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PartieI:Traction plastique
Jusqu’ici les éléments structuraux sont dimensionnés en supposant que le milieu est continu et
que le matériau obéit à la loi de Hooke. Néanmoins, les ingénieurs portent des critiques à cette
démarche du fait qu’elle ne considère qu’une toute petite partie de la courbe de traction
habituelle, en l’occurrence le segment OA et qui ne représente absolument pas le
comportement réel du matériau pour autant qu’il soit ductile.
Selon le dimensionnement élastique, la ruine d’une structure serait atteinte dès qu’en un seul
point de cette structure la contrainte atteindrait la valeur σe. Cette méthode néglige donc la
capacité d’adaptation élastoplastique des matériaux ductiles que l’expérience montre être très
importante et d’ailleurs très variable d’un matériau et d’une structure à l’autre. Elle est jugée
très insuffisante pour mesurer avec précision la résistance ultime des structures employées en
génie civil et, par suite, leur degré réel de sécurité.
Si l’on observe ce modèle, on remarque que le matériau peut se déformer de manière élastique
jusqu’à une valeur σe, qui correspond donc à la limite élastique du matériau (valeur qui nous
servait de comparaison jusqu’à présent pour confirmer ou infirmer l’état de ruine), s’ensuit
alors une déformation sous contrainte constante. C’est-à-dire que si l’on essaie d’augmenter
l’effort appliquée dans la structure, celle-ci continuera à se déformer mais sans augmentation
de contrainte. Ce palier de déformation à contrainte constante est considéré et appelé palier
plastique parfait. Il est considéré comme parfait car il peut se déformer à l’infini et ne connait
donc pas de limite. On sait cependant que tout matériau a une limite qui entrainera la ruine.
L’acier, par exemple, connait la ruine pour un allongement de 10% soit 10cm par mètre.
Rappelons-nous également que dans le génie civil on fait souvent l’hypothèse des petites
déformations, on aura donc peu de chance d’atteindre cette limite.
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D’un autre côté, si on regarde le diagramme de la figure 1, il va y avoir un allongement
indéfini (et donc rupture) dès que σ = σe . L’effort normal plastique Npl coïncide donc avec
l’effort normal élastique maximal Ne et on aura :
C’est la charge limite de la pièce en traction. Lorsqu’elle est atteinte la pièce s’allonge
indéfiniment. Ici, le dimensionnement plastique conduit à la même sécurité que le
dimensionnement élastique.
On conservera dans ce cas l’hypothèse de Navier-bernoulli qui admet que les sections droites
restent planes et normales à la fibre moyenne, ce qui induirait l’égalité suivante :
ε1 = ε2
Selon la méthode élastique, l’effort normal élastique maximal Ne est atteint dès que l’un des
matériaux arrive à sa limite d’élasticité, c'est-à-dire le matériau 1 dans l’exemple donné à la
figure 2.
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A cet instant, la résistance du second matériau n’est pas encore épuisée. Si l’on accroit
l’allongement de la pièce, le matériau 1 s’étire sous une contrainte constante tandis que les
contraintes du matériau 2 continuent à croitre. On peut donc appliquer à la pièce un effort
normal N supérieur à Ne . La pièce est dite en état élastoplastique et cette situation s’achève
au moment où le second matériau se plastifie à son tour.
Dès cet instant, l’effort reste constant, la pièce s’allonge indéfiniment et est dite en état
plastique.
Cet état où les deux matériaux sont plastifiés correspond à la ruine, l’effort normal plastique
(charge limite) Npl de la pièce composée est donc :
Il est utile de remarquer que le module d’élasticité n’influe pas sur le calcul de l’effort normal
plastique.
Regardons maintenant l’évolution de l’allongement u en fonction de l’effort normal N. Il est
présenté à la figure 3 qui présente trois phases et montre que le déplacement n’est pas
proportionnel à l’effort, et en conséquence le principe de superposition ne s’applique plus
(perte de linéarité matérielle).
- Bénéfice dû à la plasticité :
Dans le problème précédent, prenons par exemple E1 = 3E2 (Acier-Aluminium), A1 = A2 et
σe1 = σe2 . Il vient alors
2𝐴 𝜎
Npl / Ne = (4⁄3)1𝐴 𝑒1𝜎 = 1,5
1 𝑒1
Ce rapport mesure le gain réalisé par plastification de la section droite, soit 50%. Ce gain est
fort variable et on verra qu’un autre gain peut être acquis grâce au comportement plastique
de la structure lorsqu’elle est hyperstatique.
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- Conception de la ruine :
La ruine d’une structure (état limite ultime) est maintenant basée sur sa charge limite, c'est-
à-dire en réalité sur l’état à partir duquel la structure peut subir de grands déplacements, en
théorie illimités, et par suite s’effondrer sous charge constante.
Dans la méthode élastique, le critère de ruine est plutôt basé sur les contraintes, donc sur la
résistance de la matière, ce qui n’est pas identique.
- Contraintes résiduelles :
Après avoir atteint dans la pièce composée précédente, déchargeons complètement cette
dernière. Ce déchargement est élastique linéaire et l’on doit respecter la loi des sections
planes, c'est-à-dire que la déformation est la même dans les deux matériaux. On voit sur la
figure 4 que le matériau 2 ne peut reprendre sa longueur initiale parce que le matériau 1 a
subi une déformation permanente et est trop long. Par conséquent, il subsiste une dilatation
permanente commune εper , ainsi que des contraintes résiduelles dans les matériaux, de
compression dans 1 et de traction dans 2. Ces contraintes résiduelles valent :
Fig.4 Déchargement
Si l’on charge à nouveau la pièce, elle se comporte maintenant élastiquement, car les
contraintes dans les deux matériaux suivent les lignes AA’ et BB’ dans la figure 4. On en
déduit la remarque particulièrement intéressante :
Une structure ne se comporte plastiquement qu’à sa première mise en charge, après quoi
elle se comporte élastiquement grâce aux contraintes résiduelles produites par la
déformation plastique initiale. Cet état limite obtenu en réalisant plusieurs cycles de
charges et de décharges est appelé l’adaptation.
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Partie II. Flexion plastique
Les effets de l’effort normal et de l’effort tranchant sont négligés dans l’étude du
comportement des poutres fléchies. Cette hypothèse est justifiée dans le cas des poutres à
section pleine, il n’en est pas de même dans le cas des sections creuses (ex. poutre en tube).
L’hypothèse de Navier-Bernoulli reste toujours retenue, c'est-à-dire que les sections droites
restent planes et normales à la fibre moyenne. Elle se traduit par la relation :
ε=-y/r=-𝜓y
Me = (I / ymax ) σe
𝜓e = Me /EI
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Lorsqu’on dépasse le moment Me, les fibres supérieures et inférieures de la poutre se
plastifient au fur et à mesure que le moment augmente, les zones plastifiées se propagent vers
l’axe de la pièce comme le montre la figure 2. La condition exprimant l’absence d’effort
normal s’écrit :
∫ 𝜎 𝑑𝐴 = 0
A
et, vu la symétrie de la section droite, cette condition exige que l’axe neutre reste à mi-hauteur
de la section droite.
Durant cet état élastoplastique (fig.2 b et c), la hauteur de la partie centrale de la pièce, qui
reste seule élastique, diminue toujours davantage, la distance ye de l’interface élastique
plastique à l’axe neutre est donnée par :
ye = - εe / 𝜓 avec εe = σe / E
Mpl = - ∫ 𝜎 𝑦 𝑑𝐴
A
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Exemple :
Soit la section droite rectangulaire (bxh)
Z = b h2 / 4
Le moment élastique Me = (b h2 / 6 ) σe
Mpl / Me = 6 / 4 = 1.5
• tant que le diagramme des contraintes est élastique, l’axe neutre passe par le centre G
et le moment élastique maximal vaut :
Me = (I / ymax ) σe
• quand la section est complètement plastifiée, l’axe neutre se détermine par la condition
d’effort normal nul
∫ 𝜎 𝑑𝐴 = σe (A2 - A1) = 0
A
qui signifie que les aires des deux côtés de l’axe neutre plastique sont égales : dans le
cas de la figure 3, cet axe est situé nettement plus haut que l’axe neutre élastique.
Entre ces deux états extrêmes et pour le cas de la figure 3, la plastification envahit
d’abord la section du côté de l’âme (fig.3 b) : ce digramme des contraintes se
maintient jusqu’à ce que la fibre supérieure atteigne la limite d’élasticité. Puis le
matériau commence à se plastifier au dessus de l’axe neutre, pendant que le moment
tend asymptotiquement vers sa valeur ultime Mpl (fig.3 c).
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De manière générale, l’axe neutre plastique d’une section quelconque à un axe de
symétrie est la droite normale à cet axe qui divise la section en deux parties de même
aire. Le module plastique correspondant vaut :
𝐴
Z = 2 (y1 + y2)
où y1 et y2 sont les distances à l’axe neutre plastique des centres géométriques des
deux moitiés, prises en valeur absolue (figure 4).
En état élastoplastique, la section est partiellement plastifiée (figure 5). Les résultantes
partielles des contraintes fournissent le moment élastoplastique :
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Compte tenu de la relation déjà écrite au début de ce chapitre (ε = - y / r = - 𝜓 y ), lorsque
M = M e (début de la plastification), on a la relation suivante :
ε e = - 𝜓e (h/2)
ye = (𝜓e / 𝜓) . (h/2)
Enfin, en état plastique, la courbure tend vers l’infini et le moment vers le moment plastique
Mpl, d’où :
La figure 6 montre la loi moment courbure pour diverses formes de sections droites. Toutes
ces courbes sont asymptotiques à l’horizontale d’ordonnées Mpl /Me . Ce rapport est appelée
facteur de forme de la section considérée.
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IV.SECTIONS ÂME-SEMELLES BISYMETRIQUES :
Regardons maintenant la loi moment-courbure dans le cas particulier des sections âme-
semelles bisymétriques.
Deux cas sont à considérer :
• Les semelles sont partiellement plastiques et l’âme est élastique (fig. 7 a). Dans ce cas on a :
1 𝜓
M /Me = 𝜓 / 𝜓e (1 – bh2/6W) + (b h2/4W) [1 − ( 𝑒 )2 ]
3 𝜓
Avec W = (I / ymax )
(a) (b)
Fig.7 Plastification des sections âme-semelles bisymétriques
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(a) (b)
Fig.8 Poutre simple sous force concentrée
(a) Loi moment-courbure réelle
(b) Loi moment-courbure modélisé par deux droites
Si l’on compare les deux cas précédents, on observe que les différences sont minimes, vu que
la zone des déformations importantes est très localisée. On peut donc admettre que la
modélisation de la loi (M , 𝜓), qui conduit à une concentration de la plastification et de la
forte courbure en une seule section, représente bien la réalité : la poutre, à l’état limite, se
compose de deux tronçons articulés au point de moment maximal Mpl .
En conclusion : Dans la section où le moment est maximal se forme une rotule à frottement
qui reste bloquée tant que M < Mpl et qui permet la rotation, relative, dite rotation plastique,
des deux tronçons de poutre dès que le moment atteint sa valeur plastique Mpl . Une telle
rotule s’appelle rotule plastique. La figure 9 montre l’aspect d’une rotule plastique obtenue
sous charge concentrée dans une poutrelle laminée. La zone plastifiée est effectivement très
localisée et les lignes dessinées par l’écaillage de la chaux ne sont pas étrangères au choix du
terme rotule plastique.
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