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Rapport final
Novembre 2011
Equipe de recherche :
Florent Chenu
Virginie Dupont
Michèle Lejong
Virginie Staelens
Geneviève Hindryckx
Aletta Grisay
Direction scientifique :
Dominique Lafontaine
Christian Monseur
La recherche présentée dans ce rapport s’inscrit dans cette perspective et poursuit trois objectifs. Le
premier vise à documenter le phénomène du maintien en 3e maternelle et se propose de dresser le
profil et le parcours scolaire des élèves concernés par cette mesure. Le deuxième est d’appréhender
les facteurs d’influence des décisions de maintien et de modéliser le phénomène. Enfin, le troisième
objectif est de comprendre les logiques des acteurs impliqués dans les décisions de maintien.
Le présent rapport est composé de trois documents qui, chacun, rendent compte de résultats relatifs
à l’un ou l’autre de ces objectifs. Il est structuré en trois parties :
· Partie 2 : les pratiques et les représentations relatives au maintien à travers une enquête
par questionnaires auprès d’un échantillon d’enseignants.
Des constats relatifs au 3e objectif sont établis au départ de questionnaires soumis en
mai 2010 à des enseignants de 3e maternelle et de 1re primaire. Les résultats concernent
les pratiques (raisons et circonstances du maintien, collaboration entre les enseignants)
et les représentations, ainsi que leur influence sur les pratiques (opinions sur le maintien,
représentations de l’intelligence, conceptions de l’école de la réussite…)
La présente introduction a pour but de décrire les principaux résultats des trois études de manière
intégrée et de les discuter. Elle constitue, pour le lecteur, une amorce à la consultation des résultats
détaillés dans chacune des parties.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle 1
Principaux résultats
Le taux d’élèves maintenus en 2009-2010 en Communauté française s’élève à 3,81%. Il avoisinait
encore les 5% il y a quelques années mais, visiblement, l’entrée en application en 2008 du décret
limitant à quatre le nombre d’années pour parcourir le cycle 5-8 a eu, semble-t-il, diminué le
phénomène.
Parmi les 719 institutrices 1 de 3e maternelle qui ont répondu au questionnaire, 61% ont maintenu un
élève au cours des trois dernières années. Pour les 39% restants, c’est moins l’opposition à la
pratique du maintien qui fait qu’elles n’ont pas maintenu, mais simplement le fait que la situation ne
s’est pas présentée ou qu’elles préfèrent - tout comme les parents d’ailleurs - laisser la possibilité à
l’élève de recommencer une année au premier degré primaire (effet de l’entrée en vigueur du décret
de 2008). Au final, seulement 11 institutrices sur 719, soit 1,5%, ne maintiennent pas parce qu’elles
sont opposées à cette pratique ou parce qu’elles la trouvnte inutile. Bref, l’attitude positive au
maintien d’enfants en difficulté au terme de la 3e maternelle est bien ancrée chez les enseignantes,
tout comme elle apparaît très favorable dans les discours tenus par les équipes des CPMS.
L’analyse des données de la Communauté française met en évidence différents facteurs qui
augmentent le risque d’être maintenu. Nous retiendrons notamment le fait d’être un garçon, d’être
né en fin d’année civile, de provenir d’un milieu défavorisé (indice socioéconomique du quartier) ou
encore d’habiter la province du Hainaut. Aussi bien dans l’enquête par questionnaires qu’à travers
les rencontres avec les CPMS, les acteurs reconnaissent l’importance de la donnée relative au mois
de naissance. Elle touche à la cause qu’ils retiennent le plus souvent pour maintenir un élève : le
manque de maturité. Il est également question d’une faiblesse ou d’un retard général, d’une
difficulté d’aboutir aux apprentissages… Les enquêtes menées auprès des acteurs confirment
également le poids de l’origine socioéconomique : dans les milieux populaires, on serait peu
conscient du rôle joué par l’école maternelle par rapport aux apprentissages et de l’importance de
ces derniers. Les enfants seraient moins suivis et plus fréquemment absents.
Face aux difficultés, l’enquête par questionnaire et surtout les rencontres avec les équipes de CPMS
mettent en évidence que peu d’aménagements spécifiques sont mis en place pour aider l’enfant
maintenu. Paradoxalement, bien que les membres des CPMS considèrent qu’un maintien n’est utile
que s’il est accompagné d’une prise en charge de l’élève en difficulté, ils ne déclarent pas organiser
un suivi particulier des maintenus. Les moyens qu’ils disent observer chez certains enseignants
semblent dépendre de la bonne volonté de ces derniers et apparaissent parfois comme très limités
(par exemple, on donne le rôle de « grand de la classe » à l’enfant maintenu).
Les acteurs des CPMS signalent un deuxième motif à l’entrée tardive d’un enfant en primaire : au-
delà des difficultés de l’élève maintenu qui apparaissent comme une cause, la facilitation de
l’orientation vers l’enseignement spécialisé apparaît comme un objectif. Une année de maintien est
utile pour que les parents puissent « faire le deuil » d’un parcours scolaire ordinaire pour leur enfant.
Dès lors, rien d’étonnant à ce que l’analyse des bases de données de la Communauté française
montre que 11% des élèves maintenus soient orientés l’année suivante vers l’enseignement
1
99% des enseignants qui ont répondu à l’enquête par questionnaire sont des femmes. Nous utiliserons
donc le féminin lorsque nous décrirons les résultats.
e
2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
spécialisé et que plus d’un quart s’y retrouvent dans les quatre ans (alors que seulement 1% des
élèves non maintenus y sont orientés).
L’étude des parcours sur base des informations de la Communauté française montre également que
les enfants maintenus connaissent plus l’échec scolaire dans leur parcours ultérieur et que seulement
49% atteignent la 4P sans encombre alors qu’ils sont 85% dans ce cas chez les élèves non maintenus.
Lorsque ces résultats sont soumis aux acteurs des CPMS, ces derniers ne les considèrent pas comme
négatifs. Pour eux, le taux de réussite n’est pas si mauvais étant donné que ce sont des élèves qui,
« à la base ont des difficultés». Sait-on ce qu’ils seraient devenus s’ils avaient été promus ? La
question est souvent posée et, dans le même temps, le décret qui aboutit à la limitation des
maintiens est critiqué.
Pour les CPMS, le maintien d’un élève s’inscrit dans la transition délicate entre les niveaux maternel
et primaire de l’enseignement. Dans ce cadre, les attentes que l’enseignante de 1P nourrit à l’égard
de sa collègue de 3M semblent jouer un rôle important dans les décisions de maintiens. Les équipes
des CPMS parlent de « pression » ressentie par les enseignantes de 3M, ce qui les pousse à concevoir
la dernière année préscolaire comme une « pré-première » : un enfant présentant des lacunes
importantes ne peut être envoyé au collègue de la classe supérieure. L’enquête par questionnaires
confirme ce phénomène : les enseignantes de 3M ressentent le devoir de ne pas laisser passer un
élève en difficulté, tout comme les enseignantes de 1P disent attendre de leurs collègues qu’elles ne
laissent pas entrer en 1P un enfant non prêt à recevoir leur enseignement. Ceci explique sans doute
qu’il y ait plus d’enseignantes qui maintiennent parmi celles qui collaborent avec la collègue de 1P
qui accueillera leurs élèves l’année suivante. La pratique du maintien est aussi plus fréquente parmi
les enseignantes qui passent plus de temps à faire de la pré-écriture, par exemple au détriment de la
musique. Cette importance des attentes mutuelles explique sans doute le constat réalisé au départ
de l’analyse des bases de données selon lequel les implantations qui n’organisent que de
l’enseignement maternel affichent des taux de maintien plus faibles.
Perspectives d’action
Les résultats qui viennent d’être décrits soulignent la nécessité d’envisager des actions en vue de
réduire les décisions de maintien. Ils incitent également à considérer que, aussi bien chez les
enseignantes qui maintiennent que chez celles qui ne maintiennent pas, un changement des
représentations relatives à la répétition d’une année et à son efficacité serait plus que souhaitable. Si
certaines ne maintiennent pas parce qu’elles n’en ont pas l’occasion ou parce qu’elles préfèrent en
quelque sorte « reporter » la décision, une sensibilisation aux problèmes du maintien et du
redoublement paraît en ce qui les concerne tout aussi pertinente. Ceci nous amène donc poser la
question suivante : peut-on modifier les perceptions des enseignantes à propos du maintien ?
Comme l’avait déjà remarqué le chercheur américain Sakowicz (1996), parmi les grands thèmes
traités par les sciences de l’éducation, le redoublement est sans aucun doute l’exemple le plus clair
d’une pratique à propos de laquelle les résultats scientifiques, aussi rigoureux et convergents soient-
ils, s’avèrent pourtant impuissants à modifier les opinions des enseignants.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle 3
Quand on interroge des enseignants sur ce qui est à l’origine de leurs opinions ou de leurs pratiques
en termes de redoublement, on observe que ces opinions et pratiques sont rarement fondées sur
une connaissance des recherches, et ne se modifient, en général, qu’à la suite d’une expérience
personnelle ou d’échanges avec un collègue (Kagan, 1992).
Le cas des États-Unis devrait faire réfléchir quiconque serait tenté de penser qu’une réforme de la
formation initiale ou un programme de sensibilisation bien conçu pourraient venir à bout de la
« culture de l’échec » qui a si bien persuadé nos enseignantes maternelles du bien fondé du
maintien.
Notons d’abord qu’il s’agit du pays où les études sur l’« early grade-repeating » sont les plus
anciennes (les premières datent des années ’20), les plus nombreuses et les plus largement diffusées.
C’est aussi un pays où, suite aux constats sans ambiguïté issus de ces recherches, les autorités de la
plupart des États ont favorisé pendant des décennies la promotion automatique dans l’enseignement
obligatoire. C’est enfin un pays où il est requis par la loi que les politiques dans le domaine de
l’éducation s’inspirent autant que possible de pratiques et d’innovations « evidence-based » (c'est-à-
dire validées par des études rigoureuses ayant démontré leur impact positif sur les élèves).
Une enquête du National Center for Educational Statistics montrait pourtant, dès 1993, que seules
27% des institutrices des écoles maternelles publiques du pays estimaient, à la fin de l’année
scolaire, que tous les élèves de leur classe étaient prêts pour l’entrée en 1re année primaire. Près de
la moitié indiquaient que lorsqu’un enfant ne leur semblait pas prêt pour l’école primaire, elles
conseillaient aux parents de le faire attendre un an avant de l’y inscrire. Une institutrice maternelle
sur cinq estimait normal de donner chaque jour à ses élèves du travail à faire à la maison et une sur
deux estimait que les parents devraient réserver du temps chaque jour pour encadrer leur enfant
pour les devoirs à domicile (69% dans les écoles accueillant une majorité d’élèves défavorisés).
De telles données, comme bien d’autres, témoignent du puissant retour en force, au tournant des
années ‘90, d’un courant d’opinion opposé à la promotion automatique, jugée trop laxiste et
désastreuse pour le devenir des élèves en difficulté. Ce retour en arrière semble avoir été
involontairement accentué par le dispositif No Child Left Behind, lancé en 2001 dans le but de
favoriser une école de la réussite par des politiques de responsabilisation des écoles (accountability).
En conditionnant l’attribution de crédits fédéraux destinés aux établissements scolaires aux progrès
observés chez les élèves à travers des évaluations standardisées, ce programme (pourtant positif à
de nombreux égards) a entraîné un accroissement des exigences en termes de « readiness » 2 dans
les classes maternelles, l’adoption de standards de résultats plus sévères, l’abandon de la promotion
automatique dans un nombre croissant de districts et une très nette tendance à la hausse des taux
de redoublement tant dans l’enseignement maternel que primaire.
2
« Readiness » désigne le fait d’être prêt.
e
4 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Où l’on voit que c’est l’opinion qui influence la recherche, et non le contraire
Parallèlement, une nouvelle génération d’études voyait le jour dans le pays, souvent à l’initiative de
districts pressés d’en finir avec la promotion automatique et voulant, comme la loi le leur demande,
appuyer leur politique de restauration du redoublement sur des données scientifiques plus
conformes à leur vues. Sans surprise, nombre de ces études marquent un retour aux comparaisons
« à niveau scolaire égal », qui sont, il va de soi, plus favorables aux redoublants que celles où la
comparaison se fait « à âge égal » (tableau 1). Un cas exemplaire de cette tendance, cité par Brophy
(2007) est l’étude d’Alexander, Entwisle et Dauber (1994), portant sur une cohorte d’élèves de
Baltimore suivis de la 1re à la 4eannée primaire, où une première comparaison à niveau scolaire égal
donne des résultats très favorables aux pratiques de redoublement. Cependant des insuffisances et
des erreurs sont relevées dans cette analyse (Shepard, Smith et Marion, 1996), ce qui entraîne un
réexamen des données. Les nouveaux résultats sont à l’opposé des premiers : ils montrent une
supériorité significative du groupe des non-redoublants (Jimerson, 2001) ; mais les auteurs se
contentent de décrire ces résultats corrigés comme « partiellement favorables, partiellement
défavorables ». La poursuite du recueil de données au cours des années suivantes, qui fait apparaître
des effets clairement négatifs sur le cursus ultérieur des redoublants, amène enfin les auteurs à
reconnaître le caractère nocif du redoublement (Alexander, Entwisle et Kabbani, 2001).
D’autres chercheurs, plus rigoureux, ont dénoncé les très réels biais méthodologiques affectant la
quasi-totalité des études sur lesquelles s’étaient fondées les premières grandes synthèses ou méta-
analyses sur le redoublement de Shepard et Smith (1989), de Holmes et Matthew (1992) et, dans une
moindre mesure, de Jimerson (2002). On a ainsi montré que des techniques de contrôle beaucoup
plus sophistiquées étaient indispensables pour éviter que la comparaison entre l’échantillon de
redoublants et le groupe témoin de non-redoublants ne penche systématiquement en faveur des
non-redoublants, en raison des biais très spécifiques qui s’attachent à l’étude des groupes de sujets
se situant aux extrêmes d’une distribution. Plusieurs méthodes nouvelles ont été mises en œuvre
pour remédier à ces artefacts : contrôle fondé sur de nombreuses variables démographiques et
utilisation de techniques d’analyse d’inférences causales dans la remarquable étude de Hong et
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle 5
Raudenbush (2004) ; méthode utilisant la discontinuité de régression dans les cas où le
redoublement est décidé sur la seule base d’une note-seuil à un test ou un examen de passage
standardisé 3 chez Jacob et Lefgreen (2004 et 2009) ; méthode s’appuyant sur l’utilisation de variables
instrumentales 4 (Dong, 2010), ou encore analyse structurale (Grisay, 2001).
Cette nouvelle génération d’études a permis de nuancer les résultats de la première, en montrant
que le véritable effet à court terme du maintien en maternelle ou du redoublement à l’école primaire
est moins négatif que ne le laisse supposer une comparaison prétest/post-test de type classique
effectuée sur les mêmes données. La répétition d’une année s’avère même dans quelques cas
légèrement positive pour les résultats scolaires durant l’année ou les deux années suivantes (Dong,
2010), ce qui explique un peu mieux pourquoi les enseignants ont toujours cru, croient, et
continueront à croire que le redoublement « remet en selle » les élèves faibles. Mais, à moyen et
long terme, les conséquences négatives sur le plan des apprentissages et de la confiance en soi de
l’élève et, surtout, les risques accrus d’abandon scolaire ont été solidement confirmées (Burkam,
2007 ; Ou et Reynolds, 2010), invitant à poursuivre les efforts de sensibilisation des praticiens à la
mise en œuvre de mesures de remédiation plus efficaces.
Il faut noter ici que la plupart des dispositifs de réintroduction du maintien ou du redoublement qui
ont fait l’objet des études postérieures à 2000 (particulièrement à New-York, à Chicago et au Texas)
se sont accompagnés de coûteuses mesures d’accompagnement 5 en vue de répondre à l’objection
selon laquelle le redoublement ne peut guère être fructueux s’il se limite à offrir à l’enfant à risques
une seconde dose du traitement qui ne lui a pas réussi la première fois. On a ainsi consacré des
efforts importants à la formation des enseignantes, au recrutement de personnel supplémentaire
pour s’occuper des redoublants durant les leçons, à la réduction de la taille des classes où se
trouvaient les enfants retenus, à l’organisation de classes de soutien durant les vacances scolaires, à
l’intervention de logopèdes, de psychologues et de spécialistes de la lecture. Plusieurs des auteurs
ayant observé des effets positifs à court terme (Allensworth, 2004 ; Dong, 2010) en concluent que
ces effets étaient dus au soutien offert plutôt qu’au redoublement ; l’existence d’effets négatifs
ultérieurs invite à penser que l’effort consenti aurait été sensiblement plus efficace s’il avait été mis
en œuvre auprès d’élèves faibles dans un dispositif de promotion automatique (Leinhardt, 1980).
3
Cette technique consiste à comparer les groupes d’élèves admis à l’examen de passage mais dont le score
était supérieur de très peu à la note seuil au groupe de ceux qui ont dû redoubler alors que leur note était
très proche de ce seuil. Ces différences étant inférieures à la marge d’erreur inhérente à l’épreuve,
l’appartenance à l’un ou l’autre groupe d’élèves peut être considérée comme effectivement aléatoire, dans le
cas où aucun autre facteur que le résultat à l’examen n’est pris en compte dans la décision d’admission ou de
refus d’admission.
4
On peut lire Gary-Bobo et Robin (2011) pour une description plus détaillée de plusieurs de ces techniques, et
une synthèse des études récentes sur le redoublement faisant appel à des méthodes inspirées des travaux
sur l’économie de l’éducation.
5
Pour la ville de Chicago, Russo (2008) estime que le dispositif de remédiation mis en place pour accompagner
la suppression de la promotion automatique et la réinstauration du redoublement a coûté 8 400 dollars par
élève, et qu’il a touché environ 10 000 élèves par an depuis 1993.
e
6 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
ce qui semble être le « sens commun », on peut lire l’historique peu charitable que Russo (2004) a
consacré aux avatars du programme d’abolition de la « social promotion », mis en œuvre à Chicago
depuis 1993, et jamais abandonné malgré son coût élevé et les conclusions globalement négatives
des multiples études dont il a fait l’objet.
Les initiatives visant à sensibiliser individuellement des enseignantes en les informant sur l’existence
de ces recherches et sur leurs résultats ne paraissent pas rencontrer plus de succès. Lors d’une série
d’expériences menées tout récemment dans divers districts scolaires de Virginie (Pettay, 2010 ;
Terry, 2011 et Gilmore-Hook, 2011), des groupes d’institutrices enseignant à l’école maternelle et
dans les classes des trois premières années primaires ont été priées de donner leur avis sur l’utilité
de faire répéter l’année aux élèves qui ne maîtrisent pas les compétences attendues à la fin d’une
année scolaire. Elles devaient pour cela compléter un questionnaire avant et après avoir lu un article
et/ou regardé une vidéo de vulgarisation sur les résultats de plusieurs études montrant les effets
nocifs du redoublement sur l’image de soi des élèves, sur leurs apprentissages en mathématiques et
en lecture, et sur l’évolution à long terme de leur scolarité. Dans un des districts, aucun changement
d’opinion significatif n’est observé; les modifications sont faibles dans l’autre ; dans le troisième cas,
les quelques modifications significatives enregistrées par le questionnaire sont démenties par les
commentaires spontanés qu’y ont ajouté les répondantes. En particulier, les enseignantes gardent
intacte leur confiance que l’année supplémentaire aidera l’élève à surmonter ses difficultés et que
son image de soi ne sera pas affectée.
En conclusion, nous retiendrons qu’il est vain d’attendre un changement des attitudes des
enseignants grâce à la diffusion et la présentation de résultats de recherche. Une voie à suivre - et
qui l’est d’ailleurs par nos collègues de l’ULB (Bouko, Khan, Rey, Vanlint & Vanlint, 2011) - est le
travail en partenariat étroit avec les équipes éducatives sur le terrain en vue d’amorcer un nouveau
regard, en vue de faire adopter une nouvelle posture. Si on ne peut pas compter sur un changement
d’attitude pour modifier les pratiques, peut-être faut-il faciliter et questionner les pratiques pour
provoquer un changement d’attitude et espérer que celui-ci soit durable.
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Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle 7
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8 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Partie 1
Les pratiques de maintien de
2004-2005 à 2009-2010
à travers les bases de données
« comptage » de la Communauté française
Introduction
1. Introduction
Généralités
2. Description de la population des élèves de l’enseignement ordinaire censés être en 1re année
3. Description de la population des élèves en obligation scolaire maintenus en maternelle dans
l’enseignement ordinaire
Caractéristiques individuelles
4. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans l’enseignement ordinaire selon le genre
5. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans l’enseignement ordinaire selon le mois
de naissance
6. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans l’enseignement ordinaire selon leur ISE
7. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans l’enseignement ordinaire selon la na-
tionalité
8. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans l’enseignement ordinaire selon le lieu
d’habitation : la région
9. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans l’enseignement ordinaire selon le lieu
d’habitation : la province
10. Généralités
11. Taux de maintien en fonction de l’ISE de l’implantation
12. Nombre de maintiens selon la taille de l’implantation
13. Nombre de maintiens selon le niveau organisé par l’implantation ou l’établissement
14. Nombre d’années avec maintien par implantation et par établissement de 2004-2005 à 2008-
2009
Parcours
Régressions logistiques
16. Impact respectif de chacune des caractéristiques élèves et écoles sur le maintien en
3e maternelle
Conclusion
Bibliographie
1. Introduction
Qui sont ces enfants qui répètent leur 3e ma- 4) Les parcours scolaires de la cohorte des
ternelle ? Quel est le profil des écoles qu’ils élèves nés en 1999 et fréquentant la 3e
fréquentent ? Quels facteurs influencent le maternelle en 2004-2005. Les parcours
maintien ? Quel est le parcours scolaire de ces divergent-ils selon que l'on a été mainte-
enfants qui démarrent l’enseignement primai- nu ou non en 3e maternelle ? Est-ce une
re avec une année de retard ? Il semble légi- mesure qui favorise ou non la réussite
time de se poser ces questions et nous tente- dans le 1er degré de l’enseignement pri-
rons d’y répondre au travers des quatre rubri- maire ou est-ce une solution adaptée ?
ques abordées dans le présent document :
1) Les statistiques individuelles des élè- Pour mener à bien ces analyses, il a été néces-
ves maintenus par rapport aux élèves saire, pour chaque année scolaire étudiées, de
non maintenus. Quelle est la nationalité déterminer si l’élève est « à l’heure » ou s’il a
de ces enfants ? Quel est leur mois de été « maintenu » en maternelle. En raison des
naissance ? Quel est l’indice socioécono- règles relatives à l’obligation scolaire, cette
mique de leur quartier ? information peut aisément être dérivée de
l’année de naissance. Ainsi, en 2004-2005, les
2) Les caractéristiques des écoles fré- élèves de 3e maternelle sont à l’heure s’ils
quentées par les élèves maintenus. Quel- sont nés en 1999. Par contre, ceux nés en
les écoles fréquentent ces enfants ? Quel 1998 et avant peuvent être considérés comme
est leur indice socioéconomique, leur tail- maintenus puisqu’ils devraient être dans
le ou encore les niveaux organisés dans l’enseignement primaire (figure 1.1).
ces écoles?
e
2 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Introduction
1
On emploie le terme de « maintenu » pour les élèves de maternelle et de « en retard » pour les élèves de 1re primaire.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 3
2. Population des élèves de l'enseignement ordinaire censés être
en 1re année
La population des élèves de l'enseignement ordinaire censés être en première année primaire est
relativement stable entre 2004-2005 et 2009-2010. Les distributions en fonction du genre, du mois
de naissance, du fait d'être primo arrivant ne varient pas d'une année à l'autre.
L’ensemble des analyses présentées dans ce pour les regrouper. La première catégorie
document ont été réalisées au départ de six « Union européenne » reprend les enfants
bases de données officielles de la Communau- d’une des nationalités d’un pays membre de
té française. Ces bases de données correspon- l'Union européenne (en 2004-2005) 2. La
dent aux années scolaires 2004-2005, 2005- deuxième, « hors Union européenne », re-
2006, 2006-2007, 2007-2008, 2008-2009 et groupe les enfants ayant la nationalité de pays
2009-2010. Elles reprennent, pour chaque ne faisant pas partie de l'Union européenne.
élève inscrit dans l’enseignement organisé ou
subventionné par la Communauté française de En ce qui concerne la répartition des élèves en
Belgique, une série de caractéristiques le fonction de leur nationalité, peu de change-
concernant : genre, date de naissance, natio- ments sont constatés ces dernières années.
nalité, ISE 1, code postal, statut de primo-
arrivant ou non, niveau, année d'études, im-
plantation et établissement fréquentés.
1 2
L’indice socioéconomique (ISE) du secteur statistique de La catégorie « Union européenne » regroupe les enfants dont
résidence de l’élève est un indice synthétique caractérisant le pays d’origine est l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, Chypre,
socio-économiquement un secteur et recouvrant les cinq di- le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, le Royaume-Uni,
mensions suivantes : les revenus, les diplômes, le confort du le Luxembourg, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, Malte, la Polo-
logement, les professions, ainsi que l’emploi et le chômage gnes, le Portugal, la Roumanie, la Suède, l’Italie, les Pays-Bas, la
(Demeuse, 2002). Lettonie, l’Estonie, la Lituanie, la Slovaquie, la République
Tchèque ou la Slovénie.
e
4 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Généralités
Nombre total
49 199 49 498 50 679 50 720 49 222 49938
d’élèves
2.3 Répartition de la population des élèves de 6 ans en pourcentages selon leur genre
2.4 Répartition de la population des élèves de 6 ans en pourcentages selon leur mois de nais-
sance
2.5 Répartition de la population des élèves de 6 ans en pourcentages selon leur statut de primo
arrivant ou non
Non primo
98,9% 98,9% 99,0% 99,2% 99,1% 99,4%
arrivants
Primo
1,1% 1,1% 1,0% 0,8% 0,9% 0,6%
arrivants
2.6 Répartition de la population des élèves 6 ans en pourcentages selon leur nationalité
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 5
3. Population des élèves en obligation scolaire maintenus en
maternelle dans l'enseignement ordinaire
Si le taux de maintien touchait plus de 5% des enfants entre 2004-2005 et 2007-2008, il est depuis
2008-2009 en léger recul pour atteindre un taux de 3,81% en 2009-2010.
Le retard éventuel d’un élève est établi à par- 2007-2008, on passe à 4,1%, soit 1,2% en
tir de son année de naissance et de l’année moins. Les pratiques de maintien diminuent
d’étude qu’il fréquente lors d’une année sco- pour cette année scolaire et cela se confirme
laire donnée (figure 3.1). pour l’année 2009-2010 (3,81%).
Le taux de maintien est le rapport entre le Cette diminution s’explique sans doute par
nombre d’élèves en maternelle 1 en âge d’être l’application du nouveau cadre légal (circulaire
en 1re primaire et le nombre total d’élèves en 2419 du 26/08/2008) qui limite, à partir de
âge d’être en 1re primaire. Ainsi, pour l’année 2008-2009 2, à 4 ans la durée du cycle 5-8. Un
scolaire 2004-2005, les élèves nés en 1998 élève ne peut recommencer qu’une seule
sont censés être en 1re primaire. Le taux de année au sein du cycle 5/8, qu’il s’agisse d’un
maintien est donc le rapport entre le nombre maintien en 3e maternelle ou d'une année
d’élèves nés en 1998 mais fréquentant tou- complémentaire après la 1P ou la 2P.
jours l’enseignement maternel (cfr. colonne 1
de la figure 3.1 : 6+14+2448) et le nombre Il est légitime de penser que les enseignants et
total d’élèves nés en 1998 et fréquentant l'en- surtout les parents préfèrent désormais « gar-
seignement ordinaire (49 199). der » l’année supplémentaire pour donner la
possibilité aux élèves en difficulté de « dou-
Attention : sont donc considérés comme bler » en 1re ou 2e primaire, ce qui aurait pour
maintenus tous les élèves qui sont en retard effet de diminuer le taux de maintien en 2008-
même s’ils n’ont pas forcément été maintenus 2009.
en 3e maternelle.
e
6 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Généralités
3.1 Distribution des élèves de 6 ans dans l’enseignement ordinaire par années d’étude
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
2005 2006 2007 2008 2009 2010
1 e
Pour alléger les tableaux nous ne citons que la 2 année pour mentionner une année scolaire. Par exemple,
2005 pour 2004-2005.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 7
4. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans
l'enseignement ordinaire selon le genre
Le constat de la surreprésentation des garçons La figure 4.3 présente l’étude des risques
dans les études relatives au redoublement se relatifs d’être maintenu en maternelle 1 en
confirme également dans le cas du maintien fonction du genre. Cette analyse confirme les
en maternelle. résultats présentés ci-dessus puisque le risque
relatif d’être maintenu, en 2005, est 1,5 fois
Comme le montre la figure 4.1 représentant plus élevé pour les garçons que pour les filles.
les effectifs et les pourcentages de filles et de En 2008, ce risque relatif est de presque 1,9.
garçons parmi la population des élèves main- Le risque relatif de maintien pour un garçon
tenus en maternelle, les garçons représentent n’a donc cessé d’augmenter durant la période
plus de 60% des élèves maintenus. Si cette de 2004-2005 à 2007-2008. Par contre la di-
tendance est allée en s’accentuant jusqu’en minution de l’écart entre les filles et les gar-
2008-2009 où la proportion s’élevait à 2/3 de çons par la suite s’observe également au tra-
garçons maintenus pour 1/3 de filles, ces chif- vers de cette analyse puisque les risques rela-
fres sont en léger recul en 2009-2010. tifs d’être maintenu pour un garçon par rap-
port à une fille diminuent à 1,6.
Comme le présente la figure 4.2, en 2008-
2009, les pourcentages de garçons et de filles
maintenus ont diminué par rapport aux an-
nées précédentes, avec une diminution plus
importante en valeur absolue pour les garçons
entre 2007-2008 et 2009-2010 (-1,97% pour
les garçons et -1,04% pour les filles). En valeur
relative, cette réduction représente 27% pour
les filles et 30% pour les garçons. La diminu-
tion respective des taux de maintien chez les
filles et les garçons s’accompagne donc d’une
très légère réduction des écarts entre ces
deux groupes.
1
La méthodologie utilisée est celle de la régression logistique
qui calcule des rapports de probabilité entre deux évènements.
e
8 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques individuelles
4.1 Effectifs et pourcentages de filles et de garçons parmi les élèves maintenus en maternelle
4.3 Influence du genre sur le risque relatif de maintien en 3e maternelle (référence : filles)
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 9
5. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans
l'enseignement ordinaire selon le mois de naissance
Plus un élève est né tard dans l’année, plus le risque d’être maintenu est élevé.
Pour chacune des six années étudiées, les La figure 5.4 met en évidence que ce sont
figures 5.1 et 5.2 présentent le taux de main- toujours les élèves de fin d’année qui sont le
tien selon le mois et le trimestre de naissance plus représentés parmi les élèves maintenus.
de l’élève. D’une manière générale, on obser- En effet, en 2004-2005, 55% des élèves main-
ve une différence importante du taux de tenus sont nés au quatrième trimestre contre
maintien selon qu’un élève est né au mois de 9% des élèves au premier trimestre et cette
janvier ou au mois de décembre. En effet, si proportion est toujours fort semblable au-
on considère l’année 2004-2005, on voit que jourd’hui (figure 5.4).
1,4% des élèves nés au mois de janvier sont Autrement dit, ce sont toujours, proportion-
maintenus contre 15,3% des élèves nés au nellement, les enfants nés au cours du qua-
mois de décembre. trième trimestre que l’on maintient plus en
maternelle.
Le pourcentage d’élèves maintenus parmi
ceux nés au 4e trimestre est plus élevé que La figure 5.5 confirme l’idée qu’il ne fait pas
celui observé pour les élèves nés au bon être né au 4e trimestre. Etre né au
3e trimestre, lui-même plus élevé que celui 2e trimestre plutôt qu’au 1er multiplie déjà les
observé pour les élèves nés au 2e trimestre, risques de maintien en maternelle. La pro-
lui-même plus élevé que celui observé pour gression des risques est constante : plus on
les élèves nés au 1er trimestre, et ceci pour nait tard dans l’année, plus le risque d’être
chaque année scolaire étudiée. Bref, plus un maintenu en maternelle est grand 1.
enfant est né tard dans l’année, plus il risque
d’être maintenu en maternelle. Les risques d’être maintenu en maternelle
quand on nait après septembre sont presque
L’analyse des taux de maintien selon le trimes- sept fois plus élevé que si on voit le jour avant
tre de naissance pour les deux dernières an- avril.
nées montre que ce sont toujours les enfants
du 4e trimestre qui sont le plus maintenus. Ces rapports ont peu varié ces six dernières
Toutefois, ceux-ci semblent pourtant avoir années et renforcent ce que l’on a observé
bénéficié de la mise en application du décret dans les analyses descriptives. L’écart de déve-
limitant à quatre ans la durée du cycle 5-8 loppement qui existe entre ceux nés en janvier
puisque le taux de maintien pour cette caté- et en décembre semble être considéré par les
gorie a diminué d’environ 3% en 2 ans. Cette enseignants comme problématique pour per-
diminution de taux apparaît également pour mettre à l’élève d’entrer en 1re primaire.
les autres trimestres de naissance mais beau-
coup plus faiblement : respectivement 0,4%,
0,7% et 0,8% pour les 1er, 2e et 3e trimestres.
1
1,5 fois plus de risques quand on est né au 2e trimestre plutôt
qu’au 1er, 2,6 fois plus de risques quand on est né au 3e trimes-
tre plutôt qu’au 1er et 6,2 fois de risques quand on est né au 4e
trimestre plutôt qu’au 1er
e
10 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques individuelles
12%
10%
8%
trim 1
6% trim 2
trim 3
4% trim 4
2%
0%
2005 2006 2007 2008 2009 2010
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 11
Caractéristiques individuelles
1600
1400
1200
1000
800
600
400
200
0
2005 2006 2007 2008 2009 2010
5.4 Répartition des élèves maintenus selon le trimestre de naissance pour les 5 dernières an-
nées
trim 2 trim 2
13% 15%
trim 4 trim 4
trim 3
55% 54% trim 3
23%
23%
e
12 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques individuelles
trim 2
trim 2
14%
14%
trim 4 trim 4
53% trim 3 53%
trim 3
24% 24%
trim 2 trim 2
14% 14%
trim 4 trim 4
54% trim 3 53% trim 3
23%
24%
5.5 Influence du trimestre de naissance sur le risque relatif de maintien en 3e maternelle (réfé-
rence : trimestre 1)
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 13
6. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans
l'enseignement ordinaire selon leur ISE
Les élèves de milieu socioéconomique défavorisé sont davantage maintenus que les autres.
L’indice socioéconomique (ISE) utilisé est celui sés qui sont le plus souvent touchés par le
disponible dans la base de données et adopté maintien et, en revanche, les 25% d’élèves
pour déterminer les écoles D+ de la Commu- possédant l’ISE le plus élevé qui sont les moins
nauté française, c’est-à-dire celui du quartier concernés par cette pratique.
de résidence de l’élève.
La figure 6.3 permet de mieux visualiser
La figure 6.1 présente la moyenne et l’écart- l’évolution au cours du temps du taux de
type de l’ISE pour l’ensemble des élèves en maintien selon l’ISE du quartier de l’élève. Il
âge d’être en 1re primaire. Il a également été met en évidence que ce sont toujours les élè-
calculé pour deux sous-groupes : les élèves à ves les plus défavorisés (quartile 1) qui pré-
l’heure et les élèves maintenus. La différence sentent le taux de maintien le plus élevé. Cet-
entre les moyennes des différents sous- te tendance reste la même en 2009 et 2010
groupes est exprimée en fraction d’écart-type malgré une diminution de tous les taux. Tou-
par rapport à la moyenne μ1. On observe que tefois, cette diminution est plus importante
selon les années, l’ISE moyen des élèves main- entre 2008 et 2009 pour les enfants apparte-
tenus μ3 est situé entre -0.24 et -0.30 écart- nant aux quartiles 1 et 2 (respectivement -
type en dessous de l’ISE moyen μ2 des élèves 1,5% et -1,8%) que pour ceux des quartiles 3
à l’heure. et 4 (-1,1% et -0,5%). Autrement dit, la dimi-
nution de 2008-2009 semble davantage « pro-
Les taux de maintien selon l’ISE du quartier de fiter » aux élèves les plus défavorisés. Ce pro-
l’élève sont repris dans la figure 6.2. Les quar- fit s’atténuant toutefois déjà en 2009-2010
tiles correspondent à un découpage de la po- puisque si la diminution se poursuit, celle-ci
pulation de référence en quatre sous- est plus ou moins équivalente pour les diffé-
ensembles de même taille (25% de la popula- rents quartiles étudiés.
tion chacun). Ainsi, le quartile 1 correspond au
25% de la population avec l’ISE le plus faible L’analyse de régression (figure 6.4) permet
(population vivant dans les quartiers les plus également de constater que les élèves prove-
défavorisés) tandis que le quartile 4 est consti- nant des milieux les plus défavorisés sont ceux
tué des 25% d’élèves ayant l’ISE le plus élevé qui ont le plus de risques d’être maintenus. En
(population vivant dans les quartiers les plus effet, en comparaison avec les élèves les plus
favorisés). Les valeurs manquantes corres- favorisés, ils ont environ deux fois plus de
pondent aux nombres d’élèves pour lesquels risques d’être maintenus que les élèves les
la valeur de l’indice ISE n’est pas disponible. plus favorisés (quartile 4). Ces risques sont
Pour chacune des six années, les élèves les légèrement moindres pour les élèves défavo-
plus défavorisés (quartile 1) se caractérisent risés (quartile 2) et diminuent encore pour les
par un taux de maintien supérieur à celui des élèves favorisés (quartile 3), toujours en com-
quartiles 2, 3 et 4. Ainsi, ce sont les 25% paraison avec les élèves les plus favorisés.
d’élèves issus des quartiers les plus défavori-
e
14 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques individuelles
Q1 Q2 Q3 Q4
25% d’élèves 25% d’élèves 25% d’élèves 25% d’élèves Valeurs
N
les plus défavorisés favorisés les plus manquantes
défavorisés favorisés
2005 6,7% 5,6% 4,4% 3,5% 48 502 697
2006 7,3% 6,0% 4,4% 3,4% 48 340 1 158
2007 7,2% 6,3% 4,3% 3,7% 49 643 1 036
2008 7,1% 6,5% 4,5% 3,4% 49 502 1 218
2009 5,6% 4,7% 3,4% 2,9% 47 745 1 477
2010 5,1% 4,3% 3,4% 2,5% 48 547 1 391
9%
8%
7%
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
2005 2006 2007 2008 2009 2010
25% d’élèves les plus défavorisés 25% d’élèves défavorisés
25% d’élèves favorisés 25% d’élèves les plus favorisés
6.4 Influence de l’ISE sur les risques relatifs de maintien en 3e maternelle (référence : ISE Q4)
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 15
7. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans
l'enseignement ordinaire selon la nationalité1
Les élèves de nationalité non européenne ont plus de risques d’être maintenus en maternel-
le que les autres.
1
Nous avons également réalisé des analyses sur la
variable « primo arrivant ». Toutefois, l’effectif
d’élèves primo arrivants étant peu important, il est
hasardeux de tirer des conclusions quant à
l’influence de cette caractéristique sur le maintien
d’un élève en maternelle.
e
16 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques individuelles
Belge UE Hors UE
2005 4,9% 5,5% 6,8%
2006 5,1% 6,0% 7,1%
2007 5,2% 5,9% 9,1%
2008 5,3% 5,2% 7,4%
2009 4,0% 4,1% 7,3%
2010 3,6% 4,6% 7,1%
Belge
Evolution du taux de maintien selon la nationalité
10% UE
9%
8% Hors UE
7%
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
2005 2006 2007 2008 2009 2010
7.4 Estimation des risques relatifs de maintien selon la nationalité (référence : nationalité bel-
ge)
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 17
8. Répartition des élèves maintenus en maternelle dans
l'enseignement ordinaire selon le lieu d’habitation : la région
Les élèves habitant en région wallonne sont davantage maintenus que les autres.
La figure 8.1 présente le nombre d’élèves de Les figures 8.4 et 8.5 présentent, pour l’année
3e maternelle habitant la Région Wallonne, la 2009-2010, la distribution de la population de
Région de Bruxelles-Capitale ou la Région chaque région dans ces quatre sous-groupes.
Flamande et étant scolarisés dans On observe, par exemple, que 20% des élèves
l’enseignement organisé en Communauté habitant en Région Wallonne font partie des
française. 25% des élèves les plus défavorisés de la po-
pulation. L’analyse complète des résultats met
Les figures 8.2 et 8.3 montrent que, le plus en évidence une distribution des élèves habi-
souvent, le taux de maintien pour les élèves tant en Région Wallonne relativement homo-
habitant en Région Wallonne est plus élevé gène dans les quatre quartiles, avec une légè-
que celui observé pour les élèves habitant la re prédominance d’élèves appartenant aux
Région de Bruxelles Capitale, lui-même plus quartiles centraux. La population bruxelloise
élevé que celui relatif aux élèves habitant en est, quant à elle, plus « contrastée » : 49% des
Région Flamande. On observe pour les élèves élèves bruxellois font partie des plus défavori-
wallons et bruxellois une diminution du taux sés tandis que 15% font partie des plus favori-
de maintien en 2008-2009 de 1,2%, soit la sés. Enfin, près de 7 élèves sur 10 habitants en
même que celle observée pour l’ensemble de Flandre sont « très favorisés » 1.
la population depuis la mise en place du dé-
cret. Le taux reste stable pour les élèves scola-
risés en Communauté française et habitant en
Région Flamande.
1
Pour information, ce nombre est en augmenta-
tion constante depuis 2005, passant de 58% à 69%.
e
18 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques individuelles
Bruxelles Capitale
9% Région Wallonne
8% Région Flamande*
7%
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
2005 2006 2007 2008 2009 2010
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 19
Caractéristiques individuelles
8.4. Distribution des élèves de 3e maternelle dans les quartiles ISE selon la région habitée
en 2010
Q1 Q2 Q3 Q4
25% d’élèves 25% d’élèves 25% d’élèves 25% d’élèves
les plus défavorisés favorisés les plus
défavorisés favorisés
Région
20% 27% 27% 26%
Wallonne
Bruxelles
49% 20% 16% 15%
Capitale
Région
1% 8% 21% 69%
Flamande*
* Elèves habitant en Région Flamande scolarisés dans des établissements en CFWB
8.5. Répartition des élèves de 3e maternelle dans les quartiles ISE selon la région habitée
en 2010
2010
100%
15%
26%
80% 16%
69% 25% les plus favorisés
27% 20%
60%
25% favorisés
40% 25% défavorisés
27%
49% 25% les plus défavorisés
20% 21%
20%
8%
0%
Région Bruxelles Région
Wallonne Capitale Flamande*
e
20 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
9. Répartition des élèves maintenus en 3e maternelle dans
l'enseignement ordinaire selon le lieu d’habitation : la province
La figure 9.1 présente les effectifs des élèves provinces de Namur, du Luxembourg ou enco-
en 3e maternelle selon la province habitée. re du Brabant Wallon sont elles des provinces
Ces informations ont été établies à partir des plutôt favorisées (respectivement 68%, 77% et
codes postaux des communes habitées dispo- 81% d’enfants favorisés ou très favorisés).
nibles dans la base de données.
Ainsi, les taux de maintien observés pour une
L’observation des figures 9.2 et 9.3 montre province semblent liés à l’ISE de la population
que le Hainaut est, chaque année, la province de cette province. Il est toutefois légitime de
pour laquelle le taux de maintien est le plus se demander s’il y a, indépendamment de
élevé. A l’inverse, c’est pour la province de l’ISE, un effet « province habitée » ?
Luxembourg que le taux est le plus faible. A
partir de 2008-2009, une diminution sensible L’analyse de régression (figure 9.6) montre
du taux de maintien est observée pour chaque que, sous contrôle de l’ISE, les risques d’être
province. Cette diminution se confirme en maintenu divergent toujours d’une province à
2009-2010 sauf pour la région de Namur. l’autre. En effet, pour l’année 2009-2010, à ISE
égal, les risques d’être maintenu sont plus
L’analyse de régression logistique montre que forts dans le Brabant Wallon (x1,4), le Hainaut
les risques relatifs d’être maintenu sont plus (x1,2) et à Namur (x1,3) qu’à Liège. Pourtant,
grands pour les élèves habitant le Hainaut que comme cela l’est montré dans la figure 9.5, les
la province de Liège (figure 9.4) et cela quelle répartitions socioéconomiques de ces provin-
que soit l’année d’études prise en compte. A ces sont très différentes. Alors que le Brabant
l’inverse, les élèves domiciliés en province de Wallon et Namur regroupent une population
Luxembourg ont moins de risques d’être plutôt favorisée, le Hainaut est quant à lui
maintenu que ceux de Liège (figure 9.4). davantage caractérisé par des élèves défavori-
sés. Les résultats obtenus recouvrent donc
La distribution des élèves des différentes pro- probablement des réalités différentes.
vinces dans les quartiles ISE en fonction de L’hypothèse peut être faite que le maintien
leur province (figure 9.5) montre que, pour le dans le Brabant Wallon est amplifié par des
Hainaut, 64% des élèves appartiennent aux exigences plus fortes de la part des ensei-
quartiles « défavorisés ». Bruxelles Capitale gnants (en fonction de leur public favorisé).
présente une distribution assez équivalente à Dans le Hainaut, on pourrait imaginer que la
celle du Hainaut (69% d’enfants défavorisés). concentration de nombreux enfants défavori-
La province de Liège est quant à elle sociale- sés « nuise » aux enfants qui ne le seraient
ment plus diversifiée puisqu’il y a environ 25% pas.
d’élèves dans chacun des quartiles. Enfin les
e
22 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques individuelles
9.1. Nombre d’élèves de 3e maternelle selon la province habitée (+ région Bruxelles-Capitale) se-
lon l’ISE
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 23
Caractéristiques individuelles
9%
8%
7%
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
2005 2006 2007 2008 2009 2010
9.4. Influence de la province habitée sur les risques relatifs d’être maintenu en 3e maternelle
(référence : Liège)
e
24 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques individuelles
9.5. Distribution des élèves des provinces francophones en 2010 (+ Région Bruxelles-Capitale)
par quartile ISE
Q1 Q2 Q3 Q4
25% d’élèves les plus 25% d’élèves défavori- 25% d’élèves favorisés 25% d’élèves les plus
défavorisés sés favorisés
Hainaut 28% 36% 23% 13%
Liège 24% 24% 26% 26%
Namur 10% 22% 36% 32%
Luxembourg 2% 21% 45% 32%
Brabant Wallon 2% 7% 21% 70%
Bruxelles-Capitale 48% 21% 15% 16%
9.6. Influence de la province habitée et de l’ISE sur les risques relatifs d’être maintenu en 2009-
2010
ISE 1 2,346
ISE 2 1,846
ISE 3 1,413
Namur 1,344
Hainaut 1,255
Bruxelles- Capitale 0,703
Brabant Wallon 1,433
Luxembourg 0,854
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 25
10. Caractéristiques des établissements et des implantations
Cette deuxième partie porte sur l’étude des caractéristiques des établissements et/ou des
implantations dans lesquelles des élèves ont été maintenus.
« Un établissement est une entité scolaire maintien en 2M (voire en 1M) de plus en plus
placée sous la responsabilité d’un chef fréquente dans les établissements 3.
d’établissement qui peut être répartie en plu-
sieurs lieux d’implantation géographique. Une Une autre analyse consiste à comparer les
implantation est un bâtiment ou un ensemble numéros FASE d’implantations et
de bâtiments situés à une même adresse. Un d’établissements associés à chaque élève
établissement peut donc avoir plusieurs lieux maintenu pour les deux années scolaires
d’implantation mais celui-ci est toujours dirigé consécutives dans lesquelles il est inscrit en 3e
par un seul chef d’établissement » 1. maternelle. Ceci permet de déterminer si cet
élève a changé d’implantation ou
e
Dans les analyses présentées précédemment, d’établissement pour recommencer sa 3 ma-
ont été considérés comme maintenus les élè- ternelle. Ainsi, les figures 10.2 et 10.3 présen-
ves de maternelle en retard, c’est-à-dire ayant tent le nombre et le pourcentage d’élèves
l’âge d’être en 1P. Ces élèves sont comptabili- maintenus qui « font » deux fois leur 3e ma-
sés dans le premier tableau de la figure 10.1. ternelle dans le même établissement / implan-
Dans le cadre des analyses au niveau des éta- tation. Ces tableaux permettent de voir qu’un
blissements, une décision de maintien a été élève maintenu sur cinq change
comptabilisée si un enfant en 3M dans d’établissement (et donc d’implantation)
l’année x se retrouve à nouveau en 3M dans pour recommencer son année.
l’année x+1 alors qu’il a l’âge d’être en 1P 2.
Par exemple, pour l’année 2005-2006, sur les Les pages qui suivent présentent l’étude de
2577 élèves de 3M en retard, 2110 étaient l’impact de trois facteurs sur la décision de
déjà en 3M en 2004-2005 (soit 82%). Ils ont maintien : l’ISE moyen de l’implantation, sa
été comptabilisés comme des décisions de taille et les niveaux d’enseignement organisés
maintien pour l’année 2004-2005. au sein de l’établissement 4.
e
26 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Généralités
En retard en maternelle en …
Année d'étude 2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008 2008-2009 2009-2010
1M 6 5 0 0 1 3
2M 14 21 0 2 6 9
3M 2 448 2 577 2 704 2 699 2 021 1 891
En 3M et en retard en …
Année d'étude 2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008 2008-2009 2009-2010
l'année précédente
1M so 8 19 0 3 2
2M so 313 396 404 406 304
3M so 2 110 2 119 2 193 1 515 1 459
Données manquantes so 146 170 102 97 126
Total 2 577 2 704 2 699 2 021 1 891
En 3M et en retard en …
Année d'étude 2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008 2008-2009 2009-2010
l'année précédente
1M so 0% 1% 0% 0% 0%
2M so 12% 15% 15% 20% 16%
3M so 82% 78% 81% 75% 77%
Données manquantes so 6% 6% 4% 5% 7%
10.2. Nombres et pourcentages d’élèves maintenus en 3M qui sont restés dans le même établis-
sement vs. qui ont changé d’établissement
Elèves maintenus en 3M qui …
sont restés dans le même étab. ont changé d’étab. Total
2006 1 676 (79%) 434 (21%) 2 110
2007 1 722 (81%) 397 (19%) 2 119
2008 1 771 (81%) 422 (19%) 2 193
2009 1 200 (79%) 315 (21%) 1 515
2010 1 162 (80%) 297 (20%) 1 458
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 27
10.3. Nombres et pourcentages d’élèves maintenus en 3M qui sont restés dans la même implan-
tation vs. qui ont changé d’implantation
Elèves maintenus en 3M qui …
sont restés dans la même implantation ont changé d’implantation Total
2006 1 652 (78%) 458 (22%) 2 110
2007 1 698 (80%) 421 (20%) 2 119
2008 1 766 (81%) 427 (19%) 2 193
2009 1 197 (79%) 318 (21%) 1 515
2010 1 156 (79%) 302 (21%) 1 458
e
28 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
11. Taux de maintien en fonction de l’ISE de l’implantation
L’ISE de chaque implantation a été calculé sur Par ailleurs, on observe chaque année une
base de l’ISE du quartier de l’élève. L’ISE de corrélation négative entre l’ISE de
l’implantation est donc la moyenne des ISE l’implantation et son taux de maintien, et cela
des quartiers des élèves inscrits dans cette même si celle-ci a eu tendance à diminuer au
implantation 1. cours du temps.
Pour réaliser les différentes analyses, les im- La figure 11.4 illustre bien que l’effet du dé-
plantations ont été regroupées en quartiles cret sur les décisions de maintien se marque
selon leur ISE. Ainsi, le premier quartile re- essentiellement pour les 50% d’implantations
prend les 25% d’implantations « les plus défa- défavorisées (quartiles 1 et 2). En effet, entre
vorisées » alors que le quatrième quartile est juin 2007 et juin 2009, les décisions de main-
composé des 25% d’implantations « les plus tien diminuent respectivement de 1,9% et
favorisées ». 1,3% pour les quartiles 1 et 2. Cette diminu-
tion est moins importante pour les quartiles 3
Les figures 11.2 à 11.4 présentent les informa- et 4 avec une baisse respective de 1% et 0,8%.
tions relatives au taux de maintien selon ces Ces diminutions s’accompagnent d’une réduc-
quartiles ISE. tion de l’écart entre les quartiles 1 et 4.
Ces résultats montrent que les taux de main- Les résultats de l’analyse de régression
tien sont supérieurs dans le premier quartile, confirment que plus on est dans une implanta-
c’est-à-dire pour les 25% d’implantations pré- tion défavorisée, plus les risques d’être main-
sentant l’ISE moyen le plus faible. Systémati- tenu sont élevés (figure 11.5). Etre dans une
quement, le taux de maintien diminue au fur implantation très défavorisée (quartile 1) plu-
et à mesure que l’on « progresse » au niveau tôt que dans une implantation très favorisée
des quartiles. (quartile 4) multiplie les risques d’être main-
tenu par 2. Plus une implantation est favori-
La figure 11.3 montre que le taux de maintien sée, plus les risques de maintien diminuent
pour les implantations les plus défavorisées (comparaison des quartiles 1, 2 et 3 par rap-
(quartile 1) est approximativement le double port au quartile 4). Toutefois, même si ces
de celui observé pour les implantations les risques diminuent, ils demeurent bien réels
plus favorisées (quartile 4). On observe éga- quels que soient les quartiles comparés.
lement que les taux de maintien pour chaque
quartile diminuent entre 2004-2005 et 2008-
2009.
1
L’implantation est un niveau d’analyse plus pertinent que
l’établissement en ce qui concerne les ISE moyens. En effet, un
établissement peut regrouper des implantations d’ISE moyens
très différents.
e
30 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques établissements et implantations
11.1. Valeurs seuils des quartiles utilisés pour regrouper les implantations selon leur ISE
moyen
Q1 Q2 Q3 Q4 Corrélation
25% d’impl. 25% d’impl. 25% d’impl. 25% d’impl. entre l’ISE et le taux
les plus défavo- défavorisées favorisées les plus favori- de maintien
risées sées
2005 5,6% 4,3% 3,7% 2,7% -0,16
2006 5,2% 4,6% 3,3% 2,8% -0,16
2007 5,5% 4,5% 3,5% 2,8% -0,18
2008 4,0% 3,1% 2,5% 2,0% -0,12
2009 3,6% 3,2% 2,4% 2,0% -0,11
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 31
Caractéristiques établissements et implantations
9%
8%
7%
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
2005 2006 2007 2008 2009
e
32 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
12. Nombre de maintiens selon la taille de l’implantation
C’est en se basant sur le nombre d’élèves des d’au moins 1% pour chacun des quartiles (et
sections maternelles (1re, 2e et 3e maternelles) de plus de 2% pour les quartiles 1 et 2). Cette
que la taille de l’implantation a été détermi- diminution s’explique sans doute par
née. l’introduction du décret relatif au maintien en
maternelle.
Pour mener les différentes analyses, les im-
plantations sont regroupées en « quartiles Pour chacune des années étudiées, on obser-
taille ». Les 25% d’implantations les plus peti- ve un lien négatif entre le nombre d’élèves en
tes (par exemple, celles comptant entre 6 et maternelle dans l’implantation et son taux de
29 élèves en 2009) sont regroupées dans le maintien (corrélation).
quartile 1 alors que les 25% d’implantations
les plus grandes (par exemple, celles comptant L’analyse de régression met en évidence que
entre 84 et 426 élèves en 2009) appartiennent les risques d’être maintenu en 3e maternelle
au quartile 4. sont d’autant plus grands que l’on fréquente
une implantation de petite taille (figure 12.5).
Les figures 12.3 et 12.4 mettent en évidence En effet, ces risques sont 1,6 à 1,9 fois plus
que plus la section maternelle est grande, élevés selon l’année, lorsqu’on est dans une
moins le taux de maintien est élevé. Autre- petite implantation (quartile 1) plutôt que
ment dit, les grandes implantations maintien- dans une grande (quartile 4). Ceci confirme le
nent moins souvent. lien entre la taille de l’implantation et les pra-
tiques de maintien.
Par ailleurs, l’observation de l’évolution des
taux de maintien au cours du temps (de 2007
à 2009) permet de constater une diminution
e
34 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques établissements et implantations
12.1 Valeurs seuils des quartiles utilisés pour regrouper les implantations selon leur taille
(nombre d’élèves en maternelle)
12.2. Nombre d’élèves et nombre de maintiens selon les quartiles Taille – Implantations
Q1 Q2 Q3 Q4 Corrélation
25% 25% 25% 25%
d’imp. les d’imp. d’imp. d’imp. les
plus petites grandes plus
petites grandes
2005 5,5% 5,5% 4,0% 3,4% -0,10
2006 5,1% 5,1% 4,2% 3,4% -0,09
2007 5,8% 5,6% 4,1% 3,4% -0,11
2008 4,5% 4,0% 2,9% 2,3% -0,11
2009 4,4% 3,5% 2,9% 2,3% -0,10
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 35
Caractéristiques établissements et implantations
7,0%
6,0%
5,0%
Q1
4,0%
Q2
3,0%
Q3
2,0% Q4
1,0%
0,0%
2005 2006 2007 2008 2009
e
36 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
13. Nombre de maintiens selon les niveaux organisés par
l’implantation ou l’établissement
Le taux de maintien est moins élevé pour les établissements qui n’organisent que de
l’enseignement maternel.
Le taux de maintien peut être examiné selon che, laisser réussir ce même élève, c’est pren-
que l’établissement organise ou non de dre le risque qu’il se montre incapable de sui-
l’enseignement primaire. Les résultats présen- vre l’enseignement du collègue du niveau su-
tés par la figure 13.1 indiquent qu’environ périeur ; et là, la probabilité des reproches
90% des établissements organisent de venant de collègues est bien plus élevée. » (p.
l’enseignement maternel et primaire. Dans les 102).
10% d’établissements restants, une moitié Dans les établissements organisant de
n’organise que du primaire, l’autre moitié que l’enseignement maternel et primaire,
du maternel. l’enseignant de 3M et de 1P se côtoient au
jour le jour. Dans les établissements
Les figures 13.2 et 13.3 montrent que de ma- n’organisant que de l’enseignement maternel,
nière générale les établissements n’organisant l’interaction avec les collègues d’autres éta-
que de l’enseignement maternel maintiennent blissements qui accueillent généralement les
sensiblement moins d’élèves que les établis- élèves n’est pas si permanente. Ceci explique-
sements organisant les deux niveaux rait pourquoi les décisions de maintien y sont
d’enseignement. Toutefois, l’écart entre les moins nombreuses que dans les établisse-
taux a diminué par rapport à 2005 et 2006 et a ments organisant les deux niveaux.
même été négligeable en 2007.
Des analyses similaires ont été réalisées au
Les divergences entre les deux types niveau de l’implantation mais les résultats ne
d’établissements pour les deux premières sont pas présentés ici. Signalons simplement
années peuvent peut-être s’expliquer par que, lorsqu’on adopte ce niveau d’analyse, on
l’hypothèse suivante : les attentes du collègue n’observe plus de différence entre le taux de
de 1re primaire, ou plus précisément la repré- maintien selon que l’implantation organise ou
sentation que s’en fait l’enseignant de 3M, non de l’enseignement primaire, et cela quelle
influencent sa décision de maintenir ou non que soit l’année scolaire considérée. On peut
un élève. Comme l’explique Crahay (1996) à supposer que, bien qu’appartenant à des im-
propos du doublement, « au moment de déci- plantations différentes, les enseignants d’un
der de la réussite ou de l’échec des élèves, même établissement se connaissent sans dou-
l’enseignant est confronté à un dilemme […] : te suffisamment pour que leur relation ait une
faire échouer un élève dont le niveau de per- influence sur les décisions de maintien, ce qui
formance est à la limite de ce qu’il croit devoir n’est pas le cas pour des enseignants apparte-
être exigé, c’est courir le risque d’interrompre nant à des établissements différents, avec des
inutilement la scolarité d’un élève, mais cette directions différentes.
erreur possible, l’enseignant sait qu’il est fort
peu probable qu’on la lui reproche. En revan-
e
38 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques établissements et implantations
13.4. Evolution du taux de maintien entre 2004-2005 et 2008-2009 selon le(s) niveau(x) d'en-
seignement organisé(s) dans l'établissement
4,50%
4,00%
3,50%
3,00%
2,50%
2,00%
1,50%
1,00%
0,50%
0,00%
2005 2006 2007 2008 2009
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 39
14. Nombre d’années avec maintien par implantation et
par établissement de 2004-2005 à 2008-2009
Entre 2004-2005 et 2008-2009, environ 60% des implantations et plus de trois quarts des
établissements ont maintenu au moins deux années sur cinq.
Le nombre de maintiens a été calculé par im- La figure 14.2 présente les mêmes informa-
plantation et par établissement pour chaque tions par établissement. Puisqu’une partie des
année scolaire reprise dans la base de don- établissements regroupent plusieurs implanta-
nées 1. A partir de là, il est possible de comp- tions (et donc un plus grand nombre d’élèves),
tabiliser, pour chaque implantation ou établis- la proportion d’établissements qui maintien-
sement, le nombre d’années scolaires pour nent souvent est plus élevée que pour les
lesquelles elle a décidé de maintenir au moins implantations.
un élève en 3e maternelle.
21,4% des établissements ne maintiennent
La figure 14.1 présente ces informations par quasiment jamais d’élèves (soit maximum 1
implantation. On peut y lire que 173 implan- année sur 5) et plus de trois quarts des éta-
tations sur 2588, soit 6,7%, ont maintenu au blissements maintiennent au moins deux an-
moins un élève chaque année. nées sur cinq (avec 16,1% des établissements
qui maintiennent chaque année).
L’analyse de ces résultats montre qu’un peu
moins de 40% des implantations n’ont quasi-
ment jamais maintenu (soit au maximum une
année sur cinq) et que plus de 60% des im-
plantations maintiennent au moins deux an-
nées sur cinq.
1
Seules les implantations et les établissements apparaissant
chaque année dans la base de données ont été prises en comp-
te.
e
40 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Caractéristiques établissements et implantations
14.2. Pourcentage d’implantations selon le nombre d’années où au moins un élève a été main-
tenu
Nb d'années
Nb d'impl. Pourcentage Regroupement
avec maintien
14
Nb d'années
Nb d'étab. Pourcentage Regroupement
avec maintien
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 41
15. Parcours sur 5 ans des élèves en 3e maternelle en
2004-2005
Cette analyse présente les parcours scolaires En conclusion, les élèves maintenus en 3e ma-
observés sur cinq ans des élèves nés en 1999 ternelle ont davantage tendance à redoubler
fréquentant une 3e maternelle en 2004-2005 1. par la suite et/ou à être orientés dans
l’enseignement spécialisé que les élèves non
La figure 15.1 présente l’évolution scolaire des maintenus.
élèves inscrits en 3e maternelle en 2004-2005.
Plus précisément, les parcours sont étudiés Une analyse complémentaire permettant
selon que les élèves ont été maintenus ou d’appréhender la situation scolaire des élèves
non. qui ont été maintenus selon le trimestre de
naissance et le genre a été réalisée (figures
Parmi les élèves qui n’ont pas été maintenus 15.2 et 15.3). Cette analyse permet de consta-
(ceux en 1re année primaire en 2005-2006), ter que les élèves maintenus sont davantage
85% ont un parcours « P1-P2-P3-P4 ». Les 15% orientés vers l’enseignement spécialisé lors-
d’élèves restants ont soit redoublé une année, qu’ils sont nés en début d’année. Ces élèves
soit été orientés vers l’enseignement spéciali- sont à l’inverse moins nombreux à être en 4e
sé. primaire (parcours sans échec) en 2009-2010.
En ce qui concerne les élèves qui ont été Les parcours scolaires selon le genre ne sem-
maintenus en 3e maternelle, ils ont, par la blent pas vraiment se différencier. On retrou-
suite, un parcours « P1-P2-P3-P4 » dans 49% ve, à peu de chose près, autant de filles que
des cas. Les 51% d’élèves restants répètent de garçons dans les différentes années.
une autre année scolaire ou sont orientés vers
l’enseignement spécialisé.
1
Seuls les élèves pour lesquels l’information sur l’année d’étude
était fournie pour chaque année scolaire ont été pris en comp-
te.
e
42 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Parcours
15.2. Parcours scolaire des élèves de 3e maternelle en 2004-2005 selon qu’ils ont été mainte-
nu ou non.
80%
70%
60%
50% 100%
93%
87% 85%
40% 82%
30%
20%
10%
0%
05-06 06-07 07-08 08-09 09-10
50% 100%
88%
40%
69%
30% 58%
49%
20%
10%
0%
05-06 06-07 07-08 08-09 09-10
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 43
Parcours
15.3. Situations scolaires en 2009-2010 des élèves entrés à 7 ans en 1re année primaire en
2006-2007 selon leur trimestre de naissance.
Elèves nés au 1er, 2e et 3e trimestres (937 élèves) Elèves nés au 4e trimestre (1067 élèves)
P3
16,9% P3
20,6%
P4 P4
40,9% 56,5%
Spécialisé
41,8% Spécialisé
22,5%
Autres
Autres
0,4%
0,4%
Parmi les 1067 élèves maintenus nés au 4e trimestre, 56,5% se retrouvent en 4e primaire (P4) 4 ans
plus tard.
15.4. Situations scolaires en 2009-2010 des élèves entrés à 7 ans en 1re année primaire en
2006-2007 selon leur genre.
Filles (760 élèves) Garçons (1244 élèves)
P3 P3
19,2% 18,6%
P4
P4
46,7%
Spécialisé 50,8% Spécialisé
33,8% 30,1%
Autres Autres
0,3% 0,5%
Parmi les 760 filles maintenues, 46,7% se retrouvent en 4e primaire (P4) 4 ans plus tard.
e
44 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
16. Impact respectif de chacune des caractéristiques élèves
et écoles sur le maintien en 3e maternelle
Les résultats présentés dans cette section en 1er trimestre. Ces risques s’élèvent à 2,5 pour
guise de synthèse ont pour objectif d’étudier un enfant né au 3e trimestre et à 5,5 pour
l’impact respectif de chacun des facteurs pris celui né au 4e trimestre. Le genre est égale-
en compte jusqu’ici. ment une variable importante puisqu’un gar-
çon a 1,7 fois plus de risques d’être maintenu
La figure 16.1 détaille les risques relatifs d’être qu’une fille, toutes choses étant égales par
maintenu en fonction de différentes caracté- ailleurs. Le niveau socio-économique du quar-
ristiques individuelles et d’implantations 1. tier dans lequel habite l’élève (ISE) a égale-
Chaque valeur du tableau montre l’effet pro- ment un impact. En effet, un enfant habitant
pre de chacune de variables introduites dans dans un quartier très défavorisé (quartile ISE
l’analyse une fois tenu sous contrôle l’effet 1) a 1,9 fois plus de risques d’être maintenu
des autres variables. Pour chaque variable qu’un élève provenant d’un quartier très favo-
étudiée, la variable de référence, c’est-à-dire risé (quartile 4). Pour l’élève provenant d’un
celle à laquelle on compare le risque, est men- quartier défavorisé (2e quartile) le risque di-
tionnée entre parenthèses. minue légèrement (x1,5). Il n’y a pas vraiment
de différence entre les élèves des quartiles
Dans la figure 16.1, les résultats sont présen- favorisés (quartile 3) et très favorisés (quartile
tés pour deux années d’étude. La première 4). La nationalité est une autre variable étu-
colonne présente les résultats pour les déci- diée ici. Il n’y a pas de différence significative
sions prises en juin 2008, c’est-à-dire juste dans les risques relatifs d’être maintenus en-
avant l’application du décret limitant à 4 ans la tre les élèves Belges et ceux de nationalité
durée du cycle 5-8. La deuxième colonne pré- européenne. Par contre, les élèves de nationa-
sente quant à elle les résultats pour les déci- lité non européenne ont 1,3 fois plus de ris-
sions prises en juin 2009, année de mise en ques d’être maintenus que les élèves de na-
application du décret. tionalité Belge. Enfin, la dernière caractéristi-
que étudiée ici est le lieu de résidence de
L’analyse des résultats pour l’année 2008 l’enfant. On constate, qu’à caractéristiques
permet de constater que la variable ayant égales, habiter le Brabant Wallon (x1,5), Na-
l’impact le plus fort est le trimestre de nais- mur (x1,3) ou le Hainaut (x1,2) plutôt que
sance. Toutes choses égales par ailleurs, un Liège, multiplie les risques d’être maintenu.
enfant né au 2e trimestre a 1,6 fois plus de
risques d’être maintenu qu’un enfant né au En ce qui concerne les caractéristiques liées à
l’implantation fréquentée, la taille et l’ISE
1
En ce qui concerne les variables liées à moyen jouent un rôle dans les risques de
l’implantation, seuls l’ISE et la taille ont été repris
maintien des élèves. Une fois les caractéristi-
dans cette analyse. En effet, aucune différence
entre le taux de maintien selon que l’implantation ques personnelles contrôlées, l’élève fréquen-
organise ou non de l’enseignement primaire tant une petite implantation (quartile 1) a 1,6
n’avait pu être constaté.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 45
fois plus de risques d’être maintenu qu’un lorsque l’on connaît les caractéristiques de
élève fréquentant une grande implantation l’élève et celles de l’implantation qu’il fré-
(quartile 4). De la même manière, à ISE indivi- quente. La figure 16.2 présente ces probabili-
duel égal, un élève qui fréquente une implan- tés pour quelques profils d’élèves. L’élève qui
tation défavorisée (quartile 1) a 1,4 fois plus cumule toutes les caractéristiques les plus
de risques d’être maintenu qu’un élève fré- « défavorables » (garçon non européen né au
quentant une implantation favorisée (quartile 4e trimestre, habitant un quartier défavorisé
4). du Hainaut, et fréquentant une petite implan-
La comparaison des résultats de 2009 avec tation défavorisée), a 19 chances sur 100
ceux présentés ci-dessus ne permet pas de d’être maintenu alors qu’en moyenne ces
constater une grande évolution. Les risques chances sont d’environ 4%. Celles-ci dimi-
d’être maintenus restent globalement les nuent à 15% s’il est de nationalité belge et à
mêmes. Une légère diminution peut toutefois 3% si, en plus, le garçon est né au premier
être constatée au niveau de l’impact du genre trimestre. Une fille qui a les caractéristiques
et de l’ISE de l’implantation. Pour le reste, les plus « défavorables », a 12 chances sur 100
toutes choses étant égales par ailleurs, les d’être maintenue. Ces probabilités baissent à
risques changent peu. 9% si celle-ci est Belge et a 1% si, en plus, elle
est née au premier trimestre.
L’analyse de régression permet également
d’analyser les probabilités d’être maintenu
e
46 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Régressions logistiques
1
*** significatif à .001 - ** significatif à .01 - * significatif à .05
16.2 Probabilités d’être maintenu en 3e maternelle pour un élève dont on connait les caractéris-
tiques individuelles et des caractéristiques implantations (décisions de juin 2008)
Caractéristiques
ISE établis- Probabilités
Genre ISE élève Trimestre Nationalité Résidence Taille impl. sement
Garçon Q1 T4 HUE Hainaut Q1 Q1 0,19
Garçon Q1 T4 Belge Hainaut Q1 Q1 0,15
Garçon Q1 T1 Belge Hainaut Q1 Q1 0,03
Fille Q1 T4 HUE Hainaut Q1 Q1 0,12
Fille Q1 T4 Belge Hainaut Q1 Q1 0,09
Fille Q1 T1 Belge Hainaut Q1 Q1 0,01
1
Les seuils de significativité sont donnés à titre indicatif puisque nous travaillons sur la population.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 47
17. Conclusion
Alors que l’efficacité du redoublement (Holmes et Matthews, 1984 ; Jimmerson, 2001 ; Ou et Re-
ynolds, 2010) et les représentations des enseignants (Byrnes, 1990 ; Pini, 1991 ; Kagan, 1992) le
concernant ont fait l’objet de nombreuses études, le maintien en 3e maternelle semble avoir été
nettement moins investigué jusqu’ici. Pourtant, en Communauté française de Belgique, même si les
taux de maintien ont diminué ces deux dernières années, passant d’un taux avoisinant les 5% à un
taux de 3,81% en 2009-2010, ces chiffres restent importants. Ils sont d’autant plus interpellants que
le maintien intervient alors que l’enseignement n’est pas encore obligatoire. Autrement dit, des élè-
ves démarrent l’enseignement primaire en ayant déjà un an de retard alors qu’ils auraient pu y en-
trer à l’âge « normal » sans jamais avoir fréquenté l’école maternelle.
Les analyses descriptives et de régression menées au départ des bases de données de la Communau-
té française de ces six dernières années ont permis de mettre en évidence un certain nombre
d’informations concernant le profil des élèves maintenus et leur parcours scolaire sur quatre années.
Le profil des établissements et/ou implantations qui ont pour pratique de maintenir a également été
étudié.
Les principaux constats issus de ces analyses amènent à formuler quelques hypothèses explicatives
du maintien en 3e maternelle concernant :
• Le genre : les garçons sont proportionnellement plus maintenus que les filles. Une des hypo-
thèses, un peu stéréotypée, est celle des difficultés plus grandes pour les garçons à se
concentrer, à leur caractère plus « turbulent » qui pourrait leur être préjudiciable au mo-
ment du passage en 1re primaire, où la nécessité de rester assis sur un banc une grande par-
tie de la journée devient réelle.
• Le trimestre de naissance : l’étude de cette caractéristique permet de constater que les en-
fants nés fin d’année sont davantage maintenus que les autres. Cette différence en fonction
du mois de naissance peut sans doute être assimilée à des différences de maturité qui font
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 49
naître chez les enseignants un doute quant à la possibilité pour ces enfants de suivre une 1re
primaire avec fruit.
• Le niveau socioéconomique du quartier d’origine de l’enfant : les élèves issus des quartiers
les plus défavorisés (quartile 4) sont davantage maintenus que les autres. Ces inégalités so-
ciales face au maintien peuvent sûrement en partie s’expliquer par des différences de capital
culturel (Duru-Bellat, 2003) qui engendrent des difficultés pour l’enfant à s’adapter à la
culture scolaire.
• La nationalité : les élèves non européens sont davantage victimes du maintien que les autres.
L’hypothèse principale liée à la nationalité se rapporte très certainement aux difficultés pour
l’enfant de s’adapter à une nouvelle culture et encore plus à une langue qu’il ne parle peut-
être pas encore.
• La province habitée : il semble que ce soient les élèves du Hainaut qui soient les plus touchés
par le maintien. Nous faisons l’hypothèse qu’il pourrait exister un effet néfaste du regrou-
pement massif d’élèves défavorisés, même pour les enfants qui seraient issus d’un milieu
plus privilégié.
Enfin, il est à noter que les écarts mis en évidence entre les différentes catégories d’élèves tendent à
diminuer au cours du temps et cela en faveur des populations les plus touchées. Cette diminution
fait, le plus souvent, suite à la mise en application du décret limitant à quatre ans le nombre maxi-
mum d’années pour parcourir le cycle 5-8.
L’analyse du parcours scolaire des élèves sur quatre ans après leur année de maintien permet de
constater que presque un quart d’entre eux redouble une année par la suite tandis qu’un autre quart
est orienté vers l’enseignement spécialisé. Seule la moitié des élèves maintenus termineront donc
leurs quatre premières années du primaire sans échec, alors qu’ils sont plus de 80% dans ce cas lors-
qu’ils n’ont pas été maintenus. Si cette comparaison ne suffit sans doute pas pour tirer des conclu-
sions quant à l’efficacité ou non du maintien, on peut toutefois constater que pour 50% des élèves
maintenus, cette année supplémentaire ne permet en tout cas pas d’éviter les difficultés par la suite.
Par ailleurs, lorsqu’on met en relation le trimestre de naissance avec ce parcours sur 4 ans des élèves
maintenus, on remarque que les élèves nés en début d’année sont, par la suite, davantage orientés
vers l’enseignement spécialisé (41,8%) que ceux nés au 4e trimestre (22,5%). Cette proportion
d’enfants orientés vers le spécialisé plus élevée chez les enfants nés en début d’année donne à pen-
ser que les enfants nés en début d’année seraient davantage maintenus en raison de sérieuses diffi-
cultés d’apprentissage, voire d’un handicap (qui seront « reconnus » par la suite) alors que les en-
fants du 4e trimestre le seraient davantage pour des raisons liées à un retard de maturité supposé-
ment préjudiciable. Pendant l’année de maintien, les différences de maturité entre les enfants de
début et de fin d’année se résorberaient et affecteraient donc moins la suite du parcours scolaire. Si
l’argument peut être entendu (et si on néglige les 22,5% qui seront quand même envoyés vers
l’enseignement spécialisé), il n’est néanmoins pas suffisant pour attester de l’efficacité du maintien
pour ces élèves : les résultats ne permettent pas de savoir si les différences de maturité ne se se-
raient pas tout autant résorbées en l’absence de maintien.
e
50 - Partie 1 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Enfin, l’analyse des caractéristiques des établissements et/ou implantations dans lesquels le maintien
est pratiqué met en évidence plusieurs constats concernant :
• La taille de l’implantation : il semble que l’on maintienne plus dans les implantations de peti-
te taille.
• Les niveaux organisés (maternelle seule ou maternelle et primaire) dans l’établissement ont
été étudiés : on maintient moins dans les établissements où n’est pas organisé
d’enseignement primaire. Ceci peut sans doute s’expliquer par le fait que les enseignants
travaillant dans des établissements n’organisant que du maternel craignent moins les juge-
ments que pourraient porter les enseignants du primaire à leur égard et donc maintiennent
moins que ceux qui ont des contacts directs et fréquents avec leurs collègues du primaire du
même établissement.
Notons également que ces analyses au niveau des établissements ont permis de constater qu’un
cinquième des élèves changent d’établissement pour répéter leur 3e maternelle et qu’un peu moins
de 40% des implantations ne maintiennent quasi jamais (au plus un an sur cinq).
L’ensemble des analyses réalisées met en évidence des réalités statistiques : surreprésentation des
garçons, lien avec l’indice socioéconomique et avec le trimestre de naissance, taille de
l’établissement… D’autres approches sont nécessaires pour comprendre et interpréter les causes du
maintien et les raisons pour lesquelles, aux yeux des acteurs que sont les parents et les enseignants,
il touche plus particulièrement certains enfants et se révèle plus fréquent dans certains contextes
scolaires, socio-économiques ou géographiques.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 51
18. Bibliographie
Byrnes, D.A. (1990). Attitudes of students, parents and educators. In L.A. Separd & M.L. Smith (Eds).
Fluking Grades. Research and policies on retention (pp.108-131). Bristol: Falmer Press.
Duru-Bellat, M. (2003). Inégalités sociales à l’école et politiques éducatives. Paris : Organisation des
Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.
Holmes, C.T., & Matthews, K.M., (1984). The effect of nonpromotion on elementary and junior high
school pupils: a meta-analysis. Review of Educational Research, 54(2), 225-236.
Jimerson, S.R. (2001). Meta-analysis of Grade Retention Research: Implications for Practice in the
21st Century. School Psychology Review, 30(3), 420-437.
Kagan, D.M. (1992). Implications of research on teacher beliefs. Educational Psychologist, 27,
65-90.
Ou, S.R., & Reynolds, A.J. (2010). Grade retention, postsecondary education, and public aid receipt.
Educational Evaluation and Policy Analysis, 32(1), 118-139.
Pini, G. (1991). Effets et méfaits du discours pédagogique. Education et Recherche, 13(3), 255-27.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 1 - 53
Partie 2
Les pratiques et les représentations
relatives au maintien à travers une
enquête par questionnaires auprès
d’un échantillon d’enseignants
Cette partie de l’étude présente les résultats d’une enquête par questionnaires visant à
cerner les attitudes et les représentations des enseignantes1 à propos de diverses facettes
du maintien : pourquoi estiment-elles que certains élèves doivent être maintenus, quelles
représentations ont-elles des différences d’aptitudes des enfants et du temps nécessaire à
leurs apprentissages, que pensent-elles de l’efficacité du maintien, quel rôle peut jouer la
concertation entre enseignants du cycle 5-8 dans les décisions à prendre, quels soutiens
pourraient réduire la fréquence des maintiens ? Il était important, en particulier, de vérifier
si des différences existent sur ces divers points entre les enseignantes qui pratiquent le
maintien en maternelle et celles qui n’y ont pas recours, et d’identifier d’éventuelles
similitudes (ou divergences) entre les praticiennes enseignant au niveau maternel et leurs
collègues de première année primaire.
Ce rapport comporte essentiellement deux parties. La première porte sur les pratiques de
maintien tandis que la deuxième concerne les représentations, les opinions et leur influence
sur les pratiques. Avant la description des résultats, quelques informations à propos de la
population des répondantes et de l’instrument utilisé sont signalées.
LA POPULATION
Le recueil de données a été effectué fin mai 2010. Des questionnaires destinés aux
enseignant(e)s de 3e maternelle (3M) et de 1re primaire (P1) ont été envoyés aux directions
des 607 établissements qui organisent un enseignement maternel en Communauté française
de Belgique. L’enseignante titulaire des élèves de 3e maternelle de chaque implantation est
invitée à compléter le questionnaire qui lui est personnellement destiné (3M) et de
transmettre à son collègue de 1re primaire le questionnaire qui le concerne (P1).
Sur les 1500 questionnaires envoyés en mai 2010 à l’attention des enseignantes du
maternel, 769 ont été complétés et retournés (accompagnés dans 649 cas du questionnaire
parallèle destiné au collègue de première année primaire). Ils proviennent de 386 écoles. De
ces 769 questionnaires, 719 sont exploitables pour les analyses. En effet, pour 50
questionnaires, aucune information relative au maintien n’a été indiquée.
L’INSTRUMENT
Les questionnaires de 3e maternelle (3M) et de 1re primaire (P1) sont des versions
partiellement parallèles d’un même instrument. Il comporte les sections suivantes :
1
Plus de 99% des questionnaires ont été complétés par des femmes. Dans ce rapport, nous avons décidé
d’utiliser le féminin lorsqu’il est question des enseignants et enseignantes de 3M et 1P.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 1
de l’évaluation formative et de la pédagogie différenciée, de la continuité des
apprentissages, composition des classes, adhésion au décret de l’école de la réussite).
• Maintien en maternelle
Cette section est présente tant dans la version 3M que dans la version P1 du
questionnaire, dans des formes adaptées à chacun des niveaux. Elle concerne les
élèves effectivement maintenus. Un certain nombre de questions fermées portent
sur des cas concrets. Le but de cette concrétisation est de laisser la possibilité aux
enseignantes de nuancer leur point de vue et d’éviter les discours généraux (par
exemple, « ça dépend »).
En 3e maternelle, ces questions ciblent les élèves maintenus pour chacune des trois
dernières années scolaires. Elles portent sur les raisons du maintien (questions
fermées construites à partir d’une pré-enquête auprès d’enseignantes/détachées),
sur les moments auxquels le maintien a été pressenti/décidé, sur les personnes
intervenues dans la décision et l’accord des parents et sur les différents éléments non
liés à l’élève qui peuvent intervenir dans la décision. Pour chaque élève maintenu,
l’enseignante de 3e maternelle doit également caractériser l’état des compétences au
moment du maintien. Enfin, une question ouverte est prévue sur les éventuels
dispositifs pédagogiques spécifiquement mis en place à l’attention des élèves
maintenus.
En 1re primaire, les questions ciblent les élèves actuellement en P1 qui avaient été
maintenus en 3M. Même s’il n’y a pas de correspondance parfaite, on vise un
recouvrement entre ces questions et celles du questionnaire 3M relatives aux
décisions de maintien en 2007-2008. C’est pour cette raison que la partie
correspondante du questionnaire 3M remonte trois années en arrière.
e
2 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
• Votre avis sur…
Les questions de cette partie du questionnaire sont quasi-identiques pour les
enseignantes de P1 et 3M. Elles concernent des représentations et des croyances
susceptibles d’influencer les décisions de maintien. Elles portent sur :
- leurs opinions sur l’efficacité du maintien. L’échelle utilisée est une adaptation
des questionnaires traditionnellement utilisés pour appréhender les croyances
relatives au redoublement (outils et travaux de Crahay (1996) et de Pini (1991)) ;
• 61% signalent avoir pris au moins une décision de maintien pour un élève au cours
des trois années scolaires sur lesquelles portaient les questions (2007-2008, 2008-
2009 et 2009-2010). Au total, 832 élèves ont été maintenus dans leurs classes durant
cette période.
• 39% affirment n’avoir pris aucune décision de maintien pendant ces trois années.
Dans la plupart des cas (70%), elles disent n’en avoir jamais eu l’occasion ; 4% disent
qu’elles ne maintiennent pas d’élèves par principe et 6% estiment que c’est une
mesure inutile. A noter que 20% des enseignantes qui n’ont pas maintenu expliquent
leur réticence à maintenir des élèves en maternelle parce qu’elles estiment qu’il vaut
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 3
mieux laisser à l’enfant la possibilité de recommencer, au besoin, la 1re ou la 2e
année primaire (question 46).
Les cas de maintien sont proportionnellement plus fréquents dans des écoles bénéficiant de
subsides liés au décret sur l’encadrement différencié (D+) (Tableau 1). La corrélation
bisériale entre le nombre de maintiens déclarés pour les trois années écoulées et le fait que
la titulaire enseigne dans une implantation D+ est de 0.17.
Dans le même ordre d’idées, les enseignantes qui jugent que les enfants de leur classe sont
issus en majorité d’un milieu défavorisé déclarent significativement plus de maintiens que
les autres (tableau 2). La corrélation entre la proportion d’élèves de la classe considérés par
l’institutrice comme étant de milieu socio-culturellement favorisé et le nombre total de
maintiens durant les trois dernières années est ainsi de -0.21. Le nombre total de maintiens
déclarés est également plus élevé dans les classes comportant de nombreux élèves ne
parlant pas français à la maison (corrélation de -0.14).
Tableau 2. Taux de maintien chez les enseignantes estimant que la majorité des enfants
de leur classe sont issus d’un milieu « favorisé », « moyen » ou « défavorisé »
Ces résultats sont cohérents avec les analyses menées sur la base de données complète, où
l’on observe une relation significative entre la probabilité de maintien et l’indice
socioéconomique (ISE) du quartier où vit l’enfant.
e
4 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Par comparaison avec les résultats observés auprès de la population complète (où la
présence de classes primaires dans l’implantation s’avère liée à un plus grand nombre de
maintiens), l’échantillon d’enseignantes ayant répondu au questionnaire ne fait apparaître
aucune différence significative entre les implantations groupant à la fois des classes
maternelles et primaires et celles ne comportant que des classes maternelles.
De plus, à la différence de ce qui est observé dans la population complète, les maintiens sont
proportionnellement moins nombreux, dans cet échantillon, quand l’implantation ne
comporte qu’une seule classe maternelle, et plus nombreux quand elle en comporte quatre
ou plus (Tableau 3).
Lorsqu’une seule classe maternelle existe dans l’implantation, il s’agit le plus souvent d’une
classe « mixte » (regroupant des enfants de 1re, 2e et 3e années maternelles). Comme le
montre le tableau 4, les enseignantes qui ont en charge une classe mixte tendent
effectivement à utiliser le maintien un peu moins souvent que celles dont la classe est
composée uniquement d’enfants de 3e maternelle. Il est possible que l’hétérogénéité des
âges, en permettant une meilleure intégration des plus faibles, soit à l’origine de cet effet
positif.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 5
Tableau 5. Taux de maintien selon l’ancienneté dans la fonction
Un peu plus de la moitié des enseignantes de 3e maternelle affirment collaborer avec des
collègues de 1re primaire (Tableau 6). On observe un lien significatif entre ces déclarations et
le taux de maintien qui ne confirme pas, hélas, l’hypothèse qu’une telle coopération pourrait
réduire la nécessité des maintiens. En fait, les enseignantes affirmant qu’elles collaborent
avec leurs collègues de première année primaire sont significativement plus nombreuses à
avoir demandé des maintiens au cours des trois dernières années.
Cet apparent paradoxe s’explique probablement par le rôle important joué par les
perceptions qu’ont les enseignantes de 3e maternelle à propos des attentes des titulaires de
1re primaire. Deux tiers des enseignantes du maternel (qu’elles maintiennent ou non) ne se
sentent pas le droit de laisser entrer en 1re année des élèves qui présentent des lacunes
importantes (Tableau 7). Elles ont de bonnes raisons de le penser, car 79% des titulaires de
1re année s’attendent à ce qu’elles agissent de cette manière. On observe une relation
significative entre les attentes de ces dernières et l’existence de maintiens dans
l’implantation où elles enseignent. Dans les implantations qui maintiennent, les titulaires de
1re primaire sont plus nombreuses (83%) à souhaiter qu’on ne laisse pas entrer dans leurs
classes des élèves présentant des difficultés, contre 73% dans les implantations sans
maintien.
e
6 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
e re
Tableau 7. Attentes mutuelles des enseignantes de 3 maternelle et de 1 primaire
Maternel : Vis-à-vis du collègue qui recevra ma classe l'année suivante, je n'ai pas le droit de
re
laisser entrer en 1 primaire un élève qui présente des lacunes importantes.
P
n'ont pas maintenu ont maintenu des
Tous
d'élèves élèves
Pas du tout d’accord 9% 8% 10%
Pas d’accord 24% 27% 22%
Plutôt d’accord 44% 45% 43% NS
Tout à fait d’accord 22% 20% 24%
∑ 100% 100% 100%
e re
Primaire : J’attends de l’institutrice de 3 maternelle qu’elle ne laisse pas entrer en 1
primaire un élève qui présente des difficultés importantes.
Enseignent dans une Enseignent dans P
Tous implantation sans une implantation
maintenus avec maintenus
Pas du tout d’accord 4% 4% 4%
Pas d’accord 17% 22% 12%
Plutôt d’accord 46% 42% 49% .003
Tout à fait d’accord 33% 31% 34%
∑ 100% 100% 100
La relation significative observée entre collaboration et maintien est encore plus paradoxale
dans le cas des enseignantes qui affirment que le but de cette collaboration est d’assurer
une continuité de l’apprentissage. En revanche, les différences en termes de maintiens ne
sont pas significatives lorsque les enseignantes de 3e maternelle déclarent que la
collaboration porte sur la préparation à l’enseignement primaire (Tableau 8).
Des mêmes questions sur les objectifs de la collaboration ont été posées aux institutrices de
1re année primaire ; aucune différence significative ne s’observe entre les réponses de celles
exerçant dans des implantations où le maintien est présent et celles où il ne l’est pas.
e re
Tableau 8. Collaboration entre enseignantes de 3 maternelle et de 1 primaire
re
b) Si oui, est-ce avec l’enseignante de 1 primaire
86% 87% NS
qui accueille la plupart de vos élèves ? (86%)
c) Est-ce que vous collaborez avec elle dans le but
Oui : d’assurer une continuité pour les élèves qui sont 59% 68% .05
52% re
en 1 primaire (vos anciens élèves) ? (64%)
d) Est-ce que vous collaborez avec elle dans le but
e
de préparer les 3 maternelles à la transition vers 60% 64% NS
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 7
le primaire ? (70%)
e
8 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
e re
Tableau 8. Collaboration entre enseignantes de 3 maternelle et de 1 primaire (suite)
e
b) Si oui est-ce avec l’enseignante de 3 maternelle
90% 94% NS
dont provient la plupart de vos élèves ? (93%)
c) Est-ce que vous collaborez avec elle dans le but
Oui : d’assurer une continuité pour les élèves qui sont 72% 72% NS
64% dans votre classe ? (74%)
d) Est-ce que vous collaborez avec elle dans le but
e
de préparer les 3 maternelles à la transition vers 75% 72% NS
le primaire ? (74%)
Il est intéressant d’examiner les réponses des enseignantes de 3e maternelle, qui ont
demandé des maintiens au cours des trois années écoulées, aux questions portant sur les
raisons qui les ont amenées à le faire pour chacun des élèves maintenus. La proposition
« qui décrit le mieux la raison du maintien », cochée pour 57% des cas de maintien, est la
« difficulté d’aboutir aux apprentissages ». Les raisons qui viennent aux deuxième et
troisième rangs, choisies chacune par un tiers d’entre elles, sont l’existence d’un « retard
déjà à l’entrée en 3e maternelle » ou d’un « manque de maturité » (Tableau 9).
Tableau 9. Raisons citées par les enseignantes pour expliquer leurs demandes de maintien
e
N : 436 enseignantes de 3 maternelle ayant répondu aux questions sur les élèves qu’elles ont
maintenus
% de cas de maintien
Cochez la proposition qui décrit le mieux la raison du maintien*
où la raison est citée
5. Difficulté d’aboutir aux apprentissages 56,6%
e
10. Retard déjà à l’entrée en 3 maternelle 36,3%
2. Manque de maturité 35,3%
9. Résultats aux tests PMS 32,5%
1. Mauvaise maîtrise du langage 30,8%
11. Manque de psychomotricité fine 26,0%
3. Climat familial défavorable 17,3%
4. Statut socioculturel faible de la famille 17,3%
6. Découragement, blocage ou résignation de l’élève 14,3%
7. Problème psychologique d’ordre général 11,8%
8. Handicap mental reconnu 5,1%
* Les items sont rangés de celui qui a été évoqué le plus souvent à celui qui l’a été le moins souvent.
Le total cumulé est supérieur à 100% dans la mesure où les enseignantes ont souvent cité plus d’une raison.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 9
Ces données ont été soumises à une analyse factorielle en composantes principales dont les
résultats apparaissent dans le tableau 10.
Tableau 10. Analyse en composantes principales des causes du maintien de l’élève selon les enseignantes de
e
3 maternelle
N= 785 élèves maintenus
Au total, les trois facteurs extraits expliquent 53% de la variance (Tableau 10).
Si les raisons de maintien principalement évoquées par les enseignantes constituent par
ailleurs les aspects qui nourrissent les échanges entre enseignantes de maternelle et de
primaire, cela pourrait peut-être expliquer l’effet négatif sur les taux de maintien de leur
collaboration avec les collègues du primaire. On peut en effet supposer que, si tel est le cas,
e
10 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
l’échange consiste à communiquer des états de fait, plus qu’à chercher quelles solutions
concrètes mettre en place pour aider les enfants en difficulté. Le risque est que ce type
d’information ne produise des effets d’étiquetage, qui ne sont pas de nature à aider un élève
à surmonter ses difficultés, et qui sont même de nature à lui nuire.
Particulièrement quand la raison du maintien est le manque de maturité, il semble ainsi que,
pour les plus jeunes, tout soit joué avant même que la maturation puisse éventuellement se
manifester. Plusieurs commentaires d’enseignantes insistent sur l’importance du facteur
âge :
• « Le « maintien » n’est pas une institution mais une manière d’offrir à un enfant la possibilité
d’évoluer à son rythme. Les enfants nés aux mois d’octobre, novembre et décembre sont souvent
« victimes » du système scolaire ; s’il était judicieusement adapté, le maintien n’aurait plus lieu
e
d’être. Et je préfère maintenir un enfant en 3 maternelle plutôt que de le faire redoubler une
année en primaire. C’est la base, ce sont les fondations qui doivent être solides pour garantir la
construction de l’édifice » ;
Parmi les enseignantes de 1re primaire, nombreuses sont celles qui évoquent le mois de
naissance comme origine de l’immaturité qui a entraîné le maintien :
• « Manque de maturité (élève de fin d’année). »
er
• « Un enfant né le 31 décembre par rapport à un enfant né le 1 janvier de la même année. Ça fait
presque un an de différence ! »
• « Je trouve qu’au départ, les parents, qui connaissent quand même mieux leurs enfants que les
re
politiciens, devraient avoir le choix d’inscrire leur enfant en pré-maternelle ou en 1 maternelle :
un enfant né fin décembre 2003 n’a pas beaucoup plus de maturité qu’un enfant né début janvier
re
2004, mais le premier est entré en 1 primaire en septembre 2009, alors que le second entrera en
re
1 primaire en septembre 2010, pour un « niveau de maturité » équivalent. Ça, c’est pour moi
inacceptable. »
Enfin, il est à noter que, selon les enseignantes du primaire (Tableau 11), les élèves qui sont
dans leur classe et qui ont été maintenus peuvent être considérés comme des élèves plutôt
faibles, qui éprouvent davantage de difficultés que les autres. Dans 62% des cas,
l’enseignante de primaire pense que le maintien a été bénéfique pour l’élève et que
conserver cette année complémentaire au primaire ne lui aurait pas été plus profitable.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 11
1.4.2. Les tâches que les enfants maintenus ne sont pas capables de réaliser
Une autre analyse factorielle permet d’approfondir la question des difficultés à l’origine des
décisions de maintien. Pour chacun des élèves maintenus, il a été demandé aux
enseignantes de 3e maternelle d’indiquer si cet enfant maîtrise, ne maîtrise qu’en partie, ou
ne maîtrise pas un certain nombre de tâches. Cette seconde série d’items a été complétée
pour une partie seulement des élèves maintenus ; le nombre élevé d’omissions rend son
analyse difficile et les résultats peu robustes.
% des élèves
Facteur 1
maintenus Facteur 2
Ranger, Facteur 3 Facteur 4
qui ne Respect
classer, Motricité Expression
maîtrisent des
dénom- fine orale
pas cette consignes
brer
tâche
Var148 44.19. Situer des obj.dans l'espace (D/G ; sur/ss) 59,1% 0,518 0,382 0,215 0,187
Var150 44.21. Continuer des séries rythmiques 57,9% 0,440 0,606 -0,017 0,175
Var138 44.9. Rester appliqué face à une tâche 53,3% 0,047 0,697 0,247 0,041
Var134 44.5. Savoir décrire des objets 52,0% 0,277 0,203 0,054 0,806
Var135 44.6. Savoir s’exprimer 51,7% 0,139 0,183 0,041 0,842
Var147 44.18. Respecter des consignes imagées 50,5% 0,386 0,606 0,126 0,225
Var146 44.17. Ordre chronol. des événements du jour 50,2% 0,600 0,411 0,105 0,231
Var140 44.11. Reconnaitre les saisons sur une image 47,1% 0,535 0,159 0,150 0,426
Var139 44.10. Tracer 43,7% 0,288 0,480 0,484 -0,004
Var137 44.8. Respecter les consignes 40,2% 0,300 0,602 0,220 0,182
Var131 44.2. Savoir écrire son prénom 32,2% 0,283 0,191 0,665 0,119
Var151 44.22. Ecouter les autres 31,0% -0,019 0,677 0,090 0,166
Var144 44.15. Reconnaitre des formes dans un dessin 30,3% 0,695 0,353 0,096 0,125
Var133 44.4. Trier/classer des objets selon un critère 28,5% 0,619 0,200 0,185 0,334
Var145 44.16. Faire un puzzle 26,9% 0,355 0,501 0,143 0,085
Var149 44.20. S’approprier son espace de vie 21,4% 0,176 0,576 0,129 0,024
Var130 44.1. Ranger des objets du + petit au + grand 19,8% 0,689 0,123 0,179 0,007
Var132 44.3. Savoir tenir correctement son crayon 18,0% 0,129 0,115 0,813 0,025
Var141 44.12. Compter jusqu’à 5 17,0% 0,567 -0,006 0,234 0,264
Var142 44.13. Savoir découper 14,2% 0,082 0,389 0,595 0,073
Var143 44.14. Associer des objets de la même grandeur 13,0% 0,716 0,254 0,015 -0,001
Var136 44.7. Reconnaître les couleurs 12,7% 0,536 -0,020 0,331 0,347
Variance totale expliquée : 56% F1 : 19,1% F2 : 17.0% F3 : 9.5% F4 : 9.5%
2
Le codage initial des items a été inversé afin que leur orientation soit négative (i.e., dans cette analyse, le
code 1 correspond à « maîtrise », le code 2 à « maîtrise partielle » et le code 3 à « non maîtrise »).
e
12 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Les quatre facteurs obtenus expliquent 56% de la variance totale.
Les deux derniers facteurs expliquent chacun environ 10% de la variance totale :
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 13
3. Le centre PMS 12%
4. Plusieurs choix 27%
Pour la décision finale, le CPMS a été consulté dans 100% des cas (obligation légale) de
même que les parents, à qui revient le dernier mot. Les enseignantes signalent, en outre,
que la direction a été consultée dans plus de 90% des cas, les collègues du maternel dans les
trois-quarts des cas et la logopède dans un cas sur deux. Par contre, les collègues du
primaire ne sont consultés que dans un tiers des cas et l’inspection dans un cas sur dix
(tableau 14).
Comment réagissent les parents quand ils ne sont pas à l’origine de la suggestion de
maintien ? Sur ce point, on observe une réelle différence entre la réaction des parents avant
et après 2009 (Tableau 15). En ce qui concerne les demandes de maintiens effectuées
pendant les deux premières années de l’étude, 93% des parents acceptaient immédiatement
la proposition de l'enseignante. Ils ne sont plus que 70% en 2009-2010 à ne pas remettre en
question la suggestion de maintien. Les conséquences du nouveau décret (maximum quatre
ans pour faire le cycle 5/8) expliquent probablement ce phénomène, les parents jugeant plus
utile de "garder" l'année pour un éventuel redoublement au 1er degré primaire.
Dans 80% des cas, le maintien de l’élève a été envisagé avant la fin du second trimestre (27%
entre septembre et novembre, 53% entre décembre et février) (Tableau 16). On peut se
demander dans quelle mesure une décision si précoce, souvent justifiée par un « manque de
maturité », laisse justement le temps à l’élève de « mûrir ».
e
14 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
e
4 trimestre 8%
Imprécis 3%
1.4.5. Les autres paramètres pris en compte dans la décision de maintien
Les enseignantes qui ont maintenu des élèves reconnaissent volontiers qu’elles ont tenu
compte, dans leur décision, de facteurs contextuels, le plus souvent d’ordre normatif : la
comparaison avec le niveau du reste de la classe de 3e maternelle où se trouve l’élève ou
avec celui de la classe de 1re année que l’élève devrait affronter. Le niveau d’exigence de la
collègue de primaire est identifié, dans 29% des cas, comme ayant eu une certaine influence
sur la décision de maintien (tableau 17).
Tableau 17. Autres éléments qui ont pu influencer, renforcer, conforter le maintien
N : 832 élèves maintenus au cours des années scolaires 2007-2008 à 2009-2010
En %
e
1. Le niveau actuel de la classe de 3 maternelle 35%
re
4. Le niveau d’exigence de l’enseignante(e) de 1 primaire 29%
re
2. Le niveau de la classe en 1 primaire 26%
re
3. La taille de la classe de 1 primaire 12%
5. Le manque de continuité avec le primaire 8%
Selon les enseignantes, les solutions qui pourraient éviter le maintien ne relèvent pas de leur
propre champ d’action.
Lorsqu’on interroge les enseignantes de 3e maternelle sur les pratiques de soutien qui, si
elles étaient utilisées en 1re année primaire, rendraient le maintien moins nécessaire à leurs
yeux (Tableau 18), les solutions auxquelles elles font le plus souvent référence se situent
presque toutes hors du champ d’action du titulaire de classe : faire suivre à l’enfant des
séances de logopédie, le faire prendre en charge par un enseignant s’occupant à temps plein
ou à temps partiel des remédiations, faire appel au CPMS, faire en sorte qu’il reçoive une
aide individualisée pendant la classe, rencontrer les parents afin de leur proposer des
activités appropriées. Encore faut-il remarquer que seule la logopède et l’enseignant de
soutien paraissent des recours efficaces à plus de la moitié des institutrices maternelles, les
autres dispositifs cités ci-dessus n’obtenant que 40% environ de suffrages, et les autres
encore bien moins. En particulier, seules 29% des enseignantes estiment que les parents de
l’enfant pourraient lui apporter une aide suffisante, et un tiers seulement estiment que la
concertation avec les collègues pourrait réduire le taux de maintiens.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 15
re
Tableau 18. Quels dispositifs de soutien en 1 primaire pourraient éviter le maintien ?
En %, sur
l’ensemble des
re
En %, sur institutrices
(Maternelle) 56. Existe-t-il des pratiques en 1 primaire qui vous l’ensemble des primaires qui ont
inciteraient à ne pas déposer de dossier de maintien ?* institutrices dans leur classe
re
maternelles qui des élèves qui ont
(Primaire) 25. Quelles pratiques en 1 primaire rendraient inutile ont maintenu des
e été maintenus en
le maintien d’un élève en 3 maternelle ? élèves 3M ou qui, à leur
avis, auraient dû
l’être
Le profil des réponses de leurs collègues de primaire est à la fois différent mais, en définitive,
similaire sur le fond. Elles se montrent encore plus optimistes sur l’efficacité des recours à
un personnel de soutien externe (logopède et auxiliaire de soutien : 70% ; CPMS et
rattrapages en dehors de la classe : près de 50%). Mais elles plébiscitent aussi, à 68%, l’aide
apportée par les parents, et sont plus nombreuses à trouver utile de les rencontrer pour
trouver des solutions aux problèmes de leur enfant. En revanche, elles croient un peu moins
à une aide individualisée en classe (34%) et pas du tout aux bienfaits de la concertation
(2%) 3.
3
Ces résultats marquent un certain changement par rapport à ceux relevés auprès d’un échantillon
d’enseignants et enseignantes des écoles primaires de la Communauté Française interrogés il y a environ 25
ans sur « ce qui pourrait tirer d’affaire un élève qui a des difficultés » (Grisay, 1984). Comme ceux
d’aujourd’hui, les répondants de l’époque jugeaient, « très important » le rôle du milieu familial (80%). En
revanche, ils se montraient nettement plus sceptiques sur l’efficacité de la prise en charge par un logopède ou
par un maître d’adaptation (respectivement 12% et 21% des enseignants jugeaient ces interventions « très
importantes »). Enfin, ils se disaient davantage convaincus du rôle que pourrait avoir un titulaire de classe que
e
16 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
2. RESULTATS RELATIFS AUX OPINIONS, AUX REPRESENTATIONS ET A
LEUR INFLUENCE SUR LES PRATIQUES DE MAINTIEN
L’utilité du maintien en maternelle ne fait aucun doute pour plus de trois-quarts des
enseignantes interrogées, qu’il s’agisse d’institutrices maternelles ou primaires, et qu’elles
exercent dans une implantation qui maintient ou non (Tableau 19).
e e
Tableau 19. Jugements sur l’utilité du maintien recueillis auprès des institutrices de 3 maternelle et de 1
primaire
Les différences entre enseignantes exerçant dans des implantations où l’on maintient et
celles où le maintien n’est habituellement pas pratiqué sont, elles, significatives tant au
maternel qu’au primaire, mais de faible ampleur. On observe seulement, dans les
implantations sans maintien, une proportion légèrement plus élevée de répondantes
estimant que le maintien est « peu utile » et une proportion légèrement plus basse estimant
qu’il est « tout à fait utile ».
l’élève « aime beaucoup » et/ou qui « a pris à cœur de l’aider à s’en sortir » (facteurs « très importants »,
respectivement, aux yeux de 60% et 75% des répondants).
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 17
Les résultats qui précèdent nous amènent à nous demander si les enseignantes qui
pratiquent peu ou pas le maintien ont, à son sujet, des opinions différentes de celles qui y
recourent plus fréquemment. La section du questionnaire où l’on demandait aux
enseignantes d’exprimer leur accord ou leur désaccord avec une série d’affirmations
concernant l’utilité ou les effets du maintien, a permis de recueillir des informations qui
peuvent être mises en relation avec les pratiques effectives.
Les figures 1 à 3 ci-dessous, qui portent sur les seules institutrices de 3e maternelle,
présentent respectivement les items du questionnaire pour lesquels aucune différence
significative n’est relevée entre les enseignantes maternelles qui ont maintenu des élèves et
celles qui ne l’ont pas fait (Figure. 1), puis les items pour lesquels les enseignantes qui
maintiennent ont fourni des réponses significativement plus positives (Figure. 2) ou plus
négatives (Figure.3) que leurs collègues sans maintien. Sur ces graphiques, les items sont
rangés par ordre décroissant d’accord exprimé, en moyenne, par les enseignantes qui
maintiennent. L’échelle va de 1 (« Pas du tout d’accord ») à 4 (« Tout à fait d’accord »). La
formulation des items a été abrégée pour alléger la présentation.
Comme le montre la figure 1, l’indice moyen est supérieur à 3 (c’est-à-dire que la grande
majorité des répondantes, dans chacun des groupes, se disent « d’accord » ou « tout à fait
d’accord ») pour l’idée que le maintien est une décision difficile mais parfois nécessaire
(« Une décision de proposer un maintien est toujours difficile. Pourtant, lorsque le niveau de
l'élève l'exige, l'enseignant se doit de la prendre, en faisant abstraction de toute autre
considération »), et qu’il ne représente pas un échec professionnel à leurs yeux (« Je n'ai pas
l'impression de vivre le maintien d'un élève comme un échec de mon enseignement »).
L’indice moyen est, en revanche, très proche de 2 (« Pas d’accord ») pour les neuf items qui
figurent au bas du graphique. Ni les institutrices qui maintiennent, ni celles qui ne le font pas
ne pensent, par exemple, que maintenir l’enfant avec des plus jeunes que lui « renforce son
côté immature », ni que cela lui fait courir des risques « pour la suite de sa scolarité », ni qu’il
y ait lieu d’éprouver « un sentiment de culpabilité » lorsqu’on maintient un élève, ni que cela
serve simplement à « laisser l’enfant de souffler une année ». Par ailleurs, les unes et les
autres se déclarent plutôt sceptiques devant l’idée que le maintien puisse « compenser une
situation familiale difficile », qu’il permette de réduire l’hétérogénéité des classes
(« éviter trop d’écarts entre les élèves en première année primaire ») ou qu’il « préserve une
certaine justice entre enfants qui n’ont pas les mêmes capacités ».
Les avis sont moins tranchés (indice moyen entre 2 et 3, à mi-chemin entre « Pas d’accord »
et « Plutôt d’accord ») pour les items concernant le caractère inévitable ou non du maintien
(il est inévitable « car le niveau de l’élève dépend de facteurs extérieurs à l’école » ; il
pourrait souvent être évité, car « il suffirait de quelques modifications dans le
fonctionnement actuel de l’école pour réduire sensiblement le nombre d’élèves maintenus »).
Il est intéressant de noter que sur l’item « Vis-à-vis du collègue qui recevra ma classe l'année
suivante, je n'ai pas le droit de laisser entrer en 1re primaire un élève qui présente des lacunes
importantes », les avis sont pratiquement aussi partagés chez les enseignantes qui
maintiennent que chez celles qui ne maintiennent pas. Pour cet item, comme pour tous ceux
de ce premier graphique, les légères différences observées entre les enseignantes qui
maintiennent et celles qui ne maintiennent pas n’atteignent pas le seuil de signification.
e
18 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 19
Figure 1 – Opinions pour lesquelles on n’observe pas de différence significative entre les enseignantes qui
maintiennent ou non
e
20 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
La figure 2 présente, elle, les items sur lesquels les enseignantes qui maintiennent marquent
significativement plus souvent leur accord que celles qui n’ont pas maintenu. Tous ces
énoncés expriment, comme on peut s’y attendre, des avis positifs sur la nécessité du
maintien, son utilité, ses conséquences positives : le maintien donne à l’élève faible une
chance de mûrir, lui permet de progresser à son rythme, d’acquérir des bases solides, de
mieux redémarrer, il a des effets bénéfiques sur la suite de la scolarité, etc. Il importe de
remarquer que, si l’indice moyen d’accord chez les institutrices qui maintiennent est
supérieur à 3 (entre « D’accord » et « Tout à fait d’accord ») pour 10 de ces 12 items, et très
proche de 3 pour les deux autres, l’indice relevé chez celles qui ne maintiennent pas reste
supérieur à 3 pour 7 items sur 12 et n’est jamais inférieur à 2,5 (indiquant qu’elles aussi,
comme leurs collègues, sont plus nombreuses à marquer leur accord que leur désaccord,
même si leur enthousiasme est un peu moins prononcé).
Figure 2 – Opinions avec lesquelles les enseignantes qui maintiennent se déclarent plus souvent d’accord
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 21
L’item « On a tendance à exagérer le rôle négatif du maintien en 3e maternelle ; celui-ci est
rarement vécu par l'élève comme un échec » illustre bien cette situation. Les informations
sur les conséquences potentiellement négatives du maintien sur le vécu de l’élève ont bien
atteint les deux groupes d’enseignantes, mais dans chacun des groupes une majorité de
répondantes considèrent que cette rumeur est « exagérée ». La majorité est simplement
plus large dans le groupe qui maintient (3,27) que dans le groupe qui ne maintient pas
(3,07).
Les 11 items de la Figure 3, sur lesquels les enseignantes qui maintiennent marquent
significativement plus souvent leur désaccord que leurs collègues qui ne maintiennent pas,
confirment que le profil des deux groupes est globalement similaire, quoique plus largement
favorable au maintien chez les premières que chez les secondes.
Figure 3 - Opinions avec lesquelles les enseignantes qui maintiennent se déclarent plus souvent en désaccord
Tous ces items, qui évoquent les conséquences potentiellement négatives du maintien telles
qu’elles ont été mises en évidence par de nombreuses études (il provoque chez l’élève
e
22 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
maintenu une perte de confiance en soi et de l’ennui ; il a des effets négatifs sur la scolarité
ultérieure ; il accroît l’inégalité sociale, etc.) sont fermement désavoués par les enseignantes
qui maintiennent (indices moyens inférieurs à 2, entre « Pas du tout d’accord » et « Pas
d’accord »). Mais ils sont majoritairement désavoués aussi, même si les opinions sont moins
tranchées, chez les enseignantes qui ne maintiennent pas : aucun de ces items n’atteint une
valeur de 2,5 de l’indice moyen (à mi-chemin entre « Pas d’accord » et « D’accord »), même
dans ce groupe d’enseignantes que l’on s’attendrait à trouver acquises à l’idée que le
maintien est inutile ou nocif.
Sur base de ces analyses de différences, on peut conclure que le fait qu’une institutrice de
3e maternelle n’ait maintenu aucun élève pendant trois années d’affilée ne signifie pas
nécessairement que ses opinions sur le maintien soient négatives. Rappelons que la très
grande majorité d’entre elles reconnaissent que si elles n’ont pas maintenu d’élèves, c’est
parce qu’elles n’en ont « pas eu l’occasion » ou parce qu’elles préfèrent leur laisser la
possibilité de « recommencer une année en 1re ou en 2e primaire », ce qui, bien
évidemment, est tout à fait compatible avec une attitude pleinement favorable au maintien.
Et, de fait, comme le montre le tableau 20, le groupe d’enseignantes qui ont avancé l’une ou
l’autre de ces deux raisons pour expliquer pourquoi il n’y a pas eu de maintien dans leurs
classes depuis 2007-2008 ont donné des avis « positifs » ou « très positifs » sur le maintien
pour 77% des 23 items des figures 2 et 3, pourtant les plus discriminants entre maintien et
non-maintien. Leurs collègues qui maintiennent, elles, ont littéralement plébiscité le
maintien (avis positifs ou très positifs pour 90% des items en moyenne).
Les différences les plus significatives sont donc le fait de la toute petite minorité
d’enseignantes (11 institutrices maternelles) qui n’ont pas maintenu d’élèves parce qu’elles
sont hostiles au maintien « par principe » et parce qu’elles le trouvent « inutile », estimant
que l’enfant pourra évoluer et rattraper son retard par la suite. Dans ce groupe minuscule, le
taux moyen d’avis positifs à propos du maintien n’est que de 38% sur les 23 items
« discriminants ».
Tableau 20. Taux d’avis favorables au maintien chez les enseignantes qui maintiennent et chez les autres
(selon les raisons données pour le non-maintien)
Ensemble des enseignantes pour lesquelles les données sont disponibles… N : 576 86%
… qui n’ont pas maintenu (pas l’occasion / laissent la possibilité de doubler plus tard) N : 141 77%
Une analyse de la variance confirme qu’environ 16% (p<.0001) des variations du taux d’avis
positifs à propos du maintien sont liées à l’appartenance aux trois groupes décrits ci-dessus
(enseignantes qui maintiennent ; enseignantes qui ne maintiennent pas parce qu’elles n’en
ont pas eu l’occasion ou veulent laisser à l’élève la possibilité de doubler plus tard ; et
enseignantes qui refusent le maintien parce qu’elles y sont hostiles ou le considèrent
inutile). Le pourcentage d’items pour lesquels l’enseignante a donné des avis favorables au
maintien semble fournir un indicateur relativement robuste de son attitude globale à l’égard
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 23
de cette mesure.
Tableau 21. Réponses de l’enseignante pour lesquelles on observe une association significative (négative ou
positive) avec l’indicateur d’attitudes favorables au maintien
Les variables sont classées selon la valeur du coefficient de corrélation, du plus négatif au plus positif.
Variables Corrélation P
8e. Parmi les mesures permettant d’être au plus près l’école de la réussite, cite
-0.218 <0.0001
« une organisation qui ne permet plus le redoublement ».
45.1. Indique que, l’année scolaire prochaine, elle va mettre en place un soutien
-0.183 0.008
spécifique pour les élèves dont elle a demandé le maintien
Évol33e. Le temps consacré à la musique ne diminue pas ou augmente entre le
-0.134 0.03
début d’année et le mois de mars
53. Accepte l’avis des parents quand ils ne sont pas d’accord sur la demande de
-0.12 0.03
maintien
58.2. Pense qu’à la naissance, hormis les cas de handicap sévère, tous les enfants
-0.117 0.002
ont le même potentiel intellectuel
8d. Parmi les mesures permettant d’être au plus près l’école de la réussite, cite
-0.115 0.001
« une organisation en cycles »
32e. Cite parmi les trois priorités éducatives « la garde de l’enfant » -0.109 0.003
7a. Considère que la pédagogie différenciée est pratiquée dans l’implantation -0.103 0.005
32b. Cite parmi les trois priorités éducatives « la préparation à l’école primaire » 0.088 0.01
33Fb. Pourcentage de temps consacré en mars aux activités de pré-écriture 0.098 0.01
54. Estime que maintenir l’élève n’a pas d’influence sur le nombre d’années dont
0.147 0.01
il va disposer pour effectuer son cycle 5-8
34. Nombre d’élèves pour qui une demande de maintien a été introduite en
0.186 <0.0001
2009-2010
Remarquons d’abord que toutes ces corrélations sont très modestes, ce qui ne facilite pas la
recherche des profils des enseignantes les plus et les moins favorables au maintien. On peut
cependant noter quelques tendances légères mais intéressantes :
• Alors que l’idée que la promotion automatique puisse servir les finalités de l’école de
la réussite (item 8.e) rencontre un refus tout à fait massif chez 95% des répondantes,
e
24 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
les 35 institutrices qui, seules contre toutes leurs collègues, professent que, oui,
l’école de la réussite gagnerait à s’appuyer sur « une organisation qui ne permet plus
le redoublement » sont parmi celles qui ont exprimé des avis plutôt réticents sur le
maintien (corrélation de –0.22).
• Les institutrices dont l’opinion sur le maintien est plus réservée ont davantage
tendance, quand elles ont demandé des maintiens, à affirmer qu’elles organiseront
un soutien pour ces élèves durant l’année répétée (corrélation de -0.18).
• Ces enseignantes mettent un peu moins souvent la pression sur les apprentissages
scolaires. Tandis que leurs collègues favorables au maintien privilégient, parmi les
priorités éducatives de la 3e maternelle, « la préparation à l’école primaire » (0.09) et
consacrent plus de temps aux activités de pré-lecture (0.10), celles qui ont sur le
maintien un avis plus réticent incluent les rarissimes répondantes qui citent parmi les
priorités « la garde de l’enfant » (-0.11) ; en outre, elles tendent davantage à dire
qu’elles ne réduisent pas la part d’horaire consacrée à la musique quand arrive le
second semestre (-0.13).
• Sans surprise, les enseignantes les plus favorables au maintien ont introduit
davantage de demandes en 2009-2010 (0.19). Il est préoccupant d’observer qu’elles
font partie, plus souvent que les autres, du petit tiers d’institutrices estimant que le
maintien en 3e maternelle n’a pas d’influence sur le nombre d’années dont dispose
l’élève pour effectuer son cycle 5-8 (0.15).
Les items pour lesquels une série de résultats vient d’être présentée ont été également
inclus dans le questionnaire 1P, parfois sous une formulation aménagée. L’idée était
d’examiner en quoi il y a concordance ou non entre les opinions des institutrices de 3M et
celles de leurs collègues de la classe supérieure.
La figure 4 présente les jugements des propositions pour lesquelles il existe une différence
significative entre la position des enseignantes de 3e maternelle et celle des enseignantes de
1re primaire.
Les différences entre les deux types d’enseignantes ne consistent pas en des oppositions
d’opinion par rapport au maintien. Les avis vont systématiquement dans le même sens.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 25
Figure 4 – Affirmations pour lesquelles on observe une différence significative
entre enseignantes de 3M et 1P.
Deux séries de propositions à juger ont été introduites dans le questionnaire pour recueillir
des informations sur ce point. On peut, en effet, légitimement penser que les
représentations qu’un enseignant se fait de l’intelligence sont liées à ses croyances et ses
pratiques concernant le maintien. Citant Dweck (1989), Crahay (1996) décrit deux
conceptions que l’enseignant peut se faire de l’intelligence : stable ou évolutive.
Dans la première, on considère l’intelligence comme une donnée fixe et inaltérable au cours
du temps. Cette conception, proche de l’idéologie des « dons » dont on connaît les
e
26 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
conséquences pernicieuses au sein de l’institution scolaire, a fortement régressé aujourd’hui
mais persiste parfois chez une partie des enseignants, et surtout, en tant que théorie
spontanée et encore implicite de l’intelligence, auprès des élèves les plus jeunes. Chez ceux-
ci, une suite d’échecs aux tâches proposées par le maître est souvent perçue comme le signe
qu’ils sont « moins intelligents par nature» que leurs camarades de classe,. Cette
interprétation sera renforcée lorsque leur conception implicite est partagée par
l’enseignant. Pour beaucoup de ces enfants, le maintien sera la preuve finale qu’ils « ne sont
pas comme les autres » et qu’ils ne peuvent pas grand-chose face à cela ; le risque existe
alors qu’ils se laissent aller vers une posture de learned helplessness (sentiment
d’incompétence acquise, Schoeberlein et Seligman, 2006).
Les items retenus, adaptés d’une échelle élaborée par l’équipe genevoise de Crahay (Issaieva
et Crahay, 2010), visent à mesurer les cinq dimensions suivantes : rôle de l’inné et de l’acquis
dans le développement de l’intelligence ; lien existant entre intelligence et rapidité de
compréhension ; mémorisation et accumulation de connaissances comme facteur de
développement de l’intelligence ; existence de types différents d’intelligence ; rôle joué dans
le développement par la confiance en soi et le regard d’autrui.
Les figures 5 et 6 font apparaître, à l’évidence, des profils quasiment identiques chez les
enseignantes qui ont maintenu des élèves et celles qui n’en ont pas maintenu au cours des
trois dernières années :
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 27
Figure 5 – Opinions sur la nature de l’intelligence de l’enfant
La longueur des barres du graphique représente le pourcentage de répondantes ayant choisi la seconde
proposition de l’alternative
e
28 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
• 2. Relations entre intelligence et rapidité de compréhension
Pour les enseignantes interrogées, « être intelligent c’est avant tout être capable de
comprendre » (item 58.4 de la figure 5 : elles sont entre 71% et 75% à réfuter l’idée
que « l’intelligence n’est pas une question de compréhension »). Par ailleurs, elles
sont conscientes que le rythme peut varier entre enfants : un élève plus lent à
comprendre qu’un autre n’est pas nécessairement moins intelligent (items 58.5 et
58.6 de la figure 5, entre 70% et 90% d’accord).
Figure 6 - Opinions sur le rôle de l'image de soi dans le développement de l’intelligence et sur les styles
d’intelligence
La longueur des barres du graphique représente le pourcentage de répondantes ayant choisi les réponses
« Plutôt d’accord » ou « Tout à fait d’accord ».
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 29
• 3. Rôle de la mémoire et de l’accumulation des connaissances dans le développement
de l’intelligence
De l’avis des enseignantes, une bonne mémoire n’est pas en soi une preuve
d’intelligence (items 58.7 et 58.8 de la figure 6, près de 90% d’accord dans les deux
groupes). Elles professent aussi, majoritairement, que « tête bien faite vaut mieux
que tête bien pleine » et que l’accumulation des connaissances ne fait pas devenir
plus intelligent (items 58.9 et 58.10 de la figure 5, respectivement 80% et 65%
environ d’accord).
La présence d’un trop grand nombre d’omissions empêche de réaliser une analyse factorielle
permettant de confirmer le regroupement des variables selon ces cinq dimensions. A titre
indicatif, des indicateurs composites ont cependant été constitués (en calculant le
pourcentage moyen de réponses « D’accord » ou « Tout à fait d’accord » pour chacun de ces
groupes d’items, après inversion éventuelle des codes afin que tous les items faisant partie
d’un même groupe aient la même orientation). Le tableau 22 présente les corrélations de
ces cinq indicateurs avec une sélection de variables avec lesquelles au moins une des
corrélations s’avère statistiquement significative.
Comme on peut le constater, même les quelques corrélations significatives apparaissant sur
le tableau 22 demeurent très modestes, notamment en raison des faibles variations
observées dans les réponses fournies par les enseignantes4.
4
Il y a donc lieu de les interpréter avec beaucoup de prudence, d’autant que, vu le grand nombre de variables
examinées, certaines des associations ainsi relevées ne sont sans doute statistiquement significatives que par
l’effet du hasard.
e
30 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Tableau 22. Les représentations des enseignantes à propos de l’intelligence
et leurs corrélations significatives avec une sélection de variables
L'intelligence
ne se
Etre intelligent, Etre intelligent, On n'est pas
L'intelligence développe
c'est accumuler c'est nécessairement
est fixée à la bien que si
beaucoup de comprendre intelligent dans
naissance l'enfant a
connaissances. vite. tous les
confiance en
domaines
soi
7b.Pratiques de l'implantation: évaluation
-0,040 0,042 0,090 ** 0,003 0,017
formative
8b.Ecole de la réussite: faire maîtriser à tous
-0,094 ** 0,048 0,138 ** 0,028 0,076 **
les compétences de base
8d.Ecole de la réussite: une organisation en
0,075 * 0,029 -0,008 0,047 -0,036
cycles
8e.Ecole de la réussite : une organisation qui
-0,015 -0,041 -0,015 -0,026 0,089 *
ne permet pas le redoublement
8f.Ecole de la réussite: une volonté de
-0,034 -0,156 ** -0,062 0,098 ** 0,000
différencier l'enseignement
8g.Ecole de la réussite: une pratique de
0,025 -0,075 ** 0,068 0,082 ** -0,030
l'évaluation formative
11. Collabore avec l'instit. de 1P qui accueille
0,107 ** 0,033 -0,025 0,056 0,064
ses élèves de 3M
15c.Continuité: Les travaux de l’élève sont
regroupés dans un même classeur tout au 0,094 ** 0,008 -0,014 0,048 0,074 *
long du cycle 5-8
15f.Continuité: Des référents pédagogiques
(classeurs, cahiers) suivent l’élève d’une 0,092 * 0,015 -0,008 0,047 0,062
année à l’autre.
15g.Continuité: Un livret suit l'élève sur tout
0,102 ** 0,009 -0,011 0,050 0,073
le cycle
15i.Continuité. Une planification des
0,095 ** 0,006 -0,010 0,047 0,069
contenus a été entreprise dans le cycle
16_tot.Nbre total d'élèves de la classe -0,003 -0,063 -0,074 * 0,085 * 0,055
22c. Pourcentage d'élèves provenant d'un
0,043 0,131 ** 0,060 -0,081 0,002
milieu défavorisé
30.Ancienneté dans la fonction -0,104 ** -0,076 * 0,122 ** -0,030 -0,047
33d.b. Pourcentage de temps consacré aux
-0,031 0,178 ** 0,073 -0,146 ** -0,005
activités de pré-écriture en octobre
33f.b.Pourcentage de temps consacré aux
0,012 0,104 ** -0,037 -0,092 ** -0,013
activités de pré-écriture en mars
évol33b.: Evolution octobre/mars du
pourcentage de temps consacré aux activités 0,056 -0,090 -0,122 ** 0,015 0,034
de pré-écriture
33d.e. Pourcentage de temps consacré aux
0,191 ** -0,028 -0,102 ** 0,015 0,090
activités musicales en octobre
L’enseignante a maintenu des élèves 0,100 ** 0,019 0,013 0,007 -0,046
INTELL. L'intelligence est fixée à la naissance 1,000
INTELL. Etre intelligent, c'est accumuler
-0,121 ** 1,000
beaucoup de connaissances.
INTELL. Etre intelligent, c'est comprendre vite -0,238 ** 0,275 ** 1,000
INTELL. On n'est pas nécessairement
0,148 ** -0,158 ** -0,152 ** 1,000
intelligent dans tous les domaines
INTELL. L'intelligence ne se développe bien
0,037 0,106 ** 0,020 -0,049 1,000
que si l'enfant a confiance en soi
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 31
*Corrélations significatives à P<0.05.
** Corrélations significatives à P<0.01
e
32 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Le seul de ces cinq indicateurs qui a un lien significatif avec l’indice d’attitudes positives à
l’égard du maintien est le premier : les quelques enseignantes estimant que l’intelligence est
fixée à la naissance et évolue peu au cours de la vie font un peu plus souvent partie du
groupe de celles qui ont maintenu des élèves. L’ancienneté de ces enseignantes ayant une
conception stable de l’intelligence est légèrement plus réduite. Elles tendent, un peu plus
souvent que leurs collègues, à affirmer qu’elles formalisent la continuité des apprentissages
à travers une collaboration avec la titulaire de 1e primaire qui recevra leurs élèves et à l’aide
de livrets ou de classeurs qui accompagneront ceux-ci tout au cours du cycle. Il est peut-être
intéressant de noter que ces rares répondantes partageant l’idéologie des dons semblent
souvent penser que l’intelligence n’est ni une affaire de rapidité de compréhension ni ne
consiste à mémoriser des quantités de connaissances. Elles se montrent, en outre, plus
souvent sceptiques que leurs collègues à l’idée que la pédagogie de la réussite a pour
ambition de faire maîtriser les compétences de base à tous les élèves.
Les autres indicateurs relatifs aux conceptions à propos de l’intelligence ne corrèlent pas
avec les pratiques de maintien. Toutefois, quelques liens significatifs entre ces
représentations et différentes variables sont intéressants à rapporter :
• C’est un peu plus souvent dans des implantations recevant des élèves de milieu
défavorisés que travaillent les enseignantes (tout aussi rares) estimant que pouvoir
mémoriser beaucoup d’informations est indispensable au développement de
l’intelligence (deuxième colonne du tableau 22). Ces répondantes, elles aussi
relativement jeunes dans le métier, passent sensiblement plus de temps que la
moyenne de leurs collègues sur des exercices de pré-écriture, et cela tant en octobre
qu’en mars. Elles se montrent moins souvent acquises que leurs collègues à l’idée
que pour favoriser une école de la réussite il importe de différencier l’enseignement
et de pratiquer l’évaluation formative, et partagent souvent l’idée que quand
quelqu’un est intelligent, il comprend vite et tend à réussir dans tous les domaines.
Elles se disent relativement moins favorables que d’autres à la différenciation de
l’enseignement et à l’évaluation formative dans le cadre d’une école de la réussite.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 33
l’idée que les styles différents d’intelligence sont présents dès la naissance.
Répétons que toutes ces différences de profil sont minimes. Tout se passe en fait comme si
la très grande majorité des institutrices maternelles avaient globalement intégré les
informations sur l’intelligence de l’enfant qu’elles ont reçues durant leurs années de
formation, et qu’elles s’y conforment dans leurs réponses aux questions traitant de ce sujet.
Les faibles nuances observées ne seraient dès lors plus qu’une rémanence de leurs
conceptions spontanées.
Pour conclure cette section sur les conceptions de l’intelligence et leur impact sur les
pratiques pédagogiques, nous retiendrons que 91% des enseignantes de 3e maternelle et de
1re primaire répondent que l’intelligence n’est pas fixée à la naissance, mais que par ailleurs,
environ 60% pensent que tous les enfants n’ont pas le même potentiel intellectuel à la
naissance. La quasi-totalité des enseignantes interrogées considèrent également que
l’intelligence évolue grâce aux stimulations extérieures, mais pas nécessairement en
accumulant des connaissances pour 60% d'entre elles.
Les titulaires de 1re année mettent en évidence la maîtrise des compétences de base tandis
que les finalités jugées prioritaires par toutes les enseignantes de 3e maternelle
correspondent aux objectifs généraux fixés à l'article 12 du Décret Missions 5 (Tableau 23).
On peut affirmer que les enseignantes connaissent les priorités de l’enseignement maternel,
tout en étant, comme nous l’avons vu plus haut, très attentives à ce qui sera demandé aux
enfants en primaire : la préparation à l’école primaire est un objectif cité par plus de 40% des
enseignantes du maternel.
5
L'enseignement maternel poursuit tous les objectifs généraux définis à l'article 6 et vise particulièrement à :
• développer la prise de conscience par l'enfant de ses potentialités propres et favoriser, à travers des
activités créatrices, l'expression de soi ;
• développer la socialisation ;
• développer des apprentissages cognitifs, sociaux, affectifs et psychomoteurs ;
• déceler les difficultés et les handicaps des enfants et leur apporter les remédiations nécessaires.
e
34 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Tableau 23. Choix des priorités éducatives par les enseignantes (% d’enseignantes ayant coché)
Dans le cadre du Décret sur l’école de la réussite, le législateur a organisé l’école en cycles.
La 3e maternelle appartient au cycle 5/8 et est donc concernée par l’école de la réussite. Par
ailleurs, le politique a, par décret, imposé des concertations obligatoires entre enseignantes
y compris celles de 3e maternelles.
Les résultats mettent en évidence que les enseignantes connaissent bien le Décret sur l’école
de la réussite : quand on leur demande ce qui caractérise le mieux une école de la réussite,
elles choisissent plus souvent les propositions qui en décrivent les finalités et les axes
pédagogiques (volonté d’assurer la continuité des apprentissages, volonté de différencier
l’enseignement et pratique de l’évaluation formative) plutôt que celles portant sur les
moyens organisationnels (Tableau 24). Désormais, les aspects organisationnels ne sont plus
autant privilégiés qu’en 2002 lors de l’enquête « Où en sont les écoles dans la mise en place
du décret relatif à la promotion d’une école de la réussite ? » (Lejong & Dierendonck, 2002).
En ce qui concerne le lien avec les pratiques de maintien, on n’observe pas, en fonction du
fait d’avoir maintenu ou non, de différences entre les pourcentages d’enseignantes ayant
choisi telle ou telle proposition.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 35
Tableau 24. Avis des enseignantes sur les conditions favorisant une école de la réussite
e
36 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
CONCLUSION
Parmi les 719 enseignantes de 3M qui ont complété et renvoyé le questionnaire, 61% ont
maintenu au moins un élève au cours des trois dernières années. Ce nombre ne doit
cependant pas faire illusion : parmi les enseignantes n’ayant pas pris de telle décision dans
les trois dernières années, 70% expliquent que l’occasion ne s’est pas présentée et 20%
déclarent vouloir laisser à l’élève en difficulté la possibilité de bénéficier d’une année
complémentaire au début du primaire. Au final, seulement 11 institutrices sur 719 (soit
1,5%) ne maintiennent pas « par principe » ou parce qu’elles pensent que c’est inutile.
Etant donné ces résultats, il n’est pas étonnant de constater que les opinions largement
favorables à la pratique du maintien sont très largement majoritaires tant parmi les
enseignantes qui maintiennent que parmi celles qui ne maintiennent pas, ainsi qu’auprès
de leurs collègues de 1P. Les faibles différences observées sont plus souvent liées au degré
plus ou moins élevé d’approbation qu’à une véritable divergence d’opinions. Seul le
minuscule groupe d’institutrices qui s’opposent à cette pratique « par principe » ou parce
que « c’est inutile » affichent des avis beaucoup moins favorables que les autres au report
de l’entrée en 1P.
Les très rares enseignantes défavorables au maintien défendent davantage l’idée que tous
les enfants ont le même potentiel intellectuel. Elles considèrent la promotion automatique
et le fonctionnement en cycles comme des moyens de se rapprocher de l’école de la
réussite. Elles acceptent plus souvent l’avis des parents lorsqu’un maintien est envisagé et
mettent plus souvent en place un suivi pour les enfants maintenus. Elles ne modifient pas,
en cours d’année, le temps consacré à des activités telles que la musique.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 37
Les raisons évoquées par les enseignantes de 3M pour maintenir un élève tiennent souvent
de l’état de fait : difficulté d’aboutir aux apprentissages, retard déjà à l’entrée en 3M,
manque de maturité… Lorsque ces propos sont mis en rapport avec le moment de l’année
où un maintien est envisagé, il est troublant de remarquer que le caractère précoce des
intentions de maintien (1er ou 2e trimestre dans 80% des cas) ne laisse justement pas le
temps à l’enfant, déclaré trop peu mature, de « mûrir ».
Au-delà de ces états de faits, les enseignantes signalent, dans plus de la moitié des cas de
maintiens, des difficultés à réaliser des tâches se rapportant au rangement, dénombrement,
classement, au respect des consignes et/ou à l’expression orale.
Les difficultés et la manque de maturité des enfants ne semblent pas constituer, pour les
enseignantes de 3M, les seuls facteurs pris en compte dans la décision. En effet, dans celle-ci
interviennent également, selon un quart à un tiers des institutrices, les niveaux des classes
de 3M et 1P (et notamment les exigences de son enseignante). Ceci renforce l’intérêt
d’examiner le poids des « échanges » entres enseignants de 3M et 1P.
Les enseignantes qui ont maintenu des élèves dans les trois dernières années sont
proportionnellement plus nombreuses parmi celles qui collaborent avec l’enseignante de
1P. Les enseignantes du niveau maternel se sentent le devoir, par rapport à leur collègue de
la classe supérieure, de ne pas laisser entrer un élève présentant des lacunes importantes et
les enseignants de 1P déclarent attendre qu’elles agissent de la sorte.
Concernant les moyens qui permettraient d’éviter les maintiens, les solutions plébiscitées
par les enseignantes de 3M et 1P sont essentiellement externes : logopédie, prise en
charge par un enseignant lors de « remédiations », recours au CPMS, appel aux parents
(surtout pour les enseignantes de 1P). Les avis des enseignantes des deux niveaux sont donc
sensiblement les mêmes. Cependant, une différence très marquée apparaît au niveau de la
concertation : si celle-ci apparaît comme une solution pour 35% des institutrices de 3M, ce
n’est le cas que pour 2% des enseignantes de 1P.
e
38 – Partie 2 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
REFERENCES
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Dweck, C.S., & Goetz, T.E. (1989). Attribution and learned helplessness, in J.H. Harvey, W.
Ickes et R.F Kidd, (eds), New Directions in Attribution Research, 2, 157-180, Hillsdale,
N.J.: Lawrence Erlbaum Associates.
Dweck, C.S., & Elliott, E.S. (1983). Achievement Motivation. In P. Musen (Ed.), Handbook of
Child Psychology : Socialization, Personality and Social developement (Vol. 4, 643-
692). New York : John Wiley.
Grisay, A. (1984). Trébucher sur le seuil de l’école. Enquête sur le problème des échecs
scolaires et du doublement dans l’enseignement primaire. Recherche A.P.E.R.,
Université de Liège : Service de pédagogie expérimentale.
Lejong, M., & Dierendonck, C. (2002). « Où en sont les écoles dans la mise en place du décret
relatif à la promotion d’une école de la réussite ? ». Rapport de recherche à la
demande du Ministre de l’Enseignement fondamental. Université de Liège.
Tomchin, E. M., & Impara, J. C. (1992). Unraveling teachers' beliefs about grade retention.
American Educational Research Journal, 29, 199-223.
Schoeberlein, T.D., & Seligman, M.E.P., (2006) Learned helplessness: students at risk in our
schools, assessment procedures, and strategies for prevention and remediation,
Bethel University, 2006
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 2- 39
Partie 3
Les pratiques et les représentations
relatives au maintien au travers de
rencontres de quelques CPMS
Cette partie de l’étude présente les résultats d’une enquête qualitative menée auprès des
acteurs des centres psycho-médico-sociaux. L’objectif était de compléter l’enquête menée
par questionnaires au niveau des équipes pédagogiques et d’approfondir certains résultats
mis en évidence par l’analyse des bases de données de la Communauté française. Cette
dernière a notamment mis en lumière une série de caractéristiques susceptibles d’influencer
le maintien en 3e maternelle. Au niveau individuel, citons le genre, le mois de naissance,
l’indice socioéconomique, la région et la province habitée par l’élève. Au niveau des écoles
et des implantations, l’indice socioéconomique et la taille de l’implantation, les niveaux
organisés par l’école.
Chaque rencontre a duré entre une heure et une heure et demie et s’est déroulée de façon
semi-dirigée. Les objectifs de la recherche ont été brièvement présentés en début
d’entretien. Les principaux résultats de l’étude quantitative au départ des données de la
Communauté française ont été mentionnés au cours de la discussion.
Pour procéder à l’analyse des entretiens, un tableau a été construit d’une part, sur la base
des principaux résultats de la base de données de la Communauté française et d’autre part,
sur la base des éléments évoqués de façon récurrente par les agents des CPMS. Ce tableau
contient les cinq catégories reprises ci-dessous et est présenté en annexe.
1
Ces documents sont repris en annexe.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 1
• La collaboration dans le cadre du maintien
La collaboration des CPMS avec les enseignants, les parents et d’autres organismes
dans le cadre du maintien en 3e maternelle ; la collaboration entre enseignants de 3e
maternelle et de 1re primaire vue par les CPMS.
Ces difficultés, si elles sont signalées par une majorité d’acteurs, sont rarement précises : les
agents des CPMS ne parviennent pas à cerner un critère ou un facteur spécifique qui
justifierait un maintien. Le manque consiste davantage en une faiblesse globale (par rapport
aux autres élèves), un manque de maturité, des problèmes plus généraux :
e
2 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
« Il n’y a pas un facteur spécifique. En général, c’est global : ce sont des enfants qui
apparaissent assez faibles globalement. Il y en a certains que si… On peut imaginer si on
évalue par des tests ces prérequis-là, les enfants vont se distribuer selon une courbe, si
on les prend à un âge donné (vraiment on prend les enfants qui ont telle année, tel
mois… c’est comme pour tout). On va avoir un groupe de plus faibles : on aura les
pourcentages comme pour les QI et les choses ainsi. » (CPMS 3)
« En général, quand on maintient un enfant, il faut qu’à la fois il y ait de grosses lacunes
pédagogiques : l’enfant doit être tout à fait inapte à aborder les apprentissages de
première année et qu’en plus il y ait un gros manque de maturité (…) ou qu’il ait un
problème de langage… » (CPMS 4)
Certains aspects du contexte extérieur à l’école dans lequel l’enfant évolue sont cités
comme source de difficultés : des changements successifs d’écoles, la multiplication des
déménagements, des situations familiales difficiles. Les longues maladies, les
hospitalisations et l’absentéisme sont également pointés. Tout ceci constitue des facteurs de
risques d’être maintenu.
Même si cela a été évoqué de manière plus isolée, les causes de maintien peuvent renvoyer
à des problèmes de comportements ou d’attitudes inadaptés face au travail et à l’école. Il
peut s’agir aussi de cas d’enfants peu scolarisés en maternelle et qui ne possèdent pas de
repères par rapport au fonctionnement de l’école, à la socialisation, qui ne connaissent pas
les rituels de la classe ou qui n’ont jamais été confrontés à un groupe d’enfants, à des
activités, etc.
A côté de l’explication du maintien par des difficultés de l’élève, la majorité des acteurs des
CPMS expliquent l’intérêt de pouvoir y recourir en tant qu’« étape » transitoire vers
l’enseignement spécialisé. Ce n’est plus une cause mais une intention qui sert à justifier la
pratique du maintien. Les acteurs expliquent que lorsque l’enseignement spécialisé semble
la voie indiquée pour un enfant, cette suggestion est vécue comme une blessure narcissique
par les parents. Le maintien permet alors de laisser aux parents le temps nécessaire pour
qu’ils acceptent, qu’ils prennent conscience de la difficulté de leur enfant, qu’ils puissent
murir leur décision et faire le deuil d’un parcours scolaire ordinaire :
« … le temps de laisser faire le chemin aux parents, parce qu'ils ne veulent pas le spécial,
où on ne veut pas mettre le gamin en 1re parce qu'il va être complètement perdu, il n'a
rien à y faire, bon, ça ce n'est pas bien mais bon … voilà! » (CPMS 8)
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 3
« … parfois on maintient aussi en sachant qu'on ne les en sortira pas mais s’ils peuvent
gagner un petit peu au niveau des capacités, on sait bien qu'au moins, ils n'iront pas, ou
peut-être pas en type 2. Parfois, on ne peut pas l'éviter mais ils peuvent peut-être passer
en type 1, car avec un an en plus ils ont quand même acquis assez d'autonomie pour
pouvoir tout doucement envisager le langage écrit, etc. Le maintien sert à ça aussi. »
(CPMS 8)
Enfin, il est inquiétant de constater qu’il est arrivé que le maintien soit décrit comme une
stratégie de certaines écoles pour préserver un nombre suffisant d’élèves en maternel !
Comme nous l’avons dit en introduction, un objectif de l’enquête est d’approfondir les
résultats issus de l’analyse des bases de données de la Communauté française. Dans cette
perspective, les acteurs des centres PMS se sont exprimés sur le mois de naissance, le genre,
la localisation géographique et l’école fréquentée.
Le mois de naissance a été cité par presque toutes les équipes comme un facteur de risque
de maintien. Les acteurs reconnaissent que les enfants nés en fin d’année sont plus
souvent maintenus. Même s’il n’est pas le facteur déterminant, l’âge de l’enfant constitue
une indication à prendre en compte dans les décisions de maintien.
« Au niveau des dates de naissance, c'est effarant, on a eu 44 maintiens (…) l'an passé.
Alors la statistique est effarante, sur les 44 maintiens on en a 2 nés au premier trimestre
et 23 au quatrième trimestre et je n'avais jamais remarqué ça, je n'avais jamais fait les
comptes… (…) Les 19 qui restent, c'est au 2e ou au 3e (…) » (CPMS 3)
« J’ai remarqué que les enfants de fin d’année ne sont pas forcément plus souvent
maintenus bien que sans doute mais ont plus souvent des difficultés. Enfin, c’est une plus
grande proportion quoi. » (CPMS 8)
Par ailleurs, plusieurs équipes expliquent que l’argument de maturité (et le mois de
naissance) est plus fréquemment utilisé pour justifier un maintien dans la mesure où il est
plus facilement entendu par les parents.
« Cela peut arriver effectivement. Mais dans un sens comme dans l’autre. Je pense qu’on
est parfois très surpris. C’est plus facilement entendu par les parents la question de la
e
4 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
maturité liée à l’âge de naissance qu’un retard scolaire. » (CPMS 2)
« Le manque de maturité trouve un écho chez les parents. Parfois même les parents
disent qu’il est un an à l’avance s’il est du mois de novembre, donc pour eux c’est comme
si on devait faire rentrer l’enfant à l’avance et donc un maintien ça permettra à l’enfant
de ne pas rentrer à l’avance. » (CPMS 7)
Bien que les analyses quantitatives mettent en évidence, pour chaque année, une
proportion d’élèves maintenus plus élevée chez les garçons que chez les filles, aucun CPMS
ne dit avoir constaté cette disproportion. Néanmoins, les équipes formulent des
hypothèses explicatives relevant d’une psychologie de sens commun pour rendre compte
de cette différence.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 5
1.2.3. Localisation géographique
Les maintiens sont plus élevés dans le Hainaut et dans le Brabant Wallon. Une équipe d’un
CPMS du Hainaut explique ce nombre plus important de maintiens par les conditions
socioéconomiques de leur province.
L’analyse des bases de données de la Communauté française met en évidence que certaines
écoles maintiennent beaucoup, d’autre presque pas voire pas du tout. Certaines écoles
maintiennent chaque année, d’autre jamais ou presque jamais.
Plusieurs équipes de CPMS repèrent des « constantes » dans les pratiques des équipes
pédagogiques. Pour certaines écoles, on dénombre peu de maintiens et pour d’autres c’est
plus fréquent. Il est possible d’avoir plusieurs maintiens par classe au sein d’une école alors
qu’il n’y en aura aucun dans un autre établissement :
« … il y a parfois très peu de maintiens dans ces écoles-là, voire pas du tout. Je pense à
une école où il n’y en a jamais. Et ils disent : « A quoi ça sert ? Si on part dans une
politique de maintien, on doit en maintenir 60%. Mais ils font avec et ils se disent :
« Voilà, on va travailler dans un autre esprit en primaire, on va prendre le temps et on ne
va pas viser pour tous tout de suite les apprentissages… Ils s’adaptent. Je ne dis pas que
par la suite il n’y a pas un certain nombre d’enfants qui effectivement vont être tout à
fait en décrochage (…) » (CPMS 3)
« … à un enfant donné, dans telle école, on va envisager un maintien pour lui, dans telle
autre, on n’y pensera pas du tout ! On sait très bien que les écoles fonctionnent de
manières tellement différentes. » (CPMS 3)
Cependant, selon certains acteurs de CPMS, la variabilité des taux de maintien s’observe à
deux niveaux : à un niveau inter-écoles mais aussi à un niveau intra école. Au niveau inter-
écoles, le taux de maintien est lié au niveau socioéconomique du public qui la fréquente. En
effet, selon certains CPMS, dans les écoles défavorisées, les équipes éducatives disent ne pas
pratiquer le maintien. Le pratiquer conduirait à maintenir presque tous les élèves. Au niveau
intra-école, le taux de maintien peut varier d’une année à l’autre sans qu’une tendance
puisse être clairement dégagée. Les CPMS expliquent que, selon les années, une école peut
connaitre plus ou moins de situations-problèmes ou avoir plus ou moins d’élèves en
difficultés, avoir des groupes-classes plus ou moins performants.
« S’il y a beaucoup de maintiens dans une classe ou dans une école une année c'est parce
que les circonstances sont telles qu'on a proposé beaucoup de maintiens cette année-là,
l'année suivante il peut très bien n'y avoir aucune demande de maintien… sur 10 ans ça
peut être très variable… » (CPMS 6)
Selon les CPMS, on retrouve une variabilité du même ordre chez les enseignants : certains
enseignants sont plus favorables au maintien que d’autres. Toutefois, des cas d’enseignants
e
6 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
qui s’opposent au maintien par principe suite au décret limitant la durée du cycle 5-8, en
raison d’une contrainte de l’école ou par peur de l’inspection sont signalés.
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 7
1.2.5. L’environnement socioéconomique (familial)
L’analyse quantitative a mis en évidence que les élèves défavorisés sont plus souvent
maintenus que les élèves favorisés. Plusieurs équipes de CPMS abondent dans ce sens : dans
les familles socioéconomiquement défavorisées, les enfants sont généralement moins
suivis, moins stimulés :
« Si l’enfant est maintenu parce que justement il lui manque des bases, parce qu’il n’y a
pas de suivi des parents, ce n’est pas parce qu’il y aura quatre ou cinq enfants ou plus
par la suite que ça ira mieux pour les petits frères et les petites sœurs. » (CPMS 5)
« … parce que cette structure familiale est peut-être moins « présente » ou moins
attentive et fait que les actions que l’on pourrait déjà mettre en place quand l’enfant est
en maternelle prennent plus de temps ou ne se mettent pas en place, les rééducations ne
se font pas du tout alors que dans d’autres milieux parfois c’est déjà les parents qui
prennent les devants et donc mettent en place beaucoup plus vite une aide, ça c’est un
élément auquel on est confronté, c’est la réalité. (CPMS 6)
Certains acteurs expliquent aussi qu’il arrive que plusieurs enfants d’une même famille
soient maintenus parce que les parents comparent leurs enfants : puisque le choix de
maintien leur a semblé positif pour les aînés, ils prennent la même décision pour les plus
jeunes !
« Non, s’il n’y a que le maintien en tant que tel, c’est rare. Oui, s’il y a un suivi parallèle
qui est indispensable (…) Je pense ici à plein d'enfants qui effectivement qui avaient un
retard mais quand je les vois maintenant au bout de leur 2e ou 3e primaire, bien sûr le
retard est toujours là mais si on ne les avait pas mis là, ils n'auraient jamais fait un bond
comme ça ! » (CPMS 8)
« … nous on conçoit un petit peu cette année de maintien, comme l’année où l’on va
pouvoir vraiment mettre en place ou continuer (…) On se dit « pendant cette année-là,
l’enfant va devoir aller trois ou quatre fois au CRF, on va pouvoir apporter toutes les
stimulations ou traitements nécessaires », là, c’est vraiment un investissement et donc,
quand ça se fait comme ça, là, on constate que c’est souvent très bénéfique… » (CPMS 3)
« … si on met en place des choses de part et d’autre pour pouvoir faire en sorte que ces
enfants qui ne recommencent pas leur 3e maternelle soient bien suivis. Là je pense qu’à
ce moment là, il n’y a pas de problèmes. Mais il faut qu’il y ait une structure qui puisse
accompagner l’enfant. Si il n’y a pas cette structure-là, je ne sais pas ce que ça va
donner. » (CPMS 4)
e
8 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Plusieurs équipes expliquent que le maintien n’est pas bénéfique ou utile dans l’absolu mais
que son « efficacité » s’ancre dans une logique de « cas par cas ». Le maintien est surtout
utile ou bénéfique pour les enfants issus de milieux défavorisés, présentant une immaturité
mentale ou affective, etc.
Par ailleurs, même si les CPMS sont convaincus de l’utilité du maintien, ils reconnaissent qu’il
ne garantit pas la réussite ultérieure. Certains estiment que le maintien est utile une fois sur
deux :
« … Le maintien est utile que dans un cas sur deux. Le problème, c’est que l’autre cas,
pour le maintien qui n’est pas utile, qu’est-ce qu’on fait ? On le met en première année
sans aide particulière ? Donc ça ne sert à rien. Ce qu’il faudrait, c’est transférer l’argent
qu’on aurait économisé en 3e maternelle au niveau de la 1re année pour leur donner du
rattrapage. » (CPMS 5)
Enfin, nous avons vu plus haut que le maintien peut constituer un moyen de préparer les
parents à accepter une orientation vers l’enseignement spécialisé : l’année de maintien les
prépare progressivement à cette idée et leur permet d’avoir « essayé autre chose avant ».
Dans ce cadre, même si certains enfants finiront par rejoindre l’enseignement spécialisé, un
peu moins de la moitié des équipes estime que l’enfant aura appris des choses en répétant
sa 3e maternelle. Le maintien permet de rendre l’orientation « meilleure » :
Notons que cette appréciation « positive » des choses s’inscrit dans la logique de notre
système scolaire qui se caractérise par une proportion d’élèves scolarisés dans
l’enseignement spécialisé plus élevée que dans la plupart des autres pays. En effet,
actuellement, en Europe, se met en place un mouvement important d’intégration des
enfants à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire. Dans certains pays, notamment
scandinaves, les enfants à besoins spécifiques sont pris en charge dans les mêmes structures
que les autres enfants.
On les suit tous, […] on le suit automatiquement. Parfois, on a de très bonnes surprises.
Mais d’une façon générale, comme on a beaucoup d’actions en maternelles répétitives,
[…] on est attentif à tous les enfants. Peut-être un petit peu plus particulièrement aux
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 9
maintenus effectivement pour voir s’ils évoluent bien. On essaie d’être un peu plus
professionnel. […] Si le suivi n’est pas obligatoire, on le fait d’une manière générale. »
« Un enfant maintenu est revu automatiquement puisque le PMS repasse en 3e
maternelle l’année suivante pour les autres 3e maternelles. » (CPMS 4)
« On reste attentif aux enfants maintenus sans les revoir systématiquement ou revoir les
parents car on est très présent dans les écoles. On va mettre aussi l’accent sur les
difficultés de l’enfant maintenu […] et essayer de voir tout au long de cette année là, si
ces éléments ont l’air de se modifier. […] Il n’y a pas de contrat en tant que tel avec
l’enseignant(e) mais quand on repasse en novembre de l’année prochaine, on est
régulièrement attentif à cet enfant là. » (CPMS 5)
Le schéma illustrant les parcours des enfants maintenus qui a été construit à partir de
l’analyse des bases de données de la Communauté française a suscité l’intérêt et de vives
réactions des acteurs des CPMS.
Premièrement, plusieurs équipes des CPMS épinglent les 58% d’élèves maintenus en
3e maternelle qui ont un parcours normal par la suite comme une donnée encourageante :
« 58% des enfants maintenus ont un parcours normal par la suite. Il y a quand même la
moitié des enfants qui sont sauvés je trouve. » (CPMS 4)
« Ce que je vois là-dedans c'est qu'il y a quand même 57 % qui s'en sortent ! » (CPMS 8)
« Vous prenez un groupe d’enfants dont 100% des enfants ont des difficultés à la base. »
(CPMS 6)
Pour les CPMS, les enfants maintenus ont au départ quand même moins de chances que les
élèves non maintenus de ne pas redoubler à terme : ils restent des sujets « à risque » et il est
normal d’observer des parcours parsemés d’embuches.
Deuxièmement, les équipes soulignent que ces résultats ne constituent pas une preuve de
l’inefficacité du maintien :
« Si ces enfants n’étaient pas maintenus en troisième maternelle mais promus pour aller
en première primaire, que ce serait-il passé ? Est-ce que ces enfants auraient fini par
répéter une année en première primaire ? » (CPMS 8)
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10 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
« Je serais curieux de voir les mêmes statistiques si on avait fait passer ces enfants, si ces
enfants n’avaient pas été maintenus. » (CPMS 6)
« Que donneraient les chiffres en taux de réussite s’il n’y avait plus de maintiens ? »
(CPMS 1)
Comme l’a suggéré Crahay (1996), les acteurs éducatifs basent leur jugement de l’efficacité
de la répétition d’une année sur les bienfaits qu’ils ont l’impression d’observer chez les
élèves non promus :
« En tant que PMS, après avoir examiné la situation, nous sommes convaincus que le
maintien va être bénéfique. Dans ces cas-là, l’enfant suit par la suite une scolarité tout à
fait sans accroc puisqu’on peut les suivre pendant plusieurs années. » (CPMS 6)
Les acteurs de terrain sont inévitablement contraints de limiter leur analyse à de telles
impressions subjectives dans la mesure où les résultats d’études quasi-expérimentales
comparant à compétence équivalente l’efficacité de la promotion vs. la répétition d’une
année leur sont peu diffusés ou/et connus.
« … il est vrai que des écoles ont déjà pris l’initiative (on l’a appris par après) de garder
des enfants plus tôt. » (CPMS 4)
Le problème évoqué ici est inquiétant dans la mesure où il s’inscrit dans une logique
d’« échec scolaire » de plus en plus précoce. Derrière ce constat précoce se profilent les
difficultés réelles des enseignants à gérer les problèmes d’apprentissage des enfants, les
différences de rythme et les inégalités entre élèves.
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Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 11
1.7. Le couplage du maintien avec un changement de classe ou d’école
Les acteurs CPMS expliquent que le changement d’école dans le cadre d’un maintien en
3ematernelle est plutôt rare. Différentes raisons peuvent amener les parents à emprunter
cette voie : si ça ne se passe pas bien avec l’enseignante actuelle, pour recommencer dans
une plus petite école, s’il y a opposition entre les parents et les équipes (écoles et CPMS) sur
la décision de maintenir, etc. Quand une école compte plusieurs classes de 3M, il arrive
souvent que le CPMS suggère un changement de classe au sein de la même implantation afin
que l’élève maintenu recommence son année avec un autre titulaire.
Les CPMS ont décrit les procédures de décision d’un point de vue légal : ce sont les parents
qui demandent une dérogation d’âge (et donc qui décident in fine). La direction de l’école et
le CPMS doivent remettre un avis favorable ou défavorable aux parents. Trois attestations
doivent donc être fournies à l’administration pour demander un maintien en 3e maternelle.
Ce sont les parents qui reçoivent le document d’acceptation du maintien ou l’école quand il
n’y a pas de désaccord entre chacune des parties concernées.
De manière générale, ce sont les enseignants qui proposent ou émettent l’idée du maintien.
Tous les centres PMS sans exception décrivent positivement la concertation avec les
équipes éducatives.
Les conseils de classe se déroulent en début ou en fin d’année scolaire (à partir de Pâques).
Ils concernent majoritairement la 3e maternelle, mais il arrive également qu’ils portent sur
les élèves de 1re et 2e maternelles. Ce sont les observations et/ou les inquiétudes de
l’équipe éducative qui constituent le point de départ des discussions.
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12 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Les désaccords entre les CPMS et les enseignants par rapport au maintien semblent assez
exceptionnels. Il arrive que les acteurs des CPMS soient confrontés à des enseignants qui par
principe ou par peur de l’inspection s’opposent à la pratique du maintien. Inversement, des
enseignants s’opposent aux CPMS quand ils pensent que leur évaluation ne reflète pas
l’évolution de l’enfant dans ses apprentissages. Dans ces rares cas, la tendance reste
cependant à la concertation en vue d’une négociation pour remettre un avis cohérent aux
parents.
Les CPMS sont unanimes quant au fait que la décision finale du maintien revient aux
parents, même si leur avis diffère de celui des membres de l’équipe ou de l’enseignant. Ils
s’accordent également pour dire qu’un maintien est très rarement sollicité par les parents :
« Dans 5% des cas, ce sont les parents qui demandent le maintien mais c’est rare que
cela vienne d’eux directement. Les parents demandent un maintien, poussés par l’école,
mais généralement ce n’est pas spontané de leur part. » (CPMS 5)
Le plus souvent, c’est le centre PMS qui prend contact avec les parents pour envisager un
maintien : ils leur expliquent qu’ils remettent un avis, un conseil, mais que le choix de
maintenir leur enfant ou pas leur revient. Des acteurs des CPMS expliquent aussi qu’ils
essaient de rassurer les parents, qu’ils les encouragent à mettre des choses en place si leur
enfant ne possède pas certains prérequis ou leur conseillent des aides.
« Et on leur dit ne vous inquiétez pas … (…). On donne des exercices aux parents et on
leur demande de travailler ça sous forme de jeux quand l’enfant est disponible. Toujours
sous forme de jeux et fin d’année scolaire on les revoit et on a une discussion avec
l’enseignante et avec les parents. Si besoin on envoie un courrier et on leur dit que tout
se passe bien, que l’enfant a bien évolué, tout simplement. » (CPMS 4)
« Essayez de travailler avec l’enfant pendant les vacances, parce que c’est possible aussi
». Dans pas mal de milieux, ce n’est pas toujours possible. » (CPMS 5)
« (…) nous disons : « nous avons un avis à vous remettre, nous estimons que pour votre
enfant, on pense que cela serait mieux, mais vous décidez, vous êtes libres de… » mais,
c’est la même chose que pour les enfants à orienter vers l’enseignement spécialisé, ce
sont les parents qui décident… » (CPMS 3)
La moitié des CPMS rapporte des difficultés ou des désaccords avec les parents quant à la
décision de maintien et avance plusieurs explications. Cela se produit si le processus
d’information n’a pas été idéal. Par exemple, ni l’enseignante, ni le CPMS n’a signalé les
difficultés de l’enfant et les parents sont pris au dépourvu. Il peut aussi arriver que des
difficultés aient été décelées et communiquées mais qu’elles n’aient pas été
reconnues/acceptées par les familles. Enfin, une demande de maintien peut également être
introduite par un parent contre l’avis du CPMS et de l’équipe pédagogique.
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Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 13
e
14 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
1.8.3. Entre le CPMS et d’autres organismes
La plupart des CPMS sont en relation avec des services d’aide extérieurs et insistent
d’ailleurs sur le fait qu’un maintien est une mesure bénéfique à la condition qu’il y ait un
suivi en parallèle qui peut notamment être assuré par ces services. Les organismes cités
sont le Service d’Aide à l’Intégration (SAI), le service de Promotion de la Santé à l’Ecole
(PSE), le Service d’Aide Précoce (SAP) et les Centres de Réadaptation Fonctionnelle (CRF).
Il arrive que ces organismes soient plus favorables au maintien que les CPMS :
« … parfois entre les CRF et le centre PMS, les avis divergent et ce n’est pas rare parce
qu’ils sont beaucoup plus favorables que nous au maintien (…) c’est le plus fréquent et
c’est toujours dans ce sens-là où eux prônent assez systématiquement des maintiens
pour les enfants qu’ils suivent pour lesquels on a parfois des réticences … » (CPMS 3)
« Les enfants qui sont en grandes difficultés sont pris en charge par des services
extérieurs qui souvent eux-mêmes soutiennent, ils sont parfois plus demandeurs que
nous, plus insistants sur les maintiens que nous (…).» (CPMS 7)
Par ailleurs, les CPMS parlent d’une pression ressentie par les enseignantes de 3e
maternelle de la part de leurs collègues de 1re primaire, ce qui amène ces dernières à
concevoir la 3e maternelle comme une « pré 1re primaire ».
« Je dis à l’institutrice qu’on va la faire passer en 1re année, parce que tant qu’on n’a pas
de réactions, de points, de choses comme ça, et elle me dit qu’est-ce que mon collègue
va dire si je lui envoie une enfant aussi peu compétente, qu’est-ce qu’il va penser de moi
et de ma manière d’enseigner et de stimuler les enfants ? A ce moment-là il faut faire le
lien avec l’enseignant de 1re année et lui expliquer pourquoi on a choisi (...) » (CPMS 7)
Ce dernier témoignage fait écho aux analyses des données de la Communauté française qui
montrent que les écoles qui ne comportent pas d’enseignement primaire maintiennent
moins. D’une manière générale, ils abondent dans le sens de l’analyse de Crahay (1996,
p. 102) selon laquelle le redoublement est parfois retenu comme solution afin de ne pas se
voir reprocher par le collègue du niveau supérieur le fait d’avoir laissé réussir un élève qui se
montrerait incapable de suivre son enseignement. Nous reviendrons plus loin sur la façon
dont les acteurs des CPMS se représentent cette pression.
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Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 15
Face à ces constats, on pourrait se dire que l’instauration du cycle 5-8 aurait dû faciliter la
continuité entre les niveaux maternels et primaires et diminuer la nécessité perçue de
maintenir certains élèves. Mais la moitié des CPMS expliquent que la mise en place du cycle
5-8 s’apparente plus à des démarches ponctuelles qu’à l’organisation d’un véritable
continuum. Il est question de classes vertes, d’ateliers communs aux élèves de 5/8 pendant
une après-midi, de périodes en commun lors d’activités spécifiques, etc. Cette concrétisation
timorée du cycle est attribuée au manque de moyens ou à l’absence de concertation entre
les enseignants concernés. Enfin, le rôle de la direction de l’école est pointée comme crucial
dans l’implantation d’un tel fonctionnement.
L’application du nouveau cadre légal (circulaire 2419 du 26/08/2008) limite à 4 ans la durée
du cycle 5-8 depuis l’année 2008-2009. Un élève ne peut recommencer qu’une seule année
au sein du cycle 5-8, qu’il s’agisse d’un maintien en 3e maternelle ou d'une année
complémentaire après la 1re ou la 2e primaire. Les années 2006-2007 et 2007-2008 étaient
des années de transition durant lesquelles un élève pouvait encore être maintenu en
3e maternelle et recommencer une des années du 1er degré primaire.
L’analyse des bases de données de la Communauté française met en évidence que le taux de
maintien diminue sensiblement à partir de 2008-2009. Cette diminution se confirme en
2009-2010. L’hypothèse avancée pour expliquer ce phénomène se rapporte à l’entrée en
application du décret : désormais, les parents (principalement) préfèrent ne pas maintenir
leur enfant en difficulté en 3e maternelle pour « conserver » la possibilité de lui faire répéter
la 1P ou la 2P. L’enquête par questionnaires menée auprès des équipes éducatives apporte
des éléments permettant de conforter cette hypothèse : les parents sont aujourd’hui moins
souvent d’accord avec les enseignants sur l’opportunité de maintenir leur enfant.
Tous les CPMS constatent une diminution du nombre de maintiens suite à l’entrée en
application du décret. La plupart d’entre eux le commentent négativement : « cette loi ne
résout pas forcément les problèmes » et « n’a pas limité les propositions de maintiens
effectives car le nombre d’enfants pour lesquels les inquiétudes sont relevées reste le
même… ».
« Je me souviens très bien que la première année, il y a même des écoles qui ont dit :
« On ne fait plus de maintien ». Ils sont sous la pression de l’inspection pour limiter les
maintiens, parfois très fort. Et au départ, quand on leur a demandé de faire tous les
protocoles d’accompagnement des enfants maintenus, ça les décourageait. Mais c’est
passé, ça a vraiment été éphémère cet effet. » (CPMS 3)
« C’est vrai que nous d’une façon générale dans toutes nos écoles, (…) on a une baisse du
maintien parce qu’on tient compte… le problème est que s’ils sont maintenus en
troisième maternelle ils ne peuvent pas recommencer une première primaire ou une
deuxième. Donc c’est très difficile de donner le conseil le plus judicieux qu’il soit. (… ) En
général, dans mes écoles, je trouve qu’on est de moins en moins prêt à envisager le
maintien. » (CPMS 4)
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16 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
En quoi le décret a-t-il, selon les CPMS, une influence sur la décision de maintenir un enfant
en 3e maternelle ? Il semblerait que chacun des différents acteurs concernés prend en
compte cette nouvelle donnée :
« Depuis qu’on ne peut plus recommencer une 1re et une 2e, je pense que ça a fait, chez
nous en tout cas, une nette régression au niveau des maintiens parce qu’on est vraiment
très embarrassé par rapport à la situation. Et c’est vrai que c’est dommage. » (CPMS 4)
« Il y a un léger stress chez les enseignantes : « Il faut qu’on réfléchisse », alors qu’elles le
font vraiment, qu’elles sont très attentives, je trouve que c’est dommage d’en arriver là !
(…) on travaille avec de l’humain, on ne sait pas dire non si on maintient un enfant en 3e
maternelle que ça va aller automatiquement très bien en 1re année primaire ». (CPMS 5)
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Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 17
2.1. Le maintien comme temps supplémentaire de préparation à la
délicate transition entre enseignement maternel et enseignement
primaire
La majorité des acteurs des CPMS ne considèrent pas le maintien comme un redoublement
mais comme un temps de préparation supplémentaire avant la 1re primaire, assorti d’une
aide pour l’enfant, d’un accompagnement ou d’un suivi par un organisme extérieur.
Maintenir un enfant sert à mettre des aides spécifiques en place pour l’élève en difficulté et
à ralentir le rythme des apprentissages afin qu’il soit prêt pour ceux de 1re année :
« C’est une aide spécifique et non un redoublement. C’est toujours avec un suivi extérieur
en plus. […] on va démarrer en début de 3e maternelle pour mettre en place des choses
qui peuvent aider l’enfant à être prêt en fin d’année à passer en 1re primaire… » (CPMS 1)
« L’année de maintien est une année où on va pouvoir mettre quelque chose en place
pour continuer… » (CPMS 3)
« […] c’est une mesure de protection de l’estime de soi de l’enfant que de lui permettre
de continuer à prolonger le temps de préparation. Moi, je ne crois pas qu’on double une
3e maternelle mais on prolonge parfois le temps de préparation en maternelle pour être
suffisamment efficient pour aborder valablement les apprentissages de 1re année.
L’année de maintien est une année qui sert à mettre en place des choses. […] ne disons
pas « doubler » la troisième maternelle. » (CPMS 6)
« Le maintien est une année complémentaire. Le terme « redoublement » n’est pas tout
à fait adapté. Neuf fois sur dix, l’équipe PMS propose un accompagnement, une
remédiation : que ce soit une logopède ou dans un centre. » (CPMS 7)
Lors des rencontres, les acteurs des CPMS ont parfois parlé de « rupture » à propos du
passage d’un enfant de la 3e maternelle à la 1re primaire. Ils estiment que la logique
d’apprentissage et les exigences sont totalement différentes entre ces deux niveaux
d’enseignement et que des prérequis pédagogiques sont nécessaires à l’entrée en 1re
primaire :
« On parle un peu en termes de prérequis. Donc, si vous voulez, enfin toutes les
enseignantes de mathématiques de primaire voient les choses ainsi, on estime que pour
qu’un enfant puisse aborder les apprentissages en primaire (…), il doit maitriser un
certain nombre de choses auparavant. Et s’il ne les maitrise pas, ça ne va pas marcher et
effectivement on constate que c’est souvent le cas, que ça ne marche pas. Parce que
l’école primaire fait avec les enfants qui sont « prêts » comme ils disent. […] il y a
e
18 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
vraiment une rupture entre la 3e maternelle et la 1re primaire. On est dans une toute
autre logique. » (CPMS 3)
« Il y a des enfants qui ne savent pas rester tout le temps sans bouger. Vous imaginez
rentrer en première année primaire, ça nécessite peut-être d’autres choses. Ce n’est pas
évident pour eux non plus. Tout de suite, ils sont en situation de décrochage, d’échec. On
les décourage. […] Demander à un enfant de six ans de se taire, de rester tranquille,
d’écouter, d’écrire, de lire, c’est un acte contre nature à six ans. » (CPMS 5)
La 1re primaire constitue une année très importante pour une majorité des CPMS
interrogés. Parents, enseignants, directions et inspections la considèrent comme une
« année charnière ». C’est dans ce cadre que, selon les acteurs des CPMS, les enseignantes
de 3e maternelle ressentent une « pression » de la part de leurs collègues de 1re primaire :
« Les institutrices de maternelle ont le sentiment qu’on leur demande de plus en plus en
termes d’apprentissages, de comportements, d’éducation et sur le plan administratif. »
(CPMS 5)
« … je crois qu'on demande aux enseignants de 3e maternelle d'aller trop vite et de trop
préparer à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture en faisant de l'écriture, du calcul
et certainement de la lecture alors qu'on oublie de travailler les prérequis, et ça c'est
sous la pression des parents voire sous la pression de certaines directions ou voire
certaines inspections ! » (PMS 6)
Plusieurs équipes de CPMS considèrent que les enseignants de 1re primaire sont peu
sensibles à la gestion des rythmes des apprentissages et de l’hétérogénéité. Par
conséquent, des élèves se retrouvent à la traine ou en décalage par rapport au reste de la
classe. C’est donc à ce niveau qu’une action doit se situer afin d’éviter une orientation vers
l’enseignement spécialisé pour une question de rythme, alors que l’enfant ne présente
aucun problème en termes de capacités intellectuelles.
« C’est parce que je pense qu’ils restent dans les représentations que la maternelle ce
n’est pas encore vraiment l’école et donc quand l’enfant passe en 1re primaire ça devient
sérieux… » (CPMS 2)
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 19
« C’est l’image de ce que l’on fait en classe en 3e maternelle qui pose problème. Les
parents ont souvent une mauvaise image (…). C’est le jeu, c’est l’occupation, la garderie.
On ne les met pas toujours, régulièrement le mercredi. » (CPMS 5)
« Ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils doivent avoir acquis par exemple avant la
première. (…) Pour eux les maternelles c’est : « On n'apprend rien » par exemple. (…). »
(CPMS 8)
Certains CPMS estiment que les parents ne remplissent pas leur rôle éducatif. Ils parlent
d’une « transformation de la façon d’élever les enfants. » Désormais, l’absentéisme touche
aussi l’école primaire du fait que les enfants sont de plus en plus couvés, sont maintenus
dans une relation fusionnelle avec leurs parents et donc de moins en moins autonomes. Par
ailleurs, les parents sont bien plus réactifs que par le passé : « ils n’hésitent pas à entrer dans
l’école au moindre problème ! ». La pression parentale qui s’exerce sur les enseignants serait
grandissante.
Par rapport à une décision de maintien, plusieurs équipes de CPMS expliquent que les
parents se positionnent désormais en faveur d’une année complémentaire en 1re primaire
plutôt que d’un maintien en 3e maternelle. Ils jugent plus utile de conserver la possibilité de
répéter une année au premier degré du primaire.
Il est par ailleurs inquiétant de remarquer lorsqu’un parent est favorable au maintien, les
raisons sous-jacentes ne sont pas toujours relatives aux difficultés scolaires de l’enfant
mais plutôt à une crainte de le voir grandir. Plus de la moitié des acteurs rencontrés
décrivent des cas de parents qui ne sont pas prêts à laisser leur enfant aller en 1re primaire.
Ils souhaitent prolonger le temps de la petite enfance et, partant, la 3e maternelle par une
demande de maintien.
« Il arrive quelque fois, mais c’est rare, […] où c’est une demande des parents de
maintien contre l’avis tout le monde […] Alors, le parent qui veut absolument maintenir
son enfant en maternelle alors que tout le monde dit qu’il n’y a aucune raison, cela
traduit quand même une autre problématique. » (CPMS 3)
« Certains parents sont contents car cela leur permet de maintenir leur enfant petit. »
(CPMS 4)
« Les parents demandeurs de maintien c’est plus rare. […] Dès la troisième maternelle, ils
proposent déjà de maintenir leur enfant car ils veulent le « maintenir sous cloche », ils
veulent le garder dans le « cocon familial ». » (CPMS 6)
« Il y a de plus en plus de parents angoissés pour leur enfant […] qui freinent le fait de
grandir, de le séparer d’eux et qui veulent le maintenir petit. Eux n’ont pas le cartable de
l’enfant en tête, ils sont encore dans les doudous et ils veulent que ça continue… » (CPMS
7)
e
20 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
Les avis sont divers quant à un suivi particulier des élèves maintenus par les enseignants. Il
semble que celui-ci soit mis en œuvre par certaines institutrices, pas par d’autres. Plusieurs
équipes rapportent qu’il peut se résumer en l’adoption d’une attitude particulière de
l’institutrice envers l’enfant qui recommence une année : il est le grand de la classe, il a un
rôle d’ainé vis-à-vis des plus jeunes. Certains acteurs dénoncent l’absence totale
d’aménagements pédagogiques ou d’adaptation du travail de l’enseignant pour l’élève
maintenu :
« Il y a des enseignantes qui très spontanément vont mettre en place des ateliers
spécifiques pour travailler la difficulté plus particulière de l’un ou l’autre enfant, il y en a
d’autres qui vont être moins en recherche. Je pense que c’est très individuel. » (CPMS 2)
« Souvent, l’enfant est valorisé s’il recommence avec la même enseignante parce qu’il a
souvent un rôle d’ainé par rapport aux autres. Il peut les tirer, l’enfant est mis en position
d’être aussi valorisé sur ses « acquisitions ». On demande aussi à l’institutrice d’exiger la
présence à l’école, d’être plus exigeante au niveau des résultats, de stimuler l’enfant
pour qu’il puisse se dépasser. » (CPMS 6)
« Je pense que clairement, elles ne mettent rien en plus en place pour un enfant
maintenu. Donc, c’est à nous, PMS et parents, de mettre des choses en place. De temps
en temps, plutôt dans les petites écoles, on peut mettre en place une certaine mobilité de
l’enfant. Pour le calcul, il va par exemple un peu en première. Mais les institutrices
n’adaptent pas leur travail à des enfants qui sont maintenus. » (CPMS 8)
e
Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 21
2) Les équipes des CPMS soupçonnent qu’une éventuelle suppression des maintiens par le
Ministère serait motivée par des raisons économiques. Presque toutes les équipes
rencontrées ont émis cette opinion.
1) Des classes uniques en maternelle pour que l’enfant puisse apprendre à son rythme
(être à la fois avec des enfants de son âge et réaliser des activités de son niveau) afin de
se passer du maintien
3) Des maîtres d’adaptation pour s’occuper des élèves en difficulté de façon individuelle,
travailler en petits groupes ou faire des jeux avec les enfants maintenus.
5) Deux entrées scolaires de sorte à équilibrer les différences entre les enfants nés en
début et fin d’année civile : une en septembre et une en janvier.
6) L’intégration plutôt que des orientations trop précoces vers l’enseignement spécialisé
et la création d’autres types d’enseignement pour les maternelles dans le spécialisé.
2 e re
Exemple 1 : Transférer l’argent qu’on aurait économisé au maintien en 3 maternelle au niveau de la 1 année pour faire
de la remédiation. C’est ainsi qu’une grande école a pu se permettre d’avoir un enseignant qui s’occupe exclusivement du
re e e
cours de rattrapage pour les 1 et 2 primaire et il n’y a plus besoin de maintien en 3 maternelle. Cette grande école a pu
e
engager un enseignant en distribuant ses heures (capital périodes). Au lieu d’avoir deux classes de 15 élèves en 5
primaire, il n’y en a qu’une seule avec 30 élèves.
e
Exemple 2 : Avoir une classe transitoire au sein des écoles où il ne s’agit plus de maintenir des enfants en 3 maternelle
e
mais de continuer à leur faire acquérir des apprentissages de 3 tout en abordant déjà l’apprentissage de la lecture
notamment.
e
22 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
CONCLUSION
Les rencontres des acteurs des CPMS ont permis de recueillir un nombre important
d’éléments d’information concernant le maintien en 3e maternelle. L’analyse des éléments
les plus saillants éveille certaines inquiétudes relatives à la pratique du maintien.
Tout d’abord, il apparaît que les acteurs des CPMS sont favorables au maintien d’un élève
en 3e maternelle à condition qu’y soit associée une prise en charge de l’enfant maintenu.
Cependant, de manière paradoxale, alors qu’ils insistent sur l’importance de cet
accompagnement spécifique, les CPMS déclarent ne pas mettre en place de suivi particulier
pour ceux qui répètent leur 3e maternelle : ces enfants restent en 3e avec les autres élèves et
on y est plus « attentif », on est plus « vigilant ». Les propos qui concernent les moyens mis
en place par l’enseignant sont tout aussi alarmants : leur mobilisation est loin d’être
systématique (certains s’en préoccupent, d’autres pas) et/ou ils semblent relativement
limités (par exemple, on donne le statut de « grand de la classe » à l’enfant maintenu).
La croyance des acteurs des CPMS en l’efficacité du maintien va de pair avec des réactions
qui ont été observées par rapport aux résultats statistiques sur les parcours des élèves
maintenus vs. élèves promus : les acteurs des CPMS les considèrent comme « pas si négatifs
que ça » (« 58% qui ont un parcours normal, c’est déjà pas mal »), comme tronqués (« ils
concernent des enfants qui ont un problème à la base ») ou encore comme ne prouvant rien
(« et s’ils avaient été promus, est-ce que ça n’aurait pas été pire ?»). Dans le même sens, la
défense de la pratique du maintien va de pair avec la critique du décret limitant la durée du
cycle 5-8 : selon les équipes, les nouvelles dispositions posent problème, sont
embarrassantes, demandent plus de réflexion lors d’une décision de maintien et, de toute
façon, n’ont qu’un objectif économique.
Les CPMS ne décrivent pas de difficultés d’apprentissage précises pour caractériser les
enfants maintenus. Ils évoquent, au mieux, des problèmes relatifs à la maîtrise de la langue
d’enseignement. Le plus souvent, ils parlent de faiblesse ou de retard, d’une manière
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Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 23
générale, ou/et d’un manque de maturité. Les enfants les plus touchés sont sans doute les
plus défavorisés, moins suivis et moins stimulés à la maison. Leurs parents ne perçoivent pas
l’importance de l’enseignement maternel et le considèrent comme peu porteur
d’apprentissages. Cette conception de l’enseignement préscolaire conduirait alors à un
absentéisme important.
Les acteurs des CPMS disent ne pas se rendre compte du fait que les garçons sont plus
souvent maintenus que les filles. Confrontés aux chiffres, ils proposent des explications qui
relèvent d’une psychologie de sens commun. Par contre, concernant le mois de naissance,
les acteurs sont bien conscients du fait qu’ils maintiennent plus d’enfants nés tard dans
l’année. Les CPMS disent prendre en considération cette donnée pour éclairer les problèmes
et décider d’un report de l’entrée en 1re primaire. Toutefois, ce n’est pas ce facteur à lui seul
qui amène l’ouverture d’un dossier de maintien. Par ailleurs, le mois de naissance présente
l’avantage de pouvoir argumenter la décision de maintien sur base de l’idée de maturité, ce
qui peut être plus facilement entendu par les parents que le signalement d’une faiblesse ou
d’un retard général.
Toujours dans l’optique de la communication avec les parents, un autre constat est
troublant : si les équipes présentent la pratique du maintien comme un moyen de répondre
à une difficulté de l’enfant, il arrive également qu’elles justifient le fait d’y recourir par un
objectif « supérieur » : l’orientation vers l’enseignement spécialisé. Dans cette perspective,
le maintien permettrait aux parents de l’enfant dont on pense qu’il n’est pas capable de
poursuivre sa scolarité dans l’enseignement ordinaire de « faire le deuil » d’un parcours
scolaire normal. Ainsi, ils ont le temps de se faire à l’idée, de s’y préparer. Dès lors,
l’orientation est « meilleure ».
Suite à notre passage dans certains CPMS du Hainaut, un groupe de travail réunissant
quelques directions s’est spontanément mis en place en vue d’approfondir la
problématique. Avant de refermer cette conclusion, nous voudrions rendre compte des
réflexions qu’ils nous ont adressées.
- les sollicitations de maintien depuis que ce dernier ôte la possibilité de réaliser une
année complémentaire dans le premier degré du primaire ont diminué voire disparu
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24 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle
dans certaines écoles, ce qui va de pair avec une préférence marquée par les parents
pour une année complémentaire au terme de la 1re primaire ou de la 2e primaire
plutôt qu’un maintien en 3e maternelle ;
- des maintiens sont pratiqués en 1re et 2e maternelles - les CPMS sont mis devant le
fait accompli d’une demande de dérogation au début de la 3e maternelle ;
- aucun suivi particulier ou de pédagogie spécifique n’est mis en place pour répondre
aux difficultés de l’enfant, maintenu ou promu.
- le travail du lien M3 / P1 ;
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Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle Partie 3 – 25
REFERENCES
Circulaire 2419 du 26/08/2008.
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26 – Partie 3 Analyse des causes et conséquences du maintien en 3 maternelle