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Revue économique

Le protectionnisme : bilan, limites, réexamen


Monsieur Henri-François Henner

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Henner Henri-François. Le protectionnisme : bilan, limites, réexamen. In: Revue économique, volume 33, n°6, 1982. pp.
957-980;

doi : https://doi.org/10.3406/reco.1982.408693

https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1982_num_33_6_408693

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Résumé
Cet article présente successivement la théorie pure du protectionnisme et les limites analytiques
puis pratiques de cette politique.
La présentation théorique porte sur l'analyse des effets attendus de la levée d'un droit de douane,
sur la théorie du tarif optimal, la protection effective et les unions douanières.
La deuxième partie définit les limites qui viennent restreindre la portée analytique puis pratique du
protectionnisme. Ces limites tirent leur origine du rôle dévolu aux ajustements par les prix, à
l'ignorance de l'interdépendance des circuits, tant au niveau interne qu'au niveau international.
Le réexamen de la liaison objectif-moyens du protectionnisme permet de conclure à une relative
inefficacité du protectionnisme tel qu'il peut être décrit et mesuré aujourd'hui.

Abstract
Protectionism : a survey
Henri-François Henner
This paper presents the pure theory of protectionism and the analytical and practical limits of auch
a policy.
The theoretical survey covers the effects of a tariff, the theory of optimal tariff, the theory of
effective protection, and the theory of custom unions.
The second part studies the limits which restrict the analytical and practical scope of protectionism.
They corne from the role given to the price adjustment, and the ignorance of flows in the national
and international economy.
The reexamination of the cost-advantage implications of protectionism leads to the conclusion that
protectionism is rather ineffective in the way it is applied to day.
LE PROTECTIONNISME :
BILAN, LIMITES, RÉEXAMEN

Le protectionnisme, sous ses différentes formes (droits de douane


à l'importation ou à l'exportation, contingentements, édiction de
normes sanitaires, marchés publics réservés, etc.), est un des
instruments les plus couramment utilisés par un gouvernement. Dans
la mesure où ses effets bénéfiques pour une partie de la collectivité
paraissent plus évidents que Jes coûts qu'il engendre, lesquels sont
diffusés sur l'ensemble de l'économie concernée, et parfois difficiles
à évaluer en termes monétaires, il n'est pas étonnant qu'il s'agisse d'un
moyen relativement populaire de la politique économique.
En dépit de cela, les économistes se sont révélés, pour l'essentiel,
partisans du libre-échange entre les nations, car leurs analyses
montraient que la liberté de commercer devait permettre, toutes choses
égales par ailleurs, une meilleure allocation des ressources au plan
mondial, donc une plus grande efficacité d'une masse donnée d'efforts
humains répartis suivant les avantages comparatifs et/ou les dotations
factorielles des pays, aboutissant à un niveau supérieur de bien-être
par rapport à l'autarcie ou au moindre commerce.
Ces deux points de vue, immédiat et réfléchi, sur la politique
commerciale, allaient successivement dominer les accords bilatéraux
ou multilatéraux signés entre les pays, dès avant la révolution
industrielle : le Tarif général de Colbert, souvent cité comme exemple de
la première manifestation systématique d'un protectionnisme offensif
(devant permettre la constitution d'une industrie compétitive) ne
prélevait pourtant qu'un droit moyen de 8 % ad valorem ; la liberté (interne
et externe) du commerce des blés, édictée par Turgot dans le but
d'améliorer les revenus des producteurs agricoles, donne l'exemple
de l'écart qui peut exister entre les motivations d'une décision de
politique économique et l'interprétation qui en est communément
acceptée... et propagée par ceux qui étaient lésés par cette mesure (sans
oublier le parti que sut en tirer Necker pour faire disgracier son rival).

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Revue économique — N" 6, novembre 1982.


Revue économique

Libéralisme externe et protectionnisme devaient ensuite se succéder


selon un échéancier généré (?) par les cycles Kondratieff : 1860 (accord
de libre-échange entre la France et l'Angleterre), 1896 (décret Meline),
1930 (politiques d'« exportation du chômage ») ; après la deuxième
guerre mondiale s'amorce un processus général de libéralisation des
échanges soutenu par le Gouvernement américain, et qui se développe
dans le cadre du GATT (General Agreement on Tarifs and Trade) (ou
Accord Général sur les Droits de Douane et les Echanges). Les
périodes de négociation se succèdent : Dillon Round, Kennedy Round et
Tokyo Round enfin. Mais ne faut-il pas dépasser le fétichisme des
accords ? La réduction des droits de douane obtenue en 1967 puis
en 1979 (38 et 30 % respectivement en moyenne), si elle est généralisée
par l'application de la clause de la nation la plus favorisée (qui fait
bénéficier tous les partenaires commerciaux d'un pays d'un accord
obtenu par un seul), est concomittante à l'émergence d'obstacles
non tarifaires aux échanges, à la mise en exception de produits
sensibles, qui viennent en restreindre la portée. On semble en face d'un
système de vases communicants, interprétable comme le signe de
l'existence d'un seuil incompressible de protection (Henner-Lafay)
pour chaque pays.
Le moment semble donc venu de dresser un bilan du
protectionnisme, tant en ce qui concerne l'analyse théorique que les effets
calculables, qui permette d'éclairer les choix actuels tendant vers la
création d'unions douanières (comportant des éléments de zones
monétaires optimales), protégées les unes des autres.

***
La théorie du protectionnisme est consacrée pour l'essentiel à
l'étude des effets sur l'économie qui suivent l'instauration d'un droit de
douane ou d'une structure tarifaire. Il n'y a pas là oubli de l'ensemble
des mesures autres que douanières qui peuvent introduire des
distorsions entre l'économie interne et le monde extérieur ; simplement,
on peut, sous quelques réserves, assimiler une mesure non tarifaire à
un droit de douane, dès lors que, connaissant les valeurs des élasticités
prix et revenu à l'importation, il est possible de calculer le droit ad
valorem qui aurait conduit, toutes choses égales par ailleurs, à la
même réduction des flux d'échanges que le contingentement (par
exemple).
En assimilant désormais protectionnisme et droit de douane, il
devient possible de rappeler successivement I) l'analyse pure du droit
de douane, et II) d'en indiquer les limites théoriques et pratiques.

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L'ANALYSE PURE DU PROTECTIONNISME

La théorie du protectionnisme a longtemps analysé les effets que


pouvait avoir un droit de douane sur l'activité interne d'un pays (sur
la production, la consommation, la redistribution...), avant d'élargir
le champ de réflexion à la prise en compte des tarifs optimaux (dans
quelle mesure le pays peut-il faire supporter une partie du droit à ses
co-échangistes ?). Plus récemment, fut développée la théorie de la
protection effective qui permet d'estimer l'effet net d'une structure
tarifaire sur la valeur ajoutée des branches (taxer les inputs importés
réduit la compétitivité des firmes), tandis que s'approfondissait
l'étude des unions douanières.

Le droit nominal de douane

Un droit nominal de douane th prélevé à l'importation du


produit / a pour effet d'augmenter le prix domestique Pd3- du produit / par
rapport au prix mondial de référence Pmj} selon la relation :

(1) ?*, = Pm, (1 + t.) <=> P», = P". /- (1 + t.).

Cette relation fondamentale correspond à l'hypothèse de l'unicité


du prix sur un marché « suffisamment » concurrentiel pour un
produit homogène, ou pour lequel il existe des substituts proches. Elle
n'est admissible que si l'on étudie un petit pays dont le volume des
achats internationaux n'a pas d'influence sur l'équilibre du marché ;
l'abandon de cette hypothèse conduira au développement de la théorie
du tarif optimal, dès lors que le pays protectionniste peut, du fait de
l'influence de sa demande, modifier en sa faveur les termes de
l'échange, et faire payer à l'exportateur une partie du tarif sous forme de
baisse de prix (cf. p. 961).
On remarquera que toute cette analyse repose sur les effets
substitution et revenu liés à la modification d'un prix ; les effets de bien-être
quant à eux dépendront en plus des différentes élasticités de demande
et d'offre nationales pour le produit. Sur ces bases, on distingue cinq
effets principaux attendus de l'imposition d'un droit de douane :
a) un effet production positif car les producteurs domestiques
voient les conditions de maximisation du profit déterminer un coût
marginal limite supérieur à l'ancien ; les avocats du protectionnisme

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fondent sur ce développement de la production protégée une


argumentation favorable à l'emploi dans le secteur protégé ; cette
augmentation du prix permissif de vente, favorable aux producteurs, entraîne
à l'évidence
b) un effet consommation négatif pour l'ensemble des agents
domestiques acheteurs du produit ; la rente du consommateur est réduite,
une partie des clients est éliminée du marché, se tournera vers d'autres
produits substituables, locaux ou importés ; les effets de substitution
et de revenu pourront jouer en un sens ou en l'autre, selon la nature
du produit (J. R. Hicks, Valeur et Capital). On se contente
généralement d'admettre la situation la plus probable, — réduction de la
consommation du produit et substitution par d'autres biens — , mais
une étude plus complète devrait prendre en compte la possibilité
d'apparition de paradoxes du type Giffen. En termes généraux, la
réduction de la consommation d'un bien entraîne toujours une
réduction du bien-être de l'ensemble de la population concernée : là se situe
le point fort de l'argumentation des libre-échangistes, et leur position
paraît inexpugnable, tant que l'on introduit pas d'arguments autres
qu'économiques (H. G. Johnson) dans le raisonnement ; il y a donc :
c) un effet de redistribution qui prend place des consommateurs
vers les producteurs domestiques du bien et l'Etat qui perçoit les
droits sur les importations. La perte des consommateurs est par
définition supérieure à la somme des gains des producteurs et des taxes
perçues par l'Etat dans la mesure toutefois où l'on accorde la même
utilité à une unité monétaire quel que soit le groupe social qui la gagne
ou la perd ;
d) un effet budgétaire positif apparaît, grâce aux taxes douanières
perçues par l'Etat à l'importation des produits protégés, tandis que
la balance commerciale se redresse du fait d'
e) un effet externe positif : les importations du produit diminueront
à la fois parce que la part du marché intérieur détenue par les firmes
locales a augmentée, et parce que la consommation domestique du
produit s'est réduite.

Il reste à évaluer l'effet net de la taxe douanière sur le bien-être


national et mondial. Il résultera de la somme algébrique des effets
subis par les consommateurs, les producteurs domestiques et étrangers,
et l'Etat. Si l'on admet qu'un franc gagné ou perdu a la même utilité
quel que soit l'agent, producteur ou consommateur, on peut estimer
la perte nette due à la protection douanière comme la somme de la

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perte nette du consommateur et dé l'effet net sur la production ; cette


perte est aussi ressentie au niveau mondial, car la division
internationale du travail est réduite à la suite de l'imposition d'un droit de
douane, ainsi que les gains tirés par chacun des pays de la
spécialisation ; on verra par la suite (p. 977) que les estimations du coût de
la protection peuvent varier assez fortement d'un pays à l'autre, si
leur impact en terme de pourcentage perdu en PNB apparaît
généralement faible ; l'effet de redistribution entre groupes sociaux (des
consommateurs vers les producteurs) est parfois l'objectif que l'on
cherche à atteindre de manière détournée en utilisant la tarification
douanière.
L'analyse menée jusqu'à présent reposait sur l'hypothèse dite du
« petit pays » qui se voyait imposer le prix mondial, et dont la demande
était suffisamment faible pour ne pas modifier les conditions de
l'ajustement du marché mondial du produit. Lever cette hypothèse conduit
à admettre que les valeurs d'équilibre du paramètre prix peuvent être
modifiées lorsque la demande d'un pays grand importateur d'un
produit assez spécifique se réduit à la suite de la protection : il apparaît
alors que ce pays peut moduler le droit de douane de manière à en
faire supporter une partie par le producteur étranger : on développe
alors la théorie du tarif optimal.

Le tarif optimal

La courbe d'offre internationale que rencontre un pays peut ne


pas être parfaitement élastique comme dans le cas précédent : si le
pays domestique dispose d'un pouvoir même partiel de monopsone,
l'application simple de la théorie des marchés montre que, les
importations diminuant à la suite de l'instauration d'un droit de douane,
cette réduction de la demande conduit à un déplacement du point
d'équilibre vers la gauche sur la courbe d'offre étrangère, donc à une
réduction du prix unitaire de l'offre étrangère. Pour limiter la baisse
des ventes, les exportateurs étrangers sont conduits « à prendre en
charge une partie du tarif ».
On montre que le tarif optimal, déterminé en fonction du prix
mondial, est égal à l'inverse de l'élasticité prix de l'offre étrangère :
ainsi, le tarif optimal sera d'autant plus élevé, toutes choses égales par
ailleurs, que le pays importateur achète une partie plus importante de
l'offre mondiale. Mais ce raisonnement ne peut être étendu sans

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risques pour justifier d'une tarification systématique. En effet,


l'argumentation n'est „sans doute valable que pour des droits de douane
relativement faibles et, surtout, la levée de droits par un pays
important dans le commerce international peut entraîner des représailles
de la part de ses fournisseurs. Or les pertes du consommateur
domestique perdurent dans ce système, même si elles sont réduites par
rapport à l'hypothèse d'élasticité infinie de l'offre étrangère, et le droit de
douane entraîne toujours une perte pour le monde considéré dans son
ensemble. La généralisation des droits de douane, s'agirait-il de droits
optimaux, entraînerait une aggravation des pertes pour le monde, ne
serait-ce qu'en réduisant les capacités d'importation des fournisseurs
lésés par le droit.
Le tarif dit optimal peut être compris dans une optique plus
large, et être établi pour un grand nombre de produits ; on s'attache
alors à l'étude des structures tarifaires optimales de second rang, dont
l'objectif est d'assurer, pour un groupe de firmes ou d'industries, un
niveau de production supérieur à celui atteint en libre-échange,
lorsque le pays ne peut ou ne veut appliquer la seule politique efficace
en la matière, la subvention directe à la production que l'on veut
encourager (H. G. Johnson). La réponse habituelle consiste à conseiller la
levée d'un droit de douane de même pourcentage sur chacun des
produits, ce droit devant rester « relativement faible ». Mais comme le
démontre H. G. Johnson, cette recommandation ne tient compte ni
de l'existence de distorsions dans l'économie, ni du fait que les pentes
des courbes d'offre et de demande diffèrent d'un bien à l'autre, ce qui
conduit à des tarifs optimaux individuels différenciés : « La structure
tarifaire de second rang devra en général comporter à la fois des
droits différenciés sur les biens dont on désire encourager la
production, et également des droits de douane (ou peut-être des subventions,
en fonction de la nature des effets croisés) sur les autres biens. » (p. 245
de la traduction française.) La règle de l'unicité du tarif ne demeure
acceptable que dans trois hypothèses : lorsque l'on cherche à accroître
les recettes de l'Etat tout en réduisant les coûts administratifs
douaniers, lorsque l'on veut réduire la1 pénétration des produits étrangers
dans le marché national, comme substitut à une dévaluation enfin. Mais
il s'agit là d'arguments « non économiques », c'est-à-dire qui ne
tendent pas à augmenter le niveau de revenu réel de la collectivité, et
dont la discussion tend généralement à occulter les effets sur le bien-
être des mesures tarifaires ; on peut y ajouter l'argument dit des
« industries naissantes » ou du « pays jeune » ou « neuf » qui veut
rendre son industrie compétitive avant de l'exposer à la concurrence

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internationale, ou qui veut encourager sa production nationale quel


qu'en soit le prix : mais il faudrait ici utiliser des subventions directes
à la production, qui sont plus efficaces et finalement moins coûteuses
pour la collectivité que les tarifs douaniers, seraient-ils optimaux.
Passer de l'analyse d'un droit de douane à la structure tarifaire
conduit à approfondir les effets des droits de douane sur la valeur
ajoutée des branches domestiques, c'est-à-dire à présenter la théorie
de la protection effective.

La protection effective

Dès lors qu'existe une structure tarifaire dans un pays, c'est-à-dire


un ensemble de droits de douane portant sur de nombreux produits,
on est conduit à prendre en compte dans l'analyse les relations
productives inter-industrielles, et à élargir l'étude de la protection
nominale à la protection effective, c'est-à-dire aux effets de la structure
tarifaire sur la valeur ajoutée par chacune des branches de production,
en prenant comme référence la situation hypothétique de libre-échange
(voir notre thèse).
Les produits taxés à l'importation peuvent être des produits finals
— et l'analyse traditionnelle du droit nominal de douane s'applique
sans modifications — , ou être des inputs incorporés par les firmes
domestiques à leur produit ; dans cette deuxième hypothèse, la
tarification douanière a pour effet d'augmenter le prix domestique des
inputs par rapport au prix mondial de référence, et, en conséquence,
les coûts domestiques de production s'élèvent en aval par rapport à
la situation sans droits de douane, la compétitivité des firmes locales
se réduit à marge inchangée (mais la concurrence rend difficile cette
adaptation dans le secteur industriel) ou, ce qui est le cas général, la
hausse du prix des inputs vient réduire la valeur ajoutée absolue et
relative créée par la branche. La structure des droits de douane peut
avoir pour effet une réduction de la richesse nette créée dans le pays,
une diminution du surplus à répartir entre salaires et profits, et une
pénalisation des industries nationales dont les inputs importés sont
plus taxés que les produits finis concurrents importables.
On définit le taux effectif de protection comme « le pourcentage
d'augmentation de la valeur ajoutée permis par la structure tarifaire
par rapport à la valeur ajoutée dégagée en libre-échange ». On aboutit
à la formule simplifiée suivante, qui illustre les effets contradictoires

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— effet subvention et effet taxation » — , du droit de douane sur la


valeur ajoutée :

(2) g," = 1 V n *

où gj = taux effectif de protection,


]jî ai;. = part des inputs dans le processus de production,
ti = droit nominal de douane portant sur le produit,
tj = droit nominal de douane portant sur les inputs.
En décomposant cette formule en deux sous-ensembles, S^
représentant la subvention implicite versée à la branche domestique, et T^
représentant la taxation implicite subie, nous pouvons mettre en
évidence la dualité de la structure tarifaire :

(3) g, - S. - T.

i pf T

L'industrie domestique sera globalement subventionnée lorsque


Sj > Tj, c'est-à-dire lorsque le droit nominal ti sur le produit final
est supérieur à la somme des droits tt sur les inputs, pondérés par leur
part ciij dans le processus de production. L'analyse empirique (Henner,
Lafay, Lassudrie-Duchêne [1972] et Henner [1974] et [1975]) montre
qu'en règle générale le taux effectif de protection est supérieur au
droit nominal sur le produit fini (ceci parce que le droit s'élève souvent
avec le degré d'ouvraison des biens tj > *{ => g3 > t, > Q, mais
que, dans certains cas, la protection accordée aux industries
fabriquant des demi-produits a pour effet de pénaliser de manière absolue
les branches finales, celles qui dégagent le maximum de valeur ajoutée.
L'expérience montre aussi que les branches dites de main-d'œuvre
sont les plus protégées au niveau, de la valeur ajoutée (textiles aux
Etats-Unis et au Japon), que les taux effectifs sont souvent des
multiples du droit nominal portant sur le produit fini, enfin qu'il n'y a pas
de relation systématique entre le montant du droit nominal de douane
et le taux de protection effective dont bénéficie une branche (le droit
nominal est un mauvais indicateur de rang du taux effectif).

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L'analyse de la protection effective éclaire ainsi les décisions de


politique commerciale en faisant le lien nécessaire avec les objectifs
de la politique industrielle menée par le pays. Elle est désormais
systématiquement prise en compte lors des négociations commerciales
multilatérales (en particulier lors du Tokyo Round), et correspond à
l'interpénétration croissante des systèmes productifs nationaux dans
la division internationale du travail 1.
Des groupes de pays se constituent alors, qui adoptent le libre-
échange pour favoriser la concentration interne des activités, tout
en se protégeant à l'égard des pays tiers : à ce mouvement correspond
l'analyse des unions douanières.

Les unions douanières

B. Balassa établit en 1961 une typologie des différentes étapes de


l'intégration économique^ qui reste éclairante. Il distingue la zone de
libre-échange (les pays adhérents éliminent les droits de douane
interne à la zone, tout en conservant leurs droits propres à l'égard des
pays tiers, ce qui peut créer des détournements de trafic
supplémentaires), l'union douanière (on définit un tarif extérieur commun
appliqué par tous les pays envers les produits de l'extérieur), le marché
commun (des produits mais aussi des facteurs qui peuvent librement
circuler et s'établir à l'intérieur de l'union), l'union économique
(caractérisée par l'harmonisation des politiques économiques) et enfin
l'intégration économique complète, appelée aussi union économique et
monétaire, dans laquelle les politiques monétaire et budgétaire sont définies
d'un commun accord, et qui aboutit — au moins comme norme de
référence idéale — , à l'égalisation des prix de facteurs et à l'unicité
du prix des produits sur tout le territoire de l'union économique.
Grâce à l'union douanière, les pays membres tentent de créer un
marché unifié des produits, réservé aux entreprises les plus efficaces
de l'union, qui peuvent ainsi atteindre la taille optimale de
production : l'union douanière est devenue l'un des moyens de la politique
concertée de développement de nombreux regroupements de pays
moins avancés. Comment peut-on apprécier l'efficacité de cette
protection commune à l'égard des pays tiers au regard des objectifs pour-

1. Cf. B. Lassudrie-Duchêne, « Décomposition internationale des processus


productifs et autonomie nationale » [1982], à paraître in H. Bourguinat (ed.),
Internationalisation et autonomie nationale, Paris, Economica, 1982.

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suivis (le développement et la création d'un marché solvable de


dimensions «suffisantes») et des gains statiques et dynamiques attendus de
l'intégration économique ?
L'abolition des droits de douane entre les pays membres de l'union
entraîne une création interne de trafic au profit des entreprises les plus
compétitives, ce qui crée un gain en bien-être net pour les producteurs
et, sans doute, pour les consommateurs ; à ce titre, le bien-être
mondial peut s'améliorer du fait de l'élimination des entraves aux échanges
internes à la zone ; parallèlement, la définition d'un tarif extérieur
commun, qui frappe les produits importés de l'extérieur de la zone,
peut entraîner des détournements de trafic : les produits extérieurs
compétitifs, qui étaient importés par un pays avant l'union, peuvent
se voir éliminés du marché par un substitut à coût de production plus
élevé, fabriqué dans l'union, mais désormais importé en franchise de
droit. Ces détournements de trafic ont été surtout observés dans la
Communauté économique européenne pour ce qui concerne les
produits agricoles. En effet, l'ampleur des détournements potentiels de
trafic a été limitée par les règles du GATT qui stipulent que le tarif
extérieur commun d'une union douanière ne peut être plus élevé que
la moyenne des droits anciennement leyés pour un produit par
l'ensemble des pays membres : ainsi le profil de la structure des droits de
douane a été écrêté en Europe lors de la mise au point du tarif
extérieur commun, et réduit par la suite lors des négociations du
Kennedy Round et du Tokyo Round.
Les gains statiques attendus de l'union douanière sont fondés sur
l'existence de la création et du détournement de trafic au bénéfice des
pays membres : ils dépendent donc de la répartition mondiale des
avantages comparés, et des niveaux respectifs des droits de douane
nationaux avant l'union et communs après l'union. Au niveau global,
on assiste à la fois à des gains pour le monde en efficacité et en bien-
être, obtenus par les consommateurs de l'union,, et à des pertes dues
au détournement de trafic, que subissent les producteurs des pays
tiers. Ces gains et ces pertes seront une fonction croissante de la taille
et du nombre des pays participant à l'union douanière.
Les gains dynamiques sont a priori plus diffus, mais se sont sans
doute révélés les plus importants dans l'histoire récente de la CEE
(Henner [1978]). L'extension du marché ouvert aux firmes nationales
compétitives leur permet d'atteindre la taille optimale (croissante pour
de nombreux produits industriels durables, tels les voitures
automobiles, les réfrigérateurs, etc.) et de réaliser des économies d'échelle.
Les consommateurs bénéficient de ces baisses absolues et/ou relatives

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de prix du fait d'une concurrence accrue sur les prix et la qualité


des produits. L'élargissement de la gamme disponible des biens
stimule la demande de différence (B. Lassudrie-Duchêne [1971]) qui
entraîne, entre pays à même niveau de développement (Linder [1961])
une émergence des échanges croisés et l'apparition de la spécialisation
intra-br anche (vérifiée dans le cas français, voir Henner [1976]).
Parallèlement, les firmes étrangères à l'union peuvent tenter de bénéficier de
cette croissance induite en investissant sur le territoire des pays
membres (investissements américains en Europe au cours des années 1955-
1965 essentiellement), ce qui renforce le dynamisme économique
ambiant lié à l'émergence d'un marché solvable de grandes dimensions, à
l'augmentation de l'investissement et au renouvellement accéléré du
capital (incorporation de progrès technique).
L'ensemble de ces gains statiques et dynamiques, qui ont été
globalement vérifiés dans l'exemple de la Communauté économique
européenne (cf. Henner [1978] et Cours d'économie européenne, Université
de Paris-I, 1975-1978), explique la faveur dont jouit l'union
économique tant parmi les pays industrialisés, qui y voient un moyen de
stimuler la progression de leur industrie, que parmi les pays moins
avancés qui y voient un moyen puissant de développement intégré.
Le GATT favorise ces unions bien qu'au plan mondial il ne s'agisse
que d'un optimum de second rang, dans la mesure où l'existence d'un
tarif extérieur commun, même écrété du fait des règles rappelées ci-
dessus, peut conduire à des détournements de trafic au détriment
d'anciens fournisseurs des pays tiers.
L'analyse pure du protectionnisme apparaît ainsi quasi complète :
on peut rajouter les effets de la protection naturelle (la distance), les
effets liés au mode de taxation indirecte (droits en cascade ou TVA
n'ont pas les mêmes effets — Henner [1975]), la prise en compte des
barrières non tarifaires (Baldwin [1970] et les études plus récentes
du GATT), mais l'argumentation ne change pas pour l'essentiel : on
calcule le « droit équivalent de douane » qui, compte tenu des
élasticités, aurait conduit à la même réduction des échanges que la mesure
non tarifaire étudiée ; sur cette base, on peut ensuite estimer les
différents effets production, consommation, bien-être,... qui en découlent
pour le pays et le reste du monde.
Il convient donc, dans un deuxième temps, de cerner les limites
théoriques de cette analyse, avant d'en étudier la portée pratique et
empirique.

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LIMITE DE L'ANALYSE

L'analyse du protectionnisme développée ci-dessus est une analyse


d'équilibre partiel fondée sur les mécanismes d'ajustement par les prix.
Elle n'apparaît valide que dans la mesure où elle prendrait en compte
l'essentiel des effets liés à l'instauration d'un droit de douane : on peut
alors montrer les limites propres à ce type d'ajustement, puis celles
qui proviennent de l'ignorance des mécanismes d'interdépendance des
circuits internes et internationaux. Nous pourrons dans un troisième
temps remettre en cause la liaison objectifs-moyens du
protectionnisme.

Limites relatives à l'ajustement par les prix

La modification des prix relatifs conduit à une nouvelle situation


d'équilibre sur le marché : ce paradigme suppose que soient remplies
plusieurs conditions. Il faut tout d'abord faire l'hypothèse de l'existence
d'un prix unique pour des produits homogènes sur un marché —
international — de concurrence praticable. Cette première restriction peut
être développée : à l'hypothèse d'homogénéité des produits s'oppose
la politique de renforcement de la différenciation des produits menée
par les firmes en concurrence monopolistique : il faudrait raisonner
en termes de fuseaux de prix, ou de marges acceptables de
différenciation des prix. Dans ce cas, la levée d'un droit de douane sur un
produit peut avoir des effets paradoxaux, renforcés par les
comportements de marge autorisés par le schéma de la concurrence
monopolistique ; il n'est pas évident que les prix prennent en compte les droits
de douane : les producteurs et les distributeurs domestiques et
étrangers peuvent préférer modifier leur marge de profit plutôt que de
faire varier leurs prix (cf. le paradoxe des prix développés par G. Lafay
[1976]) : ce comportement de marge est souvent constaté dans la
réalité à la suite des variations du taux de change (H. Bourguinat), et
devrait l'être aussi pour ce qui concerne les droits de douane. Le seul
effet économique de la protection serait alors d'augmenter les recettes
de l'Etat, ce qui n'est pas l'objectif essentiel recherché par les pays
industrialisés. Parallèlement, ce comportement de marge et de
différenciation des produits conduit à remettre en cause l'hypothèse faite

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en ce qui concerne la relation bi-univoque établie entre le prix


domestique et le prix mondial, hypothèse supposant déjà à la fois l'existence
d'un marché de concurrence et l'analyse d'un « petit pays ».
On peut ajouter qu'il est difficile de connaître avec précision les
élasticités prix des produits : l'ouvrage de référence de Stern, Francis
et Schumacher montre que, même pour de vastes catégories de
produits, les évaluations faites varient dans le temps, dans l'espace, mais
aussi suivant les auteurs. Sur ce point aussi, l'étude empirique n'arrive
de toute façon pas à suivre l'analyse théorique (Henner, Lafay [1980]).
Ajoutons que l'on s'accorde aujourd'hui à penser que les élasticités
revenu dominent largement les élasticités prix, ce qui permet
d'expliquer l'obtention de résultats paradoxaux de la politique économique
(Aglietta, Orléan, Oudiz [1981]).
L'analyse apparaît de plus statique : les délais d'ajustement sont
ignorés, ainsi que les vitesses relatives de variation des paramètres.
Il s'agit d'un modèle de statique comparative, qui occulte le
cheminement temporel et spatial de la rééquilibration, par exemple la diachro-
nie entre la destruction d'emplois dans les branches exposées et les
créations d'emplois dans les branches protégées. Sur cette base, on
conçoit que les coûts sociaux et privés de la protection puissent
différer, et ne pas être pris en compte par une analyse fondée sur les prix.
A cet oubli se rajoute l'ignorance des interdépendances illustrées
par les mécanismes du circuit économique et l'apparition d'effets
pervers.

L'interdépendance des circuits

Appliquer un raisonnement en termes de circuit et


d'interdépendance à l'analyse conduit à en restreindre encore la portée. Nous
verrons successivement l'influence des circuits internes et des circuits
internationaux.

a) Au niveau interne, il peut être éclairant de distinguer le


protectionnisme « offensif » fondé sur l'argumentation des « industries
naissantes », du protectionnisme « défensif » qui repose sur le maintien
d'« industries séniles » (Rapport Mayer).
Le protectionnisme offensif vise à constituer des pôles de
croissance domestiques généralement composés en filières de production :
les maillons rentables, à forte valeur ajoutée, sont privilégiés (voir le
parallèle possible avec la protection effective). Il s'agit, pour les pays

969
Revue économique

industrialisés, des secteurs de biens d'investissement et de biens


durables, ou de la transformation fortement capitalistique des matériaux,
en vue de la « reconquête du marché intérieur », prélude nécessaire à
une expansion externe. Ici, la politique protectionniste poursuit un
objectif de politique industrielle, et l'on se trompe de moyen : un jeu
différencié de subventions serait plus efficace pour aider à la
constitution de groupes nationaux compétitifs, au renforcement de
l'investissement, de la recherche et de l'innovation : on a démontré que la
subvention est moins coûteuse pour la nation, sera plus facilement
remise en cause que le droit de douane, et est un stimulant plus
efficace parce qu'elle peut être affectée à l'élément précis que l'on cherche
à développer : elle est une incitation prise en compte dans le calcul
de rentabilité des firmes, et n'apparaît pas comme une contrainte
diluée, ni comme un saupoudrage d'aides indirectes. Trop
indifférencié, le protectionnisme peut ici permettre la survie d'entreprises
marginales, ce qui est temporairement favorable au plan social, mais
ne fait que reporter le problème dans le temps, en conduisant à définir
ultérieurement un protectionnisme défensif.
Le protectionnisme défensif est le plus courant et le .moins efficace.
Il permet aux industries nationales devenues infra-compétitives de
perdurer, sans les stimuler à améliorer leur productivité. Tous les coûts
du protectionnisme se trouvent alors renforcés par un effet général
de baisse de la rentabilité du capital (mal réparti par rapport à
l'optimum), un affaiblissement de la recherche et de l'innovation dû
à la réduction de la pression de la concurrence sur les producteurs.
On constitue de véritables rentes de situation, justifiées au plan social,
mais qui entraînent régression sociale et gabegie financière. La
Banque Mondiale insiste sur ce phénomène dans son dernier Rapport sur
le développement dans le monde (août 1981) : « Tout emploi rémunéré
au taux de 20 000 dollars par an dans les chantiers navals suédois
coûte 50 000 dollars par an aux contribuables. La protection coûte
chaque année aux consommateurs canadiens 500 millions de dollars,
pour financer 135 millions de salaires supplémentaires dans l'industrie
du vêtement. Et si le consommateur japonais paie la viande de boeuf
huit fois plus cher que le prix mondial, l'éleveur japonais n'en tire
pas pour autant huit fois plus, c'est seulement qu'il lui en coûte huit
fois plus pour la produire » (p. 39.) Ces chiffres laissent apparaître à
la fois l'inefficacité économique du protectionnisme (rendement 20/50,
135/500, 1/8 respectivement pour les exemples cités) et le coût social
des mesures prises, car le contribuable aura à payer, en tant que
consommateur, les produits domestiques plus cher que le prix mon-

970
Henri-François Henner

dial. On pourrait, dans le même ordre d'idées, opposer les politiques


agricoles fondées sur les prix touchés par les producteurs (« modèle
continental ») et celles reposant sur les subventions directes versées
aux agriculteurs («deficiency payments»). L'inefficacité sociale et
économique de ces mesures est renforcée par les détournements de
circuit qui apparaissent : le pouvoir d'achat consacré aux produits
protégés n'est plus disponible pour stimuler les achats et la production
d'autres biens domestiques : le maintien des activités devenues
inefficaces tend à freiner la croissance des autres branches productives, dont
les élasticité revenu sont a priori plus fortes : les multiplicateurs
sectoriels jouent dans l'économie avec une efficacité réduite, et le
rythme permissif de la croissance se trouve diminué.
La redistribution interne entraînée par le protectionnisme est elle-
même critiquable, car elle va logiquement des groupes inorganisés
vers les groupes organisés, ce qui correspond rarement à l'objectif
social recherché.
Au plan interne, la politique protectionniste apparaît donc
relativement inefficace et coûteuse. Elle est renforcée par les mesures de
politique industrielle et régionale, sans que la cohésion d'ensemble
de ces politiques soit assurée. « La modification des politiques
commerciales n'a pas été la seule mesure officielle à effet protectionniste. Les
Etats sont intervenus plus activement dans la politique régionale et
industrielle. Leurs subventions à l'industrie ont joué dans le même
sens que la protection tarifaire et avec des effets souvent plus marqués.
En 1976, elles représentaient environ 6 % du PIB en Norvège, 4 % en
Belgique et 3 % en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Par
comparaison, le montant que la protection tarifaire ajoutait aux
recettes des producteurs équivalait à moins de 3 % du PIB dans chacun
de ces pays. » (Banque Mondiale [1981]).

b) Au niveau international, le protectionnisme des pays


industrialisés déprime l'activité économique mondiale du fait de la
transmission internationale des flux. La réduction des importations
entraînée par les restrictions aux échanges a un double effet, sur les
partenaires étrangers et sur la concurrence mondiale.
Les partenaires étrangers, en particulier les pays en voie de
développement, voient leurs exportations se réduire et leur solvabilité
diminuer en plus forte proportion. Leur aptitude à acheter des biens,
en particulier de production, à l'extérieur, se réduit, ainsi que leur
capacité d'emprunt et de développement économique. Les pays indus-

971
Revue économique

trialisés qui leur fournissent crédit et biens manufacturés subissent, en


rétroaction, une baisse de leurs exportations. Le ralentissement
général du commerce mondial peut déboucher sur un freinage conjoncturel
mondial supplémentaire.
La réduction du marché offert par les pays protectionnistes
industrialisés entraîne au moins diminution de la croissance du commerce
international et concurrence accrue sur les marchés de surplus
exportables, certains pays se voyant contraints de compenser la baisse de
leurs termes de l'échange par une augmentation des quantités vendues
(la Côte-d'Ivoire qui stocke son cacao plutôt que de le vendre à des
cours déprimés constitue bien une exception : mais tous les pays en
voie de développement ne peuvent financer les stocks nationaux
grâce aux revenus pétroliers). A terme donc, compte tenu de la
sensibilité des marchés internationaux de matières premières, la baisse des
revenus peut être importante et se répercuter sur l'ensemble de
l'économie mondiale.
Ces différentes réactions mécaniques peuvent être renforcées par
la définition de représailles protectionnistes décidées par les pays dont
les exportations sont pénalisées par les pays ayant les premiers
institué la protection de leur industrie nationale.

L'analyse apparaît ainsi soumise à de multiples restrictions, qui


conduisent à réexaminer la liaison objectifs-moyens du protectionnisme.

Rééxamen de la liaison objectifs-moyens du protectionnisme

II est désormais possible de présenter un essai de bilan du


protectionnisme en confrontant les objectifs poursuivis par les tenants de cette
thèse aux résultats les plus rjrobables que l'on puisse en attendre. Les
objectifs que l'on vise à atteindre en menant une politique
protectionniste sont nombreux et parfois contradictoires ; nous les rappellerons
brièvement et les confronterons aux effets à court et à moyen terme
que nous avons étudiés ci-dessus.

a) Maintien de l'emploi et du revenu : face à la pénétration du


marché intérieur par les produits étrangers, les producteurs
domestiques peuvent arguer du maintien de l'emploi et du revenu pour
obtenir une protection de l'industrie nationale, soit par l'instauration d'un
droit de douane, soit par promulgation de contingentements : l'objectif

972
Henri-François Henner

est le maintien ou la stabilisation de la part du marché intérieur


satisfaite par les productions locales. A la limite (quotas fixes), la croissance
ultérieure du marché sera réservée aux industries nationales. Les
accords multifibres (restriction de la concurrence des « nouveaux pays
industrialisés » dans le domaine textile) sont l'exemple type de cette
politique, et en démontrent les limites, en particulier en ce qui
concerne les « industries de main-d'œuvre » pour lesquelles l'argument est
le plus souvent utilisé. A court terme, les producteurs locaux voient
leur chiffre d'affaires se stabiliser, voire augmenter (remplacement des
importations et prix permissifs plus élevés), ce qui leur permet de
maintenir l'emploi, mais tend à scléroser l'appareil industriel. Une
dévaluation offensive aura les mêmes effets, qui résultent à moyen
terme en un affaiblissement plus grand de la compétitivité, une entrée
dans le sous-développement et, à la limite, la désindustrialisation
(Blackaby, Jacquemin, Henner) : « La sous-évaluation du franc, qui
paraît s'être produite au cours des dernières années de la période
1959-1973, a donné à la France les caractéristiques d'un pays à main-
d'œuvre " bon marché " et favorisé le maintien d'un type
d'industrialisation dont la compétitivité s'est révélée ultérieurement fragile vis-à-
vis des pays en voie d'industrialisation. » (Page, éd. Profil économique
de la France, 1981, p. 49.) Le protectionnisme ne saurait être efficace
pour maintenir l'emploi et le revenu à terme que si les entreprises,
sachant qu'il sera limité dans le temps, utilisent les profits qu'il
engendre de manière à mettre au point de nouveaux produits, de
nouvelles techniques de fabrication, ou à investir de nouveaux marchés
porteurs : l'innovation financée par la protection vient seule la justifier
et la rentabiliser à terme au plan social.
Cette conclusion permet de présenter les arguments économiques
développés à l'égard tant des « industries naissantes » que des «
industries séniles ».

b) L'argument de l'industrie sénile recouvre à peu près celui du


maintien de l'emploi et du revenu. De la même manière, la survie des
entreprises dépassées (c'est-à-dire devenues non compétitives) ne peut
se justifier que de manière temporaire, si l'on ne veut pas qu'une partie
croissante de la richesse nationale serve à subventionner des
entreprises non compétitives. Une telle politique ne saurait perdurer que
dans un pays bénéficiant de rentes de situation importantes (pétrole,
par exemple) : leur utilisation sans discernement entraînerait inflation
et croissance des importations plutôt que développement de la
production locale (Nigeria) ; il paraît plus sain à terme de geler une partie
des revenus pétroliers que ne peut absorber le pays (Cameroun) : un

973
Revue économique

des emplois socialement satisfaisant peut alors être le maintien


d'entreprises non compétitives. Mais la politique efficace est ici encore la
subvention directe (qui maintient la rente du consommateur) et non
la protection douanière qui fait porter le coût de l'aide aux acheteurs
domestiques. La même argumentation vaut pour le maintien
d'industries dites fondamentales (sidérurgie), dont la protection a pour eflet
supplémentaire de diminuer la rentabilité de toutes les branches situées
en aval (protection effective négative ou réduite de ces dernières).

c) L'argument de l'industrie naissante prend aujourd'hui des formes


variées : on peut tendre à constituer des groupes compétitifs ou vouloir
posséder des industries de prestige ou de pointe. Sauf pour la première
version, nous sommes à la limite de l'argumentation économique
(Johnson). L'importance des investissements nécessaires pour
constituer, surtout avec retard, une industrie à forte technologie fondée sur
la recherche rend pratiquement indispensable (cf. les plans
informatiques en France) le soutien de l'Etat ; cette aide prend des formes
diverses, qui vont de la participation au capital à la subvention directe
et indirecte (achats publics préférentiels) : toutes ces mesures
participent du protectionnisme. Le peu de succès rencontré, par ces
interventions conduit l'économiste à les considérer comme des dépenses de
prestige plutôt que comme des investissements rentables à terme 2. I]
est clair surtout que, dans ce domaine, les Etats ont préféré
l'intervention directe à la protection tarifaire des industries locales,
considérée a priori comme insuffisamment stimulante.
Ceci nous amène à développer les « arguments non économiques »
favorables à la protection douanière, que l'on peut regrouper, par
commodité, sous le vocable de la recherche de 1'« autonomie
nationale ».

d) L'autonomie nationale considérée comme un bien public


économique peut être recherchée en soi, et prendre différentes formes. L'on
y retrouve le désir de posséder sur son territoire les industries de base
indispensables en cas de conflit (sidérurgie) comme les « industries de
pointe » recherchées tant pour leur avenir économique que pour le
prestige ; certains gouvernements considèrent la réduction de la
dépendance économique extérieure comme un bien en soi, quel qu'en

2. L'exception est ici encore le Japon qui a remarquablement réussi la


réorientation de sa production, tant au niveau des grands groupes que des PMI, depuis
le choc pétrolier de 1974. OCDE, Etudes économiques, Japon, juillet 1981.

974
Henri-François Henner

soit le coût d'opportunité ; enfin, nombre de pays en voie de


développement assimilent industrialisation et développement, et favorisent
systématiquement l'installation d'entreprises sur leur territoire en
protégeant leurs productions. Mais la taille des marchés intérieurs ne justifie
que rarement ces industries, qui doivent fonctionner soit en dessous
de leur optimum quantitatif (exemple d'Alfa Romeo dans l'Italie du
Sud), ce qui nécessite l'octroi de subventions d'exploitation souvent
importantes), soit atteindre leur taille optimale grâce à des exportations
à perte financées par l'Etat (dumping), afin que le prix de vente des
produits se rapproche du prix mondial. Ceci tient à l'évidence plus
aux conditions économiques générales qu'au protectionnisme en lui-
même ; cependant il apparaît que la protection ne se révèle efficace
ici que dans la poursuite d'un objectif, celui de la réduction des
importations : le droit de douane réduit les importations à la fois parce que
les acheteurs domestiques réduisent globalement leur consommation du
bien protégé, et parce que l'industrie nationale se développe à l'abri
de cette protection : leur taille restera cependant limitée par celle du
marché local et l'on verra se constituer des modèles réduits
d'industries compétitives.

e) Les recettes de l'Etat. Les taxes douanières procurent enfin des


ressources budgétaires à l'Etat, ce qui est négligeable pour les pays
industrialisés qui possèdent une assiette fiscale importante, mais non
pour les pays en voie de développement, dans lesquels les recettes
tarifaires peuvent représenter de 25 à 60 % des ressources publiques.
On sera conduit à élever des barrières tarifaires moins pour des raisons
économiques que par nécessité financière. Les taux seront en général
élevés, ce qui favorise la fraude (loi de LafFer) et les activités
souterraines ou de contrebande (pouvant représenter le tiers des importations
recensées officiellement...). H. G. Johnson ne trouve pas de justification
à ces droits dont le seul but est de financer les dépenses publiques,
tandis que C. P. Kindleberger les justifie par la création de gains
sociaux tirés du financement des biens collectifs. Bien qu'« impure »,
cette argumentation paraît généralement acceptable, comme pis-aller.
On ne peut en effet le justifier par la création d'un marché protégé
réservé aux firmes domestiques, puisque l'on taxera plutôt les produits
de luxe à faible élasticité prix (rendement élevé de la taxe), qui ne
sont achetés que par une faible partie de la population, et qui sont
peu susceptibles d'être produits sur place. Les effets de
redistribution entre groupes sociaux qui en découlent peuvent rendre plus
acceptables ces mesures au plan éthique, mais il appert que ceux qui

975
Revue économique

y perdent (acheteurs des produits taxés) sont généralement plus


proches des centres de décision que la multitude des bénéficiaires
indirects : ces mesures ne sont probablement pas systématisées.

Au terme de cette analyse, nous voyons que la théorie pure du


protectionnisme est quasiment achevée, depuis qu'elle a pris en compte
les effets internes des barrières douanières sur les branches
productives, par la théorie de la protection effective, après qu'elle eut affinée
la théorie des unions douanières. Elle reste cependant sujette à
critiques, dans la mesure où elle s'appuie presque exclusivement ,sur la
rééquilibration par les ajustements de prix (puis de quantités) dans
la mesure aussi où elle ne prend pas systématiquement en compte les
interdépendances revenu-dépense qui peuvent apparaître au niveau
des circuits internes comme des circuits internationaux.
Au plan économique, la justification du protectionnisme reste
relativement critiquable, car seul l'argument du maintien du revenu et
de l'emploi paraît valide ; il n'est cependant acceptable qu'à la
condition que les firmes sachent profiter des profits induits par cette
politique pour investir dans de nouveaux produits ou se reconvertir dans
des activités à plus forte croissance. Seul le Japon semble avoir réussi
cette évolution au cours des cinq à dix dernières années (OCDE,
op. cit).
Trop souvent, les firmes se contentent de profiter des rentes de
situation ainsi créées, ce qui tend à une sclérose plus importante de
l'appareil productif et à un retard croissant au regard de la concurrence
internationale.
Au plan social, pour les pays en voie de développement ne
disposant pas de matière taxable suffisante, le protectionnisme permet le
financement des dépenses publiques au détriment des
consommateurs des classes privilégiées ou du reste du monde (en cas de taxes à
l'exportation lorsque les conditions du marché international le
permettent). Il y a donc redistribution entre groupes sociaux qui peut
justifier au plan éthique, sinon économique, cette politique : mais il s'agit
plus d'une facilité que d'une argumentation économique.

37
CONCLUSION :
LE PROTECTIONNISME, MESURE PEU EFFICACE

La présentation des limites théoriques qui viennent restreindre la


portée des mesures protectionnistes suffit à remettre en cause la
validité de cette politique, à l'exception toutefois de la théorie de la
protection effective. Celle-ci apparaît en effet 'comme un moyen efficace de
la politique industrielle, et, bien définie, peut venir renforcer les effets
de la spécialisation internationale et de la Division internationale des
processus productifs (B. Lassudrie-Duchêne [1982]), en stimulant la
reconversion de l'appareil industriel au profit des secteurs à forte
valeur ajoutée, important leurs inputs éventuellement produits à
l'extérieur par des filiales-ateliers (Michalet [1975]) : on débouche sur la
notion de spécialisation effective présentée par A. Cachin (in Bour-
guinat, éd. [1982]).
Au plan empirique, l'inefficacité du protectionnisme apparaît
pleinement dans les chiffres de rendement calculés à partir des données
de la Banque Mondiale (voir ci-dessus), ainsi que dans les évaluations
plus globales faites au plan macroéconomique. Les évaluations du coût
net du tarif (H. G. Johnson [1960], en particulier) montrent qu'il
apparaît faible, à cause de la compensation interne due aux effets
de redistribution entre groupes sociaux : les distorsions
supplémentaires introduites dans l'économie sont difficilement quantifiables et
grèvent encore le protectionnisme.
De nombreuses simulations des effets des réductions tarifaires (30 %
en moyenne) décidées dans le cadre du Tokyo Round ont été
présentées et nous permettent de déterminer a contrario l'efficacité du
protectionnisme 3. Nous pouvions conclure (Henner, Lafay [1980]) que
« dans l'ensemble, les réductions tarifaires ont un impact relativement
restreint » (p. 263) et que « l'impact des réductions tarifaires devient
pratiquement négligeable au plan de la croissance interne, tout au moins
si l'on se place à un niveau macroéconomique. L'effet sur l'emploi
dans chacun des pays est réduit à quelques milliers d'unités, ce qui est
sans commune mesure avec les taux de chômage actuellement
enregistrés » (p. 266). Nous pouvons en conclure que le protectionnisme
n'a pas permis une modification importante des structures économiques
des pays étudiés, du moins tant que les droits ne sont pas prohibitifs.

3. Pour une présentation critique de ces études et une extension des mesures
grâce au modèle Moïse, voir Henner, Lafay, Lassudrie-Duchêne [1977] et Henner,
Lafay [1980], ISMEA.

977
Revue économique

A cet échec, il faut rajouter le coût administratif de la protection et


les effets liés à la réduction de la concurrence, dont la moindre
stimulation à la recherche et au progrès technique.
Le protectionnisme peut donc être condamné tant au plan
théorique qu'au plan pratique, l'ouverture sur l'extérieur restant le meilleur
stimulant de l'appareil productif interne et de la concurrence, tout en
améliorant le bien-être du consommateur.

Henri-François HENNER
Chargé de Conférences
Faculté de Droit d'Orléans
Institut Orléanais de Finances
Faculté de Droit de Yaounde

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