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Chapitre III

SYNTHESE ET REACTIVITE DES


HETEROCYCLES NON AROMATIQUES

Cette partie de cours illustre la synthèse de certains


monohétérocycles non aromatiques principaux ainsi que leurs
réactivités.

On se limite aux hétérocycles saturés, possédant un seul


hétéroatome azote ou oxygène, tels que :

O N O NH
H
Oxirane Aziridine Oxétane Azétidine

O N O N
H H
Tétrahydrofurane Pyrrolidine Tétrahydropyrane Pipéridine

La réactivité de ces hétérocycles dépend essentiellement de


la taille du cycle. La tension des hétérocycles à 3 ou à 4 chaînons
leur permet de subir des ouvertures nucléophiles. Tandis que les
cycles à 5 ou à 6, ne possédant pas cette tension de cycle, sont
par conséquent relativement inertes.

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I/ OXIRANES (EPOXYDES)
I-1- Synthèse des oxiranes
Pour la synthèse des époxydes, il existe plusieurs différentes
méthodes de synthèse pour y accéder.
1) Cyclodéshydrohalogénation de -halogénoalcools
Une base vient déprotoner la fonction alcool pour donner
l’alcoolate. Puis une réaction de substitution nucléophile d’ordre 2
(SN2) intramoléculaire permet d'obtenir le cycle oxiranique
(époxyde).

Et Br Et Et H
isopr Br
isopr isopr CH3
OH -Br
C C C C C CR
S S S
H
O O H
CH3 CH3 O
H
Bromohydrine Intermédiaire Epoxyde

2) Réaction de Darzens
La réaction de Darzens utilise, dans un premier temps, un -
halogénoester qui va réagir avec l'éthylate de sodium puis
l'intermédiaire formé est mis en présence d'un dérivé carbonylé
pour donner l'époxyde avec une fonction ester.

O OEt O
EtO Na R1 O O
Cl Cl R1
OEt O O OEt
R2 R2 OEt
R2 O
R1 Cl

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3) Synthèse de Corey
Cette réaction ressemble également à la première dans le
sens où on va créer une fonction alcoolate sur un carbone
adjacent à un groupe partant qui, cette fois-ci non pas un
halogène mais un groupement sulfonium.

O O I O R1 O
CH3I NaH O
H3C S CH3 H3C S CH3 H3C S CH3 O -DMSO
R2 R2 R1
CH3 CH2
R1 H3C S O
R2
CH3

4) Epoxydation des alcènes


Les alcènes sont oxydés par les peracides (RCO3H) pour
conduire à la formation des oxiranes. Le mécanisme de la
réaction est concerté (voir chapitre des alcènes de SMC-S3).

RCO3H
+ RCO2H
O
Epoxyde

Remarque : Industriellement, l’oxirane est préparé à partir de


l’éthylène et l’air en utilisant un catalyseur à base d’argent (Ag).

Ag
H2C CH2 + 1/2 O2
O

I-2- Réactions des oxiranes


1) Ouverture du cycle par réaction avec un nucléophile
Les époxydes sont des cycles très tendus et peuvent réagir
avec des nucléophiles en s’ouvrant via un mécanisme de SN2 :
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
+ Nu H Nu Nu
O HO
H
O

Remarque :
- L’attaque du nucléophile se fait à l’opposé du pont époxyde, le
processus est donc stéréospécifique (anti).

- Sur un époxyde dissymétrique, le nucléophile attaque le carbone


le moins substitué (mécanisme SN2).

- Par contre, en milieu acide, l’atome d’oxygène de l’époxyde se


trouve protoné et fragilise la liaison C-O du côté donnant « le
carbocation le plus stable » sur lequel va ensuite réagir le
nucléophile.

2) Formation d'alcènes à partir d'un époxyde


La triphénylphospine conduit par réaction avec un époxyde
dont les substituants sont en position trans à un alcène de
configuration Z (ou cis donne E) :

H R2 H H H R
 R1 PPh3 R1 2

R1 H + PPh3
R2
O O H O PPh3

R1 H H
R2 H H
+ OPPh3
O PPh3 R1 R2

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C’est une réaction stéréospécifique. En utilisant un alcène de
configuration (E) et en effectuant la série de réactions
époxydation/triphénylphosphine, la configuration de l'alcène
devient (Z) et vice versa.

II/ AZIRIDINES
II-1- Synthèse des aziridines
La cyclisation d'amine -substituées conduit à des aziridines.
Le principe ressemble à celui appliqué pour synthétiser des
oxiranes : une cyclisation intramoléculaire à l'aide d'un groupe
partant mais le nucléophile est cette fois-ci la fonction amine.

H2N SOCl2 H3N KOH


OH Cl NH

II-2- Réactions des aziridines


1) Réactions avec des acides ou des électrophiles
Comme les amines, les aziridines se comportent comme des
bases (pKa ~ 8, donc bases faibles) et comme des nucléophiles
vis à vis des électrophiles (donc réactions de substitutions) :

a) Réactions Acide/Base

H
NH + HA N + A
H

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b) Réactions avec des électrophiles
O
O OEt
Et3N
NH + Cl CH2 C N
OEt

Remarque : Et3N utilisée c’est pour piéger HCl formé pour éviter
la réaction acide/base avec l’aziridine.
CN
NH + H2C CH CN N
(Addition de
Michael)

2) Réactions d'ouverture de cycle par des nucléophiles


Les amines primaires peuvent réagir avec les aziridines pour
donner des 1,2-diamines. Le mécanisme et la stéréochimie sont
similaires à la réaction correspondant aux époxydes.

L'ouverture des aziridines est surtout catalysée par des


acides donne des amino-alcools. On donne l'exemple ci-dessous
de l'hydrolyse acido-catalysée pour obtenir des amino-alcools.

H H2O HO
NH + H3O N + H2O
H NH2 NH3

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III/ OXETANES
III-1- Synthèse des oxétanes
Deux méthodes sont utiles pour la synthèse des oxétanes:
- cyclisation des alcools -substitués,
- la réaction de Paterno-Büchi.

1) Cyclisation d'alcools -substituées


Les alcools avec un nucléofuge comme groupe partant en
position  peuvent cycliser pour donner des oxétanes. On peut
utiliser par exemple le propane-1,3-diol en présence du chlorure
de tosyle et une base.

OH ArSO2Cl OH O O
OH
+ ArSO3

OH O SO2Ar O SO2Ar

Remarque : Les oxétan-2-ones ou -lactones (les lactones sont


des esters engagés dans un cycle) peuvent être préparées d'une
manière similaire.
En présence du chlorure de tosyle et la pyridine, l’acide 3-
hydroxypropanoïque se déshydrate pour aboutir au -lactone
(oxétan-2-one).
O O
OH ArSO2Cl O
-lactone
Pyridine
 
OH

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2) Réaction de Paterno-Büchi
C’est une réaction de cycloaddition photochimique [2+2] des
composés carbonylés sur des alcènes. Avec des alcènes
substitués par des groupes mésomères attracteurs, l'addition est
stéréospécifique. Au contraire, avec les alcènes 1,2-disubstitués
par des groupes inducteurs donneurs, la réaction est non
stéréospécifique.
H
NC H O NC
O
+ h

H H
NC NC
H Et
Et H O Et H
O O
+ h +

H H H
Et Et Et

III-2- Réactions des oxétanes


Ces réactions se réalisent avec des nucléophiles (acido-
catalysées). Comme les époxydes, les oxétanes réagissent par
une ouverture de cycle (plus lentement et nécessite des
conditions de réactions vigoureuses).

Les halogénures d'hydrogène (HCl, HBr…) conduisent par


réaction avec le cycle oxétane à des 3-halogéno-alcools et
l'hydrolyse acido-catalysée conduit elle aux 1,3-diols.

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O HCl
Cl OH

O H2O
HO OH
H
catalytique

IV/ AZETIDINE
IV-1- Synthèse des azétidines
Deux méthodes peuvent être utilisées pour la synthèse des
azétidines :
- cyclisation d'amines -substituées (le principe est similaire
aux oxétanes, aziridines, époxydes : un groupement
nucléofuge et l'hétéroatome qui est le nucléophile),
- action du p-toluènesulfonamide et de bases sur les 1,3-
dihalogénoalcanes.
1) Cyclisation d'amines -substituées
CH3 CH3
NH N
+ KOH

Br

2) Action du p-toluènesulfonamide en présence d'une


base sur les 1,3-dihalogénoalcanes
SO2Ar
Br N NH
HO Na/EtOH
+ H2N SO2Ar
(réduction)
Br

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Remarque : Les azétidin-2-ones ou -lactames (amides engagés
dans un cycle) peuvent être préparées d'une manière similaire
aux analogues oxétan-2-ones :
O O
OH CH3SO2Cl NH
-lactame
NaHCO3  
NH2

IV-2- Réactions des azétidines


Les azétidines (pKa = 11.3) sont moins réactifs que les
aziridines (base plus faible, pKa = 8). Ce sont des cycles qui se
comportent comme des amines secondaires.
Les azétidines non substituées sur l'atome d'azote peuvent
réagir avec des électrophiles. Les azétidines possédant une
charge positive sur l'atome d'azote (sels d'ammonium ou bien
protonation), peuvent subir l'attaque de nucléophile et ouvrir le
cycle.

V/ TETRAHYDROFURANE
V-1- Synthèse des tétrahydrofuranes
Deux méthodes peuvent être utilisées pour la synthèse des
tétrahydrofuranes (THF) :
- cyclodéshydratation des 1,4-diols,
- cyclisation des alcools -insaturés.

1) Cyclodéshydratation des 1,4-diols

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Cette méthode est la plus simple pour obtenir des
tétrahydrofuranes.

H
R1 R2 R1
-H2O R2
O
OH HO

Remarque : Industriellement, le THF (R1 = R2 = H) est obtenu


par cyclodéshydratation du butane-1,4-diol.

2) Cyclisation des alcools -insaturés


Cette méthode diffère des autres réactions de cyclisation. En
effet, en plus de la formation du cycle, il y a la formation du
groupe iodométhyle.

I2
H H
  CH3CN CH2I
R R O
OH

Cette réaction est diastéréosélective et conduit au composé trans-


2,5-disubstitué.

V-2- Réactions des tétrahydrofuranes


Par analogie avec les oxétanes, les tétrahydrofuranes
peuvent s'ouvrir par réaction avec un nucléophile.

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HCl
O O H OH

Cl Cl

VI/ PYRROLIDINES
VI-1- Synthèse des Pyrrolidines
La pyrrolidine et les pyrrolidines N-substituées sont
synthétisées commercialement par une transformation du
tétrahydrofurane à l'aide de l'ammoniaque ou d'amines primaires
à 300°C en présence d'oxyde d'aluminium comme catalyseur.

R-NH2
Al2O3
O N
R
VI-2- Réactions des Pyrrolidines
Les pyrrolidines réagissent comme les amines secondaires
ou tertiaires. Elles peuvent être alkylées, quaternarisées, acylées.

VII/ TETRAHYDROPYRANES
VII-1- Synthèse des Tétrahydropyranes
Les méthodes pouvant être utilisées pour la synthèse des
tétrahydropyranes sont similaires à celles des tétrahydrofuranes :

- cyclodéshydratation des 1,5-diols,


- cyclisation des alcools insaturés.

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1) Cyclodéshydratation des 1,5-diols

H
-H2O
HO OH O

2) Cyclisation des alcools insaturés


Il est possible d'utiliser la méthode d'iodo-cyclisation (idem
tétrahydrofuranes) ou bien d'une catalyse acide sur un époxyde :

I2 Bu3SnH
CH3CN I
HO O O

RCO3H H
O
OH
HO O

VII-2- Réactivité du 3,4-dihydro-2H-pyrane


Le 3,4-dihydro-2H-pyrane, qui est un analogue insaturé du
tétrahydropyrane, présente un grand intérêt en synthèse
organique.
En effet, les alcools ou phénols réagissent sous catalyse
acide avec ce composé pour conduire à un acétal cyclique stable.
Cet acétal cyclique est stable en présence de bases mais
s'hydrolyse en présence d'acides même dilués. Ainsi, la fonction
alcool peut être protégée et déprotégée après une réaction qui
aurait porté atteinte au groupe OH.

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Réaction
TsOH sur R
+ R OH
R
O (protection) O O

H2O/H
+ R OH
R
O O (déprotection) O OH

Acide paratoluènesulfonique (TsOH) : SO3H

VIII/ PIPERIDINES
VIII-1- Synthèse des Pipéridines
Les méthodes pouvant être utilisées pour la synthèse des
pipéridines sont :

- cyclisation d'amines 1,5-substituées (le principe est


similaire aux oxétanes, aziridines, azétidines, époxydes : un
groupement nucléofuge et l'hétéroatome qui est le
nucléophile).
- réduction catalytique de la pyridine.

1) Cyclisation d'amines 1,5-substituées

-HX R NH2
-2HX
HN X N X X
R R

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2) Réduction catalytique de la pyridine
R R

H2

N Catalyseur N
H

Les 4-pipéridones sont des dérivés importants des pipéridines et


peuvent être préparées par une réaction de cyclisation de
Dieckmann.
O O
ROOC COOR RO2C R2 R2
R1
R1 R2 NaOH R1 H2O/H

N ou NaH N N
(formation de -COOH
R3 R3 puis décarboxylation) R3

VIII-2- Réactions des Pipéridines


Les pipéridines réagissent comme les amines secondaires
ou tertiaires. Elles peuvent être alkylées, quaternarisées, acylées.

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