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U E NCE
SÉQ Agir dans la cité : individu et pouvoir

La poésie pour résister

p. 192-212

•
O La poésie peut-elle être un moyen de défendre une cause ?
Comment les poètes de la Résistance ont-ils exprimé leur engagement ?

Objectifs • Théâtre :
• Découvrir des poètes engagés – Bertold Brecht, La Résistible Ascension d’Arturo Ui [1941],
L’Arche, 1959.
• Étudier l’expression de l’engagement et de la
• Discours :
résistance en poésie.
– André Malraux, « Transfert des cendres de Jean Moulin
au Panthéon », 19 décembre 1964 (texte disponible sur
Présentation de la séquence charles-de-gaulle.org)
En lien avec le programme d’histoire et avec l’entrée
propre à l’enseignement du français « Agir dans Sites à consulter
la cité : individu et pouvoir », cette séquence se
• Le site mémorial-caen.fr : http://centenaire.org/fr
propose à travers des textes majeurs de la littérature
• Sur le Réseau Canopé, la page « Poètes en résistance » :
du xxe siècle de comprendre pourquoi et comment
https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/accueil/
le poète veut agir dans la cité en témoignant de
l’engagement des Français dans la Résistance et en • Le site Cinetrafic propose une liste de 44 films sur la
Résistance française.
dénonçant la violence et la barbarie de l’occupant
durant la Seconde Guerre mondiale. Cette séquence • Le site https://www.cineclubdecaen.com/ propose des
offre des repères relatifs à l’histoire littéraire en analyses filmiques.
invitant à découvrir et à situer les poètes qui se
sont engagés dans la Résistance mais aussi à mieux
comprendre certains procédés propres à l’écriture
poétique mis au service de l’engagement et de la
dénonciation.
Entrer dans la séquence p. 195
Bibliographie
• Essai :
Ces quelques vers d’Éluard permettent de rappeler que
– Jean-Paul Sartre, « Qu’est-ce que la littérature? », la poésie de la Résistance ne vise pas qu’à dénoncer mais
Situations II, Gallimard, Paris, 1951.
qu’elle vise à entraîner la population à résister et à se
• Poésies (recueils) : sentir proche de ceux qui sont morts pour elle. Le poète se
– Anthologie de la poésie engagée, collectif, Gallimard, 2001 veut un véritable acteur de la cité, un individu qui invite à
– « Qu’est-ce que la poésie engagée ? » sur le site Matière la lutte contre le pouvoir oppressant de l’Occupant.
et Révolution :
http://www.matierevolution.fr/spip.php?article1789
– « La poésie de la résistance » sur la Revue des Ressources :
Découvrez un poème engagé
http://www.larevuedesressources.org/la-poesie-de-la- 1. Les élèves sont invités à exprimer leurs émotions qui
resistance,085.html pourront être de l’ordre de la compassion, de l’admiration,
• Romans : de la sympathie ou de l’enthousiasme.
© Éditions Belin, 2016

– Kressmann Taylor, Inconnu à cette adresse, [1938], 2. Les dates de l’écriture et de la parution rappellent que
éditions Autrement 2002. c’est au cœur du conflit et de l’action que le poète s’ins-
– Primo Lévi, Si c’est un homme, [1945-1947], Julliard, 1987. crit. Les vers invitent la population à la fois à se sentir

9. La poésie pour résister 143

profondément unie mais aussi consciente des sacrifices des
résistants et à faire preuve de « courage ».
3. L’implication du lecteur tient aux marques régulières et
variées des destinataires – « Tu », la métonymie « Paris » et
la progression vers l’implication affective avec « Frères »,
« Nous » et « notre » – qui réunissent locuteur et destina-
taires mais aussi population et résistants.
4. La vision méliorative des « Frères », la valorisation de
« l’espoir » par les métaphores liées à la lumière et l’évo-
cation du souvenir « d’un matin de Paris » nostalgique
d’avant l’Occupation peuvent entraîner les destinataires
vers l’engagement.
Lecture 1 p. 196-197
Liberté
Objectifs
• Étudier un poème en vers libres.
• Justifier le choix de l’écriture poétique.
O Comment l’éloge de la liberté peut-il susciter
le désir de résister ?
On sait que ce poème fut initialement écrit pour Nusch,
la femme aimée. En ajoutant « Liberté » à la suite de ces
vers lyriques au lieu de celui de Nush, le poète donne à son
poème une ambition nouvelle : la sphère privée vient enrichir
la sphère publique. L’expression de l’amour pour une femme
devient celle de l’amour pour une notion abstraite que vont
épouser les résistants : la liberté.
Découvrir le texte
1. a. On envisage des réactions concernant la longueur du
poème (83 vers), les répétitions (anaphores et épiphores),
l’effet d’attente (quel nom ?), l’hermétisme ou la simplicité
des images, les antithèses, le concret et l’abstrait.
b. On repère les 21 quatrains composés de trois heptasyl-
labes et d’un tétrasyllabe et un dernier vers qui est aussi une
strophe composée du seul trisyllabe qui clôt le poème. On
attend des remarques sur l’absence ou la présence de rimes
qui font de ce poème un poème en vers libres. Les élèves
noteront la régularité qui domine la structure de la grande
majorité des quatrains mais aussi les écarts par rapport à
cette structure ainsi que l’originalité du dernier quatrain
par rapport à l’ensemble. On attend que les élèves repèrent
l’absence de ponctuation (sinon le point final).
144
Analyser et interpréter le texte
L’essentielle liberté
2. a. L’anaphore de « sur » détermine la composition de
chaque strophe. Les groupes ainsi introduits ont la fonction
de complément circonstanciel de lieu.
b. Même si le titre dévoile le thème du poème, un effet
d’attente subsiste tout au long, qui met en valeur l’appa-
rition finale de la « Liberté » et souligne ainsi l’importance
que le poète lui accorde. Les différents lieux ou supports sur
lesquels le poète inscrit ce nom de « Liberté » montrent que
cette liberté occupe tout l’espace qui environne le poète mais
aussi son passé, son présent et son avenir.
3. les sonorités [l], le [i], le [e] et le [R] sont très présentes
dans le poème et plus particulièrement dans sa deuxième
partie. Elles finissent par constituer un réseau sonore qui fait
entendre discrètement le titre. Certains vers (44, 49, 55, 63)
recourent à l’allitération et à l’assonance.
4. C’est d’abord par la présence du possessif « ton », qui
fait de la liberté le destinataire des vers, que le poète
instaure une relation affective et intime avec la « Liberté ».
La présence des possessifs « mon » ou « mes » établit une
proximité entre le poète et le destinataire. L’évocation de
la vie intime du poète, comme aux vers 1, 21, 46, 49, 51,
55-56, 60, 67-69 et 80-81, renforce ce lien intime.
5. a. Le titre du poème peut évidemment, pour certains
lecteurs, lever le doute. La perception des sonorités récur-
rentes du mot liberté présent dès le titre peut aussi préparer
son avènement. La multiplicité des lieux évoqués peut
suggérer l’idée de liberté mais il reste que le poète crée un
effet d’attente qui crée la surprise, la chute ou la pointe.
b. L’épiphore de « J’écris ton nom », par son incomplétude,
contribue à la mise en valeur de « Liberté ».
Un poème engagé
6. a. On peut relever quelques métaphores comme « sur tous
mes chiffons d’azur » (v. 21), « sur chaque bouffée d’aurore »
(v. 27), « sur le flot du feu béni » (v. 57), etc. Ces images
s’inscrivent dans l’esthétique surréaliste et invitent à une
élucidation difficile mais évoquent la grandeur en donnant
à ces vers un registre épique.
b. Dans ces deux strophes, les six images évoquent la dégra-
dation et donnent une connotation négative qui exprime
l’inquiétude ou la crainte d’une fin tragique.
7. Implicitement et par antithèse avec les deux précédentes
strophes, c’est un optimisme confiant qui anime le poète
dans ces derniers vers.
8. Les répétitions font entendre le retour régulier de sono-
rités et de rythmes semblables qui donnent au poème un
caractère lancinant qui résonne comme une nécessaire
insistance. L’absence de ponctuation qui rythme en partie
la lecture contribue à une marche en avant du poème. Les
© Éditions Belin, 2016
répétitions donnent enfin au poème une force de convic-
tion. Les différentes variantes sonores et rythmiques évitent
cependant la monotonie. Le poète donne à son œuvre une
musicalité propre à l’écriture poétique.
 9. Le mot qui n’a pas encore été prononcé – et va l’être
enfin – insuffle au poète un projet et une certitude dont il
se sent acteur comme le soulignent la répétition du « je » et
les deux compléments de but développés sur deux vers qui
s’élancent vers le dernier vers. « Liberté » éclate enfin pour
devenir une aspiration et un but à conquérir.
Bilan
Un poème engagé – si l’on s’appuie sur « Liberté » pour en
donner une définition – chante l’importance d’une valeur
pour entraîner l’adhésion, l’engagement du lecteur pour
cette valeur. Ce poème n’est pas engagé contre la guerre
mais pour la « Liberté » qui ne peut être reconquise que
par la lutte, la résistance. Ici, une écriture poétique – assez
propre à l’exploitation des figures de la répétition, à l’usage
d’images épiques, mais aussi à l’expression du bonheur
simple suscitant la nostalgie – peut faire partager l’envie
de résister à ceux qui sont privés de « Liberté ».
S’exprimer à l’oral
10. a. On pourra faire réfléchir les élèves au rythme, à l’in-
tensité de la voix et aux interprétations propres à chaque
strophe.
Il semble plus intéressant de distribuer la lecture des
strophes, voire des vers, à plusieurs élèves.
Il sera aussi intéressant d’imaginer plusieurs propositions
pour la lecture du dernier vers.
b. A priori l’audition du poème suscitera l’étonnement et
la critique. On pourra faire réfléchir à l’interprétation du
poète lui-même, à l’évolution de la perception d’une œuvre
au fil des années et à l’adaptation nécessaire à la sensibilité
moderne.
POUR BIEN ÉCRIRE
Chaire : tribune d’un prédicateur ou d’un professeur, poste de pro-
fesseur dans l’enseignement supérieur.
On pourra aussi évoquer l’orthographe de « chère » dans l’expres-
sion « faire bonne chère ».
L’HISTOIRE DES MOTS
Famille du mot « libre » : librement, libérer, libéral, libéralité, libéra-
tion, libérateur, libératoire, libertaire, liberté, libertin, libertinage,
liberticide, livrer, délivrer, délivrance et pour certains linguistes
délibérer, délibération.
© Éditions Belin, 2016
Lecture 2 p. 198-199
Couplets
de la rue Saint-Martin
Objectifs
• Étudier un poème d’inspiration autobiographique.
• Analyser l’expression d’une révolte intérieure.
O Comment l’expression d’une douleur intime
donne-t-elle au poème une dimension engagée ?
Desnos s’est engagé contre le fascisme dès les années 1930
et il rejoint rapidement la Résistance. Il sera arrêté et mourra
dans un camp de concentration en 1945. Ce poème, extrait
du recueil au titre évocateur Destinées arbitraires, évoque la
disparition d’un ami cher arrêté par les Allemands ainsi que le
désespoir et le sentiment d’impuissance qui habitent le poète.
Découvrir le texte
1. On peut attendre que les élèves partagent la désolation
du poète et son désespoir et qu’ils expriment un sentiment
de tristesse et de peine, qu’ils soient sensibles au sentiment
d’impuissance, à l’absence de révolte explicite.
« Couplets » est mis pour « strophe » et évoque l’univers de
la chanson, et « Saint-Martin » est le lieu commun au poète
et à son ami.
Si le titre peut paraître bien choisi, c’est parce qu’il suggère
la simplicité d’une chanson et une absence d’emphase que
l’on retrouve dans les vers.
2. La simplicité de la langue tient d’abord au lexique courant,
voire familier avec « copain » (v. 7, 10), elle tient aussi à la
simplicité de la syntaxe et notamment à l’emploi du présen-
tatif courant « c’est » (v. 7, 10), mais également au recours
à la parataxe. Elle tient enfin aux répétitions des structures
comme des mots.
Analyser et interpréter le texte
Une douleur intime et contenue
3. L’effet premier et explicite de la disparition d’André
Platard est que le poète n’aime plus la rue Saint-Martin qui
fut le lieu de leur amitié. Le poète exprime ce sentiment à
quatre reprises (v. 1,3,5,8). La disparition de l’ami entraîne
le désamour de tout, exprimé hyperboliquement au vers 4.
Le registre élégiaque domine ces vers.
4. Au vers 7, le poète désigne André Platard par deux groupes
nominaux qui expriment explicitement leur lien affectif
renforcé par l’emploi du possessif « mon ». Il est ensuite
représenté par le pronom personnel « il » sujet (v. 11) puis
par le pronom personnel « l’ » en position de complément
9. La poésie pour résister 145
d’objet direct (v. 12-13), symbolisant ainsi dans la syntaxe
l’effacement progressif de son ami.
5. À aucun moment dans le poème, le poète exprime expli-
citement la douleur d’avoir perdu son ami.
Cette douleur se traduit implicitement par une perte d’inté-
rêt pour la vie en général (v. 4) et dans ses manifestations
banales et quotidiennes (v. 4, 8-9). L’anaphore de « je n’aime
plus la rue Saint-Martin » modulée par un simple « je n’aime
plus » puis simplement « la rue Saint-Martin » dans le dernier
sizain suggère une impuissance à exprimer autrement le
sentiment qui s’impose à lui, sinon par une explication
proposée dans une autre anaphore « c’est mon ami, c’est
mon copain » (v. 7, 10).
Susciter la révolte, l’engagement ?
6. Alors que les deux premiers quintils exprimaient deux
constats dont le second pouvait être compris comme une
cause, la troisième strophe explique pourquoi son ami a
quitté la rue. On comprend qu’André Platard n’a pas quitté
de son plein gré cette rue. Un « ils » (v. 12) énigmatique
représente ceux qui sont responsables de sa disparition et
éclaire donc le sens des quintils.
7. Les responsables de l’arrestation sont désignés par le
pronom personnel « ils ». Si le poète choisit de ne pas nommer
explicitement les responsables, on peut faire l’hypothèse qu’il
s’agit là d’une figure s’approchant de l’euphémisme atténuant
ainsi la conséquence tragique de cette arrestation qui peut
se conjuguer avec une précaution liée à la censure ou encore
à une volonté de ne pas accorder aux Allemands l’honneur
d’être nommés. Pour les contemporains de Desnos et dans
le contexte de l’écriture, le « ils » est aisément identifiable,
en particulier par l’évocation du mont Valérien qui fut le lieu
d’exécution des résistants par les Nazis.
8. La disparition est exprimée par un euphémisme, « l’a
quittée » (v. 2), qui progresse vers l’expression d’une réalité
brutale, « ont emmené » (v. 12). De plus, cette disparition se
marque dans la grammaire : le pronom personnel sujet « il »
se substitue au nom propre qui devient le pronom personnel
complément « l » suggérant ainsi une progressive disparition
dans le texte lui-même. Le passé composé marque évidem-
ment ici l’accompli et donc l’absence d’un retour possible.
9. Même les puissances divines ne pourront faire reve-
nir l’ami du poète qui en exprime la certitude avec l’aveu
d’impuissance « pas la peine » (v. 14). Cet aveu peut se
comprendre aussi comme un constat qui invite à ne comp-
ter que sur soi-même, c’est-à-dire à se battre, à résister mais
aussi à impliquer par le pronom indéfini « on » (v. 13) les
habitants de la rue.
Bilan
Le poète exprime la tristesse d’avoir perdu son « ami »
(v. 7, 10), tristesse empreinte de la nostalgie des moments
heureux de la vie passée avec lui (strophe 2). L’impuis-
sance du poète provoque un sentiment tragique. Le poème
dénonce également la soudaineté, la brutalité de la dispari-
tion et invite les lecteurs à prendre conscience d’une violence
146
presque invisible, d’une menace sourde dont chacun peut
être la victime.
Vers le brevet
Écrire des quatrains
10. Exemple de production :
Je n’aime plus mon petit village
Depuis que mon copain l’a quitté.
Je n’aime plus mon petit village,
Je n’aime rien, pas même ma rage.
Je n’aime plus mon petit village
Depuis que mon ami l’a quitté.
Non, nous ne voulions pas être sages,
Comme on ne l’est jamais à notre âge.
On peut évidemment proposer deux premiers vers différents
pour varier les résultats ou faciliter l’écriture.
POUR BIEN ÉCRIRE
Dans le vers « Depuis qu’André Platard l’a quittée » le pronom
personnel « l’ » est en fonction de COD et représente le groupe
nominal féminin singulier « la rue Saint-Martin ». « l’ » COD placé
avant le verbe commande l’accord du participe passé au féminin
singulier.
Dans le premier hémistiche « Ils l’ont emmené », le pronom
personnel « l’ » est en fonction de COD et représente le pronom
personnel « il » masculin singulier. « l’ » COD placé avant le verbe
commande l’accord du participe passé au masculin singulier.
L’HISTOIRE DES MOTS
 «Camarade » nom masculin, de l’espagnol camara, et de l’italien
camera, signifie « chambre », à proprement « chambrée », puis, au
masculin, « celui qui demeure dans la même chambre ».
Lecture 3 p. 200-201
Fragment 128 
Objectifs
• Étudier un poème en prose.
• Percevoir les idéaux du poète, par-delà l’expression
de l’engagement.
O Comment le récit d’une action de résistance
devient-il un éloge de l’humanité ?
© Éditions Belin, 2016
René Char entre dans la Résistance en 1942 et en devient l’un
des chefs sous le pseudonyme du capitaine Alexandre. Passé
dans le maquis, il commence un journal qui deviendra Feuil-
lets d’Hypnos. « Fragment 128 » relate la traque du poète par
 les SS dans le village de Céreste dans le Lubéron et souligne
la solidarité des habitants pour éviter son arrestation.
Découvrir le texte
1. a. La tradition veut d’abord que l’auteur d’un poème se
confonde avec le locuteur. Un lecteur cultivé peut reconnaître
l’identification du poète à Hypnos. L’écriture de ce témoignage
tient plus manifestement de l’écriture poétique, comme par
exemple aux lignes 21-23 ou 32-34. Le poète se trouve dans
la situation d’un résistant suggèrée par la présence des SS et
de Marcelle qui avertit le poète du danger (l. 10). Les lignes
19-20 informent qu’il est recherché par les SS.
b. Hypnos est le dieu du sommeil et le gardien de la nuit
qui reste éveillé quand chacun dort. Le poète se considérait
comme celui qui veille sur les Français dans la nuit de la guerre.
2. La réponse sera sans doute d’abord négative : récit hale-
tant et circonstancié, personnages nombreux, péripéties,
prose, langue apparemment simple. Les élèves pourront
cependant envisager une réponse positive : le titre, la qualité
de l’auteur, quelques images, l’exagération (l. 25-28), le
dépassement final.
On peut évidemment accepter les deux points de vue ou
parler de prose poétique plus que de poème en prose.
Analyser et interpréter le texte
Le récit poétique d’un résistant
3. Le poète ne précise pas d’emblée l’endroit où il se trouve
sinon par l’indication « à mon volet » (l. 10). Il est averti par
une amie « Marcelle » (Marcelle Sidoine, amie du poète).
C’est de « la fenêtre » d’« une maison inhabitée » (l. 12-14)
que le poète observe les événements.
4. Le premier paragraphe marque la première étape : l’oc-
cupation du village par les SS. Dans le paragraphe suivant
on découvre la deuxième étape : les habitants doivent se
rassembler (l. 6-17). La torture du maçon constitue la troi-
sième étape (l. 17-25). La résistance « passive » des habitants
marque la dernière étape.
On peut remarquer que l’ordre du récit n’est pas respecté
puisque l’information concernant l’attitude du poète est
relatée a postériori.
La dernière phrase du premier paragraphe annonce la gravité
de la péripétie par l’emploi du terme  « épreuve » et du passé
simple. Les angoisses et les inquiétudes du poète (l. 10-12,
21), la relation de la torture et la possible dénonciation du
maçon (l. 23-24) contribuent à l’inquiétude du lecteur.
5. Le poète se sent à la fois pris au piège et prêt à se battre
(l. 11-13). Il se sent ensuite rassuré pour les siens (l. 15-16),
ce qui rappelle son sens des responsabilités et un certain
altruisme. Il est ensuite habité par la « rage » (l. 21), puis par
la « honte » (l. 24) et il est enfin envahi par l’amour pour ses
« semblables » (l.  35).
© Éditions Belin, 2016
6. a. On relève une hypallage, « sueur crispée » (l. 22), des
métaphores hyperboliques (l. 25,27, 34), des énumérations
(l. 2, 25-28), une comparaison (l. 31-32), une personnifi-
cation de la « voix » (l. 19) et du « sourire » (l. 33), et un
oxymore par l’alliance de « sourire » et « pâleur », ainsi
qu’une polyptote qui est également un oxymore (l .27).
Même si les figures de style ne sont pas réservées à la
poésie, certaines figures par leur recherche et originalité
donnent au texte une densité propre à l’écriture poétique.
b. Les phrases donnent au premier paragraphe un rythme
décroissant modulé par le rythme croissant de l’énumération
de la première phrase. Tout au long du deuxième paragraphe,
on note une relative alternance de phrases longues et brèves
et une ponctuation variée qui donnent à l’ensemble du para-
graphe une variété rythmique propre à l’écriture poétique.
7. On relève l’allitération dominante en [R] qui soutient et
symbolise la dureté de la torture et rappelle le mot lui-même.
8. Le titre exprime une forme littéraire et la place dans un
ensemble. Il ne dit rien du contenu. Il suggère l’urgence de
l’écriture mais aussi la partie d’un tout.
La victoire de l’humanité
9. La barbarie des SS est soulignée explicitement par un
vocabulaire et par des métaphores (comme à la ligne 4) qui
expriment la violence. Mais elle est aussi rendue par le récit
de leurs actes (l. 19-21) renforcé par les allitérations qui en
évoquent la dureté.
10. Les villageois dans leur totalité sont d’abord soumis
à la violence des SS comme le suggère la métonymie du
première paragraphe. Ils sont ensuite grandis par la méta-
phore de la « marée » et l’énumération.
11. La métaphore est tout à fait excessive quand on se
rappelle que l’action se situe dans un village. Elle métamor-
phose les villageois en héros d’épopée.
12. La figure proche de l’oxymore traduit la duplicité des
villageois qui cherchent à donner aux SS le sentiment qu’ils
obéissent aux ordres alors qu’ils s’efforcent de nuire à leur
traque.
13. Les « habitants » (l. 6) sont d’abord individualisés : « le
boulanger » (l.  1), « un vieux » (l.  7), « Marcelle » (l.  10),
« un jeune maçon » (l. 18), « le malheureux » (l. 23). Ils
deviennent ensuite une entité à travers « la marée » (l. 25) et
« la foule » (l. 29) puis des « êtres » (l. 33) qui les rapprochent
de l’idée supérieure d’humanité pour enfin accéder à une
communion fraternelle avec le poète quand ils deviennent
ses « semblables » (l. 35).
14. La dernière phrase se distingue du récit et renvoie au
temps de l’écriture : le poète prend conscience de ce qu’il
a retenu d’essentiel dans cet épisode. Le poète dépasse
le tragique de l’événement et la reconnaissance à l’égard
des habitants pour accéder à un sentiment d’amour de
l’humanité, de communion presque animale, sauvage
(« farouchement ») avec les hommes. Le poème progresse
du particulier à l’universel.
Bilan
Ce poème témoigne à la fois de la vie dangereuse d’un résis-
tant et de la solidarité dont la population fait preuve à son
égard en dépit des dangers qu’elle court et des violences
qu’elle subit. Le poète en exploitant les procédés plus
9. La poésie pour résister 147
propres au langage poétique parvient à donner force et
densité à son récit mais surtout à élever les protagonistes
au rang de héros.
Vers le brevet
15. Rédiger un poème en prose
On peut rappeler quelques contraintes :
– narrateur-personnage ou interne ;
– temps du récit ;
– attention portée au rythme et aux sonorités ;
– création de figures de style (métaphore, comparaison,
énumération) ;
– création d’une situation (évasion, sabotage, etc.) ;
– création de personnages ;
– progression de l’action vers un dénouement heureux.
L’HISTOIRE DES MOTS  (v. 5) grandissent à la fois le corps et le cœur. Les vers
Mots de la famille de « preuve » : prouver, éprouver, approuver,
prouvable, improuvable, probable, improbable, probation,
probatoire, éprouvant, éprouvé, inéprouvé, éprouvette.
Lecture 4 p. 202-203
Les Fusillés
de Châteaubriant
Objectifs
• Étudier un poème en vers libres
• Étudier les registres épique, pathétique et tragique.
 Comment le poète cherche-t-il à gagner
l’adhésion du lecteur ?
En représailles à l’exécution d’un lieutenant allemand par la
Résistance, vingt-sept prisonniers du camp de Châteaubriant
ont été fusillés, dont Guy Môquet. Cadou écrit ce poème
« Les Fusillés de Châteaubriant » pour rendre un hommage
vibrant aux victimes.
Découvrir le texte
1. Les élèves pourront se rendre sur Wikipédia, sur le site du
ministère de la Défense ou sur Herodote.net pour trouver
les informations essentielles.
Si Cadou a écrit sur les fusillés de Châteaubriant c’est parce
qu’il séjournait alors à Saint-Aubin-des-Châteaux, lieu de
l’exécution. Il aurait assisté à l’arrivée de trois fusillés au
cimetière.
148
Analyser et interpréter le texte
Une exécution tragique
2. Dès les premiers vers, les otages sont représentés dans
une posture qui les grandit et les élève au rang de héros :
« appuyés contre le ciel » tient de l’image épique et rappelle
la contre-plongée du cinéma ; « ciel » annonce symbolique-
ment leur destin. La répétition renforce ce grandissement.
Ils suscitent ainsi l’admiration.
a. Le poète choisit de ne pas les identifier mais de les repré-
senter par le pronom personnel « ils » en anaphore pour
réunir en un groupe solidaire. Le groupe nominal « une
trentaine » peut avoir pour effet d’amplifier le nombre des
otages.
b. De nombreux procédés grandissent les otages et les
rendent admirables et émouvants. Les vers 1-2 (voir plus
haut), la métaphore hyperbolique « monument d’amour »
12-14 expriment explicitement leur supériorité. Le vers 21
leur donne une dimension de prophètes et, selon le poète,
ils savent qu’ils accèdent à une éternité parce qu’ils sont
morts pour ce qui ne peut mourir, c’est-à-dire la « liberté »
(v. 24-25). L’allitération en [s] domine dans six de ces huit
vers et se mêle à l’allitération en [R]. Ces deux allitérations
allient douceur et dureté.
3. Les vers 8-9 évoquent le passé et l’enfance de « L’un
d’eux ». Les vers 10-11 suggèrent à la fois une image
d’un passé solitaire et la solidarité de ses amis. Les scènes
évoquées sont empreintes de paix, s’opposent à l’horreur de
l’exécution à venir et rapprochent les otages des lecteurs.
Ces vers s’opposent au quintil parce que le poète nous
plonge au cœur des pensées de deux otages alors qu’il
évoquait le groupe dans le quintil.
4. Des champs lexicaux opposés sont disséminés dans
le poème : ceux de la vie et de la mort, ceux du passé et
de l’avenir, ceux du sublime et du familier. Ils permettent
d’exprimer tout au long du poème le destin exceptionnel
d’hommes simples et bons confrontés à la barbarie nazie.
5. Explicitement ou implicitement, ces vers annoncent le
caractère irrémédiable de la mort des otages et donnent
au poème sa dimension tragique. Qu’ils soient « exacts au
rendez-vous » (v. 20), souligne l’acceptation de leur destin
et en fait aussi des héros de tragédie.
Un exemple
6. En mourant, ces hommes deviennent des exemples mais
aussi devancent tous ceux qui vont encore mourir. Qu’ils
soient fusillés en représailles – et donc innocents –, leur
donne une dimension qui les élève, les met en avant en
dépit de leur modestie et fait de tous ceux qui vont mourir
des martyrs par avance.
Ils sont en avance peut-être aussi parce qu’ils montrent une
© Éditions Belin, 2016
adhésion à la Résistance pourtant indirectement responsable
de leur mort.
7. Les otages « chantent » (v. 16) et montrent ainsi leur union
et leur courage comme des martyrs chantent leur foi avant
 de mourir. Et, « monument[s] d’amour » (v. 5), ils ne haïssent
pas leurs bourreaux mais les plaignent. Ils savent aussi qu’ils
ne sont pas seuls : « Le bruit énorme des paroles » (v. 19)
est celui de tous les résistants qui luttent contre ceux qui
« n’entendent pas » (v. 18), dans les deux sens du verbe (qui
restent sourds ou qui ne comprennent pas).
8. Ces trois vers rappellent une morale. Le poète comprend
et exprime la leçon que les otages eux-mêmes « disent »
(v. 22) par leur attitude devant la mort : la liberté que les
résistants veulent reconquérir en luttant contre les Alle-
mands vaut tous les sacrifices.
Bilan
Le poète parvient, grâce à l’apparente simplicité de son écri-
ture poétique mais aussi à l’évocation de leur intimité, à
rendre les otages proches des lecteurs. Il souligne également
leur modestie, leur humanité et l’acceptation de leur martyr.
L’expression brutale « ceux qui vont les tuer » (v. 17-18),
rappelle la violence des occupants allemands et peut alors
susciter – au-delà de l’admiration pour les otages – un
sentiment de révolte qui invite à résister et à comprendre
le combat de la Résistance.
L’HISTOIRE DES MOTS
Mots de la famille d’« apôtre » : apostolat, apostolique,
apostoliquement.
Cinéma p. 204-205
Jean-Pierre Melville,
L’Armée des ombres
Objectifs
• Situer une œuvre dans son contexte historique.
• Utiler le vocabulaire de l’image pour analyser une œuvre.
Vous pouvez consulter le dossier pédagogique du film sur
le Réseau Canopé :
https://www.reseau-canope.fr/cndpfileadmin/mag-film/
films/larmee-des-ombres/le-film/
L’étude des photogrammes permet de revoir des compé-
tences en matière d’analyse filmique et de découvrir une
représentation originale de la Résistance et des résistants,
éloignée de celle des films d’action. Ces photogrammes
© Éditions Belin, 2016
illustrent la périphrase qui désigne la Résistance.
Ces photogrammes mettent en évidence les conflits et les
cas de conscience que devaient parfois surmonter les résis-
tants : choisir entre l’intérêt particulier et l’intérêt commun,
entre l’amitié et de plus hauts idéaux (voir « Fragment 138 »
de Feuillets d’Hypnos).
Comprendre le film
1. C’est ainsi que la Résistance est nommée. Ce titre évoque
à la fois l’ensemble des résistants qui forment une armée,
et les résistants pris individuellement qui vivent dans la
clandestinité, devant se cacher comme des ombres ou
vivant dans l’ombre. Dans de nombreuses scènes du film,
les dialogues sont rares ainsi que le suggèrent les derniers
photogrammes dans lesquels la communication entre les
personnages se fait par le regard.
2. L’éclairage, le décor et les costumes des personnages
rapprochent ces photogrammes du clair-obscur plus propre
à la peinture. Le réalisateur plonge ses personnages dans
une « ombre » qui suscite le mystère et l’inquiétude.
3. Plan poitrine ou rapproché. Ce plan permet de mettre en
évidence le sentiment qui habite les personnages. Il crée
une proximité avec le personnage et peut aussi créer une
attente quant à l’action à venir.
4. Plongée : photogrammes 5, 7, 8 ; contre-plongée : photo-
grammes 3, 6 ; angle plat : photogrammes 1, 2, 4.
Mathilde est debout sur le trottoir alors que Le Bison se
trouve assis dans une voiture sur la chaussée. La contre-
plongée suggère que le point de vue est celui de Le Bison.
5. Le champ et le contre-champ permettent de faire
comprendre la succession des différents moments de la
perception des événements ou des sentiments des person-
nages. Ici, Le Bison voit Mathilde qui le découvre à son tour,
ce qui précède le tir de Le Bison. Ce procédé permet d’expri-
mer la gravité qui habite les personnages tout en rythmant
l’action.
6. Mathilde découvre et comprend l’intention de Le Bison.
Le dernier regard étonné et effrayé de Mathilde est celui que
voient les autres personnages grâce à cette contre-plongée
qui peut avoir pour effet de grandir le personnage avant
sa mort.
Activités
Bilan
C’est essentiellement le traitement des couleurs et de la
lumière par le cinéaste qui établit un lien avec « ombres ».
Créez votre propre « vocabulaire illustré du cinéma »
De nombreux sites permettront aux élèves de réaliser ce
travail, comme par exemple le site Odysséeducinema.fr qui
propose la description des mouvements de caméra et des
différents plans.
On trouve également sur Internet de nombreux photo-
grammes pouvant illustrer les définitions.
9. La poésie pour résister 149

Vers d’autres lectures p. 206
Des livres sur la Résistance
Objectifs
• Lire des poèmes engagés.
• Découvrir différents types de textes sur la Résistance.
Les exercices proposés dans cette page permettent d’évaluer
des compétences à l’écrit comme à l’oral ainsi que la capa-
cité à travailler seul ou en groupes, en autonomie ou sous
la direction du professeur.
On peut envisager l’utilisation des TICE pour rendre compte
des lectures (Didapages, PowerPoint).
On peut organiser des débats sur les genres littéraires et
l’engagement (roman, poésie, théâtre).
Rédiger une opinion sur un livre
Ce travail peut être l’occasion d’une évaluation écrite. On
attendra que les élèves s’exercent à contextualiser le poème
choisi, à rédiger une brève notice biographique et à exploiter
les ressources du registre épidictique
Faire le portrait d’un personnage
Ce travail peut être évalué à l’écrit comme à l’oral. On peut
imaginer deux travaux distincts : rédiger un portrait moral,
commenter un extrait.
Faire un exposé
On peut envisager un travail mené en groupe. Le profes-
seur guidera les élèves quant à l’élaboration de l’exposé :
plan, choix des textes, rédaction des notices mais également
organisation de l’exposé (choix des textes à lire, « mise en
scène » de l’exposé).
Écrire une page de roman
à partir d’une BD
L’enjeu de ce travail est de faire comprendre aux élèves en
quoi consiste une réécriture : abandonner des codes – ceux
de la BD – au profit de ceux du roman présents dans les
consignes.
À vous de créer
Créer une couverture de livre
En consultant Google Images, les élèves constateront que la
plupart des couvertures se réfère à l’adaptation cinématogra-
phique du roman. Ils pourront à cette occasion s’interroger
sur les choix des éditeurs.
150
Ce travail peut être mené en collaboration avec le professeur
d’arts plastiques.
Il semble intéressant d’inviter les élèves à choisir une couver-
ture qui ne se réfère pas à l’adaptation cinématographique
mais qui cherche à expliciter et à illustrer le titre choisi par
le romancier.
Méthode p. 207
Analyser un poème en prose
On sera amené à constater que la poésie en prose active des
procédés d’écriture exploités par la poésie régulière ou en
vers libres. Ce sont en partie ces procédés qui l’inscrivent
dans le genre poétique parce qu’ils la rendent elle aussi
musicale.
Étape 1 - Observer le poème, formuler
et justifier ses premières impressions
1. Le lecteur peut être ému par cette vision de la liberté qui,
personnifiée, surmonte tous les obstacles et envahit l’espace
et le temps. Il peut être également sensible à l’hermétisme de
« cette ligne blanche », de certaines images comme celles du
« bélier » et de « la toile » ainsi qu’à la métaphore du « cygne »
ou à la construction complexe de la dernière phrase. Ce poème
en prose – contrairement par exemple à « Fragment 128 » – se
signale d’abord par une certaine complexité.
2. La liberté personnifiée se caractérise par une présence
et une origine mystérieuses mais aussi par son pouvoir de
changer les hommes et le poète, et de guérir comme peut
le suggérer la métaphore « cygne sur la blessure ».
3. Le titre, la mise en page et la brièveté des paragraphes
rappellent aussi bien le poème régulier que libre.
4. A priori, le poème en prose tient de l’oxymore et on
acceptera des réponses opposées. On rappelle le propos de
Baudelaire dans sa lettre à Houssaye qui ouvre le recueil Petits
poèmes en prose : « Quel est celui de nous qui n’a pas, dans
ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique,
musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heur-
tée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux
ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? »
Étape 2 - Repérer les principales
caractéristiques d’un poème en prose
5. Les absences de mètres réguliers, de rimes et de majus-
cules en début de ligne distinguent ce poème du poème
© Éditions Belin, 2016
traditionnel ou en vers libres.
6. Comme le dit Baudelaire, la prose n’apporte pas un
rythme régulier et récurrent mais elle apporte une liberté
d’expression, une absence de contraintes.
 7. On peut compter 31 ou 33 syllabes dans la première 4. Cause : ensemble des intérêts à soutenir. Les résistants se
phrase et aucun signe de ponctuation. On peut proposer sont battus pour la bonne cause.
plusieurs lectures obéissant à des rythmes différents. Valeur : ce qui est vrai, beau, bien, selon un jugement
8. La ponctuation impose, par exemple, un rythme décrois- personnel. La liberté est une valeur pour laquelle on peut
sant au troisième paragraphe. se battre.
9. On peut, par exemple, repérer le retour régulier de sono- Idéal : ce qu’on se représente comme modèle. C’est au nom
rités avec la répétition de « elle », de « ligne blanche » et de d’un idéal que l’on se bat.
nombreuses allitérations et assonances.
Utiliser les mots de la Résistance
Étape 3 - Repérer les ressemblances 5. 1. résistant
entre le poème en prose et le poème 2. terroristes
traditionnel 3. maquisards
10. Les brefs paragraphes évoquent ici les strophes. 4. partisans.
11. Dans la deuxième phrase, on retrouve par exemple 6.
assaut • • délivrance
des rythmes plus familiers et équilibrés : deux décasyllabes
(4/6), ou deux octosyllabes (3/5), ou encore deux ennéa- capituler • • révolte
syllabes (3/6). libération • • secret
12. On peut relever les assonances en [a], [i], [e], [u] ainsi clandestin • • attaque
que les nasales; les allitérations en [l], [s], [ ∫ ] émeute • • se rendre
13. Personnification : la liberté est personnifiée dans tout 7. collaborer ≠ résister
le poème. oppresseur ≠ opprimé
Métaphores : « issue de l’aube », « bougeoir du crépuscule », barbarie ≠ humanité
« visage de lâche », « aveugle bélier », « la toile », « cygne sur asservir ≠ affranchir
la blessure ».
Allitérations et assonances voir question 12.
À vous d’écrire !
8. Les élèves peuvent reprendre tous les mots et expressions
rencontrés dans les textes. Le recours au site assez complexe
n’est pas une nécessité. On peut aboutir à une représenta-
tion proche de la fresque.

Vocabulaire p. 208

Les mots de la Résistance

Grammaire p. 209

Objectif
• Étudier le vocabulaire de la Résistance.
Identifier le lexique de la Résistance
1. maquis, tract, message codé, partisan, lutte, affiche,
camarade.
2. S’indigner  dignité : respect que mérite quelqu’un .
S’engager  engagement : action de se lier par une
promesse.
Agir  action : ce que fait quelqu’un.
Combattre  combattant : homme qui prend part à un
combat.
3.
© Éditions Belin, 2016
Le passé composé
Objectifs
• Savoir utiliser le passé composé.
• Maîtriser l’accord du participe passé.
Reconnaître le passé composé
1. a. « a fini », « est parti », « a fini »
b. les actions exprimées au passé composé sont antérieures
à « il y a ».
2. a. « ai parlé », « a irrités », « ai écrit », « avez crié », « avez dit »
b. « sont éclairés » est au présent de la voix passive.

noms adjectifs verbes

peine, injustice, libération, libre, espérer, Accorder le passé composé
paix, douleur, optimisme, pacifique souffrir. 3. a. « ont été ensevelis », « ont évité », « avons passé »,
confiance, tristesse « avez condamné », « a écrit »

9. La poésie pour résister 151

b. Auxiliaire être pour la première phrase et auxiliaire avoir
pour les suivantes.
c. L’absence d’accord se justifie parce que les participes sont
employés avec l’auxiliaire avoir et qu’ils ne s’accordent donc
pas avec le sujet ; « ensevelis » est employé avec l’auxiliaire
« être » (voix passive) et s’accorde donc avec le sujet « les
morts ».
4. « roués », « sorties », « pu », « tendu », « admirée »,
« soutenu »
Les verbes au passé composé situent l’action dans le passé
et exprime son aspect accompli. Le verbe au plus-que-parfait
situe l’action antérieurement aux actions exprimées au passé
composé.
Distinguer participe passé et passé
simple
5. Je suis venu au monde dans la difformité des chaînes de
chaque être. […] J’ai tiré d’une morale compatible les secours
irréprochables. Malgré la soif de disparaître, j’ai été prodigue
dans l’attente, la foi prodigue.
On considère que le passé composé rapproche davantage
l’événement rapporté de notre présent ; il établit un lien
vivant entre l’événement passé et notre présent.
On peut ici rappeler la loi des 24 heures : le passé composé
devait évoquer des événements récents (moins de 24
heures) et le passé simple des faits plus éloignés dans le
S’exprimer à l’oral
Prolongement : dictée
Horrible journée ! J’ai assisté distant de quelque cent
mètres, à l’exécution de B. Je n’avais qu’à presser la détente
du fusil-mitrailleur et il pouvait être sauvé ! Nous étions
sur les hauteurs dominant Céreste, des armes à faire
craquer les buissons et au moins égaux en nombre aux SS.
Eux ignorant que nous étions là. Aux yeux qui imploraient
partout autour de moi le signal d’ouvrir le feu, j’ai répondu
non de la tête… Le soleil glissait un froid polaire sur mes os.
Il est tombé comme s’il ne distinguait pas ses bourreaux
et si léger, il m’a semblé, que le moindre souffle de vent
eût dû le soulever de terre.
Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être
épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village ? Un village
pareil à un autre ? Peut-être l’a-t-il su, lui, à cet ultime
instant ?
René Char, « Fragment 138 », Feuillets d’Hypnos, 1946.
p.210

passé. (Cette règle justifie la perception du passé composé

évoquée précédemment.)
6. Dictée préparée
a. • « Les soldats se sont enfuis » : à la forme pronominale,
le participe passé s’accorde avec le sujet du verbe, lorsque
le sujet fait l’action sur lui même.
• « ont laissé », « ont commencé », « avaient eu peur » : avec
l’auxiliaire avoir le participe passé ne s’accorde pas avec le
sujet.
• « se sont avoué » : le participe passé ne s’accorde pas lorsque
le COD suit le verbe (« qu’ils avaient […] leurs familles »). On
peut également réécrire la phrase avec l’auxiliaire avoir et
s’interroger sur la fonction du pronom réfléchi : ils ont avoué
à eux-mêmes = « se » = COI = pas d’accord.
À vous d’écrire !
7. Exemple de production :
Ils les ont parqués, ils les ont enfermés, ils les ont maltraités. Ils
n’ont pas voulu voir leur désespoir, ils n’ont pas vu leurs larmes,
pas entendu les gémissements naissants. Ils ne se sont pas attar-
dés quand ils ont entendu leurs cris, ces cris qu’ils ont poussés
dans la nuit, ces cris sinistres dans la nuit, ces cris déchirants
qui pourtant se sont éteints au matin…
Lire un poème à plusieurs voix
Lire à plusieurs voix peut être relié à quelques valeurs de
la Résistance et à la poésie engagée rencontrées dans les
textes : le groupe, la solidarité, le risque mais aussi la volonté
d’entraîner l’adhésion, l’appel à l’engagement.
Étape 1 – Découvrir le poème
Cette étape peut constituer un travail de préparation à la
maison.
Réalisée par les services de propagande allemands en
France, l’Affiche rouge est placardée à Paris et dans certaines
grandes villes françaises au moment du procès ou juste
après l’exécution des membres du groupe Manouchian (le
22 février). Publiée à 15 000 exemplaires et accompagnée
de nombreux tracts évoquant l’événement, elle constitue
une opération de propagande contre la Résistance.
Étape 2 – Préparer et répéter la lecture
La préparation réclame un espace ou plusieurs espaces : la
classe, le CDI, etc. On peut aussi procéder par étapes : consti-
tuer les groupes en classe, rappeler les enjeux du travail, et
faire ensuite préparer la lecture à la maison par quelques
© Éditions Belin, 2016

groupes autonomes pouvant se réunir. On peut également

partager la lecture en limitant à une strophe pour chacun
des groupes, voire à quelques vers pour chaque membre
du groupe.

152
 Étape 3 – Lire le poème
La performance peut être évaluée selon des critères précis
Faire le point p. 212-213

ou soumise à l’appréciation de la classe.

L’échange d’impressions peut aboutir à la rédaction d’un Évaluation
bref article critique.
Lire et comprendre un poème
Compétences Les élèves ont étudié un poème de Desnos dans cette
D1 Exploiter les ressources expressives de la parole. séquence et le poème choisi pour l’évaluation leur permet
S’intégrer et coopérer dans un projet collectif. de réinvestir des connaissances concernant le poète. Ils
découvriront aussi la diversité de son écriture poétique et
retrouveront les thèmes de la poésie engagée ainsi que des
procédés d’écriture déjà rencontrés dans d’autres poèmes.
« Ce cœur qui haïssait la guerre » a d’abord paru dans un
recueil collectif de poètes résistants de 1943 : L’Honneur des
poètes. Desnos y rappelle explicitement un paradoxe présent
S’exprimer à l’écrit p. 211 chez tous les poètes de la séquence : un élan vers l’amour
de la liberté et des hommes qui doit se compromettre avec
la violence et la haine de l’ennemi.
Écrire un poème engagé 6. Poème en vers libres : disposition, majuscules en début
en vers libres de vers, hétérométrie, absence de rimes.
7. Les mètres vont de 13 à 33 syllabes (rappelons que le « e »
peut ou non se prononcer dans un poème en vers libres). Le
La séquence propose plusieurs poèmes engagés en vers poète combine le mètre pair et impair et varie les rythmes
libres de factures variées. L’intérêt de l’exercice est à la fois à l’intérieur des vers. Le vers 1 par exemple propose un
d’entraîner les élèves à l’écriture d’un poème en exploitant octosyllabe suivi d’un alexandrin, l’octosyllabe pouvant se
les caractéristiques du langage poétique (voir l’exercice de scander en 2/6 et 4/4/4. Rappelons aussi que la scansion
la page Grammaire), de les exercer à exprimer une révolte et est aussi une interprétation et qu’elle accepte des variations.
et de les engager à y adhérer par différents procédés comme 8. Champ lexical du rythme : voir toutes les occurrences
celui de la répétition. du verbe « battre » et de ses dérivés (v. 1, 2, 8, 9, 13, 16)
ainsi que celles du substantif « rythme » (v. 2, 9, 13, 16).
Exemple de production : Les comparaisons et métaphores associées sont : « marées »
Ils les ont parqués comme des esclaves, ils les ont enfermés (v. 2), « saisons » (v. 2), « heures du jour et de la nuit » (v. 2).
comme des ennemis. Champ lexical des sons : voir toutes les occurrences du subs-
Ils n’ont pas voulu voir tantif « bruit » (v. 4, 5, 8, 10) repris par « échos » (v. 7). Les
Leur désespoir leurs yeux comparaisons et métaphores associées sont : « Comme le
Noirs son d’une cloche » (v. 6), « celui de la mer à l’assaut des
Leurs yeux peureux falaises » (v. 10).
Leurs larmes, ils ne les ont pas vues couler 9. Allitérations : [k], [s], [R] et [b].
Pas entendu les gémissements naissants. Assonances : [a], [i] et les nasales [ã]
Ils n’ont pas entendu leurs cris, ces cris qu’ils ont poussés dans 10. Les élèves s’appuieront sur la réponse 9.
la nuit, ces cris sinistres dans la nuit,
Déchirant la nuit Écrire un texte argumenté
Les cris de leur peine 11. Desnos cherche à donner la vision d’une France unie et
Les cris de leur haine celle d’une France prête à se battre pour retrouver sa liberté.
Ils se sont éteints au matin. Le cœur du poète n’est pas le seul à battre, le battement
de « ce cœur », que les vers font entendre par la récurrence
de ses sonorités et par l’allitération imitative en [b], a été
Compétences entendu « comme le son d’une cloche » par « des millions
D1 Écrire de Français » qui font entendre « à travers la France » « par
–Adopter des stratégies et des procédures d’écriture effi-
caces. les échos » le bruit « de millions d’autres cœurs ». Par le
– Exploiter des lectures pour enrichir son récit. recours aux sonorités, à la comparaison et à une tonalité
© Éditions Belin, 2016

hyperbolique, le poète cherche à donner la vision d’une

France unie par le battement du cœur de chacun et de tous.
Ce « bruit » comparé à la « cloche » qui s’est répandu « dans
la ville et la campagne » et qui a envahi « la France » appelle

9. La poésie pour résister 153

à « l’émeute et au combat ». Par la métaphore de « la mer à
l’assaut des falaises » le poète amplifie ce bruit et le trans-
forme en arme portée par les Français « contre Hitler » et
« ses partisans ». Enfin le poète dévoile ce qui faisait battre
les « cœurs » ou envoyait « dans les veines un sang brûlant »
« dans des millions de cervelles un même mot d’ordre » :
le désir comme enfoui de « Liberté ». Le poète parvient à
donner l’image hyperbolique d’une France prête « dans
l’ombre à la besogne que l’aube leur imposera », besogne
qui se veut une épopée.
Évaluation complémentaire
En complément de l’évaluation du manuel, on pourra propo-
ser aux élèves l’évaluation figurant aux pages suivantes.
Lire et comprendre un texte
1. Il s’agit d’un poème en vers libres : absence de rimes régu-
lièrement disposées, hétérométrie et vers démesurément
longs. Majuscules en début de vers.
2. Si l’on respecte les règles de la lecture poétique, le vers le
plus long compte vingt-huit syllabes (v. 11) et le plus court
en compte quinze (v. 5).
Les autres vers comptent entre seize et vingt-trois syllabes.
Le poète a donc choisi de dépasser le vers traditionnellement
le plus long, l’alexandrin, et a surtout pris le parti d’une
relative unité rythmique même si l’héterométrie est omni-
présente. On remarquera le recours aux vers pairs et impairs.
On doit noter que la lecture d’un poème en vers libres est
assez libre elle aussi et le rythme peut varier selon qu’on
respecte ou non la règle de la prononciation du « e » suivi
d’une consonne.
Cette question pourra être l’occasion d’un exercice d’inter-
prétation orale du poème.
3. Les élèves pourront, par exemple, relever dans le vers 2
les allitérations en [v] et [R], ou les assonances en [i] des vers
6 et 7 ou 15 et 16, et en [u] des vers 1 et 2 .
La figure de style dominante du poème est l’anaphore
(v. 3-4, 8-11, 21-22, 24-25).
On fera remarquer la répétition du premier et du dernier
vers modulé par l’ajout de « couchés ».
4. Le poète s’adresse à plusieurs destinataires :
– tout au long du poème aux  « Tirailleurs Sénégalais », ses
frères ;
– à ses lecteurs, au vers 12 ;
– à lui-même, au vers 18 ;
– à Sida-Badral, princesse africaine, au vers 21.
On remarquera que le poète dédie son poème à son ami
L.-G. Damas, poète lui-même.
154
5. Tout d’abord le poète s’inscrit dans le mouvement de la
négritude et s’engage ici pour faire reconnaître la valeur des
soldats africains que les représentants de la France et de
l’armée française paraissent ignorer en voulant les « enterrer
furtivement » (v. 4). En évoquant les « rires banania » (v. 6), il
s’engage pour lutter contre une représentation caricaturale
et à connotation raciste de l’Africain, profitant au passage
pour adresser indirectement des reproches aux poètes fran-
çais et blancs de son époque qui se sont montrés insensibles
à la question de la négritude (v. 7-11). Il s’engage enfin pour
la France dont il fait l’éloge (v. 12-16).
6. Pour le poète, les « Tirailleurs Sénégalais » sont ses
« frères », « frère d’armes » et « frère de sang » (v. 1-2, 26). Il
se veut leur représentant, leur défenseur, leur porte-parole.
Quand il s’adresse à ses lecteurs français au vers 12, il anti-
cipe un reproche que ces lecteurs pourraient lui adresser
mais c’est aussitôt pour rappeler combien ce pays, qu’il
ne peut prétendre représenter à lui seul (v. 13), « A écrit la
fraternité […] [convié] tous les peuples de la terre […] solen-
nellement […] festin catholique » (v.14-16).
Quand il s’adresse à lui-même, il rappelle combien sa double
culture est pour lui source d’un conflit intérieur, d’un déchi-
rement, d’une division (v. 17).
Enfin, en s’adressant à la princesse africaine, il s’interroge
sur son rôle vis-à-vis de l’Afrique, de son pays, le Sénégal :
a-t-il suffisamment su défendre sa terre et son peuple ?
(v. 21-25)
En dédiant son poème à un autre poète de la négritude,
il s’inscrit dans un mouvement, soumet son poème à son
jugement et témoigne de son amitié.
Écrire
7. Exemple de production :
Vous Enfants délaissés, mes frères inquiets, frères de ma classe
aux yeux ouverts
Qui pourra mieux que moi témoigner de vos rires, de vos regards
malicieux
Je ne laisserai pas la parole aux professeurs, au principal
Je ne laisserai pas – non ! – les fausses bienveillances vous écar-
ter lâchement
Vous n’êtes pas des pauvres d’esprit, à la tête vide sans honneur
Et moi je sais vos défaillances mais aussi votre intelligence, et
vos jugements
Qui pourra mieux que moi vous chanter si ce n’est votre ami,
celui qui réussit
Vous enfants délaissés, moqués, mes frères délaissés à la main
maladroite, éteints,
endormis sous l’ennui.
© Éditions Belin, 2016