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AVERTISSEMENT

L’Université de Yaoundé II n’entend donner aucune approbation ou


improbation aux idées émises dans ce travail. Celles-ci doivent être considérées
comme propres à leur auteur.

i
DEDICACE

Au professeur Magloire ONDOA


Et mes filles ONDOA EBESSOUGUIE Grace
Magloire et KONGUE EBESS Praise Decrystel

ii
REMERCIEMENTS

Notre reconnaissance est portée à l’endroit de la FSJP, grâce à laquelle,


sous l’impulsion du doyen Magloire ONDOA, nous avons bénéficié d’un
Fonds d’Appui à la Finalisation de la Thèse.
Au corps enseignant précisément celui du département de Droit public
interne de la FSJP de l’Université de Yaoundé II notamment au professeur
PEKASSA NDAM Gérard, professeur ABANE ENGOLO Patrick, ainsi
qu’aux Dr MEBENGA Mathieu et AKONO ONGBA SEDENA.
Nous voulons également témoigner notre infinie reconnaissance à :
Monsieur EBESSOUGUIE Bernard Dieunedort pour tous les sacrifices
consentis en vue de l’accomplissement de ce travail ;
A madame MOUAFO Yvonne pour toute l’affection dont elle n’a
jamais cessé de nous couver ;
A mes frères et sœurs, CHOUPO Eric, TAMO Michael, NEMBOT
Austin, METENDJO Ethwige, MEIKAM Linda Félicité et NJONOGO
Chanelle pour leur indéfectible sollicitude.
A tous nos amis et amies parmi lesquels, CUSSU Jean Marc II, ATEBA
Arnold Martial, MBALLA ELOUNDOU Aimé Cristel, MBOG Ludowick,
NGONGUIBOUS Paul Suzanne, KOUAM Yanick pour leur soutien
multiforme.
Que tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce travail reçoivent
l’expression de notre profonde gratitude.

iii
ABREVIATIONS

AIJC : Annuaire international de justice constitutionnelle


AJDA : Actualité Juridique Droit Administratif
Al. : Alinéa
AMR : Avis de Mise en Recouvrement
APD : Archives de philosophie de droit
CC : Conseil Constitutionnel
CCC : Cahiers du Conseil constitutionnel
C.I.F : Code d’Intervention du FEICOM
CDBF : Conseil de Discipline Budgétaire et Financier
CE : Conseil d’Etat
CEFAM : Centre de Formation du personnel Administration Municipale
CGI : Code Général des Impôts
CRC : Chambre Régionale des comptes
Coll. : Collection
CS : Cour Suprême
CTD : Collectivité Territoriale Décentralisée
Ed. : Edition
EDLK : Les Editions le Kilimandjaro
EPU : Edition Publibook Université
FEICOM : Fond d’Equipement Intercommunal
FP : Finances Publiques
G.A.J.F. : Grands Arrêts de la Jurisprudence Financière
G.R.F. : Groupe revue fiduciaire
IS : Impôts sur les Sociétés
J.OC. : Journal officiel du Cameroun
JCP : Jurisclasseur périodique

iv
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
LOD : Loi d’Orientation de la Décentralisation
LOLF : Loi Organique relative aux Lois de Finances
LPA : Les Petites Affiches
Mel : Mélanges
N° : Numéro
OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires
Op. Cit : Opus Citum : Cité plus haut
p. : Page
pp. : Pages
PUA : Presse Universitaire d’Afrique
PUC : Presse Universitaire du Cameroun
PUF : Presse Universitaire de France
PUO : Presse Universitaire d’Ottawa
PUQ : Presse Universitaire du Québec
PUR : Presse Universitaire de Renne

PUY : Presse Universitaire de Yaoundé


R. A : Revue Administrative
RFINANCE : Revue de l’Association Française de Finance
RDP : Revue de Droit Public et de Sciences Politiques
R.I.Inter : Revue Internationale Interdisciplinaire
RASJ : Revue Africaine des Sciences Juridiques
RCD : Revue Camerounaise de Droit
RERU : Revue d’Economie Régionale et Urbaine
RESS : Revue Européenne des Sciences Sociales
RFA : Redevance Forestière Annuelle
RFAP : Revue Française d’Administration Publique

v
RFD : Revue Française de la Décentralisation
RFDA : Revue Française de Droit Administratif
RFFP : Revue Française de Finance Publique
RGCT : Revue Générale des Collectivités Territoriales
RGFP : Revue de Gestion Financière Publique
RHDFE : Revue Historique de Droit Français et Etranger
RIDC : Revue Internationale de Droit Comparé
RIDE : Revue Internationale de Droit Economique
RISF : Revue Internationale des Services Financiers
RIVCP : Revue Internationale de Vérification des Comptes Publics
RMAD : Revue Marocaine d’Audit et de Développement
RMFPE : Revue Marocaine de Finance Publique et d’Economie
RSF : Revue de Science Financière
RT : Revue du Trésor
RTDAE : Revue Trimestrielle de Droit et des Activités Economiques
SEM : Société d’Economie Mixte
ss. : Suivant
t. : tome
T.A. : Tribunal Administratif
TDL : Taxe de Développement Locale
Th. : Thèse
Th.3 C. : Thèse 3éme Cycle
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée
UCAC : Université Catholique d’Afrique Centrale
V. : Voir
VSFE : Vérification de la Situation Fiscale Ensemble

vi
RESUME

L’autonomie financière demeure une constante préoccupation des


juristes qui appelle deux observations. La première est relative à la
configuration de l’importance que revêt l’autonomie financière lorsqu’elle est
conférée à un organisme public tel que les CTD. La seconde est la permanence
de l’absence d’un consensus sur la définition de l’autonomie financière, ou tout
au moins, sur le contenu qu’il faudrait lui accorder. Notion obscure, vague et
envahissante, mot magique sont autant de caractéristiques qui rendent compte
de la difficulté des auteurs à s’accorder sur sa définition ; chacun lui attribue
une signification particulière selon les applications qu’elle reçoit dans la
pratique quotidienne. C’est une notion en perpétuelle formation et reformation,
un processus dont les résultats ne sont pas encore connus au Cameroun. La
réflexion sur l’exercice de l’autonomie financière permet de déceler dans la loi
de la décentralisation de 2004 et de la loi de 2009 deux considérations qui
confirment l’idée de sa validité. Il s’agit du pouvoir de gestion du patrimoine
financier local à travers la constitution du budget local, son exécution, son
contrôle et l’attribution d’une quantité conséquente de ressources fiscales et
non fiscales.
Le transfert des compétences requiert en outre les moyens d’exercice
principaux que sont le principe de libre administration et le principe de
subsidiarité d’une part ; le moyen d’exercice secondaire à savoir le principe de
la liberté contractuelle nécessaire à la gestion du patrimoine local d’autre part.
En matière de ressource fiscale cependant, si la définition de la matière
imposable est de l’entière compétence du législateur, il appartient au Conseil
communal de déterminer l’assiette de son imposition, c’est-à-dire la base
d’imposition restreinte de la Collectivité. Les ressources non fiscales
notamment les subventions et les dotations, qualifiées de définitives sont aussi
des moyens de garantie de la validité d’une autonomie financière des CTD au
Cameroun.
A l’aune de ces différents moyens, force est de constater que le
constituant camerounais a fait le choix d’une approche souple de l’autonomie
financière des CTD.

vii
ABSTRACT

Financial autonomy remains a constant concern of lawyers which calls


for two comments. The first relates to the importance of financial autonomy
when it is given to a public body such as local decentralised communities. The
second one is the recurrent lack of accordance to define financial autonomy, or
at least, on the content that it deserves. This is a strange notion, vague,
pervasive and even a magic word which are much features justifying why
authors find it difficult to agree on its definition, as it is given a particular
meaning according to daily practices. It is a concept in perpetual formation and
reformation, a process whose results are not yet known in Cameroon.
Therefore, brainstorming on the performance of financial autonomy enables to
find out in the laws of decentralisation of 2004 and 2009, two considerations
which support the idea of its validity. It is about the management power of
local financial heritage through local budget, its execution, its control and the
allocation of a substantial amount of tax and non-tax resources.
The transfer of skills also requires major resources such as the principle
of free administration and the principle of subsidiary on the one hand, the
contingency plan like the principle of contractual freedom needed to manage
local heritage on the other hand. In matters of tax revenues however, if the
definition of the taxation matter is the entire jurisdiction of the legislature, it is
up to the municipal Council to fix of its taxation, meaning, the taxation basis
for the restricted community. Non-tax revenues including subsidies and grants
known as definitive ones, are also means to guarantee the validity of financial
autonomy of local decentralised communities in Cameroon.
In the light of these various means, it is clear that the Cameroon
constituent has opted for a flexible approach of the financial autonomy of local
decentralised communities.

viii
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE ....................................................................... 1
PARTIE I : LE TRANSFERT PAR L’ETAT DES POUVOIRS DE
GESTION DES FINANCES AUX COLLECTIVITES LOCALES .............. 81
TITRE I : LA CONCESSION DE LA GESTION BUDGETAIRE LOCALE
AUX CTD ......................................................................................................... 85
CHAPITRE I : L’ATTRIBUTION DES LIBERTES BUDGETAIRES ........ 87
CHAPITRE II : LA CONTRIBUTION DES CTD AU CONTROLE DES
ACTES FINANCIERS LOCAUX ..................................................................149
TITRE II : L’ATTRIBUTION AUX CTD PAR L’ETAT DES POUVOIRS
DE GESTION DU PATRIMOINE FINANCIER LOCAL ...........................204
CHAPITRE I : LE TRANSFERT ET LA REPARTITION DES
COMPETENCES ............................................................................................207
CHAPITRE II : L‘AUTORITE DES ELUS LOCAUX DANS LA GESTION
DU PATRIMOINE FINANCIER LOCAL ....................................................278
PARTIE II : L’ATTRIBUTION PAR L’ETAT DES RESSOURCES
FINANCIERES AUX CTD............................................................................363
TITRE I : L’ATTRIBUTION D’UN POUVOIR FISCALE DERIVE .........368
CHAPITRE I : LA CONSTITUTION DE L’ASSIETTE FISCALE LOCALE
PAR LES CTD ................................................................................................372
CHAPITRE II : LA CONTRIBUTION DES CTD AUX
PRELEVEMENTS ET A LA GESTION DES IMPOTS LOCAUX ............438
TITRE II : LE TRANSFERT DES RESSOURCES NON FISCALES ........484
CHAPITRE I : LES RESSOURCES NON FISCALES DEFINITIVES......487
CHAPITRE II : L’EMPRUNT, UN MOYEN D’AMELIORATION DES
RESSOURCES FINANCIERES DES COLLECTIVITES ...........................529
CONCLUSION GENERALE .........................................................................566
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE .................................................................574
ANNEXES .......................................................................................................615
TABLE DES MATIERES ..............................................................................748

ix
INTRODUCTION GENERALE

1
Mener une étude sur la formation de l’autonomie financière des
Collectivités locales n’est pas une entreprise aisée1. En effet, malgré
l’abondante littérature, même lorsqu’elle est inscrite dans les textes2, la notion
d’autonomie financière n’est pas clairement définie. C’est pourquoi, pour
certains auteurs, l’autonomie financière est une notion obscure3, peu élucidée en
droit4. Elle n’est guère rassurante5. Robert HERTZOG souligne à ce propos

1
Plusieurs auteurs de Droit public, administrativistes ou financiers, utilisent ce mot devenu
magique, exaltent cette prestigieuse autonomie financière, en subliment les avantages pour les
Collectivités territoriales. Certains poussent d’ailleurs le paradoxe jusqu'à reconnaître son
importance capitale, tout en voyant en elle, une notion qui se fonde dans les mots qui
l’expriment ou encore en la considérant comme une « enveloppe vide » Certains auteurs la
présentent comme une condition de la décentralisation, territoriale ou fonctionnelle. LOÏC
(P.), « l’autonomie financière des Collectivités territoriales », les Cahiers du Conseil
constitutionnel, n° 12/2000, op. cit., p. 963. Georges VEDEL et Pierre DELVOVE l’érigent en
« condition très importante d’une décentralisation concrète » VEDEL (G.), DELVOVE (P.),
Droit administratif, 12è édition, 1992, t. II, p. 357. Pendant que LACHAUME (J.F.), en fait une
« notion indissociable de la décentralisation par services » J.-F. LACHAUME, Grands Services
publics, 1989, p. 170.Les définitions proposées sont variées et leur diversité montre que leur
détermination reste toujours vague, qu’il y a entre elles des contradictions et que l’autonomie
financière des Collectivités territoriales est souvent employée dans plusieurs acceptions avec
une portée variable. Cela ne doit pas surprendre. L’infinie diversité du contenu varie suivant les
époques et les espaces. Elle démontre également l’inaptitude du droit à tirer au clair le concept
d’autonomie financière des Collectivités. MAITROT (C.), « La notion …», op. cit., p. 119.
François Labie utilise la notion coquille vide. LABIE (F.), Finances Locales (cours), Paris,
Dalloz, 1995, p. 5.
2
Dans cette perspective, la plupart des Etats ont gravé dans le marbre de la Constitution ou de
la loi les principes de libre administration et d’autonomie financière des Collectivités locales.
En Europe, par exemple, à travers la Charte de l’autonomie locale au sein du Conseil de
l’Europe en vigueur depuis le 1er septembre 1988, les pays membres ont adopté des normes
communes en matière de libertés locales, dans le respect de leur diversité2. Dans son article 3,
la Charte définit l’autonomie locale comme le droit et la capacité pour les Collectivités locales
de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs
populations, une part importante des affaires publiques. Quant à l’article 9, il détermine les
conditions de l’autonomie financière des Collectivités locales en précisant que les Collectivités
locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres
suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences ; les
ressources financières des Collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences
prévues par la Constitution ou par la loi ; une partie au moins des ressources financières des
Collectivités locales doit provenir des redevances et d’impôts locaux dont elles ont le pouvoir
de fixer le taux, dans les limites de la loi ».
3
DANTOMEL (N.), Droit des Collectivités territoriales, Paris, lexifac Droit, 3eme éd., 2007,
p. 188.
4
HOND (J. T.), « Les ressources financières dans un système décentralisé. Mobilisation des
impôts et taxes, partage et dépense des revenus, sources du budget local De l’autonomie
2
que : « si l’autonomie financière constitue un objectif politique faisant
consensus, elle devient insaisissable et pétrie de contradictions dès qu’on veut
l’enfermer dans une définition juridique apte à produire des effets normatifs »6.
En effet, lorsqu’on cherche à définir le terme autonomie financière, on a
l’impression qu’on s’aventure dans un « sable mouvant » ou d’utiliser « une
formule caoutchouc »7. Et l’emploi qui en est ainsi fait 8, n’est pas un élément
de précision et n’éclaire guère celui qui s’interroge sur le sens qu’il faut prêter à
cette notion. Elle peut néanmoins s’entendre, en première approximation,
comme étant la situation d’une Collectivité locale disposant d’un pouvoir
propre de décision et de gestion de ses recettes et de ses dépenses, regroupées
en un budget, nécessaire pour l’exercice de ses compétences9.
Une autre approche plus sociologique considère que l’autonomie
financière est une notion mort née, donc inexistante10. Elle tient pour argument,

financière des Collectivités territoriales décentralisées : L’expérience du Cameroun »,


CAFRAD, Tanger (Maroc) 27 – 29 Janvier 2014.
5
Certes l’expression fait aujourd’hui recette, « il n’est point d’Etat qui ne la proclame et s’en
réclame pour ses Collectivités territoriales, hommes politiques qui insèrent sa réalisation au
nombre de performance dont son pays doit s’en orgueillir » MAITROT (C.), « La notion
d’autonomie financière », thèse, Université de Paris, 1984, p.
6
HERTZOG (R.), « L’ambiguë constitutionnalisation des finances locales » , Actualité
juridique – droit administratif, mars 2003, p. 548.
7
DANTOMEL (N.), Droit des Collectivités territoriales, op. cit.,
8
Même si cet usage « sauvage » représente un apport positif dans la mesure où il permet de
comprendre l’évolution de la notion en la remplaçant dans son cadre politique, économique,
voire philosophique.
9
V. DUSSART (V.), L’autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, Paris, Cnrs
Editions, 2000, p. 12 et 13.
10
La notion existence s’accommode de celle de validité, en ce sens, la notion de validité
désigne le mode d’existence spécifique des normes. Cette définition ne saurait être interprétée
de façon absolue, car elle tient son orientation d’une conception pure du droit et ignore les
influences de philosophie ou de sociologie du Droit. D’après cette dernière, l’existence tient de
l’effectivité de la règle de droit. Car l’effectivité comme l’ineffectivité est un phénomène
sociologique. Il est parfois donné à la règle de droit de n’exister que sur le papier, et d’être
conceptuel sans avoir jamais été matérielle. C’est de cette idée que vient l’expression
impuissance de la loi que Jean CRUET avait popularisé. Pour les positivistes, l’effectivité de la
loi qui consacre une liberté d’agir se situe non pas dans l’action mais dans la liberté elle-même,
une telle loi a toujours d’ailleurs, une effectivité visible par son influence psychologique,
psychothérapique. C’est comme une fenêtre ouverte : même si l’on n’a pas la tentation de
s’évader, on respire mieux. Par-dessus toutes ces controverses, sur l’approche de l’existence,
3
l’irréfragable principe de l’indivisibilité et de l’unité11 et un argument politique
celui de l’idéologie de la construction de l’unité nationale12.
En effet, cette notion d’autonomie financière présente une double face :
elle désigne d’abord une compétence juridique, c’est-à-dire la capacité à
produire des normes en matière financière. Elle suppose donc un pouvoir de
décision en matière de ressources et de charges. Mais elle renvoie ensuite à une
capacité d’action économique, c’est-à-dire aux conditions effectives d’exercice
par les Collectivités locales de leur pouvoir de décision en matière de
ressources et de charges. En somme, il s’agit de la maîtrise par celles-ci de leurs
choix financiers. Selon André ROUX, « (…) L’autonomie financière revêt une
double dimension. En premier lieu, c’est la reconnaissance d’une capacité
juridique de décision qui, en matière de recettes, implique un véritable pouvoir
fiscal, le pouvoir de créer et de lever l’impôt et, qui en matière de dépenses
implique la liberté de décider d’affecter les ressources à telle ou telle dépense.
En second lieu, c’est la possibilité pour les Collectivités régionales ou locales
d’assurer le financement de leurs dépenses par des ressources propres en
volume suffisant »13.

il s’agira non de s’étendre sur les théories fondatrices de la décentralisation mais de présenter
les éléments qui justifieraient qu’on puisse affirmer l’existence de ce principe au Cameroun.
11
La notion d’indivisibilité suivant une approche doctrinale implique trois conséquences :
l’unité de législation, l’unité administrative du territoire et l’indivisibilité de la souveraineté.
LUCHAIRE (F.), « Les évolutions du principe de l’indivisibilité de la république », in Le
Conseil constitutionnel, Tome III, Paris, Economica, 2éme éd., 1999, p. 6.
12
« L’idéologie de la construction nationale est une idéologie de mobilisation des énergies
physiques, de captation de l’imagination et des pulsions effectives des populations. Elle vise à
mobiliser (l’activité de) celle-ci sur des thèmes ayant une portée globalisante, totalisante ; à
façonner une conscience collective nouvelle marquée par le désir de vivre en commun et la
volonté de combler son aspiration au bien-être matériel » KAMTO (M.), Pouvoir et droit en
Afrique noire, essai sur le constitutionnalisme dans les Etats d’Afrique noire francophone,
L.G.D.J., bibliothèque africaine et malgache, 1987, p. 546.
13
ROUX (A.), « L’autonomie financière des Collectivités locales en Europe », Rapport
introductif, Annuaire international de justice constitutionnelle, 2006, p. 499.
4
Toutefois, l’autonomie financière ne peut assurément être étudiée en
dehors de l’Etat. Elle prend en compte les institutions14 et principes dans la
gestion de l’Etat15, et progresse avec le recul des mécanismes autoritaires16 de
gestion de l’Etat. C’est ce qui amène Jacques CHEVALLIER à parler d’une
« extraordinaire révolution démocratique »17. Celle-ci a marqué la fin du XXe
siècle et monopolisé ces dernières années les réflexions constitutionnelles au
niveau national et local en Afrique18 en général et au Cameroun en particulier19.

14
Lire de manière générale sur les institutions : DE FORGES (J.-M.), Les institutions
administratives françaises, Paris, PUF, 400 p. ; GOHIN (O.), Institutions administratives, Paris,
LGDJ, Octobre 1992, 591p. ; GUETTIER (Ch.), Institutions administratives, Paris, D., 4è éd.,
2008, 739 p. ; SERRAND (P.), Manuel d’institutions administratives françaises, Paris, PUF,
2002, 323 p. Pour ce qu’il en est spécifiquement des institutions camerounaises, on peut lire
entre autres : NGONGO (L.), Histoire des institutions et des faits sociaux du Cameroun, T. I,
1884-1945, Paris, Berger-Levrault, 1987, 232 p. ; AMAMA (B.), (dir.) 20 propos sur
l’administration publique camerounaise, Préface de René ZENGUELE, 2003, 173 p. ; NLEP
(R. G.), L’administration publique Camerounaise : Contribution à l’étude des systèmes
africains d’administration publique, Paris, LGDJ, 1986, 405 p.
15
MENTHON (H.L.), « La construction des enjeux locaux dans le débat constitutionnel au
Cameroun », in Fondation Friedrich-Ebert au Cameroun. La reforme constitutionnelle du 18
janvier 1996 au Cameroun. Aspect juridiques et politiques, Yaoundé, 1996, pp. 146-181 ;
ONDOA (M.), « La constitution duale : recherche sur les dispositions constitutionnelles
transitoires au Cameroun », RASJ, Yaoundé, vol. I, 2000, pp. 20-56.
16
Au nombre de ceux-ci, on peut compter la concentration des pouvoirs entre les mains d’un
individu/du président de la République (Kamto, 1987 « Le chef de l’Etat détient le pouvoir et la
compétence originelle), la fermeture de l’espace politique aux citoyens, KAMTO (M.), Droit
administratif processuel, que faire en cas de litige avec l’administration ? col, Science
juridique et politique, PUC, Yaoundé, 1990, 256 p.)
17
Il y a 200 ans s’opérait un double renversement : le 1er est politique, les révolutions
Américaine de 1776 et française de 1789 posent les fondations de nos deux modèles de
démocratie. La modernité politique en gestation depuis Machiavel et Hobbes accouche de son
produit. L’Etat de droit forme moderne de la démocratie… V. CHEVALIER(J), Le service
public, PUF., coll. Que sais-je, 1994.
18
Il s’agit des auteurs tels que : OSMAN (F.), « Un nouveau champ d’exploration pour le droit
international privé : la coopération transfrontalière entre Collectivités publiques
infraétatiques », RCDIP, juillet-septembre, 1997, pp. 403-445 ; NACH MBACK (C.),
Démocratisation et décentralisation. Genèse et dynamiques comparées des processus de
décentralisation en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala/ PDM, 2003.
19
Il s’agit des auteurs tels que : ATANGANA MVOGO (F.G.), «Enjeux et signification
politique du régionalisme constitutionnel au Cameroun. Réflexion sur un investissement
politique », juris périodique, 53, janvier-mars 2003, pp.95-105 ; GUIMDO DONGMO (B.R.),
« Les bases constitutionnelles de la décentralisation au Cameroun. Contribution à l’émergence
d’un droit constitutionnel des Collectivités territoriales décentralisées », R.G.D.Q., t. 29, 1998,
pp. 79-100 ; MENTHONG (H.-L.), « La question locale dans le débat constitutionnel au
5
En effet, en Afrique noire francophone, les nouvelles Constitutions
(Cameroun20, Gabon21, Sénégal22, Côte d’ivoire23) issues pour la plupart des
transitions démocratiques, en rupture avec le centralisme ou la décentralisation
autoritaire naguère en vigueur, consacrent presque toutes le principe de la libre
administration des Collectivités locales24, plutôt que celui de la
25
décentralisation, plus réducteur .
La consécration juridique de l’autonomie financière des Collectivités
locales permet ainsi de réfuter la thèse de l’inexistence de celle-ci au profit
d’une mise en œuvre progressive, c’est ce qui justifie l’intitulé de ce travail, la
formation de l’autonomie financière des CTD au Cameroun.
Cette consécration juridique de l’autonomie financière des Collectivités
locales s’explique par plusieurs raisons. D’abord, l’échec des stratégies de

Cameroun : chasse croisée entre unité et pluralisme », Afrique et développement, vol. XXIII,
1998, pp. 5-40 ; OLINGA (A.D.), « Décentralisation : deuxième révolution pacifique de l’Etat
camerounais ? », L’Equatorial, Yaoundé, juillet 2004, pp. 3-4.
20
. Au Cameroun, plusieurs années après la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996
consacrant la forme unitaire et décentralisée de l’Etat, le législateur a voté le 22 juillet 2004
trois lois : la loi n° 2004/017 portant orientation de la décentralisation, la loi n°2004/018 fixant
les règles applicables aux communes et la loi n° 2004/019 fixant les règles applicables aux
régions. L’article 55 de la Constitution dispose que les Collectivités territoriales jouissent de
l’autonomie financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux.
21
Le Gabon n’est pas en reste, le législateur ayant adopté le 6 juin 1996 la loi organique n°
15/96 relative à la décentralisation. L’article 3 de la loi organique du 6 juin 1996 relative à la
décentralisation définit la Collectivité locale comme une personne morale de droit public
distincte de l’Etat, dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.
22
Au Sénégal, pays de longue tradition démocratique et décentralisatrice, la loi n° 96-06
portant code des Collectivités locales a été adoptée le 5 février 1996. L’article premier de la loi
n° 96-06 portant code des Collectivités locales affirme, dans le même sens, que la région, la
commune et la communauté rurale sont dotées de la personnalité morale et de l’autonomie
financière.
23
En Côte d’ivoire, est intervenue la loi du 26 septembre 2003 portant régime financier, fiscal
et domanial des Collectivités locales. La loi du 26 décembre 2003 portant régime financier,
fiscal et domanial en Côte d’ivoire ne consacre pas expressément l’autonomie financière des
Collectivités locales.
24
8 Voir notamment l’article 102 de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 ; l’article 55
de la constitution camerounaise du 2 juin 1972 ; l’article 119 de la Constitution ivoirienne du
1er août 2000 et l’article 112 de la constitution gabonaise du 26 mars 1991.
25
Alors que la décentralisation est un principe d’organisation administrative qui s’analyse
comme une concession faite par l’Etat à une Collectivité inférieure, la libre administration est,
quant à elle, un droit fondamental reconnu à un groupement humain.
6
développement axées sur l’interventionnisme étatique et la crise des finances
publiques ont eu pour conséquence le discrédit du gouvernement central En
effet, en Afrique noire francophone, les nouvelles Constitutions
(Cameroun26, Gabon27, Sénégal28, Côte d’ivoire29) issues pour la plupart des
transitions démocratiques, en rupture avec le centralisme ou la décentralisation
autoritaire naguère en vigueur, consacrent presque toutes le principe de la libre
administration des Collectivités locales30, plutôt que celui de la
décentralisation, plus réducteur31.
La consécration juridique de l’autonomie financière des Collectivités
locales permet ainsi de réfuter la thèse de l’inexistence de celle-ci au profit
d’une mise en œuvre progressive, c’est ce qui justifie l’intitulé de ce travail, la
formation de l’autonomie financière des CTD au Cameroun.
Cette consécration juridique de l’autonomie financière des Collectivités
locales s’explique par plusieurs raisons. D’abord, l’échec des stratégies de

26
. Au Cameroun, plusieurs années après la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996
consacrant la forme unitaire et décentralisée de l’Etat, le législateur a voté le 22 juillet 2004
trois lois : la loi n° 2004/017 portant orientation de la décentralisation, la loi n°2004/018 fixant
les règles applicables aux communes et la loi n° 2004/019 fixant les règles applicables aux
régions. L’article 55 de la Constitution dispose que les Collectivités territoriales jouissent de
l’autonomie financière pour la gestion des intérêts régionaux et locaux.
27
Le Gabon n’est pas en reste, le législateur ayant adopté le 6 juin 1996 la loi organique n°
15/96 relative à la décentralisation. L’article 3 de la loi organique du 6 juin 1996 relative à la
décentralisation définit la Collectivité locale comme une personne morale de droit public
distincte de l’Etat, dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.
28
Au Sénégal, pays de longue tradition démocratique et décentralisatrice, la loi n° 96-06
portant code des Collectivités locales a été adoptée le 5 février 1996. L’article premier de la loi
n° 96-06 portant code des Collectivités locales affirme, dans le même sens, que la région, la
commune et la communauté rurale sont dotées de la personnalité morale et de l’autonomie
financière.
29
En Côte d’ivoire, est intervenue la loi du 26 septembre 2003 portant régime financier, fiscal
et domanial des Collectivités locales. La loi du 26 décembre 2003 portant régime financier,
fiscal et domanial en Côte d’ivoire ne consacre pas expressément l’autonomie financière des
Collectivités locales.
30
8 Voir notamment l’article 102 de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 ; l’article 55
de la constitution camerounaise du 2 juin 1972 ; l’article 119 de la Constitution ivoirienne du
1er août 2000 et l’article 112 de la constitution gabonaise du 26 mars 1991.
31
Alors que la décentralisation est un principe d’organisation administrative qui s’analyse
comme une concession faite par l’Etat à une Collectivité inférieure, la libre administration est,
quant à elle, un droit fondamental reconnu à un groupement humain.
7
développement axées sur l’interventionnisme étatique et la crise des finances
publiques ont eu pour conséquence le discrédit du gouvernement central. D’où
la nécessité d’une réforme de l’Etat impliquant une meilleure répartition du
pouvoir entre le centre et la périphérie afin de mieux prendre en compte les
aspirations des populations et créer les conditions d’une véritable démocratie
locale confortée par une meilleure gouvernance32. Ensuite, les bailleurs de
fonds font de l’autonomie locale une conditionnalité de leur politique d’aide
aux pays en développement33.
C’est pourquoi notre intérêt sera porté sur l’existence, l’effectivité et
l’évolution de l’autonomie financière des Collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun34. Il s’agira également d’envisager le statut
juridique du local dans l’Etat unitaire, tant il est vrai que pour certains35, le
véritable problème des finances locales repose sur les limites de la liberté
d’autorisation des assemblées délibérantes. Le dépassement de celles-ci (ces
limites) apparaît alors comme une condition sine qua non de la décentralisation
effective et comme une conséquence de celle-ci. Pour en rendre compte, il nous
semble nécessaire de définir au préalable le cadre de l’étude (section I) avant
de clarifier son objet (section II).
Section I : Le cadre de l’étude
L’obligation qui pèse sur le doctorant d’indiquer le cadre de son travail
et la méthode suivie ou appliquée à celui-ci est impérieuse. La présente

32
V. DU BOIS DE GAUDUSSON (J.), « La décentralisation menacée par la (bonne)
gouvernance ? Interrogations sur de récents rapports de la Banque mondiale à partir du cas
africain », in Mélanges en l’honneur de Franck MODERNE, Paris, Dalloz, p. 995.
33
Ainsi la Banque mondiale, dans son rapport sur le développement dans le monde de 1997 et
dans son rapport 1999-2000 consacré au « développement au seuil du XXIe siècle », fait de la
décentralisation un des axes de sa politique.
34
Il s’agira de justifier le choix du titre autonomie et non indépendance au regard des principes
constitutionnels camerounais. Ceci parce que l’autonomie en général et l’autonomie financière
en particulier existent dans la mesure où on la meuble.
35
BOULET (M.), Les Collectivités territoriales françaises dans le processus d'intégration ...
Paris, Harmattan, p. 56.

8
recherche n’y faillira point. Mais cette exigence méthodologique se justifie ici
par d’autres raisons qui se rattachent à l’intitulé du thème de réflexion : « La
formation de l’autonomie financière des Collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun » Il fait appel aux notions « d’autonomie » et
« d’autonomie financière ». Celles de « Collectivités locales » ou
« Collectivités territoriales décentralisées » aussi, mais avec une difficulté
relative à son approche au Cameroun. Dans ce contexte, la nécessité s’impose
non seulement de déterminer les fondations de l’œuvre menée, mais encore de
tracer le chemin à suivre ou suivi afin d’atteindre les résultats au moins
relativement fiables.
Le cadre de la recherche se présente sous une triple dimension
contextuelle (paragraphe I), conceptuelle (paragraphe II) et géographique
(paragraphe III). Dans ces différents cas, il s’agit de situer le thème de réflexion
afin d’éviter les débordements vers lesquels il peut être entrainé.
Paragraphe I : Le contexte de l’étude
L’intérêt de l’étude du contexte se justifie en ce qu’il permet de voir et
même de percevoir les conditions, les concordances dans lesquelles se meut le
sujet objet de notre étude. Aussi, pour une vision éclairée, nous procéderons
par la présentation successive du contexte historique (A), du contexte politique
(B) et du contexte économique (C).
A)- Le contexte historique
Le contexte historique de l’autonomie financière ne peut se dénouer de
celui de la décentralisation. Celle-ci prend corps au Moyen-Âge à l’aube de la
formation des Etats occidentaux avant d’être reçue dans l’Etat moderne et
transmis aux colonies qui poursuivront sa métamorphose en fonction des
contextes étatiques.
1- Les origines : du Moyen-ge à l’Etat moderne de la décentralisation
Elles sont médiates et immédiates. C’est du Moyen-Âge à l’Etat
moderne.
9
Au plan de l’organisation administrative, dès le 13e siècle, ce sont les
prévôts et les bayles qui sont superposés aux Sénéchaux et aux Baillis, puis aux
gouverneurs de provinces au 14e siècle. C’est la consécration de la primauté, la
prééminence de la compétence des autorités locales et ecclésiastiques, alors que
la compétence accessoire est dévolue au Roi36.
La monarchie absolue quant à elle est marquée par l’affirmation du
pouvoir politique central. A partir de la seconde moitié du 15e siècle, et surtout
grâce à l’action de Louis XI, la liaison entre le système fiscal et le pouvoir
politique se vérifie37.

Dès 1630, un intendant est placé à la tête des généralités, et est


l’administrateur régional par excellence. Fondée sur la collégialité, la gestion
classique du Royaume selon les formes judiciaires38 est réalisée par les officiers
du Roi placés sous l’autorité du Chancelier, premier personnage du Conseil du
Roi. Mais la royauté respecte le privilège d’auto-administration de plusieurs
provinces qui conservent leurs Etats provinciaux et développent au 18e siècle
leurs compétences administratives dans un esprit de collaboration à la gestion
administrative étatique. La création par Louis XVI des Assemblées provinciales
généralisera la coexistence entre l’auto administration provinciale et l’intendant
du Roi dont les compétences sont dorénavant réduites.

La constituante détruit les provinces au nom de l’unité nationale.


L’uniformisation et la hiérarchisation de la carte administrative suppriment
celle de l’ancien régime, et c’est aux corps administratifs locaux élus qu’est

36
REGOURD (S.), « De la décentralisation dans ses rapports avec la démocratie, genèse d’une
problématique », RDP, 1990, p. 977.
37
Ibid., p. 978.
38
DE PANSEY (H.), De l‘autorité judiciaire dans les gouvernements monarchiques, chapitre
XXVII, 1818, cité par PACTEAU (B.) dans « vicissitude et vérification … ? De l’adage « juger
‘administration, c’est administrer » in Mélange Franck MODERNE, Paris, Dalloz, 2004, pp.
317-326.
10
confié l’essentiel de l’administration, bien que le Roi soit en théorie toujours le
chef de l’administration39. L’exécutif n’a aucune emprise sur les corps
administratifs locaux, car il est privé de tout relais local.

Sous le Directoire40, un commissaire du Directoire est nommé auprès


des corps municipaux. On revient alors au système de centralisation. En créant
un pouvoir gouvernemental monarchique, Napoléon domine l’administration et
le concept d’élection disparaît au profit de celui de nomination du Conseiller
d’Etat jusqu’au Conseiller municipal.

La Constitution du 5 fructidor An III (22 août 1795) et le décret du


7 septembre 1795, rétablit trois niveaux d’administration que sont le
département, l’arrondissement et la commune, dans lesquelles l’action du
pouvoir central s’exerce par un agent unique qui est le Préfet, le sous-Préfet ou
le Maire. De l’auto administration à la subordination au pouvoir central,
l’administration évolue de manière différente dans l’Etat moderne.
Les fondements de la décentralisation administrative se perçoivent sous
deux angles, il s’agit de la conception politique suivant laquelle les principes
mis en œuvre visent la promotion de la démocratie locale et la conception
technique considérée comme une technique d’administration.

Dans le cadre français, la Révolution de 1789 marque la rupture dans la


mesure où le pouvoir politique se fonde sur une nouvelle légitimité. La
souveraineté nationale et le droit de suffrage des années 1830 41 marquent la

39
HOUTEER (C.), « Révolution et Décentralisation : légendes et réalités », Les Petites Affiches
n° 12 et 15, respectivement 27 janvier et 3 février 1989, p. 25.
40
Constitution du 5 fructidor An III (22 août 1795) et le décret du 7 septembre 1795.
41
La Monarchie de Juillet institue l'élection des Conseillers municipaux pour six ans (loi du 21
mars 1831) et de la même manière des Conseillers régionaux (loi du 22 juin 1833). La
personnalité civile des communes est reconnue par la loi municipale du 18 juillet 1837, laquelle
lui permet de « régler par ses délibérations » la gestion des biens communaux, tandis que la loi
du 10 mai 1838 reconnaît implicitement celle des départements, tout en leur conférant la libre
11
résurgence du principe électif des Conseillers municipaux, des Conseillers
régionaux et ceux des arrondissements42. A partir de 187143, le Préfet est
contrôlé par une commission départementale élue par le Conseil général, qui
règle la plupart des affaires départementales. Il en est de même du Maire qui,
élu, règle les affaires locales. L’élan de décentralisation en France se poursuit et
est marqué dans son chemin par la grande Charte de 198244 qui fait de la région
une Collectivité locale avec de vastes compétences transférées de l’Etat. C’est
une synthèse entre le système de la constituante et celui de l’an VIII45.

La mise en œuvre de la décentralisation en Afrique n’est pas sans


difficultés. Dans le contexte camerounais, pendant la période coloniale, les
Collectivités locales au Cameroun étaient marquées du sceau de l’Etat sans que
le droit qui était appliqué soit conforme au droit métropolitain. En effet, le
principe de la spécialité législative introduit dans le droit par une lettre du Roi
le 26 octobre 1774, « écarte l’application de plein droit des lois prises dans la
métropole »46. C’est donc à juste titre qu’il est judicieux d’éluder l’avènement
du principe de l’autonomie financière dans le droit financier local camerounais.

disposition de leurs biens. Toutefois, ces instances locales ne pouvaient délibérer que sur
certains actes (généralement leurs biens), l'emploi des revenus locaux restant soumis à leurs
simples avis. Thèse NGONO TSIMI (L.), L'autonomie administrative et financière des
Collectivités territoriales décentralisées : l'exemple du Cameroun., 20 Septembre 2010,
Université de Paris-Est, Créteil Val de Marne, UFR de Droit, p. 22.
42
VERPEAUX (M.), Les origines, in Les Collectivités territoriales en France, Notice 1, Paris,
La documentation française, 2005, p. 7.
43
La loi départementale du 10 août 1871 intervient dans le contexte du mouvement
insurrectionnel de la « Commune de Paris » (mars-mai 1871) qui vise à « séparer autant que
possible la gestion des affaires de l'Etat, tout en ménageant les intérêts et les habitudes des
populations ». Cette loi accroît les pouvoirs propres des Conseils généraux, et le décret-loi du 5
novembre 1926 allège la tutelle sur les départements. V. Thèse NGONO TSIMI (L.),
L'autonomie administrative et financière …, op.cit., p. 23.
44
Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, Départements et
Régions.
45
Il contient les trois échelons des Collectivités locales et un corps administratif élus.
46
V. ONDOA (M.), Introduction au droit historique camerounais : La formation initiale.
Eléments pour une théorie des Droits Africains, Yaoundé - Cameroun, EDLK, éd. 2013,
319 p.
12
2- L’avènement du principe de l’autonomie financière dans le droit
financier camerounais
Elle découle du statut du Cameroun pendant la période coloniale.
D’abord sous la colonisation allemande47, ensuite sous mandat48 et enfin sous
tutelle49de la France et de la Grande Bretagne, le Cameroun et bien d’autres
colonies ont été considérés comme une Collectivité locale50 de la métropole.
Ce sont les lois de 190051 dont le but était de rendre les colonies plus
responsables de leur destin qui vont ériger les territoires d’outre-mer en
Collectivités locales selon les principes des lois de la restauration52.

Le législateur de 1900 avait mis à la charge du budget local, l’exécution


des dépenses dites de souveraineté et celles qu’occasionnaient l’entretien des
troupes, deux catégories de dépenses supportées jusque-là par la métropole53.
La mesure avait fait l’objet de plusieurs suggestions bien qu’il n’échappait à
personne que les troupes implantées dans les colonies servaient au premier chef
les intérêts de la métropole. Tenant compte de cette ambiguïté, le rapport de
1899 stipulait qu’en compensation les colonies recevaient une aide de l’Etat
sous forme de subvention54. C’est bien ce qu’énonçait l’article 33 al. 1 de la loi
du 13 avril 1900. En définitive, la loi du 7 juillet 1900 effacera du budget
colonial toute contribution aux dépenses militaires55 .

47
De 1884 à1914.
48
De 1916 à 1946.
49
De 1946à1960.
50
Suite à la Conférence de Brazzaville de 1944 les territoires étaient désormais administrés
comme une partie intégrante du territoire français et intégrés dans l’union française avec le titre
de « territoire associé », NGONGO (L.P.), Histoire des institutions du Cameroun, t. II, Berger
LEVRAULT, 1987, p. 52 et ss.
51
La loi du 13 avril 1900.
52
NGONGO (L.P.), Histoire des institutions …, op. cit.
53
BOUCHIE DE BELLE (E.), Le régime financier des colonies et la loi du 13 avril 1900,
Paris, librairie nouvelle de droit et de juris, LNDJ, 1903, p. 29.
54
Ibid.
55
Ibid. p. 29 et ss.
13
La réforme de 1900 avait pour but de réduire les charges de la France
vis-à-vis de ses colonies en leur accordant l’autonomie de leurs actes tout en
veillant au contrôle de leurs opérations budgétaires56. Celle-ci laissait
néanmoins insatisfait quiconque souhaitait voir les colonies accéder à plus de
responsabilité car la tutelle n’avait au contraire pas disparu. Il est donc de
notoriété que l’initiative de proposition de dépenses appartient au gouverneur57.
Et le gouverneur lui-même devait se référer au Conseil des intérêts
économiques et financiers de la France, organe consultatif qui dispose des
pouvoirs exorbitants. Les colonies étaient en principe, maîtresses de leurs
recettes dont elles déterminaient la nature58.

C’est en vertu de l’ordonnance royale de 1825 et 183359 que pour la


première fois, fut prévue la possibilité pour les colonies d’avoir un budget
propre alimenté par des recettes autonomes destinées à pourvoir aux dépenses
d’intérêt local. Plus précisément, les droits de douane dont elles connaissaient
sous l’empire du senatus consulte de 1866 leur échappaient et la disparition du
système des contributions coloniales institué par la loi du 28 avril 1893 60. En
raison de leur importance, on ramène à juste titre le caractère de la réforme
réalisée. L’on ne s’arrête pas à ce niveau car il faut bien constater que si les
Conseils régionaux recevaient, comme naguère, compétence de délibération sur
l’assiette, la liquidation et le recouvrement des contributions et taxes, leurs
actes ne recevaient force exécutoire qu’après approbation par l’autorité de
tutelle61. Remise en cause par la loi de 1841, l’autonomie financière des

56
Art. 33, loi du 13 avril 1900 précitée.
57
Ibid.
58
BOUCHIE DE BELLE (E.), Le régime financier des colonies…, op. cit., p. 30.
59
VERPEAUX (M.), Les origines, op. cit., p. 7.
60
Thèse NGONO TSIMI (L.), L'autonomie administrative et financière …, op.cit., p. 23.
61
La disposition ne présentait aucun caractère de nouveauté et faisait plutôt penser à l’époque
du système de l’assimilation.
14
colonies fut à nouveau consacrée par le senatus consulte62 du 4 juillet 1866 puis
par celui du 3 mai 1894. L’autonomie dans ce cas, tolère et requiert l’immixtion
de la métropole qui cherche à s’imposer par le poids de sa présence. Au
demeurant, certaines des suggestions imposées aux colonies effacent dans une
large mesure les acquis de la réforme.

Le Cameroun comme le Togo63 présentaient la caractéristique que la


souveraineté était exercée au nom de la SDN d’abord et de l’ONU ensuite. A ce
titre, l’application du système de l’assimilation64 aurait constitué une violation
de la norme internationale. Mais les accords de mandat et de tutelle laissaient

62
V. Dictionnaire francais, Larousse illustré, 2014. Nom masculin, du latin senatus consultum.
Texte formulant l’avis du senat romain laissant aux magistrats le soin d’en assurer l’application.
Sous le consulat, le premier et le segond empire, décision emanant du Sénat et ayant valeur de
loi ( les principaux sénatus-consultes furent ceux des 16 thermidor an X, 28 floréal an XII, 25
novembre 1852, 2 février 1861, 14 mars 1867, 8 septembre 1869.
63
Se sont les deux colonies sous mandat de la SDN et sous tutelle des Nations unis.
64
Le concept français d'assimilation est fondé sur l'idée d'étendre la culture française dans les
colonies hors du pays de la Révolution durant le XIXe et le XXe siècle. Les habitants de Saint-
Louis au Sénégal, rédigent un cahier de doléances dès 1789 au même titre que les autres
citoyens français. Les révolutionnaires considèrent les indigènes comme français dès lors que
leur territoire est sous souveraineté française. Cela signifie également qu'ils pourraient
prétendre aux mêmes droits que les citoyens français de métropole. Suivant ce principe la
citoyenneté est accordée aux indigènes d'Afrique par l'Assemblée nationale législative de la
Première République Française le 4 avril 1792. Cette citoyenneté se limite alors aux territoires
français d'Afrique, à savoir l'Île Saint Louis à l'embouchure du fleuve Sénégal et l'Île de Gorée
au large de la Presqu'île du Cap-Vert et aux vieilles colonies (Guadeloupe, Guyane, Martinique,
la Réunion).Cette doctrine de l'assimilation a été mise en place par Arthur Girault dans son
ouvrage classique Principes de colonisation et de législation coloniale (1894). L’assimilation,
écrivait-il, « est l’union plus intime entre le territoire colonial et le territoire métropolitain ».
Son but « est la création progressive de véritables départements français ». « L’assimilation,
poursuivait Girault, doit être pensée comme l’héritière directe du projet de la Révolution
française, car la Constitution de l’An III (1795) avait déclaré que les colonies étaient “partie
intégrante de la République” ». C'est donc à partir des principes de 1789 que la colonisation
devient assimilation. Cependant, ce principe est contradictoire avec la politique même de la
France d'après la conférence de Berlin. En effet, un statut spécifique subsistait (indigène) on
jugeait couramment les peuples colonisés comme étant inférieurs aux métropolitains.
V.GIRAULT (A), Principes de colonisation et de Législation Coloniale. Paris, 1927. Voir
Martin Deming Lewis, One Hundred Million Frenchmen : the Assimilation Theory in French
Colonial Policy. Comparative Studies in Society ans History. Janvier 1962.
15
aussi plein pouvoir de législation à la France, attribut nécessaire à une bonne
administration65.

Comment justifier, même si l’on voulait, le maintien des pays sous –


mandat sous un régime d’assimilation alors que la loi de 1900 disposait que
toutes les colonies jouissaient d’une autonomie financière ? La logique a
commandé à la pratique en dépit de l’évocation par certains des devoirs
qu’imposait l’exercice de la tutelle66.

Le concept d’autonomie financière n’est donc pas nouveau dans la


législation camerounaise. Au-delà des directives des commissions des finances
au sein des institutions internationales comme l’Union européenne, il faut dire
suivant la théorie de la souveraineté reconnue à chaque Etat que ces derniers la
reconstituent suivant leur système juridique et les contextes sociopolitiques
différents.
De plus, l’Etat camerounais du temps de la fédération Biculturelle67et
même après l’unification fusionnelle68pour certains auteurs, s’est construit
contre l’autonomie des Communes ; son souci majeur étant alors d’unifier69 au
lieu de diversifier70.
Dans ce contexte, les communes étaient perçues pour reprendre les
termes de Charles Mingasson, « non comme des pouvoirs politiques locaux
pouvant entrer en conflit avec le pouvoir central au nom de la défense des

65
L’article 9 de l’accord de mandat et l’article 15 de tutelle laissaient compétence entière à la
France de rechercher quelle était la législation la plus appropriée pour le Cameroun.
66
Rapport sur le mandat au Cameroun : au nombre des devoirs qui découlent de l’exercice de
la tutelle, on doit placer celui de gérer conformément aux intérêts des mandats les finances de
ce dernier, p. 152.
67
NGONGANG OUANDJI, « La Commune personne de droit moderne en République
fédérale du Cameroun », RJPIC, n° 2, avril-jun 1968, pp. 343-350.
68
NLEP (R.G.), L’administration publique Camerounaise, op.cit, pp. 88-120.
69
MOMO (B.), « Réflexion sur le système communal camerounais : contribution à l’étude de la
décentralisation territoriale au Cameroun », juris périodique n° 26, oct-nov-dec 1995,
pp. 81 -92.
70
Ibid.
16
intérêts locaux, mais principalement comme des administrations destinées à
servir les intérêts nationaux à l’échelon local »71.
S’il est si difficile d’encadrer la décentralisation au Cameroun72, c’est
simplement parce qu’elle présente une singularité qui justifie la mesure qu’elle
donne à l’autonomie en général et à l’autonomie financière des Collectivités
territoriales en particulier.
En effet, l’idéologie dominante était celle de la construction nationale73.
Ainsi, au plan financier où sans le postuler explicitement, de légitimer
l’autoritarisme74et même la centralisation.

Pour bien la saisir, la notion de « construction nationale » doit être


définie par rapport à ses objectifs. Elle apparaît alors comme la mobilisation de
l’ensemble du potentiel (humain et économique) national et local en vue de la
réalisation de l’unité nationale d’une part et du développement national d’autre
part, celle-là s’affirmant comme une condition de celui-ci75. D’où l’attachement
de la constitution au vieux binôme jacobin de « la République une et
indivisible »76. Les droits publics national et local apparaissent de la sorte
comme un instrument de construction de l’unité nationale. La norme joue donc
un rôle « dans les stratégies administratives »77, notamment dans « la

71
MINGASSON (C.), « Les restructurations communales et le système politico-administratif
français, in a ménagement du territoire et développement régional », Revue de l’IEP de
Grenoble, vol. II, p.139 cité par MOMO Bernard, « Réflexion sur le système communal
camerounais … , op. cit., p. 85.
72
FOZING (I.), FONKENG (G.-E.), MGBWA (V.), MBIA (A.), « Niveau d’approbation et
d’effectivité de la décentralisation par les acteurs locaux au Cameroun », JERA/ RARE4, 2012,
pp. 31-56.
73
Cours de Droit Administratif Approfondi du Pr. Magloire ONDOA, DEA, 2008/2009, inédit.
l’idéologie de la construction nationale a été et peut encore être un objectif à atteindre.
74
On peut le considérer ainsi du fait de l’inexistence d’un organe indépendant de contrôle
financier pendant la période post indépendance.
75
Ibid., p. 329.
76
Art. 1 de loi Constitutionnelle du 18 janvier 1996.
77
NLEP (R.G.), L’administration publique camerounaise… op. cit., p. 259 et ss.
17
protection normative de l’unité nationale »78 et la protection de la souveraineté
de l’Etat à travers le principe de l’unité de la personnalité juridique de l’Etat.

Dans ce contexte, le droit financier de la période post indépendance


apparaît comme un droit issu du présidentialisme autoritaire79. C’est pourquoi
les années 70 sont marquées du fait du parti unique par la présence d’un sous-
Préfet à la tête de certaines communes ; on assiste à la double fonction de ce
dernier. Donc sans vouloir se répéter, la principale conséquence était comme dit
par certains auteurs camerounais un poids trop pesant de la tutelle
administrative et encore plus financière80. La marche vers la décentralisation a
suivi depuis une progression irrésistible, parfois entravée par certains principes
constitutionnels.

Certes, la loi du 5 décembre 1974 portant organisation communale


énonçait déjà la volonté du législateur camerounais d’accorder aux Collectivités
une certaine autonomie. Elle était précédée pendant un bref temps par la loi
constitutionnelle de 196081 en son article 40. Cette expérience de la
décentralisation fortement limitée a été de très courte durée. Ceci parce que à
partir de l’année 1961, la province82, dotée d’une personnalité morale et
jouissant de l’autonomie financière est devenue une simple circonscription
déconcentrée de l’administration de l’Etat. Toutefois elle accède au rang de
Collectivité territoriale décentralisée avec la réforme constitutionnelle du
18 janvier 1996 sous une nouvelle dénomination, « la région »83.

78
Ibid.
79
TCHAPNGA (C.), « Les mutations récentes du Droit administratif camerounais », Juridis
Périodique, n° 41, p. 75. Et ONDO (T.), « plaidoyer pour un nouveau régime politique au
Gabon », EPU, 2012, p. 109.
80
MOMO (B.), « Réflexion sur le système communal camerounais …», op. cit., p. 83 et ss.
81
la loi constitutionnelle du 3 mars 1960.
82
Les Collectivités territoriales ne sont pas d’apparition récente.
83
Art. 55 al. 1 de la loi constitutionnelle de 1996 et v. art. 1 de la loi du
18
C’est seulement à partir de l’année 1992 que le législateur a mis en
place un cadre juridique adéquat permettant d’assurer un choix véritablement
démocratique des organes municipaux essayant ainsi d’adapter la
décentralisation au Cameroun au temps. En effet, après l’élévation du principe
de l’autonomie financière au rang du principe constitutionnel en 1996,
l’élection du 21 janvier 1997 a germé un statut d’autonomie en faveur des élus
locaux84et constitue en démocratie, le procédé de réalisation de la
décentralisation administrative. Le décret du 25 novembre 1993 85a multiplié les
villes désormais soumises au régime des délégations du gouvernement. Mais
comme certains auteurs déclinent que les « communes souffrent toujours d’une
incapacité d’exercice, étranglée par une tutelle paralysante au plan organique,
tracassière et démobilisatrice au plan fonctionnel »86. Bien plus, ajoute
l’auteur, les finances publiques locales sont caractérisées par un accroissement
des charges auxquelles doivent faire face des Communes aux ressources
pourtant insignifiantes.

Charmant paradoxe qui n’est pas la moindre des contradictions de la


décentralisation camerounaise. Cependant on peut encore avoir une pensée
similaire avec la flambée d’un ensemble de lois législatives et réglementaires
dont le but est de fortifier la décentralisation au Cameroun. C’est ce que se
propose de démontrer l’étude à travers l’analyse des mécanismes de garantie de
l’autonomie financière. Si le passé est important pour cerner le présent, il n’en
demeure pas moins qu’il reste insuffisant pour la compréhension d’un objet de
science.

84
DOUMBE BILLE (S.), « L’élection en droit administratif », RDP, 1992, pp.1065-1102.
85
Le décret n° 93/322 du 25 novembre 1993.
86
MOMO (B.), « Réflexion sur le système communal camerounais…», op.cit., pp. 81 - 92.
19
B)- Le contexte politique

Lorsqu’on compare l’histoire de l’Etat avec celle des finances publiques


on se rend compte que c’est la même histoire87. L’appréhension du contexte
politique dans le cadre de cette étude est justifiée par le changement politique
intervenu depuis les années 199088. Elle donne à ce sujet une dimension
nouvelle en raison des mutations politiques survenues. Le souvenir des
turpitudes89 des trois décennies d’exercice autoritaire du pouvoir qui a pris fin
en 1990 a permis à l’Etat de redéfinir l’idée de l’Etat de Droit 90. Cette
redéfinition s’est accomplie par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 et
par la reconstitution du régime financier de l’Etat suivi d’une définition
financière locale. C’est la même analyse que fait le professeur DONFACK
SOKENG Léopold lorsqu’il déclare que « indissociable des bouleversements
politiques qu’engendrent les réactions aux crises économiques ou politiques au
Cameroun, cette diffusion de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance,

87
BOUVIER (M.), La lolf : une nouvelle gouvernance financière de l‘Etat, paris, LGDJ, coll.,
« système », 3e éd., 2010, p.1.
88
COTÉ (L.), LEVESQUE (B.) et MORNEAU (G.), Etat stratège et participation citoyenne,
Québec, PUQ, 2009, p. 2.
89
NGUELE ABADA (M.), « Rupture et continuité constitutionnelles en République du
Cameroun : réflexion à propos de la réforme constitutionnelle du 18 Janvier 1996 », RJPIC,
n° 3, septembre- décembre 1996, pp. 272-295.
90
En France les Collectivités locales créées en 1790 par la constituante, qui concevait une
décentralisation allant jusqu’à la négation du rôle de l’Etat en matière administrative, les
départements sont réduits en l’an VIII à la fonction simple de circonscription d’Etat, dans
lesquelles le Préfet, à l’image du pouvoir central, est assisté d’un Conseil technique, le Conseil
de préfecture et d’un organisme délibérant, le Conseil général, dont les membres sont nommés
par le gouvernement. Ce n’est que lentement que le département va prendre figure de
Collectivité locale ; reconnue par un avis du Conseil d’Etat de 1834, sa personnalité morale sera
consacrée par le législateur de 1838. Le caractère électif du Conseil général résultera de la loi
1833 ; les pouvoirs de décision importants seront reconnus à cette assemblée par diverses lois
(1838, 1866).
20
apparaît comme un marqueur de changement de réforme et de transformation
des institutions »91.

L’élément essentiel et le plus remarquable de la loi des finances pour


reprendre BOUVIER Michel, ne se situe pas tant dans la modernisation des
institutions financières que poursuit le texte mais dans la réforme en profondeur
de l’Etat92. Ceci est son objectif majeur93. Contrairement à cette impression
technique que peut donner une première lecture, c’est un mode tout à fait
nouveau de gouvernance qui s’y dessine pour les années prochaines94. Si l’on
peut saluer les objectifs affichés de la lolf, celui de renforcer la démocratie
parlementaire, là n’est pas son aspect le plus novateur. Celui-ci réside
davantage dans le processus de transformation de la gestion publique. Ce texte
est porteur d’une transformation perçue comme levier d’une refonte du
fonctionnement administratif mais aussi politique de l’Etat. C’est tout
simplement une gouvernance systémique95 qu’il faut entendre. Il s’agit d’une
politique démocratique axée sur la gestion financière nationale et locale de
l’Etat. Au plan local, ce qui intéresse principalement, c’est que l’orientation
majeure par rapport au législateur de 1961 et 1962 est la prise en considération
ou du moins, la redéfinition de l’autonomie en général et l’autonomie financière
en particulier des Collectivités territoriales.

91
DONFACK SOKENG (L.), « Bonne gouvernance, Etat de droit et développement :
Approche critique de la réforme de l’Etat en Afrique », Revue trimestrielle de Droit et des
activités économiques, PUF, n° 2, avril- juin 2007.
92
BOUVIER (M.), Au-delà de la lolf : une réforme de l‘Etat, un nouveau contrat social,
collocque du 26 avril 2006 de la fondation Res Publica.
93
Ibid.
94
COTÉ (L.), LEVESQUE (B.) et MORNEAU (G.), Etat stratège…, op. cit., p. 2.
95
Système pris dans son ensemble.
21
De plus, la nouvelle orientation politique est focalisée sur le concept de
bonne gouvernance. 96 En effet, désormais au centre du débat, la gouvernance
démocratique, chargée d’un fort contenu néolibéral, met en jeu un certain
nombre d’enjeux sociétaux. Parmi eux, on peut reconnaître l’autonomie de
gestion des Collectivités, qui, suivant un certain nombre d’auteurs où la
doctrine en droit ne peut être rendue effective que si elle s’accompagne d’une
autonomie financière97. Elle s’inscrit dans une réinterprétation du
développement parce que, non seulement elle induit plusieurs possibilités pour
l’exercice des libertés sociopolitiques, mais parce qu’elle permet également la
contribution de tous à l’effort de développement socio-économique.
C)- Le contexte économique
Le contexte économique se perçoit à la suite des événements de 1975,
de l’illusion perdue des Etats africains. Primo : confrontés à un processus sans
précédent de désarticulation de leur système politique et économique98, les
Etats africains en général et le Cameroun en particulier ont vu dans la
décentralisation une voie de sortie de crise. Dès les années 80, la plupart des
indicateurs de performances économiques sont défavorables99, ce qui met l’Etat

96
Le concept est proposé par la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International et les
pays développés comme un préalable au développement.
97
GENDRON (C.), Conditionnalité, Gouvernance Démocratique et développement, dilemme
de l’œuf et de la poule ou problème de définition ?, chaire Economie et Humanisme, Université
Canada-Québec.
98
Crise économique et Ajustement structurel, série de recherche n° 96, il poursuit comme suit :
Le processus de transition économique a été considérablement ralenti. Le déclin de la
production, l’accroissement de l’inflation et l’accentuation des déséquilibres des paiements
courants sont des symptômes de la détérioration générale de l’activité économique. Depuis
1974, le produit intérieur brut (PIB) par tête a vraisemblablement diminué de 1% par an.
L’inflation s’est accélérée passant d’un taux de 10% en 1974 à un taux de 20%) en 1984. Le
solde de la balance des paiements au titre des biens et services et des transferts privés a été de
-0.4,-14.0 et -10,8 milliards de dollars U.S., respectivement en 1974, 1980 et 1987. Ces déficits
se sont traduits par un accroissement de l’endettement à court terme et des achats du Fonds
Monétaire International.
99
Ibid., L’élévation du prix des céréales et du pétrole, les récessions et l’inflation dans les pays
industrialisés, l’augmentation des taux d’intérêt réels, la fluctuation des taux d’échange, et
l’effondrement du prix des matières premières, les déficits des balances de paiement trouvent
22
en difficulté dans ses principaux engagements vis-à-vis à la fois de la société et
de ses partenaires extérieurs. La diminution des capacités budgétaires100 rend
difficile le respect des échéances sur la question de la dette extérieure. Cela
conduit les bailleurs de fonds à être plus rigoureux sur les conditions d’octroi
de leurs concours. Les possibilités de l’Etat à faire face à ses engagements
internes en sortent affaiblies : la dette intérieure s’amoncelle, les interventions
sociales de l’Etat sont revues à la baisse sinon purement et simplement
supprimées.
La réaction en chaine se poursuit avec les mécontentements sociaux
dont certains trouvent une traduction politique : le procès de l’Etat postcolonial
africain101 est ainsi instruit à la fois par les agences internationales de
développement et par ses partenaires sociaux, politiques internes. Les bailleurs
de fonds internationaux102 incitent l’Etat africain à recentrer ses interventions
sur ses fonctions classiques et à laisser aux acteurs infra étatiques les
responsabilités des activités de développement.
Les méthodes proposées sont principalement la libéralisation et la
décentralisation. La première n’est pas importante dans le cadre de cette étude.
Quant à la seconde, elle appelle à une prise en charge, par les populations des
principales tâches de service public dans les domaines qui touchent directement
à leur vie quotidienne. Cette dernière exigence des bailleurs de fonds rejoint
une des revendications majeures des mouvements sociaux et politiques qui

largement leur origine dans la faiblesse de la demande mondiale, le déclin des termes de
l’échange a été pour certains biens importés.
100
Le trésor public s’est trouvé coincé au fil des exercices budgétaires entre un lourd
endettement intérieur et extérieur. La crise de confiance des bailleurs de fonds internationaux et
internes a privé l’Etat des moyens nécessaires à la lutte contre la crise économique.
101
DU BOIS DE GAUDUSSON (J.) et MEDARD (J.-F.), L’Etat en Afrique : entre le global et
le local, Afrique contemporaine, p. 95.
102
Cette déstabilisation des économies africaines en général et camerounaise en particulier,
aggravée par la faiblesse administrative et institutionnelle à gérer la crise, explique la mise en
œuvre, au début des années 1980, du programme d’ajustement structurel sous l’égide du FMI et
de la Banque mondiale. Série de recherche n° 96.
23
souhaitent une nouvelle répartition du pouvoir de l’Etat. Il s’agit d’une
répartition verticale qui distingue, en termes de compétences et de moyens, un
centre et une périphérie. C’est le sens de tout le discours sur la participation
locale et le développement communautaire103.

De plus la décentralisation s’imposant comme un passage obligé pour


l’instauration d’une bonne gouvernance, est une nouvelle conditionnalité de
l’aide. Son contenu d’abord axé sur les aspects techniques (dans le sens d’une
meilleure gestion publique), s’est enrichi d’éléments éminemment politiques :
l’instauration d’un Etat respectueux des droits civiques et droits de l’homme,
pouvant compter sur une administration efficace, compétente, responsable et
non corrompue. Le contexte actuel stigmatise la corruption, jadis vue d’un œil
indulgent par les théoriciens de la modernisation, qui considèrent qu’elle
pouvait lubrifier les rouages grippés d’un Etat bureaucratique pléthorique104.

Secundo, l’Etat providence paraît envahissant et banal105, parce que le


secteur accumule des dettes, celles-ci ont atteint en PIB un niveau
historiquement élevé. Le Cameroun se trouve en porte-à-faux106. C’est la
faiblesse de l’Etat providence. Pour Jean DU BOIS DE GAUDUSSON, les
Etats ont réagi comme si par construction, les dons dans l’Etat providence
devaient être éternels107. Il est donc paru adéquat de faire jouer les clauses de
situation spéciale du pacte de stabilité et de croissance. Car l’accumulation des
déficits108 au fil du temps, les erreurs de politiques économiques, notamment
une politique monétaire excessivement restrictive constitue la cause principale

103
DU BOIS DE GAUDUSSON (J.) et MEDARD (J.-F.), L’Etat en Afrique : entre…, op. cit.,
p. 95.
104
Ibid., p. 95.
105
Ibid., p. 97.
106
Ibid., p. 96.
107
Ibid., p. 97.
108
Ses déficits résultent eux mêmes de la faiblesse de la croissance économique au Cameroun.
24
de l’endettement croissant et de l’échec de l’Etat. Il est donc nécessaire de
confier le développement à des entités publiques nouvelles plus proches des
populations. L’accord d’une autonomie financière apparaît pour certains
auteurs comme l’expression de l’extraordinaire aveu de l’impuissance de
l’Etat109 en se montrant incapable de financer le développement local par un
quelconque redéploiement de ses ressources. La crise financière de 2008 n’est
pas à ignorer, elle va marquer le retour de l’Etat comme acteur de la
redéfinition du Capitalisme.

Parvenu au terme de la présentation du contexte de cette étude, il paraît


nécessaire et opportun de se pencher sur l’analyse du cadre conceptuel de
l’étude.

Paragraphe II : Le cadre conceptuel

Pour saisir le contenu des différents termes et concepts du sujet, il est


important de procéder à une étude historique. C’est le sens de la pensée de
Renaud COLSON dans sa thèse « La fonction de juger ». Selon cet auteur, «la
pratique des définitions est vaine si l’on désire clore par avance et
définitivement un débat sur la désignation d’un objet donné. On ne peut
échapper aux imprécisions du système conceptuel utilisé car il reste que dans
une certaine mesure vague et ambiguë, il ne peut être rendu précis : la
signification des concepts ne peut pas du fait de son essence, être fixée par
quelques définitions qu’elles soient opérationnelles ou ostensives (…). Toute
tentative pour rendre précise la signification du système conceptuel au moyen
des définitions conduira nécessairement à une étude historique dudit

109
DU BOIS DE GAUDUSSON (J.) et MEDARD (J.-F.), L’Etat en Afrique…op.cit., p. 96.
25
concept »110. La pensée de l’auteur démontre la nécessité d’orienter les
différentes définitions sous l’angle de leur évolution et suivant les domaines
d’étude.
Il serait donc important pour reprendre le Pr. Magloire ONDOA111 de
borner, limiter et préciser la frontière notionnelle du travail. Il oblige à
s’appesantir, sur la notion de formation en sus de celle d’autonomie, mais
également sur le concept d’autonomie financière qui en est une émanation et
une modalité.

A)- Notion d’autonomie

La notion « d’autonomie » ne peut être saisie que si ses différents sens


sont précisés à la fois dans leur contexte historique, leur valeur synonymique et
antithétique, leurs domaines et activités auxquelles elle s’applique. Aussi
convient-il d’en établir à la fois la genèse, la signification et la typologie. La
relation entre ces trois points ne fait guère de doute. La genèse, reconstitution
des étapes de la naissance de cette notion éclairera sa signification qui, élaguée
au cours des âges, n’exige pas moins, parce que multidimensionnelle, des
classifications. De ces dernières, découlera le sens de ce mot dans le cadre de la
présente étude.
1- La genèse

Le terme autonomie a une empreinte grecque ; il tire ses origines de la


politique. Cette notion ne s’appliquait qu’aux relations politiques entre les

110
COLSON (R.), « la fonction de juger », thèse, RHDF, Libraire de la Société du Recueil
Sirey, 2005, numérisé 4 mai 2010, p. 148.
111
ONDOA (M.), « Le droit de la responsabilité publique dans les Etats en développement :
Contribution à l’étude de l’originalité des droits africains », doctorat d’Etat en Droit Public, 03
mai 1997, UY Ydé II, p. 5.

26
Etats, quand bien même Aristote, dans son ouvrage « Ethique à Nicomaque »
et les stoïciens eussent cherché à l’approprier à l’individu compris seulement
comme « citoyen » Grec112. Ensuite, elle a pris un sens plus radical pour
designer un contrat politique pratiquant l’action directe, c’est-à-dire une action
politique en dehors des structures des partis politiques et des organisations
syndicales reconnus par l’Etat. Ce n’est qu’avec la modernité à partir du XVe
et XVIe siècle qu’elle deviendra, avec le concept de « liberté », l’une des
valeurs centrales de l’humanité et l’un des attributs du sujet individu avec
Machiavel, Descartes, Kant et Hegel113. Dès 1881, Paul LAFARGUE remarque
la polysémie du terme, aussi dit, « il y a autant d’autonomie que d’omelettes et
de morale (…) l’autonomie, pas plus que la liberté et la justice est un principe
éternel, toujours identique à lui-même, mais un phénomène historique variable
suivant les milieux où il se manifeste »114. La polysémie de ce concept induit
l’importance ou la nécessité de lui apporter une définition générale et
contextuelle.
2- La signification

La notion d’autonomie est polysémique et multidimensionnelle. Elle se


prête pour cela à des utilisations diverses selon les auteurs et les contextes.
L’on ne peut prétendre en dessiner tous les contours.

112
LACOPA COSTA, « Le théologien et éthique à nicomaque. Sur les usages théologiques de
la morale aristotélicienne au XIVème s », médiévales, presse Universitaire de vienne, n° 63,
Philosophie morale éthique à la croisée des savoirs, 2012, p. 2.
113
Ibid.
114
LAFARGUE (P.), L’autonomie, l’égalité, organe du parti ouvrier français, 25 décembre
1881,15janvier1882.https://www.marxists.org/francais/lafargue/works/1881/12/lafargue_1881
1225.htm.(26 décembre 2014).
27
a- La notion d’autonomie dans le langage courant et
philosophico-littéraire
Au sens littéral, l’autonomie signifie le droit pour un Etat ou pour une
personne de se régir d’après ses propres lois115. Si l’autonomie ne se confond
pas avec la souveraineté, elle doit être rapprochée de la suffisance116.

La pensée stoïcienne quant à elle est construite sur la distinction entre


les choses qui sont « en notre pouvoir » et celles qui « n’en dépendent
pas »117. L’autonomie du sujet se situe au niveau du jugement si l’on entend
ainsi la capacité de prévoir et la capacité de choisir.

Pour les philosophes comme René Descartes118, l’autonomie c’est la


liberté de disposer de ses volontés, c’est aussi « la vraie générosité », une
confiance que l’on a en son propre vouloir.

Pour Auguste COMTE, l’autonomie119 est atteinte lorsque s’accomplit


la loi des trois états. Dans son article paru In Résonnance « l’autonomie, une
question de compétence », Philip PURRENAUD conclut que « la compétence
ne fait pas l’autonomie, elle y contribue »120. Selon ZAFIRON, l’autonomie est

115
ROUSSEAU (J.-J.), Du contrat social, discours sur l’origine des inégalités, discours sur les
sciences et les arts, éd. Electronique du contrat social ou principe de droit politique, Paris,
union générale d’éd., 1963, 373 p. , pp. 1-198, collection le monde en 10 -18 éd. Révisée le
19 janvier 2014.
116
Notion très courante chez les historiens, en particulier chez Thucydide (I, XXVII) lorsqu’il
parle des gens de Corcyre qui « n’ont besoin de personne ». C’est dans une acception beaucoup
plus élaborée que prend Platon (politique, I, 2,8) lorsque, définissant la communauté parfaite, il
la qualifie d’autarcique c’est-à-dire ayant atteint la limite de l’indépendance économique. La
même idée est précisée par le contraste classique qu’établit la République entre les cités qui se
suffisent à elles-mêmes et « celles qui dépendent de toutes choses des autres ».
117
Encyclopédia Universalis - Paris, corpus T.5, 2002, 10355 p.
118
DESCARTES (R.), Les passions de l’âme, (1949), Ed. Gallimard, coll. Bibliothèque de la
pléiade, 1970, pp.768-769.
119
Ibid.
120
PERRENOUD (P.), « L’autonomie une question de compétences », in Résonnance, 2002,
pp.16-18.
28
une condition incontournable du déploiement de la compétence, parce que la
compétence existe si l’auteur a ou se donne une marge d’initiative ou de
décision, ne se borne pas à saisir des prescriptions. La compétence s’avère
nécessaire pour se voir reconnaître une forte autonomie.

b- La notion d’autonomie au sens juridique


La notion d’autonomie usitée par les juristes trouve son fondement dans
la perception de l’autonomie par Jean - Jacques Rousseau121.

De ce qui précède, nombre d’interrogations se trouvent induites, « le


vocabulaire juridique pourtant réputé technique et précis connaît des
fluctuations telles que tout raisonnement trop prisonnier de l’analogie
terminologique risque d’être marqué du sceau de la précarité »122. L’exégèse
qui s’en tiendrait à une analyse uniquement linguistique et logique du discours
commettrait donc une imprudence de nature à l’appauvrir 123. On ne peut
appréhender pleinement un terme juridique que par sa fonction, à savoir les
types d’usage que l’on fait de l’expression. En d’autres termes, partant d’une
grande indécision de frontière124 entre synonyme et polysémie mono
référentielle, l’idée peut s’installer que pour une notion juridique il importe
avant tout de considérer son emploi.

Aussi ce terme peut être saisi suivant qu’il s’agit d’un système de Droit
ou d’une institution, encore plus d’une personne physique. L’autonomie d’un
système de droit par rapport à un autre, écrit de LAUBADERE, « signifie

121
ROUSSEAU (J.-J.), Du contrat social, discours sur l’origine des inégalités, discours sur les
sciences et les arts, op. cit., pp. 1-198.
122
GILLES (D.), « La décision exécutoire, esquisse méthodologique », AJPA, n° 10/1994, p.
663.
123
Ibid., p. 664.
124
Ibid., Il convient de signaler, pour éviter tout malentendu, une attitude classique qui consiste
à rattacher, fût-ce implicitement, la question théorique étudiée de la pluralité de sens à celles
des concepts flous, fluides, flexibles, plastiques, mous, mouvants ou simplement insaisissables.
29
simplement que les règles de droit éditées pour régir l’un des deux ne sont pas
automatiquement applicables à l’autre. Autrement dit que les deux systèmes
sont indépendants, les sources du droit étant distinctes pour chacun d’eux125 ».
Le doyen George VEDEL et Pierre DELVOVE126 définissent l’autonomie
suivant un système de droit par rapport à un autre. Aussi pour ces derniers,
l’autonomie du Droit administratif par rapport au Droit privé signifie
simplement que le juge administratif reste maître d’appliquer ou non une règle
de Droit privé, à un litige relevant de sa compétence. L’autonomie n’implique
pas toujours la séparation des systèmes considérés127. Elle tolère sans pour
autant désister, les apports extérieurs. Pour d’autres auteurs, l’autonomie
juridique c’est le pouvoir d’agir128. C’est pourquoi la décentralisation n’est pas
de l’ordre du tout ou rien, mais du plus ou moins129. C’est une « liberté
surveillée »130. A mi-chemin entre le fédéralisme et la décentralisation, la
notion d’autonomie revêt un caractère instable131.

Sur le plan institutionnel, l’autonomie implique la possession par celle-


ci de la personnalité juridique. L’attribution « personnalité juridique » est un
élément nécessaire, car elle conditionne en particulier et distinctement
l’autonomie organique et fonctionnelle des structures infra-étatiques. Les
différentes approches des auteurs précitées se complètent cependant, pour

125
DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J.C.), GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif,
t. I, organisation et action de l’administration, la juridiction administrative , L.G.D.J, 15éme éd.,
1999, p. 1107. Et dans les éléments d’originalité de la responsabilité contractuelle de
l’administration.
126
VEDEL (M.M.) et DELVOVE (P.), Droit Administratif, t. I, Paris , PUF, Coll. Thémis,
1992, p. 79.
127
ONDOA (M.), « Le droit de la responsabilité publique dans les Etats en développement :
Contribution à l’étude des droits africains », thèse de doctorat en Droit public, t. I, Université de
Yaoundé, 1997, 923 p.
128
MUSELECK (R.), Finances Publiques, 14e éd, Sirey, p. 714.
129
LEGAY (M.-L.), BAURY (R.), L'invention de la décentralisation : noblesse et pouvoirs
intermédiaires en France et Europe XVII et XIX sciécle, Septentrion 2009, p. 56 et ss.
130
Encyclopédia Universalis, version numérique, http://www.universalis.fr/encyclopedie/liberté.
131
Ibid.
30
mieux saisir le concept d’autonomie relativement à la perception illusionniste
sur la liberté, il est important de la distinguer avec des notions voisines telles
que celle de l’indépendance.
c- Autonomie et notions voisines
On a très souvent tendance à confondre la notion d’autonomie avec celle
d’indépendance. C’est pourquoi il est justifié dans le cadre de cette analyse, de
faire une distinction entre ces deux concepts afin de cerner davantage le sens du
terme autonomie.

L’indépendance signifie que le sujet peut tout faire sans se soucier des
autres. Il ne subit aucune contrainte sociale et politique. Il ne risque rien des
autres. Deux cas sont possibles : soit il est indéfiniment isolé, mais alors toute
vie humaine c’est-à-dire relationnelle et sensée est impossible ; soit il dispose
sur les autres d’un pouvoir absolu. C’est le cas théorique du maître vis-à-vis de
son esclave. L’indépendance du maître est proportionnelle à la domination
dépendance qu’il fait subir à son esclave132: être libre n’est donc pas être

132
Le maître ne peut être absolument indépendant que si l'esclave est totalement dépendant. Or,
cela est pratiquement impossible car cela signifierait que celui-ci ne soit pas un homme, même
pas un animal : il a des fins propres, ne serait-ce que biologiques, et ne peut sans vouloir
mourir, y renoncer ; or ces fins en tant que propres ne peuvent être totalement dominées. De
plus, l'esclave ne peut pas ne pas être conscient de son esclavage et rien ne peut garantir au
maître qu'il ne se révolte pas contre la domination; domination dont l'esclave ne peut pas ne pas
souffrir, à un moment ou à un autre, dans la visée de ses propres fins. L'esclave, quoique veuille
et fasse le maître, n'est pas une machine : il est sensible, conscient et donne, à lui-même et à ses
actes, un sens et une valeur. Dans ces conditions, le maître doit jouer un rôle dominateur
incessant. Ce qui est pratiquement impossible à moins de ne jamais être fatigué et endormi ou
de ne jamais être malade ou de ne pas vieillir et mourir ; l'indépendance du maître n'est alors
qu'une illusion ; sa dépendance est réellement plus grave que celle de son esclave, car celui-ci
peut au moins se révolter contre elle, alors que le maître, victime de l'illusion de la toute
puissance, ne le peut, puisqu'il n'en est même pas conscient. HOBBES (T), Œuvre, LCI/58,
2014. Et, HOBBES (T.), De la société civile de sa matière, de sa forme et de son pouvoir, t.
XVIII, 1990, n° 49, RESS, Librairie Droz, Genève, p. 180.
31
indépendant mais être, autant que faire se peut, autonome dans
l’interdépendance133.

B)- Le concept d’autonomie financière

Les contours de ce concept sont aussi variés. Il est peu de concept dont
le sens soit aussi vague134. Difficilement définissable d’un point de vue logique,
variable dans ses effets, l’autonomie financière trouve sa véritable signification
dans la possibilité de décentralisation qu’elle permet. C’est pourquoi certains
auteurs l’appréhendent par rapport à l’autonomie locale135. Il faut voir dans la
notion d’autonomie financière non pas une notion conceptuelle mais suivant un
vocabulaire cher au doyen VEDEL136, une notion fonctionnelle. C’est ce qui
explique sans doute l’accord de la doctrine sur la finalité et les incertitudes qui
pèsent sur son contenu. Cependant, l’approche textuelle ou jurisprudentielle
reste la plus importante.

1- Les définitions doctrinales


Elles s’étendent de l’approche exclusive à une définition plus large
souvent inclue dans l’autonomie locale.

133
GILLES (D.), « La décision exécutoire … », op. cit., p. 75.
134
Ibid.
135
DUVERGER (M.), Finances publiques, 10e éd., Paris, PUF, 1984 ; LAVIGNE (M.),
Finances publiques, cours 1967-1968, inédit ; TROTABAS (L.), Finances Publiques, Paris,
L.G.D.J.
136
Le droit administratif comporte à côté des notions proprement conceptuelles, les notions
fonctionnelles. Les premières peuvent recevoir une définition complète selon les critères
logiques habituels et leur contenu est abstraitement déterminé une fois pour toutes … Encore
que ce ne soit pas souhaitable, on pourrait dire qu’elles sont indépendamment de ce à quoi elles
servent … l’utilisation de toutes ces notions dépend de leur contenu ; leur contenu ne dépend
pas de leur utilisation. Les notions fonctionnelles au contraire procèdent directement d’une
fonction qui leur confère seule une véritable unité. VEDEL (G.), J.C.P., 1950, p. 851.
32
a- L’autonomie financière et l’autonomie locale

Pour la doctrine137, l’autonomie financière est une des composantes


majeures de l’autonomie locale. Définie de manière très somMaire, elle
recouvre à la fois l’autonomie des recettes et l’autonomie des dépenses, mais
elle est souvent confondue avec cette dernière138.
L’autonomie financière est une condition nécessaire de l’autonomie
locale dont il est possible d’identifier quatre caractéristiques139que sont la libre
administration, la fiscalité propre, des compétences réelles et l’absence de
pouvoir hiérarchique s’imposant aux élus locaux dans l’exercice de leurs
attributions.

Ces quatre composantes principales de l’autonomie locale mettent alors


en relief le rôle essentiel de l’autonomie financière sans laquelle tout le reste
deviendrait relativement formel.

Toutefois, l’autonomie, qui n’est pas l’indépendance, ne va pas sans


contrôle de l’Etat140.

Chacun s’accorde à reconnaître avec le professeur DUVERGER141 que


l’autonomie financière est un élément essentiel de la décentralisation.

137
DUVERGER (M.), Finances publiques, op. cit.; LAVIGNE (M.), Finances publiques, op.
cit. ; TROTABAS (L.), Finances Publiques, op. cit.
138
La notion d’autonomie financière est cependant trop complexe pour s’en tenir à cette
première approche. Elle dépend de nombreux facteurs et nécessite pour l’apprécier une analyse
plus fine. Le diagnostic qui en est fait peut alors être différent selon que l’on considère la
situation globale de toutes les Collectivités, ou seulement celle de certaines catégories de
Collectivités ou de telle ou telle Collectivité en particulier.
139
MARCOU (G.), Deuxième entretien de la Caisse des dépôts et consignations, quatrième
trimestre, 1999.
140
En général, ces contrôles répondent à trois grandes catégories de préoccupations : protéger
les citoyens et la Collectivité, promouvoir la mise en œuvre de certaines politiques et assurer
une régulation globale des finances publiques.
141
DUVERGER (M.), Finances publiques, 10e éd., Paris, PUF, 1984, p. 12.
33
Rejoignant cette analyse Marcel LAVIGNE142 constate que le degré
d’autonomie financière est un excellent étalon de la décentralisation. Pour le
doyen Louis TROTABAS143 l’autonomie financière est une politique
d’autofinancement. Pour Yves GAUDEMET144 la mesure de la
décentralisation dépend de l’aménagement des finances locales. Dans le même
sens, M. Benoit145 note que « l’autonomie financière est … à la mesure de
l’autonomie administrative. Il s’agit plus souvent d’une déconcentration
financière que d’une autonomie véritable ». Cette approche de l’autonomie
financière est moins rigoureuse que celle proposé par des auteurs tels que Louis
TROTABAS146, George VEDEL147.

b- Approche exclusive

Pour CONSTANS « l’autonomie financière qui apparaît presque


rituellement aux cotés de la personnalité morale dans les textes instituant les
établissements publics, consiste dans le fait que ces derniers soient dotés d’un
budget propre, non incorporé à celui de l’Etat ou de toutes autres Collectivités
auxquelles ils peuvent être rattachés »148. Pour CNNOIS conféré à un
organisme l’autonomie financière c’est retirer du budget tout ou une partie des
recettes et des dépenses de l’organisme.

142
LAVIGNE (M.), Finances publiques, cours 1967-1968, inédit, p.19.
143
TROTABAS (L.), Finances Publiques, L.G.D.J., p. 99 et p.141, l’autonomie financière est
aussi entendue par l’auteur comme « une mesure d'ordre intérieur, un mécanisme administratif
», voir aussi LINDITCH (F.), Recherche sur la personnalité morale en droit administratif,
L.G.D.J., 1997, 334 p.
144
GAUDEMET (P.M.), op cit., p. 168.
145
MAITROT (C.), op.cit., p. 134.
146
TROTABAS (L.), Finances publiques, Paris, précis Dalloz, 2e éd., 1967, p. 85
147
VEDEL (G.), Droit administratif, Paris, PUF, 15e, éd, 2000, p. 462.
148
CONSTANS (L.), Recherche sur la notion et la classification des personnes morales
administratives, Th., Bordeaux, 1964, p. 126.
34
Pour le doyen VEDEL « l’autonomie financière c’est non seulement
la possibilité théorique d’avoir un patrimoine et de le gérer, mais la
possibilité pratique pour l’organisme décentralisé de se procurer des
ressources et de choisir leur emploi »149. Yves GAUDEMET évoquant le
problème de la décentralisation territoriale remarque que « l’autonomie
n’est réelle que si la Collectivité a des recettes autonomes abondantes
telles que les recettes domaniales ou les impôts librement levés ». Au
contraire si une Collectivité n’a pas de ressources propres il n’y aura
pas pour elle d’autonomie réelle150. De son côté le doyen TROTABAS
note à propos des établissements publics qu’il faut mettre l’accent sur
l’importance des ressources propres comme mesure de l’autonomie de gestion
et par elle de la liberté des organismes151. Maurice DUVERGER évoque
de même « la possibilité pour eux de financer leurs activités par des
ressources propres, prix , taxes et parafiscalité »152.

Certains auteurs ont une perception sociologique de ce concept. Pierre


LA LUMIERE a donné un exposé de cette conception sociologique qui
permet de faire apparaître le fondement essentiel sur lequel reposent la
décentralisation administrative et l’autonomie financière153. Pour lui la
définition de l’autonomie financière doit être établie à partir des principes
politiques qui ont inspiré l’œuvre de la décentralisation. IL s’agit d’accorder ou
de reconnaître aux Collectivités décentralisées un minimum de pouvoirs
réels de décision dans la gestion de leurs finances sur ces principes
politiques.

149
VEDEL (G.), Droit administratif, op. cit.
150
GAUDEMET (P.M.), Finance publique…, op. cit., p.168.
151
TROTABAS (L.), Finances publiques, op. cit.
152
DUVERGER (M.), Les finances …op. cit., p.12.
153
LALUMIERE (P.), Les finances publiques, Paris, A. Colin, 1971, coll. U, série Droit public
interne, p.138.
35
Il établit un « modèle d’autonomie financière » reposant sur les trois
caractéristiques suivantes :

« 1° les Collectivités doivent disposer de ressources propres en


quantité suffisante pour exercer sans difficultés financières majeures les
compétences qui leur sont dévolues ;

2° les Collectivités doivent pouvoir déterminer leurs recettes et


leurs dépenses lors de l’établissement de budgets ou d’états provisionnels ;

3° si certaines restrictions peuvent être admises, la fixation des


taux de l’impôt ou de la cotisation doit leur être attribuée ; les
Collectivités doivent supporter un contrôle uniquement exercé a
postériori ».

Or, ces caractéristiques font défaut à « une multiplicité


d’organismes publics pourtant dotés de la personnalité morale et
financière »154 car seules les Collectivités « disposant d’un véritable
support » qui leur donne « une capacité de résistance » aux atteintes que
l’Etat porte continuellement à leurs pouvoirs « peuvent disposer d’une
certaine autonomie financière qui de toute façon n’est jamais une
situation stable et définitive ; elle est, au contraire, une conquête
permanente »155.

Cependant force est de constater la relativisation d’une distinction


sémantique. Tant la profusion de significations données à l’expression
« autonomie financière » que le nombre de démembrements de celle-ci
conduisent à faire de celle-ci une notion fonctionnelle dont le contenu reste
déterminé par des auteurs qui ont à se prononcer sur sa teneur. Il faut donc

154
LAVROFF (D.-G.), La République décentralisée, Paris, Harmattan, 2003, p. 309.
155
Ibid.
36
pour reprendre Dorian GUINARD, se concentrer sur les usages dogmatiques
de l’expression dans l’analyse sans procéder à une généralisation hasardeuse ou
à une classification notionnelle reposant sur des termes qui se révèlent
interchangeables156. En effet, l’analyse de la pluralité de significations données
par les auteurs, incline cependant à adopter une position contraire. Car, cette
volatilité sémantique génère une certaine confusion conceptuelle.

2- Définitions terminologiques de l’autonomie financière

Plusieurs textes de lois tant en droit interne qu’en droit international


définissent la notion d’autonomie financière. Tout d’abord, l’article 33 de la loi
de 1900 consacrait la règle de l’autonomie financière des colonies. Il l’entendait
comme la prise en charge par les colonies à leurs dépenses civiles dites de
souveraineté, la contribution des colonies à leurs dépenses militaires, la
disparition du système des contributions coloniales instituées par la loi du 28
avril 1893. Les colonies étaient en principe maîtresses de leurs recettes dont
elles déterminaient la nature.

Une orientation plus récente parait plus adaptée. De droit interne ou de


droit externe : la Charte européenne de l’autonomie locale, adoptée le
15 octobre 1985, énonce, un droit des Collectivités locales « dans le cadre de la
politique économique nationale à des ressources propres suffisantes dont elles
peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences »157. Ce texte
impose donc deux critères : des ressources suffisantes et leur libre disposition.
De son côté, le droit camerounais est très peu explicite au sujet de l’autonomie
financière des Collectivités territoriales : le principe de libre administration est

156
GUINARD (D.), Réflexion sur la construction d’une notion juridique : l’exemple de la
notion de service d’intérêt général, presse universitaire de Sceaux, Paris, Harmattan, 2012, p.
32.
157
Art. 9 de la loi du 15 octobre 1985.
37
à peu près la seule norme constitutionnelle qui permette de définir la place,
dans l’appareil public, des Collectivités territoriales de droit commun ; Il figure
dans l’article 55 de la loi constitutionnelle de 1996158 et se trouve précisé dans
l’article 26159.

Le législateur camerounais a défini l’autonomie financière dans la loi


portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur
public et parapublic160 en son article 2 alinéa 1 comme la capacité pour une
personne morale d’adMinistrer et de gérer librement les biens meubles ou
immeubles, corporels ou incorporels ou en numéraires constituant son
patrimoine propre, en vue de réaliser son objet social.

De ce qui précède, on peut retenir que la pleine capacité juridique des


Collectivités territoriales se mesure par la plénitude de leurs moyens.
C)- La formation
1- « La »
Dans la gramMaire française, il existe une distinction entre un article
indéfini et un article défini. Tandis que le premier laisse, comme l'expression
l'indique, une marge d'imprécision de vague et de flou, le second se caractérise
par sa précision, sa constance et sa clarté. C'est dire que la sélection de cet
article s'est faite dans un but précis. Tangiblement, en associant l'article indéfini
« des » l’objectif est respectivement de dire qu'il s'agit d'un thème qui, à
l’énonciation de l'article, évoque à la fois dans l'esprit du locuteur et de
l'interlocuteur une représentation abstraite d'un ensemble difficile à disséquer.

158
Les Collectivités territoriales « s’adMinistrent librement par des Conseils élus ».
159
La loi détermine les principes fondamentaux (...) de la libre administration des Collectivités
locales, de leurs compétences et de leurs ressources.
160
Loi n° 99-016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des
entreprises du secteur public et parapublic.
38
En revanche, l’article « la » marque à la fois l'unicité de la formation, sa
singularité et surtout, il augure l’existence des difficultés dans ce mécanisme de
construction. De fait l’autonomie financière relève des impedimenta qui
s'articulent autour de la distinction autonomie de gestion et autonomie des
ressources.
« La formation » quant à elle, rien de plus ordinaire particulièrement
pour le juriste. MICHOUD estimait à ce propos qu'« une théorie juridique ne
peut pas ne pas être abstraire, c'est de son essence. Une théorie juridique est
un produit de notre esprit, par lequel nous cherchons à classer les faits de la
161
vie réelle pour déterminer à quelle règle générale ils sont soumis» . C’est
exactement et profondément ce que pensait et soutenait Léon DUGUIT : «
Toute construction juridique implique une abstraction…Toute proposition est
une abstraction puisqu'elle est l'expression non pas de la réalité... Une théorie
juridique implique une classification synthétique des faits réels afin de
déterminer une règle... Elle n'a de valeur que si elle met en œuvre des faits
réels».
Il faut dire selon les cas, l'analyse du sens des concepts flous du texte
repose sur « un décodage » de l’idée émise implicitement par le législateur. Ce
décodage doit être considéré comme le résultat de la traduction visant à
restituer en clair la règle de droit codée, du fait de la complexité linguistique ou
du laconisme dans lequel elle se présente. Pour ce faire, une classification
s’appuiera prioritairement, sur les catégories162 ; les concepts163 et

161
MICHOUD (L.), La théorie de la personnalité, éd., 1924, Trotabas, pp. 43 et ss.
162
« Toute opération juridique doit rentrer dans une catégorie, à caractère net, à conditions
fixés et à effets prédéterminés ». Disait GENY (F.), Méthode d’interprétation et sources en
droit privé positif, t. Ier, 2eme éd., op.cit., p. 162.
163
Les présomptions légales ne forment guère plus qu’un prolongement et une précision de
celui de concept. Ce procédé « tend à modifier quelque peu la réalité, telle qu’elle nous
apparait ingénument, en vue de produire ou de faciliter certaines fins pratiques… il se produit
ce phénomène de technique juridique fondamentale (…) dénommée la réduction simplificatrice
des éléments substantiels du droit : par substitution du quantitatif au qualificatif, dans des
39
accessoirement, sur les présomptions de droit, les fictions164 et le langage165.
C’est aussi ce qu'ambitionne faire cette recherche.
2- Formation

Notion polysémique, le terme « formation » peut être appréhendé de


diverses manières, qu’il convient de l’utiliser de concert. En effet, formation
vient du mot latin formatĭo. Il s’agit de l’action de former ou de se former ou le
résultat de cette action166 (donner une forme à quelque chose ou, s’agissant de
deux ou de plusieurs personnes ou choses, composer le tout dont elles font
partie) plus spécialement de procurer ou d’acquérir une qualification
professionnelle167.

En matière contractuel, elle indique aussi bien la phase d’élaboration du


contrat que l’aboutissement de celle-ci marquée par la réunion de toutes les
conditions nécessaires à la perfection de l’accord et à la naissance de
l’obligation168.
Relativement à un organe, c’est l’action de le constituer, plus
spécialement l’action de la composition en nommant ses membres169.

présomptions légales… » GENY (F.), Science et technique en droit privé positif, élaboration
technique du droit positif, t. III, op. cit., p. 261.
164
De même, les fictions de droit ne forment guère plus qu'un prolongement et une précision
de celui du concept. Ce procédé « tend à modifier quelque peu la réalité, telle qu'elle nous
apparaît ingénument. La notion de fiction implique donc, a priori, l’idée d’un concept naturel,
consistant en une représentation adéquate du réel, et y oppose celle d'un concept, plus ou
moins arbitrairement forgé, qui puise toute sa valeur dans la convention inspirée par l'objectif
de droit poursuis ». La fiction « implique un acte spécifique de l’intelligence, un concept, qui à
la fois, dénature la réalité et prétend pourtant la régir ». GENY (F), Science et technique en
droit privé …, op.cit., pp. 367 ss.
165
« L’interprétation d’un texte à classer est orientée par la représentation sémantique qui se
dégage de la structure et des libellés de l’instrument de classement » BRUXELLES (S.), «
Argumentation et interprétation », in BOURCIER (D.), MACKAY (P), Lire le droit : langue,
texte, cognition, Paris, LGDJ, 1992, p 209.
166
http://lesdefinitions.fr/formation.
167
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 472
168
Ibid.
169
Ibid.
40
En gramMaire, la formation désigne la manière dont un mot se forme
d’un autre mot, ou dont un mot passe par ses diverses formes (le pluriel, le
temps, le mode, la dérivation, la composition, etc.).

En géologie, une formation est un ensemble des couches ou portions de


terrains ou de substances minérales présentant des caractères géologiques et
paléontologiques semblables qui paraissent dater de la même époque.
La formation consiste à enseigner à un employé les connaissances et les
compétences nécessaires à l’exécution de ses fonctions courantes. La formation
professionnelle est généralement adoptée pour des personnes exerçant déjà une
activité professionnelle, et souhaitant accroître leurs compétences.
Dans le cadre de l’étude la formation s’apparente à la construction170
entendue comme l’action de construire. C’est aussi l’élaboration intellectuelle,
d’une création prétorienne ou d’un système explicatif. Il y aurait donc des
constructions jurisprudentielles, celles doctrinales171. Elle désigne une suite
d’éléments dont le groupement obéit à un schéma syntaxique ou
morphologique172. C’est un procédé, un processus un mécanisme qui participe à
la transformation de l’Etat et à l’évolution des CTD.
Parce que polysémique, les notions d’ « autonomie », d’ « autonomie
financière » et de « formation » méritaient d’être circonscrites. De plus, si
l’étude se meut dans un contexte théorique précis, le travail est également
localisé au plan géographique. Pouvait-il en être autrement ? Assurément. Le
choix, discutable, fut guidé par le souci de consacrer son énergie au Cameroun.
Il procède par ailleurs de la volonté de délimiter un champ de recherche
relativement homogène qui puisse permettre d’aboutir à des résultats dignes
d’intérêt. La notion de « Collectivité territoriale » appelle cette précaution.

170
Du latin constructio
171
CORNU (G.), Vocabulaire juridique…, op. cit., p. 253.
172
Dictionnaire Larousse, p. 253.
41
Elle exprime en effet l’intention de démontrer les mécanismes financiers
locaux.

Paragraphe III : La délimitation du sujet

En raison de son intitulé, l’étude ne s’enferme pas dans le tabernacle


que désigne l’expression « Collectivités locales » ou « Collectivités
territoriales ». Elle entend pour des raisons qui seront exposées s’épanouir dans
un cadre affranchi de toute considération autre que celle liée au mimétisme des
pays sous-développés. C’est pourquoi il paraît nécessaire de démontrer une
perception camerounaise de l’autonomie financière des Collectivités. Il est donc
important de préciser les frontières de ce travail. Pour cette analyse, nous
procéderons à une double délimitation, temporelle et matérielle.

A)- La délimitation temporelle


Depuis 1996, le principe de l’autonomie des Collectivités territoriales
n’est plus seulement une réalité législative mais constitutionnelle instituée par
l’article 55 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. Aujourd’hui, si les
débats à son sujet peuvent tourner autour de son existence ou des facteurs ayant
conditionné son émergence, elle devra l’être aussi autour de son acclimatation
et de son évolution. Ceci parce qu’au Cameroun le droit financier national et
même local restent encore en friche. Pour une étude aussi importante aux
enjeux majeurs dans les domaines de la science du droit en général et de la
science financière en particulier, il sera inopportun de limiter l’étude à la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996. C’est pourquoi nous irons dans les arcanes
des différents textes ayant énoncé ou déclaré cette idée d’autonomie financière
des Collectivités au Cameroun. Car avant la loi constitutionnelle du 18 janvier

42
1996, la Constitution de 1960173 et les lois législatives de 1912 et 1946, l’ont
énoncée relativement aux Collectivités locales mais aussi à l’égard des
entreprises publiques.

B)- La délimitation matérielle


La délimitation matérielle de cette étude paraît mal aisée étant donné le
caractère épars dont elle fait preuve. Toutefois, force est de reconnaître qu’elle
porte d’abord sur les finances publiques, précisément sur la qualité de la gestion
des finances des Collectivités ou institutions territoriales. Cependant, le
caractère institutionnel de cette dernière permet de comprendre que le droit
administratif associé à la science financière et administrative y tiennent une
place importante.

Il s’agit de l’étude de la structure financière des Collectivités


territoriales. Le territoire local constitue le lieu par excellence de cette étude,
c’est le lieu géographique de la décentralisation, c’est le point fixe de la
compétence locale, il apparaît comme un creuset de la politique locale. C’est
de lui qu’il s’agit, la définition de ce concept n’est pas aisée : parfois qualifié de
concept mou174, le territoire dans ce cas fait référence à un espace
institutionnel. Le sociologue Yves BAREL175 propose de reconnaître au
territoire une définition large à partir de la notion de société locale, lieu de
différence et de spécificité. Le territoire ou la société locale ont une dimension
temporelle, perçue par tous, ce qu’on peut résumer en disant que le territoire est
de l’espace-temps176. Un espace-temps qui est toujours quelque part entre la
réalité et sa représentation réelle et tout autant imaginaire177.

173
La Constitution du 4 mars 1960 (J.O.C.4 mars 1960, pp. 315-320).
174
TRISSERENC (P.), les politiques de développement local, Economica, 1994, p.113.
175
BARREL (Y.), « Le social et ses territoires » in Espaces, jeux et enjeux, Paris, 1986,
pp. 131-139.
176
Ibid.
177
Ibid.
43
En effet, pour une meilleure compréhension du sujet en cause, l’étude
du concept de Collectivité territoriale décentralisée mérite d’être faite de façon
complète, on pourrait notamment s’interroger, d’un point de vue historique, sur
l’apparition de cette notion dans le Droit public camerounais. Pour notre part,
elle apparaît dans les textes constitutionnels qu’avec la constitution du 4 mars
1960178. Le titre XI est consacré aux Collectivités territoriales. Mais très peu de
manuels au Cameroun consacrent des développements à ce titre. Avant la loi
constitutionnelle de 96, ce titre était intitulé « Collectivités locales ». Ce
changement dans le texte constitutionnel de 1996 suscite une interrogation sur
la différence entre Collectivités locales et Collectivités territoriales.

1- L’orientation du concept Collectivité territoriale au


Cameroun

Il s’agit ici d’apporter des précisions sur la notion de Collectivité


territoriale sur les bases fondamentales qu’est la constitution et sur leur statut.
Ces analyses seront précédées du rappel de la signification au Cameroun de ce
concept, ce, comparativement à celui de Collectivité locale employé en France.
Les deux évoluent avec maintes variantes. Cette conceptualisation part du fait
qu’il est aujourd’hui possible de procéder à une étude bâtie sur l’ordre juridique
camerounais 179. Pourtant sur le plan théorique plusieurs conceptions stérilisent
la recherche en Afrique en général et au Cameroun en particulier, défendant la
profonde influence du modèle français 180.

178
Art. 40 de la Constitution du 4 mars 1960.
179
ONDOA (M.), « Le droit administratif français en Afrique francophone : contribution à
l’étude de la réception des droits étrangers en droit interne » RJPIC, éd. Juris Africa, n° 3, 56 e,
année, Sept-décembre 2002, pp. 287-333.
180
V. BIPOUM WOUM (J.M.), « recherche sur la réception actuelle du droit administratif dans
les Etats d’Afrique noire d’expression francophone : le cas du Cameroun », RJPIC, n° 3 Juillet-
sept, 1972, pp. 359 - 389
44
a- Les Collectivités locales et les Collectivités territoriales

Les deux expressions sont toujours utilisées. L’article 4 de la loi sur la


Décentralisation définit les Collectivités territoriales comme des personnes
morales de droit public chargées de la gestion des intérêts régionaux et locaux..
En effet, les intérêts régionaux sont différents des intérêts locaux. Si les
premiers concernent les régions, les seconds concernent les localités.

Depuis 1982 en France, suite à la décision du Conseil constitutionnel


sur les peuples corses181, Collectivités territoriales et Collectivités locales sont
deux expressions qui désignent la même réalité.

En référence à la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 et à celles qui


l’ont précédé, on pourra lier cette considération locale aux intérêts communaux.
En effet, dans le concept de Collectivités territoriales, l’accent est mis sur le
territoire. Il est donc plus globalisant. Celui de Collectivités locales indique
spécifiquement les communes et les communautés urbaines. Le législateur
camerounais précise le contenu de Collectivités territoriales dans l’article 3 al.1
de la loi du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation « les
Collectivités de la république sont les régions et les communes », de plus al. 3
de ce même article précise que « tout type de Collectivités territoriales
décentralisées est créé par la loi ».

La commune est la Collectivité territoriale décentralisée de base. Elle a


une mission générale de développement local et la région est une Collectivité
territoriale décentralisée constituée de plusieurs départements.

181
DE VILLEY (J.-M.), Droit administratif des biens, 3e éd., Paris, Montchrestien, 2005,
p. 153.
45
b- Conséquence

A la lecture de l’art. 3 al. 3, on peut tirer une série de conséquences.


Tout d’abord, si les catégories des Collectivités territoriales peuvent être créées
par la loi, les Collectivités territoriales faisant partie d’une catégorie déjà
existante seront créées par un simple décret 182. En effet, adopter le même
raisonnement pour les régions, lesquelles sont créées par la loi, tandis qu’il
suffit d’un décret pour modifier une région déjà existante183. C’est une question
qui n’a pas encore été tranchée et n’a pas non plus d’ailleurs été posée jusqu’ici
au Cameroun. Elle nous semble inconcevable. L’étude en question n’exige pas
qu’on s’appesantisse sur cette question.

2- L’évolution historique des Collectivités territoriales décentralisées

Pour une présentation méticuleuse de l’évolution historique des


Collectivités territoriales décentralisées, nous procéderons par une
démonstration distinctive suivant qu’il s’agisse des communes ou des régions.

a- Le cas des communes

Pour ce qui est des communes, l’approche historique diffère suivant


qu’il s’agisse du Cameroun oriental ou du Cameroun occidental.

- Les communes du Cameroun oriental

Il faut souligner que sous la domination française l’institution


communale apparaît avec le décret du 25 juin 1941184. De 1952 à 1954 toutes

182
Art. 4 loi n°2004-018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes.
183
Art. 5 de la loi n°2004 – 19 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions.
184
NGONGO (P.L.), L’histoire des institutions et des faits sociaux au Cameroun, tome II,
Berger LEVRAULT, 1987, pp. 52 -53. Leurs ressorts ont pour limites la région du Wouri pour
Douala et le périmètre urbain pour Yaoundé. La multitude de ces créations intervient à la suite
du 19 novembre 1947, attribuant au haut-commissaire le pouvoir d’instituer les communes par
46
les subdivisions (arrondissements actuels) 185 sont dotées des communes mixtes-
rurales. De 1955 à 1960, on dénombre quatre types de communes :

Les délégations gouvernementales, 186 les communes de plein exercice


dont les premières sont créées par la loi n° 1489 du 18 novembre 1955 à
Douala, Yaoundé, Nkongsamba187.

Les Communes mixtes rurales créées par la loi n° 59/44 du 17 juin


1959. Il y en a 84 dirigées par un Maire ou le sous-Préfet de la localité et les
communes rurales à moyen exercice instituées par la loi n° 90 /83 du
31 décembre 1960. Dans l’arrondissement du Nord, il y en avait 22 dirigées par
un Maire nommé par décret du Conseil de cabinet et comportant un Conseil
municipal dont les membres sont nommés parmi les notables et ou par le
Ministre d’Etat à l’intérieur. En 1967 on assiste à la création de trois communes
à régime spécial dans les villes de Douala, Yaoundé, Nkongsamba. Celles-ci
sont érigées en délégation gouvernementale par la loi188.

La loi n° 74/25 du 5 décembre 1974 simplifie l’ancien annuaire


communal à deux types de communes : communes urbaines189 et communes
rurales190. Depuis 1982 tout en maintenant les deux types de communes et suite

voie réglementaire et d’instaurer la place de la commission municipale du Conseil municipal


dont les membres sont élus.
185
Ibid., p. 54.
186
MBOME (F.X.) et LOGMO MBELEK (A.), « Droit et politique au Cameroun depuis
1982 », Juris périodique, Yaoundé, 2006, pp. 51-65, il y en avait à Douala, Yaoundé,
Nkongsamba. Elles sont dirigées par un Délégué du gouvernement nommé par décret en
Conseil de cabinet. Il est assisté d’adjoints nommés par arrêté du secrétaire d’Etat à l’intérieur.
187
Ibid., Elles ont à leur tête un Maire nommé par un Conseil de cabinet et des adjoints
nommés par arrêté du secrétaire d’Etat à l’intérieur.
188
PEKASSA NDAM (G.), « Les classifications des communes au Cameroun » RASJ, vol. 6,
n°1, 2009, pp. 229-266.
189
Art. 2 de la loi du 5 décembre 1974 définit les communes urbaines comme celles dont le
ressort territorial se réduit à une agglomération urbanisée.
190
Le même article circonscrit la commune rurale à celle dont le ressort territorial s’étend à la
fois sur les agglomérations urbanisées ou non et sur des zones rurales.
47
à la loi du 25 septembre 1987191 le nombre de communes et de Conseils
municipaux s’est décuplé192.

Dans un souci d’égalité et d’uniformité qui n’a pas que des avantages,
les institutions locales établies par le législateur peuvent être modifiées dans
leurs composantes essentielles. Elles présentent une rassurante simplicité et se
caractérisent par la même dualité d’organe : une assemblée délibérante et un
exécutif. Pour aller plus loin, notamment en France, l’histoire de la commune
remonte au Moyen-Âge. La commune y succède aux anciennes paroisses193. Au
Cameroun, elle tient sa justification toujours récurrente de la volonté de
développement des zones reculées du pouvoir central. Car « c’est (…) dans la
Commune que réside des peuples libres. Les institutions Communales sont à la
liberté ce que les écoles priMaires sont à la science. Elles la mettent à la porte
du peuple, elle lui en fait goûter l’usage paisible et l’habitue à s’en servir. Sans
une institution Communale, une nation peut se donner un gouvernement libre,
mais elle n’a pas l’esprit de la liberté »194.
- Les communes du Cameroun Britannique

Dès 1921, il est créé des « Natives Courts », sortes d’assemblées


coutumières autour du chef de village, instituées en vue de la gestion des
affaires locales. « Soucieux d’une décentralisation et d’une conscientisation
poussées, l’autorité britannique ne va pas bouleverser les structures. Elle

191
Décret n° 87/1365 et 87/1366 du 25 septembre 1987 portant création respective des
communes urbaines de Yaoundé et Douala.
192
On est passé de 192 communes avant 1982 à 340 communes et de 5505 Conseils
communaux à 9300. V. PEKASSA NDAM (G.), « Les classifications des commune… »,
op. cit.
193
LEMARIGNIER (J.-F.), la France Médiévale, Institution et Société, Paris, Armand Collin,
Collection U, 1970, pp. 121-166.
194
DE TOCQUEVILLE (A.), De la Démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, coll. Idées,
1968, p. 72.
48
travaille avec l’organisation sociale qui existe. Le FON en est la clé de voûte et
va donc être appelé à gérer la nouvelle structure »195.

En 1951, nous assistons à une transformation de natives courts en


« native Authority ». A l’opposé des premiers dont la compétence se cantonnait
aux limites du village, la native authority voit son influence s’étendre au-delà
du village. L’introduction du choix du Maire (élection du Chairman) détermine
cette évolution196.

De 1961 à 1966 les natives autorithies vont prendre en premier la


dénomination de « local authority » ensuite de « local Council » en 1966 et
enfin l’institution des « area Councils ». Ils sont autonomes pour la gestion des
affaires locales.

c- Le cas des régions

La région quant à elle est l’aboutissement d’une lente et prudente


progression. La régionalisation se rattache à des idéologies variées. Au 19 ème
siècle les régionales se situaient à droite. Elles s’opposaient au jacobinisme
égalitariste et unitaire de la gauche197. En effet, la régionalisation du territoire
camerounais se distingue de la régionalisation politique dans laquelle la
décentralisation territoriale est principalement politique, c’est-à-dire une
décentralisation dans laquelle les régions sont une catégorie privilégiée des
Collectivités territoriales au bénéfice d’un statut de nature à les rapprocher
qualitativement d’entités fédérées198. La popularité de la notion de région

195
NGONGO (P.L.), Histoire des institutions…op. cit., t. I, p. 82 et ss.
196
Ibid.., t. II, p. 58 et ss.
197
BARRES (M.), Famille des individus, voilà la Commune ; Famille de communes, voilà la
région ; Famille de régions, voilà la Nation ; Conférence de 1855.
198
GOHIN (O.), « La nouvelle décentralisation et la réforme de l’Etat en France, le Droit
administratif », Recueil d’articles, t. II, p. 525. Cet auteur poursuit en disant que : la
régionalisation politique, comprise en ce sens, peut être identifiée par la création de
49
contraste avec la difficulté que l’on rencontre à la définir. Dans son sens
traditionnel, la région est une notion géographique humaine199. Elle distingue
un espace défini par un ensemble de caractéristiques physiques, climatiques,
humaines, culturelles, linguistiques ou autre qui justifie d’en faire un corps
politique auquel une autonomie plus ou moins large doit être reconnue200. En
tant qu’unité politique ou administrative, il s’agit d’une notion relativement
récente, dans la législation camerounaise.
In fine, l’étude de l’autonomie financière des Collectivités
décentralisées, dans leur diversité et leur rôle respectif, relève à la fois de
l’histoire, de la recherche juridique, de la science politique, économique,
financière et administrative. L’étude trouvera également sa particularité dans la
présentation des intérêts qu’elle laisse percevoir.

3- Le statut particulier des Collectivités territoriales

Nonobstant sa rigidité et son ancienneté, le principe de l’indivisibilité


s’accommode sous l’empire de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 de
différenciations statutaires. Le dogme figure toujours au premier plan de nos
dispositions constitutionnelles. Mais il a dû composer avec une réalité
institutionnelle de plus en plus imaginative. Cette confrontation entre les bases
juridiques traditionnellement restrictives et un foisonnement institutionnel
discordant résulte d’un compromis progressivement élaboré par le législateur
camerounais. Elle va de concert avec la définition donnée par Réné CHAPUS
des Collectivités territoriales décentralisées. Elles s’entendent comme :
« constituant des unités administratives personnalisées et autonomes, elles ont

Collectivités à autonomie politique, dotées de compétences exclusives, constitutionnellement


définies et garanties, et d’un pouvoir normatif, qui, cependant, pour être matériellement n’est
pas formellement législatif dans le cadre de ces compétences.
199
Ibid., p. 526.
200
MARCOU (G.), « Régionalisation et ses conséquences sur l’autonomie locale des Collectivités
territoriales », communes et régions d’Europe, n° 64, p. 40.
50
leurs représentants élus, chargés de régler leurs affaires, sous la surveillance
(et non l’autorité) des représentants de l’Etat »201.

a- La qualité de personne morale des CTD

La notion de personnalité morale a donné lieu, jusqu’au début du XXe


siècle, à un certain nombre de controverses aujourd’hui apaisées. On considère
que l’attribution de la personnalité morale à un organisme décentralisé est
« une facilité pour la vie juridique »202, on y voit qu’une pure technique
juridique.

En effet, l’Etat lorsqu’il crée une Collectivité décentralisée, définit cette


nouvelle entité par une double attribution de la personnalité morale et d’un
patrimoine. La personnalité morale en droit public est une notion homogène par
sa nature. L’autonomie financière qui est le corollaire et qui bien souvent est à
l’origine de la personnification203, est une caractéristique commune à toutes les
entités personnifiées. Il est classique d’opposer les Collectivités territoriales qui
constituent des groupements distincts de l’Etat, dotés d’une organisation et
d’autorités différentes de l’organisation étatique, qui souvent ont préexisté à
l’Etat. Leur origine comme leur maintien est de nature politique. Les
démembrements de pure forme de l’autorité étatique dont la personnalisation ne
s’est faite que dans un but technique et que l’on qualifie parfois de personnalité
factice204.

Si les Collectivités territoriales à l’origine n’ont pas été un


démembrement de l’Etat, c’est-a-dire qu’elles sont en particulier les communs

201
CHAPUS (R.), Droit administratif général, t. 1, Paris, Montchrestien, 1998, 12e éd., p. 240.
202
Ibid.
203
BENOIT (F.-P.), Le traité de droit administratif français, Paris, Harmattan, 1968, p. 23.
204
MICHOUD (C.), La théorie de la personnalité morale et son application en droit français,
3eme éd par TROTABAS (L.), t. I, p. 369.
51
groupements naturels préexistants ou post-existants à la formation de l’Etat,
c’est ici la différence entre les institutions déconcentrées qui elles aussi
disposent de la personnalité juridique mais qui restent un démembrement de
l’Etat. Ces dernières sont de simples aires géographiques correspondant aux
implantations des services de l’Etat et limitant territorialement l’exercice des
attributions de leurs agents205. Il y a donc une frontière entre les institutions qui
ne sont et n’ont jamais été que des démembrements techniques et qui relèvent
de l’art administratif, et ceux qui sont souvent historiquement des associations
nationalisées206. C’est une situation similaire que celle des établissements
publics qui eux apparaissent comme « un vêtement juridique traditionnel pour
couvrir l’embryon d’une Collectivité nouvelle territoriale »207. La réserve de
puissance concédée reste ainsi virtuelle d’autant plus que c’est le législateur qui
est désigné pour déterminer les conditions de mise en œuvre de la libre
administration des Collectivités territoriales. Sans intervention de la part des
pouvoirs constitués étatiques (stricto sensu), la puissance territoriale reste lettre
morte208.

b- La personnalité morale et l’autonomie financière

Une appréhension reste très importante, celle de savoir si de


l’autonomie financière découle de la personnalité morale ou inversement. On
peut apporter une pluralité d’orientations suivant les législations à cette
interrogation. Toutefois, pour une compréhension claire de l’objet d’étude, il

205
Une telle distinction peut paraître ambigüe dans la mesure où certains découpages du
territoire coïncident à la fois avec des circonscriptions administratives et avec des Collectivités
décentralisées, ainsi en est-il des départements et des régions.
206
JEZE (G.), Les principes généraux du droit administratif , t.II, Paris, Berger levrault, 2004,
p. 27, cité par VOGEL (G.), Encyclopédie judiciaire luxembourgeois, Dictionnaire juridique,
LARCIER, Belgique, 2010, 493 p.
207
Ibid.
208
DE MALBERG (C.), « Confrontation de la théorie de la formation du droit par degré … »
op. cit., p. 92.
52
est nécessaire dans le cadre de la législation camerounaise de démontrer que si
la personnalité morale implique l’autonomie financière, il n’en demeure pas
moins que l’autonomie suppose la personnalité morale.
- La personnalité morale implique l’autonomie financière
La personnalité morale de droit public, ou plus précisément l’octroi de
la personnalité juridique à une Collectivité territoriale traduit sa reconnaissance,
au plan juridique, en un centre d’imputation de droits et d’obligations, par
référence aux termes chers à KELSEN pour qui, le sujet de droit n’est que le
moyen d’une « opération d’attribution ».

Une synonymie naturelle semble, en effet, exister entre la personnalité


juridique de l’organe décentralisé qui est « une (forme de) stylisation de la
personne morale » de l’Etat et l’autonomie de l’organe décentralisé qui est la
marque d’une relative indépendance d’un groupement humain considéré par
rapport à l’Etat209. Les textes lient toujours les deux notions. Toutefois, le fait
même que les deux expressions soient employées pourrait être une preuve que
les deux qualités ne sont pas nécessairement liées. C’est le fondement de
certains auteurs tels que DRAGO et LIET-VEAU pour montrer que
l’autonomie financière n’est pas inhérente à la qualité d’établissement public 210.

L’autonomie financière reste le caractère commun à toutes les personnes


décentralisées. C’est le sens de l’approche qui, lorsqu’elle consacre ce principe
ne fait aucune distinction entre les régions et les communes actuellement seules
Collectivités décentralisées. Ainsi, l’autonomie financière est-elle un terme
sacramentel211 qui accompagne toujours la personnalité morale. S’il existe des

209
MAITROT (J.-C.), Recherches sur la notion d’autonomie financière en droit public, Thèse
Paris, 1972, p. 99.
210
J.C.A.FASC. 135 n° 56.
211
PHILIP (L.), « Le droit constitutionnel des Collectivités territoriales », Cahiers du Conseil
constitutionnel n° 12, mai 2002, p. 5.
53
rares exceptions, la plupart du temps l’autonomie financière vient s’agréger à la
personnalité morale.
La philosophie générale qui sous-tend la doctrine classique et moderne
de la décentralisation s’articule donc autour de l’existence d’organes autonome.
Autrement dit, personnalité juridique et autonomie sont des conditions
indissociables. L’existence de l’un sans l’autre invaliderait la notion même de
décentralisation. C’est, croyons-nous, l’idée qu’exprime François LABIE
lorsqu’il écrit que « l’autonomie juridique est assurée par la personnalité
morale qui est reconnue (aux) Collectivités. Elle fait d’elles des sujets de droit
distincts de l’Etat, dotées d’affaires qui leur soient propres, gérées par des
organes propres exprimant à cette occasion une volonté juridiquement
autonome »212.
L’idée d’autonomie, étroitement liée à celle de décentralisation
territoriale ou par service selon Jean - Claude MAITROT, l’est également à la
notion de personnalité morale. Suivant son étude sur les aspects financiers de
l’autonomie en Droit public, l’auteur soutient « que la personnalité morale
implique l’autonomie financière, l’autonomie financière suppose la
213
personnalité morale » . Mais la démonstration ne semble pas aisée. Il prend
pour point de départ des exemples fort illustratifs de la négation même de ses
propositions, et tente en vain d’expliquer qu’il s’agit dans ces cas tantôt d’une «
anomalie », tantôt d’une « curiosité », tantôt enfin d’une « aberration ».
L’anomalie, la curiosité et l’aberration seraient donc des faits imputables à
l’Etat, organe créateur. Cette hypothèse nous semble indiscutablement
insoutenable. Prétendre qu’un organe pourvu de la personnalité juridique et non
pourvu d’une autonomie (et inversement) constitue une anomalie, c’est

212
LABIE (F.), Finances locales (cours), Dalloz, série droit public – science politique, 1985,
p. 5.
213
MAITROT (J.-C.), Recherches sur la notion d’autonomie financière en droit public, Thèse
Paris, 1972, pp. 152–157.
54
méconnaître l’essence même du pouvoir créateur de l’Etat d’une part, et situer
l’organe créé au même rang que son créateur d’autre part214.
Enfin, le fait de poser que l’autonomie financière suppose la
personnalité morale suffit à conclure que cette dernière n’est aucunement liée à
l’autonomie financière215. Alors que l’auteur emploi un terme impératif –
implique – dans le premier volet de sa proposition, il se résout cependant à un
terme plus approximatif – suppose – dans la seconde.

Pour Jean - Claude MAITROT, « qu’il s’agisse de décentralisation


territoriale ou de décentralisation technique, la personne morale dont
l’originalité par rapport à l’Etat a été reconnue, et qui a été érigée en sujet de
droit, doit pour vivre sa vie administrative disposer de moyens humains et
matériels, et pour cela dépenser, ce qui appelle en contrepartie la disposition
de l’autonomie financière »216. Georges VEDEL y voit la nécessaire liaison «
puisque la possession d’un patrimoine propre suppose l’existence d’un budget
et d’une comptabilité propre »217.

Comme l’écrit Paul AMSELEK en principe l’octroi de la personnalité


juridique devrait entraîner la constitution d’un budget autonome distinct de
celui de l’Etat218. Cependant, il convient de ne jamais perdre de vue les

214
Seul l’Etat ou tout autre organe créateur peut souverainement décider d’octroyer ou non
l’autonomie financière à l’organe public crée. L’organe créateur jouit donc d’un pouvoir
discrétionnaire qui lui permet, par ailleurs, de moduler l’autonomie en question lorsqu’il
l’accorde.
215
Dans sa thèse consacrée à l’autonomie financière des services publics, Thèse, Paris, 1930, p.
30 et ss., M. Debray démontre que ‘’la personnalité morale n’est aucunement liée à l’autonomie
financière’’, idée que récuse fortement J.- C. Maitrot, op.cit., p. 152, pour qui, ce dernier
confondrait ‘’autonomie financière et individualité financière’’.
216
MAITROT (J.-C.), op. cit., p. 152.
217
VEDEL (G.), Traité de droit administratif, op. cit., p. 735. V. VEDEL (G.), Droit
Administratif, paris, PUF, coll., 1964, p. 513, v. VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.),
Droit administratif, paris, PUF, coll . « themis », 11e éd., 708 p.
218
AMSELEK (P.), Le budget de l’Etat sous la Ve République, op. cit., p. 57.
55
circonstances qui ont pu conférer aux Collectivités la personnalité morale et
l’autonomie financière.
- L’autonomie financière n’implique pas toujours la personnalité morale

Les communes gèrent des services publics à caractère industriel et


commercial qui n’ont pas d’autonomie financière et dont la personnalité
juridique est douteuse. Le législateur camerounais l’a si bien précisé dans
l’article 51 alinéa 1 de la loi de 2004. Il énonce que des budgets annexes sont
établis pour les services publics régionaux ou communaux dotés de l’autonomie
financière, mais sans personnalité morale. Cette orientation permet de faire une
différence entre les services qui disposent de l’autonomie financière mais n’ont
pas de personnalité morale et ceux qui disposeraient de certains attributs de la
personnalité. C’est toute la portée de la différence entre l’autonomie financière
et l’individualisation financière219.

Dans ce cas, on perçoit le lien qui existe entre la personnalité morale de


droit public et l’autonomie financière. Il conduit à préciser la notion
d’individualité financière. En effet, un service public peut être doté de certains
attributs de la personnalité, sans obtenir l’ensemble des attributs de cette
personnalité, mais dans ce cas, sur le plan financier, il sera simplement investi
d’une individualité financière ou d’une personnalité comptable que l’on peut
définir comme « une mesure d’ordre intérieur, un mécanisme administratif »220
qui a pour objet de « faciliter et de simplifier la gestion de certaines branches
de revenus publics et de faire apparaître d’une manière immédiate, au moyen
d’un compte séparé, les résultats de cette gestion »221.

219
DUSSART (V.), L’autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, CNRS,
2000, 334 p.
220
.TROTABAS (L.), Finances…, op. cit., Encyclopédie Dalloz V. personnalité morale.
221
MICHOUD (C.), op. cit., p. 334.
56
La doctrine222 assimile souvent l’autonomie financière et
l’individualisation financière. En effet, si être investi de l’individualité
financière, c’est avoir un budget, un ordonnateur, un payeur, des comptes, et si
un service peut posséder, en tout ou en partie des attributs de la vie
administrative sans avoir la personnalité civile223, le service doté uniquement
de l’individualité financière n’a pas de patrimoine propre. Ses recettes et ses
dépenses sont les dépenses de l’Etat. Or, dans le cas du Cameroun, les
Collectivités décentralisées disposent de la personnalité civile car elles sont à
même d’ester en justice et de se présenter en tant que tel en cas de conflit 224.

S’il est certain d’émettre un doute sur l’existence ou alors l’effectivité


de l’autonomie financière des Collectivités territoriales, il se tient des raisons
juridico-sociales qui ont marquées l’histoire législative camerounaise.
Cependant les résistances juridiques ne donnent pas de céder aux caprices de
ces différentes orientations. Aussi pour rentrer dans le vif du sujet, il est
adéquat de s’appesantir sur la problématique liée à l’objet de l’étude.
L’autonomie, capacité juridique pour un organe qui en bénéficie
d’émettre ses propres normes selon son étymologie grecque, qu’elle soit
administrative, financière ou encore administrative et financière, se distingue
fondamentalement de la personnalité morale dont elle n’est qu’un des attributs.
Ainsi lorsque le législateur utilise dans un texte constitutionnel ou de portée
légale l’expression « personnalité morale » généralement suivie de celle d’ «
autonomie » avec ou sans qualificatif, il ne s’agit point d’une répétition des

222
DUSSART (V.), L’autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, op. cit.,
DELCROS (B.), L’unité de la personnalité juridique de l’Etat, op. cit.
223
DI BRAGA (M.) et LYON, Traités des obligations et de la responsabilité des comptables
publics, t. II., n° 171.
224
Recours n° 1784/ 03-04 du 15 octobre 2003, FAMPOU Dénise c/ Communauté urbaine de
Douala ; Recours n° 644/ 99 – 2000 du 04 juillet 1997, Commune rurale d’Angossa c/ Etat du
Cameroun…
57
principes énoncés, mais plutôt d’une précision tendant à considérer la personne
juridique nouvellement créée dans sa plénitude225.

Section II : L’objet de l’étude

Si sur le plan méthodologique l’étude du Droit financier local soulève


de nombreuses difficultés, la construction d’une problématique y relative n’est
guère aisée. En général, la détermination de l’objet de l’étude est subordonnée à
l’existence d’une confiance minimale à l’égard du système juridique considéré.
L’idée est que pour être étudié, un système, doit par sa cohérence, supposer
qu’il peut être étudié. Et que son existence ne soit pas remise en cause. Cette
condition nécessaire à la construction de l’objet d’une recherche n’est guère
remplie dans le contexte africain en général et camerounais en particulier.

Comment en effet étudier un système juridique qualifié a priori de


précaire et mis en œuvre par des politiques considérées comme ignorant.
L’originalité du droit local par rapport au droit national est de plus en plus
démontrable. Il devient difficile de construire une problématique relative à la
formation de l’autonomie financière des Collectivités territoriales
décentralisées et de l’étudier autrement que par la recherche des mécanismes
liés à leur effectivité. La notion d’effectivité présuppose l’existence226 dans la
législation des Collectivités décentralisées du principe de l’autonomie
financière et considère les révélations relatives à l’évolution d’un droit local
camerounais le plus souvent amoindri par l’idéologie de la construction de
l’unité nationale. Cette approche stérilise la recherche et en hypothèque les
résultats, avec toute la vigueur d’une idée non encore démontrée.

225
TSIMI (L.), L’autonomie administrative et financière …op. cit., p. 97.
226
V. infra., p. 5 et 6.
58
Il importe donc de dépasser l’approche purement juridique pour
analyser cette autonomie financière sur le plan pratique au niveau des situations
de faits ramenées à son contenu essentiel. C’est l’organiser telle qu’elle puisse
avoir une existence non indépendante mais autonome, dans le respect des lois,
en se référant à la législation camerounaise. L’on s’aperçoit que les éléments
constitutifs d’une véritable autonomie financière des Collectivités territoriales
ne sont jamais complètement conférés à celles-ci étant donné certains principes
directeurs de la constitution227.
Paragraphe I : La problématique

La recherche se construit autour d’une question fondamentale :


Comment se forme l’autonomie financière des Collectivités territoriales
décentralisées au Cameroun ? Elle appelle des précisions à fournir,
nécessaires pour la constitution des perspectives d’approches.

En effet, l’objectif visé est d’identifier la ou les données des différents


types d’autonomies possibles à exécuter et de déterminer les espaces
d’application de ces différentes formes. Ce dernier aspect de la recherche est
rendu nécessaire par deux principales considérations : chercher à identifier un
système d’autonomie complexe, c’est présupposer son existence et tenter de
restituer sa cohérence et sa logique interne. Celle-ci étant contestée, le souci est
d’autre part d’apporter une esquisse de preuve de l’effectivité bien que
restreinte ou même discutable, expression du processus de construction. Au
total, la préoccupation est à la fois de restituer les éléments d’une construction
de l’autonomie financière et de les situer dans un Etat républicain et de
décentralisation.

227
Non pas que nous disions que le législateur veuille accorder la priorité à certains principes
qu’à d’autres.
59
A)- Le traitement de la problématique : Les données du
problème

Avant de s’appesantir sur les outils permettant l’élaboration de


l’autonomie financière des Collectivités camerounaises, il est fondamental de
justifier la problématique posée.

Il nous semble que ce choix ne peut être fait indépendamment de l’Etat.


En effet, l’autonomie financière est diversement construite suivant les systèmes
politiques en place et les formes de l’Etat (présidentiel ou parlementaire et
unitaire ou composé). Dans les uns comme dans les autres, l’autonomie
financière, si elle existe, s’exerce à des degrés différents. Son exercice dépend
cependant d’un préalable celui de sa consécration.
Nous analyserons à la suite des régimes politiques, les formes de l’Etat
en rapport avec l’autonomie financière des Collectivités territoriales.

1- La condition préalable de la consécration de l’autonomie


financière

La consécration est une reconnaissance totale et sans égard par la loi


constitutionnelle pré-énoncée. L’interprétation des principes constitutionnels ne
devrait pas être faite dans l’ignorance des autres règles constitutionnelles et de
l’esprit même de la puissance territoriale.
Les constitutions les plus récentes consacrent chacune des dispositions
aux Collectivités territoriales. Cette inscription constitutionnelle, si elle ne
confère pas une Constitution à chacune des Collectivités territoriales, donne
une source constitutionnelle à celle-ci. Cette constitutionnalisation vient
conférer une protection formelle là où il n’y avait qu’une admission législative.

Le constituant du 18 janvier 1996 consacre un Titre aux Collectivités


territoriales. Il s’agit là d’une nouveauté, dans la mesure où les dispositions
60
adoptées, outre qu’elles reconnaissent l’existence des Collectivités territoriales,
consacrent une liberté d’administration et non pas un simple principe
d’organisation administrative associé à une autonomie financière. Les
rédacteurs de cette Constitution ont d’ailleurs beaucoup débattu de cette
innovation228. Le point de vue dominant était que les Collectivités territoriales
avaient ainsi quitté la Constitution administrative de l’Etat pour intégrer la
Constitution politique de la Nation229. La préoccupation qui se pose alors est de
savoir ce que cette constitutionnalisation implique en termes d’autonomie et de
puissance.

Cette inscription constitutionnelle modifie, semble-t-il, la répartition du


pouvoir de l’Etat. La Constitution230 vient, en effet, dans un premier temps et
assez classiquement, fonder la puissance d’Etat231, sans que cela ne soulève le
moindre débat. Il n’en va pas de même des dispositions relatives aux
Collectivités territoriales dont il convient, dans un second temps, d’apprécier la
portée. La loi fondamentale reconnaît tout d’abord l’existence des Collectivités
territoriales. Celles-ci se caractérisent par leur identité structurelle non
seulement entre elles, mais également à l’égard de l’Etat, qu’elles semblent
pour partie reproduire, à travers un substratum commun qu’est leur population.

La Constitution confère, ensuite, à ces Collectivités territoriales une


liberté d’administration. Elle va même au-delà en consacrant
l’accomplissement du processus de décentralisation amorcé plus tôt en
accordant aux Collectivités territoriales une certaine liberté de gestion

228
OLINGA (A.D.), La Constitution de la République du Cameroun, Yaoundé, Presses de
l’UCAC, Les éd. terre africaine, 2006, p. 55 et ss.
229
Ibid.
230
Aussi bien celle de 1972 que celle de 1996.
231
La présence des organes constitués étatiques classiques en témoigne.
61
financière232. Or, une liberté peut être définie en fait comme une réserve de
puissance233, un cadre dans lequel l’acteur à qui elle a été reconnue peut se
mouvoir à sa guise, discrétionnairement sans en référer à quiconque. D’ailleurs,
la souveraineté n’est qu’une liberté absolue234 et suprême en ce qu’elle garantit
à son titulaire que rien ni personne ne lui imposera quoi que ce soit qui soit
contraire à sa volonté235. De son côté, la puissance d’Etat est une liberté
suprême, mais non absolue car le pouvoir constituant originaire a fixé les
bornes dans le cadre desquelles elle s’exprime. Par le biais de sa
constitutionnalisation, la puissance territoriale semble connaître la même
situation. Dès lors, les Collectivités territoriales, comprises comme un nouveau
pouvoir constitué, fragilisent cette orientation de la puissance d’Etat ou
territoriale236.

En effet, il s’agit respectivement du Titre X de la loi constitutionnelle


de 1996 et du Titre XI de la Constitution de 1972. Les constitutions précédentes
ne font pas référence aux Collectivités territoriales. On trouve, certes, des
dispositions relatives à l’administration locale dans d’autres textes
constitutionnels, mais il s’agit alors principalement de ce que l’on qualifierait
aujourd’hui de déconcentration237. Seule la loi Constitutionnelle de 1996 peut
être interprétée comme décentralisatrice238. Les Collectivités territoriales
« constituent un des éléments du corps politique de l’État »239

232
BACOYANNIS (C.), Le principe constitutionnel de libre administration des Collectivités
territoriales, Paris, Economica - PUAM., 1993, 319 p.
233
Ibid.
234
Ibid.
235
Ibid.
236
Ibid., (particulièrement le Titre II de la première partie consacrée à la définition du principe
de libre administration des Collectivités territoriales).
237
VERPEAUX (M.), « La Constitution et les Collectivités territoriales », RDP, 1998, pp.
1379-1381.
238
Ibid., p. 80.
239
BÉNOIT (F.-P.), Le droit administratif français, Paris, Dalloz, 1968, p. 19.
62
Des grandes innovations de la constitution révisée du 18 janvier 1996,
l’autonomie financière des Collectivités territoriales accentuaient les politiques
de développement local commencées plus tôt. L’article 55 alinéas 2 consacre la
volonté du constituant de concéder aux Collectivités la libre gestion de leur
patrimoine. Une pluralité de textes et de lois d’application vont contribuer à la
matérialisation de cet objectif. Il s’agit des lois du 22 juillet 2004. Les
différents textes relatifs aux transferts de compétences et les modalités
financières y afférentes ne seront pas en reste240.

Depuis 2009 au Cameroun, on assiste à nombre de réformes avec les


décrets du 26 juillet 2009 relatifs au transfert de compétence de l’Etat aux
Collectivités territoriales. C’est le sens des articles 1 et 3 de ce décret 241.
L’article 3 énonce en substance que les compétences transférées par l’Etat en
matière de construction d’équipement, d’entretien et de maintenance des écoles
priMaires et des établissements préscolaires, sont exercées par les communes
dans le strict respect des dispositions locales et réglementaires en vigueur.

La doctrine juridique classique n’apporte pas une définition satisfaisante


de la compétence et de la répartition des compétences entre les agents publics.
Cette lacune tient essentiellement à une utilisation peu rigoureuse des concepts
de base. En effet, l’idée première de la répartition des compétences est celle
d’une division du travail entre les agents publics. Son contenu diffère selon les

240
Décret n° 2009/248 du 5 août 2009 fixant les modalités d’évaluation et de répartition de la
dotation générale de la décentralisation. Décret n° 2010/0239 à 0247/PM du 26 février 2010
relatif aux modalités d’exercice de certaines compétences transférés par l’Etat aux Communes.
Décret n° 2010/0242/PM du 26 février 2010 fixant les modalités d’exercice de certaines
compétences transférées par l’Etat aux communes en matière de production des activités de
production agricole et de développement rural. Décret n° 2010/0240/PM du 26 février 2010
fixant les modalités d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux communes
en matière de création et d’entretien des routes rurales non classées ainsi que de la construction
et de la gestion des bacs de franchissement.
241
Décret n° 2009/246 du 26 juillet 2009 relatif au transfert de compétences de l’Etat aux
Collectivités territoriales.
63
types d’organisation des pouvoirs adoptés. Au Cameroun, comme dans bien
d’autres pays242, la répartition des compétences s’applique à une organisation
de l’Etat dite décentralisée, ce, depuis la loi constitutionnelle du 18 janvier
1996. Autour du concept de Décentralisation viennent se greffer nombre de
notions voisines telles celles de « gouvernement local » ou « autonomie
locale ». Pour certains auteurs à l’instar de Jean Marie PONTIER, un simple
coup d’œil sur l’utilisation de ces notions montre qu’il s’agit beaucoup plus de
thème pour banquets de notables ou de profession de foi d’élus locaux243 que la
notion dont la définition juridique serait juridiquement fixe. Ceci est la
conséquence de l’ambiguïté du terme Décentralisation. Celui-ci ne devrait être
logiquement qu’un concept de pur droit : la décentralisation est un concept mal
fixé244.

Ainsi, le texte constitutionnel reprend tout son contenu politique. Cela


rappelle que la Constitution est essentiellement un texte d’organisation du
pouvoir. Dès lors, la place des Collectivités territoriales se profile et évolue. La
Constitution offre aujourd’hui un portrait tout en nuance de ces structures, en
faisant des moyens d’expression du pouvoir politique intégrés à un Etat que
l’on veut, au Cameroun, encore (et toujours) unitaire. L’évolution du droit
montre que, l’autonomie prend une forme plus subtile. La loi de 2009 pourrait
d’ailleurs en être un parfait exemple.
En définitive, l’importance de la Constitution dans la définition de
l’autonomie ainsi que la reconnaissance de l’existence matérielle des droits
propres aux communes, devraient permettre de poursuivre sa réflexion dans le
cadre de l’Etat contemporain et suivant une approche normativiste.

242
France, Espagne, Maroc…
243
PONTIER (J.-M.), L’Etat et les Collectivités territoriales : la répartition des compétences,
Paris, LGDJ, 1978, p. 84.
244
Ibid.
64
2- Les variations de l’autonomie financière suivant les
régimes politiques

Les régimes politiques considérés ici sont le régime parlementaire et le


régime présidentiel. Dans l’un comme dans l’autre, s’il s’agit toujours de l’Etat
dans son rôle tutélaire, son intensité varie. A l’observation, les régimes
parlementaires ont plus facilement accordé et ceux, à grande échelle,
l’autonomie aux Collectivités décentralisées. L’autorité et la liberté sont plus
référentielles dans l’un que dans l’autre.

Sous l’angle de l’autorité, les relations entre l’Etat et les Collectivités


sont gouvernées par le contrôle du premier sur le second. Il s’exprime
juridiquement par la tutelle. Son exercice est parfois considéré comme un
coadministrateur local par les autorités décentralisées et par l’Etat.

Sous l’angle de la liberté, la relation entre l’Etat et les Collectivités


territoriales est gouvernée par la division des pouvoirs. « Dans un pays où les
relations entre le pouvoir et les citoyens sont plus souvent conçues en termes de
persuasion et adhésion, les relations entre l’Etat et les Collectivités locales
seront inspirées par la même philosophie »245.

3- Les variations de l’autonomie financière suivant les


formes d’Etat

L’autonomie financière tient à priori une place différente suivant qu’il


s’agisse d’un Etat unitaire ou fédéral. Dans l’Etat unitaire, le rapport avec les
Collectivités décentralisées repose sur une définition des compétences de
chacun. La nature des relations entre les politiques de décentralisation et de

245
JOSENDE (L.), Liberté d’expression et démocratie : Réflexion sur un paradoxe,
Etablissement Emile Bruylant, ISBN, 2010, p. 101.
65
déconcentration est un processus de fertilisation croisée246 qui conduirait, à
travers le dialogue entre l’Etat et les Collectivités territoriales à une approche
pragmatique de la répartition et de l’exercice des compétences. Cette
dynamique institutionnelle et politique caractérise de manière croissante les
relations entre l’Etat et les autres acteurs publics sur le territoire. Elle se
rapproche d’un modèle de bonne gouvernance fondé sur une gestion
territoriale et partenariale des politiques publiques.

Le système juridique camerounais distingue, en effet traditionnellement


les compétences étatiques de celles des Collectivités territoriales. Les relations
entre l’Etat et les Collectivités territoriales sont exemptes des tensions entre le
principe d’autorité et le principe de liberté. L’idée de gouvernement local
exprime une idée de non dépendance, de non subordination à l’égard du
pouvoir central.

La défense ou la police, les autorités locales présentent dans une


certaine mesure un caractère étatique, elles sont la projection territoriale de
l’Etat. De manière générale, nous pouvons conclure avec Jean Marie PONTIER
qu’il n’existe pas d’intérêts exclusivement locaux et donc pas de matière que
l’on puisse faire relever de l’intérêt local247. L’image la plus exacte est celle de
l’enchevêtrement et non de la séparation des compétences.

La répartition des compétences entre l’Etat et les Collectivités


territoriales donne de percevoir l’Etat aujourd’hui comme un Etat
partenaire248. Ce partenariat ne constitue pas à proprement parler une nouvelle

246
ALBERTINI (J.-B.), Réforme administrative et réforme de l’Etat en France : thème et
variation de l’esprit de réforme de 1815 à nos jours, Paris, Economica, 2009, p. 49.
247
V. POMTIER (J.M.), La répartition des compétences…op. cit.
248
Ibid., p.114. Malgré d’apparentes similitudes, le rapprochement de cette notion avec celle de
subsidiarité telle qu’elle a été présentée ci-dessus doit être envisagé avec prudence : il ne s’agit
pas en effet de limiter les missions de l’Etat à une action de substitution faisant de son
intervention l’exception par rapport à celles des Collectivités territoriales. La mission de l’Etat
66
mission de l’Etat mais plutôt une modalité nouvelle de l’exercice de la fonction
régulatrice de celui-ci.

Dans le cas de l’Etat fédéral, contrairement à une idée reçue, le


fédéralisme ne favorise pas la diversité institutionnelle au niveau des
Collectivités locales, il ne favorise pas la décentralisation. C’est en effet à
l’intérieur de chaque Etat membre que se pose la décentralisation. Cependant,
le degré d’autonomie dépend de l’étendue des garanties qui se trouvent dans la
constitution fédérale et dans celle de la législation des Etats fédérés.
L’autonomie des Collectivités territoriales est parfois plus grande dans les Etats
unitaires que dans les Etats fédéraux249. Le fédéralisme désigne une réalité
politique différente, l’Etat fédéral procède toujours d’une union d’Etat et
chacun de ces Etats est lui-même une entité politique qui n’est pas forcement
homogène. La décentralisation ou le régionalisme sont deux types
d’arrangements qui peuvent entrer dans une combinaison différente selon
l’histoire et les conditions particulières de chaque pays.

Si on considérait l’autonomie législative comme le critère essentiel de


détermination du type de l’Etat, la question de l’autonomie financière pourrait
échapper à la distinction constitutionnelle Etat fédéral/Etat unitaire
décentralisé. Ceci permettrait donc d’envisager la possibilité d’une très forte
autonomie financière des Collectivités locales dans le cadre de la
décentralisation poussée d’un Etat unitaire. Toutefois, il est indéniable que

partenaire se rapproche davantage de celle d’un agent catalyseur d’initiatives, facteur de


mobilisation et d’entraînement, qui n’ignorerait pas les autres volets de sa mission que sont la
régulation, le contrôle, la recherche de la cohésion mais serait au contraire le garant de leur
mise en œuvre.
249
On peut l’observer si l’on se tourne vers la Suède ou le Danemark. Une comparaison
détaillée entre la France et l’Allemagne au plan financier démontre une supériorité de
l’autonomie financière du premier sur le second. Gérard Marcou, Régionalisation et ses
conséquences sur l’autonomie locale des Collectivités territoriales, communes et régions
d’Europe, n° 64, pp. 91-115.
67
l’attribution d’une autonomie financière très large aux Collectivités locales les
pousse à demander plus d’autonomie dans les processus de décision et par
conséquent pousse au fédéralisme250. La frontière entre les deux principes
organisationnels est ainsi fort tenue.

Pourtant, le caractère fédéral d’un Etat n’est pas en soi l’assurance


d’une autonomie locale forte. De la même manière qu’il existe des Etats
unitaires décentralisés, un Etat fédéral peut être plus ou moins centralisé251.
Ainsi, il est tout à fait possible d’approcher l’organisation de l’autonomie locale
selon un schéma simple, entre organisation étatique forte et décentralisation.
Dans un tel schéma, il devient donc possible d’envisager l’existence d’une sorte
de «jacobinisme fédéral »252.

Carré de MALBERG précise d’ailleurs que, contrairement à l’Etat


fédéral, l’Etat unitaire dispose d’une puissance illimitée à l’égard de son
territoire253. Il dispose ainsi de droit de puissance dont il peut revendiquer le
respect, limitant d’autant la puissance d’Etat à leur encontre. On peut donc
envisager un Etat unitaire ne bénéficiant pas d’une puissance illimitée sur son
territoire. Deuxièmement, même sans aller jusqu’au cas « limite » de l’Etat
régional, il semble qu’un Etat unitaire dont la Constitution reconnaîtrait
l’existence des Collectivités territoriales et protègerait, par exemple, leur liberté
d’administration ne jouirait pas d’une puissance illimitée.

Pour ce même auteur, « lorsque, dans un Etat unitaire, une Collectivité


territoriale, région ou commune, a reçu de l’Etat le pouvoir de se régir elle-

250
ALBERTINI (J.-B.), Réforme administrative et réforme de l’Etat en France : thème et
variation de l’esprit de réforme de 1815 à nos jours, Paris, Economica, 2009, p. 50.
251
C’est le cas de la Russie.
252
ALIOGO-NKOGHE (F.), « Décentralisation et développement local au Gabon : une mise
en perspective », EPU, 2013, p. 83.
253
Les cas de l’Italie, l’Espagne et Allemagne.
68
même en telles ou telles matières, on ne peut pas dire pour autant que la
puissance qu’elle a de régler ces matières est une puissance autonome : car, en
posant les règles attribuées à sa compétence, elle use d’un pouvoir octroyé, et
non de facultés de puissance innées en elle…»254.

En définitive, si le droit applicable aux Collectivités territoriales peut


être adopté dans un Etat unitaire ou fédéral, il relève toujours d’une
souveraineté unique, expression de l’unité et de l’indivisibilité de la
République. Les Collectivités territoriales ne peuvent pas déterminer elles-
mêmes leurs compétences, les règles de leur organisation administrative, de
leur régime électoral ou financier. En se défiant de l’uniformité, le constituant
n’a donc pas pour autant renoncé à l’unité révolutionnaire. Mais on admet
aujourd’hui que cela peut composer avec cette différence de statut ou de
législation avec une forme de pluralité.

B)- Le problème, quels sont les moyens juridiques qui justifient


la formation de l’autonomie financière des Collectivités
territoriales au Cameroun ?

Fort de la particularité du droit local en général et du droit financier


local en particulier, de la diversité des mécanismes de financement et procédés
de dépenses, de l’activité locale, la recherche trace sa voie. Elle se propose de
déterminer et d’analyser les moyens ou les mécanismes de formation de
l’autonomie financière des Collectivités territoriales.

De ce point de vue, elle envisage par une démarche comparative assortie


de généralisations, de dégager les traits généraux et spécifiques de l’autonomie
financière des Collectivités territoriales décentralisées au Cameroun. Elle

254
DE MALBERG (C.), Confrontation de la théorie de la formation du droit par degré…
op. cit., p. 94.
69
ambitionne de préciser et donc de situer la démarche camerounaise, ce, en
comparaison avec celle des autres Etats africains et à celle de la France.

Placer le problème sous cet angle procède à la fois d’une conviction et


d’une raison technique. Il s’agit d’abord de montrer et de poser l’identité
mécanique camerounaise en matière d’autonomie financière des Collectivités
territoriales décentralisées. Cette démarche tente de briser la cohésion entre le
droit financier français et le droit financier camerounais. C’est féconder la
recherche255 et non la stériliser ou anesthésier tout effort de systématisation
d’un droit local financier camerounais.

Montrer l’originalité des considérations camerounaises dans l’aide aux


Collectivités territoriales exige une démarche profonde, construite dans un
contexte doctrinal camerounais. Cette problématique ne pouvait en effet se
satisfaire d’une simple lecture exégétique et casuistique du système en cause. Il
fallait aller plus loin, c’est-à-dire non seulement démontrer les garanties
juridiques, révéler les solutions aux questions qui se posent mais encore sonder
les intentions du législateur et mettre en évidence le contenu de l’article 55 de
la loi constitutionnelle de 1996. Il s’agit en fin de compte, de déterminer la
politique, la conception camerounaise des financements locaux, autrement dit,
le droit voulu en matière de décentralisation financière.

Paragraphe II : Les hypothèses de recherche

255
ONDOA (M.), Le droit de la responsabilité publique dans les Etats en développement :
Contribution à l’étude des droits africains, op. cit., 923 p.
70
La question posée suscite aujourd’hui de multiples propositions, souvent
riches. Mais les débats sont parfois incertains en raison de l’utilisation de
notions ambiguës, de données partielles ainsi que de la complexité des
problèmes abordés qui mêlent finances publiques, structure des territoires et
répartition des compétences.
Dans ce contexte, de nombreux travaux sont venus enrichir la réflexion
même si les propositions de réformes financières sont rares et ne s’inscrivent
pas souvent dans une vision globale du système des finances locales256.
Compte tenu de l’ampleur du champ couvert par l’autonomie financière
locale, il a paru opportun et plus utile de focaliser l’analyse sur les problèmes
qui semblent les plus urgents et importants.
En outre, tout en reconnaissant l’importance des interactions entre les
questions financières et les structures territoriales ou les relations entre
Collectivités locales, il est apparu que ces sujets constituaient en eux-mêmes
des champs d’étude particuliers. Etant donné que ce sujet induit une analyse
systémique. Au regard des différents enjeux dans la compréhension du thème
objet de l’étude. Les finances locales s’apparentent à un système, entendu selon
ROSNAY comme un ensemble d’éléments en interaction dynamique et
organisés en fonction d’un but. Les éléments caractéristiques sont les relations
entre les Collectivités territoriales et le tissu social (entreprises et individus…),
les relations entre les Collectivités et leurs satellites (société d’économie mixte,
les coopérations d’intercommunalité) cela pose le problème de la répartition de
compétences. Les relations entre les Collectivités et l’Etat ; c’est la plus
fondamentale. Il y a donc deux types d’interdépendance à savoir une verticale
et une autre horizontale.

256
HOND (T.), L’autonomie financière des Collectivités territoriales : l’exemple du Cameroun,
TANGER, 2014, séminaire sur les stratégies et politiques innovantes de la décentralisation dans
les pays africains.
71
Ainsi, conforter l’autonomie financière des Collectivités territoriales
dans le respect de son importance, l’interaction entre l’intercommunalité et
l’autonomie financière est l’une des orientations de l’étude. Le local est analysé
et les relations entre Collectivités sont abordées à propos de la
contractualisation.
Aussi la présente recherche examinera successivement, les garanties de
l’autonomie financière par le transfert aux Collectivités territoriales des
pouvoirs de gestion du patrimoine financier local et les garanties de
l’autonomie financière par l’attribution aux Collectivités territoriales des
ressources.

L’autonomie financière est un pouvoir financier exercé dans certaines


limites. L’intérêt de cette orientation réside dans l’acceptation des conditions et
des limites de l’autonomie financière d’une part et de faire ressortir les
exagérations du constituant et du législateur camerounais d’autre part. Nous
abordons l’analyse non dans la conception d’une autonomie financière absolue,
mais comme une notion contingente, donc évolutive. C’est à cette autonomie à
notre avis que fait implicitement référence le constituant camerounais lorsqu’il
parle de libre administration. La pertinence du concept ne fait guère de doute.
Son effectivité discutable, apparaît liée. La démonstration pour une effectivité
se fera à travers une analyse des mécanismes juridiques.

Section III : La démarche méthodologique

La question est de savoir comment étudier le droit financier local dans


un champ encore en friche. De la méthode choisie dépend en effet la fiabilité
des résultats attendus. Il s’agit d’opter pour une technique insusceptible de
falsifier la réalité et propre à garantir des résultats au moins relativement dignes
d’intérêt.

72
Ce problème se joint à un autre spécifique à la présente recherche.
Etudier l’autonomie financière des Collectivités locales suppose une approche
comparative. L’option repose non seulement sur une conviction, mais
également et surtout sur une prudence.
Paragraphe I : La méthode

Il existe plusieurs méthodes d’étude et d’analyse du Droit 257. La


dogmatique en sera la principale dans la présente analyse. L’interprétation
entendue substantiellement comme un processus intellectuel qui accompagne
nécessairement le processus d’application du droit dans sa progression d’un
degré supérieur à un degré inferieur est un des piliers de la dogmatique. C’est
la méthode par excellence dans le cadre de cette étude. L’interprétation dont il
s’agit ici est l’interprétation par la science juridique, c’est-à-dire celle qui
consiste à déterminer par une opération purement intellectuelle, le sens des
normes juridiques258.

A)- La dogmatique : le choix de la méthode interprétative


La doctrine de SAVIGNY dans son ouvrage « METHODE »259 propose
un moyen d’interprétation. L’interprétation grammaticale considérée comme
l’étude de la langue, l’interprétation systématique appréhendée comme l’étude
du contexte et l’interprétation historique qui éclaire sur les circonstances
historiques, l’effet originaire de la loi, quelle nouveauté elle apporte par rapport

257
Les deux principales méthodes sont la dogmatique et la casuistique
258
A la différence de l’interprétation par les organes juridiques, elle n’est pas création du droit.
Certains auteurs pensent que l’idée qu’il serait possible de dégager du droit nouveau par une
opération purement intellectuelle du droit en vigueur est à la base ce qu’on appelle la
« jurisprudence des concepts ». La théorie pure du droit rejette cette jurisprudence écrit
Charles EISENMAN p. 462 , car elle est incapable de créer les prétendues lacunes du droit. Il
cherche à influer sur la création du droit.
259
SAVIGNY, Méthodes, cité par PAOLO (P.), Méthode de coordination entre ordre juridique
en Droit international, Amazon France, Académie de Droit international de la Haye 2000,
p. 36.
73
au droit antérieur et enfin le téléologisme 260 par lequel on sert le but du
législateur, il pose que toute loi inclut un jugement de valeur. Certains intérêts
devraient être préférés à d’autres. Il est demandé à l’interprète de pousser le
dessein du législateur261. Donner une définition précise de l’interprétation et ses
différentes étapes paraît judicieux pour mener à bien l’analyse.

1- La définition de l’interprétation

Pour Michel VILLEY, interpréter c’est expliciter le contenu d’un texte,


en le transcrivant dans un langage plus accessible à ses actuels utilisateurs.
L’attitude d’interprétation est un essai « d’imposer une signification à
l’institution, de la voir sous le meilleur éclairage possible, pour ensuite la
restructurer à la lumière de cette signification »262.

Interpréter c’est discerner la pensée du législateur à travers le


rassemblement des données juridiques, en d’autres termes retrouver les
intentions de son auteur263. Wilhelm DITHEY, philosophe allemand, utilise le
mot de « Versterben » spécifiquement pour désigner le genre de
compréhension que nous montrons en réussissant à connaître le sens des
paroles d’autrui. Interpréter c’est essayer de comprendre un texte ou une chose,
essayer d’en découvrir les mobiles ou les intentions de l’auteur dans les
discours, ses gestes et ses écrits, c’est discerner les intentions264. Ferme,

260
VILLEY (M.), Philosophie du Droit. Définition et fin du Droit, les moyens du Droit, Paris
II, Dalloz, p. 282.
261
Ibid., Comme l’interprète d’une manœuvre de musique auquel il ne suffirait pas de
reproduire les notes, il faut qu’il s’imprègne de l’esprit du compositeur dans ce cas nous
n’allons pas nous poser en exécutant des ordres du législateur, mais prolonger son œuvre,
l’interprétation est active.
262
Ibid., p. 283.
263
GENS (J.-C.), Les fondements philosophiques de la théorie de l’interprétation chez Wilhelm
Dilthey, 2002, p. 123.
264
VILLEY (M.), Philosophie du Droit …, op. cit., p. 283.
74
l’interprétation s’efforce de montrer son objet ou le texte en question,
exactement tel qu’il est réellement, et non pas, comme vous le suggéreriez, vu
sous son meilleur jour. Cela implique que l’on reprenne la véritable intention
historique de l’auteur et que l’on ne plaque pas les valeurs propres à l’interprète
sur celle qu’a créée l’auteur.

Pour GADAMER, l’interprétation doit mettre en pratique une intention,


elle se doit d’unir d’une certaine manière deux périodes265. Le concept
d’intention donne sa structure formelle à tout postulat d’interprétation. Une
interprétation est donc par nature la traduction d’un but.

2- Les étapes de l’interprétation

Pour une bonne interprétation, il faut une étape de pré-interprétation, où


sont identifiées les règles et les normes qui donnent à la pratique son contenu
provisoire, ensuite une étape d’interprétation et enfin, une étape de post-
interprétation ou de reformation au cours de laquelle il adopte son idée de
véritable exigence de la pratique pour mieux l’accorder à la justification qu’il
accepte de son étape d’interprétation.

On peut résumer ces trois étapes en faisant observer que l’interprétation


cherche à établir un équilibre entre compte rendu pré-interprétatif d’une
pratique sociale et une justification convenable de cette pratique. L’on
emprunte l’équilibre à John RAWLS. Mais compte rendu de l’interprétation est
différent de compte rendu de raison sur la justice. Il considère l’équilibre entre
ce qu’il appelle « intention » sur la justice et une théorie formelle unissant ses
institutions.

265
RUBY (C.), GADAMER (H.-G.), L’herméneutique : description, fondation et éthique,
EspacesTemps.net, Travaux, 16.10.2002.
75
Pour certains auteurs, il est impossible de donner une définition générale
d’interprétation adéquate qui utilise une règle d’interprétation comme un
critère. Les directives concernant l’utilisation des sources du droit sont souvent
appelées principes d’interprétations.
B)- L’orientation de la méthode d’analyse

L’analyse se veut essentiellement textuelle. Cette option tient compte du


contexte juridique de l’étude. Elle présente néanmoins des limites qui
rejaillissent sur l’ensemble du travail.
Cette option se justifie par un argument principal, celui de la quasi
inexistence de la jurisprudence en la matière, faute de nouveauté. Elle est le
reflet actuel de la réalité juridique locale camerounaise et ainsi peut permettre
de dresser un tableau synoptique d’un système juridique à un moment précis.

L’analyse portant exclusivement sur les textes en vigueur, elle tend à


présenter ce travail comme pouvant être dénué de toute coloration politique.
Cependant pour que cette réflexion soit un peu plus complète, il nous faudra
incliner une teinte subjective266.

Nous ne prétendons pouvoir dénicher la véritable interprétation du


législateur camerounais mais de définir une opinion fondée sur les textes en
vigueur. Tant est qu’il « ne peut y avoir de véritables accords ou désaccords
en matière de Droit », mais seulement des gens qui se trouvent en désaccord
parce qu’ils attachent un sens différent au même son. L’on adopte seulement
une attitude.

266
Focalisée sur le rapport des phénomènes juridiques d’applicabilité ou de technique
d’application du principe de l’autonomie financière.
76
Et l’on ne se pose pas en assassin de la loi267, mais en se référant à
l’exemple du jurisconsulte romain GADAMER, l’interprétation de l’article 55
de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 sera non seulement de restituer au
texte sa signification première mais aussi de faire vivre, revivre et de cesser de
renouveler son sens car les horizons sont changeants.

Il s’agit 268non de prétendre, en fonction de nos propres préférences


idéologiques, que les normes juridiques émises par le législateur ne soient pas
du droit, que le vrai droit269 aurait un autre contenu et émanerait d’une
prétendue autorité transcendante. L’on veut procéder ici comme des chercheurs
tenus par les données du réel qui lui fournissent le matériau même de sa
réflexion. On n’est donc pas pour autant de simples observateurs neutres et
impartiaux animés d’un seul souci de regarder et de comprendre. « Nous ne
pouvons toutefois nous passer des stratégies d’interprétation constructive c’est-
à-dire que nous ne pouvons nous défendre de la tentation de faire de l’objet
artistique, dans notre esprit, le meilleur qui soit »270. On tentera de montrer que
si l’on considère que le but de l’interprétation artistique consiste à découvrir les
intentions de l’auteur ou législateur, ce doit être une conséquence de
l’application à l’art des méthodes de l’interprétation constructive et non du
refus de ces méthodes.

De manière générale, l’interprétation des textes est une tâche ardue. S’il
s’agit de saisir le sens d’un discours humain, il n y a pas lieu à interprétation
scientifique271. Elle requiert un travail de compréhension, car un texte de loi
procède d’un auteur et non pas seulement de la raison ou de l’esprit collectif du

267
Ibid.
268
De respecter l’objectif sur lequel tout théoricien exerce son activité.
269
AMSELEK (P.), Théorie du droit et politique, Paris, Harmattan, 1982, pp. 412 – 416.
270
Ibid.
271
VILLEY (M.), Philosophie du Droit…op. cit., p. 283.
77
peuple. Il nous faudra pénétrer l’esprit de l’inventeur272. Serviteur
d’intelligence, on doit prendre soin de comprendre les intentions, le but
recherché, obéir à l’esprit plutôt qu’à la lettre.

C)- Les insuffisances de l’option choisie

La méthode employée dans l’analyse de ce thème de recherche ne peut


assurément pas démontrer ou montrer toutes les facettes du thème de recherche.
Nombre de lacunes peuvent en découler car il n’existe pas un système de Droit
qui ne soit parsemé de trous273. Pour certains auteurs il est incertain dans son
ensemble, informulé et mal prévisible274. De plus l’interprétation se replie dans
la pratique, la transforme et cette nouvelle forme qu’il acquiert relance
l’interprétation si bien que la pratique change de façon évidente. En effet, cet
exposé peut être sujet à controverse vu que l’interprétation peut elle-même être
sujette à interprétation.

L’interprétation élargie se réfère à l’application d’un statut au-delà de


sa signification littérale. Cette situation est donc similaire à celle de l’analogie.
La théorie du droit a souvent interrogé la différence qui existe entre
l’interprétation élargie et l’analogie. On peut en fait établir une relation entre
deux formes de raisonnement. Pour l’analogie, il y a soit une lacune dans le
droit soit une authentique incertitude quant au fait de savoir si le cas en
question est couvert par un texte juridique. Selon Peczenik, l’interprétation
élargie ne transgresse pas les limites de la « véritable signification judiciaire »
et elle ne s’applique donc qu’aux situations qui ne sont pas exclues sur une base
grammaticale.

272
Ibid.
273
Ibid., p. 282.
274
Ibid.
78
Il n’y a aucune méthode que l’on puisse dire de droit positif qui
permettrait de distinguer, entre plusieurs significations linguistiques d’une
norme. Jusqu’ici malgré tous les efforts, la doctrine traditionnelle n’a pas réussi
à trancher le conflit entre la volonté et l’expression d’une façon objectivement
valable, elle penche soit en faveur de l’une soit en faveur de l’autre. Toutes les
méthodes d’interprétation qui ont jusqu’ici été développées ne conduisent
jamais à un résultat possible, jamais à un résultat qui serait seul exact. On ne
peut que s’en tenir à la volonté présumée du législateur en négligeant le texte
littéral.
Paragraphe II : L’intérêt de l’étude

L’étude de la construction de l’autonomie financière des CTD revêt un


intérêt indéniable. En effet, Les dépenses des Collectivités territoriales et de
leurs établissements publics représentent une part importante du budget de
l’Etat par leur nature275, par leur évolution. Cette croissance est due en partie au
transfert de compétences et par leur origine. Etudier l’autonomie financière
revêt aussi une portée politique276. Elle permet d’analyser les relations réelles et
non formelles entre l’Etat et les Collectivités territoriales et de savoir si le
desserrement des liens juridiques est accompagné d’espace accru de la liberté
financière. Depuis le début du processus de démocratisation dans cette partie du
continent. Et par conséquent de déterminer le type d’autonomie financière
choisi par le constituant camerounais.

275
Celles qui assurent déjà un bon nombre des dépenses civile d’équipement au Cameroun.
276
Les justifications politiques, économiques et sociales de l’autonomie financière se
confondent largement avec celles de l’autonomie locale et de la décentralisation. Le professeur
Henry Tulkens de l’Université catholique de Louvain a rappelé lors de son audition du 22
novembre 2000 devant la section des finances du Conseil économique et social cette phrase de
Tocqueville : « un pouvoir central, quelque savant, quelque éclairé qu’on l’imagine ne peut
embrasser à lui seul tous les détails de la vie d’un grand peuple ».

79
Ce sujet de recherche est en outre essentiel aussi bien pour la
démocratie locale que pour la modernisation de l’Etat. Il n’existe aucune
véritable décentralisation sans une réelle autonomie financière, fondement de la
capacité d’initiative, de l’efficacité de gestion, de la lisibilité des actions
publiques et finalement de la responsabilité démocratique locale. Mais une
véritable décentralisation c’est aussi un vecteur décisif pour la réforme de l’Etat
camerounais à travers le transfert de services, d’équipements et de compétences
à des niveaux territoriaux où ils pourront être mieux pris en charge. Il est donc
important d’éclairer les risques pesant sur cette autonomie financière et les
conditions de sa préservation.

En plus, elle offre l’occasion de saisir avec une certaine précision les
techniques de mise en œuvre et d’exonération des impôts directs locaux. Les
précisions du contenu de certaines notions fondamentales du processus de
formation de l’autonomie financière.
L’autonomie financière est un pouvoir exercé dans certaines limites. En
perpétuelle mutation, c’est un idéal, elle se forme au gré des circonstances.
C’est pourquoi nous abordons l’analyse non dans la conception d’une
autonomie achevée, mais comme une notion contingente, donc évolutive. Aussi
elle se forme par :
Partie I : Le transfert des pouvoirs financiers aux CTD par l’Etat.
Partie II : L’attribution par l’Etat des ressources aux CTD.

80
PARTIE I :
LE TRANSFERT PAR L’ETAT DES
POUVOIRS FINANCIERS AUX
COLLECTIVITES TERRITORIALES
DECENTRALISEES

81
Cette analyse se situe dans un champ d’étude déjà abordé par bien
d’auteurs. Hans KELSEN en son temps, faisait déjà de la question de la
centralisation - décentralisation un problème particulier relatif au domaine de
validité spatiale des normes de l'ordre juridique étatique. Son point de vue était
partagé par Charles EISENMANN pour qui ladite question se pose « pour
toutes les sociétés juridiquement organisées ». Cette étude n’est pas qu’une
simple approche administrative, mais une extraction des textes, des principes
constitutionnels de garantie de l’autonomie financière des Collectivités
territoriales. Elle présente l’autonomie financière des Collectivités territoriales
décentralisées comme un élément lié à la qualité de la norme. Celle-ci ne se
posant au mieux qu’au niveau de la norme seconde, c’est donc la constitution
qui devrait poser les organes participant à la production de cette norme et
répondre ainsi à l’interrogation relative à cette analyse.

Le premier élément après celle de son existence dans lequel la question


de la formation de l’autonomie financière se présente est le problème du
transfert d’un pouvoir, d’une compétence du centre vers une périphérie,
impliquant ainsi l’antériorité du pouvoir central sur le périphérique. La
décentralisation marquerait « seulement une tendance à écarter le pouvoir du
centre »277. C’est dans ce sens que Marcel WALINE soutient que
« décentraliser, c’est retirer des pouvoirs à l’autorité centrale pour les transférer
à une autorité de compétence moins générale... »278.
Parmi les différents types de transfert de pouvoir et de compétence, on
distingue ceux qui sont complets ou partiels. Mais il importe de relever la
complexité juridique de distinguer la frontière entre un transfert complet et
partiel de compétences.

277
RIVERO (J.), Droit administratif, 9ème éd., Paris, DALLOZ, 1980, p. 315.
278
WALINE (M.), Droit administratif, 8ème éd., Paris, SIREY, 1958, p. 266.
82
On peut cependant faire observer que la notion de compétence à laquelle
il est le plus souvent fait référence rend davantage compte d’une opération
juridique qui met en exergue la capacité de faire un acte ne renvoyant qu’à un
seul auteur279, ou à une matière que l’on aurait transférée en bloc à une
Collectivité déterminée.
Dans ce sens, le transfert des pouvoirs budgétaire comprendrait les
compétences exclusives, concurrentes et parallèles. Elles illustrent la diversité
des transferts opérés, mais surtout la nécessité de distinguer l’opération de
transfert de son résultat280. En effet, une compétence remise dans le contexte
de son effectivité conduit à mettre en œuvre les interdépendances juridiques
dans lesquelles elle s’insère, en tant qu’opération pour pouvoir s’exercer. C’est
ce qui amène alors à l’adjectiver, car elle n’est que compétence particulière
insérée dans une compétence globale.
Cependant, on ne saurait parler de transfert exclusif des pouvoirs
financiers locaux aux CTD. Qualifier une compétence d’exclusive paraît en
droit superfétatoire. Elle renvoie cependant à un véritable transfert, à partir du
moment où elles sont dévolues à un titulaire unique281. Cela correspond non
seulement à l’idée des blocs de compétences, mais aussi et surtout de la
compétence comme bloc, de l’initiative de la décision d’une part et de la
décision à sa mise en œuvre d’autre part. Voilà pourquoi le concept de transfert
quasi-total de compétence paraîtrait adéquat dans ce travail. Il faut
l’appréhender comme un transfert quasi intégral à une seule et même autorité,
de l’initiative de la décision, de sa préparation, de la décision elle-même et sa
mise en œuvre sur une matière déterminée282. Dans le cas des Collectivités

279
BRISSON (J.-F.), Les transferts de compétences de l’Etat aux Collectivités locales, Paris,
Harmattan, p. 272.
280
Ibid.
281
Ibid., p. 275.
282
Ibid., p. 273.
83
territoriales décentralisées au Cameroun, il se donne à voir en matière de
gestion budgétaire (Titre I) et de gestion du patrimoine local (Titre II).

84
TITRE I :
LA CONCESSION DE LA GESTION
BUDGETAIRE LOCALE AUX CTD

85
Au rang des compétences concurrentielles ou les compétences parallèles
se trouvent le pouvoir de constitution d’un budget propre par les CTD. Elles
s’exercent pour reprendre Vincent de BRIANT283 lorsqu’il y a transfert
explicite et simultané des compétences à plusieurs catégories de Collectivités
territoriales.
Aussi, le constituant camerounais a attribué aux CTD un budget propre
retirant ainsi au parlement un droit de contrôle politique sur les actes
budgétaires locaux. Il a ainsi dépouillé le parlement de l’une de ses prérogatives
essentielles284. C’est le sens de la pensé de Jacques MOREAU lorsqu’il déclare
que « les budgets autonomes ont rompu tout lien avec celui de l’Etat. Ils
échappent pratiquement au contrôle législatif et mettent à la fois en péril le
principe de l’unité et de l’universalité »285.
En effet, le processus de constitution du budget local, s’étend de la
préparation par les CTD à l’approbation en passant par le vote de l’organe
délibérante. La première et la dernière étape sont de la compétence des autorités
locales. La question de l’approbation préalable de l’autorité de tutelle reste
cependant une pesanteur qui pourrait se justifier (Chap. I).

Toutefois, les principes constitutionnels de garantie de l’autonomie


financière sont encadrés par des restrictions constitutionnelle et législative
souvent marquées et masquées par le contrôle en général et des actes financiers
en particulier. Le contrôle dont il est question devrait être une nécessité de
l’Etat de Droit, il s’agirait donc d’un contrôle de légalité. Le contrôle
d’opportunité apparaissant pour la majorité de la doctrine comme une pesanteur
ou une inflexion à l’autonomie locale (Chap. II).

283
DE BRIANT (V.), Typologie des transferts de compétences de l’Etat aux Collectivités
territoriales, in droit des Collectivités territoriales, 2009, p. 276.
284
CNNOIS (R.), « La notion d’établissement public en droit administratif français », 1959,
p115. Cité par Claude MAITROT, op. cit, p. 134.
285
MOREAU (J.), « Etude sur le régime financier des services industriels de l‘Etat de France »,
p 21, cité par Claude MAITROT, op. cit, p. 135.
86
CHAPITRE I :
L’ATTRIBUTION DES LIBERTES
BUDGETAIRES

Le terme autorisation est compréhensible et sans ambiguïté, mais il est


nécessaire de préciser les caractères et les modalités de l’autorisation budgétaire
locale. Le fait d’accorder une faculté ou de rendre possible un acte, n’exprime
pas en lui-même une situation constante et précise en la confiant à l’exécutif
municipal et au Préfet au titre de l’autorité qu’il exerce et en précisant ses
modalités. La science financière locale marque toute la force de cette
autorisation qui ne doit pas être une vaine formalité. L’autorisation budgétaire
locale revêt un caractère particulier, elle se donne à deux niveaux de l’échelle
territoriale, respectivement locale (section I) et nationale (section II). C’est à
cette analyse que nous allons nous livrer en examinant les dispositions du droit
budgétaire local positif à l’égard des dépenses et des recettes.

87
Section I : Une autorisation budgétaire locale à un double degré

Michel TROPER dans sa thèse sur la séparation des pouvoirs286 et


l’histoire constitutionnelle considère « qu’un acte juridique a pour auteur tous
ceux (...) qui disposent d’une participation décisionnelle à la procédure
d’édiction de cet acte, c’est-à-dire tous ceux sans l’accord desquels l’acte ne
peut être édicté et ne peut produire aucun effet juridique ». Cela induirait-il
que les Collectivités territoriales décentralisées au Cameroun soient les auteurs
du budget local ? La question posée dévoile sa complexité ; cependant, c’est ici
l’objet de cette partie du travail. Aussi, il faudra y adjoindre les moyens mis en
œuvre par le constituant et le législateur pour déterminer le pouvoir de celle-ci
en matière de dépenses.

Paragraphe I : Le vote du budget, une fonction de l’organe


délibérant concepteur budget local

Des éléments à la fois technique et matérielle permettent de définir


l’apport des Collectivités territoriales décentralisées à travers l’organe
délibérant dans la naissance du budget local. C’est une contribution
considérable qui se conclut par le vote du budget. En effet celui-ci naît des
entrailles des Collectivités, elles sont l’une des génitrices.

286
La seule différence entre la théorie de la séparation des pouvoirs et celle de la centralisation
- décentralisation réside dans le fait que cette dernière organise la séparation des pouvoirs non à
partir des fonctions de l'Etat (ce que rejetait Ch. EISENMANN ) mais à partir de la compétence
personnelle des organes c'est-à-dire en fonction du cercle de personnes envers qui les organes
peuvent agir : les organes qui ont la qualité pour agir à l'égard de tous les membres de la
Collectivité sans distinction sont « centraux »; ceux qui n'ont pouvoir d'agir qu'envers une
partie seulement d'entre eux sont « non centraux » TROPER (M.), la séparation des pouvoirs et
l’histoire constitutionnelle française, Paris, LGDJ, 1973, p. 291.

88
A)- Les éléments techniques du projet de budget garant de la
qualité des budgets locaux
Une étude retentissante confère aux Collectivités locales en France la paternité
des principes budgétaires. Somme toute, le budget local à l’instar du budget de
l’Etat s’établit pour un an dans un document unique et doit être sincère. En
effet, l’élaboration du budget local doit aussi respecter les principes du droit
budgétaire : l’annualité, l’unité, l’universalité, sincérité et l’équilibre
budgétaire. C’est un procédé similaire dans les Etats d’Afrique noir
francophone à l’instar de la Côte d’ivoire287, du Sénégal288 et du Gabon289. De
plus, le budget doit être adopté dans des délais stricts. A ces principes et règles
du droit budgétaire, s’ajoutent les principes et règles de la comptabilité
publique qui encadrent aussi strictement l’exécution de la dépense au niveau
local. C’est le cas du principe de la séparation des ordonnateurs et des
comptables publics dont l’analyse se fera ultérieurement.

287
Les articles 5 et 11 de la loi du 26 décembre 2003 portant régime financier, fiscal et
domanial des Collectivités territoriales posent le principe de l’annualité en affirmant
respectivement que « le budget des Collectivités territoriales couvre un exercice annuel qui
coïncide avec l’exercice du budget de l’Etat » et que « toutes les recettes et toutes les dépenses
de la Collectivité territoriale sont prévues annuellement et spécifiées au budget ». L’article 14
énonce, quant à lui, les principes de l’équilibre et de sincérité budgétaires en ces termes : «
l’équilibre entre les prévisions de recettes et de dépenses doit être réalisé pour chacun des deux
titres du budget. Le budget doit être sincère. Aucune recette fictive, ni aucune dépense
surévaluée ou sous-évaluée, ne peut être inscrite au budget en vue de réaliser l’équilibre
apparent », ESSONO OVONO (A.), « L’autonomie financière des Collectivités locales en
Afrique noire francophone. Le cas du Cameroun, de la Côte-D’ivoire, du Gabon et du
Sénégal », CERDIP, 2014, 10 p.
288
Les principes d’annualité, d’unité et d’universalité budgétaires sont prévus par l’article 243
du code des Collectivités locales qui dispose que « le budget de chaque Collectivité locale
prévoit pour une année financière toutes les recettes et les dépenses de la Collectivité locale
sans contraction entre les unes et les autres ». Ibid.
289
Ce sont les articles 161 et 163 de la loi organique relative à la décentralisation qui posent ces
principes budgétaires.
89
1- La qualité des principes garants de la fiabilité des budgets
locaux

Il s’agit du principe de l’universalité, de la sincérité des prévisions


budgétaires, de l’unité du budget et de l’annualité du budget local.

a- Le principe de l’universalité, de l’unité et la sincérité des


prévisions budgétaires

Bien que l’unité et l’universalité soient des principes distincts, il


existe entre ces deux règles une connexité étroite. En effet, pour que l’organe
délibérant puisse se prononcer en toute connaissance de cause, il importe qu’on
lui soumette toutes les prévisions de recettes, toutes les prévisions de dépenses
sans pouvoir compenser les unes par les autres290. Le principe de l’universalité
qui a pour raison d’être de faire du budget un document complet et détaillé,
permet à l’organe délibérant qui vote le budget de fixer lui-même les détails
financiers de chaque service. S’il existait une seule dépense dont il n’aurait pas
discuté, légitimer le vote ne serait pas donné en pleine connaissance de cause.
L’universalité qui permet de contrôler étroitement les services, a pour
conséquence directe l’interdiction de la spécialisation qui consiste à isoler
chaque service en distrayant de la masse les recettes et les dépenses qui
lui sont propres. Les prévisions budgétaires doivent être sincères et réalistes291.

La règle de l’unité budgétaire implique que toutes les recettes et


toutes les dépenses soient retracées dans un document unique de manière qu’il
suffise de faire deux additions pour avoir le total des dépenses et celui des

290
Voir principe de non affectation.
291
Art. 38 loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des Collectivités
territoriales décentralisées.
90
recettes et une soustraction de ces deux totaux pour savoir s’il est en équilibre
ou en excédent de recettes ou en déficit 292.

Autrement dit, le principe de l’unité budgétaire qui doit se traduire par


l’obligation d’enclore dans une même agglomération l’ensemble des dépenses
des recettes des Collectivités territoriales s’oppose à ce que le budget se
présente en plusieurs fractions, à ce que l’on soumette aux assemblées
délibérantes comme au niveau national des budgets partiels qui ne
concerneraient que certaines dépenses et certaines recettes. Cette règle de
bon sens qui permet à la lecture d’un document unique d’avoir une vue
complète de la situation des fonds publics locaux se justifiait par deux
séries de motifs un d’ordre financier, les autres d’ordre politique.

Au point de vue financier, le principe de l’unité apparaît comme


une règle de clarté293 ; si un budget est dispersé dans des textes différents,
sa lecture devient difficile. A partir du moment où l’on répartit les autorisations
de dépenses et de recettes dans des documents multiples, on ne sait pas
combien il faut en consulter ni comment combiner entre eux puisque la même
somme peut figurer dans plusieurs d’entre eux ; de cette façon il sera
presque impossible d’avoir une vue d’ensemble de la situation des finances
du pays. Mais c’est surtout au point de vue politique que l’unité budgétaire
semblait nécessaire294, c’est pour l’assemblée délibérante le meilleur moyen
de contrôle et de comparaison et pour le public le meilleur moyen de saisir
sans trop de recherche l’ensemble des dépenses et des recettes de la
commune ou de la région. En effet, la fragmentation budgétaire diminue les

292
V. DANTOMEL (N.), Droit des Collectivités territoriales, 3eme éd., France, Breal, 2007,
289 p. et v. NZE BEKALE (L.), Introduction aux finances des Collectivités locales d’Afrique,
France, EPU, 2015 p. 21.
293
Ibid.
294
MAITROT (J.-C.), Recherches sur la notion … op. cit., Paris, 1972, p. 11.
91
pouvoirs d’appréciation des assemblées et leur pouvoir de décision en matière
financière ne peut plus s’exercer avec efficacité.

Il est évident notait Luc SAY que « le Ministre est beaucoup plus
indépendant du parlement lorsqu’il mène de front plusieurs budgets à la
fois »295 . Les appréciations que doit porter le parlement sur les recettes et
les dépenses, les charges et les ressources sont des appréciations globales
; il importe donc pour qu’il puisse effectuer un choix rationnel entre les
diverses dépenses, pour qu’il puisse décider de l’utilité ou de l’urgence de
telle ou telle dépense qu’il ait une vue d’ensemble des problèmes budgétaires.
Mais si le budget est fractionné en plusieurs textes, il se pourrait que
l’assemblée délibérante qui aurait déjà accordé plusieurs autorisations
s’aperçoive qu’elle aurait dû sacrifier telle ou telle dépense au profit d’une
autre plus urgente. Enfin, le morcellement budgétaire parce qu’ il permet des
gestions occultes, facilite la dissimulation des charges réelles et favorise les
exagérations de dépenses296. Au contraire, l’unité budgétaire du seul fait
de sa simplicité produit la lumière et contribue à un contrôle efficace qui est
renforcé par l’application de la règle de l’universalité.

La doctrine traditionnelle présente les budgets annexes non pas comme


des budgets indépendants mais plutôt comme des sections du budget général
présentant à part et en équilibre un certain nombre de chapitres de dépenses. En
effet, les budgets annexes sont préparés et votés dans les mêmes conditions que
le budget général. Au niveau local ce sont les budgets des établissements
publics communaux. La formule du budget annexe est parfois présentée comme
une exception à l’unité budgétaire et peut vraiment être affirmé tel quel ; il

295
SAY (L.), Revue des deux mondes, 15 janvier 1885. Cité par MAITROT (J.-C.), Ibid., p.10.
296
V. PIERRE (C.), Gestion budgétaire et dépenses publiques, Canada, PUQ, 2009 p. 150.
92
apparaît beaucoup plus comme une atteinte à la forme unitaire du budget.
Quant à la violation du principe de l’universalité, elle est indiscutable.

Le budget annexe apparaît comme un procédé permettant de réaliser


l’insertion des services publics communaux et régionaux dans le milieu
économique dans lequel ils sont appelés à vivre297.

Mais si les termes d’orthodoxie budgétaire contestent la légitimité du


budget annexe présenté comme « une superfétation budgétaire évidemment
irrégulière »298, les autonomistes constatent l’insuffisance de la formule. En
effet, les budgets annexes ne prennent en compte que les recettes et les
dépenses d’exploitation. Les auteurs sont sévères pour cette institution qu’ils
estiment désuète ou injustifiable. Le système de budget annexe « correspond à
une époque où l’on avait encore que les idées confuses sur les procédés
propres à assurer l’autonomie de certains services »299. Toutefois il faut le
dire, la formule du budget annexe n’a pas d’autre but que de faire apparaître les
conditions de gestions des services des Collectivités territoriales.

En fait, la formule du budget annexe est un procédé purement


comptable300 qui permet de rapprocher typographiquement certains groupes de
dépenses et de recettes, elle ne confère pas l’autonomie financière aux services
qui en sont dotés, car elle ne sépare pas ces services du budget général. Ces
différents services régionaux et communaux disposent de l’individualisation
financière.

297
Ce sont généralement les S.P.I.C
298
STOURN, Le budget, 1906, p. 250. cité par MAITROT (J.-C.), recherches sur la notion …,
op.cit., p. 36.
299
MAITROT (J.-C.), Recherches sur la notion …op.cit., p. 13 et ss.
300
DANTONEL (N.), Droit des Collectivités territoriales, 3e éd., Paris, Bréal, lexifac économie
Droit, 2007, p. 217.
93
Les budgets annexes doivent être rigoureusement équilibrés puisque
l’ensemble de leurs recettes, qu’elles proviennent des ressources propres,
d’emprunts ou de subventions du budget général, doivent couvrir l’ensemble de
leurs dépenses301. Certains auteurs ont comparé cette relation budget général et
budget annexe aux relations de parenté qui existent entre un père et son
enfant : « il existe en quelque sorte entre le budget général et le budget annexe
un lien de parenté qui oblige le premier à verser au second une pension
alimentaire en cas de besoin mais qui en revanche l’institue comme son
héritier »302. Il serait plus exact de dire qu’il y a entre ces deux, un lien de
parenté qui oblige le budget général des CTD à pouvoir à l’établissement du
budget annexe et qui oblige réciproquement l’un et l’autre à une pension
alimentaire dont la quote-part au lieu d’être proportionnelle au besoin de celui
qui la réclame et à la fortune de celui qui la doit, correspond toujours à tout
l’excédent ou à toute l’insuffisance du budget annexe303.

Le budget annexe revêt en toile de fond les qualités d’une


externalisation budgétaire. Lorsque l’on compare les communes, on compare en
réalité les budgets principaux, mais ceux-ci ne recouvrent pas toute la surface
financière de la commune. Il y a tout d’abord les Services publics industriels et
commerciaux (SPIC) qui doivent obligatoirement faire l’objet de budgets
annexes en nomenclature. Il y a les externalisations liées au développement des
structures intercommunales qui apparaissent sous forme de contributions ou
qui n’apparaissent pas si l’Etablissement Public de Coopération
Intercommunale (FEICOM) a une fiscalité propre. Le budget principal ne
retrace alors qu’une subvention. Sous cet angle, il convient aussi de signaler

301
S’il y a excédent des recettes sur les dépenses, l’excédent est versé au budget général, en
sens inverse, en cas de perte, l’excédent des dépenses est couvert par le budget général.
302
BlOCH (L.), L’autonomie budgétaire des postes, télégraphes et téléphone, thèse, paris,
1905 p. 8 cité par MAITROT (J.-C.), thèse, la notion d’autonomie …, op.cit., p. 36.
303
ENGELHARD (G.), L’autonomie budgétaire des exploitations industrielles de l’Etat…,
op.cit., p.130,
94
l’importance des garanties d’emprunt que nous verrons plus bas304. Leur
nomenclature ne figure que dans la page d’informations générales, la contraint
à provisionner dans le budget principal le risque que cela représente dès lors
qu’il ne s’agit ni de logement social, ni d’enseignement.

Ce n’est pas une contrainte juridique, mais une contrainte politique


qu’il est très souhaitable d’observer parce que l’équilibre budgétaire est
construit sur la base d’un équilibre entre un résultat prévisionnel et le niveau
des taux d’imposition.

b- Le principe de l’annualité et le principe de la spécialité


La règle de l’annualité est expressément formulée dans la définition
classique du budget donné en France par le décret du 31 Mai 1862 sur la
comptabilité publique305. L’idée de périodicité est liée à l’idée d’antériorité du
budget, c’est la période qui donne tout son sens au pouvoir d’autorisation parce
que ce pouvoir est une arme d’autant plus forte entre les mains de l’Etat qui
approuve et l’organe délibérant qui vote. Le vote plus l’approbation permettent
ainsi d’assurer la suprématie de l’organe délibérant sous la surveillance de
l’Etat.

Le principe de l’annualité budgétaire signifie que le budget doit être


établi pour un an et voté chaque année306. Ce droit est la condition d’un
contrôle efficace des représentants de population locale sur les actes de
l’exécutif307. En effet, le principe de l’annualité assure l’efficacité du contrôle
de l’exécutif communal ou régional, en limitant la durée de la période

304
V. Partie II, titre II, chapitre II.
305
Article 5, loi n° 2009/ 011 du 10 juillet 2009, « Le budget est l’acte par lequel sont prévues
et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l’Etat ou des autres services que les lois
assujettissent aux même règles ».
306
BOUSSAT (F.), Guide pratique de gestion d'un EPLE, Vol.1, Paris, ESF, 2001, p.134.
307
LALUMIERE (P.), Finances…, op. cit., p. 56.
95
budgétaire. Pour vérifier utilement que les autorisations budgétaires ont été
respectées, il est nécessaire que le contrôle suive de près chaque phase de
l’exécution, ne fusse que pour mettre en jeu les responsabilités politiques et qui
ne sont effectives que pendant un assez court délai308. C’est le sens que Luc
SAY observait que le budget devait être « annuel pour être contrôlé »309 . Des
raisons techniques ont également conduit à l’adoption de la règle de l’annualité.
Le budget ne peut couvrir une période trop longue, il est difficile de prévoir des
dépenses que les Collectivités devront assumer au cours d’une année ; la
prévision deviendra très imprécise, voire impossible, si elle s’étendait sur un
laps de temps plus long310.

Le législateur camerounais a fixé l’année financière locale


311
conformément à l’année civile . De principe, la règle de l’annualité
n’implique aucune liaison nécessaire avec l’année civile. Les raisons qui
commandent la définition de l’année financière sont d’ordre politique et
économique : l’année doit s’ouvrir au moment le plus favorable pour permettre
l’établissement correct du budget, c’est-à-dire pour apprécier avec le maximum
de précision les dépenses et les recettes si l’on prend en considération la
situation de notre pays en général et celles des Collectivités décentralisées en
particulier où l’agriculture est l’atout majeur. Pour une analyse précise, le
budget doit être établi au moment où l’on connaît l’état des récoltes, parce que
les charges et les ressources des Collectivités en dépendent directement. En
effet, il faut tenir compte du moment où le budget peut être élaboré dans les

308
NZE BEKALE (L.), Introduction aux finances des Collectivités territoriales d'Afrique
francophone, Paris-France, EPU, 2014, p. 20.
309
DE LANZAC (A.), Droit et pratique budgétaire de l’Etat Français, Paris, Dalloz, 1938,
p. 27.
310
LALUMIERE (P.), finances…, op. cit., p. 83.
311
Art. 31 al. 1 de la loi de 2009/ 011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des
Collectivités territoriales décentralisées.
96
meilleures conditions312. Mais c’est peut-être l’évolution des techniques
d’évaluations budgétaires qui oriente la perception du législateur. Ces
techniques d’évaluation sont plus rapides et plus précises sur les prévisions.

Pour aménager la règle de l’annualité du budget, il faut préciser quand


cette autorisation annuelle doit s’utiliser : l’autorisation donnée pour l’année
doit s’accomplir dans l’année, mais les opérations de dépenses et de recettes
sont complexes et nécessitent parfois de longs délais. C’est cette considération
de durée qui doit s’accorder avec la durée de l’autorisation budgétaire, car
l’autorisation annuelle peut être perçue sous deux angles : elle peut permettre
d’entreprendre au cours de l’année la dépense ou la recette, sans qu’il y ait à
tenir compte de l’exécution finale de cette opération313, qui pourra s’accomplir
aussi bien au cours de l’année que plus tard. Elle permet également d’effectuer
la dépense ou la recette qui devra être entièrement accomplie au terme de
l’autorisation, c’est-à-dire au terme de l’année. C’est aussi là l’origine du
budget programme. Deux conceptions permettent ainsi de rattacher les
opérations budgétaires à l’autorisation annuelle, entre lesquelles il faut choisir :
l’exercice et la gestion314.

Le principe de l’annualité pour les communes et les régions est de


donner tant à l’exécutif communal que le Conseil régional la possibilité ou la
liberté d’action. Il faut également que les différents services jouissent d’une
certaine stabilité. De même dans l’aménagement des recettes que les

312
La science financière ne peut pas fixer, d’une manière constante et absolue, le point de
départ de l’année et ceci explique la diversité des solutions admises par les Collectivités des
pays.
313
NZE BEKALE (L.), Introduction aux finances …, op. cit., p. 20.
314
PHILIP (L.), « Finances… », op. cit, p. 118.
97
obligations des contribuables présentent un minimum de stabilité afin de ne pas
troubler la vie économique locale315.

La règle de l’annualité a pour but d’assurer l’efficacité de l’approbation


de l’Etat316, c’est une garantie de la présence de l’Etat et c’est une garantie de
l’exactitude de la prévision317, en évitant que celle-ci ne soit faite pour une
longue période, ce qui nuit naturellement à sa précision. Dans la mesure où le
budget local demeure un acte d’une double autorisation où tous les services
publics locaux doivent tenir compte de cette nature, la règle de l’annualité
conserve toute sa valeur. Mais en soumettant le vote du budget à la règle de
l’annualité, le droit budgétaire local soumet du même coup l’équilibre du
budget318 à cette même règle, puisque les recettes et les dépenses doivent
s’équilibrer dans le cadre du budget. Ce choix peut passer inaperçu tant que le
budget rassemble des dépenses de même type.

Il pourrait justifier la volonté du législateur camerounais d’avoir défini


deux types de dépenses aux Collectivités décentralisées. Il s’agit notamment
des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’investissement. N’eût été
cela, on sortirait de la logique ordinaire pour les inscrire dans un budget
extraordinaire, généralement alimenté par l’emprunt.

Il présente tout de même des difficultés. Elles tiennent du fait que cette
règle s’applique à des autorisations de natures diverses, portant sur des périodes
plus ou moins longues, tant en dépenses qu’en recettes. Le développement
nouveau du budget des communes en matière économique nécessite une

315
C’est en tenant compte de toutes ses exigences que la règle de l’annualité, posée en
Angleterre dès le XVIIe s est devenue une règle générale du droit budgétaire de tous les pays .
ibid.
316
BOUSSAT (F.), « Guide pratique… », op. cit., p. 134.
317
Ibid.
318
Philip (L.), Finances… op. cit., p. 85.
98
politique à long terme étant donné le nombre d’investissement en projet dans
les communautés camerounaises.

Si sur le plan national les nouveaux caractères du budget supposent la


continuité d’une politique économique, il n’en demeure pas moins des
localités ; car il faut le dire, elles suivent dans leur objet une politique
nationale319 : c’est l’un des éléments de la nouvelle orientation du principe de
l’indivisibilité. Les mêmes difficultés peuvent être envisagées, la réalisation de
l’équilibre est compromise par le découpage annuel d’un programme. Mais cela
ne doit pas conduire à dénoncer la règle de l’annualité. Quelle que soit
l’importance des aspects économiques et sociaux du budget, quelle que soit la
nature et la particularité de l’autorisation des budgets locaux, il est évident que
les dépenses d’investissement comme celles de fonctionnement ont besoin
d’être autorisées et cette autorisation doit intervenir au titre d’une année
budgétaire.

2- Le jeu d’influence des principes budgétaires nationaux et


locaux
C’est par la loi du 15 mai 1818 que la règle de l’universalité fut
appliquée aux dépenses par l’ordonnance royale du 14 septembre 1822. Ici,
l’accent est mis sur la signification politique de la règle considérée comme la
condition initiale et essentielle du contrôle financier du parlement. Du moment
que le parlement est appelé à voter l’impôt et à fixer les dépenses qui en sont
le fondement et la mesure, il faut que le budget lui présente la liste de
toutes les dépenses au contrôle du parlement.

319
V. Rapport 2012 du MINAT.
99
B)- Le pouvoir d’élaboration et de vote du budget local des CTD

La procédure budgétaire impose ainsi de multiples contraintes dans


l’élaboration du budget. L’article 334 de la loi sénégalaise portant code des
Collectivités locales, par exemple, énonce que « le projet de budget est préparé
et présenté par le président du Conseil régional, le Maire ou le président du
Conseil rural, qui est tenu de le communiquer aux membres du Conseil avec les
rapports correspondants quinze jours avant l’ouverture de la première réunion
consacrée à l’examen dudit budget ». Au Gabon, l’article 165 de la loi
organique du 6 juin 1996 relative à la décentralisation dispose également que
« les budgets des Collectivités locales sont élaborés par les bureaux des
Conseils sur la base de l’exécution des budgets antérieurs, des réalisations et
projections du budget en cours et des prévisions de recettes »320.

La séparation vote et approbation procède de l’esprit du législateur


camerounais. Elle incarne une réalité qu’on dirait africaine321. Elle trouve son
fondement juridique dans la loi de 2009 portant régime financier des
Collectivités territoriales décentralisées322, qui donne la pleine mesure de son
importance et de son étendue. Nullement confiné dans le seul acte voté par
l’organe délibérant, il va de la préparation par le Maire et le Conseil communal
au vote. Le présent travail se prête donc à cette analyse. Il oblige donc à
déterminer les fondements afin de traiter de la problématique de cette
autorisation à deux échelons du budget local.

320
ESSONO OVONO (A.), L’autonomie financière des Collectivités locales en Afrique noire
francophone. Le cas du Cameroun, de la Côte-d’ivoire, du Gabon et du Sénégal, CERDIP,
2014, p.11.
321
V. PIERRE (C.), Gestion budgétaire et dépenses publiques, Canada, PUQ, 2009, 307 p.
322
Art. 32 de la loi n°2009/011 du 10 juillet 2009 précitée.
100
1- Les fondements juridiques
Le budget est préparé par le chef de l’exécutif communal et régional.
Son élaboration doit respecter les précisions des dépenses d’un investissement
définies à un taux minimum de 40% des dépenses totales, les prévisions des
dépenses de fonctionnement qui ne doivent excéder le taux de 60% des
dépenses totales et les dépenses de personnel qui sont inférieures ou égales à
35% des dépenses de fonctionnement323, quand bien même les encadrements de
la constitution du budget local apparaîtraient comme une limite à la marge de
manœuvre des CTD, elle présente l’avantage d’éviter les débordements et de
respecter le planning budgétaire national.

Lorsque le chef de l’exécutif n’a pas présenté le budget avant le 30


novembre, il peut être suspendu pour une période n’excédant pas 3 mois324. En
cas de suspension du Maire ou du Président du Conseil régional, son
remplaçant dans l’ordre de préséance exerce la plénitude de ses fonctions. Il est
par conséquent tenu de présenter le budget dans un délai de 30 jours. Le budget
des Collectivités territoriales est voté par l’organe délibérant au plus tard le
15 novembre de chaque année325. L’organe délibérant doit être convoqué au
moins 15 jours en cas d’urgence.

En cas de faute de l’exécutif communal l’autorité de tutelle prescrit la


convocation sans délai326.

Cette aptitude du législateur camerounais ne remettrait-t-elle pas en


cause la capacité des Collectivités à prendre en main leur responsabilité en
général et financière en particulier. En effet, l’acte fait par le substituant l’a été

323
Ibid., Art. 3.
324
Ibid., Art. 40 al. 1.
325
Ibid., Art. 41 al. 1.
326
Ibid., Art. 2.
101
par le substitué. Tel est le fardeau de la fiction juridique de la substitution : le
substituant n’existe pas, ou plutôt, il est par l’effet de la substitution, le
substitué. L’Etat n’exerce pas une compétence propre, il exerce
momentanément et exceptionnellement une compétence de la Collectivité
territoriale décentralisée, elle diffère ici de la représentation327. Elle implique
quant à elle, une différenciation entre représenté et représentant « la
substitution d’action postule au contraire une totale identification du
substituant substitué »328.

Lorsque l’organe délibérant refuse de voter le budget, le chef de


l’exécutif saisit l’autorité de tutelle compétente pour arbitrage. En cas
d’arbitrage infructueux l’organe délibérant, peut, sur proposition native de
l’autorité de tutelle, être suspendu pour une période n’excédant pas deux
mois329. Au terme de la suspension, un nouveau délai de 15 jours est accordé à
l’organe délibérant pour le vote du budget. En cas de persistance du reçu,
l’organe délibérant peut être dissout330. Sont obligatoirement annexés au projet
du budget l’état du personnel, l’état des véhicules et engins, l’état des
immeubles en propriété ou en location, le projet de délibération portant vote du
budget, la délibération à caractère financier, les résultats d’exercices en cours à
la date du détenu de la séance, la liste des projets à réaliser au cours de
l’exercice, celle-ci est adoptée par délibération de l’organe délibérant qui
détermine l’ordre des priorités des travaux suivant leurs caractères d’urgence et
de nécessité et tout autre procès utile331.

327
BERGEL (J.-L.), Théorie générale de Droit, Paris, Dalloz, 2003, p. 35 et ss.
328
WATHELET (J.C.), Budget, Comptabilité et Contrôle externe des Collectivités territoriales,
essai prospectif, Paris, Harmattan, éd. 2000, p. 81.
329
Art. 42 al. 1 de la loi n° 2009/011 du 10 juil. 2009, op. cit.
330
Ibid., Art. 42 al. 2.
331
Ibid., Art. 43.
102
Cependant, la loi de 2009 ne fait aucune précision sur la forme de
présentation du budget local. Dit-elle la nomenclature est fixée par un texte
réglementaire, c’est ici alors l’une des limites du principe de la progressivité.
En effet, la présentation du budget des Collectivités ainsi que leur modalité sont
de nature à renforcer la transparence budgétaire ; communément, ils font l’objet
d’une présentation croisée par nature et par fonction. Le vote par nature332
permet de faire coïncider le budget et les comptes. Par conséquent, la
transparence entre le vote accordé par l’assemblée délibérante et la réalisation
comptable est totale puisque l’information permet de donner l’autorisation
correspondante aux futures réalisations comptables et le vote par fonction
présente quant à lui l’avantage de mettre en lumière les différents axes des
politiques publiques333.
Au terme de l’art. 44 de la loi de 2009, l’organe délibérant peut amender
le projet de budget présenté par l’exécutif dans le respect des lois et règlement
en vigueur. Le chef de l’exécutif dispose d’un délai de sept jours pour
transmettre à l’autorité de tutelle compétente le budget voté, ses pièces annexes,
et le procès-verbal de séance.

2- L’analyse théorique : la problématique de l’autorisation


budgétaire locale

De la loi de 2004, il ressort que, les Collectivités à travers leurs organes


délibérants fixent les conditions d'élaboration, de présentation, d’exécution et
de contrôle de l’exécution des budgets des Collectivités334. Elles gèrent
librement leurs recettes et leurs dépenses, dans le cadre des budgets votés par

332
MARCEAU (A.), La Démocratie locale à la recherche d’un nouveau souffle, Paris,
Harmattan, éd. 2013, p. 198.
333
Ibid.
334
Art. 1, loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 précitée.
103
les organes délibérants335. Le budget est l’acte juridique par lequel sont
prévues et autorisées les recettes et les dépenses d’une Collectivité
territoriale336.

Les institutions financières de l’Etat ont été fondées sur le consentement


de l’impôt et sur l’autorisation de dépenses et de recettes données par le
parlement à l’autorité qui reçoit la mission d’exécuter le budget 337. Sur le plan
local, l’autorisation budgétaire a à première vue le même sens : on retrouve, en
effet, un organe délibérant338qui autorise un organe d’exécution à procéder aux
dépenses et aux recettes. Mais cet organe ne peut donner son autorisation que
dans les limites des pouvoirs dont il dispose339. L’autorisation budgétaire
change ainsi complètement de sens ou plutôt il se dédouble : par-dessus
l’autorisation que donne le budget régional ou communal, il y a l’habilitation
supérieure qui permet à l’organe local de donner cette autorisation, avec plus ou
moins de liberté340. Les assemblées locales ne représentent pas souverainement
les contribuables et elles ne sont pas fondées, à ce titre, comme le parlement qui
a le monopole de cette représentation, décide librement des dépenses et des
recettes locales. La liberté de ces assemblées n’intervient que dans la mesure où
la loi détermine des principes fondamentaux de leur libre administration et de
leurs ressources. Le point véritable qui marque l’autorisation budgétaire n’est
pas dans le rapport des assemblées locales qui votent le budget et de l’organe
chargé de l’exécution, mais dans l’abandon du pouvoir central aux Collectivités
territoriales d’un certain pouvoir de décision.

335
Ibid., Art. 2.
336
Ibid., Art. 3.
337
MUZELLEC (R.), Finances Publiques, 4e éd., Paris, Dalloz-Sirey, 2002, p. 126.
338
Le Conseil régional pour les régions et le Conseil communal pour les communes.
339
Art. 42, Loi n° 2009/ 11 du 10 juillet, op. cit.
340
TROTABAS (L.), Finances Publiques, op. cit., p. 86 ; c’est là le véritable problème des
finances locales.
104
Au Cameroun, avec la décentralisation administrative, nous trouvons à
la base des institutions financières locales comme à la base des institutions
financières de l’Etat, une idée politique. En effet, le choix entre décentralisation
et la centralisation est dicté par le régime politique de l’Etat. Un Etat de type
parlementaire comme c’est le cas au Cameroun341 s’oriente vers la
décentralisation. L’étude de notre histoire constitutionnelle est sur ce point tout
à fait probante, car elle montre bien le parallélisme des institutions
constitutionnelles et des institutions financières, non seulement pour l’Etat,
mais aussi pour les Collectivités territoriales. Le parlementarisme intrinsèque à
l’Etat camerounais s’est traduit dans les institutions financières après le
développement des pouvoirs des assemblées locales. Cependant, pour certains
auteurs342 lorsque le régime parlementaire disparaît, les institutions financières
locales restreignent le pouvoir des Collectivités territoriales au profit du
pouvoir central. L’orientation actuelle du régime politique camerounais
marquée par l’accroissement du pouvoir exécutif, suscite à son tour sur le plan
local, une nette résistance, au nom des libertés locales et des pouvoirs financiers
des communes et des régions.

En définitive, l’intérêt que présente l’étude des finances locales n’est


pas fondé sur les droits des contribuables et sur le consentement de l’impôt, ni
sur le pouvoir politique des parlements, il tient au fait que les institutions
financières locales établissent un certain équilibre entre le pouvoir central et les
pouvoirs locaux. Le pouvoir central est seul maître de fixer les positions
politiques de l’Etat et ses positions économiques et sociales. Il est également
seul maître, de fixer le régime des impôts, même pour alimenter les budgets
locaux, car la loi seule, c’est-à-dire le parlement peut établir un impôt.

341
ONDOA (M.), « une résurrection : le régime parlementaire camerounais », Anales de la
Faculté de Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Douala, n° 2, juin-décembre
2002, pp. 7- 42.
342
BOISSEAU (S.), Espagne, éd. Marcus, 2006, p. 12.
105
Paragraphe II : L’approbation du budget de l’autorité de
tutelle un organe accoucheur du budget local

S’il faut emprunter les propos de Michel BOUVIER, l’on dira


qu’aujourd’hui on assiste à un renforcement de la fonction de pilotage par l’Etat
du système financier343. Les lois de 2009, 2012 et les projets ou réflexions
examinés relèvent de la volonté de mettre en œuvre un pilotage national
renforcé des finances locales. Ceci remettrait en doute l’ensemble des moyens
théoriques et techniques mis au point en vue de garantir l’autonomie financière
des Collectivités. Il existe schématiquement quatre dispositifs pour réguler au
plan macro-économique les finances locales. Parmi elles on distingue la règle
de l’équilibre budgétaire qui participe au caractère sain des finances locales.

A)- La condition de l’équilibre du budget voté


Le budget local doit être voté en équilibre, cette précision de la loi de
2009 portant régime financier local présente cependant des limites.

1- Les fondements juridiques

L’autorité de tutelle qui approuve le budget des Collectivités


territoriales, peut après une mise en demeure rester sans effet, le modifié
lorsque celui-ci n’est pas voté en équilibre344. Le problème des finances locales
doit se résoudre, comme les finances de l’Etat, par l’équilibre financier des
dépenses et des recettes. En posant le problème des finances publiques dans le
cadre de l’Etat, il ressort que cet équilibre des dépenses et des recettes est
librement assuré et qu’il présente un aspect à la fois comptable et économique
ou social345. Lorsqu’on reprend maintenant ce problème dans le cadre des

343
BOUVIER (M.), Finances publiques.., op. cit., p. 11.
344
Art. 47, loi n° 2009/011, op. cit.
345
DANTONEL (N.), Droit des Collectivités territoriales, 3e éd., Paris, Bréal, lexifac économie
Droit, 2007, p. 217.
106
Collectivités territoriales, on s’aperçoit qu’il ne se pose plus dans les mêmes
termes346. L’équilibre des budgets locaux, qui commande l’exercice des
pouvoirs de tutelle, s’entend exclusivement comme un équilibre comptable347,
qui entraîne l’obligation de considérer les recettes et de les fixer avant les
dépenses348, contrairement au principe retenu pour le budget de l’Etat. Avec
prudence, il est nécessaire de préciser cette notion d’équilibre, c’est par
l’examen des recettes349 qu’il faudra aborder l’analyse des budgets locaux dans
leur portée.

2- Les limites de l’orientation de l’équilibre budgétaire local

Les caractères propres des budgets locaux mettent en lumière


l’importance de l’équilibre comptable de ces budgets. Il faut se demander si les
budgets locaux ne comportent pas, eux aussi, derrière cet équilibre comptable,
un élément d’un équilibre d’une autre nature, plus important au point de vue
politique, économique et social.

On peut, à cet égard, définir l’équilibre des budgets locaux en tenant


compte de deux considérations capitales : un certain équilibre existe d’abord
par le jeu des rapports financiers qui s’établissent entre l’Etat et chaque
Collectivité locale. S’il apparaît que les dépenses «d’intérêt national » mises à
la charge des communes (comme dépenses obligatoires) dépassent l’apport de
l’Etat aux budgets locaux, ceux-ci sont déficitaires dans la mesure où ils
contribuent à l’équilibre du budget de l’Etat. Or, les dépenses de cette nature
sont considérables et dépendent de la seule volonté de l’Etat. Elles se rapportent
à l’éducation nationale, à l’aide sociale. Lorsque l’Etat participe à ces dépenses,

346
Art. 47 (2), Loi n° 2009/ 011, op. cit.
347
NZE BEKALE (L.), Introduction aux finances …, op.cit, p. 22 et BOUSSAT (F), Guide
pratique de gestion …, op. cit., p.135.
348
Les crédits inscrits, les dépenses obligatoires doivent être suffisants.
349
L’analyse se fera dans la 2nde partie.
107
sa participation est insuffisante et il hypothèque la liberté des Collectivités
locales de disposer de leurs ressources. En France, lorsque l’Etat alloue aux
communes une indemnité pour l’organisation de consultations électorales,
élection et référendum ; cette indemnité, forfaitaire, est calculée à la fois
d’après le nombre des sections de vote, d’isoloirs, et d’élection inscrits350. Les
frais réels supportés par la commune, pour chaque élection, compte tenu en
particulier du paiement des heures aux tarifs des jours fériés et du travail de
nuit, dépassent largement cette indemnité ; l’équilibre réel des budgets locaux
devrait s’établir abstraction faite de ces dépenses d’intérêt national351.

Il faut songer d’autre part à l’équilibre des budgets locaux à l’égard des
contribuables locaux. Sans nous attarder sur l’intégralité des charges fiscales
locales352 dues au fait qu’il existe des communes « riches » et des
communes « pauvres », on constate en effet que toutes les Collectivités locales
ne sont pas dans les conditions identiques pour trouver les ressources
nécessaires afin d’assurer leurs charges353. Un seul exemple important et actuel
permet de deviner le déséquilibre qui en résulte pour les contribuables locaux.
Il tient à la situation démographique des communes et apparaît avec les
communes de Yaoundé I, lorsque survient, généralement pour des causes
étrangères à la commune, une élévation brutale de la population locale, et avec
les communes dans les provinces de l’Ouest et du Nord-ouest, lorsque le
voisinage d’une grande ville conduit sa population active à s’établir en
banlieue. Dans ces hypothèses, les charges qui pèsent sur les budgets locaux,
notamment en matière d’urbanisme, voirie, transport, distribution, ne peuvent
être couvertes par la fiscalité locale. Un certain équilibre, au profit des

350
Rapport sur l’organisation déconcentrée de l’État, MINATD, 15 décembre 2007.
351
YATTA (P.-F.), La décentralisation fiscale en Afrique enjeux et perspectives, Paris,
Karthala, 2009, p. 10 et ss.
352
V. supra, partie II, Titre I
353
Ibid.
108
contribuables locaux, ne peut s’établir que par un réaménagement des
ressources locales, ou par un étalement des charges au-delà des limites de la
commune recherchée par exemple, avec la formule des districts urbains354.

B)- La problématique du pouvoir d’approbation de l’Etat : un


contre poids légal de la liberté budgétaire locale

L’autorité de tutelle pour les communes représentées par le Préfet, avant


de donner son quitus pour l’exécution du budget voté par l’assemblée
délibérante dispose d’un pouvoir de modification355 si la dite assemblée n’a pas
respecté les conditions sus analysées356. Cependant, qu’il y ait ou pas des
corrections, celui-ci reste celui qui accouche du budget local. C’est ici le
paradoxe de la maternité du droit budgétaire local.

1- L’autorité de tutelle, accoucheur du budget local


« J’appelle faculté de statuer, le droit d’ordonner par soi-même ou de
corriger ce qui a été ordonné par un autre. J’appelle faculté d’empêcher, le
droit de rendre nulle une résolution prise par quelque autre ;...Et, quoique
celui qui a la faculté d’empêcher puisse avoir aussi le droit d’approuver, pour
lors cette approbation n’est autre chose qu’une déclaration qu’il ne fait point
usage de sa faculté d’empêcher, et dérive de cette faculté »357. C’est un
emprunt à MONTESQUIEU. Il faudrait voir en cela, ce dans le cadre de
l’analyse le pouvoir de l’autorité de tutelle sur les actes financiers des
Collectivités territoriales décentralisées. C’est un pouvoir d’approbation. Il
consiste en la subordination de la formation d’une décision élaborée par un

354
Ibid.
355
Art. 47, Loi n° 2009/ 11, op. cit.
356
Cf. section I, paragraphe I (A).
357
MONTESQUIEU, L'esprit des lois, t. I, Garnier Flammarion, 1979, pp. 298-299.
109
organe à l’acceptation d’un autre organe358. Chronologiquement, cette
acceptation peut s’exprimer au stade de l’initiative de la décision359, dans le
cours de l’exercice du droit d’initiative ou enfin au terme de la procédure
lorsque la décision est formée et avant qu’elle ne vienne modifier
l’ordonnancement juridique.

A notre connaissance et en matière de production du budget local, la


première hypothèse ne se rencontre pas en droit positif camerounais360. La
deuxième hypothèse correspond à l’autorisation qui est au cœur d’un débat
doctrinal visant sa distinction ou son assimilation à l’approbation361.

Abstraitement, autoriser quelqu’un à faire quelque chose revient à


approuver qu’il le fasse362. Donc dans ce cas, autorisation et approbation ne se
distinguent pas puisqu’elles expriment toutes les deux une faculté d’empêcher
ou d’accepter, mais elles se distinguent cependant par le moment de leur
intervention et par leurs suites.

L’autorisation s'exerce au stade de l’exercice de l'initiative et si cet


exercice du droit d'initiative n’est pas approuvé, l’organe titulaire du droit
d'initiative ne peut l'exercer363. Mais si elle est autorisée selon certaines

358
Ibid.
359
MONTESQUIEU affirmait : « Le corps législatif ne doit point s'assembler lui-même. Car,
un corps n'est censé avoir de volontés que lorsqu'il est assemblé ;... » Ibid., p. 197 et 299.
360
Pour l'élaboration de la norme première, cette technique existe en France dans le cadre du
régime des sessions et de l'ordre du jour, concernant le droit d'exercice du droit d'initiative; et
des irrecevabilités, concernant l'exercice du droit d'initiative.
Concernant les communes et la première hypothèse L. MORGAND remarque que « d'après le
système de la loi de 1855, toute session extraordinaire devait être autorisée » permettant ainsi
une approbation du droit d'exercice, du droit d'initiative, La loi municipale, t. I, Berger-
Levrault, 1963, p. 37.
361
REGOURD (S.), L'acte de tutelle en droit administratif français, Paris, L.G.D.J., 1982, p.73.
362
CORNU (G.), Vocabulaire juridique…op. cit., p. 255.
363
CHAVRIER (G.), Les nouveaux mots de la décentralisation, analyse rhétorique d’une
réforme, colloque, Université Paris-I, Panthéon Sorbonne, GIS-GRALE-CNRS, p. 3 et p. 150.
110
conditions, cet agrément peut ne pas convenir à la personne autorisée à la faire
et elle pourra alors renoncer à exercer son droit d'initiative.

Ainsi, en matière de création de syndicats de communes, on peut


vérifier l'hypothèse selon laquelle certaines d'entre elles demandent au Préfet la
création de cet établissement public de coopération364 ; celui-ci considérant
opportun l'ajout d'une commune non initiatrice du projet peut subordonner son
autorisation à cette condition. Cette proposition préfectorale peut n'être pas
reprise par les initiatrices et le projet se trouver bloqué.

L’approbation, elle, s'exerce au terme du processus normatif, et permet


l’entrée en vigueur de la norme365. Les destinataires de la norme peuvent s'en
prévaloir, sans que son initiateur ne dispose toujours d’un moyen de blocage
car la publication ou la notification peut lui échapper ou n’être pas reconnue
comme constituant un obstacle à l’application366.

Cette approbation après la formation de la décision peut s’assimiler à


une sanction au sens étymologique du terme367.

Cette distinction entre les différents stades de l’élaboration permet de


comprendre que l'approbation puisse être présentée comme ayant, soit un
caractère préalable, soit un caractère subséquent368 selon que l’on se réfère à
l’action qu’elle bloque ou bloquera.

Ainsi, empêcher l'exercice du droit d'initiative d'une assemblée en


refusant de réunir celle-ci constitue à la fois une approbation à caractère

364
Art. 52 et 53, Loi n° 2009/ 11 , op. cit.
365
REGOURD (S.), L'acte de tutelle …, op. cit., p. 131.
366
Ibid.
367
Le mot vient du terme latin " sancire " qui signifie consacrer et par extension, il exprime
l'idée d'une confirmation. Ce faisant je distingue le mot " véto " qui exprime le résultat d'une
action: le refus de la " la sanction ".
368
REGOURD (S.), L'acte de tutelle …, op. cit., p. 131.
111
préalable369, en ce que le droit d'initiative ne pourra s'exprimer du fait de
l'absence de réunion de l'assemblée et un caractère subséquent en ce qu'elle
sanctionne l'initiative de la convocation de ladite assemblée.

La justesse du propos exige cependant, que l'on applique le mot


uniquement à son objet strict, c’est-à-dire à ce qu’elle vise et donc à la décision
qui est soumise à approbation et non à celles qu’elle aurait pu faire naître.
Ainsi, dans notre exemple on doit réserver l’application de l'approbation à la
décision de l’acceptation ou refus du projet de budget local.

Dès lors, il apparaît que l’approbation, qu'elle s’exprime au stade de


l'initiative (autorisation) ou après la formation de la décision, a un caractère
nécessairement subséquent370. Son caractère préalable n’est lié qu’à un virtuel
qui n’est qu’éventuel puisque le Conseil même réuni peut faire le choix de ne
rien décider371.
Plus généralement, on peut considérer que l'absence d'introduction d'un
recours pour excès de pouvoir dans le délai de deux mois, constitue une
approbation tacite de l'acte contesté par ses destinataires.

En tout état de cause, l'approbation doit être express pour constituer


une décision. C’est suivant cette orientation que le législateur de 2009 a défini
un délai à l’autorité de tutelle pour donner son approbation372. En effet, Saint

369
Art. 47, Loi n° 2009/ 11, op. cit.
370
YATTA (P.-F.), La décentralisation fiscale en Afrique enjeux et perspectives, op. cit.,
p. 135.
371
En France, L'approbation peut résulter de l'écoulement d'un délai. Ainsi article L.121-31 du
code des communes prévoyait que les délibérations des Conseils municipaux étaient
exécutoires quinze jours après leur dépôt auprès de l'autorité supérieure, si pendant ce délai, le
Préfet ne les déclarait pas nulles de droit ou ne les annulait pas pour confusion d'intérêts entre la
Collectivité et l'un de ses membres (art. L121-35). Au Cameroun, Art. 48, Loi n° 2009/11, op.
cit.
372
Art. 46, Le budget de la Collectivité territoriale est approuvé par arrêté de l'autorité de tutelle
compétente dans le délai de quinze (15) jours suivant la date formellement justifiée de son
dépôt. Cette approbation lui confère le caractère exécutoire.
112
REGOURD373 a démontré que ce que l'on appelait par commodité
« approbation implicite », c'est-à-dire l'absence de manifestation d'un refus
d’approbation dans un certain délai de temps n’avait pas le caractère d’une
décision d’approbation374, le délai est donné pour qu'une décision expresse de
refus d’approbation soit le cas échéant notifiée mais son écoulement sans celle-
ci ne fait pas naître une décision d’approbation375. En ce qui concerne la
question de l’organisation du pouvoir normatif, ce que l’on appelle approbation
tacite, montre bien qu’empêcher n’est qu’une faculté dont l’expression peut être
encadrée dans le temps ou dans la forme376.

La faculté de statuer s’exprime aussi selon MONTESQUIEU377, par la


possibilité de corriger ce qui a été fait par autrui. Selon Charles
EISENMANN378, cette faculté de corriger s'exerce par le pouvoir de
substitution qui permet de réformer l'attitude de celui que l'on veut corriger.
Cette réformation peut porter sur une décision ou sur une absence de
décision379. L'auteur adopte une « analyse (...) de nature strictement finaliste :
la substitution n'est analysée qu'en fonction du résultat qu'elle permet
d'atteindre »380 et à cet égard se distingue de la majorité de la doctrine qui
sépare le pouvoir de substitution du pouvoir de réformation.

Au regard de notre objet, la conclusion de Ch. EISENMANN ne nous


paraît pas critiquable car la réformation comme la substitution conduisent à
l'exercice par un tiers de la faculté de statuer attribuée à un organe local.

373
REGOURD (S.), L'acte de tutelle…, op. cit., p. 75.
374
Ibid.
375
Albin Le Rat de MAGNITOT, DELAMARRE Huard (XXX), Dictionnaire de droit public
et administratif, contenant: l'esprit des lois,Conseil d'état, France. Cour de cassation, version
électronique, Paris, 1841, https://books.google.cm/books? L’approbation des budgets locaux.
376
Ibid.
377
MONTESQUIEU, L’esprit…, op. cit., p. 300.
378
EISENMANN (Ch.), Centralisation – décentralisation, Paris, L.G.D.J., 1948, p. 152.
379
Ibid.
380
REGOURD (S.), L'acte de tutelle…, op. cit., p. 160.
113
Comme le constate Saint REGOURD, la « substitution n'est possible qu'à
propos d'actes prescrits par la loi »381 ou qu'elle exige une mise en demeure
préalable, ceci n'est pas indifférent, on le verra à la situation de la faculté de
statuer locale.

Enfin, il convient d'appréhender la substitution et la réformation en


tenant compte de la démonstration de Jean Claude GROSHENS, pour lequel la
réformation d'un acte consiste en « une décision de retrait suivie d'une mesure
de substitution »382. Or cet auteur constate que la première ne peut intervenir
que pour illégalité et dans le délai du recours contentieux383 et concernant la
seconde, il démontre que « le pouvoir hiérarchique est exclusif du pouvoir de
substitution »384.

En fait le pouvoir de réformation que l'on dit caractéristique du pouvoir


hiérarchique n'existe pas. Ceci s'explique par le fait que le supérieur dispose
dans cette hypothèse du pouvoir de direction dont l'efficience est liée à la
subordination personnelle de l'inférieur.

La faculté de statuer s'exprime donc au travers du pouvoir de


réformation d'une action ou inaction385 par substitution386qui se traduit par la
faculté de modifier la décision de l'organe substitué ou pallier la carence dudit
organe ; car la « réformation implique substitution d'action »387.

381
Ibid., p. 161.
382
GROSHENS (J.-C.), « Le pouvoir des supérieurs hiérarchiques sur les actes de leurs
subordonnés », A.J.D.A., 1966, p.155.
383
Ibid., p. 148; cf. sur le retrait des actes administratifs DELVOLVE (P.), L'acte administratif,
Paris, SIREY, 1998, p. 251 et ss.
384
Ibid.
385
Son but.
386
Son moyen.
387
REGOURD (S.), L'acte de tutelle en droit administratif français, op. cit., p. 75.
114
L'élaboration d'une norme par plusieurs organes ne conduit pas
nécessairement à reconnaître à chaque phase de cette élaboration, l'existence
d'une norme388. De ce fait la sortie du budget par plusieurs organes ne conduit
pas nécessairement à reconnaître à chaque étape de son élaboration, l’existence
du budget local. Malgré la diversité des interventions, l'unicité de l'acte est
maintenue grâce à la faculté d'empêcher que détient le juge administratif389.
Le budget local ne peut être rendu public sans l’approbation du Préfet390, de
même que le Préfet ne peut approuver que ce qui a déjà fait l’objet du vote par
l’organe délibérante391. C’est le mécanisme du poids et du contre poids local.

L'intuition conduit à les qualifier d'actes juridiques. Cette intuition


demande à être fondée. Pour Hans KELSEN, « l'acte juridique est un fait
créateur de droit »392. Pour Charles EISENMANN, « les actes juridiques sont
des opérations par lesquelles des normes juridiques sont posées, édictées ; en
d'autres termes : ce sont des opérations d'édiction, de création de normes
juridiques »393.

Ces définitions ne permettent pas, à priori, de dire que les actes de


tutelle ou sous tutelle sont des actes juridiques puisque ni les uns ni les autres
ne font naître seuls une loi de finance ou un acte administratif à portée
financière ; ils sont indissolublement liés dans la naissance de celle-ci « de la
même façon que la naissance d'un être vivant est inconcevable de la phase
initiale de procréation, le moment de la mise au monde juridique renseigne

388
THALINEAU (J.), Essai sur la centralisation et la décentralisation : Réflexion à partir de
la théorie de Charles .EISENMANN, th. présentée et soutenue le 12 fev.1994 et publiée par
HAL en 2009.
389
Ibid.
390
L’approbation de l’autorité de tutelle confère au budget voté par l’assemblée délibérante un
caractère exécutoire.
391
Art. 41, Loi n° 2009/ 11, op. cit.
392
KELSEN (H.), Théorie pure du droit, Paris, DALLOZ, 1962, p. 343.
393
EISENMANN (Ch.), Cours de droit administratif, t. II, Paris, L.G.D.J., 1983, p. 681.
115
incomplètement, sur la création de la norme »394. Il en est de même du budget
local. En écrivant que l'acte juridique c'est « l'acte lui-même envisagé en tant
qu'opération, c'est-à-dire en tant qu'ensemble de faits et gestes à accomplir
pour parvenir au résultat défini, c'est à dire l'apparition d'une norme juridique
... »395, Charles EISENMANN montre bien que c'est l'ensemble des deux actes
qui pourrait recevoir la qualification d'acte juridique et non l'un et l'autre.

Toutefois, en restant fidèle à la définition de Hans KELSEN et de


Charles EISENMANN, on pourrait considérer que seul l'acte de tutelle répond
à la définition dans la mesure où c'est son intervention qui produit le budget,
mais cette thèse, Saint REGOURD la rejette car c'est faire de l'organe de tutelle
le concepteur, alors qu'il n'est en réalité que l’accoucheur. Sans lui, l'enfant ne
naît pas, mais sans lui l’enfant est conçu ! Il exprime donc à suffisance à notre
sens la place des élus locaux dans la création et la constitution du budget au
niveau local. Saint REGOURD tirait de ce constat une conclusion différente,
puisque selon lui, ainsi, l'enfant pourrait sortir de deux ventres en n'ayant
qu'une seule mère396.

En fait, obnubilés par l'idée qu'un budget va naître, les auteurs en font le
fruit d'un acte juridique. En s'élevant contre la confusion norme-acte juridique
Hans KELSEN397 et Charles EISENMANN398 avaient prévenu contre cette
réduction selon laquelle une norme ne saurait émerger que d'un acte juridique.
Pourtant ils n'ont pas été à l'abri de cette confusion-réduction comme le montre
le propos de Charles EISENMAN faisant de l'acte juridique « l'ensemble des
faits et gestes » conduisant à la norme. Pour sortir de l'impasse, il faut revenir à
la définition de l’ordre juridique.

394
REGOURD (S.), L'acte de tutelle ..., op. cit., p. 370.
395
EISENMANN(Ch.), Cours de droit administratif, t.1, L.G.D.J., 1983, p. 395.
396
REGOURD (S.), L'acte de tutelle …, op. cit, p. 371.
397
KELSEN (H.), Théorie pure du droit, op. cit., p. 343.
398
EISENMANN (Ch.), Cours de droit administratif, op.cit., p. 375.
116
En considérant l’ordre juridique comme un système de justification dans
lequel les actes humains reçoivent le titre de normes en conformité avec une
norme préexistante ou avec une procédure établie, Michel TROPER399 montre
que l’opération de justification débouche sur l’unité : LA NORME, mais celle-
ci peut être le résultat de plusieurs confrontations de l’acte postulant au titre de
norme avec la réglementation juridique, c’est-à-dire avec l'arsenal de
justification.

Ces différents moments de confrontation constituent des actes juridiques


au sens posé par Paul AMSELEK, c'est-à-dire d'actes « ayant vocation à
manifester une prescription de normes »400 dans la mesure où ce sont des actes
de dire401 institués par le droit pour l'exercice de compétences d'autorité sociale,
de fonctions sociales dirigeantes402.

On pourrait objecter, une fois encore que c'est uniquement ensemble,


dans leur union que l'acte de l'organe central et celui de l'organe local
manifestent cette vocation à prescrire une norme, mais Paul AMSELEK
considère que « tout acte de dire qui se présente comme accompli dans
l'exercice de telles fonctions doit être qualifié, et est de fait couramment
qualifié, "acte juridique", même s'il correspond à un exercice défectueux
desdites fonctions »403 comme le montre la théorie du fonctionnaire de fait 404.

399
TROPER (M.), Système juridique et Etat, t. XXXI, Archives de philosophie du droit, Paris,
SIREY, 1986, p. 41.
400
AMSELEK (P.), L'acte juridique selon EISENMANN (Ch.), t.XXXII, Archives de
philosophie du droit, Paris, SIREY, 1987, p. 322.
401
Ibid., p. 316, L'auteur définit l'acte juridique comme " un acte de parole, de diction ".
402
Ibid., p. 323.
403
Ibid.
404
CHAPUS (R.), Droit administratif général, Paris, Montchrestien, 1992, p. 753 et p. 799 et
ss.
117
L'existence juridique des actes de tutelle ou sous tutelle établie par Saint
REGOURD démontre l'exercice de ces fonctions sociales dirigeantes et autorise
donc à qualifier les actes de tutelle et sous tutelle, d'actes juridiques405.

N'étant pas des normes, ces actes juridiques peuvent-ils prescrire des
conduites aux hommes ? Peut-il y avoir deux types d'actes prescriptifs de
conduite, les normes juridiques et certains actes juridiques ? La thèse de Roger
Gerard SCHWARTZENBERG en apporte la démonstration406.

2 -Le pouvoir de correction ou de modification du budget local


voté

Il se traduit par l'acte de remplacer la conduite d'autrui par une conduite


différente407. Ce pouvoir de correction attribué au représentant de l’Etat peut
consister à réformer soit une conduite positive d’un acte, auquel cas il pourra
s'exprimer par la possibilité d'effacer, d'annuler cette conduite en y substituant
une autre conduite408 ; soit une conduite négative - une absence d'action, auquel
cas il s'exprimera par l'accomplissement d'un acte, c'est-à-dire par une
substitution d'action409.

Toutefois un problème se pose quant à la manifestation de la


subordination de l’autorité locale dans le cadre de la substitution. La
substitution traduit-elle un contrôle étranger à l'autorité hiérarchique ou une
manifestation de cette autorité ? La doctrine classique410, on l'a déjà évoqué,

405
REGOURD (S.), L'acte de tutelle …, op cit., p. 77.
406
V. SCHWARTZENBERG (R.G.), L'autorité de chose décidée, Paris, L.G.D.J., 1969.
407
EISENMANN (Ch.), Centralisation - Décentralisation, op. cit., p.76.
408
Art. 47, Loi n° 2009/ 11, op. cit.
409
Art. 48, Loi n° 2009/ 11, op. cit.
410
REGOURD (S.), L’acte de tutelle en droit administratif français, Paris, LGDJ, 1982, 539 p.
118
intègre le pouvoir de substitution à la tutelle, c'est-à-dire l'assimile à un
contrôle.

Par une argumentation technique dont la source se trouve chez


MONTESQUIEU, Charles EISENMANN s’élève, à juste titre, contre la
doctrine française qui écartait411 et qui écarte encore412 des manifestations de
l’autorité hiérarchique celles dans lesquelles l'autorité centrale dispose du
pouvoir de substitution au motif qu’il s’agirait d’un pouvoir de contrôle et non
d'une modalité de l’autorité hiérarchique413.

Contrairement à ces auteurs, d’autres pensent que le pouvoir de


substitution est discrétionnaire, il constitue une manifestation de l'autorité
hiérarchique414. Pour abonder dans ce sens, il n'est pas indifférent de constater
que cette exclusion de la substitution de l'autorité hiérarchique et son inclusion
dans le contrôle, qu'opère la doctrine classique, constitue une curiosité.

En effet l'étude de la substitution dans le cadre du contrôle, doit être


exceptionnelle « sous peine de suppression de toute décentralisation »415. Or
nul ne s'interroge sur la nature du pouvoir qu'exprime, même quand il est
exceptionnel, ce pouvoir de substitution. La conclusion est d'après ce
raisonnement relativement simple puisque s'il n'était plus exceptionnel, il n'y
aurait plus décentralisation ; c'est donc que ce pouvoir n'exprime pas un
pouvoir de contrôle mais un pouvoir hiérarchique car la nature d'un pouvoir ne
saurait tenir dans la dose de son administration ; raisonner différemment revient
à confondre l'effet avec la nature. Dans son étude sur la notion de tutelle, Saint

411
Ibid., p.147 et ss.
412
CHAPUS (R.), Droit administratif général, Montchrestien, 15éme éd.,1988, p. 254 et ss.
VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), Droit administratif, t. II, Paris, P.U.F., coll. THEMIS, 1990,
p. 392 et ss.
413
EISENMANN (Ch.), Centralisation - Décentralisation, op. cit., p. 151 et ss.
414
CHAPUS (R.), Droit administratif général, op. cit., p. 257.
415
VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), Droit administratif, op.cit., p. 397.
119
REGOURD a parfaitement souligné la curiosité du raisonnement de la doctrine
sur la substitution416. La substitution n’induit pas l’immixtion de l’autorité de
tutelle417.

L'autorité hiérarchique, expression de la centralisation imparfaite se


manifeste donc sous deux formes : d’une part un pouvoir personnel du
supérieur sur l'inférieur, c'est-à-dire un pouvoir sur la personne du subordonné
limité aujourd'hui par la loi. La dangerosité pour les libertés publiques d'un tel
pouvoir personnel a conduit dans un Etat de droit à son encadrement qui se
manifeste dans le statut de la fonction publique418 et dans les conditions dans
lesquelles les agents du pouvoir central non nommés par celui-ci peuvent voir
leurs fonctions affectées par lui, et d’autre part un pouvoir discrétionnaire
d'ordonner et de réformer en l'absence d'un pouvoir personnel professionnel sur
l'agent local.

Cependant, la centralisation par subordination hiérarchique n'exprime


pour Ch. EISENMANN qu'une des modalités de la centralisation imparfaite419.

Le budget de Collectivité territoriale est approuvé par arrêté de


l’autorité de tutelle compétente dans le délai de 15 jours suivant la date
formellement justifiée de son dépôt ; cette approbation lui confère un caractère
obligatoire420. Si le budget n’a pas été voté avant le début de l’exercice,
l’autorité de tutelle compétente met immédiatement en demeure par tout moyen
laissant trace écrite la Collectivité territoriale concernée d’y remédier dans les
15 jours421.

416
REGOURD (S.), La notion de tutelle …, p. 157.
417
Jugement n°86 /2002-2003 du 24 avril 2003, Commune rurale d’Angossa c/ Etat du
Cameroun.
418
Décret n°94/199 du 07 Octobre 1994 portant statut général de la fonction publique.
419
EISENMANN (Ch.), Centralisation - Décentralisation, op. cit., p. 153.
420
Art. 46 de la loi n°2009/011, op.cit.
421
Ibid., Art. 48 (1).
120
Pendant la suppression ou la durée de la dissolution suivant le cas,
l’autorité de tutelle compétente reconduit le budget par douzième provisoire422 ;
le budget ainsi reconduit est exécuté par une délégation spéciale jusqu’à la mise
en place d’un nouvel organe délibérant, de même jusqu’au vote et à
l’approbation du budget, l’autorité de tutelle reconduit le budget de l’exercice
précédent par douzième provisoire423.

Les limites formelles du pouvoir de substitution tiennent donc à la


consultation préalable et à la nature de l'acte opérant la substitution.

La révision constitutionnelle de 1996 a modifié substantiellement l'état


du droit en la matière. Avant la réforme, le législateur pouvait exercer
personnellement son pouvoir de substitution ou le déléguer au Gouvernement.
Cependant, l'article 6 de la loi de 2004 prévoit que le Président de la
République peut modifier les régions.

En France, la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 prévoyait que le


statut des territoires est fixé par une loi organique, exclut que l'on puisse
recourir désormais à cette procédure des ordonnances424. En effet, depuis la
décision du Conseil constitutionnel du 5 janvier 1982, on considère que la
procédure des ordonnances est inapplicable aux lois organiques. Bien qu'il
remarque que la spécificité des lois organiques repose sur une volonté de
pondération du bicamérisme inégalitaire, Bertrand GENEVOIS425 pense que
cette décision du Conseil constitutionnel « n'est cependant pas rédigée en des
termes qui inviteraient à considérer que, dans tous les cas, l'emploi dans le texte
de la Constitution du mot "loi" ne saurait viser que la loi ordinaire ». En tout

422
Ibid.
423
Ibid., Art. 42 (4).
424
LUCHAIRE (F.), « L'Union européenne et la Constitution », R.D.P.,1992, p. 972.
425
Ibid., p. 973.
121
état de cause, le « détournement de procédure »426 que constituerait le recours à
l'article 38 aujourd'hui, serait plus encore avéré. Le législateur ayant toujours
consulté les assemblées territoriales avant d'autoriser le Gouvernement à
légiférer par ordonnances427, il serait surprenant qu'il ne poursuive pas dans
cette voie, même si la lettre de l'article 74 semble exclure le recours aux
ordonnances. Si cet article est appliqué strictement, le domaine dans lequel la
loi organique sera nécessaire, s'étendra fort loin puisque selon l'article 74, les
lois organiques « définissent notamment les compétences de leurs institutions
propres ». L'adverbe « notamment » ouvre des perspectives difficiles à
apprécier. Ainsi, et au regard des statuts de la Nouvelle Calédonie ou de la
Polynésie française, qui confèrent aujourd'hui à ces territoires une compétence
générale et à l'Etat une compétence d'attribution, on s'aperçoit que tout ce qui
affectera cette situation exigera une loi organique.

Cette étendue du domaine de la loi organique risque de réduire à


proportion le domaine de la loi ordinaire, c'est-à-dire celui dans lequel le
législateur fixe « les autres modalités » de l'organisation particulière. En plus de
son caractère énigmatique, ce champ se trouve donc particulièrement limité.

L'exigence d'une loi organique représente véritablement une contrainte


formelle pour le législateur dans son pouvoir de substitution, mais il ne faut pas
exagérer celle-ci car la loi organique n'établit pas le bicamérisme égalitaire.

Au-delà de « l’attribution aux CTD d’un pouvoir de préparation et de


vote du budget local, le législateur camerounais leur a également cédé des
libertés en matière d’exécution de ce budget.

426
LUCHAIRE (F.), « Le statut constitutionnel de la France d'outre-mer », A.J.D.A., 1992,
p. 541.
427
Ibid.
122
Section II : Les pouvoirs des CTD en matière de dépenses
locales

D’autres éléments permettent de garantir la construction de l’autonomie


financière des CTD, il s’agit de la liberté de dépense locale428. Paul Marie
GAUDEMET et Joël MOLINIER soulignent que « l’autonomie n’est réelle
(…) que si elle dispose d’une grande liberté dans ses dépenses sans être
entravée par des dépenses obligatoires ou par des dépenses interdites ou
soumises à approbation »429. C’est une orientation forte qui toutefois présente
des limites. En effet, la position de tutelle qui s’oppose à la situation de
souveraineté caractéristique des finances de l’Etat marque toute l’économie des
budgets locaux : tandis que l’Etat jouit d’une faculté de dépenser non
contraignante, puisqu’il est maître de créer ses dépenses, les recettes
nécessaires pour les équilibrer, ou de se soustraire à certaines dépenses. Les
régions et les communes ne possèdent pas pareilles facultés. La notion de
dépense publique n’est donc pas la même pour l’Etat et pour les Collectivités
territoriales.

Lorsqu’on songe aux finances de l’Etat, l’idée qui caractérise le mieux


la dépense publique, c’est l’idée de l’égalité de toutes les dépenses publiques et
de leurs indépendances par rapport aux recettes. Toute dépense est également
définie par l’intérêt public qui la justifie, qu’il s’agisse d’une dépense de
personnel430 ou d’une dépense de matériel431 : chaque dépense publique

428
D’abord, la liberté de dépenser des Collectivités territoriales s’exerce dans un cadre
budgétaire strict défini par l’Etat. L’existence d’un budget, c’est-à-dire d’un état prévisionnel
de recettes et de dépenses est déjà en soi contraignante. ESSONO OVONO (A.), L’autonomie
financière des Collectivités locales en Afrique noire francophone. Le cas du Cameroun, de la
Côte-d’Ivoire, du Gabon et du Sénégal, op. cit., p. 12.
429
GAUDEMET (P.M.) et MOLINIER (J.), Finances publiques, Paris, Montchrestien, 1996,
p.176.
430
Pour permettre la rémunération du plus humble des fonctionnaires ou pour assurer la
dotation des pouvoirs publics.
123
présente le même caractère de nécessité. Cette égalité et cette nécessité des
dépenses conduisent également à aborder l’acte budgétaire par leur prévision et
leur autorisation, sans se soucier des recettes que l’Etat établira ensuite à sa
guise pour faire face à la masse des dépenses. Il n’en est pas de même pour les
Collectivités territoriales. Bien que celles-ci soient des Collectivités de droit
public, dotées de prérogatives et de pouvoirs d’autorité, elles ne jouissent pas
plus que les simples particuliers d’une faculté de dépense illimitée. La gestion
de leurs finances est dominée par deux règles capitales qui donnent à leurs
budgets des caractères tout différents de ceux que présente le budget de l’Etat ;
la règle de la hiérarchie des dépenses432, d’une part, et la règle de l’équilibre du
budget, d’autre part. Cette dernière règle ayant déjà fait l’objet d’analyse, la
suite de l’étude s’étendra beaucoup plus sur la première règle.
En effet, comme le souligne Michel BOTTIN, « la pratique budgétaire
est d’abord une auto- discipline que l’Etat finira par imposer aux pouvoirs
locaux. Là commence l’histoire de l’infériorité locale en matière budgétaire ; au
niveau de l’obligation toute naturelle pour nous, d’avoir un budget »433.

Paragraphe I : Les libertés mitigées des CTD en matière de


dépenses
Le régime juridique des dépenses locales présente un intérêt dans le
cadre du rétablissement de l’équilibre budgétaire. Il se traduit par la
catégorisation des dépenses. L’interprétation de la loi n° 2009/011 du 10 juillet

431
Pour les travaux les plus modestes d’entretien ou pour les travaux les plus importants de la
défense nationale, ou des programmes d’investissement.
432
Conseil de l’Europe, gestion financière des Collectivités locales ; le cas de la France, 1993,
p. 28.
433
BOTTIN (M.), « L’autorisation budgétaire », in Histoire du droit des finances publiques,
vol. III, Les grands thèmes des finances locales, sous la direction de H. Isaia et J. Spinder,
Paris, Economica, 1988, p. 98.

124
2009 laisse entrevoir l’étendue diversifiée des CTD en matière de dépenses.
Une liberté variante en fonction des catégories de dépenses.

A)- Les dépenses facultatives et les dépenses obligatoires

Les libertés diffèrent suivant qu’il s’agisse des dépenses facultatives ou


des dépenses obligatoires.

1- Les dépenses facultatives : Expression d’une marge de


libertés plus grande
Sur le plan juridique, la catégorie des dépenses facultatives a un contenu
qu’il est impossible de définir434, elles sont souvent qualifiées de disparates435.
Elles sont celles réalisées dans le silence de la loi436. Elle traduit la souveraineté
de la dépense égale autonomie du pouvoir de décider de la dépense et la
plénitude du pouvoir de dépenser437.
Rentrent dans cette catégorie celles qui ne sont ni interdites ni
obligatoires, c’est le sens de la loi de 2009438. En effet, pour ISALA Henri les
dépenses facultatives ne peuvent se comprendre qu’au regard d’autres
catégories de dépenses439. Il est donc impossible d’établir une liste exhaustive
de ces dépenses, cette impossibilité est la conséquence de la liberté dont
jouissent les Collectivités pour décider de telles dépenses440. C’est l’expression
manifeste de la liberté des CTD en matière de dépenses.

434
Ibid.
435
Ibid.
436
ISALA (H.) et SINDLER (J.), l’histoire du droit des finances publiques, vol. III, Université
de Nice, centre de finances publiques, 1988, p. 492.
437
MARTINEZ (J.C.), L’ambiguïté de l’autonomie financière…, op. cit., p. 40.
438
Art. 29, Loi n° 2009/11 du 10 juillet, op. cit.
439
ISALA (H.) et SINDLER (J.), l’histoire du droit des finances publiques, op. cit., p. 493.
440
Conseil de l’Europe, gestion financière des Collectivités locales … op.cit., p. 29.
125
Toutefois la condition de la légalité d’une telle dépense est qu’elle
correspond en réalité à un intérêt public local. La loi de 2009 énonce en
substance que les dépenses locales doivent obéir aux dispositions du code des
marchés publics441. Le même texte de loi restreint l’autorité du chef de
l’exécutif, ce dernier ne peut contraindre le receveur de la Collectivité
territoriale à viser ou à payer des dépenses en violation des prescriptions
prévues par la loi442. La Chambre des comptes dans une décision du 14 juillet
2012 a engagé les responsabilités personnelles et pécuniaires du comptable
pour avoir attribué des avantages indus aux responsables de la commune au
motif d’un défaut de bases légales443. Aucune dépense soit-t-elle facultative ne
doit être faite en dehors du budget, et ne peut donc être effectuée après que le
budget a été voté sur la base de la petite liberté de dépenses dont disposent les
Collectivités.

De manière générale les CTD devraient maîtriser leurs ressources tant


en quantité qu’en qualité pour davantage étendre leur marge de manœuvre en
matière de dépenses facultatives car elles peuvent être momentanément
suspendues lorsque les moyens financiers de la Collectivité territoriale s'avèrent
insuffisants444.

Si la liberté des Collectivités est plus grande dans cette catégorie, il n’en
est pas de même pour les autres catégories de dépenses.

441
L’art. 66, Loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009, op. cit.
442
Ibid., Art. 71.
443
Arrêt Biwong Bulu.
444
Art. 29, Loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009, op. cit.
126
2- Les dépenses obligatoires, un moyen d’obtention de
l’équilibre du budget local

L’article 27 de la loi de 2009 précise que ne sont obligatoires pour les


Collectivités territoriales que les dépenses nécessaires au fonctionnement
optimal de la Collectivité et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément
décidé.

Faut-il considérer que toutes les dépenses qualifiées d’obligatoires par la


loi doivent être nécessairement inscrites au budget ? La loi de 2009 s’autorise à
constater qu’une dépense est obligatoire pour une Collectivité territoriale, l’Etat
se doit donc de mettre en demeure la Collectivité territoriale d’inscrire celle-ci à
son budget445 ; sont obligatoires, les dépenses, les traitements et salaires ; les
indemnités et autres avantages prévus par les textes en vigueur ; les cotisations
sociales ; les impôts et taxes à reverser ; les charges incompressibles liées au
fonctionnement des services ; les dettes exigibles ; les contributions aux
organismes d'appui aux Collectivités territoriales prévues par la réglementation
; les dépenses résultant de l'exécution des décisions de justice passées en force
de chose jugée, les contributions aux regroupements ou associations dont la
Collectivité territoriale est membre ; les dépenses nécessaires à la réalisation
des programmes d'investissement et des projets adoptés par l'organe délibérant ;
les dépenses relatives aux fonds de contrepartie ; les dépenses de transfert. La
dotation générale de fonctionnement allouée aux communes d’arrondissement
est obligatoire pour la communauté urbaine446.

445
Ibid., Art. 27.
446
Ibid., Art. 28.
127
En France, de manière tout aussi pragmatique, dès lors qu’une dépense
est obligatoire en vertu d’une disposition légale447 mais qu’il existe une
contestation sérieuse sur son principe et sur son montant, la CRC peut
parfaitement constater son caractère obligatoire448. La Cour administrative
d’appel de Nancy est venue illustrer ce principe de fort belle manière. Dans un
arrêt du 1er juin 2006449elle est venue rappeler que, même un acte notarié ne
pouvait contraindre une Collectivité à exécuter une dépense qu’elle contestait
sérieusement. La législation camerounaise est muette sur cette question. Les
faits de l’espèce étaient extrêmement clairs450. Elle énonce : « Qu’il s’ensuit
que la seule circonstance qu’une dépense soit due aux termes d’un acte notarié
ne saurait la faire regarder comme obligatoire au sens des dispositions L 1612-
15 du CGCT si celle-ci fait l’objet d’une contestation sérieuse.» Ainsi, et de
manière constante, il est jugé que la contestation sérieuse peut s’opposer au
caractère obligatoire de la dépense. Et, dans la présente espèce, la Cour
administrative d’appel de Nancy vient caractériser le caractère sérieux de la
contestation en estimant que l’écart entre d’une part le prix fixé par l’acte de

447
Les dépenses nécessaires à l’acquittement des dettes exigible et celles désignées
expressément par la loi relèvent d’un régime juridique sévère, avec inscription d’office avec
mise en demeure de la chambre régionale des comptes et mandatement d’office par le Préfet.
PICARD (J.F.), Finances locales, litec, 2009, p. 164.
448
Conseil d'Etat du 7.01.2001 Syndicat Intercommunal du Val de Sambre, requête n° 229042.
449
N° 04NC00652.
450
Une Collectivité avait passé un acte pour l’acquisition de diverses parcelles de terrain
appartenant à des propriétaires particuliers dont la vente avait été conclue par acte authentique
en date du 8 mars 2001. La nouvelle municipalité a refusé d’ordonnancer la dépense
correspondante. Les particuliers ayant procédé à la vente de leurs terrains ont sollicité monsieur
le Préfet pour que la dépense soit mandatée d’office. Le Préfet a mis en demeure la Commune
de régler la somme litigieuse. La commune par une délibération du 28 février 2002 a supprimé
les crédits susceptibles de permettre le règlement de cette dépense. Un contentieux a été élevé
en annulation de cette délibération, rejeté par le Tribunal Administratif puis par la Cour. Dès
lors, les vendeurs malheureux ont saisi la CRC d’une demande tendant à reconnaître le
caractère obligatoire de la dépense. La CRC a refusé de reconnaître ce caractère obligatoire et,
de manière encore plus précise, a déclaré non obligatoire la dépense en cause. Le Tribunal
administratif a confirmé cet avis de même que la Cour administrative d’appel dans des
considérants qui sont particulièrement clairs.
128
vente et d’autre part l’estimation faite par le service des Domaines permettait
par ce seul constat de dire sérieuse la contestation portée.

Ainsi, l’acte notarié et les mentions ont été combattus par les
appréciations pragmatiques portées sur ce dossier. L’on ne peut s’empêcher de
faire un lien entre cet arrêt et celui qui a été très récemment rendu par le
Conseil d'Etat en matière de vente des parcelles dépendantes du Domaine privé
par la commune. Dans une décision451 du 25 novembre 2009, Commune de
Mer, le Conseil d'Etat a rappelé que seule la démonstration d’un intérêt
communal ou propre à la Collectivité venderesse permet de vendre à un prix
sensiblement inférieur à l’évaluation du service des Domaines. Ainsi, dans
l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy452 du 1er juin 2006 relatif
au caractère obligatoire d’une dépense, l’on peut faire un lien avec les
modalités plus générales de gestion de leur domaine public par les Collectivités
et de gestion des deniers publics par les Collectivités. Le juge des comptes
camerounais s’est plutôt prononcé sur les cas des dépenses effectuées sans que
cela ne soit prévu dans le budget, en sanctionnant de ce fait l’action de
l’ordonnateur et du comptable453.

Pour une partie de la doctrine, l’inscription des dépenses obligatoires


peut réduire et, dans certains cas, supprimer le pouvoir budgétaire de la
Collectivité454. Les dépenses obligatoires apparaissent comme « la contrainte
est très lourde » pour reprendre Jean Claude MARTINEZ455.

451
décision n°310208 du 25 novembre 2009.
452
Arrêt n° 04NC00652 du 1er juin 2006 relatif au caractère obligatoire d’une dépense
453
Ch.C/CS, arrêt n° 72/D du 14 juin 2012, Comptes de la commune rurale de BIWONG
BULU, exercice 2007.
454
V. GORSONI, Les dépenses obligatoires, in Histoire du droit des finances publiques, vol II,
Economica, 1988, PHILIP (L.), « Les garanties constitutionnelles du pouvoir financier local »,
RFDA, mai-juin 1992, p. 460.
455
MARTINEZ (J.C.), Droit budgétaire, litec 1999,p. 43.
129
L’obligation d’assurer ses dépenses obligatoires soit en recouvrant à des
affectations de recettes, qui sont en principe inconnues dans le budget de l’Etat,
soit plus efficacement, en empêchant les administrations locales à se soustraire
à ces dépenses obligatoires grâce au régime de l’inscription d’office ou
impératives456 : si ces dépenses n’étaient pas prévues et autorisées par le budget
local, elles y seraient inscrites par l’autorité chargée en vertu de la tutelle
administrative de régler ce budget.

Précédemment présentée, comme un équilibre comptable, elle entraîne,


à l’égard des dépenses locales, trois conséquences importantes.

Le montant des dépenses étant déterminé par le montant des recettes, il


faut nécessairement fixer les recettes avant les dépenses : cette particularité des
budgets locaux a déjà été signalée.

Pour assurer un équilibre réel et permanent, cet équilibre doit être


réalisé dans le cadre annuel de l’exercice budgétaire, compte tenu des résultats
de l’exercice précédent. Il en résulte que le budget de ces Collectivités ne peut
pas être établi, avant l’ouverture de l’exercice, par un acte unique et définitif,
indépendant des budgets qui le précèdent et qui le suivent, ce qui est le cas du
budget de l’Etat : le budget établi dans ces conditions n’est qu’un budget
primitif, qui doit être suivi, lorsque les comptes de l’exercice précédent seront
arrêtés, c’est-à-dire en cours d’exercice, par un budget supplémentaire ou
additionnel : celui-ci reprend les soldes que font apparaître ces comptes et il
réalise ainsi l’équilibre exact du budget, soit en utilisant l’excédent des recettes,
soit en assurant le règlement du déficit. C’est d’ailleurs le régime normal des
gestions privées.

456
Art. 27, Loi n° 2009/11 du 10 juillet 2009 op. cit.
130
Cet équilibre exige enfin une concordance des recettes et des dépenses
non seulement dans leur volume total, mais aussi par nature ou par catégories :
c’est ce qui est assuré par la distinction dans le budget des sections ordinaires et
extraordinaires qui doivent chacune s’équilibrer. Ces deux sections
correspondent d’une part aux recettes et dépenses à caractère permanent,
d’autre part aux recettes et dépenses « qui par leur nature ne paraissent pas
susceptibles de se reproduire tous les ans »457. Il en résulte que la nature
ordinaire ou extraordinaire d’une dépense peut varier d’une commune à
l’autre : les crédits de grosses réparations pour bâtiments communaux ou pour
réfection des chaussées sont des dépenses ordinaires pour les grandes
communes, qui ont à faire face à ces travaux d’une façon permanente, mais ce
sont des dépenses extraordinaires pour une petite commune. Une troisième
catégorie de dépense reste à analyser.
Cependant, le volume trop important des dépenses obligatoires vide
l’autonomie financière matérielle de toute substance. Comme l’écrit Loïc
PHILIP, « l’autonomie budgétaire suppose que les dépenses obligatoires
auxquelles les Collectivités territoriales sont contraintes ne soient pas
excessives »458.

En France, si le Conseil constitutionnel admet que l’Etat puisse définir


des catégories de dépenses revêtant pour une Collectivité territoriale un
caractère obligatoire, c’est à la triple condition qu’elles soient définies avec
précision quant à leur objet et leur portée, qu’elles ne méconnaissent pas la
compétence propre des Collectivités territoriales et n’entravent pas leur libre
administration459.

457
BOUSSAT (F.), Guide pratique de gestion des EPLE, t. I, ESF, 2001, p. 135.
458
PHILIP (L.), « L’autonomie financière des Collectivités territoriales », Cahiers du Conseil
constitutionnel, n°12, http://www.Conseil-constitutionnel.fr. 45 Voir décision n° 90-274 DC, du
29 mai 1990, Recueil de jurisprudence constitutionnelle I, p. 403.
459
MARTINEZ (J.C.), L’ambiguïté de l’autonomie financière…, op. cit.,p. 45.
131
Un autre argument avancé par jean Claude MARTINEZ pourrait
prendre le contre-pied de la position de la majorité de la doctrine. « En réalité,
le pouvoir de décision budgétaire peut être contraint, quand des dépenses sont
obligatoires ». Aussi, si le pouvoir de dépenser des Etats peut être lui-même
contraint puisque dans certains cas aux Etats-Unis460 par exemple avec le
congressional budget and impoundment control act du 12 juillet 1974 il
n’aurait pas la possibilité de dépenser, pour les mêmes Collectivités territoriales
des dépenses obligatoires peuvent exister, avec l’obligation d’office de ces
dépenses au budget de la Collectivité qui ne les auraient pas programmées.

B)- Les dépenses interdites jouant de façon contradictoire à la


construction d’une autonomie financière des CTD
La question des interdits reste délicate quand il s’agit de l’associer à une
entité autonome et libre, c’est-à-dire qui concède aux Collectivités locales la
spécificité d’entités infra-étatiques dotées de la personnalité morale et de
l’autonomie financière.

1- Un élément antinomique à la liberté de dépense


Le mouvement de décentralisation amorcé par la loi du 2 mars 1992 et
poursuivi par la suite, est venu conférer aux Collectivités locales des
attributions élargies. Ces transferts de compétences sont officiellement
accompagnés de transferts de ressources461 afin que les Collectivités locales
puissent disposer de moyens suffisants pour assurer leurs responsabilités. Ces
nouvelles orientations donnent la liberté aux Collectivités locales. Il y a
théoriquement alors, contradiction avec la notion même de l’interdiction et de
l’interdit. Une Collectivité locale ne pourrait idéalement se voir interdire une

460
Ibid., p. 41.
461
Art. 55 (2) de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
132
action ou une compétence. En effet, le sens général accordé au terme de
l’interdit suggère un impératif qui prohibe certains actes, faits ou activités.
D’origine législative, réglementaire ou judiciaire, cette mesure priverait les
Collectivités de leur faculté d’exercer certains droits, certaines activités ou
certaines fonctions. Il serait contraire à la libre administration des Collectivités
locales, s’il n’y a pas en principe de plafonnement de la dépense locale, les
Collectivités territoriales sont tenues de ne pouvoir inscrire en dépense que des
montants qu’elles sont susceptibles de budgétiser en ressources462. Or, la liberté
est loin d’être totale pour ces dernières, les impôts locaux ne représentent
qu’une partie des recettes budgétaires locales, la part des dotations et des autres
transferts étatiques étant en effet considérables.

La loi prohibe enfin certaines dépenses correspondant à des activités


qui sont expressément interdites par les Collectivités : les prêts consentis par
une Collectivité territoriale à une personne privée ; les subventions aux
associations non déclarées et autres structures non agréées ; les subventions aux
associations et aux congrégations religieuses ; les subventions aux partis
politiques463.

Si le législateur et les élus locaux se sont surtout focalisés ces dernières


années sur l’autonomie financière et fiscale des Collectivités locales liées aux
transferts de compétences étatiques, le pouvoir dépensier des Collectivités
locales a la même étendue et connaît les mêmes limites que la compétence de
ces dernières.

L’interdiction de dépenser s’applique au domaine concerné dès lors


qu’une compétence est prohibée par la loi464. Ces limites fixées par le

462
Principe de l’équilibre budgétaire.
463
Art. 30, loi n°2009/011 op. cit.
464
BOUDET (J.-F.), « Les dépenses interdites », R.I.inter., p. 172.
133
législateur ne portent pas véritablement atteinte à la libre administration des
Collectivités locales au sens d’une capacité juridique d’action en matière de
dépenses : la Collectivité locale doit en effet avoir des « attributions
effectives »465. Le thème de l’interdit reste alors limité à ce cadre, au risque de
discuter d’une organisation de l’Etat incompatible avec la tradition
centralisatrice du Cameroun. C’est dès lors formuler une défense pour
emprunter les termes de Jean François BOUDET466. C’est également
comprendre l’effet de l’Etat unitaire sur le comportement dépensier en lui-
même des Collectivités locales467.

2- Les dépenses interdites aux Collectivités locales : une


expression de la défense du modèle unitaire de l’Etat

La composante juridique de la dépense locale distingue


traditionnellement les dépenses obligatoires des dépenses facultatives. Pourtant
cette typologie reste insuffisante, dès lors qu’il n’y a pas de liste officielle,
même indicative de dépenses interdites. Autant les dépenses obligatoires des
Collectivités locales sont strictement définies, autant les dépenses interdites et
conditionnelles restent discutées.

Il appartient en effet au législateur de déterminer quelles dépenses sont


obligatoires pour les Collectivités locales et la création de dépenses obligatoires
ne doit toutefois pas porter atteinte à l’autonomie financière des Collectivités
territoriales et au principe de libre disposition de leurs ressources. L’existence
de telles dépenses obligatoires a pour conséquence juridique la mise en place
d’un contrôle administratif et juridictionnel classique468 et d’un contrôle

465
Ibid.
466
Ibid, p. 173.
467
Ibid.
468
le contrôle de légalité.
134
particulier469 qui voit l’intervention du Préfet en liaison avec la Chambre des
comptes470.
Cette référence dans le discours juridique fait écran et a pour effet de
masquer cette réalité à la connaissance de tous qu’est la confusion sémantique
et savamment entretenue entre décentralisation et déconcentration dans la
même institution. Le domaine de l’interventionnisme public n’est certainement
pas exempt de ce désordre. En réalité, déclare Jean François BOUDET, cette
délimitation des dépenses interdites des Collectivités locales relève d’une
construction progressive du droit de ces entités allant bien au-delà de toute
politique affichée de décentralisation et/ou de déconcentration471. Cette logique
paraît difficile à équilibrer en matière financière et les paramètres – pour ne pas
dire les paradigmes – politiques (locaux et nationaux) et la conjoncture
économique et financière sont des éléments indispensables à la compréhension
du présent sujet. Il appartient même parfois au législateur et souvent au juge
d’établir une frontière sur ce qui est légalement envisageable de ce qui ne
l’est pas : les dépenses des Collectivités locales sont interdites lorsqu’elles sont
expressément prohibées par la loi ou lorsqu’elles ne correspondent pas à un
intérêt public relevant de cette Collectivité472. Le principe pourrait paraître
suffisant si son application restait simple. Il en est différemment et les dépenses
interdites des Collectivités locales ne peuvent se justifier qu’en considérant la

469
le contrôle budgétaire.
470
La classification des dépenses interdites est imprécise. Ainsi, si l’article 2 de la loi du
9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat énonce la non-reconnaissance
des cultes et l’abstention financière des pouvoirs publics à l’égard des cultes, cette interdiction
ne concerne ni le financement des travaux des églises faisant partie du domaine communal, ni
la faculté de participer aux dépenses d’entretien et de réparation des édifices du culte construits
après l’entrée en vigueur de la loi de séparation et dont les communes ne sont pas propriétaires.
De même, l’interdiction n’empêche pas non plus de commémorer le souvenir d’un
ecclésiastique qui est également une personnalité locale Cette thématique liée aux droits
fondamentaux et aux libertés publiques reste d’une actualité brûlante et une réforme législative
du financement culturel a d’ailleurs été annoncée par le gouvernement.
471
BOUDET (J.F.), « Les dépenses … », op.cit., p. 175.
472
Ibid.
135
tradition juridique de centralisation camerounaise et française et le contexte
politique et financier des Collectivités locales. En effet, l’Etat unitaire
décentralisé impose une seule organisation territoriale de la souveraineté. Cela
signifie que les Collectivités locales n’existent que par l’Etat et qu’elles
n’apparaissent pas dans l’ordre politique.

Le Conseil constitutionnel français a ainsi rappelé dès 1982 que la libre


administration des Collectivités locales ne peut ni restreindre, ni priver d’effet
(même temporairement) les prérogatives de l’Etat473. Cette limite découle de
l’indivisibilité de la République474. Dans son rapport sur la future loi du 5 avril
1884, le député de Marcere explique bien cet état d’esprit qui gravite autour des
Collectivités locales : « la commune est une personne morale d’une nature
particulière. Ses biens sont grevés d’une substitution perpétuelle et elle est
réputée mineure. Ce n’est donc pas par l’effet de la tyrannie de l’Etat que, au
point de vue de la disposition de son patrimoine, elle est soumise à certaines
règles. C’est en raison de sa nature même qu’on a dû lui enlever une part de
sa puissance, dans l’intérêt des générations futures »475. Cette position
politique de la fin du XIXe siècle en France n’a pas été modifiée par les
réformes dites de « décentralisation » au Cameroun. Le débat est resté
sagement encadré dans une lecture jacobine de la décentralisation.

Paragraphe II : L’engagement des dépenses locales par


l’ordonnateur local

L’engagement des dépenses qui tient du procédé et de la procédure


prévue dans le cadre de la loi portant régime financier des CTD reste
problématique, étant donné que le droit budgétaire local repose principalement

473
Décision du Conseil constitutionnel français n° 137 DC du 25 Février, 1982.
474
Art. 1er, de la loi Constitutionnelle du 18 janvier 1996.
475
BOUDET (J.F.), « Les dépenses … », op.cit., p. 176.
136
sur le principe de l’affectation des ressources aux dépenses. Toutefois il faudra
dans le cadre de cette analyse ressortir les limites prévues par le législateur
camerounais pour que celui-ci ne puisse entraver l’autonomie financière des
Collectivités territoriales décentralisées. La dépense locale se réalise en deux
phases, l’une relevant de l’ordonnateur qui a le pouvoir de la prescrire, l’autre
faisant intervenir le comptable habilité à payer la dépense. L’article 171 de la
loi organique relative à la décentralisation au Gabon, par exemple, est très
explicite à ce sujet puisqu’il dispose que « le budget d’une Collectivité locale
est exécuté en recettes et en dépenses par le Maire ou le président du
Conseil en leurs qualités d’ordonnateur et par le receveur de la Collectivité
en sa qualité de comptable principal ». L’article 244 du code des
Collectivités locales au Sénégal l’est beaucoup moins puisqu’il énonce
seulement que « le budget est présenté dans les conditions qui sont
déterminées par les décrets relatifs à la comptabilité publique ». C’est aussi
le cas du principe de l’unité de trésorerie que l’on retrouve dans les quatre Etats
et qui oblige les Collectivités locales à déposer tous leurs fonds disponibles au
Trésor public.

A)- Les procédés


La garantie de l’autonomie financière concerne à la fois son contenu et
son étendue. En effet, si la libre administration constitue un principe garant de
l’autonomie financière, celle-ci se traduit par le libre choix des moyens de mise
en œuvre et leur libre utilisation des ressources en particulier. Sur le premier
point il faut souligner que toute « Liberté », pour être effective, nécessite que
ceux à qui elle est reconnue, puissent pour l'exercer, choisir librement les
moyens de la mettre en œuvre et les utiliser tout aussi librement. A défaut, la
reconnaissance de la liberté n'est qu'une déclaration de principe, vide de
conséquences juridiques c'est-à-dire de droits pour son bénéficiaire. C’est ici
l’intérêt de l’analyse de la gestion des ressources financières.
137
1- La procédure d’engagement des dépenses, initiative de
l’ordonnateur local
L’intervention de l’ordonnateur local en matière d’engagement des
dépenses pourrait suivre la procédure ordinaire ou la procédure simplifiée dans
le respect de l’ordre public476.

Relativement à la procédure ordinaire, les ordonnateurs sont tenus de


prescrire l'exécution du budget et de rendre compte de l'exécution des
programmes et projets. Ils engagent et liquident à ce titre les dépenses477.
Cependant l'ordonnateur du budget d'une Collectivité territoriale ne peut
exécuter une dépense qu'après s'être assuré qu’elle correspond à l'imputation
budgétaire correcte ; que son montant entre dans la limite des crédits votés ;
qu’elle peut être couverte par les fonds disponibles ; que les pièces justificatives
sont complètes ; le service ou la fourniture a été fait(e) ; les formalités requises
par les lois et règlements en vigueur ont été préalablement respectées478.

La procédure d'exécution des dépenses comprend deux (02) phases :

 La phase administrative qui relève de l'ordonnateur comporte


l'engagement479, la liquidation et l'ordonnancement ;

 La phase comptable qui relève du comptable de la Collectivité


territoriale est le paiement de la dépense480.

L’ordonnateur peut, par délibération approuvée par l'autorité de tutelle


compétente, créer une caisse d'avance pour le paiement des dépenses courantes
de fonctionnement. La délibération portant création de la caisse d'avance fixe le

476
Art. 9, Loi de 2009 portant régime financier des Collectivités territoriales décentralisées.
477
Ibid., Art. 90(2).
478
Ibid., Art. 64.
479
V. le Décret n° 2013/160 du 15 mai 2013 portant Règlement Général de la Comptabilité
Publique.
480
Art. 65, Loi n° 2009/11 du 10 juillet 2009 op. cit.
138
plafond de l'encaisse en fonction du niveau de ressources financières et de la
nature des dépenses à régler 481. Dans ce cas un arrêté du Ministre des finances
fixe les modalités d'ouverture et de gestion des caisses d'avances toutefois, le
régisseur d'avance est désigné par l'ordonnateur et le comptable de la
Collectivité territoriale contrôle la régularité de la dépense. Il ne peut en aucun
cas en juger de l'opportunité482. Le règlement des dépenses locales se fait par
bon de caisse, virement, par chèque ou par opération d'ordre483.

Le chef de l'exécutif ne peut contraindre le receveur de la Collectivité


territoriale à viser ou à payer des dépenses en violation des prescriptions
prévues par la loi. Toute contestation y relative est préalablement soumise à
l'autorité de tutelle compétente. Il est donc arbitre entre l’ordonnateur et le
receveur municipal. Les opérations d'engagement sur le budget de la
Collectivité territoriale au titre de l'année budgétaire sont arrêtées au 30
novembre. Les opérations d'ordonnancement au titre d'une année budgétaire
sont arrêtées au 31 décembre484.

Les crédits de fonctionnement non engagés en fin d'exercice sont


réputés annulés. Quant aux crédits d'investissement, ils sont reportés au budget
suivant. Les dépenses liquidées non ordonnancées en fin d'exercice sont
transmises par l'ordonnateur au comptable pour prise en charge485.

Les crédits de paiement ouverts sur un programme disponibles à la fin


de l'année sont reportés sur le même programme ou à défaut sur un programme
poursuivant les mêmes objectifs. Le montant des crédits ainsi reportés s'inscrit
dans le cadre d'une provision constituée à cet effet dans le budget.

481
Ibid., Art. 67.
482
Ibid., Art. 69.
483
Ibid., Art. 70.
484
Ibid., Art. 71.
485
Ibid., Art. 72.
139
Certaines dépenses peuvent, à titre exceptionnel, être engagées suivant
une procédure simplifiée, notamment par décision de l'ordonnateur. Il en est
ainsi des dépenses qui n'obéissent ni au régime de la caisse d'avance ni à la
procédure ordinaire d'engagement des dépenses486.

L'autonomie ne signifie pas autogestion absolue des Collectivités


territoriales vis-à-vis de l'Etat. Ces dernières inscrivent leur action dans le cadre
d'un ensemble de règles de droit diffusées par le caractère unitaire de l'Etat, et à
partir desquelles se dégagent les principes généraux du droit des Collectivités
territoriales.

L’ordre public est une expression bien connue et utilisée de toutes les
branches du droit. Mais les juristes s’accordent à reconnaître qu'il s'agit d'une
notion insaisissable, à contenu variable et circonstanciel487. La conclusion que
livre Etienne PICARD à propos de l’ordre public est assez révélatrice de
l'exploitation qui peut être faite de cette notion lorsqu'il s’agit de limiter
l'exercice d'une liberté. Selon lui, « l'ordre public ne peut s’épuiser dans une
définition ni même dans une détermination écrite : il est toujours suréminent,
car, dans sa fonction, il sert de sauvegarde à l’essentiel, que personne n'a
jamais pu définir essentiellement ni déterminer exhaustivement... »488.

L'ordre public apparaît ainsi comme une « notion valise »489, par
laquelle le pouvoir central s'appuie pour disposer d'une marge de manœuvre

486
Ibid., Art. 68.
487
Cette notion a été l'objet d'une réflexion lors d'un colloque organisé les jeudi 11 et vendredi
12 mai 2000 par le Centre de recherche sur les droits fondamentaux de l'Université de Caen.
Lire à ce sujet, REDOR (M.-J.) (dir.), L’ordre public : Ordre public ou ordres publics. Ordre
public et droits fondamentaux, op.cit.
488
PICARD (E.), « Introduction générale : la fonction de l'ordre public dans l'ordre juridique »,
op. cit., p. 61.
489
Ibid.
140
pour stopper toute action des Collectivités territoriales prises sur le fondement
de leur autonomie490.

La primauté de l'Etat sur les Collectivités territoriales décentralisées


peut être perçue sous l'angle des rapports d'un Etat, organe-créateur, avec ses
Collectivités territoriales, organes infra-étatiques.

L'exemple du Cameroun semble ici suffisamment illustratif d'un rappel


constant formulé dans l'ensemble des Etats unitaires d'inspiration française.
L'article 3 alinéa 2 de la LOD dispose que « les Collectivités territoriales
exercent leurs activités dans le respect de l'unité nationale, de l'intégrité du
territoire et de la primauté de l'Etat ». Si les articles 5 et 64 de la Loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996 du Cameroun avaient déjà posé les
fondements de l'unité nationale et de l'intégrité du territoire, en tant que
principes structurants de l'Etat unitaire décentralisé. En revanche, le principe de
la primauté de l'Etat sur les Collectivités territoriales491 apparaît pour la
première fois dans les dispositions générales de la LOD. A notre sens, ce
principe rappelle simplement le caractère suprême de l'ordre juridique de l'Etat
sur tout autre pouvoir normatif, et notamment local, à l'instar de la signification
que l'on accorde à cette expression dans les institutions de type fédérales ou
communautaires492.

Le raisonnement à contrario permet cependant de dire que la primauté


de l'Etat est un rappel nécessaire voire indispensable dans un contexte de
mutation institutionnelle, où l'autonomie locale constitutionnellement
proclamée ne saurait déboucher sur des ordres juridiques concurrents.

490
Ibid.
491
Art. 2 et ss. de la loi d’orientation de la décentralisation précitéé.
492
La philosophie qui sous-tend la primauté de l’Etat a pour effet de rappeler la prééminence de
l'ordre juridique de l’Etat fédéral ou de la communauté sur les divers ordres juridiques des Etats
fédérés ou Etats membres de la Communauté.
141
La LOD dispose que « les compétences transférées aux Collectivités
territoriales par l'Etat ne sont pas exclusives. Elles sont exercées de
manière concurrente par l'Etat et celles-ci, dans les conditions et modalités
prévues par la loi »493. Stricto sensu, cette disposition ne renvoie en aucun cas
à l’idée d'une concurrence « négative », mais plutôt « positive » dans l’exercice
des compétences transférées. Autrement dit, l'exercice de « manière
concurrente» des compétences transférées devrait instaurer une
complémentarité dans l'exécution de l'action publique plutôt qu'une rivalité
entre l'Etat et les Collectivités territoriales.

L’exercice concurrent prend tout son sens lorsque l’exercice des


compétences est partagé entre l’Etat et les Collectivités territoriales. Il signifie
alors qu’aucune compétence ne peut être exercée de manière exclusive par l'une
des parties. A l'évidence, ce principe n'est que la traduction juridique d'une
pratique qui fait généralement de l'Etat, l'assistant permanent des actions
locales494. Ainsi donc, on peut retenir que le principe de la concurrence est
dépourvu de tout sens dans l'hypothèse des compétences exclusives. En
revanche, sa mise en œuvre dans l'hypothèse des compétences partagées,
englobe « la complémentarité » et assimilée par la doctrine495 à la « subsidiarité
» de l'article 3B du Traité de Maastricht : « Dans les domaines qui ne relèvent
pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient [...] que si et dans
la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés que de
façon suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des
dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau

493
Art. 15 alinéa 2, Loi n° 2009/ 11 du 10 juillet 2009.
494
BOUVIER (M.), Les finances locales, op. cit., p. 27 et ss.
495
Lire en ce sens, les critiques formulées par BOURJOL (M), « Quel avenir pour la théologie
politique », in Nicole Lerousseau, la Décentralisation à la croisée des chemins, L'Harmattan,
2009, pp. 9-20, BARROCHE (J.), « La subsidiarité française existe-t-elle ? », projet de
communication au 7ème Congrès français de droit constitutionnel des 25, 26, 27 septembre
2008, pp. 1-19.
142
communautaire ». Toutefois, la concurrence peut être source d'abandon
manifeste de responsabilité496, de même qu'il pourrait constituer des doubles
emplois dans le cadre de la dépense publique nationale. Dans ce domaine
comme dans tout autre, la clarification exhaustive des niveaux de
responsabilités est une condition sine qua none de la réussite du processus de
décentralisation.

2- La gestion des comptes locaux par l’ordonnateur local


Les ordonnateurs sont tenus de rendre compte de l'exécution des
programmes et projets. Ils prescrivent l'exécution du budget497. A ce titre, ils
constatent les droits et liquident les recettes, engagent et liquident les
dépenses498. Ils sont astreints à la production d'un compte administratif
retraçant les actes de leur gestion et d'un rapport de performance sur les
programmes et projets499.

Le compte administratif est adopté par l'organe délibérant au plus tard le


31 mars de l'année suivant l'exercice budgétaire auquel il se rattache. Il est
approuvé au plus tard le 30 avril500. Le compte administratif et le budget ne
peuvent être votés au cours de la même session501. La forme du compte
administratif visé à l'alinéa (1) ci-dessus est déterminée par voie règlementaire.
L'organe délibérant ne peut modifier les chiffres du compte
administratif. En cas d'irrégularité de gestion constatée, le compte administratif
est rejeté. Un rapport circonstancié est adressé par le président de séance à
l'autorité de tutelle, pour saisine des services compétents de l'Etat dans un délai
de soixante-douze (72) heures.

496
Ibid.
497
Art. 90, Loi n° 2009/ 11 du 10 juillet 2009 op. cit.
498
Ibid.
499
Art. 91, Loi n° 2009/11 du 10 juillet 2009 op. cit.
500
Ibid., Art. 92(1).
501
Ibid., Art. 92(2).
143
Le compte administratif adopté par l'organe délibérant est accompagné
des pièces annexes suivantes : procès-verbal de séance, la délibération portant
vote du compte administratif, l'état des restes à recouvrer, l'état des restes à
payer ; l'état des dépenses engagées non liquidées ; le rapport d'exécution des
projets ; l'état du matériel et immeubles acquis au cours de l'exécution du
budget correspondant ; le compte de gestion patrimoniale de l'ordonnateur-
matière. Il est approuvé par l'autorité de tutelle compétente et déposé au siège
de la Collectivité territoriale. Tout habitant ou contribuable de la Collectivité
territoriale concernée peut à ses frais, demander communication ou obtenir
copie totale ou partielle du compte administratif et de ses pièces annexes. En
cas de silence dans un délai de dix (10) jours, tout requérant peut saisir
l'autorité de tutelle qui doit lui donner suite dans un délai de soixante-douze
(72) heures.

Les comptables des Collectivités territoriales sont des comptables


principaux, astreints à la reddition d'un compte de gestion502. Le compte de
gestion est soumis à l'organe délibérant en même temps que le compte
administratif. Les deux comptes doivent être concordants.

Le chef de l'exécutif est l'ordonnateur-matières de la Collectivité


territoriale. II désigne un comptable-matières parmi les agents publics ayant les
compétences requises. Le comptable-matières est responsable de la régularité
des écritures de prise en charge. II assure la garde et la conservation du
mobilier et du matériel de la Collectivité territoriale503.

B : L’ambiguïté du principe de la non affectation des


ressources

502
Art. 93 de la loi n°2009/011 op.cit.
503
Ibid., Art. 94.
144
Le principe de la non affectation des ressources qui trouve certes son
fondement dans la loi de 2009 portant régime financier des Collectivités
territoriales décentralisées, reste confronté à la situation d’ensemble des
finances locales qui consiste en l’affectation implicite des ressources avec les
mécanismes de virement de crédit ou de spécialité de crédits.

1- Le principe consacré de non affectation des ressources

La loi de 2009 précise que le montant intégral des recettes attendues et


des dépenses à effectuer doit être inscrit au budget. Cependant est proscrite
toute contraction entre les recettes et les dépenses. Aucune recette précise ne
peut être affectée à une dépense particulière504.

L’article 34 de la loi de 2009 est conforté par le principe de


l’universalité budgétaire, l’égalité des dépenses et l’unité des caisses. En effet,
la non affectation des recettes découle de la notion de dépenses publiques.
L’autorisation des dépenses publiques est une autorisation détaillée. Elle
s’exprime par la spécialisation des crédits. Les recettes locales sont perçues
globalement, elles ne restent pas identifié dès lors qu’elles ont été perçues, le
problème viendrait au niveau de l’organe de perception.

Noyées et confondues dans leur masse, on ignore leur emploi pour une
dépense déterminée. Elle a pour but de ne pas subordonner une dépense à la
réalisation d’une recette correspondante. Toute dépense publique locale doit
être réglée sur les recettes générales du budget afin de préserver le principe de
l’égalité des dépenses publiques. Le législateur camerounais tout en voulant
préserver l’égalité des dépenses publiques locales ; garanti également leurs
inégalités avec la distinction dépenses obligatoires et dépenses facultatives ou
interdites. Elle dénie le fait que toutes dépenses publiques se justifient et se

504
Ibid., Art. 34 al. 2,3.
145
définissent par sa nécessité. Cette règle consacrée par le législateur
camerounais connaît une pléthore de dérogation. Ce sont ces différents qui ont
fait dire à certains doctrinaires505 que le droit budgétaire repose sur une
affectation de ressources.

2- Mais un droit budgétaire local reposant sur une affectation


des ressources : les opérations de virements de crédits et la
spécialité des crédits

L’Article 37 loi de 2009506 émet une restriction pour des cas des
ressources affectées comme telle. Un crédit voté pour une dépense déterminée
et qui fait l'objet d'une imputation budgétaire précise, ne peut être utilisé que
pour les besoins correspondant à cette imputation. Par dérogation à son l'alinéa
(1) ci-dessus, les virements de crédits peuvent être opérés de chapitre à
chapitre, sur délibération de l'organe délibérant approuvée par l'autorité de
tutelle compétente. Les virements de crédits d'article à article et de paragraphe à
paragraphe sont opérés par décision du chef de l'exécutif. Les virements de
crédits de la section investissement à la section de fonctionnement sont
interdits. Au cours d'un même exercice, le montant cumulé des crédits ayant
fait l'objet de virements ne doit pas dépasser 5% des crédits votés. C’est le cas
des comptes de la Commune rurale de Biwongbulu507.

L’élaboration de l'information financière et comptable est le fruit de la


double action d'une part des responsables de la Collectivité (élus et
gestionnaires) et d'autre part du comptable de celle-ci (comptable du trésor

505
LANDE (E.), « Améliorer la gestion locale. L'impact de la LOLF sur le secteur local », t.
26, In: Annuaire des Collectivités locales, 2006, pp. 41-53.
506
Loi n° 2009/ 11 du 10 juillet 2009 op. cit.
507
Arrêt, comptes de la Commune rurale de Biwongbulu exercice 2007 du 14/ 06/12.
146
public). Par exemple, les comptes de tiers sont gérés par le comptable public
même si la gestion du besoin en fonds de roulement et de la trésorerie relève le
plus souvent d'une action conjointe508 (au moins pour les grandes Collectivités
locales).

508
LANDE (E.), « Améliorer la gestion locale …, op. cit.
147
CONCLUSION

En définitive les libertés budgétaires attribuées aux CTD sont


constituées des libertés en matière de préparation et du vote du budget local et
de la possibilité pour ces Collectivités de dépenser par le moyen du principe de
non affectation des ressources. Force est cependant de constater que ces
différentes libertés ne sont pas sans limitations qui le plus souvent amoindries
l’autonomie financière des CTD. Une reformation de certains textes serait
nécessaire en vue de tendre vers cette quête permanente qu’est l’autonomie
financière.

148
CHAPITRE II :
LA CONTRIBUTION DES CTD AU
CONTROLE DES ACTES FINANCIERS
LOCAUX

George ORSONI pense que « l’autonomie affirmée des personnes


publiques ne saurait empêcher l’Etat de se mêler étroitement de leur gestion. ...
le caractère de personne publique participative ne peut que très difficilement
s’opposer à la règle que la direction ou le contrôle soit la conséquence du
financement »509. C’est une approche pertinente. Loin de faire l’unanimité au
sein de la doctrine, elle regorge de quelques limites qui confortent la position
du législateur camerounais.

Dans le cadre de l’analyse de cette séquence de notre travail, il ne


s’agira pas d’identifier tous les types de contrôle mais d’extirper du contrôle en
général local les mécanismes garant de l’autonomie financière des Collectivités
territoriales. Il s’agit donc du contrôle interne et du contrôle de régularité, un
droit inhérent à l’Etat. Des contrôles spécifiques tels que le contrôle fiscal et le
contrôle des compensations financières ne seront cependant pas ignorés, ils
feront l’objet d’analyse sous d’autres parties510.

509
V. ORSONI (G.), les dépenses obligatoires, vol. II, in Histoire du droit des finances
publiques, Economica, 1988.
510
Partie II
149
Section I : Le contrôle interne et le contrôle administratif

Le contrôle interne est un dispositif dont le but est de maîtriser les


opérations de l’institution. Au niveau local il est effectué par les assemblées
locales, le contrôle réciproque ordonnateur - comptable et le contrôle
administratif.

Paragraphe I : Le contrôle par des assemblées délibérantes

Le contrôle exercé par les Conseils est un pouvoir fort511. Il se manifeste


à l'occasion de l'examen des comptes et du vote du budget.

A)- Le contrôle de l'exécutif par l'examen et le vote des comptes


Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que le Conseil municipal, organe
délibérant, est convoqué pour examen et adoption du compte administratif et
des comptes de gestion à lui soumis par le magistrat municipal, organe exécutif
de la Commune et gestionnaire des deniers de celle-ci. C’est une prescription
de 1a loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009512, elle présente l’avantage d’éviter les
hémorragies financières513 au niveau local.

1- L’examen des comptes


Le Conseil est chargé d’examiner dans sa commission des finances, le
compte administratif et les comptes annexes qui l'accompagnent. Il ne s'agit
nullement d'une simple formalité. C’est un travail de vérification de l'effectivité

511
KAGA LELE (J.), La complexité de la gestion des CTD : le cas de Bafoussam, Yaoundé-
Cameroun, éd. 2010, p.194.
512
Art. 94., Loi n° 2009/011, op.cit.
513
V. ONDOA (M.), La protection des dépenses d’indemnisation en Droit Administratif
camerounais, thèse 3éme cycle, Université de Yaoundé, 1998, 542 p.

150
des recettes et de la régularité des dépenses, de la conformité des opérations de
recettes et des dépenses par rapport à ses autorisations, c'est-à-dire au budget514.
L'examen suppose une vérification des pièces des recettes et des
dépenses, un contrôle de l'effectivité des réalisations faites et qui figurent dans
les dépenses tant de fonctionnement que d'investissement de la Commune,
conformément au budget voté par le Conseil municipal ou régional.

Les Conseillers ont le droit de vérifier que la construction d'un tel


ouvrage avait été prévue dans le budget de l'exercice, de s'assurer que la
procédure de passation de marché a été respectée515, de s'assurer que la dépense
inscrite au compte administratif et dans le compte de gestion du Receveur
municipal a une contrepartie dans l'enrichissement du patrimoine de la
Commune.

L’organe délibérant a aussi un devoir de dénonciation pour ce qui est


des dépenses fictives, traduisant des détournements. A cet effet, il peut saisir
l'autorité de tutelle ou tout autre service compétent des faits répréhensibles
constatés516.

Par ailleurs, est obligatoirement joints au compte administratif soumis à


l'examen du Conseil municipal, les documents dressés par les services de la
Commune. Il s’agit d’un compte de gestion arrêté en quantité et en valeur, une
balance générale des comptes, des ordres d'entrées et de sorties, confectionnés
par le comptable matières517. Le compte de gestion du receveur municipal qui
doit être en concordance parfaite avec le compte administratif du Maire est
examiné et voté dans le même temps par le Conseil municipal. La concordance
est obtenue sur les différents chapitres des recettes et des dépenses, sur les

514
Correspondance budget primitif, les autorisations spéciales et les comptes hors budget.
515
Ibid., Art. 104.
516
Ibid., Art. 105 (2).
517
Art. 79 du décret 77/91 du 25 mars précité.
151
restes à recouvrer et les restes à payer et sur le solde qui se traduit, soit par un
excédent des recettes sur les dépenses, soit par un équilibre parfait entre
recettes et dépenses.

Le procès-verbal des recollements des archives est préalablement dressé


par le Maire en présence de ses adjoints518.

Aussi le Conseil municipal peut demander en son temps qu'il soit joint
au projet du budget communal soumis à son examen, des pièces justificatives
des dépenses. Un rapprochement peut être fait afin de vérifier la concordance
entre le budget voté et le compte administratif soumis à son approbation519.

L’examen des comptes est également l’occasion d’évaluer l’exécution


des plans de campagne pour les communes qui en font. En effet le budget est
une prévision des recettes qui doivent permettre la réalisation d'investissements
en faveur de l’amélioration du bien-être des populations520.

Ce programme minimum doit chaque année être répertorié dans un


document appelé plan de campagne et qui fait l'objet d'une délibération du
Conseil municipal. Le Maire a ainsi l'obligation de l'exécuter et d'en rendre
compte au Conseil.

Cependant le Conseil municipal ne peut modifier les chiffres du compte


administratif. Deux raisons pourraient justifier cette limitation. C'est d'une part
pour laisser à l'exécutif la pleine et entière responsabilité de la gestion de ses
compétences et des conséquences qui en découleraient. D’autre part le Conseil
ne saurait se substituer à l’exécutif communal en le confectionnant pour ensuite

518
Ibid., Art. 38.
519
Notamment les dépassements inacceptables de crédits, les virements. cf. du 05 Décembre
1974 sur le contrôle des ordonnateurs et gestionnaires des crédits publics, ainsi que l'article 58
du décret 77/91 du 25 Mars 1977 relatif à la tutelle sur les Communes.
520
KAGA LELE (J.), la complexité de la gestion des CTD …op.cit., p. 195.
152
approuver le compte administratif, il y aurait confusion de rôle entre le
délibérant et l'exécutif, le Conseil municipal serait alors partie et juge.

L'examen du compte administratif est le moment pour l'organe


délibérant de faire un rapprochement entre son autorisation des recettes et des
dépenses, et l'exécution effective. Le législateur accorde une importance au rôle
et à l'indépendance du Conseil municipal dans la procédure de contrôle, en effet
le Maire ne peut présider les séances où le compte administratif est débattu521.
Il peut assister aux débats pour répondre aux questions des Conseillers,
apporter des éclaircissements, mais il se retire au moment du vote.

Le Conseil municipal a un pouvoir plus étendu relativement à la


responsabilité de l’ordonnateur local. C’est le sens de la pensée de LEKENE
DONGFACK qui, parlant de l'ordonnateur écrit : la responsabilité de
l'ordonnateur peut être engagée devant le Conseil Municipal qui désapprouve
alors sa gestion en refusant de cautionner le compte administratif522. Et il
précise en parlant du contrôle de la gestion du Maire par le Conseil municipal à
la fin de l'exercice il lui appartient d'approuver ou non le compte administratif
et le compte de gestion523.

La loi 2009/011 apporte des éclaircissements importants524 ; l'organe


délibérant ne peut modifier les chiffres du compte administratif. En cas
d'irrégularité, le compte administratif est simplement rejeté. Sur rapport du
président de séance, les services compétents de l'Etat sont saisis dans un délai
de 72 heures.

521
Art. 93 de la loi n°2009/011, op. cit.
522
LEKENE DONGFACK, Finances Publiques, op. cit, p.145.
523
Ibid.
524
Art. 94 de la loi n°2009/011, op.cit.
153
Dans le cas d'espèce, voter c'est donner son avis, son opinion sur une
gestion, cette expression est la conséquence logique de l'examen du projet
soumis, et des explications données par le gestionnaire. Et cette opinion qui
n'est donc ni préalablement arrêtée ni le résultat d'une position à priori, peut
être favorable ou défavorable.

Le Maire n'assiste pas au vote des comptes, encore moins le Préfet. Le


Conseil exerce donc librement son vote et devrait se prononcer sans pression. Il
peut non seulement les rejeter en motivant, mais en plus sanctionner le Maire
en prononçant contre lui un blâme ou même la destitution, en toute
objectivité525.

Cependant, si le comportement du Maire met gravement en cause les


intérêts de la Commune, sur la base des faits précis qualifiés comme tels par le
Conseil municipal, sa déchéance peut être prononcée par le Ministre chargé des
Collectivités territoriales.

2- Solde de clôture de l'exercice


Il peut être déficitaire ou excédentaire. Lorsque l’Etat collecte les CAC
avant de les reverser aux Communes l’inscription de ces recettes importantes se
faisait par simple estimation, essentiellement aléatoire. Il en résulte un
déséquilibre dans l’exécution du budget qui se solde la plupart du temps par
un déficit 526. Le nouveau système financier exige cependant qu’on ne dépense
que ce qu'on a dans les caisses. Le déficit paraît donc impossible.

En ce qui concerne les excédents des recettes sur les dépenses, ils sont
dus aux recettes accidentelles, aux recouvrements supérieures, aux prévisions

525
KAGA LELE (J.), la complexité de la gestion des CTD : le cas de Bafoussam, op. cit.,
p. 195.
526
Ibid.
154
dans certains chapitres. Dans ces cas le receveur municipal devrait établir les
certificats des recettes et des dépenses pour la confession du compte
administratif par l’ordonnateur. Dans le cas contraire, l’acte du receveur
pourrait être considéré comme un détournement des deniers publics, la
présentation des certificats des recettes et des dépenses est aussi une source de
contrôle du receveur municipal.

En effet, le législateur de 2004 a prévu quatre (04) sessions ordinaires


et deux (02) sessions extraordinaires527. Cependant au terme de l'article 41 de la
même loi, le Conseil est autorisé à former des commissions qui peuvent se
réunir pendant et dans l'intervalle des sessions, pour l'étude des questions
entrant dans ses attributions. Ces différentes disponibilités sont accordées afin
de résoudre les soucis de la Collectivité, mais sont-elles suffisantes pour
l’analyse des comptes. Le problème du temps pourrait se poser, il serait difficile
de joindre les deux activités toutes deux nécessaires pour la Collectivité.

L'obligation faite au Maire de faire prendre des délibérations pour


certaines opérations envisagées, qu'il s'agisse du plan de développement que le
Conseil doit approuver, ou qu'il s'agisse de la quasi permanence du Conseil en
réunions de travail528 sont des moyens de contrôle de l’exécutif dans l'exécution
de ses attributions légales. L'adoption doit découler du rapport de la
commission des finances adopté après débat auquel a participé le gestionnaire.
Le rejet éventuel doit trouver sans ombrages son motif dans ledit rapport qui a
fait l’objet d’une analyse comptable de l'exécution du budget. Il ne doit pas
s'agir d'un quelconque règlement de comptes entre l'organe délibérant et
l'organe exécutif de la Commune. L’article 65 (2) du décret du 25 mars 1977
sur la tutelle, énonce en substance que le Maire participe à la discussion, mais

527
Art. 30 de la loi n° 2004/ 018 du 22 juillet précitée.
528
Session ordinaire et extraordinaire, commission.
155
se retire au moment du vote529. Le vote peut être secret si le 1/3 des Conseillers
en fait la demande530. C'est certainement à dessein que le législateur a dit que le
Conseil examine et adopte le compte ; il aurait pu réserver au compte
administratif une simple valeur de compte rendu. A ce moment le Conseil se
réunirait pour écouter le rapport du Maire sur sa gestion (sans possibilité de
réagir). Ce n'est pas le cas. C’est dire qu'il défend son compte, il apporterait
alors des justifications qu'on peut lui demander sur ses opérations. Sa présence
est donc active et non passive. Il doit persuader les Conseillers par une
argumentation convaincante pour avoir le quitus du Conseil pour sa gestion.

Pour des auteurs tel que KAGA LELE, le Maire, se faisant substituer
par le Préfet, serait une violation de la loi531. Le Conseil peut valider la gestion
de l'exécutif et en cas de besoin la sanctionne. Le législateur est allé plus loin
en autorisant le Conseil à prononcer si nécessaire, un blâme contre le Délégué
du gouvernement ou le Maire532.

529
du décret n° 77/91 du 25 mars 1977 sur la tutelle
530
Article 34, 2 de la loi 2004/10 du 22 Juillet 2004 fixant les règles applicables aux
Communes.
531
KAGA LELE (J.), la complexité …, op. cit., p. 196. Nous avons vu des Chefs de services
des Communes et des Préfets soutenir mordicus que les Conseils municipaux n'ont pas le droit
de rejeter des comptes administratifs même faux, mais doivent absolument les adopter, avec
tout au plus des observations. Et plus grave ils se permettent d'approuver sur la base d'une
interprétation abusive de la loi, des comptes administratifs rejetés par un Conseil municipal.
C'est un abus de pouvoir. Le législateur a prévu que les sessions du Conseil municipal peuvent
durer jusqu'à sept jours. Nous avons vu des Préfets prendre arguments de la surcharge de leurs
emplois du temps pour imposer au Conseil municipal des sessions budgétaires qui durent une
demi-matinée, car il doit présider absolument l'ouverture à dix heures et la clôture à midi. Mais
il s'agissait en réalité des moyens détournés et des subterfuges pour empêcher le Conseil d'avoir
suffisamment du temps pour examiner à fond le budget ou le compte administratif. A
Bafoussam nous avons amené notre Conseil à s'opposer énergiquement à cette pratique illégale
et prenions chaque fois, même contre les injonctions du Préfet, le temps nécessaire, trois à
quatre jours pour tenir nos sessions.
532
Fondement
156
En effet, la dépense à engager doit correspondre à la spécialité du crédit,
le crédit quant à lui, doit être disponible et suffisant sur la ligne533. Cependant,
l’engagement doit être précédé de la certification du service fait ou de la
fourniture livrée, avec toutes les pièces justificatives. Les virements de crédits
dans un budget communal en cours d'exécution font l'objet de réglementation.
Et les dépassements de crédit constituent des fautes de gestion. C’est le constat
fait par le juge des comptes dans l’arrêt commune rurale de Biwong bulu534.
En plus de l’aspect purement financier « le Conseil de la Collectivité
territoriale décentralisée délibère sur la gestion des biens, sur les opérations
immobilières effectuées par la Collectivité territoriale concernée »535. Or, au
compte administratif est annexé celui du comptable matières pour examen et
vote. C’est la loi n° 74/18 du 5 décembre 1974 sur le contrôle des ordonnateurs,
gestionnaires, gérants des crédits des entreprises publiques et des Collectivités
territoriales décentralisées qui définit ces principales irrégularités536.

B)- A l'occasion de l'examen et du vote du budget


Le Conseil peut demander qu'il lui soit joint au projet du budget soumis
à son examen, l'état nominatif du personnel avec leurs âges et fonctions537...
ainsi que, la liste des immeubles communaux, l'état des véhicules et des engins,

533
L’article 58 du décret 77/91 précité.
534
Arrêt n° 72/ D du 14/ 06/12 compte de la Commune rurale de Biwongbulu exercice 2007.
535
Article 36 de la loi 2004/17 du 22 juillet 2004.
536
Les principales irrégularités portent notamment sur les dépenses sans crédit disponible, sans
pièces justificatives, sans visa, sans s'assurer de l’exécution effective des travaux, des
prestations, des services, ou dès la livraison effective des matières :
- Les recrutements irréguliers du personnel,
- Les modifications irrégulières de l'affectation des crédits, les dépassements et virements
irréguliers des crédits, les infractions à la passation des marchés,
- L'utilisation à des fins personnelles des agents ou des biens de la Collectivité locale, etc.
537
Circulaire n° 4930 du 29/08/88.
157
etc. C’est un droit pour le Conseil municipal de connaître de l'état du
patrimoine de la Commune538.

Le Conseil peut également, pendant l'examen du budget, de façon


réaliste et en sauvegardant l'intérêt général, de réaménager l'affectation des
crédits en augmentant ou en diminuant leurs volumes dans les différentes
rubriques, ou même en rejetant les travaux jugés non étudiés, inopportuns ou
dont l'impact sur l'amélioration du bien-être des populations n'est pas évident.
L'organe délibérant, l'assemblée locale est même juge de l'opportunité539 d'un
projet, il doit donc en être convaincu par son initiateur. C’est ici le sens des
propos du Professeur LEKENE DONGFACK : «le Conseil Municipal doit
veiller à l'équilibre budgétaire, à la comptabilité des recettes et des dépenses, à
la prise en compte de la situation particulière et des intérêts de la Collectivité
concernée. Et au regard de toutes ces considérations le Conseil va voter le
budget chapitre par chapitre, voire article par article. Il peut donc accepter,
modifier ou rejeter les propositions qui lui sont faites »540.

En effet, c’est l’article 44 de la loi 2009 qui définit les fonctions de


l’organe délibérant. Il peut amender le projet de budget présenté par l'exécutif
dans le respect des lois et règlements en vigueur. Cependant, l'article 47 du
même texte prévoit les conditions dans lesquelles l'autorité de tutelle peut,

538
Le chef de l'exécutif communal organise ses détournements à partir de la préparation du
budget qu'il entend soumettre à l'adoption de son Conseil municipal :
- En y prévoyant des projets irréalisables, n'ayant fait l'objet d'aucune étude de faisabilité, ni
même d'un simple devis estimatif établi par un spécialiste de l'ouvrage envisagé ;
- En gonflant l'estimation pour préparer la passation des commandes qui seront surévaluées le
moment venu ;
- En prévoyant des recrutements fictifs.
539
En proposant au cours de l'exécution du budget des virements des crédits pour renflouer les
chapitres ou les articles dans lesquels il veut aménager des opérations de détournement. Cela
est d'autant plus grave que le magistrat municipal le fait quelque fois avec le concours et la
complicité de l'autorité de tutelle qui à ses visées personnelles sur l'exécution futur du budget.
Le concours technique du service régional des Communes est acquis
540
LEKENE DONGFACK, Finances Publiques…, op.cit.
158
après mise en demeure sans succès, modifier d'office le projet de budget. Dans
les cas de l’équilibre du budget, provision pour les dépenses obligatoires,
suppression des dépenses irrégulières, dépassement des ratios légaux.

Le Préfet n’établit pas le budget. Il ne peut se substituer de fait541.


Même en cas de retard dans le vote du budget, l'exécution par 1/12 provisoire
consiste en réalité à exécuter provisoirement le budget de l'exercice précédent
que le Conseil avait voté542 . Le Conseil municipal reste donc dans la mesure de
la loi, maître du jeu budgétaire communal.

C)- Le contrôle ordonnateur et comptable


Les ordonnateurs pour la bonne gestion du patrimoine local sont tenus
de rendre compte de l’exécution des programmes et projet prescrit dans le
budget, ils sont donc tenus d’engager et de liquider les dépenses. A cet effet, ils
sont astreints à la production d’un compte administratif retraçant les actes de
leur gestion et d’un rapport de performance sur les programmes et projets.

On se bornera à rappeler ici que le contrôle est assuré par le comptable


public tant en ce qui concerne l'exécution des recettes que des dépenses. Il
exerce un contrôle de régularité sur les titres de perception et les mandats que
lui adresse l'ordonnateur qui lui permet de suspendre l'application d'une
décision si elle n'est pas conforme à la réglementation543.

Les comptables des Collectivités territoriales sont des agents publics


régulièrement préposés aux comptes et/ou chargés de la garde et du maniement
des fonds et valeurs. Ils doivent rendre compte annuellement des opérations
rattachées à leur gestion conformément aux lois et règlements en vigueur. La

541
Art. 41 et art. 42 de la loi portant régime financier des CTD de 2009.
542
V. développement antérieure, chapitre I, section I.
543
Art. 60 de la loi du 10 juillet 2009, op.cit.
159
forme des comptes et les justificatifs y relatifs sont déterminés par voie
réglementaire544.

Paragraphe II : Le contrôle administratif

L’Etat exerce le contrôle administratif sur les Collectivités territoriales


afin d’assurer le respect de la règle de droit sur l’ensemble du territoire
national. Si la réforme engagée en 1996 et poursuivit depuis lors a accru les
prérogatives des élus locaux, elle a maintenu l’existence du contrôle. Cette
permanence du contrôle constitue la marque du caractère unitaire de l’Etat et
trace la frontière entre décentralisation et fédération. L’exercice de ce contrôle
met en scène les trois acteurs du pouvoir local : l’élu, le Préfet et le juge dans
le cadre d’une procédure définie545.

A)- Fondement du contrôle administratif


Le contrôle administratif dont le fondement se situe à l’art. 55 al. 2 de la
loi constitutionnelle de 1996546 révisée en 2008547 constitue l’une des missions
dévolue au représentant de l’Etat. Il vise à cet effet à encadrer l’action publique
locale, il veille à ce que les décisions administrative et budgétaire prises par les
Collectivités territoriales soient compatibles avec les intérêts généraux de
l’Etat. C’est dans ce sens qu’un contrôle de régularité et de performance de la
gestion des CTD est mené par des services spécialisés de l’Etat548. Il traduit par
ricochet « homogénéité du Droit »549.

544
Ibid., Art. 97.
545
GAUDEMET (P.-M.), Finances Publiques, op. cit., p. 73.
546
La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
547
La révision constitutionnelle du 14 février 2008.
548
Art. 106 de la loi du 10 juillet 2009, op.cit.
549
PAVIA (M.-L.), Les transferts des compétences aux Collectivités locales aujourd’hui et
demain, Paris, Harmattan, 2010, p. 55.
160
Le Conseil d’Etat français dans son rapport public 1993 intitulé,
« Décentralisation et ordre juridique » donne une définition plus élargie du
principe de la libre administration. Aussi, dit-il : « S’administrer librement c’est
conduire sans être soumis à des contraintes excessives et sans interférer avec
les pouvoirs législatif, gouvernemental et judiciaire, diverses catégories
d’opération, et prendre dans les mêmes conditions diverses catégories d’actes
eu égard à leur caractère administratif, peuvent faire l’objet d’un encadrement
par la loi et d’un contrôle par le juge administratif »550. En effet, le contrôle
exercé par l’Etat s’il contribue à assurer la prééminence des intérêts nationaux
sur les intérêts locaux, il fait toutefois prévaloir l’unité de l’ordre juridique
camerounais. Il doit cependant être concilié avec le principe de libre
administration.

Le contrôle administratif au Cameroun est un contrôle peu


« ambitieux»551pour reprendre les termes de Célestin SIETCHOUA. Francis
FABRE apporte une explication considérable à cette approche. Aussi dit-il : «ce
n'est pas comme on l'a souvent soutenu ; la qualité d'ordonnateur qui fonde en
droit l'incompétence de principe du juge des comptes, ce sont avant tout des
considérations d'opportunité et de réalisme qui expliquent que le juge des
comptes n’a pas juridiction sur les ordonnateurs» 552. L'interdiction du juge des
comptes de s'attribuer juridiction sur les ordonnateurs a «pour objet d'éviter que
sous prétexte notamment des dépenses à justifier, le juge des comptes ne
s'immisce dans le fonctionnement de l'administration en se prononçant sur la

550
Rapport public, 1993, « Décentralisation et ordre juridique », Le Conseil d’Etat français,
p. 2.
551
SIETCHOUA (C.), « La reforme inachevée du contrôle juridictionnel des comptes au
Cameroun (commentaire de la loi n°2003-005 du 21 avril 2003 fixant les attributions,
l'organisation, et le fonctionnement de la chambre des comptes de la cour suprême) », Juridique
périodique, n° 59.
552
FABRE (F.), Le contrôle des finances publiques, Paris, PUF, 1968, 204 p.
161
légalité, la sincérité voire l'opportunité des actes administratifs au-delà de ce
qu’autorisent les besoins strictement étendus de sa juridiction»553.

B)- Les sanctions encourues par l'exécutif communal


Les sanctions encourues par le Maire sont soit administrative,
pécuniaire, pénale, politique, soit toutes celles-ci cumulativement. Elles sont :
administrative554, pécuniaire555, pénale556.

1- Les sanctions administratives

Elles sont infligées soit par l'autorité de tutelle, soit éventuellement par
le Conseil municipal ; par la tutelle. Ce sont respectivement : le blâme, la
suspension, la révocation, et la déchéance. Par le Conseil municipal, il s’agit du
rejet technique des comptes, le blâme, le vote de la déchéance557.
Le décret 77/91 du 25 mars 1977558 donnait au Gouverneur un important
pouvoir de décision. En effet, « à l'occasion du règlement du compte
administratif, le Gouverneur apprécie la gestion du Maire et écarte du compte
les dépenses irrégulières ou ne correspondant pas à un service fait ».

Le Gouverneur inactif, la procédure pourrait suivre son court. En effet,


tout contribuable ou toute personne intéressée peut former un recours pour
excès de pouvoir contre l'arrêté par lequel le Gouverneur approuve le compte

553
SIETCHOUA (C.), La reforme… op. cit.
554
par la tutelle ou le Conseil municipal.
555
Art. 67 du décret 77/91 précité.
556
Loi n° 74/18 du 5 décembre 1974 sur le contrôle des ordonnateurs, comptables,
gestionnaires. Articles 30, 35, 87,184 du code pénal.
557
La formule classique de la délibération est : « Le Conseil municipal de... adopte par (X) voix
contre (Y) voix, le compte administratif de l'exercice (...), équilibré ainsi qu'il suit dépenses,
excédent, déficits » ; il ne s’agit d’une simple formalité, c’est un acte de responsabilité de la
part du Conseil Municipal.
558
Article 67 du décret 77/91 du 25 mars 1977, op. cit.
162
administratif et en demander l'annulation. Celle-ci est accordée s'il est prouvé
que le compte administratif contient des dépenses irrégulières.

Bien que l’article 67 du décret 77/91 du 25 mars 1977 rend le Délégué


du Gouvernement ou le Maire personnellement et pécuniairement responsable
de ses actes de gestion, le Conseil municipal exerce un droit de contrôle
reconnu à tout organe délibérant sur l'organe exécutif. Il doit donc, scruter le
compte administratif et le compte de gestion ainsi que les documents qui leur
sont annexés, et se prononcer en toute connaissance de cause, en toute liberté et
en toute responsabilité.

Cette même loi prévoit entre autres que les gestionnaires des crédits
publics peuvent être poursuivis et sanctionnés s'ils commettent des
indélicatesses dans la gestion. Le Conseil municipal a donc aussi un droit de
contrôle sur les actes que pose le Maire dans le cadre de l'exercice de ses
attributions légales. Il dispose alors plus d’un tour de force. En effet, la loi
n° 2004/18 du 22 juillet 2004 au terme de l'article 71 énonce en substance que
le Maire représente la commune dans les actes de la vie civile et en justice559.
Le législateur camerounais de 2004 est allé plus loin encore dans les
pouvoirs de contrôle qu'il accorde au Conseil municipal sur l'organe exécutif de
la commune. En effet, dès la loi d'orientation de la décentralisation, les options
sont prises en ce qui concerne la préservation du patrimoine de la commune. La
loi de 2004/17 du 22 juillet 2004 au terme de l’article 36 dispose que : Le
Conseil de la Collectivité territoriale délibère sur la gestion des biens et sur les
opérations immobilières effectuées par la Collectivité territoriale concernée et
de l’article 48 que : Toute construction nouvelle ou reconstruction pour le

559
A ce titre, il est chargé, sous le contrôle du Conseil municipal de conserver, entretenir,
administrer les propriétés et biens de la Commune ;
- Gérer les revenus, prescrire l'exécution des recettes et ordonner les dépenses ;
- Veiller à l'exécution des programmes de développement ;
- Souscrire les marchés, passer les actes d'acquisition, de transaction, de vente, etc.
163
compte de la Collectivité territoriale ne peut être faite que sur la production de
plans et devis mis à la disposition du Conseil de la Collectivité territoriale
concernée.

Appelé par conséquent à juger les comptes de la commune et à donner


le quitus, le Conseil municipal a une responsabilité évidente, car la loi560
considère comme complice, le censeur ou le commissaire aux comptes qui
s'abstient de porter à la connaissance de l'organe compétent les irrégularités
constatées. Quand il examine et vote les comptes de la commune, le Conseil
municipal joue bel et bien le rôle de censeur561.

Le Conseil, dans le cadre de l’examen du compte administratif, vérifie


certaines données. S’il estime qu’il y a des fautes flagrantes de gestion, il rejette
le compte et prononce éventuellement, faute de mieux, le blâme pour attirer
l’attention de qui de droit afin que la procédure de contrôle soit déclenchée et
aboutisse à de véritables sanctions. Il sonne l’alerte pour réveiller ceux qui ont
le pouvoir d’agir.

2- La responsabilité pécuniaire des exécutifs communaux


Les transmissions des dossiers à l’instance judiciaire par le MINATD,
par le Contrôle supérieur de l'Etat ou par le Procureur général près la Cour
suprême à la demande de la Chambre des comptes sont des plaintes de l'Etat
qui se constitue ainsi partie civile. Le Conseil municipal, au nom des
populations qu'il représente peut tout aussi ester le Maire en justice pour
détournement des deniers, des biens meubles ou immeubles de la commune.

En effet, en raison des effets, des conséquences de ces actes, ils ne sont
pas quelconques. Saint REGOURD à l’instar de bien d’autres auteurs ont

560
Article 7 de la loi 74/18 du 5 Décembre 1974.
561
KAGO LELE (J.), les complexités de gestion …, op.cit., p.197.
164
montré, qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet de recours pour excès de
pouvoir, ce qui atteste de leur « existence juridique », c'est-à-dire leur
reconnaissance par les normes. L'intuition conduit à les qualifier d'actes
juridiques. Cette intuition demande à être fondée. Pour Hans KELSEN, « l'acte
juridique est un fait créateur de droit »562. Pour Charles EISENMANN « les
actes juridiques sont des opérations par lesquelles des normes juridiques, sont
posées, édictées ; en d'autres termes : ce sont des opérations d'édiction, de
création de normes juridiques »563. En écrivant que l'acte juridique c'est
« l'acte lui-même envisagé en tant qu'opération, c'est-à-dire en tant
qu'ensemble de faits et gestes à accomplir pour parvenir au résultat défini,
c'est-à-dire l'apparition d'une norme juridique ... »564.
Ces différents moments de confrontation des actes de l’exécutif devant
le Conseil communal constituent des actes juridiques au sens posé par
P.AMSELEK, c'est-à-dire d'actes « ayant vocation à manifester une
prescription de normes »565dans la mesure où ce sont des « actes de dire566
institués par le droit pour l'exercice de compétences d'autorité sociale, de
fonctions sociales dirigeantes ... »567.

On pourrait objecter, une fois encore que c'est uniquement ensemble,


dans leur union que l'acte de l'organe central et celui de l'organe non central,
manifestent cette vocation à prescrire une norme, mais Paul AMSELEK

562
KELSEN (H.), Théorie pure … op.cit., p. 343.
563
EISENMANN (Ch.), Centralisation- décentralisation, op. cit.
564
EISENMANN (Ch.) montre bien, que nous concernant, c'est l'ensemble des deux actes qui
pourrait recevoir la qualification d'acte juridique et non l'un et l'autre. En considérant l'ordre
juridique comme un système de justification dans lequel les actes humains reçoivent le titre de
normes en conformité avec une norme préexistante ou avec une procédure établie, M. TROPER
montre que l'opération de justification débouche sur l'unité : LA NORME, mais celle-ci peut-
être le résultat de plusieurs confrontations de l'acte postulant au titre de norme avec la
réglementation juridique, c'est -à- dire avec l'arsenal de justification.
565
AMSELEK (P.), « L'acte juridique selon Ch. EISENMANN », op. cit., p. 322.
566
Ibid., p. 316, l'auteur définit l'acte juridique comme " un acte de parole, de dictio ".
567
Ibid., p. 323.
165
considère que tout acte de dire qui se présente comme accompli dans l'exercice
de telles fonctions doit être qualifié et est de fait couramment qualifié « acte
juridique », même s'il correspond à un exercice défectueux des dites
fonctions568 comme le montre la théorie du fonctionnaire de fait et du
comptable de fait.

L'existence juridique des actes de tutelle ou sous tutelle établie par S.


REGOURD démontre l'exercice de ces fonctions sociales dirigeantes et autorise
donc à qualifier les actes de tutelle et sous tutelle, d'actes juridiques569. N'étant
pas des normes, ces actes juridiques peuvent-ils prescrire des conduites aux
hommes ? Peut-il y avoir deux types d'actes prescriptifs de conduite, les normes
juridiques et certains actes juridiques ? La thèse de R.G.
570
SCHWARTZENBERG en apporte la démonstration .

L’intérêt manifeste du contrôle dans l’engrenage budgétaire local et


dans l’assainissement des finances locales et par conséquent la fiabilité d’une
autonomie durable justifie la présence de l’Etat. La question qui se poserait est
celle de savoir jusqu'à quel niveau l’Etat doit-il exercer le contrôle des actes
financiers locaux ?

Section II : Le droit de contrôle de l’Etat


La principale différence entre la théorie de la séparation des pouvoirs et
celle de la centralisation - décentralisation réside dans le fait que cette dernière
organiserait la séparation des pouvoirs non à partir des fonctions de l'Etat571,
mais à partir de la compétence personnelle des organes c'est-à-dire en fonction
« du cercle de personnes envers qui les organes peuvent agir : les organes qui

568
Ibid.
569
REGOURD (S.), op. cit., p.115.
570
SCHWARTZENBERG (R.G.), L'autorité de chose décidée, op. cit.
571
Ce que rejetait Ch. EISENMANN.
166
ont la qualité pour agir à l'égard de tous les membres de la Collectivité sans
distinction sont centraux ; ceux qui n'ont pouvoir d'agir qu'envers une partie
seulement d'entre eux sont « non centraux »572. Cela justifie l’étendue du
contrôle exercé par l’Etat sur les mouvements financiers locaux.

Il convient de remarquer d'ailleurs que Ch. EISENMANN considérait


que le principe de la séparation des pouvoirs tel qu'il l'entendait était « commun
à des types d'organisation constitutionnelle très divers »573 et la présentation de
la centralisation - décentralisation en est l’expression.

Cette discussion est apparue aussi en matière de centralisation-


décentralisation avec la critique de Saint REGOURD concernant la codécision
posée par Charles EISENMANN dans son hypothèse de la semi-
décentralisation.
La conservation de la clause définissant le Cameroun comme unitaire
et décentralisée ne cesse d’interroger la réflexion. La question est de savoir si
en procédant de la sorte, le constituant du 18 janvier 1996 n’a pas créé une
situation paradoxale celle de la juxtaposition d’un ordre décentralisé à celui
d’un ordre unitaire.

Tout s’explique, la présence récurrente de l’Etat d’une manière ou


d’une autre montre qu’il voudrait garder l’emprunt de l’unité juridique, matériel
et financier de la nation, c’est préserver l’unité juridique574.

A première vue, cette orientation pourrait s’en servir au nombre des


imperfections serrements ou négligences qui émoulent les textes locaux et

572
. EISENMANN (Ch.), Centralisation-décentralisation, op.cit., p. 9.
573
EISENMANN (Ch.), « L'Esprit des lois et la séparation des pouvoirs », Mélanges CARRE
DE MALBERG, réimpression de l'éd. de 1933, Librairie Duchemin, 1977, p. 180.
574
PAVIA (M.-L.), Les transferts des compétences aux Collectivités locales aujourd’hui …,
op. cit., p. 135.
167
nationaux relatifs à l’autonomie financière. Comme on pourrait penser que la
transmutation unitaire décentralisée de la République unie du Cameroun
emporterait l’abrogation de l’ordre juridique sur lequel celui-ci reposait et que
cette abrogation explicite résulterait logiquement de l’article 1er de la
constitution du 18 janvier 1996 qui pose sans équivoque que « la République
du Cameroun est une et indivisible… ». Cette transformation entraîne au risque
de demeurer factice l’abrogation du dispositif institutionnel antérieure. Il fallait
adjoindre unitaire et décentraliser, une équation résolue par EISENMANN et
plusieurs autres auteurs.

L’idée sous-jacente à toutes ces interrogations ou orientations est que


par principe et en toute logique « la forme unitaire de l’Etat postule et n’est
d’ailleurs objectivée qu’à la condition de la mise en place d’une unité de
l’ordre juridique »575. C’est le chemin suivi par le constituant camerounais. Elle
suppose non une unification mais une harmonisation du droit antérieure à la
création de l’Etat unitaire décentralisé, elle-même consécutive à l’apparition
d’un centre d’impulsion principale et des centres secondaires. Elle explique
alors le principe de la souveraineté du territoire défendu par Carré de
Malberg576 et adopté par le constituant camerounais.

En réalité loin de procéder d’une quelconque négligence ou d’une


imperfection, le contrôle budgétaire ou de gestion locale obéit à une démarche
rationnelle guidée à la fois par des considérations technique et politique. Les
premières résultent de la difficulté réelle de construire, un ordre juridique uni et
décentralisé, consensuel et applicable sans réprimandes et frustration des
Collectivités locales camerounaises toujours jeunes. Les considérations
politiques et économiques internationales procèdent du souci de ménager les

575
MALBERG (C.), Contribution à la théorie générale de l’Etat, op. cit., p. 83.
576
Ibid.
168
conditions imposées par les institutions internationales577. Le contrôle étatique
s’avère donc nécessaire. Cependant une exagération nuirait à la construction
d’une autonomie financière fiable.

Paragraphe I : Un contrôle nécessaire de l’Etat

Le contrôle exercé par les organes étatiques est pour la plupart


juridictionnel ; il dénote donc de la qualité de celui-ci. Il bénéficie d’une
présomption d’impartialité et présente l’avantage d’assurer le respect de la règle
de droit, pour ce qui est du contrôle de légalité et la protection des ressources
nationales578.

A)- Le contrôle juridictionnel impartial

L’importance de cette mesure ne saurait être sous-estimé dans la


garantie financière, elles sont cependant assorties de réserves et de modalités
telles qu’aujourd’hui comme hier, mais un peu moins qu’hier c’est dans le
contrôle à posteriori de l‘action des Collectivités par le juge et notamment par
le juge administratif qu’est recherchée la protection des Collectivités.

1- Juge administratif
L’examen des rapports d'Etat des Collectivités locales montre que dans
un Etat fédéral comme dans un Etat unitaire le « contrôleur » maîtrise
« l'existence de son contrôle » tout comme le titulaire de la faculté de statuer à
titre initial maîtrise la décision d'exercer cette faculté nonobstant toute règle lui
imposant de le faire ou de ne pas le faire.

577
FMI, BM.
578
Les ressources locales n’étant qu’une partie des ressources centrales.
169
En matière de décision initiale, on constate que lorsqu'un texte impose
une conduite de faire ou de ne pas faire à un organe, celui-ci dispose en fait de
la liberté de s'y conformer ou non.

La jurisprudence se nourrit tant en matière d'annulation qu'en matière de


responsabilité et exclusivement de cette liberté d'appréciation que s'octroient les
organes.

En matière de mise en œuvre du contrôle, cette même liberté


d'appréciation peut être constatée.

Ainsi aux Etats-Unis les cours décident elles-mêmes des décisions


qu'elles ne contrôleront pas en raison de leur nature politique579à l'instar de la
théorie des actes de gouvernement.

En France, le contrôleur qu'il soit administrateur ou juge, maîtrise la


décision de contrôler. Ainsi, par exemple dans le régime antérieur à 1982, les
articles L.212.4 et suivants du code des communes prévoyaient que « l'autorité
supérieure » se substituait aux élus municipaux lorsque le budget n'avait pas été
voté en équilibre réel, lorsque ces élus n'acceptaient pas les mesures de
redressement proposées après constatation d'un déficit dans l'exécution du
précédent budget ou lorsqu'une dépense obligatoire n'avait pas été inscrite au
budget. Nous étions bien là dans une de ces hypothèses où Ch. EISENMANN
voyait une compétence liée dans la mesure où l'administration ne pouvait se
substituer à la commune que dans les cas prévus par la loi580.

579
TUNC (A.-S.), Le système constitutionnel des Etats-Unis d'Amérique, Domat-
Montchrestien, 1954, p. 270. BOWIE (R.R.) et FRIEDRICH (C.J.), Etudes sur le Fédéralisme,
t.1, Paris, L.G.D.J. , 1960, p. 200 cité par THALINEAU (J.), Essaie sur la centralisation...
op. cit.,
580
EISENMANN (C.), Cour de droit administratif, réédition, t. II, Paris, LGDJ, 1983, 908 p.
170
En France, la spécialisation des organes est soumise à l'appréciation du
juge qui, sanctionnera le détournement de pouvoir, lorsque le but poursuivi est
extérieur à l'intérêt général ou l'incompétence, lorsque le but poursuivi est
extérieur à l'intérêt des CTD, c'est-à-dire à celui que l'organe pouvait prendre en
charge dans le cadre de sa « spécialité ». C'est ce dernier aspect qui entre dans
notre propos et qui présente un réel intérêt, dans la mesure où il peut exister des
accords entre organes qui constituent des entorses à la spécialité.

S'agissant de constater le respect de la finalité d'intérêt général, on


comprend que le juge soit particulièrement rigoureux puisqu'il s'agit de
déterminer qui peut édicter tel ou tel acte juridique dont certains seront
contraignants pour leurs destinataires. L'incompétence « est historiquement le
premier cas d'ouverture pour excès de pouvoir. Elle reste encore le vice le plus
581
grave ». C'est un moyen d'ordre public, caractère à propos duquel « aucune
hésitation n'a jamais existé »582.

Ce contrôle juridictionnel du but d'intérêt général permet au juge de


garantir le respect de la spécialité de l'intérêt, c'est-à-dire du partage de la
faculté de statuer. La sanction de l'incompétence est la nullité de l'acte, que ne
peut empêcher l'autorité réellement compétente « en ratifiant la décision prise
par une autorité incompétente »583 à l'instar de la nullité absolue en droit civil,
sanction attachée à l'incapacité de jouissance qui est insusceptible de
régularisation ou d'une confirmation584.

581
AUBY (J.M.) et DRAGO (R.), Traité des recours en matière administrative, Paris, Litec,
1992, p. 334.
582
Ibid., p. 335.
583
Ibid., p. 347.
584
MAZEAUD (H.- L.), MAZEAUD (J.), et CHABAS (F.), Leçon de droit civil, t. 1, 12e éd. ,
Paris, LGDJ, 2000, p. 412.
171
Le juge s'attachera aussi bien au respect de la spécialité des organes non
centraux par les organes centraux, qu'à l'inverse. Cela s'applique aussi aux
personnes privées. Les Collectivités locales sont aussi protégées contre les
ingérences dans les intérêts dont elles ont la charge585. A l'inverse, à la
compétence d'une autorité centrale, on ne saurait substituer une autre autorité.

Le juge administratif s’est prononcé dans ce sens dans l’affaire


commune rurale d’Angossa c/ Etat du Cameroun 586. En effet dans cette
affaire, la cour a décidé que le recours de la commune était recevable dans la
forme et au fond il était justifié, c’est par excès de pouvoir que le Ministre
d’Etat chargé de l’agriculture s’est immiscé dans la gestion de la commission
de liquidation de la ZAPI de l’Est, il voit donc sa décision n° 0079/ D/
MINAGRI/ CAB/ du 12 mars 1997 annulée587.

Ainsi, si le Ministre est compétent pour résoudre l'impuissance d'une


Université, le Recteur ne saurait exercer cette attribution. De même, un Conseil
municipal ne saurait adresser des directives au Maire agissant en qualité d'agent
de l'Etat ou réglementer les conditions d'accès aux écoles primaires de son
territoire588.

La nature du contrôle du juge, ses effets et l'objectivité apparente des


décisions ne sauraient occulter l'opportunité de telle ou telle décision. Le juge
est en fait le dispensateur des facultés de statuer.

585
C.E. 29/1/1960, Comité national de la meunerie d'exportation, Leb. p 69 (compétence
respective des assemblées territoriales et des commissaires en A.O.F.), C.E.10/12/1982
Lamande, Leb. p. 550 ou T.A.ORLEANS 11/6/1986 Rousseau c/ Commission départementale
d'aménagement foncier du Loiret, R.J.C.O., p. 197.
586
Jugement n°86/ 2002-2003 du 24 Avril 2003.
587
Le J.A a pris une décision similaire dans l’DJEUMO Louis-Roger c/ Communauté Urbaine
de Douala.
588
Art. 71- 93, loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 précitée.
172
2- Le Conseil constitutionnel : Un gardien désarmé et muet

Par-delà la Constitution, c'est donc le juge constitutionnel qui va devoir


déterminer quelle est l'étendue du principe de libre administration et tracer ainsi
les limites assignées à l'intervention du législateur qui, compétent pour mettre
en œuvre le principe, ne saurait le mettre en cause. La tâche est délicate, dans la
mesure où les limites inférieures et supérieures à l'intérieur desquelles peut se
déployer le pouvoir de ce dernier ne sont pas fixées précisément par la
Constitution. De plus, le contrôle du Conseil constitutionnel ne s'exerce pas en
fonction de références abstraites car, comme l'a souligné Michel TROPER, le
terme de « libre administration » ne désigne, du point de vue constitutionnel,
aucun concept et reste « un terme vague et vide (privé de référence) dont la
fonction est de transposer au niveau administratif l'idéologie politique de la
démocratie représentative »589. C'est donc au cas par cas, à partir de l'examen in
concrète des textes qui lui sont soumis, que le juge constitutionnel va apprécier
si les variations affectant le principe de libre administration restent comprises
entre les seuils minima et maxima autorisés, seuils qu'il est d'ailleurs le seul à
pouvoir apprécier. Cela explique que, suivant l'image évocatrice proposée par
le doyen Vedel, le tracé des contours du principe ressemble plutôt à un pointillé
qu'à une ligne continue : « chaque réponse à une question concrète s'inscrit dans
une suite et le pointillé s'enrichit, laissant de moins en moins d'espace non
jalonné »590.

La capacité de décision des Collectivités territoriales ne doit pas être


entravée. Pour s’administrer librement, une Collectivité territoriale doit « dans
les conditions qu'il appartient à la loi de prévoir, disposer d'un Conseil élu doté

589
TROPER (M.), cité par DANTONEL (N.), op. cit., p. 2.
590
Ibid.
173
d'attributions effectives »591.

La capacité de décision des Collectivités territoriales exige donc que


celles-ci disposent d'un Conseil élu, lequel doit conserver un rôle prépondérant
dans la gestion de la Collectivité. A cette exigence de nature organique s'ajoute
celle consistant à mettre à la disposition des Collectivités territoriales des
moyens, tant juridiques que financiers, nécessaires à l'exercice de la libre
administration.

Le Conseil constitutionnel français contrairement à son homologue


camerounais a été amené par sa jurisprudence à préciser les limites à ne pas
franchir par le législateur en matière de contrôle des Collectivités. Il s’agit donc
du seuil du contrôle. S’il est important, l’ordre juridique doit avoir une
limite592.

3- Contrôle supérieur de l’Etat


Ce sont les décrets 2005/374 du 11 octobre 2005593 et 2008/028 du 17
janvier qui définissent le contrôle des CTD par le contrôle supérieur. L’article
2 du décret 2005/028 énonce en substance que le Conseil de discipline
budgétaire et financière (CDBF) est chargé de prendre des sanctions à
l’encontre des agents publics, patents ou de fait, coupables des irrégularités, des
fautes de gestion ayant eu pour effet de porter préjudice aux intérêts de la
puissance publique. Le Conseil peut être saisi par le Président de la République,
le Premier Ministre, le Ministre supérieur hiérarchique ou celui chargé de la
tutelle594.

591
Ibid., p. 3.
592
Décision du Conseil constitutionnel français n° 137 DC du 25 Février, 1982.
593
L’article 22 du décret 2005/374 une Division des inspections et des contrôles des
administrations et des Collectivités territoriales, avec une section spécialement Chargée des
Collectivités territoriales Décentralisées.
594
Ibid. Art.14.
174
Si l'instruction laisse apparaître des faits susceptibles d'être qualifiés des
crimes ou délits, le président du Conseil transmet le dossier à l'autorité
judiciaire. La transmission vaut plainte au nom de l'Etat ou de la Collectivité
publique595.
De par leurs missions contenues dans le décret qui les organise, les
services du Contrôle supérieur de l'Etat constituent « l'institution supérieure de
contrôle des finances publiques du Cameroun ». C'est une institution dirigée
par un Ministre délégué à la Présidence, par conséquent placé directement sous
l'autorité du Chef de l'Etat. Celui-ci intervient d'une part en amont en
approuvant le plan d'action du Ministre délégué, et d'autre part en aval en étant
le destinataire des rapports concluant les enquêtes et investigations dont il est
seul compétent pour décider discrétionnairement de l'orientation à en donner :
classement pur et simple, sanctions administratives, transmission à la justice
pour poursuites pénales.

La procédure qui connaît de ce fait une certaine lourdeur est susceptible


de subir des pressions de toutes sortes qui en fin de compte limitent son
efficacité. Il serait donc souhaitable que tous les organes de contrôle jouissent
d'une indépendance réelle leur permettant d'assurer plus librement les missions
à eux confiées.

En dehors des contrôles par les structures étatiques dont nous venons de
décrire brièvement quelques-unes, des organes entièrement hors de la sphère
publique peuvent intervenir pour contrôler la gestion des CTD596. Tout
contribuable de la Collectivité peut à ses frais demander communication ou

595
Répression des détournements.
596
Art. 108, loi 2009/011 du 10 Juillet 2009.
175
obtenir copie totale ou partielle du compte administratif ou de ses pièces
annexes597. Il peut également les contester devant le J. A598.

4 - La Chambre des comptes


La Chambre se trouve placée au cœur d’enjeux contemporains majeurs
qui ont trait à l’autonomie locale et plus au fond encore à la confrontation de
deux logiques : l'une soucieuse que le contrôle des deniers publics soit réalisé
par des organes publics ; l'autre axée sur une libéralisation des institutions et
qui serait volontiers favorable sinon à ce que les opérations de contrôle soient
confiées à des organismes privés, que pour le moins soient institués des droits
et garanties conséquents. C'est là un véritable enjeu de société qui se trouve
posé et la loi du 21 décembre 2009 relative aux TRC et à la Chambre des
comptes qui accentue le caractère contradictoire de la procédure, est
significative des mutations auxquelles se trouvent confrontées aujourd'hui les
institutions de contrôle.

a- Compétence générale de la Chambre des comptes en


matière des comptes comptables locaux
Le contrôle juridictionnel de l'exécution comptable du budget est un
attribut de la juridiction des comptes. Elle exerce un rôle principal sur celle-ci.
Le Conseil d'Etat français interprète cette formule comme imposant à
l'institution de ne fonder ses arrêts «que sur les éléments matériels des comptes
soumis à son contrôle, à l'exclusion de toute opération du comportement
personnel du comptable »599.

Il s'exprime par le contrôle de la sincérité des comptes, c'est-à-dire la


certification de la régularité et la fidélité des comptes des Collectivités

597
Ibid., Art. 13 et art. 95 (3).
598
Art 74 de la loi n° 017 /2004.
599
MAGNET (J.), La gestion de fait, 2006, Paris, LGDJ, p. 24.
176
décentralisées. Cette certification est accompagnée du compte-rendu des
vérifications opérées. L'objet de la certification est un processus de contrôle
externe qui conduit à la formulation d'une opinion d'expert sur la régularité, la
sincérité et la fidélité des comptes. Les vérifications consistent à obtenir une
assurance raisonnable que les états financiers ne présentent pas d'anomalies
significatives au regard du référentiel comptable. En réalité, si la Chambre doit
statuer au vu des opérations comprises dans les comptes ou qui devraient y
figurer sans prendre en considération les circonstances extérieures du compte, il
est évident qu'elle apprécie la régularité des opérations et qu'elle en tire des
conséquences quant à la responsabilité personnelle et pécuniaire des
comptables. A tout prendre, juger un compte consiste d'une part à vérifier que
les opérations effectuées dans l'exercice ont été correctement retracées dans
le compte et d'autre part à s’assurer que les opérations décrites dans le
compte et justifiées par les pièces produites à l’apurement du compte ont été
correctement effectuées par le comptable600.

Pour certains auteurs, le contrôle des comptes comme le fait justement


remarquer Charles DESCHEEMAEKER «s'apparente à celui d'un
commissaire aux comptes : s'assurer en vérifiant les livres comptables et les
comptes dressés en fin d'exercice (compte de résultat et bilan) que ceux-ci
sont réguliers et sincères et donne une image fidèle de la situation
patrimoniale de l’organisme »601.

600
L'étendue des fonctions juridictionnelles de la juridiction des comptes au Cameroun trouve
son fondement dans les articles suivants : l’article 2 al. 2, 4 et 7 de la loi du 21 avril 2003 fixant
l'organisation et le fonctionnement de la Chambre des comptes de la Cour suprême. L'article 2
al. 2 précise que « la chambre des comptes juge les comptes ou les documents tenant lieu des
comptables publics ou de fait ». Suivant l'article 4 : « Elle rend sur les comptes qu'elle est
appelée à juger des arrêts qui établissent si les comptes sont quittes en avance ou en débet ». Et
l'article 7 qui énonce que : « la chambre des comptes contrôle et juge les comptes des
comptables publics, déclare et apure les comptabilités de mit, prononce les condamnations à
l'amende dans les conditions fixées par la présente loi ».
601
DESCHEEMAEKER (C.), La cour des comptes, documentation française, 2005, p. 4.
177
La Chambre des comptes doit obtenir une assurance raisonnable que les
états financiers ne présentent pas d'anomalies au regard du référentiel
comptable. Il s'agit du constat des écarts relatifs aux données chiffrées
contenues dans la balance générale annuelle des comptables principaux du
trésor d'une part et celles figurant dans la loi de règlement d'autre part (ce qui
permet de s'interroger sur la fiabilité de cette dernière). L'ensemble de la loi du
23 avril 2003 précise que la compétence de la juridiction des comptes s'étend à
la fois sur les comptables patents que sur des personnes qui ont été déclarées
comptables de fait. Aussi, elle définit le comptable patent602 ou comptable
public603comme toute personne régulièrement préposée aux comptes et chargée
du maniement des deniers ou valeur de la comptabilité matière.

Sont comptables de fait, toute personne qui n'ayant pas la qualité de


comptable ou n'agissant pas en cette qualité, s'ingère dans les opérations de
recettes et de dépenses de maniement des valeurs de deniers publics, ceux
réglementés ou non réglementés, ainsi que ceux des établissements publics et
des entreprises du secteur public et parapublic 604. Est également comptable de
fait, toute personne qui n'ayant pas la qualité de comptable matières, s'immisce
dans les opérations de recettes de garde et d'affectation des matières
appartenant à une personne morale de droit public ou de droit privé dans
laquelle l'Etat détient au moins 20% du capital605.

Loïc Philip606 procède à une énumération des critères de la gestion de


fait. Pour qu'il y ait gestion de fait, il faut un maniement, qu'il porte sur des

602
L’article 5 alinéa 1 de la loi du 23 avril 2003.
603
Sont comptables publics, les comptables du trésor, les comptables des domaines, les
receveurs municipaux dans la mesure où les recettes municipales sont gérées par des personnes
autres que les comptables du trésor, les comptables matières et tous ceux désignés comme tels
par les dispositions législatives ou réglementaires particulières.
604
MAGNET (J.), la gestion de fait des deniers publics locaux, op. cit., p. 26.
605
V. loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des CTD.
606
Philip (L.), Finances Publiques, op. cit.
178
deniers publics ou des deniers privés réglementés607, que la manutention soit
dépourvue d'autorisation régulière. Il précise que le maniement sans
autorisation des deniers publics ou assimilés peut avoir deux origines :
l'ingérence dans le recouvrement des recettes publiques et l'extraction régulière
de fonds et l'extraction irrégulière de fonds ou valeurs de caisses publiques. La
perception sans habilitation de recettes publiques est constitutive de gestion de
fait quelles que soient ces recettes (impôts, droits et taxes fiscales). L'extraction
régulière des fonds ou valeurs de caisses publiques se fait par des dépenses
apparentes viciées par le défaut de dette ou de créancier véritable. Les simples
erreurs d'imputation sans dissimulation de l'objet des dépenses ne donnent pas
origine à la gestion de fait. En France, d'après la loi du 31 décembre 1954 qui
punit d'amende les détenteurs irréguliers de deniers publics ou assimilés à
l'égard des manutenteurs expressément dépositaires des fonds ou valeurs dont
ils ignoraient, ne peuvent être déclarés comptables de fait. Sont comptables de
fait les manutenteurs irréguliers des seuls deniers publics c'est-à-dire des fonds
ou des valeurs dont les organismes publics sont propriétaires, auxquels sont
assimilés les deniers publics réglementés608. Des fonds ou valeurs dont les
organismes publics sont simplement dépositaires des comptables de fait
équivalent au défaut d’habilitation au maniement des deniers publics ou
habilitations insuffisantes.

In fine, toute autre personne que les comptables publics ou les agents
opérant sous le contrôle et pour le compte des comptables publics qui s'ingère
dans le maniement des deniers publics ou deniers réglementés est comptable de
fait quelque soient les autres fonctions publiques qu'elle exerce. Les
agissements consécutifs de gestion de fait rendent leurs auteurs comptables et
comme tel, virtuellement justiciables du juge des comptes, auquel il incombe de

607
Il n'y a de gestion de fait qu'en denier public.
608
MAGNET (J.), la gestion de fait des deniers publics locaux, op. cit., p. 27.
179
veiller à la régularisation de leurs opérations et de sanctionner leur
responsabilité. Le juge des comptes s’est prononcé sur la qualité de comptable
de fait dans l’affaire commune Biwong bulu.

La juridiction des comptes est saisie d’office, de plein droit, par le


dépôt obligatoire du compte de gestion au plus tard dans les 03 mois qui
suivent la clôture de l’exercice budgétaire ; sinon elle prononcera des amendes
pour retard dans la production des comptes609. Elle agit comme un «procurator
caesaris chargé de la défense de l'ordre public budgétaire »610.La production
du compte est une obligation d'ordre public, une charge de fonction qui pèse sur
les comptables publics en général et locaux en particulier611. En France, elle
s'impose en cas de décès aux héritiers. Les comptables sont tenus de produire
leurs comptes dans les délais fixés, appuyés de pièces justificatives.

Les ordonnateurs des organismes publics ne peuvent dispenser leurs


comptables de rendre leurs comptes, ni transiger avec eux. C'est dire qu'aucun
comptable n'est susceptible d'échapper aussi bien au contrôle qu'au jugement
des comptes612, qu'il tient à une éventuelle condamnation en cas de
malversation. Elle s'accorde avec la Déclaration des Droits de L'homme et du
Citoyen de 1789 « la société a le droit de demander compte à tout agent public
de son administration»613. Aussi, compte doit être rendu par les agents à la
Chambre des comptes qui, en jouant son rôle pédagogique, adresse des
injonctions fermes et des injonctions pour l'avenir aux comptables.

609
Puisque son intervention ne dépend pas de la réclamation d'une partie, elle est appelée à
déterminer elle-même les mesures d'instructions à décider, les irrégularités dont les opérations
sont entachées, à exiger les compléments d'informations par voie d'injonction.
610
Cf., LA LUMIERE (P.), Les finances publiques, Paris, Armand Colin, 8e éd., 1986.
611
Elle n'est pas la conséquence d'une contestation entre le comptable et la Collectivité
publique. Elle doit être exécutée automatiquement.
612
Cf., Rapport 2007 de la Chambre des comptes de la CS, p. 20.
613
Article 15 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789.
180
b- Les moyens de contrôle : le contrôle sur pièces et le
contrôle sur place
Le contrôle sur pièce est le contrôle effectué avec les pièces fournies par
le justiciable. C'est un emprunt à la technique de contrôle des contribuables en
matière fiscale. Cette technique se distingue du contrôle sur chiffre. La
production des comptes sur chiffre est l'une des causes du déclin de la
juridiction des comptes pendant la période post-indépendance. Les pièces
justificatives sont donc des éléments très importants pour le jugement d'un
compte ou le contrôle par l'Assemblée nationale de l'exécution de la loi de
finance. Toutefois il n'est pas la seule technique aussi nécessaire ; le contrôle
sur place vient compléter ses lacunes.

Conformément à l'article 8 de la loi de 2003, le contrôle et le jugement


de la Chambre porte sur les comptes et documents annexes des comptables
publics patents des différentes personnes morales publiques ou privées sus
évoquée. Le caractère matériel de la compétence est affirmé en ce que la
juridiction des comptes juge les comptes et non les comptables. Son contrôle
porte plutôt sur un « objet» et non sur un «sujet». En d'autres termes, la
compétence de la juridiction des comptes ne s'attache pas aux personnes, mais à
une activité : le maniement des deniers publics. La juridiction des comptes doit
fonder son jugement sur les seuls éléments qui se trouvent rapportés au compte.
Elle ne se prononce sur la responsabilité du comptable que d'après les
constatations et appréciations objectives de l'examen du compte. Le juge des
comptes n'est pas le juge du comportement des comptables, il ne se fie qu'aux
éléments fournis par le compte et à l'appui de celui-ci.

Le contrôle sur place est un contrôle exercé sur les lieux par les
délégations choisies à cet effet par la juridiction des comptes suivant la section
compétente ou par la Commission des Finances et du Budget.

181
La juridiction des comptes use avant tout de ses pouvoirs d'enquête dans
l'exercice de son contrôle sur les comptes publics. Elle peut manquer d'en tirer
parti pour assurer dans les meilleures des conditions, ses attributions
juridictionnelles614. Au-delà du fait qu'ils aient des techniques similaires, la
juridiction des comptes entretient avec le parlement des rapports de
coopération.

B)- L’objectif du contrôle


L’objectif du contrôle est de constater les irrégularités afin d’éviter les
hémorragies financières, elle porte sur les choix de gestion d’une Collectivité
qui, résultent des délibérations prises en assemblée délibérante de cette
Collectivité. Le mécanisme se doit donc de protéger les deniers publics locaux
partie intégrante des deniers nationaux tout en protégeant les gestionnaires.

1- La protection des deniers publics locaux


M. Bertrand HUBY déclare : «la règle du double arrêt qui paraît simple
dans son principe (une décision provisoire assimilable à une simple mesure
d'instruction précède une décision définitive faisant grief et ouvrant le délai
d'appel ou de cassation) apparaît redoutablement complexe dans sa
concrétisation avec ses successions de décisions (jusqu'à 5 ou plus), chacune
des décisions contenant des dispositions définitives et des dispositions
provisoires dans le même acte »615. A cette complexité, l’on rajoute le temps
parfois très long qui s'écoule entre chaque décision provisoire du fait des
décisions supplémentaires octroyées au comptable mis en cause et les
complications liées au changement de comptables en poste ; on aboutit à un
mécanisme lourd et particulièrement compliqué.

614
FABRE (F.), Les Grands Arrêts De La Jurisprudence Financière, 2e éd., Paris, Sirey, 1983,
p. 473.
615
HUBY (B.), La contradiction devant la juridiction des comptes, PUAM, 2001, 473 p.
182
Elle s’applique également au comptable de fait, la gestion de fait est
soumise aux règles juridictionnelles et entraîne la même obligation et
responsabilité que la gestion régulière. La gestion de fait soustrait les
opérations qui en sont l'objet aux formes budgétaires et comptables instituées
pour la protection des deniers publics616. L'action de gestion de fait vise le
rétablissement des formes budgétaires et comptables, de façon à remettre les
choses à l'état où elles auraient dues être si ces formes avaient été observées, et
à sanctionner les comptables de fait en raison des opérations non
régularisées617. L’action en déclaration de gestion de fait n'est ni une
assignation en responsabilité civile, ni une accusation pénale. Elle a pour seule
fin d'assujettir les comptables de faits reconnus comme tels à la juridiction des
comptes, aux obligations et à la responsabilité des comptables ; lesquelles sont
régies non par le droit civil mais par le droit public. La répression qui peut en
découler est une suite facultative du juge des comptes618.

Les agissements constitutives de gestion de fait dont la connaissance


appartient à la juridiction des comptes sont découverts soit par l'administration,
soit par un audit interne ou externe, ou encore par une mission d'audit de
l'institution supérieure de contrôle des finances publiques.

Lors des cas de découverte des comptabilités de fait, la Chambre des


comptes statue sur les conclusions du ministère public sur l'acte introductif
d'instance. Elle doit rendre un arrêt de non-lieu si son examen n'aboutit pas à
une déclaration de comptabilité de fait. Si l’institution fait apparaître des actes
susceptibles de constituer des irrégularités comptables, le magistrat rapporteur
doit demander le séquestre des biens du comptable de fait. Le séquestre est

616
Ibid.
617
MAGNET (J.), La gestion de fait des deniers publics locaux, Paris, LGDJ, 2000, p. 113.
618
Insertion de la jurisprudence.
183
décidé par la formation de jugement. Il est administré et liquidé dans les
conditions prévues par la loi.

La Chambre des comptes déclare d'abord la comptabilité de fait par arrêt


provisoire. Ce dernier enjoint le comptable de produire son compte. Il lui est
imparti un délai de 03 mois pour répondre à l'arrêté. Elle mentionne à cet effet
qu'en l'absence de réponse dans les délais impartis, elle passera outre et statuera
directement au fond. Un arrêt de la Chambre confirme la déclaration de
comptabilité de fait. En cas de contestations de l'arrêt provisoire par le
comptable de fait, la Chambre des comptes de la Cour suprême examine les
moyens invoqués619. Lorsqu'elle maintient à titre définitif la déclaration de
comptabilité de fait, elle réitère l'injonction de rendre compte dans un délai de
03 mois620. Et si elle ne maintient pas cette déclaration, un arrêt de non-lieu est
rendu. Si plusieurs personnes ont participé en même temps à une comptabilité
de fait, elles sont déclarées conjointement et solidairement comptables de fait et
ne produisent qu'un compte en fonction des opérations auxquelles chacune
d'elles a pris part.

2- La protection du comptable public local : le contradictoire


Compte tenu de l'originalité du procès financier tenant à l'automaticité
de la saisine ou de la faculté de se saisir d'office qui caractérise l'engagement de
l'action, il importe d'assurer au défenseur qu'est le comptable public, un degré
de contradiction suffisant pour qu'il puisse apporter tous les éléments
d'explication à sa décharge et contribuer ainsi à l'établissement de la vérité.
Face à lui, le demandeur très particulier qu'est le juge des comptes, possède une
force sans commune mesure avec celle de son justiciable défenseur du fait de sa
position de quasi juge et partie. Le jugement des comptes apparaît aux yeux de

619
HUBY (B.), la contradiction devant … op. cit., 473 p.
620
Ibid.
184
beaucoup, en particulier à ceux de ses justiciables (comptables patents ou
gestionnaires de fait) comme complexe et obscur621. Il est donc indispensable
pour eux de pouvoir recevoir mais également de donner les informations au
cours de l'instance où ils ont été appelés.

Le principe du contradictoire se traduit par le ou les échanges des


arguments des comptables au moyen d’un débat contradictoire. Ce principe est
adapté aussi bien en ce qui concerne le jugement des comptables patents que
celui des comptables de fait. La description des modalités d'application de la
règle du double arrêt permet d'en apprécier tout l'intérêt pour la protection des
droits du comptable public local.

Le juge des comptes statue d'abord à titre provisoire puis à titre définitif,
toutes injonctions devant clairement indiquer les motifs de fait et de droit sur
lesquels elles sont fondées. L'arrêt ou le jugement provisoire informe le
comptable des charges retenues à son encontre et lui accorde un délai d'un
mois622. Les dispositions prises par arrêt ou par jugement provisoire ne
deviennent définitives et exécutoires que pour autant qu’elles soient confirmées
par un deuxième arrêt ou jugement, rendu après l'expiration du délai de réponse
accordé au comptable. Le législateur camerounais n'a pas explicitement défini
la règle du double arrêt. Toutefois, les différents rapports de la Chambre des
comptes, et le code de procédure interne de ladite Chambre définissent la
notion d'arrêt provisoire comme celui que la Chambre rend sur le même
objet623.

La règle du double arrêt a pour but de protéger les droits de la défense


du comptable. Ainsi, les charges prononcées par un arrêt provisoire ne sont pas

621
MAGNET (J.), La gestion de fait des deniers publics locaux, op. cit., p. 115.
622
Code de procédure interne de la juridiction des comptes du Cameroun, Inédit.
623
Ibid.
185
exécutoires, «elles ne s'auraient faire grief au comptable puisque c’est pour
lui permettre de contredire qu’elles ont été formulées à titre provisoire et que
le juge des comptes peut ne pas les confirmer»624. Les reproches qui n'auraient
pas été soumis à discussion par un arrêt ou jugement provisoire ne peuvent être
avancés pour la première fois à l'appui d'un arrêt ou d'un jugement définitif.

Mais s’ils ont été omis dans un premier jugement provisoire et énoncé
dans un second, ils peuvent régulièrement fonder le jugement définitif. N'étant
pas exécutoires, les dispositions provisoires ne peuvent faire l’objet d’un
recours en cassation625. Seules les décisions définitives emportent des
conséquences de droit commun. Les injonctions prononcées après un jugement
provisoire tendent à obtenir du comptable qu’il produise une pièce manquante,
fournisse des explications, des justifications complémentaires ou enfin
régularise sa situation par le comblement d’un déficit de caisse.

La contradiction par l’office du juge des comptes est garantie dans les
mesures d'instruction et par l’obligation de communication.
Le magistrat rapporteur est soumis à l’obligation d’effectuer un certain
nombre d’exigences avant de démarrer l'instruction. En effet, le juge des
comptes est saisi des opérations qu'il doit contrôler par la présentation des
comptes qui les relatent, appuyés des pièces qui les justifient. Mais la
production de ses comptes par le comptable local est réglementée. Elle suppose
la rationalisation de la mise en état d'examen. Cette procédure qui a déjà été
présentée explicitement plus haut permet de vérifier que le compte est
matériellement établi en la forme régulière et qu'il est accompagné des pièces
justificatives essentielles.

624
HUBY (B.), la contradiction devant… op. cit., 473 p.
625
Code de procédure interne de la juridiction des comptes du Cameroun, Inédit.
186
La mission du juge des comptes étant d'ordre public, la réédition des
comptes de deniers publics n'est pas laissée à l'initiative d'une assignation ou
d'une requête. Elle a lieu d'office. Il s'en suit que la procédure est inquisitoire et
le juge procède à toutes les vérifications relatives à la réalité et à la régularité
des opérations dont il est saisi. Le déroulement de la procédure du contrôle
juridictionnel devant la juridiction des comptes comprend deux phases bien
distinctes. D'une part l'élaboration du rapport confié à un magistrat rapporteur
et sa discussion, d'autre part suivie de la prise de la décision, qui offre la
garantie d'un délibéré collégial.

La désignation d'un rapporteur confère à celui qui est investi de cette


mission le droit de la mener à bonne fin, sans être dépossédé contre son gré. La
désignation de plusieurs co-rapporteurs pour un même contrôle se justifie
parfois par la taille de l'organisme ou l'importance de la mission. L'activité du
magistrat rapporteur comporte, en tant que de besoin, toutes demandes de
renseignement, enquêtes ou expertises. Le rapporteur est donc amené, au cours
de l'instruction, à correspondre avec le comptable, pour lui demander des
renseignements ou des justifications complémentaires. Ces questionnaires sont
indispensables pour éviter de surcharger les jugements provisoires ; mais ils ne
constituent pas un acte officiel de la procédure. Le pouvoir d'appréciation du
magistrat instructeur sur la nécessité des mesures d'instruction qui ne sont pas
totales. Les garanties procédurales dont dispose le magistrat rapporteur
devraient lui permettre de conduire son instruction en provoquant le débat
contradictoire avec son justiciable. Cependant, conscient des limites des
pouvoirs d'instruction des magistrats-instructeurs en cas de mauvaise volonté de
la part de leurs justiciables, le juge des comptes a été doté d'un pouvoir
d'investigation qui lui est propre : le droit de communication.

187
L'obligation de communication du juge des comptes, permet au
magistrat des comptes d'obtenir auprès des différentes entreprises dont les
comptes des comptables sont contrôlés, le droit d'avoir tous les documents de
quelque nature que ce soit, lui permettant d'accomplir sa tâche. Le droit de
communication est également un principe fiscal. Il permet aux agents de
l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts,
d'avoir des documents et renseignements mentionnés dans le code général des
impôts. L'obligation de communication est soumise aux comptables ou aux
interlocuteurs626 (responsables ou agents des organismes vérifiés et agents de
l'Etat dans la circonscription concernée).

Le droit de communication est une mesure d'instruction à l'entière


initiative du rapporteur. Il peut être exercé par les magistrats pour les besoins
des enquêtes qu'ils effectuent, dans le cadre de leurs attributions. C'est un
moyen d'investigation dont dispose le magistrat, partie intégrante de
l'instruction, son exercice par le rapporteur n'est soumis à aucune médiation. Sa
mise en œuvre doit toujours être faite par un magistrat en son nom propre627. Ce
droit est constitué par l'ensemble des droits dont dispose le rapporteur dans le
cadre des vérifications qui lui sont confiées, notamment celui de prendre
connaissance au besoin des copies de documents tenus par les tiers (entreprises
et organismes en question). D'après Bertrand HUBY, « le droit de
communication s'exerce de façon passive. Il consiste à réunir des informations
sans en faire l'analyse ou le commentaire. Il se résume en un relevé passif
d'écritures»628. Au total, dans le cadre du contrôle juridictionnel, le magistrat
des comptes dispose des moyens pour mener à bien le principe du
contradictoire devant la juridiction des comptes au Cameroun.

626
NGUECHE (S.), La juridiction des comptes au Cameroun, mémoire de DEA, Université de
Yaoundé II, 2008/2009, p. 42.
627
Ibid., p. 43.
628
HUBY (B.), La contradiction devant… op. cit.
188
Une procédure écrite, à condition qu'elle soit systématiquement et
précisément conduite, doit être regardée comme une garantie suffisante de la
contradiction. Le caractère essentiellement écrit de la procédure de la
juridiction des comptes au Cameroun conduit à une systématisation de la règle
du double arrêt ; seul système permettant en l'absence de tout débat oral à la
défense de s'exprimer et au juge de répondre par décision motivée. Elle justifie
l'activité première de la juridiction qu’est le jugement des comptes. Elle
nécessite l'analyse profonde des tableaux de chiffres et de pièces justificatives
de dépenses et de recettes.

c)- L’objet du contrôle : assurer le respect de la règle de droit


Comme l’explique Jean BENOIT, « le principe de libre administration
ne signifie pas libre gouvernement ni libre législation »629. Pour cet auteur les
autorités locales ne peuvent donc rendre que des actes administratifs,
réglementaires ou non c’est-à-dire des actes d’applications, des règles compte
tenu des circonstances de fait qui font l’objet d’un contrôle spécifique de la
motivation par le juge. Le pouvoir des autorités locales est ainsi
fondamentalement un pouvoir d’appréciation630. Cependant le pouvoir de fixer
les règles qui gouvernent cette appréciation, autrement dit les conditions de
légalité des décisions qu’elles prennent à l’égard de leurs administrés ou leur
personnel ne leur appartiennent pas. Le contrôle de légalité et le respect de
l’ordre juridique prennent donc tout leur sens dans un Etat de droit. Le
législateur camerounais ne s’en est point écarté. Il a emprunté ce sentier tout en
attribuant aux CTD la libre administration de leur patrimoine.

629
BENOIT (J.), « La liberté d’administration locale », RFDA, n° 22, p. 1069.
630
HOUSER (M.), Intervention de l’Etat et coopération entre Communes, Paris, Harmattan,
20O9.
189
1- le respect de l’ordre juridique et recherche d’une
transparence financière
Il s’agit ici de démontrer la construction décentralisée unie de l’Etat
camerounais et par conséquent de l’ordre juridique.

Cette partie de la réflexion permet de comprendre que la transparence


financière a un double intérêt d’une part, elle permet aux citoyens d’apprécier
la gestion locale et d’autre part elle conduit les décideurs publics à appuyer
leurs gestions sur les indicateurs financiers dans une optique de bonne
gouvernance financière et économique normative défini par le Pr
MARCOU comme « la façon dont est exercé un pouvoir légitime en interaction
avec les différentes composantes de la société et pour le bien commun»631.

Pour Jean Bertrand MATTRET, « Il s’agit de dépasser l’obligation


règlementaire qui consiste à faire précéder la note du budget local d’un débat
d’orientation budgétaire pour en faire un instrument de gestion financière à
caractère annuel »632. Le budget apparaît pour les Collectivités comme un
instrument de transparence et doit être respecté.

Au-delà du budget, la comptabilité locale tend à améliorer la


transparence : elle « doit pouvoir donner une image fidèle du patrimoine
municipal, répondre aux principes de régularité, de prudence, de sincérité et de
permanence des méthodes qui servent de supports à l’information
comptable »633.

631
MARCEAU (A.), La démocratie locale à la recherche d’un nouveau souffle, Paris,
Harmattan, 2013, p.195.
632
MATTRET (U.-B.), La pratique relative aux débats d’orientation budgétaire, éd. CNRS
annuaire des Collectivités locales, 2008, p. 87.
633
KLOKNER (Ch.), La réforme comptable communale : pour une nouvelle approche de la
démocratie . Démocratie et management local, Actes, 4ème Rencontre, RIGAL (J-J), SCHIMIT,
éd., Dalloz, 2001, p. 364.
190
Les textes justifient l'existence d'une faculté de statuer au profit des
organes locaux, les auteurs la reconnaissent634, mais divergent sur son
appréciation et particulièrement sur sa place dans la hiérarchie des normes.

Si les organes centraux et les organes locaux disposent d'une faculté


d’ordonner, l'on voit bien, que ceci est susceptible de venir contester l'unicité de
la norme dans le niveau hiérarchique concerné. En effet, pour Ch.
EISENMANN la décentralisation pure et parfaite ou la décentralisation
imparfaite correspondent à la situation dans laquelle « la suprématie appartient
en définitive aux organes non centraux »635. La thèse de Michel BOURJOL
relative à l’autonomie du pouvoir réglementaire local correspond à ce que
Charles EISENMANN présentait comme la décentralisation.

L'autonomie selon BOURJOL c'est l'absence de subordination du


règlement local au règlement national dans la mesure où ils s'expriment à
l'intérieur de deux personnes juridiques différentes d'une part et ils s'excluent
l'un de l'autre en vertu des dispositions constitutionnelles qui font du pouvoir
réglementaire local, en vertu de l'article 55 de la constitution, une exception au
pouvoir réglementaire étatique de l'article 21 d'autre part.

La thèse de BOURJOL et celle d’EISENMANN ne semblent pas


pouvoir être admises car elles méconnaissent fondamentalement le principe de
la hiérarchie des normes juridiques qui se traduit par l'existence d'une norme
unique par niveau dans la hiérarchie des normes. Pour maintenir cette unicité de
la norme, la solution consiste à instituer une faculté d'empêcher traduite par le
contrôle au profit de l’Etat qui participera au processus normatif de la norme
locale garantissant ainsi l'unicité de la norme.

634
Le fait qu'elle soit un objet d'études et de controverses le démontre et particulièrement la
thèse de B. FAURE qui se consacre exclusivement à l'examen du pouvoir réglementaire des
Collectivités locales, Université de Pau et des Pays de l'Adour 1992.
635
EISENMANN (Ch.), Centralisation - Décentralisation, op.cit., pp. 86-87.
191
En effet, la remise à l’institution centrale de la « faculté d'empêcher »
s'exerçant sur la « faculté de statuer » des CTD constitue la garantie minimale
de l'unicité de la règle.
On ne saurait envisager en effet, dans un Etat deux normes d'autorité
égale sans remettre en cause la notion même d'Etat. En effet, l'Etat exprime
l'idée d'une puissance sans limite qui dans un Etat de droit est traduite par la
norme juridique. Emettre l'idée que la puissance étatique puisse venir s'échouer
sur une puissance locale, c'est remettre en cause l'unité de l'Etat.

Manifestement le droit positif ne traduit pas une telle autorité, une telle
puissance locale. En effet en dernière analyse, les normes locales qu'il s'agisse
de lois ou de règlements sont suspendues à leur admission, leur reconnaissance
en qualité de normes par un juge.

Avant cette intervention, leur caractère normatif lié à leur


constitutionnalité ou à leur légalité n'est que présumé, ce qui justifie qu'elles ne
disposent pas d'une autorité incontestable. Avant cette intervention, elles ne
sont que choses légiférées ou décidées et comme telles sujettes à annulation,
traduisant ainsi en France la possibilité de résister à l'oppression reconnue par
l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme du 26 août 1789.

C'est finalement cette intervention qui va leur conférer une autorité


incontestable. Or, cette intervention est toujours en dernière analyse
l'expression d'un organe central qui sera le plus souvent un juge soit
constitutionnel, soit administratif et ainsi si la norme consacrée est la norme
locale, elle perd cet aspect pour devenir norme du système juridique.

Cette intervention d'un juge dans le processus normatif est loin d'être
admise, bien que cette décision juridictionnelle dise la norme applicable,

192
confirmant ainsi qu'à chaque niveau de la hiérarchie des normes n’existe qu'une
norme.

Le juge a trop souvent été écarté de la théorie de la séparation des


pouvoirs en raison de cette phrase de MONTESQUIEU selon laquelle la
puissance « de juger, est en quelque façon, nulle »636. Cela tient aussi à ce que,
jusqu'à présent, la pratique camerounaise comme celle française a (...) retenu
une lecture partielle de la pensée de MONTESQUIEU et de la doctrine de la
séparation des pouvoirs, faisant de la séparation un principe opposé au juge et
non un principe de la garantie des droits par le juge.

Lorsque MONTESQUIEU distingue les deux facultés, il montre bien


qu'elles ne peuvent être envisagées séparément, puisqu'il affirme qu'elles
forment naturellement un état de repos et que donc seule leur utilisation dans un
but commun donnera naissance au mouvement. La distinction des deux facultés
ne produit donc pas une séparation, une division à proprement parler puisque le
pouvoir est la résultante de leur action réciproque. Il est à l'intersection de leur
mouvement.

Léon DUGUIT avait montré par ailleurs que la souveraineté que l'on
présente comme indivisible exclut que l'on envisage la séparation des
pouvoirs637 sauf à considérer que cette séparation ne met pas en cause l'unité et
l'indivisibilité de la souveraineté dans le cadre d'un « mystère de la trinité
politique calqué sur le mystère de la trinité divine »638, c'est-à-dire en
rétablissant l'unité du pouvoir.

636
MONTESQUIEU, De l'esprit des lois (1748), tome I, Paris, Garnier Flammarion, 1979,
p. 298.
637
DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, t. II, Paris, Boccard, 1927, p. 27.
638
Ibid.
193
Charles EISENMANN à propos de la semi-décentralisation ne dit pas
autre chose, lorsqu'il considère que cette solution du problème de la
centralisation - décentralisation constitue une « indivision » du pouvoir entre
deux organes dans la mesure où « aucun des deux ne peut imposer sa volonté à
l'autre, sans l'autre ou contre lui »639.
L'appartenance de la faculté d'empêcher au pouvoir normatif a été
contestée en matière législative comme dans le domaine de la centralisation-
décentralisation où pourtant, l'approbation et l'autorisation ont été présentées
par M. HAURIOU comme « un simple je n'empêche »640, alors que M.
WALINE évoquait à propos des annulations prononcées par les autorités
faisant partie de l'administration active l’idée de « juste retenue »641

2- Le contrôle de légalité et la libre administration


Tout en reconnaissant l’existence des Collectivités territoriales
décentralisées conduites par des assemblées élues dotées de compétences
propres et s’administrant librement, la loi fondamentale pose le principe d’un
contrôle à leur égard. En dépit d’une organisation résolument décentralisée, le
caractère unitaire et la prééminence de l’Etat demeure précisément pour exercer
le contrôle de ces activités. Aussi la notion de contrôle est inhérente au concept
de la libre administration642. L’absence de contrôle conduirait en effet à
identifier ces Collectivités à de véritables entités fédérées. Le contrôle de
légalité constitue l’une des missions dévolues au représentant de l’Etat. Il vise à
encadrer juridiquement l’action publique locale, quand bien même il ne fournit
pas une garantie certaine de solvabilité643. Il veille à cet effet à ce que les

639
EISENMANN (Ch.), Centralisation-décentralisation, Paris, Dalloz, 1948, p. 93.
640
HAURIOU (M.), Précis de DAG et de droit public, Paris, LGDJ, 12eme éd., 1933, p. 266.
641
WALINE ( M.), Droit administratif, Paris, Sirey, 8eme éd., 1958.
642
HOUSER (M), op. cit., p. 94.
643
GUENANT (A.), Analyse financière des …, op. cit., p. 7. Pour des raisons à la fois
d'horizon (le diagnostic demeure annuel alors que la gestion de la dette devient pluriannuelle) et
194
décisions administratives et budgétaires prises par les Collectivités locales
soient conformes à la règle de droit et compatibles avec les intérêts généraux de
l’Etat.
In fine la finalité du contrôle est par conséquent d’assurer le respect de
la loi par les Collectivités locales. Cette règle de droit est dans un Etat unitaire
la condition de l’Etat de droit au plan local. La conformité juridique des actes
se décline sur le plan organique (la forme) et matériel (le fond). Sur le plan
organique, l’acte doit être édité par l’autorité compétente conformément aux
procédures en vigueur. Sur le plan matériel, l’ensemble des dispositions
constitutionnelles, législatives et règlementaires nationales ainsi que le droit
communautaire et le droit international, forme le bloc de la légalité dont la
teneur s’impose aux Collectivités. Par ailleurs les actes considérés ne doivent
pas être contraires aux intérêts nationaux définis par la politique
gouvernementale.

La « libre administration » des Collectivités territoriales demeure


soumise à un contrôle qui même exercé a posteriori peut entraîner l’annulation
de certains actes ou leur mise en conformité avec la réglementation.

Ce mode de contrôle apparaît parfaitement conforme à la logique de la


décentralisation. En effet, sans constituer un frein à la liberté d'action des
Collectivités territoriales, il satisfait malgré tout aux exigences qui sont celles
d'un Etat de droit. Il s’agit d'une forme de contrôle-vérification644 qui, si elle
peut parfois apparaître en contradiction avec les nécessités d'une gestion
dynamique, se trouve en revanche conforme aux exigences d’une société
démocratique.

le champ (Le contrôle reste limité au budget alors que les engagements hors budget se
multiplient.
644
YAMAMOTO HIRONORI, Les outils du contrôle parlementaire : étude comparative
portant sur 88 parlementaires, l’Union interparlementaire, 2007, p. 21.
195
3- L’évaluation de la gestion financière, un outil de contrôle

L’évaluation de la gestion financière d’une Collectivité locale implique


d'abord la réalisation d’une analyse financière qui peut être intégrée dans un
audit plus large. Par ailleurs, une pratique, utilisée de longue date par les
sociétés privées émettrices de valeurs mobilières, se développe aujourd'hui du
côté des grandes Collectivités territoriales : il s’agit de la notation qualifiée
encore de « rating ».
L’analyse financière645constitue un instrument de mesure et de gestion
prospective de l’action locale. Elle vise d’abord à établir un bilan financier de
celle-ci permettant de dégager les points faibles, les potentialités, les erreurs
commises, pour, sur la base de ce constat, prévoir de nouvelles politiques
d’équipement. L’analyse est donc d’abord rétrospective puis prospective. Elle
consiste à dégager un certain nombre de données à partir des dépenses et des
recettes réelles des comptes administratifs des cinq ou six derniers exercices
ainsi que du compte de gestion, et à établir un diagnostic qui fait apparaître les
faiblesses et les potentialités de la Collectivité646. Sur la base de ce diagnostic
on peut, ensuite, être conduit à une analyse prospective et proposer un certain
nombre de scénarii pour les deux à cinq ans à venir, sachant qu’il est difficile
d’être assuré de l’exactitude absolue des prévisions, plus l’on s’éloigne dans la
durée, et tant le milieu au sein duquel évoluent les Collectivités territoriales
peut être fluctuant. L’information en résultant est un utile moyen d’aide à la
décision des responsables locaux notamment lorsqu’ils veulent définir une
stratégie.

Paragraphe II : Un contrôle exagéré

645
MATTRET (J.-B.), L'analyse financière des Communes, Paris, LGDJ, coll. « Systèmes », 3e
éd., 2009, GUENGANT (A.), Analyse financière des Communes, Economica, 1998.
646
NZE BEKALE (L.), Introduction aux finances des Collectivités territoriales d'Afrique,
op. cit., p. 130 et ss.
196
Le contrôle de gestion est souvent considéré comme un contrôle
d’opportunité, le contrôle de la Chambre des comptes saisi par le Préfet se
présentait comme une dérive, patrice GELARD et Jean-Patrick COURTOIS
affirment justement dans ce sens que la Chambre des comptes « exerce trop
souvent un véritable contrôle d’opportunité sur les décisions prises par des
assemblées élues au suffrage universel »647, c’est une position qui n’est
cependant pas partagée par une autre partie de la doctrine, il n’y a aucune
dérive vers des jugements d’opportunité de la part de la Chambre des comptes.
« Elles ont seulement le souci … que les Collectivités locales respectent un
certain nombre de grands principes républicains de la gestion publique : la
transparence, la régularité et l’équilibre des opérations. C’est tout mais cela
suffit peut être à heurter certains »648. A notre avis, l’exagération du contrôle
externe ne viendrait pas de celui exercé par la Chambre des comptes mais de
l’opportunité du contrôle exercé par le Préfet ou le Gouverneur.

A)- Les défauts du contrôle


Le contrôle exercé par l’Etat, est certes nécessaire, mais il perd toute
son importance lorsqu’il est omniprésent dans le parcours des décisions prises
par les autorités locales.

1- Le contrôle d’opportunité du Préfet et du Gouverneur


Si le contrôle de conformité à la loi apparaît être l’objectif de la
décentralisation, le contrôle de conformité aux intérêts nationaux semble bien
davantage empreint d’opportunité. L’interprétation de la notion d’intérêt
national n’est pas sans incidence sur la portée du contrôle. La réforme de 2004
a promu une conception moins élargie que celle qui prévalait avant 1996. Le

647
WATHELET (J.-C.), Budget comptabilité et contrôle externe des Collectivités territoriales,
Paris, Harmattan, éd. n° 21, p. 45.
648
Ibid., p. 46.
197
dispositif de contrôle institué par la loi de 2004 a conjointement établi un
contrôle administratif (juridiction de légalité) et un contrôle de tutelle a priori
de sorte que le représentant de l’Etat contrairement à ce qui se fait en France
statue en opportunité quant à la conformité des actes locaux.

En France, le contrôle se limite désormais à l’appréciation de la seule


légalité à charge pour le juge administratif, saisi par le Préfet d’un acte estimé
illégal d’en prononcer le cas échéant l’annulation. Dans le 5ème considérant
d’une de ses décisions649, le Conseil constitutionnel toutefois a estimé que ce
mode de contrôle était suffisant pour assurer la sauvegarde des intérêts
nationaux.

Le cheminement du contrôle de légalité pourrait se présenter comme


suit : l’élu, le Préfet, le juge. En effet, l’édiction d’un acte juridique constitue la
marge des pouvoirs de l’élu local. Cependant, cet acte demeure soumis au
contrôle du représentant de l’Etat, chargé d’en apprécier la conformité à la loi et
qui peut, à ce titre, en provoquer l’annulation en saisissant le juge.

L’Etat, jaloux de ses pouvoirs, ne souhaiterait les transmettre en totalité


aux Collectivités décentralisées ; pourtant il est vrai qu’il a échoué dans son
rôle régalien. Il serait donc nécessaire qu’il arbore la tenue de l’Etat
régulateur650. Cette approche paraît être celle du constituant Cameroun qui a
régulé les interventions de l’Etat en accordant une liberté d’administration aux
Collectivités.

Il est manifeste que la décision de substitution du Préfet ne soit pas


automatique651, dès lors que se présente un tel cas. Il y a de sa part appréciation

649
Décision n° 137 DC du 25 Février, 1982.
650
C’est l’Etat qui garantit l’équilibre régional et met en place des mécanismes de péréquation.
Ref. Art. 116 et Art 117 loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 op. cit.
651
Art. 41et art. 42 de la loi portant régime financier des CTD précitée.
198
de l'opportunité d’agir et par conséquent malgré les dispositions de la loi de
2004, compétence discrétionnairement exercée.

On peut même considérer que la jurisprudence du Conseil d’Etat en


matière de responsabilité du fait de la tutelle constituait un « encouragement » à
cette appréciation discrétionnaire de l'opportunité d'exercer le contrôle sur la
Collectivité. En effet alors, seule la faute lourde engage la responsabilité de
l'Etat. Il n'est pas indifférent de rappeler ici que tant dans le rapport
GUICHARD, que dans le rapport AUBERT652 les élus se plaignaient moins de
la tutelle préfectorale marquée d'une empreinte politique que de celle exercée
par les services extérieurs de l'Etat.

Aujourd'hui subsistent des hypothèses où une partie de la doctrine au


regard des dispositions de la loi considère que le Préfet est dans une situation
de compétence liée, notamment celle découlant du constat d’une illégalité à
l’occasion de son contrôle de légalité.

Si effectivement la loi évoque une obligation en disposant que le Préfet


« défère (...) les actes (...) » et donc une compétence liée, elle prévoit tout aussi
clairement une faculté d’appréciation et une compétence discrétionnaire dans la
mesure où ce déféré ne concerne que les actes « qu’il estime contraire à la
légalité »653.

Même lorsque l'organe central est censé exercer à l’encontre de l’organe


local une compétence liée, il dispose de fait d’une compétence discrétionnaire
dans la mesure où c’est lui qui apprécie la réunion des conditions d'existence de
la compétence liée654. Pierre DELVOLVE considère par ailleurs que

652
AUBERT (J.), La réponse des Maires de France, Commission des communes de France
653
BENOIT (F.P.), Encyclopédie, DALLOZ, Collectivités locales, pp. 4542-4570.
654
En matière de dépenses obligatoires la loi du 2 Mars 1982 prévoit que le Préfet sur demande
de la Chambre régionale des Comptes inscrit cette dépense au budget. L'on était en droit de
199
l’opportunité dans le contrôle résulte de la maîtrise « de la norme
appliquée »655.

2- Le parcours des décisions locales

L’intérêt du contrôle est de générer une gestion autonome maîtrisée


et évaluée. Le système comptable local devrait apparaître comme un instrument
de gestion budgétaire et d’évaluation de l’action des gestionnaires non comme
un outil de suivi de l’autorisation budgétaire. Dans ce dernier cas, il apparaît
comme une menace pour la cohérence de l’action publique locale et de devenir
les finances locales. La dimension budgétaire de la comptabilité publique est
spécifique et irréductible.

Le système de la comptabilité publique locale peut-il sans se mettre


en cause continuer à négliger l’impératif d’une réédition de compte financière
et de gestion synthétique complète et transparente et à ne pas donner toute sa
place au concept « efficacité budgétaire »656 au motif que ce dernier peut
conduire à repenser le contrôle de la régularité budgétaire ? « Ainsi la tâche
n’est point de contempler ce que nul n’a encore contemplé mais de méditer

croire et les premiers juges l'ont cru, que le Préfet, dès lors que la Chambre régionale avait
constaté le caractère obligatoire, était tenu d'inscrire la dépense au budget. Le Conseil d'Etat sur
invitation de son Commissaire du Gouvernement qui ne croyait pas que la loi " ait dessaisi le
représentant de l'Etat d'une appréciation finale portant sur le principe même,..." de l'inscription,
considéra que le Préfet avait fait en refusant l'inscription " une exacte application des
dispositions de la loi du 2 mars 1982.
655
« Il n'y a jamais de contrôle de l'opportunité mais il y a toujours de l'opportunité dans le
contrôle ». La décision commentée est l'occasion de vérifier cet aphorisme plein de vérité du
professeur Pierre Delvolvé, Recueil, Dalloz Sirey, numéros 26 à 44, Jurisprudence générale,
Dalloz, 1995. SAVY (Robert), L'épreuve du temps : écrits autour du droit public, 1966-
2006, coll.DPu, Salim, 2007, p 75. Cf. également DELVOLVE (G.), Chose jugée, RDCA;
« Dualité de juridictions et autorité de la chose jugée », RFDA 1990, 1983, IR, p. 239 ;
« L'exécution des décisions de justice contre l'administration », EDCE 1983-1984, p.lll ;
"Existe-t-il un contrôle de l'opportunité ? ... p. 45; « Le contentieux de pleine juridiction à la fin
du XXe siècle », in Etudes en l'honneur de SANDEVOIR (P), Harmattan, 2000.
656
YATTA (F.P.), La décentralisation fiscale en Afrique : enjeux et perspectives, op cit.,
p. 260. Voir aussi, Procédures et gestion budgétaires au niveau des Collectivités locales,
Conseil de l'Europe. Comité directeur sur la démocratie locale et régionale, 2002.
200
comme personne n’a encore médité sur ce que tout le monde a devant les
yeux »657.
Les budgets, les comptabilités et le contrôle des Collectivités locales
relèvent certainement du droit des finances publiques. Ce droit a traduit
progressivement en règle précise les conquêtes de la démocratie représentative
et en est le gardien soucieux.

B)- Proposition pour un meilleur contrôle : le contrôle


systémique
Entendu comme un contrôle qui vise à assurer le pilotage et la
coordination d'ensembles hétérogènes au sein desquels chaque élément ne jouit
que d'une autonomie relative, dans la mesure où il est en relation
d'interdépendance avec les autres. L'hypothèse est donc faite que, pour être
performant et cohérent, un système doit être géré tant au niveau de chacune de
ses composantes que dans la totalité formée par celles-ci.
Une telle nécessité implique des lieux de régulation à chaque niveau du
système et que, par conséquent, soient institués des organes de micro-contrôle
comme de macro-contrôle. On ajoutera que l'un des principes essentiels sur
lequel repose un tel édifice décentralisé est bien sûr le principe de subsidiarité.
Aussi, si l'on considère à la lumière de l'approche systémique les exigences du
contrôle dans un espace national décentralisé et centralisé tel qu'il existe sous la
forme de l'Etat unitaire, c'est la nécessité d'un contrôle intégré, d'une régulation
qui se fait jour, combinant contrôle de gestion et contrôle de régularité.

657
PHILONENKO (A.), Schopenhauer : une philosophie de la tragédie, temps moderne, vrin,
1999, 23 p.
201
Conclusion

La décentralisation ne signifie nullement fin des prérogatives de


l’Etat aux échelons locaux658. Certes l’édiction d’un acte juridique à portée
financière constitue la marque du pouvoir de l’élu local, cet acte demeure
cependant soumis au contrôle du représentant de l’Etat, chargé d’en apprécier la
conformité à la loi et qui peut à ce titre en provoquer l’annulation en saisissant
le juge.
Le contrôle de l’égalité vise donc à encadrer juridiquement l’action
publique locale en veillant à ce que les décisions administrative et budgétaire
soient conformes à la règle de droit compatible avec les intérêts généraux de
l’Etat659.
Aussi, la permanence du contrôle de l’égalité constitue la marque du
caractère unitaire de l’Etat et trace la frontière entre décentralisation et
fédération660. Toutefois, il est défectueux pour les CTD lorsqu’il devient un
contrôle d’opportunité.

658
PAVIA (M.-L.), op. cit., p. 69.
659
Ibid., p. 70.
660
Ibid., p. 75.
202
CONCLUSION DU TITRE I

Paul marie GAUDEMET et Joël MOTINIER affirment que la


décentralisation est purement apparente lorsque la Collectivité locale n’a pas de
liberté financière réelle661. Au regard de ce qui précède, c’est aussi la position
du législateur camerounais. Toutefois, force est de constater que la législation
sur l’Autonomie financière est marquée par un dispositif prudentiel tel que
l’encadrement budgétaire ou la limitation des déficits, limitation des dépenses
ou encore le durcissement des règles d’endettement. Le budget autonome par
Collectivité est la traduction matérielle de la volonté gouvernementale de
confier aux élus locaux la responsabilité de la gestion indépendante de la
Commune ou de la région. En effet, la consolidation de ce principe
d’indépendance est une fonction inverse du degré de maîtrise des finances
locales. C’est à travers le budget que les moyens financiers sont mobilisés pour
assurer le financement des interventions économiques décentralisées. Le
transfert de compétence est tout aussi un des piliers nécessaires à la
construction d’une autonomie financière. « Mais au-delà » de ces évolutions,
l’indivisibilité de la république et le caractère unitaire de l’Etat sont des
principes qui constituent des références fondamentales et marquent la frontière
à ne pas dépasser662.

661
GAUDEMET (P.M.) et MOLINIER (J.), Budget et trésor, 1996, p. 176.
662
ROUX (A.), « Les limites constitutionnelles à une nouvelle évolution de la
décentralisation ». op. cit.
203
TITRE II :
L’ATTRIBUTION AUX CTD PAR L’ETAT
DES POUVOIRS DE GESTION DU
PATRIMOINE FINANCIER LOCAL

204
La loi constitutionnelle du 16 janvier 1996 et la loi de 2004 relative à
l’organisation décentralisée de la république ont marqué la renaissance de la
libre administration des Collectivités et la consécration du principe universel de
l’autonomie financière. Cette refonte des finances locales était cependant
conditionnée par l’action du législateur organique tel que l’énonçait la loi
constitutionnelle de 1996 révisée en 2008663. La loi organique du 29 décembre
2009 prise en application de l’article 55-2 de la constitution et relative à
l’autonomie financière des Collectivités, vient faire aboutir l’action engagée
plutôt. Elle met de ce fait en relief les mécanismes d’application du principe
culminant de la décentralisation, et se traduit alors par la définition du champ
d’action de celle-ci à travers le transfert et la répartition des compétences. Elle
exprime également leur capacité et responsabilité dans les actes
d’administration financière locale et dégage enfin l’enjeu et l’intérêt des
responsables locaux élus par le peuple (chapitre I).

C’est donc à juste titre que, Alain LANZA peut affirmer en France, que
les Collectivités « jouent dans l’Etat un rôle politique de plus en plus important
qui les fait participer directement au fonctionnement du système
constitutionnel. Elles conservent de fait une valeur constitutionnelle par la seule
mention qui en est faite dans les constitutions et alors même que les textes
constitutionnels donnent au législateur ordinaire compétence pour modifier leur
statut, leur étendue géographique et le régime d’administration locale »664, c’est
un schéma plus pu moins similaire au Cameroun. Toutefois, ce lien
constitutionnel, s'explique par le rôle des Collectivités dans la diffusion
territoriale du pouvoir665.

663
Avril 2008.
664
LANZA (A.), L'expression constitutionnelle de l'administration française, Paris, L.G.D.J.,
1984, p. 534.
665
CHEVALLIER (J.) et LOSCHAK (D.), montrent que par la localisation, l'appareil d'Etat
s'assure le contrôle de l'espace social et des contradictions qui y sont inscrites ; La production
205
La constitution aborde les questions juridiques et celles de la vie des
hommes en société en exprimant une crise globale des choses et du monde ou
ce que George BURDEAU666 appelle « une idée de droit » c’est-à-dire une
représentation de l’ordre social désirable. L’intervention du juge conduit à
remplacer les règles juridiques considérées comme arbitraires sous le règne de
la vérité667.

Pour des auteurs comme Maurice Hauriou668, le propre de la


constitution n’est pas de concilier « liberté et autorité ». La constitution est
frappée d’une ambivalence « Constitution janus »669 à double face. Elle pose à
la fois la garantie d’une autonomie et les éléments de sa restriction. En ce sens,
elle revêt au plan local les garanties d’une autonomie à double face. Si
l’élection du Conseil municipal ou régional en constitue une, les meubles et les
enjeux de ce principe restent ambiguës (chapitre II).

du local est donc un processus complexe : d'une part elle est liée à la projection des
contradictions sociales dans l'espace, qui lui donnent son fondement social ; d'autre part, elle est
liée à la fonction propre qui est assignée à l'appareil d'Etat dans la société. Dans tous les cas,
elle ne saurait être envisagée indépendamment du système de régulation étatique, dont elle
constitue un des moyens d'exercice. Par-là, le « local » se révèle inséparable du « national »,
Science administrative, t. 1, L.G.D.J., 1978, p. 319.
666
http://www.priceminister.com/offer/buy/126242570/ecrits-de-droit-constitutionnel-et-de-
science-politique-de-georges-burdeau-livre.html.
667
Mélange en l’honneur de CONAC (G.), Économica, textes rassemblés par Jean-Claude
GOLLARD et Yves JEZOUZO/question constitutionnelle, Dominique rousseau, p. 3.
668
HAURIOU (M.) Droit constitutionnel et institution politique, Paris, Monchrestien, p. 29.
669
Etude de quelques Constitutions janus, Mélanges P.E GONIDEC, Paris, LGDJ, 1985, cité
par KEUTC.
206
CHAPITRE I :
LE TRANSFERT ET LA REPARTITION DES
COMPETENCES

Tout partage de compétences suppose en premier lieu d’arrêter leurs


étendues matérielles et en second lieu un morcellement de nature technique
consistant à opter en faveur d’un mode particulier de fractionnement. C’est une
sorte de division du travail au sens d’Emile DURKHEIM670 entre deux niveaux
d’administration inégaux qui se superposent. D’un côté, c’est un partage des
attributions entre les institutions administratives à caractère central et les
Collectivités infra étatiques. De l’autre, un partage des attributions entre
Collectivités territoriales qui agissent simultanément dans un cadre spatial et
c’est sur ce point que la technique prend toute son ampleur. Elles dépendent
alors de la conception que l’Etat se fait des institutions décentralisées et de leur
rôle dans le champ économique. Les modalités de cette répartition permettent
de définir le type d'organisation mis en œuvre dans tel ou tel cas.

Dans le cadre de cette étude, l’on entend accentuer l’analyse sur l’aspect
vertical de la répartition des compétences entre l’Etat et les Collectivités
territoriales décentralisées et ressortir en quoi elle permet de garantir
l’autonomie des Collectivités (I). En effet, dans cette portion, l’on prend les
pouvoirs décentralisés comme un exemple unique pour les opposer aux
pouvoirs centraux et ce n’est qu’à la suite de cette démonstration qu’il faudra

670
DURKHEIM (E.), De la division du travail social: Etude sur l'organisation des sociétés
supérieures (1893), kessinger publishing, 2010, p. 488.
207
s’appesantir sur les relations inter-Collectivités territoriales, qui sont toutes
aussi importantes671(II).

671
Autonomie financière des Collectivités territoriales peut s’entendre par rapport à l’Etat ou
par rapport aux autres Collectivités territoriales décentralisées.
208
Section I : La répartition verticale des compétences par l’Etat

Tout transfert de compétences de l’Etat en faveur des CTD aussi réduit


soit, suscite l’attention la plus grande. Il n’est pas uniquement un simple
aménagement technique susceptible de solutions variables, loin de là, c’est
aussi une entreprise fondamentale dont la portée est grande et on ne saurait nier
la prépondérance des considérations politiques. Pour certains auteurs, la
répartition des compétences dépend incontestablement du système politique672,
de la place des acteurs périphériques dans le processus décisionnel ainsi que de
leur relation avec les autorités administratives centrales. Tout transfert de
compétence de type vertical a pour conséquence de renforcer les pouvoirs
économiques des acteurs décentralisés tout en privant le pouvoir central de ses
prérogatives dont il est jaloux et peut éventuellement remettre en cause
l’équilibre macro-économique. Jean François BRISSON entend la répartition
verticale des compétences comme le reflet de la volonté d’attribuer certains
domaines au niveau supérieur et d’autres au niveau inférieur 673, elle participe
donc de la détermination du degré de décentralisation d’un ordre juridique.

Ceci se perçoit dès lors que certains de ces normes ne valent que pour
certaines parties du territoire ou qu’il existe une pluralité d’organes de création
des normes674. En effet, le degré de décentralisation d’un ordre juridique est
déterminé grâce au « pouvoir décisionnel». L’intensité du pouvoir décisionnel
d’une entité juridique est la synthèse de trois éléments675 : l’importance des

672
TARICK (Z.), Gestion décentralisée du développement économique …op. cit., p. 144.
673
BRISSON (J.-F.), Les transferts de compétences de l’Etat aux Collectivités locales, Paris,
Harmattan, 2009, p. 91.
674
Ibid., p. 92.
675
Ibid., p. 93.
209
normes éditées, le mode de production de ces normes et leur garantie
d’effectivité676.

Paragraphe I : Les fondements juridiques

La répartition des compétences est un problème épineux. La non


distinction du législateur et du constituant entre répartition et transfert n’est pas
à ignorer (B). Pour la doctrine le dispositif normatif de la répartition des
compétences reflète plutôt une organisation administrative dont la centralisation
est une emprunte persistante677. Le transfert serait-il donc différent ? La loi
constitutionnelle et les lois législatives y relatives apporteront des précisions
nécessaires pour notre démonstration (A).

A)- Le transfert ou la répartition des compétences

Le transfert des compétences entraîne un abandon des compétences678


de l’Etat aux CTD. La répartition quant à elle s’apparente à un partage des
compétences entre ceux-ci. Le constituant camerounais a utilisé le terme
transfert des compétences dans l’art. 52-3 de la loi constitutionnelle de 96 et le
législateur a utilisé les termes transfert et répartition. Que doit-on en entendre ?

1- La Consécration constitutionnelle et législative du transfert


de compétences

Le nombre limité des dispositions constitutionnelles relatives aux


Collectivités territoriales et le caractère assez général de leur formulation ne

676
les garanties sont les différents moyens dont disposent les différentes entités juridiques pour
faire valoir leur domaine de décision et pour rendre effective les normes éditées.
677
V. KOUOMEGNE NOUBISSI (H.), Décentralisation et centralisation au Cameroun : la
répartition des compétences entre l’Etat et les Collectivités locales, l’Harmattan, 2013, 502 p.
678
MAUS (D.) et BOUGRAB (J.), François Luchaire, un républicain au service de la
République, Publication de la Sorbonne, 2005, p. 167.
210
permettaient pas à l'origine de prévoir l'émergence d'un véritable « droit
constitutionnel local ». C’est la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 qui a
précisé, le statut constitutionnel des Collectivités territoriales. Ce statut est
largement dominé par le principe de « libre administration » et celui tout aussi
renaissant de l’autonomie financière qui constitue l’objet de notre analyse679.
Ces orientations trouvent leur fondement dans les arts. 2 et 15 (1) (2) de la loi
de 2004680. De manière générale, les textes parlent de céder681et affecter682c’est-
à-dire un droit d’usage. Bien qu’il nous ait été difficile de trouver une étude
portant sur la définition du terme « compétence »683, celle-ci pourrait être
comprise de manière générale comme « toute aptitude légale, matérielle,
territoriale, temporelle et personnelle dont dispose une autorité pour agir »684.

De nombreux auteurs ont donné une définition peu extensive à ce terme.


Léon DUGUIT a défini la compétence comme « le pouvoir de faire légalement
certains actes »685. George SCELLE la définissait comme « un pouvoir objectif

679
V. notamment L. FAVOREU, Décentralisation et Constitution, Rev. dr. publ. 1982.1259 ;
Les bases constitutionnelles du droit des Collectivités locales, in La nouvelle décentralisation,
sous la direction de F. Moderne, 1983, Sirey ; Libre administration et principes
constitutionnels, in Libre administration des Collectivités territoriales, sous la direction de J.
Moreau et G. Darcy, Economica et Presses universitaires d'Aix-Marseille, 1984, p. 68 ; C.
BACOYANNIS, Le principe constitutionnel de la libre administration des Collectivités
territoriales, thèse, Aix-Marseille III, 1989 ; J. BOURDON, J.-M. PONTIER et J.-C. RICCI,
Droit des Collectivités territoriales, Thémis, PUF, 1987, p. 104 et ss., BOURJOL (M), Juris-
class. Collectivités locales, v. Constitution ; Chr. Houteer, Recherches sur les bases
constitutionnelles de la décentralisation, thèse, Toulouse I, 1987.
680
Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 d’orientation de la décentralisation. « La décentralisation
consiste en un transfert de compétences par l’Etat aux Collectivités territoriales décentralisée de
compétences particulières et de moyens appropriés » et « L’Etat transfert aux Collectivités dans
les conditions fixées par la loi ; celles-ci sont exercées de manière concurrente par l’Etat. Le
transfert induit la cession ou la concession.
681
Art. 9 loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles de communes.
682
Ibid., Art. 10.
683
Le dictionnaire de la culture juridique propose une définition complète de cette notion de
compétence mais elle nous apparaît trop générale pour le thème qui nous intéresse.
684
Lexique de politique, Dalloz, 1992.
685
DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, t. I : théorie générale de l’Etat, Paris, 1911.
211
déterminé par un système juridique supérieur au sujet de droit »686. Par
ailleurs, cette notion a souvent fait l’objet d’une définition négative, c'est-à-
dire en précisant ce qu’elle n’est pas. Ainsi, une compétence n’est ni une charge
ni une responsabilité et bien moins encore un pouvoir ou une attribution687.

A contrario, le professeur Jean -marie. PONTIER, a mis en évidence les


difficultés soulevées par la notion de compétence. Il explique que des notions
voisines sont venues « brouiller les distinctions traditionnelles »688 et
notamment la notion de responsabilité. Selon lui, « la notion de compétences
est relativisée par le recours à la notion de responsabilité. Ces deux notions ne
se situent cependant pas sur le même plan »689. Il apparaît alors que la notion
de compétence, qui doit être utilisée de préférence au pluriel, désigne en réalité
deux principes : premièrement, les compétences sont les domaines dans
lesquels, soit en vertu de la Constitution, soit en vertu de lois, une catégorie de
Collectivités territoriales ou une Collectivité est habilitée à intervenir par des
actions ayant des effets juridiques. Dans ce cas, le terme compétences est
synonyme de « sphère d’action »690. Deuxièmement, les compétences peuvent
définir l’habilitation à intervenir. Dans ce cas, il ne s’agit plus du « domaine
d’intervention » mais simplement de la capacité à agir, à prendre des décisions
dans le domaine concerné.

La compétence d’une Collectivité implique simultanément la


reconnaissance d’un domaine d’intervention qui est propre à la Collectivité et
le pouvoir d’intervenir par le biais de ses autorités et de ses agents agissant en

686
PONTIER (J.-M.), « La décentralisation territoriale en France au début du XXIe siècle »,
RGCT, mars-avril 2002, p. 94.
687
Ibid., p. 95.
688
Ibid.
689
Ibid.
690
Cette expression a été utilisée par le juge administratif CE Ass., 19 février 1943, Sieur
Ricordel, Rec. 43.
212
son nom dans ce domaine. De nombreux auteurs semblent n’avoir vu qu’un
seul aspect de la notion de compétence.

La notion de compétence est très proche de la notion de


responsabilité691. Ces deux notions peuvent parfois se superposer. Par exemple,
une Collectivité bénéficiant d’une compétence, c’est-à-dire qu’elle est chargée
de conduire une action relevant de cette compétence, peut voir sa responsabilité
engagée au sens contentieux692. Le législateur camerounais n’en ait pas loin ;
mais les termes compétences et responsabilités peuvent également être
dissociés. On peut alors distinguer deux cas : dans une première situation, l’Etat
peut attribuer des responsabilités à une Collectivité territoriale parce qu’il ne
veut pas vraiment transférer les compétences. Le second cas de figure concerne
le cas où l’Etat transfère la responsabilité à une Collectivité, pour une
intervention et un temps déterminé dans un champ d’actions qui relève de sa
propre compétence.

Le transfert de compétences se distingue du transfert de charges. La


différence entre ces deux types de transfert tient du principe de la compensation
financière intégrale et concomitante de la compétence transférée par l’Etat,
alors que ce principe n’est pas automatiquement prévu pour le transfert de
charges693. Le transfert d’attributions quant à lui est différent du transfert de
compétences. Les attributions peuvent être exercées de manière très

691
ZARIFIAN (P.), Le modèle de la compétence, 2004, 2e éd., Liaison, p. 81. L’auteur définit la
compétence comme la prise d’initiative et de responsabilité de l’individu. La compétence est
une intelligence pratique qui s’appuie sur les connaissances acquises, c’est aussi la faculté à
assumer des domaines de responsabilités.
692
Affaire n° 312/ 82-83, MENDENDANA D. Joseph c/ Commune urbaine de Yaoundé et
le Jugement n° 39/ 03-04 du 29 décembre 2004, Ibrahima YARO c/ Communauté urbaine
de Yaoundé.
693
GEVART (P.), « Comprendre les enjeux de la décentralisation », Connaissance, 2006,
p. 100.
213
classique694. Les attributions ne disent rien sur les compétences des
Collectivités. Elles permettent de comprendre la répartition interne des pouvoirs
(qui prend les décisions), mais elles n’éclairent en rien le processus de
décentralisation.

Cependant, toutes les compétences, en tant que domaine d’intervention,


ne peuvent être transférées. Les compétences dites régaliennes ne devraient être
transférées. C’est pourquoi il est indispensable de distinguer les compétences
« transférables »695 des compétences régaliennes, le professeur PONTIER s’est
attaché à définir la notion de compétences régaliennes696. Il l’exprime comme
suit : « Et, dans les relations de l’Etat avec ses composantes, avec les
Collectivités locales, on en déduit généralement une conséquence : dans la
réforme de la répartition des compétences, c’est-à-dire dans les transferts de
compétences à opérer de l’Etat vers les Collectivités locales il y a, ou il y
aurait, un verrou à ne pas pousser, une porte à ne pas ouvrir, un seuil à ne pas
franchir, celui consistant à transférer à des Collectivités territoriales des
compétences considérées comme régaliennes ».

Ainsi, on entend parler de « compétences régaliennes »697, ce qui


signifie qu’il existe des compétences que l’Etat ne doit en aucun cas transférer à
des Collectivités publiques. Dans le sens où celles-ci n’auraient pas les épaules
suffisamment larges pour en assurer une exécution convenable. Néanmoins, il
faut bien comprendre qu’un certain partage des compétences est nécessaire et
indispensable au sein de tout Etat, celui-ci ne pouvant pas absorber l’intégralité

694
Pour le compte d’une Collectivité autre que celle dont l’autorité dispose de la compétence
originelle.
695
PAVIA (M.-L.), Les transferts de compétences…op. cit., p. 56.
696
PONTIER (J.-M.), « La notion de compétences régaliennes dans la problématique de la
répartition des compétences entre les Collectivités publiques », RDP, janvier-février 2003,
pp. 193-237.
697
Le terme de regalis signifie simplement royal, qui a un rapport avec le roi et la monarchie.
214
de la vie d’une nation. Le législateur camerounais s’est souvent peu préoccupé
de délimiter précisément les domaines de compétences régaliennes des autres
compétences. Plusieurs auteurs ont tenté d’expliquer le contenu d’une fonction
régalienne. Ils font ainsi implicitement référence à la notion de souveraineté :
les fonctions régaliennes sont les fonctions de souveraineté698. Nous partageons
les convictions de l’auteur qui distingue le « souverain » du « régalien » et qui
en simplifiant déclare qu’ « en parlant de l’Etat on peut dire que la
souveraineté définit ce qu’il est, le régalien ce qu’il fait »699.

Il faut donc maintenant essayer de définir ce que recouvre la notion de


compétence régalienne. Il serait possible d’opposer les compétences
régaliennes aux compétences locales qui définiraient les domaines
d’intervention propres aux Collectivités locales. Cette distinction est pourtant
trop facile, car en réalité, les compétences régaliennes « ne sont et ne peuvent
être que celles que se reconnaît un Etat à un moment donné par l’intermédiaire
de ses dirigeants »700. La définition d’une compétence régalienne se trouve
faussée par une série de deux variables ; celle du professeur PONTIER qui met
en évidence un facteur évolutif dans la notion de compétence régalienne. Une
compétence qui a été reconnue comme régalienne à un moment donné, est
susceptible de variation701, c'est-à-dire qu’elle peut, en fonction de critères
politiques, économiques ou sociaux devenir « transférable » aux Collectivités
territoriales.

698
PAVIA (M.-L.), Les transferts de compétences…, op. cit., p. 57.
699
PONTIER (J.-M.), « La notion de compétences régaliennes dans la problématique … »,
op. cit., p. 193.
700
Ibid.
701
L’auteur développe plusieurs exemples pour monter les variations des compétences
régaliennes dans le temps en utilisant les évolutions dans le domaine de l’interventionnisme
économique notamment.
215
Dans un univers juridique manichéen702, nous assisterions à un partage
clair des compétences. L’idéal serait que l’Etat ne conserve que les
compétences régaliennes, les autres compétences seraient à la charge des
différents niveaux de Collectivités d’où la nécessité émise par certains auteurs
de procéder à une « répartition nécessaire » des compétences dans le cadre de
la décentralisation703. Cependant, il existe une participation des Collectivités
territoriales à des fonctions régaliennes qui sont définies par des textes. Nous
pouvons prendre l’exemple de la compétence en matière d’état civil704. Au
Cameroun, cette compétence est nationale mais les attributions sont remises
aux Collectivités territoriales, les mairies tenant l’état civil pour le compte de
l’Etat705. C’est ici une nouvelle fois un exemple mettant en évidence
l’impossibilité d’isoler parfaitement les compétences régaliennes. Il apparaît
difficile de distinguer une compétence régalienne d’une autre compétence. La
définition classique du « régalien » semble bouleversée et il n’est plus possible
aujourd’hui de s’en tenir à une énumération de domaines qui en seraient
l’expression. Pour distinguer une compétence régalienne d’une autre
compétence, on peut invoquer le critère de « transférabilité »706. Les
compétences non transférables pourront être ainsi qualifiées de « régaliennes ».

La possibilité d’effectuer des transferts de compétences se heurte parfois


à des objections d’ordres technique et politique. Sur un plan technique, il
apparaît que seul l’Etat maîtrise pleinement la capacité à agir que n’ont pas les
Collectivités territoriales. C’est un acte fondamental dont seul l’Etat est

702
V. BACKHOUSE (C.), La couleur des lois, Presse universitaire d’Ottawa, 2010, p. 53.
703
KEGELART (J.-J.) « Décentralisation, la répartition nécessaire », Revue administrative
n° 330, novembre 2002, pp. 646-647.
704
V. Ordonnance de 1981 sur l’Etat civil au Cameroun.
705
Ce principe illustre la théorie du dédoublement fonctionnel qui permet de concilier
l’affirmation du caractère national d’une fonction avec la nécessité d’assurer celle-ci au plan
local.
706
PAVIA (M.-L.), Les transfert des compétences…op.cit., p. 58.
216
l’initiateur707, il est à cet effet, contrairement à ce que pense une certaine
doctrine, le déclencheur de l’autonomie locale. Seul l’Etat bénéficie d’un
« pouvoir d’expertise »708 afin d’adopter des normes techniques devant être
appliquées sur l’intégralité du territoire.

Il existerait des domaines qu’il n’est pas souhaitable de voir transférer


au risque de mettre en péril la cohésion nationale. La question posée est alors
de savoir ce que l’Etat doit conserver comme compétence. La réponse semble
relativement simple : L’Etat doit conserver ce qu’il est le seul à pouvoir faire,
c'est-à-dire jouer son rôle de garant des libertés fondamentales avec à ses côtés
les Collectivités territoriales assurant les missions de proximité.

Au fil des années, l’Etat s’est retrouvé sclérosé ne pouvant plus assumer
seul le bon fonctionnement de ses services. Devant se réformer, il a dû alors
transférer des compétences, dont il avait autrefois la charge, aux Collectivités
territoriales, ne les considérant plus comme des acteurs de second ordre de la
vie de la Nation. Procédant sans véritable logique, afin de trouver un échelon
cohérent de Collectivités capable d’assumer les compétences lors des transferts,
la révision constitutionnelle a servi de base à la décentralisation, avec une
remise à plat des règles relatives aux transferts des compétences. Pourtant Jule
DEBRE s’écrie : «La décentralisation, ce n’est pas le bazar !»709. L’ensemble
des nouvelles mesures adoptées, nous permettent de penser que l’Etat veut
enfin de compte prouver sa volonté à se réformer en profondeur.

707
Ibid.
708
PONTIER (J.-M.), « La notion de compétences régaliennes dans la problématique de la
répartition des compétences entre les Collectivités publiques », RDP, janvier-février, 2003,
p. 221.
709
DEBRE (J.-L.), « La décentralisation, ce n’est pas le bazar ! », JCP Administrations et
Collectivités territoriales, 18 novembre 2002, p. 199.
217
2- L’édiction législative de la répartition des compétences

Pourquoi le législateur a-t-il utilisé le concept de répartition et de


transfert dans le même texte ? En effet, suivant les législations, la répartition se
distingue du transfert ; La répartition s’apparente alors au partage entre
Collectivité des compétences transférées, c’est un acte distributif710. Certains
auteurs attestent qu’un transfert de compétence ne peut avoir lieu si une
répartition n’a été opérée au préalable entre l’Etat et les Collectivités infra
étatiques711, la répartition dans ce cas serait verticale. Elle peut donc être perçue
en amont ou en aval du transfert de compétence. C’est un acte translatif712. Un
paradoxe existe cependant, celui de la compétence générale de L’Etat713.
L’Etat est-il soumis au principe de spécialité ? Si la spécialité est
toujours admise pour les établissements publics, elle est contestée pour les
autres personnes de droit public et particulièrement l'Etat et les Collectivités
territoriales sur lesquels se concentre la réflexion.
« L'Etat est comme les autres personnes morales, soumis au principe de
spécialité »714. Cette affirmation est loin de faire l'unanimité puisque certains
auteurs admettent la spécialité des personnes publiques, à l'exception toutefois,
de l'Etat, comme en témoigne cette sentence de Guy BRAIBANT: « L’Etat par
définition n'a pas de spécialité ... »715.

Dire que l'opinion est générale, serait abusif mais la portée de


l'affirmation contraire demeure évanescente716ou pour le moins platonique ;

710
V. GANG (J.), « Transfert et répartition de compétences », RASJP, n° 1, 2014, p. 25.
711
PAVIA (M.-L.), Les transferts des compétences…op.cit., p. 59.
712
GANG (J.), op.cit.
713
Une limitation de la capacité de l'Etat contestée.
714
DOUENCE (J.C.) dans « La spécialité des personnes publiques en droit administratif »,
R.D.P., 1972, p. 781.
715
BRAIBANT(G.), « Conclusions C.E., 29/4/1970 Sté UNIPAIN », A.J.D.A., 1970, p. 430
716
Elle est portée par des auteurs de renom ; ainsi par ex. CHAPUS (R.) écrit: " Le principe
gouverne l'activité de toute personne morale, publique ou privée, à l'exception nécessaire de
218
comme l’atteste ce propos de Marcel WALINE pour lequel « il n'est pas de
personnes morales qui ne soient plus ou moins spécialisées. L'Etat lui-même, à
moins qu'il ne soit totalitaire, laisse de côté, par exemple, le spirituel717 ; il
n'impose à ses sujets ni religion, ni conception métaphysique sur l'essence du
monde »718. Cependant, le refus et l’acceptation de la spécialité étatique
s'appuient sur les notions de personnalité morale et de compétence générale 719.
Les deux notions n'étant pas indifférentes l’une de l’autre. Le refus
d’application à l’Etat des conséquences de la personnalité morale.
«Le principe de spécialité est inhérent à la personnalité morale ; il se
fonde sur l'existence d'un but à atteindre »720. Sans rejeter l'idée de personnalité
morale de l'Etat721, certains auteurs montrent, que les conséquences de la
personnalité s'accommodent mal avec l'Etat alors que pour d'autres, les
Collectivités étant entrées « dans la sphère du droit ... il n'y a pas de raison pour

l'Etat"; Droit administratif général, p. 277, Montchrestien 1990 ou VEDEL (G.) et DELVOLVE
(P.) qui écrivent: "Les personnes morales publiques ou privées ( à l'exception de l'Etat) voient
leur activité, leur capacité limitées par le principe de spécialité, qui leur interdit de faire des
actes ne se rapportant pas à l'objet qui est le leur "; Droit administratif, tome 2, p. 386.
717
Art. 1 al 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier précitée.
718
Même aux Etats-Unis d'Amérique, Etat a priori "non totalitaire", le spirituel n'est pas laissé
de côté, puisque dans la décennie passée suite aux propos de REAGAN (R.), une dizaine d'Etats
ont adopté des lois tendant à imposer la présentation du récit biblique de la Genèse comme
théorie rivale de la théorie darwinienne ; "la dernière de ces lois ne sera abolie qu'en 1987 " cf.
LECOURT (D.), Toujours le combat des valeurs contre Darwin, Le monde Diplomatique,
Manière de voir "Etats-Unis, Fin de siècle", n° 16, octobre 1992.
719
Compétence générale qui exclurait du principe les personnes qui en seraient dotées. cf. ce
même arrêt dans lequel le juge déclare que le principe ne s'applique qu'aux " personnes morales
de droit public ayant une compétence limitée ...".
720
CHAPUS (R.), Droit administratif général, Paris, Montchrestien, 1990, p. 278.
721
Sur ce rejet cf. CARBONNIER (J.) qui écrit: " ... c'est par un abus technique que le droit
public libéral du XIXème siècle, l'a coulé dans la notion de personne morale, pour faire
redescendre de l'empyrée, les vieilles idées du souverain et du prince. L'Etat est un concept
irréductible à tout autre. Il n'est pas dans le système du droit, il est ce système." Droit civil,
tome 1, p. 364, coll. Thémis, P.U.F. 1982 ou. DUGUIT (L), Traité de droit constitutionnel,
tome 1, BOCCARD, 1927, p. 481 et ss. Bien modestement, je me demande, si en matière
d'organisation du pouvoir normatif, la théorie des personnes morales est d'une quelconque
utilité ? Il suffit de constater à cet égard que la théorie de la séparation des pouvoirs se dispense
de la personnalité morale, pour ne s'attacher qu'aux organes. Les autorités administratives
indépendantes en sont aujourd'hui la preuve manifeste.
219
que la question de la jouissance du droit et de la capacité juridique ne soit pas
posée à leur occasion »722.

Cette volonté d'échapper aux conséquences de la personnalité se


manifeste dans la théorie de l'Etat - Nation et de l'Etat - Collectivité723dans
laquelle la personnalité de l'Etat - Nation doit être admise puisque « la science
du droit se limite ... ici à constater ... »724. Ce qui gêne dans la reconnaissance
de la personnalité morale de l'Etat, c'est la limitation de capacité qui s'en suit et
à laquelle échappait René CARRE DE MALBERG en faisant de l'Etat,
personne morale, la personnification de la Nation souveraine725. La personne
morale se caractérise en effet, par une capacité de jouissance 726, c'est-à-dire
« l'aptitude à être titulaire de tels ou tels droits »727 qui se distingue de la
capacité d'exercice « qui est l'aptitude à pouvoir exercer soi-même et sans
autorisation les droits dont on est titulaire »728. Il est clair qu'aux personnes
morales est attachée une capacité conditionnelle qui résulte de la subordination
« à un principe de spécialité, ce qui signifie que leur activité ne peut s'étendre à
d'autres objets » que ceux qui leur ont été assignés729.

722
HAURIOU (M.), Précis élémentaire de droit administratif, Paris, Sirey, 1938, p. 30.
723
BENOIT (F.P.), Le droit administratif français, Paris, Dalloz, 1968, p. 25. Il écrit: "... en ce
qui concerne l'Etat, ...; celui-ci a, ..., deux catégories de missions, de création du droit et de
gouvernement, d'une part, et, d'autre part, de prestation de services et d'exercice de
compétences définies par le droit ... Ces deux catégories de missions sont trop hétérogènes pour
qu'il soit permis de les analyser comme étant les missions d'une seule et même personne ... C'est
donc dire que le vocable Etat cache deux personnes juridiques distinctes : l'Etat - Nation, source
du droit interne, et l'Etat -Collectivité, subordonné à ce droit comme toute autre Collectivité.
724
Ibid., p. 28.
725
CARRE DE MALBERG (R.), Contribution à la théorie générale de l'Etat, réimpression de
l'éd., Paris, Sirey, 1920, C.N.R.S., 1962, p. 13.
726
CARBONNIER (J.), Droit civil, tome 1, Coll. Thémis, Paris, P.U.F., 1982, p. 385.
727
JULLIOT DE LA MORANDIERE (L.), Droit civil, tome 1, Dalloz, 1965, p. 27.
728
Ainsi, par exemple le Conseil municipal qui ne règle les affaires communales que si le Maire
le réunit (il a cependant une capacité d'exercice minimale) et dans les limites de l'ordre du jour
de la réunion.
729
AUBERT (J.L.), Introduction au droit, Coll. A. Colin, 1984, p. 189.
220
Cette idée de capacité de jouissance concernant l'Etat, n'est pas reçue
par la doctrine730 , y compris parmi les auteurs favorables à la reconnaissance
de la spécialité de l'Etat. Ceci se manifeste tout d'abord par la distinction de la
capacité et de la spécialité731. Jean Claude DOUENCE établit cette différence
en considérant « qu'une association déclarée est incontestablement capable
d'acquérir des immeubles à titre onéreux. Pourtant, une telle acquisition ne
sera régulière que si elle sert au fonctionnement de l'association; elle sera
irrégulière si elle vise un autre but ... »732. Or, ici l'auteur considère que
l'association est titulaire d'un droit, qu'elle ne saurait exercer, que si et
seulement si elle l'exerce dans le but pour lequel elle a été créée. Il raisonne
comme si la capacité des personnes morales était une capacité d'exercice
soumise à des restrictions et non une capacité de jouissance. Les personnes
morales ne disposent pas en soi de la capacité juridique, c'est ce qui les
distingue des personnes physiques733. Ce rejet de l'idée d'une capacité de
jouissance applicable à l'Etat se manifeste, ensuite, dans l'invocation de la
compétence générale des Collectivités territoriales734. L’Etat ; s’il a la main

730
HAURIOU (M.), n'éludait pas la question puisqu'il s'interrogeait à ce propos et intitulait un
paragraphe de son précis: " Mesure dans laquelle les administrations publiques ont la jouissance
des droits de puissance publique " et il n'était pas possible de dire qu'en fait il évoquait une
capacité d'exercice, puisqu'un autre paragraphe s'intitulait: " De la capacité avec laquelle les
administrations publiques peuvent exercer leurs droits et des incapacités qui peuvent les
frapper". Concernant la capacité de jouissance, sa réponse manquait de clarté pour ce qui
concerne l'Etat, puisqu'il faisait résulter cette capacité d'"une concession de l'Etat, opérée par
voie législative." Précis élémentaire de droit administratif, Sirey, 1938, pp. 31-32.
731
Ibid., p. 762.
732
DOUENCE (J.C.), « La spécialité des personnes publiques en droit administratif », R.D.P.
1972, p. 761.
733
PONTIER (J.M.), R.D.P., 1984, p. 1464.
734
PONTIER (J.M.), associe reconnaissance de la spécialité étatique et rejet du caractère
opératoire de l'affirmation. Il écrit : " Parler de généralité de compétence ne peut évidemment
signifier compétence illimitée. L'on peut donc admettre, ..., que la compétence des Collectivités
publiques territoriales est plus ou moins limitée, l'essentiel tenant dans ce plus ou moins ". Sur
une clause générale de compétence, R.D.P., 1984, p. 1465.
221
mise sur les activités des Collectivités décentralisées c’est d’abord parce qu’il
détient la compétence générale sur l’ensemble du territoire camerounais735.

L'idée de compétence générale apparaît à priori en contradiction avec


celle de spécialité, d'autant que la compétence générale serait renforcée par
l'absence de contrôle de l'Etat qui « n'a au-dessus de lui aucune autorité qui
puisse lui commander et l'obliger à respecter ce principe »736.

Tout en reconnaissant que « le principe de spécialité vaut pour


l'Etat »737, Jean Claude DOUENCE montre qu'il a un impact juridique limité du
fait de la vocation générale de l'Etat. L'incompatibilité de la compétence
générale avec le principe de spécialité découle de la distinction entre
Collectivités à caractère fondatif et celles à caractère corporatif. Le caractère
fondatif résulte de « l’affectation par une volonté extérieure ... du but assigné »
à l’organe738, tandis que le caractère corporatif provient dans « le but commun,
d'où découle la spécialité, est fixé non par une volonté étrangère, mais par la
volonté même du groupe »739.

Or, si « cette dernière caractéristique ne définit pas l'Etat, puisqu'elle se


retrouve chez toutes les personnes à caractère corporatif qui précisent elles-
mêmes leur spécialité en fonction de leur nature propre. ... elle est beaucoup
plus poussée pour l'Etat dans la mesure où il n'est pas soumis à des limitations
extérieures »740.

735
Ibid.
736
MICHOUD (M.) cité par J.C. DOUENCE dans « La spécialité des personnes publiques en
droit administratif », R.D.P., 1972, p. 781.
737
DOUENCE (J.C.), La spécialité des personnes publiques en droit administratif, op cit.,
p. 783.
738
Ibid, p. 765.
739
Ibid, p. 770.
740
Ibid, p. 781.
222
Cependant l'idée que le but des Collectivités à caractère corporatif serait
fixé sans ingérence d'une volonté étrangère est en contradiction avec une vérité
que Jean Claude DOUENCE rappelait dans son article et selon laquelle « l'idée
d'affectation à une tâche déterminée par une volonté extérieure "se retrouve en
droit public" car elle est inhérente à la notion générale de compétence »741.

L’absence de contrôle de l’Etat est l’argument par lequel Jean Claude


DOUENCE entend affirmer à la suite de Michel MICHOUD742, que la clause
de compétence générale n’impliquerait pas limitation de l’Etat et soumission en
définitive au principe de spécialité.
Le raisonnement doit être rejeté car la question de la centralisation-
décentralisation ne se posant au mieux qu'au niveau de la norme seconde
(quelle qu'elle soit, loi ou règlement), dans tout Etat, cette norme seconde est
soumise à un contrôle et ainsi il est faux de dire que l'Etat ne peut être
sanctionné743. Par ailleurs, si l’organisation de la production de la norme
seconde a été divisée entre organes centraux et Collectivités décentralisées, la
spécialité de l’Etat est pour le moins, et logiquement, égale à sa prétendue
compétence générale diminuée des compétences conférées aux organes non
centraux. Enfin, il ressort de l’extension du contrôle de constitutionnalité des
lois, y compris dans les Etats unitaires, que la compétence générale de l'Etat se
réduit en matière législative à ce que le juge constitutionnel admet. L’addition

741
Ibid, p. 766.
742
MICHOUD (M.), écrivait: " L'Etat est, comme les autres personnes morales, soumis au
principe de spécialité, ... Mais l'Etat souverain diffère des autres êtres juridiques en ce qu'il n'a
au-dessus de lui aucune autorité qui puisse lui commander et l'obliger à respecter ce principe."
cité par DOUENCE (J.C.), « La spécialité des personnes publiques en droit administratif »,
R.D.P., 1972, p. 781.
743
Dans le recours n° 644/ 99-2000 du 04 juillet 1997, commune rurale d’Angossas c/ Etat du
Cameroun la cour a décidé que : le recours de la dite commune était recevable en la forme et
au fond, il est justifié en conséquent, la décision n° 0079/D/MINAGRI/CAB du 12 mars 1997
est annulée.
223
de ces réductions tant législative que réglementaire entame sérieusement l’idée
de compétence générale et renforce l’idée de spécialité.

Pour conclure sur ce point, il convient de remarquer que le


raisonnement des auteurs concernant cette clause de compétence générale,
repose sur l’a priori qu'elle traduit une capacité d'exercice, qui peut être plus ou
moins limitée. Or, on l’a dit, la capacité dont dispose l’Etat et les autres
personnes morales est une capacité de jouissance spéciale, ce qui la distingue
de celle des personnes physiques qui, sauf exception marginale est générale. La
capacité de jouissance des personnes publiques, c’est-à-dire l’aptitude à prendre
des actes juridiques est au plus égale à la poursuite d'un but d'intérêt général
non prédéterminé et au moins à la poursuite d'un but d'intérêt général
prédéterminé. En d'autres termes, la spécialité traduit le fait que les personnes
publiques ne disposent que d'une capacité de jouissance, celle-ci pouvant être
plus ou moins largement entendue.
« Mais au-delà » de ces considérations, l’indivisibilité de la république
et le caractère unitaire de l’Etat sont des principes qui constituent des références
fondamentales et marquent la frontière à ne pas dépasser744. Certaines
compétences doivent rester à l’Etat du fait précisément des limites
constitutionnelles. Ce sont les compétences régaliennes, « seuil à ne pas
franchir ». Mais il est affirmé que la notion de compétence régalienne est
« faussement précise » ou sont intransférables. Ce sont les compétences
relatives à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit fondamental
lesquelles ne peuvent être différentes d’une Collectivité à une autre.
Le juge constitutionnel français a tracé les contours d’un véritable droit
constitutionnel relatifs aux transferts, avec le jugement relatif au transfert des

744
ROUX (A.), « les limites constitutionnelles à une nouvelle évolution de la décentralisation »,
cité par PAVIA (M.-L.), Le transfert des compétences…, op. cit., p. 233
224
logements et d’action sociale. Il précise cependant que cette jurisprudence reste
encore inachevée745.

B)- Le transfert de compétences entre pouvoir et attribution


Le transfert de compétences s’apparente-t-il à un pouvoir ou à une
attribution ? Dans le cadre de cette partie de l’analyse nous allons tenter d’y
apporter une esquisse de réponse. La distinction des différentes définitions de
ces termes permettra de justifier l’orientation du constituant camerounais.

1- La distinction compétence et attribution


Le terme « attribution » est souvent utilisé dans notre domaine. Pour
Franc Paul BENOIT746, les attributions désignent l'ensemble « des aptitudes à
agir » des Collectivités. Selon le dictionnaire « Le Petit Robert », est apte celui
qui est capable de faire quelque chose747. Ceci renvoie à la capacité, qui serait
ici entendue largement, puisqu'elle englobe la réalisation d'actes matériels.

Quel intérêt y a-t-il à inclure dans la capacité juridique, c'est-à-dire les


attributions au sens général, des aptitudes qui sont sans effet juridique ? En
effet, selon cet auteur, parmi ces aptitudes seules sont des compétences, celles
qui conduisent à l'émission d'actes juridiques « créant par eux-mêmes des effets
de droit ». On peut considérer que les attributions sont synonymes de capacité
(physique, sociale, culturelle, ...) et la compétence, synonyme de capacité
juridique. Les aptitudes en général (la capacité) sont du domaine du fait alors
que l'aptitude-compétence (capacité juridique) relève quant à elle du domaine
du droit.
Dans le champ juridique, capacité et compétence sont synonymes et
expriment la possibilité de faire des actes juridiques. Le terme attribution

745
Ibid.
746
BENOIT (F.P.), Les attributions générales, Paris, Dalloz, Collectivités locales, p. 4012-1.
747
Dictionnaire, Le Petit Robert, éd., 2014, p. 97.
225
pourra être utilisé comme synonyme des précédents, il servira à spécifier le
contenu de cette capacité.
Aussi, ordonner au sens de MONTESQUIEU748, c'est disposer de la
capacité de faire ou avoir la compétence de faire ou s'être vu attribuer la
possibilité de faire des actes juridiques.
On entend par compétence l’aptitude légale d’une autorité
administrative à prendre une décision ou à faire un acte conformément aux lois
et règlements. La répartition des compétences apparaît comme une opération
qui rend les autorités administratives habilités à prendre les décisions qui
engagent juridiquement l’institution. La répartition précède donc la
compétence, la capacité et par conséquent les attributions. Elle serait
génératrice de pouvoir.

2- La conciliation partage des pouvoirs et répartition des


compétences
D'autres auteurs font intervenir la notion de pouvoir dans la discussion sur
le sens de ces deux termes. Ainsi Jean - Marie PONTIER présente le pouvoir
comme le fait de disposer « de la puissance étatique, avec possibilité de
recourir à la contrainte organisée »749. L'auteur affirme en même temps que
« la compétence dépasse la capacité en ce qu'elle est aussi un pouvoir »750 et
que le pouvoir se distinguerait de la compétence par le fait qu'il « est
essentiellement une capacité juridique »751 qui se caractériserait par la
possibilité de recourir à la contrainte. Comment le pouvoir peut-il rendre la

748
MONTESQUIEU, op. cit., p.120 et ss.
749
PONTIER (J.M.), L'Etat et les Collectivités locales - la répartition des compétences -
L.G.D.J., 1978, p. 32. La présentation de l'auteur impliquant ainsi l'existence d'une puissance
publique simple et d'une puissance publique " avec possibilité de recourir à la contrainte ", on
notera avec curiosité la présentation de la contrainte comme ".
750
Ibid., p. 33.
751
Ibid., p. 34.
226
compétence supérieure à la capacité alors qu'il est lui-même une capacité ? Le
vice du raisonnement est manifeste.

De plus, ici l’on définit le pouvoir comme un moyen, la possibilité de


contraindre et ainsi comme une variante de la capacité permettant de le
distinguer, à contrario, de la capacité du particulier, puisque ce dernier ne
disposerait pas de la contrainte. Or là encore, on constate que la capacité des
particuliers peut s’exprimer en un pouvoir comme en atteste par exemple le
pouvoir de l’employeur, dans le cadre du règlement intérieur de l'entreprise, sur
toutes les personnes qui exécutent un travail dans l'entreprise752. Dès lors, on ne
peut distinguer capacité et compétence en recourant au pouvoir ainsi que l'a fait
Jean - Marie PONTIER.

Cette notion de pouvoir est évoquée de façon moins critiquable par


Madame M. HECQUARTTHERON. Elle distingue aussi, le pouvoir qui « est
la faculté de faire des actes juridiques »753 de la compétence qui est la faculté
« d'émettre des actes juridiques normateurs »754 ; alors que compétence et
capacité, selon cet auteur, citant Gaston JEZE, « ont manifestement la même
nature juridique »755. Le pouvoir ainsi présenté s'assimile à la capacité
juridique, on ne peut alors dire que capacité et compétence ont même nature,
puisque cette dernière est un pouvoir réduit.

Cependant, la répartition des compétences n’est immuable ; l’Etat qui


détermine unilatéralement voire souverainement la teneur des attributions

752
Règlement intérieur des entreprises CARPENTIER (J.L.), Jurisclasseur travail Fasc.,
pp. 18-30., Dans ce règlement l'employeur peut apporter des restrictions à l'exercice du droit de
grève C.E. 12/11/1990, Min. des Aff. soc. Et de l'emploi et Sté ATOCHEM, A.J.D.A., 1991, p.
484, HECQUARD-THERON (M.), Essai sur la notion de réglementation, Paris, L.G.D.J.,
1977, p. 113.
753
Ibid.
754
Ibid.
755
Ibid., p. 62.
227
économiques des Collectivités décentralisés756, garde en contre partie le
pouvoir de les réduire, inversement de les augmenter au gré des
circonstances757. Cette capacité de l’Etat face aux Collectivités territoriales
représente pour la doctrine contemporaine une limite au principe de
l’autonomie financière. S’il est vrai que cette approche a son sens dans la
science, il reste tout de même qu’il s’agit de répartition dans un Etat unitaire
aussi, nous nous plaçons à la suite des auteurs tels que Kelsen.
En effet, le problème du transfert de compétence est complexe et les
difficultés de toutes natures qu’une répartition des attributions peut rencontrer,
suscitent la méfiance des spécialistes pour qui l’idée même du partage est
dépassée758.

Du point de vue purement technique, il s’avère impossible de délimiter


domaine de l’Etat et sphère d’intervention des Collectivités locales. Aucune
conception n’a pu aboutir à un schéma satisfaisant de répartition de
compétence, en réalité une répartition verticale risque d’éloigner l’Etat des
réalités économiques locales759. Il est certain qu’aucune répartition de
compétences n’existe d’avance. Les affaires économiques d’intérêt local le sont
par désignation. Aussi, ce qui est « affaires économiques locales » aujourd’hui
peut devenir le lendemain de nature nationale ou inversement. En effet, le
problème des affaires locales est attaché à celui de l’organisation administrative
de l’Etat760. C’est une notion variable de par son contenu.

756
Ibid.
757
L’art 15 à 28 de la loi de 2004. Parallèlement POMTIER (J. M.), op.cit., p. 181.
758
POMTIER (J.M.), L'Etat et les Collectivités locales … op. cit., p. 45.
759
TARIK ZAÏR, la gestion décentralisée …, op. cit., p. 144.
760
KONTOGIORGA-THEOCHAROPOULOU, « La notion d’affaires locales selon la
jurisprudence du Conseil d’Etat Hellénique », RIDC, vol. 42, n° 3, juillet-septembre 1990,
pp. 983-1003.
228
La distribution des compétences se fait par la loi761. C’est suivant cette
considération que des auteurs pensent que la répartition de compétences ne
garantit pas l’autonomie des Collectivités762. Il s’agirait plutôt de garantir
l’exercice de ces compétences. En réponse à ces idées, nous dirons que notre
démonstration est théorique et technique. Ainsi, si l’idée de répartition ou de
transfert de compétences met un point de départ à l’exercice des fonctions des
Collectivités territoriales, leur pouvoir de décision dans l’application des
compétences transférées est le problème que l’on étudiera dans la suite de
l’analyse.

Paragraphe II : La libre administration et la subsidiarité, des


principes constitutionnels catalyseurs de l’autonomie financière

La libre administration des Collectivités est un principe du phénix


constitutionnel763. En effet, elle est consacrée pour la première fois par la
constitution de 1960. Bien que la première constitution camerounaise l’ait
consacrée, elle était absente du texte constitutionnel de 1972 lors de la
réunification et a été réintroduite par le constituant de 1996. Elle apparaît pour
la majorité de la doctrine comme un corollaire du principe de l’autonomie
financière c’est-à-dire le droit pour une communauté humaine caractérisée par
son rattachement à une portion du territoire national de gérer ses affaires par
des autorités élues, selon le principe de subsidiarité764 (A). Le champ
d’intervention dont elle fait montre de par son contenu fait d’elle une clause
générale de compétence au profit des Collectivités territoriales décentralisées
(B).

761
GIQUEL (J.), op. cit., p. 82.
762
PAVIA (M.-L.), Les transferts des compétences…op.cit., p. 60.
763
Ibid.
764
V. DELCAMP (A.), « Principe de subsidiarité et décentralisation », Revue française de droit
constitutionnel, 1995, p. 609 ; GAUDEMET, (Y.) « Libres propos sur la subsidiarité
spécialement en Europe », in Mélanges Paul AMSELEK, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 315.
229
A)- La conciliation libre administration et autonomie financière
Si le pouvoir constituant n’a pas précisé le contenu de la libre
administration, il souligne que son exercice est encadré par la loi. Autrement
dit, s’il est muet sur le contenu du principe, sur ses limites, c’est parce qu’il
laisse au législateur le soin de le clarifier, de déterminer les modalités et d'en
dégager les bornes. C’est donc à la loi d’encadrer la libre administration des
Collectivités territoriales, de donner du sens et du contenu à ce principe. Pour
autant, il faut réfuter l’analyse consistant à déduire du rôle fondamental dévolu
par l’article 55 au pouvoir législatif que la libre administration des Collectivités
territoriales ne serait, au regard de la Constitution, qu’un principe à valeur
législative765.

1- La nature juridique de la libre administration

La nature juridique de « la libre administration des Collectivités


locales » peut prêter à équivoque. Le débat, pour simplifier, porte sur la
question de savoir si la libre administration constitue une véritable « liberté »766
ou s'il ne s’agit pas plutôt d’un principe d’organisation de l'Etat duquel
découlerait certains droits ou libertés.

Michel VERPEAUX, dans son commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat


du 18 janvier 2001, Commune de Venelles c/ M. Morbelli767, considère que
« Le principe de libre administration des Collectivités territoriales constitue...
une garantie, au même titre que le principe de la séparation des pouvoirs. L'un
comme l'autre ne constituent pas des droits mais peuvent être conçus comme
des conditions jugées constitutionnellement nécessaires, par l’article 55 de la

765
PAVIA (M.-L.), Les transfert des compétences…op.cit., p. 61.
766
FAVOREU (L.), La notion de liberté fondamentale devant le juge administratif, Paris,
Dalloz, 2001, p. 1739.
767
VERPEAUX (M.), « Dans son commentaire de l'arrêt du Conseil d'Etat du 18 janvier 2001,
Commune de Venelles c/ M. Morbelli », RFD adm., nº 3, 2001, p. 684.
230
Constitution pour l'un, par l'article 16 de la Déclaration des droits pour l'autre,
pour l'affirmation des libertés reconnues dans d'autres dispositions qui ne sont
plus alors organiques mais qui concernent des droits substantiels »768. La libre
administration peut d'ailleurs être conçue comme une forme de séparation
verticale des pouvoirs tandis que la forme habituelle de la séparation serait
horizontale. L'une comme l'autre ne sont pas des droits mais des moyens
d'asseoir des droits ou des libertés, ils sont des moyens, ils ne constituent pas
des buts769.

CONSTANTINOS BACOYANNIS, dans sa thèse consacrée au


principe constitutionnel de libre administration des Collectivités territoriales770,
défend en revanche l'idée selon laquelle la libre administration ne se réduit pas
à un simple principe d'organisation mais constitue bien une liberté.

Cette conception était déjà affirmée au début du siècle dernier. Pour ces
derniers, la décentralisation représentait l'affirmation des libertés locales771.
C’est également ce qui ressort des débats de la commission de la Constitution
de 1946 en France. L'inscription du principe de libre administration dans le
texte de la Constitution de 1946 français et de 61 camerounais, exprime la
volonté des constituants de consacrer les libertés locales et pas simplement un
principe d'organisation administrative772. En effet, le principe de libre
administration par des Conseils élus a évolué et a été complété par le concept

768
Art 16 de la Déclaration des droits de 1789.
769
Ibid., p. 684.
770
BACOYANNIS (C.), Droit des libertés fondamentales, Paris, Dalloz, 2001, 2e éd., p. 100.
771
BARTHELEMY (J.), « Les tendances de la législation sur l'organisation administrative
depuis un quart de siècle », RDP, 1909, pp. 150-151 qui écrit que " Le point qu'il ne faut jamais
perdre de vue, c'est que la décentralisation est une liberté... Elle a toujours subi le sort des
autres libertés... ". v. aussi BERTHELEMY (H.), Traité élémentaire de droit administratif, éd.
Rousseau et Cie, 1933, p. 210, ou encore ROLLAND (L.), « La démocratie et la
décentralisation en France », RD publ. 1926, p. 141.
772
La déclaration d'André Philip, répondant aux députés Coste-Floret (MRP) et Bastid
(Rassemblement des gauches) qui demandaient la suppression du titre consacré aux
Collectivités territoriales.
231
d’administration du territoire dans bien nombre d’Etats. C’est la synthèse dans
l’unité nationale773. Toutefois, les textes ont fixé la distinction des
compétences. Dans son rapport public de 1983, intitulé « Décentralisation et
ordre Juridique », le Conseil d’Etat français définit le principe de libre
administration : « s’administrer librement c’est conduire sans être soumis à des
contraintes excessives, et sans interférer avec les pouvoirs législatifs,
gouvernementaux et judiciaires »774. Diverses catégories d’actes qui eu égard a
leur caractère administratif peuvent faire l’objet d’un encadrement par la loi et
d’un contrôle par le juge administratif.

A l’instar de la précédente, la constitution de 1996 garantit la liberté


« d’être » du concept de libre administration. Jacques SPITERI parle de
souveraineté décentralisée car la Commune aspire à une gestion propre775, une
gestion propre d’un patrimoine financier local.

La même conception a prévalu en 1958 ; les travaux préparatoires de la


Constitution montrant que les expressions « libre administration », « libertés
des Collectivités territoriales », « liberté communale » et « libertés locales »
étaient considérées comme synonymes776. C'est ce qui fait dire à Maurice
BOURJOL que les Collectivités territoriales, à partir de 1946, ont quitté la
sphère de la « Constitution administrative » pour intégrer celle de la
« Constitution politique »777 et c'est dans ce cadre que la Constitution a affirmé

773
KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire, Essai sur le constitutionalisme dans les
Etats d’Afrique noire francophone, op. cit., p. 546.
774
Cf. rapport C.E.
775
SOUNGALO OUATTARA, Gouvernance et libertés locales : pour une renaissance de
l’Afrique, Karthala, 2007, p. 134.
776
BACOYANNIS (V. C.), op. cit., p. 98.
777
Juin 1946 de la deuxième Commission de la Constitution : " J'estime en mon nom personnel,
qu'il est bon d'inscrire dans la Constitution les libertés locales... " ou encore, du même André
Philip, s'adressant à André Marie qui s'interrogeait sur le point de savoir si la libre
administration était une " liberté totale ": " Je ne sais pas ce que vous entendez par la liberté
totale. Les uns et les autres, quand nous sortons d'ici nous avons la liberté de circuler; mais
cette liberté est soumise à un contrôle de la circulation qui ne porte pas atteinte à cette liberté,
232
le principe de libre administration qui est « une liberté publique, parmi les plus
anciennes, des libertés locales »778.

Le principe de la libre administration se présente essentiellement


comme un principe de « nature institutionnelle ou organique »779. Le
législateur n'y trouve, a priori, de réserve à son intervention que celle résultant
de l'exigence de Conseil élu au suffrage universel780. C’est donc davantage la
liberté « d’être » que la liberté « d’agir » des Collectivités qui se trouvent
protégées par le texte constitutionnel. La liberté d’agir des Collectivités
territoriales restait cependant placée sous la garantie du législateur, habilité à en
fixer les conditions d’exercice et à en déterminer par là même l’étendue.
Toutefois, il ne serait permis de voir dans la libre administration une liberté de
simple valeur législative, bien que placée sous la garde du législateur781.

Certains auteurs assimilent la liberté locale à une liberté publique 782,


idée à laquelle renvoie l'expression constitutionnelle « ... s’administrent
librement... »783. Ils évoquent « un pouvoir municipal » ou affirment que « les
pouvoirs publics comprennent le pouvoir local »784 qui constitueraient le
quatrième pouvoir, après le législatif, l'exécutif et le judiciaire785. La libre
administration serait alors pour les CTD la garantie d’une liberté d’exercice et
par conséquent justifierait à grande échelle la croissance des actes communaux.

mais qui l'organise. Nous affirmons le principe des libertés locales pour les Collectivités, aussi
bien municipales que départementales, mais il est bien évident qu'elles s'exercent sous le
contrôle administratif... " cité par BCOYANIS (C.), op. cit., pp. 96-97.
778
V. Constitution, in J.-Cl., Collectivités locales, nº 46.
779
ROUX (A.), « la libre administration », op. cit.
780
L’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1996.
781
ROUX (A.), « La libre administration », op. cit.,
782
Gazette Nationale, Le moniteur universel lundi 30 novembre 1789 n°100, adoption des
articles 29 à 51 de la loi du 14 décembre 1789 sur les municipalités ; Révolution Française-
Assemblée Constituante, t. II, p. 272, PLON, réimpression de l'ancien Moniteur 1860.
783
DU PANSEY (H.), Du pouvoir municipal cité par M.BOURJOL dans Cours dactylographié
Administration régionale et locale, Faculté de droit de TOURS, 1982-1983, p. 8.
784
P. COT J.O. Débats Ass. Nat. Const. 17 Avril 1946, p. 1922.
785
DU PANSEY (H.), op.cit., p. 9.
233
2- L’autonomie financière et la libre administration des
Collectivités territoriales : deux notions constitutionnelles non
antinonymiques

C’est une assimilation généralisée par la doctrine de l’autonomie locale


en général et financière en particulier à la libre administration. L’autonomie
locale coïnciderait donc avec la libre administration. L’assertion semble
d’ailleurs ne souffrir d’aucune réserve, tant les juristes, les hommes politiques
et une majorité d’auteurs emploient indifféremment les deux termes chaque fois
que les libertés locales sont en cause. Par ailleurs, il existe une autre acception
doctrinale selon laquelle, l’élection des Conseils, dans le cadre de la libre
administration, réaliserait l’autonomie locale.

D’une façon générale, la doctrine786 laisse peu de place au doute quant à


la coïncidence parfaite qui existerait entre la libre administration et
l’autonomie. Pour autant, ni la libre administration ni l’autonomie n’ont
jusqu’ici été ramassées dans une définition juridique claire. Chacun s’accorde à
alterner les deux expressions dans le langage usuel, en s’attachant plus à leur
fonctionnalité qu’à leur contenu.

En effet, la concrétisation de ce principe de libre administration suppose


que les Collectivités locales soient dotées de compétences juridiques pour
décider de la nature, de la structure et du niveau de leurs ressources et de leurs
charges financières, et qu’elles en aient la maîtrise. Comme l’écrit Loïc
PHILIP, « le principe de libre administration implique l’existence de Conseils
élus dotés d’attributions effectives. Or, il ne peut y avoir d’attributions

786
BACOYANNIS (C.), Droit des libertés fondamentales, op. cit.
234
effectives sans un minimum d’autonomie financière »787. Dans le même ordre
d’idées, Théodore HOLO estime que « sans autonomie financière la
décentralisation n’est que mirage »788. Par ailleurs, la libre administration des
Collectivités locales apparaît désormais partout comme une condition de la
démocratie et de la bonne gouvernance publique.

En 1984, lors du 1er colloque organisé sur la libre administration des


Collectivités locales, Michel TROPER, intervenant sur « une théorie
générale » de la libre administration, et cherchant à en dégager une définition à
partir de la Constitution française de 1958 et de la loi du 2 mars 1982 789, en
vient à la conclusion « qu’il n y a pas de concept constitutionnel, de libre
administration ou pas de référence en dehors des normes d’application du droit
positif. La libre administration serait donc […] une force d’autonomie »790.

De même, cinq ans plus tard, Constantino BACOYANNIS, étudiant


« Le principe constitutionnel de la libre administration des Collectivités
territoriales », illustrait avec force, qu’en 1946 déjà, le constituant français, en
inscrivant la libre administration dans la norme suprême, n’avait pas voulu
constitutionnaliser une règle fondamentale de l’organisation administrative,
mais plutôt une liberté locale791 ; le constituant camerounais de 1960
recherchait lui aussi une liberté d’aller et de venir, c’est une liberté d’être et une
liberté d’agir de sa population in globo. C’est bien cette volonté du constituant

787
PHILIP (L.), « L’autonomie financière des Collectivités territoriales », Cahiers du Conseil
constitutionnel, n°12, http://www.Conseil-constitutionnel.fr. T. HOLO écrit aussi à ce propos
que « sans autonomie financière la décentralisation n’est que mirage ».
788
HOLO (T.), « La décentralisation au Bénin : mythe ou réalité ? », Revue béninoise des
sciences juridiques et administratives, n°7, décembre 1986, p. 1.
789
NGONO TSIMI, op. cit., p. 82 et ss.
790
TROPER (M.), « La libre administration et théorie générale du droit. Le concept de libre
administration », in La libre Administration des Collectivités Locales. Réflexion sur la libre
administration, op. cit., p. 62.
791
BACOYANNIS (C.), Le Principe Constitutionnel de la Libre Administration des
Collectivités Locales, thèse précitée.
235
d’affirmer une liberté pour les municipalités qui justifie que tout au long des
travaux préalables à l’adoption de la Constitution, le terme « libre
administration » fut employé à maintes reprises sous d’autres expressions
synonymes de liberté, notamment l’autonomie. Au regard du contexte,
l’indépendance marquait le point de départ d’une nouvelle vie pour le peuple
camerounais.

Reprenant à son compte une réponse qui fut donnée à deux députés par
leur collègue André Philip, Président de la commission des lois en 1946 déclare
que « j’estime qu’il est bon d’inscrire dans la Constitution les libertés locales
(…) Sans entrer dans les détails, il faudrait poser, dans la Constitution le
principe d’autonomie pour les municipalités et les départements ». Le même
auteur conclut que : « le principe de la libre administration des Collectivités
territoriales a donc trouvé sa place dans le texte de la Constitution de 1946
grâce à la volonté d’inscrire les libertés locales dans la loi suprême du pays
[…] », la loi de 1957792 conduisait à l’inscription de la même loi dans la
première constitution793 et son application avant celle-ci794. Dans ce contexte, la
libre administration occupe la place d’un principe général…795

Le même point de vue revient chez Marc Joyau, qui adhère sans réserve
à la thèse de Constantino BACOYANNIS pour réfuter l’opinion selon laquelle
la synonymie établie entre libre administration et les expressions telles que

792
Loi Gaston de fer.
793
La loi constitutionnelle de 1960.
794
LADURE (P.), « Incidences de la loi cadre du 23 juin 1956 », Coll. Pub et Service du trésor,
pp. 41-45. Loi déferre a défini le but et les moyens d’une politique évolutive dans les territoires
relevant du ministère de la France d’outre mer.
795
Ibid.
236
« libre gestion », « libertés locales », ou encore « autonomie » ne signifie pas «
libre réglementation »796.

Nombreux sont en outre les auteurs pour qui la libre administration


seconde l’autonomie. Ainsi, Henri DARNANVILLE, s’exprimant sur la libre
administration des Collectivités territoriales, précise que « le principe
d’autonomie des Collectivités territoriales est garanti par l’article 72 de la
Constitution de 1958, qui confie au législateur le soin d’en définir le contenu
»797. Le même auteur devient plus explicite lorsqu’il dit que « la préservation
de l’autonomie ou de la libre administration des Collectivités territoriales fait
aujourd’hui l’objet d’une attention renforcée du pouvoir politique »798.

Enfin, on retrouve la même tendance assimilatrice de la libre


administration à l’autonomie locale dans les analyses des juristes confirmés par
leur engouement pour le droit de la décentralisation territoriale. Ainsi, pour
Loïc Philip, l’autonomie (financière) « s’avère indissociable de la libre
administration »799. Quant à Christine BERTHON, la notion de libre
administration des Collectivités locales ou leur autonomie a pour garantie
fondamentale les Conseils élus, et « il appartient au Parlement de définir leur
statut et de garantir leur autonomie ». Son propos est plus clair lorsqu’elle
affirme que : «l’indivisibilité de la république, consacrée par l’article 2 de la
Constitution, implique la libre administration ».

796
JOYAU (M.), De l’autonomie administrative et financière des Collectivités territoriales
françaises. Essai sur le pouvoir normatif local, Préface Jean-Yves Vincent, bibliothèque de
Droit Public, t. 1, 198, p. 59.
797
NGONO TSIMI, op. cit., p. 82 et ss.
798
Ibíd.
799
PHILIP (L.), « Les garanties constitutionnelles du pouvoir financier local », op. cit., p. 453.
237
B)- Les moyens et critères qui permettent d’organiser
juridiquement le partage des compétences entre l’Etat et les
CTD
Si la libre administration s’apparente à une liberté, à un pouvoir dans ses
différentes spécificités locales, elle pourrait être entendue au Cameroun comme
une garantie tacite de l’exercice des compétences locales, c’est la traduction
juridique de l’aptitude générale des Collectivités à intervenir800. C’est le
corollaire du principe de subsidiarité perçu comme une norme d’orientation
destinée à promouvoir l’action libre et autonome.

1- le principe de subsidiarité promoteur d’une action libre des


CTD
La compétence générale des Collectivités territoriales résulte de l’article
55 du titre I de la constitution camerounaise. Il instaure la libre administration
des Collectivités dans les conditions prévues par la loi ; cela veut dire ou induit
que chaque Collectivité est compétente de plein droit, pour régler les affaires
relatives à son champ territorial de compétence. Ce caractère général est
cependant soumis à plusieurs conditions. D’une part les Collectivités restent
soumises au respect de la légalité ; en outre, certaines compétences peuvent être
attribuées de façon expresse à une Collectivité donnée.

L’emploi de la compétence générale revêt une importance pratique


considérable, en ce sens qu’elle permet aux Collectivités décentralisées de
s’orienter progressivement vers des activités économiques au gré des
circonstances des besoins et parfois des défaillances de l’initiative aussi bien de

800
PONTIER (J.M.), « Semptermanet. Sur la clause générale de compétence », RDP, 1984,
p. 1443.
238
l’Etat que du privé801. Elle ouvre la porte au pouvoir d’initiative de l’élite
comme elle permet aux institutions décentralisées d’intervenir librement dans la
gestion de leurs affaires locales. Cette approche doit être acceptée avec
prudence. Le caractère général et vague de la clause générale de compétence
laisse apparaître certaines confusions. Il est difficile de tracer une ligne nette de
partage entre les sphères d’intervention des Collectivités.

André Roux, procède à une comparaison pour apporter une définition à


la libre administration, alors que la notion de « décentralisation », apparaît
comme un principe gouvernant l'organisation administrative de l'Etat et repose
sur une délégation de puissance publique que celui-ci consent aux Collectivités
locales802, sur « une concession émanant de la Collectivité supérieure » pour
reprendre l'expression de Carré de Malberg803, la « libre administration », en
revanche, se présente comme une liberté constitutionnellement reconnue et
garantie dont le respect s'impose au législateur804.

Il conviendrait donc aujourd'hui de distinguer plus clairement les


notions de décentralisation et de libre administration.

Autrement dit, la décentralisation s'opère à partir de l'Etat au profit des


Collectivités envisagées comme de simples entités administratives dotées de la
personnalité juridique, ce qui établit la primauté de celui-ci et la subordination
de celles-là805. La libre administration met l'accent, de son côté, sur
l'existence des libertés locales, attachées au groupe humain, à la « société de

801
TARICK (Z.), La coopération décentralisée…, op. cit., p. 146.
802
BOURJOL (M.), Juris-class. Collectivités locales, v Constitution, n° 55 et 60.
803
DE MALBERG(C.), cité par ROUX(A), Comparaison libre administration et
décentralisation : Contribution à la théorie générale de l'Etat, Sirey, 1920, p. 170.
804
Ibíd.
805
AUBY (J.-M.), Intervention au colloque d'Arc-et-Senans et Besançon des 19-20 avr. 1984
sur la libre administration des Collectivités locales, in La libre administration des Collectivités
locales, sous la direction de J. Moreau et G. Darcy, Economica et Presses universitaires d'Aix-
Marseille, préc., p. 94.
239
citoyens » constituant la Collectivité territoriale806, lesquelles doivent être
préservées non seulement des empiétements de l'Etat lui-même mais aussi de
ceux pouvant émaner d'autres personnes publiques807.

La notion de libre administration est cependant, comme a pu le


souligner, BOULOUIS « plus prometteuse que précise »808. Contantinos
BACOYANNIS souligne en ce sens, que le droit de s’administrer librement
n'est pas conféré à la personne morale « Collectivité territoriale », mais au
groupement naturel qui est délimité grâce à son rattachement à un territoire et
qui préexistait à sa reconnaissance par l'Etat809.

Cette explication, qui se trouve à s'appliquer à la Commune, à qui le


constituant n’aurait fait que reconnaître une liberté « naturelle », inscrite dans
son long passé historique, ne peut toutefois valoir pour les autres Collectivités
(région...) qui n'ont jamais existé « en tant que groupements naturels
territoriaux vivant indépendamment de l'existence et de la volonté de l'Etat »810.

La reconnaissance de la libre administration, initialement aux provinces,


aujourd’hui régions, s'explique en réalité par le souci du constituant d'étendre
les libertés locales et d'annoncer les réformes administratives destinées à
accroître l'autonomie de celle-ci811. De plus, si les provinces comme les régions
aujourd’hui ont été considérées par quelques membres de la commission de la
Constitution de 1961 comme des créations arbitraires qui n'avaient pas

806
FAVOREU (L.), La problématique constitutionnelle des projets de réforme des Collectivités
territoriales, cette Revue 1990, p. 400 ; BOURJOL (M.) et BODARD (S.), Droit et libertés des
Collectivités territoriales, Masson, 1984, p. 34 et 35.
807
FAVOREU (L.), Libre administration et décentralisation, op. cit., p. 94.
808
BOULOUIS (J.), op. cit, p. 304.
809
L'auteur montre que l'expression " Collectivité territoriale ", employée par DUGUIT (L.) dès
1903, par MICHOUD (L.) en 1906, CARRE DE MALBERG (R.), en 1920 et ROLLAND (L.)
à partir de 1935, désignait initialement un ensemble formé par tous les groupes humains définis
par leur rattachement à un certain territoire.
810
BACOYANNIS (C.), op. cit., p. 100.
811
Art. 46 de la Constitution du 04 mars 1960.
240
réellement de vie propre, « la majorité de la doctrine pense qu'il n'y avait que
des inconvénients à abandonner le département, auquel plusieurs années
d'existence ont donné une vie particulière qu'on ne saurait totalement nier »812.

Mutatis mutandis, le même raisonnement pourrait être développé


aujourd'hui concernant les régions, qui, malgré leur consécration législative
récente comme Collectivités territoriales, et nonobstant un découpage à certains
égards artificiel, renvoient à une réalité historique et sociologique bien plus
ancienne.

2 – La définition du principe de subsidiarité


La subsidiarité est une notion d’origine philosophique ayant connu son
premier essor dans la doctrine sociale de l’église. Il implique une double
obligation qui découle directement de sa double origine étymologique
provenant à la fois du terme subsidium, signifiant « renfort ressource », idée de
« secours » et du terme subsidiarius, signifiant en « réserve », l’idée de
secondaire. Ce principe oblige d’une part, le niveau supérieur de compétence à
demeurer « en réserve » et donc à laisser intervenir le plus possible les niveaux
inférieurs et impose d’autre part, à ce niveau supérieur de venir en « renfort »,
donc un secours des niveaux inférieurs dès lors que ceux-ci ne sont plus en
mesure d’intervenir.
Le principe de subsidiarité813 permet de faire varier le niveau d’exercice
d’une compétence et donc le degré de décentralisation d’un ordre juridique.
C’est ainsi qu’il régule la dialectique centralisation /décentralisation et qu’il est
une méthode de régulation dynamique de la répartition des compétences814.

812
BACOYANNIS, op. cit.
813
Ce principe trouve son fondement dans l’art. 9 al. 2 de la loi d’orientation de la
décentralisation précitée.
814
PAVIA (M.-L.), Le transfert de compétence…, op. cit., p. 94.
241
En effet, dès lors que les compétences sont réparties en fonction de
certains domaines ou titre de compétence, elles demeurent figées et toute
variation opère contra legem.
Le principe de subsidiarité permet d’exercer une compétence non pas en
fonction d’un titre déterminé, mais en fonction d’un but ou d’une mission à
remplir : dès lors qu’un certain but devra être atteint sans pouvoir l’être si la
compétence est exercée au niveau inférieur, alors cette compétence devra être
exercée au niveau supérieur. A l’inverse, si ce but peut être atteint par la
production d’une norme au niveau inférieur sans qu’il soit nécessaire que le
niveau supérieur intervienne, alors ce dernier ne pourra pas intervenir et devra
laisser le niveau inférieur produire et orienter la dite norme.
Pour certains auteurs, il ne saurait exister de principe de subsidiarité,
mais tout au plus un simple objectif de subsidiarité.
L’intervention de l’Etat pourrait se justifier avec la théorie de Jean
Jacques ROUSSEAU à la suite de Thomas HOBBES qui proclame que le
principe de liberté ne correspond pas à une liberté pleine et entière mais au
respect volontaire de normes destinées à instaurer l’égalité entre les individus.
En ce même sens MONTESQUIEU estime que « dans un Etat, c’est-à-dire
dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à vouloir faire
ce que l’on doit pouvoir et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit
pas vouloir… »815.
L’Etat pour un besoin d’équilibre entre légalité et liberté des hommes, a
l’obligation d’intervenir, et non pas seulement la possibilité, mais à vouloir trop
intervenir, l’Etat peut devenir totalitaire et nuire lui-même à la liberté des CTD.
La subsidiarité selon Alain Didier OLINGA, est que les actions visant à
la satisfaction des besoins des populations soient menées au niveau

815
BRISSON (J.F.), Les transferts de compétences…, op. cit., p. 67.
242
institutionnel le plus proche des dites populations et avec le phénomène de
coopération décentralisée816.
Jean François BRISSON souligne justement que « le principe de
subsidiarité ne permet en effet d’établir aucune délimitation matérielle des
compétences locales, pas plus qu’il ne limite bien au contraire l’aptitude
générale des Collectivités locales à ce saisir des affaires qu’elles jugeraient
d’intérêt public local »817. Qualifié par certains de « degré zéro de la
politique »818. Le principe de subsidiarité n’est guère de nature à clarifier la
répartition des compétences entre les CTD »819.
Le principe de subsidiarité peut être défini comme « un principe
d’organisation sociale selon lequel une société d’ordre supérieur ne doit pas
intervenir dans la vie interne d’une société inférieure en lui levant ses
compétences. Mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l’aider en
vue du bien commun. Ce principe est un frein à l’étatisme, au collectivisme. Il a
harmonisé les rapports entre les individus, les groupes intermédiaires, les Etats
et les organisations supra-étatiques. Il tend à préserver l’initiative et la
responsabilité des personnes, des familles et des corps intermédiaires en
valorisant les rapports de proximité dans la société820.
Cette définition pour reprendre Jean-Baptiste BOUET montre bien le
caractère polysémique et polymorphe du principe. Cependant si ce principe est
important pour l’aménagement des sociétés politiques, le mot subsidiarité
n’apparait guère dans le texte constitutionnel de 96. L’interprétation de l’article

816
OLINGA (A.-D.), La Constitution de la république du Cameroun, Yaoundé-Cameroun,
UCAC, 2006, p. 266.
817
Brisson (J.F.), Les transferts de compétences…, op.cit, p. 530.
818
TENZER (N.), « l’Etat-gérant ou l’impensé de la décentralisation », pouvoirs locaux, 2003,
n° 59, p. 80.
819
PAVIA (M.-L.), Les transferts des compétences…, op. cit., p. 143.
820
Message du chef de l’Etat français au Parlement, 2 juillet 2002, JO débats AN, séance du 2
juillet 2002, pp.1820-1821.
243
55 al. 2 et al. 4 permet de déduire l’existence de ce principe dans la loi
constitutionnelle de 1996.
C’est aussi un principe de répartition des compétences à l’intérieur
de l’Etat. L’art. 4 de la Charte européenne de l’autonomie locale énonce en
substance que l’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale,
incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens.
L’attribution d’une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de
l’ampleur et de la tâche et des exigences d’efficacité et d’économie.

3- Les Critiques
Pour une partie de la doctrine, la clause générale de compétence est plus
négative bien qu’elle détermine d’une manière extensive la sphère
d’intervention des Collectivités locales. Elle consiste à l’attribution à un ordre
de Collectivité d’une compétence d’exception sous forme d’énumération
limitative, le second ordre disposant d’une compétence de principe821.

Pouvoir d’intervention de principe, en évitant de déterminer à l’avance


les matières sur lesquelles elle peut intervenir. Elle laisse supposer l’existence
d’un contrôle de tutelle ponctuel par crainte d’empiéter sur les compétences
des administrations de l’Etat, elle tend ainsi à orienter les interventions
économiques des Collectivités, ce qui constitue une limite réelle à tout pouvoir
de prendre des initiatives et met par conséquent les Collectivités dans une
situation de dépendance réelle.

La clause générale de compétence complexifie les décisions : en effet,


sur un même sujet, plusieurs Collectivités peuvent intervenir et leurs politiques
respectives ne sont pas nécessairement cohérentes, par conséquent les finances
s’enchevêtrent et s’additionnent. Les responsabilités se diluent dans la

821
PONTIER (J.M.), L’Etat et les Collectivités locales…, op. cit., p. 99.
244
complexité et la diversité des décideurs. Ainsi, un investissement peut être
retardé dans l’attente de la décision de l’une ou l’autre des Collectivités
concernées, chacune ayant la possibilité d’un rejet sur une autre. Le législateur
camerounais sur ce point a pris de l’avance sur son homologue français qui
adoptera la clause légale de compétence en 2015822.

L'attribution d'une compétence générale rend illusoire sa garantie. Les


organes à caractère corporatif, tels les ordres, les organismes consulaires et les
Collectivités disposent de la faculté de fixer pour partie823 leur compétence
matérielle, dans la mesure où la norme qui les établit, reconnaît une réalité
sociale qu'elle entend exprimer juridiquement824. Cette liberté s'exprime dans ce
qu'il est convenu d'appeler la clause de compétence générale, dont on a vu
qu'elle permettait la mise en œuvre du principe de subsidiarité.

Cependant, cette facilité, cette liberté n'est plus strictement l'apanage de


ce type d’organes825. La subsidiarité ne structure pas la pensée des gouvernants

822
BOUVIER (M.), Les finances locales…, op. cit., p. 46.
823
DOUENCE (J.C.), « La spécialité des personnes publiques en droit administratif », R.D.P.
1972, p. 77. L’auteur note avec raison que cette liberté résulte toujours « d'une habilitation
légale» et qu'ainsi « l'intérêt collectif qu'elles poursuivent doit nécessairement avoir un
caractère public. Quel que soit le contenu précis que l'on attache à ce qualificatif, il n'est
généralement pas défini par le groupement lui-même, mais par une règle supérieure qui
s'impose à lui ».
824
Ce passage du social au juridique ne s'exprime pas sans tension puisque le principe même de
la reconnaissance traduit une intégration négatrice de la réalité sociale. cf. à cet égard
concernant la commune BOURJOL (M.), Les biens communaux, et particulièrement le titre IV
La nébuleuse organique communautaire », Paris, L.G.D.J., 1989, p. 327 et ss.
825
DOUENCE (J.C.) montre que certains établissements publics territoriaux disposent sous
certaines conditions de la possibilité de déterminer eux-mêmes leur capacité. J.C. DOUENCE
« La spécialité des personnes publiques en droit administratif », R.D.P., 1972, p. 797 et ss; cf.
le titre III de la loi 92-125 du 6/2/1992 relative à l'administration territoriale à propos duquel M.
BOURJOL évoque l'idée d'« intégration matérielle » dans la mesure où les nouveaux
établissements publics exercent « une compétence quasi générale, celle de la commune devient
résiduelle, d'autant plus que d'autres compétences peuvent s'ajouter par la suite ». BOURJOL
(M.), La réforme de l'administration territoriale, Commentaire de la loi d'orientation du
6/2/1992, A.J.D.A., 1992, p. 147 ; ROUQUETTE (R.) considère aussi qu'il s'agit d'institutions
qui « sont davantage des instruments d'intégration que (de) simples instruments de coopération
245
uniquement dans le cadre des rapports Etat - Collectivités. Elle a vocation aussi
à s'appliquer au sein même de l'administration étatique826, la clause de
compétence générale est celle donnant capacité pour mettre en œuvre une
politique synthétiquement déterminée827, elle permet sans doute la recherche
de l'efficacité dans la prise en charge de l'intérêt général, mettant en œuvre
ainsi le principe de subsidiarité.828. En revanche, elle ne permet pas à priori
de déterminer l'organe qui doit intervenir, elle constitue une justification
juridique à posteriori de la compétence.

En France, le domaine économique constitue là encore un terrain


d’observation privilégié dans la mesure où, ce secteur connaît un encadrement
de l’action locale sur le fondement du principe de la liberté du commerce et de
l’industrie et de l’affirmation de la prééminence de l'action étatique dans ce
domaine829 . Or, il est manifeste que l’Etat et les Collectivités locales se sont
accordés pour admettre l’intervention de celles-ci. Il apparaît en effet à la

... », ROUQUETTE, La loi d'orientation relative à l'administration territoriale de la République,


LES PETITES AFFICHES, 1992, n ° 144, p. 10.
826
En France la loi 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la
République qui dispose à son article 2 : « qui atteste cette affirmation. Sont confiées aux
administrations centrales les seules missions qui présentent un caractère national (...) Les autres
missions, (...), sont confiées aux services déconcentrés ».
827
Cf. art 3 et chapitre IV & V de la loi 92 - 125 du 6/2/1992. JEGOUZO (Y.) constate « que le
texte est beaucoup plus précis pour les communautés de villes que pour les communautés de
communes. Pour les premières, il définit avec une certaine précision les compétences
attribuées. ... A l'inverse, ..., les communautés de communes pourront donner à ces
compétences un contenu beaucoup plus diversifié ... ." JEGOUZO (Y.), Les communautés de
communes et les communautés de villes: révolution, innovation ou redondance ? R.F.D.A.,
1993, p. 3. BOURJOL (M.) évoque à cet égard l'idée de " compétences ne comportant que des
têtes de chapitres ». M. BOURJOL, La réforme de l'administration territoriale, Commentaire
de la loi d'orientation du 6/2/1992, A.J.D.A., 1992.
828
Dans le rapport public du Conseil d'Etat pour 1992 M. LONG souligne la sympathie de la
subsidiarité et de la compétence générale en considérant qu'" en soi, le concept de subsidiarité
est peu compatible avec la notion de "liste de compétences" ...; la liste relève en effet d'une
logique de "spécialité des compétences". p. 25.
829
THALINEAU (J.), Thèse… op. cit.," L'Etat a la responsabilité de la conduite de la politique
économique et sociale, ainsi que de la défense de l'emploi. Néanmoins, sous réserve du respect
de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe de l'égalité des citoyens devant les lois
ainsi que des règles de l'aménagement du territoire définies par la loi approuvant le Plan..."
articles 5, 48 et 66 de la loi 82-213 du 2/3/1982.
246
lecture des rapports de la Cour des comptes que de nombreuses interventions
locales auraient dû se voir refuser l'approbation avant 1982 ou être déférées au
Tribunal administratif après 1982830. Ceci représente l’accord « amiable » sur
l’exercice des compétences. Dans le cadre du Cameroun, elle est une question
non encore élucidée. Par ailleurs, l’Etat a invité les Collectivités à prendre en
charge des activités économiques. Le décret du 5 novembre 2010 en est la
première manifestation831. Le décret du 10 novembre 1954 autorisait l'octroi
aux Collectivités de prêts et de bonifications d'intérêts pour faciliter la
réalisation de zones industrielles. Le développement de ces interventions
conduira l'Etat à ne pas les proscrire, mais à alerter les autorités de tutelle afin
qu'elles veillent à ce que le comportement des Collectivités ne nuit pas à « la
poursuite d'une politique nationale d'orientation ». L’objectif de l'Etat demeure
la conjugaison des actions locales avec les siennes. Ceci correspond à l'idée
d'association « pour une exploitation commune » que l'on peut retrouver en
matière de relations internationales, domaine dans lequel la compétence
étatique a priori exclusive « souffre » d'une concurrence locale qu'elle s'emploie
à utiliser832. Cette appréhension de la finalité d’intérêt général explique depuis

830
Ibid. La prise de participation d'une Collectivité dans le capital d'une société commerciale
est une de ces actions proscrites mais non empêchées - ex: la commune de Mamers avait pris
pour relancer une distillerie une part minime du capital d'une société cf. Le Maine Libre, 7 Juin
1980, La participation de départements au capital de S.D.R. cf. HELIN (J.C.), Le département
et le droit de l'intervention économique, Paris, Les Cahiers du Droit public, 1986, p. 17. La
constitution d'écrans associatifs entre les Collectivités et l'activité n'est pas toujours de nature à
préserver les élus qui peuvent le cas échéant supporter les dettes sociales de l'entreprise en cas
de liquidation cf. T.C.2/7/1984 Préfet, Corep du Loiret c/ T.G.I. Orléans A.J.D.A. 1984, p. 562.
831
Ibid., Décret 5/11/1926 J.O. 7/11/1926, p. 118, l'art.14 soumet à approbation " L'intervention
des Communes, notamment par voie d'exploitation directe ou par simple participation
financière, dans les entreprises, même de forme coopérative ou commerciale, ayant pour objet
le fonctionnement des services publics, le ravitaillement.
832
HANNEQUART, L'Etat fédéré en droit international, th. dactylographiée TOURS 1991,
p. 189 et ss. FERSTENBERT (J.), Droit et pratique de l'action extérieure des Collectivités
locales, R.J.C.O., n° 1 et 2, 1988 ; Concernant les relations extérieures des Collectivités locales,
cf. C.E.23/10/1989, Cme de Pierre fitte sur Seine, Com. de St Ouen, Com. de Romainville
A.J.D.A., 1990, p. 119 et T.A., LA Réunion 18/12/1991, Lechat c/ Com. De St Denis de la
Réunion, LES PETITES AFFICHES, n° 74, 1993.
247
les lois de décentralisation de 1982-83, « les inflexions de compétences »833 tant
positives que négatives constatées et particulièrement l'évolution du régime
d'aide aux entreprises en difficulté ou des interventions dans le domaine
culturel834.

Au plan légal, on peut considérer ainsi que le principe de subsidiarité


fonde non seulement la clause de compétence générale des Collectivités qui
exprime leur capacité pour agir dans l’intérêt général835, mais aussi l’absence de
cloison étanche entre les capacités « matérielles » reconnues aux diverses
Collectivités, y compris l’Etat. Les différentes lois relatives à la décentralisation
et sa matérialisation836 attestent cela et traduisent l'idée que la subsidiarité pose
le principe de la « perméabilité des compétences »837.

La clause de compétence générale n'est donc pas un élément susceptible


de garantir la faculté de statuer des organes centraux et non centraux. L’article
55 de la loi constitutionnelle de 1996, reconnaît le principe de la libre
administration des Collectivités locales, il ne lui confère pas un caractère
absolu. Cette liberté comme toute autre a ses limites et comme les rédacteurs de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les constituants depuis 1960
ont confié à la loi le soin de les fixer. On peut ainsi observer que, sur ce point,

833
PONTIER (J.M.), « Les anamorphoses de la décentralisation », 1ere partie, les petites
affiches, 1992, n° 137, p. 6.
834
BALEYNAUD (P.), « La culture: l'oubliée de la décentralisation », R.D.P., 1991, p. 149 et
ss.
835
PONTIER (J.M.), « Sur une clause générale de compétence », R.D.P., 1984, p. 1468 et ss.
836
Loi sur la décentralisation de 2004, loi de finance locale et loi fiscale locale (Communes &
régions) concourent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire, au
développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu'à la protection de
l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie : L'administration territoriale de la
République est assurée par les Collectivités territoriales et par les services déconcentrés de
l'Etat. Elle est organisée, dans le respect du principe de libre administration des Collectivités
territoriales, de manière à mettre en œuvre l'aménagement du territoire, à garantir la démocratie
locale et à favoriser la modernisation du service public.
837
LONG (M.), Considérations générales sur le droit communautaire, rapport public du
Conseil d'Etat pour 1992, la documentation française, p. 25.
248
l’article 5 de la Constitution de 1996 s'inscrit dans la tradition constitutionnelle
camerounaise.

Paragraphe II : La protection législative de la répartition des


compétences

Des insuffisances de la clause générale de compétence, est née la théorie


du bloc de compétences qui ne paraît pas mieux réussir.

A)- Le choix de la clause légale de compétence


Le transfert de compétences suppose de pouvoir les identifier
clairement, ce qui renvoie à l’idée d’une liste de compétences pour distinguer
celles supposées intransférables, mais pas indélégables et celles qui ne le
seraient pas.
L’Etat ne saurait transférer qu’une compétence lui étant
expressément reconnue par un texte (constitutionnel), lequel transfert doit être
assorti d’obligation juridique ne se réduisant pas à celle d’exercer la dite
compétence838. La différence entre le transfert et la délégation est que cette
dernière est facultative pour les CTD et obligatoire pour l’Etat. Aussi, après la
définition de la clause légale de compétence, nous procéderons à l’énumération
du contenu.

1- La définition de la clause légale de compétence dans le


droit positif camerounais
La formule de l’attribution légale de compétence ou bloc de compétence
veut dire qu’à chaque catégorie de Collectivités, doit correspondre des

838
BRISSON (J.-F.), Les transferts de compétences…, op. cit., p. 268.
249
compétences limitativement énumérées ainsi que l’organisation des services
correspondants839.

Cette situation, bien que pratique apparaît ou constitue une limite


certaine au pouvoir des Collectivités. En effet, en cherchant à éviter toute
interférence ou empiétement dans l’exercice des compétences, elle contribue à
limiter le pouvoir d’action des Collectivités en contre partie de la domination
des pouvoirs centraux.

La technique du bloc de compétences présente l’intérêt de « veiller à la


cohérence des interventions ultérieures du législateur… »840. Pour Bertrand
FAURE, les Collectivités souffrent d’une absence de rigidité de leurs
compétences841.

En effet, le titre de compétence vaut permission pour agir. Les CTD


investis, détiennent par son biais un titre d’action exclusif que ne saurait lui
contester les autorités administratives. C’est leur situation vis-à-vis de la loi qui
marque leurs possibilités d’intervention. Or, deux phénomènes sont
susceptibles d’altérer cet ordre des choses : les titres de compétences peuvent
être mis en échec par le législateur lui-même qui n’a pas à s’estimer lié par les
compétences qu’il attribue, il peut donc soumettre la distribution des
compétences opérées par sa politique de décentralisation à un réformisme
constant. On s’accorde pourtant à considérer qu’une certaine permanence dans
la répartition des compétences serait plus favorable à l’exercice de
l’administration décentralisée.

839
BERNOT (J.B.), la répartition des compétences, LGDJ, Paris, 1996, p. 17.
840
LOMOYNE DE FORGES (J.-M.), « Subsidiarité et chef de file : une nouvelle répartition
des compétences », op. cit., p. 52.
841
FAURE (B.), « Remarques sur le problème de la loi pour décentraliser », in droit des
Collectivités territoriales, 2009, p. 188.
250
Au surplus, il n’existe pas dans le droit financier local camerounais le
principe d’indépendance des titres de compétence. L’Etat peut en exerçant ces
compétences modifier les conditions d’exercice, et donc l’étendue, des
compétences décentralisées. Il le fait au nom des de ses grandes politiques
transversales qui ignorent la répartition sectorielle des responsabilités et
s’exercent en la recomposant pour les besoins de ses objectifs. Les titres de
compétence peuvent donc se trouver annihilé, la dynamique d’adaptation du
droit étant maintenu au niveau de l’Etat.

2- L’étendue des compétences conférées

Dans le cadre de la décentralisation, Bruno Reymond explique « qu’il


ne s’agit pas d’affecter des rôles et d’impartir des compétences »842 avant
d’accorder une autonomie véritable, générale et financière en particulier. Il est
nécessaire de procéder à une identification des compétences à eux transférées.

C’est le chemin suivi par le législateur camerounais, au travers de la loi


n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes. Les
communes sont donc compétentes pour la promotion des activités de
productions agricoles, pastorales, artisanales et piscicoles d’intérêt communal ;
la mise en valeur de sites touristiques communaux ; la construction,
l'équipement, la gestion et l'entretien des marchés, gares routières et abattoirs ;
l'organisation d'expositions commerciales locales ; l’appui aux micro-projets
générateurs de revenus et d'emplois843. Le suivi et le contrôle de gestion des
déchets industriels ; les opérations de reboisement et la création de bois
communaux ; la lutte contre l’insalubrité, les pollutions et les nuisances ; la

842
REYMOND (B.), La Fin de l’État jacobin ?, LGDJ, coll. Décentralisation et développement
local, nº 1998, Paris, 1998, 117 p. Du même auteur, «La Région, une France d’avenir »,
numéro des Cahiers de l’Institut de la décentralisation, nº 9-III/2006, 2006, 60 p.
843
Art. 15, loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux Communes.
251
protection des ressources en eaux souterraines et superficielles ; l'élaboration de
plans communaux d’action pour l’environnement ; la création, l’entretien et la
gestion des espaces verts, parcs et jardins d’intérêt communal ; la gestion au
niveau local des ordures ménagères844.

la création et l’aménagement d'espaces publics urbains ; l’élaboration et


l’exécution des plans d’investissements communaux ; la passation, en
association avec l’Etat ou la région, de contrats-plans pour la réalisation
d’objectifs de développement ; l’élaboration des plans d’occupation des sols,
des documents d’urbanisme, d’aménagement concerté, de rénovation urbaine et
de remembrement ; l’organisation et la gestion des transports publics urbains ;
les opérations d’aménagement ; la délivrance des certificats d’urbanisme, des
autorisations de lotir, des permis d'implanter, des permis de construire et de
démolir ; la création et l'entretien de voiries municipales ainsi que la réalisation
de travaux connexes ; l'aménagement et la viabilisation des espaces habitables
; l'éclairage des voies publiques ; l'adressage et la dénomination des rues, places
et édifices publics ; la création et l'entretien de routes rurales non classées et des
bacs ; la création de zones d'activités industrielles ; la contribution à
l'électrification des zones nécessiteuses ; l'autorisation d'occupation temporaire
et de travaux divers845.

la création, conformément à la carte scolaire, la gestion, l'équipement,


l'entretien et la maintenance des écoles maternelles et priMaires et des
établissements préscolaires de la commune ; le recrutement et la prise en charge
du personnel d'appoint desdites écoles ; la participation à l'acquisition des
matériels et fournitures scolaires ; la participation à la gestion et à

844
Ibid., Art. 16.
845
Ibid., Art. 17.
252
l’administration des lycées et collèges de l’Etat et de la région par le biais des
structures de dialogue et de concertation.

L’exécution des plans d'élimination de l'analphabétisme, en relation


avec l'administration régionale ; la participation à la mise en place et à
l'entretien des infrastructures et des équipements éducatifs. L’élaboration d'un
plan prévisionnel local de formation et de recyclage ; l'élaboration d'un plan
communal d'insertion ou de réinsertion professionnelle ; la participation à la
mise en place, à l'entretien et à l'administration des centres de formation. La
promotion et l'animation des activités sportives et de jeunesse ; l'appui aux
associations sportives ; la création et la gestion des stades municipaux, centres
et parcours sportifs, piscines, aires de jeux et arènes ; le recensement et la
participation à l'équipement des associations sportives ; la participation à
l'organisation des compétitions846. L’organisation au niveau local des journées
culturelles, des manifestations culturelles traditionnelles et concours littéraires
et artistiques ; la création et la gestion au niveau local d'orchestres, ensembles
lyriques traditionnels ; corps, ballets et troupes de théâtres ; la création et la
gestion de centres socioculturels et de bibliothèques de lecture publique ;
l'appui aux associations culturelles847. Et de la loi n° 2004/019 du 22 juillet
2004 fixant les règles applicables aux régions.

Les régions quant à elles sont compétentes en matière de promotion des


petites et moyennes entreprises ; l'organisation de foires et salons ; la promotion
de l'artisanat ; la promotion des activités agricoles, pastorales et piscicoles ;
l'encouragement à la création de regroupements régionaux pour les opérateurs
économiques ; l'appui aux micro-projets générateurs de revenus et d'emplois ;
la promotion du tourisme. L'élaboration et l'exécution des plans régionaux de

846
Ibid., Art. 18.
847
Ibid., Art. 20.
253
développement ; la passation, en relation avec l'Etat, de contrats de plans pour
la réalisation d'objectifs de développement ; la participation à l'organisation et
à la gestion des transports publics interurbains ; la coordination des actions de
développement ; l’élaboration conformément au plan national, du schéma
régional d’aménagement du territoire ; la participation à l'élaboration des
documents de planification urbaine et des schémas directeurs des Collectivités
territoriales ; la réhabilitation et l'entretien des routes départementales et
régionales ; le soutien à l'action des communes en matière d'urbanisme et
d'habitat848.

la création, conformément à la carte sanitaire, l'équipement, la gestion et


l'entretien des formations sanitaires de la région ; l'appui aux formations
sanitaires et établissements sociaux ; la mise en œuvre de mesures de
prévention et d'hygiène ; la participation à l'entretien et à la gestion de centres
de promotion et/ou de réinsertion sociale ; l'organisation et la gestion de
l'assistance au profit des nécessiteux ; la participation à l'élaboration de la
tranche régionale de la carte sanitaire ; la participation à l'organisation et à la
gestion de l'approvisionnement en médicaments, réactifs et dispositifs essentiels
en conformité avec la politique nationale de santé849.

la participation à l'établissement et à la mise en œuvre de la tranche


régionale de la carte scolaire nationale ; la création, l'équipement, la gestion,
l'entretien, la maintenance des lycées et collèges de la région ; le recrutement
et la prise en charge du personnel d'appoint des lycées et collèges ; la
répartition, l'allocation de bourses et d'aides scolaires ; la participation à
l'acquisition des manuels et fournitures scolaires ; la participation à la gestion et
à l'administration des lycées et collèges de l'Etat, par le biais des structures de

848
Art. 20 de la loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions.
849
Ibid., Art. 21.
254
dialogue et de concertation ; le soutien à l'action des communes en matière
d'enseignement priMaire et maternel, l'élaboration et l'exécution des plans
régionaux d'élimination de l'analphabétisme ; la synthèse annuelle de
l'exécution des plans de campagnes d'alphabétisation ; le recrutement des
personnels chargés de l'alphabétisation ; la formation des formateurs ; la
conception et la production de matériels didactiques ; la réalisation de la carte
de l'alphabétisation ; la mise en place d'infrastructures et d'équipements
éducatifs ; le suivi et l'évaluation des plans d'élimination de l'illettrisme ; le
recensement exhaustif des métiers régionaux et l’élaboration d’un répertoire
des formations professionnelles existantes avec indication des aptitudes
requises et des profils de formation ; la participation à l’élaboration de la
tranche régionale de la carte scolaire se rapportant à l’enseignement technique
et à la formation professionnelle ; l'élaboration d'un plan prévisionnel de
formation ; l'entretien et la maintenance des établissements, centres et instituts
de formation de la région ; le recrutement et la prise en charge du personnel
d'appoint ; la participation à l'acquisition de matériels didactiques, notamment
les fournitures et matières d'œuvre ; la participation à la gestion et à
l'administration des centres de formation de l'Etat850.

La délivrance d'autorisations d'ouverture de centres éducatifs, dûment


visées par le représentant de l'Etat ; l’assistance aux associations sportives
régionale ; la réalisation, l'administration et la gestion des infrastructures
sportives et socio-éducatives à statut régional ; l'organisation, l'animation et le
développement des activités socio-éducatives ; la promotion et la gestion des
activités physiques et sportives au niveau régional851. La promotion et le
développement des activités culturelles ; la participation à la surveillance et au
suivi de l'Etat de conservation des sites et monuments historiques ainsi qu'à la

850
Ibid., Art. 22.
851
Ibid., Art. 23.
255
découverte des vestiges préhistoriques ou historiques ; l'organisation de
journées culturelles, de manifestations culturelles traditionnelles et de concours
littéraires et artistiques ; la création et la gestion d'orchestres, d'ensembles
lyriques traditionnels, de corps de ballets et de troupes de théâtres d'intérêt
régional ; la création et la gestion de centres socio-culturels et des bibliothèques
de lecture publique d'intérêt régional ; la collecte et la traduction des éléments
de la tradition orale, notamment les contes, mythes et légendes, en vue d'en
faciliter la publication ; l'assistance aux associations culturelles852.

L’énumération par la loi organique et réglementaire des blocs de


compétences peut être qualifiée de négative en ce sens qu’elle précise les
compétences des CTD, mais ne spécifie pas véritablement celle qui demeure
compétence de l’Etat. Pour M. BRISSON se sont bien en cela des lois
attributives de compétences reflétant en tout premier lieu le point de vue du
centre. Elles doivent alors intégrer un polycentrisme inégal et réel en précisant
ce qui reste à l’Etat853. Il est donc perceptible que l’Etat semble toujours
craindre en la matière, du législateur au juge de sortir de l’ambiguïté à son
détriment. C’est le sens des différents décrets de 2012 relatifs aux différentes
modalités d’exécution des compétences transférées854. Il est ainsi précisé dans
ces différentes sections, les fonctions propres aux CTD.
En France , le Conseil d’Etat dans une décision du 9 mars 2007,
Département de la Vendée, informe, qu’un « transfert de crédits » dédiés à la
conservation du patrimoine rural non protégé, prévu à l’article 99 de la loi du

852
Ibid.,Art. 24.
853
BRISSON (J.-F.), Les transferts de compétences…, op.cit., p. 267.
854
Décret n° 22012/0881/PM du 27 mars 2012 fixant les modalités d’exercice de certaines
compétences transférées par l’Etat aux Communes en matière de sport et d’éducation physique.
Décret n° 2012/08877/PM du 27 mars 2012 fixant les modalités d’exercice de certaines
compétences transférées par l’Etat aux Communes en matière d’appui aux micro-projets
générateurs de revenus et d’emplois. Décret n° 2012/0880/PM/ du 27 mars 2012 fixant les
modalités d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux Communes en
matière d’organisations d’œuvres de vacances.
256
13 août 2004, ne saurait être assimilé ni à une délégation ni à un transfert de
compétences.
La haute juridiction précise en effet à ce propos que la loi, en
transférant ces crédits aux départements, « ne leur a pas transféré une
compétence de l’Etat » dès lors qu’«aucune disposition législative ou
réglementaire ne confie à l’Etat le soin d’assurer la sauvegarde et la mise en
valeur de ce patrimoine [et qu’] aucune compétence obligatoire nouvelle n’est
créée ». Il ne s’agit dès lors selon le juge que d’un « transfert de moyens »,
notamment parce qu’il n’est accompagné « d’aucune obligation juridique »855.

B : Les raisons de la mixture camerounaise en matière de


répartition des compétences
Le constituant camerounais à procédé autrement, au regard des
insuffisances observées chez ses devanciers, il a fait le choix d’intégrer les
moyens qui attribueraient aux CTD une pleine liberté de gestion dans la loi
constitutionnelle de 1996856 et l’autre à travers les lois sur les communes857 et
les régions858.

1- Les insuffisances de la clause légale de compétence


L'attribution de compétences spéciales n'apporte pas forcement la
garantie souhaitée, « La notion d'intérêt général est fort vague. Il n'est donc pas
surprenant d'observer que les compétences des autorités administratives
puissent être parfois plus étroitement finalisées ou spécialisées »859.

855
CE, 9 mars 2007, Département de la Vendée, req. 290042, inédit. Cité par BRISSON (J.-
F.), p. 268.
856
Les principes de libre administration et celui de subsidiarité.
857
Loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux Communes.
858
Loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux régions.
859
MOREAU (J.), Droit administratif, Coll. Droit fondamental, Paris, P.U.F.,1989, p. 198.
257
La spécialité se traduit par une dimension territoriale, formelle et
matérielle. L'autorité organisatrice a fixé légalement la spécialité des acteurs
qui y apportent le cas échéant, des modifications par consensus ainsi qu'on l'a
évoqué pour la compétence générale.
La dimension territoriale constitue un des éléments déterminants la
compétence personnelle d'un organe. Dans son propos sur le pouvoir
réglementaire local, Maurice BOURJOL fait du territoire le critère de la
spécialité des Collectivités locales860.

La fixation des limites du territoire relève du droit bien entendu, mais


celui-ci peut reprendre des limites « ressenties » par les hommes861 ou d'une
façon générale, celle découlant de l'histoire sociale862, mais il peut aussi créer la
limite de façon plus arbitraire, comme pour les régions sans que, celles-ci
n'aient été établies sans tenir « compte des vieilles solidarités historiques ».

Quel que soit le fondement du découpage, celui-ci n'apparaît pas


suffisant pour garantir le monopole de la faculté de statuer, de décider ou de
gérer des organes locaux. Le découpage territorial n'excluant pas l'identité des
matières que les organes centraux et non centraux peuvent évoquer l'intérêt
local ou national constitue le seul moyen de partage. Or, il n'existe pas de
définition à priori de l'intérêt local comme de l'intérêt national863, et dès lors le
territoire ne peut constituer seul un élément garantissant la faculté de statuer

860
« Ce Pouvoir réglementaire est spécial, en ce qu'il se rapporte aux affaires d'intérêt local
... »; BOURJOL (M.), « Libre administration des Collectivités territoriales de la République »,
jurisclasseur Collectivités locales, Fasc. 2, n° 36.
861
ALBIN (M.), Les Communes françaises, Paris, L.G.D.J., 1970, p. 188. PETIT-DUTAILLIS
(Ch.) montre que « le mot Commune évoque avant tout l'idée, ... d'un groupe qui s'est constitué
pour gérer des intérêts collectifs ».
862
BOURJOL (M.), montre concernant « l'ordre juridique communautaire », le lien entre
l'intérêt des hommes et un territoire à partir de la trilogie agraire « Ager, Saltus, Sylva ». Les
biens communaux, L.G.D.J., 1989, p. 13 et ss.
863
PONTIER (J.M.), L’Etat et les Collectivités locales, la répartition …, op. cit., p. 150 et ss.
258
qu'exercent des organes dans son périmètre. C'est pourquoi la spécialisation
territoriale est aussi nécessairement matérielle.

Concernant la dimension matérielle de la spécialité, il apparaît deux


grandes tendances. La première, dans le souci de trancher la question des
rapports centre - périphérie, se traduit par des lois de procédure, c’est-à-dire que
« ce qui est prévu ce sont les conditions dans lesquelles les autorités locales
peuvent intervenir, ce n'est pas malgré le terme employé l'objet sur lequel elles
peuvent intervenir »864. Selon Jean marie PONTIER, Cette technique ancienne
est toujours utilisée mais en pratique, elle ne peut être que marginale.
Cependant elle exige au regard des besoins d’intérêts généraux exprimés une
réaction rapide du titulaire de la norme première pour affecter la compétence
permettant de les satisfaire, que nulle procédure ne peut assurer. En d'autres
termes, l’étendue des besoins implique la généralité des compétences des
organes destinés à les satisfaire. En effet, cette impuissance fonde la seconde
méthode, qui est plus pragmatique car consciente de la vanité d'une
détermination énumérative865. Elle s’exprime dans la reconnaissance d’une
compétence générale ou sectorielle, d'un intérêt local (d’affaires locales)
distinct de celui de l’Etat.

Ces deux tendances peuvent s'exprimer de façon concomitante,


conduisant ainsi à s’interroger sur le maintien de la clause de compétence
générale lorsque la loi attribue expressément un domaine d'intervention à une
Collectivité.

864
Ibid., p. 94.
865
TREMBLAY (B.L.), « Normatif descriptif en théorie du droit », R.D.U.S., mars 2002,
pp. 71-95.
259
Jean-Marie PONTIER866 à la suite du professeur Franc Paul
BENOIT867, propose de considérer que les lois attributives de compétences ont
juste pour effet d'établir aux yeux des organes des Collectivités concernées et à
ceux du juge, l’intérêt local justifiant les interventions de la Collectivité dans le
domaine en cause.

Ainsi l’attribution à une Collectivité d’un domaine d’intervention


n’exclurait pas de celui-ci les autres Collectivités868. Cette façon de voir semble
être celle du législateur camerounais.

Evoquer la « compétence générale en matière économique », c’est à tout


le moins changer la définition de la compétence générale qui par nature était
indéterminée. En d’autres termes, affecter à l’expression compétence générale
une précision matérielle, nie l'idée même de compétence générale. Il est
difficile de voir dans cette formulation une maladresse rédactionnelle et l'on est
contraint d’y voir la mise en cause de la clause de compétence générale sans
que le juge nous fournisse un élément permettant de déterminer quand une
Collectivité dispose d'une compétence générale dans un domaine. En effet, les
lois de répartition de compétence n’ont pas mis fin aux compétences croisées,
certains évoquent même « l’enchevêtrement des compétences »869. Il sera
délicat de déterminer alors qui dispose de la compétence générale dans une
matière. Enfin, l’article 8 de la loi d’orientation de la décentralisation de 2004
proscrivant l’instauration de tutelles entre Collectivités, perd toute portée réelle
si cette idée de compétence générale matériellement déterminée est confirmée.

866
Ibid.
867
BENOIT (F.P.), « Les attributions générales », n° 54, Encyclopédie Dalloz, Collectivités
locales, p. 190.
868
C.E.15/2/1993, Région Nord-Pas-de-Calais, droit administratif, avril 1993, p. 8, n° 154. La
compétence générale ici, sans que le juge ne le dise, est en vertu des dispositions de la loi 82-
213 du 2/3/1982, celle de l'Etat qui " a la responsabilité de la conduite de la politique
économique et sociale, ainsi que de la défense de l'emploi ".
869
TARICK (Z.), op. cit., p. 143.
260
En d’autres termes, la spécialisation matérielle des compétences ne
constitue pas une garantie de la faculté de statuer accordée aux organes. La
spécialisation formelle des organes pourrait être une solution.

Pour Charles EISENMANN, la question de la centralisation-


décentralisation870 se posait aussi concernant les actes matériels, montrant ainsi
que l’on pouvait spécialiser des organes dans la prise de ces actes ou activités.
Le système allemand démontre que cette spécialisation peut exister en matière
normative en confiant aux organes non centraux l’exécution des décisions des
organes centraux871. Les Collectivités locales en France sont confinées pour
l’essentiel dans le niveau réglementaire et donc de mise en œuvre des lois.
Cependant la maîtrise de la loi par le gouvernement et le développement des
lois « formelles » permet de faire écran au fait que le plus souvent elles mettent
en œuvre la volonté gouvernementale et qu'ainsi s’instaure en France, sur le
modèle allemand et européen, une spécialisation formelle des Collectivités.

Cependant, si cette spécialisation formelle apparaît susceptible de


conférer aux organes le monopole de la faculté de statuer à un niveau donné de
la hiérarchie des normes, elle est incompatible avec l'idée de décentralisation
qui suppose un partage horizontal du pouvoir normatif et non un partage
vertical qui correspond alors à une simple organisation hiérarchique des
compétences. Ceci constitue une vision archaïque et peu réaliste du pouvoir
exécutif conçu comme « exécutant passif d'une autorité supérieure », affirme
Yves MENY car « au contraire toutes les études de politiques publiques ont
fortement souligné combien la phase de mise en œuvre ... était cruciale et
nécessitait une étroite coordination entre décideur et exécutant, ce dernier

870
EISENMANN (C.), Centralisation - décentralisation, op. cit., p. 64.
871
MENY (Y.), Politique comparée, Paris, Montchrestien, 1991, p. 333. Il est intéressant de
noter que l'auteur présente cette organisation comme " l'option décentralisée " du partage des
tâches entre administrations locales et centrales.
261
devenant partie prenante de la décision pour en garantir une bonne
exécution »872. Il est certain que tout exécutant dispose d'une marge de
manœuvre, mais celle-ci ne peut le faire décideur, sinon il n'est pas
qu'exécutant, il est aussi décideur. Si tel est le cas, le droit doit en rendre
compte, et le seul moyen est de partager le pouvoir normatif, c'est-à-dire en
reconnaissant à l'un la faculté de statuer et à l'autre la faculté d'empêcher. Dans
le système camerounais contrairement au système français, les organes non
centraux disposent d'une faculté d’empêcher les organes centraux comme en
rend compte la loi d’orientation de la décentralisation de 2004873. Donc si
effectivement la spécialisation formelle peut être mise en œuvre, elle sera
caractéristique d'une organisation donnée de la production des normes : la
centralisation et sa fille la déconcentration. Seul l’exercice d’une faculté
d’empêcher permet à un organe de protéger la faculté de statuer qui lui est
reconnue, c’est le cas des communes.

2- Une fonction du législateur

La loi sur la décentralisation si elle ne se consacre de façon expresse une


méthode évolutive, elle exprime une tendance évolutive suivant la formule
«... seront progressivement mis… »874. Si la méthode évolutive est intéressante
dans la mesure où elle aboutit à des avancés irréversibles, elle n’est cependant
pas dépourvue de critique sévère. Elle conduit toujours à des solutions
superficielles et changeantes au gré des conjonctures875. Elle est aussi une
source d’homogénéité876 et de désordre puisque les transferts de compétence
s’effectuent toujours dans un sens unique, de l’Etat vers les Collectivités

872
Ibid., p. 419 et p. 420.
873
Les arts. 73 et 74 de la LOD.
874
Ibid., Art. 80 et ss.
875
PAVIA (M.-L.), Les transferts de compétences… op. cit., p. 58.
876
Ibid.
262
locales. L’exercice synchronique des attributions économiques au niveau local
suppose que chaque Collectivité locale exerce les attributions qu’elle est en
mesure d’assurer d’une manière efficace. En revanche, et en aucun cas, ces
transferts de compétences ne doivent être pour l’Etat un moyen d’éviter une
gestion déficiente en rendant les élus locaux responsables des échecs probables.
Le transfert de compétences vers les Collectivités locales doit être dicté par des
soucis d’efficacité afin de pallier les imperfections des interventions étatiques.

Section II : La répartition horizontale des compétences


L’autonomie financière des CTD ne s’appréhende pas seulement par
rapport à l’Etat, elle peut également être perçue au travers de la dépendance
d’une Collectivité sur une autre. Tout en réglementant les rapports entre les
CTD, le législateur camerounais a interdit la tutelle des unes sur les autres.

Paragraphe I : L’exclusion de la tutelle entre les Collectivités


territoriales

Pour éviter une domination ou une dépendance des CTD les plus fortes
sur celles qui sont les moins fortes, le législateur camerounais a procédé à la
réglementation constitutionnelle et législative des rapports entre ces dernières.

A)- Le fondement juridique


Si la loi de 2004 à la suite de la loi constitutionnelle de 1996 constitue
des fondements de la non tutelle entre les CTD, cette même loi présente des
éléments qui pourraient laisser croire qu’il existe une certaine hiérarchie entre
les CTD.

263
1- Constitutionnelle et législative

Le fondement constitutionnel est l’article 55 de la loi constitutionnelle


de 1996 en son al. 3. L'article 8 de la loi n° 2004/017 d'orientation de la
décentralisation qui exclut expressément toute forme de tutelle d'une
Collectivité sur une autre. Aucune précision supplémentaire n'est apportée à
cette disposition. Il s’agit cependant de prohiber à l’avance tout mécanisme par
lequel une Collectivité puissante et riche contrôlerait une Collectivité faible et
pauvre877.

L’interdiction de la tutelle d’une Collectivité sur une autre est selon le


LEMESTRE une garantie de la libre administration878, cela induit que les
décisions prises par les Collectivités d’accorder ou de refuser une aide
financière à une autre CTD ne peuvent avoir pour effet l’établissement ou
l’exercice d’une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur celle-ci. Les
Collectivités sont donc indépendantes les unes les autres et toutes en relation
directe avec l’Etat qui seul peut exercer un contrôle sur elles. « L’interdiction
de la tutelle entre Collectivités territoriales suggère que l’articulation des
compétences au niveau local ne pourra prendre qu’une forme
contractuelle… »879. Cette précision du constituant camerounais pourrait se
justifier par l’importance des compétences et la position géographique
englobante des régions. Comme le révèle CHAPUISAT, « le bannissement de
toute tutelle locale ne doit cependant pas tromper(…) la région (…) apparaît
comme intruse(…) dont l’Etat et les Collectivités territoriales traditionnelles

877
MOREAU (J.), Administration régionale, départementale et municipale, Paris, Dalloz, 14e
éd., mémentos 24, p .43.
878
LE MESTRE (R.), Droit des Collectivités territoriales, Paris, gualino éditeur, 2004, p. 300.
879
BRISSON (J.-F.), « les nouvelles clefs constitutionnelles de répartition matérielle des
compétences entre l’Etat et les Collectivités locales », AJDA, n° 11, 2003, p. 538.
264
veulent prévenir toutes velléités hégémoniques mais aussi toute immixtion dans
la vie locale »880.

Certains éléments du mécanisme de fonctionnement des CTD peuvent


cependant mettre en évidence une source éventuelle de tutelle. En effet, les
catégories de CTD ne constituent pas d’ensembles fermés indépendants les uns
des autres. Les CTD agissent souvent de concert881 et le transfert de
compétence de l’Etat entraîne aussi une multiplication des relations inter-
Collectivités. Les tentations hégémoniques de certaines Collectivités peuvent
ressortir insidieuses. Les textes même pourraient laisser entrevoir une
hiérarchisation dans l’organisation des CTD.

Jean François BRISSON souligne justement que « le principe de non


tutelle ne permet en effet d’établir aucune délimitation matérielle des
compétences locales, pas plus qu’il ne limite bien au contraire l’aptitude
générale des Collectivités locales à se saisir des affaires qu’elles jugeraient
d’intérêt public local »882.

C’est un principe séculaire. Dans une décision du 17 janvier 2002 du


Conseil constitutionnel883. Ce dernier va vérifier à l’occasion de son contrôle
sur le texte réformant le statut de la Corse qu’aucune des dispositions
transférant à la Collectivité territoriale de Corse « ne méconnaissait les
compétences propre des communes et départements et n’établissait de tutelle
d’une Collectivité territoriale sur une autre », le Conseil considère aussi que

880
CHAPUISAT (J.), « Commentaire de loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition
des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat », AJDA, 20 fev
1983, p. 84.
881
Dans les cas des contrats de villes.
882
Ibid., p. 530.
883
Décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, cité par BRISSON (J.-F.), Les transferts des
compétences…, op.cit., p. 353.
265
l’interdiction de la tutelle territoriale constitue l’un des principes fondamentaux
de la décentralisation884.

2- Une hiérarchisation voilée des Collectivités apparentes

Le législateur camerounais fait cependant ressortir un paradoxe dans


l’organisation des CTD qui voudrait que l’on puisse croire que les régions et les
communautés urbaines détiennent plus de pouvoirs que les communes, donc
une certaine autorité sur celles-ci. Nous pouvons y apporter une explication. En
effet, comme les premiers ont une circonscription territoriale plus étendue, les
seconds y sont compris. C’est de l’article 11 de la loi de 2004 que l’on tire cette
assertion, elle énonce de ce fait en substance que : La commune est tenue de
requérir l’autorisation du Conseil régional par délibération, pour les projets
d'intérêt local initiés sur le domaine public maritime ou fluvial.

B)- L’enchevêtrement des compétences


L’enchevêtrement des compétences tient en premier de l’imprécision de
certains textes de loi et en second lieu de la question permanente de la
territorialité.

1- L’imprécision de certains textes de loi

Cette situation est favorable à un enchevêtrement des compétences. En


effet, des attributions économiques des Collectivités par des formules larges,
vagues et ambiguës885ouvrent la voie à ce type de conflit. L’enchevêtrement des
compétences implique deux éléments essentiels. Le premier est de nature
verticale et le second est de type horizontal.

884
Ibid.
885
TARIK (Z.), op. cit., p. 183.
266
Du point de vue vertical, les compétences prises dans leur ensemble ne
sont pas clairement arrêtées. Ce qui laisse de plus en plus place aux fonctions
communes et affaires partagées. Si les Collectivités ont un champ
d’intervention limité au cadre géographique local, les personnes publiques à
caractère national ne connaissent aucune limite. Il en résulte que toute
répartition des compétences entre l’Etat et les Collectivités laissent apparaître
des zones confuses ou les deux échelons interviennent. L’Etat justifie son
intervention par sa mission générale qui est celle d’assurer le développement de
tout le pays ainsi que la satisfaction de tous les citoyens en tout lieu du pays.
Cette situation s’aggrave par le fait que les deux interventions étatiques et
décentralisées se rencontrent sur le même terrain, celui de l’économie, en
invoquant les mêmes raisons ; la maîtrise de la croissance et l’amélioration des
conditions de vie. Il en résulte nécessairement des empiètements de
compétence886.

Du point de vue horizontal, nous nous attarderons au niveau de


l’analyse sur les rapports entre les Collectivités territoriales.

En effet, elle est à la fois de la symbolique, pour reprendre les termes de


Marie-Luce PAVIA, elle constitue un signal fort de ce que la décentralisation
devient un des grands principes de l’Etat aux côtés de la République indivisible,
égalitaire, laïque, démocratique et sociale887.

Sur le plan rhétorique et linguistique, il annonce la « force de la


volonté »888 un indu fort d’une volonté de dépassement du symbole pour
atteindre une portée pratique ; et en fait juridique889.

886
PONTIER (J.M.), L'Etat et les Collectivités locales…, op. cit. p. 145.
887
Art. 1 al. 2 et al. 3 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
888
PAVIA (M.-L.), Le transfert des compétences…, op. cit., p. 53.
889
Pour une opinion inverse ; voir VERPPEAUX (M.) « L’organisation décentralisé de la
République : libre propos », RFDA, n°4 Juillet-Août 2003, p.667.
267
La prudence terminologique est liée « à la crainte d’une inégalité
croissante par l’autonomie locale, et d’une atteinte à l’unité de l’Etat »890.

2 - L’enchevêtrement du fait de la compétence territoriale


L’enchevêtrement du fait de la compétence territoriale découle de
l’exercice concurrent des fonctions par les Collectivités.
En effet, les interventions économiques des pouvoirs décentralisés
s’effectuent sur le même cadre spatial ou, simultanément différentes catégories
des Collectivités œuvres pour la réalisation du développement économique.
C’est un lieu d’interférence des différents modèles interventionnistes et des
stratégies de développement parfois opposées. Chaque Collectivité veille à la
satisfaction de ses propres intérêts. Le rayon d’intervention d’une Collectivité
telle que la commune rurale est très faible pour qu’elle puisse élaborer les
normes de la réglementation en matière d’aménagement du territoire,
d’urbanisme, de construction et de lutte contre la pollution de l’air et de l’eau
qui relève du domaine de la politique de l’environnement à l’échelon national.
Cette difficulté peut se résoudre par la réglementation des affaires communes
ou partagées.

Paragraphe II : Les moyens d’exercice des compétences


transférées

CH. EISENMANN considérait qu'en l’absence de définition préalable


des questions, résidait la cause première de la présentation confuse par les
auteurs classiques de la théorie de la centralisation et de la décentralisation891.
Forme la plus souple d'intercommunalité, qui sont des EPCI sans fiscalité
propre et sont donc financés par les contributions des communes membres,

890
PAVIA (M-L.), Le transfert des compétences…, op. cit., p.150.
891
EISENMANN (C.), op. cit., p. 48.
268
ainsi que par les revenus de leur activité. C’est une coopération qui ne reste
cependant pas sans limite.

A)- La coopération, entre solidarité et partage des


responsabilités
La coopération décentralisée est une forme de rapport entre les
Collectivités, c’est l’expression de la solidarité entre les CTD. Dans le cadre de
cette analyse, nous nous appesantirons sur la coopération décentralisée
économique et l’aspect de loyauté qu’elle représente.

1- La coopération décentralisée économique

La coopération décentralisée est définie comme la coopération entre les


Collectivités publiques de nationalités différentes auxquelles peuvent
s’associer d’autres agents économiques et sociaux. Yves Delahaye l’entend
comme des relations extérieures ou des actions extérieures892.

La coopération décentralisée apparaît non pas comme une compétence


mais comme un moyen d’exercer les compétences transférées aux
Collectivités893. Si les Collectivités camerounaises peuvent mener des actions
de coopération décentralisée en vertu du principe de libre administration
énoncé par l’article 55 de la Constitution, leur liberté est conditionnée par une
autorisation de droit interne.

La capacité des Collectivités territoriales à poursuivre des actions


extérieures se heurte à la notion de souveraineté, fondement de la théorie de
l’Etat en Droit constitutionnel. Les relations extérieures de l’Etat reposent sur

892
NOISET (C.), Coopération décentralisée et développement local, cité par AUTEXIER (C.),
licéité de l’action extérieure des Collectivités territoriales et préservation des intérêts
nationaux, economica, 1989, pp. 245-262.
893
Tarik (Z.), La coopération décentralisée…, op. cit., p.143.
269
le principe de l’unité de l’Etat. L’Etat forme un tout et cette unité est la
condition préalable à toute reconnaissance internationale et s’appuie sur le
principe de souveraineté. Les relations que peuvent envisagées les
Collectivités n’échappent pas ce principe. La licéité des actions de
coopération décentralisée vient buter sur ce principe. Les Collectivités ont-
elles une capacité à agir sur le plan international ? Telle est la question qui
nécessiterait un appesantissement.

La coopération décentralisée résulte d'une convention par laquelle deux


(02) ou plusieurs communes décident de mettre en commun leurs divers
moyens en vue de réaliser des objectifs communs894. Elle peut s'opérer entre
des communes camerounaises ou entre celles-ci et des communes étrangères,
dans les conditions fixées par la législation et la réglementation en vigueur.
Les communes peuvent adhérer à des organisations internationales de villes
jumelées ou à d'autres organisations internationales de villes. La convention y
relative, préalablement autorisée par délibération du Conseil municipal est
soumise par le représentant de l'Etat à l'approbation préalable du Ministre
chargé des Collectivités territoriales895.

La licéité des actions de coopération décentralisée vient buter sur le


principe de souveraineté de l’Etat. La réponse est claire et ne suscite aucune
discussion, l’acquisition de la personnalité juridique d’une Collectivité
territoriale ne vaut que dans l’ordre interne. Le droit international ne pourrait
admettre une capacité à agir à différent organe public, distinct de la personne
étatique sans remettre en cause la notion d’Etat. L’Etat participe seul aux
relations internationales en vertu de son monopole tiré des principes de

894
Art. 131 de la loi 2004/018…op. cit.
895
Ibid., Art. 132.
270
souveraineté et d’unité. Les Collectivités territoriales peuvent être tout au plus
associées dans ces relations aux côtés de l’Etat auquel elles appartiennent.

Toutefois, les Collectivités peuvent engager des relations de coopération


extérieure lorsque l’Etat les y autorise soit par un acte international, ce sont
les traités de couverture896, soit dans le cadre du droit interne.

Une partie de la doctrine à l’instar de Michel Prieur estime que le


problème de la souveraineté ne serait pas dans les relations transfrontières car
la souveraineté au sens du droit international public n’est pas directement
en cause897. Pour certains, en avançant une telle affirmation, Michel PRIEUR
pose indirectement le problème de l’extension de ce raisonnement aux autres
formes de coopération898. Or, il apparaît qu’il serait difficile d’étendre cette
affirmation à l’ensemble des actions de coopération décentralisée des
Collectivités territoriales.

D’autres juristes écartent les actions de coopération décentralisée dans


sa partie transfrontalière de la sphère de droit international public en relevant
que ces actions se déroulent en dehors de son champ d’application car ce sont
des relations de bas niveau portant sur des objets locaux d’ordre administratif,
économique ou culturel qui se distinguent par nature des problèmes qui
engagent la politique du pays.

2 - La coopération : un aspect de la loyauté institutionnelle


La loi portant fiscalité locale met en œuvre le principe de solidarité
entre les Collectivités territoriales décentralisées en vue de leur développement

896
TARICK ZAIR, op.cit.
897
PRIEUR (M.), Les bases juridiques de la coopération transfrontalière locale et régionale p.
332.cité par NOIZET (C.), La coopération décentralisée et le développement local: Les
instruments juridiques de la coopération, Paris-France, Harmattan, 2003, p. 25.
898
La coopération interrégionale communautaire et la coopération pour le développement.
271
harmonieux899. Elle consacre le financement de cette solidarité à travers deux
mécanismes à savoir : le principe de solidarité par l'intercommunalité à travers
le FEICOM et le principe de solidarité par la péréquation du produit de certains
impôts locaux centralisés par ledit organisme900.
Le mécanisme d'intercommunalité consiste, pour les Collectivités
territoriales à transférer au FEICOM, une quote-part du produit de certains
impôts et taxes. A cet effet, il est affecté au FEICOM 20% du produit des
centimes additionnels communaux, de la taxe de stationnement, de la
contribution des patentes, de la contribution des licences, de la taxe sur les
propriétés immobilières, et des droits de mutation d'immeubles. Les recettes
ainsi constituées servent à financer, d'une part le fonctionnement propre de
l'organisme, et d'autre part, les différentes interventions au profit des
Collectivités locales.

B)- Les limites de cette technique : le statut des affaires


communales
Les affaires communales sont à la fois complexes et insaisissables, cela
est dû à l’imprécision des textes et à l’utilisation par le législateur de concepts.

1- La complexité
La détermination des affaires économiques locales n’est pas aisée à
effectuer. Cette entreprise s’avère plus délicate dans un contexte de
confrontation, où l’Etat est soucieux de préserver son autorité et où les CTD
plaident pour une plus grande autonomie. C’est dans ce contexte de lutte et de
soif du pouvoir901qu’une telle répartition s’opère.

899
Art. 10 de loi d’orientation de la décentralisation op. cit.
900
Art. 116-1 de la loi 2004/018…op. cit.
901
CHEVALIER (J.), La réforme régionale, op. cit., p. 100.
272
La nature des attributions économiques des Collectivités n’est pas une
donnée stable (création d’un nouveau ministère des marchés) elle est
changeable d’un pays à un autre, d’une époque à une autre. L’existence des
Collectivités locales ainsi que « l’étendue de leur pouvoir d’intervention,
notamment dans le domaine économique restent une donnée relative qui
dépend largement du système de valeur »902 du niveau de développement et de
l’enracinement des pratiques locales dans l’esprit.

La problématique des affaires locales est une question mouvante


« susceptible de recevoir des réponses différentes suivant le pays et la
philosophie politique en vigueur »903. Dans le cas camerounais, la répartition
des compétences entre l’Etat et les Collectivités locales est naturellement plus
le résultat de l’histoire que celui de la logique904.

La détermination des affaires économiques à caractère local se fonde sur


l’existence d’un intérêt local reconnu comme distinct de celui national ainsi que
la nécessité de satisfaire ces besoins à travers l’attribution de certaines
compétences économiques à des institutions élues et jouissant d’une « réelle
autonomie » par rapport au pouvoir central.

Au niveau local, les Collectivités prises industriellement se caractérisent


par l’existence d’un certain nombre d’intérêts qui leur sont propres et qui par
leur localisation se différencient de l’intérêt national. On peut donc conclure
qu’il existe des besoins particuliers propres aux Collectivités territoriales,
distincts des intérêts généraux communs à tous les habitants du territoire
national ; c’est aussi un moyen commode pour l’Etat de se décharger de
certaines tâches qui peuvent très bien s’exécuter dans le cadre local. Il apparaît

902
TARICK ZAIR, La coopération décentralisée…, op. cit., p. 156.
903
POMTIER (J.M.), L'Etat et les Collectivités locales …, op. cit., p. 36.
904
La tradition centralisatrice.
273
donc à l’analyse qu’à travers la satisfaction de l’ensemble des intérêts locaux,
c’est tout l’intérêt général qui est satisfait si l’on se range suivant le point de
vue de ceux qui affirment qu’il n’existe pas d’intérêt qui puisse être qualifié de
général, mais qu’il existe cependant plusieurs intérêts partiels905.

En effet, la notion d’intérêt est fluide ce qui rend les critères de


distinction entre intérêt local et intérêt national discutable et la classification
relative. Le principe de subsidiarité dans l’organisation juridique des rapports
Etat-Collectivités décentralisées, induit attribution à l’Etat de la possibilité de
gérer toutes les affaires que les Collectivités sont incapables de gérer
convenablement.

Les leçons tirées de l’histoire politico-administrative du Cameroun


plaide en faveur de l’abandon de la notion d’affaire locale qui reste pour
certains une notion inutile pour être prise comme critère de détermination des
compétences économiques et sociales906. Pour Paul Bernard907, « les affaires
locales ne sont jamais que la traduction concrète, vécue, des intérêts nationaux
à travers l’intérêt général commun à tous et concernant l’ensemble des
citoyens qui n’ont qu’une seule patrie de la nation». Pour le même auteur la
théorie du bloc de compétences ne peut résister à la cohérence des politiques
publiques à l’exiguïté du moyen financier, et à l’indispensable solidarité
nationale, il devait en résulter un système de financement croisé.

En effet, aucune politique n’est exclusivement nationale ou


exclusivement locale, toutes sont inter-indépendantes, intersectorielles,
interministérielles, inter collectives. Elle conduit donc à une coopération. Elle

905
POMTIER (J.M.), L'Etat et les Collectivités locales …,op. cit., p. 151.
906
Ibid., p. 166.
907
Vice-président de l’Institut français des sciences administratives.
274
oblige le retour à l’Etat de droit : c’est le contrôle de légalité qui s’analyse en
Conseil, en expertise juridique des recours contentieux.

2- L’insaisissabilité des affaires locales

Généralement on fait ce constat à propos des CTD lors de la recherche


de l'affaire locale908, mais l'on oublie la figure symétrique, à savoir l'impossible
définition de l'affaire étatique. En effet, l'absence d'affaires locales implique
nécessairement l'absence d'affaires étatiques sinon l'on ne comprendrait pas que
de l'une, on ne puisse déduire l'autre.

Opérer la division sur la base du critère ratione loci, apparaît dès lors
comme la seule solution réellement opératoire. La facilité que présente la réalité
physique est cependant un leurre. En effet, le territoire des Collectivités ou des
circonscriptions est inclut dans celui de l'Etat et ainsi, quand bien même dirait-
on que tel organe est compétent pour régler la situation des hommes entretenant
avec un territoire certains rapports, il resterait à déterminer si l'organe est
compétent pour régler toutes les situations d'une part et sur quels rapports avec
le territoire se fonderait-on pour établir cette compétence (ce qui renvoie au
critère ratione personae) d'autre part.

La difficulté, voire l'impossibilité de dégager un critère susceptible


d'organiser le partage de la faculté de statuer, tient au fait que ce partage porte
« la marque étatique » du fait de l'intégration des pouvoirs des Collectivités
dans l'ordre juridique étatique « qui par hypothèse leur est supérieur et les
englobe »909. Au terme de sa recherche relative à la répartition des compétences

908
CHAPUISAT (J.), « Les affaires communales », A.J.D.A., 1976, p. 470. Et PONTIER
(J.M.), « Semper Manet… », op. cit., p. 1443.
909
PONTIER (J.M.), L'Etat et les Collectivités locales…, op. cit., p. 306.
275
entre l'Etat et les Collectivités locales, Jean-Marie PONTIER considère que « la
répartition des compétences entre l'Etat et les Collectivités locales est un
problème faussement technique »910. C'est une question de philosophie
politique qui traduit la place reconnue aux Collectivités locales dans la nation.
Ceci découle du fait « qu'une telle répartition n'a jamais été faite et même
aurait-elle été faite qu'elle serait toujours à refaire »911. Cette impuissance
tient au « partage du pouvoir de décision »912 qui traduit pour J.M. PONTIER
« la perte de signification de la notion de répartition matérielle des compétences
pour désigner l'autorité disposant du pouvoir de décision... »913. En tout état de
cause, l'Etat ne serait pas susceptible de voir sa capacité limitée.

Le concept de libre administration laisse penser qu’il doit exister une


sphère de compétence propre aux Collectivités. Mais, celle-ci est incertaine
d’autant plus qu’il appartient au législateur d’opérer la répartition des
compétences entre l’Etat et les Collectivités.

Si donc le principe de libre administration des Collectivités territoriales


a, à l'évidence valeur constitutionnelle, son contenu malgré les efforts du
législateur demeure incertain.

910
Ibid.
911
Ibid. p. 572 et NEMERY (J.C.), De la liberté des communes dans l'aménagement du
territoire, Paris, L.G.D. J., 1981, p. 174.
912
Ibid.
913
PONTIER (J.M.), L'Etat et les Collectivités locales…, op.cit., p. 307.
276
CONCLUSION

De ce qui précède apparaît une certaine considération, l’enjeu du


transfert de compétence et par conséquent celui de la répartition des
compétences n’est plus à démontrer pour la construction d’une autonomie
locale. La confusion perceptible dans certains textes issus de la minoration des
effets du principe de l’autonomie financière se trouve à la source de nombre de
malentendus. Notamment la définition des affaires locales.

Ces développements donnent la pleine mesure de la complexité du droit


financier local et de l’unité de ce droit. Les différents éléments de la
décentralisation en général se conjuguent et justifient son point culminant qui
est la décentralisation financière, traduit par l’autonomie financière dont l’un
des piliers est le pouvoir des compétences transférées dans la gestion du
patrimoine financier local.

En plus de ce pilier, le législateur camerounais a accentué le pouvoir des


autorités locales par le mécanisme de leur éligibilité.

277
CHAPITRE II :
L’AUTORITE DES ELUS LOCAUX DANS LA
GESTION DU PATRIMOINE FINANCIER
LOCAL

Le critère de la libre administration formellement posé par l'article 55


alinéa 2 de la Constitution, tient dans l'élection des Conseils. L'existence du
Conseil élu (doté d'attributions effectives) représente même le minimum requis
d'un point de vue organique pour que celle-ci soit assurée puisque l'élection de
l'organe exécutif de la Collectivité est exigée par la même Constitution.

Si la Constitution interdit l’institution d’organes délibérants composés


en partie de membres élus, et en partie de membres nommés, elle exige que
l'élection soit assurée au suffrage universel direct914. Le caractère direct du
suffrage étant considéré comme une condition d’une véritable
décentralisation915. En soulignant que, l’organe délibérant d’une commune de la
République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques
résultant d'un recensement, après s’être expressément référé, à l'article 55 de la
Constitution, le constituant camerounais signifie que la libre administration
dépend aussi de la représentativité de l’organe délibérant de la Collectivité916, le
Conseil élut induit au regard des textes en vigueur en la matière, un pouvoir
réglementaire local administratif comme financier que pierre-Laurent FRIER
qualifie de puissance symbolique917. L’élection au-delà de concéder aux

914
Art. 52 (3) de constitution du 18 janvier 1996.
915
ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, 1990, p. 194.
916
En ce sens, BACOYANNIS (V.C.), Le principe constitutionnel de libre administration des
Collectivités territoriales, thèse, Aix-Marseille III, 1989, p. 294.
917
FRIER (P-L.), « Le pouvoir réglementaire local », ADJA, 2003, p. 559.
278
organes délibérants une certaine autonomie dans la gestion du patrimoine local
permettrait aux CTD d’éditer des règlements au niveau local nécessaires à la
construction d’une autonomie financière solide.

279
Section I : L’élection des Conseils, une des origines du pouvoir
des élus locaux

« Le suffrage universel est la source de tout pouvoir »918, déclare


CARRE DE MALBERG dans son ouvrage sur la Contribution à la théorie
générale de l’Etat. On peut dès lors logiquement penser que ceci vaut
identiquement aux échelons national et territorial. En effet, l’élection garantit
un pouvoir de décision propre indépendant du pouvoir central. Pour une partie
de la doctrine, l’élection constitue le seul critérium qui permet de distinguer la
personne administrative décentralisée de celle qui fait partie de la hiérarchie du
pouvoir central919. C’est un indice déterminant920 pour la construction d’une
autonomie locale.

Si la puissance territoriale tire son origine directement de la


Constitution, il semble donc que la puissance mise en jeu soit bien un pouvoir
originaire. Cette présomption est, d’ailleurs, renforcée par le fait que la liberté
reconnue aux Collectivités territoriales se fonde sur le principe électif. Celui-ci
place ainsi le corps électoral à la base du pouvoir mis en œuvre dans le cadre de
l’ensemble des structures territoriales. Cette origine démocratique (et le
contrôle qu’elle implique) tend, ainsi, à confirmer le caractère originaire du
pouvoir entrant en jeu dans l’expression de la puissance territoriale de l’Etat.
Finalement que l’on admette ou non le caractère originaire de la puissance
territoriale, l’Etat unitaire ne dispose plus d’une puissance illimitée sur son
territoire, la Constitution reconnaissant une réserve de puissance aux
Collectivités territoriales et assurant sa protection formelle.

918
DE MALBERG (C.), op. cit., p. 123.
919
DE BEZIN (G.), Des autorisations et approbation en matière de tutelle administrative, thèse
Toulouse, p.1906, cité par HOUSER (M), Intervention de l’Etat et coopération entre les
communes, 2009, p. 7.
920
JICARD (J.), L’intervention et la coopération entre les communes, Paris, LGDJ, 2005, p. 20.
Et FOURASTIE (F.), Recherche sur la décentralisation dans l’œuvre de Maurice Hauriou,
Paris, LGDJ, 2005, p. 239.
280
Paragraphe I : L’élection des Conseils comme garantie d’une
autonomie locale

Après avoir exposé la substance des théories issues de la doctrine, nous


opterons pour une position médiane. Si l’élection des élus décentralisés est une
structure fonctionnelle de la démocratie, il n’en demeure pas moins qu’elle est
l’un des moyens de garantie d’une autonomie locale et spécialement financière.

A)- La diversité doctrinale

Elle oppose l’idée d’une identité entre l’autonomie locale et l’élection


et celle de l’élection comme davantage un moyen de fonctionnement de la
démocratie locale.

1- L’assimilation de l’autonomie locale à l’élection du Conseil


Kelsen passe pour le meilleur apôtre de la théorie assimilant
l’autonomie locale, la décentralisation et l’élection des Conseils 921. Pour cet
auteur, la décentralisation au moyen de l’autonomie locale intègre
nécessairement les idées de démocratie, dans la mesure où, les organes qui
créent les normes locales sont élus par ceux-là mêmes pour qui les normes sont
valides. Cette décentralisation peut être évaluée quantitativement entre
décentralisation parfaite et décentralisation imparfaite. Elle est parfaite lorsque
la création des normes locales est définitive et indépendante, lorsqu’elle ne peut
être abrogée et substituée par la norme centrale. Elle est imparfaite quand il
existe une loi centrale contenant les principes généraux que la législation locale
a pour seule fonction d’appliquer de manière détaillée. Tel est, selon lui, le cas
de la décentralisation administrative au sein du pouvoir administratif922.

921
KELSEN (H.), Théorie Générale du Droit et de l’Etat …, op. cit., p. 354 et ss.
922
Ibid., p. 52 et pp. 363-364.
281
La décentralisation au moyen de l’autonomie locale est la combinaison
directe et intentionnelle des idées de démocratie et de décentralisation, ainsi que
nous l’avons relevé plus haut923. Il est important de noter que cette forme de
décentralisation ne concerne en principe que l’administration, c’est-à-dire les
normes individuelles créées par les organes administratifs, et peut être étendue
à la législation, c’est-à-dire à la création des normes générales (lois ou
règlements autonomes) dont la sphère de validité territoriale est plus vaste, d’où
la nécessité de créer des régions autonomes. Toutefois, l’autonomie dont il
s’agit s’exerce dans le cadre des limites déterminées par les lois nationales. Et
cette autonomie locale représente une forme de décentralisation
« comparativement parfaite »924, car les normes créées par les organes
autonomes sont définitives et indépendantes par rapport aux organes centraux
qui peuvent les abroger, mais ne peuvent les remplacer par d’autres qu’elles
créent elles-mêmes925.

Au total, seul le degré de la décentralisation (aspect quantitatif)


distingue l’Etat unitaire décentralisé (c’est-à-dire divisé en entités autonomes)
des autres formes d’Etats926, mais surtout, cette décentralisation n’a de sens que
parce qu’elle se réalise au moyen de l’élection des Conseils des entités
autonomes.

On sait que cette théorie kelsenienne, qui lie l’autonomie locale (ou
décentralisation) à l’élection des Conseils, et qui en fait une condition sine qua
non de la seconde sur la première, est encore largement répandue et partagée

923
Ibid., p. 363.
924
KOUOMEGNE NOUBISSI (H.), Décentralisation et centralisation au Cameroun : la
répartition des compétences entre l’Etat et les Collectivités locales, Harmattan , 2013, p. 23.
925
Ibid., p. 219.
926
Ibid., pp. 52 et 365.
282
par bon nombre d’auteurs927. Mais elle a aussi été plusieurs fois réfutée par une
approche que nous acceptons tout aussi. Charles EISENMANN et bien d’autres
à sa suite, ont suffisamment distingué l’autonomie locale de la décentralisation,
d’une part, et l’élection de la décentralisation, d’autre part928. Pour
EISENMANN, parler d’autonomie, c’est se rapporter au mode d’édiction du
statut administratif d’une Collectivité infra étatique929. Dans ce sillage,
Spyridon FLOGAÏTIS définit le statut de la Collectivité territoriale comme les
règles juridiques qui déterminent l’organisation de cette Collectivité. Pour lui,
l’autonomie d’une Collectivité peut être définie sur la base de son statut ; sa
négation est l’hétéronomie et la semi - autonomie leur combinaison930.

En tout état de cause, l’autonomie locale s’identifie dans son histoire à


l’élection, dans la mesure où elle s’impose comme une obligation
constitutionnelle de définition d’une Collectivité territoriale.

927
LANGROD (G.), « Le gouvernement local, fondement ou apprentissage de la démocratie
? » Revue Internationale d’Histoire Politique et Constitutionnelle, 1957, n° 7, p. 228. Ces idées,
on le sait, ont été largement répandues par Alexis de Tocqueville, in De la Démocratie en
Amérique, vol. I, pp. 93-95.
928
EISENMANN (C.), Intervention au Colloque, l’objet local, 1997, p. 67 ; v. aussi,
REGOURD (S.), De la décentralisation dans ses rapports avec la démocratie. Genèse d’une
problématique, op. cit., pp. 961-962 ; HOUTEER (C.), Révolution et décentralisation : légendes
et réalités (suite et fin), LPA, 3 février 1989, n°15, p. 26 ; pour une illustration plus complète,
V. Yves MENY, Centralisation et Décentralisation dans le débat politique français (préf.
Georges Dupuis), th., Paris, op. cit. pp. 30 à 34.
929
TSIROPINAS, Aspects des problèmes de la centralisation et de l’autonomie administrative,
(en langue française), in Mélanges SEFERIADES, vol II, Athènes, 1961, pp. 733-772 cité par
SPYRIDON FLOGAÏTIS, La notion de décentralisation en France, en Allemagne et en Italie,
Paris, LGDJ, 1979, p. 58. Selon FLOGAÏTIS (S.), cet auteur élabore un nouveau concept
d’autonomie, dans le cadre de la pensée développée par C. EISENMANN, in Centralisation et
Décentralisation. Esquisse d’une théorie générale, op. cit. p. 126.
930
SPYRIDON FLOGAÏTIS, La notion de décentralisation en France, en Allemagne et en
Italie, op. cit., p. 58. Cité par NGONO TSIMI, th. du 8 juin 2012, p. 156.
283
2- La position contraire : L’élection comme structure
fonctionnelle de la démocratie locale
Le terme démocratie ne fait pas l’unanimité. Chacun se convainc à
l’idée que la démocratie s’apprécie en fonction de son milieu sociologique et de
son contexte géopolitique. Que de fois a-t-on entendu dire « nous n’avons pas
de leçon de démocratie à recevoir des autres ! » ou encore « la démocratie n’est
pas universelle ».
Mais au-delà des débats philosophiques sur la question, les observateurs
de la vie politique affectent au concept de démocratie un certain nombre de
critères sans lesquels il serait un vain mot. Il s’agit notamment, du respect des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, et enfin du pluralisme
politique.
Quant à l’élection, elle s’apparente à un jeu de « marché politique », où
des individus rentrent en concurrence selon des règles démocratiques
préétablies. On dira alors qu’une élection est démocratique, parce qu’elle
respecte toutes les règles préétablies du jeu démocratique. C’est d’ailleurs,
croyons-nous, tout l’intérêt de son addition au terme démocratie.
Dans un contexte local, la fonction principale de l’élection est de
désigner les organes chargés de gérer les affaires propres à la Collectivité pour
le compte de ceux-là mêmes qui sont choisis. Accessoirement, c’est l’élection
qui est à l’origine du marché politique où s’affrontent les concurrents, c’est
également elle qui offre au citoyen des possibilités de choix ; c’est enfin elle
qui provoque l’arbitrage du juge lorsqu’au cours du jeu politique, les droits et
libertés individuelles ainsi que les règles de fonctionnement de la
décentralisation sont bafoués.

284
3- La position conciliatrice

A notre avis, il faudrait répondre à la question de l’autonomie financière


confortée ou altérée par l’élection locale. Cette interrogation permet de
déterminer la distance entre Collectivités avec un Conseil élu et Collectivités
avec un Conseil nommé. Elle est donc suffisante pour extirper des textes le
besoin de considérer l’élection. L’élection apparaît comme un préalable
nécessaire à la mise en œuvre de toutes les structures fonctionnelles de la
démocratie. Son addition à la démocratie permet de la qualifier d’«élections
démocratiques ». Son rapport avec la décentralisation (ou autonomie locale)
permet de garantir l’indépendance des autorités locales élues envers les
autorités administratives centrales. Autrement dit, dans le cadre de la
décentralisation territoriale, l’élection n’est qu’un moyen de fonctionnement et
de garantie de l’indépendance des organes locaux ; peu importe donc qu’elle
intervienne antérieurement ou postérieurement à l’opération juridique
d’attribution du pouvoir d’édiction des normes locales par les autorités locales
dans les compétences transférées, l’élection est un indice déterminant931.

De toute évidence, l’état actuel de la jurisprudence camerounaise n’est


pas d’un apport susceptible de dissiper le doute et la confusion dans l’esprit du
chercheur. Il est vrai que certains récents arrêts de la Chambre administrative et
de la Chambre des comptes932 de la Cour suprême ouvrent la brèche d’une plus
grande protection de l’autonomie locale, notamment à propos des aspects
financiers de la libre administration des Collectivités territoriales, mais il s’agit
pour l’essentiel d’une jurisprudence fondée sur les limitations imposées par la
loi dans le cadre de l’article 55, alinéa 2 de la Constitution.

931
FOURASTIE (F.), Recherche sur la décentralisation dans l’œuvre de Maurice Hauriou,
Paris, LGDJ, 2005, p. 239.
932
Arrêt Commune Buwong.
285
Paragraphe II : Une conséquence fondamentale sur le pouvoir
réglementaire des CTD en matière financière

A l'occasion d'un colloque, M. BOURJOL affirma que « la libre


administration implique en effet, pouvoir de prendre des actes administratifs et
parmi ces actes, des règlements... »933. Cette déclaration confirme d'autant
mieux l'idée que la réponse à la question de la centralisation-décentralisation934
permet de justifier un certain état du droit du système juridique. Le législateur
camerounais y est allé de concert avec l’approche de la libre administration par
l’auteur. Déterminer les fondements des règlements locaux et leur place dans la
législation nationale fera l’objet de l’analyse de cette portion de notre travail.
Elle détermine la place d’un compte réglementaire local sur un compte
réglementaire national. La réponse à ce problème subséquent au principal
reviendra à déterminer la nature de l’Etat.

A)- L’analyse théorique


Dans sa thèse consacrée au pouvoir réglementaire des Collectivités
locales, B. FAURE écrit « la présence d'un pouvoir réglementaire local n'est
pas distincte de l'apparition des notions de Collectivités locales et de
décentralisation, elles-mêmes concomitantes à l'essor du centralisme »935. La
consubstantialité entre le problème du centre, périphérie et l'organisation du
pouvoir normatif qu'évoque l’auteur, renvoie à la question des modalités
d'acquisition de ce caractère normatif.

La controverse sur le pouvoir réglementaire local montre leur existence


en tant que tel et leurs rapports avec les autres actes juridiques et notamment

933
BOURJOL (M.), Libre administration et statut de la fonction publique locale, Actes du
colloque d'Angers, Cahiers du C.F.P.C. n° 13 Octobre, 1983, p. 5.
934
EISEMMAN (C.), op. cit., p. 146.
935
FAURE (B.), Le pouvoir réglementaire des Collectivités locales, th., Université de Pau et
des Pays de l'Adour, 1992, p. 313.
286
ceux dits « centraux ». Il n'y aurait pas de controverse si l'acte local n'était pas
un acte juridique, cette qualité induisant ensuite la question des rapports de
l'acte juridique local avec les actes juridiques centraux. Les notions de
décentralisation et de centralisation constituent des éléments d'un mode de
production des actes juridiques dans un ordre juridique donné. Ce mode de
production distinguant des actes locaux et centraux, doit résoudre
nécessairement la question de leurs rapports, dont la solution tient, selon nous,
au rattachement de ce mode de production à la séparation des pouvoirs936. Nous
n’entendons, dans cette partie de l’analyse, procéder à une énumération des
textes en vigueur sur ce point du droit camerounais mais à celle de la place du
règlement local dans l’ordre juridique et ses effets.

1- La place du règlement local dans l’ordre juridique : le cas du


compte réglementaire
Ch. EISENMANN présentait « le local juridique » comme celui qui
s'applique à l'organisation de l'activité étatique937. La norme dite locale s'insère
dans un ordre juridique. Le droit positif et la doctrine montrent que cette
insertion pose la question des rapports entre la norme centrale et les autres
normes, particulièrement les normes non-centrales. D'aucuns affirment
l'autonomie de la norme non centrale à l'égard des normes centrales de même
niveau, d'autres au contraire établissent un lien de subordination entre normes
non centrales et normes centrales.

En « organisant », le pouvoir normatif étatique devrait situer la place


des normes non centrales dans l'ordre juridique. Or il apparaît que sur ce point
essentiel, la législation camerounaise ne donne aucune précision. La théorie de

936
THALINEAU (J.), Essai sur la centralisation et la décentralisation : Réflexion à partir de la
théorie de Ch. EISENMANN, th. présentée et soutenue le 12 février 1994, HAL, 2009.
937
Et par étatique, je ne vise pas uniquement le pouvoir exécutif central, mais toute l'activité
étatique, qu'elle soit législative ou constitutionnelle ou juridictionnelle.
287
Ch. EISENMANN ressort une autonomie de la norme non centrale qui conteste
le principe d'unité.

Toutefois, le droit positif camerounais montre que le règlement local


devrait respecter le principe de la hiérarchie des normes. En vertu de la théorie
de la légalité, il devrait se conformer à la norme supérieure ; sauf en matière de
police, il n'est pas annulé ou considéré comme non applicable au motif de sa
contrariété avec le règlement étatique, mais pour son opposition avec la
Constitution et la loi ou les principes généraux du droit. C’est sur ce point que,
les éléments du droit positif, ne semblent pas apporter d'affirmation textuelle
précise d'une subordination du pouvoir réglementaire local au national938. Il est
suivi par F. RUBIO FLORENTE selon qui « La solution à la pluralité des
normes, sur le plan législatif, ne se trouve en aucun cas dans la subordination
hiérarchique des lois territoriales aux lois d'Etat ... »939, le propos ne manque
pas de surprendre au regard de l'affirmation, dans un Etat unitaire, de la
hiérarchie des actes administratifs telle qu'elle est présentée par la doctrine.

Concernant les règlements, nous réservons l'hypothèse de la police


administrative sur laquelle se fondent les auteurs pour affirmer la subordination
du règlement local au règlement étatique940, dans la mesure où dans ce domaine
les Collectivités ne disposent pas d'un pouvoir discrétionnaire, mais sont
soumises à l'autorité hiérarchique de l'Etat qui s'exprime notamment dans le
pouvoir de substitution941.

938
FAURE (B.), Le pouvoir réglementaire des Collectivités locales… op. cit., p. 313.
939
RUBIO FLORENTE (F.), Les relations entre le pouvoir central et les pouvoirs territoriaux
dans la jurisprudence constitutionnelle, R.F.D.A., 1986, p. 8.
940
LACHAUME (J.F.), La hiérarchie des actes administratifs exécutoires en droit public
français, Bibliothèque de droit public, Paris, L.G.D.J.,1966, p. 66 et ss.
941
EISENMANN (Ch.), Centralisation et décentralisation, L.G.D.J., 1948, p. 76 et ss , p. 146 et
ss et p. 151 et ss . v. LACHAUME (J.F.), La hiérarchie des actes administratifs... précitée.
288
C'est sans doute ce qui fait dire à Jean Marc de FORGES que « les
règlements pris par les autorités des Collectivités décentralisées ne doivent
respecter les règlements pris par les autorités supérieures que dans la mesure où
la loi le prévoit »942.

La question est de savoir comment intégrer cette norme réglementaire


locale, ce que Jean Marc AUBY appelle un « pouvoir initial » ; dans le
système juridique.

Il est un axiome camerounais : la suprématie de l’intérêt général


défendu par l’Etat et la permanente confrontation entre l’intérêt général et
l’intérêt publique local. Les relations entre l’Etat et les Collectivités territoriales
ne relèvent pas uniquement des mécanismes concrets organisant une
coopération ou un contrôle. Elle illustre également un rapport abstrait mais non
moins sensible à la notion d’intérêt général que l’Etat ou les Collectivités sont
mieux placés pour définir. Une étude plus précise de cette notion servirait à
certifier notre réflexion943.

Pour certains auteurs comme Jean-Marie PONTIER l’intérêt général


n’est pas distinct de l’intérêt national. Il est qualifié de national pour le
distinguer de l’intérêt public local qui peut être un intérêt à l’égard des intérêts

942
DE FORGES (J.M.), Droit administratif, Paris, P.U.F., 1991, p. 241.
943
L’assimilation intérêt général - intérêt national va perdurer jusqu’au début du 20eme siècle, à
l’apparition des SPJC et à la reconnaissance législative et jurisprudentielle du socialisme
municipal. À partir notamment de l’arrêt chambre syndicale du commerce de détails de Nevers
CE/1930 mais (Reclibon P 583 comm. jose, RDP 1930, p. 530, les Conseillers municipaux
peuvent pallier les insuffisances de l’initiative privée pour répondre aux besoins locaux de la
population sans qu’il ne soit pour autant porté atteinte à la liberté de commune et de l’industrie.
On peut voir dans cette formule jurisprudentielle une première définition de l’intérêt public
local ; qualifié pour la première fois d’intérêt public " municipal" en 1931 (arrêt giaccardi, CE
fev 1931. Reclebon, p. 225 et ss 1931 et p. 73 note Albert).
289
privés locaux. Il peut également être considéré comme un intérêt particulier par
rapport à l’intérêt national944.

Le professeur Jacques Moreau identifie également les « intérêts locaux


spécifiques des intérêts nationaux. Les Collectivités territoriales ont vocation à
gérer tous les intérêts qui leur sont propres dans la mesure où ils sont communs
aux habitants dont la solidarité est tenue pour légitime », mais cette distinction
est-elle encore valable à l’heure d’un désengagement manifeste de l’Etat ?

L’intérêt public local apparaît comme notion délicate à saisir, dans leur
définition contingente et dépendante des relations qu’elle noue avec d’autres
éléments. Elle permet néanmoins de mesurer l’enjeu des relations qui unissent
l’Etat et les Collectivités territoriales.

Cette équation posée, plusieurs thèses s’affrontent : une partie de la


doctrine opte pour la subordination de la norme non-centrale à la norme
centrale, une autre arbore plutôt une approche conciliatrice.
Les auteurs tels que H. KELSEN et Ch. EISENMANN, pour l'essentiel,
considèrent que la question se résout en termes hiérarchiques, même s'il est
difficile « de faire apparaître le rapport hiérarchique entre règlements locaux
et nationaux ... on imagine mal ... un règlement local contrevenir à un
règlement national légalement édicté »945. Poser ainsi la question implique la
réponse ; puisque le règlement national est supposé légal, la légalité du
règlement local est nécessairement refusée ou intégrée à celle du règlement
national. La question à laquelle doit répondre notre interrogation, est celle de
savoir lequel de ces deux actes, l’un national, l’autre local, prétendant au titre
de norme, c’est-à-dire à la reconnaissance de sa légalité et pourquoi ?

944
POMTIER (J.M.), l’Etat et les Collectivités locales, la répartition des compétences, Paris,
LGDJ, 1978, p. 30.
945
FAURE (B.), Le pouvoir réglementaire des Collectivités locales… op. cit., p. 311 et ss.
290
Le lien de subordination est également affirmé par L. FAVOREU qui
considère que le pouvoir réglementaire local est « un pouvoir subordonné et
second par rapport au pouvoir réglementaire national » et qu’en conséquence,
il n’y a pas « de source réglementaire parallèle et de même niveau que la
source réglementaire nationale, même dans un domaine limité et restreint »946.
Il faut remarquer que cette idée de subordination contredit l’hypothèse de Ch.
EISENMANN, selon laquelle la décentralisation suppose une compétence
discrétionnaire personnellement limitée.

Le principe de libre administration reconnu par l’article 55 de la


Constitution camerounaise de 1996 implique l’existence d'un pouvoir
réglementaire local autonome du pouvoir réglementaire national. Le pouvoir
réglementaire local serait « spécial, en ce qu'il se rapporte aux affaires
d’intérêt local »947 et à l’instar de celui de l’Etat il serait « général, en ce qu'il
porte sur toutes les affaires de cette Collectivité »948.

Cette affirmation en France, Etat unitaire par excellence, a donné lieu à


un « débat contradictoire, ... aujourd'hui en partie clarifié »949, sur l’existence
ou l’inexistence « d’un pouvoir normatif autonome exercé par les Collectivités
locales »950. Maurice BOURJOL affirme à cet effet que « la libre
administration implique en effet, le pouvoir de prendre des actes administratifs
et parmi ces actes, des règlements... »951. Cette proposition n’aurait pas heurté

946
FAVOREU ( L.), sous C.C.17/1/1989 248 D.C., R.D.P., 1989, p. 447.
947
BOURJOL (M.), Libre administration des Collectivités territoriales de la République,
Jurisclasseur Collectivités locales, Fasc.2, Août 1991, n° 36, p. 10.
948
Ibid.
949
ROUX (A.), « Le statut constitutionnel des Collectivités locales », R.F.D.A, 1992, p. 442.
950
Ibid.
951
BOURJOL (M.), Libre administration et statut de la fonction publique locale, Colloque
d'Angers Cahiers du C.F.P.C., n° 13, Octobre 1983, p. 5.
291
si elle n'avait été accompagnée de l’affirmation de l’existence d’un pouvoir
réglementaire local distinct et autonome du pouvoir réglementaire national952.

C’est en effet sur ce deuxième aspect que va s’établir le débat, car il est
difficile de contester l’existence d'un pouvoir normatif local comme l’a montré
953
Jean marc AUBY et l’a admis Louis FAVOREU principal contradicteur de
Maurice BOURJOL. La thèse de B. FAURE consacrée exclusivement au
pouvoir réglementaire des Collectivités locales confirme cette réalité du droit
positif. Par contre l’idée, que ce pouvoir réglementaire local soit autonome,
vient, selon certains, heurter de front les dispositions constitutionnelles et
notamment le principe d’unité954.
L’apaisement semble se faire aujourd'hui autour de l’existence d'un
pouvoir réglementaire local par habilitation législative955. Cette thèse est
formulée par Jean marc AUBY un peu par dépit car il ne la formule qu'après
avoir reconnu que « l’existence de ce pouvoir, cantonné dans le domaine de
l'administration locale, ne paraît pas, en dépit de son affranchissement de la loi
et donc de son intervention initiale, compromettre le caractère unitaire de
l'Etat … »956. Doutant de la conformité de cette approche avec la constitution, il
retient alors la thèse du règlement par habilitation.

Cependant cette thèse ne répond pas à la question de la place du


règlement local dans la hiérarchie des normes.

En effet, si l’affirmation de l'autonomie posait violemment la question


de la place du règlement local dans la hiérarchie des normes, la thèse de

952
Ibid., cf. aussi BOURJOL (M.), Libre administration des Collectivités… op.cit., p. 11.
953
AUBY (J.M.), « Le pouvoir réglementaire des autorités des Collectivités locales », A.J.D.A.,
1984, p. 468.
954
FAVOREU (L.), Colloque d'Angers… op. cit., p. 9.
955
AUBY (J.M.), « Le pouvoir réglementaire … », op. cit., p. 475, ROUX (A.), « Le statut
constitutionnel des Collectivités locales », R.F.D.A., 1992, p. 442.
956
Ibid., p. 475.
292
l'habilitation législative nous dit que le règlement est inférieur à la loi, ce que
l’on sait, mais ne nous renseigne pas complètement sur la place du règlement
local au regard des autres règlements, notamment ceux de l'Etat.

L’arrêt du Conseil d'Etat concernant le syndicat d’aménagement de


Cergy-Pontoise ne permet pas de conclure à l’exhaustivité de l’habilitation
législative pour déterminer ces rapports.

Pour solutionner cette question des rapports entre normes centrales et


non centrales, et pour expliquer la place particulière de la norme non centrale
(non subordonnée à la norme centrale de même niveau), plusieurs auteurs avant
Ch. EISENMANN avaient avancé certains arguments : celui de la validité
territoriale réduite de la norme seconde957 ou celui de la compétence territoriale
réduite de l’organe normatif ou enfin celui de la compétence matérielle de
l'organe normatif.

Les réponses territorialistes958 ne peuvent être retenues par définition,


puisque le problème résulte du chevauchement soit de « compétences
territoriales », soit de « validités territoriales ». CH. EISENMANN les écarte
toutes à juste titre mais il fonde cette décision sur la définition même de la
norme.

Pour certains auteurs la compétence territoriale des organes pourrait


résoudre la question des rapports entre normes prises par un organe central et
normes prises par un organe non-central.

Ainsi R. CHAPUS écrit qu’on doit entendre ... par incompétence


territoriale le fait pour une autorité administrative de décider relativement à des
affaires étrangères à sa circonscription. Cette idée de compétence territoriale se

957
KELSEN (H.), Théorie pure du droit, op. cit., p. 413 et ss.
958
EISENMANN (Ch.), Centralisation - décentralisation, op. cit., p. 31.
293
manifeste aussi dans la distinction qu'effectue M. BOURJOL entre le pouvoir
réglementaire national et le pouvoir réglementaire local, puisque ce dernier
serait « spécial, en ce qu'il se rapporte aux affaires d’intérêt local... »959.

Pour Ch. EISENMANN l’idée de compétence territoriale au sens où


l’entendent les auteurs est le produit d’une singulière illusion d’optique : le
droit peut déterminer par des éléments d’ordre territorial les personnes, les actes
ou les biens auxquels les normes posées par un organe pourront se rapporter ;
autrement dit, limiter la compétence de cet organe à des personnes, des biens ou
des actes en relation avec un certain territoire.
Manifestement rien d’autre que le cadre spatial de ces « objets » ... la
délimitation territoriale sert à les circonscrire. Or, on semble perdre ceci de vue
; on détache pour ainsi dire ce cadre des objets qu’il enserre ; on lui prête une
existence du même ordre que la leur ; il prend place à côté d’eux, traité
désormais en entité distincte, en objet lui aussi960.

L’idée de compétence territoriale est rejetée parce que « les


déterminations spatiales relatives au contenu des normes qu'un organe pourra
poser servent à définir (...) les personnes, les biens (faits ou situations) sur quoi
ses normes pourront valablement porter; nullement le territoire soumis à son
autorité »961.

La thèse de la validité territoriale des normes a été émise par KELSEN


pour lequel « la compétence d'un organe se définirait par le domaine de
validité des normes qu'il pose »962. Ce domaine de validité s’appréciant aux
plans spatial, temporel, matériel et personnel ; ainsi « le problème de la

959
BOURJOL (M.), « Libre administration des Collectivités … », op. cit., p. 10.
960
Ibid., p. 41, v. aussi EISENMANN (Ch.), Les fonctions des circonscriptions territoriales dans
l'organisation de l'Administration Mélanges M. WALINE, Paris, L.G.D.J., 1974, p. 415.
961
EISENMANN (Ch.), Centralisation – décentralisation, op. cit., pp. 40-41.
962
Ibid., p. 42.
294
centralisation et de la décentralisation de l'Etat se rapporte au domaine de
validité territoriale »963 des normes.

Ch. EISENMANN démontre, qu'une norme est caractérisée par son


caractère obligatoire pour ses destinataires, « l’empire territorial des
normes »964, l’étendue de leur empire n’est que « l’espace où se trouvent les
personnes qu’elles régissent » et qu’ainsi le domaine de validité d'une norme
ne peut être que personnel965 et pour ce motif, il écarte la thèse de Hans
KELSEN.
La réponse matérialiste apparaît a priori plus adaptée à la solution de
l'intégration de la norme non-centrale dans le système juridique. En effet,
toujours sur le fondement de la compétence personnelle des organes, il suffirait
et ce serait le rôle de la question de la centralisation - décentralisation, de
définir matériellement cette compétence personnelle.

Une partie de la doctrine voit là, la solution à notre problème966. Il est


vrai, que l’approche est séduisante puisqu’il suffit de définir « qui fait quoi »
pour obtenir la solution. La simplicité de la solution est démentie par la
difficulté pratique du partage, parce que cela supposerait une définition a priori
d’un domaine des normes secondes et ensuite en son sein du partage de la
compétence de faire entre organes centraux et non centraux.

Au-delà de cette difficulté pratique, intervenant au niveau de la norme


seconde, l’idée d’un partage de la compétence matérielle organisée par la
norme première est recevable comme y a pensé le législateur camerounais.

963
Ibid., p. 43.
964
Ibid., p. 44.
965
Ibid., p. 45 et ss.
966
L'affaire locale, clé de répartition est présente chez tous les auteurs. L'obscurité de la notion
conduit certains à préférer la définition d'attributions précises pour opérer cette discrimination :
par ex. J. CHAPUISAT.
295
En effet, la norme première fixant un domaine matériel à la norme
seconde, ce domaine se distingue nécessairement de celui de la norme
première, sinon le domaine matériel définirait les organes centraux et non
centraux mais ne différencierait plus la norme première de la norme seconde ;
ce qui est contraire à l’hypothèse selon laquelle la question ne se pose qu'au
niveau de la norme seconde.

Aussi, que le domaine matériel de la norme seconde soit distinct de


celui de la norme première, ceci impliquerait l'idée d'une définition matérielle a
priori de l'ordre juridique puisque la norme première n'aurait reçu ce « label »
que par rapport à un domaine admis, préexistant, asocial, anhistorique
d'intervention des normes permettant la distinction des matières relevant de la
norme première et par déduction de la norme seconde. Or, ceci est contraire à
notre hypothèse selon laquelle l'ordre juridique est un système de justification.
La clause de compétence générale des communes, départements et régions en
France en constitue la démonstration. Maurice BOURJOL le souligne en
constatant que le pouvoir réglementaire local « est général en ce qu'il porte sur
toutes les affaires de cette Collectivité »967.

Pour sortir de l’impasse on a voulu « localiser » cette clause de


compétence générale des Collectivités locales afin qu'elle n’entre pas en conflit
avec celle des organes centraux. Cette détermination territoriale de la
compétence matérielle nous renvoie à la compétence territoriale évoquée
précédemment et de plus elle « ne permet ni de déterminer le domaine de
compétence des Collectivités locales, ni de déterminer la ligne de partage entre
les compétences de l’Etat et des autres Collectivités publiques d'une part, entre
ces Collectivités elles-mêmes d’autre part »968. Malgré ces difficultés, l’idée

967
BOURJOL (M.), « Libre administration des Collectivités … », op. cit., p. 10.
968
Ibid.
296
que la détermination matérielle des compétences constitue la solution, demeure
présente.

Pour l’essentiel, la doctrine969 rejette la thèse de la compétence


discrétionnaire de l’organe non central mais le droit positif réserve la surprise
de ne pas la rejeter970. Une autre conséquence est à envisager, celle de la
souveraineté du territoire.

2- La problématique de la territorialisation de la souveraineté :


pouvoir des Collectivités territoriales et souveraineté

La décision en est l’enjeu, dans la mesure où elle restreint aux organes


de l'Etat le monopole de celle-ci, tout en pouvant considérer que « la
décentralisation ne serait qu'une ruse de l’Etat qui conserve par devers lui la
sélectivité ... des normes »971. La production de cette décision serait donc
affectée par le principe de l’autonomie financière. Cette décision « enjeu » ne
peut être n’importe laquelle. Ses qualités propres doivent expliquer la
revendication de participation à sa formation. Seule la décision juridique, en
raison de son autorité sur ses destinataires, justifie l’enjeu. La décentralisation
comme la centralisation, le fédéralisme, la déconcentration concernerait cette
question de participation à la production des actes juridiques.

La décentralisation renvoie à l’idée de division entre un centre et une


périphérie mais aussi à la non-exclusion d’un centre dans la décentralisation,
terme construit sur la racine « centre ». A propos de cet aspect, F.X. AUBRY

969
PAVIA (M.-L.), Les transferts de compétences…op. cit., BRISSON (J.-F.), Les transferts de
compétences…, op. cit., p. 268.
970
Art. 15 - art. 18 de la loi d’orientation de la décentralisation précitée.
971
THALINEAU (J.), Essai sur la centralisation et la décentralisation… op. cit.
297
évoque « le dogme de l’unité de l'Etat »972 dans lequel « le pluralisme, ne peut
cohabiter (...) qu’en tant que compromis »973. En d'autres termes, la
décentralisation doit résoudre l'équation dans laquelle la division égale l'unité.
Pour Maurice HAURIOU ce caractère justificatif se révèle à propos de
l'organisation du pouvoir. Il écrit : « L’organisation du pouvoir qui réside dans
l’institution administrative est dominée par deux forces ou deux
tendances...Ces deux tendances sont : la centralisation qui est la force propre
du gouvernement de l’Etat, et la décentralisation qui est la force par laquelle la
nation réagit contre le gouvernement de l’Etat »974. Maurice BOURJOL quant
à lui, fonde le pouvoir réglementaire local dans le droit de bans qui, hier,
régissait les biens communs de la communauté d'habitants. Là encore cette
référence historique entend justifier un certain état du droit actuel, c'est-à-dire
régler le problème de l'attribution du caractère normatif à certains actes pris par
des organes locaux, et ce faisant, elle démontre que c'est l'objet de notre
question975.

Cependant la justification avancée par ces deux auteurs se situe dans la


perspective du juriste qui construit un ordre et non dans celle de la description
de cet ordre qui est la nôtre.

Dans cette perspective descriptive H. KELSEN et Ch. EISENMANN


avancent chacun, un critère objectif pour justifier l'introduction de l'acte

972
Ce que De JOUVENEL (B.), désigne par « les loi-règlements, faites par les hommes pour
discipliner des conduites que les progrès de la complication sociale diversifient sans cesse »;
Du pouvoir, Coll. Pluriel, HACHETTE, 1972, p. 330.
973
Ibid.
974
HAURIOU (M.), Précis élémentaire de Droit administratif, 4ème éd., Paris, SIREY, 1938,
p.40.
975
BOURJOL (M.), « Constitution, Libre administration des Collectivités territoriales de la
République », Jurisclasseur Collectivités locales Fasc. 2 ; du même auteur Les biens
communaux, Paris, L.G.D.J., 1989, p. 159.
298
concerné dans le système juridique : la validité territoriale des normes pour le
premier, la compétence personnelle des organes pour le second.

En effet, pour Hans KELSEN « le problème de la centralisation et de la


décentralisation ... est à titre priMaire un problème de domaine de validité
spatiale des normes qui forment l'ordre juridique »976et pour Ch.
EISENMANN « le problème de la centralisation ou de la décentralisation ...
est le problème de la compétence personnelle des organes... »977 se traduisant
par « une propriété des normes mêmes qui pourront être édictées »978.

Quel effet produit cette justification ? Il y a une plus grande littérature,


dont il ressort que cette justification se manifeste autour de la notion
d'organisation du pouvoir. Les deux points de vue ne sont pas exclusifs l'un de
l'autre. Leur trait commun se ramène à un problème de structure du pouvoir
normatif, c'est-à-dire à un problème d'agencement d'éléments et à leur
interaction entre eux et sur le tout979. En effet, la décentralisation en elle-même
est une technique de garantie de l’autonomie financière.

Suivant un aspect structurel, la décentralisation « est le problème de la


division territoriale des Collectivités juridiques »980. La Collectivité juridique
centralisée se définit comme la Collectivité dont l'ordre se compose uniquement
et exclusivement de normes juridiques valant pour son territoire tout entier ; la
Collectivité juridique décentralisée : la Collectivité juridique dont l'ordre se

976
KELSEN (H.), Théorie pure du droit, Paris, DALLOZ, 1962, p. 416.
977
EISENMANN (Ch.), Centralisation – décentralisation, DALLOZ, 1948, p. 15.
978
Ibid., p. 8
979
EISENMANN (Ch.), écrit: « La structure, c'est la disposition des parties qui forment un tout
(...) c'est (...) l'agencement des éléments qui composent ce tout, c'est leur position relative dans
l'ensemble. En analysant cette structure, on fait apparaître les lignes de division de ce corps et
les articulations de ses divers composants, qui sont liés les uns aux autres, par définition-sans
quoi ils ne constitueraient pas ensemble un tout, une unité, mais qui sont distincts et
individualisables néanmoins ». Cours de droit administratif, t. 1, L.G.D.J., 1982, p. 189.
980
Un aspect structurel de la question se trouve aussi chez Hans KELSEN, KELSEN (H.),
Théorie… op. cit., p. 416.
299
compose de normes qui ne valent que pour une fraction du territoire. Mais il
faut rappeler que l'unité du territoire résulte uniquement de l'unité de la validité
des normes ; et dès lors il paraît problématique que, dans le cas de pure
décentralisation, il puisse encore être question d'un territoire total et d'un ordre
juridique981.

Ch. EISENMANN qui fonde son analyse sur la compétence personnelle


des organes ne dit pas, autre chose. En effet, si l'on considère un ordre juridique
globalement, dans sa totalité, il ne peut jamais être uniquement et entièrement
décentralisé, que tout ordre juridique comprend nécessairement une part de
centralisation. Autrement dit, la décentralisation ne peut pas exister absolument
pure de tout alliage, de tout élément décentralisation. Or nécessairement, ce
minimum concerne le principe même de l'ordre juridique, la base juridique de
la Collectivité, c'est-à-dire le degré suprême des normes, ... Et par conséquent la
décentralisation ne peut jamais affecter l'activité normatrice suprême pour une
Collectivité et ses éléments ; elle ne peut commencer qu'à une activité
normatrice seconde982. Comment résoudre l'équation ? Les réponses de la
doctrine et du droit positif sont souvent opposées.

Si la souveraineté est l'expression du pouvoir discrétionnaire, il ne


saurait exister sur un même sol deux pouvoirs discrétionnaires concurrents et
finalement tous les auteurs arrivent à consacrer la souveraineté unique de l'Etat
fédéral et par conséquent devrait s'ensuivre la supériorité de la loi fédérale sur
la loi de l'Etat fédéré. L’on voit bien alors que la souveraineté est synonyme
d'unité, c'est-à-dire que la norme exprimant le souverain sera toujours unique
quelle qu'elle soit. Le raisonnement est-il transposable aux échelons inférieurs à
la norme souveraine ? Concernant les Collectivités décentralisées, Léon

981
KELSEN (H.), Théorie…, op. cit., pp. 413- 414.
982
EISENMANN (Ch.), Centralisation… op. cit., p. 272 et ss.
300
DUGUIT considérait que la conception de l'Etat « personne souveraine une et
indivisible » s'opposait à l'idée qu'elles soient titulaires de la puissance publique
attachée à la souveraineté983.

B)- La position du droit positif


Reconnaître le caractère discrétionnaire de la loi de l'Etat et du
règlement local, c'est-à-dire leur absence de subordination à la loi nationale
d'une part et au règlement national d'autre part, signifie que dans un même
ordre juridique peuvent coexister deux normes de même niveau, c'est-à-dire
deux normes qui ne seraient pas liées par le principe de la hiérarchie des
normes. Cela heurte le sens juridique commun mais ne condamne pas pour
autant le propos des maîtres tels que Ch. EISENMANN, relatif au pouvoir
discrétionnaire des Collectivités décentralisées984. Mais sortir de la
contradiction n'est pas aisé.

Si la hiérarchie des normes implique l'unicité de la règle à chaque


niveau de la hiérarchie, là on ne pourra admettre en même temps dans le cadre
de la hiérarchie des normes, l'existence d'une seule norme à chaque niveau de la
hiérarchie et dans le cadre de la théorie de la centralisation-décentralisation
l'existence possible à un même niveau de la hiérarchie de deux normes
autonomes, c’est-à-dire sans lien entre elle.

Mais affirmer l'unicité de la norme ne condamne pas pour autant la


thèse de M. BOURJOL et de Ch. EISENMANN. En effet, il existe une
interprétation pernicieuse du principe de la hiérarchie des normes à partir des
décisions juridictionnelles.

983
DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, t. 1, t. 2, BOCCARD, 1927, p. 626 et ss
984
EISENMANN (Ch.), op cit., p.15 et p. 272.
301
En effet, Pour que la division produise de l'unité, il faut que la norme
non centrale ne s'ajoute pas à la norme centrale dans le système, sans toutefois
que cela conduise à une subordination de la règle non centrale à la règle
centrale.

1- L’unicité de la règle à chaque niveau de la hiérarchie


Le principe de la hiérarchie des normes est lié à l'idée d'unité. Ainsi Jean
François LACHAUME remarque que « dans l'ordre juridique interne de type
unitaire, la hiérarchie des règles est le mécanisme permettant d'assurer
l'unité de l'Etat à tous les stades de la réglementation »985. L'unité apparaît
comme « synonyme d'uniformité, d'homogénéité en droit,... »986 impliquant la
soumission du destinataire des normes à une règle unique pour chacune de ses
situations appréhendées par le droit. L'unité implique l’unicité, et exclut donc
l'existence de normes contradictoires.

Remarquons tout d'abord que H. KELSEN dans son étude des conflits
de normes n'envisage pas à propos des « conflits entre normes de même degré »
notre hypothèse à savoir un conflit entre normes de même degré mais édictées
par des organes différents. En effet, il n'entrevoit que le conflit entre normes de
même degré édictées par un même organe à des moments différents ou celui
entre les dispositions d'un même acte pris par un même organe987. Ceci n'est pas
un oubli mais découle de l'idée de validité spatiale des normes.

985
LACHAUME (J.F.), La hiérarchie des actes administratifs exécutoires en droit public
français, L.G.D.J., 1966, p. 2.
986
FABRE (M.-H.), « L'unité et l'indivisibilité de la République, réalité ? Fiction ? », R.D.P.,
1982, p. 614.
987
KELSEN (H.), Théorie pure du … op. cit., 1962, p. 275.
302
C’est un problème similaire988, lorsque ces deux choses sont dites par
des organes différents. Il faut considérer que les normes émises par ces organes
sont dépourvues de valeur pragmatique, elles sont impraticables du fait que l'on
ne peut obéir à l’une sans contrevenir à l’autre989.

Le destinataire d’une norme ne peut être écarté par l'observation des


normes auxquelles il est assujetti et ainsi à un même niveau de la hiérarchie il
n'existe qu'une norme, nonobstant le fait que deux organes soient habilités à la
prendre simultanément. Cette conclusion résulte du fait que l'homme est
l’unique destinataire des normes. Ceci implique pour une raison physique,
l’unicité de la norme applicable et pour l’assurer « le droit lui-même comporte
des principes et institue des procédures en vue de prévenir ou d'éliminer ces
antinomies ... »990.

Le droit positif en rapporte la preuve. Dans un Etat fédéral, le principe


du « droit fédéral brise le droit local », traduit l'idée, qu'en cas de conflit entre
norme centrale et norme locale, celle-ci s'efface dans l'attente de la résolution
du litige pour garantir l'aspect unitaire présent dans l'Etat fédéral. En d'autres
termes, le principe renvoie plus au régime de la chose décidée dans notre droit
administratif qu'à la consécration d'une supériorité hiérarchique de la loi
fédérale sur la loi de l'Etat fédéré.

988
DUGUIT (L.), dessinait la situation du destinataire de ces normes « ou bien l'individu
considéré, en présence de cette contradiction, ne sera obligé d'obéir ni à l'une ni à l'autre
volonté ; (...) ou bien, au contraire, l'individu sera obligé d'obéir au commandement de l'une et
par suite, de désobéir au commandement de l'autre qui le contredit; alors l'une des volontés
commandantes ne pourra pas imposer son ordre, puisque l'ordre donné par l'autre est supérieur
et que c'est à cet ordre seulement que doit obéir le gouverné. L'une des volontés commandantes
n'est donc pas une volonté indépendante, puisqu'on ne lui doit obéissance que si des ordres sont
conformes à ceux d'une autre volonté ».
989
AMSELEK (P.), « Ontologie du droit et logique déontique », R.D.P., 1992, p. 1026.
990
Ibid.
303
Si l'on examine la jurisprudence camerounaise relative aux rapports
règlement local - règlement national on constate que toujours une seule norme
est, par le juge991, reconnue applicable à l'espèce, par l'admission ou non de la
légalité de la norme réglementaire nationale ou locale.

Le juge exprime ainsi l'idée selon laquelle un « conflit de normes


représente une absurdité »992 dans la mesure où l'unité de l'ordre juridique
« peut être décrit en propositions de droit qui ne se contredisent pas »993.

L'unicité de la norme applicable à un degré donné de la hiérarchie


contredit la définition de la décentralisation de Ch. EISENMANN dans la
mesure où selon lui la décentralisation implique la reconnaissance d'une
compétence personnelle limitée notamment territorialement, discrétionnaire et
donc la capacité d'édicter des normes susceptibles d'être en concurrence avec
une compétence personnelle plus vaste notamment territorialement et tout
autant discrétionnaire994. L'idée de l'autonomie du règlement local qu'exprime
Maurice BOURJOL traduisant la thèse de Charles EISENMANN au plan
normatif réglementaire, se trouve donc elle aussi en contradiction avec le
principe de l'unicité de la norme à chaque niveau de la hiérarchie.

On se trouve ainsi devant des propositions dont aucune ne se vérifie. La


thèse de Louis FAVOREU est contredite par le fait que jamais, par principe, le
règlement local n’est annulé pour contrariété avec le règlement national et la
thèse de Maurice BOURJOL et de Charles EISENMANN se heurte au principe
d'unité interdisant que le destinataire des normes soit soumis à des normes
contradictoires.

991
Le juge Français.
992
KELSEN (H.), Théorie pure… op. cit., p. 274.
993
Ibid., p. 273.
994
EISENMANN (Ch.), Centralisation… op. cit., p. 16.
304
2- L’unicité de la norme locale n’implique pas la subordination
de l’acte écarté

Pour sortir des contradictions mises en évidence précédemment, on est


conduit à affirmer qu'il existe nécessairement un lien entre les normes d'un
même degré de la hiérarchie traduisant ainsi le principe d'unicité de la norme,
contrariant alors Maurice BOURJOL et Charles EISENMANN ; mais que ce
lien n’est pas un lien de subordination contrairement à l’affirmation de Louis
FAVOREU.

En effet de cette unicité, nul ne peut tirer l'idée d’une subordination du


règlement écarté au règlement appliqué. D’abord parce qu’en affirmant cette
subordination, on crée un nouveau niveau hiérarchique dans un ordre juridique
organisé autour d’une individualisation croissante des normes : en haut la
norme centrale, au milieu la norme non-centrale déduite de la précédente et en
bas la norme individuelle appliquant la norme non-centrale995. Ainsi les
Collectivités non-centrales membres de cette chaîne d'exécution, donc simples
exécutantes, n'auraient pas de volonté propre, ce qui ne correspond pas à la
réalité puisque la clause générale de compétence constitue un « pouvoir
d'initiative »996.

Ensuite il ne viendrait à l'esprit de personne d'affirmer, lorsque le


règlement local est appliqué au détriment du règlement plus vaste, que le
règlement local est supérieur au règlement plus vaste et dès lors la proposition
inverse ne saurait être plus crédible 997.

995
FAURE (B.), Le pouvoir réglementaire des Collectivités locales, Université de Pau et des
Pays de l'Adour, 1992, p. 90.
996
Ibid.
997
Cf. en France C.E. Commune de Néris les Bains18/4/1902, S.1902.3.81 ou C.E. 3/7/1931
Ville de Clamart, S.1932.3.1 ou encore C.E. Ville de Nanterre 20/11/1964, A.J.D.A., 1964,
p. 686.
305
On ne peut non plus affirmer que la hiérarchie des normes est
l'expression d'une hiérarchie des organes, puisque dans les hypothèses
précédentes cela conduirait à admettre que les organes locaux concernés étaient
hiérarchiquement supérieurs à ceux dont la norme n'avait pas été retenue. Le
propos est manifestement incongru.

Par ailleurs, on ne peut affirmer en soi la suprématie d’un organe998,


mais on peut reconnaître celle-ci en fonction « de la nature de la puissance
conférée à chacun ... »999. La question a été essentiellement discutée à propos
de la supériorité de la loi sur le règlement et R. CARRE DEMALBERG a
montré qu’une telle puissance chez le législateur ne peut pas être rattachée
uniquement à l'idée d'une gradation de qualités et de pouvoirs entre le
Parlement et l'Exécutif1000. Car elle ne s'analyse pas seulement en puissance
d'un degré supérieur, mais la vérité est qu'elle apparaît comme douée des
caractères et des vertus propres à la souveraineté elle-même. C'est pourquoi la
suprématie des normes législatives n’est pas liée à leur édiction par le
Parlement mais au fait qu'il s'agit de dispositions législatives, peu importe la
définition matérielle ou formelle de leur caractère. Si on peut admettre que le
Président dans le cadre de l'article 27 détienne à titre transitoire la souveraineté
et expliquer ainsi l'absence de contrôle du juge sur les dispositions à caractère
législatif et ainsi justifier sa « supériorité organique », cette même idée de
puissance contenue dans un organe ne permet pas d'expliquer toutes les
situations du droit positif. En effet, lorsque le juge administratif déclare qu'une

998
Certains auteurs semblent pourtant y faire référence; ainsi: J.M. AUBY affirme que "Les
compétences normatives des autorités publiques varient selon leur place dans la hiérarchie des
organes et il résulte une certaine hiérarchie "statique", un étagement des normes ". Sur l'étude
de la hiérarchie des normes en droit public; éléments de problématique, Mélanges PELLOUX,
L'HERMES 1980, p. 23; R.G. SCHWARTZENBERG écrit: "La notion de force juridique est la
résultante de trois éléments: le rang dans une hiérarchie des normes – elle-même calquée sur
une hiérarchie des organes ..." L'autorité de chose décidée, L.G.D.J., 1969, p. 4.
999
Ibid.
1000
CARRE DE MALBERG (R.), Contribution à la théorie générale de l’Etat, op.cit., p. 115.
306
loi ne dit pas ce qu'elle dit, comme dans l’hypothèse de l'arrêt Dame Lamotte,
ce type de raisonnement à partir de la place de l'organe énonciateur de la norme
dans une prétendue hiérarchie des organes, ne peut être retenu.

En fait, la supériorité d'une norme sur une autre résulte en dernière


analyse du comportement du juge chargé d'en faire l'application ou d'en
contrôler la régularité ainsi que l’avait montré René CHAPUS à propos de la
place des principes généraux du droit dans la hiérarchie des normes1001, et pour
cela il faut rechercher « auxquelles des normes soumises à son jugement il est
supérieur, et auxquelles de ces normes il est inférieur ». Cependant, même cette
proposition doit être nuancée puisqu'ainsi que le démontre Michel TROPER, le
travail d'interprétation auquel se livre le juge pour dire la norme applicable ou
pour apprécier la régularité d'une norme, le conduit à déterminer librement par
interprétation la norme supérieure applicable (par ex. affaire Dame Lamotte
précitée) à laquelle sera confrontée la situation dont la régularité est à apprécier
ou la norme dont la régularité est en cause1002. Cet auteur montre qu'il n'existe
pas de hiérarchie abstraite des normes mais uniquement par l'application qu'en
font les acteurs de la vie juridique et notamment le juge. La hiérarchie est un
résultat, elle n'est pas une donnée.

Si, ni la place de l'organe énonciateur de la norme, ni la place du juge


contrôleur de la norme ne permet de déterminer a priori la place d'une norme
donnée dans la hiérarchie des normes, l’on voit bien que lorsque le juge
consacre le règlement local au détriment du règlement national, il n'affirme pas
pour autant la supériorité du premier sur le second ; supériorité d'ailleurs qu'il
serait en mal d'établir puisque les normes dont il se sert, pour interpréter ou
pour apprécier la validité d'autres normes ne sauraient se situer dans notre

1001
CHAPUS (R.), DAG, t. I, 15eme éd., Monchrestien, 2001, 744 p.
1002
TROPER (M.), Le Problème de l'interprétation et la théorie de la supra légalité
constitutionnelle, Mélanges EISENMANN, 1975, p. 147.
307
hypothèse qu'au niveau que son rang leur assigne : un niveau qui est à la fois
infra-législatif et supra-décrétale. En effet, ceci reviendrait à dire que le
règlement reconnu applicable se situe à un niveau supra-décrétale
(réglementaire), ce qui pour un juge du règlement est pour le moins original.

Dans sa thèse consacrée aux combinaisons de normes dans la


jurisprudence administrative, H. M. CRUCIS montre que le juge peut combiner
les normes en donnant la préférence à l'une d'entre elles. Cette préférence, le
juge l'accorde soit à la norme spéciale, soit à celle qui aggrave les dispositions
normatives. En toute hypothèse, cette démarche du juge est propre à la situation
dans laquelle il se trouve confronté à deux normes situées au même niveau
hiérarchique.

Pour sortir de l'impasse dans laquelle deux actes ayant été émis par deux
organes distincts, il n'existe qu'une norme dégagée (préférée) par le juge en
éliminant l'autre, sans que la préférée ne subordonne l'autre, ni exprime une
quelconque hiérarchie entre les organes, nous propose de recourir à la théorie
de la séparation des pouvoirs.

Paragraphe III : La capacité de contester les actes de l’autorité


de tutelle par les CTD (le recours au juge)
Le législateur camerounais sur ce point a procédé à une diffusion du
pouvoir. Celle-ci se remarque par l'attribution d'une possibilité pour les
Collectivités territoriales décentralisées de saisir le juge administratif. Le
recours au juge apparaît comme le paravent légal de la contestation du
caractère exécutoire des actes préfectoraux. La loi transférait, en fait, au juge le
pouvoir d'approbation et la responsabilité de son exercice ou non-exercice dans
un délai inférieur à trois mois.

308
Chargé du contentieux administratif et particulièrement d'un pouvoir
d'annulation des actes administratifs, il dispose ainsi d'une faculté d'empêcher
l'administration, que le Conseil constitutionnel a reconnu de façon singulière1003
en France et le législateur camerounais dans loi d’orientation de la
décentralisation de 2004.

Cette faculté d'empêcher, le juge administratif l'exerce en s'interdisant


de faire fonction d'administrateur, soit en enjoignant l'administration, soit en s'y
substituant1004. Cette interdiction, le juge se l'est-il imposée, s'agit-il d'une
« autolimitation » comme le pensent Franc MODERNE1005 et un grand nombre
d’auteurs1006.

Traditionnellement, Le contrôle du juge ne peut en raison de ses


modalités, et malgré une rigueur certaine, garantir les facultés de statuer, qui en
dernière analyse se trouvent distribuées par le juge.

1003
C.C. Décision 86-224 DC du 23/1/1987. Le Conseil a réservé au juge administratif sous
réserve de certaines exceptions, « l'annulation ou la réformation des décisions prises dans
l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif,
leurs agents, les Collectivités territoriales (...) ou les organismes placés sous leur autorité ou
leur contrôle », non pas en se fondant sur la loi des 16-24 août 1790, à laquelle il a dénié valeur
constitutionnelle, mais sur un principe fondamental reconnu par les lois de la République
traduisant la « conception française de la séparation des pouvoirs », Cf. note CHEVALLIER
(J.), A.J.D.A., 1987, p. 345 ; note GAUDEMET (Y.), R.D.P., 1987, p. 1341; note GENEVOIS
(B.), R.F.D.A., 1987, p. 287.
1004
CHEVALLIER (J.), « L'interdiction pour le juge de faire acte d'administration », A.J.D.A.,
1972, p. 69.
1005
MODERNE (F.), « Etrangère au pouvoir du juge, l'injonction pourquoi le serait-elle ? »,
R.F.D.A., 1990, p. 803.
1006
DEBOUY (C.), qui écrit: « Cette limite ne nous paraît plus acceptable. Chacun sait que
l'interdiction de l'injonction est une autolimitation du juge, qui ne repose sur rien ... », note sous
T.A. ROUEN, Ord. de référé, 13/5/1991 Assoc. de défense de la forêt de la Caboche, J.C.P.,
1992, 21781 ; VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), Droit administratif, t. 2, Coll. Thémis, P.U.F.,
1990, p. 357 ; LE BERRE (J.M), « Les pouvoirs d'injonction du juge judiciaire à l'égard de
l'administration », A.J.D.A., 1979, n° 2, p. 14.

309
A)- Un contrôle rigoureux mais nécessairement altéré

Les motifs du contrôle affectent la crédibilité de son organisation. Tout


contrôle s'exerce discrétionnairement, cependant ceci n'exclut pas qu'une fin lui
soit assignée. Le contrôle a pour objet généralement de faire respecter la
légalité. On a vu dans le premier titre de cette partie que cela n'exclut pas une
approche subjective de celle-ci tant dans les conditions de sa mise en œuvre que
dans la définition de son contenu. Cette présence de l'opportunité dans le
contrôle constitue un élément qui restreint la faculté de statuer non centrale.
Cette présence peut être accentuée si l'organe central est chargé dans le cadre de
sa faculté d'empêcher, de préserver l'intérêt national ou étatique. Ces deux types
de finalités se trouvent parfois expressément prévus et sont mis en œuvre selon
des modalités particulières.

Si au Cameroun l'article 55 de la Constitution écarte, à priori, la


préservation des intérêts nationaux du contrôle administratif qui peut déboucher
sur une saisine du juge, il ne l'exclut pas non plus, dans la mesure où le délégué
du Gouvernement a la charge à la fois des intérêts nationaux et du contrôle
administratif. Ceci peut expliquer, que certaines décisions du juge administratif
soient fondées sur cette nécessaire protection des intérêts nationaux, notamment
dans le domaine des relations extérieures1007.

En Italie et au Portugal, les deux aspects sont aussi présents. L'article


127 de la Constitution italienne prévoit que le Gouvernement peut s'opposer à
l'entrée en vigueur de la décision régionale pour dépassement de la compétence
régionale ou pour « opposition avec les intérêts nationaux ou ceux d'autres
régions ». Au Portugal, le Tribunal constitutionnel peut être saisi au motif d'une
méconnaissance de la Constitution ou des principes qui y sont contenus, par le

1007
Sur cette question cf. T.A. 18/12/1991 St Denis de la Réunion, Commune de St Denis, LES
PETITES AFFICHES, 1993, n° 74, p. 5.
310
Ministre de la République qui représente l'Etat dans la région considérée. Qu'il
s'agisse des principes reconnus par la constitution du Portugal ou des intérêts
nationaux en Italie, l'on voit bien qu'il y a ici ouverture pour une libre
appréciation de la conformité à la constitution et aux intérêts nationaux. Le
contrôle effectué à partir de ces notions floues permet au juge de fixer les
éléments qu'il prendra en considération dans son appréciation du respect de la
légalité ou des intérêts nationaux.

L’intégration de l’opportunité dans le contrôle de légalité s’exprime


pleinement quand le même organe apprécie la légalité et l’opportunité des
décisions locales. Ainsi en Chine populaire le pouvoir de contrôle du Comité
permanent de l’Assemblée populaire s'exprime non seulement par un contrôle
de légalité mais aussi par l’annulation des décisions locales inappropriées, mal
fondées1008. Cet organe peut être le juge comme en Autriche, en Allemagne ou
comme on le verra dans les Communautés européennes.

Les objectifs du contrôle ne limitent donc pas réellement l'exercice de la


faculté d'empêcher du juge et ne sont donc pas susceptibles de garantir les
facultés des organes, malgré les caractères de cette faculté d'empêcher exercée
par le juge.

B)- Le juge dispensateur des facultés de statuer des CTD


Il appartient au juge de fixer la capacité de tel ou tel organe soit sur
requête d'un organe victime d’un empiétement, soit sur recours du destinataire
de l'acte. Dans cette action, le juge, quelle que soit la précision de la
compétence attribuée par la norme intuitive de l'organe, apparaît comme un
répartiteur de capacités inspiré par la subsidiarité. L’examen de la jurisprudence
française en matière d’interventionnisme économique illustre bien ce

1008
Ibid.
311
phénomène. Dans ce domaine il existe un principe, qui exprime l’essence
même de la subsidiarité1009, la liberté du commerce et de l’industrie qui exigent
que les interventions de la puissance publique soient fondées sur l'impossibilité
ou l'incapacité des acteurs (producteurs & consommateurs) à régler
harmonieusement leurs rapports. Or l'on sait, la jurisprudence est suffisamment
importante dans ce secteur, que le principe de la liberté du commerce et de
l'industrie est facilement opposé par le juge administratif aux Collectivités
locales et de façon conciliante à l'Etat. Ceci a conduit L. RICHER à affirmer
que « pour le juriste, cette organisation du libéralisme se traduit bien souvent
par une désorganisation du droit »1010. Cette jurisprudence n'est pas sans effet
sur le principe car « le fait qu'il puisse y avoir deux poids, deux mesures, dans
la protection accordée à cette liberté pose le problème de sa valeur ». La
jurisprudence tend, et particulièrement depuis la loi du 4 mars 1982, à faire du
principe de la liberté du commerce un complément utile à la consécration de la
suprématie de l'Etat.

Cette différence entre interventions locale ou préfectorale démontre


l'action constructive du juge dans la définition de la capacité des organes. Le
dysfonctionnement social de ce domaine a conduit au profit des Collectivités, à
l'admission légale du commerce et de l'industrie comme « but d'intérêt
général » et à la consécration, particulièrement par le juge de l'excès de
pouvoir, d'un principe de liberté des activités industrielles ou commerciales
comme « moyen » pour garantir, que ce but demeurera d'une part d'intérêt
général et d'autre part, qu'il constituera un moyen permettant de déterminer

1009
THALINEAU (J.), « L'interventionnisme économique, exemple de contestation de la clause
générale de compétence, Rapport final du Laboratoire d'études et de recherches sur les réformes
administratives et la décentralisation », Faculté de droit TOURS, 1988, p. 167.
1010
RICHER (L.), « L'évolution des rapports entre l'Administration et les entreprises privées »,
R.D.P., 1981, p. 919.
312
lesquels des organes étatiques ou locaux le satisfont le mieux1011. Cette
différence jurisprudentielle entre interventions étatiques et locales montre que
le principe de subsidiarité ne conditionne pas en l'espèce l'action de l'Etat,
puisque la liberté du commerce et de l'industrie, expression de la subsidiarité en
matière économique, n'est pas opposable à l'Etat1012. Le rôle de répartiteur de
compétences du principe de liberté du commerce est devenu par ailleurs,
subsidiaire dans la mesure où la loi 2004 a affirmé la compétence de l'Etat dans
le domaine économique. Cette primauté de l'Etat a conduit le Conseil d'Etat en
France à considérer que la région ne dispose pas d'une compétence générale en
matière économique.

Dans d'autres matières, la subsidiarité amènera le juge à préférer l'acte


local au détriment de l'acte central1013. Ceci pourra se faire en admettant la
compétence de l'organe non central là où, à priori, en vertu d'un texte spécial
était prévu un acte du Préfet.

En fait, il apparaît que le principe de subsidiarité conduit à la


reconnaissance de la complémentarité de l'action des organes. En matière de
police administrative, le phénomène est remarquable et particulièrement en
matière de projections cinématographiques.

Les films doivent pour être distribués et projetés en public, obtenir un


visa ministériel, expression d'une police spéciale. Le juge a reconnu toutefois
que ce label ministériel n'excluait pas que dans certaines circonstances, la
projection d'un film soit interdite par le Maire titulaire d'un pouvoir de police

1011
Cf. C.E. 6/6/1986 département de la Côte d'Or, A.J.D.A., 1986, p. 594 ; C.E. 18/11/1991,
Dépt des Alpes maritimes, A.J.D.A., note C.DEVES, p. 231.
1012
THALINEAU (J.), L'interventionnisme économique, exemple de contestation de la clause
générale de compétence, op. cit., p. 170.
1013
V. CRUCIS (H.-M.), Les combinaisons de normes dans la jurisprudence administrative
française, Paris, L.G.D.J., 1991.
313
administrative générale dans sa commune. La logique aurait voulu que selon la
maxime latine « lex specialis generalibus derogat » et son corollaire
« generalia specialibus non derogant », une telle interdiction soit proscrite.

On peut raisonner plus généralement et substituer ainsi à l'ordre public,


l'intérêt général, source de toute action publique, qui peut se différencier
notamment entre intérêt général national et intérêt général local. On pourra
considérer alors en copiant E. PICARD que les actions locales et nationales
concourent chacune à l'accomplissement de la mission d'intérêt général de
l'administration plus qu'elles ne se concurrencent.

Le juge, organe répartiteur des compétences, n'apparaît donc pas comme


une garantie suffisante des facultés de statuer instituées par la constitution.
Cette garantie ne sera fournie que lorsque des organes locaux disposeront d'une
faculté d'empêcher qui s'appliquera sur la faculté de statuer opposée.

C)- L’ordre juridique et l’ordre politique : l’objectif d’une


gestion locale plus efficace

Si l'on examine les rapports entre la règle locale et la règle étatique, qu'il
s'agisse de normes législatives ou réglementaires, on constate qu'organes
centraux et locaux sont étroitement liés dans la production de la norme par la
remise aux uns et aux autres de la faculté de statuer et de la faculté d'empêcher
qui se traduisent selon différents procédés techniques.

Les relations organes centraux et organes locaux s'organisent autour


d'une capacité d'initiative reconnue à chaque organe et de la possibilité de
s'opposer à celle-ci reconnue à l'un sur l'action de l'autre, soit en la soumettant à
approbation, soit en l'annulant, soit enfin par la substitution de sa propre action
à l'action ou l'inaction de l'autre. Il importe de reconnaître lesquels de ces

314
procédés s'apparentent à l'exercice de la faculté d'empêcher d'une part et à celui
de la faculté de statuer d'autre part.

L'annulation consiste en la suppression rétroactive de l'acte. Elle résulte


soit de l'administration soit d'un juge. En France, en matière de tutelle sur les
Collectivités territoriales, l'annulation par l'administration connaissait « les
hypothèses de nullité de droit et les hypothèses d'annulabilité »1014, ce qui
conduisait Marcel WALINE à évoquer dans ce cas « des annulations par justice
retenue»1015.

Cette distinction entre annulations administratives et juridictionnelles et


entre annulations de droit et annulabilités n'a à ce stade de l'analyse aucune
utilité car ce qui importe ici c'est l'effet d'une décision et non qui la rend ou
pourquoi il la prend. Or, dans toutes ces hypothèses, l'annulation fait disparaître
rétroactivement la décision annulée qui est censée n'avoir jamais existé.

1- Les justifications du choix du législateur : possibilité de


statuer et d'empêcher ; instruments de l’unité du pouvoir
normatif

Les faits attestent de l'existence d'une faculté de statuer au profit des


organes locaux, les auteurs la reconnaissent1016 mais divergent sur son
appréciation et particulièrement sur sa place dans la hiérarchie des normes.

Si organes centraux et organes locaux disposent d'une faculté de statuer,


l'on voit bien, que ceci est susceptible de venir contester l'unicité de la norme

1014
Pour un aperçu synthétique et critique de ces hypothèses cf. REGOURD (S.), L'acte de
tutelle … op. cit., p. 132.
1015
Ibid.
1016
Le fait qu'elle soit un objet d'études et de controverses le démontre et particulièrement la
thèse de B. FAURE qui se consacre exclusivement à l'examen du pouvoir réglementaire des
Collectivités locales, Université de Pau et des Pays de l'Adour 1992.
315
dans le niveau hiérarchique concerné. En effet, pour Ch. EISENMANN la
décentralisation pure et parfaite ou la décentralisation imparfaite correspondent
à la situation dans laquelle « la suprématie appartient en définitive aux
organes non centraux »1017. La thèse de M. BOURJOL relative à l'autonomie
du pouvoir réglementaire local correspond à ce que Ch. EISENMANN
présentait comme la décentralisation.

L’autonomie selon M. BOURJOL, c’est l’absence de subordination du


règlement local au règlement national dans la mesure où ils s’expriment à
l’intérieur de deux personnes juridiques différentes d’une part, et ils s’excluent
l’un de l’autre en vertu des dispositions constitutionnelles qui font du pouvoir
réglementaire local, (l’article 55 al. 3 de la constitution) une exception au
pouvoir réglementaire étatique, d'autre part.

La thèse de M. BOURJOL et celle de Ch. EISENMANN ne semblent


pas pouvoir être admises car elles méconnaissent fondamentalement le principe
de la hiérarchie des normes juridiques qui se traduit par l'existence d'une norme
unique par niveau dans la hiérarchie des normes1018. Pour maintenir cette
unicité de la norme la solution consiste à instituer une faculté d'empêcher au
profit d'un organe central qui participera au processus normatif de la norme
locale garantissant ainsi l'unicité de la norme.

La remise à un organe central de la faculté d'empêcher s'exerçant sur la


faculté de statuer de l'organe local constitue la garantie minimale de l'unicité de
la règle.

On ne saurait envisager en effet, dans un Etat deux normes d'autorité


égale sans remettre en cause la notion même d'Etat. En effet, l'Etat exprime

1017
EISENMANN (Ch.), Centralisation … op. cit., pp. 86-87.
1018
KELSEN (H.), Théorie pure …op. cit.
316
l'idée d'une puissance sans limite qui dans un Etat de droit est traduite par la
norme juridique. Emettre l'idée que la puissance étatique puisse venir s'échouer
sur une puissance locale, c'est remettre en cause l'unité de l'Etat.

Manifestement le droit positif ne traduit pas une telle autorité, une telle
puissance locale. En effet en dernière analyse, les normes locales qu'il s'agisse
de lois ou de règlements sont suspendues à leur admission, leur reconnaissance
en qualité de normes par un juge.

Avant cette intervention, leur caractère normatif lié à leur


constitutionnalité ou à leur légalité n'est que présumé, ce qui justifie qu'elles ne
disposent pas d’une autorité incontestable. Avant cette intervention, elles ne
sont que choses légiférées ou décidées et comme telles sujettes à annulation,
traduisant ainsi en France la possibilité de résister à l’oppression reconnue par
l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme du 26 août 1789.

C'est finalement cette intervention qui va leur conférer une autorité


incontestable. Or, cette intervention est toujours en dernière analyse
l'expression d’un organe central qui sera le plus souvent un juge soit
constitutionnel, soit administratif et ainsi si la norme consacrée est la norme
locale, elle perd cet aspect pour devenir norme du système juridique. Cette
intervention d’un juge dans le processus normatif est loin d’être admise, bien
que cette décision juridictionnelle dise la norme applicable, confirmant ainsi
qu’à chaque niveau de la hiérarchie des normes il n’existe qu’une norme.

Le juge a trop souvent été écarté de la théorie de la séparation des


pouvoirs en raison de cette phrase de MONTESQUIEU selon laquelle la
puissance « de juger, est en quelque façon, nulle »1019. Cela tient aussi à ce que
« jusqu’à présent, la pratique française a (...) retenu une lecture partielle de la

1019
MONTESQUIEU, L'esprit des lois, t.I, op. cit., p. 298.
317
pensée de MONTESQUIEU et de la doctrine de la séparation des pouvoirs,
faisant de la séparation un principe opposé au juge et non un principe de la
garantie des droits par le juge »1020.

2- Facultés de statuer et d’empêcher, éléments d’un même


pouvoir

Lorsque MONTESQUIEU distingue les deux facultés, il montre bien


qu'elles ne peuvent être envisagées séparément, puisqu’il affirme qu'elles
forment naturellement un état de repos et que donc seule leur utilisation dans un
but commun donnera naissance au mouvement1021. La distinction des deux
facultés ne produit donc pas une séparation, une division à proprement parler
puisque le pouvoir est la résultante de leur action réciproque. Il est à
l'intersection de leur mouvement.

Léon DUGUIT montre par ailleurs que la souveraineté que l'on présente
comme indivisible exclut que l'on envisage la séparation des pouvoirs1022 sauf à
considérer que cette séparation ne met pas en cause l'unité et l'indivisibilité de
la souveraineté dans le cadre d'un « mystère de la trinité politique calqué sur le
mystère de la trinité divine »1023, c'est-à-dire en rétablissant l’unité du pouvoir.

Ch. EISENMANN à propos de la semi-décentralisation ne dit pas autre


chose, lorsqu’il considère que cette solution du problème de la centralisation -
décentralisation constitue une « indivision » du pouvoir entre deux organes
dans la mesure où « aucun des deux ne peut imposer sa volonté à l'autre, sans
l'autre ou contre lui »1024.

1020
Ibid.
1021
Ibid.
1022
DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, t. II, p. 121 et ss.
1023
Ibid., p. 671.
1024
EISENMANN (Ch.), Centralisation - Décentralisation, op. cit., p. 88.
318
L'appartenance de la faculté d'empêcher au pouvoir normatif a été
contestée en matière législative comme dans le domaine de la centralisation-
décentralisation où pourtant, l'approbation et l'autorisation ont été présentées
par M. HAURIOU comme « un simple je n'empêche »1025, alors que M.
WALINE évoquait à propos des annulations prononcées par les autorités
faisant parties de l'administration active l'idée de « justice retenue »1026.

En effet, ce que l'on appelle la norme locale, n'est rien d'autre qu'une
norme de l'Etat matériellement et territorialement déterminée1027. Elle accède à
ce titre en supportant une faculté d'empêcher centrale dont la mise en œuvre
peut être plus ou moins rapide et efficace1028. A cet égard, le régime du déféré
préfectoral, assimilé largement à un recours pour excès de pouvoir, et celui du
sursis à l’exécution des actes locaux visent à maintenir l’unité du pouvoir
normatif de l’Etat dans le niveau hiérarchique considéré : le règlement.

L’assimilation du déféré au recours pour excès de pouvoir, si elle n'est


pas totale1029, permet au Préfet d’exercer son contrôle dans un délai plus long
que celui de deux mois à compter de la transmission inscrite dans la loi. Cette
assimilation va se manifester par l’exigence d’un recours motivé et par
l'admission de la prolongation du délai par un recours administratif du Préfet.
Cette prolongation pourra aussi résulter d’une transmission incomplète des
actes et de leurs annexes qui doivent toutefois être strictement nécessaires à
l’appréciation de la légalité.

1025
HAURIOU (M.), op. cit., p. 149.
1026
WALINE (M.), op. cit., p. 344 et ss.
1027
Ibid.
1028
Sur ce point cf. MOREAU (J.), « Bilan jurisprudentiel du contrôle administratif de
légalité », A.J.D.A., 1992, p. 57 et LACHAUME (J.-F.), « Contrôle administratif », Fasc.1, n°
48, Jurisclasseur administratif.
1029
Ibid., Ainsi le recours pour excès de pouvoir n'est pas possible contre les contrats, alors que
le déféré le permet pour les conventions en matière de marché par ex.
319
C’est donc un vaste espace de « négociation – persuasion »1030 que cette
assimilation lui ouvre du fait de la durée importante du délai pour introduire un
recours. Cependant ceci ne conduit pas à différer juridiquement mais
politiquement le caractère exécutoire de l’acte. Le régime du sursis renforce
cette capacité du Préfet à contenir l’acquisition du caractère exécutoire des
actes locaux, mais cette fois-ci d'une façon juridique.

Le sursis à l’exécution comme son nom l’indique, permet de suspendre


le caractère exécutoire de l’acte. Il constitue donc une atteinte directe à la
faculté de statuer locale, privée alors du « privilège du préalable » dont
bénéficie l'administration1031.

Le Préfet peut de façon simultanée demander l'annulation de l'acte local


et que soit ordonné le sursis à l’exécution en l'attente de la décision au fond. Le
juge doit faire droit à cette demande, si le Préfet invoque au moins un moyen
sérieux à l'appui de sa requête en annulation1032.

En supprimant l’exigence d’un préjudice irréparable dont la preuve est


réclamée dans le sursis de droit commun, et en contraignant le juge à prononcer
le sursis si la condition posée est réalisée, le législateur a maintenu l’unité du
pouvoir normatif. D’une part, l’exercice de la faculté d’empêcher par un juge,
organe central, garantit la faculté de statuer centrale et d’autre part, la limitation
du contrôle à celui de la légalité se rapporte alors à la garantie de la répartition
du pouvoir normatif1033opérée par les normes supérieures, constitution, lois et

1030
HELIN (J.C.), « La régulation administrative du contrôle de légalité et le droit », R.F.D.A.,
1987, p. 765, du même auteur, Le Préfet, les élus et le juge, les petites affiches 1992, n° 151,
p. 12.
1031
KOUBI (G.), « Acte exécutoire et actes des autorités locales », R.D.P., 1990, p. 1513.
1032
Ibid.
1033
CHABANOL (D.), écrit: Dans le mécanisme mis en place par les lois de décentralisation,
l’auteur de la requête, par commissaire de la République interposé, est la Collectivité nationale
320
principes généraux du droit, non seulement entre les organes chargés de mettre
en œuvre le pouvoir réglementaire, mais aussi entre ceux-ci et ceux mettant en
œuvre le pouvoir législatif1034. Si la légalité et donc la répartition dudit pouvoir
normatif, n'était pas affaire d'appréciation, on pourrait considérer que ce
système garantit ipso facto la faculté de statuer locale.

A ce premier élément de garantie de la faculté de statuer, s'ajoute un


autre. La faculté d'empêcher comprend ce « sursis allégé »1035 et un sursis
d’urgence1036 qui, s’il caractérise le caractère exécutoire des actes locaux,
participe à l'affirmation de l’unité du pouvoir normatif. En effet, il permet à
condition que soit invoqué un moyen sérieux d’annulation, d'obtenir sous
quarante-huit heures du Président du Tribunal administratif, le sursis à
exécution des actes « de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique
ou individuelle»1037.

Ces sursis tendent, sans pouvoir y parvenir, à faire jouer à la faculté


d'empêcher exercée par le juge, le même effet que celle exercée hier par le
Préfet. Elle ne peut y parvenir parce que le juge n'est pas doté d'une faculté de
statuer, il n'est pas administrateur. Elle ne peut y parvenir parce que même si ce
contrôle de légalité peut être exercé en opportunité, il ne peut devenir purement
et simplement un contrôle d’opportunité, qui mettrait en cause la légitimité du
contrôle. Alors, si à la façon d’une asymptote, ce contrôle peut tendre vers une
simple approbation, il apparaît que s’il peut garantir la faculté de statuer
centrale, il risque de ne pas garantir la faculté de statuer locale, d’où la

ou l'Etat, et son objectif n'est plus d’obtenir un avantage individuel, mais d’assurer le respect
des lois., A.J.D.A.,1983, p. 73.
1034
Même si c'est un peu abrupt, on pourrait considérer que le contentieux de l’annulation des
actes locaux est exclusivement un contentieux de la compétence. Ainsi la violation de la loi ne
serait pas autre chose que la violation de la compétence du législateur...
1035
Exprimé dans l’art. 72 (3) de la loi d’orientation de la décentralisation précitée.
1036
Ibid., Art.72(2).
1037
Ibid.
321
nécessité d’accorder aux Collectivités territoriales une faculté d’empêcher les
organes centraux pour que le régime de production des actes réglementaires soit
décentralisé1038.

Section II : La liberté de gestion financière des services publics


locaux : l’émergence d’un pouvoir économique public
décentralisé
L’attribution des compétences ne suffit à garantir l’autonomie en
général et financière en particulier des Collectivités. Il faut qu’elles soient libres
dans la prise de décision économique engageant leur avenir étant qu’il s’agit
d’une défense financière. Le législateur camerounais en a tenu compte dans la
loi de 2010 relative à la loi financière et celle de 2004 sur la décentralisation au
Cameroun.

Paragraphe I : Les contraintes imposées par la spécificité des


compétences économiques
Les contraintes imposées par la spécificité des compétences
économiques tiennent de leurs contenus (A) et du mode de gestion partenarial
(B).

A)- Le contenu
Le droit public économique camerounais est l’aboutissement d’une
histoire économique constante. Confronter le pouvoir d’intervention
économique des Collectivités locales à un certain ordre public économique à
connotation libérale est l’obligation de respecter les libertés économiques des
particuliers et des entreprises, fondement de l’Etat libéral.

1038
Or, à ce jour, une telle faculté d'empêcher reconnue à des organes locaux et s'exerçant sur la
faculté de statuer centrale demeure une revendication, manifestant ainsi le maintien d'un régime
de déconcentralisation.

322
Pour une partie de la doctrine1039, on se dirige vers une situation de
contradiction apparente. En effet, le développent des interventions économiques
décentralisées est une nécessité juridico-politique de l’Etat de droit car c’est le
fondement de la démocratie locale cherchant en premier l’épanouissement de
l’individu ainsi que sa capacité à gérer ses affaires librement. Il est aussi un
impératif économique soucieux d’assurer le bien-être de l’individu et de
subvenir à ses besoins aussi bien économiques que sociaux. C’est
paradoxalement au nom de ses deux impératifs (démocratique politique d’une
part et justice économique et sociale d’autre part) que la puissance publique en
se livrant à des activités économiques doit respecter les libertés économiques
des particuliers.

« L’Etat en tant que répartiteur de compétence a donné naissance à un


processus de décentralisation économique tout en gardant les véritables
pouvoirs économiques »1040. « Le pouvoir économique mal conçu des
Collectivités n’est qu’une version trompeuse de l’hégémonie politique,
administrative et économique des activités des autorités centrales »1041.
L’interventionnisme économique décentralisé comme instrument de
développement économique se heurte aux effets de ville corruption
centralisatrice du libéralisme tempéré. Pour certains auteurs,
il apparaît comme une exigence pour la reconstruction nationale1042.

1039
A l’instar de TARIK ZAÏR.
1040
Ibid., p.180.
1041
Ibid.
1042
Confrontées au manque des moyens humains et financiers et surtout à l’absence
d’entrepreneurs habilités à reconstruire une économie déjà ruinée, les autorités camerounaises
ont opté pour un système administratif très centralisé assurant une profonde intervention
publique dans les économies locales. En l’absence d’une histoire institutionnelle solide capable
de définir une solution de remplacement, le Cameroun a fait siennes les pratiques de
l’interventionnisme économique.

323
Les pratiques postérieures à l’indépendance ont fait apparaître un
phénomène nouveau. Le jeune Etat camerounais, dans la quête d’une très
grande présence sur le territoire national mais surtout d’un rôle économique de
premier ordre ne cesse d’intervenir au plan local. La démocratie libérale se
confondait avec la centralisation jacobine marquée par la prédominance des
interventions économiques centrales, empêchant de ce fait l’apparition d’un
véritable pouvoir économique décentralisé (…) remarquablement réduit,
l’interventionnisme économique décentralisée ne repose pas sur des bases
claires et surtout il reste très étroitement encadré par l’Etat. Cette situation
puise ses raisons dans différents facteurs notamment l’absence d’une élite
locale affirmée. La volonté de sortir le pays du sous-développement
économique était si urgente qu’il était inconvenable de partager le pouvoir
économique1043. Ce résultat était l’instauration d’une décentralisation
économique.

Ces techniques n’étaient pas révolutionnaires afin de prévenir tout échec


à un milieu insuffisamment préparé ou à un enthousiasme démesuré : le
système de contrôle étatique vaste et étroit permettait aux autorités
déconcentrées de monopoliser le rôle de véritable promoteur économique au
niveau local. La crise des politiques interventionnistes centralisées a emmené le
législateur camerounais à repenser le développement économique à travers
l’alternative locale sellée dans les lois de 2004 et 2010.

En optant pour l’économie du marché, l’Etat camerounais veut réduire


sa politique interventionniste jugée excessive et surtout inutile pour faire des
Collectivités décentralisées des agents économiques que peuvent stimuler la
croissance et rattraper les retards cumulés par de nombreuses années de

1043
MARCHAND (M.-J.), « L’économie de la décentralisation : un enjeu pour les Collectivités
locales », PUR, janvier, 2000, p. 233.
324
monopole en faveur de l’Etat et de ses administrations. Le renouveau de la
décentralisation par l’intermédiaire d’un réseau partagé des compétences
économiques était un moyen de relancer l’économie locale. Aussi les régions
comme les communes sont l’échelon local approprié pour enclencher une
dynamique spécifique d’émulation et de développement régional intégré1044.

La décentralisation, essentiellement économique, demeure pour l’Etat le


moyen opportun de rester au second plan sans pourtant renoncer à son désir
d’orienter les interventions économiques décentralisées. Dans un sens précis,
l’Etat crée l’illusion d’un processus de décentralisation en l’accompagnant
d’une étroite présence de ses agents déconcentrés au niveau local qui limitent
réellement à travers le contrôle de tutelle, l’émergence d’un pouvoir
économique décentralisé1045.

Le législateur camerounais a garanti l’autonomie financière des


Collectivités décentralisées à travers deux moyens ; d’une part il leur accorde la
capacité d’agir unilatéralement par la conclusion des contrats avec des
personnes publiques ou privées et d’autre part avec des personnes juridiques
interposées (établissements publics locaux). Le pouvoir d’expropriation, de
fiscalité locale, l’urbanisme fait appel à des prérogatives de puissances et porte
de ce fait atteinte à la liberté de commerce et de l’industrie.

1044
Néanmoins, il faut rester prudent. Si l’interventionnisme étatique était considéré à l’aube de
l’indépendance comme une exigence par la reconstitution économique nationale et l’incitation à
l’investissement. Aujourd’hui la politique de décentralisation économique n’est en réalité que le
prolongement de cette conception. Le choix en faveur de l’interventionnisme économique
décentralisé n’est pas une solution délibérée, c’est plutôt une nécessité pressante . D’une part
l’État était dans l’obligation de réduire son secteur public jugé inefficace. L’idéologie libérale
sans récuser le rôle important de l’Etat voit en lui un handicap majeur au libre jeu du marché ;
la décentralisation s’avère de ce fait incontournable à la fois pour aller dans le sens de l’Etat de
droit pour sortir de l’Etat contrôle de sa crise de légitimité liée à son incapacité à atteindre de
nouveau développement économique fort longtemps attendu.
1045
TARIK (Z.), La gestion décentralisée du développement …, op. cit., p. 183.
325
Le procédé contractuel, en tant que technique juridique de mise en
œuvre des interventions économiques décentralisées, revêt deux aspects
essentiels. Le développement des interventions économiques décentralisées
sollicite le recours au contrat en raison de la souplesse minimale et de
l’opportunité de la communication et de la négociation que celui-ci offre1046. Le
contrat présente également la plus grande efficacité dans l’action économique
locale par l’obtention de l’adhésion des Collectivités locales à l’œuvre de
développement. Il présente une meilleure sécurité pour les Collectivités locales
qui sont engagées à la hauteur des difficultés du contrat.

En définitive, le rapport Etat-Collectivités décentralisées doit être


enroulé de la nécessité d’agir de concert et non par voie autoritaire. Le contrat
apparaît comme le procédé par lequel les personnes publiques en général et les
Collectivités en particulier mettent en exécution leurs projets.

B)- La gestion partenariale : de la liberté contractuelle et de la


liberté de commerce

Le principe de la liberté de commerce et de l’industrie protège les


particuliers de toute concurrence publique. Ce principe se traduit par
l’obligation de réserver à l’initiative privée un domaine propre sur lequel
l’administration ne peut en principe empiéter1047.

1- Les fondements constitutionnels de la liberté contractuelle


Il convient avant que d’analyser exclusivement ce principe, de le
contextualiser. Ceci étant, les principes à valeur constitutionnelle prennent,

1046
DE LAUBADERE (A.), « L’interventionnisme économique et le contrat », RFAP, n° 2,
octobre-décembre, 1979, p. 79.
1047
LOSCHAK (D.), « Les problèmes juridiques posés par la concurrence des services et des
activités privées », ASDA, 1971, p. 211. Et TARIK (Z.), La gestion décentralisée du
développement … op. cit., p. 189.
326
pour la plupart, leur source dans ce qu'il est convenu d’appeler, en vertu des
travaux d’Hauriou, la constitution sociale1048 ; soit directement lorsqu’ils sont
mentionnés par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ou par le
Préambule de 1996 ; soit indirectement lorsqu’ils découlent d'un de ces
principes reconnus par ces textes ou lorsqu'ils sont issus de la tradition
législative républicaine qui, elle-même, est la résultante de notre constitution
sociale. La découverte de ces principes indirectement issus de celle-ci est
souvent délicate du fait, surtout, de leur ambivalence.

La liberté contractuelle s’applique aux personnes privées ou aux


personnes publiques. Elle relève clairement d'une conception libérale des
rapports juridiques et économiques mais en revanche peut apparaître
difficilement compatible avec une conception sociale de ceux-ci. C’est
pourquoi la question de la valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle est
fort complexe. Elle revêt une grande importance du fait de ses enjeux pour le
droit des Collectivités locales mais aussi des contrats des personnes privées.
Si le législateur peut et doit, comme cela a été souligné, encadrer,
codifier et limiter la libre administration des Collectivités locales, autrement dit
la mettre en œuvre, il ne peut la mettre en cause. Etant mentionné dans la
Constitution, ce principe possède la nature d'une disposition constitutionnelle
et, dès lors, s’impose au législateur ordinaire, seul le pouvoir constituant dérivé
pourrait l’abolir. Le juge constitutionnel qui vérifie si des mesures législatives
sont «de nature à porter atteinte à la libre administration des Collectivités
locales »1049, sanctionne de telles atteintes et a affirmé en France que « le
principe de libre administration des Collectivités territoriales a valeur

1048
HAURIOU (M.), op. cit., p. 95.
1049
LECOQ (V.), op. cit., p. 62.
327
constitutionnelle »1050. En outre, il nous apparaît clairement que l’un des
aspects essentiels de la libre administration est la liberté contractuelle.

Ce qui est vrai pour la liberté en général, l’est aussi pour la libre
administration des Collectivités territoriales décentralisées. Pour l’exercer, ces
dernières doivent pouvoir choisir les moyens de la mettre en œuvre et les
utiliser avec la plus grande latitude possible. Or, parmi ces moyens à la
disposition des Collectivités territoriales figurent la passation de contrats avec
d’autres personnes juridiques1051. Afin de s’administrer librement, et donc
exercer leurs compétences, les Collectivités doivent pouvoir opter librement
pour le procédé contractuel, définir les obligations réciproques des
cocontractants et plus largement, élaborer sans contraintes excessives, le
contenu du contrat. Aussi, pour être en mesure d’assurer la compétence
générale qui leur est dévolue en matière d’aide sociale, de prévention sanitaire
et d’organisation des services sociaux, les régions doivent pouvoir contracter
librement. En conséquence, on peut affirmer que sans liberté contractuelle
accordée aux Collectivités territoriales, il n’y a pas de véritable libre
administration, la seconde ne peut s’exercer sans la première. De sorte que ces
deux libertés sont consubstantielles. Il est donc clair que la liberté contractuelle
est attachée à la libre administration et, par la suite, il est logique que ces deux
libertés soient soumises à des limites identiques.

Sur ce second point on peut observer que la liberté contractuelle et la


libre administration ne sont pas absolues, elles sont assujetties aux limites que

1050
LUCHAIRE (F.), « L'émergence d'un droit constitutionnel de la décentralisation », AlDA,
20 Avri11992 n°spécial, p. 25. En ce sens, cf. ROUX (A.), article précité; Décision n°
091-290 D.C. du 9 mai 1991 (J.O., p. 6350).
1051
Pour ROUX (A.), op. cit., La liberté contractuelle « (m) apparaît comme un attribut de la
libre administration ». p 445 et POUYAUD (D.) voit dans la liberté contractuelle « une des
composantes fondamentales du principe de la libre administration des Collectivités
territoriales ». p. 966.
328
représentent le respect des lois qui les encadrent, les traités internationaux et
l’intérêt général qui doit guider l’action des Collectivités territoriales.

En ce qui concerne la première catégorie de limites, il faut observer que


ces libertés sont soumises aux bornes posées aussi bien par les lois et principes
constitutionnels que par les lois ordinaires. L’exercice de la libre administration
des Collectivités locales devait respecter les attributions du législateur. C’est ce
qu’exprime B. Faure1052 lorsqu’il souligne, à propos de la libre administration
et de la liberté contractuelle que « la fin ne peut aller sans les moyens ».

Pour le professeur LUCHAIRE «s’administrer ce n’est pas gouverner et


encore moins légiférer ou rendre la justice »1053. Ce n'est pas non plus conduire
une politique extérieure, cette tâche incombant à l'Etat. C'est ainsi également
qu'une Collectivité locale ne pourrait pas insérer dans un contrat une clause qui
violerait une disposition ou un principe constitutionnel1054. Mais ces libertés
sont aussi limitées par le respect des lois ordinaires qui les encadrent. C'est
ainsi que l'exercice de la libre administration par les Collectivités locales doit
respecter la répartition des compétences entre l'Etat et celles-ci mais également
entre les diverses Collectivités locales1055 telle qu'elle est organisée par les lois
de décentralisation1056. Il faut aussi souligner que la libre administration comme
la liberté contractuelle, sont soumises aux dispositions des traités
internationaux régulièrement ratifiés par le Cameroun. Ainsi les contrats que les

1052
FAURE (B.), op. cit., p. 1549.
1053
LUCHAIRE (F.), « L'émergence d'un ...», op. cit., p. 143.
1054
En vertu du principe de la hiérarchie des normes.
1055
Cf. notamment BOURDON (J.), PONTIER (J.-M.), RICCI (J.-C.), Droit des Collectivités
territoriales, Paris, P.U.F., Coll. Thémis, p. 136 et s.
1056
Sur ces contrats et leur régime juridique, cf. notamment: B.AUBY (J.), et MAUGÜE(C.),
« Les contrats de délégation de service public », JCP éd., 1994, p. 115 ; BETI1NGER (C.),
« Contrats de délégation du service public » dans Droit des services publics locaux, Publication
du Moniteur, 1996 ; RICHER (L.), « Conclusion de la convention de délégation de service
public » dans Droit des services publics locaux, op.cit., p. 1 ; FATOME(E), « Le nouveau cadre
légal », AlDA, septembre 1996 dossier spécial Délégations de service public, p. 691.
329
Collectivités locales passent entrent dans le champ d'application des directives
relatives aux marchés publics et sont assujettis aux règles qu'elles instaurent1057.

Enfin, l'exercice de ces deux libertés doit s'inscrire dans le cadre de la


recherche de l'intérêt général qui doit guider l'action de toutes les personnes
publiques.

2- La liberté d’entreprendre et la liberté de commerce

Ce sont des principes juridiques adoptés par le législateur camerounais


en vue de protéger la liberté des Collectivités territoriales décentralisées. Si
elles n’ont pas un intérêt financier direct, elles en ont un indirect.

La liberté d’entreprendre, la liberté de commerce et la liberté


contractuelle sont étroitement liés, ils sont interdépendants, Si bien qu’il est
difficile de distinguer avec précision ces deux libertés fondamentales. Malgré
tout, il nous faut tenter de les examiner successivement pour observer le lien
qui unit chacune d'entre elles à la liberté contractuelle.

La liberté d'entreprendre renvoie à la possibilité pour tout individu de


choisir librement une activité professionnelle qui lui permette d’obtenir ses
moyens de subsistance et d’exercer cette activité souverainement. Toute
personne doit donc pouvoir créer une entreprise ; la liberté d’entreprendre

1057
AUBY (J.F.) et BRONNER (F.), « L'Europe des marchés publics », AlDA, 1990, p. 58 ;
BRECHON-MOULENES(C.), « Le droit communautaire des marchés publics de travaux »,
Rev. Droit Immobilier, 1990, p. 27 ; « Marchés publics: caractéristiques de la réglementation
communautaire », Jurisclasseur Europe, fasc. 2400 ; « Directives travaux, fournitures et
secteurs exclus », op.cit., fasc. 2410 ; FlAMME (M.) et FLAMME (P.), « Enfin l'Europe des
marchés publics. La nouvelle directive publique de travaux », Rev. Droit Immobilier, 1990,
p. 27 ; « Marchés publics: caractéristiques de la réglementation communautaire », Jurisclasseur
Europe, fasc. 2400 ; « Directives travaux, fournitures et secteurs exclus », op.cit., fasc. 2410 ;
M.A.FlAMME et P. FLAMME, « Enfin l'Europe des marchés publics. La nouvelle directive
travaux », AlDA, 1989, p. 651.

330
recouvre donc la liberté d’établissement ou d'installation et diriger et gérer cette
entreprise comme la liberté d'entreprendre comprend donc la liberté
d’exploitation. Elle concède ainsi au CTD le pouvoir de création et de gestion
des entreprises.

Cette liberté est fondamentale pour toute société libérale où la création


de richesses doit permettre la prospérité des citoyens et une sorte de «bien-être
social ». C’est pourquoi il est surprenant que la Déclaration des droits de
l’Homme ne proclame pas expressément la liberté d'entreprendre.

Néanmoins, à défaut d'être reconnue explicitement par cette


Déclaration, la liberté d’entreprendre l’est implicitement. En effet, cette
reconnaissance ressort de l’esprit du texte, de la volonté de ses auteurs. Comme
le montre le professeur Mestre1058, la liberté d’entreprendre est mentionnée
dans les projets présentés par des membres de l’Assemblée nationale
constituante et il ressort clairement des débats sur le texte définitif que les
députés entendaient la prendre en compte. Si la liberté d’entreprendre
n’apparaît plus dans le texte définitif de la Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen, c'est parce qu’ils ont opté pour un texte concis et synthétique1059.
Elle n’est plus que sous-entendue par ce texte et, notamment, dans la définition
donnée à l’article 4 de la liberté mais aussi à l'article 5. On peut donc voir,
conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel1060, dans l’article 4
de la Déclaration des droits de L’homme et du citoyen le fondement de la
liberté d'entreprendre.

1058
MESTRE (J.-L.), « Le Conseil constitutionnel, la liberté d'entreprendre et la propriété »,
chronique Dalloz, 1984, p. 1.
1059
Ibid.
1060
L’art. 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pour conférer valeur
constitutionnelle à la liberté d'entreprendre. Position confirmée en France par de multiples
décisions : Déc. n° 82-141 DC du 27 juillet 1982.
331
Parallèlement, cette dernière peut constituer l’un des fondements de la
liberté contractuelle. En effet, la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle
ont des relations si fortes qu’il est possible de voir en la seconde un moyen
fondamental, une condition de la première. L’exercice de la liberté
d'entreprendre nécessite que la Collectivité puisse quotidiennement, dans le
cadre de son activité professionnelle, contracter, choisir son cocontractant et
fixer librement les conditions du contrat. La création d’une entreprise, son
activité et son fonctionnement, sa gestion impliquent la passation d’une
multitude de contrats fort variés et si celle-ci n’est pas libre, la liberté
d’entreprendre n’existe pas. La liberté contractuelle apparaît donc bien comme
une condition de l’effectivité de la liberté d'entreprendre. On ne peut donc pas
garantir cette dernière sans garantir la première.
Autrement dit, l'introduction parmi les principes à valeur
constitutionnelle de la liberté d'entreprendre entraîne celle de la liberté
contractuelle.

De même, la liberté contractuelle peut trouver un fondement dans le


prolongement de la liberté d'entreprendre qu'est la liberté du commerce et de
l'industrie.

La liberté du commerce et de l'industrie a des liens très étroits avec la


liberté d’entreprendre, c’est pourquoi la définir est un exercice délicat. Elle est
en quelque sorte le prolongement1061, la conséquence de la liberté
d'entreprendre. C’est parce que les citoyens sont libres de choisir leur activité
professionnelle et de l'exercer, qu’ils peuvent créer une entreprise dans tous les
secteurs de l’activité économique et en tous lieux et, ce faisant, porter la
concurrence au sein de ceux-ci. La libre concurrence et sa protection est un

1061
MESTRE (J.L.), op. cit., v. dans la liberté du commerce et de l'industrie la « manifestation
concrète de la liberté d'entreprendre », C. R. D. F., n° 1/2002, p. 4.
332
élément essentiel de la liberté du commerce et de l'industrie. Cette dernière
comprenant le droit pour tout individu de créer une entreprise dans tous les
secteurs de l'économie nationale et sur tout le territoire et de concurrencer toute
autre entreprise, elle implique que soient prohibées les entraves à la libre
concurrence.

Ainsi, la liberté du commerce et de l'industrie n'a-t-elle pas exactement


le même sens et contenu que la liberté d’entreprendre. En effet, à la première
est attachée de manière plus précise la libre concurrence1062et l'installation de la
structure juridique et économique que représente l'entreprise.

La liberté du commerce et de l'industrie n'est pas proclamée dans la


Déclaration des droits de l’homme et du citoyen même si, comme la liberté
d'entreprendre, elle transparaît dans ce texte, notamment des articles 4 et 5. De
plus cette liberté fait partie des grandes libertés reconnues dans notre tradition
constitutionnelle1063.

Pourtant sa valeur constitutionnelle n'a pas été consacrée par le Conseil


constitutionnel. Le CC Français, dans sa décision des 30 et 31 octobre 1981
relative à la loi portant dérogation au monopole d'Etat de la radiodiffusion,
répond aux parlementaires requérants qui voyaient dans l'interdiction faite aux
associations bénéficiaires de dérogations de recueillir des ressources
publicitaires une violation, parmi d'autres libertés, de la liberté du commerce et

1062
MATHIEU (B.), Les sources du droit du travail, Que Sais-Je?, Paris, P.U.F., 1992, p. 28.
1063
C'est ainsi que le Préambule de la Constitution du 3 septembre 1791 condamne les entraves
à cette liberté en supprimant les jurandes et les corporations de professions, arts et métiers. La
Constitution du 24 juin 1793 quant à elle, dans sa déclaration des droits de l'homme et du
citoyen, consacre explicitement la liberté du commerce et de l'industrie. Enfin, la Constitution
du 5 fructidor An III prohibe, en son article 355, les limitations à « la liberté (...) du commerce,
et à l'exercice de l'industrie et des arts de toute espèce ». De surcroît on peut ajouter que de
grands textes révolutionnaires comme le décret d'Allarde (2-17 mars 1791) et la loi Le
Chapelier (14-17 juin 1791) ont mis en œuvre cette liberté reconnue par les textes
constitutionnels. Elle est donc ancrée dans la tradition juridique française.

333
de l'industrie, «qu'aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à
ce que le législateur interdise aux associations (...) de recevoir des ressources
provenant de la publicité et de diffuser des messages publicitaires».
L'interprétation de ces propos est assez complexe et mériterait une analyse
approfondie. On se contentera ici de souligner qu'ils peuvent donner lieu à deux
interprétations.

On peut y voir en premier lieu une négation de la valeur


constitutionnelle de la liberté du commerce et de l'industrie si on considère que
l'interdiction faite à une association de diffuser de la publicité et d'en percevoir
des ressources constitue, de manière certaine, une violation de la liberté du
commerce et de l'industrie. Dans ce cas, le fait que le Conseil constitutionnel
déclare qu'aucun principe constitutionnel ne fait obstacle à ladite interdiction
signifie que cette liberté n'a pas valeur constitutionnelle. Au contraire, il est
possible de distinguer dans les propos de la haute instance, une reconnaissance
implicite de la liberté du commerce et de l'industrie, si on estime que
l'interdiction faite à une association de tirer une part de ses ressources de la
publicité n'est pas nécessairement une violation de cette liberté. Dans cette
hypothèse, l'affirmation du Conseil constitutionnel selon laquelle aucun
principe constitutionnel ne fait obstacle à cette interdiction signifie que cette
dernière ne porte atteinte à aucun de ses principes donc de la liberté du
commerce et de l'industrie. Ce faisant il reconnaît implicitement la valeur
constitutionnelle de cette liberté.

Quoi qu'il en soit, cette liberté, si ancrée dans notre droit positif, a
comme la liberté d'entreprendre une relation très forte avec la liberté
contractuelle. Comme pour la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle est
un moyen fondamental de la liberté du commerce et de l'industrie. Le droit de
créer une entreprise dans tous les secteurs de l'économie nationale et locale,

334
comme le droit de concurrencer toute autre entreprise, suppose celui de
conclure des contrats de toute nature et de pouvoir négocier librement le
contenu de ces contrats avec ses partenaires commerciaux et clients. Sans cette
liberté, la liberté du commerce et de l'industrie serait réduite à néant.

Ainsi donc, la reconnaissance de la valeur constitutionnelle de la liberté


contractuelle peut-elle s'appuyer sur des fondements clairs et enracinés dans
notre tradition juridique ? Si on ne peut y voir un principe fondamental reconnu
par les lois de la République du fait que toutes les conditions posées par la
jurisprudence ne sont pas réunies, et notamment celle selon laquelle il ne doit y
avoir aucune exception à la tradition législative, la valeur constitutionnelle de la
liberté contractuelle peut découler d'un principe constitutionnel plus général
auquel elle est attachée. Tout comme le Conseil constitutionnel a tiré du
principe constitutionnel de la liberté de communication le droit des citoyens à
l'information ou du principe constitutionnel de la liberté individuelle, la liberté
du mariage, il pourrait dégager du principe constitutionnel de la libre
administration des Collectivités locales leur liberté contractuelle et des
principes constitutionnels de la liberté individuelle, de la liberté d'entreprendre
et de la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté contractuelle des
personnes privées.

Le Gouvernement ayant cependant clairement affiché sa volonté de


mettre en place un dispositif de substitution, l'art. 1I de la loi du 8 février 1995
relative aux marchés publics et aux délégations de services publics a consacré
une solution plus raisonnable, une procédure plus simple qui impose la
transparence des acquisitions et cessions de biens du domaine privé, en
subordonnant, notamment, toute cession envisagée par les Collectivités locales
à l'avis du service.

335
Paragraphe II : La liberté de choix du mode de gestion
financière des services publics locaux

La gestion des services publics locaux fait l’objet d’une attention


particulière. La réalisation de ces services a un caractère impératif de fait pour
les gestionnaires locaux qui ont la charge de répondre aux besoins de la
population. L’espace local apparaît comme un espace de décision et de gestion
aux formes très diverses selon les choix faits pour en assurer le développement.
La gestion des services publics locaux paraît ainsi participer de l’ouverture du
système local, et ce, à plusieurs titres. Parmi eux, on a les modes utilisés qui
sont divers et combinent gestion déléguée et gestion directe. Cette direction que
prend l’action locale est parfois critiquée comme risquant d’engendrer un
démembrement du secteur public local préjudiciable à la réalisation de l’intérêt
général1064.

A)- La gestion directe

Jean François Auby définit la gestion directe comme un mode de


gestion dans lequel la Collectivité locale gère directement le service dans le
cadre qui lui est offert par la réglementation publique, cet ensemble de mode est
connu sous la dénomination de régie. On fait cependant une distinction entre la
régie directe, régie autonome et régie personnalisée.

1- La régie directe

Elle signifie que la commune gère directement le service par le biais de


ses moyens en personnels et en matériels propres. Cette régie ne se distingue
pas de la commune. L’essentiel des services communaux au Cameroun est géré
en régie directe. Ainsi les services administratifs (transport, marchés, service

1064
BOUVIER (M.), Finances … op. cit., p. 217.
336
financier) sont soumis à une régie directe totale. Les services techniques
relèvent généralement d’une régie directe artérielle compte tenu des capacités
relatives à chaque commune.

2- La régie autonome

Elle est encore dénommée régie dotée de l’autonomie financière. Cette


régie ne se distingue pas juridiquement de la Collectivité sous l’autorité de
laquelle elle est placée. Elle dispose d’un budget annexe et d’organes de gestion
distincts.

3- La régie personnalisée

Elle désigne celle dotée d’une personnalité morale, à la différence de la


régie autonome, bien que toutes les deux soient caractérisées par une autonomie
financière. Il s’agit dans cette troisième subdivision, d’un véritable
établissement public doté d’organes de gestion propres.

B)- Le choix dans la gestion déléguée

L’autonomie financière est confortée dans son évolution par la liberté de


choix des méthodes de gestion du patrimoine financier local. Les CTD peuvent
participer directement au résultat financier ou pas.

1- Les CTD participant directement aux résultats financiers,


la régie intéressée et les sociétés d’économie mixte

Le législateur, animé par un souci de transparence de la vie économique,


replace les techniques de droit privé dans un cadre procédural de droit public.
Le droit public se juxtapose ou plus précisément se superpose à un procédé de
droit privé déjà existant. Ainsi, en droit des marchés, le code des marchés

337
soumet les contrats de travaux, d'étude et de maîtrise d'œuvre conclus par les
SEM aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par ce même
Code. Mais c'est probablement le droit des biens des Collectivités locales qui
est le plus révélateur de cette évolution à double sens, comme on peut le
constater à travers la cession des biens et le bail emphytéotique administratif.
Dans certaines hypothèses, une seule et même personne cumule les
fonctions d’ordonnateur et de comptable. Cette personne est un administrateur,
c’est-à-dire qu’il dépend d’un ordonnateur. Le régisseur, puisque tel est son
nom peut intervenir dans des opérations de dépenses, on parlera alors de régie
d’avances ou dans des opérations de recettes et il s’agira naturellement de régie
de recettes.

Le régisseur est nommé par arrêté de l'ordonnateur de l'organisme


auprès duquel la régie est instituée, sur avis conforme du comptable public
assignataire. Avant d'entrer en fonction, le régisseur est tenu de constituer un
cautionnement. Il est constitué par un dépôt en numéraire, de rentes sur l'Etat
ou d'autres valeurs du Trésor. Il peut être remplacé par l'engagement d'une
caution solidaire constituée par l'affiliation du régisseur à une association de
cautionnement mutuel agréée par le Ministre chargé du budget.

Ils sont responsables personnellement et pécuniairement pour les


opérations dont ils ont la charge. L’ordonnateur et le comptable exercent un
contrôle sur les régisseurs.
Des services d'intérêt public à caractère industriel et commercial
peuvent être exploités en régie par les Collectivités territoriales, lorsque l'intérêt
public l'exige, et notamment en cas de carence ou d'insuffisance de l'initiative

338
privée1065. De ce fait, les Conseils des Collectivités territoriales arrêtent la liste
et les dispositions qui doivent figurer dans le règlement intérieur des services
qu'ils se proposent d'exploiter sous forme de régies locales à caractère industriel
et commercial1066. Dans l’optique d’exclusion de la tutelle entre les
Collectivités territoriales décentralisées, le législateur a prévu des cas
d’exploitation collégiale. En effet, lorsque plusieurs Collectivités territoriales
sont intéressées par le fonctionnement d'une régie, celle-ci peut être exploitée :
soit sous la direction d'une Collectivité territoriale vis à vis des autres
Collectivités territoriales comme mandataire soit alors sous la direction d'un
regroupement formé par les Collectivités territoriales intéressées1067 ; cas où le
regroupement est constitué exclusivement en vue de l'exploitation d'un service
industriel ou commercial, les Collectivités territoriales peuvent demander que
l'administration de l'organisation ainsi créée se confonde avec celle de la régie.
Dans ce cas, l'acte fondateur du groupement est modifié. Cependant, parmi les
services susceptibles d'être assurés en régie par les Collectivités territoriales, il
y en a qui sont soumis au contrôle technique de l'Etat. Les actes réglementaires
d'approbation précisent les mesures à prendre lorsque le fonctionnement d'une
régie n'est pas en état d'assurer le service dont elle est chargée. Les entreprises
exploitant des services publics en régie intéressée sont soumises, pour tout ce
qui concerne l'exploitation et les travaux de premier établissement qu'elles
peuvent être amenées à faire pour le compte de l'autorité concédant, à toutes
mesures de contrôle et à la production de toutes les justifications. Il s’est agit de
la Chambre des comptes de la Cour suprême et du Contrôle supérieur1068.
- la prise des parts au sein des entités publiques ;

1065
Art. 52 Loi d’orientation de 2004 précitée. Les services publics locaux gérés en régie
fonctionnent conformément au droit commun applicable aux services publics de l'Etat revêtant
un caractère similaire.
1066
Ibid., Art. 53.
1067
Ibid , Art. 54.
1068
Ibid., Art. 59.
339
- l’intérêt de la technique de délégation pour les Collectivités locales.

2- Les Collectivités ne participant pas directement aux résultats


financiers, la concession et l’affermage
La concession par les Collectivités de leur bien respecte au préalable les
procédures de droit public, elles peuvent également procéder à la cession de
leurs biens dans le cadre du droit privé1069.
Force est de constater que durant ces dernières années, le législateur a
été à la recherche d'un point d'équilibre entre, d'une part, la possibilité qui doit
être laissée aux Collectivités locales de gérer le plus efficacement possible leur
patrimoine privé et, d'autre part, le souci de rendre plus transparente leur
politique immobilière et de protéger les intérêts publics en jeu.

On peut néanmoins légitimement penser que si la délibération du


Conseil municipal autorisant le Maire à signer l'acte de vente était prise sans
respecter ces dispositions, elle serait jugée illégale et susceptible d'annulation.
Dès lors, un tiers pourrait demander au juge de prononcer une astreinte à
l'encontre de la Collectivité publique afin qu'elle prenne les dispositions
nécessaires pour faire annuler le contrat.

La loi camerounaise a en effet expressément autorisé les Collectivités


locales à consentir un droit réel immobilier aux personnes privées sous forme
d'un bail administratif, à condition que ce bail soit passé en vue de

1069
En France, Jusqu'en 1982, les aliénations d'immeubles s'effectuaient par adjudication, avec
publicité et mise en concurrence, conformément à l'art. L 311-8 du Code des Communes. La loi
du 2 mars 1982 a abrogé cet article, octroyant du même coup aux Collectivités locales la liberté
de recourir au mode d'aliénation de leur choix. Une dizaine d'années plus tard l'actualité
judiciaire et politique des affaires a alors conduit le législateur à développer, avec une certaine
versatilité, un contrôle dérogatoire au droit commun qui appréhende les aliénations et les
acquisitions de biens immobiliers par les Communes. L'objectif de transparence a nécessité le
durcissement, et partant, la « publicisation» de la procédure.

340
l'accomplissement d'une mission de service public ou de la réalisation d'une
opération d'intérêt général.

Le droit public reste à l'arrière-garde des opérations, pour reprendre la


formule de R. CHAPUS. En plus des finalités impératives que doit poursuivre
le contrat de bail par les CTD, celui-ci présente des caractéristiques inédites,
qui le différencient sensiblement du bail de droit commun contravention ; la
cession des droits attachés aux baux suppose l'accord de la Collectivité
territoriale décentralisée ; la constitution de l'hypothèque au bénéfice du
financeur est assujettie à certaines limites.

En France, la loi de 1988 a constitué le premier pas dans la


reconnaissance d'une possibilité de conférer des droits réels sur le domaine
public et a servi de base de réflexion pour la loi du 25 juillet 1994, qui étend à
l'Etat la possibilité d'accorder de tels droits sur le domaine public artificiel.
Mais la façon de procéder du législateur n'a pas été la même et en 1994, il n'a
pas repris la technique du bail emphytéotique.

Sous réserve de dispositions contraires prévues par la législation en


vigueur, les contrats portant concession de services publics locaux à caractère
industriel et commercial sont approuvés par le Ministre chargé des Collectivités
territoriales, suivant des modalités fixées par un décret d'application de la
présente loi. Dans les contrats portant concession des services publics, les
Collectivités territoriales ne peuvent insérer de clause par laquelle le
concessionnaire prend à sa charge l'exécution de travaux étrangers à l'objet de
sa concession. Les regroupements de Collectivités territoriales peuvent, par
voie de concession, exploiter des services présentant un intérêt pour chacune
des Collectivités territoriales concernées1070. Toute Collectivité territoriale
ayant concédé ou affermé un service public ou d'intérêt public, peut procéder à

1070
Art. 56 et ss. de la loi n° 2004/017 précitée.
341
la révision ou à la résiliation du contrat de concession ou d'affermage, lorsque
le déficit du concessionnaire, dû à des circonstances économiques ou
techniques indépendantes de sa volonté, revêt un caractère durable et ne permet
plus au dit service de fonctionner normalement. Les dispositions de l'alinéa (1)
sont applicables, mutatis mutandis, au concessionnaire ou exploitant. La
Collectivité territoriale intéressée doit, soit supprimer le service dont il s'agit,
soit le réorganiser suivant les modalités plus économiques1071.

Les contrats de travaux publics conclus par les Collectivités


territoriales ne peuvent prévoir de clause portant affermage d'une recette
publique, à l'exception des recettes issues de l'exploitation de l'ouvrage qui fait
l'objet du contrat1072.

Paragraphe II : La gestion de la trésorerie, initiative de


l’ordonnateur et du comptable local

La volonté des Collectivités territoriales de parvenir à maîtriser leur


trésorerie constitue très certainement l'un des aspects les plus significatifs de
l'objectif de gérer rationnellement les finances locales. Celui-ci procède de
l'idée qu'il est préférable de parvenir à autofinancer le plus possible les
équipements plutôt que d'emprunter. Ainsi, la gestion de trésorerie est-elle
étroitement liée à celle de la dette puisque bien gérer sa trésorerie permet
d'emprunter moins, mieux emprunter permet d'accroître ses disponibilités.
Cependant, accroître ses disponibilités nécessite de savoir contrôler les flux.

1071
Ibid., Art. 61.
1072
Ibid., Art. 58.
342
A)- Comptabilité publique locale : opération de l’ordonnateur et
du comptable local
Les Collectivités territoriales tiennent trois types de comptabilité : une
comptabilité budgétaire des recettes et dépenses ; une comptabilité générale ;
une comptabilité analytique1073.

S’agissant de la comptabilité budgétaire, il s’agit de retracer les


opérations d'exécution du budget en recettes et en dépenses. Elle est tenue par
l'ordonnateur qui est le Maire et par le comptable. Le problème se poserait dans
le cas des communautés urbaines, elles ont à leur tête un délégué du
gouvernement nommé par le Président de la république.

Quant à la comptabilité générale, elle retrace les opérations budgétaires,


les opérations de trésorerie, les opérations faites avec les tiers, les mouvements
du patrimoine et des valeurs d'exploitation. La comptabilité générale des
Collectivités territoriales est fondée sur le principe de la constatation des droits
et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l’exercice auquel
elles se rattachent, nonobstant la date de paiement ou d'encaissement. La
comptabilité générale est tenue selon le système de la partie double. Les
principes comptables sont déterminés par le plan comptable sectoriel des
Collectivités territoriales, établi par voie réglementaire.

La comptabilité analytique enfin, est instituée auprès des ordonnateurs.


Elle permet d'analyser les coûts détaillés des services rendus ou des différents
programmes et projets engagés dans le cadre du budget de la Collectivité
territoriale.

1073
Ibid., Art. 86.
343
1- La comptabilité de l'ordonnateur local

Les ordonnateurs engagent et liquident les dépenses, ils sont tenus de


rendre compte de l'exécution des programmes et projets. Ils prescrivent de ce
fait l'exécution du budget. A ce titre, ils constatent les droits et liquident les
recettes1074. Ils sont donc astreints à la production d'un compte administratif
retraçant les actes de leur gestion et d'un rapport de performance sur les
programmes et projets1075. Le compte administratif est déterminé par voie
règlementaire et il est adopté par l'organe délibérant sans aucune possibilité de
modification. Cependant, en cas d’irrégularité de gestion le compte est rejeté.
Est nulle et de nul effet, toute délibération portant adoption du compte
administratif pris en violation des dispositions des procédures. Le regard de
l’Etat reste cependant présent car en cas d’irrégularité un rapport circonstancié
est adressé par le président de séance à l’autorité de tutelle, pour saisine des
services compétents de l’Etat dans un délai de soixante-douze heures1076. Les
ordonnateurs des Collectivités territoriales sont soumis au même régime de
responsabilité que les ordonnateurs du budget de l'Etat1077.

Le chef de l'exécutif est l'ordonnateur-matières de la territoriale. II


désigne un comptable-matières parmi les agents publics ayant les compétences
requises.

2- La comptabilité du comptable
Les comptables des Collectivités territoriales sont des comptables
principaux, astreints à la reddition d'un compte de gestion ; ce compte de

1074
Ibid., Art. 90.
1075
Ibid., Art. 91et ss.
1076
Ibid., Art. 94 et ss.
1077
Cette disposition trouve ses origines dans l’art. 58 de la loi du 30 décembre 1912 qui
énonce en substance que « La comptabilité financière du service local est, en principe,
soumise aux mêmes règles que celle de l’Etat… »
344
gestion est soumis à l'organe délibérant en même temps que le compte
administratif. Les deux (02) comptes doivent être concordants. Du
recouvrement des titres de perception pris en charge ; des paiements effectifs ;
de l'exactitude de leurs écritures. Les comptes des comptables des Collectivités
territoriales décentralisées sont jugés par la juridiction des comptes. En cas de
mutation en cours d'année, le compte est produit par le receveur sortant sur sa
période de gestion. Au sein des CTD le comptable-matières est responsable de
la régularité des écritures de prise en charge, il assure ainsi la garde et la
conservation du mobilier et du matériel de la Collectivité territoriale. Il tient
alors le rôle de conservateur du patrimoine local.

B)- Les opérations de trésorerie : une fonction du comptable


local
Beaucoup de responsables locaux, élus ou techniciens ont souvent
déploré que les réformes de la décentralisation n'aient que fort peu concerné
l'autonomie financière qui, à les entendre, aurait dû s'étendre à la libre gestion
de leur trésorerie et à l'effacement progressif du monopole du Trésor public.

Les opérations de trésorerie sont respectivement les mouvements de


numéraires, de valeurs mobilisables, de comptes de dépôts et de comptes
courants ; les opérations concernant les comptes de créances et de dettes1078.
Les opérations de trésorerie sont exécutées par les comptables des Collectivités
territoriales, sous l'autorité de l'ordonnateur. Une question reviendrait sur
l’identification du comptable local. Elles sont décrites par nature par les
comptables des Collectivités territoriales pour leur totalité et sans contraction
entre elles. Les charges et les produits résultant de l'exécution des opérations de
trésorerie sont imputés aux comptes budgétaires.

1078
Ibid., Art. 74.
345
Le receveur municipal ou régional assure la garde et la gestion des
fonds et valeurs de la Collectivité territoriale concernée. Les fonds des
Collectivités territoriales sont des deniers publics.

Cependant, dans la Collectivité territoriale où un comptable du trésor


exerce de droit les fonctions du receveur, les liquidités de la Collectivité
territoriale doivent servir exclusivement à la couverture de ses dépenses.

1- La problématique de l’unité de trésorerie


Le principe de l’unité de trésorerie impose aux personnes publiques
parmi lesquelles les Collectivités locales l'obligation de déposer leurs fonds
libres au Trésor public ou d’y faire exécuter leurs opérations d’encaissement et
de décaissement1079. En d’autres termes, l’unité de trésorerie instaure une
solidarité de trésorerie en mettant les fonds de chacun à la disposition de
tous1080.
L’origine de cette règle remonte au décret impérial du 27 février 1811,
repris par une ordonnance royale du 7 mars 1818, qui obligeait les communes à
déposer leurs fonds « libres » au Trésor public. Une loi du 18 juillet 1892,
relative aux contributions directes et aux taxes assimilées, a étendu cette
obligation aux départements et à leurs établissements publics. Aujourd'hui,
cette prescription résulte de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois
de finances du 2 janvier 19591081.

Cette règle se traduit par l'existence d'un compte unique de dépôt au


Trésor, le compte de la comptabilité locale, et dont seul le comptable public

1079
Art. 96 (1) du décret du 15 mai 2013, op. cit., « Tout les fonds y compris les ressources
extérieures mobilisées au titre des ressources extérieures mobilisées au titre des projets
sont déposés dans un compte unique du trésor ouvert dans les livres de la B.E.A.C. ».
1080
NJOYA (O.), « Le principe de l’unité de trésorerie en droit public camerounais », RASJ,
vol. 2, n° 1, 2001, p. 161.
1081
Ibid., Art. 15 : « Sauf dérogation admise par le Ministre des finances, les Collectivités
territoriales de la République sont tenues de déposer au Trésor toutes leurs disponibilités ».
346
local a la charge1082. Le décret relatif à la comptabilité publique énonce que
« les comptables publics sont seuls chargés (...) du maniement des fonds et des
mouvements de comptes de disponibilités ». Pour le Trésor, la règle du dépôt
obligatoire se combine avec celle de l’unité de caisse, qui conduit à faire masse
de tous les fonds des Collectivités territoriales et, à un niveau plus élevé, de
l’ensemble des fonds publics. Cette règle n’affecte que les mouvements de
trésorerie, puisque, dans le budget, les sections de fonctionnement et
d'investissement demeurent distinctes. La question de la gestion des revenus
locaux se pose donc. C’est une règle cependant contradictoire à l’art. 76 qui
énonce en substance que les fonds des Collectivités territoriales sont déposés à
la recette régionale, à la recette municipale ou dans la caisse de dépôt et
consignation. Les fonds centralisés ou faisant l'objet d'une péréquation ainsi
que les fonds d'emprunt dont la gestion est confiée aux organismes visés à
l'article 5 alinéa 2 de la loi de 2009, peuvent être déposés dans un compte
ouvert à la banque centrale ou à la caisse de dépôt et consignation.

Toutefois les Collectivités territoriales ne peuvent ouvrir un compte


auprès de l'institution financière de leur choix.

Selon la LOLF française, « sauf disposition expresse d'une loi de


finances, les Collectivités territoriales et leurs établissements publics sont tenus
de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l'Etat ». Les Collectivités
locales doivent ainsi satisfaire à la règle de l’unité de caisse qui veut que
l’ensemble des fonds des Collectivités publiques vienne couvrir l'ensemble des
dépenses publiques. Elles sont soumises au principe de non-affectation des
recettes aux dépenses qui interdit que soient réservés certains fonds pour régler
des dépenses déterminées. Il est toutefois dérogé à ce principe, on l’a vu, par

1082
Art. 11 du Décret n° 2013/160 du 15 mai 2013 portant règlement général de la comptabilité
publique.
347
l’utilisation du compte d'avances aux Collectivités territoriales. D'un côté, l’Etat
supporte la charge de trésorerie de ces avances ainsi que celle des cotisations
fiscales non recouvrées, mais en contrepartie les Collectivités sont dans
l'obligation de déposer leurs fonds au Trésor sans aucune rémunération à ce
titre1083.

2- Un principe aux conséquences parfois incertaines

Comme le souligne Philippe VALLETOUX, « le dossier des relations


de trésorerie entre Etat et Collectivités locales fait partie de ceux qui sont le
plus communément évoqués sans qu'aucune étude ne soit à ce jour venue en
détailler les contours et en exposer les enjeux réels (...) La question qui se pose
ici, estime-t-il, est moins d'imaginer de changer le régime existant que d'en
mesurer le coût et sa juste répartition entre les acteurs »1084.

Du bilan financier Etat-Collectivités locales et la rémunération des


dépôts, la critique essentielle vise la non-rémunération des fonds laissés en
dépôt.

Si l'on considère le problème de l'obligation du dépôt des fonds au


Trésor sous le seul angle juridique, deux hypothèses doivent être examinées : la
dérogation au principe d'abord, son éventuelle suppression ensuite.

La dérogation à l'obligation de dépôt des fonds est envisageable, dans la


mesure où la loi en permet l'éventualité. En dehors des interrogations relatives à

1083
Depuis la loi du 14 septembre 1941 validée par l'ordonnance du 6 janvier 1945.
Antérieurement, les fonds déposés par les Communes portaient intérêt depuis 1811. Le taux de
3 % est passé à 2 % en 1879 et à 1 % en 1910. Pour les départements la non rémunération des
dépôts date de la loi du 18 juillet 1892.
1084
Conseil économique, social et environnemental. Evaluation et suivi des relations financières
entre l'Etat et les Collectivités locales, Avis présenté par Ph. Vailetoux, 2008.
348
l'étendue que pourrait avoir cette dérogation, on peut aussi se demander si celle-
ci ne serait pas porteuse à terme d'une abrogation pure et simple de la règle.

En France, il a été soutenu que la jurisprudence du Conseil d'Etat1085


pourrait être invoquée pour demander qu'il soit fait application pleine et entière
de cette disposition. Mais, d'un autre côté, il a été avancé que l'obligation de
dépôt faisait partie du « bloc de constitutionnalité », puisqu'elle était alors
prévue par l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique.

C)- Les insuffisances de la gestion locale


Si les CTD disposent des compétences en matière de gestion du
patrimoine financier local, elles ne sont pas moins réduites par des éléments
juridiques qui s’opposent aux matériaux de construction de l’autonomie
financière.

1- Les éléments endogènes


Pour L. DUGUIT1086 « la capacité est (...) le pouvoir de faire un acte
juridique. Dans la terminologie du droit public, on emploie le mot compétence,
qui est pris parfois dans un sens plus large. Mais en réalité le mot compétence
(...) et le mot capacité expriment une même chose »1087. M. WALINE1088 s'élève
contre cette confusion entre compétence et capacité car ces notions n'ont pas le
même but. Pour distinguer ces buts, M. WALINE ne part pas de la capacité et

1085
Arrêts Nicolo et Roujanskyf.
1086
Pour une approche critique et synthétique de ces notions, cf. PONTIER (J.M.), L'Etat et les
Collectivités locales… op. cit., p. 66.
1087
DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, op. cit., p. 355 ; cf. en droit civil " La
capacité est l'aptitude d'une personne à être titulaire de droits et à les exercer DE LA
MORANDIERE (L.-J.), Droit civil, t. I, Paris, Dalloz, 1965, p. 27, et AUBERT (J.-L.) pour
lequel la capacité des personnes c'est « leur aptitude à l'activité juridique et en l'occurrence, (...)
à créer et à assumer des obligations civiles ». AUBERT (J.-L.), Introduction au droit, Coll. U,
A.COLIN, 1984, p. 236.
1088
WALINE (M.), Traité de droit administratif, 8e éd., Paris, SIREY, 1959, p. 417.
349
de la compétence mais de l'incapacité et de la limitation de compétence1089.
Ceci est curieux d'une part parce que l'auteur veut définir ces termes non pas
intrinsèquement mais par leur but et d'autre part parce que ce n'est pas le but de
la capacité ou de la compétence qui est saisi mais celui de l'incapacité et la
compétence limitée. Or, l'incapacité ou la limitation de compétence peuvent
poursuivre des buts similaires ou différents sans que l'on puisse en déduire
l'unité ou la pluralité de buts de la capacité ou de la compétence, tout
dépendant justement de la définition du ou des buts de la capacité ou de la
compétence. Un but unique de la capacité (permettre la réalisation d'actes
juridiques) pourra déboucher sur une pluralité de buts de l'incapacité
(protection de l'incapable, protection des tiers …). L'argumentation de la
distinction capacité - compétence sur ce fondement doit donc être rejetée.

Ceci montre que l'on ne peut définir des concepts à partir de leur but et
encore moins à partir des buts de ce qui est présenté comme étant le concept
contraire. L'on doit définir positivement les notions sinon l'on risque d'induire
de curieuses conclusions. Ainsi affirmer comme M. WALINE que la limitation
de compétence a pour but « d'abord la protection des administrés contre les
abus de pouvoir »1090 conduit à la proposition inverse à savoir la compétence a
pour but d'ouvrir les administrés aux abus de pouvoirs ! L'incongruité du
propos montre qu'en fait seul l'Etat de droit peut permettre de parler d'abus de
pouvoir, de compétences et de limitation de compétence et M. WALINE le
rappelait justement mais par une expression critiquable. L'analyse de M.
WALINE ne peut être retenue pour d'autres motifs. Il différencie capacité et
compétence à partir des conséquences de l'incapacité et de l'incompétence.
D'abord seul l'incapable pourrait se prévaloir de la nullité de son acte, alors que
toute personne peut se prévaloir de la nullité de l'acte pris par un incompétent.

1089
Ibid.
1090
WALINE (M.), Traité de droit administratif, Paris, SIREY, 1959, p. 417.
350
L'argument n'en est pas un. Cette différence n'existe pas dans toutes les
hypothèses d'incapacité. Les incapacités de jouissance et particulièrement celles
1091
établies dans l'intérêt de la société impliquent une nullité absolue et
« chacun peut demander au juge de la prononcer »1092.

En outre, M. WALINE distingue capacité et compétence en constatant


que la capacité est la règle et l'incapacité l'exception alors qu'en droit public la
compétence suppose un texte. Cela signifie que les hommes sont juridiquement
capables hors du droit alors que les organes publics ne le sont pas. Là encore il
y a un vice dans l'analyse puisque la capacité de l'homme est présentée comme
extérieure au droit qui n'aurait qu'à définir les incapacités. Comment pourrait-il
le faire si juridiquement la capacité n'est pas définie ? On est donc contraint
d'admettre que capacité et compétence sont posées par la règle de droit. Le
statut des esclaves hier, la fixation de l'âge de la majorité aujourd'hui montrent
bien que le droit pose la capacité comme il fixe qui peut prétendre être
représentant de la puissance publique1093.

Enfin M. WALINE affirme que l’incapacité n'emporte pas


l'impossibilité de faire un acte juridique alors que l’incompétence « entraîne
l’impossibilité d'agir »1094. L’auteur évoquant par ailleurs l’incapacité et la
limitation de compétence, cela implique-t-il qu'il considère que l’incompétence
ne saurait exister ? En fait, la logique veut que l’on évoque dans tous les cas la

1091
FLOUR (J.) et AUBERT (J.L.), Droit civil, Les obligations, t. I, L'acte juridique, Coll. U
A.COLIN, 1975, p. 163. Ils écrivent: « Elle est absolue lorsque l'incapacité est à base de
sanction ou, plus largement, est fondée sur des motifs d'intérêt général ».
1092
MAZEAUD (H. L.), MAZEAUD (J.) et CHABAS (F.), Leçons de droit civil, t. I, Paris,
Montchrestien, 1983, p. 167.
1093
VIRALLY (M.), La pensée juridique, Paris, L.G.D.J., 1960, p. 121. L’auteur, écrivait:
« L'individu humain n'est pas nécessairement sujet de droit. Il le devient, et il ne bénéficie de
cette qualité que si elle lui est attribuée par le droit positif, lequel peut en subordonner
l'attribution aux conditions qu'il définit lui-même ». On adhère à cette présentation étant entendu
qu'il ne peut exister de droit sans homme et qu'il y a toujours au minimum un sujet de droit pour
poser que les autres sont des non-sujets de droit.
1094
Ibid., p. 418.
351
capacité limitée ou la compétence limitée. En effet, on constate que même dans
les cas les plus larges d’incapacité subsiste toujours une parcelle de capacité
pour l’incapable notamment au regard des engagements de la vie quotidienne et
qu’ainsi donc on doit parler dans tous les cas de capacité limitée ; cette limite
variant de l'incapacité du mineur ou de l’adulte sous tutelle à celle de l'adulte «
capable » mais dont le droit protège la situation comme en matière de
consommation ou de droit de la construction par exemple. De plus
l’incompétence n'entraîne pas l’impossibilité d’agir comme le démontre la
théorie du fonctionnaire de fait et plus généralement le régime de la chose
décidée qui veut que l'on accorde à la décision « une confiance
provisionnelle »1095.

2- Les Eléments exogènes

Si le pouvoir de substitution et de correction de l’Etat sont des contre


poids à la liberté de gestion locale, le législateur camerounais l’a agrémenté
d’éléments d’atténuations.
 Le Pouvoir de substitution et de correction de l’Etat

Le pouvoir de correction se traduit par l'acte de remplacer la conduite


d'autrui par une conduite différente1096. Ce pouvoir de correction peut consister
à réformer soit une conduite positive un acte, auquel cas il pourra s'exprimer
par la possibilité d'effacer, d'annuler cette conduite en y substituant une autre
conduite ; soit une conduite négative une absence d'action, auquel cas il
s'exprimera par l'accomplissement d'un acte, c'est-à-dire par une substitution
d'action.

1095
SCHWARTZENBERG (R.G.), L'autorité de chose décidée, op. cit., p. 9.
1096
EISENMANN (Ch.), Centralisation … op. cit., p. 76.
352
Toutefois un problème se pose quant à la manifestation de la
subordination de l'autorité locale dans le cadre de la substitution. La
substitution traduit-elle un contrôle étranger à l'autorité hiérarchique ou une
manifestation de cette autorité ? La doctrine classique, on l'a déjà évoquée,
intègre le pouvoir de substitution à la tutelle, c'est-à-dire l'assimile à un
contrôle.

Par une argumentation technique dont la source se trouve chez


MONTESQUIEU, Ch. EISENMANN s'élève, à juste titre, contre la doctrine
française qui écartait et qui écarte encore, des manifestations de l'autorité
hiérarchique celles dans lesquelles l'autorité centrale dispose du pouvoir de
substitution au motif qu'il s'agirait d'un pouvoir de contrôle et non d'une
modalité de l'autorité hiérarchique1097.

Nous avons précédemment montré que l'exercice du pouvoir de


substitution était discrétionnaire, il n'est donc pas utile d'insister pour démontrer
qu'il constitue une manifestation de l'autorité hiérarchique. Pour abonder dans
ce sens, il n'est pas indifférent de constater que cette exclusion de la
substitution de l'autorité hiérarchique et son inclusion dans le contrôle, qu'opère
la doctrine classique, constitue une curiosité.

En effet, dans l'étude de la substitution dans le cadre du contrôle, l'on


nous dit que cette substitution doit être exceptionnelle « sous peine de
suppression de toute décentralisation »1098. Or, nul ne s'interroge sur la nature
du pouvoir qu'exprime, même quand il est exceptionnel, ce pouvoir de
substitution. La conclusion est d'après ce raisonnement relativement simple
puisque s'il n'était plus exceptionnel, il n'y aurait plus décentralisation ; c'est

1097
Ibid., p. 151 et ss.
1098
VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.), Droit administratif, t. II, coll. Thémis, Paris, P.U.F.,
1990, p. 397.
353
donc que ce pouvoir n'exprime pas un pouvoir de contrôle mais un pouvoir
hiérarchique car la nature d'un pouvoir ne saurait tenir dans la dose de son
administration ; raisonner différemment revient à confondre l'effet avec la
nature. Dans son étude sur la notion de tutelle, Serge REGOURD a
parfaitement souligné la curiosité du raisonnement de la doctrine sur la
substitution1099.

L'autorité hiérarchique, expression de la centralisation imparfaite se


manifeste donc sous deux formes : un pouvoir personnel du supérieur sur
l'inférieur, c'est-à-dire un pouvoir sur la personne du subordonné limité
aujourd'hui par la loi. En effet, la menace pour les libertés publiques d'un tel
pouvoir personnel a conduit dans un Etat de droit à son encadrement qui se
manifeste dans le statut de la fonction publique et dans les conditions dans
lesquelles les agents du pouvoir central non nommés par celui-ci et peuvent
voir leurs fonctions affectées par lui. Un pouvoir discrétionnaire d'ordonner et
de réformer en l'absence d'un pouvoir personnel professionnel sur l'agent local.
Cependant la centralisation par subordination hiérarchique n'exprime
pour Ch. EISENMANN qu'une des modalités de la centralisation imparfaite.
 Les Limites du pouvoir de substitution, les conséquences sur
l’autonomie financière des Collectivités territoriales

Il s’agit de la consultation préalable des assemblées délibérantes. La


procédure de cette consultation préalable obligatoire, lui confère une
importance que vient démentir la portée de l'avis formulé, caractérisant ainsi la
subordination des organes territoriaux. La révision constitutionnelle de 96 n'a
pas modifié cette obligation de consultation inscrite dès l'origine dans la

1099
REGOURD (S.), La notion de tutelle en droit administratif français, Paris, L.G.D.J., 1982,
p. 157.
354
Constitution. Le juge constitutionnel veille au respect de cette procédure, dont
l'application est exigée aussi par le Conseil d'Etat1100 en France.

L'absence de consultation préalable se traduit par l'inapplicabilité de la


loi aux territoires, sauf si les dispositions concernées sont inséparables des
autres dispositions de la loi. La procédure s'applique indistinctement aux projets
et propositions de lois initiales ou modificatives et aux amendements qui
viseraient l'extension aux territoires, d'un projet ou d'une proposition de loi qui
n'aurait pas fait l'objet d'une consultation préalable.

Enfin cette consultation doit être effectuée en temps utile et en tout état
de cause les avis doivent être communiqués aux parlementaires avant l'adoption
en première lecture. Cette consultation n'a pas à être effectuée pour les
amendements à un texte ayant fait l'objet d'une consultation préalable, sinon
cela paralyserait la procédure législative.

Ce formalisme qui entoure cette consultation et vise à « rendre


opératoire cette obligation constitutionnelle », n'illustre pas sa portée réelle.

S'agissant de l'élection des assemblées délibérantes, la question s'est


aussi posée de savoir si le législateur peut, de manière discrétionnaire, toucher à
la durée du mandat des membres de ces assemblées sans porter atteinte à la
libre administration ?

Il apparaît acquis que le législateur peut mettre en cause la durée du


mandat d'élus locaux en cours d'exercice, soit en la réduisant pour permettre
l'entrée en application immédiate d'un nouveau régime électoral, soit en la

1100
LUCHAIRE (F.), « Le statut constitutionnel de la France d'outre-mer », A.J.D.A., 1992,
p. 541. A propos de ces consultations préalables, cf. aussi Y. GAUDEMET, Le Conseil
Constitutionnel et le Conseil d'Etat, Actes du colloque des 21-22/1/1988, Paris, L.G.D.J.,
Montchrestien, 1988, p. 94.
355
prolongeant, pour permettre le regroupement des élections locales afin de
favoriser la lutte contre l'abstentionnisme, ou encore pour éviter toute
interférence entre une élection nationale et une élection locale1101.

Il convient cependant que le législateur n'ouvre pas à l'autorité


administrative un délai trop long pour choisir la date d'élections cantonales
partielles, car, « dans certains cas, par sa durée, le délai risquerait d'affecter les
conditions d'exercice de la libre administration des Collectivités territoriales ».
En d'autres termes, il n'est pas possible de laisser vacant trop longtemps un
siège de Conseiller général, sauf à risquer d'entraver le fonctionnement du
Conseil, et par là même sa capacité de décision, notamment lorsque ce siège est
décisif pour dégager une majorité au sein du Conseil1102.

1101
Art. 4 (2), Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 op. cit.
1102
Genevois (B.), Annuaire international de justice constitutionnelle, 1988, p. 414.
356
CONCLUSION

Parvenu au terme de cette séquence de notre analyse, il ressort que les


pouvoirs de gestion des CTD ont été améliorés par le législateur camerounais.
A travers un pouvoir réglementaire protégé par le juge administratif à la suite
d’une élection qui confère aux autorités locales la légitimité de leurs fonctions.
Les principes tels que : la liberté contractuelle, la liberté de commerce,
enrichissent la construction d’une économie locale. Ces libertés apparaissent
donc comme des autres piliers qui justifient la volonté du constituant
camerounais de ne faire de l’autonomie financière un concept du tiroir juridique
pour invalidité.

357
CONCLUSION DU TITRE II
In fine la liberté de gestion de patrimoine local se traduit par les
principes d’élections des exécutifs communaux et régionaux et de celui de libre
administration des CTD à travers la liberté contractuelle ou la liberté
d’industrie et de commerce subissent eux aussi l’adage ou la règle « en droit, il
n’est pas de liberté absolue »1103. En effet, la libre administration en tant que
norme constitutionnelle rencontre des libertés d’égale valeur et doit être
conciliées avec elle. Ce principe est venu contrarier celui de la souveraineté
nationale, il ne peut donc pas permettre une remise en cause de l’intégrité du
territoire. Aussi, les CTD chargés de mettre en œuvre une liberté, ne peuvent le
faire que dans les conditions précises, encadrant strictement le pouvoir
d’appréciation des autorités décentralisées. Ainsi, par effet combiné de l’art.
55(2) et 55(3) de la loi constitutionnelle de 1996, les craintes ancestrales
relatives à la forme unitaire de l’Etat a provoqué un émoi doctrinal. Toutefois,
les CTD ne disposent pas à la différence des Etats membres d’un Etat fédéral de
la compétence et d’un pouvoir d’auto-organisation. Cette orientation vient
conforter le constat de Mr TURPIN pour qui « il est vrai que nous avons hérité
de la tradition jacobine légalitaire et centralisatrice, appuyés sur les théories
de la souveraineté nationale et du gouvernement représentatifs. »1104 . La
doctrine propose donc pour une meilleure construction de l’autonomie locale
vers l’Etat régional, c’est le sens des déclarations de FLANAND-LEVY, qui
pour le cas de la France, pratiquement similaire à la situation camerounaise,
déclare « certes la France est encore un Etat unitaire décentralisé, elle
reconnaît la libre administration des Collectivités territoriales décentralisées,
non leur libre gouvernement (…) l’organisation de la France pourrait grâce
aux nouvelles normes constitutionnelles, évoluer vers un système intermédiaire

1103
J.C, Encyclopédie des CTD, Dalloz, chapitre I : Le statut constitutionnel des Collectivités
territoriales.
1104
TURPIN, « République et décentralisation », ADJA, 15 septembre 2003, p. 1577.
358
proche de l’Etat régionalisé »1105. Au-delà, le législateur a garanti l’autonomie
financière en attribuant aux CTD un pouvoir de règlement approuvant ainsi
l’orientation générale traduit par le doyen FAVOREU, selon laquelle « la
frontière entre l’Etat indivisible et l’Etat divisible se détermine par référence à
l’inexistence ou à l’existence d’un pouvoir normatif autonome »1106. Sa
décentralisation s’inscrit dans le cadre d’un Etat, qui au Cameroun est donc
« implicitement unitaire »1107.

1105
FLAMAND-LEVY, « Nouvelle décentralisation et forme unitaire de l’Etat », RFA,
janvier-février 2004, p. 59.
1106
FAVOREU (L.) , « Décentralisation et constitution » RDP, 1982, p.1277.
1107
GOHIN (O.), « La nouvelle décentralisation et réforme de l’Etat en France », AJDA, 24
mars 2003, p. 22.
359
CONCLUSION DE LA PARTIE I
Cette analyse met en exergue le problème de la responsabilité locale
aujourd'hui, elle sonde les conséquences d'un double phénomène : d'une part,
celui d'une décentralisation « saisie» par le droit ; d'autre part, les
implications d'un droit suscité, «provoqué» et réformé par la décentralisation et
la territorialisation des politiques publiques.

Le contrôle des Collectivités locales trouve son fondement juridique


dans la constitution. Il apparaît comme le symbole de la prééminence de l’Etat
sur le territoire, confié au représentant de l’Etat, il demeure étroitement associé
au principe de libre administration des Collectivités territoriales. Mais son
existence marque en elle-même les limites de la décentralisation.

Globalement nous pensons à la suite de Paul Marie GAUDEMET et


Joël MOLINIER, la décentralisation est susceptible de divers degrés suivant
que l’autonomie de la Collectivité locale est plus ou moins large. En fait, le
degré d’autonomie et par là même la mesure de la décentralisation dépendent
de l’aménagement des finances locales, plus que de l’ampleur des matières qui
relèvent de la compétence des autorités locales ou du statut juridique de ces
autorités1108.

A travers la loi de 20041109 relative à la décentralisation et la loi de


20091110, le législateur organique est de ce fait venu préciser la volonté « d’un
constituant quelque peu diabolique »1111 en donnant un cadre d’application à
l’article 55 de la loi constitutionnelle de 1996. Elle précise les fonctions, les
ressources et met en place un seuil de recevabilité de gestion de ces dernières.

1108
GAUDEMET (P.-M.) et MOLINIER (J.), Finances publiques, éd. Montchrestien, Paris,
Budget, 1996, p. 176.
1109
Loi d’orientation de la décentralisation.
1110
Loi portant régime financier des Collectivités territoriales décentralisées.
1111
HYEST (J.-J.), op. cit., 95 p.
360
Cependant, il ne faut pas se laisser influencer par la sobriété et la
brièveté de ces textes, qui loin de se résumer à une explication lapidaire de la
constitution donnent à l’article 55/2/ toute sa portée et sa profondeur. Fondateur
du pouvoir local, il témoigne de l’importance des enjeux politiques liés à la
capacité de décider l’impôt et rappelle le rôle premier d’une recherche de
l’autonomie fiscale, sans laquelle le pouvoir politique se trouve affaibli.

Une typologie des transferts comme présentée tend soit à remettre en


cause la réalité des transferts soit à imposer une représentation juridique
différente des transferts opérés autant du point de vue de l’Etat que de celui des
Collectivités territoriales.
En effet, l’existence des CTD emporte avec elle sur le plan juridique à
la fois l’idée même de transfert et celle de partage des compétences. Il conduit
donc à prendre acte du caractère inéluctable de l’exercice en commun de ces
différentes compétences entre l’Etat et les CTD.
Paul marie GAUDEMET et Joël MOLINIER affirment ainsi que « la
décentralisation est purement apparente lorsque la Collectivité n’a pas la liberté
financière réelle, même si elle a des compétences juridiques étendues »1112. Il
est bien certain que l’autorité locale ne jouit d’une indépendance ou liberté
d’action réelle, effective que si elle dispose des moyens nécessaires pour
assurer la réalisation de ses volontés ou l’exécution de ses dépenses. Il ne suffit
de lui attribuer par textes des pouvoirs juridiques. Il faut en outre
complémentairement qu’elle dispose de moyens matériels. Le pouvoir de
prendre seul des décisions de principes reste insuffisant. Cette attribution n’aura
de portée réelle ; l’autorité locale ne pourra réellement exercer ce pouvoir,
prendre de telles décisions que si elle dispose des moyens dont leur exécution
suppose l’usage1113. Le législateur camerounais en a tenu compte en effet au-

1112
GAUDEMET (P.-M.) et MOLINIER (J.), op. cit., 1996, p.176.
1113
EISENMANN (C.), cour de Droit Administratif…, op. cit., p. 786.
361
delà de l’attribution des ressources dit complémentaires, il a défini des
ressources fiscales qui leur sont profitables.

362
PARTIE II :
L’ATTRIBUTION PAR L’ETAT DES
RESSOURCES FINANCIERES AUX CTD

363
L'étude de sociologie juridique réalisée par François Xavier AUBRY
concernant les relations Etat-Collectivités en France en matière économique et
d’aménagement du territoire débouche sur le constat de la dépendance des
Collectivités à l’égard de l’Etat. Cette relation est caractérisée par ce qu’il
qualifie de principe de subsidiarisation des Collectivités locales1114. La
législation d’ensemble apparaît comme un trompe œil1115. Il en est de même
pour le Cameroun1116. C’est à se poser la question de savoir, concernant le cas
camerounais, si la subsidiarité garantirait ou contribuerait à garantir
l’autonomie financière des Collectivités territoriales ? En réalité, il s’agit de
savoir de quelle manière le législateur camerounais a adjoint les principes de
subsidiarité, de complémentarité et d’évolution, tout en conservant leur
enveloppe qu’est l’autonomie financière ? Telle est la question qui va guider
cette séquence de notre étude.

Il faut d’entrée de jeu souligner que le législateur camerounais a produit


un certain nombre d'indices pour, en reprenant EISENMANN, établir «un
système de solutions possibles» afin de remédier à la crise de la légalité,
notamment économique, dont la crise du critère de décentralisation n'est qu'un
reflet1117.

Notre approche, dogmatique, est fondée sur le constat que la question de


l’autonomie financière des Collectivités décentralisées repose sur l'existence
concomitante d’actes non centraux et d’actes centraux. L’ambition est donc de
déterminer, de quelle manière, l’outil ressources locales peut contribuer à

1114
AUBRY (F.-X.), La décentralisation contre l'Etat, Paris, L.G.D.J., 1992, p. 153.
1115
KARSENTY (A.), Décentralisation et gestion des ressources naturelles renouvelables,
bibliographie en langue française orientée vers les questions africaines, CIRAD, numérisé le 2
décembre 2009, p. 71.
1116
NOUETSA (L.H.), Les principes de répartition des compétences en matière de fiscalité
locale au Cameroun, Mémoire de D.E.A, Université de Yaoundé II, 2009-2010, 147 p.
1117
AUBRY (F.X.), op. cit., p.155.
364
garantir l’autonomie financière ; ce que révèle telle ou telle technique de
résolution de ces rapports fiscaux.
Cependant, deux approches peuvent donner droit à l’autonomie
financière : une conception quantitative (il faut des ressources, seules le volume
compte)1118 et une conception qualitative (il faut des ressources propres)1119.
Certains auteurs soulignent un changement dans la conception de l’autonomie
financière. En France on serait passé d’une conception quantitative à une
conception qualitative1120. Pour autant, Jean François BRISSON précise qu’au-
delà des mots, la conception qualitative n’a de sens que dans la mesure où la
définition retenue des ressources propres est pleinement satisfaisante1121
contrairement a André ROUX, pour qui « la quantité des ressources n’est pas
un élément suffisant et la qualité des ressources, leur origine, permet mieux de
qualifier le degré d’autonomie financière des Collectivités car le risque existe,
si les financements étatiques sont importants, c’est qu’ils soient attribués sous
conditions, limitant la liberté des Collectivités »1122.
Le législateur camerounais, de même que ceux des Etats de l’Afrique
noir francophone1123à la différence de celui français, a fait le choix de
l’approche quantitative en matière de ressources locales1124.

1118
BRISSON (J.-F.), Les transferts de compétences de l’Etat aux Collectivités locales, op. cit.,
p. 520.
1119
Ibid.
1120
CABANNES (X.), Compensation financière : vers une nouvelle conception de l’autonomie
financière… cité par BRISSON (J.-F.), Ibid.
1121
BRISSON (J.-F.), Les transferts de compétences…, op. cit., p. 521.
1122
ROUX (A.), « L’autonomie financière des Collectivités territoriales en Europe», Annuaire
international de justice constitutionnelle, 2006, Paris, Economica- PUAM, p. 505.
1123
Article 248 de la loi portant code des Collectivités locales au Sénégal et l’article 79 de la loi
du 26 décembre 2003 portant régime financier, fiscal et domanial des Collectivités territoriales
en Côte-D’ivoire citent parmi les ressources des Collectivités locales, les recettes fiscales.
Enfin, l’article 152 de la loi organique n° 15/96 sur la décentralisation au Gabon dispose que les
ressources des Collectivités locales comprennent les impôts locaux et les quote- parts de
l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, l’impôt sur le revenu des personnes
physiques, l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières, l’impôt sur le bénéfice des professions
libérales et la taxe sur la valeur ajoutée.
365
. Il épouse ainsi l’opinion selon laquelle l’essentiel, pour être autonome
financièrement, est d’avoir des recettes suffisantes pour faire face aux dépenses
nécessaires d’une part ; que l’attribution soit garantie par la loi ou par la
Constitution d’autre part1125.
L’autonomie financière réelle 1126 suppose que les Collectivités locales
disposent d’un niveau suffisant de ressources financières et qu’elles aient une
maîtrise de leurs charges. L’autonomie financière ne se définit plus ici en
termes de capacité juridique mais plutôt d’indépendance financière des
Collectivités locales par rapport aux subsides de l’Etat1127. On passe donc du
registre du pouvoir à celui de l’avoir. En effet, à quoi servirait-il d’avoir des
compétences financières importantes si les Collectivités locales n’ont accès
qu’à des ressources financières virtuelles ? Comme le précise Robert
HERTZOG, « avoir un patrimoine, avoir des agents, avoir des ressources
financières suffisantes, voilà qui est déterminant pour l’autonomie ainsi
entendue. La capacité de produire des règles est, au mieux, accessoire »1128.
Ceci étant, on peut s’interroger sur la question de savoir si on débouche
ici sur une typologie des compétences transférées ou sur une typologie pure et
simple de compétences des Collectivités territoriales. Deux d’entre elles, la
compétence conjointe et la compétence partagée, renvoient selon Jean François
BRISSON à des « transferts tronqués »1129.

1124
L’article 22 de la loi du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation au
Cameroun dispose que « les ressources nécessaires à l’exercice par les Collectivités territoriales
de leurs compétences leur sont dévolues soit par transfert de fiscalité, soit par dotations, soit par
les deux à la fois ».
1125
Ibid., p. 522.
1126
L’étude de l’autonomie financière réelle des Collectivités locales en Afrique noire
francophone se heurte à des difficultés tenant à l’absence de données statistiques tant sur les
Collectivités locales elles-mêmes que sur leur environnement économique.
1127
V. Labie (F.), « Finances locales et autonomie financière », in Décentralisation, Etat et
territoire, Cahiers français n°318, Paris, La documentation française, 2004, p. 80.
1128
HERTZOG (R.), « L’autonomie en droit : trop de sens, trop peu de signification », op. cit.,
p. 468.
1129
Ibid.
366
La compétence partagée se distingue de la compétence conjointe en ceci
qu’il y a inégalité dans la portée juridique de la première, mais interdépendance
entre les actes constituant l’opération. La compétence partagée se caractérise
alors par la faculté d’empêcher. Elle se donne à voir dans le cas où l’une
dispose d’un monopole de l’initiative et l’autre, de la décision comme c’est le
cas en matière d’emprunt ou l’avis conforme est requis1130.
L’on est d’avis que les compétences conjointes ou partagées ne sont
qu’à demi transférées1131. Ce qui n’est pas le cas des compétences
concurrentielles, parallèles ou exclusives, bien que dans ces trois derniers cas,
se pose la question de la véritable portée des transferts, même d’une manière
différente. A cette étape de notre travail, l’analyse nous conduira à examiner
l’étendue des ressources locales. A des ressources fiscales (Titre I), le
législateur a adjoint celles non fiscales. Ces dernières ne sont pas seulement des
ressources de compensation (subventions, dons et legs), mais aussi des
ressources d’emprunt qui, dans le contexte camerounais, mettent en scène une
liberté mitigée des CTD (Titre II).

1130
BRISSON (J.-F.), Les transferts de compétences…, op. cit., p. 276.
1131
Ibid., 522 p.
367
TITRE I :
L’ATTRIBUTION D’UN POUVOIR FISCAL
DERRIVE

368
Certains auteurs résument l’autonomie financière à une autonomie de
dépense1132. Ils mettent en avant les inconvénients de l’autonomie fiscale des
ressources fiscales1133, notamment les inégalités qu’elle engendre, son caractère
théorique pour les Collectivités pauvres, les distorsions économiques possibles,
la difficulté d’une régulation complète en matière de finances publiques et
d’aménagement du territoire1134. C’est pourquoi pour des auteurs tel que
MARTINEZ Jean Claude, l’autonomie financière des Collectivités territoriales
décentralisées réside dans la question cruciale qu’elle soulève depuis toujours
sans que les réponses satisfaisantes y soient amandées à ce jour. Nombreuses,
ces questions se ramènent à une interrogation centrale : le pouvoir fiscal est-il
le socle de l’autonomie financière ?1135 à cette question une réponse négative
s’impose sans détour dans le contexte des Etats unitaires de type français, bien
plus les constituants ont voulu garantir l’autonomie financière, entendu comme
un aspect essentiel de la libre administration. En effet les recettes fiscales dans
les ressources globales sont certes utiles, mais ne conditionnent pas l’autonomie
financière. C'est-à-dire, reprenant ce même auteur, « l’autonomie financière
implique des ressources suffisantes et non force fiscales »1136
En fait l’autonomie fiscale est un élément essentiel de l’autonomie
financière locale. Elle constitue un fondement de la démocratie locale. Le lien
fiscal est un facteur de responsabilisation des acteurs du développement local
en permettant une confrontation directe entre les besoins et les contraintes de

1132
MUSELLEC (R.), Finances publiques…, op.cit., p. 714.
1133
Ce n’est aujourd’hui que le pouvoir fiscal fait problème. Déjà il y a17 s, en 318, l’empereur
CONSTANTIN, en créant le 1er poste de Ministre des finances, comes sacrarum largitionum,
commissaire aux larges sacrées, centralise entre ses main tous les pouvoirs fiscaux de l’empire
romain. Les cités, les régions du vaste empire doivent cesser de lever l’impôt depuis l’existence
du pouvoir fiscal local continue a suscité l’interrogation.
1134
Parallèlement, ils font valoir les avantages d’une autonomie de dépense assise sur des
dotations : une régulation globale des finances publiques facilitée et des possibilités nouvelles
de péréquation financière entre Collectivités.
1135
MARTINEZ (J.C.), L’autonomie financière territoriale, un paradigme planétaire revisitée,
Paris, Harmattan, 2014, p. 17.
1136
Ibid.
369
moyens1137. C’est aussi un instrument d’autonomie des choix locaux permettant
de choisir le niveau souhaité pour les services et les initiatives de
développement jugées opportunes. Elle comporte à cet effet des marges de
manœuvre multiples qui offrent non seulement la possibilité de fixer le taux des
impôts1138 mais aussi le bénéfice de l’évolution spontanée des bases, « l’effet de
levier »1139 sur la capacité d’emprunt et l’effet « retour sur Investissement »1140
qui permettent à une Collectivité dynamique de retrouver sous forme de bases
nouvelles les fruits de ses efforts de développement.

L’autonomie fiscale est donc un facteur d’efficacité. Elle constitue une


incitation au dynamisme et à la bonne gestion. Les ressources fiscales facilitent
l’autofinancement total ou partiel des projets voire dans certains cas autorise
une baisse ultérieure de la pression fiscale1141. Ces ressources encouragent
l’analyse de l’impact économique des différents investissements locaux. Cette
dernière facilite une meilleure répartition dans le temps de l’effort financier des
usagers, contribuables, en articulant pression fiscale, emprunt et retour sur
investissement. Et permet aussi de choisir, dans certaines limites, la répartition
de l’effort entre catégories de contribuables.

L’intérêt des ressources fiscales est certain pour les CTD. C’est dans ce
sens que le législateur en a attribué un panier de ressources fiscales aux
Collectivités, leur donnant ainsi la possibilité de constituer leurs assiettes au

1137
Finances et développement, FMI, p. 36 et p. 50.
1138
A la hausse comme à la baisse
1139
CABY (J.) et KOËHL (J.), Analyse financière, Dareios-Pearson, 2012, p. 105.
1140
Ibid.

1141
Ibid., p. 96.

370
travers du principe de délibération1142 (chapitre I) et de participer aux
recouvrements de ses ressources (chapitre II).

1142
Art. C (3) du CGI 2015.
371
CHAPITRE I :
LA CONSTITUTION DE L’ASSIETTE
FISCALE LOCALE PAR LES CTD
Le Conseil constitutionnel français a refusé de consacrer l’argument
avancé par certains requérants selon lequel le principe de libre administration
impliquerait qu’une commune puisse déterminer seule le montant de ses impôts
locaux et la destination des fonds ainsi prélevés1143. Sur le plan constitutionnel,
cela ne paraît en effet pas crédible. De même, il nous semble difficile de
soutenir comme Michel BOUVIER, qu’il ne peut y avoir libre administration si
une Collectivité ne peut décider d’accroître sa fiscalité afin de financer de
nouvelles dépenses de fonctionnement car l’autonomie locale n’est pas liée
exclusivement à l’importance de la fiscalité locale1144. La possibilité pour les
CTD de constituer leur assiette fiscale est un choix déterminant. Elles assument
ainsi dans une certaine mesure l’administration des impôts locaux.
Certaines impositions de toutes natures constituent cependant des
ressources propres, c’est un outil complémentaire pour inverser l’effet de
ciseaux1145. Il s’agit des impositions pour lesquelles la loi fixe un taux par
Collectivité ou prévoit les modalités de fixation de ce taux par la
Collectivité1146, les produits du domaine, les produits financiers, les redevances
pour services rendus etc. D’autres par contre constituent des impôts partagés
dans le cadre de transferts de compétences justifiés par l’évolution de la
décentralisation. Dans ce cas, le législateur attribue aux Collectivités

1143
DANTONNEL (N.), Droit des Collectivités…, op.cit., p. 233.
1144
BOUVIER (M.), Finances locales….op cit., p. 7.
1145
Ibid., p. 8 et ss.
1146
Dans le cas Français il s’agit également des impositions pour lesquelles les Collectivités
territoriales fixent un taux ou déterminent l’assiette ; Ce premier cas vise les impositions locales
« classiques » et notamment les « quatre vieilles » pour lesquelles les Collectivités territoriales
disposent d’un pouvoir de fixation du taux et peuvent intervenir sur l’assiette taxable.
372
bénéficiant du transfert de compétences, une part du taux de l’impôt calculé en
déterminant la clef de répartition de ce taux entre chacune des Collectivités
elles-mêmes. Ce sont les moyens d’optimisation des ressources. Il repose sur la
maximisation de la base imposable.
Les ressources fiscales comme moyens de garantie de l’autonomie
financière seraient alors solidifiées par la possibilité attribuée aux CTD de
constituer une assiette fiscale propre à une localité (section I).
Ces différentes modalités de gestion de la fiscalité locale que détient les
CTD revêtent cependant des limites. Elles sont d’ordre général et d’ordre
spécifique à la matière imposable locale (section II).

373
Section I : Une certaine capacité de modulation des ressources
fiscales par les CTD

Appréhendé de manière extensive, le qualificatif fiscal détermine ce qui


se rapporte à l’impôt, à la fiscalité1147 ou, qui marque « l’appartenance au fisc
de ce qu’il qualifie »1148. C’est donc un adjectif qui concerne peu ou prou
l’impôt. La notion d’impôt pourrait être entendue comme une « prestation
pécuniaire perçue d’autorité sur les citoyens sans consentement pour financer
les charges publiques »1149. Dans un sens large, l’impôt peut se définir comme
une forme spécifique de prélèvement obligatoire auquel sont soumis les
contribuables. Dans les sociétés contemporaines, il n’a plus la seule forme de
prélèvement obligatoire1150. C’est une prestation pécuniaire requise des
particuliers par voie d’autorité à titre définitif et sans contrepartie en vue de la
couverture des charges publiques. L’impôt est une ressource définitive pour les
CTD contrairement à l’emprunt, il n’a pas à être restitué excepté les cas où il a
été régulièrement perçu ou lorsque son remboursement a expressément été
prévu dans le cadre des politiques économiques1151.

La notion d’impôt tant en droit national que local reste complexe, Paul
AMSELEK observe que « la notion d’impôt ou d’imposition est sans doute des
plus fondamentales ; mais en même temps l’une des plus problématiques du
droit public financier »1152. Il est également varié. Alexandre MAITROT DE
LAMOTTE constate que le vocabulaire qui figure dans les textes fiscaux est
varié certes, mais il est aussi dans la plupart des cas imprécis, désordonné voire

1147
CORNU (G.), Association Henry Capitant, vocabulaire …, op.cit., p. 407.
1148
AGRON(L.), Histoire du vocabulaire fiscal, Paris, LGDJ, 2000, p. 24.
1149
CABRILLAC(R.), Dictionnaire du vocabulaire juridique de l’étudiant en licence de droit,
Paris, litec, 2000, p. 17.
1150
BOUVIER (M.), Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt, 5e éd, Paris,
LGDJ, 2003, p. 19.
1151
Ibid., p. 21.
1152
AMSELEK (P.), Imposition et cotisation obligatoires, in Etude de droit public., Paris, éd
Pantheonassas, 2000, p. 75.
374
trompeur, si bien qu’il est incapable de distinguer convenablement les impôts,
les taxes (…) la plupart n’ayant pas une signification précise1153. Le législateur
local fait une nette distinction entre les taxes et les impôts dans l’enveloppe de
ceux qu’il partage avec les CTD et ceux qui leur sont propres.

Paragraphe I : Le contenu des impôts locaux

Le législateur camerounais, contrairement au constituant français de


2003, n’a pas utilisé le terme de « ressources propres ». Toutefois
l’interprétation des textes laisse percevoir une distinction entre les ressources
que les CTD tiennent de l’Etat et celles qu’elles partagent avec l’Etat. En effet,
les Collectivités ont besoin de ressources propres suffisantes dont elles peuvent
disposer librement dans l’exercice de leurs compétences1154. Les « ressources
propres » peuvent être entendues comme celles dont le montant dépend d’une
décision prise par les Collectivités locales. Elles peuvent les instituer ou non et
moduler leur assiette, elles en fixent le tarif ou le taux1155. Il s’agit dans le cadre
juridique camerounais de la contribution de licence et de l’impôt libératoire,
qualifiés d’impôts directs. En effet, la classification de l’impôt reste très
classique en fiscalité locale. A la suite de la classification administrative qui
permet de distinguer les impôts provenant de l’Etat de ceux dévolus aux
CTD1156, le législateur a procédé à une autre classification. Elle est technique en
ce qu’elle fait la différence entre les impôts directs et les impôts indirects.
L’intérêt de la démarche de classification est qu’elle s’efforce de restituer une
approche d’ensemble et ordonnée des structures fiscales locales1157. Cette
orientation est également importante parce qu’elle permet de déterminer les

1153
MAITROT DE LAMOTTE (A.), La notion d’impôt, le droit fiscal, la recherche de son
objet, in Notion juridiques …op. cit., p. 101.
1154
BAZIADOLY (S.), « La charte européenne de l’autonomie locale et l’autonomie financière
des Collectivités locales françaises », RGCT, n° 29, mai-juin 2003, p. 725.
1155
Ibid., p.725.
1156
Ibid., p. 26 et v. loi portant fiscalité locale précitée.
1157
BOUVIER (M.), Théorie de l’impôt…, op. cit., p. 25
375
fondements de la compétence du juge administratif même en matière de
fiscalité locale, mais il est vrai aussi que la multiplicité des impôts rend
particulièrement difficile la classification absolument pertinente.

A)- L’impôt direct propre aux CTD


L’impôt direct est celui qui frappe des éléments d’impositions
relativement stables1158, telle la possession d’un capital ou d’un revenu. Ce sont
ceux dont l’assiette incombe à l’administration des contributions directes1159.
Au plan local il s’agit de la contribution de licence, de l’impôt libératoire (1) et
de la patente (2).

1- Contribution de licence et l’impôt libératoire


La contribution des licences1160 est un impôt imposé aux personnes
physiques ou morales avec ou sans autorisation, se livrant à la fabrication ou à la
vente en gros ou au détail des boissons alcoolisées. Il en est de même des
importateurs des boissons, même lorsque ces boissons constituent l’accessoire
d’une activité principale1161. La vente des eaux minérales, des eaux gazeuses, des
eaux aromatisées ou non et la vente de jus frais non fermentés, lorsqu’elle est
effectuée dans un établissement distinct de celui comportant des boissons
imposables ne donnent pas lieu à la contribution des licences. Toutefois, lorsque
ces eaux sont vendues dans le même établissement que les boissons imposables,
elles sont soumises à la contribution des licences1162.

1158
CASTAGNEDE (B.), La répartition des compétences juridictionnelles en matière fiscal et
en Droit français, Thèse pour le Doctorat en Droit, Université de Paris I, 1972, p.140.
1159
Ibid., p. 140.
1160
L’art. 198 de la loi de 1912 définit la licence comme une autorisation personnel
nominative, d’exercer pour une période annuelle la vente de boisson alcooliques, fermentées ou
spiritueuses.
1161
NZE BEKALE (L.), Introduction aux Finances des Collectivités territoriales d’Afrique,
France, EPU, 2015, p. 68.
1162
Art. 33 et ss de la circulaire fiscalité locale.
376
L’impôt sur la consommation a l’avantage de ne pas prendre au
dépourvu les classes malaisées ordinairement peu prévoyantes1163.
Pierre LEROY BEAULIEU contestait vigoureusement au nom de la
modernité, suivant en cela les traces de MONTESQUIEU qui associait cet
impôt à la servitude alors que, disait-il « l’impôt sur les marchandises est plus
naturel à la liberté parce qu’il se rapporte de manière moins directe à la
personne »1164.

Au demeurant, s’agissant des opérations pouvant donner lieu à des


licences différentes réalisées dans un même établissement, la base à retenir pour
le calcul des droits de licences sera celle de l’activité donnant lieu à la licence la
plus élevée.
En sus des activités commerciales, industrielles et autres qui sont déjà
soumises à l’impôt libératoire, la loi portant fiscalité locale étend le champ de
cet impôt aux activités artisanales et agropastorales ne relevant ni du régime du
bénéfice réel, ni du régime simplifié d’imposition, ni du régime de base et dont
le chiffre d’affaires est inférieur à 15 000 000. L’impôt libératoire est dû par
commune et par établissement, sauf pour les marchands ambulants qui paient
leur impôt libératoire dans la seule commune de leur domicile. L'impôt
libératoire est également dû par activité distincte, c’est-à-dire qui ne sont pas
complémentaires1165. Le produit de l’impôt libératoire est dévolu entièrement
aux communes et aux communes d’arrondissement à l’exclusion des
communautés urbaines et désormais du FEICOM.

1163
BOUVIER (M.), Introduction au droit fiscal …, op. cit., p. 30
1164
SCHNERB (R.), Technique fiscale et partis pris sociaux, in deux siècles de fiscalité
française, ouvrage sous la direction de BOUVIER (J.) et WOLLFF (J.), éd. Mouton, 1973 cité
par BOUVIER (M.), p. 30.
1165
Art. 46 et ss de la loi de 2010 portant fiscalité locale. L'impôt libératoire est déclaré et payé
dans les quinze (15) jours qui suivent la fin de chaque trimestre. Les paiements successifs sont
annotés sur la fiche de suivi de l'impôt libératoire.
377
Les personnes assujetties doivent s’acquitter d’une taxe sur le
développement local qui est une taxe due en contrepartie des services précis et
dont les modalités seront précisées dans la suite de notre analyse1166. Par contre,
la redevance audiovisuelle n’est pas appliquée à l'impôt libératoire. Le tarif de
l’impôt libératoire est arrêté par délibération de la commune à l’intérieur
d'une fourchette dans les différentes catégories1167. L’émission de l’impôt
libératoire se fait par les services des impôts, en un bulletin d’émission unique
au profit de la commune ou de la commune d’arrondissement de localisation de
l’entreprise.

La loi institue des sanctions en cas de non-paiement de l’impôt


libératoire et de défaut d’affichage de la fiche de paiement dudit impôt. En cas
de non-paiement de l’impôt libératoire dans les délais légaux, il sera procédé à
la fermeture de l'établissement et concomitamment à l’application d’une
pénalité de 30 % de l'impôt dû. Le non affichage ou la non production de la
fiche de paiement de l’impôt libératoire entraîne le paiement d’une amende de
5 000 F CFA, dans les mêmes formes que l'impôt en principal. Les sanctions
pour non-paiement de l’impôt libératoire ne sont pas cumulables avec celles
applicables pour défaut d’affichage ou de production de la fiche de paiement de
l’impôt libératoire. Pour les marchands ambulants et les transporteurs, il peut
être procédé à la saisie des biens, conformément aux modalités prévues par la
loi. Les biens périssables ne peuvent être saisis qu’après une mise en demeure
d'enlever servie au contribuable selon les formes prévues par la loi. Au
demeurant, les contribuables relevant de l’impôt libératoire peuvent opter pour
le régime de base. Cette option étant irrévocable, il s’en suit que dès sa
notification par le contribuable au chef de centre des impôts, il devient définitif.

1166
V. P. 380 de notre travail.
1167
Pour la catégorie A 0F à 20 000F ; catégorie B 2 0001F à 40 000F ; catégorie C 41 001F à
50 000F ; catégorie D 51 001F à 100 000F.
378
La sanction instituée par le législateur en matière local permet de parler
du caractère irréfragablement obligatoire de la fiscalité locale. C’est le caractère
coercitif de la loi fiscale locale. Devrait-il en être autrement ?
Ce qu’il faut relever c’est que lorsqu’on croit que le droit est assorti
dans un sens, dans un autre, cela ne peut signifier que le droit soit fait de
normes flanquées chacune d’une norme portant sanction1168. S’il en était ainsi
déclare Romano SANTI, on devrait en déduire que cette dernière norme ne
constitue pas un élément nécessaire et essentiel du droit.
Selon la doctrine dominante une prescription ne serait juridique que si une
autre vient s’y joindre pour protéger le droit fiscal créé par la première en
instituant un droit de contraindre. Formellement ces différentes prescriptions
peuvent se trouver réunies, mais elles demeurent en substance distincte. La
sanction serait une prescription complémentaire1169. La sanction apparait pour
cet auteur comme une garantie effective qui n’engendre aucun droit subjectif
établi par une quelconque norme, un moyen de pression nécessaire inhérent au
pouvoir social. Ceci étant, la sanction en matières de fiscalité locale est
immanente, latente dans les rouages même de l’appareil normatif local. Ce
procédé est applicable pour la patente et le reste des impôts locaux.

2- La patente
La contribution de patente apparaît comme une imposition
post-révolutionnaire1170. En effet, celle-ci est consacrée par la loi des 2 et
7 mars 17911171 ayant fait l’objet d’une publication formelle au Cameroun. Au
terme de l’article 167 du Code général des impôts direct du 20 décembre

1168
SANTI (R.), L’ordre juridique, op. cit., p. 15
1169
ANZILOTTI, Teoria générale della responsabilita dello, stalo nel déritto internazionale,
Florence, 1902, p. 61 en note et TRIEPEL Vol. 6 cité par SANTI (R.),Ibid., p. 16.
1170
Précis de fiscalité local, 2010, p. 45.
1171
ALBERT (J.L.), PIERRE (J.L.), RICHER (D.), Dictionnaire de droit fiscal et douanier,
p. 129 et p. 130.
379
19411172 qui énonce en substance que, tout individu français, étranger, ou
administré, toute société qui exerce au Cameroun-français un commerce ; une
activité, une profession non compris dans les exemptions déterminés dans le
présent Code est assujetti à la contribution de patentes.
La nature de la patente est souvent équivoque, mais le décryptage des
dispositions consacrant la patente fonde à penser que le législateur camerounais
considère celle-ci comme un impôt1173. Au-delà de cette qualification formelle
il semble consacrer deux critères cumulatifs qui contribuent à déterminer la
définition exacte de cette imposition. Il s’agit précisément du critère matériel
qui est la nature économique de l’activité imposée et du critère téléologique lié
à la réalisation de bénéfices tirés de l’activité en cause1174.
La patente au niveau local s’identifie comme au niveau national par la
base imposable et par ses caractéristiques.

En effet, toute personne physique ou morale qui exerce de façon


habituelle dans une commune, une activité à but lucratif est soumise à la
contribution des patentes. Il faut entendre par activité habituelle et lucrative,
tout exercice répétitif des actes de commerce pour en faire une profession dans
le but de réaliser un bénéfice1175. Les activités à but non lucratif reconnues
d’utilité publique par un décret et celles dont l’accès est gratuit en sont exclues.
Toutefois, certaines activités exercées quelle que soient leur nature et le
montant du chiffre d’affaires réalisé, sont assujetties de plein droit à la patente.
Ce sont notamment les activités présentées à l'annexe II1176 de la loi portant
fiscalité locale qui entraînent obligatoirement l’établissement d’un titre de
patente pour celui qui les accomplit.

1172
J.O. du Cameroun français, arrêté du 23 août 1919, J.O 1er Août 1919 réglementant les
patentes au Cameroun. Texte notifié au 20 décembre 1941, p. 749.
1173
Art. 32 de la loi de 2009/019 du 15 décembre 2009 et l’art. 8 et art. 32 du CGI. 2015.
1174
AKONO OMGBA SEDENA, op.cit., p. 125 et ss.
1175
Art. 6 et ss, loi du 15 décembre 2009 précitée.
1176
Loi de 2009/019 du 15 décembre 2009, op. cit., p. 15-18.
380
Il faut souligner à ce propos que les activités des organisations non
gouvernementales et des groupements d’intérêt commun sont considérées
comme des activités à but non lucratif lorsque ces dernières sont reconnus
d’utilité publique par décret et lorsque l’accès aux services qu’ils offrent est
gratuit. Les entreprises nouvelles sont exonérées du paiement de la patente
pendant les deux premières années de leur exploitation. Il faut entendre par
« entreprises nouvelles» celles qui sont immatriculées au registre du commerce
de l’année considérée et qui se présentent au service des impôts pour la
première immatriculation1177. Par ailleurs, les entreprises ayant bénéficié de
cette mesure et qui après les années d'exonération sont élues à un régime fiscal
particulier prévoyant les avantages similaires peuvent de nouveau prétendre au
bénéfice de ladite exonération1178.

Les mêmes règles au plan national régissent la patente sur le plan


local1179. Ainsi, la patente doit être déclarée dans les dix (10) jours qui suivent
le début de l'activité imposable, même en cas d'exonération1180. Le critère
matériel présente une action mathématique du législateur camerounais. En
effet, tout est inscrit dans le texte sans une marge de manœuvre pour les CTD.

Le critère téléologique se définit par le fait que, la contribution due


résulte de l’application d’un taux dégressif fixé par les Collectivités locales

1177
Sur la base d’une demande introduite par cette catégorie d'entreprises, le chef de centre des
impôts de rattachement (CDI, CIME, DGE, etc.) délivre une patente portant la mention «
EXONERE» qu’elles peuvent faire valoir dans leurs différentes transactions. Ne sont pas
considérées comme entreprises nouvelles pour le bénéfice de cette mesure, les entreprises
relevant anciennement de l'impôt libératoire et reclassées à la patente, les entreprises disposant
déjà d'un identifiant et changeant simplement de lieu de déclaration ou encore, celles
immatriculées au registre de commerce et changeant de gérance.
1178
Art. 13 et ss de la circulaire 2010 précitée.
1179
Le lieu d’établissement, la personnalité, l’annualité de la patente et la liquidation.
1180
La déclaration de patente contient nécessairement : le numéro de registre de commerce ; le
numéro d'immatriculation de l'entreprise ; les références de localisation (du siège social et des
établissements respectifs par ville, quartier rue, numéro de porte) ; la nature de l'activité;
montant du chiffre d'affaires ; la référence de la dernière quittance de taxe foncière ou
d'enregistrement du contrat de bail.
381
bénéficiaires sur le chiffre d’affaires réalisé par le contribuable au cours de
l’année close au 31 décembre de l’exercice précédent. Pour la détermination
définitive du chiffre d’affaires de l’exercice précédent (N-l), les services des
impôts procéderont le cas échéant aux rectifications des bases au moment de la
déclaration des soldes IS et TVA.

Les taux applicables sont fixés par l’organe délibérant de chaque


commune bénéficiaire conformément à la fourchette retenue par la loi1181. Il
convient de rappeler que les modalités particulières de calcul de la patente des
transporteurs interurbains de personnes, des transporteurs de marchandises et
des entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 2 milliards de francs
sont maintenues. Ainsi les personnes physiques soumises au régime simplifié
des transporteurs prévu par le Code général des impôts1182 acquittent la patente
selon les modalités définies à l'article 13(5)1183 de la loi portant fiscalité locale.
Pour ce dernier cas, les transporteurs de marchandises ou de personnes
concernées établissent un seul titre de patente pour l’ensemble de leurs
véhicules à la commune abritant le siège de l’entreprise.

En ce qui concerne l’assiette servant de base de calcul pour les


entreprises soumises de plein droit à la patente pour les cas où le chiffre
d’affaires est inférieur à cinq millions, il faut utiliser la fourchette des taux
0,283% à 0,400% de l’annexe I de la circulaire de 2010, présentant le tableau
des classes de patentes et fourchettes correspondantes1184. Les sanctions
prévues en cas de non-paiement, de paiement tardif, de défaut d'affichage de la
patente et d’exercice d’une activité illégale ou prohibée sont les mêmes que
celles prévues pour l’impôt libératoire. Cependant, elles s’établissent dans une

1181
Art. 32, Annexe I de la loi de 2009 précitée.
1182
Art. 64 du Code général des impôts 2014..
1183
Les personnes physiques ou morales relevant du régime du réel sont assujetties à la patente
annuelle d'après le chiffre d'affaires global des véhicules.
1184
Art. 29 et ss. de la loi de 2009 portant fiscalité locale précitée.
382
fourchette de 10% par mois de retard de paiement de la contribution des
patentes, avec un maximum de 30% de l’impôt dû. La taxation d’office pour
tout contribuable ne s’étant pas acquitté des droits de patente assortie d'une
majoration de 50% ou 100% des droits dus, selon que la bonne foi est établie
ou non ; 10 000 F CFA en cas de défaut d'affichage de la patente. La perception
des droits au titre de la patente en cas d’exercice d’une activité illégale ou
prohibée assortie d'une majoration de 100% des droits, sans délivrance du titre.
Pour le cas particulier des entreprises de transport, le défaut de présentation de
la patente entraîne la mise en fourrière du véhicule.

B)- L’impôt indirect partagé, CCA


L’impôt indirect contraire à celui direct s’applique à des éléments
mobiles ou occasionnels comme l’accomplissement d’acte de production, de
circulation et de consommation1185. Ce sont « ceux dont l’assiette et la
perception appartiennent aux administrations fiscales… »1186 C’est le cas des
CCA en droit fiscal local.

1185
La distinction entre impôts directs et indirects est la plus ancienne et la plus communément
employée. Elle repose à l'origine sur deux critères définis par un décret du 22 décembre 1879
repris par l'administration dans son instruction générale des finances : l'incidence de l'impôt et
l'établissement d'un rôle. « La contribution directe s'entend de toute imposition qui est assise
directement sur les personnes et sur les propriétés, qui se perçoit en vertu de rôles nominatifs et
qui passe immédiatement du contribuable cotisé à l'agent chargé de percevoir. Les impôts
indirects sont ainsi nommés parce que, au lieu d'être établis directement et nominativement sur
les personnes, ils reposent, en général, sur des objets de consommation ou sur des services
rendus et ne sont, dés lors, qu'indirectement payés par celui veut consommer les choses ou user
des services frappés de l'impôt ». Instruction générale des finances citée par R. STOURM, in
Systèmes généraux d'imposition, Guillaumin, 1905, citée par BOUVIER (M.), Introduction à la
théorie générale de l’impôt…, op. cit., p.40. Cet auteur poursuit cette analyse. Pour lui C'est en
fonction de l'existence ou non d'un rôle que les impôts sont classés dans la catégorie des impôts
directs ou indirects. Ceux recouvrés par voie de rôle (l'impôt sur le revenu, les taxes locales
telle que la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les
propriétés non bâties, la taxe de développement locale) sont classés parmi les impôts directs. En
revanche, lorsque l'imposition est liée à des actes de production ou de consommation irréguliers
dans le temps, et donc pour lesquels il n'est pas possible d'établir un rôle, on utilise la
qualification d'impôts indirects (TVA, droits d'accise, droits d'enregistrement).
1186
CASTAGNEDE (B.), La répartition des compétences juridictionnelles en matière fiscal …
op. cit., p.140.
383
Les centimes additionnels communaux sont perçus par les
administrations fiscales et douanières nationales au profit des communes. Les
centimes additionnels étant prélevés en même temps que le principal de l'impôt
sur lequel ils sont assis, leur perception suit le sort de ces impôts dont les
modalités de recouvrement sont ceux prévus dans le Code général des impôts et
le Code des douanes1187. Les CCA apparaissent comme un supplément de
l’impôt principal et ils sont partiellement dévolus aux CTD.
Le produit des centimes additionnels communaux est réparti entre
l’Etat, le FEICOM et les communes. Il est de 10% au profit de l'Etat, à titre de
frais d'assiette et de recouvrement ; 20% au profit du Fonds Spécial
d'Equipement et d'Intervention Intercommunale (FEICOM) et 70% au profit
des communes, des communes d'arrondissement et des communautés urbaines.
Le texte de 2010 reprend ainsi celui de 2007 en son art. 11188.

Les communes d'arrondissement bénéficient globalement d'un quota de


30% du produit des centimes additionnels centralisés et reversés par le
FEICOM à leur communauté urbaine de rattachement1189.

Sur la quote-part destinée aux communes et communautés urbaines, une


retenue à base de 40% effectuée au profit du receveur municipal de la
Collectivité territoriale centralisée du lieu de recouvrement. Les communes
d'arrondissement ne bénéficient pas de la retenue à la base. Les différentes

1187
Code des Douanes du 15 octobre 2014.
1188
Le décret n° 2007/1139/pm du 3 septembre 2007 fixant les modalités d’émission, de
recouvrement, de centralisation, de répartition et de reversement des centimes additionnels
communaux. Les centimes additionnels communaux proviennent, de l'impôt sur le revenu des
personnes physiques, de l'impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), des
taxes sur les jeux. Le produit des centimes additionnels communaux est reparti entre l’Etat, le
FEICOM et les Communes. Il s’agit de 10% au profit de l'Etat, au titre de frais d'assiette et de
recouvrement, 20% au profit du Fonds Spécial d'Equipement et d'Intervention Intercommunale
(FEICOM) et de 70% au profit des Communes, des Communes d'arrondissement et des
communautés urbaines.
1189
Elle s'effectue conformément aux dispositions des articles 55, 115 et 116 de la loi n°
2009/019 du 15 décembre précitée.
384
quotes-parts destinées aux Collectivités territoriales décentralisées qui n'ont pas
été retenues à la base sont centralisées par l'Agence comptable du FEICOM et
réparties aux communes, aux communes d'arrondissement et aux communautés
urbaines au prorata de leur population.

Du reliquat centralisé, une dotation dont le montant ne saurait être


inférieur à 5% est allouée aux communes abritant des activités génératrices de
centimes dont le produit est encaissé en dehors de leur territoire. En ce qui
concerne la quote-part revenant aux communes sur les centimes retenus à la
source et reversés au FEICOM, la répartition entre les communes, les
communes d'arrondissement et les communautés urbaines se fait au prorata de
leur population. Il est de 22 % pour les communautés urbaines et leurs
communes d'arrondissement et de 78 % pour les communes.

Pour le financement d'opérations spéciales d'aménagement en faveur des


communes frontalières ou en cas de sinistre touchant particulièrement une
commune, le Ministre chargé des Collectivités territoriales décentralisées peut
ordonner le prélèvement d'une fraction des quotes-parts destinées au FEICOM
et aux communes, sans que celle-ci puisse excéder 4% desdites quotes-parts1190.
Le produit des centimes additionnels communaux recouvré par versement
spontané est encaissé par le receveur des impôts ou le comptable du trésor, pour
la part qui revient à l'Etat. Il est recouvré par le receveur municipal, pour la part
retenue à la base effectuée au profit de la commune conformément à l'article 2
alinéa 2 ci-dessus et par l'Agent comptable du FEICOM pour la quote-part
destinée au FEICOM. Le reliquat centralisé est à répartir aux communes, aux
communes d'arrondissement et aux communautés urbaines.

1190
Ibid., Art. 4.
385
La principale limite attachée aux CAC avant la loi de 2010 est que, les
produits des centimes additionnels communaux recouvrés soit par voie de rôle,
soit par retenue à la source sur les salaires des personnels de l'Etat ou lors du
règlement des factures des marchés publics et autres fournitures ou prestations
de services à l'Etat et consolidés dans la balance du trésor relative à la loi de
règlement, font l'objet d'une inscription globale au budget de l'Etat. Ils sont
reversés mensuellement au FEICOM par le Payeur général du Trésor1191. La
décision de transitions des CAC aux CTD appartient également à l’Etat. Elle
laisse de ce fait la liberté de choix à l’Etat du moment du transfert.

Paragraphe II : Une capacité de modulation de la taxe locale

La notion de taxe fait référence à « la contrepartie de l’utilisation d’un


service ou d’un ouvrage public à caractère obligatoire qui est due dès lors que
la redevable est en situation de profiter des services, même s’il n’en profite pas
effectivement »1192. L’existence d’un service rendu et d’une contrepartie
financière apparaissent ainsi comme les critères fondamentaux de définition de
la taxe. La taxe diffère de manière substantielle de l’impôt dans la mesure où
elle repose sur l’idée d’affectation préalable de cette recette publique par

1191
Le FEICOM est tenu de produire un mensuel des comptes spécifiques ouverts pour recevoir
encaissements provenant des différentes structures de recouvrement, conformément aux
modalités définies par voie réglementaire. La répartition et le reversement de ces quotes-parts
sont ordonnés trimestriellement par le Ministre chargé des Collectivités Territoriales
Décentralisées. Un Comité ci-après dénommé « Comité National des Finances Locales »,
prépare à cet effet un état et un arrêté de répartition sur la base des relevés bancaires
communiqués par le FEICOM et après contrôle des masses à répartir et des clés de répartition
au profit des différents bénéficiaires susvisés. Les attributions, l’organisation et le
fonctionnement du Comité National des Finances Locales sont fixés par un arrêté du Premier
Ministre. La quote-part destinée à l'Etat est imputée dans les comptes spéciaux ouverts dans les
livres du Trésor. Elle est reversée trimestriellement à la Direction Générale des Impôts, à la
Direction Générale des Douanes et à la Direction Générale du Trésor suivant les modalités
fixées par arrêté du Ministre chargé des finances.
1192
BEDIE (J.C.), « Organisation générale du contentieux fiscal : Répartition des
compétences », in Jurisclassseur notarial. Formulaire fasc n° 405, p. 15, cité par MAITROT
DE LAMOTTE (A.), la notion d’impôt : le droit fiscal à la recherche de son objet », op. cit.,
p. 112.
386
dérogation au principe d’indétermination préalable qui caractérise l’impôt
Cette distinction n’est pas absolue. En effet, « tous les prélèvements
dénommés généralement taxes sont en réalité des impôts au sens strict du
terme »1193. Le législateur camerounais en matière de fiscalité locale a fait une
nette différence tant dans les capacités et les libertés attribuées aux CTD que
dans la dénomination même.

A)- La grande marge de manœuvre des Conseils en matière de


taxe directe

La loi portant fiscalité locale institue à côté de la taxe de développement


local, des taxes dites communales qu’elle énumère limitativement. Les
communes peuvent dans le cadre de cette énumération les instituer par
délibération du Conseil municipal.

1- Un pouvoir d’institution des taxes communales

La loi portant fiscalité locale consacre l'affectation intégrale de la taxe


sur les jeux de hasard et de divertissement à la commune du lieu d'exploitation
des jeux. Toutefois, pour les villes dotées d'une communauté urbaine, la taxe
sur les jeux de hasard et de divertissement est intégralement et exclusivement
reversée à la communauté urbaine. Les règles générales relatives à la taxe sur
les jeux de hasard et de divertissement restent régies par le Code général des
impôts et ses textes d’application.
D’après l’article 1er du décret de 2002, reprit par la loi de 2010 portant
fiscalités locales, la commune ne peut percevoir une taxe dite communale que
si celle-ci est prévue par la loi, instituée par délibération du Conseil municipal
et approuvée par l'autorité de tutelle.

1193
LAMARQUE (J.), « source du droit fiscal », in Jurisclassseur procédure fiscales, Fasc.
n° 120, cité par MAITROT DE LAMOTTE (A.), ibid.
387
La taxe d'abattage quant à elle, est liquidée sur place par un agent de la
commune après abattage. Ce dernier délivre au boucher un reçu détaché d'un
carnet à souche en contrepartie des sommes perçues au titre de la taxe. Le
produit de la taxe est versé à la caisse du receveur municipal dans les 24 heures
au vu d'un bulletin de versement émis par le magistrat municipal compétent du
droit de timbre automobile.
Au plan national, la taxe d’abattage apparaît comme une imposition qui
procède d’une taxe sur le chiffre d’affaires. Elle s’applique de ce fait à toutes
personnes physiques ou morales se livrant à une activité commerciale bancaire
ou industrielle au Cameroun selon l’esprit de l’art. 60 du CGI direct du 20
décembre 19411194. La taxe d’abattage au plan local a donc une connotation
différente. Son contenu au niveau national s’apparente à la redevance forestière
au niveau local.

La taxe d'abattage est due par toute personne qui fait abattre un animal
d'élevage dans un abattoir aménagé ou géré par la commune, à raison de la bête
tuée, quelle que soit la qualité de la personne, que l'animal abattu soit destiné à
la consommation domestique ou à la commercialisation. Le bétail visé est
constitué de l'ensemble des animaux d'élevage à l'exception de la volaille et des
lapins. Par abattoirs gérés par la municipalité, il faut entendre ceux qui sont soit
directement administrés par les services de la municipalité, soit par le biais
d'une régie municipale, soit par un établissement public créé par la
commune1195.

En font également partie les abattoirs aménagés ou les locaux utilisés


comme tels loués à la commune par des personnes publiques ou privées et
directement administrées par la commune. La taxe d'abattage n 'est pas due par

1194
V. J.O C. français du 20 décembre 1941, pp. 729-767.
1195
Il n'est pas nécessaire que l'infrastructure soit la propriété de la municipalité, sa
participation à son aménagement suffit à la perception de la taxe d'abattage.
388
les personnes faisant abattre leurs animaux dans des abattoirs aménagés ou
gérés par des personnes publiques ou privées autres que la commune ou les
établissements publics communaux dûment autorisés en vertu de la législation
applicable en matière d'abattage d'animaux.

Toutefois, ces personnes ne sont pas dispensées du paiement des droits


et taxes de service perçus par les services vétérinaires en vertu de la législation
en matière d'inspection sanitaire et vétérinaire. La taxe d'abattage de bétail est
due avant tout abattage d'animaux sur pied et exigible au moment de la
présentation des animaux à l'abattoir, celle-ci constitue le fait générateur. Les
services communaux procèdent à cet effet à l'enregistrement des animaux
devant être abattus et à la perception des droits. Son taux est de 1000F CFA par
tête de bovins et équins, de 400F CFA par tête de porcins et pour les ovins et
caprins (moutons et chèvres) à 250F CFA par tête. L'abattage frauduleux1196
des bêtes est puni d'une amende par tête de bétail tué fixée à 10 000F CFA pour
les bovins et équins, et 5 000F CFA pour les autres animaux concernés. Cette
amende, est immédiatement exigible dès la constatation de l'infraction par les
agents municipaux préposés à cet effet. Les services municipaux doivent se
rapprocher des services vétérinaires pour s'assurer du respect de ladite
législation. Il reste entendu que l'abattage frauduleux d'animaux donne droit à la
perception de la taxe d'abattage normalement due au taux en vigueur, en sus de
l'amende pour fraude. La taxe d’abattage est due avant abattage de l'animal, le
non-paiement des droits entraîne non abattage jusqu’à acquittement de la taxe
en question1197.
La redevance forestière annuelle est répartie entre l’Etat et la commune,
la quote-part communale de la redevance forestière annuelle est de 40% du

1196
Par abattage frauduleux, il faut entendre outre l’abattage dans les abattoirs aménagés ou
gérés par les Communes des animaux sans acquittement des droits, tout abattage desdites bêtes
en infraction à la législation en matière d'abattage d'animaux et d’hygiène.
1197
Art. 63 à 65, la loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009 précitée.
389
produit de la redevance forestière annuelle. Elle est de 50% au titre de la
retenue à la source au profit de la commune de localisation ; 50% au titre du
reliquat centralisé pour le FEICOM ou tout autre organisme chargé de la
centralisation et de la péréquation des impôts locaux. Par commune de
localisation, il faut entendre la commune abritant la superficie du titre
d'exploitation forestière (UFA, vente de coupe) donnant lieu à paiement de la
redevance et non celle abritant le siège de l'entreprise exploitant le titre.
Lorsqu’un titre d'exploitation couvre le territoire de plus d'une commune, la
répartition de la quote-part revenant à la commune de localisation devra se faire
au prorata de la superficie du titre occupée dans chaque commune.

Ainsi pour les concessions, la RFA est acquittée en trois versements


d'égal montant et successivement les 15 mars, 15 juin et 15 septembre de
l'année, aux services des impôts compétents. Pour les ventes de coupe, la
redevance est acquittée en totalité dans les quarante-cinq (45) jours qui suivent
le dépôt ou le renouvellement de la caution bancaire du propriétaire du titre.

Contrairement à la taxe de développement local pour laquelle le Conseil


municipal n’est habilité qu'à délibérer sur les taux applicables dans le ressort de
la municipalité, une taxe communale ne peut être prélevée dans le territoire
d'une commune que si elle a été instituée par une délibération du Conseil
municipal. Cette délibération fixe le cas échéant, les tarifs lorsque la loi a prévu
des fourchettes à l'intérieur desquelles la municipalité est autorisée à arrêter les
taux applicables dans son ressort territorial.

De façon plus concrète, les communes ne peuvent percevoir une taxe


communale que lorsque celle-ci est prévue à l'article 62 de la loi portant
fiscalité locale et a été instituée par une délibération du Conseil municipal. A
contrario, lorsque la commune n 'a pas institué par délibération dans son ressort
territorial une taxe prévue à l'article 62 de la loi sur la fiscalité locale, cette taxe
390
ne peut faire l'objet de prélèvement auprès des redevables de la commune. Une
taxe communale instituée par délibération du Conseil municipal est due par
toute personne qui, dans le ressort territorial de la municipalité, soit réalise les
opérations taxables, soit alors remplit les critères spécifiques prévus par la loi
pour chaque taxe. Ce sont notamment la détention d'un bien assujetti, l'exercice
d'une activité taxable, l'assujettissement à une taxe d'une activité ou d'une
situation constituant son exploitant comme redevable.

La délibération1198 désigne une phase d’examen et d’évaluation des


diverses options, positions ou arguments qui, en principe, précède la phase de
décision dans le processus du choix individuel ou collectif1199. Les CTD
participent ainsi au choix de l’impôt à recouvrer dans une circonscription
locale. C’est donc l’institution évaluatrice de la nécessité d’une taxe pour une
circonscription précise.

La conception classique articule la délibération avec l’examen des


arguments et avec la visée de la décision. En cela, elle se distingue de certaines
conceptions modernes qui tendent à l’assimiler à la discussion, sans établir de
rapport direct avec la décision.

La taxe communale sur le bétail trouve son fondement dans la loi


portant fiscalité locale en ses articles 66 à 72. Elle est due par les propriétaires
et détenteurs de bovidés. En est redevable au titre d'une année par personne
physique ou morale possédant ou détenant des bovidés au 1er janvier de l'année
considérée, que cette détention soit faite dans un but domestique ou
commercial. Sont en conséquence redevables de la taxe communale sur le

1198
En grec, bouleusis ; en latin, deliberatio.
1199
V. LAVELLE (S.), « Délibération », in CASILLO I. avec BARBIER R., BLONDIAUX L.,
CHATEAURAYNAUD F., FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLES D.
(dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et
Participation, 2013.
391
bétail, les personnes qui élèvent des bovins en vue de leur revente sur pied ou
sous forme de viande, d'abats ou de produits conditionnés, dans un but
contemplatif ou touristique, pour les besoins de consommation domestique,
dans le cadre d'expériences scientifiques ou médicales ou dans tout autre but,
dès lors qu’ils ne sont pas visés par les exemptions de l’article 67. Sont par
contre exemptés du paiement de la taxe sur le bétail :

- L’Etat pour les animaux lui appartenant quel que soit l'usage qui en est
fait, à l'exclusion de toute autre personne publique, y compris les
communes et établissements publics.

- Les propriétaires ou détenteurs d'animaux importés de l'étranger en vue


de la reproduction, notamment ceux utilisés dans un but d'expérience
par les structures de recherche scientifique et médicale, les universités et
établissements de formation agricole et d'élevage et ceux importés par
des structures ou des particuliers en vue de la reproduction dans les
fermes et exploitations agricoles et d'élevage ;

- Les propriétaires ou détenteurs d'animaux employés aux travaux de


labour dans les champs et exploitations agricoles. Il s'agit ici des
animaux de trait utilisés dans les activités de labour.

Ceux utilisés pour la traction de charrettes et chariots demeurent


assujettis au paiement de la taxe s'ils ne sont pas par ailleurs employés dans les
travaux de labour ; comparativement à la loi de 2002, le législateur
camerounais a maintenu les limites maximales de cette taxe, et il exclut le

392
recouvrement direct sur place au profit d’un recouvrement par le receveur
municipal1200.

Les propriétaires ou détenteurs d'animaux élevés et utilisés par les œuvres


de charité dans un but exclusivement social. Par œuvres de charité, il faut
entendre les organismes reconnus d'utilité publique et réalisant exclusivement
des activités désintéressées et sans but lucratif1201. Elles sont exemptées de la
taxe sur le bétail uniquement sur la détention d'animaux exclusivement utilisés
dans un but social, c’est-à-dire qu’ils sont élevés dans un but de consommation
des pensionnaires, dans le cadre de leur formation ou leur apprentissage dans
les métiers agropastoraux.

La taxe communale sur le bétail est exigible au 15 mars de l'année


d’imposition à raison du nombre de bêtes détenues ou possédées. Le redevable
devant en faire la déclaration au plus tard à cette date auprès des services de la
Commune de localisation du troupeau. Le tarif de la taxe est arrêté par
délibération du Conseil municipal dans une fourchette comprise entre 200 et
500F CFA par tête. Le terme fourchette présente l’inconvénient pour une partie
de la doctrine d’orienter et même de limiter l’étendu de la délibération1202. A
ces arguments on peut répondre en disant que l’encadrement permet d’éviter les
dérives et par conséquent protéger les petites Collectivités.

La Commune de localisation du troupeau, pour l'application de la taxe


sur le bétail est la municipalité bénéficiaire de ladite taxe qui peut, selon le cas
être la commune ou la commune d'arrondissement lorsque les animaux sont
situés dans une agglomération urbaine. Il faut relever que lorsqu'un redevable a
acquitté sa taxe sur le bétail, sur un animal au titre d'une année, son

1200
Art. 3, 4, 5 du Décret n° 2002 /2175/PM du 20 décembre 2002 fixant les taux maxima et les
modalités de recouvrement des taxes communales indirectes.
1201
Ibid.
1202
BOUVIER (M.), Finances locales, op. cit., p. 85.
393
déménagement dans le ressort d'une autre commune n'entraîne pas l'exigibilité
d'une nouvelle taxe pour le même animal au titre de la même année.

Un recensement des bêtes taxables est organisé chaque année par les
services de la commune de localisation de concert avec les services de
l'élevage. Ce contrôle est fait à l'initiative de la commune qui en détermine les
modalités dans son ressort. Par ailleurs, le paiement de la taxe communale sur
le bétail n'exclut pas, le cas échéant, l'imposition du propriétaire ou du
détenteur à l'impôt libératoire ou à l'impôt sur le revenu pour les mêmes
animaux dès lors qu'il réalise des activités assujetties à ces impôts. Ainsi,
lorsque le détenteur de bovins assujetti à la taxe communale sur le bétail exerce
par ailleurs à titre habituel une activité de marchand de bétail, il sera redevable
en fonction de son chiffre d'affaires, de l'impôt sur le revenu des personnes
physiques (IRPP) selon le régime auquel il sera rattaché, ou de l'impôt
libératoire tel que visé aux paragraphes b, c et d de l'article 46 (2).

On observe pour le redevable une accumulation des impôts au niveau


local. Si la grande marge d’impôts au niveau local pourrait garantir la
consistance des ressources, la lourdeur des impôts apparaitrait par conséquent
comme un handicap au développement local.

Les redevables de la taxe communale sur le bétail sont tenus d'acquitter


leurs droits au plus tard le 15 mars de l'année en cours. A l'expiration de ce
délai, les services communaux sont en droit de les mettre en demeure de payer,
sous peine de voir le bétail en cause saisi et mis en fourrière. Dans cette
hypothèse, avant toute restitution de ses animaux, le redevable s’acquitte des
droits de fourrière, ainsi que les frais relatifs aux charges d'entretien des bêtes
durant leur séjour en fourrière, conformément aux dispositions de l'article 130
de la loi portant fiscalité locale. Si dans un délai de trente (30) jours après la
mise en fourrière des animaux, le redevable n'a toujours pas acquitté sa créance
394
fiscale, le receveur municipal peut être autorisé par le Maire à procéder à la
vente aux enchères des animaux dans les formes prévues par l'acte uniforme
OHADA relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution, et conformément à l'article 130 de la loi suscitée.

En cas de dissimulation de bétail ou de fausse déclaration, les


redevables s'exposent à la mise en fourrière de leurs animaux dissimulés et au
paiement d'une pénalité équivalant à 100% du montant dû en principal. Dès
constatation de la dissimulation ou de la fausse déclaration, cette pénalité est
exigible en même temps que le droit éludé en principal. En cas de mise en
fourrière des animaux, les droits de fourrière sont également dus dans les
mêmes conditions que dans le cas du non-paiement tel que précisé ci-dessus.

La taxe sur les armes à feu1203 est due au titre d'une année par tout
détenteur d'arme à feu, même hors d'usage, et qui est tenu d'en faire la
déclaration au plus tard le 15 mars de l'année concernée auprès de la commune
de localisation de l'arme. La seule détention d'une arme à feu au 1er janvier de
l'année, quel que soit l'usage qu’en fait le détenteur, entraîne assujettissement à
la taxe sur les armes à feu au titre de l'année en cause. Toutefois, il faut relever
que la détention par les vendeurs d'armes dans leurs magasins et entrepôts,
d'armes mises en vente n’en fait pas des redevables à cette taxe. Cependant, la
mise en usage par le vendeur de ces armes en fait un redevable. La mise en
usage est constituée par un usage soit personnel à quelque fin que ce soit, soit
par la mise en location pour les stands de tir, soit par tout autre usage ayant
pour effet de le sortir des entrepôts et magasins, même si le vendeur en
demeure propriétaire. Sont exemptés de la taxe sur les armes à feu l'Etat pour
l'ensemble des armes lui appartenant y compris les armes de dotation des
différentes forces de défense ou de sécurité et celles confisquées et détenues par

1203
Art. 73 à 76 de la loi n° 2009/019 du 15 décembre précitée.
395
les services administratifs, de police, de gendarmerie ou les tribunaux ; les
armes d'ordonnance appartenant aux militaires en activité et aux officiers de
réserve.

Les redevables de la taxe sur les armes à feu sont tenus de déclarer et
d'acquitter la taxe sur les armes à feu auprès de la commune de localisation de
l'arme, au plus tard le 15 mars. La commune du lieu de localisation de l'arme
s'entend du lieu de résidence du propriétaire. La loi camerounaise portant
fiscalité locale a institué l'établissement au plus tard le 15 mars de l'année en
cours, d'une liste d'armes détenues dans le ressort territorial de la commune par
le sous-Préfet et le chef de l'exécutif municipal. Dans le cadre de l'établissement
de cette liste, le chef de l'exécutif municipal procède au recensement des
personnes détentrices d'armes à feu dans le ressort de la commune, notamment
en invitant par voie d'affichage et de presse les habitants à faire déclarer leurs
armes. Les citoyens ayant l’obligation d'obtenir une autorisation de port d'arme
pour certaines catégories d'armes, l’exploitation du fichier des détenteurs
d'armes peut être effectuée en vue de la constitution de ladite liste. Toute
dissimulation d'arme imposable, détention illégale ou fausse déclaration donne
lieu à une pénalité de 100% des droits éludés, payables immédiatement en sus
du principal de l’impôt normalement dû, sans préjudice des sanctions prévues
par la réglementation en matière d'armes.

La taxe d’hygiène et de salubrité perçue par la commune l’est au titre du


contrôle des denrées alimentaires et des immeubles à usage commercial et
industriel. Les droits de fourrière quant à eux sont une taxe due par les
propriétaires et détenteurs d'animaux en divagation et d'objets trouvés sans
gardien1204 ou placés en infraction à la réglementation de voirie1205.

1204
L’infraction à la réglementation de voirie par contre est définie comme tout manquement
relatif à la réglementation afférente à l'usage de la voie publique notamment le défaut de
396
Le fait générateur des droits de fourrière qui coïncide avec l'exigibilité
desdits droits est constitué par l'entrée du bien dans un enclos aménagé et
sécurisé, matérialisé par un procès-verbal de mise en fourrière établi par le
personnel communal ou par le personnel de la police judiciaire. La seule
constatation de l'infraction n'entraîne pas la mise en fourrière du bien, mais la
perception des amendes de simple police. Les droits de fourrière ne sont donc
pas exigibles au moment de la saisie du bien. Pour l'application des droits de
fourrière, il appartient à la commune ou à la communauté urbaine du lieu de
fixer par délibération les taux à appliquer dans les limites fixées à l'article 79.
Dans ce processus décisionnel les CTD ont un devoir de communication. En
effet, il appartient ainsi à la Collectivité de faire tenir aux services fiscaux de
son ressort dans les meilleurs délais les taux retenus1206. Cependant, faute
d’information, les services fiscaux pourraient appliquer les taux en vigueur au
courant de l'année précédente.

Lorsqu'il s'agit de l'application initiale de ces droits sur le ressort d'une


Collectivité, la non communication par celle-ci de la délibération fixant les taux
à pratiquer fonde les services à pratiquer la quotité légale maximale jusqu'à
survenance d'une délibération énonçant le taux à appliquer.

On observe un encadrement du taux contrairement à la loi de 20021207, il


donne au Conseil communal une possibilité de modulation. Les droits de
fourrière constituent une sanction. En conséquence, ils viennent en majoration
des droits dus pour violation de la réglementation de voirie. La quotité des

présentation de vignette de la taxe de stationnement, le défaut de paiement du droit de parc de


stationnement, l'occupation irrégulière de la voie publique.
1205
L’objet sans gardien renvoie à tout bien meuble abandonné qui se retrouve sur la voie
publique.
1206
Art. 6 du Décret n° 2002 /2175/PM du 20 décembre 2002 précitée.
1207
Art. 6, 7, 8, Ibid.
397
droits de fourrière dus par le contrevenant est proportionnelle au nombre de
jours. Les taux étant fixés sur une base journalière.

Le paiement des droits auprès du receveur municipal entraîne


immédiatement la fin de la mise en fourrière. En cas de non-paiement dans les
délais du droit de fourrière, le receveur municipal du ressort procède, 30 jours
après l'admission en fourrière, à la mise en demeure du propriétaire ou du
détenteur valant commandement de payer. Cette mise en demeure lui accorde
un délai supplémentaire de huit (08) jours pour s'exécuter. La mise en demeure
revêt la forme d'une lettre adressée au redevable à son adresse connue, à défaut
par voie d'affichage à la Collectivité territoriale concernée. Le receveur procède
à l'apurement des droits dus par le redevable et lui rétrocède le reliquat
éventuel.

Les droits de place sur les marchés tels que présentés par la loi sur la
fiscalité locale sont perçus aussi bien auprès des commerçants réguliers, que
des vendeurs occasionnels qui occupent une place dans tout marché appartenant
à la commune d'arrondissement ou à la communauté urbaine selon le cas. Le
commerçant régulier s'entend de celui qui, de manière continue ou habituelle,
occupe un espace précis et permanent dans un marché1208. Alors que le vendeur
occasionnel est celui qui exerce de façon fortuite ou accidentelle dans ledit
marché1209.

La fixation des tarifs afférents aux droits de place sur le marché, doit
tenir compte des niveaux de vie, de la spécialisation des marchés et la situation
des grands centres d'approvisionnement. Par disparité des niveaux de vie il faut
entendre, le fait pour chaque localité d'avoir un niveau de vie qui sied à son

1208
CHAMOULAUD-TRAPIERS (A.), Droit des affaires, 2e éd., Paris, léxifac-droit, p. 38.
1209
Ibid., p. 39.
398
degré de développement. A cet effet, plus le niveau de vie est élevé, plus le
droit de place l'est aussi. La spécificité des marchés quant à elle tient de ce que
certains marchés diffèrent des autres par rapport à leur taille, le type de biens
vendus et le volume des recettes qu’ils génèrent. Pour ce qui est de la prise en
compte des grands centres d'approvisionnement, il est simplement demandé de
statuer sur le fait que les tarifs soient élevés, suivant qu'on est rapproché des
grands centres d'approvisionnement, et moins élevés suivant qu’on est éloigné
desdits centres. Les droits susvisés sont dus dès la signature du contrat de bail
entre la commune et le commerçant, pour ce qui est du vendeur régulier, et sont
exigibles à l'échéance contractuelle. Pour le vendeur occasionnel, le fait
générateur et l'exigibilité coïncident. Ce qui laisse entendre que les droits sont
dus et acquittés dès l'installation des marchandises dans le marché1210. Les
sanctions pour les droits journaliers sont de l'ordre d'un droit en sus du droit
régulièrement dû ou de la confiscation de la marchandise jusqu'au paiement de
l'amende correspondant.

Les CTD disposent également des droits sur le permis de bâtir ou


d'implanter. Le permis de bâtir ou d'implanter, est l'autorisation qu'un usager
sollicite du magistrat municipal pour une construction ou une installation, que
ce soit en matériaux provisoires ou en matériaux définitifs, de simples
aménagements ou des constructions nouvelles. Les droits subséquents à la
construction1211 ou à l'aménagement prévu, au chef-lieu d'une commune ou
dans les agglomérations, sont proportionnels à la valeur de la construction.

1210
Une amende comprise entre 5 000 FCFA et 10 000 FCFA est prévue en cas de sous
location ou de non-paiement des droits par jour. La computation des délais ici court à partir du
jour où le constat de la sous location ou du non-paiement est fait, sur procès-verbal dressé par
un agent de la commune et cosigné par le vendeur insolvable.
1211
Pour la détermination de la valeur de la construction, ou des aménagements, un devis
estimatif doit être établi, et approuvé par les services techniques communaux. Les droits y
399
Ces droits sont perçus au profit et dans les services de la communauté
urbaine pour les agglomérations. Ils sont perçus par la commune, dans les villes
ne disposant pas de communauté urbaine. Les droits sur le permis de bâtir à
payer représentent 1% de la valeur de la construction approuvée par les services
techniques de la commune1212. Le défaut de permis de bâtir ou d'implanter est
passible d'une amende de 30% des droits dus, payée au profit de la
commune1213. Toutefois, l'application de l'amende ci-dessus ne dispense pas
cependant le débiteur du paiement des droits normalement dus. Aucune autre
sanction ne doit être applicable, en dehors des mesures prévues par la loi.
L'exigibilité de l'amende de 30% ci-dessus court à partir du jour du début
d'exécution des travaux1214.

Il en est de même des droits d'occupation temporaire de la voie


publique. Au terme de la circulaire de 2010, ils s’entendent comme toute
installation ou utilisation de la voie ou de l'emprise publique déterminée par
l'acte qui l'autorise délivré par l'autorité municipale compétente1215. La voie ou
l'emprise publique entendue ici comme une parcelle à usage public, comme la
route, les servitudes, la voirie, les artères. Cette occupation peut être
matérialisée par des dépôts de matériaux, notamment le sable, les pierres, du
bois, l’exposition de meubles, de marchandises ou de tout autre objet. Pour la
perception des droits d'occupation temporaire de la voie publique, le fait
générateur est l’occupation de la voie publique. L’exigibilité des droits y
afférents court à partir de l’occupation effective de ladite voie. Le tarif de droit
d'occupation temporaire de la voie publique est voté par le Conseil municipal

afférents sont dus dès que le devis estimatif est approuvé par le service compétent, et exigible
avant la délivrance du permis sollicité.
1212
Art. 88 de la loi du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale précitée.
1213
Ibid., Art. 89.
1214
Ibid., Art. 90.
1215
Art. 77 de la circulaire de 2010 precitee.
400
au taux maximum de 2 000 francs par m2 et par jour. Le défaut d'autorisation
ou la minoration de la surface occupée, le retard ou le défaut de paiement
entraînent l’application d’une pénalité de 100% du montant des droits dus en
principal. En cas d’occupation non autorisée, les droits ainsi que les pénalités
subséquentes sont dus à compter du premier jour d’occupation effective de
l’espace en cause.

La taxe de stationnement est perçue par la commune du domicile du


transporteur à des taux maxima trimestriels1216, la perception de la taxe de
stationnement ne peut avoir lieu que dans les villes et les agglomérations où les
municipalités ont aménagé des aires de stationnement ou un plan de circulation.
L’exigibilité de la taxe est fixée au plus tard au quinzième jour suivant le début
de chaque trimestre. La taxe de stationnement est perçue contre délivrance
d'une vignette taxe de stationnement, suivant le modèle de la vignette timbre
automobile. La répartition du produit de la taxe de stationnement est de 80%
pour la Communauté urbaine de localisation de l’établissement et de 20% pour
le FEICOM. Les communes d’arrondissement ne bénéficient pas du produit de
la taxe de stationnement. Et les droits d’occupation des parcs de stationnement
sont dus par les exploitants des véhicules, destinés au transport des
marchandises et des personnes de types cars, camions, camionnettes et autobus
exclusivement. Toutefois, la délibération de cette taxe est subordonnée à
l'existence d'espace aménagé à cet effet par la commune ou par la communauté
urbaine ou la commune d'arrondissement selon le cas. Le paiement des droits
d'occupation des parcs de stationnement est conditionné par l'accès du véhicule
au parc. Les car et camionnette ont une valeur taxable de 1 000 francs par jour ;
camions et autobus de 2 000 francs par jour.

1216
Moto-taxis : 3 000 francs ; taxis : 10 000 francs ; autobus : 15 000 francs.
401
Le droit de parc de stationnement est perçu contre délivrance d’un reçu
pour droit de parc de stationnement. Le défaut de paiement des droits ou le
stationnement hors du parc, doit être constaté par procès-verbal établi par
l’agent communal en poste. Il entraîne non seulement le paiement des droits
dus en principal, mais également la mise en fourrière du véhicule.

Tout véhicule ou toute pirogue est soumis au paiement du ticket de quai,


dès lors qu’il embarque dans une gare routière ou dans un débarcadère. De
même, tout véhicule de transport en commun ou toute pirogue qui embarque
même hors de la gare routière ou du débarcadère demeure également assujetti
au dit ticket. Les tarifs prévus doivent être considérés comme des maxima. Par
conséquent, les tarifs effectivement applicables dans chaque commune sont
fixés par l'organe délibérant, dans les conditions et les limites y relatives1217.
Le droit est dû dès que le chargement est effectif, et exigible à l’embarquement
du véhicule ou de la pirogue au profit de la commune propriétaire de la gare
routière ou du débarcadère. Le droit de quai est perçu contre délivrance d'un
ticket. Les modalités de commande, de sécurisation et de gestion du ticket de
quai sont fixées par un texte particulier. Le défaut de paiement du ticket de quai
doit être établi par la non présentation du ticket, ou le refus de paiement de
ladite redevance. Il entraîne le paiement d'une pénalité de 100% du montant dû
en principal et des droits normalement dus.

La loi portant fiscalité locale du 15 décembre 2009 précise le champ


d'application de la taxe sur les spectacles. Cette dernière est émise et perçue par
les communes d'arrondissement et à leur profit. La taxe sur les spectacles est
due à l’occasion de toutes les manifestations de réjouissances organisées
habituellement ou occasionnellement dans un but lucratif, à l'exclusion des

1217
Gares routières : 200 francs par chargement. Débarcadères : pirogue sans moteur : 200
francs par chargement ; pirogue à moteur de moins de 10 places : 500 francs par chargement ;
pirogue à moteur de plus de 10 places : 1000 francs par chargement.
402
représentations données dans un but de bienfaisance. Cette taxe s’applique
notamment aux activités menées dans les établissements tel que les salles de
cinéma ; les salles de bals y compris les salles de fêtes ; les salles de théâtre, de
concert, d'exhibition ; les cabarets, les boîtes de nuit, les discothèques ; les
cafés, les bars dancing ; les vidéo clubs. A ces établissements s'ajoutent les
manifestations de réjouissance organisées en plein air ou à ciel ouvert 1218.

Les tarifs applicables aux spectacles habituels sont fixés par


délibération du Conseil municipal, en fonction du type de spectacle, dans une
fourchette comprise entre 10 000 et 100 000 francs par trimestre et par
établissement. Le type de spectacle fait notamment allusion à la taille du
spectacle au vu des recettes potentielles que pourraient générer lesdits
spectacles. En ce qui concerne les spectacles occasionnels, leur tarif est
également fixé par le Conseil municipal dans une fourchette comprise entre
5 000 et 50 000 francs par journée de représentation. La taxe est acquittée
auprès du receveur de la commune d'arrondissement au vu d'un titre de recette
émis par l'ordonnateur municipal compétent, contre délivrance d'une quittance.
Il est à noter que la taxe sur les spectacles est impérativement acquittée avant la
date prévue pour le début du spectacle. Ainsi, l'exigibilité intervient dès
l'ouverture du spectacle. II est précisé que le défaut de paiement de la taxe sur
les spectacles entraîne, après refus de payer constaté par procès-verbal établi
par le receveur municipal, l'arrêt du spectacle ou la fermeture de la salle. La
levée des scellés ne se fera alors qu’après paiement, en sus des droits dus, d'une
amende correspondant à 100% desdits droits.

1218
Les spectacles organisés habituellement à l'opposé des spectacles occasionnels désignent
des manifestations qui se tiennent de façon régulière, selon une périodicité connue, tandis que
le spectacle occasionnel survient de façon spontanée et irrégulière dans le temps. En outre, il
faut entendre par bienfaisance, les spectacles organisés à but non lucratif, ou à titre gratuit,
c'est-à-dire qui ne donnent pas lieu à la réalisation de gain ou de profit.
403
La loi portant fiscalité locale donne au Conseil municipal, la possibilité
de voter au profit du budget1219 de la commune, les droits de stade sur les
recettes des frais d'entrée au stade situé sur leur territoire. L'assujettissement
aux droits de stade concerne les sommes perçues aussi bien sur les stades
publics que sur les stades privés, y compris les palais de sport dès lors qu’il y
est organisé une manifestation sportive ou de réjouissance à but lucratif. En
conséquence, qu’il s'agisse de stades aménagés et gérés par la commune ou pas,
les droits de stade sont dus. Par territoire de la commune, il faut entendre toute
ville, tout quartier, toute localité ou village faisant partie de la circonscription
municipale concernée dont les voies d'accès, l'entretien et l'éclairage sont à la
charge de la commune. Sur ce point, la loi portant fiscalité locale énonce qu’au
cas où les droits de stade sont institutionnalisés par le Conseil, ils sont fixés à
5% des fonds recueillis sur les stades situés sur le territoire de la commune à
l'occasion des manifestations sportives ou des réjouissances populaires, lorsque
l'accès au stade n’est pas gratuit. La circulaire de 2010 précise également que le
produit des droits de stade est perçu par les communes d'arrondissement à
l'exception des stades omnisports qui sont de la compétence des communautés
urbaines1220.

In fine, il y a lieu de toujours s'assurer que 5% des fonds recueillis à


l'occasion des manifestations assujetties auxdits droits ont été recouvrés au
terme de l'événement, au profit de la commune d'arrondissement ou de la
communauté urbaine selon le cas. L'exigibilité des droits de stade intervient dès
la clôture des manifestations. Le redevable légal est tenu de s'acquitter les droits
de stade auprès de la recette municipale de la commune bénéficiaire dans un
délai maximal de huit (08) jours à compter de la fin de la manifestation.
Lorsque les droits dus ne sont pas payés dans un délai de (08) jours à compter

1219
Art. 102 de la circulaire de 2010 précitée.
1220
Ibid.
404
de la fin des réjouissances, il s'en suit le paiement d'une pénalité de 100% du
montant dû en principal.

La taxe sur la publicité n’est pas en reste dans le champ fiscal réservé
aux CTD. Il s’agit de toute publicité réalisée à l'intérieur d'une commune ou
d'une communauté urbaine. Ainsi, est assujettie à la taxe sur la publicité locale,
toute personne physique ou morale qui réalise des actions de publicité dans un
lieu ou un espace relevant du ressort territorial d'une commune ou d'une
communauté urbaine. Il est à noter que les enseignes placées sur les façades des
établissements commerciaux et industriels ayant pour but unique de les
localiser, sont exclus du paiement de ladite taxe. Par conséquent, il faudra
opérer une distinction claire selon que l'enseigne est assortie d'effet ou d'artifice
tendant à attirer l'attention des clients, à l'instar des messages et des spots ou
lorsqu’il s'agit simplement d'un écriteau ayant pour but d'identifier et de
localiser l'établissement.

Le timbre sur la publicité se distingue de la taxe sur la publicité, le


premier est un impôt communautaire faisant partie du droit harmonisé, tandis
que le second est une taxe communale. Par conséquent, l'assujettissement à l'un
n'exclut pas le paiement de l'autre, les deux prélèvements peuvent être opérés
simultanément et sur la même action de publicité étant donné qu’ils relèvent de
champ d'application pratiquement identique. Les taux de la taxe sur la publicité
sont fixes1221.

La taxe sur la publicité est due au terme de chaque année lorsqu’elle est
permanente ou lorsqu’elle s'étale sur une durée indéterminée. Et dans le cas où

1221
Pour panneaux-réclame, calicots et enseignes lumineuses ils sont de 1500 F par m2, par
face et par an, véhicules avec diffuseurs non résidents de 1 000 F par jour et par véhicule ;
résidents : 30 000 F par an et par véhicule; les véhicules sans diffuseurs non résidents de 200 Fà
500 F par jour et par véhicule ; 25 Non résidents : 5000 F à 10 000 F par an et par véhicule et
les sonorisation des magasins : 500 F par jour.
405
la publicité est réalisée de façon ponctuelle ou pendant une durée déterminée
n’excédant pas 12 mois. Elle est due au terme de la période de réalisation de la
publicité.

Le redevable légal de la taxe sur la publicité est la régie chargée


d'exécuter la publicité, conformément à la loi régissant la publicité au
Cameroun. Toute action de publicité doit être signalée au préalable auprès du
magistrat municipal, dans le but de délimiter la période d'exercice de la
publicité. En cas de non-respect de cette mesure les droits sont dus à partir du
premier jour de l'année en cours, majorée des pénalités qui sont de 100% du
montant dû en principal.

L'assujettissement au droit de timbre communal concerne précisément


les documents tel que, la copie ou l'extrait d'état-civil ; la légalisation ou
certification matérielle de signature ou de document ; le jugement supplétif ; la
procuration ; les factures des prestataires adressées à la commune ; toute
requête introduite à l'attention du magistrat municipal. Le droit de timbre
communal est fixé à 200F au profit du budget communal. En outre, tout
document de dimension supérieure au format de base (A4) paiera un droit de
timbre de 400F CFA. Il ne peut être perçu qu'un seul timbre communal sur les
documents susvisés. L'absence de paiement dudit droit pour les documents sus
cités entraîne la non réception desdits documents par les services de la
commune.

L’impôt sur la redevance et la dégradation de la société n’est pas en


reste. La Loi sur la fiscalité locale a repris les dispositions liées à la redevance
pour dégradation de la chaussée. On entend par dégradation de la chaussée,
toute dégradation ponctuelle effectuée entraînant une détérioration flagrante de

406
la chaussée1222. Les taux d'imposition au titre de la redevance pour la
dégradation de la chaussée par terrassements, canalisations1223 et autres
dégradations est de 90 000F à 200 000F par m2 pour les routes enrobée grave
bitume. Ils de 45 000F à 100 000F par m2 pour les routes revêtue de bitume et
de 15 000F à 50 000F par m2 pour les routes en terre. Pour ce qui est des
dégradations par les engins à chenille, elle est de 50 000 à 100 000F par m2
pour des routes revêtues de bitume et de 20 000F à 50 000F par m2 dans le cas
des routes en terre.

La taxe communale de transit est un prélèvement effectué sur le bétail


en provenance d’un pays limitrophe qui transite par le Cameroun pour un autre
pays limitrophe. La taxe de transhumance quant à elle est perçue lorsque le
bétail d'un pays limitrophe vient paître pendant un certain temps sur le territoire
camerounais. La distinction entre les deux taxes est fonction de la durée du
bétail sur le territoire de la commune. Pour la taxe de transit, le fait générateur
et l’exigibilité sont représentés par l’entrée du troupeau sur le territoire
communal limitrophe. La taxe de transhumance quant à elle est exigible à partir
du 16ème jour à compter de l’entrée du troupeau. Un troupeau est en transit
jusqu’au 15ème jour suivant son entrée sur le territoire communal. Dès le 16 ème
jour, il est réputé être en transhumance. Dès lors, le paiement de la taxe
communale de transit auprès d’une commune à l'entrée du troupeau n’exclut
pas le paiement de la taxe de transhumance auprès de la même commune dès le
16éme jour. Le propriétaire du troupeau ainsi que toute personne qui
accompagne le troupeau est solidairement tenu au paiement de ces taxes. Les

1222
Art. 104 de la Circulaire conjointe n° 2335/MINATD/MINFI du 20 octobre 2010 précisant
les modalités d'application de la loi sur la fiscalité locale.
1223
Lorsque la canalisation, le terrassement ou la circulation des engins visés au présent article
est exécuté sans autorisation municipale préalable, les auteurs sont exposés au paiement d'une
pénalité de 100% du montant dû en principal, sans préjudice des sanctions prévues par les lois
et règlements. Ladite sanction est assise sur la superficie de la chaussée dégradée, constatée par
les services de la Commune sur procès-verbal.
407
taux de la taxe de transit et de transhumance sont définis par l’article 107 1224 de
la loi de 2010. Les recettes collectées au titre de la taxe de transit ou de
transhumance sont destinées intégralement à la commune concernée et ne font
pas l'objet de péréquation. La fraude au paiement de la taxe de transit ou de
transhumance est sanctionnée par une pénalité de 100% du montant dû en
principal pour chaque animal dissimulé.

La loi offre la possibilité aux communes qui abritent les produits de


carrière1225 d’instituer une taxe sur le transport des produits de ladite carrière.
Elle est applicable uniquement aux véhicules servant au transport des produits
extraits de la carrière, à l’exclusion des véhicules servant à l’exploitation de
ladite carrière. C’est une taxe perçue lors du chargement effectif des produits
dans la carrière. Les taux maxima fixés par la loi sont de 1 000 francs par
camion et par voyage pour les véhicules inférieurs à 6 tonnes, de 2 000 francs
par camion et par voyage pour les véhicules de 6 à 10 tonnes et de 3 000 francs
par camion et par voyage pour les véhicules de plus de 10 tonnes. Le
propriétaire du véhicule et le transporteur sont solidairement tenus au paiement
de cette taxe. Le non-paiement de la taxe de transport des produits de carrière
entraîne la mise en fourrière du véhicule.

Les droits d'occupation des parkings1226 sont aussi une innovation de la


loi de 2010. Le parking est entendu comme un espace aménagé ou matérialisé
par une commune, une commune d'arrondissement. Les parkings aménagés ou
matérialisés par une commune, une commune d'arrondissement ou une
communauté urbaine au profit des administrations publiques ou les parkings
aménagés par ces administrations elles-mêmes sont exempts du paiement du

1224
Bovins et équins : 200 à 500 francs par tête de bétail et par Commune ; ovins et caprins :
100 à 300 francs par tête de bétail et par Commune.
1225
Art.108 à 110 de la loi du 15 décembre 2009 précitée.
1226
Ibid., art. 111 et art. 112.
408
droit d'occupation des parkings. Le fait générateur et l'exigibilité coïncident en
matière d'occupation des parkings, et prennent effet à compter du stationnement
du véhicule. Les droits sont payés d'avance contre délivrance d'un reçu tiré d'un
carnet à souche sécurisé et portant une valeur faciale indiquant le tarif horaire.
Les tarifs des droits de parkings sont de 100 francs par heure ; 500 francs par
jour et par parking ; 75 000 francs par mois et par parking.

La taxe sur les produits de récupération est payée par le propriétaire des
produits récupérés à hauteur de 2 000F CFA par m3, au profit de la commune
de localisation. L'exigibilité court à partir du moment où lesdits produits
franchissent le cordon frontalier de ladite commune. Aucune exonération n’a
été mentionnée. Lorsque la taxe sur les produits de récupération n’est pas
acquittée par le propriétaire des produits récupérés à la suite du franchissement
de la frontière de la commune concernée, il s’en suit la saisie immédiate desdits
produits, majorée du paiement de 100% des droits dus en principal.

La taxe d’habitation comme la taxe foncière présente un taux


d’élasticité nul. Que la situation économique soit euphorique ou morose, la
valeur locative des biens ne varie pas, seule la taxe de développement locale
dans une certaine mesure permet aux CTD de bénéficier d’une ressource
réactive au climat économique.

2- L’exception au pouvoir de délibération des CTD : la taxe de


développement local
La taxe de développement local instituée par la loi portant fiscalité
locale est applicable de plein droit. La perception de cette taxe n’est pas
subordonnée au vote du Conseil municipal ou du Conseil de communauté. La
TDL est perçue en contrepartie des services d'éclairage public,
d'assainissement, d'enlèvement des ordures ménagères, de fonctionnement des

409
ambulances, d'adduction d'eau ou d'électrification. Cette exigence de
contrepartie s'entend de l'obligation qui pèse sur les Collectivités locales
d'œuvrer à la mise à disposition des services sus cités et à leur entretien. Par
ailleurs, il convient de noter que le produit de la TDL est affecté en priorité au
développement ou à l'entretien des services en cause. A ce titre, les prévisions
de dépenses de développement et de maintenance de ces services de base
devraient être au moins égales aux recettes de la TDL recouvrées au cours de
l'exercice précédent.
Aussi, sont soumises au paiement de la taxe de développement local, les
personnes morales et les personnes physiques, y compris celles redevables de
l’impôt libératoire et de la contribution des patentes pour leurs activités
professionnelles. Les personnes physiques sont, en dehors de celles assujetties à
la patente et à l'impôt libératoire, les employés du secteur public ou privé,
titulaire d'un salaire mensuel ou d'un rappel de salaire. Cependant les personnes
physiques ayant un salaire mensuel inférieur à 62 000 F CFA sont exonérées du
paiement de ladite taxe.
La TDL est assise sur le salaire de base pour les employés du secteur
public, et sur le salaire catégoriel pour ceux du secteur privé, ainsi que sur le
principal de l'impôt, s’agissant des assujettis de l’impôt libératoire ou de la
contribution des patentes.

TDL ne constitue pas le prix du service rendu. Ainsi le contribuable ne


peut-il pour contester sa dette arguer de la mauvaise utilisation des deniers
publics1227. Ce dernier ne peut refuser de payer la TDL au motif que celui-ci
financerait des dépenses contraires à ses principes1228.

1227
BOUVIER (M.), Introduction au droit fiscal …, op. cit., p. 21.
1228
Ibid.
410
La loi de 2010 précise cependant que, le salaire de base renvoie au
salaire indiciaire ou catégoriel servi à l’employé. Il n’intègre pas les indemnités
et autres avantages en nature qui participent à la formation du salaire brut1229.
Le salaire de base se distingue également du salaire net qui s'entend du salaire
brut diminué des prélèvements fiscaux et sociaux. Il est dû pour les personnes
physiques à partir du paiement du salaire à l'employé1230. Elle est exigible à la
même date auprès de l’employeur qui est tenu de la retenir à la source lors de la
rétention de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et les autres
prélèvements qui grèvent le salaire de l’employé.
Pour les personnes physiques ou morales redevables de l'impôt
libératoire ou de la patente, la TDL est due lors du paiement de l'impôt
libératoire ou de la contribution des patentes sur lesquels elle est assise. Les
entreprises de la Division des grandes entreprises et des CIME devront émettre
un ordre de virement unique pour la patente, lequel devra préciser la quote-part
de la TDL.
La loi portant fiscalité locale fixe des tarifs maxima de la TDL. Il
appartient ainsi aux communes et communautés urbaines bénéficiaires de
communiquer aux services des impôts, les tarifs arrêtés par le Conseil à
l'intérieur des fourchettes fixées par la loi. Lorsque les tarifs ne sont pas
communiqués aux services, ces derniers appliquent les tarifs minima. Le tarif
maximum d'une tranche constituant le tarif minimum de la tranche supérieure.
Pour les salariés du secteur public, le produit de la TDL est centralisé au
FEICOM et réparti à toutes les communes au même titre que les centimes
additionnels communaux.

1229
KOBINA GABA (H.), Le droit pour le salarié de vérifier les modalités de calcul de sa
rémunération, Dalloz, Etudes et commentaires, 11 septembre 2008, pp. 2209 - 2212. Et cf.
Dictionnaire - juridique.com et Juristravail.com.
1230
Ibid.
411
Cette même loi consacre cependant l’affectation du produit de la taxe
foncière sur les propriétés immobilières et des droits d’enregistrement sur les
mutations de propriété ou de jouissance d’immeubles à la commune du lieu de
leur situation. Et, il n’est plus perçu de centimes additionnels communaux sur
la taxe foncière.

En effet, les évaluations cadastrales utilisées pour les taxes foncières et


la taxe d’habitation ne reproduisent pas fidèlement l’évolution des loyers dans
l’espace et le temps, ce qui fausse les comparaisons. Seules les évolutions de
cotisations à matière imposable constante1231 ont un sens. En revanche, les
comparaisons de base de taxe professionnelle d’une commune à l’autre et leur
évolution dans le temps sont possibles puisque les bases sont homogènes.

B : Une modulation incontrôlée de la taxe indirecte


La TVA s’apparente à une taxe. Cette affirmation tire ses fondements de
la décision du juge dans l’arrêt Boulangerie Réunies où il considère la TVA
non pas comme un impôt mais comme une taxe1232. Au sens de Jean
LAFFERIERE et de Marcel WALINE, la taxe désigne une prestation
pécuniaire exigée d’un individu à l’occasion et à raison d’un avantage
déterminé que l’Etat lui a rendu1233. Pour les CTD, c’est une taxe indirecte.
Parce qu’elle rentre dans les caisses des Collectivités par le truchement de
l’Etat. Les modalités de partage de cette taxe qui présente un intérêt certain
pour les Collectivités sont déterminées par la loi.

1231
C'est-à-dire à consistance physique des propriétés donnée.
1232
MAITROT DE (L.), La notion d’impôt, cité par AKONO OMGBA SEDENA, thèse …
op. cit., p. 130 et ss.
1233
LAFFERIERE (J.) et WALINE (M.), Traité des sciences et de législation financière, Paris,
L.G.D.J., 1992, p. 234. Cité par CASTAGNEDE (B), la répartition des compétences
juridictionnelles en matière fiscale en droit français, op.cit., p. 39.
412
1- Des modalités de partage définies par la loi
Deux principaux instruments normatifs consacrent la TVA en droit fiscal
camerounais. Le premier relativement ancien est tiré de l’art. 12 (6) de la loi de
finances 1965-19661234.
Institué au Cameroun par la loi n° 98/009 du 1er Juillet 1998 portant Loi de
finance pour l’exercice 1998/1999 en son article 8ème, la taxe sur la valeur
ajoutée est une taxe d’essence communautaire mise en place par la Directive n°
1/99/CEMAC-028-cn. du 17 décembre 1999 votée par le Conseil de Ministres
de la CEMAC, entrée en vigueur le 1er Janvier 1999 après une période de
communication et de vulgarisation. « La taxe sur la valeur ajoutée constitue
alors une étape importante du processus de modernisation de la fiscalité
camerounaise » 1235. Amorcée en 1994 avec la réforme fiscale douanière. La
TVA vient remplacer la TCA constituée par l’acte n° 1/992 UDEA-596-CD-
SEI du 30 avril 19921236.

La TVA est un impôt unique étant donné qu’à l’issue d’un circuit
économique, la charge fiscale est assise sur le montant fiscal de la vente. Tout
se passe comme si le bien ou le service n’était taxé qu’au dernier stade c’est- à-
dire celui de la consommation. Les prestations de service sont taxées à la TVA
dès lors que l’une au moins, des trois conditions sont réalisées. Il s’agit du
prestataire qui doit être domicilié au Cameroun, du bénéficiaire de la prestation
qui doit également être domicilié au Cameroun. Il doit être immatriculé au
numéro d’identification unique (N.I.U) au Cameroun.

1234
Ce texte traite de la taxe sur le chiffre d’affaire, il dispose que « le taux de la taxe est de
10% pour les marchandises ou les produits importés et de 5% sur la valeur ajoutée pour la vente
ou les échanges sur le marché local des produits industriels de fabrication locale ».
1235
Précis de la fiscalité camerounaise 2010.
1236
Trois principaux textes juridiques définissent les origines de la TCA au Cameroun, d’abord
l’art. 1er de la délibération n° 240/55 du 5 Novembre 1955, ensuite l’art. 300 du CGI du 1er
juillet 1973 et enfin l’ordonnance n° 04/002 du 24 janvier 1994.
413
A cet effet, un prestataire est supposé domicilié au Cameroun lorsque
son domicile, sa résidence ou son centre d’intérêt se trouve au Cameroun, pour
des personnes physiques. Lorsque la société a son siège ou son principal
établissement, ou simple au Cameroun pour ce qui est des personnes
morales1237.

Une prestation est localisable au Cameroun lorsqu’elle y est réalisée


directement par l’intermédiaire d’un représentant, par un prestataire domicilié à
l’étranger. Il faudrait cependant que la principale de l’opération soit réalisée au
Cameroun.

La taxe sur la valeur ajoutée attribuée en partie à la Collectivité est


indéterminée. En effet, bien que la loi de finance locale précise les modalités de
partage de la TVA, les Collectivités n’ont pas à disposition un système
d’information permettant de savoir ce que l’Etat leur doit au titre de
reversement de la TVA. De ce fait, elles ne peuvent avoir que ce que l’Etat leur
donne. Aucune prévisibilité n’est possible. Ceci parce le nombre d’intervenants
dans la détermination du coût fixe n’influe pas sur le montant de la taxe. C’est
un impôt à paiement fractionné et chaque opérateur la facture sur sa propre
valeur ajoutée.

En somme, l’impôt partagé parmi lequel la TVA, est un impôt national


perçu d’une manière uniforme sur tout le territoire et donc le produit est en tout
ou en partie attribué aux Collectivités1238. La TVA présente de nombreux
avantages d’ordre général tout d’abord :

La TVA répond à un procédé de taxation indirecte dans lequel le


vendeur incorpore le montant de la taxe dans le prix du produit et se présente

1237
Prestataires immatériels, les études et prestations intellectuelles de toutes natures précises
de la fiscalité camerounaise.
1238
Art 47 (13), Loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009, op. cit.
414
comme un collecteur d’impôt. Il présente l’avantage de réduire le nombre
d’interlocuteurs de l’Etat dans la chaîne et facilite ainsi les contrôles ultérieurs
de l’administration. A contrario, la taxation directe présente l’inconvénient de
la multiplicité des intervenants dans le système ce qui entraîne des lourdeurs
dans le recouvrement de l’impôt et la taxation cumulative1239.

La TVA est une politique d’élargissement de l’assiette fiscale avec pour


corollaire la maîtrise des exonérations. Elle permet d’assurer une meilleure
répartition de la charge fiscale en général sur un plus grand nombre de
consommateurs tout en tenant compte de la situation des contribuables les plus
modestes1240. Ces exonérations se retrouvaient ainsi systématiquement avec une
taxe supportée mais non imputable, qu’elles étaient obligées de dépasser en
charge.

La TVA est une taxe particulière en ce qu’elle s’applique à la fois à des


personnes physiques de droit privé et de droit public mais aussi à des personnes
morales de droit public. Ils sont assujettis quels que soit leur statut juridique,
leur situation au regard d’autres impôts, ainsi que la forme ou la nature de leur
intervention dans le processus économique. Cependant les activités que l’Etat
ou les Collectivités exercent de leurs prérogatives de puissance publique sont
hors de champ de la TVA1241. L’assujettissent des personnes morales de droit
public vise à éviter une mauvaise concurrence avec les opérateurs privés.

1239
C’est le cas des impôts perçus à chaque étape de la chaîne de l’adoption des marges
successives des intervenants.
1240
Précis de la fiscalité camerounaise 2010, p. 11. Ministère des finances. Elle est l’opposée
sur le point de la TCA qui faisait perdre d’importante recette à l’Etat. En effet, la caractéristique
de l’énonciation est qu’elle prive l’assujetti du droit à l’éducation de la TVA qui a grevé le prix
de revient de ses opérations.
1241
Il s’agit des missions de défense nationale, de police, de diplomatie, de justice, d’état civil,
de sécurité publique.
415
2- Mais d’un intérêt certain pour les CTD

La TVA est l’impôt qui offre le plus de promesse en termes de partage


de ressources entre les Collectivités locales et l’Etat. Toute opération entrant
dans le champ d’application de la TVA est soumise à cette taxe dès lors qu’elle
peut être considérée comme réalisée sur le territoriale de la République du
Cameroun. On ne tient compte ni de la domiciliation du redevable réel et ni de
la spécification de la circonscription concernée. Il s’étend sur le territoire
continental, les eaux territoriales et le plateau continental. Dès lors, il convient
de localiser le lieu de réalisation de l’opération. Ainsi, dans le cas d’une vente,
elle sera taxable si elle est réalisée aux conditions de la livraison de la
marchandise au Cameroun1242.
Les ressources fiscales sont nécessaires pour les CTD. Ce principe est
tiré de l’article 13 et 14 de la Déclaration des droits. L’art. 13 précise que «
pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration,
une contribution commune est indispensable ». L’art. 14 évoque quant à lui
« la nécessité de la contribution publique », ce caractère indispensable et
nécessaire de l’impôt fonde implicitement selon le juge constitutionnel français
la légitimité du contrôle fiscal et la répression de la fraude. Il en résulte ainsi
que ni la fraude ni le refus de l’impôt ne sauraient se justifier au nom de la
liberté individuelle. Mais d’un autre coté comme les droits et liberté des
individuelles ne sauraient pas pour autant être remis en cause au nom du
principe de nécessité de l’impôt, il faut donc que les deux principes de nécessité
et de liberté puissent être conciliés. Cet impératif a notamment été rappelé par

1242
Le lieu de livraison doit être situé au Cameroun ; précis de fiscalité camerounaise, op. cit.,
p. 29.
416
le Conseil constitutionnel français a propos de la disposition réorganisant le
droit de perquisition fiscale au domicile des contribuables1243.

Section II : Les inflexions des impôts locaux


Le pouvoir fiscal local est confronté à deux grandes réalités. De par sa
nature imprécise, la fiscalité locale se plonge dans un système dont le maître
est l’Etat. Ce sont des limites que nous qualifions de techniques (paragraphe I).
A celles-ci viennent s’ajouter les limites politiques (paragraphe II).

Paragraphe I : Les Limites techniques

La reconnaissance d’un pouvoir fiscal local de rang constitutionnel se


heurte à deux grands principes garantis par la Constitution : la légalité fiscale et
l’égalité devant l’impôt, lesquels sont difficilement conciliables avec la
reconnaissance d’une trop large autonomie fiscale locale. Ces limitations
tiennent de la nature de l’impôt en général et du système fiscal en particulier.

A)- La nature de l’impôt concédé


L’imprécision ou l’ambiguïté des notions tant en fiscalité nationale que
locale est de nature à remettre en cause la compréhension des différents
mécanismes mis en place par le législateur. Gérard CORNU reconnaît cette
réalité de la complexité du droit fiscal quand il écrit « la polysémique est une
marque essentielle du vocabulaire juridique (…) En droit, le nombre de
signifiés est infiniment plus élevé que celui des signifiants. Les notions
juridiques beaucoup plus nombreuses que les mots pour les nommer »1244. A la
lumière de cette assertion doctrinale, l’on peut considérer que la construction du

1243
Art 89 de la loi des finances 1984, DC du 29 Décembre 1983, cité par BOUVIER (M.),
Introduction au droit …, op. cit., p. 32.
1244
CORNU (G.), Linguistique juridique, Paris, Montchrestien, 1930. Cité par RIALS (S.),
ALLAND (D.), Linguistique juridique, op. cit., pp. 952- 959.
417
droit fiscal local passe fondamentalement par la maîtrise du sens des mots dont
la vocation est de « contribuer au dévoilement de son objet, pour contribuer à
le décrire, voire à l’expliquer ou le faire comprendre »1245.

1- Définition

L’impôt local au terme de l’article (2) de la loi de 20091246 s’entend


comme tous les prélèvements opérés par les services fiscaux de l’Etat et par les
services compétents de Collectivités territoriales au profit de ces dernières.
L’ensemble de ces prélèvements est encore désigné sous le vocable des
« impôts locaux … ». Les impôts locaux comprennent : les impôts communaux,
les centimes additionnels communaux sur les impôts, les taxes de l’Etat, les
taxes communales, les impôts et taxes des régions, tout autre type de
prélèvements prévus par la loi. Le législateur camerounais a ainsi procédé à une
définition énumérative, et traduit le déficit conceptuel1247 du droit fiscal dont
parle Gérard TOURNIE.

L’impôt est suivant une approche échangiste à la thèse de l’impôt


assurance défendue par Montesquieu « une portion que chaque citoyen donne
de son bien pour avoir la sûreté de l’autre ou pour en jouir agréablement »1248.
Cette perception est remise en cause par Jean Jacques Rousseau qui y intègre, la
faculté contre nature de chaque citoyen.

Suivant Bernard Brachet à la suite de Gaston GEZE, l’impôt est «un


versement pécuniaire effectué par le citoyen à titre définitif et sans contrepartie

1245
QUINTANE (G.), Les notions juridiques et les outils langagiers de la science du droit, in
Tusseau (G.), (sous la dir. de), les notions juridiques, Paris, Economica, coll. Etudes juridiques,
2009, p.7.
1246
Loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale.
1247
GERARD (T.), « De l’impôt et des mots : réflexions sur le déficit conceptuel du droit
fiscal » in constitution et finances publiques : Étude en l’honneur de Loïc Philipe, Paris,
Economica, 2005, p. 603.
1248
MONTESQUIEU, L’esprit des lois livre XII, op. cit., IS79.
418
afin de participer aux charges communes de la Collectivité »1249. La notion
d’impôt est variable et plus souvent insuffisante sur le plan définitionnel par ce
qu’elle limite les personnes concernées.

Le doyen TROTABAS résume l’impression et le manque de


conceptualisation du droit fiscal de la manière suivante : « une première
difficulté tient à l’imprécision du vocabulaire utilisé par le législateur fiscal
(…) l’interprétation doit donc être précédente pour reconnaître une véritable
taxe à travers les qualifications légales qui sont incertaines. Il doit être
d’autant plus prudent que la distinction de l’impôt et de la taxe se présente
d’une manière différente quand il s’agit des finances locales »1250. A des
insuffisances conceptuelles viennent s’ajouter le caractère légal de l’impôt.

S’agissant du pouvoir fiscal local, choisir un autre terme pour exprimer


une réalité très proche de celle qui prévaut au niveau national consiste à
automatiser cette réalité. Utiliser le même terme en le circonstanciant, c’est-à-
dire en lui ajoutant le qualificatif « local » permet de valoriser
considérablement la faculté accordée tout en permettant dans certains cas, de
rappeler son caractère secondaire et différent au regard de la réalité étatique 1251.
En effet, la référence à la localité1252 permet ainsi de déclasser l’outil
pour l’adapter à l’infériorité des autorités locales. Ceci n’est passible que parce
que le mot ainsi circonstancié relève du vocabulaire étatique1253. La référence à
la localité permet de rassurer sur la conservation des prérogatives étatiques1254.

1249
BRACHET (B.), le système fiscal français, ed., Paris, LGDJ, 1983, p. 15.
1250
TROTABAS (L.) et COTTERET (J.-M.), op. cit., p. 17.
1251
PAVIA (M.-L.), Le transfert des compétences…, op. cit., p. 160.
1252
V. Partie I, titre II, chap. I.
1253
Ibid., p. 162.
1254
Ibid.
419
2- La légalité de l’impôt local
L’exigence de la conformité de l’impôt à la norme fiscale s’impose comme
un support théorique sur lequel repose le gigantesque chantier du droit.
La légalité est un principe en vertu duquel les autorités administratives sont
tenues dans les décisions qu’elles prennent de se conformer à la loi ou plus
exactement à la légalité, c’est-à-dire à un ensemble de règles de droit1255.
Ce principe postule au plan fiscal l’exclusivité de la compétence en matière
fiscale et fait référence à l’obligation qui incombe à l’administration de se
soumettre au droit durant la mise en œuvre de l’impôt local. Tout impôt doit
être voté par le parlement. Celui-ci est consacré par la Constitution
camerounaise, au terme de son préambule il est mentionné que « le peuple
camerounais affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites
dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Charte des
nations unies et la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples… »1256. Le corpus de la même loi énonce que la création d’impôts et
taxes et la détermination de l’assiette du taux et des modalités de recouvrement
de ceux-ci appartiennent au pouvoir législatif1257. Le constituant camerounais a
donc souscrit à une acception classique de la légalité de l’impôt qui prescrit
l’exigence selon laquelle tout impôt requis des citoyens, doit au préalable être
adopté par le peuple directement ou par le truchement de ses représentants.
C’est la traduction juridique du principe du consentement à l’impôt1258.
En vertu du principe de légalité fiscale, expression juridique du principe
du consentement de l’impôt découlant de l’article 14 de la Déclaration des
droits de l’Homme et du citoyen, il revient au législateur de fixer le régime de

1255
DE LAUBADERE (A.), Traité de droit administratif, 6eme éd. cité par BINYOUM (J),
cours de droit administratif, 2eme année de licence, p. 89.
1256
Préambule de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
1257
Art. 26 al. 3 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
1258
DANTOMEL (N.), Droit des Collectivités territoriales, Paris, léxifac droit 3eme éd., 2007,
p. 1.
420
l’impôt local. L’article 26 de la Constitution camerounaise précise à cet égard
que relèvent du domaine de la loi, « la création des impôts et taxes et la
détermination de l’assiette, du taux et des modalités de recouvrement de
ceux-ci ». Dans le même sens, les Constitutions ivoirienne1259, sénégalaise1260
et la Constitution gabonaise1261 disposent, dans des termes identiques, que « la
loi fixe les règles concernant (…) l’assiette, le taux et les modalités de
recouvrement des impositions de toute nature ».

Au surplus, la prise en charge par l'Etat d'une part croissante de la


fiscalité directe locale en fait le « premier contribuable local »1262. Le pouvoir
fiscal dans tous les Etats unitaires du monde est un pouvoir régalien puisqu’il
est étroitement lié à l’exercice de la souveraineté1263. Les communes ne
pourraient donc créer elles-mêmes une recette, déterminer leur montant et
procéder à leur recouvrement. Seul l’Etat a la compétence de créer un impôt,
qu’il soit national ou local. Il tire ses origines du principe du consentement de
l’impôt qui commande que l’impôt soit autorisé par le parlement 1264.

En tout état de cause, au-delà de sa contribution certaine à l’avènement


de la démocratie représentative, notamment en Angleterre, la législation fiscale
s’articule autour de l’exigence selon laquelle « le législateur est seul compétent
pour déterminer les éléments essentiels de l’impôt, notamment l’assiette, le
taux et les modalités de recouvrement »1265. C’est une institution avec une
« habilitation législative préalable »1266.

1259
l’article 71 de la Constitution ivoirienne.
1260
l’article 67 de la Constitution sénégalaise.
1261
l’article 47 de la Constitution gabonaise.
1262
BOUVIER (M.), Finances Locales, op.cit., p. 90.
1263
Ibid.
1264
Ibid.
1265
THEVENIN (P.), Le pouvoir réglementaire en matière fiscale, thèse, Université de
Bordeaux I, faculté de Droit, de Sciences sociales et politiques, 1975, p. 20.
1266
AKONO ONGBA SEDENA, L’apport du juge administratif au droit fiscal au Cameroun,
op. cit., p. 168.
421
On peut observer un assouplissement du principe matière de fiscalité
locale. Le rôle principal revient à l’Etat qui crée l’impôt local, fourchette les
taux et en assure le recouvrement. Si une loi vient à conférer aux communes les
pouvoirs en matière fiscale initiale, elle est frappée d’inconstitutionnalité pour
non conformité avec les articles 2 et 26 de la Constitution de 1996. Le premier
article affirme que la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce soit par
l’intermédiaire du Président de la République et des membres de l’Assemblée
nationale, soit par voie de référendum. L’article 26 alinéa 1 de la Constitution
camerounaise prévoit que la création des impôts et taxes, la détermination de
l’assiette, du taux et des modalités de recouvrement de ceux-ci relèvent du
législateur.

L’impôt se distingue de la taxe et de la redevance sur le plan national.


Ainsi, l'intervention de l'Etat dans le domaine de la fiscalité locale est
fondamentale. Au-delà des aspects normatifs, l'Etat, par son rôle de fermier et
par le jeu du compte d'avances, maîtrise les principaux flux d'encaissement des
Collectivités locales et assure déjà un lissage rudimentaire de leur trésorerie.

Dans les pays francophones d’Afrique, ce sont les services du Ministère


des finances qui établissent l’assiette, émettent les rôles et assurent le
recouvrement1267. Dans la plupart des cas, ces services de l’Etat n’ont pas de
relations contractuelles avec les Collectivités locales pour lesquelles ils sont
censés travailler. Ces dernières n’ont guère de possibilité de réaction en cas
d’insuffisance de performances de la part des services du Ministère des
finances1268.

Aux termes de la loi portant fiscalité locale, « l'Etat s'assure que le


rendement annuel des impôts locaux correspond à un taux proportionnel établi

1267
YATTA (P.-F.), op. cit., p. 122.
1268
Ibid., p. 123.
422
en rapport avec son niveau de ressources fiscales »1269. « A cet effet, les
services financiers de l'Etat impliqués dans la gestion fiscale des Collectivités
territoriales sont tenus d'assurer, avec la même efficacité que pour les impôts de
l'Etat, le recouvrement des impôts locaux dont ils ont la charge »1270. La loi
pose ainsi le principe d'efficacité et de rentabilité dans la gestion et le suivi des
impôts locaux. Afin de parvenir à ce résultat, les responsables des services
fiscaux de l'Etat et des Collectivités territoriales décentralisées doivent
déterminer annuellement : les objectifs quantitatifs de recettes attendues par
nature d'impôt et les indicateurs qualitatifs et quantitatifs de suivi-évaluation
desdites recettes1271.

Le terme « indicateur »1272 renvoie aux différents critères ou repères


devant permettre d'apprécier et d'évaluer mensuellement et trimestriellement le
niveau de rendement des impôts et taxes des CTD.

Par ailleurs, ce « partage fiscal » n'est pas non plus tout à fait illogique :
il correspond à la compensation d'externalités fiscales1273 engendrées par la
décision fiscale locale. Il traduit en outre l'interventionnisme fiscal de l'Etat au
nom de la cohérence d'ensemble du système, ou de la redistribution, ou
d'impératifs macro-économiques1274. S'il est sûr que cette prise en charge de
l'Etat a facilité les mutations fiscales évoquées ci-dessus, il n'est pas établi qu'il
s'agisse d'un signe d'une réelle défaillance du système fiscal, même si la
transparence des décisions en souffre, et si le contrôle local sur la fiscalité en
est altéré.

1269
Art. 6 de la loi portant fiscalité locale.
1270
Ibid., Art. 7.
1271
DANTOMEL (N.), Droit des Collectivités …, op. cit., p. 2.
1272
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p. 400 et ss.
1273
DANTOMEL (N.), Droit des Collectivités…, op. cit., p. 2.
1274
Règles de Co-variation des taux, plafonnement de la TP.
423
Ceci s’explique par la complexité dans la définition de l’assiette et des
modes d’évaluation des impôts, la difficulté de mettre en place au niveau local
une instrumentation adaptée pour connaître le potentiel fiscal et assurer
l’émission des rôles et le recouvrement, et la quasi-exclusion des Collectivités
locales de la chaîne fiscale.

L’information sur les centimes additionnels collectés par l’Etat reste très
opaque. Il n’y a pas de mécanismes en place permettant aux Collectivités
locales de prévoir ce qu’elles peuvent attendre de la fiscalité partagée avec
l’Etat.
Comme pour les centimes additionnels, les Collectivités locales n’ont
pas à disposition un système d’information leur permettant de savoir ce que
l’Etat leur doit au titre du reversement de la TVA. Si bien qu’elles prennent ce
que l’Etat leur offre. Là aussi aucune prévisibilité n’est possible.

La fiscalité locale camerounaise regorge des maux de la fiscalité


nationale tant il est qu’il ne s’agit que d’un transfert. Rétrocédé à la Collectivité
par l’Etat, c’est une fiscalité complexe fondée sur des évolutions archaïques1275.
Elle prend la forme d’un empilage d’impôt1276. Perçu sur une assiette identique,
ce qui nuit à la compréhension et à la clarté de la fiscalité pour le contribuable.

Pour qu’une Collectivité territoriale décentralisée jouisse d’un tel


pouvoir, il faudrait qu’elle ait la maîtrise parfaite de tout le processus de la
recette, du début jusqu’à la fin. A ce propos, en France comme dans les pays
d’Afrique noire francophone, le pouvoir de créer des impositions de toute
nature relève de la compétence exclusive du législateur, qu’il s’agisse de la

1275
DANTOMEL (N.), Droit des Collectivités …, op. cit., p. 2.
1276
Ibid., p. 3.
424
création des impôts nationaux ou locaux, ainsi que l’a confirmé le juge
constitutionnel français dans une décision du 6 mai 19911277.

Le principe de l’exclusivité de la compétence du législateur en matière


de création d’impôts nationaux et locaux a été défendu par certains auteurs1278

Mais cette approche, du reste minoritaire dans la doctrine, ne justifie pas


suffisamment le fait que le pouvoir fiscal local ne soit pas admis dans la
conception de l’Etat unitaire classique. Ainsi que le souligne fort bien François
Labie, « le consentement à l’impôt pourrait très bien être donné par les
représentants locaux des citoyens dès lors que ceux-ci seraient investis d’une
légitimité démocratique suffisante (ce qui est le cas des assemblées locales
élues au suffrage universel direct) et que l’impôt ainsi crée aurait un champ
d’application strictement limité au territoire de la Collectivité locale qui l’a
institué »1279.

Pour cet auteur et beaucoup d’autres1280, c’est sur les principes de


l’indivisibilité de la République et de la souveraineté dont résulte le caractère
unitaire de l’Etat qu’il faudrait fonder la compétence exclusive de création des
impôts de toutes natures par le législateur national. Autrement dit, le caractère
unitaire de l’Etat s’opposerait à ce qu’une Collectivité territoriale décentralisée
crée par ses délibérations un impôt local.

Cette dernière conception nous semble sérieusement discutable. Elle


s’accommode en effet mal à l’esprit de l’Etat unitaire « décentralisé » moderne,

1277
Décision n° 291 DC, Rec., p. 40.
1278
AMSELEK (P.), « Les aspects financiers de la décentralisation en France » in RA, 1978,
Doct. et Inf., cité par F. Labie, (cours), op. cit., p. 11.
1279
LABIE (F.), Cours…, op. cit., p. 12.
1280
PHILIP (L.), « Les garanties constitutionnelles du pouvoir financier local », RFD adm.,
mai-juin 1992, p. 454 ; ROUX (A.), « Le Conseil constitutionnel et la décentralisation » in G.
Gilbert et A. Delcamp (s. dir.) La décentralisation, dix ans après, LGDJ, Coll. Décentralisation
et développement local, Paris, 1993, p. 55 et s.
425
qui semble désormais admettre, malgré les réticences observées dans de
nombreux pays, l’existence d’un pouvoir fiscal local à côté du pouvoir national
comme moyen d’accomplissement de l’autonomie financière proclamée par les
Constitutions modernes.

Songeons que dans les systèmes juridiques des Etats unitaires


décentralisés, les Collectivités territoriales n’ont aucun pouvoir initial de
création de leurs impôts locaux. Tout au plus, disposent-elles de ce que J.-P.
Ferrand qualifie de « pouvoir fiscal délégué »1281 pour désigner la multitude de
taxes auxquelles elles peuvent recourir après habilitation du législateur.

En outre, sous réserve de la distinction entre la recette proprement


fiscale de celle ayant la nature de redevance, les assemblées locales détiennent
par contre la plénitude de pouvoir des redevances payées par les usagers en
contrepartie d’un service public local rendu. Cette dernière pratique a été
plusieurs fois confirmée en France aussi bien par le Conseil d’Etat que par le
Conseil constitutionnel, lesquels excluent nettement des taxes fiscales ou « des
impositions de toutes natures » la rémunération perçue à l’occasion d’un
service rendu, dès lors que celle-ci répond aux trois critères1282suivants : être la
contrepartie d’un service rendu, être payé par l’usager effectif du service, être
proportionnel au coût du service rendu.

Au total, le pouvoir de création de la recette fiscale semble s’imposer


comme un impératif catégorique pour qu’une Collectivité territoriale puisse
prétendre à une indépendance financière vis-à-vis de l’Etat. Ce pouvoir de

1281
FERRAND (J.-P.), Le pouvoir fiscal des autorités locales, thèse, Université Aix-Marseille,
1992, pp. 95-103.
1282
V., CE 24 mai 1991, Mme Carrére, AJDA, 1991, p. 740, obs. Lemire. V. aussi CE, 25
janv. 1978, Imbert, RD publ. 1978, p. 1456, note Drago ; V. aussi CE, 10 nov. 1993,
Commune de Mirabeau sur Bèze C/M Roux, in Annuaire des Collectivités locales, 1994, p.
191.
426
création de la recette est indissociable de la détermination de l’assiette de cette
dernière. Mais ici encore, quelques précisions s’imposent.

B)- Les difficultés du système fiscal local

Le système fiscal comprend, en dehors des taxes qui on été déjà


mentionnées, deux formes différentes d’imposition :
Il existe des impôts locaux liés à l’impôt d’Etat : c’est le système le plus
simple, puisqu’il suffit d’intéresser les régions ou la commune au rendement
d’un impôt d’Etat par l’adjonction de centimes additionnels au principal que
constitue cet impôt d’Etat. Ce système établi par la révolution, a fonctionné en
France jusqu'en 19171283. C’est la formule dite du principal fictif1284. Cette
formule a été reprise avec le régime des taxes additionnelles perçues au profit
des budgets locaux au titre de l’impôt sur chiffre d’affaires ou des droits
d’enregistrement.

Il existe des impôts locaux indépendants de l’impôt d’Etat. C’est-à-dire


spécialement créés à l’usage des Collectivités locales et exclusivement perçus
pour les besoins de leurs budgets. Il existe aussi des impôts locaux facultatifs.
Les assemblées locales décident s’il y a lieu de recourir à ces impôts que la loi
met à leur disposition1285.

Pour une grande majorité de la doctrine, la fiscalité locale apparaît


comme un empilement hétéroclite d'impôts réputés archaïques1286, un amas de

1283
JØRGEN LOTZ, Limites de la fiscalité locale, péréquation financière et méthodes de calcul
des dotations, Conseil de l'Europe, 1998, p. 56.
1284
CASTELLUCCI (L.), Répercussions sur l'autonomie financière des Collectivités
territoriales des limites de l’endettement public national fixé dans un contexte européen,
Conseil de l'Europe, 2000, p. 20.
1285
Art. 3 de la loi portant fiscalité locale.
1286
EDOARDO TRAVERSA, L'autonomie fiscale des Régions et des Collectivités locales
face au droit communautaire : analyse et réflexion à la lumière des expériences belges et
italienne, Larcier, 2010, p. 567.
427
mesures fiscales dérogatoires nées au gré des préoccupations successives du
législateur1287. Un système mal équilibré entre l’Etat et les Collectivités locales
de divers niveaux, entre les ménages et les entreprises : un système anti
économique1288, obstacle voire ennemi de l'aménagement du territoire, coûteux
à administrer voire ingérable. Le mot est lâché : le système fiscal est à bout de
course1289 ; ingéré parce qu'ingérable. Pour nous la limite principale du système
fiscal serait l’incapacité pour les CTD de créer l’impôt local et l’encadrement
du taux de l’impôt local.

1- Incapacité de création de l’impôt


Si le choix est donné au terme de l’art. 3 de constituer l’assiette d’une
Collectivité, il leur est cependant retiré la possibilité de créer l’impôt, en vertu
du principe de légalité de l’impôt. Cependant, les assemblées délibérantes sont
elles aussi constituées des représentants du peuple pour créer elles-mêmes ses
impôts. Suite à la lecture des textes, force est de constater que le constituant en
vue de prévenir un désordre fiscal local a fait le choix de constituer un panier
fiscal pour servir de base à la constitution de l’assiette fiscale de chaque
Collectivité.
La fiscalité indirecte locale recouvre de nombreuses taxes d'importance
très inégales. La structure des impôts varie sensiblement d'un type de
Collectivités territoriales à l'autre. La superposition des taxes directes locales, et
parfois indirectes, favorise une certaine concurrence fiscale entre niveaux
différents d'administrations décentralisées mais impose aussi en retour un
minimum de coopération pour prévenir un alourdissement excessif des
prélèvements.

1287
DANTOM.EL (N.), Droit des Collectivités…, op. cit., p. 3.
1288
CASTELLUCCI (L.), Répercussions sur l'autonomie financière …, op. cit., p. 21.
1289
DANTOMEL (N.), Droit des Collectivités…, op. cit., p. 3.
428
Les évaluations cadastrales utilisées pour les taxes foncières et la taxe
d'habitation ne reproduisent pas fidèlement l'évolution des loyers dans l’espace
et le temps, ce qui fausse les comparaisons. Seules les évolutions de cotisations
à matière imposable constante (c'est-à-dire à consistance physique des
propriétés données) ont un sens. En revanche, les comparaisons de base de taxe
de développement local d'une commune à l'autre et leur évolution dans le temps
sont possibles puisque les bases sont homogènes.

2- La question de la concurrence fiscale entre les Collectivités


territoriales décentralisées

L’une des conséquences, lorsque les Collectivités décentralisées ont la


possibilité de fixer librement les taux d’imposition, c’est qu’elles rivalisent
entre elles pour attirer les opérateurs économiques. Elle peut toutefois dans
certains cas être un facteur d’efficacité et de développement. Cependant si elle
est incontrôlée et injustifiée, elle peut aboutir à des écarts injustifiés entre les
charges supportés par les entreprises en fonction de leurs locations1290. Elle peut
donc entraîner des distorsions de la concurrence et provoquer la concentration
de l’activité économique plus rentable sur le territoire des Collectivités plus
favorisées. L’orientation du législateur camerounais contrairement à son
homologue français paraît plus adéquate. C’est à certitude suivant l’équilibre
économique entre les Collectivités qu’est l’esprit de la loi de 2010 sur la
fiscalité locale au Cameroun. L’encadrement du taux1291 par le législateur ; si
elle est une limite à la décentralisation fiscale ; elle s’avère indispensable et

1290
Conseil de l’Europe ; limite et critique de la fiscalité locale ; péréquation financière et
méthode de calcul des dotations ; n° 65, p. 45.
1291
Ainsi, dans un premier temps, le législateur détermine une fraction du taux de l’impôt
partagé de telle sorte que le produit de l’imposition couvre intégralement les transferts de
charge ; dans un second temps, il détermine la méthode permettant à chacune des Collectivités
prises individuellement d’être elle-même affectataire d’un pourcentage de ce taux en fonction
d’éléments locaux. Il s’agit donc bien d’une ressource propre au sens de la Constitution et de la
loi organique, dans la mesure où il existe un taux de taxe par Collectivité.
429
constitue la protection pour les Collectivités qui ne disposent d’aucune défense
contre ce type de concurrence. L’une des solutions émises par le législateur est
l’appel au système de l’impôt partagé. Elle illimite le risque de la concurrence
fiscale sans pour autant priver les Collectivités locales de l’accès à l’impôt en
question.

Paragraphe II : Les limites politiques

Le transfert financier du gouvernement central aux Collectivités


territoriales décentralisées1292 met sur la scène la problématique du déséquilibre
fiscal vertical1293.

Outre cet élément d’autres raisons pourraient être avancées pour justifier
certaines limites à la fiscalité locale, elles sont liées essentiellement à la
poursuite des objectifs nationaux. Il s’agit d’assurer la cohérence des politiques
économiques locales avec les objectifs de la politique économique nationale,
notamment le contrôle de la pression fiscale globale et des dépenses publiques,
éviter les situations qui affectent la concurrence entre les opérateurs
économiques, poursuivre un développement régional et local équilibré et
durable.

A)- Le contrôle de la pression fiscale globale

Certains facteurs macro-économiques1294 sont invoqués pour justifier


l’établissement de contrôle sur la politique fiscale des Collectivités locales. En

1292
Une décentralisation complète supposerait que les gouvernements centraux renoncent à cet
instrument.
1293
Conseil de l’Europe ; limite et critique de la fiscalité locale ; péréquation financière et
méthode de calcul des dotations, op. cit., p. 20.
1294
Ibid.
430
effet, les recettes fiscales propres des Collectivités décentralisées ne suffisent
pas à couvrir la totalité de leurs dépenses. La principale explication de cette
situation réside sans doute dans la réticence des autorités nationales à accorder
une pleine autonomie fiscale aux Collectivités craignant que les politiques
mises en œuvre au niveau local, soustraite à tout contrôle, puissent faire
obstacle ou pire, puissent faire échec aux politiques économiques définies à
l’échelon national. Elle justifie ainsi l’orientation du législateur camerounais.
Lorsque les Collectivités disposent de l’impôt sur le revenu des particuliers
l’importance quantitative des taux d’impositions marginale ne sont plus
contrôlés par le gouvernement central, les problèmes surgissent du fait que le
gouvernement central a également besoin des recettes générées par l’impôt sur
le revenu. C’est pourquoi on peut considérer ceci comme une limite.

1- L’impact sur l’autonomie fiscale

« Boîte de pandore » de la traduction unitaire de notre Etat, l’autonomie


financière inquiète par sa facilité d’octroyer aux Collectivités infra-étatiques
une part de « souveraineté fiscale » qui pourrait mettre en péril l’application de
principes de droit constitutionnel financier déclare LOÏC Philipe1295. Cette
souveraineté fiscale est entendue par Nicolas GUILLET dans son article,
« l’avenir de l’autonomie financière des Collectivités territoriales après la loi du
29 juillet 2004 », comme «la compétence pour une Collectivité d’exercer, la
totalité du pouvoir en matière d’imposition : création de l’Impôt, fixation de
l’assiette et des taux, recouvrement et suppression de l’impôt »1296. Le
professeur Loïc Philipe rappelle d’ailleurs à cet effet que, l’autonomie fiscale
accordée aux Collectivités ne peut raisonnablement être qu’une simple

1295
LOÏC (P.), « Les garanties constitutionnelles …, op. cit., p. 7.
1296
GUILLET (N.), « L’avenir de l’autonomie financière des Collectivités territoriales après la
loi du 29 juillet 2004 », RGCT, janvier-février. 2005, n° 32, p. 45.
431
compétence fiscale1297. Dans le même sens, «les principes de légalité de
l’Impôt et d’égalité devant l’impôt s’opposent à ce que les Collectivités locales
bénéficient sur le plan fiscal d’une très grande liberté d’action »1298. Le
Conseil constitutionnel français souligne à cet effet que le principe de libre
administration s’applique «dans les conditions prévues par la loi ». Le
législateur camerounais le précise à suffisance dans la loi constitutionnelle du
18 janvier1996 que les conditions d’application de la libre administration seront
fixées par la loi1299. Ceci implique que le législateur n’est pas dans l’obligation
de permettre à chaque Collectivité de fixer le montant de ses impôts locaux.
L’introduction d’impôts localisés et partagés comme des ressources propres des
Collectivités territoriales conduit l’autonomie fiscale dans une impasse
constitutionnelle.

L’autonomie fiscale est indéniablement source d’autonomie financière,


mais elle ne peut être la seule, car comme l’affirme LOÏC Philipe « ce qui
importe c’est le niveau des ressources et la garantie d’une certaine
stabilité »1300.

Le système de financement des Collectivités territoriales décentralisées


reste illisible pour bon nombre de citoyens1301. En effet, si la loi définit les
ressources locales, elle n’éclaircit pas à suffisance les mécanismes de
financement des projets locaux. Aussi le flou existant permet de mettre en
doute sa légitimité1302 LDP.

1297
LOÏC (P.), « Les garanties constitutionnelles … », op. cit., p. 12.
1298
Conseil de l’Europe, Limite et critique de la fiscalité locale ; péréquation financière et
méthode de calcul des dotations ; n° 65, p. 24.
1299
Art. 55 al. 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
1300
LOÏC (P.), « Les garanties constitutionnelles … », op cit., p. 46.
1301
Cf. Rapport du MINAT du 21 Fév. 2008 sur la fiscalité et le régime financier des CTD.
1302
CABANNES (M.), Les finances locales sur la paille ? Des vaches grasses aux vaches
maigres, le bord de l’eau, coll. L’économie encastrée, EAN, 2011, 158 p.
432
Les Collectivités locales sont financées par les impôts locaux qui
demeurent pour le moins complexes et opaques, ainsi que par les concours
financiers de l’Etat qui ne sont pas moins compliqués. Dans ces conditions, les
liens entre les dépenses et les recettes locales sont distendus. Ce qui met à mal
la falsification de l’impôt local selon laquelle celui-ci permettrait aux électeurs
de mieux apprécier l’opportunité des politiques publiques locales à la lumière
du coût qu’il leur faut supporter.

Les impôts locaux au Cameroun regorgent d’abord des insuffisances de


l’impôt face au citoyen de l’impôt national. Ceci étant, il peut paraître difficile
de justifier à travers le champ fiscal, l’autonomie des Collectivités
décentralisées en général et l’autonomie financière en particulier.

L’impression du caractère théorique ou réel des ressources a accru sans


contexte la marge d’action du parlement mais également celle de l’Etat. Force
est de constater que l’orientation choisie permet de penser que les impositions
de toutes natures sont à la fois composées d’impôts localisés et d’impôts
partagés. Ces derniers permettent de partager le produit des impôts d’Etat en le
transférant, totalement ou partiellement, du centre à la périphérie.
L’information et la perte d’emprise des Collectivités territoriales sur le type de
transfert fragilisent sensiblement leur indépendance fiscale. Il apparaît comme
« un faux transfert d’impôts »1303. Le Pr. Jean Marie Portier souligne que du
point de vue des principes, en effet, on voit comment il est possible de
considérer un impôt d’Etat comme une ressource propre, sauf à enlever
l’essentiel de son sens à cette expression, tout au moins, si l’on se place du
point de vue des Collectivités territoriales1304.

1303
L’expression empruntée à LOURSON (C.), L’autonomie financière des Collectivités
locales, op.cit.
1304
POMTIER (J.-M.), « Sur les notions controversées. "Ressources propres", "Ensemble de
ressources "Part déterminantes" », 1er Juillet 2004, Revue Administrative n° 340, p. 397.
433
Le législateur organique camerounais, dans la loi de 2010 a fait opérer
un distinguo entre les impôts concédés aux communes et communautés
urbaines et des régions. Implicitement il a procédé à une sorte de localisation
de l’impôt, il opère ainsi une délimitation dans la matière imposable afin
qu’elle puisse servir de base de calcul à l’impôt1305. Si l’idée s’avère être
porteuse de leur autonomie fiscale, sa faisabilité n’en est pas moins douteuse.
Cependant même si les Collectivités voient à travers ce mécanisme une
adoption de la fiscalité à leur situation particulière, il reste que la difficulté
fiscale locale l’est toujours et limite ainsi une autonomie fiscale véritable.

Le législateur organique semble avoir fait le choix très clair de


l’autonomie budgétaire au détriment de l’autonomie fiscale en encourageant un
partage des impôts nationaux, plutôt que de favoriser la création de nouveaux
impôts locaux.

L’inexistence expresse de la production dans ce domaine essentiel aux


Collectivités par le Conseil constitutionnel est de force insuffisante pour
empêcher le législateur d’envahir progressivement la matière. Il est donc
indéniable qu’une emprise forte du législateur sur les finances locales soit
réduite.

B : Eléments nécessaires pour une meilleure autonomie fiscale


locale camerounaise
Pour permettre à l’autonomie fiscale de donner ses meilleurs effets et
pour limiter au maximum certains de ses inconvénients, il est nécessaire qu’elle
soit accompagnée de certaines contreparties :

1- Elle implique une bonne assise des impôts locaux

1305
V. la définition donnée par HISCLAUDE (J.) et MARCHESSON (P.), Droit fiscal général,
Paris, Dalloz, Cours 1987, n° 9, p. 5.
434
Les bases des impôts doivent être rationnelles et équitables par rapport
aux ménages et aux entreprises1306. L’assise territoriale des impôts doit être
assez large pour limiter au maximum les distorsions économiques et sociales.
Enfin, il importe que le degré d’autonomie fiscale soit suffisant. C’est-à-dire
que les impôts sur lesquels la Collectivité a une marge d’autonomie
représentent un pourcentage significatif des ressources de fonctionnement. Elle
impose des contraintes de transparence et de lisibilité.
Une des contreparties de l’autonomie financière et fiscale réside dans
l’obligation, pour les Collectivités, de rendre des comptes non de façon
purement formelle mais selon des règles et des modalités permettant un
véritable débat public1307 et donc un réel contrôle des citoyens, non seulement
sur la régularité mais également sur l’efficacité de la gestion. Elle doit se
concilier avec une discipline collective.

L’autonomie fiscale locale implique aussi que l’Etat et les Collectivités


territoriales se mettent d’accord sur des règles du jeu en matière de régulation
globale des prélèvements obligatoires et de l’endettement.

2- Les mécanismes régulateurs de la pression fiscale locale


Par rapport aux impôts assis sur les activités économiques, il importe de
préserver des mécanismes modérateurs, des plafonds, un lien avec les impôts
sur les ménages. Par rapport aux impôts sur les ménages, il importe de
préserver le lien fiscal en évitant un trop grand nombre d’exonérations et en
veillant à maintenir ou renforcer ce lien citoyen à tous les niveaux territoriaux.
Elle est indissociable de dispositifs correcteurs des inégalités1308.

1306
Cf. Conférence de Yalta, 2000.
1307
Ibid., p. 19.
1308
Ibid., p. 20 et ss.
435
L’autonomie fiscale ne va pas sans inégalités. Dès lors, si l’on ne veut
pas que les principes de libre administration et d’autonomie financière restent
des vœux pieux pour les Collectivités les plus pauvres, il importe de mettre en
œuvre des mécanismes de péréquation financière efficaces et une politique
d’aménagement du territoire volontariste1309.

1309
Ibid.
436
CONCLUSION DU CHAPITRE I

Analyse faite, force est de constater qu’en matière fiscale, les


compétences exclusives des Collectivités territoriales décentralisées se résume
en matière d'assiette, l'instauration dans la circonscription communale des taxes
communales déjà créées par la loi et la fixation des taux et tarifs dans les
limites et fourchettes prévues par la loi, par le Conseil municipal lors de la
session budgétaire annuelle. Toutefois, la notion d’impôt est indissociable des
mécanismes généraux auxquels obéit la mise en œuvre des impositions. Le
droit fiscal local camerounais distingue à cet égard deux grands types de
mécanisme de l’assiette d’une part, celui de la liquidation et du recouvrement
d’autre part. Ce dernier élément fera l’objet de l’analyse de la seconde séquence
de ce titre.

437
CHAPITRE II :
LA CONTRIBUTION DES CTD AU
PRELEVEMENT ET A LA GESTION DES
IMPOTS LOCAUX

Pourquoi de nombreux arguments s’opposent à la certitude juridique


d’une autonomie financière ? A cette question deux grandes séries de réponses
sont à aborder. L’une ayant déjà fait l’objet d’analyse et l’autre tout aussi
officielle et incontestablement pertinente est la prise en compte des
particularismes locaux en matière de ressources. Parmi eux il y a les
mécanismes de prélèvement des impôts locaux. Ces mécanismes sont à la fois
effectués par les CTD et par l’Etat. Ils sont gorgés de règles générales fixées
pour les impôts étatiques et des règles spécifiques.

438
Section I: Les outils de prélèvement fiscal

Percevoir, écrit Rey D’ALAIN « désigne au sens matériel … l’action de


recouvrer une somme d’argent, un impôt »1310. Les modes de perceptions
désignent au sens de Pierre BELTRAME « l’ensemble des procédures par
lesquelles l’impôt passe du patrimoine du contribuable vers les caisses du
trésor »1311. Le législateur camerounais a défini un certain nombre de
procédures qui ne mettent pas à l’écart les CTD. En effet, si l’on observe le
pilotage de la fiscalité locale il reste une marge de manœuvre dont disposent les
Collectivités. De l’administration par des mécanismes directes (I), les CTD sont
confrontés a une présence excessive de l’Etat dans les mécanises indirectes de
recouvrement (II).

Paragraphe I : Une co-administration du recouvrement local


par des mécanismes directs

Les procédures de recouvrement des impôts locaux sont propres aux


Collectivités locales, étant donné qu’elles détiennent des généralités et des
spécificités en la matière.

A)- Le recouvrement des impôts directs par les CTD


Le champ d'intervention des Collectivités locales dans le recouvrement
des impôts locaux est réduit aux seules taxes communales, qui n'ont qu'un
intérêt local. Mais on constate un glissement inexplicable. Le législateur ayant
transféré le recouvrement à la Commune de l'impôt libératoire qui est un impôt
communal alors que son assiette est de la compétence des services fiscaux de
l'Etat, à l’exception des localités où les centres des impôts n'existent pas. De

1310
D’ALAIN (R.), Dictionnaire historique de la langue française, éd. le Robert, 1992, p. 1474
cité par AGRON, Histoire du vocabulaire fiscal, op. cit., pp. 213 -214.
1311
NZENGUET IGUEMBA (G.-A.), Colonisation, fiscalité et mutations au Gabon, 1910-
1947, Paris, Harmattan , 2005, p. 27.
439
même, la taxe de développement local qui est une taxe communale, est assise et
recouvrée par les services fiscaux de l'Etat et seul son produit recouvré est
rétrocédé aux Collectivités locales.

Tout cela traduit une insuffisance dans la stricte application du principe


de subsidiarité dans la répartition des compétences entre les deux personnes
morales de droit public. Mais en règle générale, la compétence des Collectivités
décentralisées dans le recouvrement est limitée aux seules taxes communales,
qu'il s'agisse du recouvrement spontané ou amiable.

1- Le recouvrement forcé par les CTD de la taxe communale


La mise en œuvre de la compétence de recouvrement des taxes
communales par les communes obéit aux règles générales de procédures
prévues en matière de recouvrement forcé, par le Livre des Procédures Fiscales.
C'est dans ce sens que l'article C120 du C.G.I précise que « les dispositions du
Livre des Procédures Fiscales du Code Général des Impôts s'appliquent,
mutatis mutandis, aux impôts, droits et taxes des Collectivités territoriales, sous
réserve des spécificités énoncées dans le présent code ». On comprend donc
que les procédures de recouvrement forcé des taxes communales par les
communes, obéiront aux mesures de droit commun que sont le commandement,
la saisie et la vente des biens. De même qu’elles obéiront aux mesures
particulières que sont la fermeture d'établissement, le blocage des comptes
bancaires, l'exclusion des marchés publics, et l'avis à tiers détenteur. Toutefois,
bien que l'article C120 du CGI paraisse être la base d'une extension générale à
la fiscalité locale des règles de procédures existantes pour les impôts et taxes de
l'Etat, l'application des mesures particulières de recouvrement forcé par les
Collectivités poserait des problèmes de précision de l'auteur desdites mesures.
Il faut dans ce sens préciser que le législateur a expressément prévu que pour
les mesures de droit commun de recouvrement forcé, le chef de l'exécutif

440
communal doit par exemple autoriser de manière expresse la vente des biens
meubles saisis1312. Dans le cas des mesures particulières de recouvrement forcé,
le silence du législateur laisse penser que leur mise en œuvre semble interdite
aux Collectivités locales. Toutefois, l'article C120 précise déjà l'existence des
règles de procédures spécifiques au recouvrement forcé des taxes communales.
Les règles spécifiques qui tempèrent l'application, dans le recouvrement
forcé des taxes communales, des règles générales de procédure prévues en la
matière par le LPF, concernent l'effet immédiat du titre exécutoire ainsi que le
délai de la vente des biens saisis.

 L'effet immédiat du titre exécutoire


Contrairement aux procédures fiscales applicables aux impôts de l'Etat
dans lesquelles le titre exécutoire qui est l'avis de mise en recouvrement ou le
titre de perception donnent un délai de 15 jours au contribuable pour payer sa
dette, suivi d'un commandement ou mise en demeure accordant un délai
supplémentaire de huit (08) jours au redevable, le titre exécutoire des taxes
communales livré par le Maire a un effet immédiat1313. Ainsi l'ordre de recette
ou le titre de recette non payé immédiatement par le contribuable entraîne
d'office la saisie par les agents de recouvrement communaux, des
marchandises, des biens ou des bêtes.
 L'encadrement du délai de vente des biens saisis
Les biens, marchandises ou bêtes saisis par le Receveur municipal peuvent
être vendus aux enchères dans un délai de 30 jours à compter de la saisie, si le
contribuable n'a pas apuré sa dette fiscale. Et cette vente doit être autorisée par
le chef de l'exécutif municipal.

1312
Art. 130 al. 6 de la loi du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale précitée.
1313
Art. 130 al. 2 du CGI.
441
2- Le recouvrement spontané par les CTD de la taxe communale
Le recouvrement spontané des taxes communales se fait soit par ordre
de recette soit par reçu tiré d'un carnet à souche.
 Le recouvrement spontané par ordre de recette

Les taxes communales faisant l'objet d'une procédure de déclaration


contrôlée sont, en dehors de la taxe de développement local, perçues sur la base
d'un ordre de recette. Ces taxes sont émises et liquidées exclusivement par les
services d'assiette de la commune, et le bulletin d'émission correspondant est
signé par le chef de l'exécutif communal qui agit comme ordonnateur de la
recette1314. La taxe est ensuite acquittée à la caisse du Receveur municipal qui
est le comptable de l'opération, et qui en délivre une quittance. Les taxes ainsi
payées directement à la caisse de la Recette municipale contre délivrance d'une
quittance1315.
Les droits d'occupation temporaire de la voie publique (OTVP) sont
payés à la caisse de la Recette municipale sur présentation de l'autorisation
d'occupation accompagnée d'un titre de recette émis par le Maire.

La redevance pour dégradation de la chaussée, qui est recouvrée par le


Receveur municipal se fait sur présentation de l'autorisation préalable et de
l'ordre de recette émis par le chef de l'exécutif communal.

La commune exerce ainsi sa compétence de recouvrement dans le cadre


d'un processus de déclaration contrôlée. Toutefois, les autres taxes sont
recouvrées dans le cadre d'un processus différent, impliquant l'émission d'un
reçu tiré d'un carnet à souches.

 Le recouvrement spontané par l'émission d'un reçu tiré d'un carnet


à souches

1314
Ibid., Art. 132 et art. 133.
1315
Art. 128 al. 6 de la loi du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale précitée.
442
Le caractère éphémère, évanescent de certaines matières imposables
amène le législateur à instituer, en lieu et place de la procédure de déclaration et
de paiement contrôlés, celle plus pragmatique de recouvrement par émission
d'un ticket tiré d'un carnet à souche. Il s'agit ici d'un régime de recouvrement
immédiat, qui prive le contribuable du bénéfice des délais de déclaration, et qui
apparaît comme « ... une garantie lorsque le contribuable ou la matière
imposable peut disparaître avant le paiement »1316. La procédure de
recouvrement dans ce cas consiste à délivrer, contre la perception des taxes, un
ticket tiré d'un carnet à souches au contribuable. Ce travail est effectué par un
agent municipal intermédiaire entre le Receveur municipal et l'ordonnateur de
la recette qu'est le Maire de la commune. Ensuite, cet agent intermédiaire
procède, dans un délai ne devant pas dépasser 24 heures, au reversement global
des sommes recouvrées auprès de la caisse de la Recette municipale, contre
délivrance d'une quittance.

Cette procédure est appliquée pour le recouvrement d’un certain nombre


de taxes parmi lesquels les droits de places sur les marchés, constitués des
loyers mensuels des boutiques et des tickets journaliers de droits de places, qui
sont collectés par un agent intermédiaire de recettes contre la délivrance d'un
reçu tiré d'un carnet à souches sécurisé et portant la valeur faciale imprimée,
égale.

En marge de ces deux modes de recouvrement spontané des taxes


communales, le droit de timbre communal et la taxe de stationnement sont
payés directement à la Recette municipale contre délivrance d'une vignette ; par
ailleurs, les Collectivités locales disposent d'une compétence de recouvrement
forcé qui est aussi limitée aux seules taxes communales, non comprise la taxe
de développement local.

1316
TROTABAS (L.), COTTERET(J.M.), Droit fiscal, 8e éd., Paris, Dalloz, 1997, p. 60.
443
La compétence de recouvrement forcé des impôts locaux par les
Collectivités locales est limitée par le législateur aux seules taxes communales.
Il s'agit des taxes à enjeu local, ce qui explique que le législateur soustrait de ce
champ de compétence la taxe sur le développement local. Dans la mise en
œuvre de cette compétence, ces communes appliquent les règles générales de
procédures existant pour les impôts de l'Etat et contenues dans le LPF, même
s'il existe des règles spécifiques aux taxes communales.

B)- Le recouvrement des Impôts indirect par l’Etat


Recouvrer l’impôt, c’est le percevoir 1317. Aussi les modes de perception
désignent-ils au sens de Pierre BELTRAME « l’ensemble des procédures par
lesquelles l’impôt passe du patrimoine du contribuable vers les caisses du
trésor »1318. Pour le recouvrement des impôts indirect le législateur camerounais
a fait le choix du recouvrement à l’amiable d’une part et du recouvrement forcé
d’autre part.

1- Le recouvrement à l’amiable
Parmi les impôts locaux, ceux qui représentent une fraction, un
pourcentage calculé sur les impôts de l'Etat comme les centimes additionnels
communaux, sont recouvrés sur le même titre exécutoire que celui des impôts
de l'Etat, qui est l'Avis de Mise en Recouvrement (AMR). Le contribuable qui
paie ainsi la TVA, l'IRPP ou l'impôt sur les sociétés dus à l'Etat, reverse les
centimes additionnels par la même occasion, par un paiement unique par
chèque, virement ou espèces libellé à l'ordre du Receveur des impôts. De
même, les impôts communaux que sont la patente, la licence, l'impôt
libératoire, la taxe foncière, la taxe sur les jeux de hasard et de divertissement,
les droits de mutations d'immeubles, le timbre automobile, la redevance

1317
BOUVIER (M.), Doit fiscal et théorie…, op. cit., p. 30.
1318
BELTRAME (P.), op. cit., p. 433.
444
forestière annuelle, sont acquittés spontanément auprès du Receveur des impôts
territorialement compétent qui est tenu de délivrer une quittance en contrepartie
des versements reçus1319.
Ces impôts communaux, tout comme les centimes additionnels
communaux, peuvent également être acquittés par retenue à la source opérée
par les comptables publics lors du règlement des factures payées sur le budget
de l’Etat, des établissements publics administratifs, les Collectivités locales, les
sociétés à capital public et certaines entreprises privées figurant sur une liste
arrêtée par le Ministre chargé des finances. Ces règles générales affectent le
recouvrement forcé.

2- Le recouvrement forcé
Le recouvrement forcé par l'Etat des impôts locaux, obéit aussi aux
règles générales régissant le recouvrement des impôts de l'Etat, qu'il s'agisse du
titre et de la créance ou des procédures de recouvrement forcé.
 Les titres exécutoires de la créance

Deux types de titres exécutoires sont élaborés pour le recouvrement des


impôts locaux, tout comme ses propres recettes : il s'agit de l'AMR et du titre de
perception.

L'AMR est rendu exécutoire par signature du chef de centre des impôts
compétent, et pris en charge par le Receveur des impôts chaque fois qu'il s'agira
de procéder au recouvrement forcé de la patente, de la licence, de l'impôt
libératoire, de la taxe de développement local, de la taxe foncière, de la
redevance forestière annuelle, des centimes additionnels communaux, de la taxe
sur les jeux de hasard et de divertissement. Cet acte doit préciser que le
contribuable a 15 jours pour s'acquitter de sa dette.

1319
Art. 62 et ss. de la loi du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale précitée.
445
Par contre, le titre de perception doit être élaboré par le chef de centre
des impôts et doit être soumis à la signature du Président du Tribunal de
Première instance. Le titre doit également être pris en charge par le Receveur
des impôts, chaque fois qu'il s'agit de procéder au recouvrement forcé des droits
de mutations d'immeubles qui sont des droits d’enregistrement .
 Les procédures de recouvrement forcé

Dans l'exercice de sa compétence en matière de recouvrement forcé des


impôts locaux, l'Administration fiscale de l'Etat met en œuvre les procédures
prévues par1320le Livre des Procédures Fiscales (LPF).

Dans ce sens, d'une part, les mesures de droit commun de recouvrement


forcé que sont le commandement (mise en demeure de payer), la saisie et la
vente, qui sont des mesures prévues par l'acte uniforme OHADA portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d'exécution1321, sont appliquées pour obtenir paiement de la créance fiscale.

D'autre part, l'Administration fiscale peut mettre en œuvre les


procédures exceptionnelles de recouvrement que sont l'avis à tiers détenteur, le
blocage des comptes bancaires, la fermeture d'établissement, l'exclusion des
marchés publics, pour obtenir le paiement de l'impôt en cause, tout comme la
contrainte extérieure. Cette dernière mesure, qui permet au Receveur des
impôts du centre de rattachement de saisir un autre Receveur dans toute les
localités où le contribuable dispose des biens ou exerce une activité pouvant
permettre la mise en œuvre efficace de toutes les procédures de recouvrement
forcé, justifie bien la dimension, la portée nationale de la compétence de
recouvrement des services fiscaux de l'Etat, et donc le principe de subsidiarité.

1320
Les articles L 51 à L 80 du Livre des Procédures Fiscales.
1321
Art. 336 de l’acte OHADA portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution.
446
Toutes ces mesures générales de recouvrement doivent être mises en œuvre par
les agents assermentés de recouvrement1322 de l'Etat, mais doivent tenir compte
des exigences des règles spécifiques aux impôts locaux.

La procédure de collecte de l’impôt local tient aussi de


l’obligation du contribuable de l’immatriculation préalable de déclaration. Mais
il faut tout de suite noter que cette compétence étendue de l'Etat, contraste avec
l'incidence de la compétence des Collectivités locales dans le recouvrement.

Paragraphe II : La présence excessive de l’Etat dans les


mécanismes indirects

« Exercer une compétence c’est exercer un pouvoir normatif visant à dédier


et à organiser, et pas seulement à mettre en œuvre une compétence »1323. Cette
force argumentative importe davantage que son inconsistance juridique. Et le
législateur camerounais en attribuant des compétences en matière fiscale aux
CTD a nommé sans toujours définir les concepts utilisés, les champs d’action.
Cela traduit ce que Géraldine CHAVRIER a appelé une « peur juridique »1324.
Les mots nommés sans être définis traduisent la rhétorique juridique et
pourraient s’expliquer par le refus du dépassement de l’Etat unitaire et, par
conséquent la présence excessive de l’Etat dans les procédures indirectes de
recouvrement.

A)- l’unité des caisses


La commune n’a qu’un seul compte bancaire, obligatoirement au Trésor
public. Seul, le Receveur municipal a accès à ce compte. Le problème en la

1322
Conformément à l’art. L 69 du LPF l’obligation de prestation de serment des agents de
recouvrement est une condition substantielle sous peine de poursuite judiciaire contre les agents
en cause.
1323
LUCE PAVIA (M.), op. cit., p. 100 et ss.
1324
CHAVRIER (G.), « Une peur juridique » Colloque, p. 8.
447
matière, c’est la non-transparence de la trésorerie. Rien dans le budget ne
permet réellement de savoir où en est la trésorerie et comment elle se situe au
cours de l’exercice alors que celle-ci doit s’apprécier non en termes de résultat
mais en termes de flux. C’est l’expression du vieux principe qu’est l’unité de
caisses.

B)- Les défauts du système fiscal de recouvrement


Si les mécanismes de recouvrement intègrent les CTD, l’Etat a cependant
un rôle priMaire qui se traduit par le principe de subsidiarité et les insuffisances
techniques et politiques.

1- Le rôle principal dans le recouvrement et le contrôle des


impôts locaux
« Lorsque débute la phase de recouvrement de l'impôt, le temps fiscal n’est
pas celui de la sérénité mais davantage, celui de la célérité, et même de
extrême célérité »1325. Le principe de subsidiarité ainsi appliqué en matière de
recouvrement, permet de constater la prééminence de la compétence de l'Etat
qui contraste avec l'incidence de celle des Collectivités territoriales
décentralisées. C’est le sens de la pensée de Forges, pour qui la « subsidiarité
est chef de file : une nouvelle répartition des compétences »1326.

L'extension du champ de compétence de l'Etat dans le recouvrement des


impôts locaux découle de l'importance en nombre des prélèvements dont le
champ d'application prend une dimension nationale, et qui a justifié que le
législateur en confie la gestion, l'assiette aux services fiscaux de l'Etat.

1325
TOCQUEVILLE (A.), La démocratie en Amérique, op. cit., p. 356.
1326
GAUDEMET (Y.) et GOHIN (O.), (dir), La République décentralisée, éd. Panthéon -
Assas, 2004, p. 48.

448
La compétence de l'Etat dans le contrôle de la fiscalité locale, épouse le
cadre d'assiette de ces impôts et taxes. En effet, le législateur a voulu que les
impôts locaux les plus rentables découlent de l'application d'un pourcentage sur
les impôts dus par un contribuable au titre des impôts de l'Etat. Ce sont les
centimes additionnels communaux. En plus de ces centimes additionnels, les
autres impôts communaux, tout comme la taxe sur le développement local,
relèvent de la compétence du contrôle de l'Etat. Il en découle que leur contrôle
est intégré dans le schéma de contrôle des impôts de l'Etat en général, aussi
bien en ce qui concerne la typologie de contrôles applicables que les procédures
de contrôle.
En plus, outre l’exclusivité de la compétence du législateur en matière
de création ou de suppression des différents prélèvements obligatoires, la
légalité fiscale sous-entend aussi l’obligation pour l’administration fiscale de se
soumettre au droit durant le processus d’imposition. Le principe consacre donc
les exigences de conformité et de non contrariété des actes administratifs aux
règles législatives. Il implique également l’exigence d’habilitations législatives
des actes d’imposition.
Cette double exigence de conformité et non contrariété des actes
d’imposition aux règles législatives suppose que, « la norme individuelle
d’imposition soit conforme aux règles de la fiscalité »1327. C’est le cas en
matière de contrôle. En effet, toute opération de contrôle sur place diligentée
par des agents (des impôts) n’ayant pas au moins le grade d’inspecteur est
illégale1328. Cette exigence est une matérialisation de la théorie de la formation
du droit par degrés, élaboré par HANS KELSEN. Ce dernier enseigne que,
l’ordre juridique se présente par degrés successifs, chaque degré participant à la
concrétisation ou à l’individualisation du degré immédiatement supérieur. Dans

1327
EISENMANN (C.), Cour de droit administratif, op. cit., p. 44.
1328
L 11 du LPF.
449
cette perspective théorique que la légalité fiscale prescrit que les actes
individuels d’imposition doivent être conformes aux normes législatives tandis
que ces dernières doivent elles-mêmes être conformes aux normes
constitutionnelles d’imposition.

2- Les insuffisances techniques et économiques

A côté des caractéristiques de la fiscalité locale abordées dans les


paragraphes précédents1329, il est à relever un certain nombre d'autres
problèmes de fond, certes, liés pour partie à des difficultés techniques, mais,
principalement, au rôle qui est aujourd'hui assigné à la fiscalité directe locale. Il
faut relever, à cet égard, que la fiscalité dans son ensemble tend, depuis de
nombreuses années, à être utilisée comme l'un des moyens privilégiés de
politique économique ou sociale. La fiscalité locale n'a pas échappé à une telle
orientation.

Il convient, en effet, de souligner qu'au sein des systèmes fiscaux ; les


impôts locaux méritent une attention particulière, dans la mesure où leurs
fonctions, économique et politique, ne sont pas toujours appréciées à leur juste
valeur dans les pays en développement.

En effet, la fiscalité locale présente, à notre sens, au moins trois grandes


qualités : elle est, à la fois, un moyen efficace de financer le développement,
une voie d'accès privilégiée à une responsabilisation de la gestion publique et
un élément clef de la démocratie de proximité1330. Une observation attentive
amène à constater que ces qualités ne sont pas vraiment identifiées. Une
approche technicienne est la plupart du temps privilégiée, ce qui amène à en
exclure le caractère politique et social, c’est-à-dire ses implications au regard
du pouvoir et de la justice. Cette démarche en vient, ainsi, tout naturellement, à

1329
Autonomie fiscale, bases imposables obsolètes, archaïsme des règles d'imposition.
1330
WINANDY (J.-P.), Précis de droit fiscal, Amazon, France, 2011, p. 264.
450
déterminer les propositions de réforme émises, et, notamment, au Cameroun.
Celles-ci consistent, en effet, soit à modifier légèrement les règles d'assiette
d'un impôt, soit, pour les projets les plus ambitieux, à substituer une technique
de détermination de cette assiette à une autre, ou mieux encore, à proposer la
création de nouvelles taxes ou de nouveaux partages du produit ou des bases
avec l'Etat. Or, si la démarche est incontestablement indispensable, il lui
manque, à notre sens, un volet complémentaire. Celui plus sociologique et
politique qui consiste à définir la légitimité de l'imposition locale, certes sur la
base d'un critère d'efficacité et de rentabilité, mais aussi sur celle du partage du
pouvoir fiscal entre l'Etat et les Collectivités locales d'une part, de la justice
des impôts locaux d'autre part.

Le pouvoir fiscal pouvant par ailleurs aujourd'hui s'entendre soit du


droit pour les Collectivités territoriales, dans les limites de la loi, de voter les
taux, soit même de fixer l'assiette1331, mais à ce jour le législateur n'est pas
allé jusqu'à conférer un tel pouvoir normatif aux Collectivités locales. S'il le
faisait, une telle décision ne serait pas banale. Car, elle consacrerait un
partage du pouvoir de décision fiscale qui ne se limiterait pas aux
Collectivités locales concernées. Elles mettraient ces dernières devant une
responsabilité considérable en les amenant à assumer un processus de
création, d'invention fiscale qui pourrait se révéler, si certaines précautions
n'étaient pas prises, comme une véritable boîte de Pandore1332.

Section II : L’apport des Collectivités territoriales


décentralisées dans le contrôle et le contentieux fiscal local

Parmi les éléments qui confortent l’autonomie fiscale des CTD on’ a le
contrôle de l’impôt par ces derniers et la gestion du contentieux fiscal. Ce sont

1331 Art. 2-2 de la Constitution : « Les Collectivités territoriales [...] peuvent recevoir tout ou
partie du produit des impositions de toutes natures.
1332
BOUVIER(M.), Finances locales, op. cit., p. 65.
451
ces différentes règles qui font dire à des auteurs tel que Michel BOUVIER que
même si l’autonomie financière et fiscale ont des difficultés à s’affirmer elles
ne paraissent pas inexistantes, elles devraient simplement s’affirmer au travers
des mécanismes leur garantissant une plus grande marge de liberté1333. Ce pilier
protecteur se traduit par la complémentarité dans le contrôle (paragraphe I) et
l’attribution aux CTD d’un rôle déterminant en matière de contentieux fiscal
local (paragraphe II).

Paragraphe I : La complémentarité dans le contrôle des impôts


locaux

Selon le Dictionnaire fiscal1334, le contrôle fiscal est une activité de


l'Administration qui lui permet d'une part de vérifier les déclarations, actes et
opérations servant de base à l'impôt et d'autre part d'assujettir à l'impôt tout
contribuable qui s'est partiellement ou entièrement soustrait, en vue de réparer
les omissions, insuffisances et inexactitudes constatées dans l'assiette ou le
recouvrement des impôts et taxes.

Dans une conception large ou approche finaliste, le contrôle fiscal est


« une activité de l'Administration fiscale dont le but ultime (...) est la
mobilisation des recettes fiscales. Cette activité dépasse ainsi de loin le cadre
restreint des procédures de contrôle pour s'étendre au recouvrement et même au
contentieux »1335. Cette conception ne sera pas retenue dans la présente étude,
car sous un angle purement juridique, le contrôle fiscal, loin d'être une activité
de la seule Administration fiscale de l'Etat, est une action par laquelle toute
Administration compétente, y compris les Collectivités territoriales
décentralisées, s'assurent, dans tout système fiscal déclaratif, de « l'exactitude

1333
Ibid.
1334
Dictionnaire fiscal : Groupe revue fiduciaire, 2000, p. 241.
1335
ATANGANA FONGUE (R.), op.cit., p.15.
452
des énonciations du contribuable »1336. Il s'agit de vérifier « la conformité du
membre du groupe avec les comportements sociaux que les autorités
attendent »1337 ; car c'est à cette seule condition que les normes fiscales sont des
normes juridiques. En effet, comme le précise le doyen DUGUIT, « toute
norme juridique est ou morale, ou économique ; mais toute norme morale ou
économique n'est pas nécessairement juridique »1338 .

La norme économique régit tous les actes de l'homme touchant à la


production, la circulation et la consommation des richesses, et la raréfaction
d'un produit. La surproduction, la hausse des prix, les crises industrielles,
l'élévation ou la baisse des salaires sont les conséquences d'actes individuels
accomplis conformément ou contrairement à la norme économique. La
violation de la règle économique produit une réaction sociale qui ne touche que
la richesse, mais aussi sa production et son emploi.

Par ailleurs, la norme morale, entendue au sens que lui donne le doyen
DUGUIT1339 comme règles de bonnes mœurs en société et non la morale dans
sa conception par les jus-naturalistes, oblige tout homme à se conformer dans
sa vie en société, à un ensemble de pratiques, de bonnes mœurs. Faute de quoi,
il provoque une réaction sociale plus ou moins forte, mais montrant le caractère
obligatoire de la règle.

Enfin, la norme économique ou morale ne devient une norme juridique


qu'à partir du moment où, dans le groupe social donné, si elle est violée, le
groupe trouve qu'il est juste, nécessaire de sanctionner cette violation. Parce

1336
LAMBERT (T.), Contrôle fiscal : droit et pratique, Paris, PUF, 2e édition, 1998, p. 14.
1337
TREMEUR (M.), La politique publique du contrôle fiscal. Analyse rétrospective sur les
deux dernières décennies, Paris, Economica, 1993, p. 9.
1338
DUGUIT (L.), Traité de droit constitutionnel, 3e édition, Paris, ancienne librairie
Fontemoing, 1927, p. 92.
1339
Ibid.
453
que cette violation porte atteinte à la solidarité sociale et au sentiment de justice
dans le groupe. Ainsi traduite dans la loi écrite, la norme juridique est
l'expression formelle de la conscience et de la volonté du peuple.

Dans un système d'unicité de l'ordre juridique fiscal1340, parce que le


Cameroun est un Etat unitaire décentralisé, les actes administratifs des
Collectivités constituent des sources normatives « résiduelles ou dérivées »1341.
Cette compétence normative des Collectivités locales qui est la traduction du
principe de libre administration, fonde aussi leur compétence en matière de
contrôle.

La fiscalité locale est en définitive un champ d'activité dans lequel les


actions de l'Administration fiscale de l'Etat et des Collectivités décentralisées
sont complémentaires. Cette complémentarité se traduit par l'encadrement
précis de la compétence de l’Etat, la précision relative de la compétence des
Collectivités locales et des contrôles conjoints.

A)- L’encadrement des compétences de l’Etat dans le contrôle


de la fiscalité locale

La typologie de contrôle des impôts communaux par l'Etat ne se


distingue pas du contrôle des autres impôts de l'Etat. On distingue les contrôles
internes des contrôles externes.

1340
ALLAND (D.), CHETAIL (V.), DE FROUVILLE (O.), JORGE (E.), Unité et diversité du
droit international, ISBN, 2014, p. 329.
1341
Référence à SAINT Augustin, Saint Thomas D'ACQUIN qui rattachent la norme morale à
un principe de droit supérieur, d'ordre métaphysique et s'imposant à l'Etat, aux gouvernants et
gouvernés.
454
1- Les contrôles internes des impôts locaux

Le contrôle fiscal interne est celui qui se déroule au bureau, dans les
locaux de l'Administration. Il a trait aux demandes d'éclaircissements ou de
justificatifs. La demande d'éclaircissements est adressée au contribuable dans le
cas où ses déclarations présentent des contradictions ou des discordances des
pièces figurant dans son dossier fiscal.

La demande de justificatifs, quant à elle, porte sur la situation


personnelle, sur certaines charges dont la nature ne semble pas compatible avec
l'activité exercée ou sur des revenus ne figurant pas dans la déclaration. La
demande de renseignements est assez vague dans sa formulation, mais
contraignante dans ses conséquences car le défaut de réponse conduit à la
taxation d'office1342.
Le contrôle sur pièces se définit comme un contrôle de la cohérence de
l'ensemble des éléments du dossier fiscal unique1343. Ces contrôles « se limitent
à l'examen des déclarations, des actes utilisés pour l’établissement des impôts
et taxes, ainsi que des documents déposés en vue d'obtenir des déductions, des
restitutions ou des remboursements. Dans tous les cas, le contrôle sur pièces
est un contrôle de cohérence des déclarations du contribuable et non pas un
contrôle général de comptabilité »1344

Ces modalités permettent, dans leur mise en œuvre, de mieux corriger


les bases d'imposition des impôts communaux, en s'assurant que tous les
éléments, notamment pour les grandes entreprises ayant des activités
disséminées partout sur le territoire national, sont pris en compte.

1342
Art. L 22 du LPF.
1343
BOUVIER (M.), ESCLASSAN (M.C.), LASSALE (J.P.), Finances publiques, édition,
Paris, L.G.D.J, 2004, p. 636.
1344
Ibid.
455
De plus, l'exploitation des renseignements tirés des bases de données
permet une meilleure gestion des opérations de reclassement des contribuables,
notamment ceux dissimulés dans le régime de l'impôt libératoire alors qu'ils
effectuent d'importantes activités économiques. Les impôts communaux
comme la patente, déclarés et payés sur une base d'imposition provisoire
constituée du chiffre d'affaires de l'année précédente, peuvent ainsi faire l'objet
de régularisation dès la connaissance du chiffre d'affaires réel et définitif de
l'année d'imposition. Les contrôles externes visent le même objectif.

Le contrôle externe des impôts locaux, qui se fait dans l'entreprise, est
effectué soit dans le cadre du contrôle ponctuel, de la vérification de
comptabilité ou de la VSFE.
Le contrôle ponctuel est défini comme le contrôle des impôts à
versement spontané sur une période inférieure à un exercice fiscal1345. Les
impôts et taxes à versement spontané sont tous les impôts pour lesquels le
législateur a prévu que la déclaration et le paiement se feront dans un délai
précis, sur la base de la seule volonté du contribuable qui réalise des opérations
ou qui possède des biens imposables. Les impôts communaux sont bien inclus
dans ces prélèvements.
Prévue par les dispositions du LPF, la vérification de comptabilité est un
examen approfondi sur place de la comptabilité ou des documents en tenant
lieu, en la confrontant à certaines données matérielles extracomptables ou de
fait, afin de s'assurer de l'exactitude des déclarations souscrites. Il faut préciser
que cette vérification de comptabilité est soit générale, soit partielle. La
vérification de comptabilité est dite générale lorsqu'elle porte sur tous les
impôts, droits et taxes dont le contribuable est passible.

1345
Art. L16 bis du LPF.
456
Par contre, la vérification de comptabilité est dite partielle lorsqu'elle
porte soit sur un seul impôt contrôlé sur toute la période non prescrite ; soit sur
tous les impôts et taxes contrôlés sur un seul exercice budgétaire.

Enfin la vérification de la situation fiscale d'ensemble est le contrôle de


la comptabilité de tout contribuable relevant de l'impôt sur le revenu des
personnes physiques ou IRPP. Elle consiste en la vérification de la cohérence
entre les revenus déclarés par ce contribuable au titre de l'IRRP, et la situation
de sa trésorerie, de son patrimoine et enfin des éléments de son train de vie.

C'est à l'occasion de la mise en œuvre de ces différents types de


contrôles qui sont traditionnellement effectués par l'Administration fiscale de
l'Etat, que les impôts communaux et la taxe sur le développement local sont
contrôlés par les services fiscaux de l'Etat. Reste à préciser la procédure de ces
contrôles.

2- Les procédures de contrôle


Alors que certaines procédures sont liées au souci du législateur de
garantir les droits des contribuables contrôlés, d'autres sont plutôt liées au souci
de limitation du dilatoire du contribuable.
 Les procédures garantissant les droits du contribuable contrôlé

Elles concernent les délais et formes d'information de la procédure de


vérification envisagée, ainsi que l'assistance du contribuable.

Le contribuable programmé pour une vérification de comptabilité en est


informé par un avis de vérification envoyé par courrier recommandé avec
accusé de réception ou déposé en main propre contre décharge au moins huit
(08) jours avant le début prévu du contrôle1346. Cet avis lui mentionne la

1346
Art. 10 et ss. du LPF.
457
période, les impôts contrôlés, ainsi que les noms et prénoms et grade des agents
chargés du contrôle1347. Ces agents doivent être au moins du grade d'inspecteur
des impôts assermenté. De plus, cet avis qui doit être accompagné d'une carte
du contribuable vérifié, doit informer le contribuable sur la possibilité qu'il a de
se faire assister par un Conseil fiscal de son choix.

Lorsque la comptabilité est régulière et probante, l'Administration doit


effectuer les éventuels redressements par une procédure contradictoire et la
charge de la preuve lui incombe. La fin des travaux en entreprise est
matérialisée par un procès-verbal de fin des travaux sur place, qui ouvre la voie
à un délai de deux mois pour que l'Administration envoie au contribuable une
notification de redressement1348.

Le contribuable dispose d'un délai de 30 jours pour répondre. Après, un


délai de 60 jours est donné à l'Administration pour conclure le contrôle par une
lettre de réponse aux observations du contribuable précisant sa dette fiscale
définitive accompagnée d'un avis de mise en recouvrement ou d'un titre de
perception des impôts et taxes dus. Ou alors, une lettre d'absence de
redressement sera demandée lorsqu'aucune irrégularité, aucune diminution de
base d'imposition n'a été constatée.

La lettre de réponse aux observations doit par ailleurs préciser la faculté


pour le contribuable de contester les impositions émises à sa charge, s'il les
trouve non fondées.

On note ainsi une volonté du législateur d'assurer un minimum de


garantie des droits du contribuable vérifié, qui le met à l'abri des abus de
pouvoir des agents du fisc. Le juge de l'impôt sanctionne par des dégrèvements

1347
Ibid., Art. 11
1348
Ibid., Art. 12 et ss.
458
les impositions de toute nature mises à la charge du contribuable sans respect
de ces procédures, comme le montre le jugement de la Chambre administrative
de la Cour suprême dans l'affaire NGAKEU Pierre contre Etat du Cameroun
(MINFI) ; d'autres procédures permettent plutôt d'éviter le dilatoire dans le
contrôle.
 La procédure limitant le dilatoire dans le contrôle

La procédure de contrôle qui limite les manœuvres dilatoires du


contribuable est la taxation d'office. Prévue par les dispositions des articles L29
et L30 du LPF, la taxation d'office est mise en œuvre dans les cas de non dépôt
de déclaration dans le délai légal et après une mise en demeure restée sans effet,
l'absence de réponse dans les délais à une demande d'éclaircissements ou de
justificatifs, le défaut de tenue ou de présentation de tout ou partie de la
comptabilité ou des pièces justificatives, constaté par procès-verbal, le rejet
d'une comptabilité irrégulière et non probante, l'opposition au contrôle fiscal et
la déclaration d'un revenu imposable inférieur à une somme forfaitaire
déterminée en appliquant un barème légal à certains éléments du train de vie du
contribuable, lorsque l'écart entre les deux modes d'évaluation du revenu : c’est
le contenu de l’affaire NGAKEU1349. Le contrôleur des impôts TSOUNGUI, le
18 septembre 1976, a fait intrusion dans le magasin du sieur NGAKEU situé à
Mvog-Mbi à Yaoundé et a saisi ses documents comptables, les emportant sans
ménagement et sans présenter un ordre de mission ou un avis de vérification.
Le juge administratif a annulé les impositions émises par la direction des
impôts à la suite de cette saisie, pour abus de pouvoir et vice de procédure.

Lorsqu'un contribuable est taxé d'office, la charge de la preuve du


caractère exagéré de l'imposition lui incombe, lorsqu'il engage une procédure
contentieuse par la suite. Le juge de l'impôt, qui est le garant de l'équité fiscale,

1349
CS-CA, jugement n° 42 du 26 juin 1980, NGAKEU Pierre contre Etat du Cameroun
(MINFI).
459
estime que cette procédure consacre beaucoup de prérogatives à
l'Administration. Et cette dernière doit pouvoir justifier sa méthode
d'imposition ou même le taux de bénéfice appliqué d'office pour imposer le
contribuable ; comme le montre le principal considérant de l'arrêt DJOUNKWE
Moïse contre Etat du Cameroun, qui précise que « considérant que ce taux est
plus près de la réalité de la situation du mis en cause que celui proposé par
l'Etat ... Qu'il répond enfin au principe selon lequel les dispositions relatives à
la taxation d'office sont arrêtées en application des dispositions applicables
concernant l'assiette des impôts en cause sur des bases devant se rapprocher,
autant que possible, de la réédité, compte tenu des présomptions tirées des
renseignements en possession de l 'Administration »1350.

Le contrôle des impôts locaux par l'Etat se trouve donc être inféodé au
contrôle des impôts de l'Etat. La mise en œuvre de la compétence de l'Etat est
ainsi étroitement encadrée, afin de garantir les droits du contribuable, mais cet
encadrement légal de la compétence de contrôle des services fiscaux de l'Etat
contraste avec la gestion des ressources humaines. La doctrine note, à juste
titre, le malaise des hauts cadres de l'Administration fiscale qui sont affectés
dans les centres des petites entreprises dans lesquels sont suivis l'effectif le plus
important en nombre des contribuables redevables des impôts locaux. Ces
cadres ne voudraient que gérer les impôts à haut rendement comme la TVA et
dans les structures en charge des entreprises les plus importantes1351.

II s'agit des Centres Divisionnaires et Départementaux des Impôts,


Direction des Grandes Entreprises (DGE) ou à moindre titre, les Centres des
Impôts des Moyennes Entreprises (CIME). La conséquence de cet état de
choses est que la dimension nationale de la matière imposable qui justifie la

1350
CS-AP, arrêt n° 15/A du 19 Juin 1980, NJOUNKWE Moïse contre Etat du Cameroun.
1351
NOUETSA (L.-H.), op. cit., p. 40 et ss.
460
compétence de l'Etat dans le suivi de ces impôts communaux est remise en
cause, et le haut rendement des impôts communaux doit être analysé avec
précision1352. On constate ainsi que seuls les centimes additionnels
communaux, la patente pour les grandes entreprises et les taxes suivies par des
services spécialisés, sont rentables. Le personnel affecté dans les centres
divisionnaires et départementaux devrait être aussi compétent et motivé car
comme le souligne OSSA René, la réforme de l'Administration fiscale, avec la
mise en place de la DGE et des CIME «a laissé la désagréable impression que
seuls les cadres les moins compétents auront dorénavant la charge des petits
comptes »1353. Pourtant le véritable enjeu de lutte contre le secteur informel se
trouve dans la fiscalisation de ces petits contribuables et « il est temps
d'élaborer une véritable politique d'encadrement des petits contribuables qui,
fatalement, devrait avoir des répercussions sur toute la population qui s'active
en marge du système fiscal »1354.

Sur le plan purement juridique, l'extrême encadrement de la compétence


de l'Etat dans le contrôle de la fiscalité locale contraste avec la précision
relative de la compétence des Collectivités locales.

B)- Les limites de la compétence des Collectivités locales dans le


contrôle des impôts locaux et le contrôle conjoint

Le principe de complémentarité de la compétence de l'Etat et des


Collectivités territoriales décentralisées dans le contrôle des impôts locaux se
matérialise par la précision du rôle des Collectivités locales à côté de la
compétence de l'Etat. Mais cette précision est relative et la compétence des

1352
Ibid.
1353
OSSA, op. cit., p. 56.
1354
Ibid.
461
Collectivités locales en matière de contrôle fiscal est un chemin simplement
balisé où de nombreuses précisions législatives sont encore attendues. Cette
imprécision concerne non seulement la mise en œuvre de la compétence des
Collectivités locales, mais aussi le champ et les procédures des contrôles
conjoints.

1- L’assouplissement de la compétence des Collectivités


locales en matière de contrôle
Aussi bien la loi 2009/019 que la circulaire conjointe n°
2335/MINATD/MINFI du 20 octobre 2010 relative à ses modalités
d'application sont évasives sur la mise en œuvre de la compétence des
Collectivités locales en matière de contrôle fiscal, bien que leur compétence
soit affirmée de manière indubitable par le législateur. En effet, l'article 133
alinéa 1 de la loi 2009/019 précise que «le contrôle des impôts locaux est
exercé soit par les services compétents de l'Etat, soit par la commune».

L'imprécision apparaît aussi bien dans la définition des instruments


juridiques du contrôle que dans le statut du personnel en charge de ce contrôle.

 Imprécision des instruments juridiques du contrôle

Le contrôle des taxes communales par les agents de la commune est


conditionné par la présentation à la personne ou à l'entreprise contrôlée d'une
simple note de mission signée et délivrée par l'autorité compétente, comme le
précise le C.G.I. Ce dernier dispose que « le contrôle des impôts locaux est
exercé par les services compétents de l'Etat. Le contrôle des taxes communales
est exercé par les services compétents de la commune »1355. Mais jusque-là, le
terme « impôts locaux » utilisé pour la compétence de l'Etat est impropre, car

1355
Art. C 132 du C.G.I. 2015.
462
l'Etat ne contrôle que les impôts communaux et la taxe sur le développement
local, en plus des impôts et taxes des Régions.

Le premier défaut de la procédure est que, le contenu de cette note de


mission n'est aucunement précisé, ce qui laisse à l'Administration municipale le
soin d'y mettre ce qu'elle veut, à condition que le document s'intitule note de
mission et qu'il soit signé du Maire.
Cette note de mission ne donne au contribuable aucun délai pour se
préparer au contrôle qui est ici bien un contrôle externe, et aucune obligation
n'est faite pour la commune de préciser au contribuable contrôlé la faculté qu'il
a à être assisté par un Conseil de son choix.

De même, aucune obligation de préciser les taxes contrôlées ni la


période contrôlée, n'est imposée par le législateur, ce qui fait ressembler le
contrôle des taxes communales à une pétaudière. Cette situation contraste avec
les instruments d'encadrement du contrôle des impôts de l'Etat et le
contribuable n'est pas protégé devant les abus dont il peut être l'objet de la part
des agents des services communaux. Il y a ici une rupture de l'égalité des
citoyens devant les charges publiques. Les grandes entreprises étant mieux
protégées dans la procédure de contrôle que les petites. Pareille situation peut
laisser croire à un désintérêt de la fiscalisation des petits contribuables au
Cameroun. Pourtant, ceux-ci représentent plus de 40% de la population fiscale
et leur imposition. La détection des contribuables du secteur informel qui se
sont réfugiés dans ce lot, constitue l'axe primordial des actions visant
l'amélioration des recettes fiscales non pétrolières, notamment les recettes
fiscales des Collectivités territoriales décentralisées.

Cette imprécision a d'ailleurs conduit le juge de l'impôt à chercher


d'autres arguments pour statuer sur les contestations des taxes communales.

463
Ceci a été fait dans le jugement du 29 juin 1989 opposant la société RAZEL à
l'Etat du Cameroun1356.
En réalité, on constate ici que le juge statue sur le fond du litige. Alors
que pour une taxe communale dont la compétence de contrôle revient à la
commune, le recours gracieux préalable au recours contentieux la concernant
aurait dû être adressé au Maire de la commune de TIKO. Son absence étant une
cause de non recevabilité du recours contentieux.

L'imprécision de la législation se constate aussi en matière de statut du


personnel exerçant le contrôle des taxes communales.
 Imprécision du statut du personnel en charge du contrôle

Tout comme pour les instruments juridiques du contrôle, le statut du


personnel communal en charge du contrôle des taxes communales n'est pas
précisé par le législateur. Même la circulaire conjointe n°
2335/MINATD/MINFI précise juste que «ces personnels communaux doivent,
dès le début de leur contrôle, décliner leur identité et présenter leur note de
mission au redevable »1357.

Cette situation contraste avec le statut des agents chargés de la


vérification sur place des impôts de l'Etat, qui doivent avoir au moins le grade

1356
Art. C l34 du CGI 2015, Attendu que par requête en date du 30 mai 1985, le directeur de la
Société RAZEL a intenté devant cette juridiction un recours tendant à l'annulation de la taxe
instituée sur le transport des pierres dans la Commune rurale de TIKO selon la délibération
n° 5 des 27 et 28 janvier 1984 de son Conseil municipal, ainsi que le dernier avertissement
avant poursuites délivré par le Trésor ; « Attendu qu'avant l'introduction de son recours
contentieux, l'intéressé a saisi le Ministre de l'Administration Territoriale d'un recours gracieux
préalable en date du 2 janvier 1985(...) Attendu que dans le cas d'espèce, la société requérante
devait adresser son recours gracieux au Maire de la Commune de TIKO, Attendu que du
dossier il ressort que par arrêté n° 126/A/MINAT/DCPC/SAF, l'article 3 de la délibération n°5
querellée instituant une redevance sur les transports de pierres a été abrogée ; que par la même
occasion le Ministre de l'Administration Territoriale a saisi celui des finances aux fins
d'annulation de la redevance litigieuse, dès lors le recours de la société RAZEL est sans objet et
non fondé ».
1357
Circulaire conjointe n° 2335/MINATD/MINFI du 20 octobre précitée, p. 44.
464
d'inspecteur des impôts1358. Une efficace fiscalisation du secteur informel ne
peut être faite qu'avec des agents qualifiés. Et on aurait pu penser que des
cadres du CEFAM1359, avec une formation réorientée en partie sur la fiscalité,
puissent être affectés à ces opérations. De même les méthodes cohérentes de
recherche et de gestion de l'information fiscale sur la matière imposable sont
nécessaires ; tout comme une nécessaire informatisation des services
municipaux chargés de la gestion de la fiscalité locale en général.

2- Les précisions relatives des contrôles conjoints Etat-


Communes

L'article Cl33 du CGI pose le principe de la complémentarité évidente


de la compétence de l'Etat et des communes en matière de contrôle. Cette
formulation a l'avantage d'affirmer la complémentarité évidente des deux
personnes morales dans le contrôle des impôts locaux. Mais elle est imprécise
aussi bien sur son champ d'application que sur les procédures applicables.
 Une imprécision du champ d'application des contrôles conjoints

L'imprécision sur la répartition des compétences se traduit par le


mutisme du législateur qui affirme juste le principe de ces contrôles conjoints.
Une première esquisse de précision du champ d'application de la compétence
conjointe est apportée par la circulaire conjointe 2335/MINATD/MINFI, mais
elle est vite mise en cause par une autre circulaire n° 005/MINFI/DGI/LC/L du
31 décembre 20101360. En effet, alors que la première circulaire précise que les

1358
Mentionner à l’art. 11 LPF.
1359
Centre de Formation du Personnel de l'Administration Municipale. « Certaines opérations
de contrôle peuvent être organisées conjointement par les services de l'Etat et des Communes,
après programmation concertée ».
1360
Circulaire n° 005/MINFI/DGI/LC/L du 31 décembre 2010 précisant les modalités
d'application des dispositions fiscales de la loi 2010/015 du 21 décembre 2010 portant loi de
finances de la République du Cameroun pour l'exercice 2011, p. 24.

465
contrôles conjoints concernent les taxes communales, avec pour finalité d'éviter
les doubles emplois, un excès de présence de l'Administration auprès des
contribuables et la synergie d'action ; la seconde circulaire pose plutôt comme
interprétation que les contrôles des impôts communaux et de la taxe sur le
développement local sont de la seule compétence des services fiscaux de l'Etat
et le contrôle des taxes communales est de la compétence exclusive des
communes. En conséquence les contrôles conjoints devraient faire l'objet d'une
programmation concertée et leur coordination doit revenir « à la structure
compétente », une structure qui n'est pas précisée. Il en est de même des
procédures applicables.
 Une imprécision des procédures des contrôles conjoints

Le législateur fiscal camerounais est resté muet sur la procédure de


contrôle fiscal applicable conjointement par l'Etat et les Communes dans le
cadre des contrôles conjoints. Son embarras est compréhensible car compte
tenu de son statut, le personnel communal ne peut être engagé dans une
procédure de vérification de comptabilité qui exige que les agents
d'intervention aient au moins le grade d'inspecteur des impôts. Les procédures
appliquées pour le contrôle externe des impôts de l'Etat sont en conséquence
exclues. La circulaire d'application de la loi de finances pour l'exercice 2011 et
celles qui l’ont suivi vont d'ailleurs préciser que « s'agissant des contrôles
conjoints, ceux-ci sont organisés à l'initiative de l'Administration fiscale et de
la Commune, sous la direction du chef de centre des impôts compétent à l'effet
de procéder aux vérifications matérielles des impôts locaux, sans que cela ne
prenne la forme d'un contrôle inopiné ou d'une vérification de
comptabilité »1361.

1361
Circulaire 005/MINFI/SGI/LC/L du 31 décembre 2010, op.cit., p. 24.
466
Cette imprécision amène le juge de l'impôt à ne pas être regardant sur
ces conditions de forme. Ce qui laisse les petits contribuables à la merci des
abus multiformes de l'Administration1362. En effet, ce silence du législateur
rappelle les méthodes coloniales, comme le rappelle les faits de l'arrêt du
Conseil du contentieux administratif dans l'affaire société DESROTOUR et
CHAFFANJON contre Administration du Territoire1363 où :
« Considérant que le 13 mai 1953 à Donala, l'agent vérificateur
assermenté des contributions directes NLIBA, agissant conjointement avec le
contrôleur de la mairie LEROY, procèdent à une vérification du magasin de la
société DESROTOUR et CHAFFANJON, que cette vérification donnait lieu à
un procès-verbal ;
Considérant que sur le vu de ce procès-verbal, le rôle supplémentaire
objet du présent recours était établi au motif que la société requérante avait
vendu des boissons à consommer sur place alors qu'elle n'été du titulaire que
d'une licence de boissons à emporter... ».

Toutefois, il faut expliquer cette imprécision par le rôle prépondérant


que joue l'exécutif de l'Etat, notamment le Ministère des finances dans la
préparation de la loi de finances. Dans les pays comme le Cameroun, on peut
affirmer que la loi de finances est fondamentalement le produit de l'initiative de
l'exécutif. L'administration ne consulte pas toujours les Collectivités lors du
processus d'élaboration du projet de loi de finances à soumettre au parlement.

En définitive, et malgré les imprécisions législatives, la loi fiscale sur


les impôts locaux a prévu le principe de complémentarité dans les opérations de
contrôle. Ce principe, explicitement affirmé dans ce cadre, l'est implicitement
en matière de contentieux de la fiscalité locale.

1362
NOUETSA (L.-H.), op. cit., p. 90.
1363
CCA, arrêt n° 324 du 10 décembre 1954, société DESROTOUR et CHAFFANJON contre
Administration du territoire.
467
Paragraphe II : La compétence des CTD dans le contentieux
fiscal local

Les CTD sont des personnes publiques dotées de la personnalité morale,


elles peuvent donc ester en justice ou se voir saisir pour une faute commise par
elles tant en matière de recours gracieux que dans le contentieux proprement
dit.

A)- La compétence des Collectivités locales dans les recours


gracieux
Comme pour les impôts et taxes de l'Etat, les recours gracieux peuvent
être effectués par les contribuables sur les taxes communales mises à leur
charge. Même s'il y a une similitude de procédure et de compétence, la
transaction est exclue de ce champ.

1- Une symétrie de procédure et l’exclusion de la compétence


de transaction en matière de taxes communales

Les demandes gracieuses tendant à obtenir soit la remise ou modération


des taxes en principal en cas de gêne ou d'indigence, soit la modération ou
remise des pénalités fiscales, soit la décharge de responsabilité en cas de
solidarité de paiement sont, en ce qui concerne les taxes communales, adressées
au chef de l'exécutif municipal. Elles doivent bien préciser les taxes en cause.

Le chef de l'exécutif municipal dans l'exercice de sa compétence, peut


solliciter, auprès du centre des impôts gestionnaire du dossier du contribuable,
des informations sur la situation fiscale de ce dernier afin de s'assurer de son
indigence ou de ses difficultés financières réelles.

468
La décision du chef de l'exécutif municipal est notifiée au contribuable
dans un délai de 30 jours à compter de sa saisine. Passé ce délai, le silence
gardé par cette autorité vaut décision implicite de rejet.
Bien qu'elle lui reconnaisse une compétence en matière de remise, de
modération des taxes communales en principal en cas de gêne ou d'indigence,
et la même compétence en cas de remise des pénalités résultant de l'assiette des
taxes communales, la législation fiscale n'a pas donné au chef de l'exécutif
municipal la compétence en matière de transaction, pour lui permettre de mettre
fin à un litige né ou même pendant devant les juridictions, concernant ces taxes
communales. Certes la transaction, par son pragmatisme, facilite le
recouvrement amiable des créances fiscales. Mais le fait de reconnaître en
même temps le pouvoir de remise et modération des pénalités minimise la
portée de la transaction.

Une autre lecture permet de constater que les impôts communaux, la


taxe sur le développement local, rentrent bien dans le champ des impôts et taxes
susceptibles de transaction. Ce qui n'est pas le cas des taxes communales ainsi
que les droits d'enregistrement et de timbre qui en sont exclues. On peut par
ailleurs s'interroger sur les règles de compétence des Collectivités dans le
contentieux du recouvrement.

2- Les CTD dans les recours gracieux et contentieux des taxes


communales

La compétence des Collectivités territoriales décentralisées est centrée


sur les prélèvements dont elles ont déjà la charge multidimensionnelle de
l'assiette, du contrôle et du recouvrement. Cette compétence concerne aussi
bien les réclamations liées à l'établissement des taxes communales que le
contentieux du recouvrement de ces taxes.

469
 La compétence des Collectivités locales dans le contentieux des taxes
communales

L'établissement des taxes communales englobe les opérations de gestion


et de contrôle. La compétence des Collectivités locales dans les litiges pouvant
naître de ce processus d'établissement des taxes communales concerne aussi
bien le contentieux desdites taxes que les recours gracieux y relatifs.
Le contentieux des taxes communales fait partie des procédures pour
lesquelles le législateur a prévu des dispositions spécifiques. En réalité le CGI
précise que « le recours contentieux des impôts locaux obéit aux règles et
procédures prévues par le Livre des Procédures Fiscales, sous réserve des
dispositions spécifiques régissant les taxes communales »1364. Ces dispositions
légales sont spécifiques tant en ce qui concerne la compétence des autorités
habilitées à recevoir et à statuer sur la réclamation préalable devant
l'Administration que la compétence de l'autorité de tutelle.

En dehors de la taxe de développement local qui est de la compétence


des services fiscaux de l'Etat, le contribuable qui conteste le bien fondé ou la
liquidation ou encore la procédure d'assiette ou de contrôle d'une taxe
communale, saisit par écrit le chef de l'exécutif de la Collectivité locale
concernée, dans un délai de 30 jours à partir de la date d'émission du titre de
créance ou de la connaissance certaine de l'imposition1365. Pourtant, cette
saisine ne vaut pas encore recours gracieux préalable.

Contrairement à la réclamation en matière d'impôts directs et taxes sur


le chiffre d'affaires devant l'Administration, la réclamation ici doit être assortie
à la fois de timbres fiscaux et des timbres communaux. Elle doit être
accompagnée du justificatif du paiement de la totalité de la taxe non contestée

1364
Art. C l36 du CGI précitée.
1365
Voir développement antérieur.
470
et de 50% de la taxe contestée. Enfin, le silence gardé par le chef de l'exécutif
municipal pendant un délai de 15 jours à compter de sa saisine, vaut décision
implicite de rejet.

Manifestement le contribuable redevable d'une taxe locale se voit


appliquer un dispositif légal beaucoup plus répressif et rigide que celui qui n'est
redevable que des impôts de l'Etat. Pourtant les enjeux d'une bonne imposition
du secteur informel tournent non pas vers un dispositif légal rigide, mais vers
une réelle modernisation des outils d'administration. Notamment des réformes
d'administration avec une synergie poussée des administrations fiscales de
l'Etat et celles des Collectivités et un accent sur le renseignement fiscal avec
une recherche de la meilleure maîtrise de la matière imposable, que dans les
réformes de politique fiscale. La distorsion ainsi observée laisse penser à
l'existence d'un statut particulier du petit contribuable, qui n'aurait pas les
mêmes droits devant l'Administration que les grands contribuables.

 La compétence récurrente de l'autorité de tutelle

 La compétence conjointe peut se définir en effet comme une aptitude


égale à exercer une compétence. Elle reunit donc des co-titulaires dès
lors qu’il s’agit d’une compétence de même niveau, attribuée à plusieurs
autorités administratives, instituant ce faisant une interdépendance
juridique absolue entre elles. Une compétence sera en effet conjointe,
lorsque sa mise en œuvre requiert l’accord d’au moins deux autorités
sur un seul et même acte, qu’il soit juridique ou matériel, qu’il fasse
grief ou non.
 Il peut s’agir d’une décision, d’une fonction ou d’une opération. C’est
pourquoi elle peut prendre la forme successivement ou alternativement
de mesure préparatoire conjointe, pour véritablement constituer une
action commune en droit des Collectivités territoriales.

471
 C’est tout autant le cas, même si la forme varie, pour les compétences
partagées, puisqu’elles réunissent les titulaires partiels d’une
compétence globale ou d’un bloc de compétence. Il s’agit en effet d’une
compétence fractionnée fonctionnellement entre plusieurs autorités
administratives nationales et ou locales, déconcentrées et ou
décentralisées. La préparation, la décision ou la mise en œuvre relève
alors d’autorités qui agissent par des actes juridiquement distincts, parce
qu’ils relèvent de la compétence d’un seul, mais des actes
interdépendants, soit parce qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’une même
procédure, soit parce qu’ils intègrent dans une seule et même opération
juridique.

Lorsque le chef de l'exécutif de la Collectivité locale a gardé le silence


sur la réclamation pendant un délai de 15 jours, ou lorsqu'il a donné une
réponse qui ne donne pas satisfaction au contribuable, ce dernier peut saisir le
Préfet. Ce dernier transmet, pour avis, la réclamation au service des impôts
territorialement compétent qui est le service gestionnaire du dossier fiscal du
contribuable concerné1366.

La demande d'avis est instruite par le service gestionnaire du


contribuable et l'avis signé du Directeur des Grandes Entreprises ou du Chef de
Centre Régional des Impôts lorsqu'il s'agit d'un contribuable relevant d'un
Centre Divisionnaire, spécialisé, du Centre des Impôts des Moyennes
Entreprises ou des Centres Départementaux des Impôts. «Toutefois, les Chefs
de Centres Régionaux pourront déléguer leur signature aux Chefs de Centres

1366
C’est encore une autre limite à l’extension de la compétence des CTD en matière fiscale.
472
Départementaux dont l'éloignement pourrait être préjudiciable à la célérité du
traitement de l'avis à transmettre au Préfet »1367.

« Lorsque, après avis du service fiscal de l'Etat... les arguments du


requérant sont reconnus fondés, le Préfet recommande au chef de l'exécutif
municipal, le dégrèvement de tout ou partie des droits en cause »1368. L’attitude
du législateur dans ce cas pourrait laisser croire que l’autorité de tutelle dispose
d’un pouvoir hiérarchique sur le chef de l’exécutif. Ce serait une violation des
principes de la décentralisation qui exclut toute hiérarchie entre les deux
autorités mais un contrôle de la légalité et de la régularité de l’Etat sur les CTD.
Cette disposition donne au Préfet un pouvoir de contrôle d'opportunité de la
taxe à exiger.

En effet, le chef de l'exécutif municipal n'est pas lié par la


recommandation du Préfet sur le bien-fondé de la taxe en cause. Il faut noter
que cette intrusion du Préfet dans le contentieux des taxes communales
matérialise une volonté de limiter la libre administration des Collectivités
locales. Mais le recours adressé au Préfet, présente trois hypothèses : soit sur
recommandation du Préfet, le chef de l'exécutif municipal annule la taxe et la
réclamation est close ; soit le Préfet adresse sa recommandation au chef de
l'exécutif municipal et ce dernier garde le silence, maintenant par-là les
impositions ; soit enfin le Préfet garde le silence ainsi que le chef de l'exécutif
municipal, considérant par-là la réclamation comme non fondée.
Dans ces deux derniers cas, le silence gardé pendant une durée de 90
jours équivaut à une décision implicite de rejet et le contribuable dispose d'un
délai de 30 jours pour saisir le juge administratif.

1367
Circulaire conjointe n° 2335/MINATD/MINFI, op.cit., p. 46. Cette circulaire prévoit
même, en cas de difficulté sur l'avis à donner au Préfet, la transmission de dossier au Directeur
général des impôts.
1368
Art. C 139 (1) du CGI 2015.
473
Il y a dans la loi une incompréhension, car dans ses dispositions
actuelles, c'est la saisine du Préfet qui entraîne une décision du chef de
l'exécutif municipal après avis des services des impôts. Et c'est cette décision
explicite ou implicite qui vaut décision de l'autorité municipale et ouvre droit
au recours juridictionnel. Or, il peut arriver que le Maire ne soit pas informé de
cette saisine du fait des multiples administrations qui interviennent dans ce
processus.

De même, il n'est pas aisé pour le contribuable dans ces conditions de


suivre les délais. Car, ni l'administration fiscale de l'Etat qui donne un avis, ni
le Préfet, ne sont obligés de l'informer du niveau de traitement de sa
réclamation, ou même de sa transmission au chef de l'exécutif municipal.

La volonté de déresponsabiliser les Collectivités locales est claire. Alors


qu'il aurait suffit aux administrations qui suivent le processus de
décentralisation d'opérer une revue de la formation du personnel communal
pour pallier toutes difficultés d'application de la loi sur la fiscalité locale. La
compétence de ces Collectivités dans les recours gracieux semble moins
problématique.

B)- Le champ de compétence des CTD dans le contentieux du


recouvrement
La compétence des CTD dans le contentieux du recouvrement des taxes
communales diffère suivant qu’il s’agisse des mesures de droit commun ou des
mesures particulières de recouvrement forcé des taxes communales.

474
1- La compétence des Collectivités dans le contentieux du
recouvrement des taxes communales
Le contentieux du recouvrement des taxes communales par le Receveur
municipal est le domaine dans lequel la législation fiscale camerounaise est
quasi muette. Aucune disposition particulière n'y est consacrée. Il faut donc se
baser sur la règle générale posée par l'article Cl36 du CGI qui précise juste que
« le recours contentieux des impôts locaux obéit aux règles et procédures
prévues par le Livre des Procédures Fiscales, sous réserve des dispositions
spécifiques régissant les taxes communales ». Et partir du constat qu'aucune
disposition particulière relative aux taxes communales ne prévoit les règles
concernant le contentieux de ces taxes communales, pour déduire que la
contestation des procédures mises en œuvre par le Receveur municipal et le
chef de l'exécutif municipal, obéit au régime général du Livre des Procédures
Fiscales. Une distinction doit donc être faite entre les règles de compétence
régissant le contentieux des mesures de recouvrement de droit commun et
celles régissant le contentieux des mesures particulières de recouvrement.

Les mesures de droit commun que le Receveur municipal chargé du


recouvrement forcé des taxes communales peut mettre en œuvre sont la mise en
demeure valant commandement de payer, la saisie et la vente. Lorsque les
agents de recouvrement municipaux effectuent les opérations de recouvrement
forcé des taxes, ils doivent respecter les mesures légales posées par le
législateur. L’article C130 alinéa 9 du CGI précise que « toute saisie ou vente
contraire aux formalités prescrites par le présent livre peut donner lieu à des
poursuites judiciaires contre ceux qui y ont procédé et les frais restent à leur
charge ».

Il faut en déduire que la contestation des actes et procédures de droit


commun de recouvrement forcé des taxes communales donne lieu à la saisine
475
directe et immédiate du juge judiciaire et c'est la personne de l'agent de
recouvrement qui sera poursuivie.

Toutefois, il y a lieu de préciser que les délais de l'AMR et du titre de


recette ne sont pas les mêmes. En effet, alors que l'AMR doit donner 15 jours
au contribuable pour s'acquitter spontanément de sa lettre avant tout début du
recouvrement forcé avec la mise en demeure, le titre de recette que délivre le
chef de l'exécutif municipal pour constater la dette fiscale relative à la taxe
communale a un effet immédiat. Le non-paiement entraîne directement la
saisie, suivie de la vente qui doit intervenir dans le délai de 30 jours sur
autorisation du chef de l'exécutif municipal.

Compte tenu de ces divergences de procédures, le législateur doit


apporter des précisions sur les dispositions régissant le contentieux des mesures
de poursuites de droit commun, car le seul renvoi aux dispositions du LPF est
insuffisant en l'état actuel du droit. Il en est de même du contentieux des
mesures particulières de recouvrement des taxes communales.

Partant des considérations de Roland ATANGA FONGUE envisager


sous l’angle de la finalité budgétaire, l’activité de contrôle fiscal permet
d’analyser toutes les séquences du prélèvement fiscal1369.

2- Les règles de compétence dans le contentieux des mesures


particulières de recouvrement forcé des taxes communales
Parmi les mesures particulières de recouvrement forcé des taxes
communales, on note la fermeture d'établissement, le blocage des comptes
bancaires, la contrainte extérieure, l'avis à tiers détenteur, l'interdiction de

1369
ATANGA FONGUE, Contrôle fiscal et protection du contribuable dans un contexte
d’ajustement structurel : le cas du Cameroun, que sont la gestion de contrôle, le recouvrement
et le contentieux, Yaoundé - Cameroun, Harmattan, 2007, p. 2.
476
soumissionner aux marchés publics, la mise en fourrière des véhicules. Le
simple renvoi aux dispositions du LPF pour les règles qui gouvernent leur
contentieux est insuffisant en matière de fiscalité locale, en ce qui concerne
précisément les taxes communales. Le principe général est qu'il s'agit des actes
administratifs et que leur contentieux relève de la compétence du juge
administratif après une phase précontentieuse devant l'administration. Mais du
fait qu'il s'agit des actes posés par le chef de l'exécutif municipal et le Receveur
municipal, les formes et délais du recours précontentieux méritent d'être
précisés. Car l'absence de règle de compétence laisse la voie à des abus de
l'administration que le juge sanctionne en utilisant un pragmatisme dans
l'analyse des actes posés par l'administration.

Dans l'affaire ENA MB ALLA Hubert contre Communauté urbaine de


Yaoundé1370, le juge administratif a qualifié la saisie et la mise en fourrière du
véhicule de sieur ENA MB ALLA de voie de fait administrative et non d'acte
administratif unilatéral, et a déclaré le juge judiciaire compétent.

En effet, une confusion peut découler de la mise en fourrière d'un


véhicule en tant que mesure particulière de recouvrement forcé des taxes
communales, et la voie de fait, si l'encadrement juridique de la perception des
droits de fourrière et de leur contentieux n'est pas effectif, comme le montre les
faits et la solution dans cette affaire. Le juge administratif précise que :
«... en date du 6 août 1988, veille de la coupe du Cameroun de football, un
engin (....) Procédait à l'enlèvement de son camion (...) garé dans la concession
privée ... sise ...route Dragages, sans sommation ni notification aucune... le
véhicule dont il s'agit a été retrouvé en 1991, (...) dans l'enceinte de la base des
sapeurs-pompiers à Mimboman et dans un état quasiment irrécupérable.

1370
CS-AP, arrêt n° 68/A du 22 février, 2007, ENA MBALLA Hubert contre Communauté
Urbaine de Yaoundé.
477
Qu'approchée (...) la CUY indexée a dit procéder à l'assainissement de la voie
publique en vue du passage du cortège présidentiel en sortie officielle.

Qu'il va sans dire que (...) le recourant est victime d'une machination
ayant eu pour but de le déposséder de son camion (...) l'itinéraire qu'emprunte
le cortège présidentiel (...) ne peut, même par extraordinaire, (...) violer un
domicile privé assez éloigné de la voie publique. Que même si tel pouvait être
le cas, la réglementation en matière de police municipale exige (...) que le
propriétaire du véhicule encombrant soit sommé (...), soit informé une fois le
véhicule mis en fourrière afin qu'il le retire après paiement de l'amende y
afférente ...
Le recours de EN A MBALLA Hubert est recevable en la forme. Ledit
recours est fondé, l'acte incriminé est constitutif d'une voie de fait
administrative et non d'un acte administratif unilatéral. Le juge judiciaire est
compétent en la cause »1371.

Ainsi, sur le problème juridique de savoir si la saisie et la mise en


fourrière du camion du sieur ENA MBALLA par la CUY était constitutive
d'une voie de fait administrative ou d'un acte administratif unilatéral, le juge
administratif de l'Assemblée plénière de la Cour suprême précise qu'il s'agit
bien d'une voie de fait administrative relevant de la compétence du juge
judiciaire.

Au regard de l'appréciation de la mise en fourrière, il faut souligner que


cet acte de l'administration municipale est un acte administratif unilatéral,
qualifié de mesure particulière de recouvrement forcé des impôts et taxes. Il
peut encore être une taxe communale dans la mesure où l'amende à laquelle il

1371
Dans le même sens, CS-AP, arrêt n° 10/A du 17 octobre 1988, MVE NDONGO, PGCS
contre NGABA Victor, cas dans lequel c'est le Préfet, autorité de tutelle, qui saisit les
marchandises pour le recouvrement des taxes, alors qu'il est manifestement incompétent en la
matière.
478
donne droit est le droit de fourrière. Toutefois, sa mise en œuvre doit respecter
les conditions bien précises que sont : les véhicules, objets ou animaux saisis
doivent se trouver sur la voie publique sans garde ou placés en infraction à la
réglementation de voirie. Les droits de fourrière ne peuvent être perçus que si la
commune assure effectivement la garde des animaux ou objets et véhicules
trouvés sur la voie publique. La municipalité doit sommer les propriétaires
d'enlever leurs biens, ou si cela n'est pas possible, leur notifier, au travers d'un
ordre de recette signé du chef de l'exécutif municipal, les amendes à payer pour
récupérer leurs biens. La vente des biens saisis doit intervenir, après une mise
en demeure, au terme d'un délai de 30 jours à compter du jour de la mise en
fourrière si le contrevenant n'a pas payé les droits de fourrière.

Par ailleurs, en tant que mesure particulière de recouvrement des impôts


et taxes, son contentieux est un contentieux de recouvrement et les conditions
du recours gracieux préalable y relatif doivent être bien précisés par le
législateur.

Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, la mise en fourrière du


véhicule perd sa nature d'acte administratif unilatéral pour être qualifiée de voie
de fait administrative, ce qui donne la compétence au juge judiciaire pour
connaître de l'action en réparation.

En statuant de la sorte, le juge suprême de l'Assemblée plénière de la


Cour suprême confirme une jurisprudence constante depuis l'arrêt de la Cour
fédérale de justice dans l'affaire MVE NDONGO Abraham du 17 octobre
1968.
Au final, le droit de fourrière en tant que taxe communale, est un
prélèvement qui obéit à une procédure précise. Car, ce droit n'est perçu,
conformément à l'article C78 du CGI, que sur les animaux ou les véhicules
trouvés sans gardien dans les Communes où il y a un service effectif de garde
479
des véhicules. Ces droits sont recouvrés par le Receveur municipal au vu d'un
ordre de recette émis par le chef de l'exécutif municipal. Les règles de
compétence en matière de contentieux de ces actes méritent donc des précisions
du législateur, pour permettre au juge de les distinguer des voies de fait.

480
CONCLUSION

Nous avons dans le cadre de ce chapitre présenté les capacités des CTD
en matière de recouvrement et du contentieux de l’impôt local. Aussi, en
matière de recouvrement des taxes communales, la compétence incombe au
Receveur municipal après émission par les services d'assiette communaux.
Quant à la matière contentieuse, la compétence du chef de l'exécutif municipal
pour l'examen en premier recours des réclamations relatives uniquement aux
taxes communales, à l’exclusion de la taxe de développement local et des
impôts communaux. Par ailleurs, il convient de préciser que les Collectivités
territoriales décentralisées n'ont aucune compétence fiscale s'agissant des
impôts locaux, administrés et gérés par l'Etat, mais dont les recettes leur sont
simplement affectées.

En effet, si les libertés fiscales se justifient par la possibilité de moduler


les taux d’imposition et de constitution de l’assiette fiscale, elle est tout aussi
restreinte par le pouvoir d’approbation que détient la tutelle. Il s’agit d’une
liberté largement encadrée par les textes. Cependant, au-delà des ressources
fiscales, le législateur a concédé aux CTD d’autres ressources souvent
qualifiées de ressources de compensation.

481
CONCLUSION DU TITRE I

Le vent de la reforme a soufflé plus large que ses devancières. Consacré


au problème de la gestion du patrimoine financier local et à la répartition des
charges fiscales entre l’Etat et les Collectivités territoriales décentralisées, deux
grandes orientations ont été prises en compte : La modernisation de la fiscalité
et plus généralement l’accroissement des ressources des Collectivités locales.

Le maniement exclusif des fonds par le réseau de la comptabilité


publique et le recouvrement par l’Etat de la plupart des impôts locaux ensuite
reversés à leurs destinataires à un rythme qu’il contrôle, constituent des
prolongements manifestes de sa souveraineté.

Elle constitue ce que certains auteurs1372 appellent l’ineffectivité


juridique du principe. Toutefois, il nous semble excessif d’écrire comme le fait
Dominique Rousseau1373 que, selon le Conseil constitutionnel, la Constitution
ne reconnaît aucun pouvoir fiscal aux Collectivités territoriales. Certes, le
législateur est libre de déterminer l’étendue de la compétence des Collectivités
locales en ce domaine. Mais il est aussi tenu de respecter certaines limites dans
l’exercice de son propre pouvoir fiscal.

Néanmoins, malgré le dynamisme actuel de la fiscalité locale suite aux


transferts d’impôts indirects de l’Etat pour faire face à leur nouvelle
compétence, l’autonomie de décision fiscale des Collectivités territoriales reste
fragile mais poursuit son chemin. L’ensemble de ces dispositions ne fait que
pallier l’absence de volonté politique de réformer en profondeur la fiscalité
locale, qui est un enjeu des plus complexes. Il n’en reste pas moins que

1372
GAUDAL (S.) et ROBBE (F.), Les relations entre Collectivités territoriales, Paris,
Harmattan, p. 211.

482
l’autonomie de décision de gestion des Collectivités territoriales leur garantisse
une autonomie financière qui serait renforcée par une plus grande autonomie de
décision fiscale.

483
TITRE II :
LE TRANSFERT DES RESSOURCES NON
FISCALES

484
Les concours financiers de l'Etat se répartissent, du point de vue de la
maîtrise des flux, entre ceux qui sont de véritables subventions aux
Collectivités locales, et ceux qui s'analysent comme des compensations à des
transferts de charges ou de compétences.
La réforme constitutionnelle du 18 janvier1996 a fait renaître un
principe constitutionnel. Aussi, elle a introduit dans le cadre de l’article 55 que,
désormais les Collectivités territoriales décentralisées disposent des ressources
dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

La loi de 2009 à la suite de la loi cadre de 20041374 au Cameroun et dans


les pays d’Afrique noire francophone (Côte-d’ivoire1375, Gabon1376,
Sénégal1377) est venue préciser le contenu des ressources en question. Aux
ressources fiscales ont été adjointes les ressources non fiscales telles que
l’emprunt (chap. II) et les ressources qualifiées de compensation par la majorité
de la doctrine ; ce sont les subventions, les dons et les legs. Ainsi peu importe
que l’autonomie fiscale puisse être réduite et que l’autonomie budgétaire puisse
également l’être avec la notion de dépenses interdites, l’autonomie financière
des Collectivités continue de se faire parce qu’elle tire son essence d’autres
sources.
En effet, au terme de l’art. 55 al 3 de la Constitution « tout transfert de
compétences entre l’Etat et les Collectivités territoriales s’accompagne de

1374
L’article 22 de la loi d’orientation de la décentralisation au Cameroun précise quant à lui
que les ressources des Collectivités locales proviennent des dotations.
1375
En Côte-d’ivoire, les articles 86, 90, 93 et 94 prévoient pour les Collectivités diverses aides
de l’Etat qui sont la dotation globale de fonctionnement, la dotation générale de
décentralisation, la subvention d’équilibre, en cas de nécessité et la subvention d’équipement
pour la réalisation des programmes de développement.
1376
Au Gabon, selon les articles 150 et 155 de la loi organique sur la décentralisation, les
concours financiers peuvent prendre la forme de dotation globale de fonctionnement, de
dotation d’équipement et de subventions diverses.
1377
L’article 248 de la loi portant code des Collectivités locales au Sénégal dispose de son côté
que les recettes ordinaires des Collectivités locales proviennent, entre autres, de la répartition
annuelle du fonds de dotation des Collectivités locales.

485
l’attribution de ressources équivalentes …». Cet article consacre donc un
principe de compensation financière. Un droit à compensation a donc ainsi été
créé et une interrogation sur la nature juridique des compensations financières.
C’est aussi un nouveau catalyseur de l’autonomie financière des Collectivités
en ce qu’elle fortifie cette autonomie. Ainsi, la Constitution pose le principe de
l’opération blanche1378. Elle est constituée en dehors des dotations, des dongs
et des legs (chap. I).

1378
REGOURD (S.), CARLES (J.), GUGNARD (D.), Reforme et mutation des CT, Paris,
Harmattan, 2012, p. 232.
486
CHAPITRE I :
LES RESSOURCES NON FISCALES
DEFINITIVES

Les transferts financiers du budget de l’Etat à celui des Collectivités


locales pourraient se justifier par le fait que les Collectivités locales assurent
certaines charges au nom et pour le compte de l’Etat : Etat civil, police de la
propriété, missions d’ordre public, etc. ; les Collectivités participent ainsi à la
mise en œuvre des politiques nationales et contribuent de ce fait à la réalisation
des objectifs de développement national ; cependant l’intérêt local n’est pas une
tranche de l’intérêt national. A ce titre, l’Etat se doit de soutenir l’exécution
locale des politiques nationales. C’est un truisme que d’affirmer que l’exercice
effectif des compétences transférées aux Collectivités territoriales est
conditionné par le transfert des moyens financiers, sinon la décentralisation
s’analyserait en une débudgétisation, c’est-à-dire reviendrait à un transfert des
charges permanentes de l’Etat aux Collectivités locales sans ressources
correspondantes1379. Celles-ci verraient alors leurs charges financières
augmenter. Comme l’écrit André ROUX, « Il y aurait, en effet, un effet pervers
de la décentralisation si les transferts de compétences ne s’accompagnaient pas
de moyens financiers. L’extension des compétences se retournerait alors contre
les Collectivités territoriales qui devraient assumer des charges financières
difficilement supportables »1380.

1379
ESSONO OVONO (A.), L’autonomie financière des Collectivités locales en Afrique noire
francophone. Le cas du Cameroun, de la Côte-d’ivoire, du Gabon et du Sénégal, Faculté de
droit et des sciences économiques de Libreville, CERDIP, 2013, p. 22.
1380
ROUX (A.), « L’autonomie financière des Collectivités territoriales dans les constitutions
européennes », Mélanges en l’honneur de J. Gicquel. Constitutions et pouvoirs, Paris,
Montchrestien, 2008, p. 483.

487
L’article 9, alinéa 2, de la Charte européenne de l’autonomie locale
dispose ainsi que « les ressources financières des Collectivités locales doivent
être proportionnées aux compétences prévues par la constitution ». Le
constituant français a, dans ce sens, précisé que « tout transfert de compétences
entre l’Etat et les Collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de
ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute
création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les
dépenses des Collectivités territoriales est accompagnée de ressources
déterminées par la loi »1381.
Dans les Etats d’Afrique noire francophone, la constitution ou la loi a
posé le principe de compensation financière des transferts des charges
financières aux Collectivités territoriales. la loi portant code des Collectivités
locales du Sénégal1382 dispose que « tout transfert de compétence à une
Collectivité doit être accompagné du transfert concomitant par l’Etat à celle-ci,
des ressources et moyens nécessaires à l’exercice normal de
cette compétence ». Au Cameroun1383, la loi d’orientation de la décentralisation
est plus explicite encore puisqu’elle affirme que « les charges financières
résultant, pour chaque région ou commune, des transferts de compétences,
font l’objet d’une attribution par l’Etat de ressources d’un montant au
moins équivalent aux dites charges ». L’article 233 de la loi organique
relative à la décentralisation au Gabon l’énonce aussi très clairement 1384. Par
ailleurs, lors du sommet Africités qui s’est tenu à Windhoek en Namibie en mai
2000, les Ministres chargés des Collectivités locales et des finances des Etats
africains ont, dans une déclaration, reconnu la nécessité de transférer aux

1381
Article 72-2, alinéa 4 de la Constitution.
1382
Article 5 de la loi portant code des Collectivités locales du Sénégal.
1383
l’article 25 de la loi d’orientation de la décentralisation précitée.
1384
En précisant que« le transfert de compétences s’accompagne du transfert de ressources
correspondantes ».
488
Collectivités locales les ressources financières nécessaires pour qu’ « elles
exercent effectivement, volontairement et rationnellement leurs compétences ».
Les transferts financiers de l’Etat aux Collectivités locales peuvent
prendre plusieurs formes : dotations générales pour contribuer au
fonctionnement des Collectivités locales (section II) ; fonds de concours pour
participer au financement ciblé sur certains investissements1385 ou au soutien à
certaines politiques ; subventions d’équilibre pour contribuer à l’équilibre des
budgets des Collectivités locales (section I). Ces différentes modalités dont le
but est d’amener les CTD à gérer elles-mêmes leurs affaires, seront tour à tour
analysées1386.

1385
Ce sont des subventions spécifiques.
1386
C’est également suivant cette orientation que le législateur a mis en place des moyens de
péréquation entre les Collectivités locales pour corriger les déséquilibres qui peuvent se
développer du fait des dotations différenciées entre Collectivités locales en termes de
potentialités naturelles, économiques ou humaines.
489
Section I : Les subventions

La question majeure que peut poser ce type de financement des CTD


dans le cadre de la décentralisation est de savoir si ce procédé ne représente pas
pour l’Etat un moyen d’intervenir indirectement sur les politiques locales et par
conséquent de nuire à l’autonomie du secteur public local ? Une réponse par
l’affirmative en vertu de l’adage « celui qui paie a tous les droits » pourrait se
justifier, cependant on peut rétorquer à un tel argument que ce qui fait la réelle
liberté d’une institution c’est d’abord qu’elle puisse disposer des moyens
financiers et en suite qu’elle ait la liberté d’utilisation.

Paragraphe I : Les provenances des subventions

Selon les contextes, de nombreux programmes peuvent être considérés


comme des subventions. Pour simplifier les choses, ces programmes peuvent
être classés en au moins deux catégories : premièrement, les pouvoirs publics
nationaux peuvent transférer des fonds aux CTD, ce qui se traduit par des
dépenses budgétaires directes ou potentielles, il s’agit des subventions internes.
Elles sont devenues un élément fondamental des ressources financières
des Collectivités décentralisées, on peut l’analyser comme «une redistribution à
l’intérieur de l’économie publique des ressources (fiscales à titre principal)
perçues par l’Etat1387. Elle présente l’avantage d’être un palliatif, en effet, elles
permettent d’atténuer globalement les conséquences du faible rendement et la
rapidité du système fiscal. Elles permettent aux Collectivités de disposer des
ressources en qualité suffisante pour assurer la marche normale des services
dont elles ont la charge.

1387
FREVILLE (L.Y.), Recherches statistiques sur l’économie des finances locales, thèse
RENYES, 1966, p. 351.
490
A)- L’origine interne et emploi de la subvention

L’Etat devant l’insuffisance des ressources propres des Collectivités


décentralisées s’est trouvé obligé de financer, par des subventions les dépenses
importantes de ces dernières. Les subventions qui se définissent comme « une
somme d’argent versée par une Collectivité publique supérieure, généralement
l’Etat, à une Collectivité inférieure ou secondaire pour lui permettre de pourvoir
aux charges des services publics dont elle assure la gestion»1388 diffère suivant
qu’il s’agit des subventions d’équipement ou des subventions de
fonctionnement

1- Les subventions d’équipement

Dans la mesure où le service public ne peut fonctionner sans un certain


nombre d’équipements, il n’y a aucune raison que les dépenses d’équipement
ne fassent pas l’objet d’une contribution de l’Etat. L’exiguïté des objets des
Collectivités ne leur permet pas de les entreprendre avec leurs seules ressources
propres, même en recourant à l’emprunt, une politique d’investissement1389
dont la nécessité ne fait que croître. Elles sont donc conduites à la demande
d’aide sous la forme de subvention d’équipement.

Cependant, en recourant à l’aide de l’Etat, les Collectivités se


soumettent automatiquement à son contrôle. J. de SAVIGNY note que, « l’Etat
assortit son aide de tant de conditions qu’il a provoqué à son projet un
véritable transfert des responsabilités en matière d’équipement local »1390.
Jacques CATHELINEAU remarque à cet effet que « En demandant une aide à
l’Etat, la Collectivité se soumet automatiquement à son contrôle car le pouvoir

1388
BOULOUIS (J.), Essai sur la politique des subventions administratives, 1951, p. 5. Il ajoute
qu’« il serait pour le moins téméraire d’en vouloir donner une définition plus précise, aucune
définition n’étant capable d’en faire apparaître ; même en quelques phrases tous les aspects».
1389
Rapport sur la modernisation de l’administration territoriale, MINATD, août 2008, p. 5.
1390
DE SAVIGNY (J.), L’Etat contre les Communes. CNRS, 1971, p. 155.
491
sait s’assurer du bon emploi des subventions qu’il verse et vérifie si cette
Collectivité a réellement besoin des fonds ». Tant il est que la subvention n’est
pas toujours considérée comme un don, comme une participation à une œuvre
d’intérêt général.

En effet, la subvention a changé de nature en changeant d’objet. De


simple moyen de financement, elle est devenue un procédé particulièrement
efficace de contrôle. L’étude du régime d’attribution1391 ainsi que celui de
l’emploi des subventions des communes en France selon Claude MAITROT
montre comment la subvention a été détournée de vocation primitive et comme
elle permet à l’Etat de contrôler rigoureusement des décisions d’équipement des
municipalités et cela parce que non seulement elle représente une part
considérable des recettes d’équipement des budgets communaux, matérialisant
ainsi l’inféodation des communes à la puissance centrale.

Au Cameroun c’est l’action principale du FEICOM. Il a mis en place un


programme d’assistance aux communes à revenus faibles (PARCAF) dans le
but de développer tout les CTD quelle que soit leur taille et leurs moyens.

2- Les subventions de fonctionnement

Elle représente la participation de l’Etat à des dépenses obligatoires


mises à la charge des Collectivités locales1392. Pour une construction solide
d’une autonomie de ressources, les subventions globales ou générales
apparaissent comme une approche stratégique et responsabilisante de l’action
locale.

Les subventions servent aussi à la réalisation de l’équilibre budgétaire,


aujourd’hui, elles sont utilisées pour financer les investissements. Elles

1391
MAITROT (C.), op. cit., p. 197.
1392
Cf. La loi n° 2009/011 du 10 juillet précitée.
492
apparaissent comme un remède au déséquilibre financier des Collectivités
locales1393. Elles permettent également une répartition des ressources entre des
Collectivités, qui sont sur ces plans en situations très inégales. C’est aussi un
fonds de compensation. Grâce à un fonds de compensation, elles peuvent
obtenir le remboursement partiel des dépenses dans l’intérêt de l’Etat à revoir
un système de fonds commun1394 (…), c’est une part de participation aux
dépenses d’intérêt général qu’elles effectuent en particulier en matière
d’enseignement. Dans le contexte camerounais il faut noter que contrairement à
de nombreuses affirmations, les subventions de fonctionnement deviennent un
élément non négligeable des ressources communales. De principe, elles
couvrent purement et simplement le déficit des Collectivités.

« La progression des subventions étatiques fait apparaître clairement la


forte distorsion qui existe entre le montant de ses ressources propres et celui de
ses charges d’exploitation qui résulte à la fois de la politique de blocage des
tarifs et des subventions de l’environnement camerounais ».

B)- L’origine externe des subventions aux CTD


Les subventions d’origine externe proviennent des rapports que les
Collectivités entretiennent avec les Collectivités externes au territoire national.
Ces rapports sont cependant coordonnés par le FEICOM.

1- Une conséquence de la coopération décentralisée

1393
Dans la période antérieure à la guerre mondiale, l’Etat n’accordait des subventions aux
Collectivités locales que dans des buts précis et pour des objets intéressant à la fois l’Etat et ses
Collectivités locales. En revanche, après 1918, on assiste en raison de l’extension de la notion
d’intérêt générale et du fait des circonstances économiques et sociales, à l’accroissement du
nombre des subventions ainsi qu’à l‘augmentation de leur montant. A la veille de la seconde
guerre mondiale, à l’institution des subventions dominent les finances locales.
1394
Cf. Statut du FEICOM.
493
Les subventions externes proviennent de la coopération décentralisée
des communes des Etats différents.

C’est le cas de la coopération allemande (KfW) qui a octroyé un


financement de 10 milliards de francs Cfa , à mettre à la disposition de 16
communes camerounaises, dans le cadre du «Programme de décentralisation
Feicom-villes moyennes (Pdvm-Feicom)» à l’effet de doter les Collectivités
locales éligibles d’équipements marchands, générateurs de revenus, ou
collectifs, non générateurs de revenus.

Des conditions d’acquisitions restent tout de même posées. En effet,


les communes éligibles à ce programme, qui s’achèvera en 2018, sont, d’une
part, celles revendiquant moins de 50 000 habitants, qui pourront être financées
entre 200 et 650 millions de francs Cfa et d’autre part, les communes de plus de
50 000 habitants, dont les financements des projets seront plafonnés à 1,3
milliards de francs Cfa1395. Le but c’est de responsabiliser les communes et les
entités régionales, parce qu’elles sont plus proches des populations.

2- Le truchement du FEICOM
L’Etat est garant de ses populations. Aussi au plan international une
Collectivité ne peut agir seule, ne disposant d’aucune souveraineté. Elle prend
la forme d’une aide publique au développement et nécessite par conséquent un
regard encadreur de l’Etat1396.

1395
Les projets liés à l’éducation et à la construction des hôtels de ville ont, à eux seuls,
engloutis environ 45% de l’enveloppe globale des investissements, soit environ 51,6 milliards
de francs Cfa.
1396
DEVARAJAN ET SWAROOP (1998) montrent comment l’aide publique au
développement (APD), même destinée à des projets précis, peut financer indirectement d’autres
activités dans les cas où l’Etat aurait de toute façon exécuté le projet en question, l’APD ayant
pour effet de libérer des ressources publiques qui peuvent être utilisées autrement.
494
La loi de juillet 2009 traduit cet appui financier comme non
remboursable. Il est alloué par l'Etat ou toute autre institution à des communes.
Cette somme peut être mise à la disposition du FEICOM à charge de la
reverser, à une commune ou à un groupement de communes expressément
désigné pour des opérations précises1397.

La principale conséquence de mécanisme de fonctionnement est le


contrôle de l’Etat sur les Collectivités. Selon Claude MAITROT, la finalité des
subventions a évoluée. A l’origine la subvention était seulement un moyen de
financement pour les Collectivités décentralisées1398. Elle revêtait un caractère
général d’encouragement jouant un rôle de stimulant et suscitant les initiatives.
Mais déjà par une conséquence inéluctable de ce que Jean BOULOUIS a appelé
« la logique interne de l’institution »1399 elle portait atteinte à l’autonomie des
Collectivités bénéficiaires. Le procédé contient en lui-même des éléments de
contrainte. En effet, en vertu du principe selon lequel « qui paie commande » le
pouvoir central dispose, par l’octroi des subventions, d’une véritable panoplie
de moyens d’orientation et de contrôle. Ce sont eux qui aujourd’hui occupent la
place. L’objectif initial, c’est-à-dire le moyen de financement, est moins
important, un deuxième objectif apparaît essentiel, la subvention est un moyen
déterminant pour l’Etat, d’orienter et de contrôler les activités des Collectivités
secondaires.

Paragraphe II : Les critiques et limites de la subvention

Au-delà du principe bien admis du procédé de subvention comme


source de financement des budgets locaux, les mécanismes de leur acquisition
se caractérisent par leur particulière complication. La première barrière à la

1397
Art. 2 du Code d’intervention du FEICOM du 16 novembre 2007.
1398
MAITROT (C.), La notion d’autonomie…, op. cit., p. 56.
1399
Ibid.
495
subvention comme garantie de l’autonomie des Collectivités tient à la
définition de ce concept. L’évolution de l’utilisation de celui-ci pourrait faire de
lui un moyen de pression de celui qui subventionne sur les subventionnés.

A)- Les critiques politiques

Le substratum du concept de subvention décline l’atteinte par celle-ci à


l’autonomie financière des Collectivités territoriales décentralisées. Certaines
critiques les plus sévères sont portées sur l’institution elle-même, d’autres se
bornent à considérer les défauts des modalités techniques. La pratique abusive
des subventions réduit les libertés reconnues et affirmées solennellement par les
textes. Elles sont contre balancées par un système de subordination financière
telle que l’autonomie est devenue plus théorique que réelle. On accuse les
subventions d’être par essence centralisatrices à la fois par leur action
informatrice et dans la mesure où elles promettent une emprise toujours plus
accentuée du pouvoir central.

1- L’uniformisation

Le système des subventions aboutit à la négation de la décentralisation


et à la violation de l’autonomie locale en général et l’autonomie financière en
particulier1400.

Sur le plan politique, les subventions tendent par la diminution voire la


disparition de l’initiative et de la responsabilité locale, à restreindre les rapports
entre le gouverné et le gouvernant, et à priver l’Etat de l’excellente école de
gouvernement que constitue l’administration locale notait Jean BOULOIS en
1951, et il poursuivait : « les effets de la décentralisation se trouvent également
annulés dans leur fondement administratif, ceux-ci étant destinée, dans une

1400
MAITROT (C.), La notion d’autonomie…, op. cit.,p. 57.
496
certaine mesure, à assouplir la gestion des services publiques (…) en
permettant l’application généralisée des règles établies par les administrations
centrales, le système de subvention revient à la rigidité que l’on se proposait
précisément de palier »1401. Ce sont des libertés broyées par l’engrenage
bureaucratique.

En effet, l’Etat subordonne son aide financière au respect des règles


qu’il fixe sur l’ensemble du territoire sans tenir compte des situations locales.
Ces règles, qui entrent dans les moindres détails, réalisent une uniformité
parfaite et ne laissent aucune initiative aux Collectivités locales qui n’ont plus
qu’une liberté étroitement canalisée. L’uniformisation administrative, s’ajoute
l’uniformisation financière résultant du système de subvention et qui traduit
elle aussi leur caractère centralisateur. En effet, la pratique des subventions
conduit J. BOULOUIS à écrire qu’il « existe plus de finances locales, mais tout
au plus une localisation des finances nationales »1402. Il y a sans doute de
l’exagération dans ce propos, mais il manque bien un certain regard du pouvoir
central sur le pouvoir local.

2- L’emprise du pouvoir central

En dehors du pouvoir d’approbation qui pour certains auteurs


subordonne le budget d’exécution et une intervention de l’Etat, celui-ci a bien
des moyens de réduire, l’autonomie financière que paraît assurer la personnalité
morale. C’est ainsi par exemple qu’en substituant à une formule de subventions
(permettant une certaine liberté dans la disposition des crédits) la prise en
charge directe de certaines dépenses et en imposant des formes plus rigoureuses
dans la présentation des budgets, la pratique actuelle réduit considérablement

1401
BOULOIS (J.), op. cit., p. 155.
1402
Ibid., p. 312.
497
la liberté budgétaire des Collectivités, sans que leur interdépendance
traditionnelle ait été âprement atteinte.

En faisant dépendre l’efficacité de la gestion de subvention qu’il faut


solliciter1403, les pouvoirs publics contredisent leur volonté, proclamée par
ailleurs, de promouvoir et développer la démocratie au plan local. « Les
Collectivités demandeuses ne sont plus libres »1404, M. A. PUGET l’avait noté :
« l’Etat tient les écluses, il peut en accélérer ou en ralentir le débit »1405.

Des conditions sont imparties, des règles sont étudiées, la Collectivité


subventionnée perd en liberté ce qu’elle gagne en ressources1406. En effet, il
semble que ce soit une règle quasi absolue que celui qui procure les moyens
financiers nécessaires à l’exercice des compétences d’un autre, subordonne son
aide à certains engagements ou garanties et se réserve d’en contrôler l’emploi.
Il est obligatoire que la subvention entraîne une appréciation préalable, de
l’utilité et de l’opportunité de la demande à satisfaire. Par conséquent, on ne
peut éviter que l’octroi d’une subvention à une Collectivité ne s’accompagne
d’un droit de contrôle du bon emploi des fonds. Or, un contrôle sérieux doit
s’intéresser non seulement à l’exécution d’un projet, mais aussi à sa conception
et à son insertion dans une politique cohérente. C’est le revers de la subvention.

Le développement de la subvention de l’Etat, apparemment avantageux


pour les Collectivités a confirmé et accéléré le rétrécissement de leur liberté et
leur soumission à des contrôles à priori de plus en plus contraignants1407. Dans
ce cas l’autonomie de la décision se situe plus au niveau de la demande de la
subvention, l’Etat ne pourrait contraindre une Collectivité à réaliser une

1403
Art. 17, Loi n° 2009/ 011 du 10 juillet 2009 précitée.
1404
PAVIA (M.-L.), Les transferts…, op. cit., p. 65.
1405
PUGET (M.A), op. cit.
1406
Revue Administrative n° 4, p. 11. Rapport sur les relations entre le pouvoir central et les
pouvoirs locaux.
1407
MOULIN (J.), Les citoyens au pouvoir, Paris, LGDJ, 1968, p. 57.
498
opération qu’elle refixerait quand bien même elle s’octroie souvent le droit
d’orienter le choix de la subvention.

On aboutit donc à une véritable ingérence qui se transforme en une co-


gestion, et parfois même à une substitution parfaite de la volonté de l’Etat à
celle des Collectivités locales. La subvention pour certains auteurs entraîne la
« décadence de l’autonomie financière »1408.

En plus d’un partage confus des pouvoirs qui entraîne l’émiettement des
responsabilités, les Collectivités locales connaissent un handicap qui n’est pas
de moindre importance, le manque de financement rend plus difficile la
réalisation d’initiative et de projet pour certains auteurs, le transfert de
compétence s’effectue dans les conditions telles qu’elles ne peuvent être
exercées que de manière imparfaite, c’est le sens de la déclaration de MAZEK
pour qui les compétences sont partielles, tronquées matériellement et surtout
financièrement, ce qui entraîne nécessairement une intervention induite de
l’Etat1409.

L’effectivité des compétences des Collectivités locales est conditionnée


par l’existence des ressources financières propres. La médiocrité des pouvoirs
financiers des Collectivités locales paraît être le 1er handicap. L’existence des
compétences économiques locales aussi larges soient-elles ne peut avoir une
grande influence si en contrepartie les Collectivités ne sont maîtres de leurs
finances1410.

Pour la doctrine l’un des moyens les plus puissants à travers lesquels
l’Etat s’assure d’instrument d’orientation des choix des pouvoirs décentralisés
est celui des prêts et des subventions. En effet, sachant que la majorité des
Collectivités camerounaises appellent à des subventions d’équilibre, en fin de

1408
MAZEK (J.-A.), La Région espace du pouvoir, op. cit., p. 248.
1409
Ibid., p. 248.
1410
TARIK (Z.), La coopération décentralisée…,op. cit., p. 180.
499
chaque exercice budgétaire, on peut mesurer l’ampleur des interventions des
pouvoirs centraux dans la gestion des affaires locales. La subvention constitue
un puissant moyen de pression de l’Etat sur les CTD, étant donné d’une part
que leur octroi conditionne le recours à l’emprunt et d’autre part leur attribution
se fait dans l’objectif d’obtenir la participation ou l’adhésion à des actions
décidées au niveau central.

Le maintien de ces aides correspond le plus souvent à la volonté pour


l’Etat de conserver au moyen de cette forme particulière de concours, une
maîtrise très poussée de l’aide financière apportée aux Collectivités
territoriales. Pour certains auteurs « les procédés de la subvention représentent
un moyen pour l’Etat d’intervenir indirectement sur les politiques locales de les
infliger, voire de les déterminer »1411. Le procédé de subvention est une
illustration parfaite de l’analyse selon laquelle les finances publiques sont
considérées comme un enjeu du pouvoir.

La subvention apparaît pour une partie de la doctrine comme contraire à


la décentralisation1412. Elle est non plus seulement un procédé de tutelle, mais
un procédé de centralisation. Jean BOULOIS poursuit en disant que la politique
des subventions n’est pas le développement de tel ou tel système préconçu mais
une pression d’une nécessité économique et financière1413 estime que « si l’on
considère la politique des subventions dans la perspective plus vaste de ses
effets, son caractère le plus frappant est sans nul doute, dans sa forme
centralisatrice ».

1411
DESCHEMACKER (Ch.) et VOYELLE, Les finances locales, Collectivités locales, 6e éd.,
Paris, LGDJ, p. 83 ; P.REYNE (B.-A.), avec la collaboration de BAYNAUD (J), les risques de
la gestion financière des Collectivités locales, éd. DEXIA, Paris, Collectivité actuelle locale,
p. 20.
1412
HAURION (M.), Précis de Droit administratif et de droit public, op. cit., p. 67.
1413
BOULOIS (J.), op. cit. , p. 70.
500
Elle est quelle que soit ses formes, par son esprit et par ses règles
d’attribution, la négation même de l’autonomie financière comme le notait un
auteur français « de la subvention à la subordination, il n’y a même pas un
pas »1414.

Aussi pour une pleine responsabilité de gestion de Collectivité et pour


conférer à celle-ci une complète autonomie financière, il faudrait recourir au
mécanisme de la subvention forfaitaire globale décomposée.

B)- Les critiques techniques


Elles sont faites sur les autorités et la procédure d’acquisition de la
subvention.

1- Les autorités

Tout d’abord, la dispersion des procédures engendre naturellement une


certaine limitation des objectifs. En effet, par la technique des « subventions
sectorielles », le pouvoir des décisions en matière d’aménagement et de
l’agglomération est transféré, dans une large mesure, au pouvoir central, ce qui
conduit à une planification verticale par type d’investissement. Cette
planification verticale peut s’avérer incohérente au plan local.

Ensuite au niveau de la programmation financière, les subventions sont


accordées au prorata du coût de chaque équipement pris isolément, et non en
fonction de l’investissement communal. Il en résulte une absence de
modulation en fonction des besoins d’investissement de chaque commune
considérée globalement. Ce système a pour conséquence paradoxale d’aider les
communes les plus riches, car ce sont elles qui entreprennent le plus de projets,

1414
CHANDEAU (P. M.), « De la subvention à la subordination », revue des Collectivités
locales, p. 845 nov, cité par MAITROT (J-C), th. de doctorat, La notion d’autonomie
financière, op. cit., p. 188.
501
et de creuser l’écart entre communes riches et communes pauvres. Les
communes urbaines apparaissent alors comme les monitrices des travaux
publics.

Enfin, les pluralités des autorités au plan national chargées d’accorder


les subventions et les procédures applicables maintiennent une ingérence
permanente dans les affaires locales. En effet, chaque ministère établit pour
chaque catégorie, une réglementation particulière d’octroi d’aider au
Cameroun, MINADT, Ministère de la ville, et de l’aménagement du territoire.

2- La dispersion des procédures applicables

Bien que les procédures actuelles des subventions ne soient constituées


empiriquement au gré des circonstances, il est possible de dégager un certain
nombre de règles générales.

Les subventions d’équipement sont automatiques, le pouvoir fiscal


dispose d’une liberté de l’accorder ou non. Elle exige d’abord la constitution
d’un dossier longuement étudié. Pour qu’un projet soit subventionné, il doit
remplir un certain nombre de conditions préalables, en effet l’autorité centrale
subordonne son aide au respect d’un certain nombre de règles techniques ou
financières.

Les règles techniques ont trait, de manière générale soit au mode


d’édification soit aux dimensions de l’ouvrage qui doit être construit. Elles
constituent ce que l’on a appelé la « doctrine de construction ». Relativement
au préalable financier les autorités locales sollicitant l’aide pécuniaire de l’Etat
à consentir de leur côté un effort financier 1415.

Parfois, les subventions sont attribuées de façon forfaitaire, parfois


calculées au pourcentage de la dépense, en ce cas, le pourcentage est dans

1415
MAITROT (C.), Th. de doctorat, La notion…, op. cit., p. 157.
502
certaines hypothèses fixé dans d’autres variables. Dans l’hypothèse de la
variation, celle-ci s’apprécie sur des bases très diverses établies soit d’après des
valeurs financières ou fiscales1416, soit d’après des éléments physiques, souvent
les deux à la fois exemple. Les élus locaux doivent donc se conformer aux
règles qui leur sont prescrites, ils doivent respecter les procédures différentes
d’établissement d’un dossier. Observer des modalités d’exécution diverses.
Cependant, la plupart d’entre elles, ne disposent pas d’un personnel
suffisamment formé, le recours aux services techniques de l’Etat est
pratiquement obligatoire.

Pour remédier à cet état des choses, le législateur camerounais a proposé


en plus des subventions la redistribution des recettes fiscales entre les
Collectivités. Elle enduit, pour éviter que « la souplesse de pression fiscale qui
leur serait accordée ne conduise à des inutilisations locales momentanées, des
possibilités fiscales, il faut que toutes les Collectivités aient un besoin constant
de les utiliser … une telle stabilité des charges n’est concevable que dans le
cadre d’un élargissement sensible des affaires considérées comme locales »,1417
une reconsidération des cartes locales.

« Dans les perspectives actuelles, une solution plus simple considérait à


octroyer une subvention globale non affectée à telle ou à telle dépense : elle
serait seule compatible avec un véritable respect de financière locale »1418. Si
cette approche paraît adéquate, elle regorge des limites, étant donné qu’elle
ignore les nouvelles orientations budgétaires camerounaises1419. A la suite de
l’auteur, la doctrine a préconisé la personnalisation des différentes subventions
existantes en fonction de la situation financière des Collectivités. Mais une telle

1416
Prix de l’eau du m2
1417
MAITROT (C.), La notion d’autonomie …, op. cit., p. 204.
1418
PALLEZ et FOUQUET, « La reforme des finances locale », Bulletin S.E.D.E.J.S , p. 546,
p. 105, cité par MAITROT (C.), Ibid.
1419
Budget Programme, le principe de l’affectation budgétaire.
503
modulation entraîne une grande complexité et continue à enlever aux
Collectivités la responsabilité financière des opérations entreprises. Aussi on
s’acheminerait vers une voie moyenne qui consisterait dans l’octroi à côté du
« diabolique système de subvention affectée » d’une subvention d’équipement
globale et complémentaire.

3- Une définition ambivalente de la subvention

Bien qu’il soit largement employé en économie, le terme subvention est


rarement défini. Souvent, il est utilisé comme un antonyme du mot taxe,
désignant un transfert d’argent des pouvoirs publics à une entité du secteur
privé. Le dictionnaire Oxford définit une subvention comme une « somme
d’argent accordée au moyen de fonds publics pour aider un secteur ou une
entreprise à maintenir le prix d’un produit ou d’un service à un niveau peu
élevé »1420. Mais beaucoup feraient valoir que les allègements fiscaux sont aussi
une forme de subventionnement.

En fait, pour les destinataires, cela ne fait peut-être guère de différence


de recevoir de l’argent ou de payer moins d’impôts. Les deux formes
« d’assistance » représentent aussi un transfert financier des pouvoirs publics.
On pourrait faire valoir que l’imposition d’un droit de douane représente une
forme de subventionnement pour les secteurs qui concurrencent les
importations et qui sont ainsi protégés contre la concurrence étrangère. Par
conséquent, la définition des subventions en tant que transferts des pouvoirs
publics ou dépenses budgétaires n’est pas nécessairement complète. Une autre
approche consiste à dire qu’une subvention existe chaque fois qu’un
programme public profite à des acteurs privés. La principale difficulté qu’elle
soulève est que les destinataires d’un transfert monétaire ou d’un allégement

1420
V. Dictionnaire Oxford 2012.
504
fiscal, par exemple, ne sont pas nécessairement les bénéficiaires ultimes de la
politique.

Les groupes spéciaux et l’organe d’appel s’appuient souvent sur


l’Oxford English Dictionary pour définir le sens ordinaire des termes utilisés
dans un accord1421. L’organe d’appel note qu’un « versement » effectué sous
une forme autre que monétaire est communément appelé « versement » en
nature et que le sens ordinaire du terme versement figurant à l’article 9 cadre
avec le sens que donne le dictionnaire. Cette définition suppose que les
subventions reçues sont « répercutées », c’est-à-dire qu’elles ont un effet sur le
prix de vente. Cette supposition ne se vérifie pas toujours, et la répercussion
peut être une question de degré, car il est concevable qu’une partie au moins
d’une subvention serve à des fins entièrement différentes. Les allègements
fiscaux en faveur des consommateurs qui construisent un logement. Or, dans
leur effet final, elles ne sont guère différentes de versements directs à des
entreprises de construction. De même, les principaux bénéficiaires de produits
intermédiaires subventionnés peuvent être non pas les destinataires de la
subvention mais les entreprises en aval qui utilisent ces produits dans leur
propre production1422. Un autre inconvénient lié à la définition des subventions
uniquement en termes d’avantages est que celle-ci devrait en principe tenir
compte de l’autre face de la médaille : les nombreux programmes publics qui

1421
Voir, par exemple, l’affaire Canada – Produits laitiers, paragraphes 104, 107 et 108 du
rapport de l’Organe d’appel, où est citée la définition du mot « paiement » (figurant à l’article
9:1 c) de l’Accord sur l’agriculture) selon l’Oxford English Dictionary, à savoir : «
rémunération d’une personne par de l’argent ou son équivalent»
1422
Ces effets indirects peuvent être voulus ou non par les pouvoirs publics. Plus un programme
est conçu de façon spécifique, plus il y a de chance que le bénéficiaire voulu (objectif) et le
bénéficiaire réel (effet) coïncident. Mais il n’est pas toujours aisé de concevoir des programmes
bien ciblés. La littérature donne de nombreux exemples de programmes de subventions qui ont
des effets secondaires involontaires. Adams (2000), par exemple, explique qu’en ciblant de
façon incorrecte les produits inférieurs, les subventions alimentaires destinées à aider les
pauvres peuvent profiter en partie aux personnes à haut revenu du fait qu’elles libèrent des
fonds pour d’autres usages.
505
imposent des coûts aux mêmes « acteurs » sous forme de taxes ou de
règlements contraignants pour l’activité privée. De nombreux services publics
tels que l’infrastructure routière sont financés par les taxes payées par les
usagers, en l’occurrence sous la forme de taxes indirectes sur les automobiles et
de péages routiers. La fourniture d’infrastructures routières ne devrait donc pas
être considérée comme une subvention dans son intégralité, mais elle peut
contenir un élément de subventionnement qu’il est généralement difficile de
mesurer. Certains programmes de subventions semblent même être conçus pour
compenser les distorsions créées par d’autres interventions des pouvoirs
publics. Dans de nombreux pays, par exemple, l’épargne inférieure à un certain
seuil est exonérée d’impôts.

Les paragraphes précédents illustrent certaines difficultés rencontrées


dans la définition du concept de subventions. Bien qu’il semble admis que le
subventionnement suppose l’intervention des pouvoirs publics et procure des
avantages à certains, les approches diffèrent lorsque l’on entre dans les détails.
La littérature à ce sujet fait abondamment référence aux difficultés soulevées
par la définition du terme « subvention » et évoquées dans la déclaration
souvent citée de Hendrik S. Houthakker : « J’ai aussi commencé par tenter de
définir les Subventions. Mais, ce faisant, j’en suis arrivé à la conclusion que la
notion de subvention est tout simplement trop difficile à cerner ». Ce que
Houthakker a écrit il y a plusieurs dizaines d’années est encore valable
aujourd’hui. Au lieu d’essayer de donner une définition unique des
subventions, nous allons examiner dans la présente section diverses
caractéristiques des définitions employées dans la littérature ou dans les
documents de politique générale et nous allons analyser comment les
différentes définitions font référence à ces caractéristiques.

506
Selon les contextes, de nombreux programmes publics peuvent être
considérés comme des subventions. Pour simplifier les choses, ces programmes
peuvent être classés en au moins trois catégories : premièrement, les pouvoirs
publics peuvent transférer des fonds aux producteurs ou aux consommateurs, ce
qui se traduit par des dépenses budgétaires directes ou potentielles, ou bien ils
peuvent user de leur pouvoir pour ordonner à des entités privées d’effectuer un
transfert. Les transferts directs, comme les bourses de formation ou les
allocations familiales, entrent dans cette catégorie. L’octroi de garanties de prêt
est un exemple de dépense potentielle. Il peut aboutir ou non à un versement
effectif, mais, même en l’absence de versement, une garantie officielle réduit
artificiellement le risque de défaut de paiement des acheteurs potentiels et
entraîne une consommation qui n’aurait pas lieu sans cela. Si les pouvoirs
publics ordonnent à une banque privée d’accorder des prêts à des taux
préférentiels à certaines entités privées, cela n’occasionnera pas de dépense
publique. Pourtant, on peut y voir un transfert public, car cette mesure n’aurait
pas eu lieu sans l’intervention des pouvoirs publics et l’effet est le même que si
les pouvoirs publics avaient directement accordé le prêt à un taux
préférentiel1423.

Il serait pour le moins téméraire d’en vouloir donner une définition plus
précise, aucune définition n’étant capable d’en faire apparaître, même en
quelques phrases, tous les aspects1424. Les subventions sont une « une somme
d’argent versée par une Collectivité publique supérieure, généralement l’Etat a
une Collectivité inférieure ou secondaire pour lui permettre de pouvoir aux
charges des services publics dont elle assure la fonction »1425.

1423
V. Steenblik (2003), p. 4. Par exemple, Freinkman et al. (2003).
1424
BOULOIS (J.), Essai sur la politique …, op. cit. , p. 5.
1425
Ibid.
507
Section II : Les dotations et les autres sources de compensation

Les compensations sont de divers ordres ; elles représentent une partie


des ressources locales nécessaires au financement des affaires locales ; la
législation camerounaise distingue les dotations (A) des dons et legs (B)
contrairement à celle française ou l’on observe une évolution de l’impôt vers la
dotation1426.

Paragraphe I : Le régime de la dotation

La dotation au Cameroun diffère de la dotation en France. Loin d’être


née simultanément de l’imagination du législateur, le mécanise de la dotation
en France a été élaboré suivant un processus de métamorphoses successives qui
se sont déroulées sur une période longue au cours de laquelle l’impôt s’est
progressivement transféré en subvention1427. En effet, à l’ origine la taxe locale
créée en 1941 devient ensuite taxe additionnelle aux taxes sur le chiffre
d’affaires et frappe toutes les affaires non passibles de la taxe à la
production1428. La volonté de simplifier la fiscalité sur la dépense conduit à
instituer une taxe sur la valeur ajoutée par la loi du 10 avril 1954 et le décret du
3 avril 1955. La taxe en cascade sur les transactions et la taxe à la production
sont supprimées. La loi de 1966 qui prend effet le 1er juin 1968, étend le champ
d’application de la TVA au commerce de détail et supprime la taxe locale. La
loi du 3 janvier 1979 refond le système1429. La dotation au Cameroun a un
visage différent, elle est fixée par la loi. Le but est le financement partiel de la
décentralisation, elle vient pondérer une partie des charges transférées aux
CTD.

1426
BOUVIER (M), Finances locales…, op cit, p.129. En effet en France, on assiste à une
disparition progressive de l’impôt local au profit des dotations spécifiques. Elle amoindrit à
notre sens l’autonomie des CTD.
1427
Ibid., p. 150.
1428
Ibid., p. 151.
1429
Ibid., p. 152.
508
A)- L’objet des dotations : le financement partiel de la
décentralisation

De manière générale, la définition des règles pour l’octroi des dotations


ou des subventions reste assez controversée. Quelques essais de systématisation
ont été avancés. Ils prennent en compte des formules mettant en rapport la
population et son évolution, la croissance économique, la situation de la
commune par rapport à la moyenne nationale vis-à-vis de certains ratios
d’infrastructure ou d’équipement, les performances passées en matière de
recouvrement des fonds propres1430, etc. Les fonds de concours sont en principe
plus objectifs dans leur mise en œuvre, de même que le reversement aux
Collectivités locales de fonds de projets.

1- Le montant et l’évaluation des charges transférées

La détermination du montant annuel de la dotation est annuelle, elle


procède d’une évaluation faite par le Ministre chargé des Collectivités
territoriales décentralisées et du Comité interministériel des services locaux1431.
C’est une fraction des recettes de l’Etat qui est destinée à cette dotation, elle est
ensuite soumise pour avis au Conseil national de la décentralisation1432.

Visant à substituer un concours global aux multiples subventions


spécifiques pour soutenir l'investissement local, la dotation générale de
décentralisation (DGD) satisfait au principe selon lequel les transferts de
compétence entre l’Etat et les Collectivités locales doivent s’accompagner du

1430
Rapport sur la modernisation de l’administration territoriale, MINATD, août 2008, p. 5.
1431
Art. 2 du décret du 5 aout 2009 fixant les modalités d’évaluation et de répartition de la
dotation générale de la décentralisation.
1432
Ibid.
509
transfert des ressources correspondantes1433, qu’il s’agisse de taxes ou de
dotations de décentralisation.

Dans les cas où l’insuffisance des ressources financières des


Collectivités territoriales risque de compromettre la réalisation ou l’exécution
des missions de service public, l’Etat peut intervenir par l’octroi de dotations
spéciales aux Collectivités territoriales concernées.
Les charges financières de fonctionnement et d’investissement résultant
des transferts de compétences aux Collectivités territoriales décentralisées font
l’objet d'une évaluation1434 annuelle par le Comité interministériel des services
locaux.

En effet, l’article 7 de la loi cadre sur la décentralisation énonce en


substance que tout transfert de compétence à une Collectivité territoriale
s’accompagne du transfert par l’Etat à celle-ci, des ressources et moyens
nécessaires à l’exercice normal de la compétence transférée.

La première condition est une évaluation préalable des charges


correspondant à l’exercice des compétences transférées1435. Ceci reviendrait
donc à déterminer la compétence compensée. L’existence d’une compensation
financière repose sur la condition de l’existence d’une compétence. Le
législateur français y a ajouté un critère supplémentaire, son caractère
obligatoire1436. Il ne s’agira dans le cadre de l’analyse de cette partie de notre
étude de revenir sur les compétences transférées. La compensation compensée
concerne les compétences obligatoires, la difficulté concerne donc les

1433
Art. 52 (3) de la loi constitutionnelle de 1996 précitée.
1434
Art. 24 (1), Les charges correspondant à l'exercice des compétences transférées font l'objet
d'une évaluation préalable au transfert desdites compétences. Loi n° 2004/017 du 22 juillet
2004.
1435
Art. 24 al.1, Ibid.
1436
HOUSER (M.), « Le contrôle des compensations dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel », op. cit., p. 13.
510
modifications postérieures de la nature d’une compétence par le législateur. En
effet, au terme de la loi de 2004 il ressort que, toute charge nouvelle incombant
aux Collectivités territoriales en raison de la modification par l’Etat, par voie
réglementaire des règles relatives à l’exercice des compétences transférées doit
être compensée par versement approprié à la dotation générale de la
décentralisation ou par d’autres ressources fiscales, suivant les modalités
définies par la loi. L’acte réglementaire quant à lui devant faire mention des cas
où l’insuffisance des ressources financières des Collectivités territoriales
pourrait compromettre l’exécution des missions de service public, l’Etat pourra
donc intervenir par l’octroi des dotations spéciales aux Collectivités1437. En
France, la compétence obligatoire ne se définit pas par rapport à la notion de
dépense obligatoire.
En effet, la compensation doit être intégrale, les ressources
transférées doivent être équivalentes aux dépenses exposées par l’Etat au titre
de la compétence transférée1438. Elle doit donc être conforme à la règle de
l’autonomie financière, c'est-à-dire s’opérer à titre principal, par l’attribution
des ressources fiscales.
La compensation doit être concomitante et sincère. Tout
accroissement des charges résultant du transfert de compétence doit être
accompagné du transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice de
ces compétences.
Les charges financières résultantes pour chaque Collectivité, des
transferts de compétences, font l’objet d’une attribution par l’Etat des
ressources au moins équivalentes aux dites charges. Elles sont au moins
équivalentes aux dépenses effectuées par l’Etat pendant l’exercice budgétaire
précédent immédiatement la date du transfert de compétences1439. Pour une

1437
Art. 24 al. 2 et al. 3 de la loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 op. cit.
1438
PAVIA (M.-L.), op. cit., p. 31.
1439
Art. 25 de la loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 op. cit.
511
partie de la doctrine la compensation rapporte moins que la fiscalité car cette
dernière est maîtrisable1440.

2- Les procédés d’attribution des dotations


Les propositions de financement desdites charges par la dotation
générale de la décentralisation sont soumises au Conseil national de la
Décentralisation, en vue de l'inscription du montant correspondant dans le
projet de loi des finances. Toute charge nouvelle de fonctionnement ou
d'investissement incombant aux Collectivités territoriales décentralisées, en
raison de la modification par l'Etat, par voie réglementaire, des règles relatives
à l'exercice des compétences transférées, doit être compensée par un versement
approprié à la dotation générale de la décentralisation inscrite dans la loi de
finances de l'exercice suivant la modification.

Le Ministre chargé des Collectivités territoriales décentralisées établit


l'estimation des besoins pour chaque composante de la dotation générale de la
décentralisation et pour chaque bénéficiaire, sur la base des rapports des
commissions de planification locale et régionale, des données socio-
économiques et budgétaires des Collectivités territoriales décentralisées ainsi
que des objectifs et impératifs du cadrage budgétaire de l'Etat.

Dotation générale de la décentralisation, suivant la proposition du


Gouvernement y relative. Les quotes-parts correspondantes de la dotation
générale de la décentralisation sont mises trimestriellement à la disposition des
communes, des syndicats de communes et communautés urbaines bénéficiaires,
par l'intermédiaire du Fonds spécial d'équipement et d'intervention
intercommunale (FEICOM). Les versements sont effectués sur les comptes
bancaires des Collectivités territoriales décentralisées bénéficiaires, ouverts

1440
PAVIA (M.-L.), Les transferts…, op. cit., p. 49.
512
auprès des établissements. L’objectif serait certainement de contrôler l’emploi
auxquels les ressources correspondantes sont destinées. Un arrêté conjoint des
Ministres chargés des finances, des investissements et du Ministre chargé des
Collectivités territoriales porte déblocage des fonds visés à l'article. Il précise le
montant affecté à chaque Collectivité territoriale décentralisée bénéficiaire.

B)- Une typologie orientant l’utilisation de la dotation


On distingue les dotations générales de fonctionnement et celle
d’investissement.

1 – La dotation générale de fonctionnement

La Dotation générale de fonctionnement (DGF), constitue le principal


concours financier de l'Etat aux Collectivités territoriales. La question du
reversement des fonds de projets est plus simple dans la mesure où les
mécanismes sont prévus dans les accords avec les partenaires. Le problème se
situe au niveau de la transparence dans l’information sur les projets négociés
entre l’Etat et les bailleurs de fonds.

La Dotation générale de fonctionnement est celle destinée en priorité à


certaines dépenses obligatoires notamment les traitements des personnes élus et
au financement partiel des charges de fonctionnement résultant de l’exercice
des compétences transférées par l’Etat. Elle est aussi là l’expression du principe
de l’affectation globale des ressources dans le budget local. Elle finance en
outre le fonctionnement du Conseil national de la décentralisation et du Comité
interministériel des services locaux ainsi que tout autre organe chargé du suivi
de la coordination et évaluation de la décentralisation. Elle est aussi destinée au
financement des dépenses de fonctionnement spéciales ou d’urgence en faveur
de certaines Collectivités territoriales décentralisées notamment lorsque
l’insuffisance de leurs ressources est de nature à compromettre la réalisation ou
513
l’exécution de leur mission de service public, le niveau d’endettement ne
permet pas un exercice normal de leurs compétences, les dépenses
exceptionnelles d’urgence sont nécessaires à la suite d’un sinistre ou d’une
catastrophe, leur enclavement ou leur situation frontalière requière une aide
spéciale1441, la dotation est une ressource conditionnelle. Elle ne peut être
utilisée dans les cas fixés par le décret de 2009. Ceci étant, si la ressource en
elle-même est une garantie, étant donné qu’elle est prévue d’office par la loi de
finance de l’année, son utilisation est cependant hypothétique.

La répartition de cette dotation dépend du pouvoir discrétionnaire du


Premier Ministre. La Dotation est mise trimestriellement à la disposition des
Collectivités.

Les Collectivités territoriales perçoivent de l’Etat des dotations1442 pour


l’accomplissement de leur mission. La Dotation générale de fonctionnement
allouée aux communes d’arrondissement constitue une dépense obligatoire
pour les communautés urbaines1443. Elle est indexée sur certaines recettes de la
communauté urbaine. Les modalités de reversement de la Dotation générale de
fonctionnement sont fixées par voie réglementaire. La Dotation générale de la
décentralisation est destinée au financement partiel de la décentralisation. La loi
de finances fixe chaque année, sur proposition du Gouvernement, la fraction
des recettes de l’Etat à affecter à la Dotation générale de décentralisation. Les
modalités de répartition et de reversement de la Dotation générale de
décentralisation sont fixées par un texte réglementaire1444.

L’origine principalement compensatoire des concours de l'Etat aux


Collectivités locales limite très sensiblement les possibilités de redéploiement

1441
Art. 11, Décret n° 2009/248 du 5 août 2009 fixant les modalités d’évaluation précitée.
1442
Art. 15 de la loi n° 2009/011 du 10 juillet précitée.
1443
Ibid., Art. 16.
1444
Ibid., Art. 17.
514
des transferts dans une perspective, non seulement d’équité territoriale, mais
aussi d’aménagement du territoire. En effet, dans un contexte de mobilité
géographique des ménages et des entreprises, même après des réformes
adéquates de la fiscalité locale et/ou des circonscriptions fiscales, une
redistribution des ressources publiques entre Collectivités peut s’avérer
désirable. Le contexte politique camerounais du cumul des mandats interdit
d'envisager une délocalisation autoritaire de l’impôt. La démarche doit donc
reposer sur la coopération. Dans cette perspective, la réorientation des dotations
nationales serait particulièrement utile voire indispensable pour soutenir un
programme de généralisation de la taxe de développement local.

2 – La dotation générale de l’investissement

La Dotation générale d'investissement est destinée en priorité : aux


dépenses d'investissement des Collectivités territoriales décentralisées et de
leurs établissements, notamment les dépenses d'équipement, de fourniture des
services de base aux populations, de développement, d'aménagement et de lutte
contre la pauvreté ; au financement partiel des dépenses d'investissement
résultant de l'exercice des compétences transférées par l’Etat1445.
Cependant, elle finance certains besoins d’investissement des services
déconcentrés de l’Etat et la conduite des travaux préparatoires aux transferts de
compétences et de ressources ainsi que les études et autres réformes
d’accompagnement du processus de décentralisation.

Une part de la Dotation générale d’investissement est également


destinée au financement des dépenses d’équipement spéciales ou d'urgence en
faveur de certaines Collectivités territoriales décentralisées. La répartition de la

1445
Ibid., Art. 13.
515
Dotation générale d’investissement selon les divers emplois est aussi fixée
annuellement par décret du Premier Ministre.

C - L’évaluation des charges transférées : la réalité des moyens


financiers de compensation
Les charges transférées sont confrontés à deux grandes difficultés : les
contraintes liées aux politiques d’ajustement structurel et les insuffisances des
ressources1446 et la rigidité des charges locales1447.

1- Les contraintes liées aux politiques d’ajustement structurel

Les politiques d’ajustement structurel adoptées et mises en œuvre par la


plupart des Etats africains se fixent comme objectifs de rationaliser la gestion
des finances publiques. L’une des actions prioritaires conduites dans ce cadre
est un meilleur contrôle des recettes et de la dépense publique grâce à la mise
en place au niveau central des outils de pilotage de la programmation des
investissements publics et des opérations financières de l’Etat. Cette

1446
ESSONO OVONO (A.), L’autonomie financière des Collectivités locales en Afrique noire
francophone. Le cas du Cameroun, de la Côte-d’ivoire, du Gabon et du Sénégal, CERDIP,
2014. Gabon, par exemple, l’article 237 de la loi organique relative à la décentralisation
énumère pas moins de vingt domaines à transférer aux Collectivités locales, allant de
l’aménagement du territoire, de l’action sociale, en passant par les transports, la jeunesse et
l’agriculture. Cependant, les Collectivités locales ne peuvent exercer ces compétences en
l’absence de ressources financières. Au Sénégal, l’article 25 de la loi portant code des
Collectivités locales fixe les compétences des régions : la promotion du développement
économique, éducatif, social, sanitaire, culturel et scientifique, la réalisation des plans
régionaux de développement et l’organisation de l’aménagement du territoire.
1447
L’article 88 du code des Collectivités locales sénégalais, quant à lui, énumère les
compétences des Communes en disposant que la Commune « intervient plus particulièrement
dans le domaine de la planification et la programmation du développement local ». Mais dans
ce cas aussi, les charges transférées aux Collectivités locales n’ont pas été compensées par des
ressources nouvelles équivalentes. Il faut en outre ajouter que les Collectivités locales n’ont pas
toujours bénéficié dans ces pays du transfert de moyens humains nécessaires pour exercer leurs
compétences. Elles doivent souvent recruter des personnels pour assumer les compétences
dévolues par l’Etat.

516
centralisation de la programmation des investissements et des opérations
financières est en porte-à-faux avec la multiplication des centres de décision en
matière d’investissements et de dépenses publiques locales qu’implique la mise
en œuvre des politiques de décentralisation.

Cette multiplication des centres de décision en matière d’investissement


(au niveau des exécutifs locaux) et des caisses annexes (que sont les postes de
recettes des Collectivités locales) apparaît comme une complication pour les
responsables nationaux en charge de l’ajustement structurel. Pour eux, ce
phénomène tend à augmenter sensiblement les risques de mauvaise gestion. Il
n’est donc pas étonnant que jusqu’ici, contrairement au discours politique sur la
décentralisation, les Collectivités locales ne mettent en œuvre que 4% des
budgets publics et moins de 1% des dépenses publiques d’investissement. Par
ailleurs, à la suite de l’adoption des politiques d’ajustement structurel, plusieurs
experts sont en faveur d’une globalisation de la fiscalité locale, avec
l’institution de taxes locales uniques reliées aux impôts d’Etat (rapport Thiel).
Si de telles recommandations étaient appliquées, cela risque d’accélérer la
déresponsabilisation des élus locaux vis-à-vis de la fiscalité locale alors que la
réussite des politiques de décentralisation dépend avant tout de l’efficacité des
Collectivités dans la mobilisation des ressources locales. Est en conséquence à
l’ordre du jour le problème de l’ajustement institutionnel des recettes et des
dépenses publiques en faveur des Collectivités locales, pour rendre les
politiques de décentralisation plus crédibles.

517
a- Difficultés liées à l’absence d’une tradition de l’évaluation
des politiques publiques
L’absence d’une culture de l’évaluation des politiques publiques ne
permet pas de mesurer correctement le coût des transferts des compétences, ni
même d’avoir cette préoccupation.

Peu de pays disposent d’une évaluation des coûts des différents services
aux populations, et peu d’entre eux ont conduit une réflexion sur la répartition
de ces coûts entre les principaux acteurs (Etat, Collectivités locales,
bénéficiaires, etc.). Dans la plupart des cas, la décentralisation se fait en
« aveugle » car on ne dispose généralement pas d’éléments chiffrés pour le
calcul des transferts financiers. Pour arriver à se donner les moyens d’une
décentralisation effective, il est nécessaire de procéder à une revue des
politiques sectorielles en vue de leur inscription sur le territoire, et de la
valorisation corrélative de leur territorialisation.

b- Les faiblesses des Collectivités locales africaines à


concevoir et à mettre en œuvre des politiques locales

Les Collectivités locales africaines doivent encore convaincre sur leurs


capacités à concevoir et à mettre en œuvre des politiques locales. Confrontées à
de nombreux problèmes de la vie quotidienne des habitants, la plupart de ces
Collectivités ont du mal à concevoir des politiques locales qui dépassent le
traitement des problèmes quotidiens. Or, certains problèmes qui étaient
jusqu’ici du ressort des Etats sont de plus en plus de la responsabilité des
Collectivités locales : lutte contre la pauvreté, promotion de l’emploi et du
développement économique, politique sociale et culturelle, politique du
logement et des services urbains, etc. La mise en œuvre de ces nouvelles
responsabilités requiert des actions à court, moyen et long terme. Elle appelle
un changement radical de la part des élus et responsables locaux : le terme du
518
mandat électif ne coïncide plus avec le terme des actions engagées ; dans ces
domaines, chaque mandature poursuit des actions engagées par la mandature
précédente, et lègue à la mandature suivante des engagements qui pèseront sur
sa propre politique. L’élaboration de stratégies de développement local à
moyen et long termes est un des moyens les plus efficaces d’éviter des actions
chaotiques et non coordonnées. Cette vision à long terme ne peut engager
l’ensemble de la Collectivité et les équipes municipales successives que si elle a
fait l’objet d’un consensus large au sein de la population locale et de toutes les
forces vives. Il est en conséquence urgent de renforcer les Collectivités locales
africaines dans leur capacité à construire une vision partagée de leur
développement et de leur inscription dans l’espace national et régional. Une
telle action est de nature à favoriser l’enracinement des comportements
démocratiques au niveau local, mais aussi d’augmenter la cohérence et
l’efficacité des politiques locales. C’est seulement doté de telles politiques que
les Collectivités locales peuvent entrer dans un dialogue constructif avec les
Etats et les partenaires au développement à propos de l’amélioration de la
décentralisation financière.

C’est une des conditions nécessaire à l’amélioration de la gouvernance


locale. A cet égard, les exercices de construction des « Cities Development
Strategies »1448 mises en œuvre dans le cadre de l’initiative « Cities Alliance
»1449 proposée par la communauté des partenaires au développement présentent
des perspectives intéressantes et méritent d’être considérés favorablement par
les Etats et les Collectivités locales africaines.

1448
YATTA (F.P.), La décentralisation financière en Afrique : Succès, Problèmes et
Contraintes, mai 2000, Windhoek, p. 9.
1449
Ibid., p. 9.
519
2- Les insuffisances des ressources (le principe de compétences
compensées)

L’Etat ne peut décentraliser des ressources financières qu’il n’a pas. La


crise financière aiguë que connaissent les Etats les met en effet dans la quasi-
impossibilité de transférer aux Collectivités locales des ressources financières
qu’ils ont eux-mêmes bien du mal à réunir du fait du niveau général de pauvreté
des populations.

La prépondérance du secteur informel dans les économies africaines


n’est sans doute pas étrangère à cette situation. Mais il faut aussi évoquer la
faiblesse de la base fiscale qui fait que le poids de la fiscalité est partagé par un
nombre relativement restreint de contribuables, qui eux, se considèrent comme
surimposés : 10% des contribuables sont à l’origine de 80% des recettes
fiscales. Ceci n’est pas en faveur d’une extension du civisme fiscal, alors que
ces pays sont encore largement sous-fiscalisés.

Au Cameroun dans la plupart des pays africains, les recettes douanières


(à l’importation et à l’exportation) représentent souvent 50% et parfois plus, de
l’ensemble des recettes de l’Etat. Le fait que les recettes douanières soient
typiquement des recettes d’Etat rend assez difficile le dialogue sur leur partage
avec des Collectivités locales. Mais de l’autre côté du fait de la dynamique de
l’intégration régionale et du mouvement de la mondialisation, les droits de
douane sont orientés à la baisse. l’Etat hésite d’autant plus à partager des
ressources en diminution qu’il ne dispose pas à ce jour de fiscalité de
substitution garantissant une facilité de collecte et un rendement équivalents
aux droits de porte. A court et moyen termes on s’oriente donc vers une
situation de tension encore plus importante des finances publiques. Cette

520
situation n’est pas en faveur d’un partage des ressources avec les Collectivités
locales.

Les dotations par rapport aux ressources partagés, offre moins de


garanties dans la mesure où ces montants peuvent facilement être mis en cause
chaque année et elles sont davantage susceptibles de « faire les frais des
difficultés budgétaire »1450.

Paragraphe II : Les autres sources de compensation

L’analyse des autres sources de compensation nécessite leur


identification et leur signification. Il s’agit du don, donation et legs. Lorsqu’elle
est faite dans une intention libérale, la transmission d’un bien ou d’un droit que
consent une personne au profit d’une autre, constitue un don ou encore une
donation1451. Cette transmission peut être exécutée du vivant du donateur, on
parle alors d’une « transmission entre vifs ». Elle peut être décidée par le
stipulant sous la condition que lui survive la personne qu’il désigne pour être
celle qui sera bénéficiaire de cette libéralité, dite le « donataire »1452 ou le
légataire.

1450
GAUDAL (S.) et ROBBE (F.), Les relations entre Collectivités territoriales, op. cit., p.
215.
1451
Art. 15 et ss., Art. 15 de la loi n° 2009/011 du 10 juillet précitée.
1452
Par arrêt du 21 décembre 2007, (Rapport de M. Falcone Conseiller rapporteur et Avis de
M. Sarcelet, Avocat général - BICC n° 681 du 1er mai 2008), la Chambre mixte de la Cour de
cassation a jugé que « L'acceptation d'une donation dans les formes prescrites par les articles
932 et suivants du code civil n'est exigée que pour la donation passée en la forme authentique et
peut résulter de l'attribution du bénéfice du contrat d'assurance-vie » et qu' « un contrat
d'assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son
bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière
irrévocable ».
521
Le don peut revêtir plusieurs formes. Il peut être conjonctif, c’est le cas,
lorsque pour éviter les conflits transgénérationnels, il est consenti à des enfants
issus de lits différents1453.

Il peut être « manuel », il résulte alors de la simple transmission


matérielle de l’objet. Plus généralement, et nécessairement lorsqu’il s’agit d'un
bien ou d'un droit immobilier, la transmission est réalisée par un acte qui sera
nécessairement notarié.

Le legs, quant à lui, parce qu’il est destiné à gratifier une personne qui
ne sera effectivement titulaire du bien ou du droit transmis qu’après le décès du
donateur, doit être inclus dans des dispositions testamentaires. Sa validité est
subordonnée à la rédaction d’un acte établi dans les formes prévues pour les
dispositions dites « à cause de mort ».

Le legs peut être « universel ». Il en ainsi lorsqu’il a pour objet de


transférer la totalité des biens laissés par le testateur. Il est dit « à titre
universel », lorsqu’il a pour objet une quotité de la succession du donataire, par
exemple, un quart ou la moitié de l’ensemble des biens du patrimoine laissé à
son décès. De son côté, le legs est dit « legs particulier » lorsqu’il porte sur un
bien précis tel, un immeuble identifié par son emplacement ou par ses
références cadastrales. Les biens meubles, tel un bijou ou un tableau font, dans
le texte d'un testament, l’objet d'une description destinée à éviter toute
confusion.

1453
Il n’y a de donation-partage que dans la mesure où l’ascendant effectue une répartition
matérielle de ses biens entre ses descendants. Quelque soit la qualification donnée par les
parties, l'acte litigieux, qui n'attribue que des droits indivis aux gratifiés, ne constitue pas une
donation-partage. A défaut de répartition de biens divis l’acte s’analyse en une donation entre
vifs ayant pour effet de faire sortir les biens du patrimoine des donateurs et de créer une
indivision conventionnelle entre les donataires à laquelle il peut être mis fin dans les conditions
prévues par l'article 1873-3 du code civil. (1ère Chambre civile, 6 mars 2013, pourvoi n° 11-
21892, BICC n° 785 du 1er juillet 2013 et Legifrance).
522
D’une manière générale, toute personne peut faire, entre ses héritiers
présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits. Cet acte
qui peut se faire sous forme de donation-partage ou de testament-partage, est
soumis aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre
vifs dans le premier cas et pour les testaments dans le second. Les donations ou
les donations-partage doivent recevoir une interprétation stricte. Ainsi, une
donation-partage ne portant que sur les droits d'associés eux-mêmes, sans autre
précision, ne peut s'étendre en l'absence de clause particulière, au solde
créditeur du compte-courant du donateur. Le juge ne peut retenir que ce solde
ait été transféré aux bénéficiaires de la donation au moyen d'une écriture
comptable passée sur ordre du gérant de la société sans opposition de l'associé
donateur, sans constater en même temps que le donateur avait expressément
consenti à la cession du solde du compte courant.

A : L’apport des CTD dans le mécanisme d’acquisition des dons


et legs

Les relations patrimoniales entre les Collectivités territoriales prennent


différentes formes : il peut s’agir de d’aliénation ou de contrat de location de
droit commun, mais aussi d’autorisation d’occupation temporaire du domaine
public, de prêt de biens mobiliers ou de transfert domaniaux. Les transferts
domaniaux diffèrent des dons et legs. Ce sont des changements d’affectation. Il
procède de ce que l’affectation des biens publics (c’est-à-dire l’usage que l’on
en fait, indépendamment de leur appartenance au domaine public ou privé)
n’est ni irrévocable ni perpétuelle. En d’autres termes, lorsqu’un bien public
cesse d’être utile à son propriétaire, celui-ci peut en modifier l’affection et/ou
en attribuer la gestion à une autre, généralement publique. Le transfert
domanial permet donc de confier un bien public à une autre personne ou à un

523
autre service, sans qu’il y est pour autant mutation des propriétés, ni
déclassement pour les biens du domaine public1454.

1 - La délibération de l’organe exécutif

L’exécutif communal ou régional peut, à titre conservatoire, accepter


les dons ou legs et former avant l'autorisation, toute demande en délivrance1455.
La délibération du Conseil qui intervient ultérieurement, à compter du jour de
cette acceptation.

L’acceptation quant à elle, doit être faite sans retard et autant que
possible dans l'acte même qui constitue la donation. Dans le cas contraire, elle a
lieu par un acte séparé, également authentique, et doit être notifiée au donateur,
conformément aux dispositions de la législation en vigueur fixant les
obligations civiles et commerciales.

Les Collectivités ou les regroupements de Collectivités territoriales


acceptent librement les dons ou legs qui leur sont faits sans charge, condition,
ni affectation immobilière1456.

2- La nécessité de l’avis conforme


Les délibérations du Conseil de la Collectivité territoriale ayant pour
objet l’acceptation des dons et legs, ne sont exécutoires qu'après avis conforme
du Ministre chargé des Collectivités territoriales1457. S'il y a réclamation des
prétendants à la succession, quelles que soient la quotité et la nature de la
donation ou du legs, l'autorisation d'acceptation ne peut être accordée que par
arrêté du Ministre.

1454
GAUDAL (S.) et ROBBE (F.), Les relations entre les Collectivités territoriales, Paris,
Harmattan, 2009, p. 143.
1455
Art. 44 al. 1 de la loi portant régime financier des CTD précitée.
1456
Art. 45 al. 1 de la LOD précitée.
1457
Ibid., Art. 43 al. 1.
524
Lorsque le produit de la libéralité ne permet plus d’assurer des
charges, un arrêté du Ministre chargé des Collectivités territoriales peut
autoriser la Collectivité territoriale concernée à affecter ce produit à un autre
objet conforme aux intentions du donateur ou du testateur.

B : Les produits du domaine

Ce sont les revenus du patrimoine communal. En effet, les CTD peuvent


retirer de la gestion de leur domaine des revenus qui rentrent en ligne de
compte dans l’équilibre de leurs dépenses.

Ils diffèrent du produit des entreprises industrielles ou commerciales


auxquelles participent ces Collectivités, mais ces entreprises sont moins
efficaces pour alimenter les recettes des budgets, car ils sont rarement gérées
dans un but lucratif : elles répondent à des raisons d’intérêt général et non
d’intérêt patrimonial. L’existence de ces diverses ressources domaniales ou
d’entreprises est très importante : la charge des impôts locaux varie avec la
situation des Collectivités territoriales, de telle sorte que l’égalité des
contribuables devant les charges publiques, qui est uniforme sur le plan
national, n’est assurée sur le plan local qu’à l’intérieur de chaque Collectivité
territoriale.

Contrairement à ce qui se passe dans le cadre de l’Etat ou la répartition


totale des charges est nécessairement assurée entre les contribuables de l’Etat,
le volume des charges locales n’est pas entièrement reparti entre les
contribuables locaux. Cette répartition, en effet, s’effectue en tenant compte des
particularités suivantes, qui déterminent le poids des charges publiques
supportées par le contribuable local.

Les conditions de fonctionnement des services locaux et d’utilisation du


domaine public amènent les Collectivités locales, et spécialement les
525
communes, à rendre plus fréquemment que l’Etat des services payants : les
communes perçoivent ainsi les taxes versées par les bénéficiaires de ces
services, et dans la mesure où leur charge est couverte par les usagers, elle n’est
hélas repartie entre les contribuables. Le procédé de la taxe, à peu près
négligeable pour l’Etat, joue un rôle important dans les finances locales.

Les produits domaniaux qualifiés de « recette de poches»1458 sont de


deux sortes : les uns concernent les revenus tirés du domaine privé de la
Collectivité, les autres ceux du domaine public.

1- Les produits du domaine privé


Les Collectivités territoriales peuvent être propriétaires en propre de
certains biens et ont à l'égard de ceux-ci la capacité juridique d’effectuer tous
les actes se rapportant à leur droit de propriété. Aussi, elles peuvent en tirer des
revenus d’exploitation1459 ou encore les aliéner.
Les revenus d'exploitation sont divers ; il s'agit le plus souvent de
loyers, fermages, produits des propriétés, ventes de coupes de bois, etc. La
Collectivité peut également vendre une partie de ce patrimoine, la vente devant
être inscrite obligatoirement en ressources d’investissement.
La majeure partie des revenus tirés du patrimoine privé se retrouve dans
les communes de moins de 10 000 habitants.

1458
MARTINEZ (J.C.), L’autonomie financière térritoriale, un paradigme planétaire revisitée,
Paris, Harmattan, 2014, p. 41.
1459
BOUVIER (M.), Les finances locales, op. cit., p. 156.
526
2- Les produits du domaine public
Les Collectivités territoriales peuvent tirer certaines ressources du
domaine public. Ces dernières constituent exclusivement des produits
d'exploitation dans la mesure où le domaine public est réputé inaliénable. Ces
recettes découlent soit d'autorisations d'occupation du domaine public (pour la
distribution d'électricité ou de gaz, pour les transports ou le stockage souterrain
d'hydrocarbures, le stationnement des taxis, l'occupation des trottoirs par les
terrasses des cafés ...), soit de permissions de voirie (postes d'essence,
kiosques).

527
CONCLUSION DU CHAPITRE I

Le législateur camerounais contrairement à son homologue français a


arboré une approche quantitative des ressources. Aussi aux ressources fiscales
il a attribué aux CTD des ressources non fiscales parmi lesquelles les dotations,
les subventions et les produits du domaine public et privé. Si ces différentes
sources financières présentent l’avantage de consolider l’autonomie financière
des CTD, elles présentent des insuffisances.

528
CHAPITRE II :
L’EMPRUNT UN MOYEN
D’AMELIORATION DES RESSOURCES
FINANCIERES DES COLLECTIVITES

« L’emprunt s’est trouvé profondément bouleversé ces vingt dernières


années tant dans ses modalités que dans ses structures et ses acteurs »1460 c’est
en ces termes que Michel BOUVIER présente la quasi liberté des CTD
aujourd’hui en matière d’emprunt local en France. Une remarque similaire
pourrait être faite en ce qui concerne le Cameroun. En effet, à un nombre très
limité de préteurs a succédé une variété de préteur. Cet élément laisse penser
que les Collectivités dispose d’une certaine autonomie en la matière. Pour
certains auteurs, il ne faudrait pas associer intimement autonomie financière et
liberté financière1461. De notre point de vue, la liberté d’emprunter qui d’après
la législation camerounaise est bien réelle traduit une marche vers une
autonomie financière durable. C’est l’expression d’une liberté d’action des
CTD en matière d’emprunt, cependant elle ne se traduit pas nécessairement par
une moins grande dépendance de la Collectivité.

Cette liberté se traduit par la liberté de gestion des mécanismes


d’emprunt. Toutefois force est de constater que les ressources locales en
général et l’emprunt en particulier présentent des inflexions qui ne sont pas
indifférentes à la construction de leur autonomie financière.

1460
BOUVIER (M.), Les finances locales, op.cit., p. 197.
1461
Ibid.
529
Section I : Une liberté de gestion de l’emprunt locale encadré

La liberté d’emprunter est réelle mais ne traduit cependant pas moins


une grande dépendance de la Collectivité. La loi de 2009 a considérablement
accrue la marge de manœuvre du Conseil en matière d’emprunt interne ; le
choix du projet faisant l’objet d’emprunt traduit par la liberté de souscription
des contrats est un indice déterminant de cette liberté (I). Cependant les CTD
doivent parvenir à maîtriser les mécanises parfois fort compliqués et être à
mesure d’assumer les contraintes liées à leur inscription de fait au sein d’un
marché financier plein d’incertitudes1462.

Paragraphe I : La liberté en matière de souscription des


contrats d’emprunts

Le législateur camerounais en distinguant l‘emprunt intérieur des


emprunts extérieurs a accordé à l’organe délibérant des libertés traduites par le
pouvoir de délibération du Conseil, elles sont cependant restreintes par
l’approbation du Préfet avant la suscription de l’emprunt. Les contrats doivent
respecter le cadre budgétaire et le cadre légal.

A - Les types d’emprunts


Ils sont respectivement les emprunts intérieurs, généralement faits par
la banque des communes et l‘Etat et l’emprunt extérieur à des institutions
telles que la Banque mondiale, le Fonds Monétaire international et les autres
Collectivités étrangères.

1462
Ibid., p.198.
530
1- Le pouvoir de délibération des CTD dans les cas
d’emprunt intérieur
Les emprunts intérieurs1463 sont autorisés par délibération de l’organe
délibérant, soumis à l’approbation de l’autorité de tutelle compétente. Ils sont
destinés en priorité au financement des investissements. La délibération y
afférente fixe le montant de l’emprunt. Sont interdits, les emprunts contractés
auprès des personnes physiques ou morales ayant un lien direct ou indirect avec
la Collectivité territoriale.
Sur le plan interne la banque compétente est le FEICOM. Elle intervient
par concours financiers au profit des Communes ou de leurs groupements sur
les projets sociaux ; les projets d’équipements collectifs ; les projets
d'équipements marchands ; les projets d’équipements utilitaires ; les prêts au
fonctionnement1464. Le prêt accordé par cette banque varie suivant qu’ils
s’agissent des projets générateurs de revenu ou non.
La structuration des projets sociaux générateurs de revenu, est de 30% à
emprunter. Les frais financiers sur le prêt sont de 6% et la durée de
remboursement du prêt ne peut excéder 10 ans1465.
Les projets d'équipements collectifs générateurs de revenu quant à
eux1466, sont financés en totalité par le prêt. Les frais financiers sur le prêt étant
de 7% et la durée de remboursement du prêt ne pouvant excéder quatre (04)
ans1467. S’agissant des projets non générateurs de revenu, le prêt est de 30%.

1463
Art. 22 de la loi du 10 juil. 2009 précitée.
1464
Art. 5 du Code d’intervention du FEICOM.
1465
Ibid., Art. 18.
1466
Ce sont les bâtiments abritant les services locaux ; les équipements culturels et l’art. 8 : Les
Projets d'Equipements Utilitaires sont les véhicules de liaison ; les petits équipements ruraux ;
les camions ; les engins de travaux publics et agricoles.
1467
Art.17, Code d’intervention du FEICOM.
531
Les frais financiers sur le prêt sont de 6% et la durée de remboursement du prêt
ne peut excéder 10 ans1468.
La structuration des prêts au fonctionnement non générateurs de revenus
est de 100%. Les frais financiers sur le prêt sont de 9% et la durée de
remboursement du prêt ne peut excéder deux (02) ans1469.
Pour les projets d’équipements marchands que sont les marchés ; les
gares routières, les auberges municipaux, les abattoirs, les salles des fêtes, Les
unités de transformation agricoles, les lotissements, les forêts communales, la
construction de logements. Le prêt est de 60%. Les frais financiers sur le prêt
sont de 6% et la durée de remboursement du prêt ne peut excéder 10 ans.
Le contrat des emprunts intérieurs quand bien même il présenterait
l’avantage d’être de l’initiative de l’exécutif communal, il a l’inconvénient de
n’être un contrat d’adhésion, les modalités étant définies à l‘avance. les CTD ne
peuvent émettre des obligations, elles sont soumises aux règles de
l‘emprunteur.
La politique bancaire du FEICOM d’accorder aux CTD des prêts à taux
fixe et à anuité constante, est un procédé simple et facile à gérer. Un tel
mécanisme est particulièrement avantageux en période d’inflation et s’avère
inadapté dans un environnent marqué par la désinflation et par des variations
des taux beaucoup plus fréquentes1470. Elles pourraient, suivant les variations,
obérer, très lourdement les budgets locaux.
Les propositions financières du FEICOM doivent être plus sophistiquées
c’est-à-dire, exiger un plus grand professionnalisme car beaucoup plus
risquées.

1468
Ibid., Art. 21.
1469
Ibid., Art. 22.
1470
BOUVIER (M.), Finances publiques, op. cit., p. 207.
532
2- L’emprunt extérieur

Les emprunts extérieurs, autorisés par délibération de l'organe


délibérant, soumis à l’approbation de l’autorité de tutelle compétente, sont
garantis par l’Etat1471.

La croissance des dépenses d’investissement des Collectivités


décentralisées imposée par les besoins d’équipement est en grande partie
conditionnée par les possibilités d’emprunt. Cette ressource joue un rôle
d’autant plus déterminant que les autres sont étroitement limitées soit par
l’insuffisance de la fiscalité locale, soit par la politique tarifaire des pouvoirs
publics. Mais le recours à l’emprunt s’inscrit dans les perspectives générales
qui limitent les possibilités des Collectivités territoriales, tandis que le pouvoir
central, responsable de la politique économique nationale et protecteur des
Collectivités territoriales restreint, par ses interventions, leur autonomie.

B : les conditions de l’emprunt


L’accès à l’emprunt entraîne l’amélioration de la qualité de la dépense
publique locale, la publication des comptes de gestion clairs agréés et précis,
l’amélioration de la mobilisation des ressources propres, l’utilisation
d’instruments financiers performants. En effet il s’agit d’une discipline
budgétaire locale. Ce sont des mesures prudentielles.

La liberté d’emprunter accordée aux Collectivités locales est souvent


présentée comme la conséquence du principe de libre administration des
Collectivités territoriales. Elle n’interdirait cependant pas, si un intérêt général
le justifiait, que cette liberté soit encadrée par la loi. Qu’il s’agisse de la
souscription de contrats d’emprunts ou de contrats de produits dérivés. Pour

1471
Art. 22 de la loi portant régime financier des CTD précitée.
533
autant, le principe de libre administration des Collectivités territoriales ne
s’oppose pas à ce que les actes des Collectivités territoriales fassent l’objet d’un
encadrement administratif, par exemple, celui du contrôle de légalité. Dans sa
version actuelle issue du décret n° 2006-975 du 1er août 2006, le code des
marchés publics dispose en son article 3(5) que sont exclus de l’application du
code, les emprunts souscrits par des pouvoirs adjudicateurs. Les Collectivités
territoriales ne sont donc pas tenues de respecter le code des marchés publics
lorsqu’elles empruntent. Pour autant, le souci de bonne gestion des deniers
publics devrait les conduire à mettre systématiquement en concurrence les
prêteurs.

1- Le respect d’un cadre juridique


Le contrat doit présenter certaines caractéristiques. Il est
obligatoirement écrit, et précise le nom du prêteur, l’objet, la durée et le
montant du prêt et des annuités. Pour les emprunts au FEICOM, Les
Communes ou leurs groupements qui sollicitent une intervention de ce dernier,
dans le cadre d'un concours financier doivent présenter un dossier composé
d’une demande de financement motivée, présentée par le Maire ou les Maires
représentant leur groupement, exprimant l’intérêt du projet pour la Collectivité
ainsi qu’un formulaire de demande de concours dûment rempli et signé du
Maire ou des Maires représentant leur groupement1472.
La délibération du Conseil Municipal approuvée par l’autorité de tutelle
et autorisant le Maire, ou chacun des Maires en cas de groupement de
Communes, les trois derniers comptes administratifs approuvés par l’autorité
compétente ou dans le cas d’un groupement de Communes, les trois derniers
comptes administratifs de chacune des Communes concernées et une étude de

1472
Art 24(1) du C.I.F.
534
faisabilité réalisée par la Commune ou par le groupement démontrant l'intérêt
du projet.
Toutefois, le Ministre chargé des Collectivités locales peut accorder à
une Commune n'ayant pas trois (03) ans d'existence une dispense de
présentation desdits comptes1473.
Pour les projets générateurs de revenus, le dossier doit comporter outre
les pièces déjà présentées, un compte d'exploitation prévisionnel du projet
élaboré suivant le modèle à retirer auprès des agences régionales du
FEICOM1474.
Concernant les projets de bâtiments sociaux collectifs ou de fonction, la
situation juridique du terrain pour les travaux neufs ou le titre de propriété pour
les travaux d’extension et de réhabilitation ; le dossier complet d’avant projet
comprenant les devis descriptifs et estimatifs des travaux, les plans
architecturaux et de structures, la note de calcul. Les projets de voirie et
réseaux urbains doivent contenir le plan du réseau et le dossier complet d'avant
projet1475.
Pour les projets de lotissements, d’aménagement des zones d’habitation
et d’implantation administrative ou industrielle, il doit y contenir l’ampliation
du dossier portant approbation du Préfet ; le plan d’aménagement de la zone
comprenant la liste des lots avec indication de leur superficie, de la nature de
leur occupation1476 et de l’époque approximative de la construction des
immeubles ; le plan de situation, les plans et les devis estimatifs et quantitatifs
des travaux.
Concernant les projets de constructions publiques, les projets de
réseaux d’eau, d’électricité et d'éclairage public la demande doit contenir un

1473
Ibid., Art 24 al. 2.
1474
Ibid., Art 25.
1475
Ibid., Art. 26 .
1476
Habitation, commerce, industrie, administration, etc.
535
document attestant de la propriété, le dossier complet d’avant projet
comprenant les devis descriptifs et estimatifs des travaux, les plans, la note de
calcul.
Pour les projets d'aménagement de jardins, parcs publics, cimetières,
l'acte d'attribution du terrain signé par l'autorité compétente ; le plan
d'aménagement ; le devis estimatif prévisionnel.
Quant aux projets d'équipements marchands à l'instar des marchés, gares
routières, abattoirs, auberges municipales la demande devrait contenir un
document attestant de la propriété pour les travaux neufs ou l’acte de propriété
pour les travaux d'extension et de réhabilitation, le dossier complet d'avant
projet comprenant : les devis descriptifs et estimatifs des travaux, les plans
architecturaux et de structures, la note de calcul. Le CIF définit un ensemble de
projets passibles de financements et dans les conditions fixées par le
FEICOM1477. Il s’agit d’un contrat d’adhésion pour les CTD étant donné que
le taux d’emprunt est fixe et les annuités constantes.
Le cadre juridique relève d’un contrôle de légalité classique de la part
du Préfet et du Tribunal administratif, qui porte sur le caractère exécutoire de
l’acte, la compétence de l’autorité signataire et la mention des principales
caractéristiques.

1477
Concernant les projets de construction de logements ou bureaux à usage de location, centres
commerciaux :
− Un document attestant de la propriété ;
− Le dossier complet d'avant projet comprenant : les devis descriptifs et estimatifs des travaux,
les plans architecturaux et de structures, les notes de calcul ;
− le titre de propriété de la parcelle.
• Concernant les projets relatifs à l'acquisition du matériel :
− Les spécifications techniques des matériels ; le devis descriptif et estimatif des matériels.
• Concernant les études préalables à un projet, concernant les projets relatifs à l'acquisition du
matériel :
− La note expliquant la consistance du projet objet de l'étude et le coût réel de celle-ci ;
− L'agrément de l'architecte ou du bureau d'études consultés.
• Concernant les opérations d'acquisition de terrain :
L’acte d'attribution du terrain signé par l'autorité compétente ; le plan de situation ; l’acte de
propriété signé de l'autorité compétente ; la facture pro forma établie par le vendeur.

536
En cas d’annulation par le juge administratif, le contrat devient
inopposable aux parties lors d’un litige. Enfin, le non respect du cadre juridique
est passible de sanctions de la Cour de discipline budgétaire et financière. De
plus, sous réserve du contrôle de légalité, le contrôle juridictionnel relève du
juge judicaire. En effet, un contrat de prêt n’est en général pas lié à l’exécution
d’un service public et ne comporte pas de clauses exorbitantes du droit
commun. Il relève ainsi du droit privé. Le juge administratif ne contrôle donc
que les actes préparatoires et les éléments détachables du contrat. Le juge
judiciaire est compétent sur le contenu même du contrat. Au-delà du respect des
procédures, le recours à l’emprunt a des conséquences d’ordre budgétaire.
Aucune Commune ou groupement de Communes ne peut au cours d'un
même exercice bénéficier d'un concours financier excédant 10% du budget
d'investissement du FEICOM1478.

2- Le respect d’un cadre budgétaire


L’emprunt est un élément constitutif de l’équilibre budgétaire et génère
une charge de la dette qui est une dépense obligatoire.

S’agissant du respect de l’équilibre budgétaire, l’emprunt est


obligatoirement. Une recette d’investissement, même s’il n’est pas lié à une
opération précise. Il est donc indispensable à l’équilibre de la section
d’investissement et à l’équilibre réel du budget.

De ce fait, il doit être certain au moment du vote du budget. C’est


pourquoi la Chambre des comptes pourra vérifier l’état d’avancement des
négociations, et la capacité financière réelle de la Collectivité pour préjuger de
l’attitude éventuelle des prêteurs. Inversement, elle peut proposer, pour rétablir

1478
Code d’intervention du FEICOM.
537
l’équilibre réel, de recourir à l’emprunt qui perd de ce fait sa qualité de recette
facultative.

Par ailleurs, l’inscription au budget primitif est un préalable à la


possibilité pour une Collectivité d’accorder un prêt à une autre. En effet, les
personnes publiques sont tenues de déposer leurs fonds disponibles sur un
compte au Trésor public. Elles ne peuvent pas par conséquent utiliser leur
trésorerie pour accorder des prêts ou avances.

En revanche, si la dépense a été prévue au budget, les sommes n’ont pas


le caractère de fonds disponibles. Toutefois, une Collectivité ne pourra pas
accorder des crédits à titre habituel, c'est-à-dire à caractère répétitif ou profitant
à un grand nombre de Collectivités. Il s’agit également de respecter l’équilibre
futur.
En France le montant total des annuités des emprunts garantis et des
emprunts propres de la Collectivité ne peut pas excéder 50% des recettes de
fonctionnement1479. Un seul débiteur ne peut obtenir une garantie supérieure à
10% du plafond. Pas de garantie de plus de 50% du montant de chaque
emprunt. Enfin, tout emprunt crée des charges auxquelles il faudra faire face.

Paragraphe II : La gestion de dette locale par les CTD


La dette s’entend selon le dictionnaire Larousse comme l’ensemble des
engagements contractés par un Etat lors de missions d’emprunts. On distingue
à cet effet la dette flottante, qui correspond aux emprunts à court terme et
fluctuent en permanence et la dette consolidée qui correspond aux emprunts à
long terme. Si ces deux types de dette répondent à des mécanismes de
remboursement qui différ suivant les conditions de l‘emprunteur (A), il reste

1479
BOUVIER (M.), Finances locales, op. cit., p.85.
538
que la dette présente la particularité d’être une partie de la dette nationale
globale (B).

A- Les mécanismes de remboursement de la dette

La dette est un fardeau pesant. Les frais financiers représentent une masse
considérable et les annuités à rembourser pourraient amputer les ressources
propres. Il est de principe que « l’endettement appelle l’endettement »1480 afin
d’apurer l’ancienne dette pour contracter les nouvelles.

Le législateur camerounais a procédé autrement. En effet, l’article 25 de la


loi de 2009 énonce en substance qu’on ne peut emprunter pour rembourser un
emprunt afin d’éviter les effets boule de neige1481. C’est une telle observation
qui a fait dire à KORNPROBST dans le cas français en 1967 que « Tout se
passe comme si les emprunts communaux ne servaient à rien, ou du moins pas
à grand-chose… le mécanisme est complètement déréglé, les emprunts ne
servent plus aux investissements. Une véritable dette flottante impose une
charge permanente au profit des organismes prêteurs »1482. En effet, si les
Collectivités territoriales décentralisées n’étaient plus soumises au contrôle de
leur emprunt, par les institutions ou organismes emprunteurs, elles ne
connaîtraient plus de limitation en la matière, si non celle découlant des hausses
du taux du marché, qui n’est pas, par elle-même, susceptible de freiner le
recours à l’emprunt.

Des mécanismes directs ont donc été prévus et sont palier en cas de
difficultés de remboursement par les retenues à la source pour les prêts faits par
le FEICOM.

1480
MAITROT (C.), op. cit., p. 201.
1481
BOUVIER (M.), Finances locales…, op. cit., p. 207.
1482
HOUTAKER (E.), « L’endettement communal et le Ve plan », A.J.D.A. janvier 1968,
p. 13 cité par MAITROT (C.), op. cit., p. 201.
539
1- Les mécanismes de remboursement direct

Le remboursement de la dette des CTD est une dépense obligatoire1483,


d'autant plus que les Collectivités territoriales doivent voter leur budget en
équilibre réel. Les intérêts sont une dépense de fonctionnement, et l’annuité en
capital une dépense d’investissement1484. Ce remboursement du capital de la
dette doit être réalisé sur des ressources propres, ce qui interdit un nouveau
recours à l’emprunt, sauf pour des opérations de restructuration de la dette. Le
non respect de cette règle porte atteinte à l’équilibre réel du budget, qui est
contrôlé par le Préfet et le Chambre des comptes1485.

Si la dépense obligatoire correspondant au service de la dette n’est pas


inscrite au budget, le Préfet, le comptable ou toute personne ayant intérêt peut
saisir la Chambre des comptes. Cette dernière ne s’est pas encore prononcée sur
ces situations.

Elle dispose d’un mois pour le constater, puis adresser une mise en
demeure à la Collectivité. Si elle n’est pas suivie d’effet dans un délai d’un
mois, la Chambre des comptes formulera un avis demandant au Préfet de
procéder à l’inscription d’office de la dépense dans le budget de la Collectivité.

Par ailleurs, le Préfet peut procéder au mandatement d’office de la


dépense si l’ordonnateur ne l’a pas fait après une mise en demeure. Cependant
l'autorité de tutelle qui modifie d'office le budget ne peut ni augmenter les

1483
Art. 28 de la loi portant régime financier des CTD précitée.
1484
Ibid., Art. 26.
1485
Ibid., Art. 47 et ss.
540
dépenses, ni en inscrire de nouvelles que pour autant qu'elles sont
obligatoires1486.
L’emprunt se fait dans l’orientation des flux économiques. Il faudrait
anticiper à tout moment sur les marchés financiers du taux court (marché
monétaire) ou long (obligataire)1487. Il s’agit du choix du moment de l’appel à
l’emprunt afin d’éviter les trésoreries oisives1488. Le contrôle de la trésorerie
n’est pas indépendant de celui de l'endettement. Aussi convient-il également
pour une Collectivité de savoir déterminer ses besoins d’emprunt et ses
capacités de remboursement. On rappellera, de surcroît, la nécessité de savoir
choisir et négocier les modalités d’un prêt parmi les multiples possibilités que
les banques offrent à leurs clients. Autrement dit, on peut parler aujourd’hui
d’une gestion active de la dette supposant une prévention des risques par la
mise en place d’indicateurs suffisamment fiables prenant en compte la capacité
d’autofinancement de la Collectivité1489.

La Cour des comptes française s’est déjà exprimée sur le cas de la


banque Dexia et revient aujourd’hui, avec sévérité, sur la gestion des
Collectivités locales1490. Elle s’exprime comme suit, étant donné que toute
évolution du marché fait amplement varier les indices concernés (cours de
change, taux courts, taux longs ...). Alors est-il possible de contrôler le surcoût,

1486
Ibib., Art. 47 al. 2.
1487
Aussi, un emprunt au fort taux d'intérêt pourrait obstruer le remboursement. Une
étude minutieuse du besoin et de la trésorerie devrait être faite par la Collectivité.
L'indépendance de ces opérateurs et l'éthique des établissements financiers impliqués, sont un
atout. L'objectif est d'aider les Collectivités à défendre les intérêts des contribuables dans le
droit fil des préoccupations nationales. De plus, une solution de cette nature fonctionne
indépendamment de toute décision de partage des risques et des surcoûts qui pourraient
intervenir in fine entre les Collectivités locales.
1488
BOUVIER (M.), Finances publiques, op. cit., p. 207.
1489
GUENGANT (A.), Analyse financière des communes, Paris, Economica, 1998, p. 97.
1490
Dexia a dû être soutenue par les Etats français et belges. Pour la partie française, les
encours sont à 10 milliards de prêts structurés dits « sensibles », garantis par la France.
Aujourd'hui, en retenant un surcoût annuel de l'ordre de 15 % l'an, la surcharge à supporter est
de 1,5 milliard d'euros par an et personne ne sait en estimer le montant pour les années futures.
541
voire de le réduire, par la mise en œuvre d’une gestion spécifique de ces prêts ?
Puisqu’il n’y a pas de solution, il convient de globaliser les emprunts en cause
par nature de risques pour asseoir, sur des volumes suffisants, une gestion
adaptée confiée à des équipes d'intervenants indépendants.

Les difficultés liées au remboursement ont souvent amenées certaines


institutions prêteuses telles que le FEICOM, à récupérer leur dû à la source.

2- La récupération à la source par le FEICOM


Dans un contexte où la maîtrise de l’endettement national est une
question prioritaire, il serait opportun de conjuguer les aspects « gestion des
risques » et « partage des pertes » au sein de la même solution, les acteurs
devenant alors des alliés objectifs. Dans cette hypothèse, les intérêts de l’Etat,
ceux des Collectivités locales et ceux des agents sollicités, pour aborder le
Fonds de soutien envisagé par l’Etat, seraient alignés.

Le FEICOM est le receveur des impôts tel que les centimes additionnels
et les redevances forestières à l’horizon des échéances municipales.

La problématique de la dette des Collectivités locales est une


préoccupation nationale. Et elle ne peut pas se résoudre par la politique de
l'autruche ou par celle du déplacement des responsabilités. Elle passe par une
déculpabilisation des élus, une information régulière des contribuables et la
mise en place de solutions pragmatiques.

B) - Le caractère intégré de la dette locale dans la dette


nationale

542
La dette nationale est le total des engagements financiers de l’Etat1491.
Elle résulte du cumul des besoins de financement de l’Etat, c’est-à-dire de la
différence, année après année, entre ses produits (recettes fiscales, produits de
privatisations, etc.) et ses charges (dépenses budgétaires, prises de participation,
etc.).
C’est l’ensemble des engagements financiers bruts des administrations
publiques1492. Il s’agit d’une dette brute, ce qui signifie que les avoirs financiers
des APU ne viennent pas en déduction de celle-ci. La dette est mesurée en
valeur nominale et non en valeur de marché. Elle est consolidée, ce qui signifie
qu’elle exclut les dettes contractées entre administrations publiques, notamment
les dépôts des Collectivités locales auprès du Trésor public1493.

1-L’administration publique locale : élément de


l’administration publique

Les administrations publiques locales, regroupent les organismes ayant


une compétence géographique limitée : Collectivités locales, établissements
publics locaux, et tous les organismes publics ou parapublics financés
majoritairement par les Collectivités locales. Les administrations publiques
locales se trouvent intégrées dans l’administration publique c’est-à-dire l’État
(budget général, comptes spéciaux du Trésor, budgets annexes) et les
« organismes divers d’administration centrale ». Plusieurs centaines
d’établissements de statut public ou privé sont regroupés sous cette
dénomination. Le critère de classement d’un organisme dans la sphère des

1491
GUENGANT (A.), Analyse financière…,op. cit., p. 99.
1492
Ibid.
1493
Voir principe de l’unité des caisses.
543
administrations publiques n’est pas son statut juridique, mais la structure de son
compte d’exploitation1494.

2- Les ambigüités de gestion de la dette locale

Les Collectivités locales autofinancent majoritairement leurs dépenses


d’équipement. La totalité des projets d’investissements est financée par le prêt.
Cette situation plutôt favorable, conjuguée à une quasi absence de sinistre vis-à-
vis des créanciers, explique la confiance manifestée aux Collectivités locales.
Contrairement à l’Etat, l’ensemble des flux de dette (emprunts
nouveaux et remboursements) des Collectivités territoriales doit être budgétisé.
Il reste une part de la dette nationale.
Le cadre juridique peu contraignant applicable aux emprunts des
Collectivités locales a rendu l’exercice des contrôles difficile, qu’il s’agisse du
contrôle de légalité ou de celui des comptables publics. La gestion de la dette
est d’une importance certaine. En effet, la définition claire d’une stratégie
d’endettement par l’exécutif et sa formalisation dans un document de référence
demeurent cependant relativement rare1495.
Cette carence se double, dans de nombreuses Collectivités, d’un
développement insuffisant des outils de pilotage financier pluriannuel, tels que
les plans pluriannuels d’investissement. La définition d’une stratégie
d’endettement, même si elle peut et doit être révisée périodiquement, nécessite
en effet d’effectuer des anticipations à un horizon qui ne peut se limiter au court
terme.
Les assemblées délibérantes ne sont pas toujours en situation de pouvoir
appréhender la nature des opérations de gestion de dette qu’elles autorisent, de

1494
Traité de Maastricht.
1495
V. KAGA LELE (J.), La complexité de la gestion des CTD : le cas de Bafoussam, éd.
2010, 195 p.
544
vérifier si celles-ci sont bien conclues dans l’intérêt de la Collectivité, et de
s’assurer, le cas échéant, qu’elles sont cohérentes avec la stratégie globale
définie.

Section II : Les inflexions des ressources locales

Un constat amène à souligner que la crainte de voir le marché financier


local s’assécher s’est amoindrie avec le soutien apporté par l’Etat1496. C’est
plutôt l’état de l’emprunt local dans le futur et les répercutions en chaîne de ses
difficultés éventuelle sur tout le système financier public qui demeure
largement inconnu. Il doit tenir compte de la politique financière de l’Etat et de
l’évolution des finances locales. C’est cette configuration qui fait de l’emprunt
une ressource de substitution, cependant une telle considération fait peser le
risque d’une dégradation des finances qui pourraient s’aggraver dans le cas où
les taux d’intérêt viendraient à s’accroître. C’est aussi l’expression des
difficultés de structuration des ressources locales en général. C’est pourquoi le
législateur a envisagé les mécanismes de péréquation pour établir un équilibre
financier entre les Collectivités.

Paragraphe I : L’emprunt local, une ressource de substitution

L’emprunt est une ressource particulière. A la différence des autres catégories de


ressources qui ont un caractère définitif, l’emprunt est une ressource à caractère
provisoire et affectée1497. Il présente un intérêt certain pour les CTD. Souvent qualifié de
ressource de substitution1498, l’emprunt présente l’avantage de réduire l’impôt présent et
de générer une baisse des dépenses de fonctionnement pour l’avenir. Cet intérêt reste
cependant limité par restriction de la capacité d’endettement.

1496
BOUVIER (M.), Finances …, op. cit., p.199.
1497
Ibid.
1498
Ibid.
545
A- Un impôt différé pour les CTD
Tout en réduisant les charges du présent l’emprunt génère des risques de
dépendance future pour les CTD.

1- L’emprunt, un réducteur de l’impôt présent


Emprunter permet aux Collectivités de synchroniser les dépenses
d’équipement et mobiliser les ressources. L’accès à l’emprunt permet aux
Collectivités de « lisser »1499 sur la longue durée la contribution des
Collectivités territoriales aux dépenses d’équipement. L’emprunt apparaît
comme une technique de gestion des ressources actuelles et futures. Il permet
ainsi de discipliner les responsables locaux en matière financière ; il engendre
donc plusieurs devoirs parmi lesquels la capacité de rembourser.

Il s’agit d’une recette temporaire, qui devra être remboursée. C’est ce


caractère de l’emprunt qui permet à certains doctrinaires de voir dans cette
ressource un impôt différé1500, puisque ce sont les impôts futurs qui permettront
de dégager les ressources nécessaires au remboursement de la dette. D’où la
nécessité de contrepartie à venir pour le contribuable : utilisation d’un
équipement. La mise en place rapide d’un service public qui n’aurait pas pu être
financé intégralement par le contribuable présent, et dont ce dernier va
bénéficier, construction d’équipements susceptibles d’attirer des entreprises ou
des touristes.

Si l’emprunt se justifie à plus d’un titre, il lui est reproché de réduire


l’efficacité des politiques macroéconomiques en partageant avec l’Etat l’un de

1499
V.YATTA (F.-P.), Décentralisation fscale en Afrique-Enjeux et perspectives, éd., Karthala,
2009.
1500
V.Gestion financière des Collectivités locales : le cas de la France, communes et régions
d’Europe, n° 50.
546
ses instruments importants d’une part et d’autre part les dettes infranationales
contribuent plus généralement à l’endettement national.

2- Un risque de dépendance à venir pour les CTD


Par l’emprunt, les Collectivités locales peuvent entrer dans un système à
risques. A risques financiers certes, mais également à risques au regard de leur
pouvoir de décision qui pourrait aisément devenir dépendant des choix
effectués par les institutions financières, même si, en apparence, on peut
s'estimer en droit de penser que la mise en concurrence de celles-ci constitue
une garantie d'indépendance pour leurs clients. Les Collectivités les plus
démunies vis-à-vis d'un tel risque sont celles, qui ne disposent ni du savoir-faire
nécessaire ni a fortiori d'une puissance économique et financière source
d'équilibre des rapports.

B) - Une capacité d’endettement des Collectivités limitée

Le recours à l’emprunt rencontre une première limite : c’est le montant


de l’épargne que le pays peut affecter au financement des investissements
publics en la détournant du financement privé. En effet, les Collectivités
territoriales décentralisées en absorbant une part croissante des ressources rares
que constituent les épargnes longues gèrent le financement des autres secteurs.
Bien que les Collectivités territoriales décentralisées bénéficient d’une grande
part de leur équipement d’un financement privilégié par rapport au secteur
privé, elles se heurtent à, une seconde difficulté. Elle est constituée par le poids
des charges d’intérêt et de remboursement grevant le budget de chaque
Collectivité décentralisée. Les charges d’emprunt hypothèquent une part
importante des ressources, et réduisent ainsi les possibilités d’action pour

547
l’avenir. Dans le contexte camerounais les Collectivités sont interdites
d’emprunter pour rembourser un emprunt précédent.

En ce qui concerne les ressources d’emprunt, les restrictions de


l’autonomie de décision des Collectivités locales peuvent se traduire par
l'obligation pour ces dernières d'obtenir une autorisation préalable de l'Etat. Au
Gabon1501, les restrictions peuvent également concerner l'affectation des
ressources de l'emprunt. En Côte-d’ivoire1502, la loi portant régime financier,
fiscal et domanial des Collectivités territoriales dispose que le Conseil d’une
Collectivité peut contracter des emprunts destinés à couvrir les dépenses
relatives au budget d’investissement dans les limites et conditions fixées par
décret en Conseil des Ministres.
Les restrictions résultent aussi de la maîtrise institutionnelle par l’Etat
des organismes prêteurs. En effet, ces organismes ne disposent pas d’une réelle
indépendance par rapport aux pouvoirs publics. Il s’agit d’ailleurs le plus
souvent d’organismes publics ou parapublics. C’est le cas au Cameroun du
Fonds d’équipement spécial et d’intervention intercommunale, un
établissement public créé par la loi n°
74/23 du 5 décembre 1974 portant organisation communale, qui a
compétence pour octroyer des prêts aux Collectivités locales. Il en est de même
de la Banque gabonaise de développement, établissement public industriel et
commercial, chargé de financer par des prêts les investissements des
Collectivités locales. Cette maîtrise institutionnelle s’accompagne le plus
souvent d’une maîtrise fonctionnelle dans la mesure où les organismes prêteurs

1501
L’article 157 de la loi organique relative à la décentralisation dispose que « les
Collectivités locales sont autorisées, par délibération de leurs Conseils et dans la limite de
leur capacité d’endettement réelle, à contracter des emprunts auprès des organismes
financiers nationaux et internationaux. Toutefois, au-delà de 30% du budget, les
emprunts sont soumis à l’approbation de l’Etat qui en assure la garantie ».
1502
L’article 99 de la loi portant régime financier, fiscal et domanial des Collectivités
territoriales de Côte-d’Ivoire précitée.
548
voient leur action canalisée par l’Etat qui détermine les conditions des prêts
consentis aux Collectivités locales1503.
Outre que la recherche annuelle de la masse considérable des capitaux
nécessaire constitue pour les communes un problème difficile à résoudre, le
remboursement et le service d’une dette de cette importance limite
considérablement les possibilités de ces Collectivités.

A notre avis, il ne faudrait pas toujours voir dans ces restrictions une
faculté d’empêcher de la part de l’Etat. En effet, l’Etat devenu une entreprise
avec le management public inspiré du management privé, il ne devrait
emprunter quand il s’agit de lui sans que la Collectivité prêteuse ne soit
capable de rembourser ; c’est également dans le souci d’éviter des
enroulements de la dette comme c’est le cas en France1504 qui interdit tout
remboursement par une autre dette. Cette technique présente l’avantage
d’éviter des désengorgements financiers de l’Etat contre des engorgements des
Collectivités sans que le développement, l’autonomie recherchée voire la
responsabilité locale ne suivent. Cette vision du législateur camerounais remet
sur la scène le problème du degré de responsabilité des élus locaux dans la
gestion des ressources locales.

1503
De ce fait, le pouvoir central est encore dans ces différents Etats, le grand distributeur et
régulateur des prêts accordés aux Collectivités locales.
1504
MARTINEZ (J.C.), L’autonomie financière territoriale, un paradigme planétaire revisité,
Paris, Harmattan, 2014, p. 46. L’emprunt sans limite est une commercialisation sans foi ni loi.
En effet, la liberté d’emprunter a amené les villes à se laisser piéger par des emprunts dits
structurés ou les taux sont variables (Ex. les emprunts à effet d’échange ou les taux d’intérêt
sont indexe sur deux monnaies. Les banques ont aussi piégés les Collectivités avec des
emprunts à barrière désactivant où le taux initial est remplacé au profit d’un autre dès qu’un
indice de référence franchi un seuil préalablement défini. Il existe aussi des emprunts à effet de
levier ou la formule de calcul du taux comprend des multiplicateurs mathématiques pour
augmenter l’effet d’un indice. Le marché venait donc sanctionner la liberté inconsidérée que le
droit avait donnée.
549
Paragraphe II : Les limitations générales des ressources locales

L’on entend par limites globale des ressources des CTD celles qui ne
sont ni exclusivement fiscales ni exclusivement non fiscales. Il s’agit
principalement de la difficulté liée à la structuration des ressources locales1505.

A- Une difficile structuration des recettes locales

Au niveau local, notamment pour la commune, toutes les charges


publiques n’ont pas à être réparties entre les contribuables : les communes, ou
tout au moins, certaines communes, sont proportionnellement beaucoup plus
riches que d’autres, car elles retirent de la gestion de leurs domaines des
revenus élevés qui entrent en ligne de compte dans l’équilibre de leurs
dépenses. Pour les petites communes, qui ont d’ailleurs peu de charges, les
services public étant peu développés, on peut concevoir que ces revenues,
provenant surtout de l’exploitation des forêts ou de l’élevage permettent
d’équilibrer le budget : aucune répartition des charges n’est alors réalisée entre
les contribuables au titre du budget local.

Pour les dépenses publiques qui ne peuvent être récupérées par le


moyen des taxes, il convient de rechercher s’il est juste de les laisser à la charge
des seuls contribuables locaux. Ainsi par exemple, telle petite commune, située
en périphérie, doit-elle supporter seule les frais d’entretien de ses routes, qui
sont plus utilisées par des usagers extérieurs que par la population locale ?
D’autre part, de nombreux services nationaux doivent être assurés par les
communes, en matière d’assistance, d’éducation nationale1506, etc. Il est juste

1505
Le terme locale est dans ce cas opposé à celui national donc il inclut toutes les CTD.
1506
V. Décret n° 22012/0881/PM du 27 mars 2012 fixant les modalités d’exercice de certaines
compétences transférées par l’Etat aux communes en matière de sport et d’éducation physique.
Décret n° 2012/08877/PM du 27 mars 2012 fixant les modalités d’exercice de certaines
550
que ces dépenses soient couvertes par des recettes d’origine nationale, et non
locale. Un problème de péréquation des charges locales se trouve ainsi posé : il
doit être résolu soit sur le plan national, c’est-à-dire par le budget de l’Etat qui
met ces dépenses à la charge de l’ensemble des contribuables du pays, soit sur
le plan départemental, lorsqu’il s’agit des communes. Cette péréquation est
assurée par plusieurs moyens :

Une participation permanente de l’Etat aux dépenses d’intérêt général


effectuée par des Collectivités locales peut être prévue comme une recette
ordinaire du budget local, ou une affectation spéciale. Cette participation est
alors déterminée en fonction de la situation locale : on retient, par exemple, le
chiffre de la population totale ou de la population scolaire de la commune, ou
encore le montant des recettes fiscales précédentes si l’on veut garantir la
stabilité de ces recettes.

Des subventions sont possibles sous des modalités très diverses. Elles se
définissent par la nature des dépenses et non par la situation financière des
Collectivités locales, c’est-à-dire par l’insuffisance de leurs ressources. Aussi
sont-elles généralement affectées, tantôt à des dépenses obligatoires, pour
atténuer leur charge, tantôt à des dépenses facultatives, pour les encourager.

Des attributions sur certaines recettes fiscales de l’Etat peuvent


permettre de reverser une part de ces recettes aux budgets locaux. On distingue
ici les attributions simples, lorsque la part qui revient à la commune est
déterminée par le produit de l’impôt perçu dans la commune. Et les attributions
par le procédé du fonds commun sont d’abord groupées sur le plan national,
puis réparties entre les communes, d’après certaines modalités.

compétences transférées par l’Etat aux communes en matière d’appui aux micro-projets
générateurs de revenus et d’emplois. Décret n° 2012/0880/PM/ du 27 mars 2012 fixant les
modalités d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux communes en matière
d’organisations d’œuvres de vacances.
551
Restent enfin les dépenses qui sont réellement à la charge du budget
local. Sous réserve des possibilités d’emprunts directement émis par les CTD,
il faut les répartir entre les contribuables de la commune où ce solde de
dépenses reste très important. Cette répartition est assurée par la voie des
impôts locaux : elles ne peuvent les percevoir que dans la mesure où la loi les
met à leur disposition.

B- La répartition des fonds locaux et l’autonomie financière


Ces concours financiers ont un double objectif : d’une part, un objectif
de compensation des charges imposées aux Collectivités locales, ce qui fait des
concours financiers un élément d’équité des relations avec l’Etat ; d’autre part,
un objectif de péréquation, c’est-à-dire de solidarité financière entre les
Collectivités locales1507.
Une question dans le cadre de cette analyse ne devrait donc pas être
ignorée, il s’agit de l’apport de la péréquation financière dans la construction de
l’autonomie financière des CTD. Certains auteurs y voient un moyen de
déresponsabilisation des Collectivités locales. Les inégalités des ressources
entre les CTD devraient’ elles être ignorées. L’autonomie financière serait un
élan de certaines Collectivités. Aussi à l’opposé de ces considérations, la
péréquation financière se présente comme un outil de globalisation de
l’autonomie financière même si la règlementation y relative devrait être
améliorée.

1507
Ainsi l’article 89 de la loi ivoirienne du 26 décembre 2003 portant régime financier, fiscal
et domanial des Collectivités territoriales intègre ces deux objectifs des concours financiers de
l’Etat. Il dispose en effet que « la dotation globale de fonctionnement se compose d’une partie
minimale et d’une partie complémentaire. La partie minimale de la dotation a pour objet
d’assurer à chaque Collectivité territoriale un minimum de ressources par habitant. La partie
complémentaire est destinée à contribuer, compte tenu de leurs inégalités de situation, aux
charges de fonctionnement des Collectivités territoriales ou à alléger, le cas échéant, des
charges particulièrement lourdes supportées par certaines d’entre elles ».
552
1- Poids pour une autonomie financière généralisée
En vue d'assurer le développement harmonieux de toutes les
Collectivités territoriales décentralisées, le produit de certains impôts et
taxes1508 est centralisé par le FEICOM qui les redistribue à toutes les
communes suivant les critères et modalités prévus par voie réglementaire.

Les raisons sociologiques se reflètent dans les inégalités


intercommunales de dépenses et de recettes, la diversité des facteurs de
formation des disparités budgétaires intercommunales, de besoins, de
ressources et de coûts, complique singulièrement l'identification et surtout la
quantification des différentes sources d'inégalités.

Une opinion répandue attribue aux « besoins »1509 l’origine principale,


sinon exclusive, des disparités de dépenses entre communes. Les inégalités de
taux d'imposition proviendraient ensuite mécaniquement de l’ajustement du
produit fiscal requis par l’équilibre budgétaire aux bases taxables. Les
« besoins » expliqueraient ainsi pourquoi des communes dépensent plus, par
tête, que d’autres. L’analyse économétrique des processus de demande des
services publics municipaux ne confirme pas ce schéma. Les tests disponibles
confirment la prépondérance des ressources, et non des besoins, dans la
formation des inégalités intercommunales de dépenses1510.

L’ampleur des inégalités budgétaires intercommunales constitue le signe


le plus visible du dysfonctionnement territorial des finances locales au
Cameroun. Le diagnostic appelle cependant précautions et nuances. Des

1508
Il s’agit : des centimes additionnels communaux ; de la quote-part de la redevance forestière
annuelle affectée aux communes ; des droits de timbre automobile ; de la taxe de
développement local due par les salariés du secteur public.
1509
Population, logements sociaux, nombre d'élèves ...
1510
GILBERT(G.) et GUENGANT (A.), La fiscalité locale en question, Paris, Montchrestien,
1989,160 p. et GILBERT(G.), La fiscalité locale en France du constat aux marges de
manœuvre, Paris, Montchrestien, p. 14.
553
précautions car selon que l’on choisit tel ou tel indicateur l’ampleur des
disparités variera beaucoup. A côté d’inégalités véritables, il existe des données
que Guy GILBERT qualifie artefacts statistiques1511. Des nuances aussi, car
toutes les différences ne peuvent pas être condamnées a priori sans remettre en
cause le principe même de décentralisation. Il y a des inégalités subies ; il en est
aussi de volontaires qui résultent de la gestion librement choisie par les
pouvoirs locaux. Enfin, l’importance des disparités résiduelles ne doit pas
occulter les acquis de la péréquation1512.

Les disparités de charges fiscales d’une Collectivité à l’autre peuvent


s’apprécier sur la base des impôts acquittés par les contribuables légaux, ou sur
la base des contribuables ultimes. Dans le premier cas, on suppose que « qui
paie supporte en totalité et en définitive l’impôt, là où il est localisé
fiscalement » ; dans le second on admet que les contribuables légaux peuvent
transférer grâce à l’échange tout ou partie de la charge fiscale sur d'autres
agents : ce qui compte alors c’est l’identité et la localisation du contribuable
« ultime ».

Même dans le premier cas, de loin le plus simple, la caractérisation des


inégalités fiscales inter-Collectivités n’est pas sans difficultés.
Les inégalités fiscales précédemment décrites sont cependant
trompeuses car elles ne nous renseignent pas sur la répartition effective des
impôts entre contribuables. C’est une autre question, tout aussi importante pour
l’aménagement du territoire que de savoir qui supporte en définitive les impôts
locaux et où ? Dire qu’une commune impose ses contribuables un peu plus
qu’une autre n’a aucun sens si d’un côté les contribuables1513 peuvent

1511
Ibid., p. 16.
1512
BOUVIER (M.), Repenser la solidarité financière entre Collectivités locales : les nouveaux
enjeux de la péréquation en France op. cit.
1513
Certaines entreprises.
554
répercuter la charge fiscale, tandis que de l’autre ils ne le peuvent pas. Les
effets produits notamment sur la localisation des hommes et des activités seront
très différents d’un cas à l’autre. Pour mieux comprendre ce point il convient de
préciser qui supporte en définitive l’impôt local et où, c'est-à-dire pour
emprunter les termes de Guy GILBERT, de réaliser le partage économique des
impôts locaux entre contribuables ultimes1514.

La théorie économique de l’incidence le permet, en principe, et de


nombreux exercices ont été réalisés en ce sens1515. L’opération est
(relativement) aisée dans le cas d’une circonscription fiscale unique et fermée
sur l’extérieur, les impôts étant répercutés soit en amont vers les producteurs et
donc les revenus du travail et du capital, soit en aval vers les consommateurs.
Les conditions de répercussion sont bien connues : elles dépendent d’une part
des élasticités-prix et revenue des fonctions d'offre et demande de biens et de
services et de facteurs, et du type d’impôt d'autre part1516. Même dans ce cas
simple, la charge fiscale locale se diffuse dans tous les secteurs, affecte tous les
produits et tous les facteurs ; une modélisation d’ensemble est nécessaire au
calcul de l’incidence.

Dans la perspective plus réaliste d’une économie ouverte et/ou formée


des Collectivités territoriales fiscalement autonomes, la mobilité spatiale des
produits et des facteurs de production offre des possibilités de translation
supplémentaires.

1514
GILBERT(G.), La fiscalité locale en France du constat aux marges de manœuvre…,
op. cit., p. 18.
1515
Cf. Prud’homme (R.) et les travaux de l’Oeil à l’Université Paris XII.
1516
Par exemple, une taxe générale à la consommation génère une répartition ultime du
prélèvement différente d'une imposition équivalente en rendement mais appliquée, par exemple,
à des taux spécifiques sur les salaires et les profits.
555
Les impôts locaux peuvent être exportés (et importés) en fonction du
partage territorial des marchés de consommations finales et intermédiaires1517,
ou en fonction de la mobilité géographique des hommes et des capitaux. En
définitive, et en longue période, le travail et le capital s’étant éventuellement
déplacés d’une Collectivité à l’autre de façon à profiter au mieux des
différentiels d’imposition, ce sont les propriétaires de facteurs immobiles (la
terre) qui supporteront le poids de la fiscalité locale. Les observations ne
confirment pas l’hypothèse d’une « capitalisation fiscale » complète1518.

En France notamment, la flexibilité du prix des terrains industriels


n’apparaît pas suffisante pour neutraliser totalement les disparités
intercommunales de taxe professionnelle, malgré les multiples avantages
pécuniaires accordés par les municipalités aux candidats à l’implantation1519. Le
taux réel de l’impôt redéfini par rapport à la valeur ajoutée ou la rémunération
du foncier. A notre connaissance, l’on ne dispose pas aujourd’hui au Cameroun
d’évaluations empiriques pleinement satisfaisantes du partage économique des
impôts locaux.

Si les mécanismes d’incidence conduisent à nuancer l’interprétation des


écarts de taux d’imposition en termes d’inégalités réelles de charge fiscale, les
disparités territoriales constituent néanmoins des caractéristiques de la gestion
des budgets locaux dans une perspective d’aménagement du territoire1520.

L’interrogation sur la localisation ultime de la charge fiscale n’élimine


pas la question de la localisation initiale du prélèvement. Bien au contraire, les
développements récents de la théorie économique des impôts locaux1521,

1517
C’est le cas de la taxe de développement locale.
1518
Cf. Prud’homme (R.) et les travaux de l'œil… op. cit.
1519
BOUVIER (M.), Finances …, op.cit., p. 57.
1520
GUENGANT (A.), Analyse financière des communes, Paris, Economica, 1998, p. 85.
1521
BOUVIER (M.), Finances…, op.cit., p. 57 et ss.
556
placent les enjeux essentiels au niveau de la conception du système de
prélèvement et donc des mécanismes de formation des inégalités financières
territoriales.

Les disparités budgétaires communales résultent à la fois de différences


territoriales de besoins et de ressources. Parmi ces dernières, les inégalités de
potentiel fiscal jouent un rôle majeur. Des inégalités de potentiel fiscal
considérables... Le potentiel fiscal par habitant mesure le montant par tête des
quatre taxes directes qu’obtiendrait une commune si les taux moyens nationaux
étaient substitués à ses propres taux d’imposition. Le potentiel fiscal caractérise
par conséquent la richesse fiscale par habitant de la localité. L’originalité de la
situation camerounaise réside dans l’ampleur, à bien des égards, exceptionnelle
des disparités intercommunales de potentiel fiscal.

Tout d’abord, le potentiel fiscal est un instrument fiable de comparaison


des richesses fiscales ; en effet même si les valeurs cadastrales sont hétérogènes
d’une commune à l’autre, les bases de taxe de développement local sont
mesurées de façon homogène entre communes. L’impact des disparités de
pression fiscale aiguise la compétition territoriale entre communes et provoque
ainsi, notamment au sein des agglomérations urbaines, des déséquilibres
cumulatifs de croissance, certes bénéfiques à certains, mais préjudiciables au
plus grand nombre1522.

Les disparités locales de richesse fiscale proviennent pour l’essentiel de


la différenciation administrative des zones d’implantation des activités
économiques d’une part et de localisation des résidences d’autre part.
L'émiettement du découpage communal, notamment au sein des agglomérations

1522
Rapport sur le financement du développement local.
557
urbaines, sépare en effet artificiellement les aires de localisation (actifs)
nocturne (résidents) de la population.

Les inégalités de potentiel fiscal résultent ainsi, en quasi-totalité, des


distorsions territoriales engendrées par la taxe de développement local.

L’objectif le plus couramment affiché de toute forme de péréquation


financière au niveau local est, on le sait, de favoriser une harmonisation de
l’espace, une redistribution des richesses et par là même une réduction des
inégalités1523. La péréquation des ressources fiscales représente d’une certaine
manière un contre poids à la compétitivité entre Collectivités et un facteur de
régulation du système local. Il s’agit de rapprocher les situations en termes de
capacité de dépenser. En tenant compte des différences de ressources mais
également de charges, et de faire concorder le niveau de services rendus avec
l’effort fiscal demandé aux contribuables.

2- La péréquation : Une solution pour la construction d’une


autonomie financière générale

La péréquation des ressources fiscales constitue d’une certaine manière


un contrepoids à la compétition entre Collectivités. Autrement dit, il s’agit de
satisfaire à un impératif de rééquilibrage, ou encore d’équité entre Collectivités
territoriales dont la raison fondamentale d’exister est le mieux être des citoyens,
ainsi que l’organisation d’une certaine solidarité entre eux.

C’est cette conception que le législateur semble avoir consacrée à


travers la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 et la loi portant fiscalité
locale. La nécessité d’un tel dispositif se justifie pleinement d’un premier point

1523
BOUVIER (M.), « Repenser la solidarité financière entre Collectivités … », op.cit., p. 2. Il
est indispensable que l’Etat assure une égalité des chances à des territoires dont les
caractéristiques sont très disparates.
558
de vue en raison des nouvelles compétences transférées aux Collectivités
locales, mais aussi parce que se trouve affirmée par le même texte l’autonomie
financière des Collectivités. Il est patent, en effet, que l’accentuation de
l’autonomie financière locale ne peut que provoquer la compétition, une
accentuation des différences, des inégalités de situations des unes par rapport
aux autres.

Plus encore, la constitutionnalisation de la péréquation se justifie


pleinement d’un deuxième point de vue, dès lors qu’il convient de tirer les
conséquences de la reconnaissance d’une autonomie financière locale ancrée
dans l’autonomie fiscale1524. Cependant, et à notre sens, la définition donnée
par la loi nécessite dès à présent, un travail d’interprétation. Car on peut se
demander si la notion de péréquation telle qu’elle est généralement comprise et
à laquelle on se trouve implicitement renvoyé par le texte constitutionnel,
c’est-à-dire une compensation non pas absolue quasi arithmétique des inégalités
est encore pertinente.

Il est certes indispensable de prendre en compte les inégalités qui


existent entre territoires, comme il est légitime de vouloir égaliser les situations.
Toutefois, s’en tenir là est insuffisant, car c’est se borner à penser la
péréquation à travers une conception strictement comptable des finances
publiques, celle qui lui a été attribuée dès le XVe siècle1525. Bien entendu nous
ne voulons pas dire que cette conception est totalement erronée, mais elle n’est
pas non plus absolument exacte car elle ne tient pas compte de la nécessité de
situer les questions financières dans la dynamique qui est la leur aujourd’hui.

1524
Ibid., p. 3.
1525
Du latin juridique peroequatio, du verbe paraoequarer, c’est-à-dire « égaliser ».
559
Elle correspond à une évolution statique de la société, et ignore comme
le dit Michel BOUVIER que la péréquation est un facteur de régulation1526,
d’harmonisation du système local ainsi qu’un outil qui permet la réorientation
des circuits de financement et la restructuration du réseau financier local1527.
Elle laisse également de côté le fait que la péréquation devrait s’inscrire dans
une logique de responsabilisation inhérente à tout processus de décentralisation
et tout particulièrement ce que nous pouvons appeler « l’acte II»1528 au sein
duquel l’autonomie financière tient une place centrale. Or, une conception
contemporaine de la péréquation financière ne peut se construire en dehors de
l’évolution générale de la gestion financière publique, dont l’un des principes
essentiels est celui de responsabilité1529.

La péréquation entendue strictement comme le moyen de compenser des


inégalités ne favorise en rien la responsabilisation des acteurs qui en
bénéficient. Elle est plutôt source de dépendance et donc en contradiction avec
le principe d’une autonomie de gestion, voire de décision, qui est reconnue par
ailleurs. Elle ne s’inscrit pas davantage dans la culture financière qui se
développe aujourd’hui dans la plupart des pays du monde et qui irrigue l’Etat
au Cameroun1530.

Il convient de considérer pour le moins que la péréquation doit


permettre aux Collectivités les plus défavorisées, non de s’installer dans
l’assistanat, mais d’avoir la capacité à terme d’offrir par leurs propres moyens
des services à leurs administrés et d’agir par elles-mêmes sur les origines des

1526
BOUVIER (M.), Repenser la solidarité financière entre Collectivités locales : les nouveaux
enjeux de la péréquation en France, op. cit., p. 4.
1527
Ibid.
1528
Avec les lois de 2004 et de 2009.
1529
BOUVIER (M.), L’âge nouveau de la gouvernance… ? op. cit.
1530
Une culture qui se caractérise là encore par la substitution d’une logique de résultats à
l’ancienne logique de moyens.
560
inégalités. Or les dispositifs existants, horizontaux1531 ou verticaux1532 ne sont
pas totalement conçus en fonction de cet objectif. Qu’il s’agisse de péréquation
extensive1533ou intensive1534, le résultat est le même ; les procédures mises en
œuvre agissent sur les symptômes sans prendre en considération les causes et
surtout sans faire en sorte que les Collectivités concernées soient en situation de
se prendre en charge. Quoique la bonne régulation du système local nécessite
une harmonisation des situations, qui ne peut se produire sans un
développement économique susceptible de générer de nouvelles sources de
richesses.

Aussi, si l’institution de la péréquation est certes indispensable, elle ne


peut se concevoir qu’associée à des mesures favorisant le développement
économique, et par conséquent l’investissement, sous peine de voir s’instaurer
une sorte de nivellement par le bas, qui trouverait vite ses limites en devenant
insupportable pour les financeurs, c’est-à-dire d’un côté les Collectivités
territoriales les plus riches et de l’autre l’Etat.

La loi portant fiscalité locale institue pour ce faire un mécanisme de


péréquation horizontale qui consiste à centraliser et à redistribuer certaines
quotes-parts d’impôts et taxes, afin que les Collectivités territoriales à
rendements fiscaux élevés pallient l’insuffisance de ressources des Collectivités
locales à faible potentiel fiscal, par reversement direct à leurs budgets1535.

1531
La redistribution par des Collectivités de même niveau.
1532
Redistribution par l’Etat.
1533
Dotation allouée à toutes les Collectivités d’une même strate.
1534
Dotation versée en fonction de critères de ressources ou de charges.
1535
L'article 5 de la loi portant fiscalité locale précitée.
561
La centralisation des produits soumis à péréquation, est assurée par le
FEICOM1536 : Les modalités d'application de la péréquation sont fixées par les
textes particuliers.

Aux termes de l’article 6 de la loi portant fiscalité locale « L’Etat


s’assure que le rendement annuel des impôts locaux correspond à un taux
proportionnel établi en rapport avec son niveau de ressources fiscales ». A cet
effet, les services financiers de l’Etat impliqués dans la gestion fiscale des
Collectivités territoriales sont tenus d’assurer, avec la même efficacité que pour
les impôts de l’Etat, le recouvrement des impôts locaux dont ils ont la charge.
La loi pose ainsi le principe d’efficacité et de rentabilité dans la gestion et le
suivi des impôts locaux. Afin de parvenir à ce résultat, les responsables des
services fiscaux de l’Etat et des Collectivités territoriales décentralisées doivent
déterminer annuellement : les objectifs quantitatifs de recettes attendues par
nature d’impôt ; les indicateurs qualitatifs et quantitatifs de suivi-évaluation
desdites recettes. Le terme « indicateur » ici, renvoie aux différents critères ou
repères devant permettre d’apprécier et d’évaluer mensuellement et
trimestriellement le niveau de rendement des impôts1537.

Les disparités de charge fiscale d’une Collectivité à l'autre peuvent


s'apprécier sur la base des impôts acquittés par les contribuables légaux, ou sur
la base des contribuables ultimes. Dans le premier cas on suppose que « qui
paie supporte en totalité et en définitive l'impôt, là où il est localisé
fiscalement »; dans le second on admet que les contribuables légaux peuvent
transférer grâce à l'échange tout ou partie de la charge fiscale sur d'autres agents
: ce qui compte alors c'est l'identité et la localisation du contribuable « ultime ».

1536
70 % des centimes additionnels communaux dont ; 28% de retenue de base au profit de la
commune ou la communauté urbaine ; 42% de reliquat centralisé au FEICOM conformément
aux dispositions réglementaires en vigueur ; 20% de la quote-part de la redevance forestière
annuelle affectée aux communes ; 100% des droits de timbre automobile.
1537
V. CORNU (G.), Dictionnaire Juridique, op. cit.
562
Même dans le premier cas, de loin le plus simple, la caractérisation des
inégalités fiscales inter-Collectivités n'est pas sans difficultés.
Sur ce point le droit comparé confirme l’universalité des outils de
mesures utilisées avec les concepts de « potentiel fiscal » et plus récemment de
potentiel financier 1538. En effet, sous la clarté des affirmations
constitutionnelles, relayant le sonore des proclamations politiques, ce qui
s’observe en réalité c’est l’obscurité des mise en formes techniques un exemple
permet de voir cette distance entre la simplicité des autonomies affichées et la
complexité des autonomies bricolées »1539.
Lorsqu’on entre dans l’étude concrète de leur mécanisme,
l’invraisemblable et déraisonnable complexité qui s’y observe révèle
l’ambiguïté de cette autonomie proclamée1540. La péréquation, elle aussi révèle
l’ambigüité de cette l’autonomie financière proclamée.

1538
DALLIER (P.) et ALI (I.), Péréquation financière entre les Collectivités, Rapport sénat, 6
juillet 2011, n° 731, p. 11 et ss.
1539
Ibid., p. 38.
1540
Ibid.
563
CONCLUSION DU TITRE II

L’Etat, en prenant à sa charge une part croissante de la fiscalité locale et


en versant divers concours et subventions aux Collectivités, se trouve à
l’origine directe d'une part substantielle des ressources définitives des
communes et des régions. Les différents concours que l’Etat apporte aux
Collectivités locales constituent un autre élément de sa maîtrise sur leurs flux
financiers. En effet si l’Etat a attribué aux CTD une part importante de
ressources non fiscales, il a gardé une main mise traduite par le pouvoir
d’approbation que détient l’autorité de tutelle.

564
CONCLUSION DE LA PARTIE II

L’Etat on’ a pu le constater, intervient dans le processus de la décision


fiscale locale. Les CTD si, elles n’ont pas la capacité de créer l’impôt elles
peuvent choisir la marge d’impôt applicable dans leur circonscription. Elles
disposent également de la liberté de voter les taux dans mesures définit par le
législateur. Pour la doctrine, elles sont dotées d’impôts archaïques alors que
l’Etat dispose d’impôt moderne et rentable1541. Ce sont des critiques relatives à
la présence et au dirigisme de l’Etat ainsi que les conclusions relatives à
l’impuissance qui serait celles des Collectivités territoriales pour se doter de
moyens suffisant et acquérir une autonomie de décision.

Pourtant, en même temps, les budgets locaux ont pris une ampleur
inconnue parallèlement à l’affirmation traduit par les Collectivités locales de
leurs autonomies. La réalité locale semble ainsi contenir l’un et son contraire et
venir dans ce cas démentir en partir des conclusions tirées d’une grille de
lecture. Pour être simple à l’égard des évolutions aujourd’hui, l’Etat n’est plus
la seule instance régulatrice du système local. Il s’intègre bien d’avantage dans
un système à multiple régulations et n’intervient comme régulateur sous
certaines formes. En fait pour une véritable analyse de l’autonomie financière il
faudrait dépasser l’analyse quantitative pour une approche qualitative. Les
mécanismes des compensations illustrent un tel propos dans la mesure où celle-
ci exprime une relation d’autorité et de solidarité. Les compensations traduites
par les subventions les dotations et les régimes comme ressources
supplémentaires contribuent tout aussi à la construction d’une autonomie
financière.

1541
BOUVIER (M.), Finances locales, op. cit., p. 126.
565
CONCLUSION GENERALE

566
Au regard de ce qui précède, la question des garanties de l’autonomie
financière des CTD admet des réponses clairement restrictives. Prise au sens
formel, cette autonomie inexistante au départ se construit encore à mesure que
la décentralisation se met en place.

En effet, si l’on considère les finances locales au travers de l’autonomie


financière sur leurs seuls aspects structurels, rien, il est vrai, ne paraît avoir
fondamentalement changé. Les moyens financiers sont dans l’ensemble
grandissants même si les techniques utilisées sont largement plus compliquées.

Le seul élément qui a eu une portée fondamentale sur la gestion locale


est l'évolution qui s'est déclenchée, à la fin des années 1990, vers une
responsabilisation financière de plus en plus marquée des Collectivités locales.
Aussi dès 1997 une expérience de globalisation des élus locaux est engagée
suivi d’une répartition des compétences aux CTD et d’une certaine liberté de
gestion du patrimoine local. Les évolutions nous paraissent d’importance car
cette confiance accordée par les institutions centrales aux acteurs locaux a
représenté, à notre sens, un premier pas tangible vers l’autonomie de décision
en matière de gestion financière. Ce processus de responsabilisation a ensuite
été marqué par des mesures importantes, par exemple la création de la dotation
globale de fonctionnement, la logique de responsabilisation a continué en
autorisant aux assemblées délibérantes des Collectivités territoriales à voter les
taux des impôts directs locaux bien sûr dans une marge prédéfinie par le
législateur. C’est ainsi qu’à l’autonomie de gestion est venue s’ajouter une
certaine autonomie de décision fiscale, les lois de décentralisation de 2004, de
2009 et de 2010 sont venues couronner ce mouvement en poursuivant le
processus de globalisation et en réaménageant le partage des compétences entre
l’Etat et les Collectivités locales. Il faut également souligner à cet égard
l’affirmation du principe de subsidiarité qui a engendré un accroissement

567
considérable des actions locales et par conséquent des budgets locaux, ainsi que
de leurs objectifs.

S’il n’y a donc pas eu véritablement rupture au sein des structures


financières locales avec la décentralisation, la formidable reformulation des
données et des enjeux qui s’est dégagée depuis autorise à affirmer que,
néanmoins, bien des éléments ont changé. L’autonomie financière suit son
chemin ; malgré cette approche pessimiste de la grande majorité de la doctrine
camerounaise qui pourrait lui faire ombrage.

C’est d’abord dans un contexte économique bien spécifique qu’est venu


s’inscrire cet épanouissement du pouvoir local financier. Puisque, comme on
l’a dit, annonciatrices d’une crise profonde de longue durée, les difficultés
économiques de la seconde moitié des années 1970 avaient conduit, au
Cameroun comme ailleurs, à appréhender l’Etat comme un problème et les
Collectivités territoriales comme une solution1542. Celui-ci qui avait été
magnifié pendant « les Trente glorieuses »1543 s’est alors trouvé frappé de
discrédit à l’instar de toutes les grandes structures publiques et privées.

Le slogan « Small is beautiful »1544s’étant répandu dans le monde


comme une traînée de poudre. C’est à ce moment qu'a commencé à se dessiner
d'abord sur le plan intellectuel, puis dans les faits, un processus de profonde
transformation de l'Etat et, disons-le, sa métamorphose, ce processus tendant à
conférer une place essentielle à l'autonomie financière des Collectivités
locales. A travers cette transformation, il s’est produit en définitive un
déplacement de la sphère économique vers la sphère administrative et politique

1542
Ce changement total de paradigme fut parfaitement illustré par les propos que tint Ronald
Reagan lors de son investiture en tant que président des Etats-Unis le 20 janvier 1981 : « In this
present crisis, government is not the solution to our problem. government the problem »
1543
BOUVIER (M), Finances locales, op. cit., p. 41.
1544
Ibid.
568
avec pour objectif une organisation décentralisée de la société, celle-ci étant
posée non seulement comme une voie vers le renouveau économique, mais
aussi comme le moyen de répondre à la crise des finances publiques.

Il reste tout de même que l’autonomie financière est une notion qui varie
selon des législations. On doit rappeler ici que nombre de concepts utilisés dans
le cadre des finances publiques paraissent aujourd'hui plus ou moins brouillés,
plus ou moins flous1545, du fait des transformations nationales et internationales
qui se sont produites dans ce champ depuis environ une trentaine d’années1546.
Ainsi, des termes qui allaient jusqu’alors de soi dans d’autres Etats tels l’Italie,
l’Espagne et même la France ne procèdent plus d’un sens commun. C’est le
cas, entre autres, de la notion d’autonomie financière qui ne fait pas l’objet
d’une définition unanime, et ce, alors même qu’elle tient depuis toujours une
place centrale dans les débats relatifs à la libre administration des Collectivités
territoriales décentralisées.

Nous avons fait le choix, dans le cadre de cette analyse, de ne pas nous
interroger sur la possible dissociation entre autonomie de gestion et
autonomie fiscale.

C'est bien sur ce dernier terrain, celui d'une autonomie financière


conditionnée ou non par l'existence d'une certaine autonomie fiscale, et prenant
acte de ce que les CTD ne sont plus de simples espaces de gestion, ou se joue
l'avenir de la décentralisation. Les élus locaux ne se bornent plus, en effet, à
s'efforcer d'offrir des services et tâcher de satisfaire ainsi les besoins de leurs
administrés. Ils ne sont plus seulement des bâtisseurs et des gestionnaires. Ils
sont devenus aussi des décideurs, confrontés à savoir faire des choix en
dépenses comme en recettes. C'est d'ailleurs bien la raison pour laquelle la plus

1545
BOUVIER (M.), Finances locales…, op. cit., p. 42.
1546
BOUVIER (M.), ESCLASSAN (M.-C.), LASSALE (J.-P.), Manuel de finances publiques,
op. cit., p. 42.
569
ou moins grande autonomie fiscale est devenue l'élément crucial du débat
relatif à la libre administration des Collectivités territoriales.

Néanmoins, malgré le dynamisme actuel de la fiscalité locale suite aux


transferts d'impôts indirects de l'Etat pour faire face à leur nouvelle
compétence, l'autonomie de décision fiscale des Collectivités territoriales reste
fragile. L'ensemble de ces dispositions ne fait que pallier à l'absence de volonté
politique de réformer en profondeur la fiscalité locale, enjeu des plus
complexes. Il n’en reste pas moins que l’autonomie de décision de gestion des
Collectivités territoriales leur garantie une autonomie financière qui serait
renforcée par une profonde autonomie de décision fiscale. L’aspiration
contemporaine à une décentralisation « plus sécuritaire, plus motivante, moins
dissuasive »1547 est générale. Sur fond de tensions financières et de
contentieux1548, c’est le problème de la garantie des pouvoirs des Collectivités
locales par l’Etat et celui des conditions d’exercice de leurs compétences1549 qui
se pose aujourd'hui.

Le champ local est, en effet, de plus en plus enserré dans un maillage


juridique contraignant, alors que le droit de référence apparaît incertain :
instabilité des « règles du jeu », imperfection des contrôles, mais aussi
multiplication des textes, inflation normative du local. La régulation par le
droit, concurrencée par la production administrative des politiques locales et la
négociation politique de la norme freine, dans ses modalités actuelles,
l’innovation locale et réclame une simplification des textes, une codification
des pratiques et une meilleure formation des acteurs locaux.

1547
HYEST (J.-J.), Rapport du Conseil Général de Seine et Marne, POUR, 2012, p. 2.
1548
Avec la diffusion du risque pénal.
1549
Sécurité et régularité de l'action publique.
570
Au-delà de ce qui précède, il reste de la place pour l'exercice plus
modeste mais probablement pas inutile qui consiste à dresser quelques éléments
de constat pour esquisser ensuite quelques voies de réforme envisageable ou, à
tout le moins, l'exploration de marges de manœuvre. Parmi la diversité des
approches possibles pour esquisser ces voies de réforme, on privilégiera la
perspective, très actuelle, de la réforme fiscale.

En effet, les insuffisances observées appellent des propositions de


solution ; il ne s’agit pas du Droit prospectif mais des éléments nécessaires à la
construction d’une autonomie locale forte en général et financière en particulier
: la Spécialisation verticale des fiscalités locales.

La refonte générale de la fiscalité locale soulève un double problème de


partage vertical des compétences et des ressources entre échelons superposés
d'administration publique, non seulement territoriale mais aussi centrale. En
outre, le poids relativement élevé des impôts limite les possibilités
d'alourdissement supplémentaire de la pression fiscale globale. De ce fait, les
propositions doivent, semble-t-il, s'inscrire, explicitement ou implicitement,
dans une perspective de stabilisation relative de la taille du secteur public
national et local. Les changements envisagés doivent donc correspondre
uniquement à de simples redistributions des missions et des moyens par
analogie avec le jeu des « chaises musicales »1550.

Dans ce contexte particulier, la réforme d'ensemble de la fiscalité


territoriale implique tout d'abord de s'interroger sur les avenirs possibles du
dernier niveau de Collectivité territoriale introduite, la région, puis sur les
différentes modalités, soit superposées, soit spécialisées, de financement des
budgets publics avant d'esquisser enfin quelques scénaris d'aménagement des

1550
BOUVIER (M.), Finances locales…, op. cit., p. 43.
571
taxes locales actuelles1551. Deux modalités de partages verticaux des ressources
publiques : la solution de l'empilement1552 repose sur un système fiscal
uniforme du haut en bas de la pyramide administrative. Les Collectivités
territoriales, à tous les échelons et l’Etat, disposent des mêmes bases
imposables, dans l’éventualité d’une maîtrise des taux partiels d'imposition à
chaque niveau de décision. Où se partagent les mêmes produits fiscaux, dans
l’hypothèse d'une fixation nationale de la pression fiscale. Dans ce dernier cas,
la répartition des recettes entre administrations centrale et locale s’effectue au
prorata de critères légaux, voire constitutionnels de partage.

Cependant la spécialisation suppose au contraire l’attribution, en


exclusivité, à chaque Collectivité publique d’une gamme particulière de taxes
assises sur des bases d’imposition distinctes. Certes, la spécialisation
administrative des prélèvements correspond rarement à une spécialisation
économique effective des contribuables. D’autre part, il n’y a aucune raison
économique de lier l’assiette des impôts à la nature des responsabilités
dévolues, à chaque Collectivité (mais cela peut s’avérer opportun sous l’angle
politique. Enfin, la spécialisation fiscale n'implique pas l’autosuffisance fiscale
: elle implique simplement qu’à la marge, la Collectivité responsable de
l’augmentation de tel impôt soit identifiée clairement par le contribuable.

L’évolution des impôts frappant des contribuables non-électeurs (les


entreprises) est liée à celle des impôts qui frappent les habitants-électeurs. Or,
une spécialisation fiscale verticale, fondée sur l'alternance d'une imposition des
habitants et des entreprises, à chaque échelon de la pyramide territoriale, pose à
l'évidence un problème de vote des taux : La nouvelle répartition des impôts

1552
Ibid.
572
régionaux interdit d'établir un lien interne solide entre les taxations des
ménages et des activités, sur le modèle communal actuel1553.

Les incertitudes concernent aussi bien la difficulté à suivre l'évolution


d'un droit inflationniste1554 en évolution constante (environnement) ou à
l'interprétation hasardeuse1555 que la concurrence entre plusieurs systèmes de
droit. Ces phénomènes techniques, propres à un droit en proie à une mutation
incertaine, ne sont pas nouveaux : de tout temps le droit a évolué et a plongé ses
praticiens dans l’incertitude. Un certain laxisme unanimement toléré a laissé
place à un contrôle pointilleux et l’inadaptation du personnel local à cette
nouvelle situation. Le nouveau droit applicable, plus complexe dans ses sources
et sa nature et en évolution constante, voire contradictoire, nécessite une culture
juridique approfondie que les élus et les fonctionnaires territoriaux n’ont pas
tous spontanément.
Dans ce nouveau système polycentrique, l’incertitude devient la règle et
joue au détriment de l’acteur le plus exposé : l’élu local et plus précisément les
chefs exécutifs locaux. Tout coule, mais beaucoup demeure. Comme la
perfection ou l’amélioration de l’autonomie. Il ne s’agit pas de repenser le droit
applicable mais de l’améliorer.

1553
Ccnditions nécessaire d'une gestion efficace des ressources publiques via le consentement
démocratique à l'impôt.
1554
HYEST(J.-J.), op. cit,. p. 2.
1555
Le droit du service public ou de l’urbanisme.
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- LY.FREVILLE, Recherches statistiques sur l’économie des finances
locales, thèse, Université Renyes, 1966, 351 p.
- MAITROT (Jean Claude), la notion d’autonomie financière, Thèse,
Université - Paris, 1972, 385 p.

- MVAEBEME (Eric Stéphane), Les rapports entre l’Etat et les communes


au Cameroun depuis les lois du 22 juillet 2004, Mémoire de DEA de
droit public, FSJP/UYII-Soa, Année académique 2007-2008, 88 p.
- MVELLE MINFENDA (Guy), Aide au développement et coopération
décentralisée, Esquisse d’une désétatisation de l’aide française. Les cas
du Cameroun, Congo, Gabon, RCA, Tchad et Rwanda, Thèse de
doctorat en science politique, Lyon, Université Jean Moulin Lyon 3,
2005, 497 p.
- NGANDO SANDJE (Rodrigue), L’indivisibilité de l’Etat et
revendications identitaires au Cameroun, Mémoire de DEA de droit
public, FSJP/UD, Année académique 2005/2006, 158 p.
- NGANG (Joseph Magloire), La représentation constitutionnelle des
Collectivités territoriales au Cameroun, thèse de doctorat en droit,
FSJP/UYII-Soa, Année académique 2008-2009, 337 p.
- NGANGOM (Jean-Ledoux), Problématique de l’autonomie financière
des Collectivités territoriales décentralisées au Cameroun, Mémoire de
DEA de droit public, FSJP/UD, année académique 2005-2006, 82 p.
- NGUELE ABADA (Marcelin), Le contrôle des finances locales : le cas
de la communauté urbaine de Yaoundé, Université de Yaoundé, Mémoire
septembre 1989, 80 p.
601
- NJINGA TCHOUNGA (Giscard), Constitutions et unité nationale au
Cameroun, Mémoire de DEA de droit public, année académique, 2005-
2006, 223 p.
- ONDOA (Magloire), La protection des dépenses d’indemnisation en
Droit Administratif camerounais, thèse 3ème cycle, Université de
Yaoundé, 1998, 542 p.
- TSANGA (Raphael), Décentralisation territoriale et démocratie au
Cameroun, Mémoire de DEA de droit public, FSJP/UYII-Soa, année
académique 2007-2008, 149 p.

II – LEGISLATIONS et JURISPRUDENCES

A) - Législations

a-Constitutions et lois organique

- Constitution du 4 mars 1960 (J.C.O. 4mars 1960, p. 315-320).


- Loi n° 61 du 1er septembre 1961, portant révision constitutionnelle et
tendant à adopter la constitution actuelle aux nécessités du Cameroun
réunifie. (J.C.O. du 30 septembre 1961, page 1090).
- Constitution de la République unie du Cameroun du 2 Juin 1972.
- Loi n° 75-1 du 9 mai 1975 portant modification de la Constitution du 2
juin 1972 (JCO 15 mai 1975, pp.8-9).
- Loi du 2 juin 1972 portant Constitution de la République Unie du
Cameroun révisée par la Loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier
1996.
- Loi n° 2008/001 du 14 avril 2008 modifiant et complétant certaines
disposition de la loin°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la
constitution du 2 juin 1972.

602
a- Lois

- Loi du 5 avril 1884 sur l’organisation municipale.


- Loi du 26 décembre 1890 portant comptabilité des dépenses engagées.
- Loi du 13 juillet 1911 portant modification du régime financier des
colonies.
- Loi n° 74/18 du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs,
gestionnaires et gérants des crédits publics et des Entreprises d’Etat
modifiée par la loi n° 76/4 du 8 juillet 1976.
- Loi n° 98 /105 du 1er Juillet 1988 portant la de finances de la république
du Cameroun.
- Loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d’élections des
Conseillers municipaux modifiée par la loi n° 2006/010 du 29 décembre
2006.
- Loi n° 2002/003 du 19 avril 2002 portant code général des impôts de la
République du Cameroun (impôts perçus au profit des Collectivités
Territoriales Décentralisées).
- Loi n° 2004-3 du 21 avril 2004 régissant l’urbanisme au Cameroun.
- Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 d’orientation de la décentralisation.
- Loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux
communes.
- Loi n° 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux
régions.
- Loi n° 2006/004 du 14 juillet 2006 fixant le mode d’élection des
Conseillers régionaux.
- Loi n ° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat.
- Loi n° 2008/003 du 14 avril 2008 2009 régissant les dépôts et
consignations.

603
- Loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des
Collectivités territoriales décentralisées.
- Loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale.

b : Décrets
- Décret du 15 septembre 1882 rendu en forme de règlement
d’administration publique et qui modifie l’organisation administrative des
colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion.
- Décret du 3 octobre 1882 apportant les mêmes modifications dans
l’organisation des autres colonies.
- Décret du 20 novembre 1882 sur le régime financier des colonies.
- Décret du 30 décembre 1912 sur le régime financier des colonies (J.O.
A.E.F. 1913, p. 222).
- Décret n° 74/723 du 12 août 1974 fixant le taux de cotisation dû à la
CNPS pour les branches des prestations familiales et de l’assurance
pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès.
- Décret n° 77/91 du 25 mars 1977 déterminant les pouvoirs de tutelle sur
les Communes, syndicats de Communes, et Etablissements communaux
modifié par le décret n° 90/1464 du 9 novembre 1990.
- Décret n° 77/410 du 15 octobre 1977 portant revalorisation de
l’indemnité des officiers et secrétaires des centres spéciaux d’Etat-civil.
- Décret n° 77/418 du 24 octobre 1977 portant création des services
provinciaux des Communes.
- Décret n° 77/494 du 7 décembre 1977 portant création et organisation du
centre de formation pour l’Administration municipale (CEFAM).
- Décret n° 78/283 du 10 juin 1978 fixant les taux de cotisation pour la
branche des accidents du travail et des maladies professionnelles.
- Décret n° 79/290/CAB/PR du 25 juin 1979 déterminant les
caractéristiques des écharpes des Délégués du Gouvernement auprès des

604
Communes, des Maires et des administrateurs municipaux, ainsi que les
insignes des Conseillers municipaux.
- Décret n° 80/017 du 15 janvier 1980 fixant les taux maxima des taxes
communales directes.
- Décret n° 81/148 du 13 avril 1981 fixant les indemnités et avantages
alloués aux Magistrats et Conseillers municipaux.
- Décret n° 82/100 du 3 mars 1982 modifiant et complétant le décret n°
78/484 du 9 novembre 1978 fixant les dispositions communes applicables
aux agents de l’Etat relevant du code du travail.
- Décret n° 87/1115 du 17 août 1987 fixant les modalités de création et de
fonctionnement des centres spéciaux d’Etat-civil.
- Décret n° 87/1365 du 25 septembre 1987 portant création de la
communauté urbaine de Yaoundé.
- Décret n° 87/1366 du 25 septembre 1987 portant création de la
communauté urbaine de Douala.
- Décret n° 93/321 du 25 novembre 1993 portant création des communes
urbaines et rurales.
- Décret n° 93/322 du 25 novembre 1993 modifiant et complétant certaines
dispositions du décret n° 77/203 du 29 juin 1977 déterminant les
communes et leur ressort territorial.
- Décret n° 94/077 du 28 avril 1994 déterminant la composition du corps
municipal des Communes urbaines à régime spécial.
- Décret n° 94/232 du 5 décembre 1994 précisant le statut et les attributions
des receveurs municipaux.
- Décret n° 95/690/PM du 26 décembre 1995 fixant les modalités de
répartition du produit des centimes additionnels communaux modifié par
le décret n° 98/263/PM du 12 août 1998.

605
- Décret n° 98/266/PM du 21 août 1998 portant approbation du plan
comptable sectoriel communale et adoption de la nomenclature
budgétaire communale.
- Décret n° 2000/365 du 11 décembre 2001 portant réorganisation du
Fonds Spécial d’Equipements et d’Intervention Intercommunale modifié
par le décret n° 2006/182 du 31 mai 2006.
- Décret n° 2002/2175/PM du 20 décembre 2002 fixant les taux maxima et
les modalités de recouvrement de certaines taxes communales indirectes.
- Décret 2007/118 du 25 avril 2007 fixant le nombre de Conseillers
municipaux par commune.
- Décret 2007/1139/PM du 3 septembre 2007 fixant les modalités
d’émission, de recouvrement, de centralisation, de répartition et de
reversement des CAC.
- Décret n° 2008/013 du 17 janvier 2008 portant organisation et
fonctionnement du Conseil National de la Décentralisation.
- Décret n° 2008/014 du 17 janvier 2008 portant organisation et
fonctionnement du Comité Interministériel des Services Locaux.
- Décret n ° 2008/015 à 026 du 17 janvier 2008 portant création de 12
Communautés Urbaines (Bertoua, N’Gaoundéré, Maroua, Edéa,
Nkongsamba, Garoua, Bamenda, de Bafoussam, Ebolowa, de Kribi,
Limbé, Kumba.
- Décret n ° 2008/0752/PM du 24 avril 2008 précisant certaines modalités
d’organisation et de fonctionnement des organes délibérants et des
exécutifs de la commune, de la communauté urbaine et des syndicats de
commune.
- Décret n° 2008/376 du 12 novembre 2008 fixant les attributions des
Chefs de circonscriptions administratives et portant organisation et
fonctionnement de leurs services.

606
- Décret n° 2008/377 du 12 novembre 2008 portant organisation
administrative de la République du Cameroun.
- Décret n° 2009/248 du 5 août 2009 fixant les modalités d’évaluation et de
répartition de la dotation générale de la décentralisation.
- Décret n° 2010/0165/PM du 23 février 2010 fixant la répartition de la
dotation générale de la décentralisation au titre de l’exercice budgétaire
2010.
- Décret n° 2010/1734 /PM du 1er Juin 2010 fixant le plan comptable
sectoriel des Collectivités territoriales décentralisées.
- Décret n° 2010/1735/PM du 1er Juin 2010 fixant la nomenclature
budgétaire des Collectivités territoriales.
- Décret n° 2010/0239 à 0247/PM du 26 février 2010 relatif aux modalités
d’exercice de certaines compétences transférés par l’Etat au Communes.
- Décret n° 2010/0242/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux communes
en matière de production des activités de production agricole et de
développement rurale.
- Décret n° 2010/0240/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux communes
en matière de création et d’entretient des routes rurales non classées ainsi
que de la construction et de la gestion des bacs de franchissement.
- Décret n° 2010/0239/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux
communes en matière d’attribution en eau potable dans les zones non
couvertes par le réseau public de distribution de l’eau concédé par l’Etat.
- Décret n° 2010/0241/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux
communes en matière d’entretien et de gestion des centre de promotion
de la femme et de la famille.
607
- Décret n° 2010/0243/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux
communes en matière d’attribution des aides et des secours aux indigents
et aux nécessiteux.
- Décret n° 2010/0244/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux
communes en matière de promotion des activités de production pastorale
et piscicole.
- Décret n° 2010/0245/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux
communes en matière de culture.
- Décret n° 2010/0246/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux
communes en matière de santé publique.
- Décret n° 2010/0247/PM du 26 février 2010 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux
communes en matière d’éducation de base.
- Décret n° 2011/ 976/PM du 3 avril 2011 fixant la répartition de la
Dotation Générale de Décentralisation au titre de l’année 2011 portant
organisation du Gouvernement.
- Décret n° 2011 fixant les modalités d’exercice de certaines compétences
transférées par l’Etat aux communes en matière de formation
professionnelle.
- Décret n° 2011 fixant les modalités d’exercice de certaines compétences
transférées par l’Etat aux communes en matière de promotion des
activités de production artisanale d’intérêt communal.
- Décret n° 2011 fixant les modalités d’exercice de certaines compétences
transférées par l’Etat aux communes en matière de construction,
d’équipement et de gestion des centres médicaux d’arrondissement.
608
- Décret n° 2011 fixant les modalités d’exercice de certaines compétences
transférées par l’Etat aux communes en matière de mise en valeur des
sites touristiques communaux.
- Décret n° 2011 fixant les modalités d’exercice de certaines compétences
transférées par l’Etat aux communes en matière de planification urbaine,
de création et d’entretien des voiries en terre.
- Décret n° 2012/0002/PM du 20 janvier fixant la répartition de la dotation
générale de Décentralisation au titre de l’exercice budgétaire 2012.
- Décret n° 2012/0709/ PM du 20 mars 2012 fixant le régime des contrats-
plans Etat commune.
- Décret n° 2012/0881/PM du 27 mars 2012 fixant les modalités d’exercice
de certaines compétences transférées par l’Etat aux communes en
matière de sport et d’éducation physique.
- Décret n° 2012/08877/PM du 27 mars 2012 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux communes
en matière d’appui aux micro-projets générateurs de revenus et
d’emplois.
- Décret n° 2012/0880/PM/ du 27 mars 2012 fixant les modalités
d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux communes
en matière d’organisations d’œuvres de vacances.
- Décret n° 2015/0145/PM du 10 février 2015 fixant la répartition de la
dotation Générale de la Décentralisation au titre de l'exercice budgétaire
2015.
- Décret n° 2015/0010 du 9 janvier 2015 fixant les modalités d'exercice de
certaines compétences transférées par l'Etat aux communes en matière de
réinsertion sociale.
c : Arrêtés et Codes
- Arrêté du 13 Septembre 1919 réglementant les patentes et licences au
Cameroun.
609
- Arrêté du 23 août 1919, J.O du Cameroun français, 1er août 1919
réglementant les patentes au Cameroun. J.O., Texte notifié au 20
décembre 1941.
- Arrêté n° 229/CAB/PM du 7 octobre 2009 portant réorganisation du
cadre institutionnel du Programme National de Développement
Participatif (PNDP), in Juris Périodique, n° 81, janvier-février-mars
2010, pp. 25-30.
- Arrêté n° 000136/MINATD/DCTD du 24 août 2009 rendant exécutoire
les tableaux-type des emplois communaux.
- Circulaire n° 003/CAB/PM du 18 avril 2008 Relative au respect des
règles régissant la passation, l’exécution et le contrôle des marchés
publics.
- Code d’intervention du feicom du 16 novembre 2007.

B)- JURISPRUDENCES

a: Le Juge administratif camerounais


- CCA, Décision n° 157 du 2 octobre 1952, SCIAC c/ Administration du
térritoire.
- CCA, Décision n° 324 du 10 Décembre 1954, société Desrotour et
Chaffajon c/ Administration du térritoire.
- CFJ/ SCAY, Arrêt n° 49 du 30 avril 1968, Dame NGUE André c/
Commune de plein exercice de Mbalmayo.
- CS/ CA, Jugement n° 8/74-75 du 28 novembre 1974 NOMENY
NGUISSI Emile c/ République unie du Cameroun.
- CS / CA, Jugement n° 10/ 74-75, MOMO Thérèse c/ Etat du Cameroun.
- CS / CA, Jugement n° 42 du 26 juin 1980, Ngakeu c/ Etat du Cameroun.
- Jugement n° 312/ 82-83, MENDANA D. Joseph c/ Commune urbaine de
Yaoundé.

610
- CS / AP, arrêt n° 10/A du 17 octobre 1988, MVE NDONGO, PGCS c/
NGABA Victor.
- CS / CA, jugement n° 58/ 88-89 du 29 juin 1989, Société Razel
Cameroun c/ Etat du Cameroun.
- CS / CA, jugement n° 29/ 91-92 du 26 mars 1992, AMCECON c/ Etat du
Cameroun (Minfi).
- CS / CA, jugement n° 84/ 93-94 du 29 septembre 1994, LELE Gustave c/
Etat du Cameroun.
- CS / CA, Jugement n° 03/04 du 1er octobre 2003, Emma MBALLA
Hubert c/ Communauté urbaine de Yaoundé.
- Jugement n° 1784/ 03-04 du 15 octobre 2003, FAMPOU Dénise c/
Communauté urbaine de Douala.
- CS/CA, Jugement n° 03/04 du 4 février 2004, PELLAMIE Joseph c/
Communauté urbaine de Douala.
- Arrêt n° 43-8 / COR du 9 avril 2006, Ministère public et
BABISSAKANA c/ ANANGA, Dame MBELE.
- CS / CA, Jugement n° 123/ 05-06 du 27 septembre 2006, Société CSC c/
Etat du Cameroun.
- CS/CA 23 novembre 2006, FOTSO FOUMTSE Omer c/Communauté
Urbaine de Douala.
- CS/CA 16 octobre 2008, Dame SIMO MEGUE Henriette Patience et
autres c/ Communauté Urbaine de Douala.
- CS/CA 07 mars 2008, MATIP Benjamin c/ Etat du Cameroun
(MINDAF) et Collectivités NGOMBE-LENDINGOMA (Intervenants
volontaires).
- CS/CA 17 décembre 2008, Dame SIMO MEGUE Henriette Patience et
autres c/ Communauté Urbaine de Douala.
- CS/CA 5 janvier 2009, ESSONO Edouard Joseph c/Etat du Cameroun
(MINATD).
611
- CS / AP, Arrêt n° 68/ A du 22 février 2007, ENA MBALLA Hubert c/
Communauté urbaine de Yaoundé.
- CS / AP, Arrêt n° 15/A du 27 mai 2010, Société complexe chimique
camerounaise c/ Etat du Cameroun.

e : Juge administratif français

- CE, février 1985, syndicat communautaire d’aménagement de Cerzy-


Pontoise.
- CE, requête n° 229042 du 7.01.2001, Syndicat Intercommunal du Val de
Sambre,
- Décision n° 310208 du 25 novembre 2009, Commune de Mer.
- CE, 11/6/1986 Rousseau c/ Commission départementale d'aménagement
foncier du Loiret, R.J.C.O.
- CE, Jugement n° 86/ 2002-2003 du 24 avril 2003.

c : Le Conseil constitutionnel français


- Décision du Conseil constitutionnel français n° 137 DC du 25 février,
1982.
- C.C.Décision des 17,18 et 24 juin 1959, Rec. Conseil Constitutionnel, p.
58.
- C.C. 6/11/1962 Loi référendaire, rec. p. 27
- C.C 2/7/1965 Décision 65-34 L, rec. p. 75
- C.C.29 & 30 décembre 1976 Décision 76-71 DC relative à l'élection de
l'Assemblée
- C.C. 22/7/1980 Décision 80-122 R.D.P.1980, note L. FAVOREU
- C.C.30/12/1980 Décision 80-126 Loi de finances pour 1981, R.D.P.
1982, note L. FAVOREU, p. 150.

612
- C.C., 31/10/1981 Décision 81-129 DC Loi portant dérogation au
monopole d'Etat de la radiodiffusion, étendue aux T.O.M. par voie
d'amendement, Rec. p. 35
- C.C.5/1/1982 Décision 81-134 DC, A.J.D.A. 1982, p. 85.
- C.C. 16 Janvier 1982 81-132 D.C. loi de nationalisation
- C.C.25 février 1982 Statut de la Corse, A.J.D.A.1982, p. 294.
- C.C. décision 82-146 D.C. du 18 Novembre 1982 sur la loi électorale
municipale
- C.C. 30/7/1982 Décision 82-143 DC "Blocage des prix et revenus", Rec.
p. 57
- C.C.25/1/1985 Décision 85-187 DC, A.J.D.A. 1985, p. 362, note P.
WASCHMANN
- C.C. décision 85-196 DC du 8/8/1985, A.J.D.A 1985, p. 605 note L.
HAMON et R.D.P. 1986.
- Chronique constitutionnelle de L. FAVOREU p. 462.
- C.C. 28 décembre 1985, Décision 85-205 DC, rec. p. 24.
- C.C.86-217 D.C. du 18/9/1986, C.N.C.L., A.J.D.A.1987, p. 107.
- C.C. Décision 86-224 DC du 23/1/1987. A.J.D.A. 1987, p. 345, note J.
CHEVALLIER.
- R.D.P. 1987, p. 1341, note Y. GAUDEMET, R.F.D.A. 1987, p. 287, note
B. GENEVOIS et p. 301, note L. FAVOREU.
- C.C. 17/1/89 Décision 88-247, rec. p. 16.
- C.C.17/1/1989 248 D.C., R.D.P. 1989 p. 447, note L. FAVOREU
- C.C.29/5/1990 Décision 90-274 D.C. à propos de la loi « droit au
logement », J.O.1/6/1990, p. 651.
- C.C.9/5/1991 Décision 91-290 à propos du statut de la Corse, cf.
R.F.D.A.1991, p. 407, note B. GENEVOIS, p. 451.
- C.C.92-308 DC du 9/4/1992, R.D.P., 1992, p. 608,

613
- C.C.92-312 DC du 2/9/1992 Traité sur l'Union européenne, R.F.D.A.
1992, p. 950.
- C.C. Décision 92-314 du 17/12/1992 et Décision 92-315 du 12/1/1993,
R.D.P. 1993, p. 315.
- C.C.92-316 DC du 20/1/1993, R.F.D.A.1993, note D. POUYAUD,
p. 901.

d:Le Juge des Comptes


- Arrêt n° 72/ D du 14/ 06/12 compte de la commune rurale de Biwongbulu
exercice 2007.

614
ANNEXES

615
ANNEXE I
 Décret du 30 décembre 1912 sur le régime financier des colonies
(J.O.A.E.F. 1913, p. 222)

616
ANNEXE II
 Loi n° 2009/011 du 10 juillet 2009 portant régime financier des
Collectivités territoriales décentralisées

661
ANNEXE III
 Loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant Fiscalité locale

685
ANNEXE IV
 Décret n° 2009/248 du 5 août 2009 portant les modifications
d’évaluation et de répartition de la dotation de la décentralisation

742
TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT ........................................................................................................... i
DEDICACE .................................................................................................................... ii
REMERCIEMENTS ....................................................................................................... iii
ABREVIATIONS ............................................................................................................ iv
RESUME ...................................................................................................................... vii
ABSTRAT .................................................................................................................... viii
SOMMAIRE................................................................................................................... ix
INTRODUCTION GENERALE ....................................................................... 1
PARTIE I : LE TRANSFERT PAR L’ETAT DES POUVOIRS DE
GESTION DES FINANCES AUX COLLECTIVITES LOCALES .............. 81
TITRE I : LA CONCESSION DE LA GESTION BUDGETAIRE LOCALE
AUX CTD ......................................................................................................... 85
CHAPITRE I : L’ATTRIBUTION DES LIBERTES BUDGETAIRES ........ 87
Section I : Une autorisation budgétaire locale à un double degré..................................... 88
Paragraphe I : Le vote du budget, une fonction de l’organe délibérant
concepteur budget local ................................................................................. 88
A)- Les éléments techniques du projet de budget garant de la qualité des
budgets locaux. .......................................................................................... 89
1- La qualité des principes garants de la fiabilité des budgets locaux ...... 90
a- Le principe de l’universalité, de l’unité et la sincérité des prévisions
budgétaires .................................................................................................. 90
b- Le principe de l’annualité et le principe de la spécialité ........................ 95
2- Le jeu d’influence des principes budgétaires nationaux et locaux ....... 99
B)- Le pouvoir d’élaboration et de vote du budget local des CTD............. 100
1- Les fondements juridiques ............................................................... 101
2- L’analyse théorique : la problématique de l’autorisation budgétaire
locale ................................................................................................... 103
Paragraphe II : L’approbation du budget de l’autorité de tutelle un organe
accoucheur du budget local.......................................................................... 106
748
A)- La condition de l’équilibre du budget voté ......................................... 106
1- Les fondements juridiques ............................................................... 106
2- Les limites de l’orientation de l’équilibre budgétaire local................ 107
B)- La problématique du pouvoir d’approbation de l’Etat : un contre poids
légal de la liberté budgétaire locale .......................................................... 109
1- L’autorité de tutelle, accoucheur du budget local .............................. 109
2- Le pouvoir de correction ou de modification du budget local voté .... 118
Section II : Les pouvoirs des CTD en matière de dépenses locales ................................ 123
Paragraphe I : Les libertés mitigées des CTD en matière de dépenses........... 124
A)- Les dépenses facultatives et les dépenses obligatoires ........................ 125
Les libertés diffèrent suivant qu’il s’agisse des dépenses facultatives ou des
dépenses obligatoires. .............................................................................. 125
1- Les dépenses facultatives expression d’une marge de libertés plus
grande ................................................................................................. 125
2- Les dépenses obligatoires un moyen d’obtention de l’équilibre du
budget local ......................................................................................... 127
B)- Les dépenses interdites jouant de façon contradictoire à la construction
d’une autonomie financière des CTD ....................................................... 132
1- Un élément antinomique à la liberté de dépense ............................... 132
2- Les dépenses interdites aux Collectivités locales : une expression de la
défense du modèle unitaire de l’Etat..................................................... 134
Paragraphe II : L’engagement des dépenses locales par l’ordonnateur local. 136
A)- Les procédés ..................................................................................... 137
1- La procédure d’engagement des dépenses, initiative de l’ordonnateur
local .................................................................................................... 138
2-La gestion des comptes locaux par l’ordonnateur local ..................... 143
B : L’ambiguïté du principe de la non affectation des ressources ............. 144
1- Le principe consacré de non affectation des ressources..................... 145
2- Mais un droit budgétaire local reposant sur une affectation des
ressources : les opérations de virements de crédits et la spécialité des
crédits .................................................................................................. 146
CONCLUSION ...............................................................................................148
CHAPITRE II : LA CONTRIBUTION DES CTD AU CONTROLE DES
ACTES FINANCIERS LOCAUX ..................................................................149

749
Section I : Le contrôle interne et le contrôle administratif ............................................. 150
Paragraphe I : Le contrôle par des assemblées délibérantes .......................... 150
A)- Le contrôle de l'exécutif par l'examen et le vote des comptes ............. 150
1- L’examen des comptes.................................................................... 150
2- Solde de clôture de l'exercice ........................................................... 154
B)- A l'occasion de l'examen et du vote du budget.................................... 157
C)- Le contrôle ordonnateur et comptable ................................................ 159
Paragraphe II : Le contrôle administratif ...................................................... 160
A)- Fondement du contrôle administratif.................................................. 160
B)- Les sanctions encourues par l'exécutif communal ............................... 162
1- Les sanctions administratives ........................................................... 162
2- La responsabilité pécuniaire des exécutifs communaux .................... 164
Section II : Le droit de contrôle de l’Etat ...................................................................... 166
Paragraphe I : Un contrôle nécessaire de l’Etat ............................................ 169
A)- Le contrôle juridictionnel impartial.................................................... 169
1- Juge administratif ........................................................................... 169
2- Le Conseil constitutionnel : Un gardien désarmé et muet ................ 173
3- Contrôle supérieur de l'Etat .............................................................. 174
4 - La chambre des comptes ................................................................. 176
a- Compétence générale de la Chambre des comptes en matière des comptes
comptables locaux ..................................................................................... 176
b- Les moyens de contrôle : le contrôle sur pièces et le contrôle sur place 181
B)- L’objectif du contrôle ........................................................................ 182
1- La protection des deniers publics locaux ......................................... 182
2- La protection du comptable public local : le contradictoire ............... 184
c)- L’objet du contrôle : assurer le respect de la règle de droit ................. 189
1- le respect de l’ordre juridique et recherche d’une transparence
financière............................................................................................. 190
2- Le contrôle de légalité et la libre administration ............................... 194
3- L’évaluation de la gestion financière, un outil de contrôle ................. 196
Paragraphe II : Un contrôle exagéré ............................................................. 196
A)- Les défauts du contrôle ...................................................................... 197

750
1- Le contrôle d’opportunité du Préfet et du Gouverneur ...................... 197
2- Le parcours des décisions locales ..................................................... 200
B)- Proposition pour un meilleur contrôle : le contrôle systémique ........... 201
Conclusion .......................................................................................................202
CONCLUSION DU TITRE I .........................................................................203
TITRE II : L’ATTRIBUTION AUX CTD PAR L’ETAT DES POUVOIRS
DE GESTION DU PATRIMOINE FINANCIER LOCAL ...........................204
CHAPITRE I : LE TRANSFERT ET LA REPARTITION DES
COMPETENCES ............................................................................................207
Section I : La répartition verticale des compétences par l’Etat ...................................... 209
Paragraphe I : Les fondements juridiques..................................................... 210
A)- Le transfert ou la répartition des compétences .................................... 210
1- La Consécration constitutionnelle et législative du transfert de
compétence .......................................................................................... 210
2- L’édiction législative de la répartition des compétences ................... 218
B)- Le transfert de compétence entre pouvoir et attribution ...................... 225
1- La distinction compétence et attribution ........................................... 225
2- La conciliation partage des pouvoirs et répartition des compétences 226
Paragraphe II : La libre administration et la subsidiarité, des principes
constitutionnel catalyseur de l’autonomie financière .................................... 229
A)- La conciliation libre administration et autonomie financière .............. 230
1- La nature juridique de la libre administration ................................... 230
2- L’autonomie financière et la libre administration des Collectivités
territoriales : deux notions constitutionnelles non antinonymiques ........ 234
B)- Les moyens et critères qui permettent d’organiser juridiquement le
partage des compétences entre l’Etat et les CTD ...................................... 238
1- le principe de subsidiarité promoteur d’une action libre des CTD ..... 238
2 – La définition du principe de subsidiarité ......................................... 241
3- Les Critiques ................................................................................... 244
Paragraphe II : La protection législative de la répartition des compétences ... 249
A)- Le choix de la clause légale de compétence ....................................... 249
1- La définition de la clause légale de compétence dans le droit positif
camerounais......................................................................................... 249

751
2- L’étendue des compétences conférées .............................................. 251
B : Les raisons de la mixture camerounaise en matière de répartition des
compétences ............................................................................................ 257
1- Les insuffisances de la clause légale de compétence ......................... 257
2- Une fonction du législateur .............................................................. 262
Section II : La répartition horizontale des compétences ................................................ 263
Paragraphe I : L’exclusion de la tutelle entre les Collectivités territoriales.. 263
A)- Le fondement juridique ..................................................................... 263
1- Constitutionnelle et législative ......................................................... 264
2- Une hiérarchisation voilée des Collectivités apparentes .................... 266
B)- L’enchevêtrement des compétences ................................................... 266
1- L’imprécision de certains textes de loi .......................................... 266
2 - L’enchevêtrement du fait de la compétence territoriale .................... 268
Paragraphe II : Les moyens d’exercice des compétences transférées ............ 268
A)- La coopération, entre solidarité et partage des responsabilités ............ 269
1- La coopération décentralisée économique ........................................ 269
2 - La coopération : un aspect de la loyauté institutionnelle .................. 271
B)- Les limites de cette technique : le statut des affaires communales ....... 272
1- La complexité .................................................................................. 272
2- L’insaisissabilité des affaires locales ................................................ 275
CONCLUSION ...............................................................................................277
CHAPITRE II : L‘AUTORITE DES ELUS LOCAUX DANS LA GESTION
DU PATRIMOINE FINANCIER LOCAL ....................................................278
Section I : L’élection des Conseils, une des origines du pouvoir des élus locaux ........... 280
Paragraphe I : L’élection des Conseils comme garantie d’une autonomie locale
................................................................................................................... 281
A)- La diversité doctrinale ....................................................................... 281
1- L’assimilation de l’autonomie locale à l’élection du Conseil ............ 281
2- La position contraire : L’élection comme structure fonctionnelle de la
démocratie locale ................................................................................. 284
3- La position conciliatrice................................................................... 285
Paragraphe II : Une conséquence fondamentale sur le pouvoir réglementaire
des CTD en matière financière..................................................................... 286
752
A)- L’analyse théorique ........................................................................... 286
1- La place du règlement local dans l’ordre juridique : le cas du compte
réglementaire ....................................................................................... 287
2- La problématique de la territorialisation de la souveraineté : pouvoir
des Collectivités territoriales et souveraineté ........................................ 297
B)- La position du droit positif ................................................................. 301
1- L'unicité de la règle à chaque niveau de la hiérarchie .................... 302
2- L’unicité de la norme locale n'implique pas la subordination de l'acte
écarté ................................................................................................... 305
Paragraphe III : La capacité de contester les actes de l’autorité de tutelle par les
CTD (le recours au juge) ............................................................................ 308
A)- Un contrôle rigoureux mais nécessairement altéré.............................. 310
B)- Le juge dispensateur des facultés de statuer des CTD ......................... 311
C)- L’ordre juridique et l’ordre politique : l’objectif d’une gestion locale plus
efficace.................................................................................................... 314
1- Les justifications du choix du législateur : possibilité de statuer et
d'empêcher ; instruments de l'unité du pouvoir normatif ....................... 315
2- Facultés de statuer et d'empêcher, éléments d'un même pouvoir ....... 318
Section II : La liberté de gestion financière des services publics locaux : l’émergence d’un
pouvoir économique public décentralisé ....................................................................... 322
Paragraphe I : Les contraintes imposées par la spécificité des compétences
économiques ............................................................................................... 322
A)- Le contenu ........................................................................................ 322
B)- La gestion partenariale : de la liberté contractuelle et de la liberté de
commerce ................................................................................................ 326
1- Les fondements constitutionnels de la liberté contractuelle ............... 326
2- La liberté d’entreprendre et la liberté de commerce ...................... 330
Paragraphe II : La liberté de choix du mode de gestion financière des services
publics locaux ............................................................................................. 336
A)- La gestion directe .............................................................................. 336
1- La régie directe ................................................................................ 336
2- La régie autonome ........................................................................... 337
3- La régie personnalisée ..................................................................... 337
B)- Le choix dans la gestion déléguée ...................................................... 337

753
1- Les CTD participant directement aux résultats financiers, la régie
intéressée et les sociétés d’économie mixte .......................................... 337
2- La Collectivité ne participant pas directement aux résultats financiers,
la concession et l’affermage ................................................................. 340
Paragraphe II : La gestion de la trésorerie, initiative de l’ordonnateur et du
comptable local ........................................................................................... 342
A)- Comptabilité publique locale : opération de l’ordonnateur et du
comptable local.................................................................................... 343
1- La comptabilité de l'ordonnateur local .......................................... 344
2- La comptabilité du comptable .......................................................... 344
B)- Les opérations de trésorerie : une fonction du comptable local ........... 345
1- La problématique de l’unité de trésorerie ........................................ 346
2- Un principe aux conséquences parfois incertaines ............................ 348
C)- Les insuffisances de la gestion locale ................................................. 349
1- Les éléments endogènes ............................................................... 349
2- Les Eléments exogènes .................................................................... 352
CONCLUSION ...............................................................................................357
CONCLUSION DU TITRE II ........................................................................358
CONCLUSION DE LA PARTIE I .................................................................360
PARTIE II : L’ATTRIBUTION PAR L’ETAT DES RESSOURCES
FINANCIERES AUX CTD............................................................................363
TITRE I : L’ATTRIBUTION D’UN POUVOIR FISCAL DERRIVE .........368
CHAPITRE I : LA CONSTITUTION DE L’ASSIETTE FISCALE LOCALE
PAR LES CTD ................................................................................................372
Section I : Une certaine capacité de modulation des ressources fiscales par les CTD..... 374
Paragraphe I : Le contenu des impôts locaux ............................................... 375
A)- L’impôt direct propre aux CTD ......................................................... 376
1- Contribution de licence et l’impôt libératoire ................................... 376
2- La Patente .................................................................................... 379
B)- L’impôt indirect partagé, CCA........................................................... 383
Paragraphe II : Une capacité de modulation de la taxe locale ....................... 386
A)- La grande marge de manœuvre des Conseils en matière de taxe directe
................................................................................................................ 387

754
1- Un pouvoir d’institution des taxes communales................................ 387
2- L’exception au pouvoir de délibération des CTD : la taxe de
développement local ............................................................................ 409
B : Une modulation incontrôlée de la taxe indirecte ................................. 412
1- Des modalités de partage définies par la loi .................................. 413
2- Mais d’un intérêt certain pour les CTD ............................................ 416
Section II : Les inflexions des impôts locaux ............................................................... 417
Paragraphe I : Les Limites techniques .......................................................... 417
A)- La nature de l’impôt concédé ............................................................. 417
1- Définition ........................................................................................ 418
2- La légalité de l’impôt local ........................................................... 420
B)- Les difficultés du système fiscal local ................................................ 427
1- Incapacité de création de l’impôt .................................................. 428
2- La question de la concurrence fiscale entre les Collectivités territoriales
décentralisées ...................................................................................... 429
Paragraphe II : Les limites politiques ........................................................... 430
A)- Le contrôle de la pression fiscale globale ........................................... 430
1- L’impact sur l’autonomie fiscale ..................................................... 431
B : Eléments nécessaires pour une meilleure autonomie fiscale locale
camerounaise ........................................................................................... 434
1- Elle implique une bonne assise des impôts locaux ............................ 434
2- Les mécanismes régulateurs de la pression fiscale locale ................. 435
CONCLUSION DU CHAPITRE I .................................................................437
CHAPITRE II : LA CONTRIBUTION DES CTD AUX PRELEVEMENT ET
A LA GESTION DES IMPOTS LOCAUX...................................................438
Section I : Les outils de prélèvement fiscal................................................................... 439
Paragraphe I : Une co-administration du recouvrement local par des
mécanismes directs ...................................................................................... 439
A)- Le recouvrement des Impôts direct par les CTD................................. 439
1- Le recouvrement forcé par les CTD de la taxe communale ........... 440
2- Le recouvrement spontané par les CTD de la taxe communale ......... 442
B)- Le recouvrement des Impôts indirect par l’Etat .................................. 444
1- Le recouvrement à l’amiable ............................................................ 444
755
2- Le recouvrement forcé ..................................................................... 445
Paragraphe II : La présence excessive de l’Etat dans les mécanismes indirects
................................................................................................................... 447
A)- l’unité des caisses .............................................................................. 447
B)- Les défauts du système fiscal de recouvrement .................................. 448
1- Le rôle principal dans le recouvrement et le contrôle des impôts
locaux .................................................................................................. 448
2- Les insuffisances techniques et économiques ................................ 450
Section II : L’apport des Collectivités territoriales décentralisées dans le contrôle et le
contentieux fiscal local ................................................................................................ 451
Paragraphe I : La complémentarité dans le contrôle des impôts locaux ......... 452
A)- L’encadrement des compétences de l’Etat dans le contrôle de la fiscalité
locale....................................................................................................... 454
1- Les contrôles internes des impôts locaux .......................................... 455
2- Les procédures de contrôle .............................................................. 457
B)- Les limites de la compétence des Collectivités locales dans le contrôle
des impôts locaux et le contrôle conjoint .................................................. 461
1- L’assouplissement de la compétence des Collectivités locales en
matière de contrôle .............................................................................. 462
2- Les précisions relatives des contrôles conjoints Etat-Communes ...... 465
Paragraphe II : La compétence des CTD dans le contentieux fiscal local ...... 468
A)- La compétence des Collectivités locales dans les recours gracieux ..... 468
1- Une symétrie de procédure et l’exclusion de la compétence de
transaction en matière de taxes communales......................................... 468
2- Les CTD dans les recours gracieux et contentieux des taxes
communales......................................................................................... 469
B)- Le champ de compétence des CTD dans le contentieux du recouvrement
................................................................................................................ 474
1- La compétence des Collectivités dans le contentieux du recouvrement
des taxes communales .......................................................................... 475
2- Les règles de compétence dans le contentieux des mesures particulières
de recouvrement forcé des taxes communales ...................................... 476
CONCLUSION ...............................................................................................481
CONCLUSION DU TITRE I .........................................................................482

756
TITRE II : LE TRANSFERT DES RESSOURCES NON FISCALES ........484
CHAPITRE I : LES RESSOURCES NON FISCALES DEFINITIVES......487
Section I : Les subventions........................................................................................... 490
Paragraphe I : Les provenances des subventions .......................................... 490
A)- L’origine interne et emploi de la subvention ...................................... 491
1- Les subventions d’équipement ......................................................... 491
2- Les subventions de fonctionnement .............................................. 492
B)- L’origine externe des subventions aux CTD ....................................... 493
1- Une conséquence de la coopération décentralisée ............................. 493
2- Le truchement du FEICOM ............................................................. 494
Paragraphe II : Les critiques et limites de la subvention ............................... 495
A)- Les critiques politiques ...................................................................... 496
1- L’uniformisation.............................................................................. 496
2- L’emprise du pouvoir central ........................................................... 497
B)- Les critiques techniques ..................................................................... 501
1- Les autorités .................................................................................... 501
2- La dispersion des procédures applicables ......................................... 502
3- Une définition ambivalente de la subvention ................................ 504
Section II : Les dotations et les autres sources de compensation ................................... 508
Paragraphe I : Le régime de la dotation ........................................................ 508
A)- L’objet des dotations : le financement partiel de la décentralisation.... 509
1- Le montant et l’évaluation des charges transférées ........................ 509
2- Les procédés d’attribution des dotations ....................................... 512
B)- Une typologie orientant l’utilisation de la dotation ............................. 513
1 – La dotation générale de fonctionnement ......................................... 513
2 – La dotation générale de l’investissement ........................................ 515
C - L’évaluation des charges transférées : la réalité des moyens financiers de
compensation .......................................................................................... 516
1- Les contraintes liées aux politiques d’ajustement structurel .............. 516
a- Difficultés liées à l’absence d’une tradition de l’évaluation des politiques
publiques ................................................................................................... 518
b- Les faiblesses des Collectivités locales africaines à concevoir et à mettre
en œuvre des politiques locales .................................................................. 518
757
2- Les insuffisances des ressources(le principe de compétences
compensées) ........................................................................................ 520
Paragraphe II : Les autres sources de compensation ..................................... 521
A : L’apport des CTD dans le mécanisme d’acquisition des dons et legs .. 523
1 - La délibération de l’organe exécutif ................................................ 524
2- La nécessité de l’avis conforme ....................................................... 524
B : Les produits du domaine .................................................................... 525
1 - Les produits du domaine privé......................................................... 526
2 - Les produits du domaine public....................................................... 527
CONCLUSION DU CHAPITRE I .................................................................528
CHAPITRE II : ...............................................................................................529
L’EMPRUNT UN MOYEN D’AMELIORATION DES RESSOURCES
FINANCIERES DES COLLECTIVITES ......................................................529
Section I : Une liberté de gestion de l’emprunt local encadré ........................................ 530
Paragraphe I: La liberté en matière de souscription des contrats d’emprunts . 530
A - Les types d’emprunts ......................................................................... 530
1- Le pouvoir de délibération des CTD dans les cas d’emprunt
intérieur ............................................................................................... 531
2- L’emprunt extérieur ..................................................................... 533
B : les conditions de l’emprunt................................................................. 533
1- Le respect d’un cadre juridique ........................................................ 534
2- Le respect d’un cadre budgétaire ...................................................... 537
Paragraphe II : La gestion de dette locale par les CTD ................................ 538
A- Les mécanismes de remboursement de la dette .................................... 539
1- Les mécanismes de remboursement direct .................................... 540
2- La récupération à la source par le FEICOM .................................. 542
B - Le caractère intégré de la dette locale dans la dette nationale ............. 542
1-L’administration publique locale : élément de l’administration publique
............................................................................................................ 543
2- Les ambigüités de gestion de la dette locale ..................................... 544
Section II : Les inflexions des ressources locales .......................................................... 545
Paragraphe I : L’emprunt local, une ressource de substitution ...................... 545

758
A- Un impôt différé pour les CTD ........................................................... 546
1- L’emprunt, un réducteur de l’impôt présent ................................. 546
2- Un risque de dépendance à venir pour les CTD. ............................... 547
B - Une capacité d’endettement des Collectivités limitée.......................... 547
Paragraphe II : Les limitations générales des ressources locales ................... 550
A- Une difficile structuration des recettes locales ..................................... 550
B- La répartition des fonds locaux et l’autonomie financière .................. 552
1- Poids pour une autonomie financière généralisée ............................. 553
2- La péréquation : Une solution pour la construction d’une autonomie
financière générale ............................................................................... 558
CONCLUSION DU TITRE II ........................................................................564
CONCLUSION DE LA PARTIE II ...............................................................565
CONCLUSION GENERALE .........................................................................566
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE .................................................................574
ANNEXES .......................................................................................................615
TABLE DES MATIERES ..............................................................................748

759

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