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Hiba Touij
Youssef Goura
Sommaire :
1 Contexte :.......................................................................................................3
2 Les conséquences agricoles et alimentaires mondiales de l’agression
russe de l’Ukraine................................................................................................5
3 Problèmes de sécurité alimentaire en Ukraine...........................................9
4 Marché agricole mondial et sécurité alimentaire mondiale....................13
5 Propositions de la FAO relatives aux politiques......................................15
1 Contexte :
Aujourd’hui, la guerre en Ukraine et ses conséquences illustrent une nouvelle fois la fragilité
de nos systèmes agricoles et alimentaires mondialisés. A elles deux, la Russie et l’Ukraine
exportent 12% de toutes les calories échangées au niveau international. Ces deux pays
représentent 23% des exportations mondiales de blé (1 er et 5 e producteurs mondiaux), soit
7% de la consommation mondiale, ainsi que 16% des exportations mondiales de maïs grain,
ce qui représente 3% de la consommation mondiale. Ils participent également pour 73% des
échanges d’huile de tournesol (principalement en provenance de l’Ukraine). La Russie est le
premier exportateur mondial d’engrais, le 2 e exportateur mondial de pétrole, et le 1 er
exportateur mondial de gaz naturel. Le pays représente 10% des exportations mondiales
d’engrais azotés, 10% des exportations mondiales d’engrais phosphatés et 17% des
exportations mondiales d’engrais potassiques (33% si on ajoute la Biélorussie, également
visée par les sanctions étant donné son rôle de cobelligérant).
Toute déstabilisation des économies ukrainienne et russe a donc de fortes répercussions sur la
sécurité alimentaire mondiale, largement dépendante du prix des engrais de synthèse et des
énergies fossiles (pour fabriquer des engrais et pesticides, faire rouler les tracteurs, chauffer
les serres, etc.).
De plus, cette crise intervient dans un contexte politique et commercial complexe. Depuis
plusieurs années, la France est fortement concurrencée sur les marchés internationaux par les
productions céréalières de nombreux pays, dont l’Ukraine et la Russie, et s’inquiète de sa
perte de parts de marché à l’international - marchés qu’elle veut récupérer à tout prix. En
parallèle, alors que la transition agro écologique de nos agricultures est plus que jamais une
nécessité, les représentants de l’agriculture industrielle mènent une bataille féroce partout
dans le monde contre les rares avancées environnementales obtenues. Ce fut le cas par
exemple l’an dernier lors du sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, et c’est
le cas aujourd'hui dans le cadre du Pacte Vert européen (stratégie de la Ferme à la
Fourchette). Chaque nouvelle crise, chaque nouvelle déstabilisation du système agricole et
alimentaire mondial, est l’occasion de demander la fin des normes environnementales au nom
du “produire plus pour nourrir le monde”. Le tout alors que la pandémie Covid-19 a souligné
au contraire l’impérieuse nécessité pour chaque pays de développer sa propre souveraineté
alimentaire pour nourrir sa population et se prémunir contre les chocs économiques et
climatiques mondiaux.
Notre système agricole et alimentaire actuel est incapable de nourrir le monde et de rémunérer
correctement les agriculteurs et agricultrices qui sont, dans de très nombreux pays, les
premières victimes de l’insécurité alimentaire. Il n’est également pas en mesure de lutter
efficacement contre le dérèglement climatique (l’agriculture et l’alimentation sont
responsables du tiers des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique) et aggrave
fortement les dégradations environnementales (le changement d’affectation des terres, dû à
l’élevage en particulier, est le premier facteur mondial d’érosion de la biodiversité, et les
pesticides sont pointés du doigts comme une des causes principales d’effondrement de la
biodiversité). Cette situation structurelle compromet nos capacités actuelles et futures à
produire et à nous nourrir, en Europe comme ailleurs. Bien avant l'agression russe, le constat
quasi unanime de la communauté internationale était qu'il fallait transformer en profondeur
notre système agricole et alimentation mondialisé pour le rendre plus local, plus diversifié et
plus résilient. Autant d'éléments qu’il ne faut pas perdre de vue dans le contexte actuel de
crise alimentaire.
Côté ukrainien :
- Du fait des blocages de ports par la Russie, l'exportation de plusieurs millions
de tonnes de céréales ukrainiennes 1 est compromise depuis le début de
l’agression et l’exportation par voie terrestre est compliquée du fait des
combats et des besoins en essence, d’autant plus que la Russie cible désormais
les stocks de blé ukrainien.
- Du fait d’une cessation temporaire de l’ensemble des exportations
ukrainiennes de blé, de sucre et de viande (annoncé le 9 mars 2022 par le
gouvernement ukrainien, afin de pouvoir nourrir sa population par temps de
guerre).
Côté russe :
- Du fait des sanctions économiques qui, si elles épargnent pour le moment le
volet alimentaire, réduisent les capacités exportatrices de la Russie en
perturbant ses capacités logistiques.
- Du fait d’une volonté politique : la faim est une arme géopolitique que la
Russie utilise. Après avoir cessé tout export de céréales vers les ex pays de
l’URSS, elle surveille et limite actuellement ses exportations alimentaires à
destination des pays jugés “inamicaux”.
- Du fait des combats mais aussi des ruptures d’approvisionnement en engrais et en pesticides
de synthèse, les agriculteurs ukrainiens ne pourront pas semer ce printemps les productions
qu’ils devraient récolter dans les mois à venir. La FAO et le ministre de l’Agriculture
ukrainien annoncent ainsi une chute de 30% de la récolte de printemps 2022 par rapport à l’an
dernier.
- Cette dynamique de hausse des prix est largement due et amplifiée par une forte réaction
spéculative des marchés boursiers, dont profitent notamment nombre de spéculateurs privés et
les grandes entreprises de négoce de blé et de maïs.
- A ce jour, cette spéculation financière constitue le principal facteur de la flambée des prix
des céréales et provoque une forte volatilité des prix. La tonne de blé oscille ainsi depuis le
début du conflit entre 200 et 440 euros, dépassant à plusieurs reprises ses plus hauts niveaux
en 14 ans (avec pour le moment un record absolu le lundi 16 mai 2022 avec une tonne de blé
s'échangeant à 438,25 euros). Les prix du maïs atteignent leur plus haut niveau historique. Il y
a une corrélation directe entre les achats/ventes de spéculateurs privés et les pics observés sur
les cours mondiaux du maïs et du blé.
- Les prix du gaz sont eux sur une pente clairement ascendante depuis l’agression russe
(+69% en trois mois).
- Cela a des impacts directs sur les capacités de production agricole de nombreux pays
dépendant de ces énergies : du pétrole pour faire tourner les machines agricoles, mais aussi du
gaz pour le séchage de céréales destinées aux éleveurs ou encore pour la transformation des
matières premières (production de poudre de lait ou de sucreries, par exemple). Cette
augmentation des prix de l’énergie touche donc directement les producteurs comme les
transformateurs.
- Cette guerre a accentué une tendance haussière préexistante du prix des engrais en
raison de l’arrêt des exportations d’engrais russes (qui représentent 15% du marché mondial
des engrais azotés) qui a réduit l’offre mondial et fait augmenter les prix en conséquence. En
mars 2022, le prix de certains engrais pouvaient ainsi atteindre 3 à 4 fois celui de janvier
2021.
- Les productions d’engrais des autres pays ne peuvent pour l’instant pas compenser la baisse
de l’offre due à la fin des exportations russes, car les coûts de production ont augmenté avec
la hausse des prix de l’énergie.
- En conséquence, certains pays (Etats-Unis, Brésil notamment) ont décidé de renforcer leurs
productions nationales (plan de 250 millions de dollars d’investissements aux Etats-Unis par
exemple).
Partout dans le monde, les coûts de production des agriculteurs et des éleveurs
s’accroissent :
- Du fait de la hausse des prix en engrais, qui touche notamment les céréaliers.
- Du fait de la hausse des prix de l’énergie, qui touche l’ensemble des producteurs et éleveurs.
Les systèmes de production les plus énergivores peuvent être particulièrement touchés : en
France, cela a été par exemple le cas des producteurs de tomates sous serres chauffées en
hiver.
- Du fait de la hausse du prix des céréales, qui impacte directement les coûts de production de
nombreux éleveurs et en particulier ceux de volailles, porcs et bovins lait, dépendants de la
consommation de céréales pour nourrir leurs animaux. La hausse du prix de cette alimentation
animale (qu’elle soit produite localement ou importée) entraîne donc une baisse directe des
revenus des éleveurs.
- Certains fabricants d’engrais, en situation d’oligopole sur le marché mondial, peuvent par
ailleurs stopper de manière unilatérale leurs productions en raison des coûts du gaz. C’est
notamment le cas de Yarra, premier fabricant d’engrais minéral au monde, qui a arrêté
pendant 3 semaines en mars sa fabrication d’engrais dans les usines du Havre et de Ferrare
(Italie). Ces arrêts peuvent avoir des effets amplificateurs et alimenter les tensions sur les prix
internationaux des engrais.
- Face aux prix record du blé, certains agriculteurs réorientent leurs cultures vers la production
de cette céréale. C’est par exemple le cas des agriculteurs canadiens qui délaissent entre autres
les cultures de graines de moutarde pour se tourner vers le blé. Si cette réorientation des
cultures peut s’avérer rentable pour les agriculteurs concernés, elle va bouleverser les
équilibres mondiaux sur d’autres denrées alimentaires et accentuer la hausse des prix sur ces
dernières.
Le spectre des émeutes de la faim de 2009 n’a donc jamais été aussi proche. Loin de se
réduire à une flambée des prix de certaines céréales, l’agression russe de l’Ukraine
bouleverse l'entièreté des marchés agricoles et alimentaires internationaux et va
provoquer par répercussions dans les mois à venir une flambée de l’ensemble des prix
alimentaires mondiaux :
- Touchant toutes les denrées alimentaires, elle aura des impacts bien plus marqués et
dévastateurs que la hausse des seuls prix du blé ou du maïs.
- En mai 2022, les prix alimentaires internationaux avaient ainsi déjà bondi de 16,9% depuis
le début du conflit. Certains prix, comme celui des huiles végétales (+ 28% entre janvier et
mars 2022) ont déjà dépassé leurs plus hauts seuils historiques et la FAO s’attend à de plus
grandes hausses à venir. - Dans un contexte de prix alimentaires déjà très élevés depuis deux
ans et de précarité économique marquée en sortie de pandémie, cette flambée des prix va
avoir des impacts désastreux sur les populations les plus pauvres.
Environ 27 pour cent des oblasts ayant répondu à l’enquête et dans lesquels se
déroulent des opérations militaires ainsi que ceux qui accueillent le plus de personnes
déplacées à l’intérieur du pays connaissent des problèmes immédiats d’insécurité
alimentaire.
Dans les oblasts accueillant un nombre important de déplacés, 20 pour cent des
familles d’accueil n’ont pas assez d’argent pour assurer leurs besoins alimentaires de
base et, en moyenne, 80 pour cent d’entre elles ont recours à divers expédients pour
s’en sortir. Le cheptel de petits animaux d’élevage est en diminution dans 50 pour cent
des oblasts; ce pourcentage est de 25 pour cent en ce qui concerne les grands
ruminants.
L’Ukraine ayant eu une bonne récolte en 2021, certaines familles rurales peuvent
vraisemblablement disposer de réserves de nourriture et/ou de ressources financières
supérieures à la moyenne, ce qui leur donne probablement une certaine marge
d’autonomie à l’heure où le conflit vient déstabiliser leurs moyens de subsistance et
leurs sources de revenu. Cependant, si la guerre se poursuit et s’étend, la sécurité
alimentaire est mise en péril jusqu’à ce que les prochaines récoltes remplissent les
greniers l’été prochain, en supposant que les semis aient pu avoir lieu. Pour les
ménages ruraux n’ayant pas de troupeaux ni d’autres ressources, ou exploitant de
petites parcelles, ou n’ayant personne en son sein qui ait un rôle
de soutien grâce à une activité rémunératrice régulière, la situation en terme de
sécurité alimentaire sera beaucoup plus précaire.
La FAO avait déjà une forte présence dans le pays, avec 81 fonctionnaires. Ses activités
étaient principalement tournées vers l’aide au développement, mais une partie du personnel
intervenait également dans l’est de l’Ukraine pour coordonner les efforts de redressement.
Depuis que la guerre a débuté, la FAO a revu son programme pour l’axer sur les interventions
humanitaires; son personnel se trouvant désormais dans des zones relativement plus sûres,
l’Organisation a déployé 12 spécialistes humanitaires supplémentaires pour soutenir
l’intensification des activités.
Dans le cadre de l’appel éclair lancé le 1er mars 2022 par l’Organisation des Nations Unies
(ONU), la FAO a mis sur pied un plan d’intervention rapide nécessitant l’injection de 50
millions d’USD pour venir en aide à quelque 100 000 exploitations familiales vulnérables
(soit 240 000 personnes) en vue de la campagne agricole printanière qui approche.
Le 19 avril 2022, dans le cadre de la révision de l’appel éclair lancé au niveau des Nations
Unies, la FAO a actualisé son plan d’intervention rapide pour l’Ukraine, qui vise à obtenir
115,4 millions d’USD pour porter assistance à 979 320 personnes dans les zones rurales.
Environ 9 pour cent des sommes nécessaires (10,7 millions d’USD) ont été reçues jusqu’à
présent, ce qui permet d’aider quelque 71 000 personnes.
Dans le cadre de ses interventions, la FAO met à profit l’expérience qu’elle a récemment
acquise dans le domaine des transferts monétaires en Ukraine et s’appuie également sur les
pratiques optimales développées dans d’autres contextes, en particulier ceux où l’Organisation
mène déjà de vastes opérations. La planification des interventions de la FAO au-delà de
l’appel éclair et l’examen des besoins dans la perspective du redressement du système
agroalimentaire ont été amorcés, à la faveur de discussions avec le Ministère de la politique
agraire et de l’alimentation.
La FAO continuera à suivre de près la situation, aux côtés du Ministère de la politique agraire
et de l’alimentation et des partenaires du module d’action groupée.
La forte concentration des exportations qui caractérise les marchés de denrées alimentaires se
retrouve également dans le secteur des engrais, dont la Fédération de Russie est l’un des
principaux fournisseurs. En 2021, le pays se classait ainsi respectivement aux première,
deuxième et troisième places des exportateurs d’engrais à l’azote (N), d’engrais au potassium
(K) et d’engrais au phosphore (P).
Face à cette situation, les pays qui dépendent fortement de la Fédération de Russie et de
l’Ukraine pour leurs approvisionnements en produits alimentaires et en engrais essentiels
devront élaborer des plans de continuité pour parer à l’éventualité d’une rupture de l’offre, en
prévoyant entre autres de s’approvisionner auprès d’autres pays, en espérant que ceux-ci
pourront s’adapter rapidement pour répondre à la demande.
La FAO a proposé de créer un mécanisme pour aider les importateurs nets de denrées
alimentaires pauvres à accéder aux marchés alimentaires internationaux. Ce mécanisme serait
réservé aux importateurs nets de denrées alimentaires classés par la Banque mondiale dans le
groupe des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire inférieur, et leur apporterait du
crédit pour acheter des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux. Les pays bénéficiaires
s’engageraient à investir dans une productivité agricole durable, et auraient donc moins besoin
d’importer des denrées alimentaires à l’avenir (facteur de stabilisation automatique). Le
Mécanisme a déjà été soumis à des tests de résistance. Les effets endogènes – ou de distorsion
– sur les prix des marchés mondiaux ne dépasseraient pas 15 à 20 pour cent au maximum,
même au degré d’utilisation maximal du Mécanisme (25,3 milliards d’USD). Mais le FIFF
garantirait la sécurité alimentaire de 15 millions de personnes au maximum14, ce qui éviterait
aux ménages de devoir réduire leurs dépenses pour d’autres biens et services essentiels, tels
que la santé et l’éducation.
Renforcer la protection sociale au bénéfice de la sécurité alimentaire et de la
nutrition:
La crise ukrainienne qui a commencé le 24 février n’a pas seulement donné lieu à une crise
humanitaire sans précédent, elle annonce également une aggravation de l’insécurité
alimentaire dans des pays qui peuvent être proches ou éloignés du lieu du conflit. Il faudrait
des interventions de nature humanitaire et de protection sociale pour amortir l’impact négatif
de ces phénomènes sur la sécurité alimentaire et les conditions de nutrition des Ukrainiens
touchés par la guerre ainsi que des groupes vulnérables sur le plan nutritionnel vivant dans des
pays importateurs de produits alimentaires, en particulier en Afrique du Nord, de l’Est et de
l’Ouest et en Asie occidentale et centrale. Compte tenu des multiples ramifications du conflit,
la FAO a trouvé trois moyens par lesquels la protection sociale peut contribuer à remédier à la
crise actuelle et à ses conséquences. Ces interventions doivent dans tous les cas tenir compte
des questions de genre et permettre aux personnes âgées et aux personnes ayant un handicap
d’avoir accès à l’assistance dont elles ont besoin. Il s’agit de:
Alors que la guerre se poursuit et que l’issue du conflit est encore floue, l’étendue des dégâts
causés au secteur agricole est déjà manifestement sans précédent. Il est urgent de mettre en
œuvre des plans de reconstruction et de redressement de l’agriculture ukrainienne afin
d’alléger les effets de la guerre dans le pays et au plan international. Les dommages
provoqués par la guerre à un pays à la production agricole et aux exportations aussi
importantes que celles de l’Ukraine sont sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Le montant total du stock de capital dans l’agriculture ukrainienne (y compris les secteurs en
amont et en aval) est de 29 milliards d’USD selon les estimations. Les dommages directs
potentiels aux biens de production agricoles peuvent être estimés de manière préliminaire à
6,4 milliards d’USD (ce chiffre comprend les ouvrages d’irrigation, les dispositifs de
stockage, les machines et autres équipements agricoles, l’infrastructure portuaire, les serres,
les cultures, le cheptel vif et les installations de transformation). On estime que les pertes
économiques additionnelles imputables à la guerre en 2022 pourraient s’élever à quelque 22
milliards d’USD. Les plans de reconstruction et d’investissement dans le domaine de
l’agriculture devraient revêtir une importance critique s’agissant d’atténuer les effets de la
guerre aux niveaux local et mondial. La FAO œuvrera en étroite liaison avec des partenaires
financiers et investisseurs, comme la Banque mondiale et la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement, qui ont déjà annoncé qu’elles verseraient respectivement
3 et 2 milliards d’USD pour le relèvement de l’Ukraine. Toutefois, les investissements
nécessaires à la reprise économique seront bien entendu nettement supérieurs à ces sommes
initiales, qui ne concernent que l’agriculture et le secteur agroalimentaire. Il est encore tôt
pour entreprendre de mettre au point des plans d’investissement, compte tenu l’ampleur de la
guerre et son impact sur un système alimentaire complexe tel que celui de l’Ukraine, mais on
peut envisager en tout cas qu’un plan de redressement agricole consécutif au conflit devrait
vraisemblablement comporter les principaux volets suivants: appui aux ménages, aux revenus
et à la sécurité alimentaire dans les zones rurales; soutien aux agriculteurs par des liquidités et
l’accès à des dispositifs financiers; déminage; soutien à l’approvisionnement en intrants
essentiels, à la production nationale de semences et à l’élevage; versement de compensations
pour les biens perdus; et soutien de l’accès aux marchés d’exportation.
Santé animale :
Bien qu’il soit devenu évident que les conséquences du conflit en cours pouvaient être
considérables, il n’en est pas moins nécessaire d’établir des éléments de preuve afin d’en
évaluer les impacts sur la sécurité alimentaire. Il est essentiel d’avoir des informations
détaillées sur la situation dans différentes zones géographiques et groupes de population au
niveau infranational afin de guider les pays pour qu’ils engagent des mesures efficaces. Afin
de combler le manque d’information et de guider les interventions, la FAO propose un
programme de travail qui contribuera à évaluer l’impact de la crise russo-ukrainienne sur
l’accès aux aliments des personnes vivant dans des pays particulièrement vulnérables aux
conséquences probables de la guerre. L’objectif visé serait d’évaluer l’insécurité alimentaire
en 2022-2023 aux niveaux national et infranational au moyen de l’échelle de mesure de
l’insécurité alimentaire vécue (FIES) dans 50 pays vulnérables à la crise.
Le but général du programme est de produire des statistiques sur la sécurité alimentaire ou de
les affiner, afin de les utiliser pour les cadres de suivi, les systèmes de classement et les
évaluations des suivis et évaluations, en vue de guider les politiques et les interventions.
Concernant les activités, le travail se concentrera sur les aspects suivants: collecte de données,
analyse des données et appui technique et diffusion et communication des résultats pour
guider les mesures.
Utiliser les cartes des sols pour promouvoir une utilisation efficiente des engrais :
Cette proposition a pour objet de répondre à la réduction attendue de l’emploi d’engrais, en
particulièrement dans les pays les plus pauvres, en raison de la hausse des prix de ces intrants,
notamment compte tenu des restrictions à l’exportation imposées par la Fédération de Russie,
qui le principal exportateur d’engrais azotés (N), le deuxième fournisseur d’engrais
phosphatés (P) et le troisième plus gros exportateur d’engrais potassiques (K) au niveau
mondial. Les agriculteurs peuvent utiliser les engrais de manière plus efficace afin de pallier
les hausses rapides des prix. Les producteurs éthiopiens ont réussi, grâce à des cartes
pédologiques, à établir quels seraient les meilleures combinaisons en mélangeant des engrais à
base d’azote, de phosphore et de potassium pour leurs parcelles, et ainsi à réduire les volumes
utilisés tout en optimisant les rendements. Cette approche devrait être adoptée par tous les
pays. Des informations détaillées sur les types de sols et leur répartition spatiale sont
essentielles pour promouvoir une agriculture durable et une utilisation précise – en termes de
quantité, d’espace et de temps – des intrants. En particulier, l’obtention d’informations
précises et actualisées sur les caractéristiques des sols permet de mieux gérer les sols selon
leur fertilité, pour une meilleure productivité et durabilité, et aussi d’utiliser moins d’engrais.
L’initiative qui est proposée a pour objet de créer une base de données nationale autonome à
gestion étatique, destinée à devenir un bien public à l’usage des responsables politiques, du
secteur privé et des agriculteurs. L’objectif est de publier des informations sur toutes les zones
du territoire national pour lesquelles on dispose de données pédologiques. Il s’agit en outre de
fournir au service des petits exploitants un système de conseil et d’information sur la gestion
des sols qui soit précis afin d’améliorer l’efficacité et la productivité, et, partant, les
rendements agricoles.