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SAPEURS-POMPIERS
VOLONTAIRES RURAUX
ETAT DES LIEUX ET PROSPECTIVE
Promotion 2022 - 03
Nous remercions également le contrôleur général Eric FLORES, les colonels hors-classe Yves
GAVEL, Stéphane GOUEZEC, Jérôme COSTE et la colonelle Anne LAMAIRE : nous avons
été très honorés que d’aussi hauts responsables prennent de leur temps pourtant bien chargé
pour nous apporter leur vision experte et moderne sur les sapeurs-pompiers volontaires ruraux.
Notre livre de chevet pendant toute cette année a été l’étude sur l’avenir du dispositif du
volontariat chez les sapeurs-pompiers de messieurs Stéphane CHEVRIER et Jean-Yves
DARTIGUENAVE (2008). Nous avons été marqués par leurs analyses complètement
visionnaires et la modernité de leur propos. Nous remercions ces deux sociologues dont les
travaux ont guidé notre chemin.
Un grand merci aux sapeurs-pompiers, très nombreux, qui se sont prêtés au jeu de notre
questionnaire numérique ; vous nous avez fourni bien des éléments de réflexion.
Un immense merci enfin aux centres de secours de OLTINGUE (SIS 68), de SAINT-SAENS
(SDIS 76), de SAINT-SAUVEUR-EN-PUISAYE (SDIS 89) et de COUSANCE-LES-
FORGES (SDIS 55) pour leur accueil convivial et le temps consacré à se prêter au jeu des
questions/réponses. Nous sommes repartis de vos centres avec le respect de votre engagement
pour rendre service, et espérons porter par ce mémoire la parole de votre identité et de vos
valeurs.
TABLE DES ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 1
1. CONTEXTUALISATION .............................................................................................................................. 5
3. PROSPECTIVE ........................................................................................................................................ 37
3.1 LES FACTEURS AYANT FAIT EVOLUER LE SAPEUR-POMPIER VOLONTAIRE RURAL DANS SON IDENTITE ET SES SYMBOLES ........ 37
3.2 OPPORTUNITES ET MENACES .......................................................................................................................... 42
3.3 PRECONISATIONS ......................................................................................................................................... 45
CONCLUSION .................................................................................................................................................. 51
ANNEXES ........................................................................................................................................................ 53
RÉSUMÉ ......................................................................................................................................................... 98
1
INTRODUCTION
Le colonel hors-classe Bruno BEAUSSE a souhaité que ce travail de recherche soit centré sur
l’identité et les valeurs des sapeurs-pompiers volontaires des centres de secours ruraux des
corps départementaux sans garde au centre pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le sapeur-
pompier volontaire rural est le sapeur-pompier volontaire dans son acception d’origine4, le
sapeur-pompier volontaire originel. Il peut être considéré comme le sapeur-pompier volontaire
sans biais, le profil de référence, l’incarnation-même du sapeur-pompier volontaire. L’autre
raison est que d’autres travaux ont déjà été conduits, mais pas spécifiquement sur les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux. Le colonel hors-classe BEAUSSE a en effet lui-même travaillé
sur l’identité et les valeurs des officiers de sapeurs-pompiers dans ses ouvrages « S’il te plaît,
dessine-moi un officier » et « Traité des valeurs à l’usage des sapeurs-pompiers ».
Un travail de recherche a également été réalisé sur l’identité et les valeurs des sapeurs-pompiers
de façon très large par messieurs BRUSSON, CHAMAGNE, CROMBOIS et GUIMARAES 5.
Les auteurs de ce mémoire concluaient : « Notre travail doit être considéré comme une première
approche qui a tenté de balayer un champ relativement large, qui soulève de nombreuses
questions et qui appelle à des travaux plus poussés »6. La réflexion du présent mémoire sur
1
S’il te plaît, dessine-moi un officier, CHC. BEAUSSE, 2015, p.41 à 50
2
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020), p.12
3
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020), p.54
4
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.4
5
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020).
6
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020), p.55.
1
l’identité et les valeurs des sapeurs-pompiers volontaires ruraux s’inscrit donc dans la continuité
des travaux précédents.
Comme nous venons de l’évoquer, quand le changement touche à ce qu’il y a de plus important
pour une corporation, l’enjeu est primordial. C’est d’autant plus vrai quand il s’agit des sapeurs-
pompiers volontaires, car ceux-ci ne vivent pas une relation de travail au travers de leur
engagement. Si son engagement perd de son sens, si le sapeur-pompier volontaire ne trouve pas
ou plus ce qu’il est venu chercher en intégrant le groupe, il mettra un terme à son engagement
citoyen. Et les conséquences sur le système de sécurité civile français, qui repose pour 80% sur
le volontariat, sont très importantes.
Selon les auteurs de cette étude, la notion de sols fertiles se définit comme suit : « Certains
territoires sont plus favorables à l’émergence de certaines formes de volontariat ou certains
7
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020), p.1.
8
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.28, 32, 34 et 38
2
profils de volontaires. Les volontaires sont aussi le produit d’un territoire »9. C’est plus
particulièrement le profil « villageois » qui intéressera notre analyse temporelle et notre étude
prospective. En effet, selon l’étude des deux sociologues, à l’époque de leurs travaux, ce profil
était dominant chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux. Et le « villageois » vivait « très
mal la départementalisation et la transformation des systèmes opérationnels de gestion de
l’alerte »10. Son identité et ses valeurs acceptaient mal ces évolutions, au point que l’on peut
pouvoir parler d’un vrai choc des cultures. Aussi, nous nous demanderons si le sapeur-pompier
volontaire rural d’aujourd’hui ressemble encore à ce « villageois » et comment il vit l’évolution
de son activité. Autrement dit, nous nous demanderons si son identité et ses valeurs acceptent
et s’adaptent à ces changements.
9
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.24
10
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.29
3
4
1. CONTEXTUALISATION
Comme nous l’avons indiqué dans l’introduction, nos travaux s’inscrivent dans la continuité
d’autres travaux de recherche. Il s’agit d’étudier la population cible spécifique des sapeurs-
pompiers volontaires ruraux au travers de leur identité et de leurs valeurs. Ces notions sont
assez abstraites : il conviendra dans un premier temps de poser leur définition, ainsi que la
définition des autres notions clefs que nous allons utiliser. Nous préciserons également l’enjeu
de cette recherche, c’est-à-dire les raisons et le fondement d’une telle réflexion. Ensuite, nous
détaillerons la méthodologie que nous avons utilisée et les raisons pour lesquelles nous l’avons
adoptée.
Le colonel hors-classe Bruno BEAUSSE a consacré un chapitre entier de son « traité des
valeurs » à la définition de la notion de « valeurs ». Les auteurs du mémoire « Du courage au
dévouement » ont, quant à eux, très précisément décortiqué la notion « d’identité ». Le colonel
hors-classe BEAUSSE et nos collègues qualifient respectivement ces notions de « multiples »11
et « plurielles »12.
Les principales composantes de l’identité sont les valeurs, l’histoire et les traditions, le
sentiment d’appartenance, les représentations sociales, et les éléments de reconnaissance
identitaire tels que les rituels, emblèmes, symboles. L’identité collective est alors la somme des
identités individuelles s’ajustant entre elles et constituant un groupe avec des caractéristiques
11
Traité des valeurs à l’usage des sapeurs-pompiers. Aix en Provence : Les presses de l’ENSOSP. BEAUSSE, B.
(2017). p.17
12
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.5
5
propres et affirmées, un groupe avec sa propre identité. L’identité du groupe est comme un
ciment : elle crée un sentiment d’appartenance.
Les valeurs sont une composante essentielle de l’identité : « les valeurs sont le noyau de
l’identité personnelle et professionnelle »13. Elles sont un « guide »14. Concernant les groupes,
elles agissent comme un aimant : le groupe se constitue et fonctionne autour de valeurs
partagées. Mais les valeurs agissent aussi comme un moteur du groupe : elles font avancer le
groupe et il se construit, se façonne et évolue autour d’elles. La diversité n’est pourtant pas
exclue.
Si l’on reprenait les mots-clefs du raisonnement tactique, les valeurs seraient l’« objectif » qui
se confronte à une situation, autrement dit le grand principe qui va guider l’action.
Symboles et profils :
Les symboles seraient les « idées de manœuvre », c’est-à-dire la façon de vivre les valeurs. Le
profil serait quant à lui la « SITAC », ce schéma visible qui fait apparaître l’articulation de
l’ensemble.
Les symboles sont les éléments identitaires. Il s’agit par exemple de mots ou d’objets dans
lesquels s’incarne l’identité et qui la reflètent. Il s’agit de sa manifestation. On peut se référer à
l’étymologie grecque de ce nom commun pour mieux en appréhender l’acception : le verbe
φαίνω (« phaïno ») signifie apparaître, devenir évident. La manifestation s’incarne dans
quelque chose qui la montre aux yeux de tous, qui la caractérisent parfaitement. Citons par
exemple : la caserne, le fourgon incendie, le casque comme symboles des sapeurs-pompiers.
Si l’on essaie de regrouper ces définitions ensemble, nous pouvons aboutir à la reformulation
synthétique suivante : l’identité d’un collectif s’appréhende notamment au travers de ses
valeurs, qui ont un rôle dynamique pour le collectif, et des symboles par lesquels il les rend
apparents, il les signifie. Tout ceci constitue les traits marquants du collectif. L’ensemble de
ces traits marquants, quand ils sont similaires chez plusieurs groupes ayant des points communs,
permet de définir un profil.
La méthodologie que nous avons mise en place pour réaliser nos travaux de recherche découle
de ces définitions (voir ci-après).
13
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020), p.5.
14
Traité des valeurs à l’usage des sapeurs-pompiers. Aix en Provence : Les presses de l’ENSOSP. BEAUSSE, B.
(2017). p.18
6
1.1.2 Focus sur la notion de sapeur-pompier volontaire rural
Dans leur dossier « Une nouvelle définition du rural pour mieux rendre compte des réalités des
territoires et de leurs transformations », Cristina D’ALESSANDRO (Cnis), David LEVY
(Insee) et Théodore REGNIER (ENS), ont révisé la définition de la ruralité :
« Réalités multiformes et hétérogènes selon leur géographie et leur histoire, les espaces ruraux
se définissent d’abord par leur faible densité de population. Jusqu’en 2020, l’Insee caractérisait
le rural comme l’ensemble des communes n’appartenant pas à une unité urbaine, définie par le
regroupement de plus de 2 000 habitants dans un espace présentant une certaine continuité du
bâti. La nouvelle définition proposée rompt avec cette approche centrée sur la ville. Les
territoires ruraux désignent désormais l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses
d’après la grille communale de densité. Ils réunissent 88 % des communes en France et 33 %
de la population en 2017.
Cette seule caractéristique de l’espace rural ne permet pas d’en appréhender toutes les
dimensions. Il faut y associer des critères de type fonctionnel, notamment le degré d’influence
d’un pôle d’emploi. Avec cette approche, quatre catégories d’espaces ruraux se dessinent, allant
des communes rurales très peu denses, hors influence d’un pôle, aux communes sous forte
influence d’un pôle »15.
Notre définition du sapeur-pompier volontaire rural est une traduction de la ruralité en termes
opérationnels (exemple : en se basant sur le nombre d’interventions /jour) et organisationnels
(exemple : exclusion de la garde au centre). En nous appuyant sur ces caractéristiques
(territoires à faible densité et sous influence variable d’un pôle), nous posons la définition
suivante de « sapeurs-pompiers volontaires ruraux » : sapeurs-pompiers volontaires affectés
dans les centres d’incendie et de secours sans garde au centre, hors zone urbaine, effectuant de
l’ordre d’un départ en intervention par jour et comportant moins de 50 sapeurs-pompiers
volontaires. Nous exceptons les sapeurs-pompiers volontaires du Service de Santé et de Secours
Médicaux (SSSM / nouvelle Sous-Direction Santé), les sapeurs-pompiers volontaires
« experts » et les sapeurs-pompiers volontaires qui sont par ailleurs sapeurs-pompiers
professionnels. Les sapeurs-pompiers volontaires des corps communaux non intégrés ne font
pas non plus partie de la population cible. Nous nous inscrivons en effet dans la suite de l’étude
de Stéphane CHEVRIER et Jean-Yves DARTIGUENAVE qui a concerné uniquement les
sapeurs-pompiers volontaires et la départementalisation.
Dans leur étude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Stéphane
CHEVRIER et Jean-Yves DARTIGUENAVE ont fait ressortir l’identité et les valeurs des
sapeurs-pompiers volontaires en utilisant ce qu’ils appellent « une carte météo », « une carte
d’identité » et un « radar ». La carte météo permet de situer le profil par rapport à des symboles
forts tels que la sirène/le bip et le bénévolat/le salariat. La carte d’identité précise l’âge moyen,
le genre, la catégorie socio-professionnelle et les sols fertiles. Une synthèse est également
rédigée. Les deux sociologues ont ainsi déterminé l’existence de quatre profils de sapeurs-
15
Une nouvelle définition du rural pour mieux rendre compte des réalités des territoires et de leurs transformations,
Insee références D’ALESSANDRO, C., LEVY, D, REGNIER, T., (2021).
7
pompiers volontaires. Parmi ces quatre profils, cités en introduction, pour eux, le sapeur-
pompier volontaire rural de leur époque est, de façon dominante, un « villageois ».
Le « villageois » est, selon les deux sociologues, dans l’esprit de la sirène et du bénévolat. Il est
âgé de 18 à 40 ans, c’est un homme, ouvrier, employé de la fonction publique territoriale,
artisan, commerçant, agriculteur. Son terroir est à forte identité, enclavé et rural16. Ses valeurs
sont l’attachement à son territoire (il a donc beaucoup de mal avec la départementalisation) et
à sa communauté locale, la protection des siens. Il veut rendre service aux autres. Ses symboles
sont les cloches, la sirène, la flèche de l’église et la tour de séchage des tuyaux 17. En résumé,
« devenir sapeur-pompier (volontaire, ndlr) constitue (pour lui, ndlr) ainsi un acte identitaire
fort »18.
16
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.28
17
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.29
18
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.29
19
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.30
20
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.30
8
1.1.3 Enjeux de ce travail de recherche
« En trente ans, nous avons perdu plus de 30 000 pompiers volontaires (…) alors que les étés
brûlants imposeraient d’augmenter les effectifs de sapeurs-pompiers volontaires », commente
le contrôleur général Eric FLORES dans un article du Point publié le 4 août 2022. Dans cet
article, le contrôleur général Eric FLORES indique également qu’ « alors que le dérèglement
climatique et diverses évolutions sociétales exigent qu'ils soient plus nombreux, ils sont au
contraire de moins en moins ». Cet article met en exergue que l’enjeu est capital dans les zones
rurales, très peu professionnalisées, où les évènements climatiques majeurs sont les plus
dramatiques et où le manque de disponibilité de sapeurs-pompiers volontaires en journée est
très important (phénomène des communes dortoirs). Cet article fait également état d’un
accroissement démographique des campagnes rurales depuis la pandémie de COVID 19.
Comme nous l’avons évoqué dans l’introduction, l’identité et les valeurs ont un rôle
déterminant pour les sapeurs-pompiers, un rôle central, de ciment, d’attraction ; c’est sur quoi
tout repose. C’est un point fort mais aussi un point de vulnérabilité parce que quand le sapeur-
pompier ne se retrouve plus dans son identité et ses valeurs, il est désenchanté. Il en va « de la
question du sens donné à un métier »21 ou à l’activité des membres de cette corporation, voire
même de la sauvegarde de la corporation elle-même. La vulnérabilité est d’autant plus
importante chez les sapeurs-pompiers volontaires qu’il ne s’agit pas de leur métier au sens
« alimentaire » du terme, mais d’une activité à laquelle ils participent parce qu’ils le choisissent.
Une activité contraignante qu’ils doivent concilier avec leurs contraintes familiales et
professionnelles. Ils peuvent donc mettre un terme à leur engagement s’ils n’y retrouvent pas
ou plus ce pourquoi ils ont intégré le groupe alors que les besoins en effectif sont importants.
Aussi, connaître l’identité et les valeurs des sapeurs-pompiers volontaires ruraux, et leur
évolution, peut permettre de comprendre les raisons des problèmes de recrutement et de
pérennisation de ces engagements, et d’y apporter des solutions. Cela permettra de voir
comment le sapeur-pompier volontaire rural a évolué et quels sont ses capacités d’adaptation.
Autrement dit de voir s’il est résilient face aux évolutions sociétales, aux crises de toutes natures
que nous traversons et à l’évolution de ses missions. De déterminer s’il gardera sa vocation
intacte. Il en va donc de la continuité et de la pérennité de la distribution des secours en zone
rurale, et également de la capacité d’adaptation des sapeurs-pompiers volontaires ruraux à
l’ensemble des évolutions qu’ils subissent (évolution des missions, évolutions démographiques
et aggravation des risques climatiques ou sanitaires).
Connaître les valeurs des sapeurs-volontaires ruraux, c’est aussi permettre à nos structures de
mieux appréhender et respecter cette identité et ces valeurs. De les prendre en compte aussi
bien dans la relation administrative que dans la relation managériale et humaine que le SDIS
entretient avec ces sapeurs-pompiers. Si l’on reprend l’étude de S.CHEVRIER et J.Y.
DARTIGUENAVE, on constate que le « villageois » de 2008 a vécu un profond et véritable
21
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020), p.54.
9
choc des cultures avec la départementalisation et qu’il a eu beaucoup de mal à l’accepter.
Comprendre l’importance de l’ancrage territorial des sapeurs-pompiers volontaires ruraux
aurait sans doute permis de leur faire d’avantage accepter la départementalisation. Cela aurait
sans doute aussi permis de faire en sorte que les deux cultures se respectent et se complètent
malgré cette évolution structurelle.
Il en va donc également de la diversité. Et c’est cette même diversité qui permet aux structures
d’être agiles et de s’adapter aux évolutions. Car « la vie des entreprises n'est faite que de celle
des individus et des groupes »22.
Enfin, une vigilance importante devait être accordée à éviter toute forme de biais. A titre
d’exemple, le sapeur-pompier volontaire qui monte des gardes dans un centre de secours
d’agglomération pourrait voir son identité et ses valeurs influencées par celles partagées par les
sapeurs-pompiers professionnels. Il fallait étudier uniquement le sapeur-pompier volontaire
rural sui generis.
22
Daniel JOUVE, consultant en ressources humaines.
10
1.2.2 Méthode choisie
Nous avons effectué un recueil de données visant à déterminer si le sapeur-pompier volontaire
rural a évolué depuis l’étude de S. CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE et à faire une
démarche prospective concernant son avenir. La méthode qu’ont utilisée les chercheurs de cette
étude a reposé sur la réponse à des questionnaires et la réalisation d’entretiens individuels et
collectifs. Nous avons utilisé la même méthode pour effectuer le recueil de données. C’est une
méthode complète pour recueillir et fiabiliser des données. Avoir la même source d’indicateurs
permet de faire une comparaison plus fiable.
Le questionnaire numérique :
Le questionnaire numérique que nous avons conçu est joint en annexe. Il reprend la totalité du
questionnaire de l’étude de S. CHEVRIER et J.Y.. Ce questionnaire permet de comparer le
sapeur-pompier volontaire rural de 2008 avec le sapeur-pompier volontaire d’aujourd’hui en
s’organisant en deux segments :
- Le premier segment concerne l’état civil du participant, son milieu socio-professionnel et sa
situation en tant que sapeur-pompier volontaire. Il remplit plusieurs fonctions. Il permet de
catégoriser les participants afin de faire des comparaisons entre groupes (exemples : par tranche
d’âge, par sexe). Il permet également d’avoir des éléments de comparaison précis avec l’étude
de 2008, concernant notamment la « carte d’identité », et d’écarter des participants qui
pourraient, de par leur parcours, générer des biais (exemple les sapeurs-pompiers
professionnels).
- Le second segment concerne l’identité et les valeurs du participant. Il permet lui aussi
d’écarter des participants qui pourraient générer des biais (exemple : sapeur-pompier volontaire
effectuant majoritairement des gardes postées). Il permet aussi de recueillir des données visant
à établir le profil du participant, ses valeurs, son identité, les symboles auxquels il est attaché.
Les questions sont en majorité directives (cases à cocher), avec, pour certaines, plusieurs
réponses possibles et un ordre d’importance à préciser. Seule la question sur les symboles est
libre.
Nous avons diffusé notre questionnaire dans nos services d’incendie et de secours :
le Haut-Rhin,
l’Yonne,
la Meuse
la Seine-Maritime
11
Nous avons également sollicité le SDIS du Cantal pour avoir le retour d’un SIS rural de la
moitié sud. Nous avons recueilli 1909 réponses. Sur ces 1909 répondants, il y a 1311 réponses
complètes et exploitables, dont 901 sont identifiées comme rurales, c’est-à-dire répondant à la
définition que nous avons posée supra. Pour comparaison, l’échantillonnage de l’étude de
S.CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE était de 500 sapeurs-pompiers volontaires.
Réponses de SPV
non ruraux
inexploitables
410
22%
Réponses de
SPV ruraux
exploitables
901
47%
Réponses
incomplètes
598
31%
600
520
500
404
400 373 383
310 315
300 274
253
224
194 204
200 182
107
100 79 68
0
SDIS 15 SDIS 55 SIS 68 SDIS 76 SDIS 89
Réponses Réponses complète Réponses de SPV ruraux exploitables
12
Les entretiens :
Quatre entretiens collectifs ont été réalisés, chacun dans un centre d’incendie et de secours du
SIS du Haut-Rhin, le SDIS de l’Yonne, le SDIS de la Meuse et le SDIS de Seine-Maritime.
Lors de ces entretiens, étaient présents des sapeurs-pompiers volontaires ruraux de toute tranche
d’âge, de tout grade et de toute ancienneté, pour pouvoir comparer les populations. Un membre
du groupe mémoire était présent physiquement à chaque fois et animait l’entretien. Un ou
plusieurs autres membres y assistaient en visioconférence, recueillaient les éléments essentiels
et analysaient les réactions individuelles et collectives. Ces entretiens sont synthétisés en
annexe au présent mémoire. Ils ont pour objectifs de nous apporter des précisions par rapport
aux réponses que nous avons eues dans le questionnaire et d’éclairer certains points d’analyse.
Nous avons également puisé des questions dans nos questions de recherche, toujours dans l’idée
d’avoir des précisions sur les premiers éléments recueillis via le questionnaire ainsi que des
compléments :
13
- Le choc générationnel induit par la cohabitation en CS des générations X, Y et maintenant
Z, provoque-t-il une diminution du nombre de valeurs communes ?
- Est-ce que les valeurs et l’identité du SPV rural sont « corrompues » par la prégnance des
réseaux sociaux, du bouleversement de l’environnement éducatif ?
- Est-ce que les valeurs et l’identité du SPV rural sont perturbées par la pression opérationnelle
et le risque de judiciarisation ?
- Des entretiens individuels avec des personnalités référentes sur le plan national :
Des questions journalistiques et précises ont été posées à l’occasion de ces entretiens afin de
faire réagir ces personnalités sur les points exprimés par les acteurs représentatifs du milieu
sapeur-pompier volontaire rural. Ces entretiens ont eu pour objectif d’obtenir leur analyse et
leur expertise sur les évolutions du profil des sapeurs-pompiers volontaires ruraux depuis une
décennie, et leur vision à long terme. Nous avons également fait part à ces personnalités des
résultats obtenus à notre sondage pour obtenir leurs réactions.
Basée sur une compréhension stricte et précise des termes de notre travail de recherche, la
méthode que nous avons choisie remplit, comme nous venons de l’expliciter, plusieurs
fonctions. Un point est toutefois à soulever : nous ne sommes pas nous-mêmes sociologues.
Aussi le traitement des données et l’analyse que nous avons réalisés, et que nous allons
présenter en seconde partie, ne sauraient prétendre égaler les travaux de messieurs S.
CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE.
14
2. ANALYSE ET SYNTHESE SUR L’IDENTITE ET LES VALEURS
DES SAPEURS-POMPIERS VOLONTAIRES RURAUX DE 2022
Par âge
Par durée d'engagement
- 10 ans + 50 ans
+ 20 ans
352 128 - 30 ans
283
39% 14% 290
31%
32%
10 à 20 ans 30 à 50 ans
265 483
30% 54%
Sondage – répartition des résultats exploitables, par sexe, âge et durée d’engagement
Mises en relation avec les entretiens que nous avons réalisés, les données recueillies nous
permettent de déterminer que le profil « villageois » n’est plus dominant chez les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux et que leur profil a changé dans ses symboles et donc dans son
identité.
15
2.1 Le « villageois » laisse la place au « secouriste »
Dans le questionnaire numérique, nous avons demandé aux participants auquel des quatre
profils de l’étude de J.Y. DARTIGUENAVE et de S. CHEVRIER ils s’identifiaient le plus.
Nous avions précisé, dans ce questionnaire, les principales caractéristiques de chacun des
profils en reprenant les éléments de l’étude de ces deux chercheurs. Il est à noter que le nom du
profil n’était pas précisé pour ne pas influencer le choix des participants et pour que ce dernier
se porte bien sur les traits essentiels.
Extrait de l’Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers de Stéphane CHEVRIER et
Jean-Yves DARTIGUENAVE, pages 40 et 41
A la lecture des réponses, il apparaît que le profil « villageois », dominant chez les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux lors des travaux de messieurs S CHEVRIER et J.Y.
DARTIGUENAVE, est en net recul, sans pour autant complètement disparaître.
16
2.1.1 Un nouveau profil dominant : le « secouriste »
Alors qu’en 2008, le profil dominant chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux était le
« villageois » (voir supra), en 2022, 37,7% des 901 sapeurs-pompiers volontaires ruraux qui
ont répondu à notre questionnaire se classent dans le profil « secouriste ». Le profil
« secouriste » devient largement majoritaire alors qu’en 2008, ce profil était plutôt rare.
Le profil « villageois » n’est lui que le troisième profil avec 19,8% des réponses. Le profil
« héros » reste, quant à lui, peu représenté avec 4,3%.
Enfin, il est à noter que 14,98% des répondants (soit 125 sapeurs-pompiers volontaires ruraux)
estiment ne correspondre à aucun des profils évoqués. Cela pose la question de l’émergence
d’un cinquième profil ou de l’émergence d’un groupe plus nuancé et empruntant les
caractéristiques de plusieurs profils. La répartition des âges dans ces 135 réponses est la même
que pour les 901 sapeurs-pompiers volontaires ruraux. La répartition hommes/femmes est la
même que la répartition globale hommes/femmes chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux
ayant répondu. On observe une même correspondance en termes de tranches d’âges. Rien de
17
particulier ne ressort donc en termes de statistiques ni de carte d’identité. Nos questionnaires
ne nous permettent pas de disposer d’éléments pour trancher. Une consultation spécifique
pourra être envisagée dans le cadre d’un nouveau travail de recherche.
1- Le secouriste 37,70%
2- Le militaire 23,20%
3- Le villageois 19,80%
4- Aucun des
15,00%
profils
5- Le héros 4,30%
18
2.1.2 Variations selon le genre, l’âge et la durée d’engagement des sapeurs-pompiers
volontaires ruraux
On observe des variations en termes de profil chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux
selon leur genre, leur âge et la durée de leur engagement. Néanmoins, le profil « secouriste »
reste le plus représenté dans les trois cas.
Hommes/femmes :
Chez les femmes sapeurs-pompiers volontaires rurales, on constate une tendance beaucoup plus
forte du profil « secouriste », avec 45,7% des réponses. De plus, 17,7% des femmes sapeurs-
pompiers volontaires rurales ne se retrouvent dans aucun de ces profils. Contrairement aux
tendances de l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires ruraux, le second profil chez elles
est celui du « villageois » (19,4%) devant celui du « militaire » qui n’est que le troisième profil
avec 14%.
46%
38%
23%
20% 19%
18%
14% 15%
4% 3%
23
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020), p.39.
19
Selon l’âge :
Quelque soit la tranche d’âge des sapeurs-pompiers volontaires ruraux, le profil « secouriste »
reste le principal, avec 37,6% pour les moins de 30 ans, 39% pour les sapeurs-pompiers
volontaires de 30 à 50 ans, et 32,8% pour les plus de 50 ans. En revanche, chez les moins de
30 ans, le second profil est celui du « villageois » (23,1%) alors qu’il n’est que le troisième
profil chez les plus de 30 ans (18% pour les sapeurs-pompiers volontaires de 30 à 50 ans, et
18,8% pour les plus de 50 ans). Les plus de 30 ans se classent comme « militaires » en second
profil (26,8% pour les sapeurs-pompiers volontaires de 30 à 50 ans, et 27,3% pour les plus de
50 ans). A noter également que 20,3% des plus de 50 ans ne se classent dans aucun profil alors
que ce taux n’est que de 13,1% pour les sapeurs-pompiers volontaires de 30 à 50 ans et de
14,7% pour les moins de 50 ans.
Cela laisse supposer que la recherche de convivialité s’accentue avec l’âge et qu’en se côtoyant
depuis de nombreuses années, on développe une relation plus proche de l’amitié et de la
complicité.
Nous avons repris les tranches d’âge de l’étude de S. CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE.
39%
38% 38%
33%
27% 27%
23% 23%
20% 20%
18% 19%
16% 15% 15%
13%
11%
4%
2% 1%
Sondage - répartition des profils selon l’âge des sapeurs-pompiers volontaires ruraux
20
Selon la durée d’engagement :
43%
40%
38%
35%
28%
23%
22%
20% 20% 20% 19%
17%
15% 15%
14% 14%
8%
4% 3%
1%
21
2.2 Des symboles et des valeurs différents des « villageois »
Afin de comparer les symboles et les valeurs du sapeur-pompier volontaire rural de 2022 avec
ceux du profil dominant chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux de l’époque de leurs
travaux, nous avons sélectionné les mots-clefs qui apparaissent comme symboles ou comme
valeurs du « villageois » pour S. CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE. Nous les avons
ensuite comparés aux résultats de nos questionnaires.
Notons que le profil « villageois » se situe sur ce que les deux sociologues appellent « l’axe
domestique ». Ils caractérisent cet axe domestique par les mots clefs suivants : hiérarchie,
famille, tradition, terroir, mémoire, convivialité, hospitalier, générosité, entraide, solidarité,
altruisme24. Ils associent également d’autres mots-clefs ou d’autres notions clefs au profil
« villageois » : territoire, communauté, cloches, sirène, la flèche de l’église et la tour de
séchage des tuyaux25. Le « néo-villageois » est lui aussi attaché à son territoire, mais il envisage
les choses sous l’angle de la camaraderie et rejette l’ordre ancien et traditionnel26. La dimension
« civique », bien que plus faible, est néanmoins également présente chez le « villageois », c’est-
à-dire la dimension citoyenne et républicaine27.
La comparaison fait apparaître que les symboles et l’identité des sapeurs-pompiers volontaires
ruraux ont également évolué et ne sont plus forcément ceux du « villageois ».
2.2.1 Les symboles
La question concernant les symboles était libre. Elle n’existait pas dans l’étude de S.
CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE. Les participants étaient invités à citer trois symboles
(ou trois mots) qui représentent l’identité des sapeurs-pompiers. Les 901 répondants ont cité
2475 mots, ce qui représente 2,7 mots par répondant en moyenne. Cependant sur cet ensemble
de mots, une majorité a dû être éludée car ne elle ne représentait pas des symboles mais des
valeurs. Ces dernières seront traitées dans une autre question fermée. A l'issue de ce tri, 364
réponses représentaient vraiment un symbole, un élément réel et/ou quantifiable de
représentation du sapeur-pompier volontaire rural, soit 15% des réponses.
Nota : nous avons constaté qu’une valeur a été donnée dans 85% des réponses en lieu et place
d’un symbole. Nous avons toutefois laissé certaines valeurs qui ont été données car elles ne
figuraient pas dans la liste de la question dédiée aux valeurs, afin de ne pas censurer ces
réponses.
24
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.24
25
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.29
26
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.30
27
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.24 et 25
22
De façon majoritaire, c’est le mot « disponibilité » qui a été le plus cité. On compte en effet 155
occurrences du mot « disponibilité » sur 364 mots qui ont été cités. Un groupe de mots clefs le
suit d’assez loin : « famille », « feu/incendie/flammes », « casque », « uniforme/tenue », mais
Nous sommes à moins de 30 occurrences.
Dans l'étude des symboles ci-dessous, nous avons occulté les mots cités moins de 10 fois, soit
36 mots cités 73 fois au total. Le mot « disponibilité » se distingue donc particulièrement : il
représente 51 % des mots restants, et plus de 5 fois la réponse qui arrive en numéro 2 (« famille
» à égalité avec le groupe « feu/incendie/flammes »).
Uniforme
tenue; 24; 8%
Famille; 29;
9%
Répartition des mots proposés par les sondés (mots cités à plus de 10 reprises)
Cette réponse est cohérente avec ce que les entretiens collectifs en centre de secours ont fait
ressortir (voir infra).
23
2.2.2 Les valeurs
Les participants devaient choisir 5 valeurs parmi une liste qui leur était donnée, reprenant les
valeurs de l’étude du colonel hors-classe Bruno BEAUSSE28. Ils devaient les numéroter de 1 à
5, 1 étant la valeur la plus importante à leurs yeux, 5 étant la moins importante.
Le tableau ci-dessous compile et classe les réponses obtenues à notre questionnaire. Le respect
est la première des valeurs, suivi par le dévouement, l’engagement, la cohésion et le courage.
Sondage - Classement des valeurs les plus cités dans le sondage par les SPV ruraux
28
Traité des valeurs à l’usage des sapeurs-pompiers. Aix en Provence : Les presses de l’ENSOSP. BEAUSSE, B.
(2017).
24
Or les travaux des commandants BRASSEUR, ROUX, TSALICHIS et SADDIER avaient
abouti au classement suivant concernant les valeurs de la profession 29. D’ores et déjà, nous
pouvons conclure que le sapeur-pompier volontaire rural de 2022 a un socle de valeurs
communes avec les valeurs professionnelles. Il diffère plutôt dans sa façon de les vivre et de
les mettre en œuvre (dans son profil et ses symboles).
Extrait du mémoire de chef
de groupement « Discerner
l’organisation, transcender
l’individu : vers l’émergence
de valeurs partagées
Des sapeurs-pompiers volontaires qui le deviennent pour rendre service dans un tissu où les
proches ont un rôle prépondérant :
Notre questionnaire comportait également des questions à choix multiple, dont les réponses
nous apportent des compléments d’information sur les valeurs des sapeurs-pompiers
volontaires ruraux d’aujourd’hui.
Une des questions concernait les raisons pour lesquelles le participant est devenu sapeur-
pompier volontaire. Le participant devait choisir deux raisons maximum parmi celles qui étaient
proposées. « Rendre service » est la première motivation des sapeurs-pompiers volontaires
ruraux avec 40,1% des réponses. C’est donc une valeur forte pour eux. Les plus de 50 ans se
sont engagés à 46,2% pour cette raison alors que les moins de 30 ans sont concernés par cette
raison pour seulement 35,2% d’entre eux. Ces tendances se confirment avec la durée
d’engagement. La volonté de rendre service est caractéristique du profil « villageois » et peut
également se rapprocher du profil « secouriste ». Notons que le « villageois » a comme valeurs
la solidarité, le respect de l’ordre, la discipline. Il veut rendre service et aider son prochain. La
recherche de discipline arrive en seconde motivation chez les sapeurs-pompiers volontaires
ruraux (20,9%), juste devant la recherche d’action (18,2%). Il en va de même chez les femmes,
chez les plus de 30 ans et
de 50 ans. Les moins de 30
ans évoquent quant à eux
en seconde motivation la
recherche d’actions
(19,9%) juste devant la
discipline (18,7%). La
recherche de la discipline
correspond au profil «
militaire ».
Sondage - réponses des SPV ruraux à la question : « Pourquoi êtes-vous devenu SPV ? »
29
Mémoire FAE CDG « Du courage au dévouement », BRUSSON, C., CHAMAGNE, C., CROMBOIS, O.,
GUIMARAES, E. (2020), p.11.
25
Le questionnaire des deux sociologues, dont nous avons extrait cette question, ne comportait
aucune réponse concernant la recherche de convivialité et on peut se demander si cette réponse
aurait été privilégiée à la réponse qui avait été majoritairement choisie.
46,2% 45,5%
41,8% 39,6%
35,2% 35,4%
Sondage - Répartition des réponses « rendre service » par âge (bleu) et par durée d’engagement (rouge)
Une autre question concernait la manière dont le participant a été amené à devenir sapeur-
pompier volontaire, c’est-à-dire comment le premier lien avec le SDIS ou le centre de secours
s’est fait. Là aussi, le participant devait choisir deux manières maximum parmi celles qui
étaient proposées. Très majoritairement, ce sont les proches qui amènent au recrutement en
qualité de sapeur-pompier volontaire. Dans 51,7 % des cas, une connaissance est nécessaire
(35,5% famille, et 16,2% ami-collègue-voisin). La deuxième raison est la démarche
personnelle, sans aide extérieur ni institutionnelle, avec 30 % de réponses. A noter que les
actions de communication des SDIS (communication, portes ouvertes et stand de recrutement)
ne représentent que 3,5% des recrutements à peine en dessous des drames personnels (5,1%).
Enfin, le fait d’habiter à côté d’un centre de secours est pour l’ensemble des profils la troisième
cause de recrutement.
Le rôle prépondérant des proches est une caractéristique à la fois du profil « néo-villageois »
(la camaraderie) et du profil « secouriste » (importance de la famille, et de maîtriser et partager
correctement son temps). Dans le même ordre d’idée, les conjoints/tes approuvent largement
l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires ruraux (80%), même si, pour 27,4%, le
conjoint/la conjointe fait des remarques. A noter que 32,4% des conjoints ou conjointes des
femmes sapeurs-pompiers
volontaires rurales sont également
sapeurs-pompiers volontaires et
que 17% des répondants ne sont
pas concernés. Au final, 2,3% des
conjoints/es ont un réel problème
avec l’engagement des sapeurs-
pompiers volontaires ruraux.
Sondage - réponses des SPV ruraux à la question : « Comment êtes-vous devenu SPV ? »
26
Avec l’âge et l’ancienneté, ce phénomène se renforce avec un soutien de plus en plus marqué
du conjoint et ce malgré l’impact sur la vie de famille. C’est aussi une caractéristique du profil
« secouriste » pour lequel l’équilibre entre l’engagement et sa vie familiale est essentiel. Nous
pouvons rapprocher ces éléments avec la notion de « disponibilité » qui est ressortie comme
symbole majoritaire chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux. Nous remarquons également
que les journées portes ouvertes ne travaillent pas en réalité sur le recrutement mais sur la
cohésion du groupe existant. Notons que l'ensemble des actions de recrutement (exemples :
journées portes ouvertes, stands et campagnes de communication) n’a influencé que 3,5% des
candidats qui sont allés jusqu'à l'engagement de sapeur-pompier volontaire.
51,6% 49,5%
39,9%
35,1%
29,0% 31,1%
Des sapeurs-pompiers volontaires qui le restent si l’ambiance au centre de secours est bonne :
Une des questions qui était posée aux participants était : « avez-vous déjà tenté de rompre votre
engagement ? ». 13,3 % des sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant plus de 50 ans et 16,3%
de ceux ayant plus de 20 ans d’engagement ont pensé « sérieusement » à démissionner. Ce taux
est relativement faible. Ce taux devient toutefois nettement plus élevé et significatif quand on
enlève le qualificatif de « sérieusement » : un quart des moins de 30 ans, un tiers des sapeurs-
pompiers volontaires ruraux âgés de 30 à 50 ans, et un tiers des plus de 50 ans ont songé à
rompre leur engagement. Ce nombre est tout de même déjà d’un quart chez les moins de 30
ans.
Sondage - répartition
des réponses « oui, j’ai
songé à résilier mon
engagement SPV »
par sexe, âge et durée
d’engagement
27
La question suivante était : « pourquoi avez-vous tenté de rompre votre engagement ? ». La
mauvaise ambiance au centre de secours ressort comme le premier facteur de possible
démission pour l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires ruraux (15,9%). Néanmoins, si
c’est la principale cause pour les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant moins de 10 ans
d’ancienneté (20,2%) et les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant de 10 à 20 ans
d’engagement (14%), pour les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant plus de 20 ans
d’engagement, la principale cause devient la baisse de motivation avec les années (15,8%)
légèrement devant la mauvaise ambiance au centre de secours (15%).
Sondage - réponses des SPV ruraux à la question : « Pourquoi avez-vous tenté de rompre votre engagement ? »
Répartition des réponses « j’ai songé à résilier mon engagement SPV à cause de la mauvaise ambiance » par
sexe, âge et durée d’engagement
28
Notons que la recherche de la convivialité, la camaraderie et l’ambiance au sein du groupe sont
des traits caractéristiques du « néo-villageois »30 et du « militaire »31.
La baisse de motivation avec les années est le second facteur de possible démission pour
l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires ruraux (12,2%), suivi de près par le manque de
disponibilité pour la famille (11,7%). 10.5% des sapeurs-pompiers volontaires ruraux évoquent
aussi l’impression de faire des opérations incohérentes.
En 2008, les trois mêmes causes étaient identifiées avec un ordre différent et des pourcentages
un peu plus importants pour l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires ; on reste donc
néanmoins sur un même socle fort.
30
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.30
31
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.33
29
2.3 Le sapeur-pompier volontaire rural de 2022, un « secouriste » ascendant « néo-
villageois »
L’ensemble des éléments que nous venons d’évoquer indique clairement que les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux de 2022 partagent moins l’identité et les symboles du
« villageois », ce profil qui était dominant chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux à
l’époque des travaux de S. CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE. Les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux d’aujourd’hui se considèrent eux-mêmes de façon dominante comme des
« secouristes ». Néanmoins, nous avons observé quelques nuances et variations en termes de
symboles et de valeurs, qui empruntent aux caractéristiques d’autres profils. Nous avons
également constaté que 15% d’entre eux ne se retrouvent dans aucun des profils qui étaient
proposés dans le questionnaire. Nous pouvons donc nous demander si cela remet en cause la
prédominance du profil « secouriste » ou, si ce n’est pas le cas, comment expliquer ces nuances.
Après analyse, nous verrons que le sapeur-pompier volontaire rural de 2022 est, selon nous,
« secouriste » ascendant « néo-villageois ». C’est-à-dire « secouriste » et « néo-villageois » à
la fois.
2.3.1 Le profil « secouriste » est bien le profil dominant chez les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux de 2022
Les résultats au questionnaire font apparaître que les sapeurs-pompiers volontaires ruraux de
2022 se considèrent eux-mêmes de façon dominante et majoritaire comme des « secouristes ».
Ce résultat plutôt marqué est confirmé non seulement par d’autres réponses faites à l’occasion
du questionnaire (voir supra), mais aussi par les éléments recueillis lors des entretiens.
Focus sur la notion de « disponibilité », symbole fort pour les sapeurs-pompiers volontaires
ruraux d’aujourd’hui :
Les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant participé au questionnaire ont mentionné dans
leurs symboles, de façon assez écrasante, la notion de « disponibilité ». Il est à noter qu’aucune
définition n’était demandée aux participants et qu’une interprétation est pourtant nécessaire. On
peut se demander si le terme est vu dans un sens péjoratif (l’engagement coûte du temps), dans
un sens neutre (je dois organiser mon temps) ou dans un sens hyperbolique (je veux donner un
maximum de disponibilité, peu importe ce que cela coûte). Nous pensons que le terme est
entendu sous l’angle de la nécessité de gérer la temporalité de l’engagement de sapeur-pompier
volontaire et de la mettre en équilibre avec la vie de tous les jours.
30
disponibilité et indisponibilité. (…) Lorsque le bip est éteint, le sapeur-pompier peut mettre à
distance son engagement, pour mieux se consacrer à d’autres activités pourvoyeuses d’identité.
Le volontaire peut ainsi mieux négocier la pluralité de ses appartenances »32. L’histoire a donné
raison aux deux sociologues.
D’ailleurs, lors de l’entrevue qu’elle nous accordée, la colonelle Anne LAMAIRE a indiqué
que le fait de bien articuler sa vie professionnelle, sa vie personnelle et son engagement, était
un sujet déjà très important pour le sapeur-pompier volontaire avant la pandémie de COVID
19. La colonelle a constaté que la pandémie et les confinements ont rendu cet objectif encore
plus déterminant aux yeux du sapeur-pompier volontaire. Il n’y a plus de tabou à vouloir donner
ce que l’on veut donner pour maintenir sa vie en équilibre. Selon la colonelle LAMAIRE, les
sapeurs-pompiers volontaires sont dans des situations différentes (le célibataire, l’ancien, celui
qui construit sa maison, le jeune père de famille) et chacun souhaite donner de son temps en
fonction du moment de sa vie et de sa situation. Sur le plan managérial, la question de la gestion
de la disponibilité devra donc être abordée en prenant en compte la situation de chacun et devra
reposer sur un contrat d’honnêteté et d’équité (je donne ce que je peux, mais je suis honnête sur
ce que je peux donner).
« Triangle de l’équilibre des vies »
Notons que le « secouriste »
accorde une grande importance à
sa famille et au fait de maîtriser
son temps. Cette notion de «
disponibilité » est donc cohérente
avec le profil « secouriste ».
Dans un article du 8 septembre
2022 de la Nouvelle République,
intitulé « Loches : pompiers
volontaires, ils donnent de leur
temps au service des autres », les
sapeurs-pompiers volontaires
interviewés le verbalisent eux-
mêmes avec précision : « Un engagement au quotidien, qui peut prendre de la place dans une
vie et nécessite un équilibre. Pour l’illustrer, Christopher (ndlr : le sapeur-pompier volontaire
interviewé) fait un triangle avec ses doigts : une pointe représente le travail, une autre la vie
personnelle et la troisième les pompiers. "Il faut garder du temps pour soi, ses loisirs, la famille.
Il ne faut pas se perdre et savoir préserver sa vie de famille. Mine de rien, les pompiers ça prend
du temps." Et ne pas déséquilibrer le triangle. Ce qu’a su faire Marianne. "Mon mari est
compréhensif, je prends pas mal de gardes et d’astreintes. On arrive à gérer avec notre
planning." ».
32
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.19
31
Dans le même ordre d’idées, nous avons relevé précédemment que le rôle des proches des
sapeurs-pompiers volontaires ruraux est important, qu’il s’agisse du rôle de ces derniers au
moment de leur engagement ou durant la vie de leur engagement. Cette valeur est aussi typique
du profil « secouriste ».
Une des valeurs fortes que revendiquent les sapeurs-pompiers volontaires ruraux est la volonté
de « rendre service ». Le « villageois » et le « secouriste » partagent cette valeur. Pour autant,
lors des entretiens collectifs, est apparue la notion de technicité au travers du sujet de la
formation : la technicité en tant qu’elle permet de « rendre service ». Cette notion de technicité
correspond aussi, elle, au profil « secouriste ». Si les entretiens collectifs ont fait apparaître que
la formation est une contrainte temporelle lourde, ils ont également fait ressortir qu’elle est une
plus-value qui rassure et motive. Les sapeurs-pompiers volontaires ruraux effectuent peu
d’interventions. Pourtant une partie d’entre elles nécessitent des compétences techniques
élevées. L’acquisition de ces compétences et leur maintien en termes de niveau d’expertise sont
vus comme un moyen de compenser le faible nombre d’interventions, d’être plus compétents.
Notons que le « villageois » est, lui, plus réfractaire à la formation33.
La technicité est vue également comme une source de motivation. Faire des interventions
techniques compense les interventions à caractère social et les carences d’ambulance privée qui
sont en augmentation. Lors des entretiens collectifs, les participants ont indiqué qu’ils ne
rechignent pas forcément à les faire, car il s’agit du voisin, de la famille ou d’une connaissance.
Mais ils ont deux difficultés. D’une part, il y en a trop qui durent trop longtemps. D’autre part,
ils indiquent que « ce n’est pas leur travail », qu’ils n’ont pas signé « pour être assistantes
sociales ». Ces interventions ne sont pas très stimulantes. Une stimulation est apportée par la
technicité de certaines interventions ou la formation.
Des participants ont enfin indiqué que des évolutions, comme la paramédicalisation, pourraient
permettre de retrouver la partie technique qu’il n’y a plus avec le secours routier et l’incendie
(ndlr : faute d’en faire peu). Le colonel hors-classe Yves GAVEL, directeur du SDIS de la
Meuse, estime d’ailleurs que les spécialités n’ont pas qu’une vocation opérationnelle. Pour lui,
elles sont source de cohésion et de motivation pour les sapeurs-pompiers volontaires en zone
rurale : une activité partagée par un groupe de camarades et une technicité motivante et
stimulante. Ainsi, la technicité ne se dissocie pas du « rendre service ».
Nous avons donc un faisceau d’indices concordants qui confirme que les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux de 2022 sont bien des « secouristes ». Ce faisceau d’indices concordants
complète le résultat statistique obtenu par le questionnaire.
33
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.19
32
2.3.2 « Secouristes » et « néo-villageois » à la fois
Le profil « secouriste » est donc bien le profil dominant. Néanmoins, si l’on reprend les données
recueillies concernant les symboles et les valeurs des sapeurs-pompiers volontaires ruraux de
2022, nous voyons que ces derniers empruntent parfois à d’autres profils définis par
S.CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE que le « secouriste ». Nous avons par ailleurs
constaté des variations selon l’âge, le genre et la durée d’engagement. Comment interpréter
cela ?
Tout d’abord, nous pouvons dire que l’existence de variations est somme toute assez logique,
étant donné qu’un groupe est constitué d’individus différents et qu’une tendance dominante ne
signifie pas une uniformité. Au contraire, elle implique par essence l’existence de la diversité
et de minorités. Une autre explication est apportée par les deux sociologues eux-mêmes :
« quatre profils dominants ont été identifiés. Ces profils rendent compte de la diversité des
manières d’être volontaire. Différents éléments sont source de l’engagement, mais nous verrons
que le sens donné à l’engagement évolue avec les années, les volontaires apprenant à retraduire
ce sens. Ainsi, les profils ne sont pas figés, ils se recomposent et s’hybrident »34. Pour les deux
sociologues, les profils s’hybrident de façon assez logique et naturelle. D’ailleurs, ils avaient
établi deux variantes au profil « villageois », le « permanent » et le « néo-villageois », et une
variante au profil « héros », le « mercenaire ».
34
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.23
33
Le rôle de la convivialité au sein du centre de secours :
73,8% des sapeurs-pompiers volontaires ruraux estiment que leur engagement a changé. 61,3%
des femmes sapeurs-pompiers volontaires rurales font ce constat. Le pourcentage est
considérable chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux de 30 à 50 ans (79,5%), et chez les
plus de 50 ans (76,6%). Il en va de même, chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant
de 10 à 20 ans d’engagement (79,6%) et chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant
plus de 20 ans d’engagement (88,3%).
La diversité des générations est identifiée par les sapeurs-pompiers volontaires ruraux comme
une des explications à ce sentiment de changement, quel que soit l’âge du sapeur-pompier
volontaire rural. En revanche, chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant plus de 20
ans d’engagement, c’est l’organisation et l’attente du SDIS qui devient la difficulté première
(28,5%). Elle arrive en deuxième position avec 20,3% pour les sapeurs-pompiers volontaires
ruraux ayant de 10 à 20 ans d’engagement, derrière l’évolution de l’activité opérationnelle
(21,4%), qui naît à partir de 10 ans d’engagement. A noter que la cause principale chez les
femmes est l’augmentation des contraintes personnelles (21,7%), qu’on peut sans doute lier au
fait qu’elles deviennent mamans.
La question de la diversité des générations est également ressortie à l’occasion des entretiens
collectifs comme un enjeu. Le management de générations différentes, qui ont des attentes
34
elles-mêmes différentes les unes des autres, est un vrai sujet. Les anciens s’adaptent aux plus
jeunes, mais cela fonctionne mieux si tout le monde y met du sien. La colonelle LAMAIRE a
souligné la difficulté pour les chefs de centre de piloter des différences générationnelles à
l’heure actuelle. Il est à noter que l’écart d’âge entre l’encadrement et les agents est plus
important chez les sapeurs-pompiers volontaires que chez les sapeurs-pompiers professionnels,
accentuant cette difficulté.
Pour conclure cette seconde partie, précisons enfin que les sapeurs-pompiers volontaires ruraux
d’aujourd’hui, qui ont répondu à notre questionnaire, sont des hommes dans 79% des cas.
Ils/elles sont âgés/es de 30 à 49 ans (54%). Ils/elles travaillent dans la fonction publique (19%)
ou dans le secteur privé en qualité d’ouvrier qualifié (18%).
La durée d’engagement, le genre et les professions amies sont, dans l’étude de S. CHEVRIER
et J.Y. DARTIGUENAVE, ce qu'ils appellent la carte d’identité. Nous constatons que celle des
sapeurs-pompiers volontaires ruraux d’aujourd’hui est en partie différente mais comporte des
points communs.
Extrait de l’Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers de Stéphane CHEVRIER et
Jean-Yves DARTIGUENAVE, page 28, carte d’identité du « villageois ».
Les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ont changé, un peu dans leur carte d’identité, et
beaucoup dans leurs symboles, leur profil, et donc leur Identité. Les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux de 2022 s’engagent en tant que « secouristes » puis vivent leur engagement
en tant que « néo-villageois ». Le sapeur-pompier volontaire rural d’aujourd’hui, « secouriste
ascendant néo-villageois » dans son identité, ses valeurs, ses symboles, est aussi confronté à la
question de l’intégration de la diversité comme vecteur de bonne ambiance au sein du centre de
secours. De ses propres valeurs en naît donc une autre : le respect de la diversité. Nous verrons
que si de nombreuses menaces pèsent sur les sapeurs-pompiers volontaires ruraux de 2022 et
de demain, cette valeur intégratrice est une vraie source de résilience de son identité.
35
Nouveau profil type du sapeur-pompier volontaire rural déterminé par les réponses majoritaires du sondage
36
3. PROSPECTIVE
Selon le dictionnaire Larousse, la prospective est une « science ayant pour objet l'étude des
causes techniques, scientifiques, économiques et sociales qui accélèrent l'évolution du monde
moderne, et la prévision des situations qui pourraient découler de leurs influences conjuguées.
(Le créateur de la prospective est Gaston Berger.) ». Adopter une démarche prospective, et donc
comprendre pourquoi les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ont évolué dans leur identité et
dans leurs symboles, nous est apparu essentiel. En regardant le passé par rapport à aujourd’hui
pour identifier les vulnérabilités des sapeurs-pompiers volontaires ruraux, l’idée est de préparer
leur avenir dès à présent, et d’accompagner la résilience de leur identité et de leurs valeurs.
3.1 Les facteurs ayant fait évoluer le sapeur-pompier volontaire rural dans son identité
et ses symboles
J.Y. DARTIGUENAVE et S. CHEVRIER relevaient déjà dans leur étude que « différents
éléments sont source de l’engagement, mais (…) le sens donné à l’engagement évolue avec les
années, les volontaires apprenant à retraduire ce sens »35. Le fait que les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux évoluent dans leur identité et dans leurs symboles semble donc, comme nous
l’avons évoqué plus haut, un phénomène assez naturel. Nous pensons toutefois que de
nombreux facteurs sont venus par ailleurs influencer l’identité et les symboles des sapeurs-
pompiers volontaires ruraux, faisant glisser leur profil dominant de « villageois » à « secouriste
ascendant néo-villageois ».
35
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.23
37
3.1.1 Les nouveaux sapeurs-pompiers volontaires ruraux et leur impact sur le groupe
Les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ont vu arriver de nouvelles recrues dans leurs rangs
ces vingt dernières années, qu’il s’agisse des nouveaux habitants des campagnes ou des
femmes. Ces nouvelles recrues sont arrivées avec leur identité et leurs valeurs. Nous pouvons
imaginer que cela a un double impact :
- Structurel : ces groupes, avec leur identité et leurs valeurs, sont venus « concurrencer »
les « villageois » (il y a coexistence) de plusieurs groupes,
- Dynamique : ces nouveaux sapeurs-pompiers volontaires ont influencé les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux déjà en activité dans leur identité et leurs symboles, et ont
eux-mêmes été influencés.
Les campagnes ne sont plus habitées uniquement par « des gens du cru », et ce phénomène n’est
pas si récent que cela. On parle beaucoup aujourd’hui d’un phénomène de migration vers les
campagnes qui se serait accéléré avec la pandémie de la COVID-19. D’ailleurs, l’INSEE
projette une augmentation de la population rurale pour 2040. Ce phénomène démographique
est complexe. Mais cette migration existait déjà avant. Retenons simplement que des
« urbains » quittent la ville pour une campagne plus ou moins proche ou lointaine, générant par
là un brassage de populations. Dans un article du 21 juillet 2020, « Exode urbain : va-t-on tous
quitter les villes pour élever des chèvres à la campagne ? », Ouest France rappelle
que : « l’exode urbain aurait déjà démarré… il y a plus de 40 ans ! Surpris ? D’après Pierre
PISTRE, Maître de conférences en géographie à l’Université de Paris, spécialiste des
dynamiques démographiques dans les campagnes françaises, depuis les années 60-70 les soldes
migratoires vers les territoires ruraux sont positifs ». L’intégration de sapeurs-pompiers
volontaires dans les campagnes, pas « issus du cru », a donc débuté il y a plusieurs années.
36
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.31
37
Des femmes chez les sapeurs-pompiers. Cahiers du Genre, L’harmattan, PFEFFERKORN, R., 2006, p.210
38
Statistiques annuelles des SDIS – Ministère de l’Intérieur
38
avenir à ce profil »39. Les deux sociologues ont été particulièrement visionnaires. Nous sommes
typiquement devant une influence structurelle : il y a de plus en plus de femmes, donc de plus
en plus de « secouristes ». Mais nous sommes également sans doute face à un contexte
environnemental qui influence l’identité et les valeurs du groupe. Autrement dit, les équilibres
au sein des groupes évoluent de par la féminisation (exemple bien connu : la diminution des
blagues graveleuses).
Une étude spécifique serait toutefois nécessaire pour quantifier ces deux impacts, structurel et
dynamique. Sur ce dernier point, il s’agirait d’évaluer l’influence des groupes entre eux
concernant leur identité et leurs valeurs. Dans le cadre de notre travail de recherche et des
constats réalisés, nous ne pouvons cependant pas ne pas considérer ces deux éléments comme
des facteurs certains d’influence de l’identité et des symboles des sapeurs-pompiers volontaires
ruraux. La population des sapeurs-pompiers volontaires ruraux s’est diversifiée et cela a
influencé l’identité et les symboles du groupe.
- L’augmentation de la judiciarisation
- Les mutations réglementaires des services d’incendie et de secours
- L’apparition de la notion de sécurité globale.
Ces facteurs d’évolution ont également impacté les sapeurs-pompiers volontaires ruraux dans
leur identité et leurs symboles.
En effet, lors des entretiens collectifs, la peur de la judiciarisation des interventions est ressortie
de façon indirecte par la question de la formation et de la technicité. Les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux indiquent que la formation et le maintien des acquis sont lourds. L’un d’entre
eux a même parlé de « professionnalisation » du volontariat. Pourtant, ils s’accordent à dire que
c’est nécessaire, que cela « rassure ». Or, comme nous l’avons évoqué précédemment, la
technicité caractérise le « secouriste ». Il est loisible de penser que l’évolution des missions et
la relation que le secouru entretient avec les sapeurs-pompiers sont venues influencer l’identité
et les symboles des sapeurs-pompiers jusque dans les campagnes. Ils se sont adaptés à cette
pression moderne et ont évolué dans leur identité et leurs symboles en conséquence, notamment
en s’attachant à la technicité.
Concernant les mutations réglementaires des SDIS, la plus importante pour les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux a été la départementalisation. Cette dernière a complètement
changé la géographie du volontariat. S. CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE indiquaient que
39
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.31
40
S’il te plaît, dessine-moi un officier, CHC. BEAUSSE, 2015, p.46 à 49
39
le territoire avait une dimension affective forte pour le « villageois », et donc pour beaucoup de
sapeurs-pompiers volontaires ruraux de l’époque, et qu’il s’agissait d’appartenir à une
communauté locale en devant sapeur-pompier volontaire : « le villageois vit très mal la
départementalisation et la transformation des systèmes opérationnels de gestion de l’alerte »41.
Les sapeurs-pompiers volontaires ruraux d’aujourd’hui sont beaucoup plus ouverts sur le sujet.
Lors des entretiens collectifs, certains ont indiqué qu’il est « normal » d’aller sur les autres
secteurs et de voir les autres centres de secours venir chez eux quand ils ont besoin de renforts.
La dynamique départementale a, semble-t-il, fait son chemin chez les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux. D’aucuns y trouvent également un intérêt en termes de développement des
compétences : aller prendre une garde très ponctuellement dans un centre de secours à plus forte
activité opérationnelle permet d’acquérir des compétences en faisant des manœuvres et en
participant à des interventions qu’ils n’ont pas l’habitude de faire. Encore une fois, cette notion
de technicité est très « secouriste ». Notons l’ouverture aux autres secteurs et aux autres
pratiques comme une ouverture à la diversité et à ses vertus. L’intégration de la diversité comme
valeur sous-jacente.
Dans le même ordre d’idées, l’apparition de la notion de sécurité globale a également sorti de
son territoire le sapeur-pompier volontaire rural, l’influençant dans la perception de ses
missions et l’impliquant dans un système plus grand, plus loin, plus complexe. Enfin, nous ne
reviendrons pas sur le passage de la sirène au bip, aspect que nous avons déjà largement évoqué
supra, qui a amené à une gestion de la disponibilité et donc a provoqué, ou permis, un
changement identitaire important chez les sapeurs-pompiers volontaires ruraux. Le colonel
hors-classe Bruno BEAUSSE relève d’ailleurs : « c’est peu dire que l’apparition des NTIC42 a
bouleversé notre environnement »43.
41
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.29
42
NTIC – Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
43
S’il te plaît, dessine-moi un officier, CHC. BEAUSSE, 2015, p.46 à 49
44
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.62 et 63
40
Effectivement, le « secouriste » est bien devenu aujourd’hui la figure dominante chez les
sapeurs-pompiers volontaires ruraux, dans leur identité et leurs valeurs, Les deux sociologues
s’interrogeaient également d’une façon tout aussi visionnaire en ces termes : « le néo-villageois
peut-il être une figure moderne ? Le villageois, figure marquée par le poids de la tradition, est-
il, au contraire, appelé à disparaître? »45. Et les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ont
globalement développé cette ascendance « néo-villageois ».
Le colonel hors-classe COSTE, qui a été directeur départemental du SDIS du Jura puis du SDIS
de l’Yonne, estime qu’il y a une vraie évolution des valeurs des sapeurs-pompiers volontaires
ruraux, et il l’impute aux changements sociétaux. Il pense toutefois que les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux sont soumis de façon moins importante à ces changements à cause de leur
relatif isolement géographique, mais que les moyens de communication ont tendance malgré
tout à favoriser cet impact. Pour lui, nous sommes face à des générations de sapeurs-pompiers
volontaires qui « zappent » beaucoup plus vite que les autres : si ça ne leur plaît pas, ils partent.
Il n’est donc pas surpris de la migration des sapeurs-pompiers volontaires ruraux vers le profil
secouriste. Le colonel hors-classe COSTE pense aussi que notre organisation marginalise le
« villageois » et le pousse à disparaître.
Aujourd'hui, et encore plus depuis la pandémie de COVID 19, il est totalement assumé de
penser à soi, de se garder du temps pour soi, et de se concentrer sur son cercle proche (colonelle
Anne LAMAIRE). Cela impacte la disponibilité opérationnelle : les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux sont passés du « tout le temps disponibles » avec la sirène, au « disponibles
tel jour, telle date, à tel moment » avec le bip, suivant par là une évolution sociétale globale.
Les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ont donc évolué dans leur identité et dans leurs
symboles sous l’effet de différents facteurs. Ils se sont pour ainsi dire adaptés à leur milieu et
ont intégré les évolutions de leur corporation et les évolutions sociétales à leur façon. Cette
adaptation est cependant parfois plus une acceptation au nom d’un principe de proximité et de
communauté. Ainsi, si le sapeur-pompier volontaire rural ne se voit pas ne pas faire une carence
d’ambulance privée, c’est en raison de son fort lien avec les habitants qu’il connaît.
En découle l’idée que les sapeurs-pompiers volontaires ruraux, qu’on recrute « comme ils
sont », dans leur diversité, ont peut-être des capacités d’adaptation à l’évolution de nos missions
et une vraie sauvegarde de leurs valeurs et potentiellement de leur image. Les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux sont en effet plus contraints : du fait de leur relatif isolement ou de leur
éloignement, ils ont un niveau d’autonomie qui est supérieur. L’isolement et l’éloignement,
même au cœur d’une dynamique départementale, font qu’ils s’adaptent plutôt naturellement.
Pourtant, des menaces pèsent sur leur avenir.
45
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.30
41
3.2 Opportunités et menaces
D'une manière générale, il faut rester prudent sur les différents documents de prospective. Ils
reposent par définition sur des hypothèses. Les différentes crises traversées ces derniers mois
(sanitaires, internationales, énergétiques ou économiques) ont d'autant plus perturbé les
évolutions projetées qu’elles n’y avaient pas forcément été déjà intégrées en tant que telles.
Elles ont certainement soit accéléré les processus, soit réorienté les évolutions. Nous avons
néanmoins identifié plusieurs menaces potentielles pouvant peser sur les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux par rapport à leur identité et à leurs valeurs.
Nous pouvons mettre cela en perspective avec l’arrivée en zone rurale d'une nouvelle
population issue des villes, qui n’est pas acculturée au tissu social rural caractérisé par la
proximité et l’entraide, mais qui est au contraire habituée à recevoir des services. Nous avons
déjà évoqué la question de l’arrivée de nouveaux ruraux dans les campagnes ces vingt dernières
années et des potentiels effets que cela avait pu avoir sur les sapeurs-pompiers volontaires
ruraux. Ce phénomène va se poursuivre. Dans un article du 7 décembre 2010, intitulé « A quoi
ressemblera la France de 2040 ? », la Tribune rappelait déjà que : « depuis le début des années
2000, la plupart des espaces ruraux sont redevenus «largement attractifs» pour une population
à la recherche d'un meilleur cadre de vie et d'un foncier abordable. Ainsi, selon l'Insee, la
croissance démographique des régions rurales du centre de la France (Auvergne, Limousin) se
42
rapprochera de celle de l’Ile-de-France. Les «politiques d'aménagement du territoire ont
désenclavé certaines zones», explique Olivier Léon, statisticien à l'Insee. «Il est désormais
possible de rejoindre certaines capitales régionales avec un TGV ou une quatre voies, là où
c'était impossible il y a vingt ans.» Dans le cas du Limousin et de l'Auvergne, elles bénéficient
de plus du dynamisme démographique de la région Rhône-Alpes, dont le «trop-plein» profite à
ses voisines. L'Auvergne devient une «extension de la grande périphérie lyonnaise», souligne
Olivier LEON ». Or, issue principalement des villes, cette nouvelle population est peut-être peu
concernée par les valeurs de camaraderie et d’entraide des sapeurs-pompiers volontaires ruraux,
et risque de ne pas vouloir s’impliquer dans le tissus associatif et donc dans leur démarche
citoyenne. En 2019, un article publié dans Géoconfluences émettait d’ailleurs l’hypothèse
suivante : « À terme, si le phénomène s'accentue, l'arrivée de néoruraux peut bouleverser la
composition sociologique d'une commune »46.
D’autres éléments nous semblent menacer le tissu associatif et donc les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux dans leur identité et leurs valeurs. La globalisation de notre société, accentué
par les méthodes de communication numériques, laisse envisager que les futurs adultes seront
totalement imprégnés par un modèle plus individualiste. De plus, la pandémie de COVID 19
est venue affirmer une sorte d'individualisme assumé. J'admire, je mets en valeurs, je vois
comme un héros celui qui s'engage pour les autres. Il s'agit donc d'une exception. Par effet
miroir, la majorité se détache donc des engagements collectifs, tout en les respectant, au profit
de l'engagement pour soi ou pour le cercle proche social/familial47. Enfin, rappelons que des
vagues de constations aux contraintes collectives ont eu lieu (exemple : mouvement des gilets
jaunes) et que l’engagement par simple partage des valeurs républicaines ne pourrait donc plus
représenter un socle fort.
Ce sont autant d’éléments opposés aux valeurs et à l’identité des sapeurs-pompiers volontaires
ruraux.
Alors que l’actualité traverse une crise énergétique majeure, plusieurs pistes sont envisagées
afin de réduire les dépenses énergétiques. Citons par exemple la réduction des déplacements du
fait de la nécessité de sobriété énergétique et l’incitation au télétravail. Potentiellement, les
citoyens vont devoir passer plus de temps sur des territoires à taille humaine. On peut imaginer
des effets très différents à cette évolution. Soit un repli individualiste (chacun chez soi). Soit au
contraire l’occasion de limiter le phénomène des communes rurales « dortoirs » et de voir les
ruraux passer plus de temps sur leurs territoires, et donc s’y impliquer par la même occasion.
46
Géoconfluences, JBB, février 2019
47
Entretien avec la Colonelle Anne LAMAIRE
43
Dans un article publié le 28 août 2020 dans Philosophie magasine, « Télétravail : la nouvelle
aliénation ? », Octave LARMAGNAC-MATHERON se questionne en ces termes : « Toujours
plus libres, toujours plus souples, toujours plus… seuls ? La pandémie a mis en place la plus
grande expérience de télétravail jamais tentée, et les gens se sont rendu compte que ça marchait
»48, estimait récemment dans Le Monde Peter CHEESE, directeur du Chartered Institute of
Personnel and Development. De nouvelles pratiques que comptent pérenniser, au moins
partiellement, 37% des entreprises britanniques et 42% des allemandes. Pierre-Olivier
MONTEIL prend le contrepied de cet engouement, et souligne, à partir de la philosophie de
LEIBNIZ, que le télétravail généralisé nous transforme en nomades des solitaires qui ne se
tiennent plus dans le monde mais à distance de celui-ci. De quoi saper le sens du collectif. ».
Pourtant, on pourrait y voir l’occasion de susciter de la disponibilité pour l’activité de sapeur-
pompier volontaire. En effet, un regain de disponibilité a été constaté pendant les périodes de
télétravail liées aux confinements car les personnes étaient plus longtemps sur leur territoire.
Des conventions de disponibilité avec les employeurs sur les périodes de télétravail se sont
aussi davantage développées. On en revient alors à un symbole important cité par les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux qui ont répondu à notre questionnaire : la disponibilité. On en
revient alors aussi à une valeur importante pour les « secouristes » qu’ils sont : gérer leur temps
et mettre en équilibre leur vie professionnelle, leur vie personnelle et leur vie de sapeur-pompier
volontaire. L'aire numérique pourrait alors devenir un atout dans ces conditions. L'opportunité
serait d'entretenir des relations fortes dans le réel, surfacique dans le virtuel. Dans cet axe, le
sens à l'engagement à l'action commune serait renforcé. En effet, le télétravail fait perdre le lien
social qui existe sur le lieu du travail. Le relationnel au sein du centre de secours permettrait de
compenser ce manque et susciterait donc une motivation supplémentaire.
De plus, l'évolution climatique causera des crises intenses et répétées sur l'ensemble du
territoire, comme nous avons pu le constater durant l’été 2022. Notre propos n’est bien
évidemment pas de souhaiter la survenue de tels événements. Seulement de souligner que les
nouvelles méthodes pour s’y préparer et les nouvelles formations, qui seront nécessaires, sont
susceptibles de correspondre à une valeur forte pour les sapeurs-pompiers volontaires ruraux
d’aujourd’hui : la technicité. Se préparer à de tels évènements marque la réalité de
l’engagement, l'état de nécessité apportant du poids aux valeurs d'entraide et d'utilité à la
société.
Ainsi nous constatons que les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ont évolué dans leur identité
et leurs symboles sous l’influence de différents facteurs. Des menaces pèsent sur les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux car elles touchent à leur identité et leurs valeurs. Mais nous avons
aussi évoqué, à l’occasion du risque climatique notamment, qu’un même mécanisme
d’adaptation des sapeurs-pompiers volontaires ruraux pouvait se mettre en place. C’est
pourquoi des préconisations d’actions à court terme et à long terme semblent nécessaires pour
accompagner la résilience du volontariat rural dans son identité et ses valeurs.
48
Philosophie magasine, « Télétravail : la nouvelle aliénation ? », Octave LARMAGNAC-MATHERON, 28 août
2020
44
3.3 Préconisations
Les sapeurs-pompiers volontaires ruraux sont des « secouristes ascendants néo-villageois ».
L’enjeu porte donc, les concernant, sur les valeurs suivantes : « rendre service », la convivialité
et la camaraderie. Ils savent aussi s’adapter à la diversité et ont compris toute l’importance de
cette valeur intégratrice.
3.3.1 Préconisations à court terme pour prendre en compte les vulnérabilités des
sapeurs-pompiers volontaires ruraux d’aujourd’hui.
Lors de notre rendez-vous, la colonelle Anne LAMAIRE a exposé la nécessité de faire évoluer
le management vers un management de la diversité et un management intergénérationnel. Ce
point était également ressorti à l’occasion des entretiens collectifs avec les sapeurs-pompiers
volontaires ruraux qui reconnaissent eux-mêmes devoir s’adapter aux nouvelles générations
sans pour autant être formés pour le faire. Pour la colonelle LAMAIRE, le management va
devoir plus que jamais comprendre l’individu dans sa personnalité, ses attentes, ses besoins. Il
faudra que les services d’incendie et de secours accompagnent les chefs de centre sapeurs-
pompiers volontaires dans ces nouvelles techniques de management et dans ces nouveaux
mécanismes de régulation du groupe. Le chef de centre en zone rurale avait un rôle déterminant
et était une « figure » du temps du « villageois ». Il est appelé à le rester sous l’aire du
« secouriste ascendant néo-villageois ».
Il conviendra de grossir les équipes de profils différents car leur contribution sera
complémentaire. Il faudra, comme l’indique la colonelle, « faire accepter la diversité sur la base
de l’honnêteté et de l’équité ». Cette préconisation cible la question de la disponibilité,
essentielle pour les sapeurs-pompiers volontaires ruraux, et utilise la dynamique de l’intégration
de la diversité à laquelle ils sont déjà rompus (voir supra).
Nous voyons trois orientations intéressantes, sans pour autant délaisser le message du « rendre
service » :
45
Autrement dit, l’idée est de valoriser les valeurs des sapeurs-pompiers volontaires ruraux
d’aujourd’hui dans les campagnes de recrutement afin de montrer véritablement leur identité et
de solliciter des vocations autour de leurs valeurs. Un des objectifs est d’éviter la « déception
missionnelle ».
Le colonel hors-classe COSTE est d’accord avec le fait que les axes de communication ne
doivent pas forcément se faire uniquement sur l’aspect « rendre service » mais sur celui de la
« convivialité », de la « deuxième famille » et du partage comme le fait l’armée. Il conviendra
d’inclure l’importance de la diversité dans la composition du groupe.
- Relocaliser tout ou partie des formations sur les territoires dans les services d’incendie
et de secours qui ont centralisé la formation.L’objectif est de développer du lien sur les
territoires afin que les personnes apprennent à se connaître et afin de recréer du collectif.
Il s’agirait aussi de développer du lien entre les agents afin qu’ils partagent et diffusent
les valeurs du service départemental d’incendie et de secours.
46
3.3.2 Préconisations à moyen et long terme pour limiter les menaces qui pèsent sur les
sapeurs-pompiers volontaires ruraux d’aujourd’hui et de demain
Acculturer les nouveaux habitants des campagnes à la notion de communauté et créer un lien
social
L’idée est de faire s’ouvrir les néo-ruraux et les nouvelles générations à cette autre culture qu’est
le volontariat en zone rurale.
Plusieurs solutions sont envisageables comme par exemple développer les actions externes et
intégrer les sapeurs-pompiers aux temps forts de la communauté. On peut imaginer leur
participation aux événements festifs et pas simplement aux événements commémoratifs. Il
s’agirait de développer la valeur « plaisir » pour les sapeurs-pompiers volontaires ruraux qu’est
transmettre, montrer son savoir et partager un moment collectif. Il s’agirait aussi de créer du
lien en suscitant des vocations autour de valeurs nouvelles et sympathiques pour les nouveaux
arrivants et pour les plus jeunes. A cette fin, nous identifions deux leviers possibles :
Travailler sur la population cible que sont les sapeurs-pompiers volontaires ruraux de 35 ans,
chefs d’agrès une équipe, ayant entre 10 et 20 ans d’ancienneté, pères ou mères de famille
Ces sapeurs-pompiers volontaires sont les chefs d’agrès tout engin de demain, et ils seront
surtout ceux qui vont transmettre l’identité et les valeurs du groupe.
Il est à noter que le sujet de l’indemnisation et de la valorisation des sapeurs-pompiers
volontaires ruraux a donné lieu à un résultat surprenant chez ceux qui ont répondu au
questionnaire numérique. En effet, seulement 100 sapeurs-pompiers volontaires ruraux ont
donné au moins une fois la réponse « manque de reconnaissance » à « pourquoi avez-vous
tenté de rompre votre engagement » (« impression d’être la 5ème roue du carrosse », d’«être un
larbin »). Les participants pouvaient donner plusieurs réponses. Cela représente un neuvième
des participants qui est attaché à la notion de reconnaissance ; ce n’est donc pas beaucoup.
49
Entretien avec le Colonel Hors-Classe Stéphane GOUEZEC
50
Entretien avec M. Bastien CORITON
47
Parmi ces 100 sapeurs-pompiers volontaires ruraux, on constate qu’il s’agit plutôt de sergents
(nous faisons le raccord avec le fait qu’ils sont principalement chef d’agrès du VSAV). Il s’agit
enfin plutôt des sapeurs-pompiers volontaires ruraux dont les engagements sont de 10 à 20 ans
de durée (43% pour 29,1% de tranche d’âge de répondant). Or les sergents représentent 20%
des 901 sapeurs-pompiers volontaires ruraux ayant répondu au questionnaire numérique. Ils
sont à un stade de construction de leur vie de famille.
Tous les textes et les plans sur le volontariat tournent autour de la reconnaissance et c’est bien
une préoccupation d’une partie des sapeurs-pompiers volontaires ruraux ; nous le constatons
dans nos fonctions. Si c’est la fin du héros du feu, ce n’est pas la fin du héros tout court. Il faut
donc se réinterroger sur cette reconnaissance et en définir les contours en fonction de la
population concernée à court, moyen et long terme.
Cette préconisation a vu le jour à l’occasion de notre entretien avec le contrôleur général Eric
FLORES, directeur du SDIS 34 et vice-président de la Fédération National des Sapeurs-
Pompiers français (FNSPF).
Le volontariat fait face à de multiples menaces (comme par exemple avec l’arrêt Matzak). Le
volontariat repose sur la volonté des citoyens de s’unir dans l’intérêt collectif. Le cœur de
l’engagement demeure : se rassembler et être au service des autres. L’UNESCO, au travers la
notion du patrimoine culturel immatériel reconnait les « pratiques, représentations et
expressions, des connaissances et savoir-faire que les communautés et les groupes et, dans
certains cas, les individus, reconnaissent comme partie intégrante de leur patrimoine culturel.
Ledit patrimoine, appelé parfois « patrimoine culturel vivant », concerne les domaines suivants
: les traditions et expressions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et
événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers, les savoir-
faire liés à l'artisanat traditionnel »51.
51
Site internet de l’UNESCO - www.unesco.org/fr
48
Deux types d’inscriptions sont envisageables : l’une sur la Liste de Sauvegarde Urgente ou
l’autre sur la Liste Représentative. Dans le premier cas, la viabilité du bien doit être en péril en
dépit des efforts de la communauté. La situation du volontariat, de par ses valeurs et ses racines,
mais aussi en raison des menaces auxquelles il est confronté, semble correspondre à ces critères.
L’inscription au patrimoine immatériel permettrait de reconnaître ce bien collectif et historique,
mais aussi de le projeter dans l’avenir. Portée à l’échelle européenne, cette inscription
permettrait d’unir et de renforcer les modèles internationaux de sécurité civile.
Etudier le profil des sapeurs-pompiers volontaires ruraux qui ne se classent dans aucun profil
Rappelons que 14,98% des répondants au questionnaire numérique (soit 125 sapeurs-pompiers
volontaires ruraux) ont estimé ne correspondre à aucun des profils évoqués. Nos questionnaires
ne nous permettent pas de disposer d’éléments pour trancher. Une consultation spécifique
pourra être envisagée dans le cadre d’une nouvelle recherche, incluant un travail approfondi sur
les sous-profils proposés par S. CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE dans leur étude.
Il s’agirait de les identifier et de déterminer pourquoi ils ne se reconnaissent dans aucun des 4
profils proposés dans le questionnaire. On peut imaginer qu’on est confrontés soit à un nouveau
profil, soit à des sapeurs-pompiers qui se retrouvaient dans plusieurs profils et ont préféré n’en
choisir aucun.
Si c’est la première hypothèse qui venait à être confirmée, se poserait la question de l’existence
ou de l’émergence d’un nouveau groupe en train d’impacter les sapeurs-pompiers volontaires
ruraux dans leur identité et leurs valeurs, structurellement et/ou dynamiquement. Autrement dit
se poserait la question de savoir si un nouveau cycle d’évolution commence ou s’il s’agit d’un
non-événement.
49
50
CONCLUSION
Notre recherche a fait tomber une sorte d’a priori, de préjugé, qui existe peut-être encore un peu
dans nos esprits. Le sapeur-pompier volontaire rural est peut-être encore considéré comme le
sapeur-pompier de la campagne, le « pompier des champs ». Il est encore perçu comme le
« villageois » de l’étude sur l’avenir du dispositif du volontariat chez les sapeurs-pompiers de
S. CHEVRIER et J.Y. DARTIGUENAVE (2008). Un sapeur-pompier volontaire à l’identité
tranchée, attaché à son territoire et fermé à la départementalisation. Un sapeur-pompier
volontaire du passé. Pourtant, les sapeurs-pompiers volontaires ruraux ont particulièrement
changé. Leur identité et leurs valeurs ont fait preuve d’une incroyable résilience et d’une
véritable dynamique. Entre acceptation et adaptation, les sapeurs-pompiers volontaires ruraux
ont intégré les évolutions sociétales, les évolutions des services d’incendie et de secours, la
modification de leurs propres effectifs, avec une assez grande aisance, confirmant les propos
des deux sociologues : « Cette diversité des visages du volontariat constitue assurément une
richesse et une force dans la mesure où elle dote les sapeurs-pompiers d’une véritable plasticité,
tant au plan de l’intervention qu’à celui de la constitution du corps lui-même »52.
« Secouristes ascendants néo-villageois », si nous nous inspirons des profils des travaux des
deux sociologues, les sapeurs-pompiers volontaires ruraux d’aujourd’hui le deviennent pour
rendre service, et le restent s’ils trouvent dans leurs centres de secours un bel esprit de
camaraderie et de convivialité. Avoir une vie en équilibre est essentiel à leurs yeux. Pour cela,
intégrer dans leurs rangs des personnes de tous les horizons leur promet un bel avenir. Car cette
pluralité permettra à chacun de donner du temps à sa façon, de s’impliquer en fonction des
besoins du moment de sa vie, de partager un talent particulier, et bien d’autres choses encore.
Derrière les uniformes, la diversité, les individus et les individualités.
Pourtant des menaces pèsent sur les sapeurs-pompiers volontaires ruraux. Autant leur identité
et leurs valeurs se sont adaptées à toutes les évolutions qu’ils ont rencontrées jusqu’alors, autant
ce qui se profile touche tellement à leur identité et à leurs valeurs que nous pouvons nous
interroger sur leur capacité de résilience sans une aide « extérieure ». Nos préconisations visent
donc à accompagner les sapeurs-pompiers volontaires ruraux dans ce qu’ils vont traverser à
l’avenir pour pérenniser leur engagement et l’existence même du volontariat en zone rurale.
52
Etude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers, Saint-Malo : MANA LARES,
CHEVRIER, S., DARTIGUENAVE, JY., 2008, p.62
51
Dans les centres de secours où nous sommes allés, nous avons rencontré des personnes avec un
formidable élan pour les autres. Ils continuent d’avancer comme portés par quelque chose de
supérieur, une foi quasi religieuse en l’importance de « rendre service ». Dans leur seconde
maison, le temps semble s’arrêter. Le foyer est chaleureux et les membres du foyer accueillants.
Nous espérons que nos travaux leur auront rendu hommage et que nos réflexions permettront
de sauvegarder leur identité et de leurs valeurs. Nous espérons aussi que l’intégration de la
diversité qui les façonne et leur capacité à évoluer sera une source d’inspiration bien au-delà
des murs de leurs centres de secours car, ainsi que l’a écrit Epictète : « Tout est changement,
non pour ne plus être, mais pour devenir ce qui n’est pas encore ».
52
ANNEXES
Annexe n°3 : étude des questions relatives aux symboles et aux valeurs
Annexe n°4 : entretien collectif du 19 mai 2022 au centre de secours d’OLTINGUE, SIS
68
Annexe n°5 : entretien collectif du 18 juin 2022 au centre de secours de COUSANCE LES
FORGES, SDIS 55
Annexe n°6 : entretien collectif du 2 juin 2022 au centre de secours de SAINT SAENS,
SDIS 76
Annexe n°7 : entretien collectif du 4 juin 2022 au centre de secours de SAINT SAUVEUR
EN PUISAYE, SDIS 89
Annexe n° 9 : entretien du 27 juin 2022 avec le contrôleur général Eric FLORES – FNSPF
53
Annexe n° 1 : questionnaire numérique
54
55
56
57
58
59
Annexe n°2 : résultats statistiques au questionnaire numérique
Résultats globaux :
60
61
Résultats spécifiques aux SPV ruraux
62
63
64
Annexe n°3 – Étude des questions relatives aux symboles et aux valeurs
SYMBOLES
Méthodologie :
TOUS SAPEURS-POMPIERS / RURAUX (retrait SPP, CS EFF>50, SP MAJORITE GARDE, SSSM)
– 863 réponses
Symbole 1 : 192 réponses recevables sur 1909
26 types de mots exploités après tri et regroupement de symbole : exemple : engin et camion ou feu et
flamme
65
Symbole 2 : 196 réponses recevables sur 1909
33 types de mots exploités après tri et regroupement de symbole : exemple : engin et camion ou feu et
flamme
66
Symbole 3 : 186 réponses recevables sur 1909
34 types de mots exploités après tri et regroupement de symbole : exemple : engin et camion ou feu et
flamme
67
VALEURS :
TOUS PROFILS : Nombre de réponses exploitées :1345 (1909-564 (aucune réponse)
Réponse donnée en premier par tous les profils ayant répondu à la question
Valeur R1 R2 R3
Être donneur de sens : 10 13 10
Abnégation : 9 15 15
Adaptabilité : 23 36 60
Efficience : 9 13 14
Égalité : 4 7 14
Émulation : 1 3 0
Engagement : 125 73 83
Exemplarité : 53 66 52
Honnêteté : 3 11 10
Humanisme : 27 28 17
Humilité : 52 83 64
Innovation : 0 0 5
Bienveillance : 130 91 60
Cohésion : 52 93 138
Continuité : 4 9 7
Continuité du service : 13 10 15
Fierté : 18 18 33
Fraternité : 20 27 27
Laïcité : 0 0 2
Liberté : 2 3 3
Loyauté : 4 7 9
Politesse : 1 2 5
Probité : 2 2 1
La république : 23 18 15
Résilience : 1 3 4
Responsabilité : 23 39 70
Sécurité : 13 14 15
Solidarité : 56 99 111
Tradition : 16 4 5
Baptême : 6 1 0
Courage : 71 120 108
Devoir de mémoire : 30 22 15
Dévouement : 173 124 112
Professionnalisme : 37 35 58
Respect : 302 204 129
Sens du devoir : 32 52 59
68
Réponses données par tous les profils ayant répondu à la question
Valeur Total
Être donneur de sens : 58
Abnégation : 70
Adaptabilité : 244
Efficience : 67
Égalité : 47
Émulation : 7
Engagement : 471
Exemplarité : 249
Honnêteté : 52
Humanisme : 135
Humilité : 292
Innovation : 10
Bienveillance : 379
Cohésion : 557
Continuité : 38
Continuité du service : 79
Fierté : 190
Fraternité : 115
Laïcité : 5
Liberté : 13
Loyauté : 40
Politesse : 24
Probité : 11
La république : 94
Résilience : 17
Responsabilité : 264
Sécurité : 95
Solidarité : 408
Tradition : 67
Baptême : 7
Courage : 510
Devoir de mémoire : 122
Dévouement : 644
Professionnalisme : 263
Respect : 805
Sens du devoir : 287
69
RURAUX : Nombre de réponses exploitées : 856
Réponse donnée en premier par les ruraux ayant répondu à la question
Valeur R1 R2 R3
Être donneur de sens : 5 9 4
Abnégation : 5 9 8
Adaptabilité : 15 16 36
Efficience : 2 5 6
Égalité : 2 3 8
Émulation : 1 3 0
Engagement : 81 48 50
Exemplarité : 29 43 38
Honnêteté : 3 7 5
Humanisme : 16 22 11
Humilité : 30 48 40
Innovation : 0 0 4
Bienveillance : 90 57 40
Cohésion : 35 51 82
Continuité : 2 4 5
Continuité du service : 6 7 11
Fierté : 11 14 26
Fraternité : 15 22 18
Laïcité : 0 0 1
Liberté : 1 2 1
Loyauté : 2 3 5
Politesse : 0 1 3
Probité : 1 1 1
La république : 12 9 12
Résilience : 1 3 2
Responsabilité : 17 31 41
Sécurité : 8 5 7
Solidarité : 39 66 72
Tradition : 10 4 4
Baptême : 5 1 0
Courage : 41 70 69
Devoir de mémoire : 20 17 13
Dévouement : 117 84 73
Professionnalisme : 18 15 30
Respect : 194 138 94
Sens du devoir : 22 38 37
70
Total sur toutes les valeurs
Valeur Total
Être donneur de sens : 35
Abnégation : 34
Adaptabilité : 148
Efficience : 30
Égalité : 28
Émulation : 4
Engagement : 361
Exemplarité : 164
Honnêteté : 31
Humanisme : 91
Humilité : 181
Innovation : 5
Bienveillance : 241
Cohésion : 342
Continuité : 23
Continuité du service : 43
Fierté : 130
Fraternité : 79
Laïcité : 4
Liberté : 7
Loyauté : 24
Politesse : 12
Probité : 7
La république : 55
Résilience : 10
Responsabilité : 172
Sécurité : 55
Solidarité : 280
Tradition : 48
Baptême : 6
Courage : 327
Devoir de mémoire : 85
Dévouement : 410
Professionnalisme : 145
Respect : 533
Sens du devoir : 189
71
CLASSEMENTS
1. SYMBOLES
Classement des symboles les plus cités :
72
Mots Ruraux
1 Disponibilité : 155
2 Famille : 29
3 Feu/incendie/flammes : 29
4 Casque : 25
5 Uniforme/tenue : 24
6 Camion/engins/véhicules : 17
7 Camarade/camaraderie : 11
8 Formation : 11
9 Rouge : 6
10 Lance : 4
11 SAP / secouriste / secourismes : 4
12 Hiérarchie : 4
13 Sirène : 4
14 France/nation/patrie : 4
15 République : 4
16 VSAV : 4
17 Sportif : 3
18 Bip : 3
19 Echelle : 2
20 Intervention : 2
21 Accident : 2
22 Hache : 2
23 Imprévu : 2
24 Sauveur : 2
25 Secours : 2
26 Amicale : 1
27 Amis et copains : 1
28 Astreinte : 1
29 Bleu : 1
30 Boite à pansement : 1
31 Giros/2 tons : 1
32 Adrénaline : 1
33 Alarme : 1
34 Ambulance privée : 1
35 Ambulance : 1
36 Anges gardiens : 1
37 Binôme : 1
38 Caserne : 1
39 Drapeau : 1
40 Ecusson : 1
41 Sainte-Barbe : 1
42 Soldat : 1
43 Tradition : 1
44 Tricoise : 1
73
2. VALEURS
74
B. Profil SPV rural
75
Annexe n°4 : entretien collectif du 19 mai 2022 au centre de secours d'OLTINGUE,
SIS 68
Déroulement de l’entretien :
- Rappel de l’objectif de la réunion : comment les personnels interrogés voit leur centre ?
quels sont les valeurs qu’ils partagent ?
- Rappel des règles de déroulement de réunion : Liberté de parole leur est donnée sur tous
les sujets évoqués.
76
Thèmes abordés :
Synthèse de l’entretien :
- La formation peut s’avérer complexe avec des exigences de technicité. Il faut y consacrer du
temps. Cette contrainte peut-être un frein à l’envie d’évoluer. Les nouveaux formats
pédagogiques ne sont pas toujours compris et génèrent une certaine appréhension lors des
séances. L’esprit de groupe permet de surmonter ses difficultés et de comprendre les enjeux.
- La démotivation liée aux champ opérationnel qui est trop dans l’assistanat. Toutefois, ils
comprennent que s’ils ne font pas la mission, personne ne le fera à leur place (cas de l’ancien
du village qui tombe trois fois dans la même nuit). Ils acceptent moins l’augmentation des
durées d’intervention liées aux fermetures des urgences du centre hospitalier de proximité.
Cela peut être à frein à leur disponibilité.
- Le temps à consacrer à la formation et la durée des interventions sont un frein au juste
équilibre entre la vie de sapeur-pompier et la vie de famille. Selon certains, ils ont la chance
d’avoir des compagnes et des épouses qui les soutiennent.
- L’importance de la bonne ambiance au centre qui repose sur la cohésion, sur la convivialité
(La convivialité : c’est un ensemble de caractères qui doivent se marier ensemble se
comprendre avec un rôle important du chef qui soutient son personnel), sur l’ancrage
territorial (tout le monde se connait) et l’envie de rendre service. Bon nombre d’entre eux
sont sapeur-pompier par vocation (« on reste car on aime cela »)
- L’importance du foyer au centre ainsi qu’un espace dédié au sport. Ces locaux leur
permettent de se retrouver lorsqu’ils en ressentent le besoin. Ils les définissant comme un
outil de cohésion pour le bien vivre ensemble. « Ils participent à maintenir la flamme dans
le centre.
- Concernant les conjoints et conjointes : Ils ou elles subissent la passion des SPV. Pour se
sentir intégrés, ils ou elles participent aux manifestations de l’amicale (point important).
- Pour les plus anciens, la suppression de l’armée a été une mauvaise chose pour apprendre ce
qu’est le respect, la cohésion et la rigueur.
- L’importance de l’école de JSP pour maintenir un vivier de recrues qui est aussi une école
de la vie. L’importance du respect des anciens sapeurs-pompiers.
- Pour eux, il existe au centre un socle de valeurs communes mais qui est perturbé par toutes
les contraintes liées à leur activité.Freins à l’engagement : Les contraintes administratives,
les tests d’entrée et les exigences médicales parfois incomprises. Elles ont pour effet de
décourager les centres en recherche de nouveaux sapeurs-pompiers.
77
Annexe n°5 : entretien collectif du 18 juin 2022 au centre de secours de COUSSANCE,
SDIS 55
78
Synthèse de l’entretien :
Les points suivants sont ressortis :
- On est SPV pour aider le citoyen, faire partie d’un groupe, la cohésion.
- Les carences et la « bobologie » : cela ne les embête pas de les faire car cela fait faire des
interventions, pratiquer et permet d’être en groupe.
- Les évolutions concernant la formation sont considérées comme positives : les agents sont
plus aguerris et cela apporte de la sérénité sur intervention. Néanmoins, un bémol est mis sur
le tout « mise en situation pratique » et l’absence de formation de base (ex : théorie pour
comprendre) et la quantité de temps que cela demande.
Pour eux, le secourisme permet d’acquérir des compétences (technique, polyvalence).
- COVID/confinement : baisse de motivation car pas de contact avec les autres, pas de
possibilité se retrouver ensemble au centre de secours. Cela a causé également la perte de JSP,
ce qui va impacter les recrutements pour 2 ans au moins.
Mais l’esprit d’avant a été retrouvé grâce à l’amicale et au chef de centre qui ont eu un rôle
prépondérant.
- « Ce qui nous convient, c’est que la caserne soit là car elle permet de se retrouver, elle a
beaucoup de coins conviviaux (ex : terrain de pétanque »).
- Enjeu : la cohésion anciens/nouveaux : les plus anciens essaient d’intégrer les plus jeunes,
mais cela nécessite une démarche réciproque. Ils essaient de faire en sorte qu’il n’y ait pas de
clans via l’encadrement et l’Amicale.
- La paramédicalisation : on doit s’adapter aux évolutions, mais c’est aussi une source
d’inquiétude car pour être à l’aise, il faut pratiquer.
- Aller dans les centres de secours à forte activité est important car cela apporte de la technicité
(ex : plus d’interventions).
79
Annexe n°6 : entretien collectif du 2 juin 2022 au centre de secours de SAINT SAENS,
SDIS 76
Cérémonie et reconnaissance.
Particularité du CIS d’avoir à ce jour une faible féminisation (4) et pas de double statut.
Synthèse de l’entretien :
Le groupe était dynamique et regroupé autour du chef. Le chef se positionnait comme le leader
légitime. La source d’engagement est très marquée par le réseau (familial, associatif,…).
80
La motivation repose principalement sur la volonté d’aider les autres. Le groupe, et les liens
sociaux associés, constitue le liant. Pour l’imager, l’expérience du COVID, démontre que
l’éloignement a été particulièrement compliqué à gérer. « Même si nous avions toujours la
sensation d’être là pour les gens, il nous manquait quelque chose ».
Nombreux échange sur l’intégration au groupe. La formation tutorée est très appréciée « elle
permet de rentrer dans le moule ».
Symbole : la caserne (et son foyer) apparait comme le lieu de rassemblement, y compris pour
les familles. Lieu de passage et d’échange social. « La caserne c’est chez nous », « je passe voir
s’il y a du monde « . Recherche de lien social.
L’amicale est aussi très importante, elle permet le lien intergénérationnel, mais aussi avec les
familles. Tout le monde participe.
La motivation aux actes techniques prédomine, notamment par le Secours Rouiters. Le CIS est
très marqué par cette activité. Pour l’imager, la perte du CCI du CIS ne parait pas
problématique. La perte de la compétence SR est-elle impensable.
Concernant l’engagement différencié, les avis sont partagés. « ils ne partagent pas les mêmes
expériences ». La notion d’unité collective semble remise en cause par cette différenciation.
L’avis reste positif néanmoins. Se pose par contre des questions sur la répartition des
interventions. La culture de l’égalité (partage de l’activité) parait très importante pour l’unité
collective.
Cérémonie : elles sont importantes car elles constituent un moment collectif et de
reconnaissance des actions du groupe et des individus.
Un échange important est consacré à l’engagement en fonction des phases de vie. L’engagement
SPV leur parait plus simple des lors qu’une certaine stabilité sociale, familiale et professionnelle
est en place :
« j’ai attendu d’être installé et stabilisé pour m’engager »
« C’était plus simple avant, maintenant avec les enfants et le travail c’est une sacrée
organisation »
81
Annexe n°7 : entretien collectif du 4 juin 2022 au centre de secours de Saint Sauveur
en Puisaye, SDIS 89
Éléments à retenir - Les SPV rentrent au CS pour aider, porter secours, mais reste pour
hypothèse 2 la convivialité créée, notamment via l’amicale. S’est
particulièrement fait sentir pendant le confinement.
Points de vigilance Les recrues ne s’adaptent plus au CS, c’est au CS de s’adapter aux
nouvelles recrues.
Les interventions qui ne correspondent plus aux missions
d’urgences démotivent les SPV.
Les SPV des CPI communaux intègrent de plus en plus les CS du
CD, laissant supposer que l’attachement territoriale n’est plus
fondamental.
Les délais de formation peuvent décourager les candidats.
82
Annexe n° 8 : entretien du 8 juillet 2022 avec la colonelle Anne LAMAIRE – DGSCGC
Éléments à retenir - Toujours la volonté d’être utile mais en « Point à Point »… Pour
hypothèse 1 une cause, pour un temps donné.
Points de vigilance Depuis le COVID des tabous sont tombés. J’accepte de ne plus
répondre à mon engagement au profit des miens. « C’est tel jour et
telle date » d’où l’intérêt pour les activités de garde planifiées.
Globalement, alors on s'est un petit peu l'inverse de ce qu'on peut
observer. La tendance à l'individualisation, et cetera autant. On a
besoin de de gérer son temps.
Accompagnement et formation des chefs de CIS SPV
Le côté financier, il est là, mais c'est pas le truc ultra prégnant
maintenant le le l'être humain. Il a besoin de de de se nourrir de
l'autre. Voilà est ce qu'on va, ce qui va faire, qu'on va rester dans
une structure
83
Annexe n° 9 : entretien du 27 juin 2022 avec le contrôleur général Eric FLORES – FNSPF
Éléments à retenir - Remettre de la vie dans les casernes, afin de faire naitre la cohésion.
hypothèse 1 (re)Mettre de la convivialité dans les structures.
L’amicale ne doit toutefois pas être un « contre-pouvoir »
Éléments à retenir - Un SPV peut voir son profil muter de secouriste à villageois
hypothèse 2
84
Annexe n° 10 : entretien du 8 juillet 2022 avec monsieur Bastien CORITON – CNSPV
M. Bastien CORITON
Vice-président Conseil National des Sapeurs-Pompiers Volontaires
Vice-président du Sdis76, représentant des EPCI, Maire de Rives-en-Seine, Ancien député de
la Seine-Maritime.
85
Le villageois n’est plus la règle. Pour autant, certains gardent cette
particularité (exemple de l’agent quittant le CIS pour une année
sabbatique, et voulant s’assurer qu’un logement serait disponible pour lui
à son retour pour revenir au CIS).
Idée : arrêter de fusionner les CIS pour conserver les potentiels humains.
Ex : Intérêt de faire vivre 2 centres de secours. Engagement mutualisé
permettant comme à l’échelle d’un CIS d’apporter de l’activité.
86
Annexe n° 11 : entretien du 8 septembre 2022 avec le colonel hors-classe Stéphane
GOUEZEC, DDSIS76
Éléments à retenir - Replacer le CIS dans la vie de la commune – créant ainsi un lien de
hypothèse 1 territorialité
Points de vigilance Au travers votre parcours, avez-vous constaté ou ressenti une évolution
dans l'identité et les valeurs des SPV ?
Volonté de servir différente à la notion d'identité.
Déstructuration / difficulté à vivre son engagement au vu des évolutions
de la société, la vie à beaucoup changé. Il y a tellement d'activité dans
les vies personnelles, que le temps libre s'est atténué. Place des loisirs,
des enfants prend aujourd’hui une part entière.
La question de l'identité est complexe dans les sdis. Dans la même
période, la construction des Sdis a remis en cause l’identité communale.
Le sdis a eu tendance a limité l'idée d'une identité spécifique par
l’imposition de l'identité du sdis.
L'identité peut être multiple. Elle était d'abord départementale,
voir unique, pour les Sdis.
Pas certain qu'il y ait une identité du volontariat. Fierté de service un
territoire. Essayer de préserver une identité du territoire, d'une culture,
l'amour du territoire et de ses habitants - entraide.
L’identité est comme un oignon, une personne a plusieurs identités
(familiale, sociologie du CIS…)… plusieurs couches.
L'identité passe par une transition/transmission des valeurs. Des plus
anciens vers les plus jeunes, des plus expérimentés vers les nouvelles
recrues.
Un centre de secours est un marqueur de l'identité locale. Le CIS a une
place dans l’environnement local.
Ce ne peut pas être une identité essentiellement interne au CIS mais en
lien avec son environnement et la population.
Notion de fierté : collectif, du passé, de l'avenir… Fruit de la création,
marge de manœuvre de locale.
Echange sur les données collectées :
Profil du villageois s'effrite, conformément aux prévisions du MANA,
Est-ce que cela vous étonne ?
87
Non. Le regroupement des CIS pose des soucis collectifs. Par la
fermeture, ou le regroupement de CIS des collectifs se sont effrités et
n’ont pas forcément su se reconstruire, faute d’histoire commune.
88
Annexe n° 12 : entretien du 15 septembre 2022 avec le colonel hors-classe COSTE, ancien
directeur départemental du SDIS 39 et du SDIS 89
Éléments à retenir - L’isolement des spv ruraux fait que les évolutions sociétales les
hypothèse 1 impactent plus tard.
Éléments à retenir - La notion de plaisir dans l’engagement SPV est importante, c’est
hypothèse 4 elle qui contribue à faire rester le SPV
Éléments à retenir - La phase d’accueil des candidat SPV doit être optimisé.
hypothèse 5 Leur accompagnement devrait être individualisé.
Points de vigilance Certains engagements citoyens sont très limités dans le temps et ne
concernent qu’une période de crise courte (feu de forêt, accueil
ukrainien, attentats), notamment dans le milieu associatif. A
l’avenir, le volontariat pourrait être concerné.
Le volontariat devrait être attaché à l’astreinte et non à la garde
postée.
Dans les campagnes de recrutements, il reste difficile de mettre en
scène le SPV.
89
Annexe n° 13 : entretien du 22 septembre 2022 avec monsieur Didier LEMAIRE, député
de la troisième circonscription du Haut-Rhin
Synthèse de l’entretien :
90
Annexe n°14 : Note d’opportunité pour la FNSPF – Reconnaissance du volontariat au
patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO
Téléphone : 06.99.57.30.09
Courriel : eric.tirelle@sdis76.fr et b32d9cf8.sdis76.fr@emea.teams.ms
Dans le cadre de nos travaux de mémoire sur l’identité et les valeurs des sapeurs-pompiers volontaires,
nous avons été amenés à échanger sur le volontariat. Notre étude s’inscrit dans la continuité de travaux
socio-professionnels sur l’activité de sapeurs-pompiers. Notre objectif principal est de factualiser les
évolutions constatées, afin de mieux préparer l’avenir, nous adapter à notre ressource et ainsi consolider
notre modèle de sécurité civile. La présente note a pour but d’évaluer l’opportunité de reconnaitre le
volontariat au titre du patrimoine immatériel de l’UNESCO.
Le volontariat fait face à de multiples menaces. Tout d’abord, par un environnement juridique
défavorable, notamment sur la notion de temps de travail. Par ailleurs, à l’image de milieux associatifs
ou professionnels, le volontariat est aujourd’hui menacé par une remise en cause de la notion
d’engagement. Les premiers éléments collectés dans nos travaux au travers de questionnaires (1900
répondants) ou d’entretien collectifs, démontrent que les raisons motivant l’engagement de nos sapeurs-
pompiers restent constantes, mais deviennent friables ou concurrencées.
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Puisant ses racines dans la garde nationale, le volontariat repose sur la volonté des citoyens de s’unir
dans l’intérêt collectif. Passant les époques, les évolutions démographiques et sociétales, cet esprit
bicentenaire reste intact, le cœur de l’engagement demeure : se rassembler et être au service des autres.
Au-delà de nos frontières, et même si les organisations de sécurité civile peuvent diverger, le recours à
cette ressource initialement bénévole, citoyenne et solidaire est commune. Ceci permet donc de penser
que ce socle restera encore de nombreuses années comme un modèle stable et résilient.
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Deux types d’inscriptions sont envisageables, sur Liste de Sauvegarde Urgente ou Liste Représentative.
Dans le premier cas, la viabilité du bien doit être en péril en dépit des efforts de la communauté. Le
calendrier engage une procédure sur 2 années. Voici les cinq grands « domaines » dans lesquels se
manifeste le patrimoine culturel immatériel :
les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel
immatériel,
les arts du spectacle,
les pratiques sociales, rituels et événements festifs,
les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers,
les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.
Hormis peut-être pour les arts du spectacle, de nombreux éléments peuvent être regroupés sur les autres
domaines.
Le volontariat, de par ses valeurs et ses racines, semble correspondre à ces critères. L’inscription au
patrimoine immatériel permettrait de reconnaitre ce bien collectif et historique, mais aussi de projeter
dans l’avenir. Porté à l’échelle européenne, cette inscription, permettrait d’unir et renforcer les modèles
internationaux de sécurité civile.
Les effets causés par le changement climatique ou les grandes crises auxquelles nos sociétés sont
confrontées, nécessitent de nombreuses ressources. Sans cette capacité de mobilisation, nous ne
pourrions y faire face. En conséquence, et au-delà des actions engagées par la communauté en ce sens,
ces enjeux imposent une nécessité d’action rapide et symbolique pour préserver le volontariat. Une
proposition d’inscription au titre de la Sauvegarde Urgente paraitrait cohérente.
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TABLE DES ILLUSTRATIONS
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ................................................................................................................................................ 1
1. CONTEXTUALISATION ............................................................................................................................. 5
3. PROSPECTIVE ........................................................................................................................................ 37
3.1 LES FACTEURS AYANT FAIT EVOLUER LE SAPEUR-POMPIER VOLONTAIRE RURAL DANS SON IDENTITE ET SES SYMBOLES ....... 37
3.1.1 Les nouveaux sapeurs-pompiers volontaires ruraux et leur impact sur le groupe ........................ 38
3.1.2 Les évolutions des services d’incendie et de secours ..................................................................... 39
3.1.3 Les évolutions sociétales ............................................................................................................... 40
3.2 OPPORTUNITES ET MENACES .......................................................................................................................... 42
3.2.1 Une menace majeure : le risque de dislocation du tissu associatif ............................................... 42
3.2.2 L’évolution climatique : opportunité ou menace ? Un virage à prendre autour de la disponibilité
et de la technicité ? ...................................................................................................................................... 43
3.3 PRECONISATIONS ......................................................................................................................................... 45
3.3.1 Préconisations à court terme pour prendre en compte les vulnérabilités des sapeurs-pompiers
volontaires ruraux d’aujourd’hui. ................................................................................................................ 45
3.3.2 Préconisations à moyen et long terme pour limiter les menaces qui pèsent sur les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux d’aujourd’hui et de demain ........................................................................... 47
CONCLUSION .................................................................................................................................................. 51
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ANNEXES ........................................................................................................................................................ 53
RÉSUMÉ ......................................................................................................................................................... 98
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RÉSUMÉ
L’identité et les valeurs des sapeurs-pompiers ont évolué de façon générale sous l’influence de
différents facteurs. Cette évolution touche également les sapeurs-pompiers volontaires ruraux.
Ainsi, les difficultés de recrutement, de disponibilité, et de pérennisation des engagements des
sapeurs-pompiers volontaires, a fortiori plus prégnantes en zone rurale, rendent nécessaire de
s’interroger sur leur identité et leurs valeurs pour les comprendre et y apporter des solutions.
L’étude sur l’avenir du dispositif de volontariat chez les sapeurs-pompiers de Stéphane
CHEVRIER et Jean-Yves DARTIGUENAVE, réalisée en 2008, a servi de base à ces travaux
de recherche, et plus particulièrement le profil « villageois » qui était dominant chez les sapeurs-
pompiers volontaires ruraux. Nous avons déterminé ce qui semble être le sapeur-pompier
volontaire rural d’aujourd’hui, dans son identité et ses valeurs, et nous proposons une étude
prospective.
ABSTRACT
The identity and values of firefighters have generally evolved under the influence of various
factors. This evolution also affects volunteer firefighters in rural areas. Thus, the difficulties of
recruitment, availability, and sustainability of volunteer firefighters' commitments, a fortiori
more prevalent in rural areas, make it necessary to question their identity and their values to
understand them and provide solutions. The study concerning the future of the volunteer
firefighting system performed in 2008 by Stéphane CHEVRIER and Jean-Yves
DARTIGUENAVE served as a basis for this research, especially the "villager" profile which
was dominant among rural volunteer firefighters. We identified what seems to be the rural
volunteer firefighter of today, in terms of identity and values, and we propose a prospective
study.
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