentation du critère de Mohr Coulomb dans un diagramme -

Ce critère est sous-tendu par la notion de frottement, et suppose que le cisaillement maximal
que peut subir le matériau ff est d'autant plus grand que la contrainte normale de compression
ff est élevée. La limite admissible constitue une courbe intrinsèque dans le plan de Mohr. La
formule énoncée ci-dessus- est obtenue avec une règle de frottement linéaire :

ff = ff tan  + c

La cohésion c, correspondant à la contrainte de cisaillement qui peut être supportée par le


matériau sous contrainte moyenne nulle. L'angle φ désigne le frottement interne du matériau.
Si C est nul et φ non nul, le matériau est dit pulvérulent. Si φ est nul et C non nul, comme dans
le cas du critère de Tresca, le matériau est purement cohérent.

Fig. 4.7. Représentation du critère de Mohr Coulomb dans un diagramme 1-3

Le critère de Mohr-Coulomb peut également s’écrire sous la forme :

1 − k p3 = c

1 + sin    
kp = = tan 2  − 
1 − sin  4 2 

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c : résistance à la compression simple

2c cos 
c =
1 − sin 

4.3.4. Critère de Drucker-Prager


Le critère de Drucker-Prager permet de modéliser le comportement élasto-plastique du béton
et de certains sols. C’est une extension du critère de von Mises, combinaison linéaire du
deuxième invariant du déviateur et de la trace du tenseur des contraintes I1. C'est toujours un
cercle dans le plan déviateur, mais qui dépend de 1’altitudesur la trisectrice des axes σ 1, σ2, σ3
de contraintes principales. Son expression est la suivante :

f ( i ) = J 2 − I1 − k

a) Dans l’espace des contraintes principales b) Dans le plan I1-J

Fig. 4.8. Représentation du critère de Drucker-Prager

 et k sont deux paramètres qui peuvent être déterminés à partir des résultats d’essais. si  = 0,
la loi se réduit à celle de von Mises.
Dans le repère des contraintes principales, il s’écrit sous la forme :

1
6
 2 2

( I − II ) + ( II − III ) + ( I − III ) = K +  ( 1 + 2 + 3
2
)

Si t est la contrainte limite en traction simple du matériau, le critère de Drucker-Prager


implique :
t
= K +  t
3
Si c est la contrainte limite en compression simple du matériau, le critère de Drucker-Prager
implique :
c
= K − c
3
La résolution du système des deux équations donne :

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2  c  t  1   t − c 
k=   =  
3  c +  t  3  c +  t 

En condition axiale axisymétrique (2 = 3), l’analogie entre le critère de Mohr-Coulomb et


Drucker Prager conduit aux relations suivantes :

2sin  6c
= k=
3 ( 3 − sin  ) 3 ( 3 − sin  )

Fig. 4.9.Comparaison entre les critères de Drucker-Prager et le critère de Mohr-Coulomb

4.4. Ecrouissage
Pour un matériau écrouissable (aciers, argiles, etc.), le domaine d’élasticité n’est pas fixé une
fois pour toute, mais dépend de l’état d’écrouissage, que l’on représente par une variable k
introduite dans l’expression de la surface de charge, notée f(ij, k). En effet, Lorsqu’on continue
la charge au-delà de la surface seuil initiale le matériau se déforme plastiquement. Puis, si l’on
décharge l’éprouvette, on revient en régime élastique. On peut alors déterminer la nouvelle
surface seuil de plasticité. Si cette nouvelle surface seuil est identique à la surface seuil initiale,
le matériau est élastique parfaitement plastique. En général cette nouvelle surface seuil, dite
surface seuil actuelle, est différente de la surface initiale. Cette modification traduit
l’écrouissage du matériau. Elle dépend bien entendu du trajet de déformation parcouru hors du
domaine d’élasticité initial. La figure 4.11, tirée des travaux de Bui, présente l’évolution de la
surface seuil d’un acier doux, pour deux trajets de chargement différents. Le premier trajet est
purement radial, comme ceux employés pour la détermination de la surface seuil initiale, mais
le chargement a été poursuivi au-delà de l’offset. Le second trajet n’est pas radial et consiste en
une traction simple (suivant l’axe horizontal) suivi d’une torsion à force de traction constante
(portion verticale). La surface seuil actuelle est différente dans les deux cas ce qui confirme le
rôle essentiel du trajet de chargement.

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Fig. 4.11. Essai de traction-torsion sur acier doux. Evolution de la surface seuil pour deux
histoires de chargement. a) Trajet de chargement purement radial. b) Le trajet de chargement
consiste en une traction pure (inférieure à la limite élastique), suivie d’une torsion à force de
traction constante.

Les modifications subies par la surface seuil peuvent être classées en trois catégories :
- Modification de taille : on observe un gonflement de la surface seuil.
- Translation : le centre du domaine d’élasticité se déplace. Ce déplacement est à l’origine de
l’effet Bauschinger rencontré au chapitre 1 : par exemple la surface seuil actuelle de la figure
4.11 présente une limite d’élasticité en compression inferieure (en valeur absolue) à la limite
d’élasticité initiale en compression.
- Distorsion ou changement de forme de la surface seuil. Initialement elliptique, la surface seuil
présente un point plus ou moins anguleux dans la direction de chargement. Cet effet est encore
plus net lorsque le trajet de chargement est unidirectionnel et sort beaucoup du domaine
d’élasticité initial, comme l’illustre la figure 4.12 qui présente différentes surfaces seuil pour
l’Aluminium en compression.
Diverses théories ont été construites pour représenter l’écrouissage. Les deux principales sont :
- La théorie de l’écrouissage isotrope : le domaine d’élasticité se transforme par homothétie de
centre O au fur et à mesure de l’écrouissage.

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- La théorie de l’écrouissage cinématique, pour lesquelles les frontières d’élasticité successives


se déduisent de la frontière initiale par translation dans l’espace.

a) Ecrouissage isotrope
f ( , R ) =  − R − y

b) Ecrouissage Cinématique
f ( , X ) =  − X − y

Fig. 4.12. Illustration de l’écrouissage isotrope et cinématique

4.5 Déformation plastique


La déformation totale  d’un matériau élasto-plastique peut être décomposée en une partie

élastique  , récupérable par décharge et une partie plastique  qui subsiste après décharge :
el p

 =  +  el = S : 
el P

S est le tenseur de souplesse élastique. En l’absence d’endommagement, la souplesse élastique

(ou son inverse la raideur élastique D ) est la même quelle que soit la déformation plastique.

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 en fonction des contraintes, car au même niveau de


P
Il est impossible d’obtenir directement
contrainte peut correspondre une infinité de déformations plastiques. Il faut de plus distinguer
la charge de la décharge, ce qui indique une influence du signe de 𝜎̇ sur la loi de
comportement.C’est donc une loi de comportement incrémentale reliant 𝜀 𝑝̇ , 𝜎̇ et éventuellement
d’autres variables d’état), qui régit le comportement élasto-plastique.

Fig. 4.13. Non unicité de la déformation plastique p àla contrainte  donnée

Au cours des essais multiaxiaux décrits dans la section précédente, il est possible de mesurer
les incréments de déformation plastique provoqués par un incrément de contrainte le long du
trajet de chargement appliqué. Dans le cas de la traction-torsion, les valeurs résiduelles après
décharge de ces quantités permettent le calcul des composantes zz p
et zz
p
et de la déformation
plastique. Ceci conduit aux observations suivantes :
• les incréments de déformation plastique sont nuls tant que l’état de contrainte est à l’intérieur
du domaine élastique actuel.
• Lorsque l’état de contrainte est sur la surface seuil, et que l’on continue à charger ,les
incréments de déformation plastique tracés à partir de l’état de contrainte sont sensiblement
orthogonaux à la surface seuil en ce point, comme on peut le voir sur les courbes de la figure
4.11.
Cela amène à postuler que l’évolution de la déformation plastique est gouvernée par la règle de
normalité :
- la vitesse de déformation plastique est nulle lorsque les contraintes sont dans le domaine
d’élasticité (f ( )  0) . Lorsqu’elles sont sur le seuil de plasticité (f ( ) = 0) , la vitesse de
déformation plastique est normale extérieure au domaine de plasticité (figure 4.14).
La formulation mathématique de la règle de normalité couvrant les deux cas est la suivante :

f (  )
p =  si f (  )  0


Le multiplicateur plastique ou le multiplicateur de Lagrange̇ est un scalaire positif, il est à


priori indéterminé :

̇ = 𝑂 si f (  )  0
̇ > 𝑂 si f (  ) = 0

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Fig. 4.14. Règle de normalité. Surface seuil régulière

Pour certains matériaux, la fonction f définissant le critère n’est pas régulière. Le domaine de
plasticité peut présenter des points anguleux (la fonction f n’est pas dérivable en ces points).
Mais dans tous les cas d’intérêt pratique la fonction f est définie par plusieurs fonctions fi qui
sont dérivables (c’est la notion de multicritère).

Fig. 4.15. La règle de normalité avec le critère de Tresca dans un essai bi-axial : sur les côtes
de l'hexagone, la direction de la vitesse de déformation plastique est unique ; aux
sommets,elle est dans le cône des normales extérieures

La règle de normalité est alors généralisée au sens suivant : la vitesse de déformation plastique
en un point singulier de la surface seuil de plasticité appartient au cône des normales
extérieures àP en ce point.

f i
()
N
 =  i
P

i =1 

La règle de normalité s’applique sans grande modification au cas des matériaux écrouissable.
La différence essentielle tient au fait que pour ces matériaux, le critère de plasticité dépend
d’autres variables que la seule contrainte . Ces variables d’écrouissage sont une variable
scalaire R dans le cas de l’écrouissage isotrope, une variable tensorielle X dans le cas de

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l’écrouissage cinématique et des deux variables lorsque l’écrouissage isotrope et l’écrouissage


cinématique sont tous deux présents.

f = f ( , X, R ) = F (  − X ) − R

A un instant donné, les variables , X, R sont connues et on cherche l’évolution du système aux
instants immédiatement suivants. La vitesse de déformation plastique est donnée par la règle de
normalité. En nous limitant pour simplifier au cas où la fonction f est dérivable, cette règle
s’exprime donc par :

f
p =  ( , X, R ) ̇ ≥ 𝑂, ̇ = 𝑂 si f ( , X, R )  0


Le multiplicateur plastique ̇ est, comme en plasticité parfaite, laissé indéterminé par la règle de
normalité. Lorsque l’écrouissage isotrope ou cinématique, est positif, l’indétermination qui pèse
en plasticité parfaite sur le multiplicateur plastique peut être levée. On exploite pour cela la
condition de charge (dite aussi condition de cohérence).
Les matériaux pour lesquels la règle de normalité est satisfaite (règle d’écoulement associée)
sont dits standards. C’est le cas de la plupart des métaux. En revanche, cette règle n’est pas (ou
mal) satisfaite dans les matériaux granulaires, les bétons, les sols (et tous les matériaux où le
mécanisme de déformation fait intervenir le frottement). Ces matériaux sont non standards. On
est alors amené à introduire et à écrire la règle d’écoulement sous la forme :

g (  )
p =  si g (  )  0


où g est une fonction du tenseur des contraintes appelé potentiel plastique. La règle
d’écoulement est dite non associée. En pratique f et g sont déterminées sur une base
expérimentale.

Fig.4.16. Fonctions de charge et de potentielle plastique

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