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Charlotte HOURMAT

Avocate au Barreau de RENNES

Dossier 2022.0005 AZOR c./ GALLE


Cour d’appel de RENNES
5eme Chambre
RG n°22/07421 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TL4L

CONCLUSIONS DEVANT LA COUR D'APPEL DE RENNES

POUR :

Madame Betty AZOR, née le 8 septembre 1979 à RENNES (35), domiciliée 24 rue de la
Pinterie 35300 FOUGERES, de nationalité française

Bénéficiaire de l’aide juridictionnelle suivant décision du Bureau de l’Aide Juridictionnelle du


28 octobre 2022 (numéro BAJ 2022/009115)

APPELANTE

Ayant pour Avocat :

Maître Charlotte HOURMAT, Avocate au Barreau de RENNES, demeurant 2B rue de la


Huguenoterie Immeuble Alchimie 35000 RENNES,

CONTRE :

Monsieur François GALLE, né le 21 février 1968 à FOUGERES, domicilié 3 rue Georges


SAND à RENNES, de nationalité française

INTIME
Non constitué
PLAISE A LA COUR

I – RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

➢ Faits :

Par contrat en date du 18 décembre 20171, Monsieur François GALLE a donné à bail à Madame
BETTY AZOR un appartement de type T1 d’une surface de 25 mètres carrés, sis 24 rue de la
PINTERIE, à FOUGERES, contre le paiement d’un loyer de 220 euros environ.

Madame AZOR a rencontré de grandes difficultés financières alors qu’elle poursuivait des études
de Mathématique et Informatique appliqués aux sciences humaines, à l’Université Rennes 2, sous
le statut de stagiaire en formation professionnelle.

En sa qualité de stagiaire en formation professionnelle, Madame AZOR bénéficiait d’une aide au


financement de ses études par un chèque formation de la Région (désormais dénommé Qualif emploi
aide individuelle).

Toutefois, du fait de l’existence d’un délai de carence entre deux interventions de la Région,
Madame AZOR n’a pu continuer à bénéficier de cette aide.

Elle a été contrainte de mettre un terme à sa formation pour trouver un projet professionnel.

Cet abandon contraint de ses études a profondément marqué Madame AZOR qui s’est trouvée privée
de toute perspective d’accomplir le projet professionnel qu’elle souhaitait.

De façon concomitante, Madame AZOR a rencontré des difficultés dans le règlement de son loyer.

Par courrier du 12 avril 2021, l’agence BLOT mettait en demeure Madame AZOR d’avoir à régler
la somme de 365,92 euros2.

A compter du mois d’avril 2021, elle était en effet redevable d’un impayé de 124,06 euros au titre
du loyer du mois de mars, et de la somme de 241,86 euros au titre de son loyer d’avril.

Par courrier en date du 1er mai 20213, la CAF informait Madame AZOR de la suspension du
versement de ses aides au logement, la mettant dans une situation de grande précarité.

Madame AZOR a tenté de régler sa dette locative, mais n’a pu régulariser que les seuls loyers de
mars et avril 2021.

Dès lors, la dette s’est aggravée.

Du mois d’avril 2021 au mois de février 20224, l’agence BLOT s’est contentée de mettre en demeure
Madame AZOR de payer la dette locative, sans jamais proposer la mise en place d’un calendrier
d’apurement de la dette, ou tenter une quelconque démarche amiable.

1
Pièce n°1 de Monsieur GALLE
2
Pièce n°2 de Monsieur GALLE
3
Pièce n°1. Courrier CAF du 1er mai 2021
4
Pièce n°2 de Monsieur GALLE
Un commandement de payer était signifié à Madame AZOR le 12 janvier 2022 pour une somme de
2.085,45 euros au principal.

La situation d’impayés était signalée par le bailleur à la CCAPEX le 13 janvier 2022.

Par courrier du 4 avril 2022, la société BLOT mettait en demeure Madame AZOR de procéder au
règlement de sa dette locative.

Aucune solution amiable n’a été proposée à Madame AZOR pour l’épurement de sa dette.

Cette dernière, actuellement sans emploi et bénéficie du RSA, doit notamment faire face à des
problèmes de santé.

➢ Procédure :

Par acte du 5 avril 2022, Monsieur GALLE a saisi le Juge des contentieux de la protection du
Tribunal de proximité de FOUGERES pour voir prononcer l’acquisition de la clause résolutoire et
la résiliation du bail du 18 décembre 2017 ; ordonner l’expulsion de Madame AZOR ainsi que sa
condamnation au paiement de la somme de 2.528,80 euros au titre des loyers impayés.

Cette instance était enregistrée sous le RG n°11-22-000124.

Madame AZOR n’a pas constitué avocat lors de cette instance.

Par jugement en date du 8 juillet 20225, le JCP du Tribunal de proximité de FOUGERES a :

- CONSTATE que le bail signé entre Monsieur François GALLE et Madame Betty AZOR est
résilié à compter du 13 mars 2022 ;
- ORDONNE à Madame AZOR de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze
jours à compter de la signification du présent jugement ;
- CONDAMNE Madame Betty AZOR au paiement de l’indemnité d’occupation mensuelle égale
au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, à compter du 13 mars
2022 et jusqu’à la libération effective des lieux ;
- CONDAMNE Madame Betty AZOR à payer à Monsieur François GALLE la somme de
2.699,90 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation non payés, outre les intérêts au
taux légal à compter de la signification du jugement ;
- CONDAMNE Madame AZOR aux dépens ;
- CONDAMNE Madame AZOR à payer à Monsieur François GALLE la somme de 600 euros au
titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement a été signifié à Madame AZOR par acte en date du 11 août 2022.
Dès le 2 septembre 2022, un commandement de quitter les lieux était signifié à Madame AZOR.
Par courrier du 20 septembre 20226, la CAF informait Madame AZOR que les aides au logement
qui lui étaient destinées seraient versées directement à l’agence BLOT.

5
Pièce n°2. Jugement du Tribunal de proximité de FOUGERES du 8 juillet 2022
6
Pièce n°3. Courrier de la CAF en date du 20 septembre 2022
Depuis lors, Monsieur GALLE ne souffre plus de l’aggravation du montant de la dette locative.

Considérant qu’elle n’a pas pu faire valablement entendre ses droits au cours de la procédure de
première instance et mettant en avant l’absence de tentative de règlement amiable dans ce litige,
Madame AZOR sollicite la réformation du jugement rendu par le Tribunal de proximité de
FOUGERES du 8 juillet 2022 en ce qu’il a :

- CONSTATE que le bail signé entre Monsieur François GALLE et Madame Betty AZOR est
résilié à compter du 13 mars 2022 ;
- ORDONNE à Madame AZOR de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze
jours à compter de la signification du présent jugement ;
- CONDAMNE Madame Betty AZOR au paiement de l’indemnité d’occupation mensuelle égale
au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, à compter du 13 mars
2022 et jusqu’à la libération effective des lieux ;
- CONDAMNE Madame Betty AZOR à payer à Monsieur François GALLE la somme de
2.699,90 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation non payés, outre les intérêts au
taux légal à compter de la signification du jugement ;
- CONDAMNE Madame AZOR aux dépens ;
- CONDAMNE Madame AZOR à payer à Monsieur François GALLE la somme de 600 euros au
titre de l’article 700 du code de procédure civile.

C’est ainsi que se présente ce litige à hauteur d’appel.

II – DISCUSSION

Madame AZOR ne conteste pas l’existence de sa dette locative et n’a pas l’intention de se soustraire
à ses obligations de locataire.

Elle sollicite, à titre principal, que lui soient accordés des délais de paiement pour être en mesure de
régler sa dette et la suspension des effets de la clause résolutoire contenue dans le bail du 18
décembre 2017 (A).

A titre infiniment subsidiaire, Madame AZOR sollicite que lui soit accordé des délais renouvelables
pour se reloger, dont le premier ne peut être inférieur à 12 mois, conformément aux articles L412-3
et L412-4 du Codes des procédures civiles d’exécution (B).

A) Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire et l’octroi de délais de paiement

➢ En droit :

- Aux termes de l’article 1343-5 du Code civil,

« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du


créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances
reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements
s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter
ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le
créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas
encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.


Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »

- Aux termes de l’article 24 V de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs

« V.- Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années,
par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire
en situation de régler sa dette locative.

Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le
fondement du présent alinéa.

Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de
l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui
produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement
au sens du livre VII du code de la consommation. »

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, (Civ.3eme, 16 février 2011, n°10-14.945)

« Aucun délai n'est imposé au preneur pour saisir le juge d'une demande de délais de paiement
et de suspension des effets de la clause résolutoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »

➢ En fait :

Madame AZOR ne conteste pas l’existence de sa dette locative, qu’elle explique par les nombreuses
difficultés dont elle a dû surmonter ces derniers temps.

Elle déplore qu’aucune tentative de règlement amiable du litige ne lui ait été proposé au cours de la
procédure de première instance.

Bien que la jurisprudence ne fait pas de l’absence de tentative de règlement amiable du litige, une
cause de nullité de l’assignation – la demande d’expulsion faisant partie des demandes dont le
montant est indéterminé – une telle tentative aurait certainement permis à Madame AZOR d’être en
mesure de régler sa dette.

Conformément à l’article 24 V de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut accorder des délais
de paiements concernant la dette locative dans la limite de 3 années.

La dette locative de Madame AZOR - à hauteur de 2.699,90 euros à la date du jugement du 8 juillet
2022, augmentée de l’indemnité d’occupation des mois d’août et septembre - date à laquelle la dette
a cessé de s’aggraver - s’élève à la somme de 3.169,70 euros.

L’échelonnement de cette dette sur 36 mois, conformément à l’article 24 V de la loi n°89-462 du 6


juillet 1989, conduirait Madame AZOR à verser la somme de 88 euros par mois en plus de son loyer.
Madame bénéficie actuellement du RSA et est en recherche active d’un emploi pour subvenir à ses
besoins.

Elle dispose d’un revenu s’élevant à la somme de 526,72 euros par mois.

La CAF règle directement les APL à l’agence BLOT depuis octobre 2022, et conditionne la reprise
des versements auprès de Madame AZOR, à la reprise du paiement de son loyer.

Le montant mensuel versé par la CAF couvrant le montant du loyer mensuel, Madame AZOR sera
en mesure de régler sa dette sur 36 mois à compter du Jugement à intervenir.

En conséquence, Madame AZOR sollicite la réformation du jugement en ce qu’il a déclaré acquise


la clause résolutoire et prononcé la résiliation du bail.

Madame AZOR sollicite que lui soit accordé un délai de paiement conformément aux dispositions
de l’article 24 V de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, en proposant de régler la somme de 88 euros
par mois sur 36 mois, en plus de son loyer, actuellement couvert par le règlement de ses APL
directement auprès du bailleur.

B) Sur la demande d’octroi d’un délai de grâce

➢ En droit :

Aux termes de l’article L412-3 du Code des procédures civiles d’exécution :

« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à
usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le
relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces
occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions. »

Aux termes de l’article L412-4 du même Code :

« La durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois
ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise
volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives
du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de
sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances
atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son
relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais
liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code
de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. »

➢ En fait :

Madame AZOR ne nie pas l’existence de sa dette locative qu’elle explique par les nombreuses
difficultés qu’elle a dû surmonter au cours des derniers mois.
Elle indique d’ailleurs avoir repris le paiement de ses charges locatives depuis janvier 2023.
Sa bonne foi ne peut être remise en cause.
Si par extraordinaire, la Cour d’appel devrait confirmer la décision du Tribunal de proximité de
FOUGERES en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat de bail en date du 18 décembre 2017,
Madame AZOR sollicite que lui soit accordé des délais renouvelables pour se reloger, dont le
premier ne peut être inférieur à 12 mois, conformément aux articles L412-3 et L412-4 du Codes des
procédures civiles d’exécution.

***

Madame AZOR étant bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, elle ne formule pas de
demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Chacune des parties conservera à sa charge les dépens.


PAR CES MOTIFS

Vu l’article 1343-5 du Code civil,


Vu l’article 24 V de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs
Vu les articles l’article L412-3 et L412-4 du Code des procédures civiles d’exécution

➢ DIRE ET JUGER Madame AZOR recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes,
fins et conclusions à l’encontre de Monsieur François GALLE ;

➢ REFORMER le jugement du Tribunal de Proximité de FOUGERES en date du 8 juillet 2022


en ce qu’il a :

- CONSTATE que le bail signé entre Monsieur François GALLE et Madame Betty AZOR est
résilié à compter du 13 mars 2022 ;
- ORDONNE à Madame AZOR de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze
jours à compter de la signification du présent jugement ;
- CONDAMNE Madame Betty AZOR au paiement de l’indemnité d’occupation mensuelle égale
au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, à compter du 13 mars
2022 et jusqu’à la libération effective des lieux ;
- CONDAMNE Madame Betty AZOR à payer à Monsieur François GALLE la somme de
2.699,90 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation non payés, outre les intérêts au
taux légal à compter de la signification du jugement ;
- CONDAMNE Madame AZOR aux dépens ;
- CONDAMNE Madame AZOR à payer à Monsieur François GALLE la somme de 600 euros au
titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau et y additant :


➢ ACCORDER à Madame AZOR des délais de paiement de 36 mois pour
régler sa dette locative ;

➢ SUSPENDRE les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais de paiement
accordés à Madame AZOR ;

A titre infiniment subsidiaire,


➢ ACCORDER des délais renouvelables à Madame AZOR pour se reloger, dont le premier ne
peut être inférieur à 12 mois, conformément aux articles L412-3 et L412-4 du Codes des
procédures civiles d’exécution ;
En tout état de cause
➢ JUGER que chacune des parties conservera ses dépens ;

RENNES, le 20 mars 2022


SOUS TOUTES RESERVES
BORDEREAU DE PIECES

Pièce n°1. Courrier CAF du 1er mai 2021


Pièce n°2. Jugement du Tribunal de proximité de FOUGERES du 8 juillet 2022
Pièce n°3. Courrier de la CAF en date du 20 septembre 2022.

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