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Numéro 10
Second semestre 2021

Directeur : Prof. Gérard PEKASSA NDAM ISSN 2510-1994 Editions Scidev Afrique
REVUE AFRICAINE DE FINANCES PUBLIQUES (RAFIP)

Co-fondateurs :
Prof. LEKENE DONFACK E. C.
Prof. PEKASSA NDAM Gérard

Conseil Scientifique
Président :
Prof. LEKENE DONFACK E.C., Université de Yaoundé II (Cameroun)
Membres :
1. ABANE ENGOLO Patrick, Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
2. ALBERT Jean-Luc, Professeur à Aix Marseille Université (France)
3. BEGNI BAGAGNA, Professeur à l’Université de Douala (Cameroun)
4. BIAKAN Jacques, Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
5. BILOUNGA Stève Thiery, Professeur à l’Université de Ngaoundéré (Cameroun)
6. CABANNES Xavier, Professeur à l’Université Paris Descartes (France)
7. CASTAGNEDE Bernard, Professeur Emérite à l’Université Panthéon-Sorbonne (France)
8. COLLET Martin, Professeur à l’Université Panthéon Assas Paris II (France)
9. DAMAREY Stéphanie, Professeur à l’Université de Lille (France)
10. DUPRAT Jean-Pierre, Professeur Emérite à l’Université de Bordeaux (France)
11. ESSONO OVONO Alexis, Professeur à l’Université Omar Bongo (Gabon)
12. GUESSELE ISSEME Lionel Pierre, Professeur à l’Université de Dschang (Cameroun)
13. GUGLIELMI Gilles-Jean, Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II (France)
14. HERTZOG Robert, Professeur Emérite à l’IEP de Strasbourg (France)
15. MEDE ZINSOU Nicaise, Professeur à l’Université d’Abomey-Calavi (Bénin)
16. N’DRI-THÉOUA Pélagie, Professeur à l’Université Alassan Ouattara de Bouaké (Côte d’Ivoire).
17. NGUELE ABADA Marcelin, Professeur à Université de Yaoundé II (Cameroun)
18. ONANA Janvier, Professeur à l’Université de Ngaoundéré (Cameroun)
19. ONDOUA Alain Franklin, Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
20. OUEDRAOGO Djibrihina, Professeur à l’Université de Ouaga II (Burkina Faso)
21. PEKASSA NDAM Gérard, Professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun)
22. SIETCHOUA DJUITCHOKO Célestin, Professeur à l’Université de Dschang (Cameroun)
23. YONABA Salif, Professeur à l’Université Ouaga II (Burkina Faso)
24. ZAKI Moussa, Professeur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal)

Directeur de Publication
Prof. PEKASSA NDAM Gérard
Rédacteur en chef
Prof. ESSONO OVONO Alexis
Secrétariat de rédaction
Dr. NGAVANGA Nicaise ; Dr. SOROK A BOL Patrick Gérard ; Dr. NJOYA Oumarou ; Dr.
SIMO KOUAM F. Ampère.

3
POLITIQUE ÉDITORIALE

L’espace africain francophone est incontestablement riche en revues


juridiques, rattachées ou non aux institutions universitaires. Ces revues sont
soit généralistes, soit spécialisées. Alors que les réformes des finances
publiques ont cours dans plusieurs Etats africains, l’on constate curieusement
un déficit d’études financières et fiscales ; d’où la nécessité d’un support
scientifique dédié spécialement à celles-ci.
La Revue Africaine de Finances Publiques (RAFIP) accepte les contributions
inédites dans les différentes branches du droit public financier. Cette revue
spécialisée vise un public d’universitaires et de praticiens. De périodicité
semestrielle, elle fonctionne selon le système combiné d’appel à contributions
et de proposition spontanée d’articles.
Les articles publiés dans la RAFIP deviennent la propriété de cette
revue ; la reproduction partielle ou intégrale desdits articles est soumise à
l’autorisation expresse de leurs auteurs et de la direction de la revue. Les
auteurs conservent la responsabilité du contenu de leurs articles.
La RAFIP comprend neuf (09) rubriques, à savoir :
- « Études » ;
- « Droit et Pratique de la Comptabilité publique » ;
- « Finances publiques internationales et Communautaires »
- « Finances et Fiscalité locales » ;
- « Finances et financement des organismes publics » ;
- « Éclairage pratique » ;
- « Chroniques de jurisprudence fiscale et financière » ;
- « Chroniques de législations et réglementations » ;
- « Législation, Bibliographie et Informations ».
L’envoi des articles se fait par mail à (rafip2014@gmail.com). Les
articles devront être accompagnés d’un court curriculum vitae de l’auteur
(incluant la qualité académique ou professionnelle, le domaine de recherche et
l’e-mail pour le contact) et d’un résumé (en français et en anglais) de dix (10)
lignes maximum avec quatre à six mots-clés.
La taille des articles devra être de 20 pages au maximum pour les articles
proprement-dits et de 15 pages au maximum pour les chroniques et
commentaires. Tout article soumis pour publication doit être envoyé sous le
format Word (.doc ou .docx), interligne simple, police d’écriture Times New
Roman, taille de police 12, paragraphe aligné, marges de 2,5cm.
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livres : Nom et prénom de l’auteur, Titre et sous-titre du livre en italique, lieu
de publication, maison d’édition et année de publication. b) Pour les articles
des revues : Nom et prénom de l’auteur, Titre de l’article entre guillemets
doubles, Titre de la revue en italique, numéro du volume, page précise ou
pages initiale et finale de l’article.

4
SOMMAIRE
Politique éditoriale…………………………………………………...............................................4
ETUDES
La pratique des décrets d’avances dans les Etats membres de l’UEMOA,
Djibrihina OUEDRAOGO………………………………….………………………………8
Le temps parlementaire d’adoption du budget dans le régime financier de l’Etat
au Cameroun, NKOUAYEP Long Christ Papy……………………………………………46
La juridicisation de la performance dans les finances publiques des Etats africains
d’expression française : intelligence des expériences camerounaise,
béninoise et sénégalaise, AKONO OLINGA André………………………………………..79
Le régime financier des juridictions constitutionnelles dans les Etats d’Afrique noire
francophone, SOROK A BOL Patrick Gérard……………………………………………108
L’apport du débat d'orientation budgétaire au pouvoir budgétaire du parlement
camerounais, LAMAGO Joseph BELL……………………………………………………134
L’impôt et la nuit. Réflexions sur l’encadrement fiscal des activités nocturnes informelles
dans les Etats d’Afrique francophone subsaharienne., BIKORO Jean Mermoz…….............160
La restitution du crédit de TVA dans les Etats de la CEMAC,
SANDIO KAMGA Armel Habib…………………………………………………………192
L’office du juge fiscal camerounais, Janvier FERMOSE………………………………….222
L’imposition des entreprises numériques dans les Etats de la CEMAC,
MAKOUGOUM Agnès……………………................................................................................251
Dépenses fiscales et Covid-19 au Cameroun, MANDENG Diane………………………...279
Les implications juridiques de la notation financière au sein de l’UEM, l’UMOA
et l’UMAC, NYANGOE Guy Arsène…………………………………………………….306
Les fondements juridiques de l’audit de la gestion des fonds Covid-19 prescrit
au CONSUPE au Cameroun, KOUA Eric Samuel………………………………………..339

DROIT ET PRATIQUE DE LA COMPTABILITE PUBLIQUE

Les aménagements du principe de la compétence exclusive des comptables publics en matière


d’exécution des recettes et dépenses publiques en droit camerounais,
ATEBA EYONG Aimé Raphaël…………………………………………………………358
Le recouvrement du droit de timbre automobile par les personnes privées en droit
camerounais, NGA NGONO Achille…………………………………………………….383

FINANCES PUBLIQUES INTERNATIONALES


ET COMMUNAUTAIRES

La souveraineté fiscale des États à l’épreuve de l’intégration communautaire en zone CEMAC,


MOUGNOL A MOUGNOL Stéphane …………………………………………………420

FINANCES ET FISCALITE LOCALES


Financement de l’investissement local et décentralisation financière en Afrique subsaharienne :
cas du Cameroun, Gabon, Bénin et Burkina-Faso, EBANGA Allard Christian…………....452

5
Les mutations des finances locales à l’aune du Code général des collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun., NTEUK Fridolin Joël……………………………………486
Le régime financier des collectivités territoriales à statut spécial au Cameroun,
YAMTCHEU KAYE Estelle Audrey…………………………............................................526

FINANCES ET FINANCEMENT DES ORGANISMES PUBLICS

L’intervention de l’Etat dans les économies africaines post-ajustement structurel : le cas des
Etats de l’Afrique francophone, Blaise Dramane AKAMEYONG………………………552

ÉCLAIRAGE PRATIQUE

La paierie spécialisée du Trésor en droit public financier camerounais,


EWOUNGOUO MANGA……………………………………………………………….578
Le contrôle de l’Etat sur les correspondants du Trésor en Afrique noire francophone,
KEIMENI Rufin Thierry et Hamadou ISSA……………………………………………588

CHRONIQUES DE LEGISLATIONS ET REGLEMENTATIONS

Le régime fiscal des organismes à but non lucratif au Cameroun : une audacieuse innovation
à la française, ABENG MESSI François ………………………….........................................610

6
ÉTUDES

7
L’office du juge fiscal camerounais
Par
Dr Janvier FERMOSE
Ph.D en Droit public
Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Université de Ngaoundéré (Cameroun)

**********
RESUME :
L’office du juge statuant en contentieux fiscal camerounais est original, tant dans la diction
que dans la création du droit fiscal. Dans sa fonction de jurisdictio, il apprécie particulièrement les
moyens invoqués par les parties et fixe sa décision. En sus, dans sa fonction de jurislatio, son office
paraît plus original : d’une part, il interprète les principes et les régimes fiscaux ; d’autre part, il
participe à l’édification des concepts fiscaux et construit les règles du procès fiscal. Nova teur dans son
office, il est tantôt un juge-clarificateur, tantôt un juge-constructeur du droit fiscal substantiel et
processuel.

Mots clés : office, juge, contentieux, fiscal.

**********

ABSTRACT:
The judicial prerogatives of the Judge in Cameroon tax litigation is original, both in stating
and in creating tax law. In his jurisdictio functions, during adjudication, he appraises the legal
arguments raised by the parties and fixes his decision. In addition, in his jurislatio functions, his duty
looks more original: on the one hand, he interprets the fiscal regimes and principles; on the other hand,
he takes part in building tax concepts and rules governing the tax trial. Innovative in his office, he is
sometimes a clarifying Judge, sometimes a constructive Judge of Cameroonian substantial and
procedural tax law.

Key words: judicial prerogatives; judge; litigation; fiscal.

222
Introduction
L’office du juge fiscal mais quel office, celui de dire le droit ou de le créer ?
La réflexion sur l’office du juge fiscal est un office digne d’intérêt, car elle fait
office non seulement de ce que celui-ci est1, mais davantage de ce qu’il fait. En
contentieux fiscal, l’office du juge vise à réécrire, à l’occasion de chaque litige,
le droit fiscal et l’histoire du contribuable. En matière de diction2, son office
consiste à trancher les litiges fiscaux et à apprécier les prétentions respectives
des parties en tant que le servant des plaideurs et le serviteur du droit3.
Régulateur du procès, l’analyse de l’office du juge fiscal camerounais permet
d’apprécier ses pouvoirs et son rôle dans le procès fiscal. Le choix de la
présente étude tient au moins à deux raisons principales : la première procède
du déficit des travaux consacrés à l’office du juge fiscal camerounais4; la
seconde raison émane de la nécessité de mettre en exergue le pouvoir normatif
et créateur de celui-ci.
Conceptuellement, si le juge désigne « une autorité investie du pouvoir de rendre
des décisions mettant un terme à un contentieux ‘‘jurisdictio’’ et revêtues de la force
exécutoire ‘‘imperium’’ »5, le terme office du juge, très souvent présent dans la
littérature juridique, est un concept difficile à définir et n’emporte pas une
définition unique. Aussi, le concept de juge fiscal n’est point aisé à définir, car
les définitions proposées varient selon les auteurs. Mais il est possible d’y
trouver un point commun. Ainsi, le juge fiscal désigne «(…) la juridiction qui est
compétente, en principe et sauf exception, pour trancher les litiges à un impôt déterminé »6.
Si pour le Professeur Robert Hertzog, toutes les juridictions sont à un titre
plus ou moins marquées fiscales7, par la réunion des critères matériel et
fonctionnel, le juge fiscal peut être appréhendé comme « le juge ou l’organe
compétent pour statuer sur les litiges se rapportant à un impôt précis, intégrant un ordre de
juridiction quelconque et dont l’office consiste à statuer soit sur la légalité d’une imposition,
soit à vérifier l’interprétation exacte de la norme fiscale résultant d’un droit fiscal »8.

1 J. FERMOSE, « Le juge de l’impôt en droit camerounais », RTF, n°21, décembre 2016, p. 215.
2 S. Th. BILOUNGA « La diction du droit public financier au Cameroun », RAFiP, n°1, 2015,
pp. 41-80.
3 J.-L. BERGEL, « Introduction générale », in L’office du juge, Actes colloque des 29 et 30

septembre 2006, Paris, Les Colloques du Sénat, p. 20.


4 En effet, l’intérêt de la doctrine camerounaise pour l’étude du contentieux de l’impôt est, en

réalité, relativement assez récent, car les travaux de recherche y consacrés sont rares avant 1996.
Depuis quelques années, on remarque une certaine évolution de la doctrine camerounaise quant
à la manière d’appréhender cette question. Voir notamment F.-X. MBOME, Le contentieux fiscal
camerounais, Yaoundé, Presses Universitaires d’Afrique, 2000, 322p ; F. ATECK A DJAM, Droit
du contentieux fiscal camerounais, Paris, L’Harmattan, coll. finances publiques, 2017, 2e édition,
296p ; AKONO ONGBA SEDENA, L’apport du juge administratif au droit fiscal camerounais, Thèse
de Doctorat/Ph.D, Université de Yaoundé II, 2013, 571p.
5 C. SCHAEGIS, Dictionnaire de droit administratif, Paris, Ellipses, septembre, 2008, p. 165.
6 M. CHRETIEN, « Réflexions sur la dualité juridictionnelle en matière fiscale », in Mélanges

offerts à Marcel WALINE. Le juge et le droit public, volume 1, Paris, LGDJ, 1974, p. 118.
7 R. HERTZOG, « Le juge fiscal en crise ? », in R. HERTZOG (dir.), Le juge fiscal, Paris,

Economica, coll. finances publiques, 1988, p. 16.


8 Notre thèse sur Le juge fiscal : contribution à l’étude des caractéristiques du juge fiscal en droit camerounais,

Université de Ngaoundéré, Thèse de Doctorat/Ph.D, 2019, p. 15. L’auteur mobilise deux


223
Du latin officium désignant le rôle qu’une personne détient ainsi que les
taches qu’il doit accomplir, l’office du juge se rapporte à la fonction de juger9,
à l’idée de compétence, c’est-à-dire l’aptitude à agir dans certains domaines10
ou à celle de rôle, de mission ou de fonction assignée. L’office du juge désigne
également son rôle dans la société et l’exercice de ses pouvoirs11 ou la
cartographie de ses pouvoirs12. Si en matière civile, l’« office du juge définit quel est
son rôle dans la direction du procès civil, quels sont les pouvoirs et leurs limites »13, l’office
du juge fiscal doit être compris comme ce à quoi il a été institué juge, les
pouvoirs, devoirs et missions que le législateur fiscal lui a octroyés et ceux qu’il
a conquis lui-même à travers sa fonction de jurislateur.
Historiquement parlant, pendant la période ante protectorat allemand, il
existait déjà au Cameroun une justice fiscale tribale ou clanique exercée dans
les royaumes et les chefferies, une sorte de légalité fiscale traditionnelle14,un
droit coutumier fiscal15. Cependant, la période du mandat franco-britannique
va s’accompagner de l’application dans les États de l’Afrique Équatoriale
Française (AEF) et, particulièrement au Cameroun, d’une législation fiscale
formelle importée de la métropole.
Le dualisme juridictionnel16 tel qu’il se présente aujourd’hui au Cameroun,
peut voir sa genèse être située à la faveur de certains textes métropolitains
français applicables dans l’AEF, notamment les décrets du 05 août 1881 et du
30 décembre 191217. Ainsi, fut créé le Conseil du Contentieux administratif
qui va connaître du contentieux des impôts directs et assimilés ; alors que les
juridictions judiciaires se sont vues confier le contentieux des impôts indirects

critères pour définir le juge fiscal : par le critère matériel, le juge fiscal est celui dont la saisine
porte soit sur les impôts directs, soit sur les impôts indirects suivant la destination contentieuse
et ayant pour objet les litiges fiscaux, c’est-à-dire les contestations à essence exclusivement
fiscales ou non et opposant le fisc au contribuable. Par le critère de la fonction, le juge fiscal est
celui dont l’office consiste soit à vérifier l’interprétation exacte des normes fiscales, soit à statuer
sur la légalité d’une obligation fiscale individuelle et disposant des pouvoirs fiscaux spécifiques
tant sur le fond que sur la forme dans la résolution d’un litige fiscal.
9 G. DARCY, « Avant-propos », in L’office du juge, op. cit., p. 11.
10 G. CORNU, Association H. Capitant, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, Quadrige 2018, 12e

éd., p. 1660.
11 D. TRUCHET, Droit administratif, Paris, PUF, 2015, 6e éd., p. 111.
12 J.-M. SAUVE, « Un corridor de vasari au Palais-royal. Autoportraits du juge en son office »,

AJDA, 2013, p. 1669.


13 S. GUINCHARD, Th. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2017-2018,

25e éd., p. 1306.


14 A. BANGO, L’élaboration et la mise en œuvre de la fiscalité dans les pays de la CEMAC, Thèse de

Doctorat, Université Jean Moulin-Lyon 3, 2009, p. 66.


15 J. FERMOSE, Le juge fiscal : contribution à l’étude des caractéristiques du juge fiscal…, op.cit., p. 44.
16 Ce dualisme peut être apprécié du double point. Sur le plan organique, le contentieux fiscal

est réparti entre les ordres juridictionnels administratif et judiciaire, même si la Cour suprême
affiche une unité organique (chambre administrative, chambre judiciaire, chambre des comptes).
Sur le plan fonctionnel, le dualisme est perceptible avec une collaboration entre les deux ordres
de juridiction par voie de question préjudicielle.
17 Décret du 5 août 1881, concernant l’organisation et la compétence des Conseils du

Contentieux Administratif (CCA) dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la


Réunion et règlementant la procédure à suivre devant ces Conseils ; décret du 30 décembre
1912 portant régime financier des colonies.
224
et assimilés. En outre, à la faveur de l’autonomie interne18, la création du
Tribunal d’État permit à celui-ci de connaître des compétences fiscales jadis
confiées au CCA, notamment pendant la période sous-tutelle de l’ONU.
Après la période des indépendances, est créée au Cameroun la Cour Fédérale
de Justice qui va officier en contentieux fiscal, suivie de la Cour suprême
jusqu’à la mise en place des tribunaux administratifs19. Durant la période
transitoire (2007 à 2013)20, chaque section spécialisée de la Chambre
administrative statuait en premier ressort et la formation des sections réunies
en appel. Depuis l’entrée en fonction des tribunaux administratifs, ces derniers
statuent en premier et dernier ressort dans l’essentiel du contentieux
administratif y compris le contentieux fiscal et l’unique recours en réformation
ouvert reste le pourvoi21. Aussi, au sein de ladite chambre, il faut relever qu’il
est créé, parmi les cinq sections la composant, une section du contentieux
fiscal et financier22. Celle-ci joue un rôle important en cassation dans le
contentieux fiscal camerounais23
Sous le prisme matériel, le juge fiscal camerounais a acquis un rôle actif
dans la conduite du procès. Il lui revient de veiller au bon déroulement de
l’instance, d’impartir des délais aux parties, d’ordonner des mesures
d’instruction nécessaires, de garantir le respect inconditionnel du
contradictoire. Si l’objet de la fonction juridictionnelle est de dire le droit et
trancher les litiges24, cette fonction en contentieux fiscal épouse les spécificités
résultant des dispositions du CGI, en dépit de la diversité des procédures.
C’est pourquoi son office s’inscrit dans la double perspective de la formation
de sa propre conviction et de l’application de la règle fiscale. Mais le juge fiscal
ne se limite pas à une application mécanique du droit, même s’il est

18 En 1956, la France accorde l’autonomie interne au Cameroun à la faveur d’un décret pris en
application de la loi-cadre du 23 juin 1956. Le 22 juin 1958, l’Assemblée Législative du
Cameroun opte pour l’autonomie interne complète qui sera accordée le 1er janvier 1959.
19 Notamment à la faveur du décret n°2012/119 du 15 mars 2012 portant ouverture des

tribunaux administratifs.
20 Voir les dispositions transitoires de la loi n°2006/022.
21 Art. 2 de la loi n°2006/022. Outre le pourvoi, l’appel demeure applicable uniquement en

matière électorale (notamment régionale et municipale) et ce que la loi appelle matière spéciale.
En ce qui concerne le référé, la loi n°2006/016 du 29 décembre 2006 prévoit le pourvoi comme
moyen de réformation alors que celle n°2006/022 prévoit l’appel. Mais dans la pratique, en
matière de référé, le recours en réformation utilisé est le pourvoi. Par conséquent, il faut noter
que le schéma processuel classique instance, appel et cassation n’est opérant ni en contentieux
administratif général, ni particulièrement en contentieux fiscal.
22 L’art. 9 de la loi n°2006/016 dispose que : « La chambre administrative comprend : une section du

contentieux de la fonction publique ; une section du contentieux des affaires foncières et domaniales ; une section
du contentieux fiscal et financier ; une section du contentieux des contrats administratifs ; une section du
contentieux de l’annulation et des questions diverses ».
23 Art. 13 de de la loi n°2006/016. Voir, S. KOUA, « La réforme du contentieux administratif

du 29 décembre 2006 au Cameroun : regard rétrospectif d’un auditeur de justice


administrative », RASJ, n°2, 2015, p. 154.
24 D. D'AMBRA, L'objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges, Paris, LGDJ,

1994, p. 302.
225
appréhendé comme la bouche qui prononce la loi25. Bien plus, il doit quelque
fois interpréter le droit, le fixer et en préciser la portée. Cependant, la
détection du problème posé conduit à opter pour la question suivante :
comment le juge fiscal officie-t-il en contentieux fiscal camerounais ? Cette
préoccupation révèle par son intérêt les pouvoirs dont il dispose en dépit de la
pluralité des règles applicables.
En privilégiant la méthode juridique déclinée à travers l’interprétation des
textes et le commentaire des décisions de justice, l’on peut apporter une
réponse à cette préoccupation. Ainsi, l’hypothèse de base conduit à retenir que
l’office du juge fiscal est original dans le contentieux fiscal camerounais. Pour
justifier cette hypothèse autour d’une double articulation : l’on constatera au
cours de cette analyse que le juge fiscal camerounais exercice bel et bien son
office de diction (I). Si cette première fonction du juge fiscal paraît moins
originale, en vertu de son pouvoir normatif et créateur, il exerce un office plus
original dans la création du droit (II).
I. Un office de diction
La fonction de dire le droit n’est pas l’apanage du seul juge statuant en
contentieux fiscal puisqu’elle s’appuie sur les pouvoirs de tout juge résultant
de son rôle passif ou actif, qu’il soit administratif, pénal ou civil26. Il revient au
juge d’apaiser les conflits, de trancher les litiges et de légitimer les solutions
qu’il retient27. Si à bien des cas et dans leur principe, ces pouvoirs sont
identiques en contentieux fiscal, leur exercice s’effectue parfois devant les
premiers juges selon des modalités spécifiques28.
L’office du juge fiscal dans la diction du droit révèle une certaine spécificité
liée à l’instance fiscale, notamment les règles applicables à la réclamation
préalable, le sursis de paiement, l’expertise fiscale, entre autres. Ainsi, l’étude
de la jurisprudence camerounaise permet de constater que le juge fiscal exerce
un office de diction. Si le jugement désigne toute décision prise par un collège
de magistrats ou par un magistrat statuant comme juge unique29, l’examen des
pouvoirs mis en œuvre par le juge fiscal en vue de la formation de sa
conviction traduit sa participation à des catégories contentieuses plus vastes
selon que le contentieux fiscal soit pris dans certaines de ses phases ou dans sa
globalité30. Hormis les mesures d’instruction, si l’office du juge fiscal, peut
rencontrer des limites31, les pouvoirs dont il dispose restent stricts à l’égard

25 MONTESQIEU, De l’esprit des lois, Livre XI, chapitre VI, « De la constitution d’Angleterre »,
p. 60. Pour l’auteur, « les juges ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres qui n’en
peuvent modérer ni la force, ni la vigueur ».
26 J.-L. BERGEL, « Introduction », in L’office du juge, op.cit., p. 11.
27 Ibid., p. 13.
28 J. MOLINIER, « L’office du juge en contentieux fiscal », in R. HERTZOG (dir.), Le juge fiscal,

op. cit., p. 66.


29 S. GUINCHARD, Th. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques, op.cit., p. 325.
30 J. MOLINIER, « L’office du juge en contentieux fiscal », op. cit., p. 79.
31 Notamment l’interdiction faite au juge fiscal de statuer ultra petita ou infra petita. Deux

situations sont possibles : tout d’abord, il est interdit au juge fiscal de statuer sur les fractions
d’impositions non contestées par le contribuable dans sa demande contentieuse. Ensuite, même
dans l’hypothèse où le contribuable aurait développé une argumentation de nature à entraîner
226
des moyens de la demande formulée par les parties (A) mais étendus quant au
sort affectant sa décision (B).
A. L’appréciation des moyens invoqués
L’office du juge fiscal s’exerce tout aussi à l’égard des moyens qui sont
formulés par les parties et le conduit à les apprécier. Si les conclusions des
parties peuvent emportent la conviction dudit juge, celui-ci n’est pas, en
revanche, tenu par l’argumentation des parties. A l’analyse des décisions
rendues par le juge fiscal camerounais, en vue de la formation de sa
conviction, il soulève très souvent d’office les moyens d’ordre public (1), et
procède parfois à une substitution de base légale lorsque les motifs s’en
trouvent justifier (2)32.
1. L’examen strict des moyens soulevés
Il est admis, en règle générale, que les moyens d’ordre public sont ceux qui
doivent être soulevés d’office par le juge, même si les parties n’en discutent
pas33. Ces moyens peuvent se rapporter au fond du litige ou au déroulement
de la procédure contentieuse et non seulement à celle de l’imposition. Se
fondant sur les moyens se rapportant au fond, le juge fiscal camerounais ne se
limite pas simplement à apprécier la légalité de l’impôt, car il utilise un certain
nombre de prérogatives légales telles que soulever d’office les moyens d’ordre
public qui peuvent être invoqués à tout moment de l’instance. Ces moyens
peuvent être ceux qui auraient entachés la recevabilité de la demande 34 ou tout
autre élément de la procédure contentieuse fiscale. Dès lors, la jurisprudence
fiscale camerounaise est bien connue en la matière et laisse observer que le
juge fiscal exerce ainsi strictement ses pouvoirs en vue du prononcé et de la
formation de sa conviction.
Premièrement, toute partie au procès fiscal peut invoquer devant le juge les
effets favorables d’une loi fiscale à son égard afin de compenser ses effets
défavorables. Ainsi, à une demande de dégrèvement justifiée, le fisc peut
opposer une insuffisance ou une omission constatée en cours d’instruction.
De même, le contribuable est fondé à invoquer une surtaxation à l’encontre
d’un rehaussement jugé sans fondement35. Il s’agit là de la compensation
fiscale telle que prévue à l’article L.125 bis du CGI. Ainsi, lorsqu’un
contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition
quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré

une décharge intégrale de l’imposition, le juge fiscal ne saurait statuer au-delà de la demande du
contribuable, dès lors que les argumentations ne lient pas la demande du requérant (CE, 10 juin
1985, n°44. 368. R.J.F. 1985, n°1384). De même, il est des situations où le juge fiscal peut être
dispensé de statuer notamment par un non-lieu en cas de disparition de l’objet de la demande,
de désistement ou d’arrangement amiable entre le fisc et le contribuable.
32 Arrêt n°21/FF/2018, du 14 février 2018, Société PPSM Sarl c/Etat du Cameroun (MINFI) ; arrêt

n°013/FF/2017, du 08 février 2017, Société Bicec SA c/Etat du Cameroun (MINFI) ; CS/CA, arrêt
du 27 septembre 2006, CCC c/Etat du Cameroun (MINFI).
33 F. ATECK A DJAM, Droit du contentieux fiscal camerounais, op. cit., p. 134.
34 Jugement n°44/88-89 du 25 mai 1989, Tiamago Boniface ; jugement n°47/SC/CA.89-90 du 28

juin 1990, Ondo Jean-Boulevard c/Etat du Cameroun, etc.


35 Arrêt n°21/FF/2018, 14 février 2018, Société Produits Pétroliers et Soutage Maritime du Cameroun

(PPSM) Sarl c/Etat du Cameroun (MINFI).


227
l’expiration des délais de prescription, effectuer la compensation dans la limite
de l’imposition contestée entre les dégrèvements reconnus justifiés et les
insuffisances ou omissions constatées dans l’assiette ou le calcul de
l’imposition au cours de l’instruction de la demande36. On peut alors en
déduire que ce droit à compensation peut, du fait qu’il se rattache au caractère
d’ordre public de la loi fiscale, être invoqué à tous les stades de la procédure
de contrôle fiscal ou de l’instance en cours devant le juge fiscal, et ce,
nonobstant l’expiration du délai de reprise.
Secondairement, le juge fiscal est tenu de soulever d’office certains moyens
liés au fond lorsqu’ils ont un caractère d’ordre public, même si la doctrine
semble démontrer qu’en l’espèce, le juge judiciaire (civil) dispose d’un large
pouvoir d’appréciation que le juge administratif37. A ce titre, il peut alors s’agir
du défaut de pouvoir d’une partie ou d’un représentant d’une partie, de
certaines fins de non-recevoir notamment l’absence d’ouverture d’une voie de
recours, sauf en cas de dispositions légales contraires. Lorsque le juge fiscal se
décide de soulever les moyens d’ordre public, il doit en principe inviter les
parties à présenter leurs observations. Ainsi, de tous les moyens d’ordre public
susceptibles d’avoir une forte portée en contentieux fiscal, celui tiré de la
méconnaissance du champ d’application de la loi fiscale est plus opérant. Dès
lors, la liberté du juge fiscal à l’égard des moyens d’ordre public n’est pas
admise, lesquels moyens s’imposent à lui et peuvent être invoqués par la
juridiction saisie. Dans bien des cas, le juge fiscal administratif admet
l’ouverture de la reconnaissance du caractère d’ordre public d’un moyen et la
possibilité pour le contribuable de s’en prévaloir à tout stade de l’instance38.
Sous ce rapport, au regard de sa jurisprudence, l’on peut en tirer une
double observation : d’abord, le juge fiscal camerounais dispose des pouvoirs
de soulever les moyens d’ordre public se rapportant au fond du litige à tout
stade de la procédure. La pratique jurisprudentielle prise sous l’angle du
dualisme juridictionnel montre bien que si ces pouvoirs restent stricts sur bon
nombre de points, ils ne sauraient dénaturer ni l’objet de la demande ni les
moyens soulevés par l’une des parties ou d’office par le juge fiscal. Ensuite, il
est à noter que le juge fiscal administratif a une portée plus forte à exercer son
office sur les moyens tirés, le plus souvent, de l’inobservation des formalités
de la réclamation préalable. Si ces pouvoirs, bien que stricts, participent à
asseoir la conviction du juge fiscal et son jugement, cette conviction se fait
parfois au prix d’une substitution de base légale.
2. La substitution restreinte de base légale
Le souci pour le juge fiscal d’aboutir à une application intégrale de la loi
fiscale permet à celui-ci de s’affranchir de la rigueur des prescriptions parfois
édictées par les procédures fiscales. L’application de toute règle de droit au
litige suppose que le juge fiscal ait, le cas échéant, donné ou restitué la
qualification des faits et actes litigieux dans leur exactitude, en toute

36Art. L 125 du CGI camerounais.


37J. MOLINIER, « L’office du juge en contentieux fiscal », op. .cit., p. 77.
38 Arrêt n°17/2010/CA-CS, 8 février 2010, Atangana Pascal c/Etat du Cameroun (MINFI) ;

jugement n°47/SC/CA.89-90 du 28 juin 1990, op. cit.


228
indépendance de ce qu’auraient évoqués les parties, conformément à l’adage
« Da mihi factum, tibi dabo jus », c’est-à-dire « donne-moi le fait, je te donnerai le
droit ». Dans ce sens, le juge fiscal dispose du pouvoir de donner à une
imposition un autre fondement juridique mais pas contraire au premier. Une
analyse de la jurisprudence fiscale camerounaise, et celle de droit comparé
notamment française, montre que si le juge fiscal recourt moins souvent à la
substitution des bases légales ; cependant, en y recourant, il exerce des
pouvoirs, somme toute, restreints dans la formation de sa propre conviction
en vue de l’application de la loi fiscale. Ainsi, le juge fiscal peut sans
méconnaitre l’objet de la demande et sans en dénaturer le sens, procéder à une
requalification juridique de l’imposition.
En effet, au-delà des moyens jugés d’ordre public, le juge fiscal se
reconnaît le pouvoir, comme c’est le cas en contentieux administratif
ordinaire, de procéder au besoin d’office à l’appui de sa décision, à une
substitution de base légale. Même si très souvent, il estime que l’initiative
d’une substitution de base légale appartient à l’administration fiscale ; et qu’il
ne lui appartient pas de substituer au fondement de l’imposition contestée un
autre fondement sur lequel serait justifié le maintien de cette imposition, cette
règle admet toutefois quelques restrictions. A titre de droit comparé, suivant la
doctrine et la jurisprudence française, le juge fiscal peut recourir à la
substitution de base légale à condition de s’assurer qu’en y faisant droit, cette
mesure ne prive le contribuable d’aucune des garanties prévues par la loi en
matière de procédure d’imposition, c’est-à-dire qu’elle n’est subordonnée à
l’observation d’aucune procédure particulière requise par les textes ou, dans le
cas contraire, que la procédure d’imposition prévue par les textes a bien été
suivie39. Cette condition imposée au juge est respectée en pratique par le juge
fiscal camerounais40.
En pratique, à la lecture de la jurisprudence fiscale camerounaise, la
substitution de base légale permet au juge fiscal de requalifier les faits du point
de vue juridique, afin de fonder l’imposition sur d’autres dispositions légales
que celles primitivement retenues, c’est-à-dire, en y trouvant un autre
fondement juridique. Ainsi, par une substitution de base légale, le juge fiscal a
levé l’équivoque sur la question de la fusion-absorption ou fusion
réorganisation41. De même, ce juge affirme, en matière de redressement, que
l’AMR cesse d’être une simple invitation lorsqu’il est assorti d’une injonction
de payer pour devenir un avis de poursuites42. Aussi le caractère d’ordre public
d’un moyen résulte-t-il généralement d’une qualification jurisprudentielle, car
rien n’interdit, en fait, au juge d’adopter une attitude restrictive ou, au
contraire extensive et, par-là, de manifester la latitude qui est la sienne ; alors

39 J. MOLINIER, « L’office du juge en contentieux fiscal », op.cit., p. 79.


40 Arrêt n°21/FF/2018 du 14 février 2018, précité ; arrêt n°013/FF/2017, du 08 février 2017,
précité.
41 En l’espèce, le juge déclare : « Qu’en fait la question de la fusion-absorption ou fusion-réorganisation est

de pure fait soumise à l’appréciation de l’administration fiscale et des tribunaux ». Jugement n°66/2003-
2004, 28 avril 2004, Société S.-Cameroun S.A c/Etat du Cameroun (MINFI).
42 CS/CA, 27 septembre 2006, CCC c/Etat du Cameroun (MINFI).

229
que le caractère de droit d’un moyen, même s’il peut donner lieu à
appréciation, s’impose avec plus d’évidence au juge fiscal (civil), non contraint
c’est vrai, d’en tirer automatiquement des conséquences43.
De ce qui précède, l’office du juge fiscal atteste, à la lecture d’un ensemble
des décisions rendues, que ce dernier met en œuvre certains pouvoirs
notamment la substitution des bases légales en vue d’asseoir sa conviction.
C’est ainsi que le juge fiscal administratif ou judiciaire peut procéder à une
requalification juridique de l’imposition sur la base d’un autre fondement
juridique sans remettre en cause l’objet de la demande du requérant. Si le juge
fiscal recourt, très exceptionnellement, à la substitution (ses pouvoirs y sont
stricts et restreints), ces pouvoirs sont, quelques fois, étendus lorsqu’il se
déploie à fixer sa décision.
B. La fixation de la décision
Lorsque les faits et les moyens soulevés par les parties et le ministère
public ont été souverainement appréciés, le juge fiscal peut légitimement
appliquer la règle de droit appropriée et mettre fin au litige au moyen d’une
décision. A cet effet, il dispose d’un éventail de pouvoirs liés au maintien, au
rétablissement, à la décharge ou à la réduction de l’imposition. Dans le rendu
de sa décision, le juge fiscal apparaît tantôt comme un juge du contentieux de
la légalité de l’imposition individuelle, tantôt comme un juge du contentieux
de pleine juridiction44. A l’analyse de la jurisprudence fiscale camerounaise,
lorsque les motifs sont fondés, le juge fiscal procède soit à l’annulation des
impositions ou à la prescription d’une injonction de fond à l’administration
(1), ainsi qu’à l’attribution des dommages-intérêts au contribuable (2).
1. L’annulation des impositions et la prescription d’injonction
L’étude de la jurisprudence fiscale camerounaise intime à observer que le
juge fiscal vérifie la conformité des actes d’imposition aux règles de droit
fiscal. En effet, ce juge arrive à annuler des impositions mal fondées pour
violation d’une règle de droit45 ou pour incompétence de l’agent vérificateur. Il
observe les possibilités, si elles sont opportunes, d’adresser des injonctions de
jugement à l’administration fiscale, partie au procès46. Disposant des pouvoirs
plus étendus dans le contentieux de l’annulation : il procède à l’annulation des

43 J. MOLINIER, « L’office du juge en contentieux fiscal », op.cit., p. 77.


44 G. GEST, « La dualité de la juridiction fiscale », in R. HERTZOG (dir.), Le juge fiscal, op. cit., p.
59.
45 Il peut s’agir d’une disposition conventionnelle : arrêt n°163, CFJ/CAY, 70-71 du 08 juin

1971, Société Commerciale Immobilière Africaine des Chargeurs Réunis c/Etat du Cameroun ; jugement
n°88, CS-CA, 2010, du 22 février 2010, Universal Sodhexo c/Etat du Cameroun ; jugement n°120,
CS-CA, 2009, du 02 juin 2009, Société Union Camerounaise des Brasseries c/Etat du Cameroun, entre
autres.
Il peut également s’agir d’une disposition législative (arrêt n°128, TE du 23 décembre 1960,
André Louis C/Etat du Cameroun ; jugement n°12, CS-CA, 79-80, du 18 décembre 1980, Société
SERTEC c/Etat du Cameroun) ou réglementaire (jugement n°10, CS-CA, 74-75 du 28 novembre
1974, Momo Thérèse c/Etat du Cameroun ; arrêt n°2012, TE, du 28 septembre 1962, Claude Halle
C/Etat du Cameroun).
46 Jugement n°42, CS-CA, 79-80, 24 juin 1980, Ngakeu Pierre c/Etat du Cameroun.

230
impositions non fondées et prescrit exceptionnellement à l’administration
fiscale des injonctions de jugement.
Primo, dans l’application de la règle de droit, le juge fiscal est saisi de
nombreux recours en annulation portant sur les impositions mal fondées
affectant une imposition individuelle ou résultant de l’obligation fiscale du
requérant. Ainsi, il annule, en cas de recours, les actes d’imposition posés par
des autorités fiscales, notamment lorsque le contrôle fiscal n’a pas été effectué
par un agent dûment compétent, conformément à l’article L 11du CGI47 ou
lorsque les décisions prises par lesdites autorités sont entachées de l’excès de
pouvoir48. Dans bien des cas, le juge fiscal annule des impositions mal fondées
pour intrusion sans ordre de mission ni avis de contrôle des agents fiscaux
dans le cadre d’un contrôle inopiné49, ou pour violation et vice de procédure
grave lorsque les procédures ou délais de contrôle ont été manifestement
violés50. De même, il déboute les recours non fondés ou frappés
d’irrecevabilité51.
Secundo, le juge fiscal ne manque pas, dans le rendu de sa décision, de
prescrire lorsque celle-ci l’exige, des injonctions de jugement au fisc. En vertu
de son pouvoir juridictionnel, il adresse des telles injonctions en s’appuyant
sur son pouvoir d’imperium. Dans l’exercice de son office, il a eu à prescrire au
fisc le remboursement d’une partie de la somme versée par un contribuable
représentant un trop perçu sur le recouvrement des arriérés d’impôts dus par
celui-ci52. Dans le même sens, il ordonne régulièrement au fisc d’opérer au
profit du contribuable le dégrèvement des impôts mal fondés ou la restitution
d’impôts indûment perçus53, non sans rejeter les recours non justifiés54.

47 Au sens de l’article L 11 : « Les agents des impôts ayant au moins le grade d’inspecteur, munis de leur
carte professionnelle et d’une copie de l’avis de vérification, vérifient sur place, la comptabilité des contribuables
astreints à présenter et à tenir des documents comptables ».
48 Jugement n°83/2016/TA-YDE, 08 mars 2016, Cameroon Tobacco Company Sarl c/Etat du

Cameroun (MINFI). Dans cette espèce, le juge annule la décision du directeur général des
douanes portant suspension de ladite société de toutes opérations de dédouanement jusqu’au
règlement du litige les opposant pour importation en contrebande de 4 900 cartons de cigarettes
de marque « Gold Seal » et intérêt à la fraude alors qu’une ordonnance du juge de l’exécution
avait déclaré nul et de nul effet le procès-verbal de saisie des cigarettes de la société requérante
et avait ordonné mainlevée de la saisie pratiquée sous astreinte.
49 Jugement Ngakeu Pierre C/ État du Cameroun, précité.
50 Position constante du juge fiscal depuis l’affaire Momo Thérèse (jugement n°10, CA-CS, 74-75,

précité).
51 Jugement n°334/2016/TA-YDE, 08 novembre 2016, Me Thomas Bill Ndengue c/Etat du

Cameroun (MINFI) ; jugement n°252/2017/TA-YDE, 08 août 2017, Société Sissel S.A C/Etat du
Cameroun (MINFI).
52 Jugement n°30, CS-CA, 77-48, 31 Mars 1977, Mbokatongo Guillaume c/Etat du Cameroun.
53 Cet office du juge fiscal est perceptible depuis sa vieille jurisprudence : arrêt n°161,

CFJ/CAY, 08 juin 1971 Bengono Denis C/Etat du Cameroun oriental ; arrêt n°134, CFJ/CAY, 71-
72, 26 janvier 1971, Union Trading Cameroon c/Etat du Cameroun oriental. Dans cette dernière
affaire, en jugeant recevable et fondé le recours de la société requérante, le juge ordonne le
remboursement d’un montant de 59 500 FCFA en conséquence de l’annulation du rôle 430-67
mis en recouvrement le 1er décembre1977.
54 Arrêt n°59/2015/CA/CS, 23 septembre 2015, Société Socem c/Etat du Cameroun (MINFI) ;

jugement n°257/2010, 22 septembre 2010, Socem c/Etat du Cameroun (MINEFI) ; jugement


n°85/2010/CA-CS, 22 février 2010, Société Universal Sodexho Cameroun c/Etat du Cameroun
231
En première analyse, l’office du juge fiscal, dans l’application de la règle de
droit et en vertu des pouvoirs dont il dispose, atteste de ce qu’il ordonne
l’annulation des impositions non fondées lorsqu’il est saisi dans le cadre du
contentieux de l’annulation ; et conséquemment, il statue aux fins d’annulation
de l’imposition individuelle en cause ou en fixant l’obligation fiscale du
requérant. En effet, si le droit fiscal camerounais détermine la compétence des
autorités administratives fiscales sur le fondement des dispositions pertinentes
du CGI, en même temps, ces textes déterminent le seuil de compétence des
agents des impôts selon leur rang dans la hiérarchie de l’administration fiscale
d’une part, et selon la nature des opérations fiscales en cause, d’autre part.
Dans ce sens, les actes d’imposition posés par les autorités ou les organes non
compétents constituent un vice de compétence notamment une incompétence
ratione personae55 susceptible d’annulation devant le juge fiscal. Ainsi,
conformément à l’article L 11 du CGI56 lorsque, par exemple, le contrôle fiscal
n’a pas été effectué par un agent dûment compétent, le juge fiscal est fondé à
annuler les impositions émises contre le contribuable en cas de recours en
annulation.
En pratique, cette solution a été confirmée par le juge fiscal camerounais à
plusieurs occasions, et pour illustration, à la faveur de l’affaire Ngakeu Pierre57.
En fondant son dispositif sur l’article 258 du CGI visé qui prévoit que seuls
les agents des impôts ayant au moins le grade d’inspecteur ont le pouvoir
d’assurer le contrôle et l’assiette de l’ensemble des impôts qu’ils vérifient, le
juge soutient qu’ : « Attendu qu’en matière fiscale, il est admis que doivent être annulées
les impositions établies sur la base d’une procédure de vérification engagée par un agent
n’ayant pas au moins le grade d’inspecteur des impôts, qu’il suit de ce qui précède que les
impositions attaquées sont nulles »58. Il convient de rappeler, en l’espèce, que le
sieur Ngakeu Pierre sollicitait une annulation des impositions mises à sa
charge au motif, entre autres, que l’agent vérificateur Tsoungui, contrôleur des
impôts, n’était pas compétent pour effectuer un contrôle de comptabilité et
des opérations financières réalisées par son bar. Mais le juge ne se limita pas à
évoquer le défaut de qualité de l’agent vérificateur ; il considéra en plus que
l’intrusion sans ordre de mission ni avis de contrôle de l’agent Tsoungui était
une violation de procédure grave, et donc un vice de procédure de nature à
justifier l’annulation des impositions dûment contestées. Aussi conclut-il
définitivement que même dans les cas de contrôle inopiné, ce qui semble avoir

(MINFIB) ; jugement n°217/2010/CA/CS, 25 août 2010, Société Amity Bank c/Etat du Cameroun
(MINEFI) ; jugement n°288/2010/CA/CS, 22 septembre 2010, Aigle Voyages c/Etat du
Cameroun (MINEFI), etc.
55 En contentieux administratif général, « il y a incompétence ratione personae lorsqu’une décision

administrative émane d’une personne ou d’un organisme faisant partie de l’administration mais non habilitée à
prendre des actes juridiques au nom des personnes publiques ». Voir, J. M. AUBY et R. DRAGO, Traité de
contentieux administratif, op.cit., p. 234.
56 L’art. L 11 du LPF dispose que : « Les agents des impôts ayant au moins le grade d’inspecteur, munis de

leur carte professionnelle et d’une copie de l’avis de vérification, vérifient sur place la comptabilité des contribuables
astreints à présenter et à tenir des documents comptables ».
57 Jugement n°42, Ngakeu Pierre précité.
58 Voir également : jugement n°252/2017/TA-YDE, du 08 août 2017, op. cit.

232
été le cas en l’espèce, la direction des impôts l’ayant décidé à la suite d’une
information sur place, il n’était pas nécessaire de s’emparer des documents du
contribuable contrôlé59.
En seconde analyse, les pouvoirs du juge fiscal dans le contentieux de
l’annulation permet à celui-ci de prescrire parfois des injonctions de jugement
à l’administration fiscale. En effet, le caractère du procès fiscal attribue au juge
fiscal des pouvoirs importants en adressant des injonctions aux parties
notamment la restitution d’impôts indûment perçus. En effet, les injonctions
de jugement sont celles que le juge fiscal administratif peut prononcer en vertu
de son pouvoir juridictionnel, c’est-à-dire au-delà de la jurisdictio et s’appuyant
sur l’imperium. A ce titre, le juge fiscal administratif peut adresser à
l’administration des injonctions de fond encore appelées injonctions de
jugement, lorsque la nécessité de répondre de manière définitive et complète à
la question de droit à lui posée le conduit à le faire. Dès lors, dans l’exercice de
son office, le juge fiscal a eu l’occasion dans certaines de ses décisions à
prescrire des injonctions à l’administration fiscale afin d’opérer un
dégrèvement, un remboursement ou une restitution d’impôts au profit du
contribuable, personne physique ou morale. Ainsi, dans l’affaire Mboka
Tongo60, le juge fiscal a ordonné à l’administration fiscale le remboursement de
la somme de 10 494 858 FCFA représentant un trop perçu sur le
recouvrement des arriérés d’impôts dus par le sieur Mboka. De même, il a
ordonné le dégrèvement de la somme de 7 481 347 FCFA de la société
Sodegesca dont le juge reconnût le bien-fondé du recours de ladite société.
En somme, dans l’exercice de son office, le juge fiscal camerounais dispose
des pouvoirs plus étendus dans le contentieux de l’annulation. Ainsi, il
ordonne très souvent l’annulation des actes d’impositions non fondées pour
vice de procédure, incompétence ratione personae ou même pour violation des
lois et règlements. En sus, il prescrit non moins souvent des injonctions de
jugement ou de fond rétablissant ainsi le statu quo ante, c’est-à-dire rétablissant
le contribuable indûment imposé dans ses droits au moyen de ces
prescriptions positives. Si dans le contentieux de l’annulation, les pouvoirs du
juge fiscal sont plus étendus tant dans l’annulation des impositions mal
fondées que dans la prescription des injonctions au fisc, en revanche, dans le
plein contentieux, son office semble restreint et ses pouvoirs moins étendus
en la matière.
2. L’attribution des dommages-intérêts au contribuable
Le juge fiscal camerounais est également habilité à exercer des pouvoirs de
pleine juridiction notamment la décharge ou la réduction d’impôts, et
éventuellement, la condamnation du fisc comme partie au procès, à réparer les
préjudices résultant de la mise en œuvre des impôts. Si à s’en tenir aux seuls
pouvoirs du juge61, le juge fiscal exerce souvent un pouvoir de pleine
juridiction en condamnant l’administration fiscale à réparer au profit du

59 Jugement n°42, Ngakeu Pierre précité.


60 Jugement n°30, CS-CA, 77-48 du 31 mars 1977, Mboka Tongo Guillaume c/Etat du Cameroun.
61 B. CASTAGNEDE, « Remarques sur la nature juridique du contentieux fiscal », RSF, 1970,

p. 12.
233
contribuable le préjudice résultant d’une imposition mal fondée62, puisque
l’activité de celle-là est émaillée des prérogatives de puissance, et par
conséquent, est susceptible de cause un préjudice à celui-ci. Dans l’hypothèse
où la responsabilité du fisc est pleinement établie, le juge fiscal dispose de
pouvoirs de condamner ce dernier à verser des dommages et intérêts en guise
de réparation du préjudice à tort subi par le contribuable. Dans ce sillage, le
juge fiscal camerounais se montre peu enclin à accorder une indemnisation,
ainsi qu’il semble circonspect dans l’attribution d’une réparation.
Dans le premier cas, le juge fiscal se montre très souvent réservé à allouer
des indemnisations pour la réparation intégrale du préjudice subi par le
contribuable mais ordonne, dans la plupart des cas, le remboursement total
des sommes indûment perçues par le fisc. Ainsi, il a eu à ordonner le paiement
à un requérant des montants dus représentant les multiples prestations
résultant des marchés exécutés et livrés au ministère des Finances par ses
groupes d’établissements dont il est promoteur et lui a attribué des
dommages-intérêts pour le retard de paiement63. De même, il a ordonné le
remboursement à une requérante des droits représentant la taxe illégalement
perçue par les douanes camerounaises au titre des taxes informatiques aux
motifs fondés qu’elle bénéficiait d’une exonération pour missions
diplomatiques en sa qualité de consul honoraire64. Dans cette affaire, la
requérante, en sa qualité de Consul honoraire de Finlande au moment des
faits, demandait qu’il lui soit réparé le préjudice résultant d’une imposition de
295 840 FCFA acquittée par elle au titre des taxes informatiques, nonobstant
l’exonération des missions diplomatiques de cette taxe, telle que consacrée par
l’article 9 al. 4 de la loi de finances n° 90/1 du 19 juin 1990. En l’espèce, le
juge retient que le service des douanes n’avait aucun droit d’exiger la taxe
informatique et qu’il y a lieu, par conséquent de condamner l’État à
rembourser à Dame Alix Beteyene la taxe illégalement perçue par les douanes
camerounaises. Si à l’observation le juge fiscal avait prescrit une restitution des
droits acquittés par la requérante, toutefois, il a affiché un silence quant à
l’indemnisation sollicitée par la demanderesse, alors qu’aucune disposition ne
faisait obstacle à la possibilité de l’accorder.
Dans le second cas, si le juge fiscal statue sur la demande en réparation, il
reste souvent circonspect sur son attribution. Mais très exceptionnellement, il
décide souvent d’attribuer, proprio motu, des indemnisations notamment en
condamnant le fisc à verser au contribuable des dommages et intérêts pour les
préjudices subis lors du processus d’imposition. Ainsi, il a été jugé que le fait
pour le fisc d’imposer à tort une société et lui ayant causé pendant des longues
années des troubles graves dans ses conditions d’existence, constituent des
pretium doloris et materiae susceptibles d’être réparés65. En l’espèce, après
expertise ayant relevé la pertinence et le bien-fondé des prétentions du
requérant, le juge condamna l’administration fiscale à rembourser au recourant

62 Jugement n°30, CS-CA, 77-78, du 31 mars 1977, précité.


63 Jugement n°17/2010/CA/CA, 8 février 2010, précité.
64 Jugement n°45, CA-CS, 94-95, 28 avril 1994, Alix Betayene c/Etat du Cameroun.
65 Jugement n°30, CS-CA, 77-78, 31 mars 1977, précité.

234
le trop-perçu, non sans ordonner de réparer au requérant le préjudice résultant
de la perception indue des impositions en cause. Dans sa décision ADD
n°191/A/CFJ du 25 mai 1972, le juge ordonne le remboursement au
demandeur de la somme de 10 494 858 FCFA, représentant un trop-perçu sur
le recouvrement des arriérés d’impôts dus par le requérant et condamne l’État
à payer la somme de 1 800 000 FCFA à titre de dommages et intérêts66. De
même, il s’est reconnu compétent pour connaître du recours d’un requérant
sollicitant une indemnisation résultant du préjudice subi à la suite d’un acte
administratif faisant grief portant suspension de son salaire et restitué plus tard
par une décision de mandatement des salaires non perçus durant la période de
suspension67. En analyse, si la responsabilité imputée au fisc résulte de la
perception d’une imposition indue ayant causé des préjudices matérielles et
morales au requérant, il convient de reconnaître que c’est à bon droit, au-delà
de l’audace du juge, que ce dernier fonde, sur cette condition, la responsabilité
du fisc et ordonne la réparation du préjudice subi par la victime.
Sous ces considérations, il convient de faire une double observation.
D’abord, si dans la première espèce, le juge a évalué le montant des
dommages-intérêts appropriés, tous préjudices confondus, à 120 000 000
FCFA alors que le requérant sollicitait la somme de 2 000 000 000 FCFA,
dans la seconde espèce, il a affiché un silence quant à l’indemnisation sollicitée
par la demanderesse et a statué infra petita. Dans bien d’autres cas, les
demandes en indemnisation des requérants sont frappés, sur la forme,
d’irrecevabilité pour non-respect des conditions de la réclamation préalable.
Par conséquent, il n’est pas statué sur le fond de la requête68. Ensuite, à la
lecture des jugements susvisés, l’on constate que lorsque le juge fiscal est saisi
d’une demande en indemnisation, il statue soit infra petita en omettant
délibérément le point sur la demande d’indemnisation, soit il se fonde, s’il y a
lieu, sur les conditions de non-respect de la réclamation préalable.
Toutefois, si le juge fiscal a quelques fois tenté d’adresser des injonctions à
l’administration fiscale, celles-ci illustrent à suffire des pouvoirs importants
qu’il dispose dans le cadre du procès fiscal. En sus, si en matière de diction,
l’office du juge fiscal camerounais semble intéressant, son office de création
reste très novateur.
II. Un office de création
La fonction de créer le droit permet au juge de contribuer à la sécrétion de
la norme lors de son application en apportant une solution à un litige qui lui
est soumis. L’office du juge dépend aussi de la conception qu’il se fait lui-
même de son métier à travers ses décisions. De même, l’office du juge fiscal,

66Ibidem.
67 Jugement n°312/ADD/2016/TA-YDE, 18 octobre 2016, Metindi Samuel Magloire c/Etat du
Cameroun (MINFI). Voir aussi : jugement n°258/2016/ADD/TA-YDE, 23 août 2016, Essengue
Nicolas c/Etat du Cameroun (MINFI).
68 Jugement n°84/2018/TA-YDE, 13 mars 2018, Gnetedem Germain c/Etat du Cameroun

(MINFI) ; jugement n°22/2006-2007, 17 janvier 2007, Sintat Mpouma Luc c/Etat du Cameroun
(MINEFI), etc.
235
c’est également, « ce qui est reçu par le juge et conçu par lui »69. A l’observation, le
juge fiscal camerounais contribue à l’édification du droit fiscal car, au-delà de
la jurisdictio, il exerce la jurislatio. Dès lors, en vertu de son pouvoir normatif et
créateur, il exerce à la fois un office de clarification (A) et un office de
construction (B).
A. Un office de clarification
Comme obligation faite à tout juge, le juge fiscal ne peut se soustraire des
demandes qui lui sont soumises sous peine de commettre un déni de justice70,
ni se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire71.
L’interprétation de la loi fiscale revêt une double fonction : une fonction
normative consistant à pallier aux lacunes du droit fiscal au sein d’un système
normatif, à orienter l’interprétation des règles fiscales obscures ou
polysémiques ; et la fonction jurislatrice consistant pour le juge fiscal à mettre
en cohérence le droit fiscal afin que les règles inférieures soient conformes aux
règles supérieures. Ainsi, le juge fiscal joue un rôle important dans la
clarification des principes du droit fiscal (1) et des régimes fiscaux (2).
1. L’interprétation des principes fiscaux
Le juge fiscal camerounais, en vertu de son pouvoir normatif et créateur,
contribue significativement à la fixation des principes juridiques de l’impôt.
Sous le prisme normatif et explicatif, son office lui permet de mettre en
cohérence le droit et de pallier à ses lacunes au sein du système normatif. Si en
droit fiscal, la notion de principe désigne une « hyper-règle de droit »72 ou « supra-
règle de droit »73, par rapport à la loi ou à l’acte réglementaire, le juge fiscal
camerounais clarifie des règles supérieures ou constitutionnelles, c’est-à-dire
les principes fondamentaux, réglementaires ou généraux. A ce niveau, l’analyse
de la jurisprudence fiscale camerounaise impose d’observer que le juge fiscal
s’attèle à fixer des principes fiscaux à valeur constitutionnelle ou ceux à valeur
infra-constitutionnelle.
En première analyse, en s’attelant à poser les jalons de la constitutionnalité
de la norme fiscale, le juge fiscal précise le contenu et la valeur juridique des
principes de non rétroactivité de la loi fiscale et de la légalité fiscale. Sur le plan
législatif, si ce principe à un fondement civil74, pénal75 et constitutionnel76, sa

69 G. DARCY, « Avant-propos », in L’office du juge, op.cit., p. 11.


70 Conformément à l’article 4 du Code civil en vigueur, le juge qui refusera de juger, sous le
prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivie comme
coupable de déni de justice.
71 Au sens de l’article 5 du Code civil en vigueur, il est défendu aux juges de se prononcer par

voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.
72 AKONO ONGBA SEDENA, L’apport du juge administratif au droit fiscal camerounais, op.cit., p.

166.
73 R. GUASTINI, « Les principes en droit en tant que source de perplexité théorique », in S.

CAUDAL, Les principes en droit, Paris, Economica, 2008, p. 114.


74 Sur le plan civil, l’article 2 du Code civil napoléonien, repris in extenso en sa version applicable

au Cameroun : « La loi dispose pour l’avenir, il n’a point d’effet rétroactif ».


75 Aux termes de l’article 3 de la loi n°67-LF 1 du 12 juin 1967 portant Code pénal, en sa

révision de 2014 : « ne sont soumis à la loi pénale, les faits commis antérieurement à son entrée en vigueur ou
ceux qui n’ont pas été jugés avant son abrogation expresse ou tacite ».
236
transposition en droit fiscal a donné l’occasion au juge fiscal camerounais de
fixer la valeur juridique du principe de la non-rétroactivité de la loi fiscale, non
sans rappeler quelques fois l’application immédiate de la loi nouvelle. Par son
pouvoir d’interprétation, il reconnaît que la non-rétroactivité de la loi fiscale,
comme pour tous les autres principes consacrés dans le préambule de la
constitution, s’impose au législateur et celui-ci ne peut y déroger que par voie
expresse ou dans certaines hypothèses77. De même, il rappelle qu’en matière
d’impôt sur le revenu, la loi applicable est celle en vigueur au jour de clôture
de la réalisation des revenus imposables, quand bien même une partie de ces
revenus est réalisée sous l’empire de la loi ancienne78. Mais, il soutient que les
dispositions nouvelles du CGI s’appliquent aux réclamations pendantes
devant les instances juridictionnelles79. Aussi, a-t-il procédé à la consécration
jurisprudentielle du principe de la légalité en matière fiscale en sanctionnant
d’irrecevabilité les recours juridictionnels contre la loi80.
En seconde analyse, à côté des principes à valeur constitutionnelle, le juge
fiscal clarifie un ensemble des principes fiscaux à valeur infra-
constitutionnelle, lesquels sont soit prévus expressément par le législateur soit
érigés en principes généraux de droit. Ainsi, il a contribué, à bien des
occasions, à la clarification des principes de territorialité et d’annualité de
l’impôt81. Dans le même sillage, il a rappelé, maintes fois, l’interprétation
stricte des textes fiscaux82 dont le principe ici peut être considéré comme un
principe général de droit et à valeur législative.
Dans la première hypothèse, le juge fiscal a saisi l’occasion pour interpréter
ces principes susvisés en fixant leur contenu et leur valeur juridique. Par

76 Aux termes du Préambule de la Constitution camerounaise de 1996, « La loi ne peut avoir d’effet
rétroactif. Nul ne peut être jugé et puni qu’en vertu d’une loi promulguée et publiée antérieurement au fait
punissable ».
77 En l’espèce, le juge déclare : « Attendu que la rétroactivité peut être légale dans certains cas limités:

lorsque la loi le prévoit soit expressément ou implicitement [..]; lorsque la décision tend à tirer les conséquences
d’une annulation pour excès de pouvoir ; lorsqu’il s’agit d’une mesure de régularisation ou d’une décision prise au
cours d’une année ou d’une campagne qui doit nécessairement prendre effet au début de l’année civile ou de la
campagne (CE, 21 décembre 1956) ; lorsqu’il s’agit de l’acte d’approbation émanant de l’autorité de tutelle qui
rétroagit à la date d’effet de la décision approuvée. Que la jurisprudence n’assigne pas une valeur absolue au
principe de non-rétroactivité qui peut être battu en brèche par plusieurs exceptions à commencer par le législateur
lui-même qui, en l’absence de toute disposition législative interdisant d’y déroger ». Jugement, n°53,82-83
CS/CA, 82-83, 28 avril 1983, Ngon à Rikon c/Etat du Cameroun. Voir aussi, arrêt n°128, TE, 23
décembre 1960, précité ; arrêt n°129, TE, 23 décembre 1960, Bernard Dutreil Edouard c/Etat du
Cameroun.
78 Jugement n°33, CS/CA, 85-86, 27 mars 1986, Cicam c/Etat du Cameroun ; jugement

n°217/2010/CA/CS, 25 août 2010, précité ; jugement n°85/2010/CA-CS, 22 février 2010,


Société Universal Sedexho Cameroun c/Etat du Cameroun.
79 Arrêt n°19/A, 22 février 2007, Société Specia c/Etat du Cameroun (MINFI).
80 Arrêt n°105, CFJ/CAY, 08 décembre 1970, Claude Halle C/Etat du Cameroun Oriental.
81 Jugement n°38, CS/CA, 91-92 du 30 avril 1992, Mbialeu Jean-Louis C/Etat du Cameroun ;

jugement n°09, CS/CA, 2004-2005 du 02 novembre 2005, Momo Momo André c/Etat du cameroun.
82 Jugement n°58, CS/CA, 81-82 du 30 septembre 1982, Sipca c/Etat du Cameroun. Voir aussi :

jugement n°9, CS/CA, 82-83 du 13 janvier 1983, Camag C/Etat du Cameroun ; jugement n°10,
CS/CA,77-78 du 27 avril 1978, Sodegesca c/Etat du Cameroun ; jugement n°78, CS/CA, Socada, du
30 juin 1983 ; jugement n°46, 82-83 CS/CA, du 07 avril 1983 Scoa c/Etat du Cameroun ; jugement
n°70, 82-83 du 26 mai 1983, Société Dacam C/Etat du Cameroun, etc.
237
exemple, sur le principe de l’annualité, il a doublement était utile : d’un côté,
sur le fond, il rappelle la non-déductibilité de l’impôt (sur les revenus) d’un
exercice fiscal antérieur sur l’année supérieure ; de l’autre, particulièrement sur
la forme, il précise les délais de prescription d’une obligation fiscale annuelle
ou quatriennale83. Sur le principe de territorialité, il détermine, à partir des
critères légaux, les conditions de territorialité de l’impôt sur le chiffre d’affaires
en développement, pour ce faire, une véritable ligne jurisprudentielle84. En sus,
il explicite la règle suivant laquelle les commissions des bureaux d’achats
demeurent passibles de l’impôt sur le chiffre d’affaires quel que soit le lieu de
la livraison des marchandises, à condition que celles-ci soient utilisées sur le
territoire de l’État85. Aussi, il rappelle, par ailleurs, que les États détiennent
leur pouvoir souverain de politique fiscale nationale, sous réserves des
dispositions communautaires86.
Dans la seconde hypothèse, s’opposant à une extension par analogie en
respect du caractère d’ordre public des textes fiscaux87, le juge fiscal affirme de
manière constance l’exigence d’une interprétation stricte des textes fiscaux.
Ainsi, sur le fondement de l’article 7 de la loi n°2006/015, le juge fiscal de
cassation a annulé les décisions non motivées en fait et en droit des premiers
juges88, en interprétation de l’article 4 de l’ordonnance n°2002/001 du 27 juin
2002 portant application de certaines dispositions du CGI pour l’exercice
transitoire allant du 1er juillet 2002 au 31 décembre 2002. Pour lui, la
computation des délais des reports déficitaires ou de réinvestissement des
plus-values sont considérés comme afférents à un exercice fiscal entier et donc
les charges produits habituellement pris en compte sur une période de douze
mois sont réduits de moitié au titre de la période transitoire89. Il a aussi décidé
de l’exonération fiscale d’une société sur le fondement de l’article 3 du CGI
qui l’excluait du champ d’application des impositions pour toutes les sociétés
immobilières limitant leur activité à la gestion de leur patrimoine immobilier et
ne revêtant pas la forme de société à capitaux ou de société à responsabilité
limitée et dont les opérations n’avaient pas un caractère industriel ou

83 Jugement n°2017/2010/CA/CS, 25 août 2010, précité ; jugement n°09, CS/CA, 2004-2005,


02 novembre 2005, précité ; jugement n°38, CS/CA, 91-92, 30 avril 1992, précité ; arrêt n°213,
TE, 29 septembre 1962, Claude Halle C/Etat du Cameroun.
84 En effet, avant la loi de finances 1969/1970, les articles 300 et 301 (anciens) soumettaient la

TCA sur l’achat ou à la vente des marchandises à la connaissance de leurs lieux de livraison, de
même que l’article 227 al. 1 P. f consacrait la règle de l’application de la TCA intérieure sur
toutes les opérations de commissions ou de courtage indépendamment du lieu de livraison ou
de transfert de la marchandise. Voir, arrêt n° 184, CFJ/CAY, 08 décembre 1970, Société
Camvoyages C/Etat du Cameroun.
85 Jugement n°58, CS/CA, 81-82, 30 septembre 1982, précité ; Voir aussi : jugement n°9,

CS/CA, 82-83, 13 janvier 1983, précité ; jugement n°10, CS/CA, 77-78, 27 avril 1978, précité ;
jugement n°46, 82-83 CS/CA, 07 avril 1983, précité ; jugement n°70, 82-83, 26 mai 1983, précité.
86 Arrêt n°83/A/2015, 28 octobre 2015, Société Sodexho Cameroun C/Etat du Cameroun.
87 Ph. MARCHESSOU, L’interprétation des textes fiscaux, Paris, Economica, 1980, p. 140.
88 Arrêt n°21/FF/2018, 14 février 2018, Société Produits Pétroliers et Soutage Maritime du Cameroun,

précité.
89 Jugement n°2017/2010/CA/CS, 26 août 2010, Société Amity Bank C/Etat du Cameroun

(MINEFI).
238
commercial90. Aussi a-t-il eu recours à ce principe pour interpréter l’article 46
du CGI résultant du décret du 11 juillet 1960 qui consacrait alors la surtaxe
progressive non déductible en remplacement de l’impôt général sur le revenu
qui lui était déductible91.
Néanmoins, l’office du juge fiscal camerounais reste moins prolixe en ce
qui concerne la fixation des principes d’égalité fiscale92, de nécessité fiscale et
celui de la compétence liée de l’administration fiscale. En sus, cet office de
clarification du juge fiscal ne se limite pas à la précision des principes fiscaux,
il s’étend à l’interprétation des régimes fiscaux.
2. L’interprétation des régimes fiscaux
La fixation des obligations du contribuable et des prérogatives du fisc, très
souvent, aménagée par le législateur fiscal, ne résout pas en totalité les
difficultés d’intelligibilité et de compréhension de la norme fiscale par les
acteurs du processus fiscal. A l’analyse, notre juge fiscal explicite les modalités
de mise en œuvre pratique de la norme fiscale93, notamment celles se
rapportant à l’administration de certaines impositions ainsi que les obligations
du contribuable et les prérogatives dévolues au fisc. En contribuant à la
clarification des régimes fiscaux, il apporte une interprétation souple aux
régimes fiscaux généraux, alors que son interprétation demeure stricte quant
aux régimes spéciaux ou spécifiques.
Premièrement, si le législateur aménage les modalités de calcul de l’impôt
et les obligations déclaratives et comptables qui incombent aux contribuables,
le juge fiscal s’attèle à expliciter les modalités d’administration de certaines
impositions ainsi que les rapports de droit existant entre le contribuable et
l’administration fiscale.
Dans le premier cas, en clarifiant les modalités de certaines impositions, le
juge fiscal explique tantôt les règles d’imposition, tantôt les critères de
soumission à certaines impositions. Dans la première hypothèse, il souligne,
qu’en matière d’imposition, les frais de déplacement générés par une société

90 Dans le cas d’espèce, le juge écrit : « Considérant que la thèse de l’État qui aboutit, pour admettre ou
non l’exemption, à distinguer suivant que la Société civile immobilière comprend parmi ses membres une ou
plusieurs sociétés de capitaux, introduit une distinction que le législateur n’a pas faite ; que le principe de
l’application littérale des dispositions claires et précises qui domine en matière fiscale commande de rejeter pareille
thèse ». Arrêt, n°146, CFJ/CAY, 23 mars 1971, Société immobilière des Assureurs réunis C/Etat du
Cameroun oriental. Voir aussi le jugement n°258/2016/ADD.TA-YDE, précité.
91 En l’espèce, le juge déclare : « Que ce texte pose le principe de la déductibilité de tous les impôts et taxes ;

que l’exception qu’il prévoit à ce principe doit donc être interprétée limitativement et ce d’autant que d’une part,
les textes fiscaux sont d’interprétation stricte, d’autre part, l’exception prévue par l’article 46 concerne notamment
la surtaxe progressive, que l’on ne saurait, sous prétexte d’analogie ou d’équivalence entre impôt progressif et
surtaxe progressive, ajouter dans la lecture du texte susvisé les mots ‘impôt général sur le revenu à ceux de
surtaxe progressive’, ni leur substituer par la pensée les mots impôts progressifs sur le revenu net global ». Arrêt
n°212, TE, 28 septembre 1962, Claude Halle C/Etat du Cameroun et arrêt n°213, TE, Claude Halle
C/Etat du Cameroun. Voir aussi : jugement n°288/2010/CA/CS, 22 septembre 2010, précité.
92 Contrairement à son homologue français où la jurisprudence fiscale sur la question abonde :

CE, 5 oct. 2005, n° 271842, Sté Artimoul, RJF 12/05, n°1359 ; CE, 6 janv. 1993, n°63844,
Rebotier et Morisot, RJF 3/93, n°363, concl. M-D. HAGELSTEEN.
93 AKONO ONBGA SEDENA, L’apport du juge administratif au droit fiscal camerounais, op.cit., p.

246.
239
dans le cadre d’une mission visant à obtenir une représentation nécessaire au
fonctionnement de ladite société, et ayant par la suite été remboursée par une
société étrangère au bénéfice d’une assistance financière, constitue une
opération imposable au sens de l’article 6 du CGI applicable en l’espèce 94.
Dans la seconde hypothèse, le juge fiscal clarifie les critères de soumission à
l’IRPP en opérant une nette distinction entre le fait générateur95 et l’exigibilité
de l’impôt96. Ainsi, il retient alors, à bon droit, que le point de départ de la
prescription est la fin de l’année à l’occasion de laquelle le revenu imposable a
été réalisé et non l’année où cet impôt est pris en compte dans le budget. Dans
ce sens, il a été jugé que l’exonération des sociétés civiles immobilières à
l’impôt sur les sociétés n’est légale qu’à condition que lesdites sociétés soient
renfermées sur leur objet et qu’elles n’adoptent pas la forme d’une société de
capitaux97. Aussi a-t-il souvent fait preuve d’originalité en clarifiant soit les
conditions de soumission à l’impôt sur les sociétés (IS), notamment les
conditions relatives à la nature des impôts contestés98, soit en explicitant les
charges qui doivent être comprises dans le bénéfice imposable des sociétés en
l’occurrence les rémunérations allouées aux associés-gérants99.
Dans le second cas, en fixant les rapports entre le fisc et le contribuable, le
juge fiscal explicite autant les obligations du fisc que celles du contribuable.
En rapport avec le fisc, il a précisé que l’obligation ou la prérogative de
rectification des omissions totales ou partielles constatées dans l’assiette, les
insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d’imposition, incombe à
l’administration fiscale et non au contribuable100. Pareillement, il a clarifié les
limitations aux pouvoirs de l’administration fiscale, tant sur la vérification que
sur les sanctions que celle-ci est à même d’infliger au contribuable, notamment
la compétence requise pour les agents vérificateurs et l’opposabilité des délais
de prescription des impositions litigieuses101. S’agissant des obligations
incombant au contribuable, il apporte des explications suffisantes à celles

94 Arrêt n°05/AP/2011/CA/CS, 30 mars 2011, Société Sidem C/Etat du Cameroun (MINFI).


95« Le fait générateur est un acte ou un fait à l’origine de la naissance d’une imposition ». Cf. Ch. De la
MARDIERE, Recours pour excès de pouvoir et contentieux administratif de l’impôt, Paris, LGDJ, 2002, p.
331.
96 Dans le cas d’espèce, le juge écrit : « Il y a lieu de distinguer la créance de l’impôt de l’exigibilité de

l’impôt : 1. Sur la créance d’impôt en matière d’impôt sur le revenu : le fait générateur de la créance fiscale étant
le plus souvent la mise à la disposition du revenu, la date où intervient cette mise à disposition détermine l’année
d’imposition et par voie de conséquence, le point de départ de la prescription. [..]. 2. Sur l’exigibilité de l’impôt,
alors que la prescription de la reprise est visée à l’article 150 du CGI, la prescription de l’exigibilité de l’impôt
est visée par l’article 290 du CGI et le délai part de la mise en recouvrement ou depuis que les poursuites
commencées contre le contribuable ont été abandonnées. M. le ministre a donc confondu l’époque de l’exigibilité de
l’impôt et celle du fait générateur de l’impôt ». Jugement n°38, CS-CA, 91/92, 30.4.1992, précité.
97 Arrêt n°94, CFJ/CAY, 70-71, 27 janvier 1970, Société Civile Immobilière de Djoungolo c/Etat du

Cameroun Oriental.
98 Arrêt n°162, CFJ/CAY, 70-71, 08 juin 1971, BICIC c/Etat du Cameroun ; arrêt n°367, TE, 22

décembre 1964, Giovanni Charles c/Etat du Cameroun ; jugement n°273/2010, 22 septembre 2010,
Kem Atud Edmond c/Etat du Cameroun.
99 Décision n°765, CCA, 26 juin 1959, Boucherie du Wouri C/Administration du Territoire.
100 Jugement n°217/2010/CA/CS, 25 août 2010, Société Amity Bank C/Etat du Cameroun

(MINFI).
101 Jugement n°42, CS/CA 79-80, 26 juin 1980, Ngakeu Pierre C/Etat du Cameroun.

240
déclaratives et comptables imputables aux contribuables. Ainsi, l’absence de
déclaration sur plusieurs années ainsi que les déclarations faites par le
contribuable en violation des délais légaux prescrits, constituent des motifs
suffisants de reprises permettant à l’administration fiscale de procéder aux
redressements102. Aussi le juge fiscal soutient-il que le défaut de comptabilité
ou la tenue d’une comptabilité irrégulière constituent des violations des
obligations comptables de la part du contribuable et susceptibles de donner à
l’administration fiscale le droit de procéder à une taxation d’office103.
Secondairement, le juge fiscal contribue à la clarification des régimes
fiscaux spéciaux ou spécifiques. Si le caractère spécifique des impositions tient
au caractère protéiforme de leurs techniques d’administration, il contribue à
expliquer les modalités d’administration de certaines impositions spécifiques
ainsi qu’à l’interprétation des normes fiscales se rapportant à l’évitement de la
double imposition.
D’abord, le juge fiscal explicite les règles de réintégration dans la masse des
revenus imposables ainsi que les règles de déductibilité ou d’inexigibilité de la
TVA. Pour la première hypothèse, le juge fiscal considère, par une
interprétation rigoureuse des dispositions du CGI, que les cadeaux
d’entreprise destinés à ses clients potentiels et actuels dans le but d’acquérir ou
de conserver des revenus ne rentrent pas dans les cas de déductibilité et
doivent, toutes sommes confondues, être réintégrés dans la masse imposable
de la taxe proportionnelle sur les revenus des capitaux mobiliers et sur l’impôt
des personnes physiques. Il en va de même de la confection des pagnes au
logo d’une société non nécessaires à l’exploitation d’une agence de voyage
ainsi que des frais de transport et de séjour exposés pour le compte de
l’assemblée générale non investis dans l’entreprise104. Dans la seconde
hypothèse, le juge fiscal rend plus intelligible les techniques d’administration
de la TVA. Pour lui, la règle du prorata général de déduction en matière de
TVA applicable aux sociétés en qualité d’assujetti partiel, dans le cadre de leurs
prestations, activités avec d’autres sociétés ou compagnies, en l’absence de la
tenue de comptabilités distinctes selon les secteurs d’activités soumis ou pas à
la TVA pour l’exercice concerné, oblige une déduction intégrale de la TVA
supportée en amont par tous les fournisseurs105. En matière de contribution
de patente, le juge fiscal explicite la règle suivant laquelle quel que soit le degré
ou le niveau de complémentarité entre deux activités, celles-ci restent et
demeurent séparées les unes des autres et imposables distinctement106. Aussi,

102 Arrêt n°149, CFJ/CAY du 25 mars 1971, Société les Boulangeries Réunies du Cameroun C/Etat du
Cameroun oriental ; décision n°162, 08 décembre 1952, Abtour Georges C/Administration du
Territoire ; décision n°515, CCA du 29 novembre 1956, Fondja Paul C/Administration du Territoire.
103 Décision n°162, 08 décembre 1952, précitée ; arrêt n°27, 27 mars 1954, Mbianda Sakeo Alfred

c/Administration du Territoire.
104 Jugement n°288/2010/CA/CAS, 22 septembre 2010, Aigle Voyage C/Etat du Cameroun

(MINFI).
105 Jugement n°85, CA-CS, 22 février 2010, Universal Sodexho C/Etat du Cameroun.
106 La jurisprudence consacre la règle selon laquelle une personne peut être exonérée de la

contribution des patentes lorsqu’elle ne mène ou ne réalise pas de manière effective une activité
241
il clarifie le régime de dissolution de la solidarité fiscale entre conjoints séparés
en individualisant l’obligation fiscale107, de même qu’il explicite les obligations
fiscales du locataire en matière de contrat de bail à construction108.
Ensuite, le juge fiscal clarifie la règle de la double imposition selon que
celle-ci se rapporte soit à la période d’imposition, soit à la matière
imposable109. Dans le premier cas, il considère que le fisc ne peut pas émettre
deux avis de mise en recouvrement pour une même imposition et pour le
même exercice fiscal; mais ne peut le faire, à condition que les impôts soient
différents ou ne portent que sur deux périodes différentes de l’exercice visé110.
Dans le second cas, le juge fiscal considère que la solidarité entre
établissements, en matière de patente, ne peut s’appliquer que dans les cas où
il existe deux établissements distincts au risque d’appliquer une double
imposition. Par conséquent, forment un même établissement, les magasins,
boutiques et en général, toutes les installations d’un immeuble faisant corps,
correspondant à la branche d’activités imposée111. Aussi souligne-t-il, en
matière de taxe sur le chiffre d’affaire, que la recherche du lieu de transfert
d’une marchandise n’est plus nécessaire si les opérations portant sur lesdites
marchandises sont considérées comme utilisées au Cameroun112 car, la
livraison desdites marchandises est suffisante pour les soumettre à cette
imposition113. Au-delà, le juge fiscal camerounais exerce son office de
construction du droit fiscal substantiel et processuel.
B. Un office de construction
L’étude de la jurisprudence camerounaise permet d’observer que le juge
fiscal joue un rôle salutaire comme juge-constructeur dans l’édification du
droit fiscal. A l’analyse de ses décisions, l’on peut constater qu’il contribue
autant à la construction des concepts fiscaux (1) qu’à celle des règles du procès
fiscal (2).
1. La construction des concepts fiscaux
L’interprétation juridictionnelle conduit le juge fiscal camerounais à
s’intéresser au droit substantif, c’est-à-dire, aux normes substantielles du droit

soumise à ce prélèvement : arrêt n°147, CFJ/CAY, 70-71, 25 mars 1971, précité ; jugement n°10,
CA-CS, 74/75 du 28 novembre 1974, précité.
107 CFJ/CAY, Arrêt n°161, 08 juin 1971, Bengono Denis C/Etat du Cameroun oriental.
108 Jugement n°52, CA/CS, 86-87, 25 juin 1987, Tchassem François C/Etat du Cameroun. Pour le

juge fiscal, le bail à construction consacre une cession temporaire du droit de propriété de
l’immeuble loué au profit du locataire. Par conséquent, le locataire assume seul pendant toute la
durée du bail, la totalité des charges fiscales et autres en rapport avec l’exploitation de l’ouvrage.
109 « La double imposition désigne la situation dans laquelle, un même revenu ou une même fortune sont imposés

deux ou plusieurs fois dans les mains d’au moins deux personnes différentes ou celle qui résulte du fait pour un
même contribuable d’être imposé au titre d’un même revenu ou d’une même fortune par plus d’un État ». Voir,
J.-L. ALBERT, J.-L. PIERRE, D. RICHER, Dictionnaire de droit fiscal et douanier, Paris, Ellipses,
coll. Dictionnaires de Droit, 2007, p. 183.
110 Jugement n°273/2010, 22 septembre 2010, Kem Atud Edmond, précité.
111 Décision n°137, 02 octobre 1952, Société commerciale Industrielle et agricole c/Administration du

territoire.
112 Jugement n°58, CS/CA, 81-82, 30 septembre 1982, précité ; jugement n°12, CS/CA, 79-80,

18 décembre 1980, précité.


113Arrêt n°131, CFJ/CAY, 27 janvier 1971, Africanto C/Etat du Cameroun oriental.

242
fiscal entant que « droit qui constitue la matière du litige »114. A ce titre, il assure la
conformité au droit de l’activité matérielle et normative du fisc, de même qu’il
garantit la compréhensibilité du contenu, de la signification et de la portée
exacte de la norme fiscale115. Ainsi, le chantier d’édification du juge fiscal est
important entant qu’il contribue non seulement à assurer l’accessibilité de la
norme fiscale, une « sous-exigence » de la sécurité juridique116 ; mais davantage
à faire respecter le principe de la légalité fiscale117. Dès lors, le juge fiscal
camerounais contribue tantôt à la construction des notions fondamentales du
droit fiscal, tantôt à celles du contentieux fiscal.
En première analyse, le juge fiscal camerounais contribue à la construction
d’un « corps de concepts » du droit fiscal en fixant les notions se rattachant à
l’établissement des impositions ou à la catégorisation des impositions. En
effet, de par son office, le juge fiscal clarifie le régime de l’imposition et celui
du recouvrement. Dans le premier cas, il pose le principe selon lequel la règle
de prorata en matière d’imposition à la TVA doit s’appliquer aux prestations
imposables soumises à un régime partiel et résultant de la tenue des
comptabilités distinctes suivant les secteurs d’activités. Ainsi, une déduction
intégrale de la TVA supportée en amont par les autres assujettis (fournisseurs
et autres sociétés) par l’assujetti partiel viole ladite règle118. Dans le second cas,
le juge fiscal donne une définition jurisprudentielle du concept de
recouvrement des droits et taxes, en ce que celui-ci doit être entendu comme
une technique qui commence par un titre de perception ou contrainte établie
par l’administration puis la notification dudit titre au contribuable119. En outre,
le juge fiscal fixe à la fois les critères de définition et de distinction des
impositions. Premièrement, au moyen des techniques ou outils de
raisonnement, il contribue à dégager les critères jurisprudentiels de définition
de la TVA et de la contribution de patente. Il a eu le mérite de qualifier la
TVA de manière sommaire comme « taxe » et de dégager le critère de la base
d’imposition ou la matière imposable soumise au régime juridique120. De
même, le juge fiscal a apporté une traduction jurisprudentielle à ces critères
normatifs, notamment en retenant deux critères de définition ou de
qualification de la patente, l’un matériel et l’autre finaliste121. Secondairement,
il dégage dans sa jurisprudence des critères de distinction de certaines

114 S. GUINCHARD, Th. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques, op.cit. p. 222.
115 AKONO ONGBA SEDENA, L’apport du juge administratif au droit fiscal camerounais, op.cit., p.
85.
116 Th. PIAZZON, La sécurité juridique en droit fiscal français, Paris, Defrénois, 2009, p. 18.
117 Ce principe signifie : « la soumission à la loi, la soumission d’un acte juridique, mais aussi d’une activité
matérielle à la norme juridique ». D. ALLAND, S. RIALS, « Légalité (principe de) », Dictionnaire de
culture juridique, Paris, PUF, coll. Grands dictionnaires, 2016, p. 917.
118 Jugement n°85/2010/CA-CS, 22 février 2010, Société Universal Sodexho Cameroun c/Etat du

Cameroun.
119 Arrêt n°81/FF/2017, 13 septembre 2017, Société Maryland Sarl c/Commune de Bafang et dame

Njonkam Anne 1er adjoint au maire de Bafang.


120 Jugement n°6, 74-75, CA/CS, 28 septembre 1974, Société les Boulangeries Réunies C/Etat du

Cameroun.
121 Pour le juge fiscal, la patente est « un impôt qui atteint l’activité qu’exerce une personne […] à des fins

lucratives ». Arrêt n°99, CFJ/CAY, 69-70, 27 janvier 1970, Safco-Safritex c/Etat du Cameroun.
243
impositions. Ainsi, par exemple, il a posé deux critères essentiels notamment,
le critère du mode de perception pour la taxe d’abattage et celui du mode
d’assiette pour la taxe sur la consommation intérieure en vue de distinguer ces
deux catégories d’impositions122.
En seconde analyse, le juge fiscal camerounais précise, très souvent, le
contenu et la portée juridique exacte des notions du contentieux fiscal. Si les
compétences et prérogatives du fisc doivent être fondées sur le caractère
obligatoire et légal de l’impôt123, en rapport avec les notions du contentieux
fiscal, il s’emploie à rendre explicite les notions y relatives, soit en rapport
direct avec la procédure, soit en rapport avec la décision du juge et ses
conséquences de droit. En rapport avec la procédure, le juge fiscal a pris le
soin de déterminer, dans certaines de ses décisions, la signification des moyens
de droit, ainsi que la définition des notions de voie de fait et d’intérêt pour
agir. D’un côté, le juge fiscal donne un contenu à la notion de moyens de
droit, notamment celui de cassation. Pour lui, « le moyen de cassation doit non
seulement indiquer de façon complète et non erronée le texte de loi ou le principe de droit
prétendument violé ou faussement appliqué et préciser le contenu, mais montrer en quoi ledit
texte ou principe a été violé ou faussement appliqué »124. Par conséquent, il a eu à
poser la règle de l’immutabilité des moyens d’annulation d’un avis de mise en
recouvrement invoqués dans la demande de sursis de paiement et non ceux
invoqués dans la première requête introductive d’instance qui portent sur le
fond du litige125. Ainsi, ne sont jugés fondés que les moyens sérieux et
pertinents, à défaut, il conclut que les moyens sont inopérants, insuffisants ou
manque de fait126. De l’autre côté, si la notion de voie de fait a un fondement
légal127 et diversement apprécié en doctrine128, le juge fiscal en a proposé une
définition satisfaisante. Pour ce dernier, la voie de fait administrative est « une

122 Décision n°449, CCA, 20 juin 1956, Société forestière industrielle du Cameroun c/Administration du
territoire ; décision n°450, CCA, 25 juin 1956, Compagnie forestière du Cameroun c/Administration du
territoire.
123 J.-L. ALBERT, J.-L. PIERRE, D. RICHER, Dictionnaire de droit fiscal et douanier, op.cit., p. 51.
124 Arrêt n°43/2017, 10 mai 2017, État du Cameroun (MINFI) C/Société Monaplast Sarl.
125 Arrêt n°74/FF/2016, 09 novembre 2016, Uacam-Vie C/Etat du Cameroun (MINFI).
126 Ibid., 38e rôle.
127 La notion de voie de fait a été formellement consacrée au Cameroun par le décret n°55/83

du 04 juin 1959 portant réforme du contentieux administratif et organisation du Tribunal


d’État. L’article 3 de ce décret dispose qu’ : « En toute matière, la juridiction administrative doit se
déclarer incompétente lorsque la cause fait apparaître que l’autorité administrative a commis une voie de fait ou
effectué une emprise ». Si l’ordonnance n°01-OF-6 du 04 octobre 1961 est muette à ce sujet, la loi
n°65-LF-29 du 19 novembre 1965 portant réforme du contentieux administratif la réhabilite en
son article 3. Seulement ni cette loi ni les autres textes régissant la juridiction administrative au
Cameroun (article 14 al. 3 de la loi n°69-LF-1 du 14 juin 1969 fixant la composition, les
conditions de saisine et la procédure devant la CFJ ; article 5 al. 2 de l’ordonnance n°72/06 du
26 août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême ; article 3 al. 2 de la loi n°2006/022 du 29
décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs) statuant
en contentieux fiscal ne donnent une définition de la voie de fait mais reconnaissent la
compétence de constatation au juge administratif et celle de cessation au juge judiciaire.
128 Pour le Professeur Henri Jacquot : « Il y a voie de fait lorsque l’administration par un acte

grossièrement illégal porte atteinte à une liberté publique ou à la propriété privée ». Cf. H. JACQUOT, « Le
contentieux administratif au Cameroun », RCD, n°7, janvier-juin, 1975, p. 29.
244
violation manifeste et irrégulière d’un droit appartenant à autrui, par un acte posé par
l’administration. Il peut s’agir aussi du non-respect par l’administration de la procédure
prévue par la loi dans l’exécution d’un acte même légal »129. De même, si l’« intérêt
pour agir »130 a souvent fait l’objet de difficulté de distinction avec la qualité, le
juge fiscal lui a conféré une connotation singulière131. Ainsi, il s’est servi des
termes « mesure » et « condition » pour qualifier l’intérêt comme une action « à
faire dire et juger » en vue d’un gain, avantage ou bénéfice.
En rapport avec la décision, le juge fiscal explicite les notions théoriques
liées soit à la motivation de la décision, soit aux implications de celle-ci,
notamment l’autorité de la chose jugée. D’un côté, il a eu à donner un contenu
aux motifs d’une décision de justice. Pour le juge fiscal de cassation, partant
d’une interprétation a contrario, une décision n’est pas motivée lorsqu’il y a
contradiction entre les moyens de droit ou de fait soulevés par le recourant et
le dispositif de la décision du juge d’appel132. Dans le même sens, une décision
n’est pas motivée lorsqu’il y a insuffisance ou défaut des bases légales au
soutien de la décision prononcée par le juge d’instance ou d’appel133. De
l’autre côté, si l’autorité de la chose jugée a toujours reposé sur la triple
identité des parties, de l’objet et de la cause134, souvent par un obiter dictum, le
juge fiscal fixe ses implications, en ce qu’elle n’anéantit pas la possibilité laissée
au fisc d’édicter un nouvel acte conforme à la réglementation ; et que, le
maintien de la part de ce dernier d’un acte annulé par devant le juge sous
prétexte que l’irrégularité avait provoqué son annulation, n’entraîne pas
nécessairement son retrait135.
Toutefois, à l’analyse, il faut relever que le juge fiscal camerounais dans
l’interprétation des concepts fiscaux fondamentaux, a souvent donné des
interprétations contestables, tant sur les faits que sur le droit. A titre
d’illustration, dans l’affaire CCC136, le juge fiscal administratif a eu, par erreur,
à faire montre d’une maîtrise approximative des notions du contentieux fiscal
et de ses règles de procédures. En effet, à la suite de la saisine de la Société
Chimique Camerounaise (CCC), après que le juge fiscal ait pourtant bien

129 Arrêt n°81/FF/2017, 13 septembre 2017, Société Maryland Sarl C/Commune de Bafang et dame
Njonkam Anne 1er adjoint au maire de Bafang. Aussi, dans l’affaire Claude Halle précitée, le juge
fiscal retient comme critère constitutif de la voie de fait, l’inexistence de l’acte, c’est-à-dire, il
faut que l’illégalité constatée par l’administration ou l’acte posé prétendument en vue du
recouvrement de l’impôt soit « insusceptible d’être rattaché à l’exercice d’un pouvoir administratif ».
130 Jugement n °3, CS /CA, 31 octobre 2003, Zintchem Baroung Nicodème C/Etat du Cameroun.
131 Arrêt n°68, CFJ/CAY, 30 septembre 1968, Société de Grands Travaux de l’Est C/Etat du

Cameroun.
132 Arrêt n°74/FF/2016, 09 novembre 2016, Uacam-Vie C/Etat du Cameroun (MINFI).
133 Judgment n°85/2016, 14 december 2016, Société Tovini Sarl and The National social Insurance

Fund (NSIF).
134 Jugement, n°83, CS-CA, 2005-2006, 16 juin 2006, Omgba Onana et autres C/Etat du Cameroun

et succession Mbarga Raphaël (intervenant volontaire) ; arrêt n°106 CFJ/CAY, Tchoumban Ngouankeu
Isaac C/Etat du Cameroun. Lire aussi l’article 1351 du Code civil.
135Affaire Claude Halle C/Etat du Cameroun, précitée.
136 Arrêt n°123/2005-2006, 27 septembre 2006, CCC c./État du Cameroun.

245
précisé la teneur d’une décision expresse ou implicite137, il va relever
maladroitement que le recouvrement de l’impôt comporte une phase
contentieuse et une phase de poursuite ; alors même qu’en réalité le
recouvrement de l’impôt comporte une phase de recouvrement à l’amiable et
une phase de recouvrement forcé. De cette grave erreur énonciative, il est clair
qu’en l’espèce, le juge fiscal a très peu rendu service au droit et aux parties en
cause138. En sus, si le juge fiscal contribue à la construction du droit fiscal
substantiel, il en fait de même pour le droit fiscal processuel.
2. La construction des règles du procès fiscal
Au-delà d’édifier des concepts fiscaux, le juge fiscal clarifie, interprète et
harmonise les règles processuelles avec la juridicité de l’impôt. Son office
consiste alors à construire les règles de la procédure fiscale, c’est-à-dire, les
modalités par lesquelles le juge fiscal est saisi, les affaires sont instruites et les
décisions sont rendues avec toutes les conséquences de droit. Si l’on part du
postulat que la procédure contentieuse implique des conditions de saisine,
d’instruction et de jugement, l’analyse de la jurisprudence fiscale camerounaise
laisse transparaître clairement que le juge fiscal fixe les règles de la recevabilité
de la demande et celles se rapportant sur le fond du recours.
Premièrement, en explicitant les règles de la recevabilité de la demande, le
juge fiscal fixe tantôt le régime du recours gracieux préalable (RGP), tantôt le
régime de sa compétence.
Dans le premier cas, en sanctionnant, en la forme, le non-respect de la
règle du recours gracieux préalable, le juge fiscal a eu l’occasion de construire
la règle selon laquelle le « recours gracieux sur recours gracieux ne vaut » et
celle du « recours gracieux implicite ». Dans la première idée, pour le juge
fiscal, en cas de deux recours gracieux à date adressés à l’auteur de l’acte, seul
le premier recours gracieux préalable introduit par le recourant tient lieu,
quand bien même l’administration fiscale a une compétence liée139. Dans la
seconde idée, le juge fiscal admet que la réponse du ministre des Finances à un
recours adressé plutôt au directeur général des impôts tient lieu de recours
gracieux préalable. Aussi, dans une affaire où l’Etat du Cameroun (MINFI)
était partie demanderesse en pourvoi, le juge a eu à confirmer, à bon droit, la
décision des premiers juges, en estimant que le fait pour le ministre des
Finances de se saisir d’office de la réclamation contentieuse adressée au
directeur général des impôts, en prenant position et en adressant une réponse

137 Pour les décisions expresses, ce délai est de 60 jours à partir de la réception de l’avis portant
notification de la décision, c’est-à-dire, l’AMR (CGI, art. L 126).
138 Voir aussi, TPI/Y, jugement n°2697/CO du 1er avril 2004, Ministère public et Babissakana

(Société prescriptor) C/Ananga, Dame Mbélé, Abouem Bien Aimé, État du Cameroun (MINFI) ; CA/Y,
arrêt confirmatif n°438/COR du 03 avril 2006.
139 En l’espèce, le juge déclare : « Considérant qu’après avoir adressé une première requête au ministre des

Finances le 9 octobre 2012, le sieur Gnetedem Germain lui a adressé une seconde requête le 11 octobre
2016 [..]; qu’en suite, il n’y a aucune base juridique sur laquelle le tribunal pourrait fonder la recevabilité du
second recours gracieux, sans violer le principe recours gracieux sur recours gracieux ne vaut ; qu’enfin, même en
supposant que l’on est dans l’hypothèse d’une compétence liée et que le délai du recours court à compter de la date
de la première requête, il y aurait encore forclusion du second recours gracieux ». Jugement n°84/2018/TA-
YDE, 13 mars 2018, précité.
246
au recourant par correspondance, ledit ministre a vidé la réclamation et lié le
contentieux juridictionnel140.
Dans le second cas, le juge fiscal admet la recevabilité des recours qui
ressortissent de sa compétence contentieuse et déboute d’irrecevabilité ceux
qui ne le sont pas. Dans la première hypothèse, en application de la règle de
« bloc de compétences » fondée sur la nature des impôts, le juge fiscal
administratif juge recevable les recours portant sur les impôts directs et
assimilés. Sur une longue expérience de compétences141, il a toujours réitéré sa
compétence en matière de contributions directes142 et de TVA143, mais se
reconnaît incompétent pour connaître du contentieux des impôts indirects et
assimilés144. En sus, c’est surtout en matière de contentieux des cotisations
sociales que ce dernier va construire un véritable régime de compétences alors
que les textes y relatifs ne lui attribuaient pas une compétence explicite145. En
ce qui le concerne, le juge fiscal judiciaire se reconnaît compétent et juge
recevable les recours portant sur les impôts indirects et assimilés146. De même,

140 Dans le présent cas, le juge écrit : « Attendu qu’en l’espèce, en se saisissant d’office de la réclamation
contentieuse adressée au directeur général des impôts et en la vidant suivant sa correspondance
n°1416/MINFI/DGI/DC/C du 25 mars 2014, le ministre des Finances a implicitement pris connaissance
de la réclamation de la requérante et lié le contentieux juridictionnel au sens des dispositions de l’article L 119
(ancien) du Code général des impôts ;que par conséquent l’irrecevabilité du recours gracieux préalable excipée par
le ministère public ne peut prospérer ». Arrêt n°43/2017, 10 mai 2017, État du Cameroun C/Société
Monaplast Sarl. Voir également : arrêt n°108/FF/2017, 08 novembre 2017, État du Cameroun
(MINFI) C/Société Genitram TP Sarl.
141 CCA, Arrêt n°324, 10 décembre 1954, Société Desrotour et Chefflanjon C/Administration du

territoire. Voir aussi, arrêts n°121 et 231 du 29 septembre 1962, Claude Halle C/Etat du Cameroun ;
CCA, décision, n°335, 15 mars 1995, Siewe André C/Administration du territoire.
142 TE, Arrêt n°264, 2 avril 1964, Girardin Antoine C/Etat du Cameroun.
143 Arrêt n°147, CFJ/CAY, 25 mars 1971, précité.
144 Ordonnance n°11/ORSE/PCA/CA-CA/87-88, 24 janvier 1987, Groupement des Exportateurs

(GEX) C/Etat du Cameroun ; jugement n°72, CS-CA, 75-76, 24 juin 1976, Les Galeries Meka
Charles C/Etat du Cameroun.
145 Arrêt, n°77, ADD, CS/CA du 22 avril 1976, Nomeny Nguissi Emile c/État du Cameroun. En

effet, une certaine interprétation de l’article 7 de la loi n°67/LF/8 du 12 juin 1967 relative à la
prévoyance sociale et de l’article 14 de l’ordonnance n°77/17, 22 mai 1973 portant organisation
de la prévoyance sociale, laissait entendre que les contestations relatives aux cotisations sociales
devaient faire l’objet d’une procédure spéciale et spécifique au contentieux de la prévoyance
sociale. Voir aussi : jugement n°113, CS-CA, 2010, 31 mars 2010, Woila Voyages C/Etat du
Cameroun ; CA/CS, 14 juin 2006, Simplicity Bookshop C/Etat du Cameroun (CNPS); CA/CS, 17
janvier 2007, Nacecr C/Etat du Cameroun (CNPS) ; arrêt n°25/2015, 10 juin 2015, CNPS C/North
West Provincial Special Fund for Health ; judgment n°85/2016, 14 december 2016, Société Tovini Sarl
and The National Social InsuranceFund (NSIF).
146 Jugement n°2697/CO, 1er avril 2004, Ministère Public et Babissakana (Société Prescriptor)

C/Ananga, dame Mbélé, Abouem Bien Aimé, État du Cameroun (MINFI) du TPI de Yaoundé ; arrêt
confirmatif n°438/COR, 03 avril 2006 de la Cour d’Appel de la même ville. Depuis le CGI de
2016, avec la suppression des articles 412 à 419 et la lecture combinée des articles L 115 et 412
nouveau, en matière de contentieux de l’imposition, la compétence exclusive est désormais celle
du juge fiscal administratif quel que soit la nature de l’impôt (direct ou indirect). Mais dans le
contentieux du recouvrement, cette compétence est toujours partagée entre le juge fiscal
administratif (poursuites particulières) et le juge fiscal judiciaire (poursuites de droit commun).
247
l’un ou l’autre sanctionne d’irrecevabilité les recours jugés sans objet ou
frappés de défaut de caution bancaire147.
Secondairement, en explicitant les règles se rapportant au fond du recours,
le juge fiscal fixe le régime probatoire applicable au contentieux fiscal ainsi que
le régime décisoire.
S’agissant de la construction du régime probatoire148, le juge fiscal, dans
une interprétation extensive, attribue soit la charge de la preuve au demandeur
ou la répartit entre le demandeur et le défenseur, soit il la confie exclusivement
au défenseur ou solidairement aux deux parties. Ainsi, il procède à une
traduction concrète et jurisprudentielle de l’adage « actori incombit probatio »149,
notamment en confiant la charge de la preuve de la légalité de l’imposition au
contribuable. En sus, il arrive même qu’il fait peser la charge de la preuve sur
l’administration150ou solidairement entre le demandeur et le défendeur151.
En ce qui concerne le régime décisoire, le juge fiscal fixe sa décision en
appréciant tantôt l’objet de la demande, tantôt en circonscrivant ledit objet.
Pour le premier aspect, il fixe la règle selon laquelle la compétence d’une
juridiction s’apprécie en fonction de l’objet de la demande et non de
l’appréciation donnée par le demandeur ou le plaideur152. De même, il
cristallise la jurisprudence suivant laquelle l’intervention de la décision au fond
sur le bien-fondé ou non d’une imposition contestée rend sans objet la
demande de sursis à paiement et caduque toute décision ordonnant ledit
sursis153. Pour le second aspect, le juge fiscal de cassation exerce son pouvoir
de substitution de bases légales154 ou de contrôle de l’application de la règle de
droit telle que faite par les premiers juges et, à travers sa décision, il assure la

147 Arrêt n°19/A, 22 février 2007, Société Specia C/Etat du Cameroun (MINDI).
148 Ch. De LA MARDIERE, La preuve en droit fiscal, op.cit., p.1.
149 Jugement n°45, 2004-2005, 08 février 2005, Société Nkuite et Cie C/Etat du Cameroun. Voir

également : arrêt n°450, CCA, 25 février 1956, Compagnie Forestière du Cameroun C/Administration
du Territoire ; arrêt n°283, CCA, 27 mars 1954, Dame Rose Taulaïgo C/Administration du Territoire ;
arrêt n°780 CCA, 22 mai 1959, Pipinis Georges C/Administration du Territoire.
150 Jugement n°312/ADD/2016/TA-YDE, 18 octobre 2016, Metindi Samuel Magloire C/Etat du

Cameroun ; CS/CA, 30 septembre 1982, Société Socada S. A. C/Etat du Cameroun. Dans une
jurisprudence ancienne, le juge fiscal administratif avait confié la charge de la preuve au fisc,
notamment en ce qui concerne la preuve de l’avertissement préalable aux pénalités susceptibles
d’être infligées à un contribuable insolvable. Arrêt n°391, TE, 23 décembre 1965, Société Henri de
Suarez d’Almeyda C/Etat du Cameroun.
151 Arrêt n°179, CFJ/CAY, 25 mars 1971, précité. Voir aussi : arrêt n°332, CCA, 10 décembre

1954, Siewe André c/Administration du Territoire ; décision n°73, CCA, 21 décembre 1951, Ali
Moukarim c/Administration du Territoire, etc.
152 Jugement n°258/2016/ADD/TA-YDE, précité.
153 Arrêt n°013/FF/2017, 08 février 2017, Société Bicec SA c/Etat du Cameroun (MINFI). Dans

cette espèce, le tribunal administratif en date du 05 novembre 2015 a alors vidé sa saisine sur le
fond du litige et a rejeté le recours en annulation de l’avis de mise en recouvrement litigieux.
Saisi du pourvoi en cassation, la Chambre administrative de la Cour suprême a conclu que la
décision de fond se substitue de plein droit à l’ordonnance attaquée ; et par conséquent, le
recours est devenu sans objet.
154 Arrêt n°21/FF/2018, 14 février 2018, Société Produits Pétroliers et Soutage Maritime du Cameroun,

op. cit.
248
bonne interprétation du droit fiscal155. Aussi, en matière d’indemnisation, le
juge fiscal fixe la règle selon laquelle le montant des dommages-intérêts
sollicités par un requérant doit être approprié et non exagéré156.
Cependant, il convient de faire une double observation : au premier niveau,
en rapportant avec la recevabilité de la demande, si le formalisme est inhérent
au contentieux fiscal157, l’on observe, de manière synoptique, que bon nombre
des recours portés devant le juge fiscal camerounais se voit opposer, sur la
forme, une fin de non-recevoir158. Toute chose qui peut conduire à préjudicier
les intérêts du contribuable. Au second niveau, en rapport avec l’équilibre du
procès, si le juge fiscal camerounais s’évertue à garantir un procès équitable à
l’égard des parties, la tendance de ses décisions est, pour beaucoup, pro
fiscum159.
Conclusion
A tout considérer, l’office du juge fiscal, au-delà de son rôle dans la
direction du procès fiscal, se greffe sur les pouvoirs dont il dispose et les
limites qui y sont attachées. D’un côté, dans sa fonction de jurisdictio, il dispose
d’importants pouvoirs sur les moyens de la demande et sur le sort de la
décision. De l’autre côté, dans sa fonction de jurislatio, il contribue à
l’édification du droit fiscal substantiel et processuel en rendant plus explicites,
intelligibles et compréhensibles les principes et régimes fiscaux, ainsi que les
notions y afférentes. Néanmoins, peuvent être trouvées parmi ses décisions,
celles discutables sur l’interprétation qu’il fait de certains concepts et de la
garantie de l’équilibre du procès fiscal.

155 Arrêt n°108/FF/2017, 08 novembre 2017, État du Cameroun (MINFI) c/ Société Genitram TP
Sarl.
156 Jugement n°17/2010/CA-CS, 8 février 2010, précité.
157 C. BAYLAC, Le formalisme du droit fiscal, précité. Notons que le formalisme est composé non

seulement des règles de forme l’« instrumentum » mais aussi de procédure, le « negotium ».
158 Si la fin de non-recevoir ou de non-valoir est un moyen de défense de nature mixte par

lequel le plaideur, sans engager le débat sur le fond en soutenant que son adversaire n’a pas
d’action et que sa demande est irrecevable (défaut d’intérêt ou de qualité, prescription,
forclusion, chose jugée), les fins de non-recevoir peuvent être soulevées à tout moment par le
juge fiscal, sans que le plaideur qui les invoque ait à faire la preuve d’un grief.
159 Le juge fiscal camerounais utilise davantage des armes « administratophiles », c’est-à-dire

favorables à l’administration en matière d’impôts directs et assimilés, notamment lorsqu’il


évoque comme argumentaire le non-respect des règles de forme et de procédure, la prescription
de l’action du contribuable et la présomption de preuve incombant au requérant. De même, en
matière des droits d’enregistrement et assimilés, le juge fiscal (judiciaire) rejette généralement la
requête pour incompétence, indépendances des procédures administratives et judiciaires en
matière de contentieux de recouvrement, absence des preuves de la part du contribuable
(caractère fictif des factures, mauvaise foi), prescription du délai de recours ou de l’action du
contribuable.
Toutefois, le juge fiscal camerounais utilise des armes « contribuablophiles », c’est-à-dire
favorables au contribuable, en l’occurrence en cas de désistement de l’administration fiscale ou
lorsque le contribuable arrive à renverser la charge de la présomption de preuve au profit du fisc
qui n’apporte pas la preuve attendue par le juge, ou encore, en cas de non-respect par le fisc des
garanties procédurales offertes au contribuable (droits du contribuable vérifié, droits de la
défense, principe d’égalité et ses composants).
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De par son pouvoir normatif et créateur, il développe ainsi
progressivement un droit jurisprudentiel fiscal. Il est alors suggéré, pour
asseoir davantage son office, que le juge fiscal fasse preuve d’audace dans la
réparation des préjudices imputables au fisc. En sus, une réflexion nourrie sur
les méthodes d’interprétation du juge fiscal ne sera pas, par ailleurs, jugée
irrecevable./-

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www.rafip.org ISSN 2510-1994 Editions Scidev Afrique

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