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1. La vision du e-Sénégal.

Malgré le faible taux d’accès aux


technologies de l’information et de la communication (TIC) en Afrique1
ainsi que la fracture numérique séparant les pays développés et ceux en
développement2, le Sénégal contemporain a réalisé des avancées
considérables dans le secteur des télécommunications et des TIC. Cette
situation s’explique par l’existence d’un cadre juridique et institutionnel

3
0251
propice à la libéralisation des télécommunications, à l’ouverture de lignes
téléphoniques fixes et au développement spectaculaire de la téléphonie
cellulaire3. Depuis la connexion officielle du Sénégal au réseau Internet

6744
en 19964, sa connectivité n’a cessé de s’améliorer, en raison de

26:1
l’élargissement progressif de la bande passante de liaison qui est l’une des
plus importantes de l’Afrique de l’Ouest.

77.2
L’extension récente de l’intranet gouvernemental aux autres régions
du Sénégal ainsi que le démarrage des activités du troisième opérateur de

124.
télécommunication, ont fini par placer la vision du e-Sénégal au cœur de
la stratégie plus globale déclinée par le Plan Sénégal Emergent (PSE) qui

154.
a identifié l’accelération de la diffusion des TIC comme un des
« fondamentaux de l’émergence »5. Ces progrès ont d’ailleurs valu à 465:
8882

1 P. DANDJINOU, Les nouvelles technologies de l’information et de la


communication (TIC) et les Objectifs du millénaire pour le développement en
81:8

Afrique, p. 5590 ; A. BA, Internet, cyberespace et usages en Afrique, Paris,


L’Harmattan, 2003, p. 11.
3
0451

2 X. LINANT DE BELLEFONDS, « F(r)acture numérique », Lexis.net, Octobre


2001, p. 1 ; le Plan d’Action du Sommet mondial sur la société de l’information de
Genève, du 10 au 12 décembre 2001, a adopté le pacte de solidarité numérique
y:211

destiné à résorber le gap numérique.


3 Sur toute la question, M. C. DIOP (dir.), Le Sénégal à l’heure de l’information,
technologies et société, Paris, Éditions Karthala, 2002, p. 63 ; contra, O. SAGNA, «
mbe

Privatisation, libéralisation, régulation. La réforme des télécommunications au


Sénégal », in Afrique contemporaine, 2010/2 n° 234, p. 113-126. L’auteur écrit
e Ba

qu’en dehors du développement de la téléphonie mobile, la téléphonie fixe, la


téléphonie rurale et Internet n’ont guère progressé, le niveau de la concurrence est
sité d

resté faible, en raison du monopole de la SONATEL.


4 La Société nationale des télécommunications (SONATEL), filiale de la
multinationale française France Télécom, avait mis en place une ligne spécialisée à
niver

64 Kbps reliant le Sénégal aux USA, avant de signer avec la société américaine MCI
un accord permettant la connexion internationale à l’Internet. L’on a assisté ainsi au
om:U

coup d’envoi de l’ère commerciale d’Internet au Sénégal, avec comme premier


fournisseur d’accès Télécom Plus, dont le premier client fut la présidence de la
République ; sur l’ensemble de cette question, A. BA, op.cit, p. 110 ; également,
vox.c

A .TOP, « 1996-2006, Dix ans de connexion du Sénégal à Internet », Batik, n° 80,


mars 2006, éditorial.
5 Voir Plan Sénégal Emergent, p. 80.
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n
inter
notre pays de se voir confier le volet TIC dans le cadre du Nouveau
partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD).
2. Le surgissement de la cybercriminalité. Cependant, comme
l’enseignait le doyen Jean Carbonnier, « l’évolution des mœurs et des
techniques donne naissance à de nouvelles formes de délinquance »6. La
plupart des grandes découvertes technologiques ont engendré presque
toujours, à côté des progrès économiques qu’elles procurent à l’humanité,
des retombées négatives parmi lesquelles figure en bonne place
l’avènement de nouvelles formes de criminalité7.

4
Aussi la rupture opérée dans notre modèle de civilisation par la révo-

0256
lution numérique n’a pas résisté à l’emprise de cette « loi sociologique du
développement »8.

6744
Au Sénégal, l’espace dématérialisé qu’offrent les TIC, notamment

26:1
l’Internet, est de plus en plus le lieu virtuel de commission de divers
agissements répréhensibles9. À titre illustratif, au début du mois de mai

77.2
2001, le site officiel du gouvernement du Sénégal10 a été victime d’une
attaque de la part d’un pirate informatique se disant membre de la « Hack

124.
Army ». Le « hacker », après avoir réussi à s’introduire dans le système
informatique de la primature, a laissé le message suivant : « Vous avez

154.
des problèmes de sécurité ! »11. En janvier 2008, les actes de sabotage
informatique, réalisés au moyen d’un cheval de Troie envoyé depuis le
465:
8882
81:8

6 J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, PUF., 1978, p. 401.


7 J. CAZENEUVE, « La cybercriminalité : l’émergence d’un nouveau risque », Act.
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jur. pén, 2012, p. 268 et s. ; M. QUEMENER, Cybersociété. Entre espoirs et


risques, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 14.
8 R. GASSIN, « Le droit pénal de l’informatique », DS, 1986, Chron. p. 35.
y:211

9 Sur l’ensemble de la question, « Internet : un nouvel espace de délinquance »,


dossier, Act. Jur. pén, 2005, n° 6, juin, p. 217 ; W. CAPELLER, « Un net pas très
net », in « L’immatériel et le droit », Arch. phil. dr, n° 143, p. 167 ; M. QUEMENER
mbe

et J. FERRY, Cybercriminalité. Défi mondial, 2e édition, Paris, Economica, 2009,


p. 1 ; M. QUEMENER, « Cybercriminalité : aspects stratégiques et juridiques », in
e Ba

« De la cybercriminalité à la cyberguerre », Rev. Déf. nat. séc. coll, mai 2008, p.


23 : « Les systèmes d’information constituent un important progrès pour nos
sité d

sociétés, mais présentent aussi des risques et des vulnérabilités dont il est nécessaire
de prendre conscience » ; S. GHERNAOUTI-HELIE, « Un monde numérique
particulièrement vulnérable à la criminalité », in « La délinquance électronique »,
niver

Problèmes politiques et sociaux, n° 953, octobre 2008, p. 13 ; I.OTTAVIO


FRANCESCON, « Les nouvelles techniques de l’information et de la
om:U

communication et leur exploitation à des fins illicites », Rev. int. crim. pol. tech, n° 1,
janv. 1996, p. 61 ; D. FOREST et G. KAUFMAN, Droit de l’informatique,
Lextenso, éditions, Paris, 2010, p. 89.
vox.c

10 http://www.gouv.sn
11 V. « Le site web du gouvernement attaqué par un hacker », in Batik, Osiris, n° 22,
mai 2001, p. 4.
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forum de discussion du site d’information « nettali.com », ont rendu
indisponible son serveur pendant des semaines12.
Le cyberespace est devenu criminogène. Une nouvelle forme de
criminalité charriée par les premières lueurs de la société sénégalaise de
l’information, appelée « cybercriminalité », venait d’apparaître (I). Mais,
au Sénégal, l’ampleur prise par ce nouveau phénomène criminel, consti-
tuant une sérieuse menace pour la sécurité des réseaux électroniques,
exige l’élaboration d’une stratégie de traitement devant le juge répressif
(II).

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0259
I. L’APPARITION DU PHÉNOMÈNE DE LA CYBERCRIMINALITÉ
AU SÉNÉGAL

6744
3. La réalité de la cybercriminalité au Sénégal. Dans des pays
africains comme le Sénégal, la cybercriminalité a pendant longtemps été

26:1
considérée comme une criminalité spécifique aux pays développés. Cette
approche classique était légitimée par le faible taux de pénétration des

77.2
TIC en Afrique et par la fracture numérique séparant les États développés

124.
de ceux en développement. Mais l’ascension fulgurante des TIC et la
généralisation progressive de l’accès au réseau Internet au Sénégal, à

154.
partir des années quatre-vingt-dix, se sont accompagnées de l’émergence
d’une criminalité informatique facilitée par le développement de la
société sénégalaise de l’information13. L’apparition de cette nouvelle 465:
forme de criminalité, largement relayée par la presse14, a été perceptible
8882

dès le lendemain de la première connexion officielle du Sénégal au réseau


Internet, à travers la naissance d’une forme d’escroquerie en ligne dite
81:8

scam (« ruse » en anglais)15.


3
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12 Ch. Mb. GUISSE, « Sabotage et destruction du site Nettali.com : le parquet aux


trousses d’un cheval de Troie » : http://www.osiris.sn/article3464.html; V.
y:211

également, TRHC Dakar, du 17 avril 2012, affaire du système WARI, inédit. Dans
cette affaire, le tribunal régional hors classe de Dakar a condamné, pour accès
frauduleux à un système, un ancien salarié de la société gérant le système « Wari »
mbe

qui s’est introduit dans ce système avant de procéder à des transferts frauduleux
d’argent au profit d’un de ses amis.
e Ba

13 Au Sénégal, en l’absence de la tenue d’un système fiable des statistiques criminelles,


il n’existe pas, à notre connaissance, de chiffres sur les cyberinfractions commises ou
sité d

poursuivies, en ce sens, Le Sénégal. Le secteur de la justice et l’État de droit. Une


étude d’AFRIMAP et de l’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA),
novembre 2008, p. 112.
niver

14 « Cybercriminalité : des Nigérians escroquent un avocat russe via Internet » :


http://www.osiris.sn/article2007.html ; A.J. COLY, « Escroquerie sur Internet : les
om:U

ravages de la fraude nigériane »: http://www.osiris.sn/article568.html


15 Cette forme d’escroquerie en ligne consiste à obtenir la remise de fonds
d’internautes, en leur faisant miroiter une somme d'argent dont ils pourraient tirer un
vox.c

pourcentage. Cette arnaque est issue du Nigéria, ce qui lui vaut également
l'appellation « 419 » en référence à l'article du Code pénal nigérian réprimant ce type
de pratique.
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