Vous êtes sur la page 1sur 12

Analyse acoustique sur PRAAT

Luciano Pelayo Reyes

Introduction

Dans ce travail, nous essayerons d’analyser acoustiquement quelques phrases


obtenues lors d’une interview réalisée auprès d’un jeune homme dont la langue
maternelle est l’espagnol mais qui parle en français pour cet entretien. Nous
examinerons les énoncés choisis afin de déterminer s’il présente des éléments
caractéristiques de l’espagnol quand il parle en français. Pour mener à bien cette
analyse on se servira du logiciel PRAAT.

Objectif

L’objectif principal de ce travail est d’analyser acoustiquement, grâce au logiciel


PRAAT, quelques passages d’un entretien réalisé auprès d’une personne
hispanophone en parlant français afin de déterminer s’il y a des relations entre la
langue maternelle (l’espagnol) et la langue étrangère (le français).

Cadre théorique

Modèle métrique auto-segmental

Le modèle métrique auto-segmental a été proposé par PerreHumbert (1980) dans


sa thèse doctorale sur les caractéristiques phoniques de l’intonation de l’anglais.
Ce modèle a été aussi utilisé pour l’étude d’autre langues tonales intonatives
comme le japonais, l’anglais, l’espagnol, entre autres. L’objectif du modèle
métrique autos-segmental est d’identifier les traits caractéristiques du système
intonatif, la combinaison de ces traits donne lieu aux contours mélodiques qu’on
peut trouver dans les phrases d’une langue. (Hualde, 2003)
Dans le modèle AM on considère un nombre limité de tons paradigmatiquement
contrastifs, tenant compte de la langue étudiée, il peut en avoir deux ou trois  : ton
haut, ton bas et ton moyen. Par conviction les tons sont représentés par leurs
initial en anglais, nous avons ainsi : H pour le ton haut (high tone), L pour le ton
bas (low tone) et M pour le ton moyen (mid tone). (Hualde 2003 et Radillo 2022)

La combinaison de ces trois tons peut produire des contours mélodiques


complexes (hualde). Prieto (2005) mentionne que les contours mélodiques
peuvent commencer avec un ton de frontière initial soit %H ou %L et comportent
obligatoirement un des sept accents tonals pour la langue anglaise. Enfin, le
contour mélodique doit terminer obligatoirement par un ton de frontière
intermédiaire (H- ou L-) suivi d’un ton de frontière intonatif (H% ou L%). L’auteur
présente le schéma suivant adapté de PierreHumbert (1980).

Le modèle AM prend en compte deux unités phonologiques différentes : les


accents tonals (pitch accents) qui sont associés aux syllabes accentuées et les
tons de frontières (boundary tones) qui sont associés aux limites de la phrase.
(prieto, hualde) Les accents tonals sont accompagnés du symbole astérisque « * »
et les tons de frontières du signe pour cent « % » (Prieto, 2005 et Radillo, 2022)
Système de notation prosodique ToBI

Le système ToBI (Tones and Break Indices) est né à partir du modèle AM et sert à
faire des transcriptions prosodiques. Ce système a été crée pour expliquer les
phénomènes prosodiques de l’anglais mais après il a été adapté et utilisé pour
réaliser des transcriptions prosodiques d’autre langues. Comme le coréen
(K_ToBI), l’espagnol (Sp_ToBI), le grec (Gr_ToBI), etcétéra. (vilaplana y prieto)

Le système ToBI propose quatre niveaux d’analyse, à savoir : le niveau


orthographique, dans lequel il faut faire la transcription des énoncés par mots ou
par syllabes. Le niveau de séparation prosodiques, qui sert à délimiter les phrases
intonatives ou des mots prosodiques. Le niveau tonal, où il faut transcrire les
accents tonals et les tons de frontières et le niveau éclectique ou varié, qui est
utilisé pour dénoter des phénomènes paralinguistiques comme les rires. (Vilaplana
y Prieto 2008 et Radillo, 2022)

Méthodologie

Pour réaliser cette étude tout d’abord nous avons enregistré une interview que
nous avons fait avec une personne dont la langue maternelle est l’espagnol en
parlant français. L’entretien a duré 42 minutes ; puis, nous avons sélectionné les
phrases assertives que nous avons considérées les plus pertinentes pour
déterminer s’il y avait des relations entre les deux langues ; finalement, nous avons
analysé acoustiquement les phrases choisisses avec le logiciel PRAAT.

Information de la personne interviewée

La personne interviewée, c’est un homme Mexicain de 24 ans dont la langue


maternelle est l’espagnol. Il a commencé à apprendre le français à l’âge de 19 ans
dans la licence en didactique de français comme langue étrangère à Université de
Guadalajara où il l’a étudié pendant 5 ans.
En plus, il a eu de contact avec la langue anglaise depuis l’école primaire
néanmoins, c’est jusqu’à l’âge de 15 ans quand il a appris cette langue dans un
contexte endolingue. Il parle aussi catalan, langue qu’il a étudiée pendant deux
ans. Il a aussi pris des cours d’italien et d’allemand.

Ce jeune homme a vécu ses premiers 15 ans dans un contexte complétement


monolingue dans la zone métropolitaine de Guadalajara. Après, il a passé un
séjour d’un an à Toronto avec une famille bilingue espagnol-anglais.

Analyse

Au total, nous avons analysé 8 phrases assertives qui nous ont donné un total de
40 accents tonals, la plupart d’accents mono-tonals : 2 pour le ton H* (5%) et 19
pour le ton L* (47.5%). Quant aux accents bi-tonals nous avons trouvé 19
résultats. De cette manière les accents mono-tonals représentent le 52.5 % tandis
que les accents bi-tonals représentent le 47.5%.

Tons de frontières

Dans le tableau ci-dessus, nous présentons les tons de frontières qu’on a trouvé
dans chaque phrase. Comme nous pouvons voir, la majorité sont des mono-tons,
nous n’avons que deux bi-tons. Il faut noter qu’on a eu trois phrases qui terminent
par un ton bas (L%), et trois qui terminent par un ton haut (H%), une par un ton
bas-haut (LH%) et une par un ton haut-haut (HH%).

Comme il s’agit d’une personne qui est en train de parler français, on supposait
que la plupart des phrases allaient terminée en ton haut (H%) parce que l’accent
nucléaire se trouve dans la dernière syllabe du mot ou du groupe rythmique.
Néanmoins, nous avons trouvé des tons bas et des bi-tons, on pense que c’est
parce que la personne interviewée prononce le « e » des mots qui terminent avec
cette lettre, ceci provoque qu’il y ait une syllabe de plus par exemple dans le mot
« Mexique » le candidat prononce [mɛksikə].
Phrase Ton de frontière
1 H%
2 L%
3 LH%
4 H%
5 L%
6 L%
7 HH%
8 H%

Tonèmes

Les tonèmes qui correspondent à l’accent tonal de la dernière syllabe plus le post-
tonème sont présentés dans le suivant tableau dans lequel on peut voir le ton de la
syllabe nucléaire et sa durée.

Phrase accent nucléaire durée


1 L+H* 213 ms
2 L+H* 699 ms
3 L* 160 ms
4 L+H* 447 ms
5 L*+H 339 ms
6 L*+H 318 ms
7 L*+H 320 ms
8 L*+H 517 ms

On peut constater que normalement, on trouve des bi-tons pour les accents
nucléaires : 7 accents bi-tons nucléaires et seulement 1 accent nucléaire mono-
tonal. En plus, on peut observer que la configuration principale de ces accents est
presque toujours la même, ils sont bas plus haut (L+H). Le trait qui les différencie
est le ton qui est ancré à la syllabe tonique.
Quant à la duration, nous pouvons dire qu’on a trouvé des syllabes très courtes
comme celle de la troisième phrase de 160 millisecondes et qui corresponde à un
mono-tons mais, nous avons aussi trouvé des syllabes qui sont allongées comme
les exemples de la deuxième et la huitième phrase qui ont été les plus longues
avec une duration de 699 et 517 respectivement, ce qui pourrait expliquer, en plus
des mesures, l’apparition d’un bi-ton.

Conclusion

Après avoir analyser acoustiquement les phrases avec le logiciel PRAAT, nous
avons trouvé que la personne interviewée n’a pas vraiment d’indices de sa langue
maternelle ou pas nettement clair car les énoncés analysés présentent le tonème
dans la dernière syllabe tonale tel que le fait une personne native de la langue  ;
néanmoins, il faut accepter qu’on doit faire une analyse plus exhaustive afin de
déterminer quels aspects pourraient dénoncer la langue maternelle de l’individu.

Bien qu’on n’ait pas trouvé d’interférence toniques de l’espagnol dans le français il
ne faut pas oublier qu’on peut deviner qu’il ne s’agit pas d’une personne
francophone de naissance par le vocabulaire utilisé, les erreurs
morphosyntaxiques et même la production de certains phonèmes.
Annexes

Mot (ST) Début Fin Diffé. accent durée Césure


Dans ce moment-là, je travaille comme professeur de français.
Dans 80.43 80.6 -0.17 L* 176 1
Moment-là 83.31 90.8 -7.49 L*+H 304 1
Moi 82.37 81.86 0.51 L* 227 1
travaille 81.15 89.85 -8.7 L+H* 481 1
comme 82.35 82.17 0.18 L* 277 1
Professeur 83.0 82.47 0.68 L* 195 1
Français 78.2 93.36 -15.16 L+H* 213 4
Elle habite avec mes deux frères et ma petite sœur.
Elle 78.75 78.42 0.33 L* 697 3
Habite 82.93 86.96 -4.03 L+H* 252 1
Avec 79.36 78.06 1.3 L* 206 0
Deux 83.11 80.53 2.58 L+H* 400 1
Frères 80.34 90.34 -10 L+H* 758 3
et 80.13 79.44 0.69 L* 176 1
Petite 82.74 81.93 0.81 L* 214 1
Sœur 82.3 90.18 -7.88 L+H* 699 4
Ma tante travaille comme assistante de langue.
Tante 81.35 82.07 0.72 L* 240 1
Travaille 80.76 80.35 0.41 L* 179 1
Assistante 80.8 81.25 .0.45 L* 157 1
Langue 79.14 79.55 -0.41 L* 160 4
Je peux faire un séjour en France.
Je peux 81.79 80.39 1.4 L* 269 1
faire 81.93 81.49 0.44 L* 443 1
Un 81.58 81.57 0.01 L* 160 1
Séjour 83.07 89.17 -6.1 L+H* 314 3
France 83.07 85.05 -1.98 L+H* 447 4
Il faut que j’aille le diplôme.
Faut 87.85 86.58 1.27 H* 121 1
J’aille 79.78 83.72 -3.94 L*+H 390 1
Diplôme 81.0 86.92 -5.92 L*+H 339 4
Ils sont venus au Mexique
Sont 80.28 79.9 0.38 L* 220 1
Venus 83.04 87.92 -4.88 L*+H 466 1
Mexique 86.08 92.05 -5.97 L*+H 318 4
J’ai quitté mon dernier travail qui était à Amazon.
J’ai 81.6 80.62 0.98 L* 352 1
Quitté 86.17 86.4 -0.23 H* 117 1
Dernier 81.68 81.16 0.52 L* 322 1
Travail 80.46 86.77 -6.31 L*+H 384 3
Etait 81.16 79.38 1.78 H+L* 601 2
Amazon 85.28 96.62 -11.34 L*+H 320 4
On prend de la bière, du vin.
On 80.55 79.91 0.64 L* 246 1
Prend 81.34 78.34 3.0 H*+L 897 1
bière 81.77 84.75 -2.98 L+H* 715 3
Vin 74.75 86.06 -11.31 L*+H 517 4
1) Dans ce moment-là, je travaille comme professeur de français.
2) Elle habite avec mes deux frères et ma petite sœur.

3) Ma tante travaille comme assistante de langue.


4) Je peux faire un séjour en France.

5) Il faut que j’aille le diplôme.


6) Ils sont venus au Mexique

7) J’ai quitté mon dernier travail qui était à Amazon.


8) On prend de la bière, du vin.

Références

 En torno a la asociación tonal en el modelo métrico-autosegmental Puntos


controvertidos en su aplicación al catalán. (2005). Retrieved December 7,
2022, from http://prosodia.upf.edu/aev/recursos/documents/PRIETO/En
%20torno%20a%20la%20asociacion%20tonal%20en%20el%20modelo
%20metrico-autosegmental.%20Puntos%20controvertidos%20en%20su
%20aplicacion%20al%20catalan.pdf

 Hualde, J. I. (2003) “El modelo métrico y autosegmental”, en Prieto, P. (ed.)


(2003). Teorías de la entonación. Barcelona: Ariel, 155-184.

 Prieto, P. & Roseano, P. (eds) (2010). Transcription of Intonation of the


Spanish Language. Munich: Lincom Europa.

 Radillo, R. (2022) Rasgos prosódicos en actos de habla asertivos y


expresivos del español de Guadalajara. México. Universidad de
Guadalajara.

 Vilaplana, E. E. (2008). La notación prosódica del español: una revisión del


Sp-ToBI. Estudios de fonética experimental, 264-283.

Vous aimerez peut-être aussi