Vous êtes sur la page 1sur 3

L3

Cinéma et Audiovisuel UE V5MA005 2021-2022

Questionnaire
(Notions de forme d’expression et d’originalité appliquées au logiciel)
Réponses aux questions n° 1 à 5

1. Pourquoi le code-objet d'un logiciel (programme d'ordinateur) ne répond pas aux


conditions d'existence d'une œuvre de l'esprit protégée par le droit d'auteur ?

Rappel : l’œuvre de l’esprit protégée par un droit d’auteur consiste en une forme
d’expression qui traduit l’empreinte de la personnalité de son ou de ses créateurs (ce que l’on
appelle juridiquement son originalité). L’auteur conçoit une forme interne (la projection
mentale de son œuvre) qu’il traduit progressivement dans une forme externe (œuvre orale,
sonore, visuelle, musicale…). Cette dernière forme a alors pour vocation d’être communiquée
à au moins une personne tierce qui recrée, selon sa sensibilité et les circonstances de cette
communication, sa propre forme interne.

Le code-objet d’un logiciel est une suite d’instructions en langage machine qui est
incompréhensible à l’esprit humain (et d’ailleurs en pratique non communiquée puisque les
instructions sont exécutées par des suites d’impulsions électriques au sein d’une machine).
L’exécution de ces instructions par la machine produisent des résultats qui peuvent être
utilitaires (faire fonctionner la machine, fournir des commandes à activer pour l’utilisateur…)
et/ou esthétiques (images, sons, animations…). Le code-objet d’un logiciel ne répond donc
aucunement à la définition d’une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur.

2. Pourquoi le code-source d'un logiciel (programme d'ordinateur) peut, à l'inverse,


constituer une œuvre de l'esprit susceptible d'être protégée par le droit d'auteur ?

Le code-source d’un logiciel est un texte numérique écrit dans un langage particulier,
appelé langage de programmation. Comme tel, il se présente sous forme d’instructions
écrites rédigées par une personne humaine (un programmeur ou une programmeuse) qui
peuvent être lues par une autre personne humaine maîtrisant le langage de programmation
utilisée. Le code-source est donc bien une forme d’expression écrite. Il reste que son
originalité, définie comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur, existe
exceptionnellement, car il s’agit d’un texte de nature essentiellement technique qui est soumis
à de nombreuses contraintes (il est nécessaire que in fine le programme puisse, une fois
compilée en code-objet, fonctionner correctement, en particulier sans bugs). Il n’y a donc
guère de place pour l’imagination, mais plus pour la mise en œuvre d’un savoir-faire.

3. Pourquoi les tribunaux ont choisi de modifier l'appréciation classique de la condition


d'originalité afin de permettre aux logiciels d'être protégés par le droit d'auteur ?

Comme l’écriture d’un programme d’ordinateur ne permet généralement pas de déceler


l’empreinte de la personnalité d’un programmeur ou d’une programmeuse, faute pour lui ou
pour elle d’y intégrer sa sensibilité, son imagination et sa créativité littéraire ou artistique, la
jurisprudence a choisi d’appliquer aux logiciels un critère d’originalité réduit à un « effort
personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et
contraignante » témoignant d’un « apport intellectuel » (Cass. ass. plén., 7 mars 1986, n° 83-
10.477, Arrêt Pachot). Ces formules se rapprochent du critère de nouveauté, exigé pour la
brevetabilité d’une invention. Il suffit donc qu’un programme d’ordinateur témoigne d’un
travail qualifié évitant la copie servile d’un programme informatique préexistant pour qu’il

1
L3 Cinéma et Audiovisuel UE V5MA005 2021-2022

puisse être protégé par un droit d’auteur. C’est donc pour éviter que l’écrasante majorité des
logiciels soit écartée de la protection par le droit d’auteur que la jurisprudence a modifié le
critère classique d’originalité, entendu comme empreinte de la personnalité de l’auteur, pour
lui substituer le critère plus objectif d’apport intellectuel.

4. Comparez la relation qu’entretiennent une partition musicale et son résultat (l’œuvre


jouée) avec celle qu’entretiennent un programme informatique et le résultat produit par
la compilation de ce programme. Pourquoi, dans la première hypothèse, la partition et
la musique jouée forment deux formes d'expression d'une seule et même œuvre musicale
alors que, dans la seconde hypothèse, le programme informatique et son résultat sont
deux éléments distincts ?

Une même œuvre musicale peut prendre la forme d’une partition écrite (forme
notationnelle) ou d’une musique interprétée (forme sonore). Toute modification d’un
quelconque élément de la partition jouée par un artiste-interprète (fausses notes, oublis d’un
segment de la partition…) se répercute nécessairement sur l’œuvre musicale jouée.

Le programme informatique constitue, lui, un texte écrit numérique (le code-source) qui est
compilé en un code-objet (suite de 0 et de 1) afin de produire un résultat fonctionnel parfois
agrémenté d’éléments esthétiques. Le résultat fonctionnel et/ou esthétique produit par
l’exécution du code-objet par la machine n’est pas l’équivalent du code-source, mais sa
conséquence. Il en résulte que des codes-sources différents peuvent aboutir à des résultats
pourtant identiques. Par exemple, il existe sur le marché plusieurs logiciels de traitement de
texte ou de calcul (tableurs) qui présentent des fonctionnalités identiques et des présentations
graphiques très proches, alors que leurs codes-sources diffèrent pourtant. De la même
manière, la modification de certaines lignes de code d’un programme informatique ne produit
pas obligatoirement de différences dans les fonctionnalités ou la présentation graphique du
résultat du logiciel.

Le résultat de la mise en œuvre d’un logiciel n’est donc pas identique à la partition musicale
jouée.

5. a) Pourquoi la protection juridique du logiciel par le droit d'auteur remet en cause les
conditions traditionnelles de protection prévue par cette branche du droit (existence
d'une création de forme et originalité conçue comme l'empreinte de la personnalité de
l'auteur) ? b) Pourquoi une protection juridique s'apparentant au droit des brevets
aurait été juridiquement plus légitime ?

a) Les règles de protection du logiciel par le droit d’auteur s’écartent des règles applicables
aux autres œuvres de l’esprit, car ce qu’elles visent à protéger est un outil intellectuel (un
objet faisant agir des machines pour produire un résultat) et non une forme d’expression
originale (un objet qui communique ses caractéristiques esthétiques originales d’une
personne humaine à une autre personne humaine).
Il en résulte que le droit d’auteur en vient à protéger le code-objet qui n’est pas une forme
d’expression communiquée à autrui puisqu’il prend la forme d’instructions incompréhensibles
aux personnes humaines qui sont exécutées par une machine. Par ce choix très discutable, le
législateur s’est donc affranchi de l’exigence d’une forme intelligible.
Par ailleurs, l’originalité du code-source qui est exigée par les tribunaux se borne à un apport
intellectuel proche de la nouveauté. Cette condition de protection n’a alors plus rien à voir
avec l’empreinte de la personnalité d’un auteur exigée pour les œuvres de l’esprit.

2
L3 Cinéma et Audiovisuel UE V5MA005 2021-2022

b) Puisqu’il s’agit, en réalité, de protéger juridiquement un outil intellectuel, la formule du


brevet d’invention, ou du moins celle d’un régime juridique proche du brevet, serait plus
logique. En effet, le logiciel constitue avant tout une solution technique à un problème
technique. Les fonctionnalités inédites issues de l’exécution du programme informatique
correspondent au critère de nouveauté exigée en droit des brevets. Mais la voie de la
protection du logiciel par un régime proche du brevet d’invention a été écartée dans les
années 1970 pour plusieurs raisons. Parmi celles-ci on peut avancer une raison théorique : un
programme informatique n’est pas toujours intégré à un produit ou à un procédé et donc non
brevetable au sens strict, car jugé trop abstrait. On peut aussi avancer une raison pratique :
l’octroi d’un brevet ne serait possible qu’à la condition que le code-source du programme
fasse l’objet d’un dépôt consultable à l’INPI. Or de nombreux éditeurs de logiciels, comme
Microsoft, tiennent, au contraire, absolument à garder secrets leurs lignes de codes et leurs
algorithmes. Il reste qu’aux Etats-Unis et en Europe des dizaines de milliers de logiciels font
malgré tout l’objet de brevets, dès lors qu’ils sont associés directement à des produits ou des
procédés (certaines commandes de smart phones ont ainsi fait l’objet de brevets d’invention).

Vous aimerez peut-être aussi