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CHAP I : La limite d’élasticité, la résistance à la

traction, la dureté et la ductilité


Introduction :

Tout ce qui nous entoure est de la


matière. Le mot « mater » (Latin) ou
« matri » (Sanscrit) pour mère ou
« mother » (Anglais) comme illusion à
celle qui nous a donné la nourriture.

Toutes les disciplines scientifiques sont concernées par la matière.

1
Une partie de la matière autour de nous comprend les matériaux (c’est la matière que l’homme
utilise ou travaille pour produire des produits consommables).

Dans ce sens, une roche n’est pas un


matériau, mais s’il est utilisé sous
forme d’agrégats (béton) il devient
un matériau.

De même, un arbre ne devient


matériau que s’il est abattu et
transformé en planches.

De même, une montagne de


minerai de fer ne devient matériau
que s’il est traité et transformé en
barres métalliques.

Pour être utilisés avec succès les matériaux doivent satisfaire un certain nombre de propriétés qui
peuvent être mécaniques, physiques, chimiques, thermiques, ou nucléaires et sont intimement liées à
la structure des matériaux. La structure est elle-même le résultat de la synthèse et du procédé
d’élaboration. Une configuration schématique qui explique les relations complexes en matière de
comportement mécanique (figure1.1) est constituée de quatre éléments. Ces éléments sont reliés et
tout changement de l’un est intimement attaché aux changements des autres. Par exemple les
changements peuvent être introduits par les procédés d’élaboration de l’acier. Ce métal (le plus
répandu) possède un large éventail de propriétés mécaniques et de ce fait constitue le matériau de
choix pour de nombreuses applications.

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Pendant que l’acier à basse teneur en carbone est utilisé sous forme de ronds à béton et sous
forme d’éléments de consolidation pour la carrosserie d’automobile, l’acier trempé et revenu à haute
teneur en carbone est utilisé dans des applications plus critiques telles que les axes et les engrenages.
La fonte (à très forte teneur en carbone), beaucoup plus fragile, est utilisée dans plusieurs
applications telles que les blocs moteurs des moteurs d’automobiles.

Ces différentes applications nécessitent des propriétés mécaniques variées des matériaux. Les
différentes propriétés de ces trois matériaux, entrainant des différences de performances, sont
attribuées aux différences de structure interne des matériaux.

Fig.1.2 : L’acier à basse teneur


en carbone (0,1%) a une structure
majoritairement ferritique cubique
centrée (body centered cubic bcc).

Fig.1.3 : L’acier à haute teneur en carbone (>0,5%)


doit sa dureté élevée à sa structure martensitique
tétragonale à volume centré (body centered tétragonal).

Le tableau 1.1 donne un résumé des propriétés des classes principales de matériaux.

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Le mélange de deux classes représente une autre classe de matériaux appelés composites (métal-
céramique, métal-polymère, ou polymère-céramique). Ces matériaux ont des propriétés uniques qui
sont indépendantes de la quantité et la manière avec laquelle leurs constituants sont arrangés. La
figure 1.4(a) montre schématiquement comment les différents composites sont formés. Les
composites sont constitués d’une matrice et d’un matériau de renforcement. La figure 1.4(b) montre
trois principales façons de renforcement des composites : particules, fibres continues (longues), et
fibres discontinues (courtes).
Le renforcement possède habituellement une résistance plus élevée que celle de la matrice qui fournit
la ductilité du matériau. Dans les composites à base de céramiques, cependant, la matrice est fragile,
et les fibres constituent des barrières à la propagation de fissures augmentant la ténacité du matériau.
L’alignement des fibres est aussi un facteur critique déterminant la résistance du composite. La
résistance est maximale dans la direction parallèle aux fibres et minimale dans la direction
perpendiculaire.

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Le tableau 1.2 donne les valeurs dans la direction des fibres du module et résistance spécifiques
des matériaux utilisés dans les avions.

1.1 Caractéristiques mécaniques des matériaux :


1.1.1- Définition de la contrainte (Fig.1.5)

Fig.1.5
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Lorsqu’une force est appliquée à un solide on dit que le solide est dans un état de contrainte. La
dimension d’une contrainte est toujours le rapport d’une force par l’aire de la surface sur laquelle elle
s’exerce. Les forces se mesurent en Newton donc les contraintes se mesurent en Newton par mètre
carré ou Pascal (Nm-2 ou Pa). Dans la plupart des applications pratiques, cette unité est trop petite, et
l’unité habituelle de contrainte utilisée est le mégapascal (MPa). Si l’aire de la surface est exprimée
en millimètre carré, la contrainte sera en Newton par millimètre carré ou mégapascal.

Il y’a quatre états de contraintes qu’on rencontre souvent:

• Le plus simple est l’état de contrainte uniaxiale (Fig.1.6): traction ou compression simple

• Le deuxième état de contrainte classique est la traction biaxiale. C’est le cas, par exemple
d’un réservoir sphérique contenant un fluide sous pression qui se comporte comme un ballon
(Fig.1.7). L’enveloppe du réservoir est chargée dans deux directions. (La traction biaxiale
non symétrique est un état de contrainte où les deux contraintes de traction sont différentes).
• Le troisième État de contrainte fréquent est la pression hydrostatique. Elle s’exerce aux
grandes profondeurs dans l’écorce terrestre ou dans les océans et partout où un solide est
soumis à des compressions identiques sur toutes ses faces (fig.1.8).
• Le dernier état de contrainte classique est celui de cission pure. Lorsqu’un tube mince, par
exemple, est tordu, ses éléments sont soumis à des contraintes de cission pure (fig.1.9).

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1.1.2- La déformation :
Les matériaux réagissent aux contraintes en se déformant.
L’état de contrainte en traction simple entraine des déformations de traction (ou élongation).

Fig.1.10 : Déformation de traction simple


Une cission crée une déformation de cisaillement ou distortion.

Où est l’angle de cisaillement

Fig.1.11 : Déformation de cisaillement


𝛾
NB : Pour les mécaniciens, la déformation de cisaillement est 𝜀 = 2 = 𝛾⁄2 , c.-à-d. la demi-
distorsion.
Enfin la pression hydrostatique entraine une variation de volume appelée dilatation (Fig.1.12).

Fig.1.12 : Dilatation

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1.1.3- La loi de Hooke :
La déformation en traction est proportionnelle à la contrainte de traction par:

  E. n où E est appelé module de Young (1.1a)


La même relation est valable pour les déformations et les contraintes de compression.
La déformation de cisaillement est proportionnelle à la cission par:
  G. où G est le module de cisaillement (1.1b)
Une contrainte hydrostatique (pression) induit une réduction de volume.
p   K . où K est le module de compressibilité. (1.1c)
Rem: Cette relation linéaire entre contrainte et déformation est très pratique pour calculer la réponse
d’un solide à une contrainte en élasticité linéaire. La plupart des solides ont une réponse élastique
seulement pour les très petites déformations (jusqu’à 0,001). Au-delà certains solides cassent et
d’autres subissent une déformation plastique. Quelques solides comme le caoutchouc restent
élastiques à des déformations plus importantes (de l’ordre de 4 ou 5), mais ils cessent d’obéir aux lois
de l’élasticité linéaire (la contrainte n’est plus proportionnelle a la déformation) après une
déformation voisine de 0,01.
Pour la plupart des métaux on a approximativement: G  3 E ; K  E et   0,33 (1.2)
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Le tableau 1.3 présente une comparaison des valeurs numériques des modules d’Young pour
différentes classes de matériaux (Echelle logarithmique).

En tête, on retrouve le diamant (avec des liaisons covalentes). Pour les métaux, il y’a une correlation
entre le point de fusion (indicatif de l’énergie d’interactions atomiques) et le module de Young.
Donc, les métaux qui ont des potentiels d'interaction atomiques élévés, auront les points de fusions,
8
les forces interatomiques des modules d’Young les plus élevés. Le classement des métaux dans la
deuxième colonne montre cette relation avec l’osmium et le tungstène en haut et le plomb en bas de
l’échelle. La troisième colonne présente les polymères, qui ont des constantes élastiques très réduits
par rapport aux métaux. Les composites en quatrième colonne présentent une large variation des
constantes élastiques. Les cermets et les PRFC possèdent des constantes élastiques très élevées.
1.2- Diagrammes contrainte-déformation
Sous l’action d’une force de traction, tous les solides ont une limite d’élasticité (fin de la partie
linéaire des courbes Force/Allongement ou contrainte/déformation), au-delà de laquelle il se passe
quelque chose.

Fig.1.13 : Courbes Force/Allongement


pour matériaux fragile et ductile

Un solide totalement fragile se rompt, soit de façon brusque (verre), soit de façon progressive (ciment
ou béton).

La plupart des matériaux réagissent autrement: Ils subissent une déformation plastique (leur forme
est changée d’une façon permanente). Il est important de savoir à quel moment et de quelle façon
cela se produit pour pouvoir concevoir des structures capables de supporter des charges normales
sans subir de déformation permanente, d’une part, et pour réaliser des outils de mise en forme assez
résistants pour imposer la déformation nécessaire aux matériaux travaillés.

Pour étudier ce phénomène des essais de traction (ou de compression) sont conduits sur des
éprouvettes normalisées soigneusement usinées. Les charges nécessaires pour obtenir une
déformation donnée sont enregistrées et pour illustrer tout çà, des graphes Force/Allongement ou
contrainte/déformation sont tracés (figure 1.13).

1.2.1- Types de comportement :


1.2.1.1- Le comportement élastique linéaire parfait : Comportement défini par la loi de HOOKE.

Tous les solides suivent ce comportement pour des déformations inferieures à 0,001 soit 0,1%. La
courbe contrainte/déformation (figure 1.14). La courbe contrainte/déformation est identique en
traction qu’en compression. La pente de cette courbe donne le module de Young (ou module
d’élasticité longitudinale). L’aire sous la courbe est la densité d’énergie de déformation élastique (ou
énergie élastique emmagasinée dans une unité de volume).

Puisque le solide est élastique et se comporte comme un ressort, l’énergie stockée lors de la mise
en charge est récupérée à la décharge.

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Fig.1.14 :

1.2.1.2- Le comportement élastique non linéaire :

Les Caoutchoucs ont ce type de comportement (demeurent élastiques jusqu’à des déformations de
l’ordre de 5). Si la contrainte est relâchée, la même courbe est décrite et toute l’énergie stockée
durant le chargement est récupérée (raison pour laquelle les catapultes sont si meurtrières).

Fig.1.15 :

1.2.1.3- Le comportement anélastique :

Tous les solides sont faiblement anélastiques même dans le régime appelé élastique. La courbe de
charge ne suit pas exactement la courbe de décharge et de l’énergie est dissipée (aire hachurée) au
cours d’un cycle de contrainte (fig.1.16). Parfois c’est un effet bénéfique pour amortir des vibrations
ou du bruit (les polymères et les métaux mous comme le plomb sont des matériaux à haut pouvoir
amortissant ; perte anélastique importante).

Mais souvent l’amortissement est peu souhaitable (ressorts, cloches).

Boucle d’hystérésis

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Fig.1.16 :

1.2.1.4- Le comportement non-élastique (plastique) :

A l’exception des caoutchoucs qui ont un comportement réversible (ou quasi-réversible) aux grandes
déformations, presque tous les matériaux déformés au-delà de 0,001 (0,1%) subissent un phénomène
irréversible : la plupart d’entre eux gardent une déformation plastique permanente.

Si une éprouvette en matériau ductile (comme le cuivre) est soumise à une contrainte de traction une
courbe charge/allongement similaire à celle de la figure 1.17 est obtenue.

Fig.1.17 :

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Ceci peut être démontré en tirant aux deux
extrémités d’un morceau de pâte à modeler
(matériau ductile, mais non métallique).
Dans un premier temps, la pâte se déforme
de façon élastique, mais passée une petite
déformation, elle commence à subir une
déformation plastique. On cesse d’exercer
un effort, la pâte va rester en permanence
plus longue qu’au début de l’essai : elle a
subi une déformation plastique (figure
1.18).

Si on continue à tirer, elle s’allonge de plus


en plus, toute en rétrécissant (la déformation plastique se fait à volume constant). Au-delà d’une
certaine déformation correspondant à la charge maximale de la courbe charge/allongement, une
instabilité apparait : la striction. Cette dernière s’allonge assez vite, et la charge que peut transmettre
la striction diminue jusqu’à ce que l’éprouvette se casse.

Après la rupture la longueur totale des deux morceaux est légèrement inférieure à la longueur de
l’éprouvette juste avant la rupture. La différence constitue la déformation élastique de l’éprouvette
sous l’effet de la charge à rupture.

Lorsqu’une contrainte de compression est


appliquée, la courbe force/déplacement est
symétrique de celle obtenue en traction
tant que la déformation reste faible, puis
elle devient différente aux grandes
déformations. En effet, la longueur de
l’éprouvette qu’on comprime diminue, et
sa section augmente pour garder un
volume constant : donc la charge
nécessaire à la poursuite de la compression
augmente (figure1.19). Aucune instabilité
comme la striction ne se produit, et on peut
comprimer l’éprouvette presque
infiniment. A la longue, les seules limites
sont l’apparition d’une fissuration
importante de l’éprouvette, ou la déformation plastique des mors du dispositif de compression.

A quoi est due cette différence de comportement? Après tout c’est le même matériau!

La différence qui semble exister entre les courbes de traction et celles de compression est d’origine
purement géométrique. Ceci peut être expliqué par les courbes rationnelles contrainte/déformation.
Au lieu de porter la force en ordonnée, si nous portons le rapport de la force sur la section
instantanée (S) de l’éprouvette à un allongement ou un écrasement donné, les deux courbes prennent
une allure voisine (figure 1.20).

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augmentation en compression. Mais les deux courbes ne sont toujours pas superposables comme le
montre la figure 1.20. Un déplacement de u=L0/2, par exemple ne donne pas la même déformation en
traction et en compression. En traction, l’éprouvette passe de L0 à L0+ L0/2, et en compression de L0
à L0 - L0/2. Le matériau en compression a subi une déformation plastique beaucoup plus importante
que celui en traction et de ce fait les deux ne sont pas dans le même état et par conséquent n’opposent
pas la même résistance à la déformation plastique.

On peut comparer les déformations élémentaires : 𝛿𝜀 = = (1.3)

dans lesquelles l’état du matériau est le même en traction et en compression (figure 1.21).

Il revient au même de dire qu’une réduction de


longueur de l0 = 100 mm à l = 99 mm, ou une
augmentation de longueur de l0 = 100 mm à
l=101mm représentent l’une et l’autre une
déformation de 1%. Stricto sensu, la déformation
diffère légèrement de 1% dans l’une et l’autre
situation. Mais à la limite des déformations
infinitésimales, elles deviennent égales à :

𝑑𝜀 = (1.4)

Ainsi, lorsque on porte les contraintes vraies de


traction ou de compression en fonction de :

𝜀=∫ = ln (𝑙 𝑙 ) (1.5) Fig.1.21

les deux courbes se superposent exactement (figure 1.22).

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La quantité s’appelle la
déformation vraie (ou
rationnelle), la déformation
nominale (conventionnelle)
est :

𝝐𝒏 = 𝒖 𝒍 (1.6)
𝟎

Les courbes obtenues sont des


courbes contrainte
vraie/déformation vraies ().

Il est à remarquer que la


déformation vraie peut
facilement être calculée à
partir de l0 et de la fonction
logarithme népérien (équation 1.5).

La contrainte vraie est calculée en considérant le principe de conservation de volume au cours de la


déformation plastique qui nous permet d’écrire que :

𝑆 . 𝑙 = 𝑆. 𝑙 (1.7)

à condition que la déformation plastique soit beaucoup plus importante que la déformation élastique
(c’est le cas le plus souvent, mais il convient de rappeler que la déformation élastique se fait sans
variation de volume uniquement si le coefficient de Poisson  est 0,5, alors que pour la plupart des
matériaux il est proche de 0,33. Ainsi :
.
𝑆= (1.8)

et
.
𝜎= = .
=𝜎 = 𝜎 (1 + 𝜖 ) (1.9)

1.2.2- L’énergie de déformation plastique:


C’est le travail fourni à un matériau pour modifier sa forme de façon définitive (applications :
laminage, forgeage, tréfilage, moulage par injection, étirage, matriçage, estampage). Elle est
déterminée à partir des courbes contrainte/déformation, pour toute valeur de la déformation plastique
permanente p (fig.1.22). L’énergie de déformation plastique a de l’importance lors de la mise en
œuvre des métaux et des polymères parce qu’elle fixe la force que les rouleaux, les presses ou le
dispositif de moulage doivent exercer sur le matériau.

1.2.3- L’essai de traction :

Le comportement plastique d’un matériau est déterminé habituellement par un essai de traction
normalisé sur des éprouvettes normalisées (fig.1.23) dans des laboratoires d’essais mécaniques.
Durant cet essai des dispositifs de traction normalisés sont utilisés pour mesurer la courbe

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force/déplacement (F/u) du matériau, qu’on convertit en une courbe contrainte nominale/déformation
nominale (ou courbe conventionnelle n/n ) comme le montre la figure 1.24.

Fig.1.23 : Eprouvettes Fig.1.24 : Courbe conventionnelle (𝜎 − 𝜀 )

L’avantage d’utiliser la contrainte nominale au lieu de la contrainte vraie est qu’on voit l’apparition
de la striction sur une courbe n/n.

A partir de cet essai on peut déterminer les caractéristiques mécaniques du matériau comme l’indique
la figure 1.25.

Fig.1.25
On cite le plus souvent la limite d’élasticité conventionnelle à 0,2%. Elle est utilisée pour les
matériaux qui subissent une déformation plastique progressive et ne présentent pas de limite
d’élasticité nette.
Le tableau 1.4 donne les valeurs numériques de limites d’élasticité, de résistances à la traction et de
déformations à la rupture de quelques matériaux.

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Matériau Re en MPa Rm en MPa 10-2 AR en %
Diamant 50 000
Carbure de silicium, SiC 10 000
Nitrure de silicium, Si3N4 8 000
Carbure de tungstène, WC 6 000
Carbure de niobium, NbC 6 000
Alumine, Al2O3 5 000
Carbure de titane, TiC 4 000
Carbure de zirconium, ZrC 4 000
Carbure de tantale, TaC 4 000
Aciers faiblement alliés (trempés à l’eau et recuits) 500 – 1 980 680 – 2 400 0,02 – 0,3
Aciers pour réservoirs pressurisés 1 500 - 1 900 1 500 – 0,3 – 0,6
2 000
Aciers inoxydables, austénitiques 286 – 500 760 – 1 280 0,45 – 0,65
Alliages de nickel 200 – 1 600 400 – 2 000 0,01 – 0,6
Nickel 70 400 0,65
Tungstène 1 000 1 510 0,01 – 0,6
Aciers au carbone (trempés à l’eau et recuits) 260 – 1 300 500 – 1 880 0,2 – 0,3
Fontes 220 – 1 030 400 – 1 200 0 – 0,18
Alliages de cuivre 60 – 960 250 – 1 000 0,01 – 0,55
Cuivre 60 400 0,55
‘Cermets’, WC/Co 400 – 900 900 0,02
PRFC (traction – compression) 640 – 670
Aluminium 40 200 0,5
Alliages d’aluminium 100 – 627 300 – 700 0,05 – 0,3
Aciers inoxydables, ferritiques 240 – 400 500 – 800 0,15 – 0,25
Acier doux 220 430 0,18 – 0,25
Fer 50 200 0,3
PRFV 100 – 300
Or 40 220 0,5
PMMA 60 – 110 110
Epoxydes 30 – 100 30 – 120
Polyimides 52 – 90
Métaux ductiles, purs 20 – 80 200 – 4000 0,5 – 1,5
Etain et ses alliages 7 - 45 14 - 60 0,3 – 0,7
Caoutchouc naturel 30 5,0

1.2.4- La ductilité :
La ductilité est la capacité d’un matériau à subir une grande déformation plastique avant de rompre.
Elle peut être mesurée par deux paramètres obtenus à partir de l’essai de traction:

L’allongement à rupture: (1.10)

Le coefficient de striction: S 0  S rupt (1.11)


Z  100
S0

1.2.5- Essai de dureté :

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La plupart des céramiques ont une limite d’élasticité très élevée. Pendant les essais de traction à
température ambiante, quasiment toutes les céramiques se brisent avant d’atteindre la limite
d’élasticité. Cela est dû à leur faible résistance à la fissuration. Pour cette raison, on ne peut pas
mesurer la limite d’élasticité d’une céramique par un essai de traction. A la place il faut utiliser un
essai qui empêche la fissuration d’une manière ou d’une autre : par exemple l’essai de compression.
Mais le meilleur et le plus simple est l’essai de dureté (fig.1.26).

Fig.1.26 :
Cet essai consiste à exercer une pression par l’intermédiaire d’un pénétrateur (fig.1.27) et à mesurer
la surface de l’empreinte obtenue (fig.1.27). La dureté vraie est définie par le rapport de la force à la
surface projetée de l’empreinte S (la dureté Vickers, Hv a malheureusement été définie comme le
rapport de F à la surface totale de l’empreinte. La définition est restée, et il existe des abaques pour
relier H à Hv).

Fig.1.27 :
La limite d’élasticité se déduit de la relation :
H = 3.Re (1.12)

(Pour les matériaux qui s’écrouissent de façon appréciable, il faut multiplier par un terme correctif).

Fig.1.28 : Empreintes

17
Tout en permettant une bonne mesure des limites
imites d’élasticité de matériaux comme les céramiques,
l’essai de dureté est également un moyen simple et peu couteux d’effectuer un contrôle non destructif
de Re. Il n’est pas nécessaire d’engager les dépenses d’usinage d’éprouvettes de traction, et le
pénétrateur est si petit qu’il n’endommage pas le matériau. On peut ainsi l’utiliser pour des contrôles
de routine sur des matériaux ou des pièces finies dont on ve
veut
ut vérifier les spécifications de Re sans les
endommager.
1-3 : LES DISLOCATIONS ET LA DEFORMATION PLASTIQUE DES CRISTAUX
Peut-on
on évaluer la valeur de la limite d’élasticité ? Certes nous pouvons estimer la limite
d’élasticité d’un cristal parfait par un ccalcul
alcul très simple. Mais les cristaux réels contiennent des
défauts, les dislocations, qui se déplacent facilement. Lorsqu’elles se déplacent, le cristal se
déforme ; la contrainte nécessaire pour les mettre en mouvement n’est autre que la limite d’élasticité.
En d’autres termes, les dislocations constituent les vecteurs de la déformation, de même que les
électrons sont des vecteurs de la charge électrique.
1.3.1- Le module d’élasticité des cristaux :
Il existe quatre types de liaisons entre les atomes (interatomiques) :
 Métalliques : métaux,  Covalentes : céramiques, polymères
 Ioniques : céramiques  van der Waals : polymères
Les trois premières sont appelées liaisons primaires. Les liaisons van der Waals (qui incluent la
liaison d’hydrogène) sont appelées liaisons secondaires. Les liaisons primaires sont les plus fortes.
Les liaisons secondaires ‘fondent
fondent’ entre 100 et 500°K.
Plusieurs matériaux ont des liaisons mixtes. Les compounds intermétalliq
intermétalliques
ues peuvent être liés par un
mélange de liaisons métalliques et ioniques. Plusieurs céramiques et compounds semi conducteurs
ont un mélange de liaisons covalentes et ioniques. Les polymères ont des liaisons covalentes le long
des chaines primaires (C-C,
C, Si
Si-Si,
Si, etc.) et des liaisons van der Waals (souvent hydrogène) entre
segments à l’intérieur d’une chaine.
L’énergie d’interaction entre deux atomes adjacents est souvent considérée comme la somme d’un
terme attractif et d’un terme répulsif. La courbe résult
résultante
ante donne le puits potentiel. Il y’a plusieurs
calculs des potentiels interatomiques (Condon
(Condon-Morse et Lennard-Jones
Jones étant deux exemples).
La théorie d’élasticité linéaire assume que le matériau est un milieu continu. Cette supposition est
bonne quand on traite des corps larges ; la micromécanique de la déformation, cependant décrit une
échelle où le milieu est constitué d’atomes empilés de façon régu
régulière
lière et périodique,
périodique constituant ainsi
la structure cristalline
Théoriquement, il est possible de calculer les
constantes élastiques en considérant les forces
interatomiques (relève de la mécanique
quantique). La figure 1.29 montre deux
atomes, qui sont à la distance d’équilibre r0.
Les atomes sont retenus dans les cristaux par
des forces d’origine électronique,
électroniqu ou liaisons,
qui ressemblent à des petits ressorts. Les
forces de traction augmentent l’écartement à
r1, les forces compressives le diminuent à r2.
Fig.1.29 : Deux atomes avec un ressort imaginaire
entre eux. (a) position d’équilibre, (b) sous traction,
(c) sous compression

18
La variation de l’énergie interatomique avec l’écartement est montrée sur la figure 1.30.

Fig.1.30 : (a) Variation des énergies


d’interaction (termes attractive et répulsive) en
fonction de l’écartement ; (b) variation de la
force entre deux atomes en fonction de
l’écartement. Noter la réduction de la pente
avec l’écartement.

A l’équilibre l’énergie d’interaction est


minimale ; l’écartement d’équilibre r0
correspond au fond du puits. On peut
représenter l’énergie
rgie par :

𝑈 =− + (1.13)

Où le premier terme représente l’attraction


et le second terme la répulsion (avec nm).
La force interatomique est obtenue de la
dérivée : 𝐹 = (1.14)

Cette force sera égale à zéro au fond de la


courbe d’énergie d’interaction, qui
correspond à l’écartement d’équilibre r0. Il est possible d’estimer le module d’élasticité à partir
de 𝜕𝐹 ⁄𝜕𝑟.
Ceci peut être accompli en exprimant la contrainte et la défo
déformation
rmation en termes des positions
atomiques. Dans un calcul plus précis, le prochain voisin et le suivant sont aussi à considérer
puisqu’ils jouent un rôle important. La déformation nominale (engineering strain) peut être exprimée
comme suit :

𝑑𝜀 = (1.15)

Où r0 est l’écartement atomique d’équilibre et dr est


le changement de l’écartement atomique d’équilibre
sous l’effet d’une force dF.
La figure 1.31 montre schématiquement un
arrangement d’atomes. On considère seulement les
voisins les plus proches alignés sur la direction de la
contrainte.

Fig.1.31 : Arrangement d’atomes représentant la


contrainte appliquée au cristal.

19
La contrainte est donnée par :
𝑑𝜎 = 𝑁𝑑𝐹 (1.16)
Où N est le nombre d’atome par unité de section transversale et dF est la force interatomique
produisant un déplacement dr. Si on attribue une section 𝑟 × 𝑟 par atome on aura :

𝑑𝜎 = (1.17)

Le module de Young est exprimé par :

𝐸= =𝑟 =𝑟 (1.18)

De l’équation 1.13 : = − (1.19)

A 𝑟=𝑟 : − =0 d’où 𝐵𝑛 = 𝐴𝑚𝑟

Donc = − (1.20)
( ) ( )
= =− + (1.21)

A l’écartement d’équilibre, r0 :
( ) ( ) ( )
=− + ∴ = (1.22)

Substituant l’équation 1.22 dans l’équation 1.18 donne :


( )
𝐸= (1.23)

Les forces d’attraction dans les solides ioniques sont de nature Coulombienne et l’exposant dans
l’équation 1.23 est 𝑚 = 1 .
( )
Donc 𝐸= (1.24)

Le paramètre A est lié aux charges électriques des ions. Pour des ions monovalents :

𝐴= où q est la charge électrique d’un électron et 𝜀 est la permittivité du vide (constante


électrique). On peut donc estimer le module élastique des solides ioniques :

𝐸= où k dérive du groupage des constantes (𝑘 = .)

La dépendance des constantes élastiques de 𝑟 est en réalité beaucoup plus générale.


Ce calcul simplifié montre que le module d’Young doit varier avec 𝑟 . La même dépendance
devrait exister pour le module de compressibilité (module d’élasticité volumique) K.
Exemple : La raideur d’une liaison est définie par :

𝑆 = (1.25)

Où 𝑟 est l’écartement initial de deux plans atomiques adjacents.

Pour de petites déformations, S0 est constante (c’est la constante de raideur de la liaison).

20
La force entre deux atomes distants de r (𝑟 ≈ 𝑟 ) est alors :
𝐹 = 𝑆 (𝑟 − 𝑟 ) (1.26)
Imaginons maintenant un solide dont la cohésion est assurée par ces petits ressorts, qui relient les
atomes de part et d’autre d’un plan qui traverse le matériau (figure 1.32 ).

La force totale qui s’exerce par unité de surface lorsqu’on écarte les deux plans à la distance r l’un de
l’autre définit la contrainte par

𝜎 = 𝑁. 𝑆 (𝑟 − 𝑟 )

est le nombre de liaisons par unite de surface, égal a 1⁄𝑟 (puisque 𝑟 est la surface moyenne
autour d’un atome).

Puisque 𝜀 = donc 𝜎 = 𝑆 . (𝑟 − 𝑟 ) = = 𝜀 (1.28)

Ainsi le module de Young est précisément : 𝐸= (1.29)

𝑆 se calcule à partir des courbes théoriques U(r) (physique du solide et mécanique quantique). Par
exemple, pour une liaison ionique la courbe U(r) est fournie par équation de la forme :

𝑈 =− + (1.30)

Une première dérivation par rapport à r nous donne la force interatomique, qui doit s’annuler
à 𝑟 = 𝑟 . On obtient ainsi la constante B :

𝐵= (1.31)

Ensuite l’équation (13) donne pour S0 :

21
𝑆 = (1.32)

Avec 𝛼 = 𝑛 − 1 et 𝑚 = 1 (attraction Coulombienne).

Mais l’attraction Coulombienne eest une interaction à grande distance (elle varie en 1 𝑟. une
interaction à courte distance est, par exemple une force qui varierait en 1 𝑟 ). Pour cette raison, un
ion Na+ donné n’attire pas seulement ses six proches voisins Cl- , mais il repousse également ses 12
seconds voisins Na+ et interagit aussi avec ses 8 troisièmes voisins Cl-, avec 6 quatrièmes voisins
Na+….(fig.1.33)

Fig.1.33 :La
La structure d'un cristal de chlorure de sodium.

Légende : Bleu : = Na+Vert = Cl-

Pour calculer 𝑆 précisément, il faut faire la sommation sur toutes


ces liaisons, et prendre en compte précisément les attractions et les répulsions. Le résultat final est
donné par la même formule (1.32
1.32) avec 𝛼 = 0,58. Avec q = 1,6. 10 𝐶,
𝜀 = 8,85418742. 10 ≈88,85. 10 𝐶 ⁄𝑁. 𝑚 et une distance interatomique 𝑟 voisine de
2,5. 10 𝑚, il vient :

0,58. (1,6. 10 )
𝑆 = = 9,5 𝑁⁄𝑚
4𝜋 × 8,85. 10 (2,5. 10 )

Les raideurs d’autres types de liaison sont calculées de la même façon (en général il n’est pas
nécessaire de sommer sur les voisins éloignés parce que les interactions sont à courte distance.
Quelques valeurs de la raideur et du module de Young sont données dans le tableau ci-dessous
ci :

Ces estimations du
module sont à comparer
avec les valeurs mesurées,
qui sont rassemblées dans
le diagramme suivant :

22
1.3.2- La limite d’élasticité d’un cristal parfait :

Il a été montré que la pente de la courbe représentant la force interatomique en fonction de la distance
est à la distance d’équilibre, proportionnelle au module d’Young. Les forces interatomiques
retombent typiquement à des valeurs négligeables pour une distance de séparation des atomes de 2r0.
Le maximum de la courbe force/distance est typiquement atteint pour une distance de 1,25r0, et si la
contrainte exercée sur le matériau est telle qu’elle dépasse ce maximum pour chaque liaison, la
rupture est inévitable. On désignera cette
contrainte pour laquelle les liaisons rompent par
la limite théorique. Un matériau ne peut pas
être plus résistant.

D’après la figure 1.34 :

𝜎 = 𝐸𝜀
,
2𝜎 ∗ = 𝐸 d’où 𝜎 ∗ ≈ (1.33)

Rem : On peut faire des estimations plus


sophistiquées de *, en prenant de vrais
23
potentiels interatomiques. Le résultat est environ E/15 au lieu de E/8.

Vérifions si la limite d’élasticité des matériaux est bien *. Pour cela considérons le diagramme de la
figure 1.35 qui donne les valeurs des limites d’élasticité normalisées 𝜎 ⁄𝐸 pour divers matériaux. La
ligne en pointillés correspond à la valeur 𝜎 ⁄𝐸 = 1⁄15. Les verres et les céramiques s’en approchent
beaucoup et certains atteignent la limite théorique, mais ne la dépassent pas. La plupart des
polymères sont également proche de la ligne : leur limite d’élasticité est pourtant faible, mais leur
module est faible aussi.

Au contraire, tous les métaux ont une limite d’élasticité bien inférieure à celle prévue par notre calcul
(jusqu’à 105 fois plus faible. Et même un bon nombre de céramiques ont une limite d’élasticité
jusqu’à 10 fois plus faible que leur limite théorique. Pourquoi cela ?

24
Fig.1.35 : Représentation graphique des limites d’élasticité normalisées e/E

1.3.3-Les dislocations dans les cristaux :

Beaucoup de matériaux importants (par exemple les métaux) sont


normalement constitués de cristaux. Et un cristal parfait est un
ensemble d'atomes empilés de façon régulière et périodique
(Fig.1.36).

Mais les cristaux ne sont pas parfaits ; ils comportent des défauts.
Tout comme la résistance d'une chaîne est égale à celle de son
maillon le plus faible, la résistance d'un cristal - et donc du matériau Fig.1.36 : Cristal parfait
- est limitée d'habitude par les défauts. Les dislocations sont un type de défaut qui permet la
déformation plastique des matériaux à un niveau de
contraintes bien inférieur à *.

La figure (1.37) ci-après présente une dislocation


coin du point de vue des milieux continus (c'est-à-
dire en faisant abstraction des atomes).

Fig.1.37
25
On crée une telle dislocation dans un bloc de matériau en coupant le bloc jusqu'à la ligne marquée ┴
- ┴ , puis en déplaçant le matériau sous le plan de coupure par rapport à celui du dessus d'une
distance b (une distance interatomique) dont la direction est perpendiculaire à la coupure ┴ - ┴ , et
enfin en recollant les parties déplacées.

Le résultat à l'échelle atomique est présenté sur le Fig.1.38


schéma de la figure (1.38). Le milieu du bloc
contient à présent un demi-plan atomique, dont la
bordure inférieure est la ligne de coupure ┴ - ┴ :
ligne de dislocation. Ce défaut s'appelle une
dislocation coin parce qu’il est formé par le bord
d'un demi-plan atomique supplémentaire qui s'insère
comme un coin dans le cristal; Le symbole ┴ est
son abréviation courante.

Le déplacement des dislocations produit la


déformation plastique.

La figure 1.39 montre comment les atomes se réordonnent au passage de la dislocation, et pourquoi
la partie inférieure du cristal se déplace d'une distance b (appelée vecteur de Burgers) par rapport à la
partie supérieure lorsqu'une dislocation traverse le cristal de part en part.

Figure 1.39 : Le déplacement d'une dislocation coin dans un cristal. (a)- montre comment les
liaisons atomiques du cœur de la dislocation se brisent et se reforment pour permettre le mouvement
de la dislocation. (b)-
présente une séquence
complète : la
dislocation rentre dans
le cristal à gauche, se
déplace vers l'autre
extrémité et sort à
droite. Ce mécanisme
fait glisser la partie
inférieure du cristal
d'une distance b par
rapport à la partie
supérieure.

Le même mécanisme
est décrit sur la figure
1.40 ci-après sans
représenter les atomes,
au moyen du symbole ┴
pour la position de la
ligne de dislocation. Y
sont indiquées les
conventions de
représentation des
dislocations coin

26
Fig.1.40

27
Remarque : Ce mouvement de
dislocation est analogue à la façon dont
on déplace un lourd tapis dans une
grande pièce : simplement en déplaçant
des plis le long du tapis, ce qui est bien
plus facile que de déplacer tout le tapis
d'un coup. (Figure 1.41).

Lorsque nous avons crée la dislocation


coin, après avoir coupé le bloc, nous
aurions pu déplacer la partie inférieure
du cristal dans une direction parallèle à la coupure au lieu de choisir une direction perpendiculaire. La
figure 1.42 montre le défaut qui en résulte.

Fig. 1.42: Une


dislocation vis (a) du
point de vue des
milieux continus, et
(b) en représentant
des atomes.

C'est encore une


dislocation, mais une
dislocation vis (ainsi
appelée parce qu'elle
transforme les plans
atomiques en une
surface hélicoïdale,
comme la gorge d'une
vis. De même que la
dislocation coin, elle
crée une déformation
plastique en se
déplaçant (figures
1.43).

28
Fig. 1.43: Les étapes du mouvement d'une dislocation vis dans un cristal. Cela fait glisser la partie
inférieure du cristal (o) d'une distance b par rapport à la partie supérieure (x).

29
Fig. 1.44 : L'analogue du mouvement d'une dislocation vis : imaginez quatre madriers alignés sur le
sol d'une usine. Pour les déplacer, il est beaucoup plus facile de les faire glisser l'un après l’autre que
tous à la fois.

Fig. 1.45: Les conventions de représentation des dislocations vis.

Rem: La géométrie d'une dislocation vis est un peu plus compliquée, mais ceci mis à part, ses
propriétés sont celles d'une dislocation coin. Toute dislocation d'un cristal est vis, coin, ou mixte.
Dans ce dernier cas, on peut toujours la décrire par de petites marches des deux premiers types. La
microscopie électronique permet de visualiser les dislocations. Un exemple est présenté par la figue
suivante.

30
Fig.1.46 : Micrographie électronique de lignes de dislocation dans un acier inoxydable. La prise de
vue a été faite en projetant des électrons à travers une lame très mince d’acier, d’épaisseur 100 nm
environ.la longueur ne dépasse pas ici 1000 diamètres atomiques (approximativement), parce que les
dislocations ont été tronquées aux surfaces supérieures et inférieures de la lame mince. Mais tout
morceau d'alliage industriel de la taille d'un Sucre contient environ 105 de lignes de dislocations.

1.3.4- La force agissante sur une dislocation :

Une contrainte de cission () exerce une force sur


une dislocation et la déplace à travers le cristal.
Pour que la déformation plastique se produise,
cette force doit être suffisamment grande pour
vaincre la résistance au mouvement de la
dislocation. Cette résistance est due à une friction
interne, qui s’oppose au mouvement des
dislocations ; par ailleurs l’alliage ou l’écrouissage
du matériau y contribuent aussi. On peut montrer
que la valeur de la force exercée par unité de
longueur de la dislocation estb. Ceci est fait en
considérant un calcul de travail virtuel. On écrit
que le travail effectué par la contrainte appliquée
lorsque la dislocation traverse le cristal de part en
part est égal au travail de la force f qui s’oppose au
mouvement (fig.1.47).

La partie supérieure se déplace d’une distance b par rapport à la base, et le travail effectué par la
contrainte appliquée vaut l1.l2.b. En traversant le cristal, la dislocation de longueur l1 se déplace

31
d’une distance l2 en surmontant la résistance f par unité de longueur ; son travail est 𝑓. 𝑙 . 𝑙 .
L’égalité des deux travaux aboutit à :

𝜏. 𝑏 = 𝑓

Ce résultat est valable pour toute dislocation, qu’elle soit coin, vis, ou mixte.

1.3.5- Autres propriétés des dislocations :

Deux autres propriétés des dislocations qui ont leur importance pour comprendre la déformation des
métaux sont :

(a)- Les dislocations glissent toujours sur des plans cristallographiques simples, comme les dessins
précédents du mouvement d’une dislocation coin le laissent penser. Par exemple, dans les cristaux
CFC, les dislocations glissent sur les plans (1 1 1), et donc la déformation plastique des cristaux CFC
se produit par cisaillement parallèlement aux plans (1 1 1).

(b)- Les atomes proches du cœur d’une dislocation sont déplacés par rapport à leur position normale,
et ont donc une énergie plus élevée. Pour minimiser autant que possible l’énergie totale, la
dislocation s’efforce d’être la plus courte possible. Tout se passe comme si elle possédait une tension
de ligne T, comme un fil de caoutchouc. Très grossièrement, la déformation par cisaillement au cœur
d’une dislocation a pour ordre de grandeur ½ ; les contraintes y sont donc de l’ordre de G/2, de sorte
que l’énergie de cœur par unité de volume est G/8. Avec un rayon de cœur égal à la distance
interatomique b, le volume d’une unité de longueur est 𝜋𝑏 . La tension de ligne est l’énergie stockée
par unité de longueur (tout comme la tension superficielle est l’énergie stockée par unité de surface),
donc il vient :

𝜋 𝑏
𝑇= 𝐺𝑏 ≈ 𝐺
8 2
Où G est le module de cisaillement. Dans l’absolu, T est minuscule (il nous faudrait 108 dislocations
environs pour suspendre une pomme), mais à l’échelle d’une dislocation, c’est une grandeur
importante, et elle a un effet conséquent sur la gêne au mouvement des dislocations que créent des
obstacles.
T T
𝑏
𝑇≈𝐺
2
Fig. 1.48 : La tension de ligne d’une dislocation.

Les connaissances du mouvement des dislocations et de leur comportement contribuent à la


compréhension de la déformation plastique et à la conception de matériaux plus résistants.

1.4- Méthodes de durcissement et plasticité des polycristaux :

Introduction et Rappel :

Nous avons montré dans la section précédente que :

a)- Les cristaux contiennent des dislocations ;

b)- Une contrainte de Cisaillement  sur le plan de glissement d’une dislocation exerce par unité de
longueur une force  .b tendant à la faire avancer ;

32
c)- Quand les dislocations bougent, le cristal se déforme plastiquement.

Dans cette section nous examinons les moyens d’augmenter la résistance au mouvement d’une
dislocation, c’est ce qui représente la limite d’écoulement des dislocations d’un monocristal isolé
d’un métal ou d’une céramique. Mais les matériaux massifs utilisés par l’ingénieur sont des agrégats
formés de plusieurs cristaux appelés grains. Afin de comprendre la plasticité de tels agrégats nous
devons aussi nous intéresser à l’interaction entre plusieurs grains. Ceci conduit à calculer la limite
d’écoulement du polycristal qui est la grandeur utile à l’ingénieur.

1.4.1- Mécanismes de durcissement :

Un cristal se plastifie quand la force b (par unité de longueur) dépasse la résistance f (qui a aussi la
dimension d’une force par unité de longueur) qui s’oppose au mouvement d’une dislocation. Cela
définit la « limite d’écoulement » pour les dislocations. :

e=f/b (1)

La plupart des cristaux ont une résistance intrinsèque, due aux liaisons entre atomes qui doivent
être rompues et reformées lors du mouvement d’une dislocation. La liaison covalence, en
particulier, conduit à une très forte friction intrinsèque du réseau fi par unité de longueur de
dislocation. De là vient l’énorme résistance ou dureté, du diamant, des carbures, oxydes, nitrures et
silicates qui sont utilisés pour des outils d’abrasion ou de découpe. Mais les métaux purs sont
mous : ils ont une faible friction de réseau. Il est alors utile d’augmenter f par durcissement de
solution solide, par durcissement par précipitations ou dispersoïdes, ou par écrouissage, ou toute
combinaison des trois. Il faut toutefois se souvenir que la limite d'écoulement ne saurait dépasser la
limite idéale. En Pratique seuls de rares matériaux l’approchent.

1.4.2- Durcissement de solution solide :

Une bonne manière de durcir un matériau est de le rendre impur. Les impuretés se mettent en
solution dans un métal solide tout comme le sucre se dissout dans le thé. Un bon exemple est le
zinc qui, ajouté au cuivre, donne l’alliage appelé laiton. Les atomes de zinc remplacent des atomes
de cuivre pour former une solution solide de substitution désordonnée. A température ambiante, le
cuivre peut dissoudre de cette manière jusqu’à 30 % de zinc. Les atomes de zinc sont plus gros que
ceux du cuivre et leur substitution dans le réseau du cuivre crée des contraintes. Ces contraintes
rendent « rugueux » le plan de glissement, ce qui contrarie le mouvement des dislocations ; elles
augmentent la résistance f et en conséquence, augmentent la limite d’écoulement des
dislocations e (Eq. 1). Si la contribution de la solution solide à f est fss, e est accru de fss/ b. Dans
une solution solide de concentration C sur un plan de glissement (ou tout autre plan d’ailleurs),
l’espace entre atomes de soluté est proportionnel à C -1/2. Plus l’espacement est faible, plus le plan
est rugueux. e croît approximativement comme C 1/2 avec la concentration en soluté (fig.1). Le
laiton monophasé, les bronzes, les aciers inoxydables et beaucoup d’autres alliages métalliques
tirent leur résistance de ce processus.

33
Si une impureté (disons du cuivre) est dissoute dans un métal (par exemple l’aluminium) ou une
céramique à haute température, et si ensuite l’alliage est refroidi à la température ambiante,
l’impureté peut précipiter en petites particules, tout à fait comme le sucre qui cristallise à partir
d’une solution sursaturée refroidie. Un alliage d’aluminium à 4% de cuivre (duralumin) traité ainsi
présente de très petites particules très rapprochées du composé Al2Cu très résistant. La plupart des
aciers sont durcis par des précipités de carbures obtenus ainsi (le précipité optimum est obtenu par
un traitement thermique plus élaboré).

De petites particules peuvent être introduites dans des métaux ou céramiques par d’autres moyens.
Le plus évident est de mêler un dispersoïde (un oxyde par exemple) dans un métal en poudre (c’est
le cas pour le plomb ou l’aluminium), puis de compacter et de fritter le mélange de poudres. Les
deux moyens conduisent à des particules petites et dures sur la trajectoire. La figure 2 montre
comment elles gênent son mouvement. La contrainte  doit faire avancer la dislocation entre les
obstacles.

C’est comme souffler dans un ballon dans une cage à oiseau : il faut une forte pression pour que le
ballon déborde des barreaux, mais quand cela s’est produit, il n’y a plus de difficulté pour prolonger
l’expansion. La configuration critique est le demi-cercle (Fig.2c) : la force b.L sur le segment est
juste compensée par la tension de ligne 2T agissant des deux cotés de la « protubérance ». La
dislocation s’échappe (et l’écoulement plastique apparaît) quand :

𝜏 = .
(2)

Les obstacles exercent donc une résistance 𝑓 = 2𝑇⁄𝐿. De manière claire le durcissement maximal
est produit par des précipités à dispersoïdes durs et rapprochés (Fig.2).

34
Figure 2 : Une dispersion de précipités gêne le mouvement des dislocations, et contribue à
limiter la déformation plastique des matériaux

1.4.3- L’écrouissage :

Quand un cristal se déforme plastiquement, les dislocations le traversent. La plupart des cristaux ont
plusieurs plans de glissement ; par exemple la structure CFC, dans laquelle les plans de glissement
sont de type {111}, (y’en a 4). Les dislocations de chacun de ces plans sécants interagissent, se
gênent les unes les autres dans leur mouvement, et s’accumulent dans le matériau.

Il en résulte un écrouissage : la courbe contrainte-déformation au-delà de la limite élastique présente


une pente raide. Tous les métaux et les céramiques subissent l’écrouissage. Ceci peut être néfaste : si
l’on veut laminer une tôle mince, l’écrouissage augmente rapidement la contrainte à tel point que l’on
doit arrêter le processus et recuire le métal (c’est-à-dire chauffer pour éliminer les dislocations qui se
sont accumulées) avant de pouvoir poursuivre. Mais l’écrouissage peut aussi être utile : c’est un
moyen de durcissement efficace qui peut être combiné avec d’autres méthodes pour produire des
matériaux résistants.

L’analyse de l’écrouissage est difficile. Sa contribution fecr à la résistance s’opposant au mouvement


des dislocations est importante et augmente avec la déformation (fig.3).

35
Fig.3 :

1.4.4- Limite d’écoulement des dislocations :

Il est raisonnable de supposer que les contributions des méthodes de durcissement s’ajoutent :

𝜏 = + + + (3)

Soit les matériaux durs ont une forte friction intrinsèque fi (comme le diamant), soit leur dureté
résulte de la superposition du durcissement de solution solide fss , de précipitation f0 , et
d’écrouissage fecr , (comme les aciers à grande résistance à la traction). Mais avant que nous
puissions utiliser ces informations, demeure un problème non résolu : nous avons calculé la
contrainte d’écoulement d’un cristal isolé soumis à un cisaillement. Nous voulons connaître la limite
d’écoulement en traction d’un agrégat polycristallin.

1.4.5- Limite d’écoulement des polycristaux :

Les cristaux, ou grains, d’un polycristal, s’ajustent


exactement, mais leurs orientations cristallines
diffèrent (fig.4). A la surface de contact entre deux
grains : le joint de grains, la structure cristalline est
perturbée mais les liaisons atomiques d’un grain à
l’autre sont suffisamment nombreuses et fortes
pour que le joint de grains n’affaiblisse pas le
matériau (d’ordinaire).

36
Fig.4 :

Examinons ce qui se passe quand un cristal dans un polycristal se plastifie. Le glissement commence
dans des grains où sont présents des plans de glissement aussi parallèles que possible à l’axe  (fig.5,
grain 1). Ensuite le glissement se propage dans les grains qui n’étaient pas orientés aussi
favorablement (grain 2), et enfin dans ceux qui n’étaient pas bien orientés du tout (grain 3). En
conséquence la plastification ne se produit pas partout à la fois et il n’y a donc pas, pour un
polycristal, de limite d’écoulement bien définie sur la courbe contrainte-déformation. De plus
l’écoulement plastique macroscopique ne se produit pas à la valeur de la limite d’écoulement des
dislocations 𝜏 , car l’orientation des grains n’est pas partout favorable à l’écoulement. La limite
d’écoulement macroscopique est plus élevée d’un facteur de 1,5 environ, appelé facteur de Taylor,
que l’on peut (péniblement) calculer en effectuant une moyenne sur tous les plans de glissement
possibles.

37
Nous voulons la limite élastique en traction e. Une contrainte de traction  crée une contrainte de
cission projetée dans le matériau qui vaut au plus (nous montrons ce résultat à la section suivante
1.5). Pour calculer e à partir de e, il nous reste à multiplier le facteur de Taylor par le coefficient de
projection, ce qui conduit à :

e = 3e (4)

e est la quantité recherchée : la limite élastique du matériau massif polycristallin. Elle est trois fois
plus grande que la limite d’écoulement pour les dislocations mais lui est proportionnelle. En
conséquence tout ce que nous avons écrit en ce qui concerne l'augmentation de e demeure valable
pour e.

Toute une branche de la conception des alliages s'est développée, consistant à mélanger et traiter
thermiquement des alliages afin d'obtenir le plus grand e possible. Les objets durcis de cette manière
vont des outils de tour (aciers "rapides") aux aubes de turbines (superalliages à base de nickel). Nous
nous étendrons plus au sujet des alliages durs quand nous examinerons comment les matériaux sont
sélectionnés pour un usage particulier. Mais nous devons tout d'abord revenir au problème de la
plasticité non plus d'un point de vue atomique, mais d'un point de vue continu.

1.5- Aspects continus de l’écoulement plastique :

L’écoulement plastique résulte d’un cisaillent. Les dislocations bougent quant la contrainte de
cisaillement projetée sur le plan de glissement dépasse la limite d’écoulement e des dislocations du
monocristal. Si l’on effectue une moyenne sur toutes les orientations possibles des grains et des plans

38
de glissement, cette grandeur est reliée à la limite élastique en traction e du polycristal par e= 3 e
(cf : section précédente). Mais dans les problèmes de plasticité, il est utile de définir la limite
élastique en cisaillement k du polycristal.

Dans cette section nous montrons que k = e /2 et nous utilisons k pour relier la dureté et la limite
élastique d'un solide. Nous examinons ensuite les instabilités en traction qui apparaissent lors de
l'étirage des métaux et des polymères.

1.5.1- Le début de la déformation plastique et


la limite élastique en cisaillement k.

Une contrainte de traction appliquée à une pièce


de matériau crée des contraintes de cisaillement
dans des plans inclinés par rapport à l'axe de
traction.

La force de cisaillement (fig.1):

F. Sin

L'aire sur laquelle cette force agit en cisaillement


est:

S/ Cos

Donc la contrainte de cisaillement est :

𝐹. 𝑠𝑖𝑛𝜃 𝐹
𝜏= = 𝑠𝑖𝑛𝜃. 𝑐𝑜𝑠𝜃 = 𝜎. 𝑠𝑖𝑛𝜃. 𝑐𝑜𝑠𝜃
𝑆⁄𝑐𝑜𝑠𝜃 𝑆

Si nous traçons cette expression en fonction de  (fig. 2), nous trouvons que  est maximum pour 
=45°. Cela signifie que la plus haute valeur de contrainte de cisaillement vaut  /2 et correspond à un
plan incliné de 45° par rapport à l'axe de traction.

D'après ce qui a été dit aux sections précédentes (1.3 et 1.4), Si nous nous intéressons à un
monocristal le glissement n'aura pas lieu exactement le long du plan à 45°, mais sur le plan
cristallographique de glissement des dislocations le plus voisin de cette orientation (fig. 3). Dans un
polycristal chaque grain commence à être cisaillé le long de son plan de glissement le plus proche de
45°. A l'échelle microscopique le glissement suit un chemin "en zig-zig". Mais en moyenne la
direction du glissement est à 45° de l'axe de traction.

La Contrainte de criaillement sur ce plan quand apparaît le glissement est par conséquent 2 et
nous définissons ainsi la limite élastique en cisaillement k :

k= e/2 (2)
39
Exemple : Calcul approché de la dureté des solides :

Ce concept de limite élastique en cisaillement où nous ignorons le détail de la structure en grains du


polycristal pour le considérer comme un milieu continu, est utile à divers points de vue. Par exemple
nous pouvons l’utiliser pour calculer les charges qui conduiraient à une déformation plastique du
matériau pour toutes sortes de géométries complexes.
40
Un bon exemple est le problème de la dureté par (essais de dureté). Nous avons défini la dureté par :

𝐹
𝐻= = 3. 𝜎
𝑆
(avec un facteur correctif pour les matériaux qui s’écrouissent de manière appréciable; la plupart sont
dans ce cas). Par souci de simplicité nous considérons un modèle bidimensionnel (un véritable
pénétrateur est bien sûre tridimensionnel, mais le résultat pratique est identique).

Alors que nous enfonçons un pénétrateur plat dans le matériau, le cisaillement a lieu sur les plans à
45° correspondant à la contrainte de cisaillement maximale (fig. 4) pour une valeur de cette,
contrainte égale à k. En égalant le travail effectué par la force F lorsque le poinçon a pénétré d’une
distance u et le travail effectué contre k sur les plans de cisaillement on obtient :

𝑆. 𝑘 𝑆. 𝑘 𝑢
𝐹𝑢 = 2 . 𝑢√2 + 2. 𝑆. 𝑘. 𝑢 + 4. .
√2 √2 √2
Ceci se simplifie en : 𝐹 = 6𝑆. 𝑘 avec (k=𝜎 /2)
𝑭
D’où 𝑺 est la dureté H donc : 𝐻 = 3𝜎 (3)

Un traitement similaire peut être appliqué à toutes sortes de problèmes bidimensionnels : pour
calculer la charge à rupture plastique de structures de géométrie complexe, et pour analyser des
procédés de mise en forme des métaux comme le forgeage, le laminage et l'emboutissage de tôles.

1.5.2 : Instabilité plastique: la striction lors d'un chargement en traction :

Nous nous intéressons maintenant à l'autre extrémité de la courbe contrainte déformation pour
comprendre pourquoi, en traction, les matériaux développent une striction, ce qui désigne une
instabilité plastique. Cela signifie que l'écoulement plastique se localise dans une section de
l'éprouvette ou de l'élément de structure (fig. 5) et si la déformation se poursuit, rompt à cet endroit.
La plasticine présente très tôt la striction alors que le chewing-gum ne le présente que très
tardivement.

Si une force F est imposée à une extrémité de l'éprouvette (fig. 5) alors n'importe quelle section doit
transmettre cette charge.

Mais peut-elle le faire ?

41
Supposons qu'une section se déforme un peu plus que les autres (fig. 5), sa surface est plus petite est
en conséquence la contrainte y est plus élevée. Si l'écrouissage a suffisamment augmenté la
contrainte d'écroulement, la section réduite peut encore transmettre F. Mais dans le cas contraire, la
déformation plastique se localise dans la striction et l'échantillon rompra à cet endroit.

Une section donnée de l'échantillon peut transmettre une force 𝑨𝝈 où A est son aire et  sa
résistance.

Si 𝑨𝝈 augmente avec la déformation, l'échantillon est stable.

Si 𝑨𝝈 décroît, il est instable et on aura striction.

La condition critique de la striction est : 𝐴. 𝜎 = 𝐹 = 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡𝑎𝑛𝑡𝑒

d'où : 𝐴. 𝑑𝜎 + 𝜎. 𝑑𝐴 = 0

ou encore : =−

La conservation du volume lors de la déformation plastique donne(en différentiant Al=constante) :

− =+ = 𝑑𝜀 Ainsi : = 𝑑𝜀 ou encore : =𝜎 (4)

Cette équation est exprimée en termes de contrainte vraie et déformation vraie. Les résultats d'essais
de traction sont en général donnés en termes de contraintes et déformation nominales. D'après la
section 1.1 :

𝜎 = 𝜎 (1 + 𝜀 )

𝜀 = ln (1 + 𝜀 )

En différentiant ces équations et en les substituant dans (4), ou tire : =0 (5)

42
En d'autre termes, au point d'instabilité la courbe nominale contrainte déformation passe par un
maximum comme nous le savons expérimentalement.

Pour comprendre ce qui se passe physiquement, il est plus facile de revenir à notre première
condition. A faible contrainte, si nous réduisons localement la section, le matériau dans la section
réduite durcira par écrouissage et sera capable de supporter la contrainte supplémentaire que son aire
réduite lui impose. La charge sera alors continue et le matériau stable. A forte contrainte le taux
d'écrouissage est moindre comme le montre la courbe contrainte vraie/déformation vraie, autrement
dit la pente de La Courbe () est plus faible (fig.6).

Finalement nous atteignons un point où, quand on réduit localement la section, l'écrouissage est juste
suffisant pour supporter l'augmentation de contrainte. C'est le point de striction où :

=𝜎

Pour des contraintes vraies plus élevées


encore, le taux d'écrouissage diminue
encore et devient trop faible pour assurer la
stabilité : l'excès de contrainte dans le "col" ne
peut plus être compensé par le durcissement
d'écrouissage et le "col" se développe de plus
en plus vite jusqu’à rupture.

1.5.3 : Conséquences de l’instabilité


plastique :

L’instabilité plastique est très importante dans les


procédés comme l’emboutissage des tôles
métalliques pour faire des carrosseries, des boîtes
de conserve, etc. Il est clair que nous devons
choisir les matériaux et les outils d’emboutissage
de façon à éviter l’instabilité. L’acier doux est un
bon matériau pour l’emboutissage car il subit une
grande déformation plastique avant la striction :
on peut donc l’emboutir très profondément sans
le rompre (fig. 7).

Les alliages d'aluminium sont bien moins


avantageux (fig. 8) : ou ne peut les emboutir que
modérément avant la striction. L'aluminium pur
est un peu moins mauvais mais il est beaucoup
trop mou pour la plupart des applications.

43
Le polyéthylène présente une striction qui ne conduit
pas à la rupture. La figure 9 montre sa courbe 𝜎 (𝜀 ).
A assez basse contrainte s'annule et la striction
commence. Toutefois le col ne devient jamais instable,
il s'allonge ; ceci parce qu'à haute contrainte
l'écrouissage est considérable et peut accommoder
l'augmentation de contrainte due à la réduction de
section du col. Cet étrange comportement est dû à
l'alignement des chaînes polymériques dans le col et le
long de sa direction. Pour cette raison les polymères
étirés (i.e. complètement strictionnés) peuvent être

rendus très résistants, beaucoup plus en fait que les


polymères non-étirés.
Enfin l'acier doux peut présenter une instabilité
comme celle du polyéthylène. Si l'acier est recuit, la
Courbe contrainte/déformation ressemble à celle de
la figure 10.
Un col stable, appelé bande de Lüders, se forme et
se propage (comme dans le polyéthylène) sans
conduire à la rupture à cause de l'écrouissage à forte
contrainte.
Les bandes de Lüders posent problème lors de l'emboutissage de tôles d'acier car elles en limitent la
précision et restent visibles après l'opération.
La figure 11 montre un exemple de formation des
bandes de Lüders.

Fig.11 : Bandes de Lüders d’un alliage de titane


TA6V

Dans les sciences, le chemin est plus important que le but.


Les sciences n’ont pas de fin.
Erwin Chargaf

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