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Du point de vue hydrologique, un tunnel est une fouille, qui peut en général
s'épuiser par écoulement libre. Il apporte donc un trouble assez profond au
régime hydrologique des terrains qu'il traverse : il est commode de distinguer
trois stades successifs, qui d'ailleurs interfèrent, puisque le creusement est
progressif. Le premier correspond consécutif au percement dans des terrains où
régnait le régime antérieur. Le deuxième stade correspond au nouveau régime
permanent, le tunnel fonctionnant comme drain. Le troisième enfin, au
rétablissement d'un revêtement étanche, plus ou moins parfait, et dont l'extrados
peut constituer un drain par lequel communiquent les terrains successivement
traversés. Ce troisième stade n'est donc pas identique au régime antérieur.
Avant d'aborder l'exécution d'un tunnel, il faut évidemment s'efforcer de préciser
le régime hydrologique existant. Pour prévoir la perturbation qu'il apportera, et
les difficultés qui résulteront des venues d'eau, il est commode de chercher à
prévoir d'abord le deuxième stade, c'est-à-dire le régime permanent avec le
tunnel non revêtu. La hauteur piézométrique se trouve alors ramenée à sa cote,
et l'écoulement se fait, dans son voisinage, vers le tunnel. Si l’on connaît la
perméabilité des différents terrains, on peut essayer de calculer le débit qui les
traverse, en fonction de la dépression du niveau piézométrique à grande
distance. Si l'alimentation en eau est illimitée (tunnel sous-marin, sou lacustre),
le débit se trouve déterminé par la différence de charge, la distance, la
perméabilité : ce débit sera atteint dès le début, et se maintiendra pratiquement
constant.
Dans d'autres cas, l'alimentation lointaine n'est pas suffisante, et la hauteur
piézométrique se trouve déprimée dans toute la région du tunnel: les sources, les
puits, peuvent tarir, et les venues d'eau vers le tunnel sont limitées par
l'alimentation lointaine: un tel régime comporte la vidange des pores durs dans
tout le volume compris entre l'ancien niveau phréatique, et le nouveau, ce qui
peut représenter un volume d'eau considérable, qui devra être évacué vers le
tunnel au cours du premier stade, transitoire.
Par exemple, dans un calcaire karstique, la perméabilité en grand est telle que,
sauf alimentation illimitée, le percement du tunnel aura pour effet de drainer le
terrain, et d'abaisser localement jusqu'à sa hauteur le niveau phréatique : il faut
pour cela que, dans le stade transitoire, toute l'eau occupant les vides du calcaire
s'écoule vers la galerie, et ceci peut déterminer des débits instantanés énormes,
pouvant exiger un abandon temporaire du chantier: or, ces venues d'eau ne
commenceront qu'à la rencontre, imprévisible, d'une fissure importante: on aura
immédiatement un débit énorme, et il faudra attendre qu'il diminue, par suite de
la vidange des réserves d'eau sus-jacentes. Pour éviter d'être surpris, il peut être
bon d'effectuer des sondages pilotes en avant de la volée. S’ils donnent lieu à
une venue d'eau, or sera prévenu ; on pourra, en obstruant le sondage, mesurer
sa pression pour un débit nul, et au besoin, laisser couler l'eau par le sondage
pour amorcer la vidange des réserves, avant de reprendre l’avancement.
Les venues d'eau sont beaucoup plus gênantes par les efforts d'entrainement
qu'elles exercent sur le terrain, que par elles-mêmes. Dans certains terrains
« sables boulants », quartzites broyés, il en résulte des poussées très fortes, qui
peuvent compromettre l'exécution du tunnel.
Le meilleur remède consiste à agir directement sur la cause, c'est-à-dire la
circulation des eaux. On peut parfois drainer le terrain, ou réduire son
alimentation, en détournant les eaux de surface. A défaut, il restera la solution de
le rendre étanche.
Graphique donnant la variation avec la distance des composantes principales de la contrainte autour
d’un tunnel circulaire, en régime élastique
Valeurs des composantes principales de la contrainte autour d’un tunnel cylindrique, dans l’hypothèse
d’un seuil de plasticité indépendant de la pression moyenne
On peut également utiliser une hypothèse calquée sur celle qui caractérise les
terrains meubles, en admettant une valeur déterminée pour l'angle de frottement
interne : cette hypothèse a été utilisée, en particulier pour le terrain houiller
(schistes et grès), en admettant que la déformation au voisinage de la galerie
désorganisait suffisamment les roches pour détruire leur cohésion (ce qui est une
hypothèse pessimiste). La grandeur de la contrainte admissible est alors
proportionnelle à la pression moyenne, ou (si on applique la condition de Mohr)
le rapport entre pression radiale et tangentielle a une valeur déterminée.
Soit que le terrain soit perméable, soit que sa déformation au voisinage de la
galerie s'accompagne d'une certaine fissuration, le tunnel va fonctionner comme
un drain, et il s'établira vers lui une circulation radiale de l'eau souterraine, qui
exerce sur le terrain un effort d'entraînement, susceptible d'aggraver beaucoup le
régime de contraintes auquel est soumise la roche : à y regarder de près, la
quasi-totalité des éboulements survenant en cours de creusement sont dus à la
surcharge déterminée par cette circulation de l'eau. Dans le sable, elle peut
prendre la forme particulièrement redoutée de « sables boulants » lorsque
l'entrainement par l'eau est susceptible de mettre en mouvement le. Le danger est
surtout grave au moment où s'établit la circulation, parce que la formation
perméable vient d'être atteinte, ou par suite d'une rupture. A la longue, on peut
espérer que la pression statique s'abaissera dans la formation perméable drainée.
A défaut, on peut tenter de la drainer par ailleurs, ou de réduire son alimentation.
C'est ainsi qu'une galerie de dérivation hydroélectrique s'est heurtée récemment
à des difficultés insurmontables pour traverser une formation de quartzites
triasiques broyés, réduits à l'état de sable, où l'eau se trouvait sous une pression
de 10 kg. C'est le drainage des formations morainiques à partir desquelles elles
étaient alimentées en eau qui a finalement permis l'exécution de la galerie, après
Fiche de plusieurs déviations.
Dans l'étude géologique d'un projet de tunnel, on attachera une importance
considérable à la possibilité de rencontrer une formation de faible résistance
mécanique, et susceptible de contenir de l'eau sous une hauteur piézométrique
notable: on n'oubliera pas que la même formation, sous la même charge
mécanique, peut être traversée très facilement si elle est sèche, ou donner lieu à
des difficultés considérables, si elle est le siège d'un écoulement vers la galerie,
ces difficultés ne tenant pas tant aux venues d'eau elles-mêmes, qu'aux efforts
mécaniques qui en résultent.
Nous avons indiqué très sommairement les caractères de la répartition des
contraintes qui s'établit autour d'une galerie non circulaire. S'il produit une
déformation plastique des terrains environnants, cette déformation tendra à
exagérer les différences avec le profil circulaire, c'est-à-dire que les côtés
rectilignes du profil se gonfleront, que les angles deviendront plus aigus. Le
gonflement peut aussi bien affecter le sol d'une galerie trapézoïdale ou demi-
circulaire, qui se soulèvera, que les autres côtés. Aussi, lorsqu'une galerie non
circulaire se déforme, et que ses parois poussent en écrasant le soutènement, a-t-
on souvent intérêt à passer, si c'est possible, à une section circulaire.
Dans les tunnels profonds en roche rigide, les ruptures des parois prennent la
forme particulièrement redoutée d’éclatement : comme on l'a vu, la roche est
soumise, en régime élastique, à une pression tangentielle considérable, tandis
que la pression radiale est nulle. Une fissure parallèle à la paroi peut donc
facilement s'ouvrir, et l'éclat qu'elle sépare peut-être projeté par sa détente
élastique. Le phénomène a été constaté dans certaines carrières de granite, au
fond des vallées alpines très profondes (haute vallée de l'Aar), mais il est rare en
surface, alors qu'il se produit normalement en tunnel à partir d'une certaine
profondeur. Le soutènement a alors pour objet, à Is fois d'éviter la projection de
blocs, et de mettre la paroi en compression pour réduire le risque de rupture.
A côté du système classique de soutènement, par cadres en bois ou cintres en
acier placés à l'intérieur de la galerie, et munis d'un garnissage convenable, est
apparu depuis quelques années un système tout différent, dont il convient
d'analyser le rôle. Il consiste à forer dans les parois des trous de 1 à 2 m, dans
lesquels on introduit des tiges munies à leur extrémité d'un dispositif d'ancrage
et dont la tête porte sur une plaque d'appui : par vissage, le dispositif d'ancrage
est mis en jeu, et la tige mise en tension.
On comprend assez bien le rôle d’un tel boulonnage des parois, pour empêcher
les blocs de se détacher (parapluie). La répartition élastique des contraintes s'en
trouve évidemment modifiée : sur la profondeur des tiges, la pression radiale est
augmentée, ce qui permet à l'anneau correspondant de subir une plus forte
pression tangentielle, donc de supporter une part plus forte de la pression
radiale ; abstraction faite de la majoration de celle-ci sur la seule longueur de
tiges.
Répartition des contraintes autour d’un tunnel cylindrique, dans le cas du boulonnage des parois