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ENSSEA Année 2022/2023

Module : histoire des faits économiques ( première année Master )

TD n°5 : la révolution industrielle au Japon

L’ objet de ce TD est de présenter l’expérience japonaise de construction du


capitalisme. Ce pays a enregistré des performances exceptionnelles au cours
des années 1950/1960, à savoir un taux de croissance annuel de 10% en
volume durant cette période. Ce pays a imposé un modèle original basé sur
une osmose entre les pouvoirs publics et les groupes industriels et financiers. il
a aussi imposé de nouvelles méthodes d’organisation du travail comme le
toyotisme qui se sont souvent avérées plus efficaces que le fordisme.

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1. Le contraste entre les handicaps initiaux et la force de l’envolée de l’activité
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, le Japon cumule les handicaps. Le retour de près de
six millions de réfugiés accroit le déséquilibre entre population et ressources naturelles. Le
pays n’évite la famine que grâce à l’aide alimentaire américaine. La loi eugénique de 1948 ne
fait que freiner une forte croissance démographique. Les tensions inflationnistes sont
extrêmement fortes. Le Japon est par ailleurs privé de ses possessions extérieures qui jouaient
un rôle important dans la croissance des années 1930 (réservoir de matières premières et
débouchés privilégiés). En 1949, le Japon voit aussi s’interrompre ses échanges avec la Chine
après la victoire des communistes. L’industrie lourde japonaise tournée auparavant vers le
secteur militaire apparait non compétitive. Parmi les grands pays le Japon est le dernier à
retrouver son niveau de production d’avant-guerre : le maximum de 1939 n’est retrouvé qu’en
1954.
Le taux de croissance du PIB du Japon est estimé, par Angus Maddison, à 9,29% par an entre
1950 et 1973. Une approche comparative fait ressortir la fulgurance de cette accumulation :
le rythme de la croissance japonaise est près de deux fois supérieur à celui des pays de
l’Europe de l’Ouest.
De son côté le taux de croissance du PIB par tête progresse de 8,05% sur la même période
soit, là encore, le double de l’Europe.
Le rattrapage japonais se fonde sur une industrialisation rapide : la croissance de la production
industrielle atteint les 15% dans les années 1960.
Un rattrapage en termes de productivité horaire du travail est également à l’œuvre puisqu’entre
1950 et 1973 celle-ci passe de l’équivalent de 14% du niveau américain à 46% et de 43 à 65%
du niveau Ouest allemand.
Compte tenu de son poids démographique ses performances permettent au Japon de se hisser
au deuxième rang des puissances du monde capitaliste vers 1973 (la population passe de 83,5
millions en 1950 à 108,6 millions en 1973).1
2. Un essor fondé sur l’extension du marché intérieur
L’industrialisation se fonde sur un immense effort national de formation de capital. Le taux
d’épargne des ménages (de l’ordre de 20%) est plus élevé qu’aux Etats-Unis et que dans la
plupart des pays européens. Le taux d’investissement ne cesse de croitre il atteint 30% du PIB
vers 1960 puis 35% vers 1970. L’investissement productif dans l’industrie en est la
composante la plus dynamique, il permet l’absorption des technologies occidentales et le
rattrapage progressif des niveaux de productivité. Les autorités favorisent l’achat de brevets
américains et freinent l’ouverture aux IDE jugés trop dangereux pour l’indépendance
nationale.

1
- B.Blancheton : « Histoire des faits économiques : de la révolution industrielle à nos jours » - éditions Dunod
– Paris – 3e édition - 2016 – p 102.

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La percée japonaise s’effectue d’abord sur des bases nationales même si l’aide américaine
favorise comme en Europe de l’Ouest le redressement initial ainsi que les transferts de
technologies. La taille du marché intérieur permet au Japon d’acquérir une compétitivité dans
les secteurs de la mécanique, l’électroménager, l’automobile, puis de l’électronique et de
s’orienter vers une croissance plus ouverte à partir des années 1960.
L’essor se fonde sur le maintien d’une durée hebdomadaire élevée du travail (environ 60
heures) et un fort taux d’activité des personnes âgées : au total le nombre d’heures travaillées
passe de 77 289 millions en 1950 à 107 389 millions en 1973.
Les dépenses en équipements collectifs et l’investissement immobilier paraissent être sacrifiés
ce qui contribue à accroitre le coût social de l’expansion japonaise.
3. Les caractéristiques du « modèle » japonais
Comme lors de la restauration Meiji la force du Japon est d’avoir mis en place des institutions
centralisées, très imbriquées et parfaitement en phase avec les singularités culturelles
japonaises. Trois éléments du modèle japonais peuvent être mis en exergue :
a) Une économie dualiste
Une grande complémentarité se dégage entre d’un côté de puissants groupes (les keiretsus,
résurgence des zaibatsus) qui orientent l’accumulation du capital vers des industries d’avenir
et de l’autre un secteur de petites entreprises sous-traitantes mais juridiquement indépendantes
qui offrent une flexibilité pour absorber des surplus de main-d’œuvre non qualifiée ou faire
face à des ralentissements conjoncturels.
b) L’harmonie sociale
Dans les grands groupes l’attitude des syndicats maisons est coopérative et les revendications
salariales modérées. La progression salariale s’effectue à l’ancienneté, les employés
perçoivent des prestations sociales spécifiques et ont l’assurance d’une stabilité de l’emploi.
La part relativement importante de rémunération variable permet le cas échéant de maintenir
une flexibilité des salaires.

c) Une osmose entre pouvoirs publics et milieux industriels et financiers


Le dialogue entre l’Etat et les fédérations patronales (zaikai) est permanent, il est facilité par
des liens personnels et des passerelles en termes de carrières. Le ministère du Commerce
International et de l’Industrie (MITI) joue un rôle moteur dans l’importation de technologie,
les fusions et les restructurations d’entreprises. Il coordonne la mise en place d’une politique
commerciale active qui protège le marché intérieur japonais (droits de douane,
protectionnisme gris, sous-évaluation réelle du yen…). La Banque du Japon contrôle, quant à
elle, étroitement les structures financières du pays.

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