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N" SPÉCIAL B-1960 LA HOUILLE B L A N C H E 857

Applications
de la m é t h o d e de l'hydrogramme unitaire
à quelques cours d'eau français
Application of the unit hydrograph method
to a f e w French streams
PAR J. J A C Q U E T
I N G É N I E U R A L A D I V I S I O N « H Y D R O L O G I E »

D U S E R V I C E D E S É T U D E S H Y D R A U L I Q U E S D ' É L E C T R I C I T É D E F R A N C E

Examen des problèmes d'hydrologie — relatifs Examination of hydrological problems likely


à l'analyse et à la reconstitution des débits ré- to be studied by the unit hydrograph method,
sultant d'une averse, à leur distribution dans in connection with the analysis and reconsti-
le temps —, susceptibles d'être étudiés par la tution of flows resulting from a shower and
méthode de l'hydrogramme unitaire. their distribution with respect to time.
Présentation des résultats obtenus et indica- Présentation of results obtained and indic-
tions sur les études en cours relatives aux con- ations regarding présent studies of conditions
ditions d'application de cette méthode à cer- under which this method can be applied to
tains cours d'eau français dont les superficies certain French streams, the catchment areas of
de bassins versants varient de 3 à 600 km . s
which vary between 3 km' and 600 km".
Questions pratiques de mise en œuvre de la Practical application questions shown by a few
méthode d'après quelques exemples (analyse examples (analysis of showers and resulting
d'averses et des crues correspondantes pour la floods in order to détermine unit hydrographs,
dérivation d'hydrogrammes unitaires, synthèse synthesis of hydrographs, etc.).
d'hydrogrammes, etc.). Advantages and limits of application of the
method.
Intérêt et limites d'application de cette tech-
nique.

Les principes de base de la méthode de l'hy- troisième parties de cet exposé sont consacrées à
drogramme unitaire étant connus [1], on exa- une revue rapide de résultats d'application à
mine dans une première partie les problèmes l'analyse des phénomènes d'écoulement sur di-
concrets de l'ingénieur qui justifient la mise en vers cours d'eau de France.
oeuvre pratique de cette technique; les seconde et

Article published by SHF and available at http://www.shf-lhb.org or http://dx.doi.org/10.1051/lhb/1960018


858 LA HOUILLE BLANCHE N° SPÉCIAL B-1960

PREMIÈRE PARTIE

C O N D I T I O N S P R A T I Q U E S D'UTILISATION D E L A MÉTHODE
DE L'HYDROGRAMME UNITAIRE

Le problème fondamental envisagé ici est ce- vision d'apports dans une retenue, etc.). L'hy-
lui de la synthèse de l'hydrogramme d'écoule- drogramme unitaire, en tant que caractéristique
ment d'une averse sur un bassin versant : dans du bassin versant, est utilisé à son rang pour
quelle mesure l'utilisation d'hydrogrammes uni- moduler dans le temps le volume d'écoulement
taires en permet-elle une approche de solution? estimé par d'autres méthodes à partir des averses
O n est conduit à distinguer divers points de vue observées ou prévues : il n'apporte donc pas une
suivant la nature du résultat recherché par l'in- solution complète à ce problème complexe.
génieur et suivant le type de bassin versant
étudié.

B. — Prédétermination d'hydrogrammes
d'écoulement d'une aire imperméabilisée
et d'un bassin versant naturel
A. — Problèmes hydrologiques d'équipement
et d'exploitation des cours d'eau
1. La presque totalité des eaux météoriques
reçues par une agglomération à forte densité de
E n matière d'hydrologie des crues, l'ingénieur population contribue au ruissellement superficiel
d'équipement et l'ingénieur exploitant d'aména- direct. Les coefficients d'écoulement ou de ruis-
gements hydrauliques ont des exigences diffé- sellement sont toujours élevés et dépendent
rentes, bien qu'elles se ramènent en dernière d'abord du degré d'imperméabilisation, donc
analyse à la recherche d'informations quantita- d'urbanisation, du bassin. O n utilise en pratique
tives sur des phénomènes à venir, à espérer ou des valeurs fixes de ces coefficients, caractéris-
à craindre, avec ou sans indication de temps. tiques de l'aire étudiée. Ceci représente une sim-
plification importante du calcul des crues plu-
1. La détermination des dimensions d'un ou- viales à évacuer, qui ne comportent par ailleurs
vrage nécessite la connaissance des caractéris- qu'un débit de base négligeable. Si des hydro-
tiques des crues de faibles probabilités au point grammes unitaires ont pu être déduits de l'ana-
d'implantation choisi : distribution des débits lyse d'un certain nombre d'averses et de crues
dans le temps et valeur du débit de pointe de subséquentes observées sur la zone, la détermi-
l'hydrogramme de crue, sans référence — et c'est nation des débits maximaux correspondant à des
important — à une date précise d'occurrence averses-types de fréquence déterminée est, en
du phénomène. Il sera en principe avantageux principe, possible.
d'utiliser la méthode de l'hydrogramme unitaire
lorsque la statistique des débits dont on dispose 2. La difficulté de prédéterminer les hydro-
est courte au regard de celle des données plu- grammes de crues d'un bassin versant naturel,
viométriques. Mais il faut noter que l'introduc- dont on connaît des hydrogrammes unitaires,
tion du point de vue probabiliste dans la liai- provient de ce que les paramètres représentatifs
son pluie-débit à l'échelle de l'averse, pose des de l'état du bassin varient rapidement dans le
problèmes délicats qui sont loin d'avoir reçu temps. Les valeurs des coefficients d'écoulement
des solutions satisfaisantes. et de ruissellement d'averses dépendent étroite-
ment de l'humidité des terrains, de l'état des
2. Les exigences d'un organisme d'exploitation nappes phréatiques sur le bassin, tout autant que
sont plus précises et aussi plus difficiles à satis- des caractéristiques des précipitations. La dis-
faire : il s'agit en effet de prévoir un hydro- tribution dans le temps — en cours d'averse —
g r a m m e d'écoulement à sa date exacte, à échéance des « pertes » de précipitations (« pertes » par
la plus longue possible (annonce des crues, pré- infiltration, évaporation, rétention) pose enfin un
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problème ardu non résolu. La complexité des C'est là l'objet principal des études sur bas-
facteurs en jeu nécessite donc l'examen d'un sins expérimentaux qui permettent de transposer
grand nombre de cas pour réaliser le « toutes certains résultats à d'autres bassins, ou tout au
choses égales d'ailleurs » dans l'étude du sens et moins d'orienter efficacement les recherches sur
de l'importance de l'influence de chaque facteur un nombre limité de facteurs d'écoulement pour
d'écoulement sur les hydrogrammes de crues. la prédétermination des hydrogrammes.

DEUXIÈME PARTIE

ETUDES EN C O U R S RELATIVES A U X CONDITIONS D'APPLICATION DE LA MÉTHODE


DE L'HYDROGRAMME UNITAIRE A DES COURS D'EAU FRANÇAIS

Dans leur phase actuelle, ces études concernent des hypothèses de base de la méthode a été effec-
l'analyse de crues d'origine pluviale sur des bas- tuée par M. Cappus [2] qui a analysé plus de
sins versants naturels du Massif Central et de sa 200 crues pluviales de la Saignerie sur le bassin
périphérie (fig. 1). expérimental d'Alrance (superficie 3,15 km' ).2

Cet important travail a permis de dégager, poul-


A. — Etudes sur bassins expérimentaux ies différentes phases d'écoulement, des rela-
tions permettant de les définir quantitativement
1. Une vérification expérimentale de la validité et de suivre leur évolution dans le temps : il est

FIG. 1
Emplacement des bassins versants étudiés.
8G0 LA HOUILLE BLANCHE N" SPÉCIAL B-1960

895 m
j Feniers 879 m
©

904 m

921
Millevùxhes ippolyte©
© '
939

@ Stotion pluviométrique équipée d'un pluviographe


(y) » » « » pluviomètre simple

FIG. 3
stotion de jaugeoge Bassin versant du haut Vidourle
635 m à Saint-Hippolyte-du-Fort (superficie: 35,5km ). 2

0 2 4 6 8 10 k m
© S t a t i o n pluviométrique équipée d'un pluviographe
possible de calculer avec une bonne précision
(v) « " " « pluviomètre simple
les débits instantanés, moyens journaliers ou
FIG. 2
mensuels à partir des précipitations et d'un pe-
Bassin versant de la Diège au pont de Loubeix
2
tit nombre de paramètres représentant l'état du
(superficie 225 k m )
bassin.
(On a représenté le découpage polygonal définissant les
coefficients de pondération à affecter aux observations
pluviométriques pour le calcul de la lame d'eau m o y e n n e 2. Une nouvelle phase de recherches en dé-
précipitée sur le bassin par la méthode de Thiessen.) coule : contrôler la validité du procédé de cal-

Sauve
©
Moulezan

(v) Station pluviométrique équipée d'un pluviographe


H
" pluviomètre simple

FIG. 4
2
Bassin versant du Crieulon au pont d'Orthoux (superficie : 110 k m )
(Le Crieulon est u n affluent de rive gauche du Vidourle à l'amont de Sommières.)
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cul mis au point à Alrance lorsqu'on l'applique mis de vérifier la stabilité des hydrogrammes
à des bassins versants plus étendus et étudier unitaires en tant que caractéristiques de ruissel-
l'évolution de la précision d'estimation des dé- lement d'un bassin versant : les hydrogrammes
bits lorsque l'on s'écarte des conditions expéri- unitaires dérivés de l'analyse de crues de moin-
mentales d'établissement des relations pluie-débit dre importance ont été utilisés pour reconstituer
dont on fait usage. La nécessité d'un ajustement avec une précision acceptable les hydrogrammes
qui prenne en compte les hétérogénéités crois- de ces crues de fréquence rare, sur le haut
santes affectant les facteurs d'écoulement est en Vidourle à Saint-Hippolyte-du-Fort (fig. 3), sur
effet évidente. A cette fin, une série de bassins le Crieulon à Orthoux (fig. 4) et sur le Vidourle
versants expérimentaux dont les superficies va- à Sommières.
2
rient de 20 à 225 k m — tel celui de la Diège
(fig. 2) — ont été équipés sur la haute Dordogne
en vue de l'étude des possibilités de prévision
d'apports à courte et moyenne échéance dans les
retenues de la région. C. — Etudes sommaires sur des bassins du
Massif Central

B. — Application de la méthode de l'hydro- Utilisant l'information brute dont on dispose


g r a m m e unitaire à l'étude des crues d u sur des bassins versants équipés au moins d'un
pluviographe et d'une station de jaugeage avec
Vidourle
lininigraphe, on a pu montrer que l'analyse d'un
nombre relativement restreint de crues simples
Cette étude, entreprise à la demande de la Com- (5 à 15 par bassin) permettait de dégager des
pagnie Nationale d'Aménagement du Bas-Rhône renseignements utilisables pour la recherche de
et du Languedoc, avait pour objet la recherche liaisons pluie-débit : des hydrogrammes d'aver-
de caractéristiques des crues de ce fleuve et de ses types ont été tracés pour le Bès et le Lan-
certains de ces affluents, en divers points où est der, affluents de la Truyère (fig. 1) qui débou-
prévue l'implantation de barrages écrêteurs pour chent dans la retenue de Grandval, el pour la
la protection des localités riveraines. Les crues Maronne à Sainte-Eulalie (fig. 5), à l'amont du
exceptionnelles de l'automne 1958 [3] ont per- barrage d'Enchanet.

FIG. 5

«assin versant de la M a r o n n e à Sainte-Eulnlic


2
(superficie : 113 k m ) .

8
862 LA HOUILLE B L A N C H E N" SPÉCIAL B-1960

TROISIÈME PARTIE

EXAMEN, SUR QUELQUES EXEMPLES, DES PROBLÈMES PRATIQUES


D'APPLICATION DE LA M É T H O D E DE L'HYDROGRAMME UNITAIRE

Les problèmes (résolus ou non) que pose l'ana- A. — Analyse des averses et des crues
lyse des hiétogrammes d'averses et des hydro- correspondantes pour l'établissement
grammes de crue en vue de la dérivation d'hydrogrammes unitaires
d'hydrogrammes unitaires, et ceux relatifs à la
synthèse d'hydrogrammes d'écoulement à partir 1. E T U D E D E L'AVERSE G É N É R A T R I C E D E LA CRUE
de la pluie, sont examinés à la lumière des
(crue du Vidourle à Sominières, le 4 octo-
résultats obtenus sur les divers bassins précités.
bre 1958).
Les définitions de termes techniques et les nota-
tions utilisées sont celles de L'Hydrologie de a) Estimation de la lame d'eau moyenne re-
l'Ingénieur, de M. Remenieras [1]. çue par le bassin :

Fia. fi
Réseau d'isanomales cotées en
% de la hauteur de lame d'eau
m o y e n n e (P = 153 m m ) précipi-
tée sur le bassin du Vidourle à
Sommières le 4 octobre 1958
(superficie du bassin versant :
!
630 k m ) .
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Cette estimation résulte d'une moyenne pon- 4-10-58

dérée des hauteurs de précipitations observées


aux divers pluviomètres du bassin et de sa pé-
riphérie d'après la méthode de Thiessen [1]. Les
poids étant uniquement fonction de la réparti-
tion topographique des stations, des erreurs sys-
tématiques peuvent s'introduire lorsque, par
exemple, les pluviomètres sont tous situés dans
les parties basses d'un bassin de montagne. Il
importe donc de s'assurer que l'échantillonnage
d'observations pluviométriques représente con-
venablement les précipitations réelles. Avec un
réseau de stations tel que celui dont on dispose
sur le bassin de Vidourle [3] ou sur celui de la
Diège (fig. 2), l'écart entre les estimations de
lame d'eau moyenne obtenues par la méthode
de Thiessen et par planimétrage des isohyètes
est inférieur à 5 % . Il est toutefois nécessaire
de tracer des isohyètes ou isanomales d'averses
pour étudier la répartition spatiale des préci-
pitations qui, dans le cas présent, sont bien
centrées sur le bassin (fig. 6).

b) Détermination du hyétogramme moyen


d'averse sur le bassin : 4-10 -58 5-10-58

L'hétérogénéité de répartition spatiale et tem- Fia. 7


porelle de la pluie nécessite généralement l'in- H y é t o g r a m m e m o y e n et h y d r o g r a m m e
stallation de plusieurs pltiviographes sur le bas- de la crue du Vidourle à Sommières le 4 octobre 1958
sin étudié. O n calculera donc un hyétogramme (Sur l'hydrogramme, la courbe frontière entre écoule-
moyen à partir d'une moyenne, pondérée ou ments hypodermique et souterrain n'a pas été tracée.)
non, des pourcentages de la précipitation enre-
gistrés par chaque pluviographe pendant chaque tracé de la courbe frontière correspondante sur
durée unitaire d'averse (1 heure par exemple sur l'hydrogramme observé.
les bassins de l'importance de ceux étudiés ici). Dans le cas de la crue du Vidourle à Sommiè-
La précision de cette opération peut être limitée res, le 4 octobre 1958 (fig. 7), provoquée par une
par les défauts de synchronisation des appareils, averse d'intensité exceptionnelle, la part du ruis-
qui entachent d'erreur la chronologie de la sellement direct a été prépondérante dans la for-
pluie. C'est le hyétogramme moyen, indiquant mation du débit de pointe.
les tranches horaires des précipitations de Dans le cas des bassins versants du Massif
l'averse génératrice de crue sur le bassin, qui sera Central, où les précipitations ont un caractère
désormais utilisé pour la suite de l'étude (fig. 7). moins violent, il devient très aléatoire de cher-
cher à distinguer les deux phases du ruisselle-
ment et c'est d'ailleurs inutile pour l'application
2. A N A L Y S E DE L'HYDROGRAMME DE CRUE. de la méthode de l'hydrogramme unitaire. E n
effet, lorsque Shermann, vers 1932, proposa les
Cette analyse consiste d'une part à séparer les principes de cette méthode d'analyse, il ne dis-
diverses phases d'écoulement (ruissellement di- tinguait pas entre ruissellement direct et retardé,
et, d'autre part, l'analyse des crues à Alrance a
rect, ruissellement retardé ou écoulement hypo-
montré que la théorie s'appliquait parfaitement
dermique, écoulement souterrain) et d'autre part
à l'hydrogramme de crue dont on sépare seule-
à étudier leur distribution dans le temps.
ment la phase d'écoulement souterrain [2].

a) Séparation des différentes composantes de Toutefois, il y a intérêt à séparer les deux


l'écoulement : phases de ruissellement chaque fois que celle
opération est possible (crues importantes). E n
O n peut et doit se demander si l'on a effective- effet, l'hydrogramme de ruissellement direct per-
ment affaire à ces trois types d'écoulement pour met de mieux déterminer le temps de concen-
la crue ou sur le bassin étudié et également si la tration du bassin, tandis que l'hydrogramme
faible importance relative de l'une ou l'autre des groupant les deux formes de ruissellement a un
phases ne rend pas illusoire la précision du temps de base plus long et relativement moins
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FIG. 8

Etude de la décrue du Vi-


dourle à Sommières du 5 au
Temps
8 octobre 1958. (L'échelle des
0 6 12 18 24 6 12 18 24 6 12 18 24 6 12 18 22 en heures
5-10-58 6-10-58 7-10-58 8-10-58
débits est logarithmique.)

bien défini, auquel il n'est pas possible de don- Le tracé des courbes frontières sur l'hydro-
ner une signification précise. g r a m m e étudié est effectué par extrapolation à
Les deux méthodes d'analyse d'hydrogrammes gauche des courbes de décrue d'écoulement hy-
ont été utilisées : en trois phases (étude du Vi- podermique ou souterrain, puis complété au jugé.
dourle) et en deux (étude des bassins du Massif Dans certains cas, l'étude d'hydrogrammes cor-
Central). Dans l'un et l'autre cas, les méthodes respondant à des averses n'ayant manifestement
de séparation sont analogues et basées sur l'étude pas donné lieu à un ruissellement important per-
des courbes de décrue. O n admet couramment met de définir le temps séparant l'averse des
que la décrue de chaque phase d'écoulement m a x i m u m s de crues hypodermique ou souter-
s'opère suivant une loi de décroissance expo- raine et parfois les débits correspondants. C'est
nentielle de la forme : finalement l'expérience acquise dans la compa-
raison des hydrogrammes calculés et observés
QU) =Q(f„) d'un bassin qui permet d'améliorer le tracé des
L'analyse de la courbe de décrue tracée en courbes frontières.
coordonnées semi-logarithmiques (log Q, t) fait
apparaître les instants de fin de décrue des dif-
b) Estimation des volumes d'écoulement et bi-
férents types d'écoulement (fig. 8).
lan global relatif à une averse :
O n observera que la loi de décrue souter-
raine (loi de tarissement) n'est valable qu'en Dans le cas de la crue du 4 octobre 1958 à
l'absence d'évaporation : en réalité, le coefficient Sommières, la séparation des phases d'écoule-
de décroissance a varie avec la saison. Ainsi, ment de crue conduit aux résultats suivants :
l'étude du tarissement du bassin de la Maronne — Volume ruisselé V,. = 36 M m 3
équivalents à
(fig. 9) a permis de déterminer, par des courbes une lame d'eau (pluie nette) P„ = 57 m m ,
enveloppes de décrues souterraines, des valeurs
moyennes de % significativement différentes : — Coefficient de ruissellement global :
K,. = P„/P = 57/153 = 37 % .
en été (14 < 0 < 16") : 10° a = 2,05
m

en hiver ( 4 < 6 < 5°) : 10« a = 1,28


m
— Le bilan approximatif de l'écoulement de
(Q étant exprimé en nr'/s et t en secondes). l'averse du 4 octobre s'établit en calculant
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Fie il

Courbes de tarissement de la M a r o n n e à Saintc-Eulalie (B.Y. 113 km").


(Les courbes enveloppes ont été tracées en coordonnées semi-logarithmiques
dans la partie inférieure.)

le volume (ou son équivalent en lame d'eau) relatif à une averse de durée donnée : elles
écoulé entre le début de la crue et l'instant permettent, en particulier, de déterminer
de réapparition de la valeur du débit de l'heure du débit de pointe correspondant.
base observé au début de la crue. Il appa-
raît ainsi que l'averse étudiée (P = 153 m m ) Ainsi, sur le bassin de la Maronne orienté
a produit 93 m m d'écoulement, soit un ren- ouest-est dans le sens de l'écoulement (fig. 5), le
temps de montée de la crue varie du simple au
dement de 60 % : la recharge en humidité
double suivant le déplacement de l'averse d'est
du sol et l'évapotranspiration ont absorbé
en ouest ou d'ouest en est. Dans le cas de la
40 % de la précipitation. Ces chiffres doi-
Diège au pont de Loubeix (fig. 2), le temps de
vent être rapprochés de ceux relatifs aux
montée t est lié à la durée de la pluie
m par la
averses des 29 et 30 septembre 1958 qui ont
relation linéaire :
fourni seulement 17 % de leur volume en
écoulement en raison de l'état de sécheresse t = (l /2) + 8 h
m p

du bassin [3]. 3. DÉRIVATION D'UN HYDROGRAMME UNITAIRE A


PARTIR D'UNE C R U E OBSERVÉE.

c) Etude de la distribution du volume d'écou- Cette opération est présentée sous la forme
lement dans le temps : simplifiée suivante : définir, à partir de l'hydro-
O n détermine sans difficulté spéciale les temps g r a m m e de la figure 7, un hydrogramme uni-
de réponse du bassin, temps de montée et taire correspondant à une averse efficace de
temps de base de l'hydrogramme de crue [ 1 ]. 1 heure et à un volume de ruissellement équi-
Ces diverses grandeurs varient en fonction valent à 1 m m de lame d'eau.
des caractéristiques d'averses et intervien- a) Le volume de ruissellement de la crue
nent pour fixer la forme de l'hydrogramme V,. s 57 m m de lame d'eau a été produit,
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d'après le hyétogramme moyen, par une frac- primant l'égalité des tranches horaires de
tion d'averse qui a duré 2 heures et fourni ruissellement dans les hydrogrammes com-
102 m m de pluie efficace, dont 57 m m de posé et observé. La méthode est générale et
pluie nette. O n a admis pour cela une capa- est en principe applicable quelle que soit la
cité d'absorption constante sur le bassin pen- complexité de l'averse génératrice et de
dant cette durée efficace : C ,„ = 22,5 m m / h rt l'hydrogramme résultant.
(en fait, ce paramètre devrait être une fonc- Dans tous les cas, le nombre d'équations
tion décroissante de la durée de la pluie). écrites est supérieur à celui des inconnues
u . La théorie de l'hydrogramme unitaire
{
b) D'après la théorie de l'hydrogramme unitaire,
permet d'affirmer la compatibilité du sys-
l'hydrogramme de ruissellement observé
tème. La solution devrait donc être indé-
peut être considéré c o m m e résultant :
pendante du choix des équations résolvan-
— soit d'une averse de 2 heures avec intensité tes : en fait, les imprécisions de tracé de
moyenne de pluie nette : l'hydrogramme de ruissellement, celles de la
répartition des intensités nettes entre les
I„ = 57/2 = 28,5 m m / h
averses unitaires, jointes au fait que la linéa-
rité de la relation pluie-ruissellement est
—- soit de la succession de deux averses unitaires
seulement une hypothèse, conduisent à des
de 1 heure dont les intensités nettes seraient
séries de valeurs différentes de coefficients
43 m m / h pour la première et 14 m m / h pour
iii selon le choix opéré. O n procède alors de
la seconde (fig. 7).
manière à réaliser le meilleur ajustement
c) La distribution horaire (en '%) du volume possible pour les valeurs centrales utilisées
ruisselé V donne une suite de valeurs v
r i
pour la détermination des débits de pointe.
(telles que S w = 100) qui constituent dans
4
O n a retenu pour l'hydrogramme unitaire
le premier cas une estimation des coeffi- du Vidourle à Sommières, dont le temps de
cients de distribution du ruissellement pro- concentration est 16 heures, un coefficient
duit par une averse unitaire de 2 heures. maximal de distribution u —18 % dans à

la quatrième heure à partir du début de la


d) Si l'on considère l'hydrogramme observé crue. Il correspond donc, pour une lame
c o m m e résultant de la composition de deux d'eau ruisselée de 1 m m produite par une
hydrogrammes décalés d'une heure, corres- averse de 1 heure, le débit de pointe :
pondant respectivement à des averses unitai-
e
res de 1 heure, d'intensités nettes 43 m m / h 10 0 18
et 14 m m / h , les valeurs des coefficients de QM= 3 600 6 0 1 / s
- k m ï
~ 3 1
' 5 m 3
/ s

distribution horaire u du ruissellement t

d'une averse de 1 heure, s'obtiennent en ré- e) E n pratique, on se livre rarement au calcul


solvant le système d'équations linéaires ex- qui vient d'être exposé : on détermine à par-

LA M A R O N N E A SAINTE-EULALIE
1958

Hydrogramme unitaire
E durée d'averse : 4 h
volume ruisselé : 4 m m (1 m m / h )
f hydrogrammes observés
hydrogramme unitaire moyen

FIG. 10

H y d r o g r a m m e unitaire m o y e n
de la Maronne à Saintc-Eulalie
correspondant à une durée
d'averse unitaire de 4 heures,
(Cet h y d r o g r a m m e n'est pas un
h y d r o g r a m m e de ruissellement
pur : il intègre tous les types
d'écoulement de crue à l'ex-
clusion de l'écoulement souter-
+ 20 Temps en heures rain).
N" SPÉCIAL B-1960 J. J A C Q U E T 867

tir d'averses unitaires de m ê m e durée une


série d'hydrogrammes unitaires dont on dé-
duit u n hydrogramme moyen en amenant en
coïncidence les temps d'occurrence du dé-
bit de pointe (fig. 10). A partir de cet hydro-
gramme, on compose les hydrogrammes cor-
respondant à diverses durées d'averses net-
tes et en particulier l'hydrogramme en S du
bassin [1]. Compte tenu des informations
sur les caractéristiques des précipitations ex-
ceptionnelles, on peut alors définir différen-
tes répartitions en intensité et durée de pluie
nette d'averses uniformes susceptibles de
produire un débit de pointe de ruissellement
donné.
La figure 11 représente l'hydrogramme en
S et le diagramme moyen de distribution ho-
raire du ruissellement d'une averse unitaire
de 1 heure sur le bassin de Crieulon à Or-
thoux (fig. 4) : ils ont été établis à partir
d'un certain nombre d'hydrogrammes unitai-
res et rectifiés d'après les écarts constatés
entre hydrogrammes observés et calculés.

4. C O M P A R A I S O N DES CARACTÉRISTIQUES D'HYDRO-


3 4 5 6 7 8 9 1 0 11 12 13 14 15 GRAMMES UNITAIRES DE QUELQUES COURS
T e m p s en h e u r e s D'EAU FRANGAS.
FlG. 11
Les résultats groupés dans le tableau I : temps
H y d r o g r a m m e en S et d i a g r a m m e de distribution horaire
de réponse, temps de montée, temps de base,
du ruissellement correspondant à une averse unitaire
de 1 h sur le bassin versant du Crieulon à Orthoux temps de concentration et débit de pointe, suf-
(superficie: 110 k m ) . 2
fisent à définir convenablement les hydrogram-

TABLEAU 1
Caractéristiques d'Hydrogrammes unitaires
relatifs à une averse unitaire de durée une heure (V,. = 1 m m )

Débit
de pointe
Super- Altitudes (en m ) Temps Temps T e m p s de Temps
de l'hydr.
Bassin versant
ficie réponse de montée hase de concen-
2 unitaire
en km " lag " tration

S
A Ma xi. Moy. Mini. tp l,„ t. mVs
^

3,15 960 875 770 1h 1 h 10' 12h 3h 0,375 119


Vidourle à Saint-Hippolyte. 35,5 975 421 165 2 à 3 h 1 h 30' 20 h 6 à 8 h 2,65 75~
Crieulon à Orthoux 110 390 139 54 7 à 8 h 1 h 30 à 2 h 22 à 24 h 12 à 14 h 6,0 55~
Maronne à Sainte-Eulalie.. 113 1 741 985 570 6 à 8 h 2h 26 h 4.5 40
Diège à Pont du Loubeix.. 225 954 775 635 8 à 10 h 8h 30 h 7,0 31
Bès à Saint-Juéry 283 1 471 1194 917 10 h 5h 32 h 8,3 29
Lander à Saint-Georges... 310 1 497 989 749 6 à 7 h 3 à4h 32 h 16 h 13,0 42
Vidourle à Sommières 630 975 174 21 8 à lOh 3à4 h 36 h 16 à 18 h 31,5 50
868 LA HOUILLE B L A N C H E N" SPÉCIAL B-1960

mes unitaires des bassins versants étudiés. et à mesure de l'extension des recherches
Les hydrogrammes unitaires relatifs au Vi- d'hydrogrammes unitaires sur des bassins
dourle et au Crieulon concernent le seul ruissel- variés.
lement direct; les autres intègrent également le
ruissellement retardé ou hypodermique.

L'hydrogramme unitaire étant essentiellement B. — Application des hydrogrammes unitaires


une des caractéristiques d'un bassin versant, à la synthèse d'hydrogrammes d'écou-
l'examen des données contenues dans le tableau I lement
permet d'entrevoir certaines liaisons entre les
grandeurs représentatives des bassins et les hy- Les analyses précédentes n'ont d'intérêt réel
drogrammes correspondants : que si elles contribuent à la mise au point de
méthodes permettant de déterminer à l'avance
— - le temps de réponse croît avec l'importance
ou de reconstituer l'hydrogramme d'écoulement
du bassin versant et varie en raison inverse
d'une averse. E n ce domaine, les travaux n'ont
de sa pente moyenne. Il présente également
pas été suffisamment systématiques pour que
des variations selon le sens de déplacement
l'on puisse présenter des résultats cohérents
de l'averse, jusqu'à diminuer de moitié dans
d'application d'hydrogrammes unitaires à la pré-
le cas d'une progression de la pluie de
vision des débits : on a toutefois vérifié que les
l'amont vers l'aval (Vidourle, Maronne) ;
hydrogrammes types dont on dispose permettent
— le temps de montée est affecté par le dépla- de représenter correctement la répartition dans
cement de l'averse (Maronne), mais il est sur- le temps des débits provenant d'un épisode plu-
tout sensible à la pente moyenne du bassin vieux complexe (fig. 12).
(Diège, Bès);
D'ailleurs le problème véritable est d'abord
— les temps de base reportés sur le tableau sont celui de la détermination du volume d'écoule-
ceux d'hydrogrammes comprenant l'écoule- ment produit par l'averse : l'hydrogramme uni-
ment hypodermique : leurs valeurs sont donc taire permettant ensuite d'étudier la répartition
supérieures à celles définies par la relation de ce volume dans le temps.
T =t + t (temps de base de l'hydrogramme
b e e

de ruissellement = temps de concentration Les problèmes à résoudre concernent donc sur-


+ durée de pluie nette). Certains temps de tout les coefficients de ruissellement et d'écou-
concentration sont ici assez mal définis, en lement des averses :
raison du petit nombre de crues analysées;
1. La détermination de la pluie efficace et de
— les débits spécifiques de pointe décroissent la pluie nette nécessite une étude de la capacité
rapidement lorsque la superficie du bassin d'absorption du bassin en fonction du montant
croît. La pente moyenne, la forme du bassin, et de la durée de l'averse et de divers autres fac-
sa couverture végétale, sa nature géologique teurs (écart à la pluie antérieure, etc.).
et pédologique, la violence des précipitations
(part prépondérante de ruissellement direct, 2. Dans le cas de bassins du Massif Central,
réduction du temps de base) les affectent éga- soumis à des régimes hydrologiques assez régu-
lement : autant de relations à préciser au fur liers, le coefficient de ruissellement paraît pou-

If c Hydrogramme de ruissellement des crues des 8 et 9 novembre 1958


_
reconsrirue'
re'el

Î5 reconstitué
S ^el

FIG. 12
Reconstitution
d'un h y d r o g r a m m e de crue
de la M a r o n n e à Sainte-Eulalie.
N° SPÉCIAL B-1960 J. J A C Q U E T 869

voir être lié assez simplement à un paramètre évacuée par l'écoulement souterrain (sauf le cas
représentant l'état du' bassin (débit de base par de crues exceptionnelles telles que celle du 4-10-
exemple) et à un paramètre représentant la pré- 1958 à Sommières) : d'où l'importance de la re-
cipitation qu'il reçoit [2]. cherche des lois de cette phase de l'écoulement
sur les bassins où la préA'ision des débits doit
3. Les coefficients de ruissellement des crues porter non seulement sur les débits de pointe de
analysées dépassent rarement 2 0 % . La plus crues, mais être continue et englober la totalité
grande partie des eaux météoriques est donc des apports d'écoulement.

CONCLUSION

La recherche d'hydrogrammes unitaires de superficie du bassin versant est plus grande : il


cours d'eau français en est à ses débuts : la pré- sera donc nécessaire d'étudier des bassins élé-
cision des résultats ira s'améliorant dans la me- mentaires à caractéristiques relativement homo-
sure où des études systématiques seront poursui- gènes ou bien de travailler à une échelle moins
vies sur des bassins versants de types divers. fine (précipitations de 6 h, 12 h, 24 h). Il reste
Certains obstacles à la mise en œuvre de cette que la méthode devra toujours être adaptée par
technique sont dus à des causes susceptibles l'utilisateur aux données dont il dispose et aux
d'être éliminées par des équipements convena- conditions de ses problèmes.
bles (toutes les questions relatives à la densité Enfin, la recherche de l'hydrogramme unitaire
et à la précision des observations), d'autres sont n'est qu'une phase de l'étude des lois d'écoule-
liés aux caractéristiques des bassins versants ment d'un bassin versant dont la connaissance
qui ne répondent pas aux conditions théoriques expérimentale ou statistique permet seule de ré-
d'application de la méthode. pondre de façon satisfaisante aux problèmes de
Ainsi l'hétérogénéité de répartition de la pluie la prévision des débits des cours d'eau.
est généralement d'autant plus accusée que la

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] G. R E M E N I E H A S . — L'Hydrologie de l'Ingénieur. à la prévision des débits. La Houille Blanche,


Eyrolles, Paris, 1960. Chap. VIII : Analyse et pré- n" A, 1960, pp. 493-520, 12 fig.
détermination de l'hydrogramme afférent à une [3] J. J A C Q U E T . — Les crues d'automne 1958 sur le
averse donnée, pp. 309-376. Vidourle. La Houille Blanche, n" A, 1959,
[2] P. C A I T U S . — Bassin expérimental d'Alrance : étude pp. 66-82, 6 fig.
des lois de l'écoulement, application au calcul et

D I S C U S S I O N

Président : M . D E Y M I É

Monsieur le Président remercie M . J A C Q U E T d'avoir de ruissellement direct et sa détermination est moins


montré, en particulier, c o m m e n t on déduit l'hydrogramme précise.
unitaire du d i a g r a m m e de distribution des crues M . R E M E N I E H A S confirme la variabilité du temps de
observées. base de l'écoulement hypodermique qui n'a d'autre
Sur sa d e m a n d e , M . J A C Q U E T précise que les temps signification physique que celle que l'on peut définir
de base indiqués sur le tableau annexé à sa c o m m u n i c a - sur l'hydrogramme lui-même. Il est donc peu sûr de
tion sont ceux de l'hydrogramme de ruissellement global calculer des débits de crue sur des h y d r o g r a m m e s inté-
incluant l'écoulement hypodermique : les deux phases grant les ruissellements direct et relardé.
du ruissellement (direct et relardé) n'ayant pu être
séparées pour certains bassins étudiés. Ce temps de base M . le Président fait observer que les temps de base
est beaucoup plus important que celui de l'hydrogramme indiqués par M . J A C Q U E T sont considérables el bien
870 LA HOUILLE B L A N C H E N" SPÉCIAL B-1960

supérieurs à la s o m m e du temps de concentration et et la variation du débit écoulé (forme de l'hydro-


de la durée de l'averse puisqu'ils atteignent deux fois g r a m m e ) . La précision de ce dernier facteur ne doit pas
le temps de concentration. être négligée sous le prétexte que l'on connaît assez
m a l le premier : les deux sont nécessaires à la déter-
M . R O D I E R indique qu'il a constaté sur des hydro-
mination du débit de pointe avec la précision optimale.
g r a m m e s des temps de montée hypodermique doubles des
E n pratique, sur un bassin expérimental, l'étude de la
temps de montée d u ruissellement superficiel. Par ail-
forme de l'hydrogramme a m è n e à étudier tous les
leurs, la variabilité des temps de montée croît encore
paramètres liés au coefficient d'écoulement qui intéresse
quand on passe de l'écoulement hypodermique à l'écou- M. G U I L L O T . Il est évident, par contre, que l'hydrogramme
lement souterrain. unitaire n'est d'aucune utilité pour l'étude des petites
M. F E R R Y considère qu'en pratique, il importe de pluies qui ne ruissellent pas.
connaître le volume d'eau écoulé pendant u n temps
M . N O R M A N D d e m a n d e si l'utilisation de l'hydrogramme
bien défini, fixé conventionnellement une fois pour
unitaire pour la prévision des crues exceptionnelles est
toutes, qui permettra de confronter les résultats des
possible à partir d'une statistique des pluies journa-
prévisions et les observations effectives.
lières. L a durée de la pluie unitaire sur les petits bassins
M . R O D I E R estime que l'on peut accepter une assez étudiés par M . J A C Q U E T est en général de une heure,
grande indétermination sur le temps de base pour le l'étude statistique des crues suppose donc une étude
calcul des débits de crue : il suffit de mesurer à 5 ou statistique préalable portant sur des hyétogrammes ou
10 % près le volume de ruissellement sur l'hydrogramme. des données pluviométriques horaires qui ne sont géné-
Le paramètre temporel important est le temps limite ralement pas fournies par les Services Météorologiques.
définissant l'averse unitaire, temps qu'il ne faut pas Il semblerait donc que le m a n q u e d'informations pluvio-
dépasser. métriques adéquates limite considérablement l'intérêt
M. R E M E N I E H A S fait remarquer que le débit m a x i m u m , de la méthode pour l'étude des crues exceptionnelles de
auquel on s'intéresse le plus en pratique, est lié au petits bassins.
volume de ruissellement ou d'écoulement de crue par M . J A C Q U E T répond que le calcul des crues exception-
un coefficient de répartition : une erreur sur le temps nelles par la méthode de l'hydrogramme unitaire
de base se répercute sur ce coefficient et affecte donc le nécessite effectivement l'étude des intensités d'averses,
débit m a x i m u m calculé. qu'il n'est pas possible de déduire d'observations pluvio-
M . F E R R Y estime que le temps de base doit être métriques journalières dans le cas de petits bassins. O n
défini par des règles fixes : dans u n but d'homogénéité, dispose en France d'assez nombreuses séries de hyéto-
11 sera pris égal, par exemple, à la durée de la pluie g r a m m e s d'importances diverses, à partir desquelles il
augmentée d'une constante. serait souhaitable de constituer par région des statis-
tiques d'averses par intensités et durées analogues à
M. R E M E N I E H A S pense qu'il est bon de se rattacher celles effectuées par M . Grisollet pour Paris et M . Godard
pour cela à u n modèle physique, mais l'hydrogramme pour Montpellier sur des périodes de trente ans et plus.
unitaire ne constitue u n modèle satisfaisant que pour D e toute façon, il est à peu près exclu que l'hydrologue
l'étude de la phase du ruissellement superficiel. dispose a priori d'une statistique des intensités de pluies
M . G U I L L O T , qui désire apporter le point de vue d'un au point où il opère: il lui faut en général, utiliser les
utilisateur (E.D.F. — Production Hydraulique), pense, caractéristiques d'averses exceptionnelles définies sur
en substance, que la théorie de l'hydrogramme unitaire une région homologue à la zone étudiée, en opérant les
fait bien comprendre le mécanisme de formation de ajustements convenables d'après les résultats de quelques
la crue, mais son application ne fournit que la chrono- campagnes de mesures.
logie du phénomène «courbe en cloche dissymétrique».
Ce dont l'utilisateur a besoin, c'est de savoir à l'avance M . R E M É D I E R A S fait observer que l'intensité de pluie
quelle est la proportion du volume de pluie qui va à prendre en considération est liée à la durée de pluie
s'écouler dans un délai de l'ordre de 48 heures. L'étude unitaire, elle-même liée à l'ordre de grandeur du temps
systématique de tous les paramètres susceptibles de de concentration : plus le bassin est petit, plus son temps
déterminer le coefficient d'écoulement s'impose donc : de concentration est réduit et plus fine sera l'étude de
l'état de la végétation (lié à la saison), l'humidité du l'intensité de la pluie. Pour des bassins de plusieurs
2

sol, — plus ou moins bien représentée par u n index milliers de k m , la considération des pluies journa-
2

des pluies antérieures ou le débit de la rivière avant lières suffit. Par contre, sur u n bassin de quelques k m ,
la crue — et l'intensité de l'averse; encore que, pour une intensité de 1 m m / m n , qui n'est pas très excep-
ce dernier paramètre, dans de n o m b r e u x bassins en tionnelle, représente u n débit de ruissellement de
3 2

France, M . G U I L L O T croit que l'intensité de pluie due à 16,6 m / s . k m . Si le temps de concentration d'un tel
un passage cyclonique — front chaud plus front froid, bassin est de l'ordre de l'heure, on peut s'attendre à
3

ou front froid seul, de durée totale 6 à 12 heures — voir des débits de crue de 10 à 20 m V s . k m produits
atteint rarement le seuil qui provoque le ruissellement par une averse inïense de une heure : on l'a constaté
2

et qu'alors le paramètre « intensité de pluie » n'a, avec surprise sur des déversoirs de bassins de 1 k m ,
sans doute, qu'une influence secondaire. Il faut s'efforcer deux ans après leur construction.
d'établir, le plus tôt possible et pour plusieurs bassins,
M. R E M E N I E R A S souligne que l'intensité prise en
un catalogue de plusieurs centaines de crues courantes,
compte est évidemment celle de la pluie ruisselée. D a n s
correspondant chacune au passage d'une perturbation.
l'exemple (Vidourle) présenté par M. J A C Q U E T , cette
.Seules ces données — et non des raffinements de forme 2
pluie a duré 2 h sur un bassin de 630 k m ; cette durée
d'hydrogrammes unitaires — permettront les études de
étant très inférieure au temps de concentration, on n'a
corrélation indispensables pour prévoir le coefficient
pas observé les débits spécifiques énormes qui viennent
d'écoulement d'après les conditions antérieures d'une
d'être évoqués. Mais cette durée de pluie nette aug-
averse.
mentant, on verrait croître rapidement les débits spé-
cifiques dont la méthode de l'hydrogramme unitaire
M . le Président indique que les orateurs qui se sont
permet ici de calculer les ordres de grandeur.
succédés, en particulier M . R O D I E R , se sont efforcés de
répondre à cette question. M . G U I I . L O T indique que, sur le Vidourle, la crue du
M . R O D I E R estime que l'hydrogramme unitaire est 4-10-1958 a été aggravée par rapport à celle du
d'un très grand intérêt pour le calcul des crues excep- .'10-9-1958 du l'ait m ê m e de celle-ci, alors que les inten-
tionnelles dues principalement au ruissellement. D e u x sités pluviales étaient du m ê m e ordre.
facteurs interviennent dans ce calcul : le volume écoulé M. J A C Q U E T rappelle que le volume d'écoulement de
N" SPÉCIAL B - 1 9 6 0 J. J A C Q U E T 871

la crue d u 4 octobre représente 60 % du volume de la sellement global K r , déterminés par M . R O D I E R et


précipitation, alors que celui du 30 septembre s'élève M . J A C Q U E T , ont du m a l à atteindre ou dépasser 0,5.
à 17 % seulement. L a disparité d'importance des deux
crues citées a une autre cause : la répartition spatiale
de l'averse, bien centrée sur le bassin le 4-10-1958,
alors qu'elle en a touché seulement la partie N - 0 le Pour en revenir à la question des erreurs d'ordres
30 septembre 1958. de grandeur différents soulevée par M . R O D I E I I à propos
d u volume d'écoulement et de la forme de l'hydro-
M . R O D I E R cite le cas particulièrement caractéristique g r a m m e , M . F E R R Y croit qu'en effet, il ne faut pas
d'un bassin assez perméable où, en trois ans, cinq tolérer d'erreur systématique, si faible soit-elle. Par
pluies de m ê m e intensité (100 m m / h ) et de durées du contre, les erreurs aléatoires se compensent et dispa-
m ê m e ordre (deux, trois ou quatre heures) ont donné raissent totalement ou en grande partie : si l'erreur
des volumes ruisselés variant de un à dix, suivant incompressible sur l'un des facteurs est de 1, le fait
qu'elles tombaient au début ou à la fin de la saison de négliger une erreur de l'ordre de 1/3 sur l'autre
des pluies. n'augmente que de 5 % l'erreur globale calculée sui-
vant la méthode de Gauss. C'est de ce point de vue
M . F E R R Y d e m a n d e si la définition du rendement d'une
que l'on peut dire que la précision du second facteur
averse à partir du volume d'écoulement calculé en
ne vaut pas la peine d'être améliorée.
prolongeant à l'infini les courbes de tarissement, avant
et après la crue, ne conduit pas à créditer les averses
de rendement de m ê m e ordre, quel que soit l'état de
saturation du terrain. A la suite de l'intervention de M. N O R M A N D , M. R O D I E I I
M . R E M E N I E R A S fait remarquer qu'effectivement cette a tenu à préciser l'intérêt pratique de la méthode de
définition n'est pas bonne et qu'il est préférable de l'hydrogramme unitaire" pour l'élude des crues excep-
rechercher — en plus du coefficient de ruissellement — tionnelles sur de petits bassins en Afrique par la note
un coefficient d'écoulement calculé sur une période de suivante :
temps déterminée, par exemple entre l'instant de début « 1° D a n s tous les pays africains où nous avons
de la crue et celui où réapparaît, après la crue, la exercé notre activité, nous avons, sans difficulté, cal-
valeur de débit dé base observé au début de la crue. culé l'intensité horaire des pluies à partir de l'ensem-
ble des relevés des pluviomètres et des pluviographes.
M . J A C Q U E T indique que la loi de tarissement de
forme exponentielle n'est valable que si les nappes 2° L'étude des crues exceptionnelles est très impor-
phréatiques du bassin sont profondes et peu affectées tante sur les petits bassins pour la réalisation de
par les phénomènes d'évapotranspiration. D a n s le cas pontsi et de petits barrages et, seule, la méthode des
précis du Vidourle, les courbes de tarissement varient h y d r o g r a m m e s permet ce calcul. Plusieurs dizaines
d'une crue à l'autre, ce qui montre la sensibilité des de déversoirs ont cédé, ces dernières années, en
nappes aux variations de l'évaporation dont il faudrait Mauritanie et en Haute-Volta, par suite du m a n q u e
tenir compte en prolongeant ces courbes. de données sur les crues exceptionnelles, et c'est à
la suite de ces désastres qu'on a dû développer les
M . R E M E N I E R A S répète que l'on obtiendrait en effet études de bassins expérimentaux pour en éviter le
u n meilleur invariant en matière de tarissement en retour.
ajoutant à la courbe observée u n correctif prenant en
compte l'évaporation. 3° M ê m e dans le cas de bassins de m o y e n n e impor-
tance, ces études fournissent des indices précieux qui
M . le Président souligne que M . J A C Q U E T a déterminé peuvent tranquilliser le projeteur, ou, au contraire,
un coefficient de ruissellement de 37 % pour l'averse lui laisser soupçonner des phénomènes que ne peu-
du 4-10-1958 sur le Vidourle, coefficient qui est loin vent pas indiquer des relevés trop peu nombreux.
de l'unité pour une crue pourtant assez exceptionnelle.
N o u s ajouterons, pour souligner l'intérêt pratique de
M . R E M E N I E R A S attire l'attention sur les diverses défi- ce procédé, que 90 % de nos études sur bassins expé-
nitions d u « coefficient de ruissellement ». O n dit en rimentaux ont été payés par des Services Techniques
effet c o u r a m m e n t que les coefficients de ruissellement pour en obtenir, en échange, des chiffres précis en vue
des grandes crues sont de 0,9 : les coefficients de ruis- de réalisations immédiates. »

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