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Institut d’études

de sécurité

Article ISS 290 | FÉVRIER 2016

Reprendre le contrôle des mers


Perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique
Oliver C Ruppel et David J Biam

Résumé
Le transport maritime international fait l’objet d’une concurrence acharnée. Depuis le début
de la période coloniale, l’histoire du commerce maritime dans les eaux maritimes africaines
est caractérisée par leur exploitation par des pays étrangers. Aujourd’hui, l’Union africaine
(UA), à travers la Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans à l’horizon 2050,
prévoit de mettre en œuvre de nouvelles lois sur le cabotage visant à libérer enfin l’industrie
du transport maritime du continent de la dominance étrangère. Cependant, certains
obstacles doivent d’abord être franchis, comme par exemple augmenter la capacité et
l’efficacité de l’industrie maritime en Afrique. Le présent article procède à l’examen de
l’introduction des lois pro-africaines sur le cabotage proposée par l’UA en mettant l’accent
sur leurs retombées économiques et réglementaires. Il met également en lumière les
principaux défis que pose le combat mené par l’Afrique pour une plus grande libération
économique de ses eaux maritimes.

L’économie bleue figure en tête des priorités des dirigeants africains depuis que les membres de
l’Union africaine (UA) ont lancé une campagne en faveur de la renaissance1 du domaine maritime africain
à l’échelle continentale. Cette initiative a démarré après l’élaboration par la Conférence des ministres
chargés du transport maritime (CMRMT) de l’UA d’un Plan d’action pour les transports au Nigéria en
2007, suivi de l’adoption de la Charte africaine des transports maritimes de 1994 (AMTC) et de la Charte
africaine des transports maritimes révisée (RAMTC) en 2010 au siège de l’UA à Addis-Abeba. Lors du
premier atelier intersectoriel africain d’experts maritimes en 2010, les efforts initiaux des membres de l’UA
ont abouti à la finalisation en 2012 de sa Stratégie africaine intégrée pour les mers et les océans - horizon
2050 (Stratégie AIMS 2050) qui, avec le cabotage maritime africain, est l’objet principal du présent article.
Ce sujet a été abordé pour la dernière fois lors de la 1re Journée africaine des mers et des océans,
organisée par la Commission de l’UA en juillet 2015. Les chefs d’État et de gouvernement se réuniront au
Togo en 2016 pour un sommet portant sur d’autres questions liées à la sécurité maritime.

Ce qu’il faut retenir, c’est que ces efforts visent à promouvoir une « africanisation2 » des affaires maritimes
et une stratégie maritime intégrée pour le continent. L’industrie maritime est l’une des plus exigeantes
ARTICLE

sur le plan technique et financier. Le cabotage, qui est un élément de l’industrie


maritime et un aspect essentiel de cette analyse, est défini comme la navigation
entre deux points à l’intérieur des frontières d’un seul et même pays ou au sein
d’une région économiquement unifiée (par ex. l’Union européenne ou l’Accord de
libre-échange nord-américain). Plus précisément, le terme désigne un ensemble de
règles industrielles visant à protéger le commerce maritime d’un pays en excluant
des protagonistes étrangers des services de transport maritime intra-étatique. La
Stratégie AIMS 2050 est porteuse d’autres, caractérisés par un engagement unifié des
membres de l’UA.

Certains y voient des possibilités de développement alors


que d’autres s’opposent encore à un régime de cabotage
maritime continental et à une économie bleue africaine

L’attention récemment portée aux affaires maritimes africaines a ravivé les discussions
– surtout internes au continent jusqu’à présent – entre tous les protagonistes de
l’industrie maritime. Alors que certains voient des possibilités de changement et de
développement, d’autres s’opposent encore à un régime de cabotage maritime à
l’échelle du continent africain – et, plus largement, à une économie bleue africaine –
en invoquant les raisons suivantes :

• Les faibles volumes de commerce intra-africain de marchandises diverses ou de


trafic de vrac

• L’infrastructure portuaire inadaptée et le nombre insuffisant de marins et de


capitaines qualifiés

• L’environnement économique et politique peu attrayant pour les investisseurs

• Les systèmes juridiques antagonistes (common law ou droit commun, droit civil)

• Les structures financières et politiques inefficaces.

Bien que ces arguments contre un projet gigantesque tel qu’un régime de cabotage
panafricain semblent reposer sur une analyse rigoureuse, ses promoteurs font valoir
qu’à l’inverse, un régime de cabotage continental serait synonyme de création
d’emplois, d’une indépendance économique accrue, d’épargnes en devises
étrangères, de sources supplémentaires de recettes pour l’État et qu’il réduirait des
frais de transport disproportionnés.3

Il convient de rappeler que l’idée d’un régime de cabotage panafricain s’inscrit dans le
cadre d’une renaissance du domaine maritime africain. En effet, l’esprit sous-jacent
aux objectifs de la Stratégie AIMS 2050 rappelle les aspirations des pays africains
dans la période post-indépendance. Le Code de conduite des conférences maritimes
des Nations unies (le Code de conduite maritime de l’ONU),4 introduit en 1971 par la
Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (anciennement
la Conférence des Nations unies sur le commerce)5 et adopté en 1974, a été une
étape clé marquant le premier effort majeur vers un secteur maritime africain plus
Le Code de conduite des
indépendant sur le plan économique.
Nations unies a été une
grande avancée pour le Il ne faut pas non plus oublier que les membres actuels de l’UA participant aux
commerce africain évènements maritimes mentionnés au début du présent article ont assisté à l’adoption
du Code de conduite maritime, qui a été une avancée pour le commerce africain,

2 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


au même titre que les pays africains lors de leur participation Par conséquent, nous abordons les questions suivantes : les
à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer III pays africains ont-ils évolué depuis les avancées procurées par
(UNCLOS III). À cette époque, la stratégie, qui était conforme le Code de conduite maritime et l’UNCLOS III ? De quoi retourne
à la Stratégie AIMS 2050 actuelle, était dénommée le « nouvel exactement la Stratégie AIM 2050 de l’UA dans ce contexte ?
ordre maritime international » et s’inscrivait dans le cadre Quelle est l’importance des propositions actuelles pour introduire
de l’appel des pays africains en faveur d’un nouvel ordre des lois sur le cabotage et la nouvelle vague d’africanisation
économique international.6 En Afrique occidentale et centrale, en termes d’affaires maritimes ? L’objectif d’une indépendance
la première conférence panafricaine sur les affaires maritimes, économique accrue pour le continent est-il en adéquation avec
la Conférence ministérielle des États d’Afrique occidentale et les moyens existants (cabotage) et peut-il être justifié sur le plan
centrale sur les transports maritimes, s’est déroulée à Abidjan, légal en termes de relations internationales ? Entrave-t-on les
en Côte d’Ivoire, en 1975. efforts des pays africains visant à occuper leur place légitime
dans la politique et les relations commerciales mondiales en tant
Dans ce contexte, le présent article démontre que la Stratégie
que principaux fournisseurs de matières premières au monde ?
AIMS 2050 de l’UA – et son ambition d’une renaissance de
l’économie bleue en Afrique – est lancée à la suite des efforts
Le cabotage dans un contexte historique
passés de l’UNCLOS III et du Code de conduite maritime
de l’ONU, considérés comme des réussites exemplaires en Bien que l’origine exacte du terme « cabotage » soit floue, il
matière de négociation internationale. provient du mot français « caboter » qui a le sens de « naviguer
le long d’une côte ». Il est aussi lié sur le plan étymologique
En effet, les discussions en cours entre les différents groupes
au terme espagnol « cabo » qui signifie « cap », dénotant la
d’intérêt, et notamment l’UA, donnent l’impression que ces
navigation d’un cap à l’autre le long d’une côte.7
avancées passées dans le domaine du commerce maritime
sont importantes pour le combat plus général actuellement Aujourd’hui, sa signification a été élargie pour inclure les lois sur
mené en faveur d’une indépendance économique et politique le cabotage aussi appelées « régimes de cabotage8 ».Il s’agit
dans les affaires maritimes africaines. Les professeurs Iheduru de mécanismes d’intervention de protection permettant aux
et Ademuni-Odeke comptent parmi ceux qui ont étudié et marchés de préserver leur commerce maritime en excluant des
écrit sur l’importance de ces accords historiques. Leur travail a entreprises étrangères, ce qui est aussi le sens retenu dans
permis de mieux comprendre les affaires maritimes africaines, cet article.
et notamment l’objet de notre étude : le cabotage maritime
africain. Le travail de ces auteurs est reconnu et considéré
Les pays africains tentent de faire valoir
dans le présent article comme un contexte indispensable au
débat actuel. leur droit de protéger leurs intérêts depuis
Le recours à une loi africaine sur le cabotage comme moyen de leur indépendance
promouvoir et de protéger les intérêts économiques africains
n’est pas nouveau et s’inscrit dans un ensemble de mesures
Bien qu’il tienne ses origines du domaine naval, le terme
commerciales potentielles. Il n’est pas non plus le fait des
« cabotage » s’applique aussi aujourd’hui aux transports
pays africains mais des puissances maritimes européennes.
terrestre et aérien. Cependant, dans le présent document,
Concernant le transport maritime international, le présent article
« cabotage » est utilisé dans son contexte traditionnel de la
présente aussi des informations sur l’état actuel et passé de
circulation maritime. Il est aussi défini comme le transport de
l’industrie mondiale du transport maritime qui a toujours été
marchandises ou de passagers depuis un port ou un lieu au
composée d’acteurs internationaux et multinationaux.
sein d’un même État.9 Cependant, l’explication suivante étaye
La discussion porte sur des questions telles que les pavillons la question clé examinée dans le présent document : « Les
de complaisance, la baisse du nombre de personnels qualifiés, restrictions en matière de cabotage représentent un obstacle
la propriété du port en lourd, les changements des lieux de objectif à l’accès aux marchés, car elles excluent en général
fabrication, etc. tous les prestataires étrangers. Les restrictions en matière
de cabotage représentent donc une différence formelle de
Comme le décrivent longuement Iheduru et Ademuni-Odeke
traitement fondée sur la nationalité de l’État.10 »
dans leurs travaux, les pays africains tentent de faire valoir leur
droit de protéger leurs intérêts depuis leur indépendance, mais Le terme est aussi lié à différents types d’obstacles à l’accès au
se trouvent toujours aujourd’hui dans une position identique, marché ayant traditionnellement trait aux relations commerciales
voire pire. internationales, notamment le privilège de pavillon, les régimes

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 3


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de réservation de fret, les règlements financiers ou fiscaux discriminatifs ou


avantageux, ainsi que les accords commerciaux11 coût, assurance, fret (CAF) et franco
à bord (FAB), et les bureaux centraux de fret.12

Le cabotage ne peut pas être reglementé par le droit international, étant donné qu’il
relève des affaires intérieures – ce qui est précisément la raison pour laquelle il a
été exclu de la Convention sur le régime international des ports maritimes, adoptée
en 1923 à Genève.13 Par conséquent, comme le fait valoir Milbradt,14 la liberté de
navigation ne s’étend pas aux eaux côtières ou internes d’un État, ce qui signifie que
le droit d’accéder aux installations portuaires ne saurait être dissocié de la liberté de
navigation.15 Les raisons de ces restrictions légales sont les mêmes depuis qu’elles
ont été introduites pour la première fois par l’Europe mercantile au XVIIe siècle et
intéressent toujours autant les législateurs :

« Les restrictions en matière de cabotage proviennent de politiques


commerciales protectionnistes, visant à restreindre la majorité du volume
national de trafic maritime au marché de transport national afin d’éviter les
sorties de devises, garantir les revenus pour la flotte intérieure, promouvoir les
chantiers navals nationaux et conserver suffisamment de capacités de transport
en cas de besoin. Par conséquent, le principal objectif consiste à promouvoir
l’emploi de la flotte marchande nationale et à favoriser ainsi les chargeurs
nationaux […] lorsqu’ils font des demandes de transports nationaux ou de fret à
destination de l’étranger. Par conséquent, les raisons poussant à introduire des
restrictions en matière de cabotage peuvent être à la fois de nature militaire et
économique, bien que les raisons économiques dominent dans l’ensemble ».16

Malgré leur souveraineté, les pays africains ne


jouissent toujours pas du même pouvoir de
négociation que les grands pays développés

Si l’on considère le manque d’infrastructure maritime dans de nombreux pays africains,


qui constitue une des raisons du faible taux de tonnage appartenant aux pays sur le
continent, et le fait que le transport maritime mondial est l’une des industries les plus
exigeantes sur le plan technique et financier, on pourrait avoir l’impression que les défis
posés par l’industrie du transport maritime moderne s’avèrent trop grands à surmonter
pour les pays africains. Jusqu’à aujourd’hui, les relations commerciales intra-régionales
et internationales et les services de transport maritime de l’Afrique ont été, dans une
large mesure, tributaires de partenaires non-africains. Cette situation a rendu les
pays africains vulnérables aux chocs économiques et aux fluctuations volatiles de
l’économie mondiale, comme la crise financière mondiale de 2009.

À travers l’histoire, les nouveaux ordres mondiaux – par exemple la Paix de Westphalie

26 000
(1648), le Congrès de Vienne (1815), les première et seconde guerres mondiales
(1914-1918 et 1939-1945) – ont eu pour effet d’empêcher le développement d’une
primauté africaine et la construction de nations africaines indépendantes pendant plus
La distance totale en de 300 ans, jusqu’à la période d’indépendance des années1960. Suite à la création
milles marins du violente et aléatoire de territoires impériaux en Afrique par les puissances coloniales17
littoral africain au XIXe siècle, de nombreux pays africains demeurent encore politiquement instables
et dépendants d’anciennes colonies ou de nouvelles puissances économiques.

4 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


Bien que le droit à l’autodétermination de chaque nation (tel que stipulé par exemple
dans les 14 points du président Woodrow Wilson en 1918,18 la Charte des Nations
unies de 194519 et la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies à travers
la Résolution 1514 (XV) en 196020) ait été reconnu comme un principe fondamental
du droit international (jus cogens 21), les États-nations ont continué à utiliser leurs
pouvoirs de négociation de manière compétitive dans l’économie mondiale. Par
conséquent, compte tenu de la nature de l’économie, il n’y a jamais eu d’ « heure H
» ou de nouveau point de départ pour les pays historiquement défavorisés s’agissant
du droit international régissant la concurrence économique mondiale – ce qui relativise
le concept du droit à l’autodétermination. Cela signifie au final, qu’en dépit de
l’autodétermination, les pays africains ne jouissent toujours pas du même pouvoir de
négociation que les grands pays développés.

Adoptée en 2014, la Stratégie AIMS 2050 vise à élaborer


un outil pour faire face aux défis maritimes de l’Afrique en
matière de développement durable et de compétitivité

La communauté internationale est parvenue à un consensus sur l’octroi aux pays


– qui en ont été historiquement privés – d’un droit égal à l’autodétermination.
Cependant, lorsque celui-ci a été officiellement introduit, les pays africains avaient déjà
subi un revers économique considérable. Ce désavantage les empêche encore de
faire pleinement valoir ce droit22 en raison des forces de la concurrence économique
mondiale. On peut donc en conclure que le régime de cabotage traditionnel, tel qu’il
existe dans son contexte historique, favorisant les acteurs européens, constituait
l’un des principaux obstacles aux efforts entrepris par l’Afrique pour se développer
économiquement en tant que continent.

Un nouveau régime de cabotage africain ?


En vue de remédier à ce déséquilibre historique, la Commission de l’UA a envisagé
de créer un nouveau régime de cabotage africain dans le cadre de la renaissance de
l’Afrique. Cette initiative vise à promouvoir une industrie maritime africaine intégrée :23

« Considérées comme la ‘nouvelle frontière de la renaissance de l’Afrique’


comme l’a souligné le communiqué final de la 387e réunion du Conseil de la
paix et de la sécurité du 29 juillet 2013, l’économie bleue et la croissance bleue
constituent l’essence de la Stratégie AIM 2050, une vision innovante, complète
et intégrative visant à promouvoir les ressources maritimes de l’Afrique et […]
l’économie autour de l’industrie maritime du continent. »24

Selon l’UA, la Stratégie AIMS 2050, qui a été officiellement adoptée en janvier 2014,
prévoit de développer :

« … un outil pour faire face aux défis maritimes de l’Afrique en matière de


développement durable et de compétitivité. Elle vise à promouvoir la création
de plus de richesses grâce aux mers, océans et eaux intérieures de l’Afrique en La valeur de l’industrie
mettant en place une économie maritime prospère et en exploitant maritime est estimée à
pleinement le potentiel des activités maritimes de manière à préserver 1 trillion US $ par an
durablement l’environnement ».25

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 5


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La stratégie vise à favoriser le développement global et à améliorer l’indépendance des


pays africains :

« Cette stratégie est dédiée à la mémoire de tous ceux qui ont péri en mer à la
recherche d’une vie meilleure et de ceux qui ont perdu leurs vies dans les océans
pendant la traite négrière, la colonisation, la lutte pour l’autodétermination et
l’indépendance de l’Afrique ».26

Les experts responsables du transport maritime dans le cadre de la Stratégie AIMS


2050 considèrent la navigation côtière – appelée « cabotage »27 dans ce contexte –
comme un élément clé de la promotion du commerce intra-africain qui contribuerait à
faire de l’Afrique un acteur conquérant et capable de changer la donne dans la quête
d’un nouvel ordre économique mondial.

La Stratégie AIMS 2050 envisage d’introduire des


lois géostratégiques sur le cabotage à l’échelle
du continent

Pour que la Stratégie AIMS 2050 permette de marquer l’avènement de nouvelles lois
pro-africaines sur le cabotage, celles-ci devraient s’appliquer aux eaux domestiques
de tout le littoral africain – soit un total de 26 000 milles marins et une industrie
maritime d’une valeur estimée à 1 trillion de dollars US par an.28 Cela signifie que les
navires battant pavillon étranger, qui dominent à l’heure actuelle le marché commercial
intra-africain et possèdent 95 % du marché mondial du transport de marchandises,
pourraient se voir interdire par la loi de participer au commerce maritime intra-africain.

Pour protéger leurs industries maritimes nationales, les gouvernements ont élaboré
un certain nombre de mesures incitatives et d’accords. D’une manière générale,
« les règlements du transport maritime intérieur peuvent être examinés sous deux
angles : (1) les avantages en matière d’accès au marché tels que les règlements sur
le cabotage ou l’accès aux marchandises pour le gouvernement et (2) les mesures
incitatives pour l’industrie comme des dispositions fiscales généreuses ou des
dispositions favorables en matière d’équipage ».29

Les derniers plans de l’UA pour le développement et la sécurité maritime en Afrique ont
été élaborés à l’occasion de plusieurs conférences :

• Janvier 2015 : l’Agenda 2063, qui incorpore la Stratégie AIMS 2050, a été adopté
par l’Assemblée de l’UA

• Février 2015 : le Sommet des Seychelles sur la sécurité maritime et

90%
le développement

• Juillet 2015 : le Lancement de la décennie de la mer et des océans africains


(2015–2025)

• Prévue pour 2016 : le Sommet de l’UA sur la sécurité maritime et le développement


au Togo
Le pourcentage des
importations et des La Stratégie AIMS 2050 envisage d’introduire des lois géostratégiques sur le cabotage
exportations de l’Afrique à l’échelle du continent30 et exhorte les nations africaines à utiliser les ressources
effectuées par la mer maritimes de manière plus efficace et à occuper leur place légitime dans un monde
multipolaire, interdépendant et plus équitable.31

6 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


Cela soulève la question de savoir s’il existe un manque de soutenu […] Même lorsque la concurrence est possible,
cohérence dans les agendas de l’UA en termes de conflits entre les concurrents n’en veulent pas ».38
les intérêts économiques à long terme de l’Afrique et ses
Cette allégation soutient l’idée de la théorie de dépendance des
intérêts en matière de sécurité. Si c’est le cas, cela révèle-t-il
années 1960, selon laquelle les États défavorisés souffrent alors
une faiblesse de l’UA en tant qu’institution politique, car il
que les plus aisés s’enrichissent grâce au mode d’intégration
semble exister deux forces distinctes en jeu – une qui poursuit
des moins riches dans le système mondial. Par conséquent, on
une coopération internationale stricte, indispensable dans les
pourrait soutenir qu’avec le cabotage maritime pour l’Afrique,
relations mondialisées d’aujourd’hui et une autre qui s’emploie à
tel que proposé dans le cadre de la Stratégie AIMS 2050, l’UA
lutter pour l’indépendance économique des États africains ?
favorise de la même façon une approche de non-coopération
Les lois sur le cabotage tentent de résoudre le problème auquel dans son « africanisation » de l’économie maritime continentale,
de nombreux pays émergents sont confrontés : comment ainsi que la poursuite d’une stratégie de marché fermé.
réglementer la concurrence et l’accès au marché afin de
Cependant, comme le souligne Iheduru – et comme l’ont
favoriser leur développement économique à long terme ?
prouvé ceux que l’on appelle les « Tigres asiatiques » (Taïwan,
Au cours de la période coloniale, la marine marchande Chine, Corée du Sud, Hong Kong et Singapour) – il existe une
mondiale, qui était dominée par le système de conférences possibilité de « développement dépendant » :
maritimes, appartenait à l’État ou était subventionnée par « Bien qu’il ne fasse aucun doute que les contraintes
celui-ci. Le système de conférences maritimes désigne les structurelles affectent l’aptitude des acteurs
« compagnies maritimes qui ont formé une association pour internationaux les plus faibles à changer un régime
convenir et fixer les tarifs marchandises et les tarifs voyageurs existant, la possibilité de ‘développement dépendant’ au
de différentes routes de navigation ».32 Les conférences sein de cette structure ne peut être ignorée […] En fait, un
maritimes adoptent aussi diverses « politiques, telles que la certain nombre de DMN [Pays maritimes en voie de
répartition des clients, les contrats de fidélité et les contrats de développement tels que Hong Kong, Singapour, la
fixation libre des prix ».33 Dans de nombreuses juridictions, elles Corée du Sud et Taïwan] ont réussi à surmonter cette
sont exemptées des lois sur la concurrence « mais plus ça va, contrainte et à mettre sur pied des industries maritimes
et plus cette position change en vue de promouvoir une plus respectables et sont devenus depuis de sérieux
grande concurrence et un plus grand choix pour concurrents pour leurs homologues »…39
les chargeurs ».34

Comme le soutient Iheduru, le système de conférences


maritimes se traduit par « l’intervention de l’État dans une L’UA favorise de la même façon une
industrie qui était censée fonctionner sur la base de la libre approche de non-coopération dans
entreprise. Pourtant, les conférences et le gouvernement
colonial ont continué à prêcher le libre-échange comme moteur
son africanisation de l’économie
de la croissance économique… ».35 Selon Iheduru, « le marché maritime du continent
n’a pas vraiment été la force motrice de la croissance du
transport maritime mondial depuis la fin du XVIIe siècle…».36
Sletmo et Hoste identifient quatre étapes historiques clés dans
En fait, cela n’a jamais été le cas.37
le développement de la structure de l’industrie maritime que
Le rôle des conférences maritimes en tant que cartels demeure nous connaissons aujourd’hui :40
aujourd’hui controversé. Dans cette description de leur
• 1re étape : l’industrialisation (dont les principaux objectifs
utilisation historique dans la doctrine internationale du laissez-
étaient la découverte et la colonisation)
faire, Ademuni-Odeke souligne ce que disent les critiques
du système : • 2e étape : la recherche de la puissance maritime (production
de savoir-faire industriel, contrôle des flottes marchandes
« Les partisans du libéralisme se sont vite lassés des
comme instruments de pouvoir économique et politique)
résultats de l’application de la doctrine tout en continuant
à jouir des plaisirs intellectuels de plaider en sa faveur. • 3e étape : exploitation de navires sous pavillon de
Vingt-cinq ans seulement après avoir obtenu la liberté complaisance (internationalisation du transport maritime ;
de concurrence, à laquelle ils aspiraient avec ardeur, les démantèlement d’anciens empires après la Seconde Guerre
armateurs britanniques ont créé le système de conférence mondiale ; combinaison des capitaux des pays membres
pour empêcher cette même concurrence qu’ils avaient de l’Organisation pour la coopération et de développement

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économiques (OCDE) avec la main d’œuvre issue de pays en voie de


développement ; création de filiales pour la production étrangère).

• 4e étape : mondialisation du transport maritime (géré comme un type d’activité


distinct dissocié de la propriété).

La quatrième étape décrit la structure actuelle du transport maritime mondial, selon


laquelle on peut comparer les activités maritimes traditionnelles des armateurs aux
sociétés de gestion de navires, avec la transition des activités de fabrication de
l’ancien monde industrialisé vers les économies nouvellement industrialisées… L’une
des contributions majeures des sociétés de gestion de navires est leur capacité à
combiner l’expertise et le capital de pays de l’OCDE avec une main d’œuvre moins
chère issue des pays en voie de développement.41

Les navires sont immatriculés sous des pavillons de


complaisance pour réduire les coûts d’exploitation et
éviter les règlements du pays de l’armateur

Par ailleurs, « pavillon de complaisance décrit la pratique commerciale qui consiste


à enregistrer un navire marchand dans un État souverain différent de celui de
l’armateur, et battre le pavillon de cet État. Les navires sont immatriculés sous des
pavillons de complaisance pour réduire les coûts d’exploitation et éviter les règlements
du pays de l’armateur ».42 Les pavillons de complaisance étant « principalement
détenus et contrôlés par des intérêts maritimes de l’OCDE », le processus de
dépavillonnage « a accéléré l’internationalisation du transport maritime et a combiné
la capital des pays de l’OCDE avec la main d’œuvre issue de pays en voie de
développement » – ce qui revient, dans un contexte de fabrication, à créer des filiales
pour la production étrangère.43

Ce processus est aussi caractérisé par la recherche de facteurs de production à


moindre coût, synonyme de changement notable de l’emplacement des industries
internationales de fabrication de navires, au même titre que de nombreuses industries
légères.44

Les statistiques suivantes, tirées de la Stratégie AIMS 2050, représentent la base des
arguments avancés par les promoteurs de lois continentales sur le cabotage et reflètent
le sentiment des membres de l’UA qui soutiennent l’approche de l’africanisation :45

• Les navires appartenant à des Africains représentent, en nombre, environ 1,2 % du


transport maritime mondial et environ 0,9 % en tonnage brut

• 90 % des importations et des exportations africaines s’effectuent par la mer, et, par
conséquent, les perturbations et les inefficacités du système d’approvisionnement
maritime de l’Afrique peuvent avoir un impact coûteux sur les économies africaines

• La part de l’Afrique dans le commerce mondial s’élève en moyenne à environ 3 %,


Le total du commerce alors que le commerce intra-africain s’élève en moyenne à 10 % du commerce total
intra-africain de l’Afrique
de l’Afrique
a CULMINÉ à 22,4 % en 1997,
avant de baisser à • Les navires, ports, chantiers navals et industries connexes dans le domaine
11,3 % en 2011 maritime africain pourraient créer plus d’emplois dans la construction de navire, les
équipements marins et les industries portuaires

8 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


• L’Afrique attire seulement 2 % à 3 % de l’investissement étranger direct (IED), et
contribue à hauteur de 1 % au PIB mondial

En situant ces statistiques dans leur contexte, le directeur de l’exploitation de la South


African Maritime Safety Authority (SAMSA), Sobantu Tilayi, a déclaré, par exemple,
qu’en 2011–2012 l’Afrique du Sud avait exporté des marchandises d’une valeur sans
précédent et que toutes ces marchandises avaient été transportées par des navires
battant pavillon étranger.46

Chika Ezeanya, chercheuse africaine et promotrice des lois africaines sur le cabotage,
plaide en faveur d’un régime de cabotage africain :

« L’Union africaine en est au stade concluant de l’élaboration d’un régime


de cabotage africain qui fera en sorte que seuls les navires appartenant à
des Africains pourront faire du commerce maritime dans les eaux côtières
continentales. Une fois en vigueur, la législation représentera un pas important
[…] indispensable vers un continent plus unifié ».47

Lorsque l’on analyse ces déclarations dans le contexte de l’impact que les lois sur le
cabotage pourraient avoir sur la libération économique des eaux côtières africaines et
l’augmentation de l’indépendance économique du continent, elles rappellent l’angle
adopté par Iheduru :

« … le contrôle du fret et le privilège de pavillon ne sont pas nécessairement


efficaces pour promouvoir le développement de la flotte nationale […] La réussite
du développement de la flotte nationale en Afrique de l’Ouest et en Afrique
centrale dépend largement de l’aptitude du secteur public et du secteur privé à
investir dans la flotte. Par ailleurs, l’industrie de la marine marchande ne peut se
développer comme prévu à moins que l’industrie ne soit sauvée de la politique
bureaucratique intérieure qui caractérise le processus d’élaboration des politiques
relatives au transport maritime dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest ».48

L’échec du développement de la flotte, du moins en


Afrique de l’Ouest, est une conséquence de la baisse
du nombre et de la qualité des navires ainsi que de leur
inefficacité et des longs délais de leur immobilisation

Outre le fait que, selon Iheduru, l’échec du développement de la flotte, du moins en


Afrique de l’Ouest, est une conséquence de la baisse du nombre et de la qualité
des navires ainsi que de leur inefficacité et des longs délais de leur immobilisation, il
soutient aussi qu’aucune ligne maritime africaine ne possède l’espace de chargement
ou le tonnage pour transporter ne serait-ce que 40 % du commerce national
d’exportation dans le cadre du principe 40-40-20 du Code de conduite maritime des
Nations unies.

La formule 40-40-20 signifie que 40 % du commerce maritime est assuré par des
L’Afrique continue à
navires de ligne du pays exportateur, 40 % par des navires du pays importateur
attirer beaucoup
et 20 % sont laissés pour des transporteurs de pays tiers. Cela montre que le
d’attention de la part
développement de la flotte n’a pas été à la hauteur de la réponse positive initiale de
des investisseurs
l’adoption des politiques nationale relatives au transport maritime en Afrique.49 étrangers directs

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 9


ARTICLE

De nombreux pays en voie de développement, notamment les pays ouest-africains, ne


sont pas parvenus à modifier le régime libéral du transport maritime en définissant un
programme de lois et de politiques sur le transport maritime dans les années 1970.50
Cela soulève la question de savoir si les lois sur le transport maritime – dans ce cas
les lois sur le cabotage – ne se résument pas à une simple politique d’établissement
de programmes. On peut dès lors se demander si les lois proposées sur le transport
maritime ignorent le fait que les pays africains n’ont connu aucun succès pondérable
en matière de négociation maritime mondiale, comme par exemple dans le cadre du
Code de conduite maritime des Nations unies ou de l’UNCLOS III. Et si cela n’est pas
le cas, pourquoi persister dans un débat similaire dans lequel on ne constate que peu
d’améliorations ?

Ceci amène à la question des obstacles et des contraintes qui entravent le


développement de l’industrie maritime africaine.

Quels sont les obstacles ?


Les recettes et le commerce des pays africains sont très sensibles aux politiques mises
en place avec leurs partenaires commerciaux étrangers respectifs. Les ressources
naturelles demeurant la partie la plus importante du commerce extérieur de nombreux
pays africains – et leurs principales sources de recettes –, ceux-ci réagissent aux
modalités commerciales négociées avec leurs partenaires en dehors du continent.

La libéralisation du marché mondial du transport maritime


a déjà fait baisser les frais de transport maritime en haute
mer et devrait faciliter le développement de services de
feeder moins chers

La mise en place d’un régime de cabotage pro-africain pourrait donc devenir un


problème majeur dans les relations commerciales extérieures des États africains,
car il pourrait être perçu comme un obstacle aux échanges par leurs partenaires
commerciaux étrangers et ainsi conduire ces derniers à adopter des contre-stratégies.
De plus, le secteur privé n’est pas le seul concerné : les stratégies nationales des pays
développés et émergents pourraient également s’opposer fermement au cabotage
africain. La question sera donc de savoir si les chefs d’État et le secteur privé africains
sont prêts à faire front sur cette question et s’ils sont en mesure de mettre en œuvre
une stratégie bien organisée en vue de trouver une solution appropriée qui permettrait
de parvenir aux progrès souhaités et à une plus grande indépendance pour les
économies africaines.

Les vraies raisons d’être des nouvelles lois africaines sur le cabotage proviennent
finalement de déséquilibres majeurs des capacités maritimes. Ceux-ci résultent des
politiques commerciales nationales africaines non-durables et à d’anciennes traditions
interventionnistes et d’économies étatiques. Celles-ci, trop axées sur des accords
Seuls six pays ont ratifié commerciaux et d’accès au marché aux niveaux bilatéral et multilatéral, n’ont pas
la Charte africaine des
accordé l’importance nécessaire à une plus grande autarcie économique, à la fois aux
transports maritimes
niveaux international et intracontinental. Iheduru décrit de la sorte l’état de l’industrie
révisée de 2010
maritime en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale au cours de la période post-
indépendance :

10 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


« … bien que les pays africains n’aient guère contribué Comme indiqué précédemment, le marché international du
à l’élaboration des politiques officielles sur le transport transport maritime affiche de fortes tendances oligopolistiques
maritime en Afrique de l’Ouest (parce qu’elles ont été marquées par la dominance de quelques pays propriétaires
conçues sur le modèle du Code des Nations unies), de navires et leurs sociétés internationales. Le pouvoir de ces
leur mise en œuvre a été affectée par le style de gestion principaux protagonistes est évident : en effet, les sociétés et
politique et les réactions consécutives des segments de la les associations d’armateurs déterminent les tarifs du transport
société civile concernés par le transport maritime ».51 des marchandises et la couverture des routes internationales
Dans ce contexte, selon le Rapport sur le développement par l’intermédiaire des conférences maritimes qui partagent
économique en Afrique de la Conférence des Nations unies le marché entre un petit nombre d’exploitants et celui encore
sur le commerce et le développement (CNUCED) 2013, le plus faible d’associations de transport maritime indépendantes.
total des échanges intra-africains de l’Afrique a augmenté de Par conséquent, ce « marché à créneau dans les services
19,3 % en1995 pour atteindre son plus haut niveau à 22,4 % de feeder africains » serait considéré comme un moyen de
en 1997, avant de chuter à 11,3 % en 2011.52 Cela signifie rendre les pays africains moins dépendants de ces structures
que les volumes du commerce intra-africain ont crû beaucoup oligopolistiques. En ce qui concerne les lois proposées sur
plus lentement que les échanges avec l’extérieur, même si la le cabotage, ces services de feeder peuvent être considérés
quantité totale des échanges a sensiblement augmenté. Quelle comme l’un des éléments d’un régime de cabotage
en est la raison ? continental éventuellement revu qui libèrerait les eaux côtières
Les flux d’IED en Afrique se sont considérablement développés africaines de la prédominance des sociétés étrangères.
au cours des quinze dernières années. Selon William Blackie,
En 1994, lors de l’élaboration de la Charte africaine des
directeur adjoint des services bancaires d’investissement
transports maritimes (AMTC), Salim Ahmed Salim, le secrétaire
de la Division services bancaires aux entreprises et services
général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) de l’époque
bancaires d’investissement du groupe Standard Bank,53
a fait la déclaration suivante :58
l’Afrique continue à briller dans le paysage mondial de l’IED,
même si les investissements dans les économies industrialisées « L’état déplorable du secteur maritime en Afrique est
demeurent en difficulté.54 parfaitement illustré par la faible participation de l’Afrique
au transport du commerce maritime, la lenteur des
Concernant les difficultés auxquelles doit faire face le secteur du
transport maritime africain, la Stratégie AIMS 2050 souligne que rotations des navires dans les ports africains, les tarifs
« l’amélioration de la connectivité et la réduction des contraintes très élevés pour le fret maritime et les frais de port qui
d’accès au sein et entre les pays africains vers des destinations sont sans commune mesure avec les services de piètre
du marché intérieur et extérieur devraient grandement renforcer qualité offerts. Cependant, à l’échelle mondiale, le secteur
la compétitivité des pays, des régions et du continent ».55 est en train de subir des transformations institutionnelles,
Cet argument est corroboré par Samuel Kamé-Domguia, structurales et technologiques qui ont des répercussions
responsable du groupe de travail sur la Stratégie AIMS 2050 :56 graves sur ce secteur en Afrique… »

L’article 11 de l’AMTC, adoptée à Addis-Abeba en juin 1994,


Les pays africains sont tributaires du appelait à « promouvoir le cabotage aux niveaux sous-régional,
régional et continental ».59 La Charte africaine des transports
pouvoir étatique pour transformer et maritimes révisée (RAMTC), ratifiée seize ans plus tard, le
développer leurs industries maritimes 26 juillet 2010, proposait aussi une définition plus précise
de l’article sur le cabotage de l’AMTC. En effet, elle invitait

« La libéralisation du marché du transport maritime a déjà aussi les États africains à promouvoir « une participation
fait baisser les frais de transport maritime en haute mer ; effective, aux niveaux national, régional et continental, des
elle devrait aussi faciliter le développement de services de exploitants du secteur privé ». L’article 15 de la RAMTC prévoit
feeder moins chers pour le transport de conteneurs. Étant également « la création de compagnies maritimes nationales
donné que les principaux négociants [africains] attirent les et régionales de cabotage » qui doivent être encouragées « en
exploitants mondiaux, ils pourraient aussi développer un vue de promouvoir les échanges intra-africains et de faciliter
marché à créneaux dans les services de feeder africains, l’intégration économique et socioéconomique du continent ».60
permettant ainsi à l’Afrique de se réapproprier les sociétés La section suivante examine plus en détail la question de la
de transport maritime ».57 gouvernance de l’industrie du transport maritime du continent.

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 11


ARTICLE

Gouvernance de l’industrie du transport maritime en Afrique


Il reste à voir si les gouvernements nationaux africains seront capables de transformer
leurs industries maritimes conformément aux plans visant à instaurer un régime
de cabotage continental. Depuis l’indépendance coloniale jusqu’à ce jour, les pays
africains sont tributaires du pouvoir étatique pour transformer et développer leurs
industries maritimes :

« En dépit des changements de la composition des acteurs internationaux


depuis la Seconde Guerre mondiale, le système international, et notamment le
secteur maritime, a continué à être régi par des normes et des principes qui ont
été formulés il y a deux ou trois siècles, et qui nuisent souvent à l’indépendance
économique des pays maritimes en voie de développement ».61

Ce système de transport maritime international, porté par la théorie libérale et une


longue tradition d’exclusivité dans la pratique du transport maritime international, n’a
été, jusqu’à présent, remis en question que par les pays en voie de développement
qui aspirent à « affirmer leur indépendance et à contrôler leurs échanges
commerciaux maritimes ».62

La lenteur du processus multilatéral et ce manque


de volonté collective suscitent de graves inquiétudes
concernant l’engagement des États membres de l’UA

De nombreux pays africains ont acquis pour la première fois un pavillon national peu
de temps après leur indépendance, processus qui a été dynamisé par le Code de
conduite maritime de l’ONU créé en 1974.63 Depuis sa création en 1994, l’AMTC
souligne l’importance du domaine maritime de l’Afrique. Pourtant, l’Afrique du Sud, par
exemple, a adopté la Maritime Service Charter, qui n’a aucun effet sur la législation, car
elle n’a pas ratifié la disposition n° 66 du Code de conduite maritime de la CNUCED.
La CMRMT, qui s’est tenue à Abuja, au Nigéria, en février 2007, a débouché sur
un premier « Plan d’action pour les transports en Afrique ».64 Lors de sa deuxième
conférence, la CMRMT a révisé l’AMRT de 1994, révision qui a été adoptée en 2010
par l’Assemblée de l’UA.65

Finalement, la Stratégie AIMS 2050 a été inspirée par l’AMTC.66 En se


concentrant sur la pêche illégale, le trafic d’armes et de drogues, le trafic humain,
le détournement de pétrole, la piraterie et les vols à mains armées ainsi que la
criminalité environnementale (notamment le déversement illégal de déchets toxiques
sur les côtes africaines), la Stratégie AIMS 2050 promeut aussi l’interdépendance de
la sécurité et du développement socioéconomique.67 Lorsque cette stratégie a été
finalisée, d’autres responsabilités ont été transférées à la Conférence des ministres
africains chargés des affaires liées à la mer, qui a eu lieu en avril 2012, et au quatrième
Atelier intersectoriel des experts africains du domaine maritime sur la Stratégie AIMS
2050 qui s’est tenu au siège de l’UA.68
L’ORGANISATION MONDIALE
DU COMMERCE établit Le groupe de travail sur la Stratégie AIMS 2050 pourrait faire appel à l’expertise
un système de règles d’autres institutions telles que les directeurs des administrations maritimes africaines
qui régissent le et les registraires de navires, les experts nommés par les communautés économiques
commerce multilatéral régionales, les mécanismes régionaux et autres organes spécialisés tels que le Sea
Power for Africa Symposium, et les départements et directions de la Commission

12 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


de l’UA (c.-à-d. paix et sécurité ; affaires économiques ; ressources humaines ;
science et technologie ; infrastructure et énergie ; affaires politiques ; économie et
agriculture rurales ; affaires sociales ; genre; commerce et industrie ; information et
communication ; administration ; et gestion des ressources humaines).69

Le soutien en matière de gouvernance est également fourni par la Conférence de


l’Association des administrations maritimes africaines (AAMA) qui chapeaute les cinq
groupes de parties prenantes maritimes africaines suivants :70

• L’AAMA

• L’African Ship Registrars’ Forum

• L’Association of African Shipowners

• L’Africa Shippers’ Council and all Cargo Interest

• L’African Seafarers’ Forum

L’AAMA, qui compte parmi le groupe d’experts sur la Stratégie AIMS 2050, s’est
engagée à promouvoir la « mise en place du cabotage et la participation effective
des exploitants du secteur privé ; la création de compagnies maritimes nationales
et régionales de cabotage en vue de promouvoir les échanges intra-africains ; et la
facilitation de l’intégration économique et socioéconomique du continent ».71

Cependant, la mobilisation de la volonté politique des membres de l’UA, reste


problématique dans ce processus et représente sans doute le plus grand obstacle à
l’intégration africaine dans son ensemble.

Au 23 janvier 2014, l’AMTC originale avait été ratifiée et déposée par 13 pays, alors
que 39 au moins avaient signé le traité. Entre juin 2010 et janvier 2014, aucune
autre signature ou ratification de l’AMTC n’a été enregistrée, ce qui pourrait être un
effet de l’adoption de la RAMTC en juillet 2010.72 Bien que la RAMTC prévoie une
promotion beaucoup plus intégrée et actualisée du cabotage en Afrique, à la date du
5 février 2014, elle n’avait été ratifiée et déposée que par six pays, à savoir le Bénin, la
République du Congo, l’Éthiopie, le Gabon, Maurice et le Togo, alors que seuls neufs
des 48 États membres restants ont signé le traité révisé.73

Même si l’on compare le rythme d’adoption de l’AMTC (deux pays en l’espace de


quatre ans depuis son adoption), le nombre d’États ayant ratifié et déposé la RAMTC
au cours de la même période n’est pas beaucoup plus élevé, bien qu’il ne s’agisse
pas d’un traité entièrement nouveau.

La lenteur du processus multilatéral et ce manque de volonté collective suscitent de


graves inquiétudes concernant l’engagement des États membres de l’UA en matière
de gouvernance et de leadership, ce qui représente un obstacle à la bonne mise en
œuvre de la Stratégie AIMS 2050.

Lors de la conférence inaugurale Africa Maritime Indaba en 2013 à Johannesburg,


Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’UA, a souligné la
nécessité pour les pays africains de convenir que « la souveraineté doit être partagée
avant que l’intégration régionale puisse fonctionner ».74 Et, selon Tsietsi Mokhele, L’Organisation maritime
directeur général de la SAMSA, « la politique sur le cabotage doit être mise en œuvre internationale s’occupe
au niveau régional en vue de garantir la croissance de la navigation côtière ».75 Il des questions techniques
reste sans aucun doute à cet égard de nombreux défis auxquels doit faire face la dans l’industrie
gouvernance du transport maritime africain.

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 13


ARTICLE

Lois sur le cabotage et règlementation de l’Organisation


mondiale du commerce
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) établit un système de règles
commerciales qui régissent le commerce multilatéral. Ce système est censé permettre
aux parties d’améliorer leur niveau de vie, d’atteindre le plein emploi, de garantir un
niveau de revenu réel substantiel et croissant et une demande effective, et d’élargir
la production et le commerce de produits et de services. Ceci devrait se faire tout en
utilisant de manière optimale les ressources mondiales conformément à l’objectif du
développement durable. Les principaux instruments pour atteindre les objectifs de
l’OMC incluent la réduction des barrières tarifaires et autres obstacles au commerce
et l’élimination du traitement discriminatoire dans les relations commerciales
internationales, et donc le rejet du recours au protectionnisme.

La mise en œuvre inefficace des politiques


harmonisées continue à affecter les marchés régionaux
en Afrique et conduit aussi à un « écart de proximité »

Cependant, la mise en œuvre inefficace des politiques harmonisées continue à affecter


les marchés régionaux en Afrique et conduit aussi à ce que l’on appelle un « écart
de proximité ». Dans cette optique, la facilitation du commerce est impérative pour
augmenter la capacité commerciale africaine.76 En décembre 2013, les membres
de l’OMC ont conclu un accord de facilitation des échanges. « Depuis, les membres
de l’OMC ont procédé à une révision juridique de ce texte. Les membres de l’OMC
ont adopté en novembre 2014 un Protocole d’amendement visant à intégrer le
nouvel accord dans l’Annexe 1A de l’Accord de l’OMC. L’Accord de facilitation des
échanges entrera en vigueur une fois que deux tiers des membres auront achevé
leur processus national de ratification ».77 L’Accord de facilitation des échanges
devrait procurer de nombreux avantages pour les pays en voie de développement en
combinant les échanges commerciaux intrarégionaux aux efforts de développement
des infrastructures et en dopant le potentiel de croissance considérable qui est resté
jusqu’à présent largement inexploité en Afrique.78

Outre les développements susmentionnés, les lois sur le cabotage sont cependant
rarement couvertes par le droit international. La raison principale est qu’elles ont été
exemptées de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) qui
porte sur le commerce international des marchandises. Le GATT a été signé pour la
première fois en 1947 et visait à réduire les tarifs et autres obstacles au commerce. Il a
défini les règles d’un système de commerce multilatéral par l’intermédiaire des séries,
ou de cycles (rounds) de négociations commerciales. Le dernier cycle de négociation
du GATT (appelé « le cycle d’Uruguay ») a duré de 1986 à 1994 et a conduit à la
création de l’OMC en 1995. Bien que la structure du GATT de 1947 ait disparue, la
plupart des règles et des disciplines du GATT de cette période ont été conservées et
Le transport maritime incorporées dans celui de 1994. La Partie II du GATT 1994, telle que convenue
international est une
dans la Déclaration de Marrakech de 1994, fait directement référence aux règles sur
industrie mondiale
le cabotage :79
portée par une
concurrence acharnée « (3) (a) Les dispositions de la Partie II du GATT de 1994 ne s’appliqueront pas
aux mesures prises par un Membre en vertu d’une législation impérative

14 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


spécifique, promulguée par ce Membre avant qu’il ne devienne partie
contractante au GATT de 1947, qui interdit l’utilisation, la vente ou la
location de navires construits à l’étranger ou remis en état à l’étranger
pour des usages commerciaux entre des points situés dans les eaux
nationales ou dans les eaux d’une zone économique exclusive. Cette
exemption s’applique :

(a) au maintien en vigueur ou à la reconduction rapide d’une disposition


non conforme de cette législation ; et

(b) à l’amendement apporté à une disposition non conforme de cette


législation pour autant que cet amendement n’amoindrisse pas la
conformité de la disposition avec la Partie II du GATT de 1947.

» Cette exemption se limite aux mesures prises en vertu de la législation


décrite ci dessus qui est notifiée et spécifiée avant la date d’entrée en
vigueur de l’Accord sur l’OMC. Si cette législation est modifiée par la suite
afin d’en amoindrir la conformité avec la Partie II du GATT de 1994, elle
ne remplira plus les conditions requises pour être couverte par le présent
paragraphe.

» (3) (b) La Conférence ministérielle réexaminera cette exemption au plus tard


cinq années après la date d’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC
et, par la suite, tous les deux ans tant que l’exemption sera en vigueur,
afin de déterminer si les conditions qui ont rendu l’exemption nécessaire
existent encore.

» (c) Un Membre dont les mesures sont couvertes par cette exemption
présentera chaque année une notification statistique détaillée comprenant
une moyenne mobile sur cinq ans des livraisons effectives et prévues
des navires en question ainsi que des renseignements additionnels sur
l’utilisation, la vente, la location ou la réparation des navires en question
couverts par cette exemption.

» (d) Un Membre qui considère que cette exemption s’applique d’une façon
qui justifie une limitation réciproque et proportionnée de l’utilisation, de
la vente, de la location ou de la réparation de navires construits sur le
territoire du Membre qui se prévaut de l’exemption sera libre d’introduire
une telle limitation sous réserve qu’il ait adressé une notification préalable
à la Conférence ministérielle.

» (e) Cette exemption est sans préjudice des solutions concernant des
aspects spécifiques de la législation couverte par cette exemption
négociées dans des accords sectoriels ou dans d’autres enceintes. »80

Fait intéressant, l’article 3 (d) stipule qu’il existe une possibilité de justifier une
restriction réciproque et proportionnelle sur certaines règles sur le cabotage, et
pourtant, elles ne sont pas désignées par le terme « cabotage ».

L’Organisation maritime internationale est l’organisme multilatéral qui s’occupe des


questions techniques dans l’industrie. Elle laisse le sujet des conditions applicables La Charte africaine des
au commerce des services du transport maritime à l’appréciation de l’OMC et des transports maritimes de
négociations sur l’Accord général sur le commerce des services (GATS).81 Concernant l’UA n’est toujours pas
le GATS, un large consensus s’est dégagé lors du cycle des négociations d’Uruguay entrée en vigueur
dans les années1990 sur la nécessité de « soustraire la question du cabotage dans

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 15


ARTICLE

les services de transport maritime de ce cycle de négociations, et de le reporter au


cycle de Doha.82

En juin 1996, les gouvernements membres de l’OMC ont convenu de surseoir aux
négociations sur l’accès aux marchés pour les services de transport maritime.83
Cette décision a suspendu les dispositions de non-discrimination du GATS, appelées
« traitement de la nation la plus favorisée (NPF) », relatives au transport maritime.84 Les
pays doivent déclarer publiquement les catégories de commerce de services qu’ils
exemptent du traitement NPF. Cette décision signifiait que pour le transport maritime
aucune annonce publique ne devait être faite, ce qui a conduit à la situation actuelle
relative aux régimes de cabotage, dans laquelle l’OMC assume officiellement que les
pays font preuve de discrimination « jusqu’à la fin des négociations ».85

Les pays africains doivent d’abord développer leurs


industries maritimes en promouvant le rôle du secteur
privé et l’intégration régionale

Le Paquet de Bali,86 qui vise à réduire les obstacles mondiaux au commerce, s’inscrit
dans le cadre du Cycle de développement de Doha qui a débuté en 2001 en vue
d’améliorer les perspectives commerciales des pays en voie de développement. Par
ailleurs, l’Accord de facilitation des échanges de l’OMC87 décrit la liberté de transit
dans son article 11 de la manière suivante :

« (1) Les réglementations ou formalités relatives au trafic en transit imposées par


un Membre : »

(a) ne seront pas maintenues si les circonstances ou les objectifs qui ont
motivé leur adoption ont cessé d’exister ou ont changé de telle sorte
qu’il est possible d’y répondre d’une manière moins restrictive pour le
commerce et raisonnablement disponible ;

(b) ne seront pas appliquées de façon à constituer une restriction déguisée au


trafic en transit ;

» (2) Les Membres ne chercheront pas à prendre, ne prendront ni ne maintiendront


de mesure d’autolimitation ou toute autre mesure semblable concernant
le trafic en transit. Cela est sans préjudice des réglementations nationales
et arrangements bilatéraux ou multilatéraux existants et futurs relatifs à la
réglementation du transport et compatibles avec les règles de l’OMC ;

» (3) Chaque Membre accordera aux produits qui transiteront par le territoire de
tout autre Membre un traitement non moins favorable que celui qui serait
accordé à ces produits s’ils étaient transportés de leur lieu d’origine à leur lieu
de destination sans passer par le territoire de cet autre Membre » .

On peut donc soutenir que les points ci-dessus – notamment les paragraphes (2)
et (3) – sont en contradiction avec les lois africaines proposées sur le cabotage
L’introduction prévue des en ce qui concerne les services de transbordement et de feeder assurés par des
lois sur le cabotage en navires étrangers dans les eaux côtières africaines. Les inspections avant expédition,
Afrique semble ainsi que le nombre accru de documents que les navires de ligne intercontinentaux
prématurée doivent produire pour contrôler et sécuriser un régime de cabotage africain,
pourraient engendrer des retards et des obstacles artificiels au commerce et entraver

16 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


considérablement le commerce international. Dans cette à prendre des décisions visant à mettre en place un régime
perspective, les modèles de non-discrimination préconisés en de cabotage qui autorisera uniquement les navires africains à
vertu du régime commercial mondial de l’OMC semblent aussi transporter des marchandises le long de la côte continentale
contenir d’autres obstacles externes au cabotage africain. et empêchera les navires-mères non africains d’utiliser de plus
petits navires pour transporter des produits dans les eaux
Conclusion africaines. Le but de l’UA est de soutenir l’industrie maritime du
Au cours des dix dernières années, l’environnement des continent en autorisant uniquement les bâtiments appartenant à
échanges commerciaux et des investissements mondiaux a des Africains à commercer le long de la côte africaine.
opéré une transition des économies industrialisées vers les En dépit des avantages potentiels que procurerait une loi
économies émergentes. Dernièrement, les pays africains ont africaine unifiée sur le cabotage pour l’industrie maritime
attiré des flux d’investissement dans différents secteurs –
continentale, il existe plusieurs obstacles à la mise en place d’un
financier, télécommunications, électricité, commerce de détail
tel régime.
et transports.88
Premièrement, l’Afrique devra améliorer l’efficacité de son
Néanmoins, les paroles de Sir Walter Raleigh sont toujours
secteur maritime et recruter des professionnels maritimes
d’actualité : « Quiconque commande la mer commande le
qualifiés. Ce faisant, les pays africains pourraient renforcer leur
commerce ; quiconque commande le commerce du monde
coopération en mettant en commun les ressources humaines
commande les riches du monde et donc le monde lui-même ».
et matérielles nécessaires pour appliquer les lois maritimes, et
La question brûlante qui demeure aujourd’hui est : comment
se protéger en même temps contre la piraterie, le terrorisme
le futur environnement commercial mondial peut-il corriger les
et la pêche illégale. Par ailleurs, les violations des droits de
déséquilibres commerciaux mondiaux du passé ?89
l’homme subies par les ressortissants africains qui travaillent
Le transport maritime international est une industrie mondiale sur des navires étrangers pourraient être réduites. Les lois sur le
qui est portée par une concurrence acharnée. Les restrictions cabotage pourraient aussi doper le transport côtier.92
commerciales imposées par les États côtiers sur le marché
international peuvent servir d’instruments de protection.
L’Afrique prévoit d’intenter une action en justice pour « libérer Le transport maritime international est
les eaux côtières africaines de la dominance étrangère
une industrie mondiale qui est portée
ancestrale, et franchir un pas important vers un continent plus
unifié », s’éloignant ainsi de manière décisive des vestiges du par une concurrence acharnée
passé colonial de l’Afrique.90

Certains avancent que chaque pays maritime doit élaborer sa Deuxièmement, il est peu probable que les attentes ambitieuses
propre politique de cabotage en fonction de son emplacement de ce régime de cabotage en matière de développement et de
géographique stratégique, de ses exigences commerciales, création de richesse pour l’Afrique soient satisfaites de manière
de la taille de sa flotte marchande, des transports côtiers de réaliste dans un avenir proche : il nécessiterait une industrie
marchandises, et ainsi de suite. Cette politique est une mesure maritime bien développée, ce qui est une condition préalable
protectionniste dont même l’OMC tient compte en excluant les pour obtenir les effets économiques durables escomptés du
lois sur le cabotage des négociations. cabotage. Cette condition préalable, à savoir une industrie
maritime bien développée, n’est pas réunie dans la plupart
D’autres affirment que l’application de lois sur le cabotage des pays africains. Par conséquent, la Stratégie AIM 2050
aura un succès trop limité pour engendrer une croissance de l’UA ne semble pas encore pleinement réalisable, car le
significative des industries maritimes : l’industrie du transport développement d’une industrie maritime – dotée de marins
maritime est internationale par nature et a besoin de fonctionner qualifiés, de flottes efficaces et d’une infrastructure portuaire
dans un contexte commercial libéral. Par conséquent, ils moderne – nécessitera temps, développement et financement.
soutiennent que les lois sur le cabotage, qui exigent que
Troisièmement, si les lois africaines sur le cabotage étaient
les participants soient des ressortissants d’un pays ou d’un
introduites à un niveau intracontinental, elles pourraient avoir un
continent, sont vouées à l’échec parce qu’en contradiction avec
effet négatif sur les économies africaines, car l’effet dissuasif
la structure actuelle du transport maritime international.
sur l’industrie maritime dominée par les pays étrangers pourrait
L’UA est à l’origine à la fois de l’AMTC et de la RAMTC – être préjudiciable aux exportations africaines qui représentent la
lesquelles ne sont jamais entrées en vigueur91 – et s’apprête principale source de recettes pour beaucoup de pays africains.

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 17


ARTICLE

Enfin, les pouvoirs supranationaux limités de l’UA constituent un obstacle politique


majeur qui rend la bonne mise en œuvre de projets tels que la Stratégie AIMS 2050
difficile à prévoir, même pour l’UA elle-même, celle-ci n’ayant pas encore réussi
à obtenir une entente des membres sur des décisions intergouvernementales
contraignantes et communes. L’introduction de lois strictes sur le cabotage, sans tenir
compte des étapes intermédiaires importantes, serait donc vouée à l’échec – voire
préjudiciable – pour l’industrie maritime africaine.

Ceci dit, le cabotage – et plus généralement le développement d’une industrie


maritime efficace – peut jouer un rôle important dans la création de richesse et
d’emplois en Afrique. La clé pour surmonter les obstacles au développement d’une
flotte marchande africaine réside dans la participation du secteur privé comme moyen
de financement des navires.93 Un changement de perspective est nécessaire pour que
les acteurs de l’industrie maritime africaine comprennent que le secteur financier joue
un rôle essentiel :

« Aucune législation ne soutiendra une flotte marchande nationale si la


situation économique empêche l’investissement de capitaux. Autrement dit,
la réussite des mesures de contrôle du fret [est] liée à la solidité financière du
secteur privé d’un pays, à ses marchés de capitaux, ou aux priorités fiscales
de son gouvernement ».94

À la lumière des accords de l’OMC existants (et de leurs lacunes), le cabotage comme
mécanisme d’intervention industriel nécessite une législation plus appropriée au
contexte africain.95 De plus, et avant tout, les pays africains doivent développer leurs
industries maritimes en promouvant le rôle du secteur privé et l’intégration régionale.
Pour le moment, l’introduction prévue des lois sur le cabotage au niveau continental
semble prématurée compte tenu des conditions préalables requises et des problèmes
de gouvernance auxquels est confrontée l’UA.

Le combat mené par les pays africains pour une plus grande libéralisation économique
de leurs eaux côtières est intrinsèquement lié à la recherche d’un juste milieu entre les
pratiques d’intervention gouvernementale de longue date et la bonne gouvernance,
en vue de permettre à leurs secteurs privés d’occuper la place qui leur revient. Pour
que la Stratégie AIMS 2050 atteigne ses objectifs pour le secteur maritime de l’Afrique,
c’est-à-dire créer des débouchés économiques et un environnement propice en
matière de politique, le secteur doit être considérablement amélioré et les conditions
préalables doivent d’abord être réunies.

18 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


Notes
Les auteurs remercient le Professeur Patrick HG Vrancken pour sa contribution précieuse au cours de la
préparation de cet article. Vrancken est titulaire de la Chaire de recherche sud-africaine en droit de la mer
et développement en Afrique à la Nelson Mandela Metropolitan University.
Les auteurs expriment leur profonde gratitude à Simone Smith-Godfrey pour sa précieuse contribution
directe. Smith-Godfrey est chercheuse principale au département des transports et de la logistique du fret
au Council for Scientific and Industrial Research.
1 L’une des valeurs qui guide et régit le fonctionnement et les opérations de la Commission de l’UA est
de « penser avant tout Afrique ». Voir la vision de l’UA, www.au.int/en/about/vision, (consulté le 20
avril 2014).
2 Dans le présent document, le terme « africanisation » désigne les politiques et/ou actions axées
sur l’autarcie qui sont caractérisées par une mentalité qui consiste à donner la priorité aux forces
indigènes s’agissant du développement social et économique plutôt qu’à la dépendance étrangère.
3 Selon le rapport Étude des transports maritimes 2015 de la CNUCED, les pays en voie de
développement, notamment en Afrique et en Océanie, payent entre 40 % et 70 % de plus en
moyenne pour le transport international de leurs importations que les pays développés, en raison
principalement des « déséquilibres commerciaux, des réformes portuaires et de facilitation du
commerce à venir, ainsi que de volumes d’échanges plus faibles et des problèmes de connectivité
maritime ». On peut considérer que cela est le résultat du cercle vicieux des obstacles au
développement. Le rapport indique que les pays développés ont payé en moyenne seulement 6,8
% de la valeur totale de leurs importations en frais de transport, alors que les pays africains ont
payé en moyenne 11,4 %, la proportion la plus élevée au monde. Voir UNCTAD/RMT/2015, United
Nations Publication, sales no. E. 15.II.D.6, ISBN 978-92-1-112892-5, 47–54, http://unctad.org/en/
PublicationsLibrary/rmt2015_en.pdf, (consulté le 17 novembre 2015).
4 Voir la Conférence de Plénipotentiaires des Nations unies sur un code de conduite des conférences
maritimes, qui s’est tenue à Genève, du 12 au15 décembre 1973 (première partie) et du 11 mars au
6 avril 1974 (deuxième partie), publiée dans les publications de l’UNCTAD, sales no. E.75.II.D.ll, New
York 1975, http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/tdcode13add.1_en.pdf, (consulté le 17 novembre
2015).
5 L’indépendance des pays africains a mis en évidence la nécessité d’une nouvelle stratégie de la part
des anciens colonialistes vis-à-vis de leurs anciens dominions. Dans l’optique de poursuivre leurs
relations commerciales et politiques avec ceux-ci, les anciens colonialistes les ont incorporé dans le
système mondial, les Nations unies, en associant politiques commerciales et politiques d’aide.
6 « L’adoption du Code de l’ONU et la création, par la suite, de flottes marchandes nationales par
les pays en voie de développement doit donc être considérée comme un sous-ensemble de
la demande plus générale d’un nouvel ordre économique international (NOEI) par les pays en
voie de développement du milieu des années 1960 à la fin des années 1970 sous les auspices
de la CNUCED […] Cet effort visant à changer le régime maritime libéral existant pour permettre
la participation des pays en voie de développement, notamment le développement de flottes
marchandes indigènes, est souvent appelé “quête d’un nouvel ordre maritime international (NOMI)
“ » O Iheduru, The political economy of international shipping in developing countries, University
of Delaware Press, 1996, 23–24. Voir aussi Ademuni-Odeke, Protectionism and the future of
international shipping: The nature, development and role of flag discriminations and preferences,
cargo reservations and cabotage restrictions, state intervention and maritime subsidies, Dordrecht,
Boston, Lancaster: Martinus Nijhoff Publishers, 1984, 316 et suiv.
7 C Milbradt, Liberalisierung der Seekabotage unter völkerrechtlichen und europarechtlichen Aspekten,
vol. 5, Hamburg: LIT Publishing, 1998.
8 Certains rapports soutiennent que le cabotage devrait aussi inclure les voyages en haute mer. Cf.
Regulatory Issues in International Maritime Transport, Division of Transport, OCDE, disponible à www.
oecd.org/sti/transport/ maritimetransport/2065436.pdf, (consulté le 25 mai 2015).
9 Voir les dictionnaires d’Oxford, www.oxforddictionaries.com/de/definition/ englisch/cabotage,
(consulté le 11 décembre 2014).
10 Ibid.
11 La différence entre un accord FAB (FOB) et un accord CAF porte sur la responsabilité qui est
transférée du vendeur à l’acheteur. Dans les accords CAF, l’assurance et les autres coûts sont
assumés par le vendeur. Les contrats FAB exonèrent le vendeur de sa responsabilité dès lors que les
marchandises sont expédiées.
12 O Iheduru, The political economy of international shipping in developing countries, University of
Delaware Press, 1996, 57 et suiv.
13 C Milbradt, Liberalisierung der Seekabotage unter völkerrechtlichen und europarechtlichen Aspekten,
Bd. 5, Hamburg: LIT Publishing, 1998.
14 Ibid.

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 19


ARTICLE

15 Ibid., 8.
16 Ibid.
17 S Michalopoulos and E Papaioannou, The long-run effects of the scramble for Africa, Cambridge USA:
National Bureau of Economic Research, 2011, 7: « … la conception aléatoire des frontières coloniales
qui a perduré après l’indépendance africaine nous permet d’identifier l’effet causal du partitionnement.
Par ailleurs, outre les estimations de forme réduite liant le partitionnement au sous-développement,
nous découvrons le rôle préjudiciable de la conception des frontières dans la fomentation du conflit
civil ».
18 Woodrow Wilson’s ‘14 point’ speech, www.ourdocuments.gov/ document_ data/pdf/doc_062.pdf et
www.ourdocuments.gov/ document_data/pdf/doc_062b.pdf, (consulté le 21 avril 2014).
19 Voir article 1.2 de la Charte de l’ONU de 1945 telle que publiée sur le site Web de l’ONU, https://
treaties.un.org/doc/publication/ctc/uncharter.pdf, (consulté le 21 avril 2014) : « Développer entre les
nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et
de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toute autre mesure propre à consolider la paix du
monde ».
20 Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adoptée par la
résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale le 14 décembre 1960, www.un.org/en/decolonization/
declaration.shtml, (consulté le 21 avril 2014).
21 Stipulée comme droit international général (jus cogens) dans l’article 53 aux fins de la Convention de
Vienne sur le droit des traités depuis 1969 :
« Une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la
communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune
dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit
international général ayant le même caractère », www.worldtradelaw.net/misc/viennaconvention.pdf.
download, (consulté le 10 décembre 2014), article 53, 17. Comme l’ont déclaré Hilary Charlesworth
et Christine Chinkin : « La liberté des États de conclure des traités est […] limitée par les valeurs
fondamentales de la communauté internationale ». Voir The gender of jus cogens, Human Rights
Quarterly, 15:1, février 1993, 63–76. Bien que l’application du jus cogens soit controversée, elle ne
l’est pas en cas d’agression, de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de
piraterie, d’esclavage et de pratiques liées aux esclaves, et de torture ». Voir M Cherif Bassiouni,
International crimes: ‘Jus Cogens’ et ‘Obligatio Erga Omnes’, Law and Contemporary Problems, 59:4,
1996, 68.
22 KM Khamis, Présentation sur l’Agenda 2063 à la réunion de l’Association des armateurs africains, 23
juillet, 3 (ii).
23 Voir Conseil de la paix et de la sécurité, 387e réunion au niveau ministériel, 29 juillet 2013, Addis-
Abeba, Éthiopie, PSC/MIN/COMM.2(CCCLXXXVII)- Rev.1, 1 Nr. 4 : « Les dirigeants de l’Afrique
centrale et de l’Afrique de l’Ouest ont franchi une étape importante et louable vers la sûreté et la
sécurité maritimes car l’avenir de l’Afrique réside dans son économie bleue, une nouvelle frontière
de sa renaissance ». www.peaceau.org/uploads/psc-387-com-yaounde-summit29-07-2013.pdf,
(consulté le 13 avril 2014).
24 Sur invitation du gouvernement portugais, une délégation de l’équipe de travail sur la Stratégie AIMS
2050 de l’UA a participé à la Conférence Atlantique de Lisbonne qui s’est tenue les 4 et 5 décembre
2013. Communiqué de presse de l’UA, Lisbonne, 5 décembre 2013, The AU 2050 Africa’s integrated
Maritime strategy making strides on the international level, http://pages.au.int/maritime/events/au-
2050-africa-s-integrated-maritime-strategy-making-strides-international-stage, (consulté le 15 avril
2014).
25 Stratégie AIMS 2050, http://pages.au.int/sites/default/files/2050%20AIM %20Strategy%20
%28Eng%29_0.pdf, (consulté le 15 avril 2015).
26 Ibid., 6.
27 Selon un rapport de l’OCDE de 2001, Regulatory issues in international maritime transport, le
cabotage maritime est définit comme la réservation du commerce maritime intérieur d’un pays aux
navires battant pavillon national, et s’applique aux voyages côtiers et en haute mer, ainsi qu’aux
cargaisons sur les voies navigables intérieures.
28 Institut d’études de sécurité, Africa should wake up to the importance of an integrated maritime
strategy, 8 octobre 2012, www.issafrica.org/ iss-today/africa-should-wake-up-to-the-importance-of-
an-integrated-maritime-strategy, (consulté le 30 juin 2014).
29 MR Brooks, Maritime cabotage: International market issues in the liberalisation of domestic shipping,
in A Chircop, N Letalik, TL McDorman and S Rolston (eds), The regulation of international shipping:
International comparative perspectives, Leiden and Boston: Martinus Nijhoff Publishers, 2012, 295.
30 1re Conférence des ministres africains chargés des affaires liées à la mer, parallèlement au quatrième
Atelier intersectoriel des experts africains du domaine maritime sur la Stratégie AIMS 2050, 17 avril
2012, Addis-Abeba, Éthiopie.

20 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


31 Voir AIMS 2050, http://pages.au.int/sites/default/files/2050%20AIM%20 Strategy%20%28Eng%29_0.
pdf, (consulté le 15 avril 2014).
32 RS Khemani et DM Shapiro, Glossary of industrial organisation economics and competition law,
commandé par la Direction des affaires financières, fiscales et des entreprises, OCDE, 1993.
33 Voir https://stats.oecd.org/glossary/detail.asp?ID=3311, (consulté le 27 janvier 2016).
34 RS Khemani et DM Shapiro, Glossary of industrial organisation economics and competition law,
commandé par la Direction des affaires financières, fiscales et des entreprises, OCDE, 1993.
35 O Iheduru, The political economy of international shipping in developing countries, University of
Delaware Press, 1996, 53.
36 Ibid., 32.
37 Ibid., 36.
38 Ademuni-Odeke, Protectionism and the future of international shipping: The nature, development
and role of flag discriminations and preferences, cargo reservations and cabotage restrictions, state
intervention and maritime subsidies, Dordrecht, Boston, Lancaster: Martinus Nijhoff Publishers, 1984,
28.
39 O Iheduru, The political economy of international shipping in developing countries, University of
Delaware Press, 1996, 27.
40 GK Sletmo et S Hoste, Shipping and the competitive advantage of nations: The role of international
ship registers, Maritime Policy & Management: The Flagship Journal of International Shipping and Port
Research, 20:3, 1993, 243–255.
41 Ibid., 245.
42 Voir par exemple www.panamashipregistry.net/en/pages/flags-of-convenience-definition, (consulté le
27 janvier 2016).
43 GK Sletmo and S Hoste, Shipping and the competitive advantage of nations: The role of international
ship registers, Maritime Policy & Management: The Flagship Journal of International Shipping and Port
Research, 20:3, 1993, 245.
44 Ibid.
45 AIMS 2050, http://pages.au.int/sites/default/files/2050%20AIM%20 Strategy%20%28Eng%29_0.pdf,
27, (consulté le 15 avril 2014).
46 Interview dans le magazine en ligne Break Bulk, www.breakbulk.com/breakbulk-news/cargo-by-
region/africa/south-africa-pushes-for-cabotage/, (consulté le 15 avril 2014).
47 Voir http://chikaforafrica.com/tag/africa-cabotage-laws/, (consulté le 24 octobre 2015).
48 O Iheduru, Merchant fleet development by legislation: Lessons from West and Central Africa, Maritime
Policy & Management: The Flagship Journal of International Shipping and Port Research, 19:4, 1992,
297–317, 298 (à l’origine dans MR Brooks, Legislative mechanisms to improve national flag shipping,
article présenté à la Conférence mondiale sur la recherche sur les transports, Vancouver, Canada,
1986.)
49 Ibid., 308–310.
50 O Iheduru, The political economy of international shipping in developing countries, University of
Delaware Press, 1996, 82.
51 Ibid., 38.
52 CNUCED, Economic development in Africa report, 2013, Intra-African trade: Unlocking private sector
dynamism, New York et Genève: ONU, http://unctad.org/en/PublicationsLibrary/aldcafrica2013
_en.pdf, 125, (consulté le 29 avril 2014). L’auteur du rapport de la CNUCED note qu’en termes
de volume (à prix constants 2000), le commerce intra-africain s’est élevé à 11,4 % du commerce
mondial africain en 2000, est passé à 12,5 % en 2009 avant de baisser à 11,4 % en 2011.
53 Voir www.newera.com.na/2014/06/26/fdi-inflows-to-africa-likely-to-exceed-us60-billion/, (consulté le
30 juin 2015).
54 Ibid.
55 AIMS 2050, http://pages.au.int/sites/default/files/2050%20AIM%20 Strategy %20%28Eng%29_0.
pdf, Nr. 85, 27, (consulté le 15 avril 2014).
56 CBC Africa infrastructure investment report 2013, www.cbcglobal.org/ images/ uploads/docs/The_
CBC_Africa_Infrastructure_Investment_ Report_2013.pdf, (consulté le 25 mai 2014).
57 Ibid., 138.
58 Banque mondiale, Review of legal and institutional instruments to facilitate intra-regional transport
and trade within sub-Saharan Africa, www4.worldbank.org/afr/ssatp/Resources/HTML/legal_review/
Annexes/Annexes %20III/ Annex%20III-05.pdf, annex III-5, (consulté le 20 avril 2014).

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 21


ARTICLE

59 Voir Charte africaine des transports maritimes, adoptée lors de la troisième session de la Conférence
des ministres africaines des transports maritimes, à Addis-Abeba du 13 au 15 décembre 1993, www.
au.int/en/sites/default/files/ treaties/7776-file charter_en_african_maritime_transport_tunis_june1994.
pdf, (consulté le 4 février 2016), article 11.
60 Voir Charte africaine des transports maritimes révisée, adoptée par la 15e Session ordinaire de
l’Assemblé de l’Union africaine à Kampala, Ouganda, le 26 juillet 2010, article 15, www.peaceau.org/
uploads/revised-african-maritime-transport-charter-en.pdf, (consulté le 4 février 2016).
61 O Iheduru, Merchant fleet development by legislation: Lessons from West and Central Africa, Maritime
Policy & Management: The Flagship Journal of International Shipping and Port Research, 19:4, 1992,
297.
62 Ibid.
63 Le Code de conduite des conférences maritimes de l’ONU de 1974 aborde la question du pouvoir
des conférences maritimes et du lien réel qu’il existe entre l’armateur et le navire. Dans son article
2(4a) il stipule que pour déterminer une part du trafic au sein d’une conférence maritime, il doit exister
des droits égaux de participer au fret et au volume du trafic généré par les échanges extérieurs et
transporté par la conférence. La section 4(b) parle du principe de « 40-40-20 », qui signifie que pour
des échanges donnés entre deux pays, 40 % de la cargaison de la conférence doivent être réservés
à des compagnies maritimes membres du pays importateur, 40 % à des compagnies maritimes
membres du pays exportateur et 20 % à des compagnies maritimes tierces ou à des exploitants
non-membres. Voir http://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XII-
6&chapter=12&lang=en, (consulté le 22 avril 2014).
64 Deuxième session de la Conférence des ministres africains des transports, 21–25 novembre 2011,
Luanda, Angola, http://au.int/ar/sites/default/files/AU-TPT-EXP-2B-Report%20on%20the%20,
(consulté le 22 avril 2014).
65 Décision sur l’adoption de la Charte africaine des transports maritimes, Assembly/AU/3(XV),
Assembly/ AU/Dec. 293(XV), adoptée par la quinzième session ordinaire de l’Assemblée de
l’Union le 27 juillet 2010, Kampala, Ouganda. Voir www.dfa.gov.za/diaspora/docs/audecision/
summitJul2010Decisions.pdf, (consulté le 26 avril 2014).
66 Premier atelier intersectoriel des experts africains du domaine maritime sur la stratégie 2050 AIM,
20–22 décembre 2011, Addis-Abeba, Éthiopie, http://pages.au.int/sites/default/ files/Concept%20
Note%2C%20Experts%20Workshop%2020-22%20Dec%2011_0.pdf, (consulté le 12 avril 2014).
67 Ibid.
68 Direction de l’information et de la communication de l’UA, communiqué de presse no. 021/2012,
www.au.int/en/sites /default/files/ PR%20AIM%20Press%20Release%20-%20Conference%20
and%20Workshop%20on% 20African%20Maritime%20Strategy%20%2019%20April%202012%20
_2__1_.pdf, (consulté le 27 avril 2014).
69 Pour de plus amples renseignements, voir www.au.int, (consulté le 3 décembre 2015).
70 Association des armateurs africains, www.african-shipowners.org/ page-1856399, (consulté le 28 avril
2014).
71 AAMA, www.african-shipowners.org/, (consulté le 28 avril 2014).
72 Voir la liste des États signataires de la Charte africaine des transports maritimes, adoptée à Tunis,
Tunisie, juin 1994, www.au.int/en/sites/default/ files/treaties/7776-sl-maritime_transport_charter.pdf,
(consulté le 4 février 2016).
73 Voir la liste des États signataires de la Charte africaine des transports maritimes révisée, adoptée par
la 15e session ordinaire de l’Assemblée de l’Union africaine, à Kampala, Ouganda, le 26 juillet 2010,
http:// globalsummitryproject.com.s197331.gridserver.com/archive/african_ union1/au.int/en/sites/
default/files/Revised%20-%20Maritime%20 Transport%20Charter_0.pdf, (consulté le 4 février 2016).
74 R Munshi, Sharing sovereignty ‘key to float continent’s maritime integration strategy’, Business Day
Live, 27 October 2013, www. bdlive.co.za/national/science/2013/10/27/sharing-sovereignty-key-to-
float-continents-maritime-integration-strategy, (consulté le 28 avril 2014).
75 T Mokhele, A case for African indigenous tonnage, 1re Conférence des ministres africains chargés
des affaires liées à la mer, parallèlement au 4e atelier intersectoriel des experts africains du domaine
maritime sur la Stratégie AIM 2050, 19–21 avril 2012, Addis-Abeba, Éthiopie, http://pages. au.int/
sites/default/files/A%20Case%20for%20African%20Indegionous% 20Tonnage_0.ppt, (consulté le 28
avril 2014).
76 Rapport de la CNUCED 2013, Trade facilitation from an African perspective, www.uneca.org/sites/
default/files/publications/trade_facilitation_eng.pdf, (consulté le 15 janvier 2015).
77 Voir www.wto.org/english/tratop_e/tradfa_e/tradfa_e.htm, (consulté le 27 janvier 2016).
78 Voir le site Web de l’OMC pour la dernière version de l’accord (WT/L/931, publié précédemment sous
la référence WT/PCTF/W/27).
79 Voir www.wto.org/english/docs_e/legal_e/06-gatt_e.htm, (consulté le 30 avril 2014.

22 Reprendre possession des mers : perspectives pour l’économie bleue de l’Afrique


80 Ibid.
81 Voir www.internationaltransportforum.org/2009/workshops/pdf/ws1-Brooks.pdf, (consulté le 30 juin
2014).
82 MR Brooks, Maritime cabotage: International market issues in the liberalisation of domestic shipping,
in A Chircop, N Letalik, TL McDorman and S Rolston (eds), The regulation of international shipping:
International comparative perspectives, Leiden and Boston: Martinus Nijhoff Publishers, 2012, 295.
83 OMC, point de presse sur les transports maritimes, 20 janvier 2003, www.wto.org/ english/ thewto_e/
minist_e/min96_e/ maritime.htm, (consulté le 28 avril 2014).
84 Ibid.
85 Ibid.
86 Le Paquet de Bali a été conclu lors de la neuvième Conférence ministérielle de l’OMC en décembre
2013. Les principales questions soulevées lors de cette conférence étaient les mesures visant
à soutenir les pays membres de l’OMC les moins développés et un mécanisme d’examen des
dispositions de traitement spécial et différentiel applicables aux pays les moins développés et aux
pays en voie de développement dans l’ensemble des accords de l’OMC. La Partie II du Paquet de
Bali s’inscrit dans le cadre du travail sur le Programme de développement de Doha. Concernant les
questions portant sur le développement et les pays les moins développés, la Partie II du Paquet de
Bali inclut, notamment, des règles d’origine préférentielle pour les pays les moins développés ; l’accès
aux marchés en franchise et sans contingent pour les pays les moins développés ; et un mécanisme
de suivi du traitement spécial et différentiel.
87 OMC, Décision ministérielle, neuvième session de la Conférence ministérielle, Bali, 3–6 décembre
2013, WT/MIN (13)/36.
88 Pour de plus amples renseignements, voir C Elkemann et OC Ruppel, Chinese foreign direct
investment into Africa in the context of BRICS and Sino-African bilateral investment treaties,
Richmond Journal of Global Law and Business, 13:4, 2015, 597.
89 L Edwards et R Lawrence, South African trade policy and the future global trading environment, South
African Institute of International Affairs, Occasional Paper No. 128, 2012.
90 Voir http://ports.co.za/news/news_2013_02_01_01.php, (consulté le 3 décembre 2015).
91 Voir une liste des traités de l’Union africaine : www.au.int/en/treaties, (consulté le 4 février 2016).
92 J Hare, Cape could be Africa’s corner café, Cape Times, deuxième édition, 8 août 2012.
93 O Iheduru, Merchant fleet development by legislation: Lessons from West and Central Africa, Maritime
Policy & Management: The Flagship Journal of International Shipping and Port Research, 19:4, 1992,
312–314.
94 Ibid.
95 S Smith-Godfrey, African cabotage, domestic or short-sea shipping: A practical guide, www.
shopmybook.com, 2014, 42.

Article ISS 290 • FÉVRIER 2016 23


ARTICLE

À propos des auteurs ISS Pretoria


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Le Professeur Oliver Christian Ruppel est directeur du Programme
361 Veale Street
Développement et Primauté du droit et professeur de droit à la Faculté de New Muckleneuk
droit de l’Université de Stellenbosch. Jusqu’en 2010, il était titulaire de Pretoria, Afrique du Sud
l’une des premières chaires universitaires de l’OMC, Genève, qu’il a créée Tel: +27 12 346 9500
à l’Université de Namibie, Windhoek, où il avait auparavant occupé le poste Fax: +27 12 460 0998
de directeur du Centre de documentation sur les droits de l’homme. Il est
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la Bavarian School of Public Policy de Munich qui est un institut affilié à
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l’Université Ludwig Maximilian. En 2014, il était étudiant rattaché à la Faculté
de droit de l’Université de Stellenbosch où il travaillait avec le Professeur ISS Dakar
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dans ce cadre qu’il a mené des recherches interdisciplinaires sur le droit Atryum
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international et le rôle des relations économiques de l’Afrique dans les
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