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De l’hystérie à la révolte

L’observation médico-pédagogique des jeunes délinquantes en Belgique (1912-1965)

David Niget

Appréhendée en 1949 après l’arrestation d’une bande de jeunes cambrioleurs, Juliette,


16 ans, est une « entôleuse ». Elle attire dans les ruelles sombres des hommes rencontrés en
ville, pour les dépouiller de leurs biens en compagnie de ses complices. La brutalité de ces jeunes
est décrite comme « sauvage » par la presse qui relate l’événement ; un homme est « laissé pour
mort sur le pavé ». Juliette, dont le comportement violent suscite l’émoi du juge des enfants de
Bruxelles, est envoyée à Saint Servais, près de Namur, dans un Établissement d’observation de
l’État. Là, sept mois durant, elle subit une expertise médico-pédagogique. Je n’ai de la charité
que pour moi-même et pour ceux que j’aime, explique-t-elle froidement à l’éducatrice. Cette
dernière reconnaît que Juliette « a eu une enfance malheureuse, connaissant la faim [et] les
coups », oubliant « dans la danse et les plaisirs, ses peines ». Victime de son milieu social, Juliette
est diagnostiquée par le médecin-psychiatre et la psychologue comme « anti-sociale » et
« paranoïaque », manifestant le « besoin de rejeter toute autorité, de s’affirmer »1.
Ce fait divers relève de phénomènes sociaux spécifiques à l’expérience de la violence
chez les jeunes filles des classes populaires dans l’après-guerre : désaffiliation familiale et
socialisation au sein d’un groupe de pairs, violences subies dans l’enfance, expérience corporelle
de la séduction et de la violence des coups, confrontation avec les institutions de contrôle social
et enfermement. En outre, il témoigne de la mise en forme d’un problème social par les discours
médiatiques et experts : sauvagerie d’une violence non conforme à l’identité de genre (Davies,
1999), amoralité sexuelle, et, in fine, psychopathologie qui délégitiment l’affirmation identitaire
de la jeune fille refusant la domination sociale et de genre dont elle est l’objet.
3En effet, la violence féminine a longtemps été occultée dans les discours par les usages
masculins de la force, associés à la virilité. Ces représentations s'avèrent particulièrement
prégnantes s’agissant des jeunes : alors que la brutalité paraît être constitutive d’une
masculinité en construction et par là même normalisée (Grant, 2004) la violence des jeunes filles
reste impensable, secrète, ou symptomatique de leur état pathologique. Jusqu’à l'irruption des
sciences du psychisme dans le champ judiciaire, les jeunes filles n’étaient que très rarement
appréhendées pour leur violence, ce qui atteste de leur difficile accès à l’espace public (Odem,
1995).
Au début du XXe siècle, dans le sillage de la « défense sociale », nouvelle doctrine
pénologique très influente en Belgique, la justice des mineurs fait appel aux sciences du
psychisme pour prendre en charge la jeunesse à risque. Introduisant un bouleversement
complet de l’étiologie de la déviance, cette nouvelle approche préventive requalifie la notion de
danger en dangerosité. L’entrée en scène des institutions d’ « observation médico-
pédagogique », chargées d’évaluer l’éducabilité des jeunes délinquants, suscite une nouvelle
perception de la violence féminine, qui s’incarne désormais dans la catégorie des « troubles du
comportement ».
Cet article entend se pencher sur deux questions principales :
▪ Comment la violence féminine juvénile est-elle réifiée et caractérisée par les
technologies de l’expertise ? Est-elle catalysée par le dispositif institutionnel
d’observation ?
▪ Considérant que l’expression de cette violence relève de rapports de pouvoir,
dans quelle mesure cette violence témoigne-t-elle des résistances des jeunes
filles envers l’autorité savante et institutionnelle ?
L’étude des archives de l’institution publique d’observation de Saint-Servais près de
Namur, révèle le caractère très normatif de ces institutions stigmatisant le genre et la classe
sociale des jeunes placées sous la toise des experts de la personnalité. Les rapports médico-
pédagogiques transmis au juge des enfants sont le résultat d’un travail de remise en ordre des
notes d’observation, des résultats aux tests, de l’enquête sociale, des examens médicaux, mise
en forme qui doit aussi faire sens au regard de l’histoire judiciaire souvent longue de la jeune
fille sous observation. Cette mise en récit en dit autant de l’observé que de l’observant. Par la
sélection, la troncature, l’interprétation de signes comme des symptômes, et enfin
l’ordonnancement causal, fondé sur des techniques d’écriture narrative, l’expertise médico-
pédagogique ne trahit pas seulement ses catégories de pensées, elle fabrique des cas (Tice,
1998). Cette démarche de prélèvement de l’information sur les biographies des jeunes est
constitutive du savoir accumulatif des experts, savoir qui s’applique ensuite comme un pouvoir
sur les jeunes (Foucault, 1994). Ce paradigme de la gouvernementalité, que Michel Foucault
énonce comme la mise en forme des risques sociaux dans l’entreprise de conduite des conduites,
éclaire d’un jour critique le rôle de l’expertise des sciences du psychisme dans les sociétés
contemporaines (Foucault, 1980 ; Rose, 1999). Mais il convient également, pour l’historien, de
déceler derrière ces cas, l’expérience sociale et la capacité d’action des jeunes filles insoumises,
en s’appuyant sur les théories féministes et matérialistes, qui ont permis de penser les formes
de résistance dans des contextes d’oppression de genre et de classe (Gordon, 1986).
Cette étude porte sur l’expertise médico-pédagogique au sein de la justice des mineurs
belge de 1912 à 1965, première séquence d’une législation de protection de la jeunesse qui
consacre l’autonomie du juge des enfants dans le champ pénal, sans pour autant lui conférer
d’attributions en matière de droit civil. Nous évoquerons la constitution d’un corpus doctrinal
pénologique et scientifique redéfinissant la dangerosité féminine, qui donne naissance à la
pratique de l’observation médico-pédagogique dans l’entre-deux-guerres, entre médicalisation
de la délinquance juvénile et persistance d’une morale disciplinaire. Après-guerre, l’avènement
de la psychologie place la compréhension et la constitution du sujet au cœur de son entreprise,
suscitant des résistances à cette technologie du soi (Burchell, 1996) chez les jeunes filles, entre
violence manifeste et fureur intérieure. Si l’étiologie de l’expertise persiste à identifier dans la
sexualité et la corporéité la source des pathologies, l’intelligence et les dispositions psychiques
deviennent également déterminantes. La violence est aussi décrite comme un symptôme social,
selon un nouvel agencement entre hérédité et environnement. Enfin, la révolution
psychopharmacologique de la fin des années cinquante suscite un retour à la régulation
médicale des comportements déviants.

Méthodologie

▪ 2 Archives de l’État à Namur. Archives de l’Institution publique de protection de la jeunesse de


Sain (...)
Ce travail repose sur l’exploitation des archives de l’Institution publique de protection de la
jeunesse (IPPJ) de Saint–Servais2, unique institution publique belge à procéder, sur la période
étudiée (1912-1965), à l’observation médico-pédagogique des mineures de justice. Outre les
documents administratifs généraux (rapports annuels, états statistiques de la population…),
ainsi que la documentation relative à la méthodologie des tests psychométriques, nous avons
exploité les registres d’entrée et de sortie, ainsi que les dossiers individuels d’observation. Ces
derniers sont des documents complexes et relativement volumineux, comportant à la fois des
documents relatifs à l’enquête judiciaire - qui inclut une enquête sociale -, des documents
concernant les placements institutionnels successifs des mineures, puis les documents propres
à l’observation : tests, questionnaires, examens médicaux, comptes rendus d’entretiens avec le
personnel, notes des éducatrices, correspondance personnelle des mineures saisie ou transcrite
par les soins de l’institution, et enfin, pièce maîtresse de synthèse, le(s) rapport(s) d’observation
transmis au juge des enfants. Notre échantillon qualitatif est constitué de l’ensemble des
dossiers de jeunes filles nées en 1933 - les plus anciens conservés - et 1938, soit environ 3 mètres
linéaires d’archives. Ces dossiers concernent des jeunes filles âgées de 12 à 21 ans, dont les
années de séjour dans l’institution s’étalent de 1945 à 1959. Enfin, sont conservés dans les
archives de Saint-Servais les mémoires de travail social des éducatrices de l’institution, qui
représentent un observatoire de premier ordre pour analyser l’articulation entre pratiques de
terrain et outillage conceptuel issu des sciences sociales, psychologiques et médico-
psychiatriques mobilisé par les intervenant(e)s.

La dangerosité féminine au prisme d’une nouvelle rationalité socio-pénale

▪ 3 Médecine et psychiatrie infanto-juvénile, mais aussi pédagogie, psychopédagogie, psychotechnique, o (...)

La fin du XIXe et le début du XXe siècle est une période marquée par le développement de
nouvelles disciplines scientifiques étudiant l’individu criminel : l’anthropologie criminelle et la
criminologie, provoquant une véritable révolution pénale. Après avoir été longtemps écartée de
la rationalité pénale, l’enfance devient alors un paradigme de ces nouvelles politiques, lesquelles
se veulent de plus en plus « préventives » en investissant les ressorts de la socialité. En Belgique,
ce mouvement de socialisation du droit est incarné par la doctrine de la défense sociale (Prins,
1910). Selon cette approche, la jeunesse délinquante et l’enfance en danger apparaissent
comme des catégories jumelles, car la responsabilité pénale s’estompe devant la nécessité de
gouvernement des risques sociaux (Ewald, 1986). De ce fait, la loi belge du 15 mai 1912 efface
la distinction ancienne entre enfant victime et enfant coupable, au profit d’une évaluation de la
dangerosité des situations sociales et d’un diagnostic individuel sur l’éducabilité de l’enfant.
Conjuguée aux politiques sociales en plein essor d’une part et aux progrès des sciences de
l’enfant3 d’autre part, la loi énonce des principes d’intervention nouveaux : elle impose l’étude
préalable du milieu et de la personnalité du mineur, à l’aide de l’enquête sociale et
éventuellement de l’examen médico-psychologique, de manière à établir un diagnostic, mais
aussi un pronostic au sujet de l’enfant.
Cette attention portée par la doctrine de la défense sociale à l’individu plus qu’aux faits
commis comporte explicitement une dimension prophylactique, et par là même, prophétique :
il s’agit non plus de se prémunir contre un danger objectif, mais bien contre la dangerosité d’un
individu, cette dernière était inscrite dans l’hérédité ou le milieu du mineur déviant. La notion
même de violence est affectée par ce nouveau gouvernement du risque (Cauchie, Chantraine,
2006), et ce de trois manières. Tout d’abord, dans sa temporalité : la violence réside désormais
beaucoup plus dans la menace que dans la matérialité de ses occurrences. Ensuite, dans sa
généalogie : la violence ne relève plus du comportement individuel, mais est endogame, voire
atavique. Enfin, dans sa définition même : la violence ne se définit plus seulement par son
intensité, mais par le statut de son auteur : précocité, répétition, perversité ; peu importe si les
faits reprochés sont tout à faits mineurs.
Déplaçant le regard de l’espace public vers la sphère privée, la figure de l’enfant
incorrigible remplace celle de l’émeutier (Niget, 2008). En outre, la dimension prophylactique
de la défense sociale, son attention portée à l’individu, l’investissement des ressorts de
l’institution familiale, la volonté d’agir sur le corps social et sur les générations affectent la
définition genrée de la délinquance et de la violence. Les jeunes filles sont désormais sous l’œil
de la justice et de ses experts ; leur incorrigibilité, si elle reste nimbée du soupçon sexuel, se
teinte aussi d’insoumission et de rébellion. In fine, leur statut de future mère, et bientôt de
nouvelle citoyenne, invite les élites à discipliner leur comportement (Rose, 1998).
Outil de la défense sociale, l’approche médico-pédagogique s’incarne alors dans la pratique de
l’ « observation » et de l’expérimentation scientifique. Le jeune prévenu sera observé (...) à tous
les instants de sa vie journalière, et à son insu, en classe, au réfectoire, au travail, au jeu, au
dortoir, explique le juge des enfants de Bruxelles4. Cette technique d’analyse puise dans la
méthodologie des sciences naturelles, à l’instar de la médecine clinique depuis le XVIIIe siècle,
consacrant ainsi la souveraineté du regard (Foucault, 1963 ; Richardson, 1989). Mais
contrairement au regard neutre du naturaliste, l’observation médico-pédagogique traque le
déviant, l’irrégulier, selon une démarche calculatrice ne visant pas seulement à la description
mais aussi à la conjecture sur le devenir de l’enfant.

▪ 4 Wets Paul, dans le Bulletin international de protection de l'enfance, 1928, 620, cité par Velge (19 (...)

Comme en sciences naturelles, à l’observation succède l’expérimentation. Au regard


global sur l’individu se superposent, au début du XXe siècle, des techniques d’identification et de
mesure sérielles, déclinant ce regard selon des tests psycho-techniques pointus visant à mesurer
les étapes du développement et à les référer à une norme. La première version de l’« échelle
métrique de l'intelligence » paraît en 1905, et sera remaniée tout au long du siècle par de
nombreux psychologues et pédagogues (Ohayon, Carroy, Plas, 2006 ; Pâquet, Boivin, 2007).
L’enfant apparaît comme une cible privilégiée de cette démarche. Cet être encore vierge offre à
la science du comportement un terrain d’expérimentation fascinant, jugé suffisamment naïf
pour rester transparent face au regard de l’expert. L’enfant est aussi une chair malléable qu’un
traitement médico-social approprié pourrait encore ramener à la rectitude. Les résistances à ce
dévoilement, manifesté notamment par les adolescent(e)s plus âgé(e)s, sont interprétées
comme de l’insoumission plus que comme un échec méthodologique des techniques
d’observation (Tanenhaus, 2004, 130).
Depuis la fin du XIXe siècle, les sciences de l’enfant et de l’adolescent sont en plein essor.
A la suite des travaux fondateurs d’Alfred Binet en France ou d’Edouard Claparède en Suisse,
Ovide Decroly ouvre à Bruxelles des classes spéciales pour enfants « anormaux », véritable
modèle européen. Il étend ensuite son expertise aux enfants de justice (Ruchat, 2003). La
Belgique occupe alors une position d’interface entre influences francophones et anglophones
dans le champ, en cours de renouvellement, de l’expertise sur l’enfance « irrégulière »
(Vervaeck, 1936).
Si, dans le sillage de l’américain William Healy, plusieurs de ces travaux font état d’une
approche beaucoup plus compréhensive de la délinquance juvénile, les études spécialisées sur
la délinquance féminine font encore preuve d’un grand déterminisme (Cox, 2002 ; Lunbeck,
1995). Les études, influentes en Belgique et en France, de Sheldon et Eleanor Glueck, qui
publient en 1934, Five Hundred Delinquent Women et One Thousand Juvenile Delinquents,
témoignent certes d’une volonté de sophistication méthodologique, mais révèlent néanmoins
un discours fortement genré et stigmatisant à l’égard des jeunes filles. Considérées comme
novatrices, ces études très empiriques, présentant un vaste corpus de données collectées dans
les prisons et écoles de réforme du Massachussetts, entendent donner une base statistique à la
démarche de prédiction du récidivisme et du meilleur traitement, selon des méthodes
actuarielles (Glueck, Glueck, 1934a, 241). Malgré ces préventions méthodologiques, les jeunes
femmes y sont présentées comme socialement dangereuses, [with] early signs of such antisocial
traits of character and behaviour (Glueck, Glueck, 1934a, 86).
Ainsi, la convergence d’une nouvelle rationalité pénale, celle de la défense sociale, et
des sciences de l’enfant donne naissance à un nouveau champ d’intervention, à la jonction du
pénal et du social, qui contribue à redéfinir les cibles mêmes de l’intervention judiciaire : les
comportements violents, même anodins, et les jeunes filles, qui ne bénéficient plus de la
traditionnelle indulgence judiciaire. La part des filles traduites en justice est en effet plus
importante que celle les femmes devant les tribunaux correctionnels, et les mesures judiciaires
sont plus sévères pour les filles que pour les garçons, avec un recours plus fréquent au
placement en institution (François, 2008b, 23-24, 56-61 ; Myers, 2006).

Entre science et morale : violence institutionnelle et incorporation disciplinaire

▪ 5 Loi du 15 mai 1912, chapitre II, « Des mesures à prendre à l’égard des enfants », articles 21 & 39.

Sous cette influence, la pratique de l’observation médicale et psychiatrique des jeunes


délinquants est précoce en Belgique. Le Règlement des écoles de bienfaisance de 1909 introduit
cet examen, qui est repris dans la loi de protection de l’enfance de 19125. Les établissements
publics d’observation de Mol, créé pour les garçons en 1913, et de Saint-Servais, dédié aux filles
à sa création en 1919, sont spécialement bâtis à cette fin, et deviennent très vite des modèles
européens, accueillant de nombreux visiteurs étrangers. Les institutions privées ne tardent pas
à venir épauler les établissements publics et s’intéressent plus particulièrement à la prise en
charge des filles.

▪ 6 Les « homes » sont des institutions d’accueil réduites, privées, et qui ont tendance à se spécialis (...)

En effet, la question de l’indiscipline prend une part de plus en plus importante dans
l’activité du juge des enfants, lequel est plus souvent saisi, en ce qui concerne les filles, par les
parents eux-mêmes (De Koster, 2003, 100). Dès lors, l’envoi temporaire dans ce type
d’institution offrant un répit à la fois à la famille et au juge, apparaît d’une part comme une
mesure d’évaluation individuelle et d’autre part comme une sanction. Il s’agit tout autant de
mesurer l’éducabilité de la jeune prévenue que de la soumettre à une discipline institutionnelle,
afin de neutraliser la révolte qu’elle a manifestée à l’égard de l’ordre familial. Mais l’observation
devient aussi un outil de gestion des filières institutionnelles (on parle de « triage »). Lorsque le
retour en famille est jugé inapproprié, il existe une gradation informelle entre institutions
privées et publiques, selon la dangerosité supposée des jeunes délinquantes. Si les jeunes filles
bien disposées peuvent être confiées aux Bon Pasteurs, voire aux « homes » familiaux6, les plus
récalcitrantes sont soit maintenues à Saint-Servais, qui comporte une École d’éducation de
l’État, soit transférées à Bruges, qui ouvre une section disciplinaire en 1922 (Massin, 2009).
Au sein de la justice des mineurs, cette pratique de l’observation n’est pas marginale : à
partir des années 1920 et jusqu’en 1965, date de la refonte de la législation, le nombre de jeunes
filles envoyées en observation chaque année oscille entre 150 et 200 pour la seule institution
publique de Saint-Servais, et de 300 à 600 si l’on inclut les institutions privées, ce qui représente,
après une phase de mise en place des institutions dans les années 1920, de 40 à 60 % du nombre
de jugements annuels prononcés à l’égard des filles. Ce ratio faiblit au début des années 1960,
en raison de l’augmentation rapide du nombre de jugements rendus par la justice des mineurs,
qui fait désormais appel à des consultations de jour. Même si toutes les jeunes filles n’entrent
pas en observation du fait d’une décision du juge, mais également à la demande de
l’administration qui y est contrainte à chaque transfert institutionnel, il est intéressant de
constater que le rapport du nombre de filles observées sur celui des filles jugées est plus
important que pour les garçons. Si la justice intervient moins fréquemment à leur égard, puisque
la part de filles signalées au Parquet entre 1913 et 1965 oscille entre 20 et 35% des affaires
(François, 2008b, 23-24), l’expertise est en revanche plus souvent sollicitée dans le cas des filles.
Leurs comportements déviants présentent plus fréquemment des symptômes psychiques aux
yeux des intervenants.

Ratio entre le nombre de mises en observation et le nombre de mineur(e)s jugé(e)s (établissements publics et
privés).

Agrandir Original (png, 100k)


Source : Statistique judiciaire de la Belgique (1913-1965). Tableau « Mouvement de la population dans les établissements
d’observation ».

▪ 7 À Sainte Marguerite de Cortonne, à Anvers, on pratique des tests psychotechniques dès l’entre-deux- (...)
La première époque de l’observation à Saint-Servais est marquée par une médicalisation
croissante des pratiques éducatives à l’égard des jeunes filles « irrégulières », une évaluation
des acquis scolaires et le maintien d’une appréciation morale des comportements. On y refuse
la technicité des tests psychotechniques, au contraire de certaines institutions privées7. Au
regard des innovations scientifiques réservées aux garçons dans l’établissement de Mol, où l’on
met en œuvre très tôt nombre de techniques de tests et d’entretiens (Rouvroy, 1921 ; De Koster,
2007), l’observation médico-pédagogique des filles semble confinée à une approche médicale
symptomatologique, à une évaluation de leurs qualités de ménagère instruite et à une
« comptabilité morale » issue de la culture carcérale du XIXe siècle. Cette approche est conforme
à l’idée selon laquelle la cause originelle des déviances féminines réside dans l’amoralité. Elle
témoigne aussi de la place moins grande de l’orientation professionnelle dans la rééducation
féminine, au contraire des garçons dont on teste les aptitudes de manière à les affecter à
l’activité la mieux adaptée, selon les canons de l’utilitarisme social qui régit alors le système.
L’absence de professionnalisation spécifique du personnel est aussi la cause de cette persistance
de la morale au détriment de l’expertise. En dehors du médecin-psychiatre et des religieuses
chefs de pavillon qui disposent du diplôme normal de l’enseignement moyen (Vervaeck, 1936,
903), les religieuses en charge de la surveillance des mineures ne bénéficient que d’une
expérience de terrain, alors même que les premières écoles de travail social ouvrent dans les
années 1920.

▪ 8 Archives de l’Établissement d’éducation de l’État (plus loin EEE) de Saint-Servais. Rapport annuel (...)

Le rapport de force entre jeunes détenues et personnel est alors très frontal, selon une
tradition toute carcérale dont l’ordre des religieuses est coutumier. Il s’agit de l’ordre des Sœurs
de la Providence de Champion, qui, depuis 1837, a la charge de la prison pour femmes de Namur,
à laquelle est annexé en 1864 un quartier spécial pour les jeunes délinquantes. Mme
Baeckelmans, en religion Sœur Berchmans de Saint-Louis, est directrice de l’Établissement
d’éducation de l’État de 1932 à 1946, date à laquelle les Sœurs de la Providence sont remplacées
par les Filles de la Croix de Liège, ordre enseignant (Dupont-Bouchat, 2005, 248). Dans le rapport
annuel de 1933, la directrice signale que nombre de détenues ont un caractère grossier,
[sont] intraitables et sont difficiles à dresser et restent une cause de désordre pour l’entourage.
Malgré tout, un système pavillonnaire permettant une individualisation des régimes et la
séparation des clans, allié à l’environnement champêtre, sont perçus comme des progrès par
rapport à l’architecture carcérale de l’ancienne maison de Namur : « les scènes de vandalisme
se raréfient d’année en année, il semble que cette accalmie est due au travail mouvementé en
plein air, et dans un cadre reposant »8.

▪ 9 Phénomène caractéristique des années 1930, les scandales de presse se multiplient à l’égard des ins (...)

Les promoteurs de l’approche médico-pédagogique ont la conviction de réserver un


meilleur sort aux jeunes filles, aussi bien sur le plan du traitement matériel que curatif, mais la
presse est loin d’être aussi enthousiaste, dénonçant la discipline de fer qui règne dans la
maison9. La directrice s’en justifie auprès de l’administration dans son rapport de 1937,
empreint d’une conception très conservatrice du rôle des femmes dans la société :Relever ces
pauvres natures, en faire des êtres utiles à la famille, à la société et à la patrie, tel est le but que
poursuivent les éducatrices attachées à notre établissement. Celui-ci N’EST DONC PAS, comme
d’aucuns le croient encore aujourd’hui, ni un bagne, ni une prison où l’on vise premièrement à
punir, où est établi le règne par la crainte et le châtiment.
Cependant, poursuit la directrice, il ne s’agit pas de faire la paix avec le vice, et les sanctions
sévères s’imposent aux jeunes filles dévoyées par la civilisation urbaine :
NOUS USONS DE PÉNITENCES, quand la nécessité nous y oblige. Qui pourrait s’étonner qu’il faille
guerroyer pour réformer la sauvageonne des grandes routes…, l’abandonnée des boulevards et
des dancings…, l’indisciplinée indomptable que des mains malhabiles (…) ont profondément
déformée.

▪ 10 Présentée comme moderne, l’« hydrothérapie », douches ou bains froids, est en réalité une pratique (...)
▪ 11 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Rapport annuel pour 1937, dactyl., f. 1-5.
▪ 12 Même s’il n’existait pas de châtiment corporel dans les règlements des pénitenciers pour enfants au (...)

Aussi, « toute la gamme des sanctions » est-elle utilisée, « jusqu’au simulacre de douche
froide », pratique réservée aux filles10, à l’exclusion du fouet, « système abrutissant les sujets
ayant dépassé l’enfance »11. À la violence illégitime des jeunes filles, rétives à l’ordre régnant à
Saint-Servais est imposé, selon la directrice, une violence légitime mesurée, pédagogie noire
jugée nécessaire face à des êtres mus par leurs passions et non pas la raison. L’hygiénisme et les
pratiques de thérapie psychiatriques viennent alors relégitimer la pratique du châtiment
corporel12 (quand bien même le corps n’est plus touché dans sa chair), conférant à la discipline
de l’institution un caractère répressif.

▪ 13 La notion de « milieu » est une synthèse entre l’hérédité et l’environnement social. B.A. Morel pub (...)

La seule véritable étiologie scientifique de la violence présente dans les discours des
intervenants des années trente est d’ordre médical. Le poids des thèses héréditaristes sur la
dégénérescence est persistant depuis la fin du XIXe siècle. Ces théories néo-lamarkiennes
évolutionnistes, dont Morel avait posé le principal jalon, ont pour conséquence de lier biologie
et morale, le « milieu » favorisant le vice13. Dans cette veine, le médecin-psychiatre de Saint-
Servais déplore en 1938 les difficultés rencontrées dans la mission d’éducation des jeunes filles :
« Le travail éducatif à tous les points de vue (hygiène morale, hygiène physique) se poursuit sans
relâche (…) et si nous n’obtenons pas toujours les résultats obtenus, c’est parce que la plupart
des enfants qui nous sont confiées présentent des troubles du caractère, des tendances
morbides et un déséquilibre, dus souvent à des tares héréditaires très lourdes »14.

▪ 14 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Rapport annuel pour 1938. État sanitaire, dactyl., f. 2-3.
▪ 15 Ibid.

S’ajoutent à cette matrice héréditariste des considérations médicales sur les troubles
hormonaux et les maladies nerveuses, promues par les neuropsychiatres comme le français
Jacques Roubinovitch, et qui rencontrent un grand succès dans l’entre-deux-guerres
(Roubinovitch, 1924 ; Bakker, 2010). Pour le médecin de l’institution, les « troubles
glandulaires », dont l’hyperthyroïdie notamment, provoquent des « troubles nerveux » : les
glandes influencent non seulement la vie végétative de l’individu, mais de nombreux types de
déviations intellectuelles ou morales, explique-t-il. En résulte une instabilité
psychique : l’émotivité est exagérée, ainsi que l’irritabilité, l’impressionnabilité [et] l’agitation
fréquente15. La force de persuasion de ce discours des médecins experts réside dans sa capacité
à associer biologie et biographie via l’hérédité pour expliquer les causes des déviations morales.
Et s’il en résulte un véritable déterminisme social qui confine au fatalisme, la jonction avec les
thèses eugénistes permet alors d’envisager la régénération des dégénérés par l’immersion dans
un milieu sain (Nys, De Smaele, Tollebeek, Wils, 2002). Les jeunes filles, jugées plus perméables
que les garçons aux influences d’un milieu malsain, apparaissent alors comme des sujets que
l’institution peut sauver en les cloîtrant.
Ainsi, personnel religieux et médical jettent, de concert, un regard stigmatisant,
extrêmement genré, sur les jeunes filles dont ils ont la charge. Malgré un apparat scientifique et
technique lui procurant une légitimité nouvelle, l’expertise ne rejette pas la morale ; mieux, elle
s’en nourrit. À certains égards, l’expertise scientifique permet de réactualiser sous un apparat
neutre la régulation morale issue du XIXe siècle, marquée par une hégémonie de classe, de genre
et de race, au sein de sociétés de plus en plus pluriculturelles et démocratiques (Valverde, 1995,
21 ; François, Niget, 2011).

L’avènement de la psychologie : entre assujettissement et résistance

Après la Seconde Guerre mondiale s’amorce une période de rupture institutionnelle


dans le domaine de la protection de l’enfance en Belgique. Parmi les griefs adressés au système
né avant la guerre de 1914, on invoque la nécessité d'assurer la professionnalisation des
intervenants sociaux (François, 2008a). Cette évolution est sensible dans les institutions
d’observation, et à Saint-Servais en particulier, avec l’entrée en scène de personnels laïcs
diplômés rejoignant les éducatrices religieuses au sein de l’institution.
La nouvelle directrice de l’observation est titulaire d’un doctorat en pédagogie, obtenu en
1934 à l’Université de Louvain, qui porte sur l’étude du « caractère » au sein d’un groupe
d’adolescentes envoyées par le juge des enfants dans une institution pour débiles
mentales (Veys, 1934). Elle institue pour les filles de véritables tests : QI, aptitudes pratiques,
examen « psycho-neurotiques » mais aussi tests projectifs incitant l’élève à s’extérioriser. Elle
introduit également des méthodes psychologiques : entretiens, observations in vivo, suivi
clinique.

▪ 16 Le Dr Healy, médecin et psychologue américain, a fondé la première clinique médico-pédagogique pour (...)

En effet, ces années d’après-guerre voient éclore, dans les pays occidentaux, la psychologie
de l’enfant et de l’adolescent. Le déterminisme biologique de la première psychiatrie infantile
est progressivement recouvert, pour former une étiologie hybride de la déviance, centrée sur
un psychisme individuel modelé tant par la physiologie que par la psychologie. Si la psychanalyse
freudienne reste longtemps à la porte des institutions de rééducation, ses méthodes reposant
sur l’interprétation des représentations mentales entrent dans le répertoire des nouveaux
experts (Bantigny, 2004). La psychologie apporte une possibilité nouvelle d’appréhender
l’individu délinquant dans sa totalité, à travers l’étude de la « personnalité ». Pour une
éducatrice citant le Dr William Healy, figure tutélaire de la psychologie infantile16, il s’agit ainsi
de connaître l’enfant tout entier dans la situation toute entière (Van Loo, 1951, 103). Aussi, dans
les archives, « l’histoire de vie », racontée par la jeune fille elle-même, occupe une place
importante dans l’appréciation du caractère. Cette histoire de vie est pratiquée de deux
manières à Saint-Servais : non directive, on invite la jeune fille à se raconter par écrit lors de ses
premiers jours de résidence, et dirigée, grâce au questionnaire Woodworth-Mathews révisé par
le Dr Heuyer (Pirard, 1949, 46-49).
Les institutions correctives adoptent, après-guerre, des objectifs de responsabilisation des
jeunes délinquants, délaissant le fatalisme social hérité du XIXe siècle. Les cadres de l’institution
proclament l’avènement du self government, qui est basé sur la spontanéité des enfants et sur
une réduction efficace de l’autorité de l’éducatrice (Martino, 1955, 17). Grâce à cette
« abdication volontaire » de l’institution, inspirée de la pédagogie du philosophe allemand F.W.
Foerster (Foerster, 1909), l’enfant apprend peu à peu à se gouverner lui-même, à se commander.
Moins dirigiste, l’observation veut d’une part susciter la prise en charge individuelle et collective
des jeunes délinquantes, mais doit, d’autre part, déterminer quel est leur degré d’autonomie,
en tant que citoyennes et bonnes mères de famille. Les éducatrices évoquent ainsi la
nécessaire éducation à la liberté, la formation professionnelle poussée, ainsi que le souci
constant de préparer, de façon réaliste, nos jeunes filles à la vie telle qu’elle la retrouveront plus
tard (Cheza, 1952, 21).
C’est la raison pour laquelle l’orientation professionnelle et les loisirs, marqueurs de la
socialité, sont pris en considération au sein même de l’institution, préparant à la vie libre.
Trouver les conditions de son effacement plutôt qu’enserrer les jeunes dans ses hauts murs,
voici la nouvelle posture de la rééducation, mais ce, à condition que les jeunes filles manifestent
un comportement responsable (Wills, 2005). Dès lors, l’indiscipline n’est plus seulement perçue
comme un manquement à la règle communautaire, mais comme un déni de soi-même.
Certaines jeunes filles manifestent d’ailleurs la plus grande méfiance à l’égard de ce mouvement
néo-disciplinaire :Très indépendante, la mineure éprouve une réelle difficulté à se plier à un
règlement. [Elle] n’admet pas le principe du self-government et saperait facilement la part
d’autorité des responsables.

▪ 17 Archives de l’Établissement d’observation de l’État (plus loin EOE) de Saint–Servais. Année de nais (...)

Signe du changement, on recommande son placement dans une institution plus souple, un
« home »17. Dans les institutions, les jeunes filles résistent à ce principe de la responsabilisation
par la création de codes propres, norme alternative qui allie à la fois des règles de la sociabilité
juvénile « du dehors » (regroupement par âge et dispositions socio-culturelles, ici notamment
wallonnes et flamandes), et des pratiques propres à la promiscuité de l’enfermement, qui
aiguise le caïdat et les stratégies de protection (Myers, Sangster, 2001, 677).
31Outre le fait que cette injonction à l’autonomie puisse sembler contradictoire pour des
populations parfois fragilisées, l’évolution de l’expertise médico-psychologique vient aussi
contredire la volonté affichée de responsabilisation. En effet, le recours de plus en plus
systématique aux « techniques projectives », dont le test de Rorschach est l’emblème, contribue
à déresponsabiliser l’individu, dont le comportement est interprété comme le fruit de
déséquilibres émotionnels profonds. La parole, et par là même, le libre-arbitre des individus
deviennent sujets à caution, car ce n’est plus la volonté et la responsabilité qui comptent dans
l’évaluation, mais les méandres du subconscient qui agissent, à couvert, dans le psychisme des
jeunes. Ainsi, responsabilisation rime avec subjectivation à Saint-Servais, où les jeunes internes
sont conviées à contrôler leurs affects et à planifier leurs projets de réinsertion, mais continuent
de buter sur ce savoir expert opaque, qui les place en position de subordination et d’insécurité
au sein de l’institution. Ces mutations disciplinaires ne consacrent pas la fin des violences
institutionnelles, lesquelles glissent vers un registre plus symbolique censé garantir un ordre
d’autant plus ferme qu’il est intériorisé par les détenues.

▪ 18 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9440 (1950-1951).


▪ 19 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9177 (1949).
▪ 20 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9095 (1948-1949).

Ces dernières, souvent, refusent cette ruse du pouvoir des experts, et manifestent sous
différentes formes, des résistances à son égard. « Ghislaine crie facilement à l’injustice ; elle
connaît les obligations et les devoirs de l’autorité et entend que celle-ci les observe… ». Refusant
sa privation de liberté, la jeune fille entend retourner chez les siens pour se marier18. Face au
jugement moral dont elles sont victimes, certaines affirment leur liberté de choisir leur style de
vie : je marche la tête haute, on n’a rien à me reprocher, clame Camille, décrite comme un
« caractère violent et colérique, allant jusqu’aux coups et menaces ». Si vous avez le droit de me
dire ce que vous pensez, moi aussi je vous dirai ce que je pense de vous, se défend-elle19.
Nombreuses sont les jeunes filles décrites comme très méfiantes à l’égard des tests qu’on leur
fait subir. Ainsi, d’une jeune indisciplinée décrite comme « tyrannique », le rapport indique que
« le test caractériel de Woodworth auquel l’élève a été soumise est sujet à caution tant elle s’y
est prêtée de mauvaise grâce ; après plusieurs essais, elle refuse de répondre de crainte de livrer
sa pensée »20. Contrairement à l’image de jeunes victimes de leur milieu qu’une prise en charge
institutionnelle pourrait remodeler, les jeunes insoumises opposent des gestes et parfois des
discours de résistance qui, intervenant dans un contexte normatif hégémonique, signalent
néanmoins leur capacité d’action face à un système judiciaire et expertal discriminatoire
(Lunbeck, 1987).

Éclats de violence et fureur rentrée : au-delà du visible

L’écrasante majorité des filles envoyées en observation à Saint-Servais est initialement


traduite en justice soit pour des affaires de mœurs, soit pour vol. La sexualité irrégulière occupe
une place fondamentale dans la définition de la déviance féminine (Blanchard, 2008 ; Niget,
2010). Cependant, à travers la figure de l’hystérique, la justice s’appuie depuis longtemps sur la
médecine pour lier sexualité irrégulière et comportement violent. L’expertise déployée par les
psychiatres et les psychologues approfondit cette question et contribue à dévoiler l’agressivité,
ouverte ou latente, des jeunes filles sous observation. Mais de la figure marginale de l’hystérique
à la question centrale des « troubles du caractère », catégorie forgée par les sciences du
psychisme, l’expertise contribue à objectiver la violence féminine en la généralisant à une
population beaucoup plus étendue.
Les dossiers d’observation pointent fréquemment la très grande agressivité des filles
placées en institution. Les scènes de fureur sont légion : assiettes brisées, travaux d’aiguille
déchirés, fenêtres qui volent en éclats, insultes entre élèves et « révolte » contre le personnel,
épisodes de claustration dans les chambres, et fugues fréquentes… (Alexander, 1995, chap. 3).
Dans tous les cas, les épisodes violents sont interprétés à l’aune du caractère des jeunes filles.
Ainsi, Marie « est une jeune fille très récalcitrante, insoumise, qui croit s’affirmer en brisant.
[elle] reste toujours aussi vindicative et irascible, elle injurie tout le personnel. (...) c’est une forte
tête, prompte à la critique, à la révolte»21.
▪ 21 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 97 (1954-1955).
▪ 22 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9177 (1949).
▪ 23 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9095 (1949).
▪ 24 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9344 (1950).

De la même manière, Éliane « s’affirme de façon brutale » ; « quand elle se sent vaincue,
elle crie, trépigne, pleure, brise meubles et portes et ameute les alentours de véritables
hurlements »22. Cette insoumission individuelle cherche fréquemment à susciter la rébellion
collective : « Elle nargue l’autorité, dit-on de Margaux, chante, essaye d’obtenir l’approbation
de ses compagnes », se glisse dans l’embrasure de sa fenêtre et « se promène alors sur la toiture
de la loggia »23. Même chose de la part d’Andrée, qui « exerce une influence néfaste sur [ses
compagnes] par son esprit critique et pessimiste et les excite à l’indiscipline et à la révolte »24.
On note cependant la rareté des rébellions, dont on peut penser néanmoins qu’elles sont
estompées dans les archives. En outre, la vindicte collective est neutralisée par les techniques
de responsabilisation des élèves. À partir de 1954, l’institution met en place les « clubs »,
groupes formés par affinité, chargés de favoriser le développement d’amitiés saines (Martino,
1955, 23-28). En réalité, il s’agit surtout d’un système de responsabilité collective, car le
comportement répréhensible d’une vaut sanction pour toutes. Plus encore, le club est une
première instance disciplinaire, puisque ses membres réunis sont sommés d’infliger des
sanctions à celle des leurs qui a semé le trouble. Sous couvert de méthodes libérales,
l’institutionnalisation du caïdat apparaît comme un puissant levier de pacification, mais s’avère
également devenir un facteur de ségrégation pour les jeunes insoumises qui, en plus de subir le
discrédit de l’institution, endurent le contrôle et la stigmatisation de leurs paires.

▪ 25 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9900 (1953).

À côté des éclats manifestes, la violence féminine est décrite par les éducatrices comme
latente, souterraine, surgissant inopinément, ce qui en accentue le caractère pathologique. Cela
est parfois associé à un défaut de parole que l’on souhaite compenser selon l’idée que le verbe
apaise le geste25. Les causes en sont aussi les névroses ; ainsi, Léonie « est extrêmement
gentille, prévenante, présentant certaines qualités d’adaptation formelle, quoiqu’on constate
cependant que dès qu’elle se fâche, réagit, ou d’après les conversations qu’elle tient à ses
compagnes, qu’elle médite et organise délibérément du négativisme (…), attitude
oppositionnelle névrotique » qui la pousse à planifier des évasions, nouer des « amitiés
particulières », et « exciter les esprits »26.

▪ 26 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9386 (1950).


▪ 27 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9283 (1949-1950).

Il peut enfin s’agir, aux yeux du personnel de Saint-Servais, de perversions se manifestant


de manière insidieuse : « Extérieurement soumise et disciplinée, Georgette est trop lâche pour
manquer ouvertement à l’autorité ». Le test de personnalité de Woodworth décèle en elle une
« tendance perverse » : « la mineure reconnaît avoir du plaisir à faire souffrir. C’est dans
l’expression de sa physionomie, lorsqu’elle est mécontente, qu’il est permis de constater cette
tendance ; elle ne s’est pas encore révélée autrement »27. Latente, en ferment, la violence est
mise à jour par le regard psychotechnique.
▪ 28 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9975 (1954-55) ; dossier MA25, (...)
▪ 29 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA229, CC411 (1955-1956).
▪ 30 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9297 (1949-1950).

Signe caractéristique et fortement genré de la description de la violence féminine, cette


agressivité est souvent accompagnée d’une tendance à l’autopunition, révélée par les
techniques projectives des tests psychologiques. La réversibilité de la violence féminine est un
sujet de préoccupation pour les intervenants : contrairement aux garçons qui agissent sur leur
environnement, on pense que les filles, par inhibition excessive, sont susceptibles de retourner
la violence contre elles-mêmes. Jugé pathologique, ce comportement peut aussi être interprété
par l’historien comme un geste de résistance (Myers, Sangster, 2001, 676). Le suicide apparaît
en filigrane dans plusieurs dossiers, sans qu’il soit toujours aisé de mesurer à quel point cette
menace est le signe du désespoir ou une bravade : ainsi ces jeunes filles de menacer de se jeter
par la fenêtre, ou de se poignarder en public28. De fait, rien ne distingue nettement le statut de
victime de celui d’auteur de violences dans le regard porté sur les filles, lesquelles semblent
agies par la violence de leurs émotions. Cette représentation de la violence féminine recoupe
les discours profanes, selon lesquels la violence, agie ou subie, dénature les femmes, les
corrompt. Les rapports d’observation signalent ces tendances « hystéroïdes [provoquant des]
variations de l’humeur (…) fréquentes [et] imprévisibles »29. Cette imprévisibilité est une
menace pour l’institution, qui commence néanmoins, dans les années cinquante, à tenir compte
des effets néfastes de l’enfermement sur le psychisme des jeunes (Cheza, 1952, 24-25), et à
proposer, dans certains cas, des placements en semi-liberté pour desserrer l’étau : « un long
internement ne paraît pas convenir à ce tempérament et amènerait, il faut le craindre, des
réactions très violentes », est-il précisé dans le cas de Jenneke30.

Étiologies sexualisées

▪ 31 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9591 (1951-1952).


▪ 32 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Section spéciale, tableaux d’entrée/sortie, 1959-1962, 47.
▪ 33 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9166 (1949).

Au-delà de la discipline quotidienne, les experts de l’institution, le médecin-psychiatre, la


pédagogue-psychologue dirigeant la section d’observation, ainsi que certaines assistantes
sociales diplômées en psychologie, posent un diagnostic plus précis sur ces cas de violence.
L’approche médicale ne semble pas se renouveler depuis l’entre-deux-guerres, et lie l’origine de
certaines violences féminines à un trouble d’origine sexuelle : l’ « éréthisme » est fréquemment
invoqué, décrivant « une excitation anormale » des organes sexuels influençant l’ensemble du
comportement. Chez Ghislaine, cet « éréthisme » s’accompagne d’une « nervosité générale » et
« d’importantes irrégularités ovariennes », qui sont traitées, dès son arrivée, par des
« endocrines, sédatifs, [et du] repos »31. Le terme d’hystérie, très protéiforme, est encore utilisé
dans les années 1950 et 1960 pour décrire les « crises de nerfs » des jeunes filles32. Est ainsi
réactualisé, à travers une étiologie qui associe depuis le XIXe siècle causes cérébrales et origines
« génésiques » de la pathologie dont le caractère est héréditaire, un lien entre féminité et
troubles du comportement qui postule une infériorité constitutionnelle du corps féminin
(Edelman, 2003 ; Coffin, 2000). Qui plus est, l’hystérie se révèle être un paradigme commun
entre psychiatres et psychologues, ces derniers, après Freud et Pierre Janet, considérant qu’elle
est une manifestation incontrôlée du subconscient. Ainsi synthétisé par les experts, le complexe
hystérique peut déterminer l’ensemble des comportements de certaines jeunes filles et est
identifié comme un facteur de dangerosité : « Nature essentiellement instable, lit-on de Marie,
aux tendances hystériques très marquées, servie par une imagination féconde et romanesque »
qui provoque des « crises d’allure hystéro-épileptiques ». Le médecin préconise un « traitement
sédatif, [de l’]hydrothérapie et [une] psychothérapie »33. Dans ce cas comme dans d’autres, où
l’imaginaire juvénile enfreint les normes dominantes de la retenue et du contrôle des affects,
l’hystérie apparaît comme un artefact discursif pour affubler les jeunes révoltées d’une
pathologie dont la nosographie reste absconse (Lunbeck, 1995, chap. 8).
L’origine sexuelle de l’instabilité psychique est tout aussi présente dans le discours des
psychologues. Si l’approche psychologique semble a priori moins normative, le répertoire de ses
investigations est très élargi, englobant l’ensemble des comportements juvéniles. Plus
compréhensive, elle conserve néanmoins un tropisme moralisateur, avec en particulier la
dénonciation de la frivolité et du « goût pour l’aventure » chez les filles. Ainsi, selon les
psychologues, l’expérience affective et sexuelle procure un sentiment de liberté fallacieux,
identifié comme de l’ « existentialisme », qui pousse au nihilisme et à la rébellion. Cette
contestation des valeurs mâtinée de désillusion sur la nature humaine et de farouche
indépendance caractériserait la jeunesse d’après-guerre, une attitude que le personnel de Saint-
Servais interprète comme une forme de pathologie à la fois dépressive et enragée.
Les ‘existos’ (…) sont déjà périmés, explique en 1955 une éducatrice, mais l’action néfaste
des Gide, des Sartre, des Simone de Beauvoir n’est pas pour autant stérilisée. (…) Une seule
chose compte : la jouissance immédiate. (…) Nos jeunes filles sont toutes plus ou moins atteintes
par cette vague de pessimisme et de sombre indépendance (Martino, 1955, 36-37). Ce jugement
porté sur le style de vie se reflète également à travers l’importance des apparences dans le
regard porté sur les filles. L’hexis corporelle des jeunes filles est à la fois miroir et motif de leur
déviance (Cox, 2002, 145-146). Ainsi, chez Angèle, « l’extérieur révèle une enfant beaucoup trop
avancée pour son âge, elle n’a que 14 ans… Son maintien, sa coiffure, sa façon de parler dénote
que le vice auquel elle s’est livrée, l’a vieillie non seulement au point de vue physique, mais a
détruit chez elle bien des charmes que devrait avoir encore une enfant de son âge »34.

▪ 34 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8858 (1947 et 1953).

Réminiscence d’une physiognomonie réfutée depuis la fin du XIXe siècle, ces croquis
psychologiques des jeunes filles trahissent leur précocité, conjonction perturbatrice d’une
maturation corporelle et d’une immaturité psychique provoquant un déséquilibre affectif :
« Renée est le type de la ‘poupée’ à tête vide » dont « les petits besoins constants projetés par
les caprices, l’humeur, les fantaisies » ne trouvent « pas satisfaction », ce qui en fait « un
élément assez dangereux »35.

▪ 35 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9831 (1953).


▪ 36 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9298 (1949-1950).

Aussi, recommande-t-on, « la rééducation [qui] attirera l’attention de Renée sur la personne


plutôt que sur le corps pour lequel elle porte un culte ». Le corps féminin est à ce point associé
à la lascivité que la directrice n’hésite pas à dire, au sujet d’une jeune indisciplinée, sensuelle et
dont l’instinct maternel semble à peu près inexistant, que son maintien manque de virilité36.
Aussi, la gymnastique et l’effort physique font partie des thérapies prodiguées, aptes à viriliser
le corps des femmes, jugé par nature faible et, de ce fait, pathologique. Ainsi, maternité et virilité
contribuent, derrière une apparente contradiction, à réguler une sexualité féminine toujours
menaçante.
Si leur sexualité est jugée compulsive, la maternité des jeunes filles est idéalisée et
considérée comme une voie de salut. Dans certains cas, les intervenantes se réfèrent à une
maternité future, et orientent le choix d’un époux respectable. Fréquents sont les cas de filles-
mères que l’on encourage à se conformer à leur nouveau statut : « Il importe de faire accepter
à la jeune fille sa future maternité et de lui inculquer les notions morales élémentaires,
développer en elle une attitude de bienveillance et le goût des petits préparatifs pour la
naissance de son bébé »37.

▪ 37 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9585 (1951-1952).

A contrario, la figure de la mauvaise mère est associée à un stigmate de dangerosité, marque


du refus du modèle patriarcal et de la discipline sociale: « Les idées de travail, mariage, vie de
famille ne trouvent guère place dans cet esprit léger. Marieke avoue ne pas aimer les enfants
(…): je ne veux pas mettre des malheureux sur terre », explique-t-elle38.

▪ 38 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9237 (1949).

Ainsi, selon une posture caractéristique de l’après-guerre, la maternité est instrumentalisée


pour canaliser le désir sexuel plutôt que de le refréner (Valverde, 1995, 25). Malgré une
dénonciation du narcissisme féminin, l’empire des apparences dirige également le jugement des
experts. Ainsi, le stéréotype de l’homosexuelle masculine et rustre, associé à un comportement
violent, qui émerge dans les travaux criminologiques après la Seconde guerre39, est mobilisé
sans aucune prévention. Angela vient d’une institution où sa force herculéenne et ses manières
volontiers équivoques lui valurent le surnom de ‘l’homme’. À Saint Servais, elle« joue au grossier
personnage (…) se particularise par ses conversations malsaines et vulgaires, (… ) adopte des
attitudes provocantes, lubriques, jure, siffle pendant de longues heures, rend la vie
insupportable pour ses compagnes, intenable pour ses éducatrices dont la bonté l’irrite et la
rend furibonde. Elle casse les portes, détériore les chambranles et jouit d’un plaisir
diabolique »40.

▪ 39 Dans les années 1950 la criminologie américaine associe lesbianisme et violence, sur le modèle des (...)
▪ 40 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8379 (1952).
▪ 41 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA25, CC189 (1954-1955).

Afin de corriger ces dispositions masculines, on préconise des exercices physiques et « des
activités ménagères stéréotypées », rétablissement de la frontière du genre. Longtemps taboue
dans les institutions de protection de la jeunesse, l’homosexualité apparaît explicitement dans
le discours des psychologues dans ces années 1950. Au-delà des apparences, les experts pensent
déceler l’homosexualité « latente » grâce aux techniques projectives des tests. Considérée
comme une pathologie mentale, l’homosexualité est ainsi facteur de désordre affectif,
engendrant un sentiment de culpabilité qui provoque soit une autocritique violente, soit une
agressivité extériorisée. Ainsi, Suzanne « est particulièrement provocante dans les amitiés
particulières et dans ce domaine, si elle est prise sur le vif, elle devient furieuse… éclate de
colère »41.

▪ 42 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9492 (1957).

Mais la question des « troubles du comportement » n’est plus strictement sexualisée avec
l’apparition des techniques médico-pédagogiques. La notion d’intelligence y devient centrale,
puisque l’observation tire une bonne part de sa légitimité de l’application de tests
psychométriques (Gould, 1983, 175-234). Néanmoins, la mesure de l'intelligence comporte des
implications très contradictoires. Dans de nombreux cas, la déficience intellectuelle est à
l’origine du comportement incontrôlé : les « tendances schizoïdes », la difficulté à apprécier les
codes de la socialité sont les manifestations de « l’arriération ». La violence est à la fois la
conséquence et la cause du handicap, puisque « l’impulsivité constitue un handicap quant au
rendement » intellectuel, faisant obstacle au discernement42. Dès lors, la vie en institution peut
s’avérer dangereuse, comme pour Eugénie, « tombée au pouvoir d’une compagne intelligente
mais perverse qui la pousse à braver l’autorité, menacer ses compagnes parmi lesquelles elle
répand la terreur, tenter de s’évader. (…) Ne possédant aucune possibilité, ni surtout aucune
conscience, ses réalisations, ses activités sont clownesques. Eugénie reste nécessairement
l’esclave de sa profonde débilité mentale »43.

▪ 43 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9810 (1953).


▪ 44 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 97 (1954-1955).

A contrario, relativement fréquents sont les cas où l’intelligence est un facteur d’agressivité,
suscitant une réaction « narcissique » face au stigma que représente l’envoi dans une institution
d’ « arriérés »44. « Elève intelligente, Jeannette est fière de sa supériorité. Assez imbue d’elle-
même, elle affecte un air poseur et maniéré (…). Son air dédaigneux ne plaît pas toujours à son
entourage et suscite des difficultés pour la bonne entente du groupe » 45.

▪ 45 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9166 (1949).

Loin de chercher à promouvoir ses capacités intellectuelles, on recommande


« d’accoutumer Jeannette aux humbles besognes ménagères, d’occuper son esprit par mille
soucis de la vie quotidienne ». En effet, rares sont les formations qualifiantes dispensées au sein
de l’école. Tout au plus quelques élèves sont-elles invitées à passer un diplôme de confection,
voire de sténo-dactylo. Enfin, dans certains cas, l’intelligence apparaît même comme
« préjudiciable »46. Pour des psychologues qui s’affranchissent progressivement des tests
purement psychotechniques pour se tourner vers la psychanalyse, l’affectivité doit pouvoir
s’épanouir en harmonie avec l’intelligence ; or, un trop grand contrôle de soi, suscitant des
refoulements, peut engendrer un déséquilibre amenant à la violence. Dans le cas de Marie,
« Élève intelligente, nature entière d’un égocentrisme froid », « dure envers ses maîtresses et
ses compagnes » qu’elle juge avec mépris et condescendance, l’internement prolongé fait
craindre le pire, « des éclats qui seraient un réel danger »47.

▪ 46 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9605 (1952).


▪ 47 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9297 (1949-50).
▪ 48 À Saint Servais, on utilise beaucoup le Woodworth, le Wechsler-Bellevue, le Brown-Ottawa, mais enco (...)
L’étude de la personnalité, plus complexe et subjective que la mesure de l’intelligence,
occupe une place de plus en plus importante dans le travail d’expertise. Des tests dits
« projectifs », soumettant le sujet à des stimuli auxquels il doit répondre, lui présentant des
situations ambiguës qu’il doit interpréter et qualifier, notamment sur un plan éthique, explorent
spécifiquement cette question de l’émotivité, de l’anxiété, de l’agressivité, de la sociabilité des
élèves48. Se dessine dès lors une nouvelle discipline, la « caractériologie », qui pointe la violence
ouverte ou latente, contre les autres ou « intropunitive », définie selon des facteurs de risque
révélés par l’expertise.

La violence comme symptôme social

À côté de cette individualisation du diagnostic perdure un discours sur l’origine sociale


de la violence. L’expertise porte sur le « milieu » familial et l’environnement social. Les experts
utilisent de manière persistante la notion d’hérédité, synthèse des antécédents physiologiques
et psychiques, mais encore influence du « milieu », laquelle est d’autant plus prégnante que la
nature féminine est jugée très impressionnable.
Pour former la conscience morale de la femme, explique une éducatrice dans son mémoire
de fin d’études, il convient donc, plutôt que de l’habituer et de la contraindre à une réflexion à
laquelle elle répugne, (…) et qui, si elle n’a pas une intelligence adéquate, la conduira fatalement
sur des voies erronées, de donner à la jeune fille un certain nombre de règles fixes dont elle ne
doit pas s’écarter, de lui donner de bons modèles à imiter, de surveiller le milieu où elle recueille
ses observations, où elle forme son idéal (Van Loo, 1951, 29).
Infériorité d’âge, de sexe et de discernement se conjuguent pour justifier une pédagogie
comportementaliste qui contraste avec les discours sur l’autonomie et la citoyenneté.

▪ 49 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9578 (1951-1952).


▪ 50 Notons la rareté chez les intervenants, de considérations sur le traumatisme psychologique lié à l’ (...)
▪ 51 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8858 (1947).
▪ 52 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9447 (1950-1951).

L’enquête sociale et plus encore l’examen médico-psychologique révèlent des situations de


violence familiale. Les mères sont fréquemment décrites comme « nerveuses », « grossières »,
ou « brutales ». Et inversement, la violence des filles sur leur mère est récurrente dans les
dossiers, telle Léonie qui menace de « lui fendre la tête », rage généralement attribuée à une
grande insécurité affective dont la responsabilité incombe aux mères qui ne jouent pas leur rôle
d’éducatrices49. L’hérédité est alors d’autant plus facilement invoquée pour décrypter le
comportement des filles qu’il y a homologie de sexe, la fille héritant naturellement des tares de
la mère. Mais le père est aussi un fauteur de trouble pour ses enfants : la reproduction de
comportements violents tient alors de l’imitation ; sa violence physique - et notamment sexuelle
- engendre la violence chez sa fille victime. Par ces expériences brutales, explique une
éducatrice, cette initiation absolument contre nature, l’enfant perd toute foi en l’autorité50.
Cependant, les intervenants font relativement peu de cas des abus sexuels et des violences
parentales. Malgré les accusations d’inceste, certaines jeunes filles sont décrites comme des
« immorale(s) précoce(s) ». On cultive « le sentiment maternel » des mères mineures victimes
d’inceste pour les ramener dans le droit chemin51. Agnès, qui a été brutalisée par son père et
séquestrée à la maison, « se plaint de ne plus jouir de sa liberté » dans l’institution. Le rapport
d’observation la recommande pour la section disciplinaire de Bruges, de manière à préserver la
famille, même si cette dernière est blâmée52. L’inceste, progressivement dévoilé au XXe siècle,
est ainsi édulcoré par le transfert de sa gestion de la justice pénale vers les instances de
l’intervention sociale, dont le mot d’ordre est la prévention à tout prix (Gordon, 1988, 218-226).
Dès lors, les pères incestueux sont épargnés au profit d’une criminalisation du comportement
de leur fille jugée « sexuellement précoce », et d’une culpabilisation des mères, incapables de
moraliser leur foyer (Jones, 1999, chap. 7 ; Cardi, 2010). Si, progressivement, la famille n'est plus
décrite comme la matrice de tares héréditaires déterministes, elle reste le creuset où naissent
les frustrations juvéniles, le ressentiment et la violence. La famille est alors de plus en plus
considérée, sous l’influence des sciences du psychisme, comme une cellule psychologique
autant que sociale, au sein de laquelle peut naître ce sentiment d’insécurité à l’origine des
déviances juvéniles (Cheza, 1952 ; Gleason, 1999).

▪ 53 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA4, CC161 (1954).

Cette influence de l’environnement sur le caractère est redoublée au sortir de la guerre. De


nombreux dossiers signalent les séquelles sur l’équilibre psychique des jeunes. Il peut s’agir
d’états traumatiques, comme celui de Jeanine, qui « reste sous l’influence des scènes de guerre
(…), avion en flamme, descente à l’abri, etc. »53. Pour les éducatrices de Saint Servais, la guerre,
avec l’ambiance spéciale qu’elle crée, est un facteur décisif de « l’inadaptation » juvénile : baisse
de la moralité, diminution de la résistance physique, nerveuse, privations, traumatismes de tous
ordres, marché noir, absence du père de famille, des parents… sont autant de fléaux avilissant la
jeunesse (Van Loo, 1951, 20 ; Fishman, 2008). Mais plus qu’une carence ou un dérèglement
social, la guerre est aussi dénoncée comme un moment de basculement des valeurs, engendrant
nihilisme, désir de jouissance, conflit de générations et, in fine, violence. La génération de la
guerre en est la victime traumatisée, mais c’est aussi une jeunesse dangereuse, immorale et
vindicative (Victorien, 2011, 34-43). Cette question fait l’objet, en 1947, d’une grande
conférence d’experts menée sous l’égide de l’ONU, alors que l’Organisation mondiale de la santé
s’empare progressivement de la question de la délinquance juvénile dans une perspective
médico-pédagogique (Revue internationale de l’enfant, 1947 ; Bovet, 1951). Les jeunes filles,
jugées plus vulnérables face à une culture de guerre virile, sont particulièrement touchées par
ce discours (François, 2008b).

La « camisole chimique » comme politique de contention

▪ 54 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Section spéciale, tableaux d’entrée/sortie, 1959-1962.


▪ 55 Une comparaison aves les institutions pour garçons permettrait de savoir si le traitement médicamen (...)

L’avènement de la psychologie après-guerre, n’empêche pas le retour du traitement


psychiatrique, à la fin des années 1950, qui correspond à l’invention de nouveau psychotropes.
Alors qu’avait reflué l’utopie d’un traitement médicamenteux de l’aliénation mentale,
apparaissent en quelques années (et de manière fortuite) trois familles de médicaments
antipsychotiques : les antianxiolitiques, les antidépresseurs et les neuroleptiques (Quétel, 2009,
489-498). Dans le sillage immédiat de ces découvertes, une « section spéciale » est ouverte en
1959 à Saint-Servais pour traiter « les cas les plus difficiles ». Parmi ceux-ci, 30% sont signalés
comme caractérielles (associables, agressives, révoltées) (Caprasse, 1966, 1, 8). Il s’agit d’un
pavillon d’isolement, un lieu médicalisé. Si nombre de jeunes filles y sont cloîtrées de quelques
jours à plusieurs mois pour leur agressivité jugée pathologique, de nombreuses mentions au
registre d’entrée signalent simplement qu’elles « sape[nt] l’autorité » de l’équipe éducative,
manifestent du « négativisme », sont « rebelles et agressives », et « doi[ven]t être isolée[s] pour
sauvegarder l’autorité »54. Sous l’argument médical, il s’agit bien d’une section disciplinaire. Le
régime de la section n’est plus si sévère qu’avant-guerre, l’isolement total n’étant pas la norme
et les punitions corporelles ayant disparu. Mais le mode de traitement est nouveau : outre les
barbituriques administrés le soir, on y use massivement d’antidépresseurs et de neuroleptiques.
Il faut noter, en particulier, le recours fréquent au R1625, ou Haloperidol, neuroleptique
développé en 1957 par une firme belge, Janssen, qui agit directement sur le contrôle de
l’agressivité. Provoquant de forts effets secondaires (léthargie, tremblements et dyskinésie
parfois irréversible), il devient un des premiers neuroleptiques utilisé en psychiatrie, emblème
de la « camisole chimique » décriée par le mouvement antipsychiatrique à compter des années
1960 (Shorter, 2009, 186 ; Healy, 2002). L’acclimatation extrêmement rapide de cette
découverte scientifique dans les institutions d’observation marque un retour à un ordre
disciplinaire et à une lecture très déterministe des troubles du comportement, associant la
violence féminine à une corporéité pathologique55.

Conclusion

Berceau d’une « défense sociale » qui redessine le rapport des institutions pénales à la
dangerosité, la Belgique introduit très tôt l’expertise médico-pédagogique dans le système
judiciaire des mineurs. Cette médicalisation de l’intervention judiciaire à l’égard de la jeunesse
« irrégulière » provoque inévitablement une redéfinition de la délinquance juvénile et
notamment de celle des filles. La plus grande attention portée au « milieu » social, aux rapports
familiaux, à l’intimité, au corps et à la sexualité, puis au psychisme réoriente le regard porté sur
les jeunes filles. Ignorées par la justice du XIXe siècle, elles font l’objet de toute l’attention des
nouveaux experts de la déviance juvénile. Nouvelle rationalité pénale préventive et sciences
médico-pédagogiques introduisent également une sensibilité particulière à la violence.
Longtemps attribut de la jeunesse, tolérée voire instrumentalisée, la violence et l’indiscipline
deviennent un facteur de désordre social et le stigmate d’une pathologie (Niget, 2007). Sous
l’influence des sciences du psychisme, cette violence, incorporée à la nosographie des « troubles
du caractère », permet désormais de qualifier autant les filles que les garçons, même si le
caractère genré de cette qualification perdure.
Au sein des institutions d’observation, les jeunes filles manifestent différentes formes
de résistance à l’autorité. Leur violence est fréquemment pointée, qu’il s’agisse de rébellion
ouverte - rarement collective, ou de manifestations d’une violence latente. Dans l’un ou l’autre
cas, le refus de l’assignation à la déviance est manifeste, provoquant de vives tensions.
Contrairement à l’image que tente de fabriquer l’institution à travers diverses activités de
socialisation, l’assentiment des jeunes filles n’est que rarement rencontré. Soumises par calcul,
révoltées par nécessité, leurs stratégies et leurs postures récusent les velléités institutionnelles
d’assujettissement.
Au contraire d’une histoire des grands paradigmes scientifiques, cette approche des
pratiques institutionnelles signale un grand syncrétisme dans la caractérisation de la violence,
voire une accumulation d’approches contradictoires avec l’apparition de la
psychopharmacologie (Evans, Rahman, Jones, 2008). À travers l’élaboration de catégories telles
que les « troubles de la personnalité », psychiatrie puis psychologie invitent à une définition
extensive de la violence, laquelle n’est plus seulement pensée à travers ses manifestations mais
selon une étiologie de l’invisible : la violence latente doit être dépistée.
Les sciences du psychisme tendent conjointement à visibiliser la violence féminine et à
la nier comme forme d’expression. La pathologisation de la violence féminine traduit la difficulté
des experts et de l’institution à la reconnaître comme la manifestation d’une opposition légitime
au traitement subi. Qu’elle soit banalisée ou dramatisée, la mise en forme de la violence
féminine par l’étiologie médicale et psychologique, relève, dans les institutions d’observation,
d’une négation de tout caractère collectif ou social et de toute dimension politique de cette
résistance. Il doit être possible, pourtant, en contextualisant historiquement les formes
d’expression de cette violence juvénile féminine, en la pensant dans le cadre d’une résistance
au pouvoir légal et expertal, de rompre le déterminisme de l’interprétation genrée de la violence
la décrivant comme aberrante et insensée, et de replacer cette expression dans la culture
politique de constitution des sujets, qui peuvent se construire par la violence même si celle-ci
les laisse vulnérables (D'Cruze, Rao, 2005).

Bibliographie

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Notes

1 Archives de l’Établissement d’observation de l’État (plus loin EOE) de Saint–Servais. Année de


naissance 1933, dossier 9297 (année 1949-50). Les prénoms ont été modifiés.
2 Archives de l’État à Namur. Archives de l’Institution publique de protection de la jeunesse de
Saint-Servais et prédécesseurs en droit, (1837-1995). Établissement d’observation et d’éducation
de l’État à Namur (1923-1989). Registres, rapports annuels, documentation médico-pédagogique
et dossiers d’observation des mineures (1933-1958). Nous remercions M. Bodart et Mme Godinas,
archivistes de l’État, pour leur implication dans le processus de sauvegarde de ces archives.

3 Médecine et psychiatrie infanto-juvénile, mais aussi pédagogie, psychopédagogie,


psychotechnique, ou encore la pédologie, science globale de l’enfant. Autant de disciplines en pleine
efflorescence dont les objets et méthodes se recoupent, mais qui n’auront pas la même pérennité
(Depaepe, 1993).

4 Wets Paul, dans le Bulletin international de protection de l'enfance, 1928, 620, cité par Velge
(1941, 166-167).

5 Loi du 15 mai 1912, chapitre II, « Des mesures à prendre à l’égard des enfants », articles 21 &
39.

6 Les « homes » sont des institutions d’accueil réduites, privées, et qui ont tendance à se spécialiser
pour accueillir des publics particuliers en avançant dans le XXe siècle : filles mères, déficientes,
tuberculeuses, etc.

7 À Sainte Marguerite de Cortonne, à Anvers, on pratique des tests psychotechniques dès l’entre-
deux-guerres (Vervaeck, 1936, 903).

8 Archives de l’Établissement d’éducation de l’État (plus loin EEE) de Saint-Servais. Rapport annuel
pour 1933, dactyl., f. I-II.

9 Phénomène caractéristique des années 1930, les scandales de presse se multiplient à l’égard des
institutions correctionnelles pour mineurs. Si la Belgique est alors relativement épargnée par le
phénomène, affleure néanmoins une critique des pratiques disciplinaires qui éclatera après la
Seconde Guerre mondiale (Dupont-Bouchat, 2004).

10 Présentée comme moderne, l’« hydrothérapie », douches ou bains froids, est en réalité une
pratique ancienne utilisée dans les asiles d’aliénés au XIXe siècle et toujours présente dans de
nombreuses institutions pour filles au XXe siècle (Meis Knupfer, 2001, 151).

11 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Rapport annuel pour 1937, dactyl., f. 1-5.

12 Même s’il n’existait pas de châtiment corporel dans les règlements des pénitenciers pour enfants
au XIXe siècle, on sait que la discipline corporelle y était sévère, de l’affectation aux travaux les plus
pénibles à l’enfermement cellulaire (Dupont-Bouchat, Pierre, 2001, 162-163).

13 La notion de « milieu » est une synthèse entre l’hérédité et l’environnement social. B.A. Morel
publie en 1857 un Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce
humaine. Cette théorie continue, jusqu’au mitan du XXe siècle, d’imprégner la pensée médicale et
psychiatrique (Coffin, 2003).

14 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Rapport annuel pour 1938. État sanitaire, dactyl., f. 2-3.

15 Ibid.

16 Le Dr Healy, médecin et psychologue américain, a fondé la première clinique médico-


pédagogique pour jeunes délinquants à Chicago, en 1909. Il s’inspire des travaux pionniers du
psychologue Stanley-Hall et se fonde sur le travail minutieux de casework réalisé par les officiers de
probation. Il entend mettre en œuvre une étude globale des antécédents des jeunes délinquants,
afin de dépasser les notions de bien et de mal pour lever le voile sur les processus mentaux et
l’étude de la personnalité des jeunes déviants (Tanenhaus, 2004, 144-148).

17 Archives de l’Établissement d’observation de l’État (plus loin EOE) de Saint–Servais. Année de


naissance 1933, dossier 9344 (année 1950).

18 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9440 (1950-1951).

19 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9177 (1949).

20 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9095 (1948-1949).

21 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 97 (1954-1955).

22 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9177 (1949).

23 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9095 (1949).

24 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9344 (1950).

25 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9900 (1953).

26 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9386 (1950).

27 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9283 (1949-1950).

28 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9975 (1954-55) ; dossier
MA25, CC189 (1954-55). Section spéciale, tableaux d’entrée/sortie, 1959-1962, 10.

29 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA229, CC411 (1955-
1956).

30 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9297 (1949-1950).

31 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9591 (1951-1952).

32 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Section spéciale, tableaux d’entrée/sortie, 1959-1962, 47.

33 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9166 (1949).

34 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8858 (1947 et 1953).

35 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9831 (1953).

36 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9298 (1949-1950).

37 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9585 (1951-1952).


38 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9237 (1949).

39 Dans les années 1950 la criminologie américaine associe lesbianisme et violence, sur le modèle
des hommes psychopathes sexuels. Ils recommandent d’identifier les « vraies » lesbiennes grâce à
des tests psychotechniques de personnalité (Freedman, 1996, 405-406).

40 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8379 (1952).

41 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA25, CC189 (1954-
1955).

42 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9492 (1957).

43 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9810 (1953).

44 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 97 (1954-1955).

45 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9166 (1949).

46 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9605 (1952).

47 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9297 (1949-50).

48 À Saint Servais, on utilise beaucoup le Woodworth, le Wechsler-Bellevue, le Brown-Ottawa, mais


encore le Thematic Apperception Test et le Rorschach.

49 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9578 (1951-1952).

50 Notons la rareté chez les intervenants, de considérations sur le traumatisme psychologique lié à
l’inceste, ce qui atteste de l’impopularité persistante des théories freudiennes (Cheza, 1952, 3).

51 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8858 (1947).

52 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 9447 (1950-1951).

53 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA4, CC161 (1954).

54 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Section spéciale, tableaux d’entrée/sortie, 1959-1962.

55 Une comparaison aves les institutions pour garçons permettrait de savoir si le traitement
médicamenteux des troubles du comportement répond, comme nous le suggérons, à un clivage de
genre.
Table des illustrations

Titre Ratio entre le nombre de mises en observation et le nombre de


mineur(e)s jugé(e)s (établissements publics et privés).

Légend Source : Statistique judiciaire de la Belgique (1913-1965). Tableau


e « Mouvement de la population dans les établissements
d’observation ».

URL http://journals.openedition.org/champpenal/docannexe/image/8056
/img-1.png

Fichier image/png, 100k

Pour citer cet article

Référence électronique
David Niget, « De l’hystérie à la révolte », Champ pénal/Penal field [En ligne], Vol. VIII | 2011,
mis en ligne le 13 février 2019, consulté le 25 mars 2023. URL :
http://journals.openedition.org/champpenal/8056 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/champpenal.8056

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