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David Niget
Méthodologie
La fin du XIXe et le début du XXe siècle est une période marquée par le développement de
nouvelles disciplines scientifiques étudiant l’individu criminel : l’anthropologie criminelle et la
criminologie, provoquant une véritable révolution pénale. Après avoir été longtemps écartée de
la rationalité pénale, l’enfance devient alors un paradigme de ces nouvelles politiques, lesquelles
se veulent de plus en plus « préventives » en investissant les ressorts de la socialité. En Belgique,
ce mouvement de socialisation du droit est incarné par la doctrine de la défense sociale (Prins,
1910). Selon cette approche, la jeunesse délinquante et l’enfance en danger apparaissent
comme des catégories jumelles, car la responsabilité pénale s’estompe devant la nécessité de
gouvernement des risques sociaux (Ewald, 1986). De ce fait, la loi belge du 15 mai 1912 efface
la distinction ancienne entre enfant victime et enfant coupable, au profit d’une évaluation de la
dangerosité des situations sociales et d’un diagnostic individuel sur l’éducabilité de l’enfant.
Conjuguée aux politiques sociales en plein essor d’une part et aux progrès des sciences de
l’enfant3 d’autre part, la loi énonce des principes d’intervention nouveaux : elle impose l’étude
préalable du milieu et de la personnalité du mineur, à l’aide de l’enquête sociale et
éventuellement de l’examen médico-psychologique, de manière à établir un diagnostic, mais
aussi un pronostic au sujet de l’enfant.
Cette attention portée par la doctrine de la défense sociale à l’individu plus qu’aux faits
commis comporte explicitement une dimension prophylactique, et par là même, prophétique :
il s’agit non plus de se prémunir contre un danger objectif, mais bien contre la dangerosité d’un
individu, cette dernière était inscrite dans l’hérédité ou le milieu du mineur déviant. La notion
même de violence est affectée par ce nouveau gouvernement du risque (Cauchie, Chantraine,
2006), et ce de trois manières. Tout d’abord, dans sa temporalité : la violence réside désormais
beaucoup plus dans la menace que dans la matérialité de ses occurrences. Ensuite, dans sa
généalogie : la violence ne relève plus du comportement individuel, mais est endogame, voire
atavique. Enfin, dans sa définition même : la violence ne se définit plus seulement par son
intensité, mais par le statut de son auteur : précocité, répétition, perversité ; peu importe si les
faits reprochés sont tout à faits mineurs.
Déplaçant le regard de l’espace public vers la sphère privée, la figure de l’enfant
incorrigible remplace celle de l’émeutier (Niget, 2008). En outre, la dimension prophylactique
de la défense sociale, son attention portée à l’individu, l’investissement des ressorts de
l’institution familiale, la volonté d’agir sur le corps social et sur les générations affectent la
définition genrée de la délinquance et de la violence. Les jeunes filles sont désormais sous l’œil
de la justice et de ses experts ; leur incorrigibilité, si elle reste nimbée du soupçon sexuel, se
teinte aussi d’insoumission et de rébellion. In fine, leur statut de future mère, et bientôt de
nouvelle citoyenne, invite les élites à discipliner leur comportement (Rose, 1998).
Outil de la défense sociale, l’approche médico-pédagogique s’incarne alors dans la pratique de
l’ « observation » et de l’expérimentation scientifique. Le jeune prévenu sera observé (...) à tous
les instants de sa vie journalière, et à son insu, en classe, au réfectoire, au travail, au jeu, au
dortoir, explique le juge des enfants de Bruxelles4. Cette technique d’analyse puise dans la
méthodologie des sciences naturelles, à l’instar de la médecine clinique depuis le XVIIIe siècle,
consacrant ainsi la souveraineté du regard (Foucault, 1963 ; Richardson, 1989). Mais
contrairement au regard neutre du naturaliste, l’observation médico-pédagogique traque le
déviant, l’irrégulier, selon une démarche calculatrice ne visant pas seulement à la description
mais aussi à la conjecture sur le devenir de l’enfant.
▪ 4 Wets Paul, dans le Bulletin international de protection de l'enfance, 1928, 620, cité par Velge (19 (...)
▪ 5 Loi du 15 mai 1912, chapitre II, « Des mesures à prendre à l’égard des enfants », articles 21 & 39.
▪ 6 Les « homes » sont des institutions d’accueil réduites, privées, et qui ont tendance à se spécialis (...)
En effet, la question de l’indiscipline prend une part de plus en plus importante dans
l’activité du juge des enfants, lequel est plus souvent saisi, en ce qui concerne les filles, par les
parents eux-mêmes (De Koster, 2003, 100). Dès lors, l’envoi temporaire dans ce type
d’institution offrant un répit à la fois à la famille et au juge, apparaît d’une part comme une
mesure d’évaluation individuelle et d’autre part comme une sanction. Il s’agit tout autant de
mesurer l’éducabilité de la jeune prévenue que de la soumettre à une discipline institutionnelle,
afin de neutraliser la révolte qu’elle a manifestée à l’égard de l’ordre familial. Mais l’observation
devient aussi un outil de gestion des filières institutionnelles (on parle de « triage »). Lorsque le
retour en famille est jugé inapproprié, il existe une gradation informelle entre institutions
privées et publiques, selon la dangerosité supposée des jeunes délinquantes. Si les jeunes filles
bien disposées peuvent être confiées aux Bon Pasteurs, voire aux « homes » familiaux6, les plus
récalcitrantes sont soit maintenues à Saint-Servais, qui comporte une École d’éducation de
l’État, soit transférées à Bruges, qui ouvre une section disciplinaire en 1922 (Massin, 2009).
Au sein de la justice des mineurs, cette pratique de l’observation n’est pas marginale : à
partir des années 1920 et jusqu’en 1965, date de la refonte de la législation, le nombre de jeunes
filles envoyées en observation chaque année oscille entre 150 et 200 pour la seule institution
publique de Saint-Servais, et de 300 à 600 si l’on inclut les institutions privées, ce qui représente,
après une phase de mise en place des institutions dans les années 1920, de 40 à 60 % du nombre
de jugements annuels prononcés à l’égard des filles. Ce ratio faiblit au début des années 1960,
en raison de l’augmentation rapide du nombre de jugements rendus par la justice des mineurs,
qui fait désormais appel à des consultations de jour. Même si toutes les jeunes filles n’entrent
pas en observation du fait d’une décision du juge, mais également à la demande de
l’administration qui y est contrainte à chaque transfert institutionnel, il est intéressant de
constater que le rapport du nombre de filles observées sur celui des filles jugées est plus
important que pour les garçons. Si la justice intervient moins fréquemment à leur égard, puisque
la part de filles signalées au Parquet entre 1913 et 1965 oscille entre 20 et 35% des affaires
(François, 2008b, 23-24), l’expertise est en revanche plus souvent sollicitée dans le cas des filles.
Leurs comportements déviants présentent plus fréquemment des symptômes psychiques aux
yeux des intervenants.
Ratio entre le nombre de mises en observation et le nombre de mineur(e)s jugé(e)s (établissements publics et
privés).
▪ 7 À Sainte Marguerite de Cortonne, à Anvers, on pratique des tests psychotechniques dès l’entre-deux- (...)
La première époque de l’observation à Saint-Servais est marquée par une médicalisation
croissante des pratiques éducatives à l’égard des jeunes filles « irrégulières », une évaluation
des acquis scolaires et le maintien d’une appréciation morale des comportements. On y refuse
la technicité des tests psychotechniques, au contraire de certaines institutions privées7. Au
regard des innovations scientifiques réservées aux garçons dans l’établissement de Mol, où l’on
met en œuvre très tôt nombre de techniques de tests et d’entretiens (Rouvroy, 1921 ; De Koster,
2007), l’observation médico-pédagogique des filles semble confinée à une approche médicale
symptomatologique, à une évaluation de leurs qualités de ménagère instruite et à une
« comptabilité morale » issue de la culture carcérale du XIXe siècle. Cette approche est conforme
à l’idée selon laquelle la cause originelle des déviances féminines réside dans l’amoralité. Elle
témoigne aussi de la place moins grande de l’orientation professionnelle dans la rééducation
féminine, au contraire des garçons dont on teste les aptitudes de manière à les affecter à
l’activité la mieux adaptée, selon les canons de l’utilitarisme social qui régit alors le système.
L’absence de professionnalisation spécifique du personnel est aussi la cause de cette persistance
de la morale au détriment de l’expertise. En dehors du médecin-psychiatre et des religieuses
chefs de pavillon qui disposent du diplôme normal de l’enseignement moyen (Vervaeck, 1936,
903), les religieuses en charge de la surveillance des mineures ne bénéficient que d’une
expérience de terrain, alors même que les premières écoles de travail social ouvrent dans les
années 1920.
▪ 8 Archives de l’Établissement d’éducation de l’État (plus loin EEE) de Saint-Servais. Rapport annuel (...)
Le rapport de force entre jeunes détenues et personnel est alors très frontal, selon une
tradition toute carcérale dont l’ordre des religieuses est coutumier. Il s’agit de l’ordre des Sœurs
de la Providence de Champion, qui, depuis 1837, a la charge de la prison pour femmes de Namur,
à laquelle est annexé en 1864 un quartier spécial pour les jeunes délinquantes. Mme
Baeckelmans, en religion Sœur Berchmans de Saint-Louis, est directrice de l’Établissement
d’éducation de l’État de 1932 à 1946, date à laquelle les Sœurs de la Providence sont remplacées
par les Filles de la Croix de Liège, ordre enseignant (Dupont-Bouchat, 2005, 248). Dans le rapport
annuel de 1933, la directrice signale que nombre de détenues ont un caractère grossier,
[sont] intraitables et sont difficiles à dresser et restent une cause de désordre pour l’entourage.
Malgré tout, un système pavillonnaire permettant une individualisation des régimes et la
séparation des clans, allié à l’environnement champêtre, sont perçus comme des progrès par
rapport à l’architecture carcérale de l’ancienne maison de Namur : « les scènes de vandalisme
se raréfient d’année en année, il semble que cette accalmie est due au travail mouvementé en
plein air, et dans un cadre reposant »8.
▪ 9 Phénomène caractéristique des années 1930, les scandales de presse se multiplient à l’égard des ins (...)
▪ 10 Présentée comme moderne, l’« hydrothérapie », douches ou bains froids, est en réalité une pratique (...)
▪ 11 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Rapport annuel pour 1937, dactyl., f. 1-5.
▪ 12 Même s’il n’existait pas de châtiment corporel dans les règlements des pénitenciers pour enfants au (...)
Aussi, « toute la gamme des sanctions » est-elle utilisée, « jusqu’au simulacre de douche
froide », pratique réservée aux filles10, à l’exclusion du fouet, « système abrutissant les sujets
ayant dépassé l’enfance »11. À la violence illégitime des jeunes filles, rétives à l’ordre régnant à
Saint-Servais est imposé, selon la directrice, une violence légitime mesurée, pédagogie noire
jugée nécessaire face à des êtres mus par leurs passions et non pas la raison. L’hygiénisme et les
pratiques de thérapie psychiatriques viennent alors relégitimer la pratique du châtiment
corporel12 (quand bien même le corps n’est plus touché dans sa chair), conférant à la discipline
de l’institution un caractère répressif.
▪ 13 La notion de « milieu » est une synthèse entre l’hérédité et l’environnement social. B.A. Morel pub (...)
La seule véritable étiologie scientifique de la violence présente dans les discours des
intervenants des années trente est d’ordre médical. Le poids des thèses héréditaristes sur la
dégénérescence est persistant depuis la fin du XIXe siècle. Ces théories néo-lamarkiennes
évolutionnistes, dont Morel avait posé le principal jalon, ont pour conséquence de lier biologie
et morale, le « milieu » favorisant le vice13. Dans cette veine, le médecin-psychiatre de Saint-
Servais déplore en 1938 les difficultés rencontrées dans la mission d’éducation des jeunes filles :
« Le travail éducatif à tous les points de vue (hygiène morale, hygiène physique) se poursuit sans
relâche (…) et si nous n’obtenons pas toujours les résultats obtenus, c’est parce que la plupart
des enfants qui nous sont confiées présentent des troubles du caractère, des tendances
morbides et un déséquilibre, dus souvent à des tares héréditaires très lourdes »14.
▪ 14 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Rapport annuel pour 1938. État sanitaire, dactyl., f. 2-3.
▪ 15 Ibid.
S’ajoutent à cette matrice héréditariste des considérations médicales sur les troubles
hormonaux et les maladies nerveuses, promues par les neuropsychiatres comme le français
Jacques Roubinovitch, et qui rencontrent un grand succès dans l’entre-deux-guerres
(Roubinovitch, 1924 ; Bakker, 2010). Pour le médecin de l’institution, les « troubles
glandulaires », dont l’hyperthyroïdie notamment, provoquent des « troubles nerveux » : les
glandes influencent non seulement la vie végétative de l’individu, mais de nombreux types de
déviations intellectuelles ou morales, explique-t-il. En résulte une instabilité
psychique : l’émotivité est exagérée, ainsi que l’irritabilité, l’impressionnabilité [et] l’agitation
fréquente15. La force de persuasion de ce discours des médecins experts réside dans sa capacité
à associer biologie et biographie via l’hérédité pour expliquer les causes des déviations morales.
Et s’il en résulte un véritable déterminisme social qui confine au fatalisme, la jonction avec les
thèses eugénistes permet alors d’envisager la régénération des dégénérés par l’immersion dans
un milieu sain (Nys, De Smaele, Tollebeek, Wils, 2002). Les jeunes filles, jugées plus perméables
que les garçons aux influences d’un milieu malsain, apparaissent alors comme des sujets que
l’institution peut sauver en les cloîtrant.
Ainsi, personnel religieux et médical jettent, de concert, un regard stigmatisant,
extrêmement genré, sur les jeunes filles dont ils ont la charge. Malgré un apparat scientifique et
technique lui procurant une légitimité nouvelle, l’expertise ne rejette pas la morale ; mieux, elle
s’en nourrit. À certains égards, l’expertise scientifique permet de réactualiser sous un apparat
neutre la régulation morale issue du XIXe siècle, marquée par une hégémonie de classe, de genre
et de race, au sein de sociétés de plus en plus pluriculturelles et démocratiques (Valverde, 1995,
21 ; François, Niget, 2011).
▪ 16 Le Dr Healy, médecin et psychologue américain, a fondé la première clinique médico-pédagogique pour (...)
En effet, ces années d’après-guerre voient éclore, dans les pays occidentaux, la psychologie
de l’enfant et de l’adolescent. Le déterminisme biologique de la première psychiatrie infantile
est progressivement recouvert, pour former une étiologie hybride de la déviance, centrée sur
un psychisme individuel modelé tant par la physiologie que par la psychologie. Si la psychanalyse
freudienne reste longtemps à la porte des institutions de rééducation, ses méthodes reposant
sur l’interprétation des représentations mentales entrent dans le répertoire des nouveaux
experts (Bantigny, 2004). La psychologie apporte une possibilité nouvelle d’appréhender
l’individu délinquant dans sa totalité, à travers l’étude de la « personnalité ». Pour une
éducatrice citant le Dr William Healy, figure tutélaire de la psychologie infantile16, il s’agit ainsi
de connaître l’enfant tout entier dans la situation toute entière (Van Loo, 1951, 103). Aussi, dans
les archives, « l’histoire de vie », racontée par la jeune fille elle-même, occupe une place
importante dans l’appréciation du caractère. Cette histoire de vie est pratiquée de deux
manières à Saint-Servais : non directive, on invite la jeune fille à se raconter par écrit lors de ses
premiers jours de résidence, et dirigée, grâce au questionnaire Woodworth-Mathews révisé par
le Dr Heuyer (Pirard, 1949, 46-49).
Les institutions correctives adoptent, après-guerre, des objectifs de responsabilisation des
jeunes délinquants, délaissant le fatalisme social hérité du XIXe siècle. Les cadres de l’institution
proclament l’avènement du self government, qui est basé sur la spontanéité des enfants et sur
une réduction efficace de l’autorité de l’éducatrice (Martino, 1955, 17). Grâce à cette
« abdication volontaire » de l’institution, inspirée de la pédagogie du philosophe allemand F.W.
Foerster (Foerster, 1909), l’enfant apprend peu à peu à se gouverner lui-même, à se commander.
Moins dirigiste, l’observation veut d’une part susciter la prise en charge individuelle et collective
des jeunes délinquantes, mais doit, d’autre part, déterminer quel est leur degré d’autonomie,
en tant que citoyennes et bonnes mères de famille. Les éducatrices évoquent ainsi la
nécessaire éducation à la liberté, la formation professionnelle poussée, ainsi que le souci
constant de préparer, de façon réaliste, nos jeunes filles à la vie telle qu’elle la retrouveront plus
tard (Cheza, 1952, 21).
C’est la raison pour laquelle l’orientation professionnelle et les loisirs, marqueurs de la
socialité, sont pris en considération au sein même de l’institution, préparant à la vie libre.
Trouver les conditions de son effacement plutôt qu’enserrer les jeunes dans ses hauts murs,
voici la nouvelle posture de la rééducation, mais ce, à condition que les jeunes filles manifestent
un comportement responsable (Wills, 2005). Dès lors, l’indiscipline n’est plus seulement perçue
comme un manquement à la règle communautaire, mais comme un déni de soi-même.
Certaines jeunes filles manifestent d’ailleurs la plus grande méfiance à l’égard de ce mouvement
néo-disciplinaire :Très indépendante, la mineure éprouve une réelle difficulté à se plier à un
règlement. [Elle] n’admet pas le principe du self-government et saperait facilement la part
d’autorité des responsables.
▪ 17 Archives de l’Établissement d’observation de l’État (plus loin EOE) de Saint–Servais. Année de nais (...)
Signe du changement, on recommande son placement dans une institution plus souple, un
« home »17. Dans les institutions, les jeunes filles résistent à ce principe de la responsabilisation
par la création de codes propres, norme alternative qui allie à la fois des règles de la sociabilité
juvénile « du dehors » (regroupement par âge et dispositions socio-culturelles, ici notamment
wallonnes et flamandes), et des pratiques propres à la promiscuité de l’enfermement, qui
aiguise le caïdat et les stratégies de protection (Myers, Sangster, 2001, 677).
31Outre le fait que cette injonction à l’autonomie puisse sembler contradictoire pour des
populations parfois fragilisées, l’évolution de l’expertise médico-psychologique vient aussi
contredire la volonté affichée de responsabilisation. En effet, le recours de plus en plus
systématique aux « techniques projectives », dont le test de Rorschach est l’emblème, contribue
à déresponsabiliser l’individu, dont le comportement est interprété comme le fruit de
déséquilibres émotionnels profonds. La parole, et par là même, le libre-arbitre des individus
deviennent sujets à caution, car ce n’est plus la volonté et la responsabilité qui comptent dans
l’évaluation, mais les méandres du subconscient qui agissent, à couvert, dans le psychisme des
jeunes. Ainsi, responsabilisation rime avec subjectivation à Saint-Servais, où les jeunes internes
sont conviées à contrôler leurs affects et à planifier leurs projets de réinsertion, mais continuent
de buter sur ce savoir expert opaque, qui les place en position de subordination et d’insécurité
au sein de l’institution. Ces mutations disciplinaires ne consacrent pas la fin des violences
institutionnelles, lesquelles glissent vers un registre plus symbolique censé garantir un ordre
d’autant plus ferme qu’il est intériorisé par les détenues.
Ces dernières, souvent, refusent cette ruse du pouvoir des experts, et manifestent sous
différentes formes, des résistances à son égard. « Ghislaine crie facilement à l’injustice ; elle
connaît les obligations et les devoirs de l’autorité et entend que celle-ci les observe… ». Refusant
sa privation de liberté, la jeune fille entend retourner chez les siens pour se marier18. Face au
jugement moral dont elles sont victimes, certaines affirment leur liberté de choisir leur style de
vie : je marche la tête haute, on n’a rien à me reprocher, clame Camille, décrite comme un
« caractère violent et colérique, allant jusqu’aux coups et menaces ». Si vous avez le droit de me
dire ce que vous pensez, moi aussi je vous dirai ce que je pense de vous, se défend-elle19.
Nombreuses sont les jeunes filles décrites comme très méfiantes à l’égard des tests qu’on leur
fait subir. Ainsi, d’une jeune indisciplinée décrite comme « tyrannique », le rapport indique que
« le test caractériel de Woodworth auquel l’élève a été soumise est sujet à caution tant elle s’y
est prêtée de mauvaise grâce ; après plusieurs essais, elle refuse de répondre de crainte de livrer
sa pensée »20. Contrairement à l’image de jeunes victimes de leur milieu qu’une prise en charge
institutionnelle pourrait remodeler, les jeunes insoumises opposent des gestes et parfois des
discours de résistance qui, intervenant dans un contexte normatif hégémonique, signalent
néanmoins leur capacité d’action face à un système judiciaire et expertal discriminatoire
(Lunbeck, 1987).
De la même manière, Éliane « s’affirme de façon brutale » ; « quand elle se sent vaincue,
elle crie, trépigne, pleure, brise meubles et portes et ameute les alentours de véritables
hurlements »22. Cette insoumission individuelle cherche fréquemment à susciter la rébellion
collective : « Elle nargue l’autorité, dit-on de Margaux, chante, essaye d’obtenir l’approbation
de ses compagnes », se glisse dans l’embrasure de sa fenêtre et « se promène alors sur la toiture
de la loggia »23. Même chose de la part d’Andrée, qui « exerce une influence néfaste sur [ses
compagnes] par son esprit critique et pessimiste et les excite à l’indiscipline et à la révolte »24.
On note cependant la rareté des rébellions, dont on peut penser néanmoins qu’elles sont
estompées dans les archives. En outre, la vindicte collective est neutralisée par les techniques
de responsabilisation des élèves. À partir de 1954, l’institution met en place les « clubs »,
groupes formés par affinité, chargés de favoriser le développement d’amitiés saines (Martino,
1955, 23-28). En réalité, il s’agit surtout d’un système de responsabilité collective, car le
comportement répréhensible d’une vaut sanction pour toutes. Plus encore, le club est une
première instance disciplinaire, puisque ses membres réunis sont sommés d’infliger des
sanctions à celle des leurs qui a semé le trouble. Sous couvert de méthodes libérales,
l’institutionnalisation du caïdat apparaît comme un puissant levier de pacification, mais s’avère
également devenir un facteur de ségrégation pour les jeunes insoumises qui, en plus de subir le
discrédit de l’institution, endurent le contrôle et la stigmatisation de leurs paires.
À côté des éclats manifestes, la violence féminine est décrite par les éducatrices comme
latente, souterraine, surgissant inopinément, ce qui en accentue le caractère pathologique. Cela
est parfois associé à un défaut de parole que l’on souhaite compenser selon l’idée que le verbe
apaise le geste25. Les causes en sont aussi les névroses ; ainsi, Léonie « est extrêmement
gentille, prévenante, présentant certaines qualités d’adaptation formelle, quoiqu’on constate
cependant que dès qu’elle se fâche, réagit, ou d’après les conversations qu’elle tient à ses
compagnes, qu’elle médite et organise délibérément du négativisme (…), attitude
oppositionnelle névrotique » qui la pousse à planifier des évasions, nouer des « amitiés
particulières », et « exciter les esprits »26.
Étiologies sexualisées
▪ 34 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8858 (1947 et 1953).
Réminiscence d’une physiognomonie réfutée depuis la fin du XIXe siècle, ces croquis
psychologiques des jeunes filles trahissent leur précocité, conjonction perturbatrice d’une
maturation corporelle et d’une immaturité psychique provoquant un déséquilibre affectif :
« Renée est le type de la ‘poupée’ à tête vide » dont « les petits besoins constants projetés par
les caprices, l’humeur, les fantaisies » ne trouvent « pas satisfaction », ce qui en fait « un
élément assez dangereux »35.
▪ 39 Dans les années 1950 la criminologie américaine associe lesbianisme et violence, sur le modèle des (...)
▪ 40 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8379 (1952).
▪ 41 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA25, CC189 (1954-1955).
Afin de corriger ces dispositions masculines, on préconise des exercices physiques et « des
activités ménagères stéréotypées », rétablissement de la frontière du genre. Longtemps taboue
dans les institutions de protection de la jeunesse, l’homosexualité apparaît explicitement dans
le discours des psychologues dans ces années 1950. Au-delà des apparences, les experts pensent
déceler l’homosexualité « latente » grâce aux techniques projectives des tests. Considérée
comme une pathologie mentale, l’homosexualité est ainsi facteur de désordre affectif,
engendrant un sentiment de culpabilité qui provoque soit une autocritique violente, soit une
agressivité extériorisée. Ainsi, Suzanne « est particulièrement provocante dans les amitiés
particulières et dans ce domaine, si elle est prise sur le vif, elle devient furieuse… éclate de
colère »41.
Mais la question des « troubles du comportement » n’est plus strictement sexualisée avec
l’apparition des techniques médico-pédagogiques. La notion d’intelligence y devient centrale,
puisque l’observation tire une bonne part de sa légitimité de l’application de tests
psychométriques (Gould, 1983, 175-234). Néanmoins, la mesure de l'intelligence comporte des
implications très contradictoires. Dans de nombreux cas, la déficience intellectuelle est à
l’origine du comportement incontrôlé : les « tendances schizoïdes », la difficulté à apprécier les
codes de la socialité sont les manifestations de « l’arriération ». La violence est à la fois la
conséquence et la cause du handicap, puisque « l’impulsivité constitue un handicap quant au
rendement » intellectuel, faisant obstacle au discernement42. Dès lors, la vie en institution peut
s’avérer dangereuse, comme pour Eugénie, « tombée au pouvoir d’une compagne intelligente
mais perverse qui la pousse à braver l’autorité, menacer ses compagnes parmi lesquelles elle
répand la terreur, tenter de s’évader. (…) Ne possédant aucune possibilité, ni surtout aucune
conscience, ses réalisations, ses activités sont clownesques. Eugénie reste nécessairement
l’esclave de sa profonde débilité mentale »43.
A contrario, relativement fréquents sont les cas où l’intelligence est un facteur d’agressivité,
suscitant une réaction « narcissique » face au stigma que représente l’envoi dans une institution
d’ « arriérés »44. « Elève intelligente, Jeannette est fière de sa supériorité. Assez imbue d’elle-
même, elle affecte un air poseur et maniéré (…). Son air dédaigneux ne plaît pas toujours à son
entourage et suscite des difficultés pour la bonne entente du groupe » 45.
▪ 53 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA4, CC161 (1954).
Conclusion
Berceau d’une « défense sociale » qui redessine le rapport des institutions pénales à la
dangerosité, la Belgique introduit très tôt l’expertise médico-pédagogique dans le système
judiciaire des mineurs. Cette médicalisation de l’intervention judiciaire à l’égard de la jeunesse
« irrégulière » provoque inévitablement une redéfinition de la délinquance juvénile et
notamment de celle des filles. La plus grande attention portée au « milieu » social, aux rapports
familiaux, à l’intimité, au corps et à la sexualité, puis au psychisme réoriente le regard porté sur
les jeunes filles. Ignorées par la justice du XIXe siècle, elles font l’objet de toute l’attention des
nouveaux experts de la déviance juvénile. Nouvelle rationalité pénale préventive et sciences
médico-pédagogiques introduisent également une sensibilité particulière à la violence.
Longtemps attribut de la jeunesse, tolérée voire instrumentalisée, la violence et l’indiscipline
deviennent un facteur de désordre social et le stigmate d’une pathologie (Niget, 2007). Sous
l’influence des sciences du psychisme, cette violence, incorporée à la nosographie des « troubles
du caractère », permet désormais de qualifier autant les filles que les garçons, même si le
caractère genré de cette qualification perdure.
Au sein des institutions d’observation, les jeunes filles manifestent différentes formes
de résistance à l’autorité. Leur violence est fréquemment pointée, qu’il s’agisse de rébellion
ouverte - rarement collective, ou de manifestations d’une violence latente. Dans l’un ou l’autre
cas, le refus de l’assignation à la déviance est manifeste, provoquant de vives tensions.
Contrairement à l’image que tente de fabriquer l’institution à travers diverses activités de
socialisation, l’assentiment des jeunes filles n’est que rarement rencontré. Soumises par calcul,
révoltées par nécessité, leurs stratégies et leurs postures récusent les velléités institutionnelles
d’assujettissement.
Au contraire d’une histoire des grands paradigmes scientifiques, cette approche des
pratiques institutionnelles signale un grand syncrétisme dans la caractérisation de la violence,
voire une accumulation d’approches contradictoires avec l’apparition de la
psychopharmacologie (Evans, Rahman, Jones, 2008). À travers l’élaboration de catégories telles
que les « troubles de la personnalité », psychiatrie puis psychologie invitent à une définition
extensive de la violence, laquelle n’est plus seulement pensée à travers ses manifestations mais
selon une étiologie de l’invisible : la violence latente doit être dépistée.
Les sciences du psychisme tendent conjointement à visibiliser la violence féminine et à
la nier comme forme d’expression. La pathologisation de la violence féminine traduit la difficulté
des experts et de l’institution à la reconnaître comme la manifestation d’une opposition légitime
au traitement subi. Qu’elle soit banalisée ou dramatisée, la mise en forme de la violence
féminine par l’étiologie médicale et psychologique, relève, dans les institutions d’observation,
d’une négation de tout caractère collectif ou social et de toute dimension politique de cette
résistance. Il doit être possible, pourtant, en contextualisant historiquement les formes
d’expression de cette violence juvénile féminine, en la pensant dans le cadre d’une résistance
au pouvoir légal et expertal, de rompre le déterminisme de l’interprétation genrée de la violence
la décrivant comme aberrante et insensée, et de replacer cette expression dans la culture
politique de constitution des sujets, qui peuvent se construire par la violence même si celle-ci
les laisse vulnérables (D'Cruze, Rao, 2005).
Bibliographie
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Notes
4 Wets Paul, dans le Bulletin international de protection de l'enfance, 1928, 620, cité par Velge
(1941, 166-167).
5 Loi du 15 mai 1912, chapitre II, « Des mesures à prendre à l’égard des enfants », articles 21 &
39.
6 Les « homes » sont des institutions d’accueil réduites, privées, et qui ont tendance à se spécialiser
pour accueillir des publics particuliers en avançant dans le XXe siècle : filles mères, déficientes,
tuberculeuses, etc.
7 À Sainte Marguerite de Cortonne, à Anvers, on pratique des tests psychotechniques dès l’entre-
deux-guerres (Vervaeck, 1936, 903).
8 Archives de l’Établissement d’éducation de l’État (plus loin EEE) de Saint-Servais. Rapport annuel
pour 1933, dactyl., f. I-II.
9 Phénomène caractéristique des années 1930, les scandales de presse se multiplient à l’égard des
institutions correctionnelles pour mineurs. Si la Belgique est alors relativement épargnée par le
phénomène, affleure néanmoins une critique des pratiques disciplinaires qui éclatera après la
Seconde Guerre mondiale (Dupont-Bouchat, 2004).
10 Présentée comme moderne, l’« hydrothérapie », douches ou bains froids, est en réalité une
pratique ancienne utilisée dans les asiles d’aliénés au XIXe siècle et toujours présente dans de
nombreuses institutions pour filles au XXe siècle (Meis Knupfer, 2001, 151).
12 Même s’il n’existait pas de châtiment corporel dans les règlements des pénitenciers pour enfants
au XIXe siècle, on sait que la discipline corporelle y était sévère, de l’affectation aux travaux les plus
pénibles à l’enfermement cellulaire (Dupont-Bouchat, Pierre, 2001, 162-163).
13 La notion de « milieu » est une synthèse entre l’hérédité et l’environnement social. B.A. Morel
publie en 1857 un Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce
humaine. Cette théorie continue, jusqu’au mitan du XXe siècle, d’imprégner la pensée médicale et
psychiatrique (Coffin, 2003).
14 Archives de l’EEE de Saint-Servais. Rapport annuel pour 1938. État sanitaire, dactyl., f. 2-3.
15 Ibid.
28 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier 9975 (1954-55) ; dossier
MA25, CC189 (1954-55). Section spéciale, tableaux d’entrée/sortie, 1959-1962, 10.
29 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA229, CC411 (1955-
1956).
34 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1933, dossier 8858 (1947 et 1953).
39 Dans les années 1950 la criminologie américaine associe lesbianisme et violence, sur le modèle
des hommes psychopathes sexuels. Ils recommandent d’identifier les « vraies » lesbiennes grâce à
des tests psychotechniques de personnalité (Freedman, 1996, 405-406).
41 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA25, CC189 (1954-
1955).
50 Notons la rareté chez les intervenants, de considérations sur le traumatisme psychologique lié à
l’inceste, ce qui atteste de l’impopularité persistante des théories freudiennes (Cheza, 1952, 3).
53 Archives de l’EOE de Saint–Servais. Année de naissance 1938, dossier MA4, CC161 (1954).
55 Une comparaison aves les institutions pour garçons permettrait de savoir si le traitement
médicamenteux des troubles du comportement répond, comme nous le suggérons, à un clivage de
genre.
Table des illustrations
URL http://journals.openedition.org/champpenal/docannexe/image/8056
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Référence électronique
David Niget, « De l’hystérie à la révolte », Champ pénal/Penal field [En ligne], Vol. VIII | 2011,
mis en ligne le 13 février 2019, consulté le 25 mars 2023. URL :
http://journals.openedition.org/champpenal/8056 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/champpenal.8056