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Marc Weber I Christophe Rothmann I

M. Weber, C. Rothmann
E. Puskarczyk, V. Danel
Emmanuel Puskarczyk I Vincent Danel

U
RG’Intoxications présente de façon inédite, et au-delà des questions
classiques liées à la toxicité des produits et à leur traitement, le
champ plus vaste de la toxicologie clinique aiguë, en tenant compte
à la fois des données scientifiques et des réalités du terrain.
La première partie du livre traite de l’approche du patient et du
raisonnement clinique spécifique, basés sur l’évaluation de risque à
partir d’une exposition toxique et sur la méthode française d’imputabilité
en toxicologie. On y retrouve de nombreux exemples, extraits du
« quotidien » des intoxications, permettant une appropriation rapide de
la démarche par le clinicien.
La deuxième partie contient une trentaine de fiches regroupant les
toxiques les plus fréquemment rencontrés en France. Elle inclut
médicaments, produits phytopharmaceutiques, stupéfiants, alcools,
champignons, et animaux marins et terrestres, entre autres.
La troisième partie, véritable lexique encyclopédique, comprend plus de
70 fiches didactiques avec des situations d’exposition toxique, des bases
physiopathologiques, des approches symptomatiques ou syndromiques,
des données complémentaires de raisonnement clinique, des aspects Marc Weber I Christophe Rothmann I
thérapeutiques, des problématiques médicolégales, sans oublier des
spécificités propres à la régulation médicale et à la prise en charge
Emmanuel Puskarczyk I Vincent Danel
préhospitalière.
Les auteurs ont mis en commun leurs expériences respectives, acquises
lors d’exercices professionnels en centre antipoison et en structure de
médecine d’urgence, afin de proposer un ouvrage complet, pratique et
indispensable en situation d’urgence toxicologique.

ISBN : 978-2-7184-1487-4

9 782718 414874
36€
Marc Weber I Christophe Rothmann I

M. Weber, C. Rothmann
E. Puskarczyk, V. Danel
Emmanuel Puskarczyk I Vincent Danel

U
RG’Intoxications présente de façon inédite, et au-delà des questions
classiques liées à la toxicité des produits et à leur traitement, le
champ plus vaste de la toxicologie clinique aiguë, en tenant compte
à la fois des données scientifiques et des réalités du terrain.
La première partie du livre traite de l’approche du patient et du
raisonnement clinique spécifique, basés sur l’évaluation de risque à
partir d’une exposition toxique et sur la méthode française d’imputabilité
en toxicologie. On y retrouve de nombreux exemples, extraits du
« quotidien » des intoxications, permettant une appropriation rapide de
la démarche par le clinicien.
La deuxième partie contient une trentaine de fiches regroupant les
toxiques les plus fréquemment rencontrés en France. Elle inclut
médicaments, produits phytopharmaceutiques, stupéfiants, alcools,
champignons, et animaux marins et terrestres, entre autres.
La troisième partie, véritable lexique encyclopédique, comprend plus de
70 fiches didactiques avec des situations d’exposition toxique, des bases
physiopathologiques, des approches symptomatiques ou syndromiques,
des données complémentaires de raisonnement clinique, des aspects Marc Weber I Christophe Rothmann I
thérapeutiques, des problématiques médicolégales, sans oublier des
spécificités propres à la régulation médicale et à la prise en charge
Emmanuel Puskarczyk I Vincent Danel
préhospitalière.
Les auteurs ont mis en commun leurs expériences respectives, acquises
lors d’exercices professionnels en centre antipoison et en structure de
médecine d’urgence, afin de proposer un ouvrage complet, pratique et
indispensable en situation d’urgence toxicologique.

ISBN : 978-2-7184-1487-4

9 782718 414874
36€
Prise en charge
des intoxications aiguës
en structure de médecine d’urgence

Marc Weber
Christophe Rothmann
Emmanuel Puskarczyk
Vincent Danel
Chez le même éditeur, Série URG’

• URG’Pédiatrie, J.-M. Pécontal, R. Dekkak, C. Vanhecke, K. Burlot, P. Morbidelli, 2017


• URG’Obstétrique, G. Bagou, S. Goddet, G. Le Bail, 2017
• URG’Psychiatrie 2e édition, C. Pouilly, J. Geneste-Saelens, J. Liotier, G. Brousse, 2017
• URG’de garde 2017-2018, F. Adnet, 2017
• URG’Drogues 2e édition, P. Écalard, 2010 (mis à jour 2016)
• URG’Neuro, J. Liotier, B. Cretin, 2015
• URG’Séniors, J.-M. Pécontal, V. Perraud, O. Heye, 2012
• URG’Voies digestives, A. Balian, 2011
• URG’Dermatologie, C. Derancourt, J. Liotier, 2010
• URG’Infirmier, E. Liger, F. Lapostolle, 2010
• URG’Certificats, O. Heye, J.-M. Pécontal, V. Perraud, R. Dekkak, P. Morbidelli, 2009

© John Libbey Eurotext, 2018


ISBN : 978-2- 7184-1487-4

Arnette
Éditions John Libbey Eurotext
127, avenue de la République
92120 Montrouge, France
Tél. : 01 46 73 06 60
e-mail : contact@jle.com
http://www.jle.com

John Libbey Eurotext Limited


34 Anyard Road, Cobham
Surrey KT11 2LA
Grande-Bretagne

Photo de couverture : Adobe Stock ©

Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français
d’exploration du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
PRÉFACE
Les intoxications aiguës sont fréquentes en structure de médecine d’urgence et le premier
risque est sans doute de les banaliser. Il existe peu d’ouvrages qui y soient consacrés, tout
en intégrant le contexte spécifique de la médecine d’urgence, qui est celle des premières
heures. L’approche pragmatique des auteurs est une qualité essentielle de ce livre.
Ils proposent, dans une première partie, une démarche clinique et la prescription rai-
sonnée des examens paracliniques, en particulier toxicologiques, à partir de situations
génériques que l’on retrouve quotidiennement dans les structures d’urgences. Ces rai-
sonnements sont illustrés par des exemples concrets et utiles pour mieux comprendre
ces situations. Dans une deuxième partie, ils envisagent les principales intoxications
rencontrées en France et déclinent les éléments fondamentaux qui guident la prise en
charge par l’urgentiste. Ces intoxications concernent tant les médicaments que les ani-
maux ou végétaux. Des éléments relatifs aux mécanismes toxicologiques et à la toxi-
cocinétique permettent de mieux comprendre la prise en charge des malades intoxiqués.
Les paragraphes consacrés à la régulation médicalisée préhospitalière sont originaux et
aideront l’orientation initiale lorsque le médecin ne dispose que des données télépho-
niques. Des « points importants » sont mis en exergue avec la vision des professionnels
de l’urgence. Une troisième partie, organisée selon un « lexique encyclopédique », répond
à toutes les questions que l’urgentiste n’a jamais osé poser. L’abord des aspects spé-
cifiques liés à la situation d’un gardé à vue ou à la technique de décontamination oculaire
en sont des exemples.
La qualité des auteurs « imprégnés » d’une culture de la toxicologie d’urgence et réfé-
rents sur le sujet rejaillit sur la rédaction de cet ouvrage. Il sera rapidement un élément
indispensable dans la bibliothèque de l’urgentiste, tant pour y trouver un élément ponc-
tuel dans son activité quotidienne que pour renforcer ses connaissances sur un sujet de
toxicologie qu’il souhaite approfondir.

Professeur Dominique Pateron


Service des urgences de l’hôpital Saint-Antoine
Sorbonne Université

III
Liste des auteurs
Marc Weber Christophe Rothmann
Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service Smur-Urgences Structure de Médecine d’urgence
Groupe hospitalier Est Réunion et unité médicojudiciaire
Saint-Benoît Expert près la Cour d’appel de Metz
La Réunion CHR Metz-Thionville
Hôpital de Mercy, Ars Laquenexy
Metz

Emmanuel Puskarczyk Vincent Danel


Praticien hospitalier Professeur de toxicologie
Centre antipoison et de toxicovigilance Professeur émérite
Pôle Urgences et réanimation médicale Université Grenoble Alpes
CHU de Nancy Ancien chef de service du Samu 38
Nancy CHU Grenoble Alpes
Grenoble
SOMMAIRE
Préface III Fumées d’incendie 84
Abréviations IX
Herbicides à base de glyphosate 88
Partie I. APPROCHE DU PATIENT Inhibiteurs calciques 90
ET RAISONNEMENT CLINIQUE
Insecticides pyréthrinoïdes de synthèse 92
Conduite à tenir générale 2
Insuline 94
Situations pratiques 3
Irritants, moussants et corrosifs 97
Pourquoi, quand et comment prendre
Lithium 105
un avis spécialisé ? 13
Metformine 107
Partie II. PRINCIPALES INTOXICATIONS AIGUËS
OBSERVÉES EN FRANCE Méthanol 110
Méthémoglobinémies 113
Alcool éthylique 16
Monoxyde de carbone 115
Animaux marins 20
Neuroleptiques et nouveaux antipsychotiques 118
Animaux terrestres 33
Organophosphorés 121
Antiarythmiques de classe I 38
Paracétamol 124
Antidépresseurs 40
Rodonticides et antinuisibles 129
Antihistaminiques H1 47
Stupéfiants 132
Anti-inflammatoires non stéroïdiens 50
Sulfamides hypoglycémiants 149
Aspirine 52
Trichloréthylène 152
Benzodiazépines 55
Valproate de sodium 154
Bêtabloquants 57
Carbamazépine 60 Partie III. LEXIQUE ENCYCLOPÉDIQUE

Champignons 62 Abord initial du patient intoxiqué 158


Chloroquine 71 Acouphènes 160
Colchicine 73 Analyse toxicologique 161
Cyanures 75 Anamnèse 166
Digitaliques 77 Anoxie cellulaire toxique 167
Éthylène glycol 80 Antidotes 168

V
Charbon activé 179 Hallucinations 214
Coma 180 Hémolyse 215
Compatibilité avec une mesure de garde à vue 182 Hémorragie 216
Consentement aux soins/Refus de soins Hépatite 217
Sortie contre avis médical/Fugue 184
Hyperglycémie 218
Contre-terrorisme chimique 187
Hypertension artérielle 219
Convulsions 188
Hyperthermie 220
Décontamination cutanée 190
Hypoglycémie 221
Décontamination digestive 191
Hypothermie 222
Décontamination oculaire 193
Identification d’un toxique 223
Découverte de stupéfiants chez un patient 195
Imputabilité 225
Définition de cas 196
Insuffisance rénale aiguë 227
Dépistage d’alcool éthylique 197
Insuffisance respiratoire aiguë 228
Dépistage de stupéfiants 198
Intoxication 230
Diarrhées 199
Intoxications récréatives 231
Dissimulation intracorporelle de stupéfiants 200
Médicalisation préhospitalière 232
Dose toxique 201
Mort d’origine supposée toxique 234
Douleur 202
Mydriase 235
Épuration extrarénale 203
Myosis 236
Épuration rénale 204
Nomogramme de Fagan 237
État de choc 205
Prélèvements conservatoires 239
Évaluation de risque 206
Pronostic 240
Examens complémentaires
(hors analyse toxicologique) 207 Raisonnement clinique probabiliste 241
Exposition toxique 209 Régulation médicale d’un appel 243
Fièvre 211 Réquisition 247
Filières de soins 212 Rhabdomyolyse 248
Gravité 213 Soumission chimique 249

VI
Spécialités orales à action retardée 252 Toxiques fonctionnels 265

Suicidant 253 Toxiques lésionnels 266

Terrorisme chimique 254 Toxiques mixtes 267


Traitement général 268
Toxicocinétique 255
Troubles de perméabilité
Toxicodynamie 258 et/ou de protection des voies aériennes 272
Toxicovigilance 261 Troubles visuels 274
Toxidromes 262 Vomissements 275

VII
ABRÉVIATIONS
AINS Anti-inflammatoires non stéroïdiens IM Intramusculaire
AVC Accident vasculaire cérébral IMAO Inhibiteurs de la monoamine oxydase
ASP Abdomen sans préparation IV(L) Intraveineuse (lente)
ATU Autorisation temporaire d’utilisation LP Libération prolongée
AVK Antivitamine K LSD Lyserg Saüre Diethylamid
BAV Bloc auricoventriculaire MDMA 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine
BZD Benzodiazépines NAPQI N-acétyl-p-benzoquinone-imine
CAP Centre antipoison NFS Numération formule sanguine
CEC Circulation extracorporelle NO Monoxyde d’azote
CIVD Coagulation intravasculaire disséminée
NOP Neurotoxiques organophosphorés
CO Monoxyde de carbone
OAP Œdème aigu du poumon
CPG Chromatographie en phase gazeuse
OP Organophosphorés
CPK Créatine phosphokinase
OPJ Officier de police judiciaire
DCI Dénomination commune internationale
PEP Pression positive de fin d’expiration
DSI Dose supposée ingérée
ECG Électrocardiogramme PSE Pousse seringue électrique
ECLS Extra Corporeal Life Support Samu Service d’aide médicale urgente
ECMO Extra Corporeal Membrane Oxygenation SAU Salle d’accueil des urgences
EDME État de mal épileptique SCA Syndrome coronaire aigu
EEG Électroencéphalogramme SDIS Service départemental d’incendie
EFR Exploration fonctionnelle respiratoire et de secours
ESM Effet stabilisant de membrane SDRA Syndrome de détresse respiratoire
ESV Extrasystole ventriculaire aiguë
EtCO2 CO2 de fin d’expiration SIADH Sécrétion inappropriée d’hormone
FC Fréquence cardiaque antidiurétique
FIO2 Fraction inspirée en oxygène Smur Service mobile d’urgence
FR Fréquence respiratoire et de réanimation
GAV Garde à vue SpO2 Saturation pulsée en oxygène
GB Globules blancs TA Tension artérielle
HPLC High Performance Liquid TDM Tomodensitométrie
Chromatography TP Taux de prothrombine
HTA Hypertension artérielle TV Toxicovigilance
HTAP Hypertension artérielle pulmonaire UHCD Unité d’hospitalisation de courte durée
IEC Inhibiteurs de l’enzyme de conversion USC Unité de surveillance continu
IPP Inhibiteur de la pompe à protons VADS Voies aérodigestives supérieures
IRA Insuffisance respiratoire aiguë VAS Voies aériennes supérieures
IRM Imagerie par résonance médicale VPP Voie veineuse périphérique
IRS/ISRS Inhibiteur (spécifique) des récepteurs VSAS Véhicule de secours et d’assistance
sérotoninergiques aux victimes

IX
PARTIE I

Approche du patient
et raisonnement clinique
I.1 CONDUITE À TENIR GÉNÉRALE

L’intoxication aiguë revêt des présentations extrêmement variées. Le caractère répétitif et de bon pronostic des
situations les plus fréquentes ne doit pas faire occulter l’existence de formes trompeuses et/ou graves. Ainsi,
dès lors qu’une exposition à un toxique est suspectée, une démarche diagnostique et thérapeutique rigoureuse
s’impose :
■ le volet diagnostique doit, au mieux, être basé sur un raisonnement clinique probabiliste (III.55), avec deux

situations :
• le patient n’est pas symptomatique : évaluation du risque (III.27) et sa gestion,
• le patient est symptomatique : établissement d’une imputabilité toxique sur la base de six items successifs
(III.43), poursuite de l’évaluation et de la gestion du risque ;
■ le volet thérapeutique quant à lui doit, chaque fois qu’elles existent, reposer sur des recommandations pour la

pratique clinique.
Trois situations pratiques sont schématiquement rencontrées, avec des conduites à tenir différentes :
■ une exposition toxique est avérée, un toxique est supposé identifié (I.2A) ;

■ une exposition toxique est avérée, sans toxique supposé identifié (I.2B) ;

■ il n’y a pas d’exposition toxique avérée (I.2C).

À tout moment, il est possible de demander un avis spécialisé (I.3).

PRINCIPES FORTS
• La conduite à tenir en toxicologie aiguë suit les mêmes principes que celle concernant les autres volets de
la médecine d’urgence ; il n’y a pas plus de place pour des mythes, des dogmes ou des croyances.
• Une certitude diagnostique est à la fois rarement obtenue et rarement indispensable : la démarche d’impu-
tabilité est interrompue dès lors que le niveau de probabilité diagnostique est suffisamment fort pour prendre
une décision.
• « Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison » ; autant que possible, la quantité de
toxique auquel un sujet est exposé doit être comparée aux grandeurs toxiques connues (plus grande quantité
n’ayant pas entraîné de symptômes, plus petite quantité ayant entraîné un décès, par exemple).
• Le « terrain » du sujet est un élément déterminant de la réaction de l’organisme à la rencontre avec le toxique ;
il faudra traiter un patient, et non un toxique, le rapport bénéfice/risque d’une approche trop « toxicologique »
des situations pouvant ne pas être favorable.
• Les effets toxiques des médicaments peuvent être une amplification d’effets pharmacodynamiques attendus,
mais également de nature différente ; les bases de données de pharmacologie ne peuvent être utilisées pour
la prise en charge de patients intoxiqués, hormis pour prendre connaissance des éléments de pharmacody-
namie, et ce, essentiellement pour les médicaments psychotropes et cardiotropes.
• Enfin, le médecin urgentiste peut utilement participer à des actions éducatives et préventives, à des signa-
lements (accident de travail, autorités sanitaires) et à la constitution de registres épidémiologiques, de même
qu’initier des prises en charge psychiatriques et addictologiques.

2
SITUATIONS PRATIQUES I.2
1/10

f EXPOSITION TOXIQUE AVÉRÉE, I.2A


TOXIQUE SUPPOSÉ IDENTIFIÉ
C’est le cas le plus fréquent. La conduite à tenir suite à cette exposition toxique (III.29) repose sur la validation
ou l’exclusion de l’hypothèse toxique.
L’effet toxique est en effet attendu (connaissance du toxique, expérience clinique et données de la littérature),
tant concernant l’expression clinique (symptomatologie clinique et paraclinique), que sa chronologie (chrono-
gramme), avec les variations possibles liées aux facteurs potentiels de modulation de la toxicodynamie (III.64),
liées à toute intoxication (III.46).
L’anamnèse (III.4) doit être consolidée, une exposition accidentelle laissant moins de place au doute qu’une
exposition volontaire (auto-infligée), rarement réalisée en présence de témoin.
L’examen clinique, après l’abord initial du patient (III.1), repose en priorité sur la recherche du possible toxidrome
(III.66) correspondant au toxique suspecté : si le toxidrome recherché est présent, le diagnostic est confirmé de
façon suffisamment forte et la démarche diagnostique s’arrête. Ainsi, il y a rarement nécessité de mise en
évidence du toxique par analyse toxicologique (III.3) ou métrologie ; cette recherche peut néanmoins parfois
permettre une évaluation de risque (III.27) (c’est le cas du paracétamol (II.31)).
Un traitement général non spécifique peut être indiqué.
La biologie est éventuellement utile pour une évaluation de la gravité (III.32) et du pronostic (III.54), avec, pour
corollaire potentiel, une décision de traitement spécifique au toxique ; la mise en route de tels traitements est
facilitée dans cette situation par le caractère fort de l’imputabilité (III.43) (intoxication probable ou très probable).
La question d’hypothèses diagnostiques autres ne se posera qu’en cas de discordance entre l’anamnèse et la
clinique et/ou la paraclinique.
En cas de forme inhabituelle, grave ou justifiant un traitement spécifique, un avis spécialisé (I.3) peut être utile.

3
I.2 SITUATIONS PRATIQUES
2/10

● QUATRE SITUATIONS SCHÉMATIQUES

1. Le sujet est asymptomatique et il n’existe pas de perturbation paraclinique attendue


après un délai suffisant
Le sujet n’est pas intoxiqué. L’anamnèse doit cependant être consolidée et un effet tardif potentiel ne doit pas
être occulté (baisse tardive de l’INR après exposition digestive à un rodonticide anticoagulant ou signes d’hyper-
thyroïdie plusieurs jours après ingestion d’hormones thyroïdiennes par exemple).

CAS CLINIQUE
L’enfant J.E, âgé de 3 ans, met à la bouche de l’eau de javel diluée (conditionnement en bidon du commerce)
vers 15 heures. Sa maman le retrouve dans la buanderie, il a les vêtements mouillés et une odeur évocatrice
de l’haleine. Après appel au centre antipoison, elle met en œuvre les procédures d’usage (déshabillage, rinçage
de la peau et de la bouche, ingestion d’eau (1 verre par petites gorgées). Par sécurité, l’enfant est examiné aux
urgences à 17 heures. L’anamnèse est concordante, il s’agit bien d’eau de Javel à 2,6 %. L’enfant est souriant,
non algique, l’haleine reste évocatrice, les examens cutané, endobuccal et général sont normaux.
Hypothèse : l’enfant a été exposé, n’est pas symptomatique donc n’est pas intoxiqué.
Décision : il n’y a pas lieu de réaliser une biologie ou de prévoir une fibroscopie œsogastrique ; retour à domicile
avec une prescription éventuelle de pansement gastrique (à la demande).

4
SITUATIONS PRATIQUES I.2
3/10

2. La symptomatologie et la chronologie sont celles attendues


Le patient est intoxiqué avec une forme typique correspondant à la définition de cas (III.17) classique. Une
décontamination digestive (III.14) pourra être discutée avant H1, dans le strict respect des recommandations
internationales.

CAS CLINIQUE
Monsieur L.B, âgé de 40 ans, sans antécédent, sans addiction, non dénutri ou déshydraté, ingère 30 comprimés
(180 mg) de bromazépam dans un contexte impulsif (conflit en milieu professionnel). Il est pris en charge à H3
où l’on note une somnolence simple, des pupilles en discret myosis, l’examen clinique étant normal par ailleurs.
La prise est attestée par son épouse, toute co-ingestion est écartée.
Hypothèse : il s’agit d’une intoxication avérée paucisymptomatique, avec anamnèse et clinique concordantes.
Décision : surveillance clinique, hydratation orale et alimentation légère à la demande ; il n’y a pas lieu de
prescrire une biologie ou une analyse toxicologique ; hospitalisation en UHCD pour évaluation psychiatrique
programmée ; lever et déambulation encouragés au réveil, visites de son épouse autorisées.

5
I.2 SITUATIONS PRATIQUES
4/10

3. La symptomatologie et la chronologie ne sont pas concordantes


Expression clinique attendue, mais trop précoce ou trop tardive :
■ un aléa d’anamnèse incluant un diagnostic différentiel toxicologique doit être évoqué : histoire différente, déca-

lage du chronogramme ? retard d’absorption par prise concomitante de ralentisseur du transit (ex. : codéine)
ou administration précoce de charbon activé ?
■ une analyse toxicologique (III.3) peut être indiquée, à des fins décisionnelles.

CAS CLINIQUE
Madame D.P, âgée de 24 ans, pesant 43 kilos, sans antécédent, sans addiction, est admise 2 heures après
l’ingestion alléguée de 12 comprimés de paracétamol 500 mg, dans un contexte de conflit conjugal. Elle aurait
vomi il y a 1 heure et vomit à nouveau dans le service. Il n’y a pas d’argument autre pour une gastroentérite
aiguë ou une intoxication d’origine alimentaire ; l’examen clinique est normal.
Hypothèse : hépatite toxique sur intoxication moins récente, partiellement cachée, et/ou ingestion d’une quantité
plus importante de paracétamol avec intolérance gastrique ; en reprenant l’interrogatoire, la patiente avoue
finalement avoir ingéré la même dose la veille et l’avant-veille, et vomir depuis 4 à 6 heures.
Décision : prescription d’un bilan biologique hépatique ; paracétamolémie inutile, ne pouvant être reportée sur
le nomogramme décisionnel.
Résultat : transaminases à 10N.
Décision : traitement symptomatique et par N-acétyl-cystéine, apports hydroélectrolytiques ; hospitalisation en
UHCD, après contact avec le réanimateur, pour suivi biologique et évaluation psychiatrique programmée ; visites
de son époux non autorisées.

6
SITUATIONS PRATIQUES I.2
5/10

4. La symptomatologie et la chronologie ne sont pas celles attendues


mais l’intoxication ne peut être exclue
La présomption diagnostique n’est ni suffisamment forte, ni suffisamment faible pour prendre une décision.
■ Une variation importante de l’expression de l’intoxication et un diagnostic différentiel doivent être considérés.

■ Une analyse toxicologique peut être indiquée à but diagnostique, en particulier en cas de gravité affichée.

CAS CLINIQUE
Monsieur E.A, éthylique chronique bien connu du service pour ses alcoolisations aiguës plurihebdomadaires, est
pris en charge sur la voie publique par les sapeurs-pompiers (allongé devant son bistro habituel) et amené en
état de coma réactif, avec des réactions peu courtoises aux stimuli. Il est comme à l’accoutumé installé dans
une salle d’examen « spéciale » et confié à l’interne. On note une contusion circulaire frontale droite de 5 cm
de diamètre.
Hypothèse : intoxication éthylique aiguë.
Décision : examen clinique « rapide », ECG (rythme sinusal ? QT allongé ?) ; voie veineuse refusée par le patient,
on se donne 2 heures pour proposer des apports oraux (hydratation, vitamine B1), souvent refusés par Mon-
sieur E.A qui préfère quitter rapidement le service.
Évolution : à H4, patient non éveillé comme à son habitude ; moindre réactivité (grognements à la douleur) ;
examen clinique par le senior : doute sur focalisation gauche et discrète asymétrie pupillaire.
Décision : biologie « standard » et dosage de l’éthanolémie, qui à H5 revient < 0,1 g/L, les plaquettes sanguines
étant à 70 g/L et la kaliémie à 2,8 mmol/L ; réalisation d’une imagerie cérébrale.
Conclusion : le relevé d’une haleine œnolique aurait conforté la 1re hypothèse et fait réellement franchir le seuil
de décision... sans faire exclure une lésion intracrânienne...

7
I.2 SITUATIONS PRATIQUES
6/10

f EXPOSITION TOXIQUE AVÉRÉE, I.2B


TOXIQUE NON IDENTIFIÉ
Il s’agit en règle générale d’une intoxication médicamenteuse volontaire avec interrogatoire non contributif à
l’anamnèse (III.4) (trouble mnésique suite à l’ingestion d’éthanol ou d’une benzodiazépine ou apparenté, plus
rarement refus de communiquer du patient) ou d’une intoxication accidentelle avec un produit non précisé, le
plus souvent extrait de son conditionnement d’origine.

L’identification du toxique, la chronologie de l’évènement


et l’évaluation clinique sont les pierres d’angle du diagnostic
Identification du toxique (III.42)
■ S’il s’agit d’un médicament, les recherches d’usage sont à faire (conditionnements, ordonnances, traitement
d’une pathologie chronique, médicaments présents dans l’environnement, en gardant à l’esprit la grande dis-
ponibilité des antalgiques et anti-inflammatoires dans les pharmacies familiales) ; en cas de découverte de
médicaments non identifiés, l’interrogation de la base nationale au centre antipoison de Nancy peut être utile,
avec appel du pharmacien de l’hôpital qui saura préciser les caractéristiques organoleptiques des spécialités
suspectes.
■ S’il s’agit d’un produit ménager ou industriel, son usage habituel peut orienter vers sa composition. S’il est
disponible, son odeur, sa couleur et la mesure de son pH sont des éléments d’orientation. L’appui d’un centre
antipoison, avec accès à la base nationale des produits et compositions, si le nom du produit est connu, est
précieux.
■ Un produit volatile à usage industriel pourra être caractérisé dans l’atmosphère de façon rapide par les services
spécialisés des SDIS et de la sécurité civile, le CO étant facilement détecté dans l’atmosphère et dans l’air
expiré par les équipages sapeurs-pompiers et des Smur.
■ S’il s’agit d’une plante ou d’un champignon dont un spécimen est disponible, s’aider d’une base de données
livresque ou en ligne et de l’expertise d’un pharmacien ; l’attache d’un centre antipoison est cependant plus
sûre (mise en relation avec des experts botanistes).
Chronologie
■ Les repères habituels (chronogramme) permettent rapidement (dans les 1res heures) d’éliminer une toxicité
locale ou fonctionnelle (excepté pour un médicament à forme « retard » (III.60) ou lors d’une modification de
la cinétique d’absorption digestive attendue).
■ L’absence de symptomatologie précoce doit faire surveiller la survenue d’une atteinte lésionnelle plus tardive,
en particulier hépatique ou rénale pour un médicament.

8
SITUATIONS PRATIQUES I.2
7/10

Examen clinique
Il doit être :
■ orienté par la mesure initiale et continue des paramètres physiologiques et sur l’abord initial du patient (III.1) ;

■ répété au cours des premières heures, focalisé en premier lieu sur les sphères cardiovasculaire et neuro-

psychiatrique, sans occulter la possibilité d’ingestion d’une spécialité à action retardée (III.60) ;
■ à la recherche d’un toxidrome (III.66), l’existence d’un symptôme ou signe évocateur devant faire rechercher

les éléments classiquement associés ;


■ à défaut, aidé par les bases de données interrogées à partir d’un premier symptôme ou signe n’évoquant pas

un toxidrome, de façon à avoir une approche progressive si le tableau se complétait.

À ce stade, deux situations peuvent se présenter


Le diagnostic est fait avec une probabilité forte
■ Un traitement symptomatique peut être indiqué, de même qu’un suivi biologique correspondant aux effets
toxicodynamiques attendus.
■ La surveillance clinique et/ou biologique doit être prolongée au moins 24 heures (intoxication autre associée ?).
■ Un test pharmacologique par antidote (III.6), pouvant confirmer l’hypothèse et lever le toxidrome, peut être
discuté.
■ Une analyse toxicologique n’est éventuellement indiquée qu’à visée pronostique.
■ Il est peu probable qu’il existe un diagnostic différentiel non toxicologique ou que le tableau ne corresponde
pas aux données de la littérature.
■ Il n’y a pas lieu, en règle générale, de prendre un avis spécialisé (I.3).

CAS CLINIQUE
Monsieur N. C, 28 ans, est retrouvé dans sa chambre d’hôtel par la femme de chambre, très stuporeux, avec,
à ses côtés, l’ouvrage Suicide, mode d’emploi (livre désormais interdit et retiré de la vente) et une lettre d’adieux.
La police est immédiatement alertée et transfère l’appel au Samu-centre 15. Le médecin régulateur ne peut
obtenir aucun renseignement anamnestique ou clinique supplémentaire ; il engage un Smur ainsi qu’un VSAV,
plus proche, « dans le doute ». À l’arrivée du Smur, les équipiers VSAV ont pu retrouver des conditionnements
vides de diazépam (20 comprimés à 5 mg) et de chloroquine (30 comprimés à 100 mg). Le patient a une TA à
88/47, une FC à 105 bpm, une FR à 22, une SpO2 à 93 % ; il est obnubilé, ses pupilles sont en mydriase. L’ECG
montre des ondes T plates diffuses, une dQRS à 115 msec, un QTc à 470 msec...
Hypothèse : intoxication grave par chloroquine
Décision : application du protocole « chloroquine » avec ventilation assistée et perfusion d’adrénaline.

9
I.2 SITUATIONS PRATIQUES
8/10

Le diagnostic n’est pas fait, ou alors avec une probabilité non forte
■ Un traitement symptomatique est toujours indiqué, quelle que soit l’hypothèse ; une ventilation assistée doit
être proposée de façon large en cas de trouble de conscience, convulsions, état de choc ou trouble du rythme
cardiaque.
■ Un suivi biologique systématique est de mise, incluant initialement le ionogramme avec calcul du trou anionique,
les fonctions hépatique et rénale, le lactate, l’osmolarité (si disponible).
■ Il y a lieu de prendre rapidement un avis spécialisé (I.3), au moins dès l’apparition d’une symptomatologie et
après examen clinique orienté, neurologique et du système végétatif en particulier (tonus musculaire, état des
pupilles, état adrénergique ou cholinergique, etc.).
■ La surveillance clinique doit être prolongée au moins 24 heures.
■ Une analyse toxicologique non orientée n’est pas contributive et source de conclusions fausses ; en particulier,
la prescription d’une batterie de recherches sanguines ou urinaires incluant des substances entrainant un
myosis et d’autres une mydriase ne peut être intégrée à une démarche clinique.
■ Un diagnostic différentiel non toxicologique doit rester présent à l’esprit.

CAS CLINIQUE
Madame B. L, 50 ans, éthylotabagique suivie en addictologie, traitée par oxazépam et par un 2e médicament
non précisé, est retrouvée comateuse à son domicile (score de Glasgow à 7). Elle a vomi, ses pupilles sont en
myosis modéré réactif, elle est bradycarde et hypotendue, bradypnéique. L’ECG est sans particularité et n’évoque
pas la prise d’antidépresseurs polycycliques. L’ionogramme est normal, de même que la TDM cérébrale. Les
tests au flumazénil, puis à la naloxone sont non contributifs. Les recherches de toxiques sanguins et urinaires
sont négatifs, y compris pour les benzodiazépines, l’alcoolémie est négative.
Hypothèse : intoxication par médicament psychocardiotrope non précisé.
Décision : la patiente est intubée, placée sous ventilation assistée, corrigée sur le plan hémodynamique et
hospitalisée en service de réanimation. L’EEG montrera un rythme ralenti avec des séquences de rythme
triphasique.
Évolution : elle sera sevrée de la ventilation assistée à J3.

f ABSENCE D’EXPOSITION TOXIQUE AVÉRÉE I.2C


Toute prise en charge au service d’urgences devrait permettre de proposer rapidement, devant l’association
« terrain – motif de recours », au moins une hypothèse diagnostique ; il conviendra ensuite d’étayer cette hypo-
thèse ou de la récuser, en particulier s’il s’agit d’un diagnostic de gravité à écarter.
Dans certains cas, cette démarche ne permet pas de consolider suffisamment une hypothèse et risque de ne
faire se contenter que d’une prise en charge symptomatique ; la possibilité d’une intoxication aiguë, subaiguë ou
chronique devrait alors être évoquée, en particulier chez certains patients à risque.

10
SITUATIONS PRATIQUES I.2
9/10

Dans tous les cas, une approche par grandes fonctions, systèmes et organes est indispensable (paramètres
physiologiques, examen clinique détaillé, glycémie, cétonémie capillaire), secondairement orientée par cet abord
initial du patient (III.1).
Une prescription de biologie « de routine » n’omettra pas la recherche d’une hépatite, d’une insuffisance rénale,
le dosage du lactate, le calcul du trou anionique, la mesure de l’osmolarité (si disponible).
Une analyse toxicologique (III.3) éventuelle devra être prescrite de façon décisionnelle et non observationnelle ;
une certitude diagnostique n’est pas indispensable à la mise en œuvre de thérapeutiques spécifiques.
Les patients à risque sont, dans ce contexte, les enfants lors de l’apprentissage de la marche, les patients
suicidaires et les patients déments.

■ L’enfant de 3 ans environ peut ingérer, par défaut de perception du risque, un comprimé appartenant à un
parent.

CAS CLINIQUE
L’enfant O. S, 3 ans, 12 kilos, sans traitement, est amené au service d’urgence, à 10 heures, car il « ne tient
plus sur ses jambes » ; tout s’était bien passé depuis le lever à 8 heures et la maman l’avait laissé jouer dans
la chambre des parents pendant qu’elle se préparait. Depuis 9 h 30, il restait assis et refusait de se lever ;
lorsqu’elle tentait de le mettre debout, ses jambes fléchissaient inlassablement. La maman nie toute possibilité
d’ingestion médicamenteuse, elle-même ne prendrait aucun traitement... Les constatations sont les mêmes au
service, chez un enfant au comportement neutre, ni agité ni somnolent, dont l’examen général, neurologique et
des membres inférieurs est sans particularité hormis cette hypotonie.
Hypothèse : ingestion occulte d’une benzodiazépine.
Décision : recherche qualitative de benzodiazépines sur un échantillon d’urines, qui revient positive.
Discussion : la maman avoue avoir pu laisser un demi-comprimé d’oxazépam 5 mg à portée potentielle de
l’enfant. (NB : une recherche urinaire négative n’aurait pas fait exclure le diagnostic).

11
I.2 SITUATIONS PRATIQUES
10/10

■ Le déni d’une intoxication chez un suicidant (III.61) est un phénomène très rare ; tout au plus le patient ne
souhaite-t-il pas, le plus souvent, faire état de la nature des toxiques ingérés. Des évènements de vie négatifs
déclenchant ou une intentionnalité affichée peuvent être retrouvés et l’existence du suicide chez le sujet âgé,
masculin surtout, doit rester présent à l’esprit.

CAS CLINIQUE
Monsieur A.K, 73 ans, coronarien porteur d’un stent, est admis dans un tableau de confusion, agitation, polypnée
et hypothermie modérée, bientôt complété d’un collapsus cardiovasculaire, accompagné cette fois d’une hyper-
thermie, d’une acidose métabolique non lactique et d’une cétose.
Hypothèse : sepsis.
Décision 1 : prise en charge symptomatique, antibiothérapie, ne permettant pas d’éviter le décès du patient.
Décision 2 : screening toxicologique, négatif.
Décision 3 : contact auprès d’un centre antipoison, prescription d’une salicylémie.
Résultat : concentration très élevée chez un patient déjà traité au long cours.

■ Le patient dément et déambulant est à surveiller de très près.

CAS CLINIQUE
Madame R.R, 77 ans, hypertendue, souffre de démence vasculaire et dégénérative. Elle est admise très som-
nolente aux urgences, avec doute sur l’existence d’une paralysie faciale droite.
Hypothèse : accident vasculaire cérébral, le score NIHSS est noté.
Décision : prescription d’une IRM cérébrale.
Résultat : lésions diffuses de la substance blanche périventriculaire, sans accident vasculaire cérébral.
Décision : nouvel examen neurologique, qui met en évidence une hypertonie extrapyramidale diffuse et un
myosis symétrique à 2 mm, éléments n’entrant pas dans le calcul du score NIHSS.
Hypothèse : surdosage médicamenteux.
Décision : interrogatoire de la famille, qui confirme un traitement de fond par rispéridone, que l’infirmier à
domicile remplaçant a omis d’enfermer dans le placard habituel. Le complément d’examen général met en
évidence les signes cardiovasculaires classiquement associés (tachycardie, QT long à l’ECG). Il n’y a pas lieu
de faire des recherches toxicoanalytiques.

12
POURQUOI, QUAND ET COMMENT
PRENDRE UN AVIS SPÉCIALISÉ ? I.3
1/2

● POURQUOI ?
Demander l’appui d’un confrère spécialisé pour optimiser la prise en charge d’un patient donné, à un instant
donné et dans un contexte de prise en charge déterminé (finalité non spécifique à la toxicologie). Le réanimateur
pourra donner un avis sur une technique particulière et éclairer sur les intoxications relevant de sa discipline. Le
médecin du centre antipoison pourra ouvrir la « boite noire » d’un nom commercial pour identifier les substances
chimiques en présence et traduire le risque pour le patient (mais que contient donc le produit « Dawson super
plus » ingéré par ce suicidant ? Qu’en attendre ?).
De manière indicative, un tel besoin peut être ressenti dans les situations avérées ou perçues comme :
■ inhabituelles ou nouvelles : incidence faible ou expérience limitée du clinicien ;

■ et/ou sévères : conséquences cliniques et paracliniques observées ou pronostic (III.54) péjoratif ;

■ et/ou inattendues : tableau clinique ou évolution atypique ;

■ et/ou complexes : association de toxiques, manipulation d’une thérapeutique peu courante.

Les centres antipoison (CAP) sont chargés de donner avis et conseil en toxicologie médicale pour toute question
sur le diagnostic, le pronostic et le traitement des patients. Chaque CAP dispose d’une salle de réponse toxico-
logique urgente (RTU) ; un médecin expérimenté en toxicologie clinique et formé à la RTU porte la responsabilité
des avis donnés.
■ Aide au diagnostic :

• identification d’un toxique, d’un toxidrome, aide au diagnostic différentiel,


• indication et interprétation de dosages toxicologiques, de résultats de métrologie,
• détermination de l’imputabilité d’une exposition dans un tableau clinique donné, en particulier lorsqu’aucune
étiologie autre que toxique n’a été retrouvée : lequel de ces produit/plante/animal/champignon pourrait expli-
quer le tableau rencontré ?
■ Aide à l’évaluation du pronostic :

• conséquence(s) à craindre : nature, délai, gravité ?


La connaissance précise des compositions des produits et la capacité à les interpréter renforce l’évaluation du
risque.
■ Aide à la prise en charge et à l’orientation du patient :

• nécessité d’un plateau technique particulier (assistance cardiocirculaire, endoscopie, etc.),


• traitement toxicologique : épuration, antidote (disponibilité ?)
Les praticiens des CAP accèdent aux formulations confidentielles des produits manufacturés déclarés par les
responsables de la mise sur le marché. À défaut, sur demande du médecin RTU, le responsable du produit a
obligation de fournir les données utiles à la prise en charge du patient, notamment en cas d’urgence.

● QUAND ?
Régulation : aide à la prise de décision : la nature et le délai des effets à craindre permettent au régulateur de
mieux décider des moyens à engager et de l’orientation du patient.
Au SAU : diagnostic, traitement, pronostic.
À l’UHCD : traitement, orientation ou sortie du patient.

13
POURQUOI, QUAND ET COMMENT
I.3 PRENDRE UN AVIS SPÉCIALISÉ ?
2/2

● COMMENT ?
Par simple appel téléphonique, H24, J365 à un centre antipoison. L’histoire du cas clinique sera abordée. Idéa-
lement : patient, exposition (identification du toxique ++), chronologie, contexte, thérapeutiques engagées, effets
observés.

( LIGNES RTU DES HUIT CENTRES ANTIPOISON


Réponse H24, J365
CAP d’Angers 02 41 48 21 21
CAP de Bordeaux 05 56 96 40 80
CAP de Lille 08 00 59 59 59
CAP de Lyon 04 72 11 69 11
CAP de Marseille 04 91 75 25 25
CAP Est 03 83 22 50 50
CAP de Paris 01 40 05 48 48
CAP de Toulouse 05 61 77 74 47

14
PARTIE II

Principales intoxications aiguës


observées en France
II.1 ALCOOL ÉTHYLIQUE
1/4

Substance liquide à l’odeur caractéristique lorsqu’elle est pure, fruit de la distillation des sucres.
Entre dans la composition de boissons alcoolisées, ainsi que dans celle de produits à disposition du grand public
(alcool à brûler surtout, en association avec du méthanol en France, produits nettoyants, antiseptiques, cosmé-
tiques), ou utilisés en milieu professionnel (solvants, intermédiaires de synthèse).
1re cause d’intoxication aiguë prise en charge dans les services d’urgences.
Existence, de façon caricaturale, de deux formes différentes d’intoxication éthylique aiguë (IEA) prises en charge
dans les services d’urgence, avec toutes situations intermédiaires possibles (intoxications massives du week-end
par exemple) :
– IEA chez le patient éthylique chronique, dont le terrain comporte potentiellement des perturbations métaboli-
ques, nutritionnelles, cardiaques, hépatiques, neurologiques, etc. ;
– IEA occasionnelle : festive ou entrant dans le cadre d’un syndrome de soumission (adolescents) ou d’un passage
à l’acte suicidaire ; on estime que 30 % des intoxications médicamenteuses sont accompagnées d’une IEA.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Il s’agit d’un toxique fonctionnel, essentiellement :
■ stimulant puis dépresseur du système nerveux central, synergique avec les médicaments psychotropes dépres-

seurs en particulier ;
■ vasodilatateur, stimulant adrénergique et potentiellement arythmogène ;

■ perturbateur de la thermorégulation ;

■ inducteur d’hyperlactatémie et dépresseur de la néoglucogenèse hépatique chez les sujets à risque (enfants,

éthyliques chroniques).

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Absorption rapide par voie digestive ou respiratoire, très peu par voie cutanée (sauf nouveau-né et nourrisson).
Par voie digestive, pic plasmatique 45 à 60 mn après l’ingestion ; hydrosoluble, se distribue rapidement au niveau
des organes cibles (cerveau, foie, poumon), avec un volume de distribution et une fixation protéique très faibles,
le rendant théoriquement accessible à l’hémodialyse.
Le passage placentaire est important, exposant au risque du syndrome d’alcoolisation fœtale.
Métabolisé au niveau hépatique, en acétaldéhyde sous l’action de l’alcool-déshydrogénase, lui-même métabolisé
en acide acétique puis acétyl-coenzyme-A sous l’action de l’aldéhyde-déshydrogénase, ce dernier étant oxydé
en CO2 et H2O.
La vitesse de métabolisation peut varier de 0,15 g/L/h chez le sujet non habitué à plus du double chez le
consommateur chronique sévère, sous l’action de systèmes enzymatiques accessoires ; cinétique d’ordre 0 avec
durée d’élimination dépendant de la concentration plasmatique initiale.
Élimination sous forme inchangée au niveau du rein (négligeable), de la sueur, du poumon (plus importante,
permettant l’évaluation de l’imprégnation par sa mesure sur air expiré et pouvant argumenter le diagnostic
clinique).

16
ALCOOL ÉTHYLIQUE II.1
2/4

● GRANDEURS TOXIQUES
L’absorption rapide de 240 g d’alcool (une bouteille de 75 cl d’alcool à 40o) est potentiellement létale pour un
adulte de poids moyen non habitué. La tolérance clinique varie très largement chez le consommateur chronique
avec moindre dépression neurologique centrale et plus forte prévalence des convulsions et des complications
métaboliques et cardiovasculaires.

● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation des patients comateux et/ou convulsivants, des patients diabétiques ou ayant déjà présenté des
hypoglycémies alcooliques, et des patients ayant potentiellement ingéré des médicaments à action synergique
(benzodiazépines).
Orientation hospitalière des enfants en bas âge ébrieux.

● CLINIQUE

Latence
Dépend de la dose ingérée, de la nature de l’alcool, de la réplétion gastrique et de la tolérance.
La profondeur du coma et la capacité à la protection des voies aériennes sont difficiles à évaluer, l’utilisation du
score de Glasgow n’est pas adaptée.
La recherche d’un traumatisme associé, en particulier crâniofacial, est impérative.

Ivresse aiguë non compliquée


■ Haleine évocatrice ou caractéristique, injection conjonctivale, défaut de fixation du regard.
■ Troubles neuropsychiques :
• désinhibition, logorrhée, excitation psychomotrice, incoordination motrice, délire, hallucinations, agitation ;
plus rarement tristesse, idées dépressives ;
• ralentissement idéomoteur, désorientation temporospatiale, troubles de la vigilance allant de la somnolence
au coma superficiel.
■ Troubles digestifs : nausées, vomissements.
■ Hypothermie minime à modérée facilitée par l’exposition au froid.
■ Tachycardie, hypotension artérielle minime à modérée.

Ivresse aiguë compliquée


■ Troubles neurologiques :
• coma profond hypotonique avec mydriase fluctuante, nystagmus ;
• incontinence urinaire ;
• perte des capacités de protection et de perméabilité des voies aériennes ;
• risque de dépression et d’arrêt respiratoire (en particulier chez le buveur occasionnel) ;
• risque de convulsions chez le buveur chronique.
■ Inhalation trachéobronchique.
■ Vomissements hémorragiques.
■ Hypothermie profonde.

17
II.1 ALCOOL ÉTHYLIQUE
3/4

■ Rhabdomyolyse.
■ Hypoglycémie chez l’enfant et le sujet éthylique chronique.
■ Autres signes : classique fibrillation atriale chez le sujet éthylique chronique avec cardiopathie éthylique ou
autre, collapsus circulatoire à dose massive (y concourt un ESM).
■ Réveil souvent brutal en 2 à 6 heures, volontiers agité et agressif chez le buveur chronique.

● BIOLOGIE
■ Possibles troubles hydroélectrolytiques secondaires à la polyurie osmotique, aux vomissements, voire au statut
nutritionnel chez le sujet chronique : hémoconcentration, hyperchloronatrémie, hypokaliémie, hypomagnésémie,
hypophosphatémie, hypoglycémie en règle générale retardée de quelques heures
■ Hyperlactatémie plus marquée chez le sujet consommateur chronique
■ Élévation de la CPK en cas de coma profond et prolongé associé à une hypothermie
■ Accessoirement, l’éthanol génère un trou osmolaire (1 g/L générant 22 mOsmol) ; la pratique de l’osmométrie
par la méthode du delta-cryoscopique tend cependant à disparaître et cette donnée n’est en règle générale
pas utile à la prise en charge.

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


L’ECG est systématique (intoxication associée par cardiotrope ?), avec une attention particulière sur la valeur du
QT, souvent allongé : dangerosité à l’injection d’un médicament neuroleptique ou apparenté.
Un traumatisme crâniofacial, une focalisation neurologique, des convulsions ou même un coma inhabituel chez
un patient éthylique chronique connu imposent la réalisation d’une imagerie cérébrale et/ou la recherche de
troubles métaboliques.
Une imagerie thoracique peut confirmer et permettre le suivi d’une inhalation trachéobronchique.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Elle confirme au besoin l’intoxication et se fait :
■ sur plasma, par méthode enzymatique ou chromatographique ; est rendue en 1 heure environ ; la méthode

enzymatique est plus facile d’accès et moins coûteuse ;


■ obligatoirement par méthode chromatographique si à visée médicolégale (dépistage d’alcool éthylique (III.18)) ;

■ sur air expiré, à titre de dépistage par les forces de l’ordre en particulier, avec la limite de la participation

active du sujet (le rapport air expiré/plasma est de 1/2 100).


La corrélation clinicobiologique est très mauvaise chez le buveur chronique et rend le résultat de l’analyse peu
contributif, voire perturbateur, à la prise en charge : il ne peut dispenser, le cas échéant, de la recherche d’une
étiologie associée à l’état clinique, toxicologique ou autre, selon un argumentaire raisonné.
Chez le sujet « naïf », il ne peut être indicateur de risque qu’en cas de connaissance de l’heure d’ingestion.
Dans tous les cas, le résultat n’entraîne aucune démarche spécifiquement toxicologique.

18
ALCOOL ÉTHYLIQUE II.1
4/4

● TRAITEMENT
Il n’est pas spécifique ; la décision d’intubation trachéale en cas de coma profond est difficile à prendre et doit
se faire en opposant le risque lié au geste et celui d’inhalation trachéobronchique d’un côté et la rapidité potentielle
du réveil de l’autre.
Bien qu’accessible à l’hémodialyse, la mise en œuvre de cette technique est inutile, compte-tenu des aspects
cinétiques et cliniques de l’intoxication.
L’induction d’un syndrome antabuse peut être une indication à l’utilisation de fomépizole (7 mg/kg en 20 min).
Le traitement des complications ou de causes métaboliques préexistantes doit être considéré, en particulier
l’administration de vitamine B1 (cofacteur du métabolisme du pyruvate) doit être large.
Il n’y a pas de médicament plus particulièrement recommandé pour le traitement d’une agitation psychomotrice.
Une prévention du syndrome de sevrage peut se discuter précocement chez le buveur chronique.

● DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Penser aux autres causes de troubles neurologiques ou d’acidose, toxiques ou autres, chez le patient éthylique
chronique notamment et qui justifieraient un traitement spécifique : intoxication par méthanol (II.26) ou iso-
propanol, par éthylène glycol (II.17) ou substance chimiquement proche, acidocétose alcoolique de jeûne (hyper-
cétonémie sur bandelette après prélèvement capillaire), acidose lactique sans alcoolisation aiguë (carence pro-
fonde en vitamine B1), hyponatrémie chez un buveur de bière et même syndrome de sevrage en alcool...

● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Clinique : état neurologique, température corporelle, paramètres ventilatoires et circulatoires.
Biologique : lactatémie et autres troubles métaboliques, si initialement perturbés.
Elle peut se faire :
■ en UHCD pour les formes non compliquées, y compris pour un enfant dont la présentation clinique serait

rassurante ;
■ en unité de surveillance continue ou en réanimation pour les formes compliquées.

● PRONOSTIC
En phase aiguë, clairement lié aux complications immédiates.
Pronostic à terme à évaluer au décours immédiat de l’épisode aigu.

IMPORTANT
• Bien différencier les deux types d’intoxication et ne pas en sous-estimer la gravité potentielle : celle du buveur
occasionnel (risque respiratoire) et celle du buveur chronique (risque de convulsions, de collapsus et de trouble
du rythme, d’hypoglycémie, d’hyperlactatémie)
• Évoquer de possibles étiologies associées
• Tenter de mettre en œuvre des moyens de prévention, en particulier chez l’adolescent, la femme enceinte,
le patient chronique avec complications neurologiques, hépatiques, cardiaques, nutritionnelles, etc.

19
II.2 ANIMAUX MARINS
1/13

f ANÉMONES DE MER ET MÉDUSES II.2A


Espèces Toxines Symptomatologie Traitement

Anémones de mer : cnidaires fixées Éruption Symptomatique


Actinia radianthuris urticariforme et
Actinodendron, Dofleinia eczématiforme,
douleur locale,
rougeur, œdème,
lésions
ulcéronécrotiques,
collapsus, état de
choc, douleurs
abdominales,
nausées,
vomissements,
crampes
musculaires

Méduses : cnidaires Pelagia noctulica, Venin cytotoxique Brûlures cutanées Rincer à l’eau de
libres Aurelia aurita hyperalgiques, mer, puis
érythème régressif, saupoudrer la peau
papules humide de sable sec
urticariennes, (piéger les
phlyctènes tentacules contenant
le venin)
Symptomatique

Physalies (« galère Venin contenant Douleur immédiate Symptomatique


portugaise », blue enzymes, histamine, et intense, lignes
bottle, portuguese prostaglandines rouges avec papules
man of war, vasodilatatrices, blanchâtres
« caravella ») avec forte activité prurigineuses,
Physalia physalis, hémolysante nécrose cutanée,
Physalia utriculus nausées,
vomissements,
douleurs
abdominales,
dyspnée, détresse
respiratoire,
laryngospasme,
collapsus, troubles
du rythme cardiaque

20
ANIMAUX MARINS II.2
2/13

Espèces Toxines Symptomatologie Traitement

Coquillages filtreurs Cuboméduses (box Venin cardiotoxique, Douleur immédiate, Bain d’acide
(moules, huîtres, jellyfish, boxfish), vasculotoxique, œdème, vésicules, acétique durant
palourdes) : Chironex fleckeri neurotoxique, brûlures, 30 secondes
mytilisme (guêpe de mer ou néphrotoxique fasciculations (traitement préventif
sea wasp), musculaires, de décontamination)
Chiropsalmus hypotonie Sérum antivenimeux
quadrigatus, généralisée, CSL Boxjellyfish
Chiropsalmus détresse antivenom si
quadrumanus respiratoire, inconscience, arrêt
nausées, cardiorespiratoire,
vomissements, collapsus, troubles
douleurs du rythme,
abdominales, hypoventilation,
douleur thoracique, douleur intense,
collapsus, asystolie, atteinte cutanée
apnée brutale, OAP, extensive
larmoiement,
céphalées

Carukia barnesi Piqûre peu Symptomatique


douloureuse, parfois
inaperçue ; après
quelques minutes,
piloérection au
niveau de la
blessure, puis
douleurs
lombosacrées,
crampes
musculaires au
niveau des
membres, de la
paroi abdominale,
du thorax, puis orage
catécholaminer-
gique (HTA sévère,
anxiété, agitation,
tremblements,
sueurs, oligurie)

21
II.2 ANIMAUX MARINS
3/13

f COQUILLAGES FILTREURS II.2B


Coquillages Algues Toxines Latence Symptomatologie – Évolution
filtreurs contaminantes Traitement
(moules,
huîtres, Dinophysis et Acide okadaïque, 30 min à 2 h Syndrome Favorable
palourdes) : Prorocentrum dinophysis- après l’ingestion diarrhéique en 48 h
mytilisme sp. toxines, (diarrheic shellfish
pectenotoxines, poisoning)
yessotoxines, Nausées,
homoyesso- vomissements,
toxines, douleurs
azaspiracides abdominales,
diarrhées
Traitement
symptomatique

Dinoflagellés Neurotoxines 3 h après Syndrome Régression


Alexandrium sp., thermostables et l’ingestion paralytique (paralytic des signes en
Gonyaulax sp., hydrosolubles, shellfish poisoning) quelques heures
Prorocentrum saxitoxines, Nausées, à quelques jours
sp. gonyautoxines vomissements,
paresthésies des
lèvres et de la
langue, vertiges ;
extension des
paresthésies, fatigue
musculaire,
céphalées, ataxie ;
atteinte centrale
avec dysphagie,
dysarthrie, diplopie,
difficultés
respiratoires,
collapsus, troubles
de la repolarisation
Traitement
symptomatique

22
ANIMAUX MARINS II.2
4/13

Coquillages Algues Toxines Latence Symptomatologie – Évolution


filtreurs contaminantes Traitement
(moules,
huîtres, Ptychodiscus Brévétoxines 30 min à 3 h Syndrome Récupération
palourdes) : brevis, thermostables après l’ingestion neurotoxique en 2 à 3 j
mytilisme Gymnodinium, (neurotoxic shellfish Prurit séquellaire
Chattonella, poisoning) sur plusieurs
heterostigma Troubles digestifs semaines
(douleurs (comme
abdominales, ciguatéra)
diarrhée hydrique,
vomissements),
malaise, angoisse,
bradycardie,
paresthésies
périorales, atteinte
du tronc et des
membres, troubles
de la sensibilité
thermique
(inversion),
paresthésies, ataxie
cérébelleuse,
vertiges,
convulsions,
myalgies, mydriase
Traitement
symptomatique

23
II.2 ANIMAUX MARINS
5/13

Coquillages Algues Toxines Latence Symptomatologie – Évolution


filtreurs contaminantes Traitement
(moules,
huîtres, Pseudonitzschia Acide domoïque, 15 min à 38 h Syndrome Après plusieurs
palourdes) : multistriata thermostable après l’ingestion amnésique (amnesic mois, troubles
mytilisme shellfish poisoning) de la mémoire,
Signes digestifs, neuropathie
neurologiques périphérique
(céphalées, (10 %)
confusion, troubles
de la mémoire, de la
vigilance, de
l’attention
hémiparésie,
ophtalmoplégie
transitoires,
dyskinésies faciales,
troubles de la
conscience,
convulsions),
cardiaques
(hypotension
artérielle, arythmie
supraventriculaire)
Traitement
symptomatique

24
ANIMAUX MARINS II.2
6/13

f POISSONS, VERTÉBRÉS ET INVERTÉBRÉS II.2C


MARINS
Genres Espèces Symptomatologie Traitement

Poissons Synanceiidae Douleur immédiate, vive, Excision zone envenimée et


osseux (poissons-pierres) syncope, angoisse, sueurs cicatrisation dirigée, sérum
froides, hypotension artérielle, antivenimeux stonefish,
malaise, vomissements, efficace si utilisé dans les
ischémie, œdème, puis 30 min après la piqûre
nécrose extensive durable ;
rares collapsus, détresse
respiratoire, convulsions ;
décès rapportés

Poissons Scorpénidés et uranoscopidés Douleur immédiate après Symptomatique


cartilagineux (rascasses) piqûre, érythème, œdème,
plaie hémorragique, signes
systémiques rares ; aucun
décès rapporté

Trachinidés (vives) Douleur immédiate et intense Choc thermique (antalgique


irradiant jusqu’à la racine du et freine l’action du venin) :
membre, œdème, chaleur à proximité piqûre
paresthésies, nécrose locale, pendant 2 minutes, puis
malaise vagal, nausées, glaçage
agitation ; régression
spontanée entre 12
et 36 h

Poissons-chats Douleur immédiate et intense Symptomatique, antalgique,


irradiant jusqu’à la racine du antiseptique, parage,
membre, œdème, antibiotique
paresthésies, nécrose locale,
malaise vagal, nausées,
agitation ; régression
spontanée entre 12
et 36 h

Requins et poissons proches Plaies dilacérées, Symptomatique, antalgique,


douloureuses, complications antiseptique, parage,
infectieuses antibiotique

25
II.2 ANIMAUX MARINS
7/13

Genres Espèces Symptomatologie Traitement

Poissons Raies armées Plaie profonde et douloureuse, Symptomatique, antalgique,


cartilagineux compliquée d’œdème, antiseptique, parage,
hémorragie et ulcération antibiotique
nécrotique ; angoisse,
faiblesse, sueurs, troubles
digestifs, troubles du rythme,
hypotension artérielle,
crampes musculaires

Vertébrés Poissons murénidés (murènes) Saignement abondant de la Symptomatique


marins plaie, signes généraux
(myalgies, polypnée, malaise)

Invertébrés Serpents marins Toxicité musculaire majeure Symptomatique ; sérum


marins avec paralysies ascendantes, antivenimeux pour Enhydrina
fatigue musculaire, douleurs, Schistosa
paralysie des paupières,
paralysie des muscles
respiratoires avec risque
d’asphyxie ; noyade par
myalgies intenses avec
contractures ou paralysies
ascendantes

Cnidaires fixes et mobiles Cnidaires (II.2A)

26
ANIMAUX MARINS II.2
8/13

Genres Espèces Symptomatologie Traitement

Invertébrés Échinodermes Douleur, inflammation, Symptomatique


marins surinfection, formation de
granulomes
Douleur, signes neurologiques
(paresthésies, paralysies,
détresse respiratoire)

Mollusques gastéropodes Après piqûre par projection Symptomatique


dard, douleur immédiate
localisée, œdème local
douloureux, paresthésies,
dysesthésies, ptosis, paralysie
musculaire puis respiratoire
(curarisation), céphalées,
épigastralgies, perte de
connaissance avec décès
par noyade
Évolution locale vers nécrose,
avec cicatrisation très lente

Mollusques céphalopodes Anesthésie locale, paralysie Symptomatique, oxygénation,


locale (faciale, cubitale) ; ventilation assistée
Morsure indolore ; en
quelques minutes,
paresthésies des 4 membres,
malaise, vomissements ;
paralysie flasque ascendante,
dépression respiratoire

27
II.2 ANIMAUX MARINS
9/13

f DIFFÉRENTS TYPES D’INTOXICATION II.2D


PAR ANIMAUX MARINS
Type d’intoxication Espèces Symptomatologie Traitement

Ichthyosarcotoxisme Thons, maquereaux, Début brutal précoce (moins d’une heure Symptomatique,
(toxines dans les bonites, sardines, après l’ingestion) ; Signes digestifs antihistaminique
viscères ou la chair) anchois, harengs, (nausées, vomissements, douleurs
carangues, abdominales, diarrhée), vasodilatation
espadons (chair (face, cou), urticaire généralisée, œdème
riche en histidine) palpébral, myalgies, faiblesse musculaire,
Intoxication par acouphènes, céphalées, lipothymie, œdème
histamine produite laryngé, bronchospasme, rash,
par l’histidine hypotension, palpitations, tachycardie,
décarboxylase de troubles du rythme ventriculaire, syndrome
bactéries présentes coronaire aigu à coronaires saines, état de
à la surface de choc cardiogénique ; bonne évolution en
poissons riches en 3-4 h
histidine Scombrotoxisme

28
ANIMAUX MARINS II.2
10/13

Type d’intoxication Espèces Symptomatologie Traitement

Ichthyosarcotoxisme Barracuda, mérou, Quelques minutes à 48 heures après Symptomatique


thon, poissons l’ingestion Fluoxétine (asthénie)
coralliens Digestive : douleurs abdominales, nausées, Amitriptyline
vomissements, diarrhée, hoquet, ténesme ; (paresthésies et
Ciguatera : 2 à 7 jours voire plusieurs semaines prurit chronique)
Gambierdiscus Cardiovasculaire : hypotension artérielle, Vitamine B1,
toxicus, Ostreopsis tachycardie, troubles rythme, conduction, vitamine B6,
lenticularis repolarisation, état de choc ; 2 à 5 jours vitamine C
(microalgues, Neurologique : paresthésies, dysesthésies (neuroprotection,
production de au contact du froid, faiblesse musculaire, antiasthénique et
ciguatoxines, ROT diminués ou abolis, atteinte nerfs chélation des
maitotoxines, crâniens, céphalées, vertiges, ataxie radicaux libres)
scaritoxines, cérébelleuse, hallucinations visuelles et Gluconate de
gambierol) auditives, troubles déglutition, convulsions, calcium (diminution
troubles de la conscience, paralysie de l’affinité de la
respiratoire, polyradiculonévrites, syndrome toxine pour ses
dépressif, asthénie récepteurs dans un
Générale : prurit majoré par ingestion milieu riche en
d’alcool et exercice physique, éruption calcium)
cutanée érythématopapuleuse, perte de
cheveux et ongles, frilosité, frissons,
hypersalivation, hypersudation, rhinorrhée,
hyperlacrymation, dysurie, rétention aiguë
d’urines, goût métallique dans la bouche,
douleurs dentaires, douleurs gingivales,
hydrophobie, dyspnée, flou visuel,
ophtalmoplégie, diplopie, douleurs
rétro-oculaires, myalgies, insomnie,
hyperhémie, photophobie, mydriase ou
myosis, ptosis, prurit vulvaire, dyspareunie,
douleurs péniennes lors de l’érection
majorées lors de l’éjaculation, douleurs
testiculaires, uréthrite
Possibilité de réapparition de signes après
ingestion d’alcool ou de chair de poissons
tropicaux durant plusieurs années
Évolution favorable, avec persistance
de démangeaisons palmoplantaires,
de douleurs musculaires, d’asthénie
durant plusieurs mois (« gratte »
en Nouvelle-Calédonie)
Mortalité de 0,1 %

29
II.2 ANIMAUX MARINS
11/13

Type d’intoxication Espèces Symptomatologie Traitement

Ichthyosarcotoxisme Poissons-ballons, Début de signes 5 à 180 minutes après Symptomatique


poissons-globes, l’ingestion atropine, sédation,
poissons-hérissons, Picotements et anesthésie buccale, troubles ventilation assistée,
poissons porc-épic, neurologiques (paralysie flasque, remplissage
poissons-coffres, paresthésies, troubles de la sensibilité avec vasculaire, amines
balistes sensation de flottement, coma, vertiges, vasoactives
sueurs, céphalées, convulsions), Charbon activé ?
Tétrodotoxisme gastro-intestinaux, respiratoires,
(Fugu) cardiovasculaires (troubles du rythme
cardiaque, bradycardie, collapsus),
paralysie respiratoire
Mortalité de 60 à 70 %

Mullidae ou Début quelques minutes à 2 heures après Symptomatique


mugilidae l’ingestion
Saupe (Sparidae), Brûlures de la gorge et de l’œsophage,
mulets, surmulets, nausées, syndrome ébrieux, hallucinations
poissons-chirur- visuelles et auditives, délire, angoisse,
giens, mérous, paresthésies
demoiselles, Guérison en 24 h
poissons-coffres

Clupeidae Goût amer ou métallique, dysesthésies Symptomatique


Sardines, harengs, au niveau de la langue et des lèvres,
sprats, anchois paresthésies, troubles digestifs
(contamination par (gastroentérite aiguë), troubles
l’algue bleu-vert neurologiques (paralysie généralisée,
Skujaella) vertiges, céphalées, agitation, délire,
mydriase, coma, convulsions), troubles
généraux (sueurs, frissons, malaise),
troubles cardiovasculaires tachycardie,
arythmie, arrêt cardiaque), dépression
respiratoire
Mortalité de 40 %

30
ANIMAUX MARINS II.2
12/13

Type d’intoxication Espèces Symptomatologie Traitement

Ichthyoalleinotoxisme Mulets, rougets, Début des signes 2 h après l’ingestion Symptomatique


(poissons poissons-chirur- Hallucinations visuelles et auditives
hallucinogènes) giens, saupe scarpa désagréables (monstres, sensation de mort
imminente), peur panique, cauchemars,
vertiges, troubles de la coordination,
troubles de la sensibilité thermique buccale
et pharyngée, amnésie antérograde,
comportements auto- ou hétéroagressifs
(délire, agitation), troubles digestifs
(nausées, vomissements, douleurs
abdominales)
Évolution favorable en 24 h

Ichthyotoxisme Barbeaux, Troubles digestifs, (douleurs abdominales, Symptomatique


(toxines dans les poissons-chats, diarrhée hydrique, vomissements), crampes
gonades, les œufs, carpes, tanches, musculaires, troubles psychiques
la laitance) lottes de rivière, (angoisse)
brochets, saumons, Guérison en quelques heures
mérous, bars,
morues, colins,
églefins

Ichthyohémato- Anguilles, carpes, Signes digestifs, faiblesse musculaire, Symptomatique


toxisme congres, lamproies, paresthésies
(toxines dans le murènes, raies,
sang) roussettes, tanches,
thons, bonites,
torpilles

31
II.2 ANIMAUX MARINS
13/13

Type d’intoxication Espèces Symptomatologie Traitement

Autres intoxications Requins, chimères, Douleur vive, érythème, œdème, Symptomatique


par vertébrés roussettes, raie à hémorragie, nécrose, bradycardie,
aquatiques points bleus, collapsus, troubles du rythme cardiaque,
pastenague, thons malaise, vomissements, diarrhée,
(Élasmobranches) hémolyse, spasmes musculaires

Amphibiens Paralysie spastique, arrêt cardiaque Symptomatique


(crapaud, grenouille,
salamandre) ;
espèces
européennes
inoffensives,
espèces tropicales
dangereuses

Mytilisme
(Coquillages filtreurs
(II.2B))

Intoxications par les Palytoxicose Fatigue, céphalées, hypersudation, Symptomatique,


crustacés vomissements, diarrhée, crampes anticonvulsivant,
musculaires, contractions musculaires avec ventilation assistée,
rhabdomyolyse, bradycardie, insuffisance réanimation
rénale, convulsions, détresse respiratoire cardiovasculaire

32
ANIMAUX TERRESTRES II.3
1/5

f ENVENIMATION PAR ARTHROPODES II.3A


Araignées : envenimation par morsure
40 000 espèces, mais seule une dizaine est dangereuse pour l’homme.
Distinction entre mygalomorphes ou mygales et aranéomorphes ou araignées stricto sensu.
Mygalomorphes des genres Atrax et Hadronyche
■ Très dangereuses (risque mortel) mais ne vivent pas en Europe.
■ La plupart possèdent des soies urticantes, projetées en cas d’agression (irritation cutanée, asthme, atteintes
oculaires).
Loxoscelisme (Loxosceles reclusa, L. rufescens)
■ Piqûre souvent indolore, passant inaperçue.
■ Puis, érythème cyanique d’évolution vésiculeuse dans les 2-3 heures, douloureux.
■ Puis, évolution bulleuse et hémorragique dans les 24 heures.
■ Puis, escarre entre les 3 et 7es jours.
■ Puis, cicatrisation en quelques jours à semaines.
■ Complications systémiques possibles (enfant) dans les 3 premiers jours : fièvre, anémie hémolytique, throm-
bopénie (rarement CIVD).
Veuve noire (Latrodectus mactans tredecimguttatus) : lactrodectisme
■ Pourtour méditerranéen, Alpes du Sud, Corse.
■ Morsure indolore ou douleur membre intense ; myalgies, fasciculations musculaires ; troubles neurovégétatifs
(hypersudation) ; contractures abdominales ; facies lactrodectismica (congestion visage, trismus, blépharocon-
jonctivite, rhinite, fixité regard, chéilite, mydriase) ; agitation, angoisse, frissons, hyperpathie au moindre
effleurement.
Segestria florentina
■ Le plus fréquemment en cause lors des morsures d’araignées en France.
■ Mord plusieurs fois.
■ Réactions inflammatoires locales, fièvre.
Traitement : mal codifié
Sérums antivenimeux : pour Loxosceles laeta, Lactrodectus mactans mactans, Atrax robustus.
Antiagrégants plaquettaires : freinent le processus nécrotique.
Antihistaminiques : toujours indiqués.
Corticoïdes : si hémolyse.
Antiseptiques et antibiotiques : si surinfection.
Excision des zones de nécrose.
Injection de gluconate de calcium (1 ampoule en 10 min) : parfois régression rapide des symptômes en cas de
morsure par mygalomorphes.

33
II.3 ANIMAUX TERRESTRES
2/5

Scorpions : envenimation par piqûre


Nombreuses espèces dont 25 dangereuses.
En France métropolitaine : scorpions noirs inoffensifs (Euscorpius flavicaudis, E. carpathicus, E. italicus, E. Belisa-
rius xambeui et Buthus occitanus (scorpion jaune du Languedoc) à l’origine d’envenimations peu graves (classe I).
En Espagne et Afrique du Nord, envenimations sévères parfois mortelles par Buthus occitanus.
Espèces tropicales dangereuses (touristes, collectionneurs).
Classification internationale des piqûres de scorpions
■ Classe ou grade I : manifestations locales (œdème local et douleur de type brûlure ou broiement) durant 1 à
24 heures.
■ Classe ou grade II : manifestations mineures n’engageant pas le pronostic vital (signes généraux modérés,

souvent neurovégétatifs, s’amendant en 48 heures sans séquelle).


■ Classe ou grade III : manifestations générales sévères engageant le pronostic vital, annoncées par douleur

immédiate avec sensation d’engourdissement locorégional ; syndrome toxinique (neurotoxines) occasionné par
certaines espèces (centruroïdes exilicauda) ; signes cholinergiques (hypersécrétion, hypersudation, priapisme,
hyper péristaltisme intestinal avec vomissements et diarrhée, bradycardie, hypotension, myosis) et adrénergi-
ques (tachycardie, HTA, mydriase, rétention urinaire, froideur extrémités), frissons, tremblements, agitation,
hyperthermie, œdème pulmonaire aigu, dystonie, fasciculations, crampes musculaires, convulsions, confusion,
coma (30 % décès), ischémie myocardique à l’ECG.
Traitement symptomatique en 1er lieu.
Soins locaux cutanés.
Gluconate de calcium, en cas de douleurs musculaires intenses.
Sérums antiscorpioniques spécifiques, efficaces que si injection IV réalisée avant grade III.

Hyménoptères : envenimation par piqûre


Formicidae (fourmis)
■ En France, les fourmis ne sont pas responsables de réactions pathologiques dangereuses (éruption papuleuse,
vésiculeuse ou pustuleuse, parfois nécrotique hypoesthésiante, puis hyperalgique).
■ Dans certaines sous-familles, le venin, qui possède un fort pouvoir irritant, est projeté à distance et non inoculé.
Vespidae (guêpes et frelons), Apidae (abeilles et bourdons)
■ Envenimation vraie en cas de piqûres multiples simultanées (> 30 à 50 ; quantité importante de venin
administré).
■ Symptomatologie : troubles digestifs (nausées, vomissements), cytolyse hépatique, rhabdomyolyse, nécrose
tubulaire avec insuffisance rénale aiguë ; collapsus cardiovasculaire (vasodilatation, ischémie myocardique),
syndrome coronarien aigu (syndrome de Kuonis) ; SDRA ; troubles neurologiques (convulsions, œdème cérébral,
coma) ; troubles de la coagulation.
■ Risque de décès (200 piqûres chez l’adulte et 100 chez l’enfant).
■ Traitement : élimination du dard en raclant la peau (ongle ou couteau), corticoïdes, antihistaminiques, remplis-
sage vasculaire, adrénaline.

34
ANIMAUX TERRESTRES II.3
3/5

Lépidoptères : envenimation par contact (soies venimeuses)


■ Poils urticants ; chenilles (érucisme) ou papillons (papillonisme).
■ Tableaux cutanéomuqueux polymorphes à type d’urticaire souvent compliquée d’atteintes oculaires et
respiratoires.

Coléoptères (Meloidae et Staphylinidae) : envenimation par contact (substances


toxiques)
Symptomatologie : brûlures cutanées (vésicules, irritation) ; dermite vésicante (vésiculobulleuse parfois nécrotique
douloureuse à type de brûlure avec séquelles pigmentaires) après écrasement de l’insecte contenant une toxine
(Paederus).

Chenilles
■ Chenilles processionnaires du chêne (Thaumetopoea processionnea), du pin (Thaumetopoea pityocampa) ;
chaque poil est relié à une glande à venin.
■ Symptomatologie : urticaire généralisée avec prurit insomniant, atteinte oculaire, atteinte buccale ; CIVD
(Lonomia achelous).
■ Traitement : décontamination, antihistaminique, corticoïdes.

Myriapodes
■ Chilopodes (envenimation par morsure), diplopodes (envenimation par piqûre).
■ Mille-pattes, scolopendres ; morsures avec envenimation par crochets venimeux.
■ Seuls les chilopodes sont dangereux pour l’homme (crochets venimeux).
■ Symptomatologie : réaction inflammatoire très douloureuse parfois d’évolution nécrotique ; érythème, œdème,
douleur ; brûlures par contact ; nécrose pouvant se surinfecter ; rhabdomyolyse (espèces tropicales).
■ Traitement : antalgiques, antibiotiques.

f ENVENIMATION PAR SERPENTS II.3B


Vipères
■ En France métropolitaine, Vipera aspis, berus, ammodytes, ursinii, seoanei ; en Martinique, Bothrops lanceatum.
■ Morsures sèches dans 20 à 50 % des cas.
Symptomatologie
■ Signes locaux : marques crochets (2 points distants de 5-10 mm, entourés par une auréole rouge) ; œdème
douloureux après 2-4 heures, taches purpuriques et ecchymotiques
■ Signes généraux (quelques minutes à plusieurs heures après morsure) : digestifs (nausées, vomissements,
douleurs abdominales, diarrhée), cardiovasculaires (tachycardie, hypotension, choc), réactions d’hypersensibilité
(œdème de Quincke, bronchospasme), troubles de l’hémostase (CIVD, thrombopénie, anémie), œdème pulmo-
naire aigu, insuffisance rénale aiguë par rhabdomyolyse toxique, troubles neurologiques (diplopie, ophtalmo-
plégie, ptosis, dysarthrie, vertiges, troubles de la déglutition, paresthésies) pour certaines populations de vipères
aspics et péliades.

35
II.3 ANIMAUX TERRESTRES
4/5

Gradation clinique

Grade Signes Traitement

0 : morsure blanche, Marque des crochets, pas d’œdème ni de Désinfection locale


pas d’envenimation réaction locale Antibiothérapie

1 : envenimation Œdème local autour de la morsure (ne Hospitalisation 24 heures pour surveillance
mineure dépassant pas le coude ou le genou), pas de Désinfection locale, antalgiques
signes généraux ; régression en 24-72 h Antibiothérapie si suspicion d’infection

2 : envenimation Œdème régional du membre et/ou signes Traitement local


modérée généraux modérés (hypotension modérée, Traitement symptomatique
malaise, vomissements, diarrhée, douleurs Antibiothérapie
abdominales) Immunothérapie

3 : envenimation Œdème extensif atteignant le tronc et/ou Traitement local


sévère symptômes généraux sévères (hypotension Traitement symptomatique
prolongée, choc, réaction anaphylactoïde, Antibiothérapie
atteintes viscérales, OAP, coagulopathie, Immunothérapie
insuffisance rénale) Héparine si CIVD

Critères de gravité : enfant, femme enceinte, morsures multiples, terrain débilité.


Biologie : NFS, hémostase, ionogramme, urée, créatinine, CPK.
Signes de gravité biologiques : GB > 15 000/mm3, plaquettes < 150 000/mm3, TP < 60 %, fibrinogène < 1,5 g/L,
présence PDF.
Traitement
■ Toute morsure doit bénéficier d’une surveillance hospitalière de 6 heures pour détecter une aggravation clinique.
■ Repos du membre atteint, désinfection, antalgiques (éviter AINS, salicylés), glace.
■ Proscrire garrot, aspiration, succion, cautérisation, incision.
■ Antibiothérapie si lésion nécrotique.
■ Immunothérapie spécifique : Viperfav® (flacon 4 mL), 1 flacon dilué dans 100 mL NaCl 0,9 % en 1 heure.
En pratique
■ Grade 0 : pas de biologie, ni VVP ; surveillance 4 à 6 heures.
■ Grade 1 : hospitalisation de 24 heures, pas de VVP, biologie initiale, surveillance rapprochée pendant 6 heures.
■ Grade 2 : hospitalisation en réanimation, antibiothérapie (amoxicilline + acide clavulanique) si infection ou
nécrose ; pas de corticoïde ni d’héparine ; immunothérapie discutée.
■ Grade 3 : hospitalisation en réanimation, immunothérapie par Viperfav®, corrections des troubles hémodyna-
miques, traitement symptomatique.

36
ANIMAUX TERRESTRES II.3
5/5

Couleuvres
■ Peu dangereuses, car absence de crochets antérieurs.
■ Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus) : signes locaux, parésies, dépression respiratoire et du
système nerveux central.
■ Traitement symptomatique.

Cobras
■ Morsure peu douloureuse, signes locaux modérés sans œdème, nécrose habituellement non extensive ; ptosis,
diplopie, ophtalmoplégie, dysphonie, troubles de la déglutition, soif, nausées, acouphènes, phosphènes,
angoisse, hypotension ; état de choc et paralysie ascendante avec aréflexie et troubles de la conscience,
trismus, paralysie respiratoire ; évolution vers la mort en 2 à 10 heures.
■ Cobra africain ou à cou noir : troubles du rythme ventriculaire.
■ Cobra « cracheurs » (Naja nigricollis, mossambica, pallida, katiensis, haemachatus) : projection venin jusqu’à
3 m ; douleurs oculaires, blépharospasme, mydriase, œdème palpébral, kératite.

Autres serpents (nouveaux animaux de compagnie)


■ Plus d’une centaine d’espèces de serpents venimeux exotiques sont présents dans les élevages agréés français.
■ Identification souvent connue en cas de morsure.
Traitement
■ Pas d’indication systématique d’antibiotique, de corticoïde ou d’anticoagulant.
■ Soins locaux et antalgiques.
■ Sérums antivenimeux avec ATU contre les serpents d’Amérique, d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, de
Martinique (aucun pour les espèces asiatiques).

37
II.4 ANTIARYTHMIQUES DE CLASSE I
1/2

Il s’agit des antiarythmiques de la classe I de Vaughan-Williams, dont il existe de très nombreuses molécules
utilisées pour le traitement des troubles du rythme supraventriculaires et ventriculaires. Plusieurs formes galé-
niques sont disponibles, dont des formes à libération prolongée. Le chef de file historique est la quinidine ; on
parle parfois de produits à effets quinidine-like. Les molécules les plus connues sont le disopyramide, la méxilétine,
la flécaïnide, le propafénone, la cibenzoline. L’intoxication aiguë est rare, mais d’une extrême gravité.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Les antiarythmiques de classe I inhibent le courant entrant sodé rapide au cours de la phase 0 du potentiel
d’action de la cellule myocardique et ont un ESM. Ils ont tous des effets inotrope, dromotrope et chronotrope
négatifs. En fonction de leurs effets sur la vitesse de dépolarisation et sur la repolarisation, on distingue des
antiarythmiques de classe Ia, Ib et Ic. Ces différences n’ont pas d’incidence dans l’intoxication aiguë.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Variables d’une molécule à l’autre, sans impact décisionnel. Ces molécules ne sont pas accessibles à l’épuration
extrarénale. Les effets toxiques peuvent apparaître rapidement dès la 30e minute ; il est exceptionnel qu’ils
apparaissent après la 6e heure.

● RÉGULATION MÉDICALE
La médicalisation doit être systématique quels que soient les signes à l’appel. Le sulfate de magnésium, souvent
absent des dotations Smur, est recommandé en cas de torsade de pointes ou d’ESV répétées. La nécessité d’une
éventuelle assistance circulatoire doit être anticipée. La destination est une unité de soins intensifs cardiologiques
ou de réanimation, en admission directe sans passer par une structure d’urgence.

● CLINIQUE
Les symptômes cardiovasculaires font la gravité de l’intoxication : bradycardie, hypotension artérielle, état de
choc, arrêt cardiaque.
Les signes neurologiques sont le fait d’une toxicité directe ou les témoins de l’hypoperfusion cérébrale : troubles
de conscience, confusion, obnubilation, convulsions.
Le rôle direct des antiarythmiques de classe I dans l’apparition tardive d’un syndrome de détresse respiratoire
aigu tardif est discuté.

● BIOLOGIE
Pas de signe spécifique. Biologie en rapport avec la défaillance cardiovasculaire et l’hypoperfusion tissulaire.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Peu ou pas disponible en routine, sans intérêt décisionnel.

38
ANTIARYTHMIQUES DE CLASSE I II.4
2/2

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


ECG à analyser soigneusement et à répéter. Les modifications de l’ECG précèdent la défaillance hémodynamique.
L’ESM se manifeste d’abord par un aplatissement de l’onde T, puis par un allongement de l’espace QT, avant
l’élargissement des complexes QRS, témoin d’un trouble de conduction intraventriculaire. Des troubles de conduc-
tion peuvent être présents ; le bloc AV de 1er degré est le plus fréquent. Des torsades de pointes peuvent apparaître.
Des troubles du rythme ventriculaire (TV, ESV) par réentrées peuvent survenir et compliquent alors la prise en
charge.

● TRAITEMENT
Du charbon activé en dose unique peut être administré dans l’heure en l’absence de contre-indication.
Le traitement est symptomatique, il n’existe pas de traitement spécifique ou antidotique.
■ Oxygénothérapie à haut débit par masque à haute concentration ou après intubation si besoin (la ventilation

assistée peut prévenir le choc cardiogénique et les troubles du rythme).


■ Remplissage prudent, < 1 000 mL, puis amines pressives devant un collapsus, un état de choc ; l’adrénaline

est recommandée en première intention.


er
■ Atropine 0,5 à 1 mg devant une bradycardie sinusale ou un bloc AV du 1 degré.

■ Correction de l’ESM (QRS élargis, hypotension artérielle) par perfusion IV de bicarbonate de sodium molaire

8,4 %, avec adjonction systématique de KCl (2 g/250 mL), sans dépasser 750 mL.
■ Sulfate de magnésium, 2 g IVD à renouveler, devant une torsade de pointes ou des ESV répétées.

L’assistance circulatoire doit être discutée devant un état de choc réfractaire ou un arrêt cardiaque.

● PRONOSTIC
Garder à l’esprit la gravité potentielle de l’intoxication qui peut conduire au décès. La prise en charge médicale
doit être précoce. L’évolution se fera vers la guérison sans séquelle dans les intoxications de gravité modérée.

IMPORTANT
• Intoxication rare mais grave
• Décès possible par complications cardiovasculaires : état de choc, arrêt cardiaque

39
II.5 ANTIDÉPRESSEURS
1/7

Plusieurs familles : les plus prescrits sont aujourd’hui les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la séro-
tonine. Les antidépresseurs polycycliques et les inhibiteurs de la mono-amine-oxydase (IMAO) figurent largement
au second plan.

f ANTIDÉPRESSEURS INHIBITEURS DE LA RECAPTURE


DE LA SÉROTONINE (IRS)
Ils ne conduisent que rarement à des tableaux d’intoxication sévères.
Pour cela, des doses très importantes sont nécessaires (souvent de l’ordre du gramme ou plus) ou des associations
avec des potentialisateurs du risque sérotoninergique (lithium, IMAO, triptans, métoclopramide, tramadol, ecstasy,
drogues de synthèse... pour n’en citer que quelques-uns). Nombreuses molécules. On distingue les inhibiteurs
spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS) : fluoxétine, citalopram, escitalopram, fluvoxamine, paroxétine,
sertraline, des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA) : duloxétine, milnacipran,
venlafaxine. Certaines molécules se distinguent par un risque cardiaque particulier.

● MÉCANISME DE TOXICITÉ
Action présynaptique par majoration des effets du neurotransmetteur au niveau central. Toxiques fonctionnels
ciblant principalement le système nerveux central et l’appareil cardiovasculaire.

● MOLÉCULES À RISQUE CARDIOVASCULAIRE PARTICULIER


■ Risque plutôt fréquent : citalopram et escitalopram : allongement du QT, élargissement QRS, troubles du rythme
ventriculaire.
■ Risque rapporté, mais plus rare :
• fluvoxamine : bradycardie sinusale (allongement du QT, troubles du rythme ventriculaire) ;
• fluoxétine : allongement du QT, élargissement du QRS : torsade de pointes à dose massive.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Bonne résorption digestive, le plus souvent rapide (quelques heures à moins de 6 heures). Large volume de
distribution, forte liaison plasmatique. Sauf pour les rares formes LP et/ou les expositions à des doses très
importantes, l’ensemble des effets se résout généralement en moins de 24 heures.

● RÉGULATION MÉDICALE
Pas de médicalisation nécessaire en l’absence de signe clinique significatif. Médicalisation devant un syndrome
sérotoninergique vrai (rare). Chez l’adulte habituellement traité, une erreur thérapeutique ponctuelle est généra-
lement bien tolérée jusqu’à 5 fois la dose unitaire habituelle du patient (appréciation de la tolérance et surveillance
par un entourage compétent possible).

40
ANTIDÉPRESSEURS II.5
2/7

● CLINIQUE
Syndrome sérotoninergique mis à part, le tableau clinique d’une intoxication par IRS associe généralement des
signes neurologiques modérés : légère dépression du système nerveux central, mydriase, avec parfois des ver-
tiges, des céphalées ou des tremblements. Nausées et vomissement sont fréquents. Tachycardie sinusale rare-
ment menaçante et/ou une HTA de faible intensité possibles.
La survenue d’un syndrome sérotoninergique est classiquement redoutée, mais rare en pratique. Elle survient
préférentiellement dans les coexpositions avec des potentialisateurs, y compris à dose thérapeutique. Le pronostic
vital peut être engagé (hyperthermie menaçante > 40 oC, rigidité musculaire, myoclonies, CIVD, coma,
convulsions).

● DIAGNOSTIC D’UN SYNDROME SÉROTONINERGIQUE

D’après les critères de Sternbach


Contexte : Initiation d’un traitement, surdose ou introduction d’un potentialisant sérotoninergique.

Au moins trois des signes cliniques suivants


Signes neurologiques : agitation, confusion, hallucinations, myoclonies, tremblements, syndrome pyramidal,
incoordinations, spasmes, convulsions, coma.
Signes neurovégétatifs : mydriase, sueurs, tachycardie, tachypnée, hyperthermie, frissons, hypotension artérielle,
diarrhée.

● BIOLOGIE
Peu d’intérêt en dehors de tableaux sévères ou de complications : ionogramme, créatinine plasmatique, hémos-
tase, NFS, transaminases, CPK (rhabdomyolyse), recherche d’une CIVD et d’une acidose lactique devant un
syndrome sérotoninergique.
Dosage inutile et inaccessible en routine.

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


L’ECG est systématique et son monitorage indispensable pour les molécules à risque cardiaque et/ou en cas de
prise massive.

41
II.5 ANTIDÉPRESSEURS
3/7

● PRISE EN CHARGE
Avant tout symptomatique. Surveillance et monitorage du patient suffisent dans la plupart des situations courantes.
Intérêt des benzodiazépines : sédation, myorelaxation, effet anticonvulsivant. Prise en charge non spécifique des
troubles cardiaques.
La prise en charge d’un syndrome sérotoninergique relève d’un service de réanimation : correction de la dé-
shydratation et de ses conséquences, refroidissement externe, curarisation en évitant les molécules dépolari-
santes. L’intérêt de la cyproheptadine (antihistaminique anticholinergique et antagoniste sérotoninergique) doit
être considéré dès la présence d’une hyperthermie (Periactine® : 4 à 8 mg, 3 fois par jour per os [sonde naso-
gastrique]) ; le dantrolène est inefficace.
Traitement toxicologique : charbon activé dans l’heure. Possible plus tardivement avec les formes LP.
Aucun antidote spécifique. Aucun intérêt du traitement épurateur.

● PRONOSTIC
Dose. Syndrome sérotoninergique (hyperthermie, CIVD).

f ANTIDÉPRESSEURS POLYCYCLIQUES
Intoxications moins fréquentes aujourd’hui, mais potentiellement sévères, y compris dans un contexte accidentel
chez l’enfant. Nombreuses molécules, que l’on peut classer selon leur nombre de cycles :
■ tricycliques : comporte le chef de file, l’imipramine, qui fait décrire une toxicité « imipraminique ». Les autres

molécules sont : amitriptyline, clomipramine, désipramine, dosulépine, doxépine, tianeptine, trimipramine ;


■ tétracycliques : amoxapine, maprotiline, mirtazapine ;

■ bicycliques : miansérine.

Coma, troubles cardiovasculaires graves et convulsions font la gravité des intoxications par antidépresseurs
polycycliques. De structure proche, mirtazapine et miansérine réalisent un tableau atypique, de bien moindre
toxicité : les troubles cardiovasculaires sévères et coma sont exceptionnels.

● MÉCANISME TOXIQUE
Toxiques fonctionnels qui agissent par inhibition de la recapture de neurotransmetteurs, effets anticholinergiques
centraux et périphériques à l’origine d’une encéphalopathie anticholinergique et un syndrome atropinique. Action
alphabloquante et ESM. Effets chrono-, ino- et dromotrope négatifs. Les convulsions, l’hypoxie et l’acidose majo-
rent la toxicité cardiaque.

● TOXICOCINÉTIQUE
Résorption digestive rapide, mais retard d’absorption possible (effets anticholinergiques). Forte liaison protéique,
large diffusion dans les tissus et grand volume de distribution. Métabolisme hépatique (métabolites actifs), demi-
vies très variables (entre 8 et 45 heures), élimination urinaire. Début des effets dans les heures qui suivent
l’ingestion, au maximum dans les 6 heures. Aggravation possible jusqu’à la 72e heure.

42
ANTIDÉPRESSEURS II.5
4/7

● RÉGULATION MÉDICALE
Médicaliser en présence de signes cliniques significatifs ou face à une dose supposée ingérée supra dose toxique
(à partir de 500 mg chez l’adulte. Dose potentiellement létale : 1 000 mg, en monoexposition). Orienter vers des
soins intensifs devant des signes de gravité (QRS élargis > 100 ms, arythmie, troubles de la conscience, convul-
sions, altération hémodynamique).

● CLINIQUE
Ralentissement psychomoteur et signes anticholinergiques souvent inauguraux (tachycardie, mydriase, sécheresse
des muqueuses, rétention d’urine, ralentissement du transit, hyperthermie possible dans les formes graves),
complétés par :
■ des signes neurologiques :

• confusion, dysarthrie, hallucinations, tremblements, agitation, myoclonies, crises convulsives précoces,


généralisées,
• un syndrome pyramidal : hypertonie (extenseurs des membres inférieurs, fléchisseurs des membres supé-
rieurs), hyperréflexie, clonus patellaire ;
■ des signes pulmonaires : dépression respiratoire (hypoxie trigger des complications de l’ESM), pneumopathie

d’inhalation, œdème pulmonaire ;


■ des signes cardiovasculaires :

• troubles de la conduction,
• troubles de l’excitabilité,
• hypotension artérielle, évolution vers un état de choc cardiogénique ou mixte, arrêt cardiocirculatoire.
La menace de convulsions et d’arythmie se limitent généralement aux premières 24 heures. Syndrome séroto-
ninergique sévère en coexposition avec les IMAO.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
ECG. Tachycardie sinusale, supraventriculaire ou jonctionnelle. ESM (élargissement des complexes QRS, aplatis-
sement des ondes T, augmentation modérée du QT), déviation axiale droite, syndrome de Brugada, BAV, ESV,
TV, FV, torsade de pointes. Bradyarythmie avant asystolie. La largeur du QRS est prédictive du risque convulsif
et de survenue d’arythmies ventriculaires (risque faible si < 100 ms, majeur si > 160 ms).
Comprimés de clomipramine radio-opaques à l’ASP.
Gazométrie : hypoxémie, hypercapnie, acidose mixte. Suivi d’une hypokaliémie de transfert, d’une rhabdomyolyse
et de la fonction rénale.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
■ Dosages quantitatifs sanguins rarement disponibles en urgence (gravité à partir de 1 mg/L).
■ Recherche qualitative d’intérêt uniquement chez l’intoxiqué non traité ; faux positifs possibles (phénothiazines,
carbamazépines, quétiapine), faux négatifs avec les tétracycliques.

43
II.5 ANTIDÉPRESSEURS
5/7

● PRISE EN CHARGE
Oxygénation. Scope ECG permanent. VVP, hydratation. Suivi de la diurèse (intérêt du sondage urinaire). Intubation
et ventilation mécanique devant coma, encéphalopathie, convulsion, état de choc. Traitement non spécifique des
convulsions, un état de mal réfractaire imposant une curarisation, seule capable d’interrompre le cercle vicieux
toxicité-acidose.
Sels de sodium molaires pour le traitement des conséquences cardiaques de l’ESM : bicarbonate 8,4 % : 250 mL
+ 2 g de KCl, renouvelables. Correction des hypokaliémies sévères uniquement (l’hypokaliémie modérée, mar-
queur d’intoxication, est protectrice).
Prise en charge non spécifique des troubles hémodynamiques : synergie adrénaline/bicarbonate de sodium (choc
cardiogénique), de la noradrénaline/bicarbonate (choc vasoplégique). Assistance circulatoire pour le traitement
d’un état de choc réfractaire.
Maintenir la surveillance du QRS jusqu’à son rétablissement à moins de 100 ms. Six heures de recul avec ECG
normal conditionnent la sortie.

● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Charbon activé en dose unique, dans les 2 heures (respect des contre-indications). Contre-indication formelle de
l’utilisation de flumazénil en cas de co-intoxication par des benzodiazépines (risque convulsif ++). Aucun intérêt
du traitement épurateur.

● PRONOSTIC
Dose, largeur des complexes QRS (> 160 ms), convulsions, association à d’autres toxiques cardiotropes.

f ANTIDÉPRESSEURS INHIBITEURS
DE LA MONOAMINE OXYDASE (IMAO)
Faible nombre de molécules, utilisées comme traitement de la dépression de 2e intension :
■ IMAO non sélectifs de type A et B : irréversible : phénelzine, traylcypromine et iproniazide ;

■ IMAO spécifique de type A, réversible : moclobemide.

Certaines molécules historiques sont retirées du marché. La sélégiline est inhibiteur de type B spécifique irré-
versible utilisé dans le traitement de la maladie de Parkinson.

● MÉCANISME DE TOXICITÉ
Toxiques fonctionnels, les IMAO augmentent la concentration synaptique des catécholamines (dopamine, nora-
drénaline) et de la sérotonine en inhibant la monoamine oxydase, enzyme qui catabolise ces substances. Avec
les IMAO irréversibles, l’inhibition est forte, prolongée le temps de l’existence de l’enzyme ; la synthèse de
nouvelles enzymes est nécessaire à la levée de l’action du toxique. Les effets résultent d’une stimulation du
système nerveux central et d’une activité sympathique périphérique excessive.

44
ANTIDÉPRESSEURS II.5
6/7

Le risque réside surtout lors de coexposition, où l’IMAO va majorer significativement le mode d’action des autres
toxiques, par exemple :
■ imipraminiques et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine : syndrome sérotoninergique (voir fiche antidé-

presseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) ;


■ dépresseurs centraux : potentialisation de l’effet dépresseur ;

■ stimulants au sens large (Ex : amphétaminiques, adrénergiques) : crise hypertensive paroxystique et ses consé-

quences, hyperthermie maligne ;


■ amines pressives : potentialisation de l’action pressive ;

■ hypotenseurs : risque de collapsus.

Même à doses thérapeutiques, des accidents hypertensifs ont été recensés lors de la consommation d’aliments
riches en tyramine (choux, bananes, certains fromages, poissons, charcuteries, etc.).

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Résorption rapide (moins de 4 heures), mais effets pouvant être retardés (jusqu’à 12 à 24 heures après l’ingestion),
métabolisme hépatique, liaison variable aux protéines plasmatiques, demi-vie plasmatique courte, mais effet
prolongé, notamment avec les IMAO irréversibles. Élimination surtout urinaire.

● RÉGULATION MÉDICALE
Mise en décubitus strict (risque d’hypotension orthostatique). Médicaliser en présence de signes cliniques sévères
ou face à une dose supposée ingérée supra dose toxique (tableaux sévères dès 2 à 3 mg/kg, mise en jeu du
pronostic vital dès 4 à 6 mg/kg) ou face à une prise suicidaire associée.

● CLINIQUE
Intoxication relativement peu sévère en monoexposition. Phase asymptomatique trompeuse de 12 à 24 heures
possible, céphalées, agitation, hallucinations, mydriase, tachycardie, sécheresse de la bouche, hypertonie et
surtout hypotension orthostatique. Toute autre composante cardiaque ou neurologique doit faire rechercher une
coexposition ou une interaction.

● FORMES GRAVES
Coma, convulsions, hyperthermie (maligne possible), tachypnée, hypotension ou hypertension artérielle, des trou-
bles de la repolarisation.

45
II.5 ANTIDÉPRESSEURS
7/7

● BIOLOGIE
Bilan d’hémostase (recherche d’une CIVD), rhabdomyolyse, dyskaliémie, fonction rénale.

● PRISE EN CHARGE
Traitement essentiellement symptomatique. Limiter autant que possible les traitements médicamenteux. Monito-
rage ECG. VVP. Intubation, ventilation assistée si nécessaire. Amines pressives interdites : traiter une hypotension
artérielle par remplissage. Intérêt des sels de sodium molaires face à des troubles de la conduction associés à
une hypotension artérielle.
Syndrome sérotoninergique : voir fiche antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
Hyperthermie modérée : paracétamol et refroidissement mécanique.
Hyperthermie maligne : réhydratation, refroidissement physique et dantrolène.

● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Charbon activé en prise unique, dans les deux heures (respect des contre-indications). Pas d’antidote spécifique.
Pas d’intérêt de traitement épurateur.

46
ANTIHISTAMINIQUES H1 II.6
1/3

Classe de médicaments comprenant essentiellement trois générations de traitement de l’allergie auxquelles il


faut ajouter, pour les plus connues, les éthanolamines et certaines phénothiazines (prométhazine, alimémazine).
Indications thérapeutiques variées compte-tenu d’effets pharmacodynamiques potentiellement associés à l’effet
antihistaminique : allergie, rhinite non allergique, mal des transports (éthanolamines), recherche d’un effet sédatif
(phénothiazines), antinauséeux (doxylamine), orexigène ou antisérotoninergique (cyproheptadine).
Disponibilité en officine sous forme de comprimés à action immédiate et de formes liquides (gouttes et sirops
pouvant contenir de l’alcool, sources d’intoxications mixtes chez l’enfant en bas âge).
Intoxications significatives, rares mais décès possibles ; usage détourné de certaines spécialités de par leur effet
anticholinergique marqué.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Toxicité purement fonctionnelle et précoce (avant H2), mécanisme unique (définissant la classe médicamenteuse)
ou multiple selon les molécules :
■ unique : antagonisme des récepteurs périphériques H1 à l’histamine ;

■ multiple : en plus de l’effet antiH1 périphérique, effet antiH1 central et agonisme ou antagonisme sur un certain

nombre de récepteurs cérébraux et cardiovasculaires, avec possibilité d’abaissement du seuil convulsivant, de


toxidrome anticholinergique, d’effets adrénolytique, stabilisant de membrane, ou encore bloqueur des canaux
potassiques cardiaques (expliquant les allongements de l’espace QT et le risque rythmique).
Le caractère moins lipophile des dernières générations d’antiallergiques limite leur passage de la barrière hémato-
encéphalique et leurs effets centraux.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Les données sont très variables d’un médicament à l’autre, l’élément le plus important étant la variabilité du
temps de vidange gastrique corollaire de l’effet anticholinergique.
Les volumes de distribution > 4 L/kg (1 L/kg pour les nouvelles générations peu toxiques) ne les rendent pas
accessibles à l’hémodialyse.
Le métabolisme est hépatique, hormis pour les nouvelles générations.

● GRANDEURS TOXIQUES
S’agissant de toxiques fonctionnels avec impacts toxicodynamiques multiples, il n’est pas possible de donner de
dose potentiellement toxique ou létale.
Pronostic péjoratif lié au risque de convulsions, à une possible dépression respiratoire (phénothiazines) ou à des
effets cardiaques qui s’observent à doses massives pour certaines des molécules (diphénhydramine, doxylamine),
à l’allongement de l’espace QT.

47
II.6 ANTIHISTAMINIQUES H1
2/3

● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation des patients de tout âge :
■ comateux et/ou convulsivants ;

■ ayant ingéré une dose importante depuis moins de 4 heures, en particulier d’une phénothiazine, de diphénhy-

dramine ou de doxylamine ;
■ ayant co-ingéré un autre médicament susceptible d’allonger l’espace QT.

Orientation hospitalière des enfants en bas âge, au cours des 6 premières heures, hormis pour les médicaments
de 2e et 3e génération (surveillance hospitalière uniquement en cas de symptomatologie).

● CLINIQUE
■ Spécialités antiallergiques de 2e et 3e générations peu ou non toxiques : effets sédatif, anticholinergique et
allongement de QT attendus.
■ Autres molécules, tableau général :
• excitation psychomotrice, ataxie, agitation ;
• sédation allant jusqu’au coma calme, hypo- ou hypertonique selon la molécule ;
• convulsions, voire état de mal convulsif ;
• toxidrome anticholinergique ;
• hypotension, rarement HTA.
■ Spécificités de certaines molécules :
• risque de dépression respiratoire plus élevé avec les phénothiazines et la diphénhydramine ;
• risque d’état de choc avec diphénhydramine et doxylamine ;
• rhabdomyolyse avec doxylamine.

● BIOLOGIE
Pas de retentissement toxicodynamique spécifique.
Nécessité d’exclure toute cause électrolytique d’allongement de l’espace QT : hypokaliémie, hypomagnésémie.

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


ECG systématique, avec une attention particulière sur la valeur de l’espace QT, souvent allongé et sur d’autres
signes d’ESM.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Pas de recherche ou de dosage en routine.
Possible positivité d’un test urinaire de recherche de phénothiazine, peu disponible actuellement.
Risque de perturbation de l’interprétation de la paracétamolémie du fait de l’effet anticholinergique (mise en
défaut du nomogramme spécifique).

48
ANTIHISTAMINIQUES H1 II.6
3/3

● TRAITEMENT
Le charbon activé est contre-indiqué (risque élevé de convulsions, effet anticholinergique constant augmentant
le risque de désorption).
Il répond pour les formes graves au traitement général des intoxications.
Les troubles du rythme et l’ESM justifient leur traitement propre.
L’excitation psychomotrice répond à la prescription d’une benzodiazépine.
Un toxidrome anticholinergique intense fait discuter l’administration de physostigmine :
■ 0,5 à 1 mg en 5 min, renouvelable/10 min, maximum 4 mg ;

■ en l’absence de trouble conductif à l’ECG et de bronchospasme ;

■ durée de l’effet pendant 3 à 4 heures, soit beaucoup plus courte que celle du toxidrome.

● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Clinique et ECG jusqu’à guérison complète avec reprise d’un transit digestif normal.
Hospitalisation en UHCD des patients avec symptomatologie mineure et ECG normal.
Hospitalisation en unité de surveillance continue ou en réanimation des formes modérées à sévères, ou avec
troubles ECG.

● PRONOSTIC
Engagé de façon dose-dépendante pour de rares molécules, elles-mêmes peu disponibles dans les pharmacies
familiales.
Engagé potentiellement par troubles du rythme sur allongement de l’espace QT.

IMPORTANT
• Intoxications très rares, potentiellement létales
• Diagnostic basé sur la corrélation anamnèse-clinique
• La surveillance ECG est fondamentale
• Pas de traitement spécifique hormis la physostigmine de façon exceptionnelle

49
ANTI-INFLAMMATOIRES
II.7 NON STÉROÏDIENS
1/2

Intoxication relativement fréquente, mais dont la connaissance est souvent résumée à la gastrotoxicité de ces
médicaments.
Famille hétérogène de médicaments, dont fait partie l’aspirine, dérivés soit de l’acide carboxylique, soit de l’acide
énolique pour les autres spécialités.
Largement prescrits et répandus, d’usage fréquent en automédication, y compris pour leurs propriétés antalgique
et antipyrétique ; existence de formes à libération prolongée et de formes associées.
Ibuprofène très largement prescrit chez l’enfant.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Toxicité fonctionnelle ubiquitaire : inhibition des cyclo-oxygénases avec interruption de la production de certaines
prostaglandines (irritation digestive, vasoconstriction de l’artère glomérulaire efférente) et inhibition du throm-
boxane A2 (effet antiagrégant plaquettaire) ; mécanisme de la neurotoxicité non connu.

● GRANDEURS TOXIQUES
Les doses potentiellement toxiques ou létales sont très variables selon les sous-familles considérées. L’ingestion
d’un conditionnement complet d’une formulation entraîne généralement un tableau symptomatique.
Chez l’enfant, avec l’ibuprofène, tableau toxique pour une DSI > 150 mg/kg, forme sévère pour une DSI
> 400 mg/kg.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Pic plasmatique entre H1 et H4, voire plus tard pour les formes à libération prolongée.
Fixation protéique élevée et faible volume de distribution pour la plupart des molécules.
Métabolisme hépatique avec formation de dérivés non toxiques.
Non accessibles à l’épuration extrarénale.

● RÉGULATION MÉDICALE
Orientation large sur un service d’urgence des patients, d’autant plus qu’ils sont suicidants, isolés, si la DSI est
6 1 conditionnement ou si la DSI et/ou l’heure d’ingestion ne peuvent être estimée(s).
Surveillance à domicile des enfants asymptomatiques.
Au besoin, prise en charge non médicalisée, sauf ingestion massive avérée récente (< 4 heures).
Conseil téléphonique initial d’hydratation en présence de signes fonctionnels et en l’absence de symptomatologie
digestive.

● CLINIQUE
Formes mineures à modérées : troubles digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées),
troubles neurosensoriels (céphalées, vision floue, acouphènes, vertiges, somnolence).
Formes graves : insuffisance rénale aiguë, coma, convulsions, troubles de l’agrégation plaquettaire, hémorragies
digestives, état de choc, insuffisance hépatique ; au maximum, syndrome de défaillance multiviscérale.
Forme plus particulièrement convulsivante avec l’acide méfénamique.

50
ANTI-INFLAMMATOIRES
NON STÉROÏDIENS II.7
2/2

● BIOLOGIE
Perturbations rénales en 1er lieu, hépatiques, métaboliques (acidose) et de l’hémostase dans les formes graves.

● MISE EN ÉVIDENCE ANALYTIQUE


Ne se fait pas en pratique courante et serait non contributive à la prise en charge.

● TRAITEMENT
Traitement symptomatique, dont hydratation importante (diurèse cible 1 à 1,5 mL/kg/h).
Discuter charbon activé avant H1 si DSI > 20 comprimés, hormis avec l’acide méfénamique.
Pas d’antiulcéreux systématiquement.

● PRONOSTIC
Gravité particulière chez le sujet âgé et/ou insuffisant rénal ou hépatique.
Danger des ingestions massives avec risque de défaillance multiviscérale.

IMPORTANT
• Ne pas banaliser cette intoxication, en particulier chez le sujet à risque d’insuffisance rénale aiguë
• Assurer une bonne hydratation du patient et surveiller la fonction rénale à J1
• Anticiper les convulsions avec l’acide méfénamique et l’orientation en réanimation pour les formes massives
vues précocement

51
II.8 ASPIRINE
1/3

Intoxication très rare, donc potentiellement méconnue.

● PRÉSENTATION
Il s’agit de l’acide acétylsalicylique, acide faible, anti-inflammatoire non stéroïdien, métabolisé au niveau hépatique
en acides salicylique et acétique aux doses pharmacologiques.
Principalement utilisé comme antiagrégant plaquettaire de 1re ligne, avec des formulations faiblement dosées,
d’où sa grande disponibilité dans les foyers, en particulier chez les personnes âgées ; existence d’une forme
associée, à libération prolongée.
Très peu prescrit pour ses propriétés antalgiques et anti-inflammatoires, avec des dosages allant de 300 mg à
1 g, dont des formes gastrorésistantes et des formes associées à d’autres antalgiques.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Toxicité fonctionnelle ubiquitaire : inhibition des cyclo-oxygénases avec interruption de la production de certaines
prostaglandines (irritation digestive, vasoconstriction de l’artère glomérulaire efférente) et inhibition du throm-
boxane A2 (effet antiagrégant plaquettaire) ; mécanismes de la cytotoxicité autre non connu.
Toxicité majorée lorsque les tissus et systèmes de l’organisme sont saturés par un traitement de fond (baisse
de la corrélation clinicobiologique, déjà médiocre chez le sujet non traité).
On peut ainsi distinguer 2 types d’intoxication :
■ intoxication aiguë chez un patient « naïf » (non traité au long cours)

■ intoxication aiguë chez un patient traité au long cours.

● GRANDEURS TOXIQUES
Tableau de gravité (III.32) mineure à modérée pour une DSI de 10 g environ chez l’adulte « naïf », à des doses
plus faibles chez l’enfant (100 mg/kg) et le nourrisson (80 mg/kg) ; dose potentiellement létale de 450 mg/kg
chez l’enfant, 500 mg/kg chez l’adulte (sujets « naïfs » et sains), moindre si sujet traité.
Concentration plasmatique symptomatique > 250-300 mg/L, concentration potentiellement létale > 600 à
900 mg/L selon le terrain et l’existence d’un traitement préalable.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Cinétique d’ordre zéro, mais ralentissement de la vidange gastrique à fortes doses, avec possibilité de formation
de conglomérats (pharmacobézoards) gastriques rendant les données variables.
Pic plasmatique entre H2 et H4, voire plus tard si conglomérats ou forme gastrorésistante.
Fixation protéique élevée à concentration thérapeutique uniquement, et faible volume de distribution, le rendant
accessible à l’épuration extrarénale.
Métabolisme hépatique dépassé en cas de surdosage, avec élimination rénale devenant prédominante, d’autant
plus importante que le pH urinaire est alcalin (diminution de la réabsorption tubulaire).

52
ASPIRINE II.8
2/3

● RÉGULATION MÉDICALE
■ Prise en charge médicalisée en phase précoce, en particulier si patient à risque (pronostic (III.54)) ou en cas
de tachypnée (intérêt d’un bilan secouriste précis).
■ Pas de prescription téléphonique initiale.
■ Après bilan, orientation sur une structure d’urgence pour les formes bénignes à modérées, sur un secteur de
réanimation pour les formes potentiellement graves (nécessité d’une hémodialyse ?).

● CLINIQUE
Formes mineures à modérées : troubles neurosensoriels, agitation, céphalées, hallucinations, troubles de
conscience, tachypnée, sueurs, nausées, vomissements, tachycardie, hypotension artérielle, hyperthermie.
Formes graves : hémorragie digestive, coma, convulsions, hépatite, SDRA, dépression respiratoire, état de choc,
troubles du rythme ventriculaire.
Forme du nourrisson : hyperpnée isolée initiale, déshydratation plus précoce, coma convulsif possible.

● BIOLOGIE
Alcalose respiratoire, puis acidose métabolique à participation lactique (plus précoce chez l’enfant), troubles
hydroélectrolytiques (déshydratation, hypokaliémie), hyper- ou hypoglycémie (chez l’enfant), parfois hypoglyco-
rachie euglycémique (avec trouble de conscience résolutif après apport glucidique), cétose, troubles de l’hémos-
tase (baisse du TP et de la fibrine, allongement du temps de saignement), insuffisance rénale fonctionnelle puis
organique dans les formes graves, avec dans ce cas possibilité d’hémolyse, d’insuffisance hépatique, de rhab-
domyolyse et d’acidose mixte signant un épuisement respiratoire.

● MISE EN ÉVIDENCE ANALYTIQUE


Salicylémie impérative, car potentiellement décisionnelle pour la mise en œuvre des traitements, à répéter toutes
les 6 h si suspicion de pharmacobézoard, jusqu’à diminution à des concentrations peu toxiques.

● TRAITEMENT
Traitement symptomatique dont hydratation importante (diurèse cible 1,5 mL/kg/h), alcalinisation si acidose méta-
bolique, apports de KCl (2 g/L de bicarbonate 1,4 %), refroidissement externe et (hyper)ventilation assistée en
fonction du trouble de conscience et du statut respiratoire.
Apport glucidique si hypoglycémie ou en test si trouble de conscience euglycémique.
Charbon activé avant H1 ; retrait de pharmacobézoards à considérer.
Diurèse alcaline avec pHu cible > 7,5 si K+ > 4,5 car majore l’hypokaliémie et acidurie paradoxale en alcalose
hypokaliémique.
EER : à discuter pour toute forme grave et/ou salicylémie > 0,8 g/L après hydratation suffisante (> 0,6 g/L si
chronique).
Vit K au besoin ou préventivement si ingestion massive.

53
II.8 ASPIRINE
3/3

● PRONOSTIC
Outre le sujet traité au long cours, gravité particulière aux âges extrêmes de la vie, ou en cas d’insuffisance
rénale ou hépatique.

IMPORTANT
• Évoquer cette intoxication chez le nourrisson et devant un tableau complexe chez le sujet âgé ; diagnostic
différentiel d’une acidocétose, d’un choc septique...
• Mauvaise corrélation toxicocinétique/toxicodynamie, en particulier en cas d’ingestion d’une forme
gastrorésistante
• Dosage plasmatique impératif mais concentration à corréler à l’état d’hydratation
• Hémodialyse parfois nécessaire

54
BENZODIAZÉPINES II.9
1/2

Médicaments prescrits dans l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil. L’intoxication aiguë volontaire est
très fréquente.
Toutes les benzodiazépines (BZD) ont à doses massives des propriétés anxiolytiques, sédatives, anticonvulsivantes,
myorelaxantes et amnésiantes. Certaines sont surtout sédatives (ex : flunitrazepam), d’autres sont surtout anxio-
lytiques (ex : alprazolam) ou anticonvulsivantes (clonazepam). On associe aux BZD des molécules apparentées,
zolpidem et zopiclone.
Elles agissent sur le système GABAergique. Elles peuvent être responsables du développement d’une tolérance
et d’une addiction.
Morbidité et mortalité sont faibles, sauf molécule très sédative (ex : flunitrazepam) ou association (alcool éthylique,
antidépresseurs).
Ce sont des toxiques fonctionnels, la corrélation clinicobiologique est assez bonne. Leur grand volume de distri-
bution exclut toute tentative d’épuration.

● RÉGULATION MÉDICALE
Pic de gravité vers la 3e-4e heure dans la majorité des cas.
Selon la clinique à l’appel et la distance, moyens secouristes en phase très précoce ou intervention médicalisée
(troubles de conscience, dépression respiratoire).
Une structure d’urgence est la destination habituelle. Une association synergique (ex : alcool) peut justifier l’admis-
sion en secteur de surveillance continue.
Conseils secouristes à l’appel, aucune prescription à distance.

● CLINIQUE
De troubles de conscience à coma calme hypotonique avec une dépression respiratoire modérée, sans compli-
cation cardiovasculaire (bradycardie possible avec flunitrazepam).
Une désinhibition initiale est possible : agitation, hallucinations.
La myorésolution peut être très importante chez le sujet âgé, avec encombrement bronchique et un risque accru
d’inhalation.
L’intoxication de l’enfant est le plus souvent accidentelle et monomédicamenteuse, les signes cliniques sont peu
marqués pour quelques comprimés.
L’ECG, normal si BZD seules, est systématique : élimination de tout risque lié à une éventuelle association
(antidépresseurs en particulier).

● BIOLOGIE
Pas de marqueur de gravité. Biologie de routine le plus souvent normale.
L’analyse toxicologique (immunochimie) n’est pas indispensable à la prise en charge ; le dosage n’a aucun intérêt.

55
II.9 BENZODIAZÉPINES
2/2

● ÉVOLUTION
Rapidement favorable dans la majorité des cas si BZD seules. La myorésolution chez le sujet âgé peut la prolonger
(encombrement bronchique, difficultés au lever). L’entretien psychiatrique peut être retardé du fait de l’effet
amnésiant des BZD. Un syndrome de sevrage (agitation, confusion, convulsions) peut apparaître si traitement en
cours de longue durée.

● TRAITEMENT
Surveillance simple et traitement symptomatique dans la majorité des cas si BZD seules.
Charbon activé en dose unique à discuter la première heure.
Dans le cas rare d’une dépression respiratoire marquée avec coma profond :
■ soit approche mécanique avec intubation et assistance respiratoire. À privilégier jusqu’au réveil complet et

disparition de la myorésolution (sujet âgé) ;


■ soit approche pharmacologique : suppression des effets des BZD par le flumazénil. Titration : 0,2 mg IVD par

0,2 mg IVD jusqu’à 2 mg. Réinjections successives selon la clinique. Oxygénothérapie. Ce choix ne doit pas
entraîner un allègement de la surveillance du patient : on guérit l’intoxiqué (suppression des effets), pas l’intoxi-
cation (aucune action sur la cinétique des BZD). Le flumazénil est contre-indiqué en cas d’association avec
une molécule convulsivante (antidépresseurs en particulier).

IMPORTANT
• Attention aux associations (alcool, antidépresseurs)
• Reconnaître la myorésolution chez le sujet âgé
• Contre-indications fréquentes du flumazénil
• Syndrome de sevrage possible au réveil

56
BÊTABLOQUANTS II.10
1/3

Antagonistes compétitifs des catécholamines, les bêtabloquants (Bb) ciblent les récepteurs bêta-adrénergiques
sans restreindre leurs effets à l’appareil cardiovasculaire. Tentatives de suicide et ingestions accidentelles (y
compris de collyres, notamment chez l’enfant) exposent au risque d’intoxications fonctionnelles sévères, certes
relativement rares, mais avec une diversité d’effets et mise en jeu rapide du pronostic vital, même sur cœur
sain. Leur prise en charge mérite la plus grande attention dès la régulation médicale.
Les molécules sont nombreuses, aux propriétés pharmacologiques diverses et hétérogènes : liposolubilité, car-
diosélectivité, effet alphabloquant ou sympathomimétique intrinsèque.

● MÉCANISMES TOXIQUES
À doses toxiques, les profils pharmacologiques s’émoussent : effets bathmo-, dromo-, chrono- et inotrope négatifs.
Les conséquences cardiovasculaires graves surviennent par blocage de la conduction et par effet inotrope négatif
cardiaque à l’origine d’un état de choc cardiogénique pouvant devenir réfractaire. L’ESM majore la toxicité
(notamment propranolol, acébutolol, alprénolol, bêtaxolol, carvédilol, labétalol, métoprolol, nadoxolol, pindolol,
penbutolol, oxprénolol). Le sotalol (antiarythmique de classe III, Vaughan-Williams) expose au risque d’allongement
du QT et de torsades de pointes. La corrélation entre la dose et la gravité est relativement faible, la sensibilité
interindividuelle grande. La forme de propranolol LP est la plus susceptible d’entraîner un tableau sévère.

● ÉLÉMENTS TOXICOCINÉTIQUES
Variable d’une molécule à l’autre, l’absorption digestive est excellente et rapide. Large volume de distribution et
liaison protéique plasmatique élevée. Le métabolisme est hépatique (métabolites actifs parfois), l’élimination,
rénale, hépatique ou mixte.
Une intoxication est rendue peu probable en l’absence d’effet en moins de 6 heures pour les forme non LP, 8 à
10 heures pour les formes LP, 12 à 14 heures pour le sotalol. Sauf formes LP et/ou voies d’élimination altérées,
le tableau clinique dure généralement moins de 72 heures.

● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation systématique, précoce. Risque cardiovasculaire au premier plan. L’emport de traitements non
habituellement disponibles en Smur trouve sens : glucagon et insuline rapide en quantité, voire émulsions lipi-
diques (Bb liposolubles). Considérer l’intérêt d’une CEC (ECMO). Orienter le patient vers une réanimation médicale,
idéalement adossée à un plateau technique cardiovasculaire ; à défaut vers des soins intensifs de cardiologie.
Proscrire l’admission dans une structure d’urgence.

● TABLEAU CLINIQUE
Bradycardie, hypotension artérielle jusqu’à un choc cardiogénique réfractaire.

57
II.10 BÊTABLOQUANTS
2/3

● EFFETS NON CARDIOVASCULAIRES


Digestifs : précoces, syndrome banal : nausées, vomissements, diarrhées dans un délai de 20 minutes à 2 heures.
Neurologiques (Bb liposolubles notamment) : hallucinations, dépression du SNC (confusion à coma), convulsions
(ESM ++).
Respiratoire : dépression ventilatoire (indépendante de la dégradation de l’état de conscience), bronchospasme
(sujet prédisposé), arrêt respiratoire inaugural possible.
Métabolique et endocrinien : hypoglycémie, dyslipidémie.
Quand elle existe, la sélectivité cardiaque est perdue à fortes doses.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Monitorage ECG permanent, tracés répétés, systématiques : bloc aux trois étages (auriculoventriculaire, sino-
auririculaire, intraventriculaire), bloc de branche droit, hémibloc antérieur gauche. Élargissements des complexes
QRS (ESM). Milieu intérieur : conséquences non spécifiques de l’hypoperfusion tissulaire secondaire à l’hypoten-
sion artérielle ou l’état de choc : troubles acidobasiques et rénaux notamment, hypokaliémie de transfert en cas
d’ESM. hypoglycémie.
Dosage des Bb non disponible en routine et sans intérêt décisionnel.

● PRISE EN CHARGE
Le traitement est essentiellement symptomatique avec pour objectif le maintien d’un hémodynamique acceptable,
le temps de l’orage fonctionnel :
■ oxygénothérapie au masque à haute concentration ou après intubation. Monitorage cardiocirculatoire continu.

Intérêt du guidage hémodynamique dès que possible ;


■ atropine : 0,5 à 1 mg en bolus IV devant une bradycardie sinusale (FC < 50 bpm) ou un BAV (efficace en

l’absence de blocage adrénergique complet) ;


■ remplissage prudent, sans dépasser 1 000 mL ;

■ glucagon : 5 à 10 mg en bolus IV, relais en présence d’efficacité : 2 à 5 mg/h sur 5 à 12 heures ;

■ amines pressives bêta-agonistes. Fortes doses souvent nécessaires : dobutamine à doses croissantes jusqu’à

25 μg/kg/min (fonction de la réponse au remplissage et de l’évolution clinique, puis adaptation au profil hémo-
dynamique). Associations complémentaires possibles, glucagon-dobutamine, glucagon-isoprénaline,
glucagon-adrénaline ;
■ isoprénaline : si bradycardie par sotalol (risque de torsade de pointes) ;

■ intérêt de l’adrénaline en cas d’échec dobutamine + glucagon ou en présence d’un effet alphabloquant ;

■ assistance circulatoire en cas de choc réfractaire ou d’asystolie ;

■ discuter l’entraînement électrosystolique face à un BAV de haut degré.

Traitement non spécifique des conséquences de l’ESM : bicarbonate de sodium molaire, anticonvulsivants.

58
BÊTABLOQUANTS II.10
3/3

● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Lavage gastrique proscrit. Charbon activé dans les deux heures dans le respect des contre-indications (adminis-
tration répétée possible en présence d’une forme LP). Glucagon et agonistes adrénergiques jouent le rôle d’anti-
dote. Épuration extrarénale sans intérêt.
Thérapeutiques d’exception :
■ insulinothérapie euglycémique : 1 UI/kg en bolus, puis 0,5 UI/kg/h en perfusion, associée à du sérum glucosé

et du potassium (mise en œuvre difficile en préhospitalier) ;


■ émulsions lipidiques : intérêt potentiel pour les seules molécules lipophiles.

● PRONOSTIC
Précocité de la prise en charge. Réponse initiale à l’atropine. Coexposition à un autre cardiotrope (notamment
inhibiteurs calciques). Cardiopathie préexistante.

IMPORTANT
• Risque cardiovasculaire majeur : état de choc réfractaire, asystolie
• Médicalisation précoce, systématique
• Perte de chance en l’absence d’une orientation initiale adaptée
• La mise en place d’une assistance circulatoire peut être envisagée

59
II.11 CARBAMAZÉPINE
1/2

La carbamazépine, de structure proche de celle des antidépresseurs tricycliques, a deux indications principales :
dans l’épilepsie comme anticonvulsivant et thymorégulateur dans les troubles bipolaires. Différentes formes
galéniques, dont des formes à libération prolongée, sont disponibles.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Mal connus, avec une atteinte neurologique centrale prédominante. La carbamazépine bloque la perméabilité des
canaux sodiques et diminue la transmission synaptique en agissant au niveau présynaptique ; elle n’aurait aucune
action sur le système GABAergique.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
À doses massives, l’absorption est ralentie du fait d’une action anticholinergique et de la formation de conglo-
mérats intragastriques. La liaison protéique est de 70 %. La demi-vie d’élimination est longue, de 26 heures pour
la carbamazépine et de 16,5 heures pour son métabolite actif époxydé. Des doses toxiques théoriques sont
proposées : > 3 g chez l’adulte, 30 mg/kg chez l’enfant. La carbamazépine est inducteur enzymatique.

● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation si signes de détresse vitale.
Admission en structure d’urgence ou en réanimation en fonction de la clinique.

● CLINIQUE
Signes neurologiques : coma hypertonique, convulsions, EDME, signes anticholinergiques.
Signes cardiovasculaires : tachycardie sinusale, ESM, bradycardie sinusale ou BAV.
Signes respiratoires : détresse respiratoire aiguë, hypoventilation alvéolaire.

● BIOLOGIE
Hypokaliémie de transfert et hyponatrémie par SIADH.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Intérêt du dosage sanguin rapide par immunoanalyse (interférence possible avec la structure tricyclique). Le suivi
des concentrations n’est pas nécessaire.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
ECG systématique à la recherche d’un ESM.

60
CARBAMAZÉPINE II.11
2/2

● TRAITEMENT
Le traitement est symptomatique. Il n’y a ni antidote ni traitement spécifique.
Charbon activé en dose unique à l’admission en l’absence de risque d’inhalation bronchique. Recommandations
internationales pour l’administration de charbon activé à doses répétées (dialyse intestinale).
Correction de l’ESM par solutés IV de bicarbonate molaire (250 mL + 2 g de KCl, à répéter sans dépasser 750 mL).
Traitement des convulsions par diazépam, clonazépam.
Remplissage prudent en cas de collapsus (< 1 500 mL), amines pressives. Un état de choc réfractaire peut faire
discuter l’indication d’une assistance circulatoire.

● PRONOSTIC
Favorable dans la grande majorité des cas.
Les formes graves sont rares.

IMPORTANT
• Atteinte neurologique prédominante habituellement
• Attention aux complications cardiovasculaires
• Traitement symptomatique

61
II.12 CHAMPIGNONS
1/9

● LATENCE LONGUE
Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement

Phalloïdien Amanita phalloïdes, Amatoxines 6 à 24 h Nausées, Symptomatique


A. verna, A. virosa ; (cytolyse hépatique vomissements, avec respect de la
Lepiota helveola, par inhibition de douleurs diarrhée
bruneo-incarnata, ARN polymérase II) abdominales, Silymarine
josseerandii ; Dose létale : diarrhée injectable :
Galerina marginata, 1 seule amanite cholériforme ; 5 mg/kg en 1 h
venenata et (5-6 mg troubles puis
autumnalis amatoxine) hémodynamiques 20 mg/kg/24 h en
Plallotoxines, et 4 perfusions
virotoxines, hydroélectrolyti- (Légalon Sil®) : pas
phallolysines ques avec acidose d’efficacité clinique
métabolique ; formelle démontrée
atteinte hépatique Fortes doses de
parfois sévère pénicilline G ne
(insuffisance sont plus
hépatocellulaire recommandées
avec ictère, Suppléance
encéphalopathie, artificielle
troubles de la hépatique
coagulation) à la (molecular
36e h ; insuffisance adsorbant
rénale par bas recirculating
débit ou syndrome system – MARS)
hépatorénal Transplantation
(5-8e jour) hépatique

62
CHAMPIGNONS II.12
2/9

Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement

Gyromitrien Gyromitra Gyromitrine 6 à 48 h Nausées, Symptomatique


ou helvellien esculenta, G. gigas (inhibition vomissements, Vitamine B6 IV
enzymatique douleurs (25 mg/kg en
entraînant une abdominales, 30 min), en cas de
diminution du taux diarrhée ; hépatite coma, convulsions
de GABA cytolytique
intracérébral) modérée (36 à
48e h) ;
somnolence,
convulsions,
céphalées,
confusion, délire,
asthénie, vertiges,
incoordination
motrice,
tremblements,
coma ; hémolyse
(inconstante et
discrète)

Orellanien Cortinarius Oréllanine (toxicité 6 h à 14 j Douleurs Symptomatique


orellanus, sur tubule proximal (troubles abdominales,
C. speciosissimus, par diminution de digestifs) nausées,
C. orellanoides, la synthèse 4 à 17 j vomissements,
C. splendens, protéique dans la (troubles anorexie ; douleurs
C. cinnamomeus cellule rénale) rénaux) articulaires,
musculaires et
lombaires,
céphalées, soif,
somnolence,
frissons, asthénie ;
néphropathie
tubulo-interstitielle
avec insuffisance
rénale aiguë

63
II.12 CHAMPIGNONS
3/9

Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement

Proximien Amanita proxima Non identifiées 8hà3j Douleurs Symptomatique


abdominales,
vomissements,
diarrhée ; cytolyse
hépatique
discrète ;
insuffisance rénale
(tubulopathie
aiguë) entre J1
et J4

Rhabdo- Tricholoma Non identifiées 24 h à 6 j Douleurs Symptomatique


myolyse equestre, musculaires,
T. auratum, asthénie ; nausées,
Russula vomissements ;
subnigricans sueurs, polypnée ;
rhabdomyolyse,
myocardite avec
insuffisance
cardiaque
réfractaire

Atteinte Hapalopilus Acide polyporique 12 h à 3 j Troubles digestifs Symptomatique


du SNC rutilans, Morchella tardifs, urines de
esculenta, couleur violette
Pleurocybella Atteinte
porrigens hépatorénale
(cytolyse,
insuffisance rénale)
et neurologique
centrale (vertiges,
ataxie,
somnolence,
troubles visuels,
œdème cérébral
avec atteinte EEG,
mouvements
involontaires,
convulsions, coma)

64
CHAMPIGNONS II.12
4/9

Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement

Acro- Clitocybe Acides 24 h Fourmillements Symptomatique


mélalgien amoenolens, acroméliques puis brûlures très Douleurs calmées
ou érythro- C. acromelalga (agonistes du douloureuses des par bains d’eau
mélalgie système du mains et pieds, glacée
glutamate) évoluant par crises
paroxystiques ;
œdème et
érythème local

Tubuloné- Amanita smithiana, Acide 2-amino- 8 à 14 h Douleurs Symptomatique


phrite aiguë A. proxima, 4,5-hexadiénoïque abdominales, Hémodialyse
précoce A. pseudoporphyria nausées,
vomissements,
diarrhée, cytolyse
hépatique,
tubulopathie aiguë

Dermatite Lentinula edodes Lentinan 12 h à 5 j Dermatite au Aucun


flagellaire (shiitake) niveau du tronc et
des membres,
régressive
spontanément en 3
à 21 jours

65
II.12 CHAMPIGNONS
5/9

● LATENCE COURTE
Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement

Panthérinien Amanita Isoxazoles (acide 30 min à Douleurs Symptomatique


ou myco- pantherina, iboténique, 4h abdominales, Sédation par
atropinien A. muscaria, muscinol, nausées, benzodiazépines,
A. gemmata muscazone) vomissements, associée au
(= A. junquillea), Effet atropine-like, diarrhée ; ébriété, phénobarbital en
A. regalis faux ataxie, diplopie, cas de convulsions
neurotransmetteur métamorphopsie,
agoniste du GABA agitation,
confusion, délire,
hallucinations,
mydriase,
convulsions,
coma ;
tremblements,
fasciculations,
myoclonies ;
hypersudation
paradoxale,
érythème cutané ;
bradycardie ou
tachycardie le plus
souvent,
hypotension
artérielle, arythmie

66
CHAMPIGNONS II.12
6/9

Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement

Sudorien Inocybe fastigiata, Muscarine (fixation 30 min à Douleurs Symptomatique


ou I. patouillardii, compétitive 4h abdominales, Atropine en titration
muscarinien I. geophylla, réversible sur les nausées, (1re dose : 0,5 mg
ou I. fragrans, récepteurs vomissements, chez l’adulte)
cholinergique I. godeyi ; d’acétylcholine des diarrhée aqueuse ;
Clitocybe rivulosa, muscles lisses, myosis, vision
C. cerussata, certaines glandes, floue, déficit
C. dealbata, tissu nodal et d’accommodation,
C. candicans, myocarde) diplopie ; sueurs
C. phyllophila, profuses,
Mycena pura larmoiement,
rhinorrhée,
hypersialorrhée,
hypersécrétion
gastrique et
intestinale ;
bronchoconstric-
tion,
hypersécrétion
bronchique ;
bradycardie
sinusale,
vasodilatation
périphérique (flush,
hypotension
artérielle)
Durée des signes
pendant
15-20 min, parfois
24 h

67
II.12 CHAMPIGNONS
7/9

Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement

Coprinien ou Coprinus Coprine (blocage 30 min à Vasodilatation Symptomatique


antabuse atramentarius de l’acétaldéhyde- 2 h après périphérique, Diazépam (anxiété,
quasi déshydrogénase l’ingestion prédominant à la mais seulement en
exclusivement ; et inhibition du d’alcool face et au cou, cas d’hémo-
Doute quant à métabolisme de hypotension dynamique stable)
Clitocybe clavipes, l’éthanol absorbé artérielle, Formes sévères :
Boletus luridus et pendant le repas tachycardie fomépizole,
Morchella spp. Plus avec effet sinusale, douleur 7 mg/kg IVL
consommation antabuse) thoracique,
d’alcool dyspnée, fibrillation
auriculaire ;
anxiété, céphalées,
vertiges,
acouphènes,
paresthésies,
confusion,
asthénie,
tremblements,
fasciculations
musculaires ;
sueurs, nausées,
vomissements,
goût métallique
dans la bouche

68
CHAMPIGNONS II.12
8/9

Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement

Résinoïdien Agaricus Non identifiées 30 min à Douleurs Respect des


ou gastro- xanthoderma ; 3h abdominales, diarrhées
intestinal Amanita nausées, Symptomatique
ou lividien rubescens*, vomissements, (antispasmodique,
ou A. vaginata* et diarrhée ; atteinte réhydratation,
dysentérique autres ; Boletus hépatique correction troubles
ou pardinien satanas, (Entoloma électrolytiques)
B. calopus ; lividum) ; anxiété,
Chlorophyllum céphalées, soif
molybdites (= (Tricholoma
Lepiota morganii) ; pardinum) ;
Entoloma lividum hypersalivation,
et autres ; Russula sueurs,
emetica, R. amara larmoiement,
(= R. caerulea), photophobie,
R. fragilis, diarrhée sanglante
R. ochroleuca, (Chlorophyllum
R. olivacea ; molybdites)
Tricholoma
pardinum
(= T. tigrinum),
T. virgatum,
T. album,
T. josserandii ;
hébélomes,
Lactarius
torminosus,
Lactarius,
Morchella*),
Omphalotus
olearius, Ramaria
pallida
* consommés crus ou insuffisamment cuits

69
II.12 CHAMPIGNONS
9/9

Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement


Psilocybien Psilocybe Psilocine, 30 min à Troubles de l’humeur Symptomatique
ou cyanescens, métabolite de la 1h (euphorie ou Diazépam, associé
narcotinien P. semilanceata, psilocybine anxiété), sensation à un neuroleptique
ou halluci- P. bohemica ; (stimulation des d’étrangeté, de (halopéridol) en cas
nogène Inocybe récepteurs dépersonnalisation, de tableau onirique
aeruginascens, sérotoninergiques, de pesanteur ou de sévère
I. corydalina ; avec effets légèreté corporelle ;
Panaeolus similaires à ceux hallucinations de
cyanescens du LSD et de la tous types, délire,
(= Copelandia mescaline) troubles de la
cyanescens) ; perception
P. cinctulus temporospatiale,
(= P. subbalteatus) somnolence,
vertiges ;
tachycardie, HTA,
mydriase ; nausées,
vomissements,
douleurs
abdominales ;
hyperthermie,
hyperréflectivité
ostéotendineuse
Paxillien Paxillus involutus Réaction 1à3h Douleurs Symptomatique
ou immuno- immunoallergique abdominales,
allergique de type II de la nausées,
classification de vomissements,
Coombs et Gell diarrhée ; ictère,
douleurs lombaires,
collapsus
cardiovasculaire,
insuffisance rénale
oligoanurique
(hémolyse
intravasculaire)
Une classification internationale des syndromes mycotoxiques a été publiée en 2018, encore peu diffusée, basée
sur 6 items :
1. atteinte cytotoxique ;
2. atteinte neurologique ;
3. atteinte musculaire ;
4. atteinte métabolique ;
5. atteinte gastro-intestinale ;
6. autres atteintes.
Cette classification sera peut-être amenée à remplacer l’actuelle classification basée sur le chronogramme.

70
CHLOROQUINE II.13
1/2

Antipaludéen de synthèse dont la marge thérapeutique est très faible. Intoxication rare mais grave, qui fait l’objet
d’un protocole spécifique de prise en charge.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
À fortes doses, la chloroquine a deux effets toxiques principaux : un effet ESM quinidine-like et surtout un puissant
effet vasodilatateur artériel.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’adsorption digestive de la chloroquine est rapide et complète en moins de 3 heures. L’élimination est très lente
avec une demi-vie d’élimination supérieure à 24 heures. L’épuration extrarénale n’a aucun intérêt.

● RÉGULATION MÉDICALE
Le délai de survenue des symptômes est de 30 min à 6 heures environ après l’ingestion. Le risque principal est
la survenue brutale d’un arrêt cardiaque. Le patient peut être conscient à l’appel et mourir en quelques minutes...
La médicalisation de l’intervention est donc systématique, sans délai, quels que soient les signes à l’appel. Le
protocole thérapeutique (cf. infra) doit être mis en œuvre en préhospitalier. Penser à prendre du diazépam au
départ si absent de la dotation habituelle.
Le patient doit être adressé directement en Unité de soins intensifs cardiologiques ou en réanimation.

● CLINIQUE
Il faut insister sur la fréquente pauvreté des symptômes initiaux et la brutalité de survenue des complications.
Symptômes cardiovasculaires : hypotension artérielle, choc cardiogénique ou vasoplégique, troubles du rythme
ventriculaires, bradycardie.
Symptômes neurologiques : signes neurosensoriels (acouphènes, hypoacousie, vertiges, flou visuel, diplopie, cécité
transitoire), agitation, anxiété. Convulsions et coma sont associés à une insuffisance circulatoire.
Symptômes digestifs : nausées, vomissements.
Symptômes respiratoires : polypnée.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
L’hypokaliémie (de transfert) est un bon marqueur de gravité.
L’ECG est souvent anormal (dérivation D2) : QRS et QT allongés, ondes T aplaties, bradyarythmie à complexes
larges, TV, torsade de pointes, asystolie.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Même si le dosage ne modifie pas vraiment la conduite à tenir, il est intéressant d’obtenir le dosage sanguin de
la chloroquine par HPLC si cela est possible ; la corrélation clinicobiologique est en effet assez bonne. L’ancienne
technique colorimétrique devrait être abandonnée. Sous traitement, la mortalité est inférieure à 1 % pour une
concentration < 25 μmol/L.

71
II.13 CHLOROQUINE
2/2

● TRAITEMENT
Des critères pronostiques ont été validés pour cette intoxication, en fonction de la dose supposée ingérée (DSI),
de la PA systolique et de la durée du QRS. Ils doivent être réévalués régulièrement pour ne pas ignorer une
possible aggravation.

DSI PA systolique QRS

Grave 64g ou < 100 mmHg ou > 0,10 s

Bénigne <4g et 6 100 mmHg et ^ 0,10 s

Dans les formes graves, le protocole suivant doit être appliqué systématiquement :
■ remplissage modéré et prudent ;

■ intubation trachéale avec induction en séquence rapide ;

■ adrénaline 0,25 μg/kg/min au début, puis adapté pour PA systolique > 100 mmHg ;

■ diazépam 2 mg/kg en 30 min, puis 2-4 mg/kg/j ;

■ bicarbonate 8,4 % en perfusion en 15-20 min (250 mL + 2 g KCl), si QRS allongé et hypotension artérielle.

Le charbon activé adsorbe la chloroquine ; il peut être administré précocement en dose unique en l’absence de
contre-indications et sans retarder le traitement spécifique.
En cas d’arrêt cardiaque ou d’état de choc réfractaire, discuter l’assistance circulatoire.
Le traitement sera poursuivi en milieu hospitalier, adapté à la situation cardiovasculaire ; des doses lentement
dégressives d’adrénaline et de diazépam amènent à l’extubation et à la guérison en 48 à 72 heures habituellement.

IMPORTANT
• Intoxication grave
• Médicalisation préhospitalière systématique
• Protocole spécifique de prise en charge

72
COLCHICINE II.14
1/2

Médicament initialement prescrit dans la goutte, mais dont les indications se sont élargies : fièvre méditerranéenne
familiale, maladie de Behçet, prévention des récidives de péricardite aiguë. L’intoxication aiguë est rare, mais
très grave. La symptomatologie est directement corrélée à la dose ingérée. Une spécialité (Colchimax®) associe
de la colchicine, un dérivé atropinique et de la poudre d’opium : piège diagnostique du fait du retard à l’apparition
des symptômes. Des intoxications avec la plante colchique, parfois confondue avec de l’ail, sont possibles.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Poison du fuseau, la colchicine a un effet antimitotique. L’atteinte cardiovasculaire par diminution de la contractilité
myocardique est le risque principal de l’intoxication.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
La colchicine a une résorption digestive rapide. L’élimination fécale est importante : il faut respecter les diarrhées !
Compte tenu d’un grand volume de distribution, l’épuration extrarénale est sans intérêt. Une proportion importante
est éliminée par voie rénale sous forme inchangée, mais aucune technique d’élimination rénale n’est
recommandée.

● RÉGULATION MÉDICALE
La symptomatologie est dose-dépendante (cf. infra). La prise en charge doit être médicalisée et le patient admis
en réanimation. Le traitement préhospitalier est symptomatique ; une assistance circulatoire peut être discutée
en cas de choc cardiogénique. Pas de prescription à distance.

● CLINIQUE
La symptomatologie est dose-dépendante.

Dose ingérée < 0,5 mg/kg


Les signes sont digestifs : nausées, vomissements, douleurs et crampes abdominales, diarrhées profuses pouvant
entraîner une déshydratation extracellulaire. Évolution favorable en 4 à 5 jours.

Dose ingérée entre 0,5 et 0,8 mg/kg


Aux troubles digestifs s’associe une aplasie médullaire, qui apparaît dans le sang vers le 3e ou 4e jour. Elle peut
durer de 2 à 6 jours, avec les risques habituels infectieux et hémorragique. Un SIADH et une polynévrite des
membres inférieurs peuvent apparaître. Une alopécie réversible, témoin de la gravité de l’intoxication, apparaît à
la fin de la période aplasique. La mortalité est ici de 10 %.

Dose ingérée > 0,8 mg/kg


C’est l’apparition d’un collapsus, hypovolémique et surtout cardiogénique, qui fait toute la gravité de l’intoxication.
Le décès survient dans les 72 heures dans un tableau d’insuffisance circulatoire aiguë. En l’absence de traitement
spécifique (cf. infra), la mortalité est de 100 %.

73
II.14 COLCHICINE
2/2

● BIOLOGIE
Pas de marqueur spécifique. Biologie de routine en fonction de la clinique. Surveillance de l’état d’hydratation,
surveillance hématologique. Une hyperleucocytose > 18 000/mm3 et un taux de prothrombine < 20 % sont de
mauvais pronostic.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage de colchicine, que peu de laboratoires peuvent réaliser, n’a pas d’intérêt en urgence. La mise en
évidence d’opiacés dans le sang ou les urines permet d’étayer une suspicion d’intoxication par Colchimax®.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Pas d’examen spécifique. ECG de principe.

● TRAITEMENT
Le charbon activé adsorbe la colchicine ; il peut être donné en une dose unique, si les troubles digestifs le
permettent.
Le traitement est essentiellement symptomatique, adapté à l’intensité des signes digestifs et de la déshydratation
(en respectant les diarrhées), aux troubles hématologiques et à leurs conséquences éventuelles infectieuses et
hémorragiques.
Le traitement de l’état de choc doit se faire sous une stricte surveillance hémodynamique, en associant rem-
plissage prudent et amines pressives. L’indication d’une assistance circulatoire doit être discutée.
Des fragments Fab anticolchicine ont pu donner d’excellents résultats ; ils ne font pas l’objet d’une véritable
production industrielle et ne sont donc pas disponibles en routine. Leur mise à disposition au cas par cas nécessite
l’appel d’un CAP.

IMPORTANT
• Intoxication grave, dose-dépendante
• Aplasie médullaire et choc cardiogénique font la gravité de l’intoxication

74
CYANURES II.15
1/2

Les circonstances d’intoxication par les cyanures sont surtout actuellement les fumées d’incendie par exposition
à des vapeurs d’acide cyanhydrique. Les intoxications volontaires par sels de cyanure sont devenues très rares,
ainsi que les exceptionnelles intoxications accidentelles par ingestion de noyaux d’abricot chez l’enfant ou par
perfusion de nitroprussiate de sodium en thérapeutique.
La probabilité d’une utilisation terroriste des cyanures est faible, en particulier du fait du caractère très volatile
des vapeurs d’acide cyanhydrique.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
L’ion cyanure se lie au fer ferrique des cytochromes ; le blocage des cytochromes oxydases mitochondriales
empêche alors l’utilisation cellulaire de l’oxygène. L’intoxication conduit à une hypoxie tissulaire et cellulaire
généralisée.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’ion cyanure est très vite éliminé. Les produits en cause ne sont pas dosables en règle générale.

● RÉGULATION MÉDICALE
Les effets toxiques après ingestion peuvent être retardés de 15 à 30 min, mais les effets sont quasi-immédiats
après inhalation. La médicalisation est systématique avec emport d’hydroxocobalamine au départ de l’équipe.
Attention à l’exposition éventuelle à des vapeurs toxiques. Les formes graves (coma, insuffisance circulatoire)
sont adressées en réanimation ; les formes de gravité modérées peuvent être orientées vers une structure
d’urgence.

● CLINIQUE
Tous les signes cliniques sont à des degrés divers des signes d’hypoxie, cérébrale ou cardiaque en particulier,
allant de simples troubles du comportement jusqu’à l’insuffisance circulatoire aiguë et l’arrêt cardiaque. Des
signes en apparence peu graves (désorientation, agitation, obnubilation) doivent être interprétés comme des
signes d’hypoxie.

● BIOLOGIE
Le lactate sanguin est un marqueur documenté de l’intoxication cyanhydrique : > 8 mmol/L après ingestion de
sels de cyanure, > 10 mmol/L après inhalation de vapeurs d’acide cyanhydrique.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Les ions cyanures sont rapidement éliminés du sang. Leur dosage, qui n’a pas d’intérêt décisionnel, n’est possible
que dans quelques laboratoires (méthode colorimétrique ou mieux méthode chromatographique, HPLC ou CPG).
Un prélèvement conservatoire précoce réalisé en préhospitalier est intéressant pour documentation ultérieure de
l’intoxication.

75
II.15 CYANURES
2/2

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Pas d’examen spécifique, ECG de principe.

● TRAITEMENT
■ Traitement symptomatique d’une insuffisance circulatoire aiguë, d’un arrêt cardiaque.
■ Oxygénothérapie précoce au masque à haute concentration ou après intubation. L’oxygène a un effet antidotique
propre par loi d’action de masse sur les cytochromes oxydases mitochondriales.
■ L’antidote spécifique à privilégier est l’hydroxocobalamine (Cyanokit® 5 g). Coûteuse mais disponible en routine
dans les hôpitaux, elle est présente aussi en quantité dans les malles antidotes des lots PSM des Samu français.
Elle forme un complexe atoxique éliminé par les urines, la cyanocobalamine. Dose initiale de 5 g chez l’adulte,
de 70 mg/kg chez l’enfant, en perfusion IV en 15 min. Cette dose peut être renouvelée dans les formes sévères
de l’intoxication (coma, collapsus persistant, arrêt cardiaque). Dépourvue d’effets secondaires, l’hydroxocoba-
lamine peut colorer temporairement les téguments et les urines en rose.
■ À défaut d’hydroxocobalamine et/ou en cas de très nombreuses victimes, de l’EDTA dicobaltique (Kelocyanor®),
disponible dans les malles antidotes des lots PSM des Samu en France, peut être utilisé ; il forme avec les
ions cyanures un chélate non toxique éliminé dans les urines. Son administration se fait par voie intraveineuse.
En l’absence de cyanure dans l’organisme, c’est la toxicité du cobalt qui peut s’exprimer : nausées, vomisse-
ments, atteinte cardiaque, convulsions, hypoglycémie, anaphylaxie ; l’utilisation de ce produit suppose donc
une très forte présomption d’intoxication par les cyanures. La posologie initiale chez l’adulte est de 600 mg IV
en 30 secondes, soit 2 ampoules de 300 mg, en association avec l’injection IV de 50 mL d’une solution hyper-
tonique de glucose pour prévenir une éventuelle hypoglycémie liée au cobalt.

IMPORTANT
• Intoxication grave
• Importance de l’oxygénothérapie précoce
• Un antidote spécifique, l’hydroxycobalamine

76
DIGITALIQUES II.16
1/3

Il s’agit le plus souvent d’un surdosage thérapeutique en digoxine ou hémigoxine, plus rarement d’une intoxication
volontaire aiguë. Les rares intoxications par les plantes contenant des hétérosides cardiotoniques (digitale pourpre,
laurier rose) et les exceptionnelles intoxications par ingestion de préparations à base de crapauds du genre Bufo
relèvent de la même prise en charge.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Les digitaliques inhibent la Na+/K+-ATPase membranaire, au niveau du myocarde, mais aussi des fibres muscu-
laires lisses. L’effet est l’augmentation de la concentration intracellulaire de sodium, entraînant l’augmentation
du calcium intracellulaire, ce qui entraîne une contractilité accrue. À doses toxiques, l’automaticité, l’excitabilité
et le potentiel de repos sont augmentés et des post-potentiels oscillants provoquent des dépolarisations préma-
turées. Le potassium extracellulaire est augmenté. Les digitaliques ont aussi un effet sur le système nerveux
autonome : le tonus vagal est augmenté, contribuant à la conduction diminuée du nœud sinusal et du nœud
atrioventriculaire. Le tonus sympathique est diminué à doses thérapeutiques et accru à doses toxiques, ce qui
peut participer à une vasoconstriction mésentérique. Ainsi, à fortes doses, ces effets induisent l’association de
dysrythmies ventriculaires et de troubles de conduction.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
La digoxine a une biodisponibilité médiocre (60 %), une faible liaison protéique (25 %), un volume de distribution
important (5,6 L/kg) qui la rend inaccessible à l’épuration extrarénale. L’élimination de la digoxine est rénale,
sous forme inchangée, avec une demi-vie de 1,6 j à doses thérapeutiques. Une insuffisance rénale préexistante,
une hypokaliémie, sont des facteurs aggravant de l’intoxication.

● RÉGULATION MÉDICALE
Prise en charge médicalisée systématique, quels que soient les signes à l’appel. Le traitement spécifique par
anticorps peut être initié en préhospitalier dans les formes graves (cf. infra). Le patient doit être orienté directement
vers une unité de soins intensifs cardiologiques ou une unité de réanimation. Aucune prescription à distance
n’est nécessaire, sauf gestes de secourisme si nécessaire (asystolie). En cas d’arrêt cardiaque devant témoins
ou de choc cardiogénique, une procédure de mise en place d’une assistance circulatoire peut être discutée.

● CLINIQUE
Riche et polymorphe.
Signes digestifs, constants et évocateurs dans le contexte : nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdo-
minales. L’anorexie est un signe d’alerte classique de surdosage. L’infarctus mésentérique par vasoconstriction
est une complication redoutable.
Signes visuels évocateurs : dyschromatopsie (vision en jaune), vision floue, scotomes
Signes neurologiques : obnubilation, agitation, confusion, délire.
Signes cardiaques : bradycardie, troubles de conduction auriculoventriculaire, troubles du rythme ventriculaire,
choc cardiogénique, asystolie.

77
II.16 DIGITALIQUES
2/3

● BIOLOGIE
Une hyperkaliémie, reflet de l’action cellulaire des digitaliques, est un bon marqueur de gravité de l’intoxication.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage plasmatique des digitaliques est indispensable. Une concentration > 2 ng/mL affirme l’intoxication.
L’ECG est toujours anormal : ondes T aplaties ou négatives, segment ST sous-décalé, bradycardie sinusale, bloc
sino-auriculaire ou auriculo-ventriculaire, rythme jonctionnel, ESV, TV, FV, torsade de pointes, asystolie. La cupule
digitalique n’est qu’un signe d’imprégnation thérapeutique.

● TRAITEMENT
Dans l’immédiat, monitorage cardiaque continu et atropine 0,5 à 1 mg IV en cas de bradycardie. Dose unique
de charbon activé à discuter si intoxication aiguë.
L’essentiel du traitement repose sur l’administration précoce d’anticorps antidigoxine (fragments Fab). Des fac-
teurs pronostiques de gravité ont été validés pour justifier d’une neutralisation molaire ou semimolaire des
digitaliques présents dans l’organisme.
La neutralisation doit être molaire si un seul des facteurs péjoratifs suivant est présent :
■ arythmie ventriculaire (fibrillation ou tachycardie ventriculaire) ;

■ bradycardie sévère ^ 40 c/min résistante à l’injection intraveineuse de 1 mg d’atropine ;

■ kaliémie > 5,5 mmol/L ;

■ choc cardiogénique ou infarctus mésentérique.

La neutralisation est semimolaire, quand trois des facteurs suivants sont présents :
■ sexe masculin ;

■ cardiopathie préexistante ;

■ âge 6 55 ans ;

■ BAV quel que soit le degré ;

■ bradycardie < 50 c/min résistante à l’injection intraveineuse de 1 mg d’atropine ;

■ kaliémie 6 4,5 mmol/L.

Le calcul de la dose d’anticorps à administrer repose sur le calcul de la quantité présente dans l’organisme,
sachant que 80 mg d’anticorps neutralisent 1 mg de digoxine. La charge corporelle en digitalique (en mg) est :
■ pour une intoxication par ingestion massive : quantité supposée ingérée (en mg) × biodisponibilité du digitalique,

avec une biodisponibilité de 60 % pour la digoxine ;


■ pour un surdosage : [concentration sérique du digitalique (ng/mL) × volume de distribution × poids (kg)]/1 000,

avec un volume de distribution de 5,6 L/kg pour la digoxine.

78
DIGITALIQUES II.16
3/3

Attention : les différentes formes commerciales de fragments Fab (Digidot®, Digibind®, DigiFab®, etc.) peuvent
contenir des quantités différentes d’anticorps.
En cas de bloc de haut degré, de bradycardie extrême, l’indication d’un entraînement électrosystolique n’est
considérée actuellement qu’à défaut de disponibilité rapide des anticorps.
Sous réserves d’une prise en charge précoce et d’un traitement spécifique par anticorps, l’évolution est le plus
souvent favorable.

IMPORTANT
• Intoxication grave, malgré une présentation clinique parfois rassurante
• Mortalité de 10 % environ en l’absence de traitement précoce
• Traitement spécifique par anticorps
• 80 mg d’anticorps neutralisent 1 mg de digoxine

79
II.17 ÉTHYLÈNE GLYCOL
1/4

Intoxication très rare, parfois accidentelle après déconditionnement.


Substance liquide et visqueuse, de saveur sucrée entrant dans la composition de produits à disposition du grand
public : liquides de refroidissement et antigels, lave-vitres, fluides hydrauliques...

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Il s’agit d’un toxique mixte, fonctionnel à révélation tardive (substance mère et métabolite aldéhyde), puis lésionnel
plus tardif encore (métabolites acides) ; peu toxique par lui-même, l’enjeu thérapeutique sera de bloquer son
métabolisme principal, ses métabolismes secondaires, certes très lents, permettant alors son élimination.
Absorption potentielle par voie digestive, également par voie cutanée sur peau lésée ou respiratoire (limitée car
est irritant).
Métabolisé en glycolaldéhyde sous l’action de l’alcool-déshydrogénase, lui-même métabolisé en acides glycolique,
puis glyoxylique sous l’action de l’aldéhyde-déshydrogénase, puis par oxydation, le métabolisme terminal condui-
sant à plusieurs molécules, dont l’acide oxalique et la glycine (par une voie pyridoxinodépendante).
Les molécules les plus toxiques sont les acides glycolique (acidose métabolique, cytotoxicité neuronale et rénale)
et oxalique (atteintes rénale et cardiaque en partie par précipitation de cristaux d’oxalate de calcium, chélation
de l’ion calcium avec hypocalcémie). L’impact des biotransformations sur le métabolisme du pyruvate peut
entraîner une hyperlactatémie (modérée), de même qu’une perturbation de la phosphorylation oxydative est
avancée.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Par voie digestive, absorption rapide, pic plasmatique < 2 heures, volume de distribution et fixation protéique
très faibles, le rendant accessible à l’hémodialyse.
Élimination rénale prédominante de la molécule mère et des principaux métabolites, demi-vie d’élimination spon-
tanée de 3 à 8 heures, prolongée à plus de 10 heures par le traitement antidotique.

● GRANDEURS TOXIQUES
En ingestion, chez un adulte, tableau toxique à partir de 10 mL de produit pur, risque létal à partir de 100 mL,
avec une très grande variabilité interindividuelle.

● RÉGULATION MÉDICALE
Utilité d’une médicalisation si l’ingestion remonte à moins de 6 heures par une équipe disposant de l’antidote
spécifique (fomépizole) ; à défaut, même en l’absence de signes de gravité, on peut discuter la prescription à
distance d’alcool éthylique en cas de délai long d’acheminement vers une structure d’urgence.
Médicalisation également des patients comateux et/ou en hyperventilation ; hospitalisation en service de
réanimation.

80
ÉTHYLÈNE GLYCOL II.17
2/4

● CLINIQUE
Après 4 à 12 heures de latence : troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales), troubles
neurologiques (céphalée, ébriété, nystagmus, somnolence, coma hypotonique, convulsions), polypnée d’acidose,
polyurie, soif ; les signes de dépression du système nerveux central peuvent être plus précoces en cas d’ingestion
massive.
12-24 heures après l’ingestion : possible tableau de myocardite (tachycardie, HTA, troubles du rythme – FA,
ESV –, insuffisance circulatoire aiguë, OAP), de myosite, de tétanie.
Entre la 24 et la 72e heure : tubulopathie aiguë anurique ou à diurèse conservée, atteintes neurologiques (œdème
cérébral, lésion du tronc cérébral).
2e et 3e semaines, suite à des formes graves : atteinte des paires crâniennes, déficits cognitifs, parfois définitifs.

● BIOLOGIE
Phase précoce, présence prépondérante de l’éthylène-glycol : existence d’un trou osmolaire (osmolarité mesurée
à l’osmomètre – osmolarité calculée), 1 g/L d’éthylène glycol générant 16 mOsmol ; la pratique de l’osmométrie
par la méthode du Δ-cryoscopique tend malheureusement à disparaître.
Phase plus tardive, présence prépondérante d’acides glycolique et glyoxylique : acidose métabolique à trou anio-
nique élevé, avec possible participation lactique, insuffisance rénale aiguë.
Attention aux artéfacts de mesure de la lactatémie par la méthode à la L-lactate oxydase sur certains appareils
à gazométrie, la méthode de référence étant celle à la lactico-déshydrogénase.
Doser la CK totale, la calcémie.
Rechercher des cristaux urinaires d’oxalate de calcium (associés à hématurie et protéinurie).

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


ECG systématique : rythme ? allongement de QT ?
Imagerie cérébrale devant tout tableau neurologique, en particulier chez le patient éthylique.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Elle confirme l’intoxication mais n’est pas rapidement accessible à tous les services d’urgence ; elle se fait par
méthode enzymologique ou en CPG et est rendue en 1 heure environ ; son suivi est à discuter selon la situation
(choix de l’antidote, possibilité ou non d’hémodialyse) ; une interférence de dosage avec le propylène-glycol est
possible.
L’idéal serait le dosage associé de l’acide glycolique, d’accès encore plus restreint.

81
II.17 ÉTHYLÈNE GLYCOL
3/4

● TRAITEMENT
Les indications sont :
■ une dose ingérée > 0,15 g/kg (0,135 mL/kg de produit pur),

■ ou une concentration sanguine > 3 mmol/L (1 g = 16 mmol),

■ ou un trou osmolaire > 10 mOsmol/L,

■ ou un trou anionique > 16 mmol/L (auquel peut participer une hyperlactatémie et/ou une cétonémie, notamment

chez le patient éthylique),


■ ou un pH < 7,30,

■ ou la présence de cristaux d’oxalates dans les urines.

Deux options se présentent :


Traitement antidotique chez le patient vu précocement, permettant d’éviter la survenue de la phase d’état : les
antidotes disponibles agissent par inhibition ou saturation de l’alcool déshydrogénase et empêchent ainsi la
fabrication des acides ; ceci peut permettre de surseoir à l’hémodialyse tout en prolongeant la demi-vie d’élimi-
nation de l’éthylène-glycol mais ne limite pas la toxicité des acides déjà présents.
Au mieux par fomépizole : 15 mg/kg en 45 min, puis 10 mg/kg/12 h en 30 min.
À défaut par alcool éthylique, avec un objectif d’éthanolémie à 1 g/L : 0,8 g/kg, puis 0,1 à 0,2 g/kg/h.
Ce traitement peut être interrompu lorsque la concentration plasmatique est mesurée ou estimée inférieure à
0,2 g/L.
Hémodialyse, épurant la molécule mère et les métabolites, corrigeant donc l’acidose, efficace aux 2 phases
caractéristiques de l’intoxication ; indispensable en l’absence d’antidote, gagnant cependant à être couplée à un
traitement antidotique dont la dose de relais doit être augmentée.
Un trou anionique très élevé (> 25 mmol/L) et/ou un pH < 7,20 et/ou une concentration plasmatique 6 0,5 g/L
sont prédictifs d’une évolution péjorative et imposent à la fois la prescription de bicarbonate de sodium (1 mmol/kg
avec risque de majoration de l’hypocalcémie et en évitant toute surcharge volémique du fait du risque d’anurie
et d’œdème pulmonaire), d’un antidote et de l’hémodialyse.
La vitamine B6 (500 mg IV puis 25 mg/kg en 3 heures) est proposée comme traitement adjuvant.
En cas de QT long et d’hypocalcémie, une supplémentation prudente est discutée (risque de précipitation rénale
de cristaux d’oxalate).
Interruption du traitement antidotique lorsque la concentration plasmatique est < 0,2 g/L ou le trou osmolaire
< 3 mOsm/L. Le traitement symptomatique général ne doit pas être occulté ; en cas de décision d’intubation
trachéale avec mise sous ventilation assistée, une alcalinisation préalable (1 à 2 mmol/kg), puis une hyperven-
tilation doivent être proposées (ces 2 mesures limitant le risque de majoration de l’acidose).

● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Clinique : état neurologique, rythme cardiaque et fonction myocardique.
Biologique : pH, lactate, trous osmolaire et anionique.
Peut se faire en UHCD en l’absence de nécessité de traitement, en unité de surveillance continue en cas de
décision de traitement antidotique, est obligatoire en réanimation en cas de nécessité de ventilation assistée
et/ou d’hémodialyse.

82
ÉTHYLÈNE GLYCOL II.17
4/4

● PRONOSTIC
Risque de décès si forme grave prise en charge tardivement.
Risque de séquelles rénales et neurologiques (paires crâniennes, cognition).

IMPORTANT
• Le tableau est retardé et prolongé
• Bien différencier les 2 phases de l’intoxication
• Surveiller les fonctions rénale, circulatoire et neurologique
• Pronostic vital pouvant être engagé, risque de séquelles rénales et au niveau des paires crâniennes

83
II.18 FUMÉES D’INCENDIE
1/4

En France, environ 230 000 incendies/an, faisant environ 10 000 victimes, dont 300 à 800 décès (80 % sont dus
à l’inhalation de fumées toxiques).
Incendie : dégradation thermique des matériaux par combustion (oxydation de combustibles, produisant chaleur,
fumées et gaz toxiques ; réduction de la pression partielle en O2) et pyrolyse (décomposition de substances
chimiques sous l’effet de la chaleur, avec production de gaz, suies et vapeur d’eau).

● SUBSTANCES DÉGAGÉES
CO (combustion incomplète de matériaux carbonés), HCN (combustion de polymères naturels ou synthétiques
azotés), H2S (combustion d’hydrocarbures, de gaz naturel) : anoxiants par blocage de la chaîne respiratoire
mitochondriale, et du transport de l’oxygène par l’hémoglobine pour le CO.
CO2 (combustion de matériaux contenant du carbone) : acidification du sang artériel, stimulation des centres
respiratoires avec augmentation de l’absorption des autres gaz toxiques, augmentation du débit sanguin cérébral.
Gaz irritants et suffocants, libérés en grandes quantités à la phase initiale de la dégradation thermique des
matériaux, entrainant surtout des lésions caustiques de l’arbre bronchique et des atteintes du parenchyme pul-
monaire (SDRA) :
■ aldéhydes (acroléine, formaldéhyde, butyraldéhyde, acétaldéhyde), produits par la dégradation des végétaux ;

■ acides minéraux (HCl, hF, hBr, produits par la dégradation du chlorure de polyvinyle ou PVC) : irritation oculaire,

des voies aériennes supérieures, toxicité pulmonaire, laryngospasme ;


■ dérivés azotés (NO, ammoniac, isocyanates, amines) ;

■ anhydrides (anhydride sulfureux – SO2 – par combustion de polyamides naturels comme la laine, la soie, le

cuir, anhydrides d’acides produits par la combustion de certains polyesters ou de phtalates plastifiants).
Suies (aérosols de microparticules d’hydrocarbures aromatiques et de carbone) ; s’hydratent et acquièrent des
propriétés caustiques au contact des muqueuses, avec obstruction bronchiolaire.
Vapeur d’eau : brûlure des voies aériennes.

● PHYSIOPATHOLOGIE
Il existe une anoxie liée à une perturbation de toutes les étapes de la cascade de l’oxygène :
■ confinement : privation en oxygène par diminution de la pression partielle en O2 (en particulier lors d’un incendie

en espace clos, une FiO2 < 10 % étant létale) et par inhalation de CO2 ;
■ effet shunt ou hypoventilation alvéolaire par les vapeurs caustiques, la brûlure thermique, les gaz suffocants ;

■ baisse du transport en oxygène : méthémoglobinémie, CO ;

■ blocage de la chaîne respiratoire mitochondriale : CO, H2S, HCN.

De plus :
■ altération des fonctions mentales et sensorielles, et du comportement de fuite (incapacitation), empêchant la

victime de se soustraire à l’atmosphère toxique et aux flammes ;


■ majoration de l’absorption des gaz toxiques par hyperventilation ;

■ effort physique pour se soustraire à l’atmosphère toxique ;

■ production massive de CO2 ;

■ stress, douleur (brûlures).

84
FUMÉES D’INCENDIE II.18
2/4

● RÉGULATION MÉDICALE
Des moyens sapeurs-pompiers doivent être mobilisés systématiquement : détection et mesure du CO atmosphé-
rique, mesures d’évacuation et protection.
Une équipe médicale sera engagée devant des signes de gravité et/ou pour faire le tri en cas d’intoxication
collective, avec des sujets exposés aux fumées d’incendie sans intoxication par les gaz asphyxiants et irritants
et des sujets exposés et réellement intoxiqués ; penser alors à se munir de détecteurs atmosphériques de CO,
attention au risque d’exposition des secouristes
Les effets toxiques du CN (cyanure) sont quasi-immédiats après inhalation. La médicalisation est systématique
avec emport d’hydroxocobalamine.
Les formes graves (coma, insuffisance circulatoire) sont adressées en réanimation, les formes modérées en
structure de médecine d’urgence.
La confirmation d’une intoxication au CO chez une femme enceinte peut justifier un transport direct vers un
centre doté d’un caisson hyperbare.

● CLINIQUE
Présence de suies sur le visage, dans les voies aériennes supérieures (nez, bouche) et les crachats en faveur
d’une inhalation de fumées et d’un risque de toxicité systémique des gaz asphyxiants ; l’absence de suies a une
grande valeur prédictive négative d’inhalation de fumées.

Signes de privation en oxygène et d’intoxication par les gaz asphyxiants


■ Signes neuropsychiatriques : ralentissement idéomoteur, confusion, agitation, incoordination motrice, perte de
connaissance, coma ; évoquent en 1er lieu le monoxyde de carbone (II.28), en 2e lieu les cyanures.
■ Signes cardiovasculaires : diminution de la TA voire collapsus, augmentation de la fréquence cardiaque avec
extrasystoles ventriculaires, arrêt cardiorespiratoire ; association hypotension artérielle < 100 mmHg + trouble
neurologique évoque intoxication aux cyanures (II.15) avec une spécificité de 85 % ; possible évolution d’un
état asphyxique.

Signes d’intoxication par les gaz irritants


■ Signes oculaires : conjonctivite, ulcérations cornéennes superficielles
■ Signes respiratoires (50 % des victimes) : insuffisance respiratoire aiguë par réaction inflammatoire des voies
aériennes supérieures (dysphonie, stridor), hyperréactivité et encombrement bronchiques (ronchi ou râles sibi-
lants), SDRA ; bradypnée et arrêt respiratoire dans les formes très sévères (épuisement respiratoire, souffrance
neurologique anoxique ± atteinte hémodynamique ischémique).
Certains gaz irritants peuvent aussi avoir une toxicité systémique
■ Benzène : céphalée, somnolence, nausées, vertiges, délire, collapsus cardiovasculaire, OAP lésionnel, arrêt
respiratoire.
■ Nitrométhane : méthémoglobinémie (II.27) avec risque d’hémolyse, insuffisance rénale aiguë, SDRA.
■ Possibilité de séquelles fonctionnelles neurologiques (syndrome postintervallaire) et respiratoires (insuffisance
respiratoire chronique par hyperréactivité bronchique, asthme, bronchiolite, bronchiectasies).

85
II.18 FUMÉES D’INCENDIE
3/4

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
CO sur air expiré précoce, simple, outil de tri, initiation du traitement, mais mesure pouvant être peu fiable dans
les conditions d’urgence.
CO et CN sur sang total peu accessibles en routine.
Absence de parallélisme strict entre mesure du CO et gravité de l’intoxication.
Biologie : Gaz du sang avec spectre de l’hémoglobine (HbCO, MetHb), lactatémie (corrélation directe à la concen-
tration en CN), fonction rénale, ionogramme ; acidose métabolique fréquente, multifactorielle.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
TDM nettement supérieure à la radiographie thoracique (condensations alvéolo-interstitielles mal limitées et
disséminées).
Fibroscopie bronchique (systématique en cas de signes de gravité) : présence de suies, hyperémie, œdème,
hémorragie, ulcérations muqueuses.
Explorations fonctionnelles respiratoires initiales : VPN de 94-100 %, hyperréactivité bronchique non spécifique.

● TRAITEMENT
■ Débuté sur les lieux de l’incendie, avec soustraction des victimes à l’atmosphère toxique et administration
précoce d’O2 à fort débit au masque à haute concentration (saturation de l’hémoglobine fonctionnelle, aug-
mentation de l’O2 dissous).
■ Indications larges d’intubation trachéale précoce et de ventilation artificielle en présence de signes de gravité
neurologiques, respiratoires ou circulatoires, également en présence de suies au niveau des voies aériennes
supérieures, prédictives de brûlures de l’arbre trachéobronchique et d’intoxication systémique.
■ Garder à l’esprit le risque d’insuffisance respiratoire retardée de quelques heures.
■ Agents β-2-mimétiques en inhalation en cas de bronchospasme.
■ Traitement spécifique de l’intoxication au monoxyde de carbone (II.28) et aux cyanures (II.15).
■ Corticoïdes en cas de bronchospasme réfractaire au traitement par inhalation.
■ Aucune indication d’antibioprophylaxie.

86
FUMÉES D’INCENDIE II.18
4/4

● SURVEILLANCE
■ Immédiate : hospitalisation d’au moins 24 heures en cas d’inhalation de fumées (signes retardés) ; en cas de
dysphonie, d’anomalies auscultatoires pulmonaires, hospitalisation de plusieurs jours (évolution possible vers
une bronchopneumopathie chimique).
■ À distance : consultation de suivi à un mois en cas d’inhalation de fumées (bilan de l’intoxication par asphyxiants,
séquelles d’intoxication par CO ou CN, syndrome postintervallaire, suivi des EFR, recherche d’une hyperréactivité
bronchique non spécifique).

IMPORTANT
• Exclusion de l’intoxication en cas d’absence de suies au niveau des voies aériennes supérieures ou de crachats
et de CO expiré bas
• Traitement par administration précoce d’oxygène à fort débit
• Indications larges d’intubation trachéale précoce et de ventilation assistée en présence de signe de gravité
neurologique ou respiratoire
• Ne pas oublier les traitements spécifiques de l’intoxication aux ions cyanures ou au CO
• Hospitalisation d’au moins 24 heures (risque évolutif respiratoire)

87
HERBICIDES À BASE
II.19 DE GLYPHOSATE
1/2

Préparations herbicides à large spectre. Gammes de produits variées en concentrations et en formulations. À ce


jour, le « ROUNDUP® » historique a été décliné et complété commercialement par plusieurs centaines de réfé-
rences qui ont été ou sont encore disponibles. Toutes associent notamment :
+ + +
■ un sel de glyphosate, le plus souvent, sels d’isopropylamine, mais aussi de NH3 , de Na et de K : entre 3 à

7 g/L (produits grand public) à 360 g/L (formulations concentrées, généralement professionnelles) ;
■ un surfactant : les plus préoccupantes des molécules restent les amines grasses de suif éthoxylées (poly-

ethoxylated tallow amine [POEA]) le plus souvent concentrées à 15 % (entre 0,4 % à 76 %, fonction de la
concentration du sel de glyphosate).
Les tableaux systémiques sont observés dans 3 % des cas, avec 7,5 à 17 % de mortalité, quasi exclusivement
en conséquence d’ingestions suicidaires de formes concentrées. La gravité est bien corrélée à la présence de
POEA, mais la nature et la concentration du surfactant n’est pas indiquée sur l’emballage des produits (intérêt
d’identifier le produit).
Les mécanismes toxiques restent discutés : possible perturbation des mécanismes énergétiques cellulaires, toxi-
cité myocardique directe (états de choc sans hypovolémie) dans laquelle le surfactant est très probablement
impliqué. Le décès survient généralement dans les 48 à 72 heures, du fait d’un état de choc réfractaire et de
ses conséquences réalisant une atteinte multiviscérale.

● TABLEAU CLINIQUE

Signes irritatifs de « porte d’entrée », non spécifiques


■ Voie respiratoire (inhalation d’aérosols) : toux, irritation des voies aériennes. Effets systémiques non attendus.
■ Voie cutanée : fonction de la durée du contact, de la concentration et de la formulation. Effets systémiques
non attendus.
■ Œil : conjonctivite et kératite possibles sans décontamination précoce.
■ Digestif. Signes hauts : sensation de brûlure, douleurs, hypersalivation, érythème, ulcérations. Signes bas :
nausées, vomissements, diarrhées retardées (pertes hydroélectrolytiques pouvant être importantes), douleurs
abdominales. Lésions digestives attendues de bas grades (à l’endoscopie, seuls des stades 1, 2a et 2b sont
retrouvés, pas de perforation). Jusqu’à preuve du contraire, signes systémiques à craindre : immédiats ou après
une latence de quelques heures (jusque 5 heures), fonction de la dose et de la formulation (concentration, POEA).

● EFFETS CARDIOVASCULAIRES ET LEURS CONSÉQUENCES


Risque d’état de choc par mécanisme mixte : hypovolémie (pertes digestives) et probable atteinte myocardique
directe (effet inotrope négatif de la POEA). ECG modifié dans 20 % des cas (tachycardie, modification du segment
ST, bradycardie, dysrythmies intraventriculaires, BAV, ESV).
Conséquences : hypoperfusion d’organe/bas débit : sur le système nerveux central (confusion, coma voire convul-
sions), sur le rein (oligoanurie voire insuffisance rénale aiguë, néphrotoxicité directe de la POEA probable), sur le
foie (hépatite sans cholestase).
Atteinte métabolique : acidose métabolique hyperkaliémique dans près de la moitié des cas d’ingestion de formes
concentrées.
Seuils : formulation concentrée : atteinte systémique à craindre devant toute ingestion de plus de 0,5 mL/kg.
Pronostic vital engagé à partir 150 mL de solution concentrée ingérée par un adulte.
Pas d’intérêt pronostique des dosages du glyphosate dans le sang ou les urines. Aucun intérêt du dosage des
cholinestérases (glyphosate = molécule de structure « organophosphoré » mais SANS activité
anticholinestérasique).

88
HERBICIDES À BASE
DE GLYPHOSATE II.19
2/2

● PRISE EN CHARGE
Essentiellement symptomatique. VVP, monitorage cardiovasculaire permanent durant au moins 6 heures. Diurèse
horaire. ECG. Suivi de l’équilibre acido-basique, de la kaliémie (acidose métabolique hyperkaliémique et formu-
lations à partir de sels potassiques de glyphosate). Maintien non spécifique des fonctions vitales : remplissage
prudent et amines pressives adaptées, alcalinisation. Orientation en réanimation/soins intensifs si DSI > 0,5 mL/kg
de formulation concentrée. Laisser à jeun, IPP. Bilan lésionnel par fibroscopie digestive dès 25 mL de solution
concentrée ingérée. Radiographie thoracique : recherche d’une pneumopathie de déglutition (fréquente), syndrome
interstitiel, surcharge, OAP.

● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Décontamination non spécifique de toute projection oculaire ou cutanée. Aspiration digestive à discuter pour les
ingestions de volumes importants de formes concentrées. Pas d’intérêt du charbon activé. Pas d’antidote (aucun
intérêt des oximes ou de l’atropine). Pas d’indication d’épuration (hémodialyse pour palier au défaut de la fonction
rénale ou traiter une hyperkaliémie menaçante).

● PRONOSTIC
Dose ingérée, formulation (concentration, présence de POEA), acidose métabolique, hyperkaliémie et âge avancé.

89
II.20 INHIBITEURS CALCIQUES
1/2

Antiarythmiques de classe IV, ils bloquent les canaux calciques lents indispensables à la genèse et à la conduction
du potentiel d’action dans le tissu cardiaque et les cellules musculaires lisses vasculaires. Leurs indications en
cardiologie sont assez larges ; HTA et angor sont les plus fréquentes. L’intoxication aiguë n’est pas très fréquente,
mais elle peut être d’une extrême gravité ; il est important de ne pas prendre de retard sur sa prise en charge.
Les molécules sont nombreuses, les plus connues sont amlodipine, bépridil, diltiazem, nicardipine, nifédipine et
vérapamil (la plus toxique). La forme galénique habituelle est la forme en comprimé. Des formes à libération
prolongée sont disponibles.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
À doses toxiques, toutes les molécules ont un effet inotrope négatif à l’origine d’un état de choc cardiogénique
et un effet vasodilatateur périphérique à l’origine d’un choc vasoplégique. Certaines différences de sélectivité
tissulaire s’atténuent à doses toxiques. Il n’y a pas de bonne corrélation entre dose ingérée et gravité.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Variables d’une molécule à l’autre. L’absorption digestive est généralement complète en quelques heures. Les
symptômes peuvent apparaître en moins de 6 heures pour les formes simples et jusqu’à la 24e heure pour du
vérapamil à libération prolongée. Un état de choc ou une asystolie peuvent survenir dès les premières heures.

● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation systématique précoce. Le risque majeur est cardiovasculaire : tout retard à la prise en charge
peut être préjudiciable. Discuter l’emport éventuel de traitements habituellement non disponibles en Smur :
glucagon à fortes doses, insuline à fortes doses, émulsions lipidiques. Prévoir la mise en place éventuelle d’une
circulation extracorporelle. Admission systématique et directe dans une unité de soins intensifs cardiologiques
ou dans un service de réanimation ; pas d’admission dans une structure d’urgence.

● CLINIQUE
Les signes cardiovasculaires dominent : bradycardie, hypotension artérielle, jusqu’à choc cardiogénique réfractaire
et asystolie.
Signes neurologiques : confusion, agitation, coma, convulsions, souvent conséquences de l’hypoperfusion
cérébrale.
Des troubles digestifs (nausées, vomissements) peuvent être présents.

● BIOLOGIE
Troubles acidobasiques et rénaux, conséquences de l’hypotension artérielle, d’un état de choc.
L’hyperglycémie, témoin de la baisse de la sécrétion pancréatique d’insuline et d’une insulinorésistance périphé-
rique, semble être un bon marqueur pronostique de gravité.

90
INHIBITEURS CALCIQUES II.20
2/2

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Dosage non disponible en routine. Pas d’intérêt décisionnel.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
ECG répétés systématiques.

● TRAITEMENT
■ Du charbon activé en dose unique peut être donné dans l’heure en l’absence de contre-indication.
■ Le traitement est pour l’essentiel symptomatique.
■ Oxygénothérapie au masque à haute concentration ou après intubation.
■ Atropine 0,5 à 1 mg IV si bradycardie sinusale ou BAV.
■ Remplissage prudent sans dépasser 1 000 mL.
■ Amines pressives : adrénaline, noradrénaline, dobutamine, en fonction de l’évolution clinique et de la réponse
au remplissage. Un guidage hémodynamique est essentiel dès que possible.
■ Chlorure de calcium, dont l’efficacité n’est pas formellement prouvée : 1 g IV en 15-20 min, sans dépasser 4 g.
Proposé en général en cas d’échec des amines pressives.
■ Un état de choc réfractaire, une asystolie, doivent faire discuter sans tarder la mise en place d’une assistance
circulatoire.
■ Certains traitements spécifiques sont discutés :
• hyperinsulinémie euglycémique : le rationnel est de remettre le myocarde dans un environnement métabolique
favorable en s’opposant à l’insulinorésistance des inhibiteurs calciques. 1 UI/kg en bolus, puis 0,5 UI/kg/h
en perfusion, en association à du sérum glucosé et du potassium. Thérapeutique difficile à mettre en œuvre
en préhospitalier et dont la place est encore mal définie : traitement initial ou dernier recours ?
• glucagon : 5-10 mg en bolus IV, puis 2-5 mg/h en cas d’efficacité. Traitement coûteux et grosses doses
souvent peu disponibles. Faible niveau de preuve d’efficacité ;
• émulsions lipidiques (Intralipid®) : utilisation inspirée de leur rôle dans les effets cardiaques des anesthésiques
locaux. Très faible niveau de preuve d’efficacité.

● PRONOSTIC
Intoxication grave dont l’évolution dépend de la qualité et de la précocité de la prise en charge. Le décès est
possible dans les formes graves.

IMPORTANT
• Risque cardiovasculaire : état de choc, asystolie
• Médicalisation précoce systématique
• Des traitements spécifiques sont discutés
• La mise en place d’une assistance circulatoire peut être envisagée

91
INSECTICIDES PYRÉTHRINOÏDES
II.21 DE SYNTHÈSE
1/2

Les pyréthrinoïdes de synthèse (PYR) constituent aujourd’hui la famille chimique la plus largement rencontrée,
tant en usage professionnel que grand public. Leurs nombreux avantages l’expliquent :
■ insecticides de contact, de large spectre, de bien meilleure stabilité que les pyrèthres naturels dont ils sont

synthétiquement dérivés ;
■ bien moins toxiques chez les mammifères que les grandes classes historiques (organophosphorés,

organochlorés) ;
■ grande sélectivité sur la cible (jusqu’à 15 000 fois plus toxiques chez l’insecte que chez les mammifères),

autorisant leur utilisation efficace chez l’insecte à des doses négligeables pour les autres animaux et l’Homme.
Plusieurs dizaines de molécules sont autorisées (presque toutes repérables par leur suffixe « -thrin »), toutes
liposolubles : les formulations liquides contiennent nécessairement des solvants non aqueux (ex : dérivés pétro-
liers) ou des solubilisants dans l’eau (ex : éthers de glycols) adjuvés parfois de tensio-actifs. Solutions prêtes à
l’emploi ou concentrées à diluer, bombes aérosols sous pression, diffuseurs électriques, spirales à combustion,
poudres, granulés dispersibles, plaquettes imprégnées sont autant de présentations possibles adaptées à des
usages très larges : biocides (insecticides domestiques [contre volants, rampants, mites, cafards, etc.], lutte
antivectorielle [paludisme, chikungunya...], xyloprotecteurs...), phytopharmaceutiques (protection et traitement des
végétaux, des semences), thérapeutique humaine (pédiculoses, scabiose) et vétérinaire (traitement ectoparasi-
taire). Certains dispositifs à libération autonome produisent des brouillards (fogger) pour traiter les espaces clos.
Les produits professionnels sont plus bien plus concentrés que les insecticides ménagers (25 à 30 % contre très
souvent moins de 0,5 %). Certaines préparations contiennent un synergisant : le butoxyde de bipéronyle inhibe
les voies microsomales de dégradation du PYR chez l’insecte (cytochrome P450), sans effets significatifs chez
l’homme.

● MÉCANISME D’ACTION
■ Après déclenchement d’un potentiel d’action, prolongation de l’ouverture des canaux sodiques voltage-dépen-
dants neuronaux en se liant à ceux-ci en position ouverte : allongement du temps de dépolarisation, décharges
répétitives (voies sensitives).
■ À doses massives : risque de défaut de repolarisation, suivi de libération de neuromédiateurs, voire blocage de

la conduction nerveuse. Un effet GABAergique explique le risque de convulsion.


Classés selon leurs radicaux chimiques, les PYR de « groupe I » (alléthrine, bifenthrine, bioalléthrine, fénothrine,
perméthrine, phénothrine, téfluthrine, tétramethrine...) sont moins toxiques que celles du « groupe II » (alphamé-
thrine, deltamétrine, cyfluthrine, cyperméthrine, etc.).

● TOXICOCINÉTIQUE, BIODISPONIBILITÉ
Pénétration cutanée très limitée (de l’ordre de 1 à 2 %), suivie d’une probable métabolisation intradermique
rapide.
Respiratoire : seuls poudres et aérosols sont concernés (les PYR ne sont pas volatils) : absorption négligeable.
Digestif : absorption limitée (par exemple, cypermethrine : environ 35 %), suivie d’une hydrolyse, puis d’une
oxydation microsomiale rapide, surtout hépatique (métabolites de toxicité moindre conjugués puis éliminés dans
les urines). Pas de stockage, ni de bioaccumulation.

92
INSECTICIDES PYRÉTHRINOÏDES
DE SYNTHÈSE II.21
2/2

● EFFETS CLINIQUES
Ce sont les conséquences des préparations commerciales, pas uniquement celles des seules PYR, substances
actives de celles-ci.
■ Effets « porte d’entrée », du fait du caractère irritant des préparations :

• peau et œil : érythème de contact, conjonctivite (rares kératites au décours de temps de contact prolongé),
larmoiement, rhinite,
• voies respiratoires : gêne respiratoire, toux irritative. Bronchospasme chez le bronchosensible ; crise d’asthme
chez l’asthmatique. Possible asthme allergique chez l’exposé récurrent sensibilisé,
• digestif : nausées/vomissements, douleurs digestives hautes, rares diarrhées.
■ Effets neurologiques :

• postexposition cutanée : effets locaux seuls par atteinte des terminaisons nerveuses périphériques, assez
bien limités aux topographies exposées : paresthésies entre H1 et H2 postexposition. Sensation de picotement,
d’engourdissement, de chaleur, (effets volontiers majorés par la stimulation locale : grattage, chaleur, sueur...),
• postingestion : effets généraux, typiquement suite à l’ingestion suicidaire d’un large volume d’une préparation
concentrée, a fortiori avec les PYR de « groupe II » : salivation, tremblements, fasciculations voire clonies,
convulsions. Vertiges, dépression du SNC (somnolence jusqu’au coma, dose dépendant). S’ils sont présents,
les solvants pétroliers contribuent avec leurs effets propres (inhalation et pneumopathie, dépression du
système nerveux central). De rares allongements de l’intervalle QT ont été rapportés dans les ingestions de
volumes importants de préparations concentrées.
Les effets neurologiques généraux sont l’apanage des seules ingestions. Les ingestions accidentelles de faibles
volumes sont généralement suivies de seuls troubles digestifs chez l’adulte.
Diversité des isoformes des canaux Na+ et faible biodisponibilité du toxique sur les sites d’actions neurologiques
expliquent la faible toxicité observée chez les mammifères.

● PRISE EN CHARGE
Avant tout symptomatique. Rares ingestions de larges volumes de formes concentrées : VVP, tracé ECG puis
monitorage et maintien des fonctions vitales. Craindre les conséquences de l’abaissement du seuil d’excitabilité
neuronale : diazépam pour traiter les convulsions (situation exceptionnelle, intoxication généralement auto-
infligée). Intérêt de faibles doses d’atropine devant une hypersalivation significative.
Traitement topique à base de vitamine E proposé pour traiter les paresthésies cutanées. Protection du tube
digestif (collation, pansement digestif) pour les ingestions de faibles quantités.
Globalement, très bon pronostic. Cas particulier des expositions respiratoires chez le broncho-sensible (poudre
ou aérosolisation, a fortiori avec les foggers) : prise en charge non spécifique de la décompensation broncho-
respiratoire. Intérêt de tests de provocation à distance.

● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Traitement évacuateur par décontamination locale (cutanée, oculaire). Pas d’intérêt du charbon activé per os
(contre-indiqué pour les préparations solvantées). Discuter l’intérêt d’une aspiration digestive précoce lors des
ingestions massives, notamment de PYR du « groupe II », en protégeant les voies aériennes.
Aucun antidote. Pas d’intérêt de traitement épurateur. Aucun intérêt de dosage en clinique courante, même pour
les tableaux sévères.

93
II.22 INSULINE
1/3

Les formes galéniques vont de formes « rapides » à d’autres « ultralentes » ; les profils toxicocinétique et toxi-
codynamique seront donc extrêmement variables, du fait également de la voie d’administration utilisée.
Les intoxications, selon l’intentionnalité et la voie d’administration, revêtiront schématiquement trois aspects :
■ surdosage simple chez un patient diabétique, par erreur de dose, défaut d’alimentation ou insuffisance rénale

progressive : c’est le cas de très loin le plus fréquent ;


■ intoxication volontaire par voie sous-cutanée chez un patient diabétique ou un membre de son entourage ;

■ intoxication volontaire par voie intraveineuse par un personnel de santé.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Les risques sont une hypoglycémie potentiellement profonde et prolongée, associée à une hypokaliémie et à une
hypomagnésémie de transfert.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Par voie intraveineuse, la biodisponibilité est instantanée et complète. Par voie sous-cutanée, l’absorption est
progressive et dépendante à la fois de la galénique et de la qualité du tissu sous-cutané.

● GRANDEURS TOXIQUES
Il n’est pas possible de définir une dose hypoglycémiante pour un sujet non diabétique donné ; le sujet éthylique
ou alcoolisé est plus particulièrement susceptible de présenter un tableau toxique (baisse de la réponse contra-
insulinique, baisse des réserves hépatiques en glycogène).
La sensibilité des sujets diabétiques traités est quant à elle très variable ; leur réponse contra-insulinique est
également diminuée et une insuffisance rénale peut jouer un rôle.

● RÉGULATION MÉDICALE
Évoquer l’intoxication chez un patient diabétique, mais également dans son entourage.
L’impasse d’un repas chez un patient diabétique est souvent la cause d’un surdosage relatif, cette donnée
d’anamnèse consolidant le diagnostic.
Stimuler des prises glucidiques orales (solides ou liquides) chez le patient symptomatique non comateux.
S’enquérir de la disponibilité de Glucagon, à administrer par le patient, l’entourage, l’infirmier habituel, un médecin
de proximité...
Déclencher une médicalisation en cas de trouble de conscience ne permettant pas des apports glucidiques oraux.
Orientation au minimum en unité de surveillance continue des formes suicidaires.

94
INSULINE II.22
2/3

● CLINIQUE
C’est celle d’une hypoglycémie ; les sueurs sont quasi-constantes et doivent alerter y compris chez un sujet non
diabétique (diagnostic différentiel d’une lipothymie/syncope vagale par exemple).
Rechercher une trace d’injection intraveineuse ou sous-cutanée.
Le tableau s’installe très rapidement après une injection intraveineuse.
Les effets apparaissent après un délai variable pour la voie sous-cutanée (1 à 2 heures), leur durée est extrê-
mement variable également, pouvant persister plusieurs jours y compris en cas de forme « rapide ».
Un patient asymptomatique à H6 n’est pas intoxiqué.

● BIOLOGIE ET ANALYSE TOXICOLOGIQUE


Ces deux approches se confondent dans cette situation, le toxique mimant un biomarqueur.
Les mesures utiles immédiatement sont la glycémie, la kaliémie, la magnésémie et la créatininémie ; la glycémie
capillaire doit être suivie toutes les 30 minutes dès le patient symptomatique, puis toutes les 1 puis 2 heures
après stabilisation.
Celle de l’insulinémie est sans intérêt pour la prise en charge immédiate et la concentration serait très mal
corrélée au tableau clinique ; en revanche, son dosage, associé à celui du peptide C, pourrait être indiqué pour
faire la preuve d’une hypoglycémie « factice » (concentration élevée d’insuline et bas de peptide C).

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


L’ECG peut ne pas refléter la profondeur de l’hypokaliémie de transfert. TDM puis IRM : dans les formes comateuses
prolongées et sévères apparaissent des lésions corticales épargnant le lobe frontal, des lésions des amygdales
et des hippocampes, ainsi que des lésions des noyaux lenticulaires et caudés.

● TRAITEMENT
Le traitement spécifique ne s’initie que chez un patient symptomatique :
■ glucagon (1 mg IM) pouvant précéder la pose d’une voie veineuse ;

■ Apports glucidiques :

• oraux si possibles,
• intraveineux hypertoniques à défaut :
– ceci peut nécessiter rapidement la pose d’un abord veineux profond en cas de geste suicidaire (besoins
glucidiques à prévoir élevés et prolongés),
– tenter d’adapter le débit glucidique de base plutôt que de procéder par réinjections de bolus,
– attention, des apports trop importants peuvent stimuler l’insulinosécrétion endogène.
Apports en potassium et en magnésium adaptés, corrélés à la fonction rénale.
Une excision chirurgicale du tissu sous-cutané infiltré a été décrite.
Pas d’indication à une épuration rénale ou extrarénale.

95
II.22 INSULINE
3/3

● SURVEILLANCE
Clinique continue, glycémie capillaire à 30 minutes puis élargie, kaliémie à 2 h puis élargie.
Sevrage progressif des apports IV et reprise des apports oraux.
Retrait de la voie IV le matin.

● PRONOSTIC
Séquelles neurologiques pouvant aller jusqu’à un état végétatif en cas de prise en charge trop tardive d’une
hypoglycémie très profonde.
Risque de décès non nul.

IMPORTANT
• Y penser chez un sujet non diabétique
• Surveiller la kaliémie
• Savoir faire la preuve d’une hyperinsulinémie factice

96
IRRITANTS, MOUSSANTS
ET CORROSIFS II.23
1/8

Un corrosif, encore communément appelé « caustique » en France, est un produit capable d’engendrer la lésion
de tissus sains de manière quasi-instantanée ou après quelques minutes de contact. Cette capacité à détruire
est conférée par un pouvoir réactionnel important : cette réactivité chimique dépend de la nature des molécules
et des radicaux chimiques impliqués, de leur concentration, de la quantité en cause, des gradients (ioniques et
osmotiques) et du pouvoir hygroscopique in situ.
De réactivité bien moindre, un irritant reste en capacité de léser, à condition d’une durée de contact prolongée,
généralement de plusieurs heures. Un temps de contact plus court conduit à une réaction inflammatoire locale.
Les produits moussants sont généralement formulés à partir de tensio-actifs non-ioniques et anioniques, dont
les savons. Leur capacité d’adsorption à l’interface air-eau permet la dispersion d’un volume important d’air dans
un faible volume de solution : ils « moussent » en présence d’eau. Leur réactivité chimique est faible aux concen-
trations usuelles ; ils sont donc irritants, mais la présence d’autres substances chimiques dans certaines formu-
lations peut les rendre à la fois moussants et corrosifs (Ex : liquides de rinçage lave-vaisselle professionnels).
Nombre de produits manufacturés sont concernés, produits ménagers compris. Des spécialités d’usages pourtant
identiques peuvent présenter des formulations sensiblement différentes. Les formulations d’un même nom
commercial évoluent dans le temps.
L’intérêt décisionnel des mentions réglementaires présentes sur l’étiquette (« corrosif » versus « irritant ») s’est
nettement amoindri depuis le nouveau règlement international harmonisé (GHS).
Si l’usage nominal d’un produit manufacturé peut orienter vers son profil chimique, l’application systématique
d’un raisonnement « de classe » ou « de famille » est risqué pour le patient : il convient de considérer la formulation
réelle, idéalement en identifiant le produit commercial en cause pour demander un avis spécialisé.

● PRODUITS CONCERNÉS
Le tableau suivant présente quelques critères de classement et des exemples concrets d’usages (liste indicative,
largement ouverte).

Exemples Niveau Seuils Exemples


de propriétés lésionnel ou concentrations
ou de fonctions
chimiques

Solutions Corrosif Gammes de pH Bases fortes : lessive de soude, soude en paillettes, etc.
aqueuses : extrêmes : Déboucheurs de canalisations alcalins (ions OH- : KOH
gradients de ■ fortement basiques ou NaOH)
concentration (pH 6 12,5) Nettoyants pour vitres d’inserts/fours (ions OH- : KOH ou
ionique (H+ et ■ fortement acides NaOH)
OH-) (pH ^ 1,5) Produits de lavage de la vaisselle pour automates
(échelle professionnels
logarithmique) Acides forts : solutions du commerce d’HCl, de H2SO4
Déboucheurs de canalisations acides (H2SO4 : pH < 1)
Détartrants non dilués (acides forts ou faibles,
pH < 1,5)
Ajusteurs de pH pour piscines
Liquides de rinçage pour automates à vaisselle
professionnels

97
IRRITANTS, MOUSSANTS
II.23 ET CORROSIFS
2/8

Exemples Niveau Seuils Exemples


de propriétés lésionnel ou concentrations
ou de fonctions
chimiques

Irritant Solutions aqueuses de Très nombreux produits :


pH intermédiaire : – détartrants pour appareils domestiques (à la dilution
> 1,5 et < 12,5 à l’usage)
– la plupart des produits nettoyants : produits
vaisselle, savons, lessives ménagères, nettoyants de
surfaces non professionnels, etc. (...)
Cf. tensioactifs en fin de tableau

Pouvoir oxydant Corrosif Peroxydes concentrés Eau oxygénée à 30 volumes (Ex : décolorants
capillaires)
Solutions
d’hypochlorite Certains produits antimousse/antifongiques
concentrées professionnels pour le nettoyage de la pierre,
des toitures et des surfaces minérales
Permanganate de
potassium Réactifs de laboratoire, produits industriels
(KMnO4) concentré

Irritant Peroxyde dilué Eau oxygénée à 10 volumes : solution d’usage médical


Hypochlorite de « Eau de javel » ménagère en bidon ou en berlingot
sodium dilué Dakin®
Permanganate de
potassium dilué

Ammoniaque Corrosif Solutions domestiques de type « Alcali »

Ammoniums Corrosif Solutions concentrées Antimousse, fongicides pour traitement de terrasses,


quaternaires (> 8 %) de toitures, d’allées. Algicides pour piscines
Biocides concentrés : désinfectants professionnels
pour le linge

Irritant Solutions peu Biocides prêts à l’emploi (désinfectants d’usage en


concentrées (< 8 %) milieux de soins, par exemple de surfaces)
Certaines lessives ménagères ou produits nettoyants
de surfaces aux allégations « désinfectantes »

98
IRRITANTS, MOUSSANTS
ET CORROSIFS II.23
3/8

Exemples Niveau Seuils Exemples


de propriétés lésionnel ou concentrations
ou de fonctions
chimiques

Phénols Corrosif Solutions concentrées Réactifs de laboratoires, fixateurs histologiques


(> 10 %) Usage thérapeutique (lyse tissulaire chimique...)
Certaines solutions de Peeling
Intermédiaires de synthèse dans l’industrie

Irritant Solutions peu Conservateurs pour préparations pharmaceutiques


concentrées (< 10 %)

Aldéhydes Corrosif ou Fonction de la Intermédiaires de synthèse dans l’industrie, biocides


irritant concentration et conservateurs (industrie pharmaceutique, industrie
cosmétique), fixateurs de préparations histologiques

« Solvants » Irritant Solvants aliphatiques, Usages très larges, ubiquitaires : carburant moteurs
ramifiés ou non, à explosion, diluants, nettoyants, etc.
aromatiques,
substitués ou non,
halogénés ou non,
cétones, alcools (...),
éthers, esters (...)

Tensio-actifs Irritant Dérivés sulfatés Produits de détergence, nettoyants de surfaces,


non ionique et moussant (laurylsulfates ») cosmétiques (savons, shampooings), etc.
anioniques Alcools gras éthoxylés

f PROJECTION CUTANÉE
● CLINIQUE
Brûlure chimique immédiate pour les corrosifs, lésion progressive, retardée pour les irritants et les irritants-
moussants, d’intensité fonction de la durée de contact.
Les lésions les plus graves peuvent être indolores (hypoesthésie par destruction des terminaisons nerveuses).
Conceptuellement, les acides sont censés conduire à une coagulation « de surface », limitant la progression des
lésions, à la différence des bases qui réalisent des lésions creusantes, en profondeur. Les oxydants blanchissent
souvent la peau et les muqueuses, avec sensation de peau « cartonnée ». Certains produits colorent intrinsèque-
ment les téguments, rendant plus difficile l’appréciation lésionnelle. Cliniquement, sont possibles : érythème,
œdème, décollement dermoépidermique (phlyctènes, bulles) et ulcérations.

99
IRRITANTS, MOUSSANTS
II.23 ET CORROSIFS
4/8

● PRISE EN CHARGE
Décontamination sans aucun retard, sur place, à l’eau courante (III.13). Pour les corrosifs, les minutes comptent :
engager la décontamination dès la régulation médicale. Au besoin, déshabiller la victime des vêtements conta-
minés. Proscrire toute neutralisation.
Les bénéfices de la décontamination sont doubles : évacuer mécaniquement le toxique et diminuer la concen-
tration in situ et donc le pouvoir lésionnel.
Secondairement, les lésions sont traitées à l’identique d’une brûlure thermique de degré correspondant : d’un
traitement topique simple à la prise d’un avis chirurgical spécialisé (degré des lésions, étendue et topographie).
La réévaluation systématique à 48 heures des lésions induites par corrosifs alcalins est nécessaire (risque d’évo-
lutions péjoratives secondaires).
Certains corrosifs bien absorbés par voie transcutanée sont en capacité d’induire des effets neurologiques locaux
ou systémiques. Par exemple, les fluorures (dont l’acide fluorhydrique) et les oxalates (dont l’acide oxalique)
piègent les ions Ca2+ à l’origine de douleurs neurogènes séquellaires, retardées. Une prise en charge spécifique
en urgence avec avis spécialisé est nécessaire.

f PROJECTION OCULAIRE
● CLINIQUE
Les irritants ne réalisent généralement que des conjonctivites. Des kératoconjonctivites ou des kératites sont
possibles (durée de contact prolongée, décontamination mal menée ou retardée). Les corrosifs les plus agressifs
réalisent des lésions de la cornée en quelques dizaines de secondes. Les lésions les plus superficielles se limitent
à des kératites ponctuées superficielles, les plus sévères réalisent des ulcérations, voire des zones d’ischémie
ou de nécrose. La sémiologie de ces atteintes n’est généralement pas spécifique même si les ophtalmologues
craignent particulièrement les corrosifs alcalins. L’examen clinique avec test à la fluorescéine permet de carac-
tériser les lésions et d’orienter la thérapeutique.

● PRISE EN CHARGE
Décontamination oculaire à grande eau, sans aucun délai, procédure décrite par téléphone dès la régulation
médicale. Pour les corrosifs, les secondes comptent (III.15) La précocité et la capacité du lavage contribuent très
largement au pronostic. Une consultation médicale est impérative pour les corrosifs, suivie d’une réévaluation
clinique à 48 heures. L’avis ophtalmologique en urgence n’est impératif que pour les lésions étendues délabrantes
et les projections de fluorures ou d’acide oxalique.
Favoriser la cicatrisation, contrôler la réaction inflammatoire et limiter le risque de surinfection par prescription
d’un collyre antibiotique et d’une pommade ophtalmique à base de vitamine A.
La projection d’un irritant suivie d’une décontamination immédiate et correctement menée avec résolution du
tableau clinique initial à H1 ne nécessite pas nécessairement de consultation médicale.

100
IRRITANTS, MOUSSANTS
ET CORROSIFS II.23
5/8

f INGESTION DE CORROSIFS
Urgence diagnostique et thérapeutique de pronostic sévère jusqu’à preuve du contraire. Les ingestions suicidaires
conduisent au décès dans 10 % des cas ; les ingestions accidentelles à des séquelles dans 20 % des cas. Chez
l’adulte, l’absence de lésions hautes (clinique, fibroscopie ORL) ne confère qu’une faible valeur prédictive négative
de l’existence de lésions basses, notamment en cas d’ingestions suicidaires. À l’inverse, l’absence de lésion des
lèvres, de la langue ou de l’oropharynx écarte le risque de lésions basses chez l’enfant dans plus de 90 % des cas.
Le pronostic dépend surtout du pouvoir lésionnel et des volumes en cause, donc du contexte. Les produits sous
forme de gels sont adhérents. Les poudres et les fragments solides sont hydroscopiques, en capacité de lésions
à l’emporte-pièce (dilution in situ insignifiante donc concentration in situ saturante). La présence de tensioactifs
majore le temps de contact du toxique avec la muqueuse.
Brûlure et nécrose tissulaire peuvent évoluer vers un choc hypovolémique (pertes hydroélectrolytiques secondaires
aux brûlures de surface étendues, hémorragies sur perforation) ou toxi-infectieux.

● PRISE EN CHARGE
L’objectif est de maintenir les fonctions vitales et l’homéostasie tout en réalisant un bilan lésionnel pour poser
une indication chirurgicale de sauvetage ou non :
■ mise au repos du tube digestif : dilution, neutralisation, manœuvre d’évacuation digestive, pansement digestif

ou charbon activé sont tous contre-indiqués (aggravation des lésions) ;


■ réanimation non spécifique : remplissage adapté, analgésie.

● RÉGULATION
Médicaliser. Laisser strictement à jeun, en position assise ou position latérale de sécurité, jusqu’à l’arrivée des
secours. Orientation vers une structure disposant d’une réanimation, de moyens de fibroscopie et de chirurgie.
Monitorer les fonctions vitales, double VVP, antalgiques et IPP en IV. Scope permanent.

● CLINIQUE
Douleurs (buccales, oropharyngées, rétrosternales, épigastriques), hypersialorrhée, dysphagie, régurgitations,
vomissements sanglants, détresse respiratoire (œdème laryngé, lésions trachéobronchiques). Agitation et angoisse
fréquentes. Certaines lésions sont visibles (péribuccales, buccales).

● PARACLINIQUE
Conséquences non spécifiques des lésions et de la « brûlure interne » : acidose métabolique, NFS (polynucléose
de démargination massive). Réaliser un bilan préopératoire avec groupe sanguin. Imagerie : ASP et radiographie
thoracique.
Les conséquences spécifiques de la nature chimique du corrosif sont rares. Exemples : hyperchlorémie (ingestion
d’HCl), hyperphosphorémie, hypocalcémie, hypomagnésémie (acide phosphorique), hémolyse, notamment avec
les oxydants.

101
IRRITANTS, MOUSSANTS
II.23 ET CORROSIFS
6/8

● BILAN LÉSIONNEL
■ Endoscopie digestive haute : dans les 6 à 12 premières heures qui suivent l’ingestion. Permet de préciser la
topographie, l’étendue et le grade des lésions selon le score de Zargar (7 niveaux).
■ TDM thoracoabdominale injectée : recherche d’une extension transpariétale.
■ Fibroscopie bronchique à discuter devant des signes respiratoires et selon l’imagerie.

● COMPLICATIONS
Hémorragie digestive, perforation et ses conséquences (médiastinite, sepsis...), état de choc, coagulopathie de
consommation, détresse respiratoire (destruction ou œdème du carrefour aérodigestif, pneumopathie, fistulisation,
etc.). Craindre l’extension des lésions à des organes de voisinage (médiastin, organes abdominaux notamment
pancréas).
La décision chirurgicale relève de la balance bénéfices-risques d’une amputation de sauvetage. Elle est systé-
matique à partir du stade 3b : intervention en urgence pour éviter l’extension lésionnelle.

● PLACE DE LA DILUTION À L’EAU


Elle est contre-indiquée devant toute ingestion de corrosif : l’espace clos de la lumière digestive ne permet pas
l’utilisation de volumes adaptés pour réaliser la dilution nécessaire pour ramener le toxique à un niveau d’irritant.
De rares exceptions sont néanmoins possibles, à envisager au cas par cas, sur avis spécialisé :
■ ingestion d’un faible volume d’une solution dont la réactivité chimique est limitée et conférée par un critère

non logarithmique (ex. : ingestion d’une gorgée d’une solution d’un ammonium quaternaire à 10 %) ;
■ ingestion d’un petit fragment solide, hygroscopique (ex. : fragments de pastilles de lave-vaisselle, de pastilles

« eau de Javel » solides, etc.)

f IRRITANTS
Sauf terrain particulier, les lésions ne sont pas attendues. Lorsqu’elle est réalisée – souvent à tort – la fibroscopie
montre, au pire, des bas grades (de grade 1 généralement, au maximum 2b).
La clinique est simple : douleurs, vomissements, rares diarrhées ou éructations. Il existe un risque de pneumo-
pathie d’inhalation sur vomissements.
Sauf contexte, terrain particulier ou évolution défavorable (vomissement itératifs et persistants, notamment chez
l’enfant), la médicalisation n’est pas la règle ; la prise en charge empirique consiste :
■ à abaisser le risque d’irritation (dilution à l’eau puis protéger en tapissant la muqueuse digestive [aliment épais

type compote] et pansement gastrique voire IPP si terrain particulier) ;


■ à limiter le risque et les conséquences de vomissements : verticalisation du patient, surveillance par l’entourage

le temps de la vidange gastrique. Retarder le coucher (ex. : sieste de l’enfant ou du dément).


Un test de reprise d’alimentation est utile avant un retour à domicile des patients vus dans une structure d’urgence.
Un traitement par pansement gastrique ou IPP de quelques jours se discute en fonction de l’exposition (nature
de l’irritant, volume ingéré...) et du terrain (sensibilité préexistante, ex. : gastrite, ulcère...).

102
IRRITANTS, MOUSSANTS
ET CORROSIFS II.23
7/8

f MOUSSANTS
Tous les moussants sont au moins irritants. À ce risque, s’ajoute celui d’un encombrement du carrefour aéro-
digestif par l’inhalation de tensioactifs et la réalisation d’une pneumopathie.
La prise en charge est identique à celle des irritants, en tentant de limiter l’effet « moussant » par :
■ une diète liquidienne pendant les 1 à 2 heures qui suivent l’ingestion ;

■ la prise immédiate d’un aliment absorbant (pain...).

La médicalisation n’est pas la règle. Elle concerne avant tout les ingestions de larges volumes, en fonction du
terrain et du contexte (ex. : suicide). L’évolution vers une détresse respiratoire en quelques heures est possible
dans les pires cas (ex. : volumes importants ingérés par un dément âgé).
Une pneumopathie retardée (H48 à H72) par surinfection de microatélectasies doit être recherchée devant des
signes respiratoires et/ou infectieux secondaires, y compris pour les situations d’évolution initiale favorable.

f INHALATION
L’inhalation de vapeurs ou de gouttelettes en suspension (aérosol) conduit à des atteintes respiratoires non
spécifiques : d’une simple irritation à l’OAP lésionnel, fonction de la nature et de la concentration du toxique et
de la durée d’exposition. La taille des gouttelettes en suspension d’un aérosol conditionne la hauteur anatomique
des voies aériennes atteintes. Le pouvoir irritant des gaz très solubles dans l’eau est tel qu’il limite souvent
l’exposition par la fuite de la victime.

● CLINIQUE
Formes simples : irritation oculaire, nasale et pharyngée, toux irritative et sensation d’oppression thoracique.
Bronchospasme, notamment chez le sujet sensible. Auscultation pulmonaire et radiographie thoracique souvent
normales.
Formes plus graves :
■ suffocation initiale avec rhinorrhée, larmoiement, douleur thoracique, dysphonie, dyspnée et toux rauque per-

sistant au-delà d’une demi-heure chez le sujet sain ;


e e
■ après une phase de résolution initiale : œdème pulmonaire lésionnel entre la 6 et la 48 heure après l’exposition,

spontanément ou favorisé par un effort physique ;


■ dans les formes les plus graves, la phase de rémission est plus courte ou inexistante : OAP lésionnel initial,

œdème laryngé ou bronchospasme sévère peuvent mettre en jeu d’emblée le pronostic vital (formes
exceptionnelles).

● COMPLICATIONS SECONDAIRES
■ Rares surinfections bactériennes dans les 48 à 72 heures.
■ Hyperréactivité bronchique chimique (syndrome de Brooks) : syndrome asthmatiforme séquellaire avec une
intolérance à tout irritant respiratoire durant plusieurs mois ou années.

103
IRRITANTS, MOUSSANTS
II.23 ET CORROSIFS
8/8

● PRISE EN CHARGE
Elle est essentiellement symptomatique, en se guidant sur la clinique (signes fonctionnels) et l’évolution à court
terme (persistance ou non du tableau initial, durée de la toux) :
■ retrait de la victime de l’atmosphère contaminée ;

■ fonction de la clinique :

• oxygénothérapie,
• bêta-2-agonistes pour lever le bronchospasme initial,
• corticothérapie à discuter ;
■ traitement non spécifique des complications ;

■ intubation et ventilation avec PEP des formes graves.

Toute victime initialement symptomatique plus d’une demi-heure (toux persistante) nécessite une évaluation
clinique et un traitement symptomatique ; la réalisation d’une radiographie thoracique peut être envisagée. Un
tableau initial durant plus d’une heure mérite une surveillance médicale de 24 heures et la recherche systématique
d’une hyperréactivité bronchique par test de provocation à la métacholine lors d’EFR (à distance, 6 à 8 semaines
après l’intoxication).

104
LITHIUM II.24
1/2

Les sels de lithium (carbonate et gluconate) sont utilisés dans le traitement des troubles bipolaires (psychoses
maniacodépressives). Des formes à libération prolongée sont disponibles et souvent prescrites.
Le lithium est un métal alcalin, sa fixation protéique est nulle. Son faible volume de distribution le rend accessible
à l’épuration extrarénale. Il n’est pas adsorbé par le charbon activé.
Il faut distinguer trois modalités d’intoxication, de la moins grave à la plus grave :
■ l’intoxication aiguë chez un patient « naïf » qui n’a jamais pris de lithium auparavant :

■ le surdosage thérapeutique, facilité par une déshydratation, en particulier chez le sujet âgé. La prise d’AINS

ou de diurétiques est un facteur de gravité supplémentaire ;


■ l’intoxication aiguë volontaire chez un patient traité au long cours.

● RÉGULATION MÉDICALE
■ Prendre en compte les éléments évoqués ci-dessus ; l’aggravation est assez lente mais durable.
■ Une prise en charge médicalisée est recommandée, compte-tenu de la survenue possible de complications
neurologiques et cardiovasculaires.
■ La destination habituelle est une structure d’urgence pour les formes bénignes à modérées. Les formes graves,
qui peuvent bénéficier d’une hémodialyse, doivent être adressées en secteur de réanimation.
■ Conseils secouristes à l’appel, pas de prescription particulière.

● CLINIQUE
Elle est polymorphe, dominée le plus souvent par la symptomatologie neurologique.
■ Troubles digestifs : nausées, vomissements, diarrhées.

■ Confusion, dysarthrie, tremblements fins des extrémités, myoclonies, hypertonie extrapyramidale, convulsions.

■ Troubles de repolarisation sur l’ECG ; rare collapsus cardiovasculaire vasoplégique.

■ Polyurie par diabète insipide.

● BIOLOGIE
La biologie de base peut témoigner de complications : déshydratation extra et/ou intracellulaire, insuffisance
rénale, acidose métabolique, hypercalcémie.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage du lithium plasmatique est impératif. Une lithémie thérapeutique est toujours inférieure à 1,2 mmol/L.
La diffusion tissulaire du lithium est lente, il n’y a pas de bonne corrélation clinicobiologique : on peut observer
des décalages entre lithémie et symptomatologie dans un sens comme dans l’autre, selon les modalités de
l’intoxication et la phase considérée de l’intoxication. Les dosages doivent être répétés. Si le dosage du lithium
érythrocytaire est possible, un rapport Li érythrocytaire/Li plasmatique > 0,4 indique une intoxication grave (forte
imprégnation tissulaire).

105
II.24 LITHIUM
2/2

● TRAITEMENT
Symptomatique dans la majorité des cas, avec réhydratation par sérum salé 0,9 %. Aucun intérêt du charbon
activé.
L’hémodialyse est indiquée si la lithémie est élevée (> 4 mmol/L) en présence de manifestations neurologiques
importantes et/ou d’une insuffisance rénale. Un effet « rebond » par redistribution tissulaire du lithium peut imposer
une répétition des séances d’hémodialyse.
Une surveillance neurologique et biologique de base (sodium, créatinine) est essentielle.
L’évolution est souvent lente, mais le plus souvent favorable.

IMPORTANT
• Connaître les différentes modalités possibles de l’intoxication par le lithium
• Le dosage plasmatique est impératif
• L’hémodialyse peut être nécessaire
• La surveillance est clinique et biologique

106
METFORMINE II.25
1/3

Médicament antidiabétique non directement hypoglycémiant de la famille des biguanides, prescrit presque exclu-
sivement dans le diabète de type 2. Se présente sous forme immédiate ou retard, avec des formulations allant
de 500 mg à 1 g ; il existe des formes associées à d’autres antidiabétiques. À dose pharmacologique chez le
sujet sain, limite l’absorption digestive du glucose et module son métabolisme hépatique et musculaire, en
particulier par blocage de la néoglucogénèse hépatique.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Outre l’intoxication aiguë, la metformine peut s’accumuler dans l’organisme dans certaines conditions (insuffisance
rénale en particulier). Le principal mécanisme de toxicité est l’accumulation d’ions lactates, par perturbation du
métabolisme de ces derniers, avec des mécanismes incomplètement élucidés (hyperproduction, blocage du
recyclage, perturbation de la chaîne respiratoire mitochondriale). Certaines situations favorisent par ailleurs une
accumulation d’ions lactates : insuffisance rénale, cardiaque, respiratoire ou hépatocellulaire, anesthésie générale
et intervention chirurgicale, injection de produit de contraste iodé, déshydratation, sepsis, éthylisme chronique,
intoxication alcoolique aiguë. Le patient diabétique, particulièrement exposé à l’hypoxie tissulaire, est de fait à
risque élevé d’hyperlactatémie.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’absorption des formes galéniques immédiates est rapide, avec un pic plasmatique à H2 à posologie pharma-
cologique. La molécule n’est pas métabolisée et son excrétion est exclusivement rénale.
Le volume de distribution est élevé, rendant l’hémodialyse peu efficace sur la molécule, malgré une fixation
protéique négligeable.
Cette intoxication se résumant schématiquement à une « intoxication » par l’ion lactate, c’est plus la clairance
de ce dernier qui va conditionner le profil clinicobiologique.

● GRANDEURS TOXIQUES
Un tableau symptomatique ne peut survenir qu’après l’ingestion de plus de 10 g chez un adulte, en l’absence
d’insuffisance rénale.
L’ingestion accidentelle d’un comprimé de 1 g chez un enfant en bas âge ne doit pas conduire à une hospitalisation.

● RÉGULATION MÉDICALE
Dès l’appel, un échange téléphonique avec le patient permet d’objectiver ou non l’existence d’une polypnée,
signe de haute gravité imposant une médicalisation d’emblée (risque d’épuisement respiratoire) et le rapproche-
ment d’un service de réanimation proposant l’hémodialyse.
Dans les autres situations, le bilan secouriste doit mentionner les fréquences respiratoire et cardiaque, la tension
artérielle, la qualité de la perfusion périphérique et permettre une orientation vers un service d’urgence en
l’absence de signe de gravité (médicalisation de deuxième intention dans le cas contraire).
Il n’y a pas de prescription à distance à proposer.

107
II.25 METFORMINE
2/3

● CLINIQUE
Forme subaiguë sur insuffisance rénale fonctionnelle : agitation, confusion, troubles sensoriels, troubles digestifs
(vomissements, diarrhées), douleurs abdominales, tachycardie, hyperpnée, puis coma, état de choc, épuisement
respiratoire, décès.
Intoxication aiguë : le plus souvent asymptomatique, mais peut conduire à une acidose lactique avec un tableau
clinique identique à celui décrit ci-dessus ; l’hypoglycémie est rare et facilement corrigée.

● BIOLOGIE
Les éléments fréquemment et potentiellement perturbés sont le lactate, la réserve alcaline et le pH (veineux en
pratique), les marqueurs de fonction rénale, la kaliémie ; l’insuffisance rénale est constante dans les formes
subaiguës.
L’hypoglycémie est rare et le plus souvent modérée le cas échéant.
La baisse du TP est un signe de gravité et pourrait être un marqueur pronostique.

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


L’ECG montre fréquemment des signes d’hyperkaliémie.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage de metformine n’est pas réalisé de façon routinière et ne serait pas utile à la prise en charge (absence
de corrélation clinicobiologique, traitement identique quelle que soit la concentration) ; cependant, le pronostic
est meilleur, à présentation et prise en charge identiques, lorsque la concentration de metformine est élevée
(meilleure efficacité du traitement).

● TRAITEMENT
■ Il est essentiellement symptomatique et repose sur le traitement général des intoxications.
■ La ventilation assistée doit être largement indiquée, avant épuisement respiratoire, si l’hémodialyse n’est pas
rapidement mise en œuvre.
■ Cette dernière est la base du traitement et permet, outre le traitement de l’insuffisance rénale, l’épuration des
ions lactates et potassium, l’alcalinisation sans risque de surcharge pulmonaire, dans une bien moindre mesure
l’épuration de la metformine (nécessité de séances longues et répétées) ; l’hémodiafiltration trouve ainsi son
intérêt.
■ Le traitement d’un état de choc est non spécifique, la perfusion de catécholamines peut majorer l’hyper-
lactatémie.
■ Les perfusions glucidiques corrigent facilement une éventuelle hypoglycémie.
■ L’adjonction de vitamine B1 chez le patient éthylique est justifiée.
■ L’administration de bicarbonate de sodium, outre le risque de déclenchement d’un œdème pulmonaire, peut
augmenter les besoins ventilatoires et l’épuisement chez un patient non intubé et non ventilé artificiellement.
■ Il n’y a pas de place pour des manœuvres de décontamination ou d’épuration digestives, ni pour une tentative
d’épuration rénale dans la mesure où une insuffisance rénale est présente.

108
METFORMINE II.25
3/3

● PRONOSTIC
En règle générale, bon dans l’intoxication volontaire.
Taux de mortalité de l’ordre de 30 % en cas d’acidose dans le cas de surdosage en contexte d’insuffisance
rénale.

IMPORTANT
• Y penser, en particulier dans sa forme subaiguë ; diagnostic différentiel d’une acidocétose, d’un choc septique,
etc.
• Doser le lactate, la créatinine
• Hémodialyse indispensable en cas d’acidose métabolique et d’insuffisance rénale
• Pronostic réservé dans cette situation

109
II.26 MÉTHANOL
1/3

Intoxication très rare, volontiers chez le patient éthylique chronique ; existence de formes accidentelles et col-
lectives par ingestion d’alcool frelaté.
Alcool méthylique, substance liquide à l’odeur caractéristique entrant dans la composition de produits à disposition
du grand public : alcool à brûler surtout (en France, en association avec de l’éthanol, qui en diminue la toxicité),
également antigels, décapants, diluants.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Il s’agit d’un toxique mixte, peu toxique par lui-même (molécule mère) s’il ne subit pas de dégradation par les
voies métaboliques principales.
Métabolisé (lentement) au niveau hépatique, en formaldéhyde sous l’action de l’alcool-déshydrogénase, lui-même
métabolisé en acide formique sous l’action de l’aldéhyde-déshydrogénase ; ce dernier est la molécule toxique
principale, responsable de l’atteinte du nerf optique et de la nécrose hémorratique des putamens au niveau des
noyaux gris centraux.
Au total, la toxicité est dans un premier temps fonctionnelle à révélation tardive (substance mère et métabolite
aldéhyde) puis lésionnelle plus tardive encore (métabolites acides) ; l’enjeu thérapeutique est de bloquer le
métabolisme principal, les métabolismes secondaires, certes très lents, permettant alors l’élimination de la molé-
cule mère.
La stimulation de la glycolyse anaérobie peut entraîner une hyperlactatémie, les ions formates complexent les
ions K+ avec possible hypokaliémie (paradoxale en situation d’acidose).

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Absorption potentielle par voie digestive, cutanée ou respiratoire.
Par voie digestive, absorption rapide, pic plasmatique < 1 heure, volume de distribution et fixation protéique très
faibles, le rendant accessible à l’hémodialyse ; cinétique d’ordre 0 avec durée d’élimination dépendant donc de
la concentration plasmatique initiale.
Élimination rénale négligeable, pulmonaire plus importante.
Dégradation des ions formates en CO2 et H2O sous l’action de l’acide folique.

● GRANDEURS TOXIQUES
En ingestion, chez un adulte, risque de cécité à partir de 10 mL, risque létal à partir de 30 mL (méthanol pur)
en l’absence de prise en charge.

● RÉGULATION MÉDICALE
Utilité d’une médicalisation si l’ingestion remonte à moins de 6 heures, même en l’absence de signes de gravité
par une équipe disposant de l’antidote spécifique (fomépizole) ; à défaut, on peut discuter la prescription à
distance d’alcool éthylique en cas de délai long d’acheminement vers une structure d’urgence.
Médicalisation également des patients comateux et/ou en hyperventilation ; les faire rapprocher d’un service de
réanimation.

110
MÉTHANOL II.26
2/3

● CLINIQUE
Latence : 12-24 heures (sauf si ingestion massive : ébriété, coma en moins de 2 heures).
Troubles neurologiques (asthénie, céphalées, vertiges, somnolence, ébriété, coma, convulsions, parfois focalisa-
tion), nausées, vomissements, polypnée d’acidose, troubles visuels (flou visuel, baisse de l’acuité visuelle,
mydriase, photophobie, scintillations visuelles, avec risque de séquelles visuelles définitives (cécité).

● BIOLOGIE
Phase précoce, présence prépondérante de méthanol (et d’éthanol en cas d’ingestion d’alcool à brûler) : existence
d’un trou osmolaire (osmolarité mesurée à l’osmomètre – osmolarité calculée), 1 g/L de méthanol générant
31 mOsmol ; la présence éventuelle d’éthanol participe à ce trou osmolaire (1 g/L générant 21 mOsmol) ; la
pratique de l’osmométrie par la méthode du Δ-cryoscopique tend malheureusement à disparaître.
Phase tardive, présence prépondérante d’ions formates : acidose métabolique à trou anionique élevé, avec pos-
sible participation lactique.
Possible hypokaliémie.

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


Le fond d’œil est indiqué en cas de trouble visuel.
Une focalisation neurologique, des convulsions ou même un coma profond imposent une imagerie cérébrale. À
la TDM cérébrale peuvent être notées des nécroses hémorragiques des putamen avec parfois atteinte de la voie
pyramidale, ainsi que des modifications diffuses de la substance blanche, des lésions hypothalamiques, du tronc
cérébral ou cérébelleuses ; dans les formes les plus graves, on peut retrouver une hémorragie massive des
ganglions de la base, intraventriculaire et méningée.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Elle confirme l’intoxication mais n’est pas rapidement accessible à tous les services d’urgence ; elle se fait par
méthode enzymologique ou en CPG et est rendue en 1 heure environ, son suivi est à discuter selon la situation
(choix de l’antidote, possibilité ou non d’hémodialyse).
L’idéal serait le dosage associé des ions formates, d’accès encore plus restreint.
L’éthanolémie doit être dosée parallèlement le cas échéant (co-ingestion ou administration thérapeutique), de
façon à mieux interpréter la situation et le risque.

● TRAITEMENT
Les indications sont :
■ une dose ingérée > 0,15 g/kg (0,19 mL/kg de produit pur) ;

■ ou une concentration sanguine > 6 mmol/L (1 g = 31 mmol) ;

■ ou un trou osmolaire > 10 mOsmol/L en présence isolée de méthanol ;

■ ou un trou anionique > 16 mmol/L (auquel peut participer une hyperlactatémie et/ou une cétonémie, notamment

chez le patient éthylique) ;


■ ou un pH < 7,30.

111
II.26 MÉTHANOL
3/3

Deux options se présentent :


■ Traitement antidotique immédiat chez le patient vu précocement, permettant d’éviter la survenue de la « phase

d’état » : les antidotes disponibles agissent par inhibition ou saturation de l’alcool déshydrogénase ; ceci peut
permettre de surseoir à l’hémodialyse dans les formes très précoces, mais ne limite pas la toxicité des acides
déjà présents.
Au mieux par fomépizole : 15 mg/kg en 45 min, puis 10 mg/kg/12 h en 30 min.
À défaut par alcool éthylique, avec un objectif d’éthanolémie à 1 g/L : 0,8 g/kg, puis 0,1 à 0,2 g/kg/h.
Ce traitement peut être interrompu lorsque la concentration plasmatique est mesurée ou estimée inférieure à
0,2 g/L.
■ Hémodialyse, épurant le méthanol et les ions formates, corrigeant donc l’acidose, efficace aux deux phases

caractéristiques de l’intoxication : indispensable en l’absence d’antidote, mais gagnant alors à être couplée à
un traitement antidotique, dont la dose de relais doit être augmentée (les deux médicaments sont dialysables).
Remarque : en cas d’intoxication par alcool à brûler, contenant plus d’éthanol que de méthanol, un traitement
antidotique ne se justifie pas tant que l’alcoolémie est de 1 g/L environ, mais le métabolisme de l’éthanol étant
plus rapide que celui du méthanol, une surveillance biologique rapprochée s’impose.
Un trou anionique très élevé (> 25 mmol/L) et/ou un pH < 7,20 et/ou une concentration plasmatique 6 0,5 g/L sont
prédictifs d’une évolution péjorative et imposent à la fois la prescription de bicarbonate de sodium (1 mmol/kg), d’un
antidote, et de l’hémodialyse.
L’acide folinique (50 mg/6 heures) est proposé comme traitement adjuvant (détoxication des ions formates).
Interruption du traitement antidotique lorsque méthanolémie < 0,2 g/L ou trou osmolaire < 6 mOsm/L. Le traite-
ment symptomatique général ne doit pas être occulté ; en cas de décision d’intubation trachéale avec mise sous
ventilation assistée, une alcalinisation préalable (1 à 2 mmol/kg) puis une hyperventilation doivent être proposées
(ces deux mesures limitant le risque de majoration de l’acidose).

● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Clinique : état neurologique, vision.
Biologique : pH, lactate, trous osmolaire et anionique.
Peut se faire en UHCD en l’absence de nécessité de traitement, en unité de surveillance continue en cas de
décision de traitement antidotique, est obligatoire en réanimation en cas de nécessité de ventilation assistée
et/ou d’hémodialyse.

● PRONOSTIC
Lié aux complications éventuelles d’un coma et à l’atteinte visuelle.

IMPORTANT
• Le tableau est retardé et prolongé
• Bien différencier les deux phases de l’intoxication
• L’antidote spécifique, prescrit précocement, est très efficace et peut permettre de surseoir à l’hémodialyse
• Surveiller l’apparition de troubles visuels

112
MÉTHÉMOGLOBINÉMIES II.27
1/2

Accumulation intraérythrocytaire de méthémoglobine. La méthémoglobine (MetHb) est une hémoglobine (Hb)


anormale, résultat de l’oxydation de l’hémoglobine fonctionnelle par certains médicaments et produits chimiques.
Parmi les principaux produits incriminés, on peut citer les dérivés nitrés, le nitroprussiate de sodium, le méto-
clopramide chez le nouveau-né, certains anesthésiques locaux, les poppers (nitrite d’amyle), le nitrite de sodium,
les dérivés nitrés du benzène et du toluène, le chlorate de sodium (herbicide). Rare actuellement, la méthémo-
globinémie mérite d’être néanmoins connue : trompeuse si méconnue, elle est pourtant facile à évoquer et relève
d’un traitement spécifique. Certaines molécules (sulfones) peuvent entraîner également une sulfhémoglobinémie.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
La méthémoglobine est incapable de transporter l’oxygène, avec dans les formes graves une hypoxie tissulaire
et cellulaire généralisée pouvant entraîner le décès. Un système enzymatique NADH dépendant (glycolyse anaé-
robie) permet la réduction permanente de faibles taux de MetHb (taux physiologique < 3 %). En cas de taux plus
importants la mise en jeu d’une voie accessoire NADPH dépendante (voie des pentoses) par l’utilisation de bleu
de méthylène permet la réduction de la MetHb en excès. Le globule rouge doit toutefois être intact pour permettre
l’action du bleu de méthylène.

● RÉGULATION MÉDICALE
Aucun signe ne permet à l’appel d’évoquer une méthémoglobinémie, sauf si l’agent toxique est connu. La décision
de médicalisation ou non est prise sur les signes présents à l’appel. Le bleu de méthylène peut être utilement
utilisé en préhospitalier. Les formes graves doivent être dirigées vers un service apte à pratiquer une exsan-
guino-transfusion (cf. infra).

● CLINIQUE
Les signes sont trompeurs si cette pathologie n’est pas bien connue.
Cyanose « gris-ardoisée », dite « centrale », car présente sur l’ensemble des téguments. Sans aucune cause
cardiopulmonaire, non corrigée par l’oxygène, elle est en fait due à la couleur du pigment de la MetHb.
Sang couleur chocolat (pigment de la MetHb).
Signes variés d’hypoxie cérébrale, myocardique, etc., dans les formes graves.
L’oxymètre de pouls donne des valeurs faussement rassurantes de la SpO2.
D’autres signes peuvent être présents en fonction du toxique en cause.

● BIOLOGIE
La MetHb est facilement mesurée avec les gaz du sang. Une MetHb 6 30 % indique une forme sévère qui
nécessitera un traitement spécifique ; la corrélation entre taux de MetHb et gravité est assez bonne.
Attention à l’interprétation des gaz du sang. La PaO2 qui dépend de l’O2 dissous est normale, c’est normal. La
SaO2 habituellement calculée par l’automate est normale aussi : penser à demander une mesure de la SaO2, qui
est basse évidemment.

113
II.27 MÉTHÉMOGLOBINÉMIES
2/2

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
L’analyse des produits incriminés a peu d’intérêt ; elle est exceptionnellement possible en routine.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
En fonction de la symptomatologie. ECG de principe.

● TRAITEMENT
Oxygénothérapie au masque à haute concentration ou sous assistance respiratoire si besoin : saturation de l’Hb
fonctionnelle, augmentation de l’O2 dissous.
Décontamination digestive ou cutanée précoce en fonction des produits en cause.
Bleu de méthylène si MetHb 6 30 % ou patient symptomatique :
■ ampoule de 5 mL à 1 %, soluté hypertonique ;

■ 1 à 2 mg/Kg en 15 min en IVL ou perfusion. La surveillance repose sur des mesures répétées de la MetHb

plus que sur la couleur des téguments pas toujours facile à apprécier. Une évolution favorable est assez rapide
en quelques heures ;
■ des réinjections sont possibles si besoin, sans dépasser 7 mg/kg ;

■ les urines prennent de façon transitoire une couleur bleu-vert.

Les échecs du traitement :


■ rare : un déficit en G6PD (pas de production de NADPH par le shunt des pentoses) ;

■ association à une sulfhémoglobinémie, toujours toxique, non réversible (sulfones) ;

■ hémolyse associée dans les formes graves (chlorate de sodium).

Ces échecs doivent conduire à la pratique d’une exsanguino-transfusion dans les meilleurs délais.

IMPORTANT
• Rare et trompeuse
• Facile à évoquer si pathologie connue
• Traitement spécifique par le bleu de méthylène

114
MONOXYDE DE CARBONE II.28
1/3

Gaz incolore, inodore et sans saveur, non irritant, diffusible, de densité proche de celle de l’air, le monoxyde de
carbone (CO) n’est pas détectable par les sens humains. Il est toujours le résultat de la combustion incomplète
d’un composé carboné. C’est la première cause de mort toxique en France.
L’intoxication aiguë est le plus souvent accidentelle et domestique par utilisation d’un appareil de chauffage ou
de production d’eau chaude défectueux, et/ou par défaut de ventilation ; plus rarement par exposition à des
fumées d’incendie (qui contiennent entre autres du CO). Les intoxications subaiguës répétées sont fréquentes.
De façon exceptionnelle, l’intoxication au CO peut être la conséquence de l’inhalation de dichlorométhane (chlorure
de méthylène), décapant pour peintures métabolisé dans l’organisme en CO. L’intoxication aiguë volontaire à des
gaz d’échappement (dont du CO) est rare en France.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Le CO inhalé diffuse rapidement dans la circulation sanguine. Son affinité très importante pour le fer de l’hémo-
globine conduit à la formation de carboxyhémoglobine (HbCO), incapable de transporter et de délivrer l’oxygène.
Ce mécanisme qui conduit à une hypoxie de type « anémique » est le plus souvent cité. Mais le CO se fixe aussi
sur d’autres protéines héminiques comme la myoglobine et les cytochromes. Le terme ultime de l’intoxication
est une hypoxie tissulaire et cellulaire. Les principaux organes cibles sont le myocarde et le système nerveux
central. Le fœtus est très sensible aux effets toxiques du CO.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
La demi-vie de dissociation de l’HbCO est de 5 heures en air ambiant, 90 min sous O2 normobare et de 20 min
sous O2 hyperbare (OHB).

● RÉGULATION MÉDICALE
Diagnostic à évoquer devant des céphalées, une perte de connaissance brève, un coma.
Y penser ! Surtout en période d’utilisation des appareils de chauffage (automne, hiver). Les questions à poser
sont : types des appareils de chauffage et de production d’eau chaude ? Caractère collectif de l’intoxication ?
Unité de temps et de lieu si suspicion d’intoxications subaiguës répétées ?
Des moyens sapeurs-pompiers doivent être mobilisés systématiquement : lever de doute, détection et mesure
du CO atmosphérique, mesures d’évacuation et de protection.
Une équipe médicale sera mobilisée devant des signes de gravité et/ou pour faire le tri en cas d’intoxication
collective : penser alors à se munir de détecteurs atmosphériques de CO, attention à ne pas s’exposer. Avec
l’exception de la femme enceinte, seuls les patients symptomatiques doivent être hospitalisés. Les formes de
gravité modérée sont adressées dans une structure d’urgence ; les formes comateuses ou avec complications
cardiovasculaires sont adressées en réanimation.
La confirmation d’une intoxication au CO chez une femme enceinte peut justifier un transport direct, si possible,
vers un centre doté d’un caisson hyperbare (cf. infra).

115
II.28 MONOXYDE DE CARBONE
2/3

● CLINIQUE
Elle est riche et polymorphe, non spécifique.
Signes digestifs : assez constants, nausées et vomissements. « Gastroentérite » sans diarrhée ni fièvre.
Signes neurologiques : céphalées très fréquentes, vertiges, malaise, perte de connaissance brève, coma souvent
hypertonique, parfois avec focalisation neurologique.
Signes cardiovasculaires : signes d’atteinte myocardique, en particulier chez le sujet âgé.
Signes divers : sensation de malaise, fatigue.
La classique teinte rouge cochenille des téguments et des masses musculaires est surtout une donnée d’autopsie.
Cas particulier de la femme enceinte : un test diagnostic de grossesse doit être pratiqué chez toute femme en
âge de procréer. Il n’y aucun parallélisme entre la présentation maternelle, souvent rassurante et l’atteinte plus
grave du fœtus.

● BIOLOGIE
L’HbCO est un marqueur d’exposition mais n’est pas un marqueur de gravité. Il n’y a pas de bonne corrélation
entre HbCO et gravité dont l’évaluation est surtout clinique. Un consensus existe pour les valeurs seuils au-dessus
desquelles on peut parler d’intoxication : 3 % chez le non-fumeur, 6 % chez le fumeur. L’HbCO est mesurée par
spectrophotométrie, souvent en même temps que les gaz du sang ; le prélèvement peut être artériel ou veineux
mais la mesure doit être faite rapidement. Son interprétation doit tenir compte d’un tabagisme éventuel, du délai
exposition – prélèvement, d’une oxygénothérapie avant prélèvement.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage du monoxyde de carbone dans le sang n’a pas d’intérêt en médecine d’urgence.
La mesure du CO dans l’air expiré est possible ; elle est cependant peu fiable dans les conditions de l’urgence.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
L’oxymétrie pulsée donne des chiffres faussement rassurants de la SpO2.
L’ECG est systématique à la recherche de signes d’atteinte myocardique.
Une TDM cérébrale pourrait mettre en évidence, dans les formes avec coma profond, des hypodensités des globi
pallidi avec parfois œdème et compression de la capsule interne, ainsi que des modifications diffuses de la
substance blanche ayant valeur pronostique.

116
MONOXYDE DE CARBONE II.28
3/3

● TRAITEMENT
Le traitement spécifique, quasi « antidotique », est l’oxygène.
Oxygène hyperbare : femme enceinte, perte de connaissance brève, coma, déficit neurologique (rare), insuffisance
coronarienne, symptômes persistant après 6 heures d’O2 normobare (à discuter).
Oxygène normobare au masque à haute concentration dans tous les cas. Jusqu’à disparition des symptômes,
pendant 6 heures au moins.
Traitement symptomatique des complications neurologiques et cardiovasculaires.

● PRÉVENTION
Il existe en France un registre des intoxications au CO (Santé publique France). Toute intoxication accidentelle
doit être déclarée aux autorités sanitaires pour enquête technique et prévention de la récidive.

IMPORTANT
• Attention au risque d’exposition lors de l’intervention
• Cas particulier de la grossesse, gravité de l’atteinte fœtale
• Déclaration aux autorités sanitaires de toute intoxication accidentelle

117
NEUROLEPTIQUES ET NOUVEAUX
II.29 ANTIPSYCHOTIQUES
1/3

Les médicaments neuroleptiques et antipsychotiques ont pour objectifs de réduire les symptômes psychotiques
productifs (agitation, hallucinations, délire, angoisse) et déficitaires (autisme).
Ces molécules appartiennent à plusieurs classes pharmacologiques :
■ phénothiazines aliphatiques, dérivés de la chlorpromazine ou pipéridinées, dérivés de la pipotiazine ;

■ apparentés aux butyrophénones, dérivés de l’halopéridol ;

■ benzamides substituées, dérivés du métoclopramide ;


® ® ®
■ nouveaux anti psychotiques, olanzapine (Zyprexa ), quétiapine (Xeroquel ), rispéridone (Risperdal ), loxapine

(Loxapac®), clozapine (Leponex®), aripiprazole (Abilify®).

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Les phénothiazines ont une action antagoniste au niveau des récepteurs dopaminergiques, histaminiques, alpha
adrénergiques, muscariniques et sérotoninergiques.
Elles sont responsables de :
■ intoxications aiguës doses-dépendantes ;
o
■ syndrome malin des neuroleptiques en cas de traitements prolongés : hyperthermie > 40 , troubles moteurs,

hypertonie, rhabdomyolyse, insuffisance rénale aiguë, troubles de la conscience, collapsus tensionnel, élévation
ASAT, ALAT et CPK.

● TOXICOCINÉTIQUE
Neuroleptiques, absorption orale à 70-90 %, avec pic plasmatique à la 3e heure pour les phénothiazines (6e pour
les butyrophénones).
Nouveaux antipsychotiques, pic plasmatique de 1 à 1,5 heure (rispéridone) jusqu’à 5 à 6 heures (olanzapine) et
demi-vie de 2 à 8 heures (loxapine) jusqu’à 31 à 146 heures (aripiprazole).

● RÉGULATION MÉDICALE
Selon la clinique à l’appel et la distance, moyens secouristes en phase très précoce ou intervention médicalisée
(troubles de conscience, dépression respiratoire).
Aggravation assez lente mais durable (complications neurologiques et cardiovasculaires).
Admission en structure d’urgence ou en réanimation en fonction de la clinique.

● GRANDEURS TOXIQUES
Dose ingérée la plus faible pouvant entraîner des signes neurologiques chez l’adulte :
■ aripiprazole : 15 mg ;

■ clozapine : 50 mg ;

■ olanzapine : 10 mg ;

■ quétiapine : 100 mg ;

■ rispéridone : 1 mg.

118
NEUROLEPTIQUES ET NOUVEAUX
ANTIPSYCHOTIQUES II.29
2/3

● CLINIQUE
■ Phénothiazines : coma calme avec hypotonie et hypothermie (phénothiazines sédatives aliphatiques) ou coma
agité avec hypertonie extrapyramidale et dyskinésies buccolinguofaciales, crises oculogyres et myosis (dérivés
pipérazinés), syndrome anticholinergique, avec mydriase, tachycardie, sécheresse de bouche, confusion (phé-
nothiazines antihistaminiques), syndrome anticholinergique et convulsions (phénothiazines antiparkinsoniennes).
■ Butyrophénones : agitation, confusion, troubles de la vigilance, syndrome extrapyramidal, collapsus tensionnel,
dépression respiratoire, arrêt cardiorespiratoire.
■ Benzamides substituées : agitation, confusion, signes extrapyramidaux, convulsions, hypotension artérielle,
tachycardie, hyperthermie.
■ Olanzapine : somnolence, agitation, coma, vision floue, mydriase, syndrome extrapyramidal, syndrome anticho-
linergique (mydriase, tachycardie, sécheresse de bouche, confusion), hypotension artérielle, insuffisance
respiratoire.
■ Quétiapine : agitation, sédation, coma, myosis, convulsions, tachycardie, hypotension artérielle, dépression et
arrêt respiratoire ; bézoards gastriques en cas d’ingestion de forme à libération prolongée avec signes cliniques
retardés.
■ Rispéridone : somnolence ou agitation, tremblements, signes extrapyramidaux, dystonie, tachycardie, hypoten-
sion artérielle.
■ Loxapine : somnolence, hypertonie, tachycardie, coma, signes extrapyramidaux, convulsions, rhabdomyolyse,
hypotension artérielle, hyperthermie.
■ Clozapine : convulsions, syndrome anticholinergique (mydriase, tachycardie, sécheresse de bouche, confusion),
coma, dyskinésies.
■ Aripiprazole : somnolence, ataxie, dystonies, tachycardie.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
La recherche ou le dosage des neuroleptiques et nouveaux antipsychotiques ne sont pas de pratique courante,
donc sans intérêt lors de la prise en charge d’un sujet intoxiqué à la phase aiguë.
Recherche rapide semi-quantitative de phénothiazines dans les urines possible, mais sans intérêt dans la prise
en charge initiale du patient intoxiqué aigu.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
■ Biologie : rhabdomyolyse, insuffisance rénale aiguë, acidose métabolique, hyperkaliémie (loxapine).
■ ECG :
• arythmie : phénothiazines, dompéridone, olanzapine ;
• extrasystolie ventriculaire : quétiapine ;
• tachycardie sinusale : phénothiazines, dompéridone, loxapine, quétiapine ;
• troubles de la conduction auriculoventriculaire : phénothiazines, dompéridone, rispéridone, quétiapine ;
• troubles de la conduction intraventriculaire : quétiapine ;
• allongement de l’espace QT avec risque de torsade de pointes : phénothiazines, dompéridone, benzamides
substituées, rispéridone, quétiapine.

119
NEUROLEPTIQUES ET NOUVEAUX
II.29 ANTIPSYCHOTIQUES
3/3

● TRAITEMENT
Traitement symptomatique : absence de traitement spécifique et d’antidote.
En deuxième intention, en cas d’échec du traitement symptomatique, la perfusion d’une émulsion lipidique a été
proposée (médicaments lipophiles).
Collapsus : remplissage prudent (< 1 500 mL), amines pressives (noradrénaline).
Troubles de la conduction auriculoventriculaire : isoprénaline ou entraînement électrosystolique.
Troubles de la conduction intraventriculaire : sels de sodium molaires.
Syndromes extrapyramidaux : benzodiazépines ou tropatépine (Lepticur®), trihexyphénide (Artane®) (0,5 à
3 ampoules IM par jour, pendant 48 à 72 heures).
Charbon activé en dose unique à discuter dans l’heure suivant l’ingestion.

● SURVEILLANCE
Elle est de 24 heures au minimum, la sortie ne peut être autorisée qu’à normalisation du tracé ECG.

IMPORTANT
• Classe chimiquement hétérogène de médicaments et toxidromes variables
• Plus grande toxicité des phénothiazines et butyrophénones, mais toxicité potentielle neurologique et cardiaque
pour toutes les molécules
• Attention aux rares formes avec hyperthermie et/ou rhabdomyolyse

120
ORGANOPHOSPHORÉS II.30
1/3

L’intoxication aiguë isolée est rare, l’intoxication collective doit faire redouter un risque terroriste. Les organo-
phosphorés (OP) sont des produits utilisés comme insecticides dans l’agriculture essentiellement (parathion). Ils
ont pu entrer dans la composition d’insecticides ménagers (dichlorvos) ; c’est moins le cas maintenant, et ils
sont toujours présents dans certains traitements de la pédiculose du cuir chevelu (malathion).
Les OP font aussi partie des toxiques à risque militaroterroriste, les neurotoxiques organophosphorés ou NOP
(soman, tabun, sarin, etc.). Souvent appelés à tort « gaz de combat », ce sont des produits liquides à température
ambiante. Le sarin est le plus volatil.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Toxicité aiguë élevée, mais faible rémanence environnementale. Les OP sont des inhibiteurs des acétylcholines-
térases (AChE) dans les synapses des systèmes nerveux sympathique et parasympathique. La conséquence en
est une accumulation d’acétylcholine ; les effets toxiques des OP reproduisent assez exactement les conséquences
de cette accumulation d’acétylcholine.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Variables selon le produit concerné. Absorption en général rapide par toutes les voies. Métabolites souvent actifs.
Les OP agissent en quelques secondes ou minutes par inhalation, en 30 à 90 min par ingestion et jusqu’à
18 heures après exposition cutanée.

● RÉGULATION MÉDICALE
Évoquer une intoxication aiguë par OP devant les éléments assez caractéristiques du toxidrome cholinergique.
Distinguer l’intoxication isolée d’une intoxication collective.
Une suspicion d’intoxication collective doit faire redouter un risque terroriste et déclencher une conférence télé-
phonique avec les sapeurs-pompiers et les forces de l’ordre. L’intervention est toujours médicalisée, avec une
attention particulière à la protection des personnels. Prévoir en préhospitalier de l’oxygène et de l’atropine en
quantités. La pralidoxime n’est utile que précocement. Une mobilisation du Poste sanitaire mobile (PSM) doit être
envisagée en cas d’intoxication collective. Les patients sont orientés vers un secteur de soins intensifs ou de
réanimation.

● CLINIQUE
Toxidrome cholinergique avec un tri-syndrome muscarinique, nicotinique et central.
L’intoxication aiguë sévère a trois présentations assez caractéristiques :
■ syndrome digestif pseudogrippal (signes digestifs, céphalées, crampes) ;

■ insuffisance respiratoire aiguë avec bronchospasme et encombrement ;

■ coma convulsif, EDME, en particulier avec les NOP.

Le myosis, classique, n’est pas constant.


Le délai d’apparition des signes cliniques et leur progression dépendent de la voie d’entrée.
Les signes initiaux sont souvent digestifs après ingestion, oculaires et respiratoires après inhalation, des myo-
clonies et des fasciculations localisées après exposition cutanée.

121
II.30 ORGANOPHOSPHORÉS
2/3

● BIOLOGIE
Biologie de routine en fonction de la présentation clinique.
La baisse de l’activité des cholinestérases (AChE) plasmatiques et érythrocytaires représente le marqueur de
l’intoxication. Sujette à de nombreuses interactions, l’interprétation doit en être prudente. La clinique doit dominer
sur la biologie.

AChE érythrocytaires AChE plasmatiques

Spécificité +++ +

Disponibilité + +++

Durée baisse activité Quelques jours Un à 3 mois


à quelques semaines

Baisse d’activité Retardée Précoce

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Peu disponible et sans intérêt décisionnel.

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
ECG systématique.

● TRAITEMENT
Protection des équipes de secours, en particulier si vapeurs.
Déshabillage et décontamination (eau +++) si exposition cutanée : limiter la pénétration cutanée, éviter le transfert
de contamination.
Oxygénothérapie au masque à haute concentration ou après intubation.
Traitement anticonvulsivant par diazépam ou clonazepam. La kétamine a pu être recommandée dans l’EDME.

122
ORGANOPHOSPHORÉS II.30
3/3

Traitement spécifique
■ Atropine : 2 mgIV/5 à 10 min jusqu’à l’asséchement des sécrétions et levée du bronchospasme. De grosses
doses peuvent être nécessaires. L’armée française dispose d’une présentation galénique de 20 mL, 2 mg/mL.
Sa mise à disposition en pratique civile est discutée.
■ Sulfate de pralidoxime (régénérateur des cholinestérases) : 1 à 2 g (30 mg/kg) en perfusion de 30 min, avec
relais si besoin par 500 mg/h en perfusion continue. L’armée française dispose d’une seringue auto-injectable
à 2 compartiments contenant de l’atropine 2 mg, de l’avizafone (précurseur du diazépam) 20 mg et de la
pralidoxime 350 mg. Sa mise à disposition en pratique civile est discutée.

IMPORTANT
• Intoxication collective = redouter un risque terroriste
• Oxygène et atropine à fortes doses dans les meilleurs délais
• Mobilisation des lots PSM si besoin

123
II.31 PARACÉTAMOL
1/5

Intoxication par toxique lésionnel la plus fréquente en France ; le conditionnement le plus répandu, de 8 grammes,
correspond à une dose potentiellement toxique.
Il existe schématiquement deux profils différents d’exposition toxique :
■ la forme aiguë avec une seule ingestion à une heure donnée, dans un but suicidaire chez l’adulte ou par

méconnaissance du risque chez l’enfant ;


■ une forme avec ingestions répétées et rapprochées (souvent moins de 4 heures) de quantités moindres, le plus

souvent à but antalgique.


Sa toxicité est peu connue du grand public, pour autant il est la première cause de greffe hépatique dans les
pays occidentaux.
Aucune forme retard n’est disponible en France, où il existe cependant des formes associées (aspirine, tramadol,
poudre d’opium, caféine, pseudoéphédrine, antihistaminique, etc.).

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Non toxique lui-même, le paracétamol est métabolisé principalement par conjugaison hépatique en métabolites
conjuguées inactifs et pour une faible part, sous l’effet du cytochrome P450, en une molécule très électrophile,
le NAPQI. Ce métabolite est transformé en dérivés soufrés de la cystéine et de l’acide mercapturique lorsque du
glutathion, protéine intracellulaire sensible à l’état nutritionnel du sujet, est disponible en quantité suffisante.
Lorsque le stock cellulaire en glutathion devient insuffisant, ce dérivé agit comme un radical libre, bloquant la
chaîne respiratoire mitochondriale et entrainant des lésions des protéines et des membranes nucléaires et cyto-
plasmiques. Le foie est l’organe le plus exposé, suivi par le rein et le pancréas. On retient le diagnostic d’hépatite
aiguë au paracétamol pour une valeur maximale d’ALAT > 1 000 UI/L.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
En ingestion unique, le pic d’absorption est à H4. La concentration plasmatique décroît jusqu’à H20-H24 (où elle
tend à s’annuler) selon la dose ingérée, plus tardivement en cas d’ingestion massive. La demi-vie d’élimination
à dose thérapeutique est < 2 h, une valeur > 4 h signant un risque de toxicité ; en cas d’ingestions répétées,
ces données ne sont pas valables.
Il est peu éliminé sous forme libre.
Le taux de fixation protéique et le volume de distribution ne le rendent pas accessible à l’hémodialyse.

● GRANDEURS TOXIQUES
Chez le sujet adulte sain, sans trouble nutritionnel et sans autre facteur pouvant moduler la toxicité, le risque
d’hépatite débute à 150 mg/kg. L’enfant y est moins sensible, la dose hépatotoxique étant supérieure à 200 mg/kg.
Des facteurs peuvent moduler cette toxicité :
■ élévation du risque : éthylisme chronique, dénutrition (y compris jeûne de quelques jours), grand âge, traitement

antirétroviral, induction du cytochrome P450 (certains antiépileptiques et antituberculeux), ingestion concomi-


tante d’un AINS ;
■ diminution possible du risque en cas d’alcoolisation aiguë.

124
PARACÉTAMOL II.31
2/5

L’évaluation du risque de toxicité à partir de la DSI étant difficile bien qu’il s’agisse d’un toxique lésionnel, on
s’en remet à l’utilisation du nomogramme de Prescott et Rümack (figure 1), utilisable exclusivement suite à une
ingestion unique à une heure connue. Ce nomogramme propose des lignes de décroissance en fonction du temps
de la paracétamolémie, entre H4 et H24, inscrites sur papier semi-logarithmique : les lignes déterminent diffé-
rentes probabilités de développer une hépatite, la ligne de traitement recommandée en France étant celle débutant
à 150 μg/mL à H4, un patient à risque élevé devant être traité si sa concentration se situe au-dessus de la ligne
débutant à 100 μg/mL à H4.

● RÉGULATION MÉDICALE
En cas d’intoxication volontaire et quelle que soit la DSI, un transport sur une structure d’urgence doit être
organisé ; il n’y a pas lieu de proposer une médicalisation.
En cas d’ingestions répétées et en particulier chez le sujet à risque, nécessité également d’une évaluation hospitalière.
En cas d’ingestion accidentelle chez un enfant, une DSI < 150 mg/kg en dehors d’un traitement de fond permet
de ne pas le faire transporter.
Il n’y a pas de prescription à distance à proposer.

● CLINIQUE
L’intoxication est classiquement asymptomatique initialement, qu’il s’agisse d’une exposition unique ou d’inges-
tions répétées.
Des nausées au cours des premières heures signent l’ingestion d’une forte quantité en prise unique ; les formes
effervescentes entraînent des vomissements qui annulent le risque d’hépatite.
L’hépatite, lorsqu’elle survient, se manifeste après H24 par des nausées puis par un tableau non spécifique.
Les formes fulminantes ne sont pas rares, qu’il s’agisse d’une exposition unique ou répétée ; en l’absence de
greffe hépatique, le décès est fréquent. Beaucoup plus rarement, une tubulopathie rénale aiguë ou une pancréatite
aiguë pourront être symptomatiques.
Exceptionnellement, à doses massives, un coma associé à une acidose lactique ou une myocardite aiguë pourront
être rencontrés.

● BIOLOGIE
Chez un sujet sain, à l’anamnèse non ambiguë et asymptomatique, les paramètres biologiques sont normaux
jusqu’à H12 au minimum.
En cas de suspicion d’ingestion massive, doser le lactate (veineux) à partir de H6.
En cas de doute sur l’horaire d’ingestion, de symptômes digestifs ou de prises multiples, doser d’emblée l’ALAT.
En cas de tableau d’hépatite déclarée, doser en plus TP-INR, bilirubinémie, lactatémie et créatininémie. En cas
de suspicion d’atteinte viscérale autre, doser la créatinine, la lipase, la troponine.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
En cas d’ingestion unique à horaire déterminé, la paracétamolémie est interprétable entre H4 et H24 ; la concen-
tration est reportée sur le nomogramme (figure 1) pour évaluer le risque d’hépatotoxicité.
En cas de prises multiples, en particulier chez le sujet à risque, doser la paracétamolémie, mais sans la reporter
sur le nomogramme : la persistance de paracétamol plasmatique est un facteur prédictif d’hépatite chez les sujets
à risque.

125
II.31 PARACÉTAMOL
3/5

Figure 1. Nomogramme de Prescott et Rümack.

126
PARACÉTAMOL II.31
4/5

● TRAITEMENT
Toute tentative de décontamination digestive ou d’épuration est inutile.
Le seul traitement est antidotique et repose sur la N-acétyl-cystéine (NAC), en priorité :
■ selon le protocole IV « classique » : 150 mg/kg en 1 h, puis 50 mg/kg en 4 h, puis 100 mg/kg en 16 h, dans

du sérum glucosé à 5 %.
■ selon un protocole IV en cours d’évaluation, plus simple et plus court : 100 mg/kg en 2 h dans 200 mL de

sérum glucosé à 5 %, puis 200 mg/kg en 10 h dans 1 000 mL de sérum glucosé à 5 %.


Le traitement est presque toujours efficace lorsqu’initié avant H10 en cas de prise unique. Ce traitement sera
poursuivi en cas d’hépatite (300 mg/kg/j).
En cas de non disponibilité de la forme injectable, la forme orale est aussi efficace, les vomissements étant
limités par son mélange dans du jus de fruit ou un soda type « cola » ; la posologie est de 140 mg/kg, suivis de
17 doses de 70 mg/kg toutes les 4 heures (traitement de 72 heures).
Les deux situations cliniques précédemment décrites répondent à des indications différentes :
■ ingestion unique, report de la concentration sur le nomogramme : traitement si la concentration se situe

au-dessus de la ligne 150 μg/mL à H4, au-dessus de 100 μg/mL si sujet à risque ;
■ ingestions multiples (plus de 10 g les dernières 24 h ou plus de 6 g/j plus de 2 jours, quantités moindres chez

un sujet à risque) : traitement si paracétamolémie détectable ou si ALAT élevée.


Deux autres situations doivent être considérées :
■ la présentation tardive (> H24) d’un patient suite à une exposition aiguë : une paracétamolémie détectable ou

une élévation de l’ALAT fait poser l’indication de traitement ;


e
■ une intoxication chez une femme enceinte : à partir du 2 trimestre de grossesse, débuter le traitement immé-

diatement, puis prendre un avis spécialisé (existence de morts fœtales par hépatite aiguë).
D’une façon générale, dans la forme aiguë et lorsque l’ingestion est hypothétique (cas le plus fréquent) et la
prise en charge précoce (avant H6, cas le plus fréquent également), il est possible d’attendre le résultat de la
paracétamolémie pour décider de l’initiation ou non du traitement.
Dans les cas difficiles (horaire peu précis, doute sur des prises répétées), dose massive avec hyperlactalémie,
un avis spécialisé est utile. Par exemple, le calcul de la demi-vie d’élimination du paracétamol peut être une
aide à la décision. Après un premier prélèvement fait après H4 postingestion, un 2e prélèvement est pratiqué
4 heures après le premier : une 2e concentration supérieure à 50 % de la 1re (demi-vie > 4 h) est une indication
d’administration de l’antidote (risque élevé d’atteinte hépatique). Le traitement est ainsi initié après le 1er prélè-
vement et éventuellement interrompu au vu du résultat du 2e prélèvement.

● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Ils sont cliniques et biologiques : ALAT de façon quotidienne ; TP-INR, bilirubinémie, lactatémie et créatininémie
toutes les 8 à 12 h avec avis spécialisé en cas d’hépatite.
Il n’y a pas lieu de suivre la concentration plasmatique de paracétamol, sauf co-ingestion d’un médicament
fortement ralentisseur du transit chez un patient non traité par NAC.
L’hospitalisation se fait :
■ en UHCD en l’absence d’hépatite déclarée, y compris en cas de décision de traitement ;

■ en USC en cas d’hépatite non sévère, pour poursuite du traitement ;

■ en réanimation en cas d’hépatite sévère, le temps d’organiser au besoin un rapprochement d’un centre de greffe ;

■ en centre de greffe dans l’attente d’une décision de greffe et d’un don d’organe.

127
II.31 PARACÉTAMOL
5/5

● PRONOSTIC
Il est généralement favorable, car les patients se présentent précocement et ne maquillent que très rarement
l’anamnèse.
En cas d’hépatite fulminante, la mortalité est de l’ordre de 50 %, y compris en cas de greffe hépatique.

IMPORTANT
• Penser surtout aux sujets à risque et à la dangerosité des ingestions répétées, grosses pourvoyeuses d’hépatites
fulminantes
• N’utiliser le nomogramme que suite une ingestion unique à un horaire déterminé
• Traiter au moindre doute

128
RODONTICIDES ET ANTINUISIBLES II.32
1/3

Les produits tueurs de rongeurs sont d’usage large, domestique ou professionnel (industrie, agriculture). De très
loin, les rodonticides antivitamine K sont les plus répandus. Les intoxications par chloralose et crimidine sont
bien plus rares ; celles par strychnine, substance aujourd’hui interdite, exceptionnelles.

f RODONTICIDES ANTICOAGULANTS ANTIVITAMINE K


(rAVK)
Les plus répandus, tant en usage grand public que professionnel. Mode d’action identique aux AVK thérapeutiques,
mais de délai et de durée d’action plus longs. Structure chimique :
■ indanediones : chlorophacinone et diphacinone ;

■ hydroxycoumadines : la warfarine et surtout les superwarfarines [les plus toxiques] : brodifacoum, bromadiolone,

difénacoum, diféthialone).
Toutes très liposolubles et non volatiles. Concentrés huileux pour préparation d’appâts et poudres sont d’usage
professionnel et dosés jusqu’à 1 %, alors que les rAVK prêts à l’emploi (céréales enrobées, blocs, granulés) sont
peu concentrés (généralement 0,005 %). L’amérisation de nombre de produits est censée limiter l’ingestion
accidentelle (adjuvé par du benzoate de dénatonium, Bitrex®).

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’absorption digestive est rapide, quasi totale. L’absorption cutanée est importante (plus de 90 %) à condition
d’un contact de plusieurs heures ; l’absorption respiratoire insignifiante. Les rAVK sont fortement liés aux protéines
plasmatiques et s’accumulent au niveau hépatique. Seules la warfarine et les indane-diones sont oxydées par le
CYP, alors que les superwarfarines sont éliminées de manière inchangée dans les selles. Leur élimination est
lente durant plusieurs semaines à plusieurs mois après une première phase d’élimination rapide de quelques
jours.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Inhibition de la synthèse des facteurs de coagulation vitamine K-dépendant (II, VII, IX et X) et des protéines C et
S par inhibition des réductases qui régénèrent la vitamine K1 active.
Conséquences : après consommation des facteurs biodisponibles, hypocoagulation retardée avec risque de sai-
gnement dans les 36 à 72 heures. Toxicité cumulative ; hypocoagulation pouvant durer jusqu’à plusieurs semaines,
voire plusieurs mois pour les superwarfarines.

● GRANDEURS TOXIQUES
L’ingestion accidentelle de quelques grains de rAVK prêts à l’emploi par un enfant est généralement sans risque
(faible dose, faible concentration). Biologie de contrôle et prise en charge sont à réserver aux rares modes
opératoires particuliers : ingestion par jeu entre enfants (« dinettes »), contexte de troubles du comportement.
Les intoxications sévères sont la conséquence d’ingestions volontaires (auto voire hétéro-infligées) d’un concentré
liquide ou d’une grande quantité de granules ou de grains imprégnés (plusieurs sachets par exemple). Le risque
est hémorragique : saignements superficiels (ecchymoses, gingivorragies, épistaxis, hématurie macroscopique...),
digestifs (rectorragies, hématémèse, méléna) ou profonds (abdomen, grands droits, boite crânienne...), compliqué
ou non par leurs conséquences non spécifiques.

129
II.32 RODONTICIDES ET ANTINUISIBLES
2/3

● PRISE EN CHARGE
Intérêt du charbon activé pour les ingestions récentes, dans le respect des contre-indications. Suivi du bilan de
coagulation, en considérant le seuil de 6,0 : INR réguliers entre H36 et H72 avec un contrôle impératif à H72.
En l’absence de traitement, un bilan de coagulation non modifié à H72 exclut l’intoxication, si la chronologie est
fiable. Le dosage du rAVK est peu utile en routine, de corrélation pronostique médiocre.
Deux axes thérapeutiques : relancer la synthèse des facteurs de coagulation et prévenir le risque hémorragique
d’une part, craindre, traiter et suivre tout saignement d’autre part :
■ antidote : vitamine K1 : sans attendre si la dose supposée ingérée est importante ou face à une hémorragie

constituée ou si INR > 6 :


• IV : 50 mg, puis 25 mg toutes les 8 heures,
• per os : 100 mg, puis 50 mg toutes les 8 heures,
• paliers de 3 jours : diviser les doses par deux si l’INR s’est maintenu. Reprendre la dose du palier précédant
dans le cas contraire. Délai d’action : 4 à 6 heures.
L’apport de facteurs de coagulation immédiatement fonctionnels (sang frais, plasma frais congelé, concentré de
complexes prothrombiniques) est indiqué devant des hémorragies constituées. La prise en charge des consé-
quences hémorragiques n’est pas spécifique.
Trois jours de maintien de l’INR sans vitamine K1 conditionnent la fin de la prise en charge. Plusieurs semaines
de traitement sont souvent nécessaires (6 à 8 semaines). Intérêt d’un relais par voie orale.
L’induction enzymatique par phénobarbital (100 mg/jour) est à discuter uniquement pour la warfarine et les
indane-diones.

f ALPHACHLORALOSE ET CRIMIDINE
L’alphachloralose se présente sous la forme de poudre ou d’appâts, concentrés jusqu’à 100 %. Son usage n’est
pas limité à la lutte contre les rongeurs (taupicide, corvicide).
La vente officinale d’alphachloralose pur est longtemps restée banalisée dans certains territoires ultramarins pour
la confection d’appâts domestiques.
La toxicité est neurologique et respiratoire avec mise en jeu rapide du pronostic vital après ingestion.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’absorption cutanée et respiratoire est négligeable mais l’absorption digestive est bonne et rapide. L’élimination
est urinaire sous formes libre et conjuguée (glucuronoconjugaison hépatique).

● MÉCANISME TOXIQUE
Dépression directe du système nerveux central.
Levée de l’inhibition bulboprotubérantielle : résultante excitatrice.

130
RODONTICIDES ET ANTINUISIBLES II.32
3/3

● CLINIQUE
Très rapidement après l’ingestion : pseudo ébriété, puis dépression du SNC (somnolence à coma hypertonique,
dose-dépendant), myoclonies spontanées ou à la moindre stimulation, localisées (ex. : membres) ou non, mimant
un tableau convulsif généralisé. Hypercrinie salivaire et surtout bronchique menaçante : risque d’encombrement
majeur obstructif hypoxémiant et ses conséquences. À dose massive prédomine l’effet dépresseur (coma hypo-
tonique possible), avec même possibilité d’état de mort apparente.
Les tableaux sévères sont possibles dès l’ingestion d’un gramme chez l’adulte, 15 à 20 mg/kg chez l’enfant ; le
risque n’est pas conditionné qu’aux seules prises volontaires.

● PRISE EN CHARGE
En régulation : médicaliser toute ingestion significative, même involontaire (risque rapide de coma clonique avec
détresse respiratoire).
Le traitement est essentiellement symptomatique : intubation et ventilation assistée, sédation par BZD voire
barbituriques ; atropine pour limiter les sécrétions ; aspirations régulières soignées des sécrétions bronchiques ;
intérêt de la curarisation face à des clonies réfractaires ; suivi des conséquences : notamment rhabdomyolyse et
fonction rénale.
Traitement toxicologique : charbon activé et aspiration digestive à discuter uniquement après intubation. Pas
d’antidote ni de traitement épurateur. Le tableau se résout généralement en 48 heures.

f CRIMIDINE
Toxicité et prise en charge similaires à celles de l’alphachloralose. Tableaux sévères uniquement sur ingestion
volontaire (produits généralement nettement moins dosés).

f STRYCHNINE
Intoxications devenues rarissimes (produits interdits, mais échantillons parfois conservés). Utilisée pour la pré-
paration d’appâts, formulations liquides souvent colorées en bleu.
Absorption digestive très rapide. Toxicité majeure dès l’ingestion de quelques dizaines de milligrammes par un
adulte. Action par antagonisme du système inhibiteur postsynaptique médullaire : hyperexcitabilité musculaire
spontanée ou après la moindre stimulation.
Tableau brutal en moins de 30 minutes : intenses contractures musculaires sans altération directe de l’état de
conscience, trismus « sardonique », clonies mimant un tableau de convulsions généralisées, opisthotonos, téta-
nisation des muscles thoraciques et laryngés mettant en jeu le pronostic vital.
Prise en charge similaire à celle réalisée pour l’alphachloralose.

131
II.33 STUPÉFIANTS
1/17

Contaminants (produits de synthèse ou de préparation), adultérants ou diluants (produits inactifs permettant de


diminuer la quantité de substance stupéfiante active), souvent présents en plus de la substance stupéfiante
active, qui est même parfois absente de la préparation consommée.

f STUPÉFIANTS « CLASSIQUES » II.33A


Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Biologie Traitement
de consom- impliqués/
mation Cinétique
d’action

Amphé- Ingestion Sérotoniner- Euphorie, confiance en soi, effet Sympto-


tamines (gélule, giques, entactogène, augmentation de matique
Ecstasy, cachet, dopami- la libido et du plaisir (binge β-bloquants
MDMA, MDA, enveloppé nergiques sexuel) logorrhée, contre-indiqués
love drug, X, dans papier à Début 5 min tremblements, mydriase, avec vaso-
taz, ecsta, cigarette – après vertiges, nystagmus, constricteurs
XTC, love parachute ou injection ou céphalées, agitation, délire,
drug, Vénus, bombing ou 20 min après hallucinations, hypertonie,
Eve, crystal, dissous dans ingestion trismus, bruxisme, insomnie,
crystal meth, boisson), Effets durant troubles du comportement,
ice, yaaba intranasale, 3à6h hyperréflexie, confusion,
(Thaïlande), inhalation, Descente dépression, angoisse,
shabu injection proche de convulsions, AVC, coma
(Philippines) celle de la Tachycardie, HTA, IDM, troubles
cocaïne du rythme cardiaque,
pouvant durer cardiomyopathies, syndrome
plusieurs coronarien aigu, OAP, artérite
heures Tachypnée, polypnée, HTAP,
arrêt respiratoire
Hyperthermie, frissons, sueurs,
nausées, diarrhée, sécheresse
buccale, rhabdomyolyse,
déshydratation (absence fatigue
et soif), insuffisance rénale
aiguë
Descente : anxiété, dépression,
envies suicidaires,
hallucinations, délire de
persécution, hétéro agressivité

132
STUPÉFIANTS II.33
2/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Biologie Traitement


de consom- impliqués/
mation Cinétique
d’action

Cannabis Inhalation Récepteurs Euphorie, angoisse, agressivité, Immuno- Sympto-


Herbe : beuh, Ingestion CB1 et CB2 agitation ou somnolence, chimie : matique
kif, Début distorsion et vivacité des confirmation
marijuana, 7-10 min images, perception exacerbée de la
dagga, après des sons, hallucinations consomma-
sinsemilla, l’inhalation visuelles et auditives, syndrome tion
ganja Décroissance de dépersonnalisation, (8-12 jours,
Haschich : rapide des modification de la perception du jusqu’à
hasch, shit effets temps et des distances, 3 semaines)
Huile Effets durant indifférence vis-à-vis de Adultération
Sativex 4à8h l’environnement, diminution des urines :
(traitement de des performances ■ in vivo :

la spasticité intellectuelles et cognitives ingestion


dans la SEP (troubles de l’attention, du grandes
après échec jugement, de la mémoire de quantités de
des autres fixation) liquides,
traitements) Tachycardie, hypotension diurétiques,
artérielle orthostatique, aspirine,
palpitations vitamine B2,
Toux, bronchodilatation métronida-
Modification de la vision, zole,
mydriase, diplopie, nystagmus, ibuprofène
injection conjonctivale ■ in vitro :

Douleurs abdominales, nitrite de K ou


nausées, vomissements, Na, potasse,
troubles du transit, sécheresse soude, jus de
buccale citron,
Diminution de la libido, de la vinaigre,
fertilité masculine, dysurie, acide
éruption cutanée ascorbique,
Pouvoir cancérigène important eau de Javel,
de la fumée (poumon, VAS) eau
À fortes doses : bradypnée, oxygénée,
dysarthrie, trouble de la glutaraldé-
coordination motrice, faiblesse hyde, savons
musculaire, myoclonies liquides,
détergents,
sel de table...

133
II.33 STUPÉFIANTS
3/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Biologie Traitement


de consom- impliqués/
mation Cinétique
d’action

Cas particulier du syndrome


d’hyperémèse cannabinoïde
chez le consommateur
chronique : accès aigus
volontiers matinaux avec triade
symptomatique associant
nausées et vomissements,
douleurs abdominales et
compulsion à prendre des
douches ou bains chauds qui
soulagent les symptômes ;
résolution des symptômes à
l’arrêt du cannabis, examens
biologiques, radiographiques et
endoscopiques normaux

Champignons Ingestion Agonistes Altération des perceptions Sympto-


hallucino- (frais, secs, mixtes des sensorielles (distorsions matique
gènes en infusion, récepteurs visuelles et auditives),
(psylocybine, dans un plat) sérotoninergi- synesthésies, euphorie, hilarité
psylocine, ques 5HT1a, ou anxiété, dépression,
muscimole) 5HT2a et hallucinations
5HT2c Toxicité somatique nulle
(psylocine et Bad trip (plusieurs heures ou
psylocybine) jours) : sentiment d’insécurité,
et agoniste crainte de devenir fou, de
GABAa mourir, illusions ou
(muscimole) hallucinations visuelles et/ou
Début 30 min auditives, angoisse majeure
à 1 h après jusqu’à l’attaque de panique,
ingestion terreur, délire, confusion,
Effets durant troubles du comportement, auto
6h ou hétéro agressivité
Possibilité de syndromes
psychiatriques durables même
après prise unique

134
STUPÉFIANTS II.33
4/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Biologie Traitement


de consom- impliqués/
mation Cinétique
d’action
Cocaïne Poudre Agoniste Euphorie, stimulation sexuelle, Hyperglycémie Diazépam ou
blanche dopaminer- logorrhée, agitation, Acidose hydroxyzine si
(chlorhydrate gique et hallucinations, convulsions, lactique agitation
de cocaïne) : sérotoniner- tremblements, mydriase, Hypokaliémie, Diazépam ±
intranasale, gique, vertiges, AVC, coma Hyperleuco- phénobarbital
inhalation, ESM ou Paranoïa, dépression, panic cytose, si convulsions
injection ou anesthésique attack, auto ou hétéro Hypophos- Inhibiteurs
body packer local par agressivité, délire phorémie calciques ou
Crack ou free blocage des Tachycardie, HTA, palpitations, Recherche urapidil ou
base : canaux angor, IDM, myocardite, ECG des dérivés nitrés
Inhalation sodiques (troubles du rythme métabolites si HTA sévère
(action en Délai ventriculaire, tachycardie urinaires pour Aspirine si
8-10 sec, d’action : sinusale, ischémie confirmation syndrome
effet max en 3-5 min coronarienne, allongement QT) diagnostic coronarien
5-10 min) Rush : Lésions de la cloison nasale, Diltiazem si
apparition atrophie muqueuse nasale, troubles du
rapidement perte d’odorat, sinusites rythme
progressive Toux, dyspnée, sibilants, cardiaque
euphorie hémoptysie, OAP, Retrait
intense pneumomédiastin, chirurgical
High : fort pneumothorax, dépression des sachets si
sentiment de respiratoire rupture chez
bien-être Hémorragie digestive, nécrose body packer
Binge : envie hépatique β-bloquants
frénétique de Rhabdomyolyse, insuffisance contre-indiqués
consommer à rénale, hyperthermie, sueurs
nouveau
Crash :
descente
(asthénie,
hypersomnie,
anergie,
anxiété,
ralentisse-
ment
psychomo-
teur,
tristesse,
troubles de
concentra-
tion,
irritabilité)

135
II.33 STUPÉFIANTS
5/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Biologie Traitement


de consom- impliqués/
mation Cinétique
d’action

Confuso- Ingestion Atropine Confusion, désorientation, Sympto-


gènes scopolamine hallucinations visuelles, matique
(belladone, agitation, mydriase
datura, Tachycardie, sécheresse
mandragore) buccale

Dissociatifs – Ingestion Agoniste Altérations des perceptions Sympto-


(Salvia sélectif des visuelles, auditives et matique
divinorum : récepteurs nociceptives, diminution de la
sauge opiacés vigilance et effet d’indifférence
divinatoire) kappa à l’environnement, troubles
mnésiques, sédation à fortes
doses
Rétention vésicale, nécrose
papillaire

GHB Ingestion Agoniste des Relaxation, sensualité, Hyperleuco- Sympto-


(gamma récepteurs euphorie, stimulation désir cytose matique
hydroxy GABAb sexuel, désinhibition, vertiges, Hypokaliémie,
butyrate) Début 15 min nystagmus, diplopie, ataxie, Acidose
ecstasy après dysarthrie, mydriase ou myosis, Hyperglycémie
liquide, G, l’ingestion ébriété, amnésie, somnolence, Élévation des
grevious Effets durant hypotonie, céphalées, CPK
bodily harm, 3à4h confusion, tremblements, Prélèvement
scoop and Réveil rapide convulsions, coma conservatoire
easy lay (effet on-off) Accélération transit intestinal, médicolégal
nausées, vomissements,
crampes
HTA, bradycardie, BAV (ECG)
Bradypnée, dépression
respiratoire
Hypothermie

136
STUPÉFIANTS II.33
6/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Biologie Traitement


de consom- impliqués/
mation Cinétique
d’action

Hallucino- Ingestion β-carbolines, Introspection avec participation Sympto-


gènes inhibition émotionnelle forte matique
(Ayahuasca) monoamines Nausées, vomissements
oxydases A Bad trip
Diméthyltryp-
tamine,
agoniste
séroto-
ninergique

Hallucino- Ingestion Effets durant Onirisme Sympto-


gènes 8 à 48 h Allongement QT matique
(ibogaïne) Bad trip

Hallucino- Ingestion Structure Confusion, distorsions visuelles, Sympto-


gènes (peyolt, proche déformation temporelle, matique
mescaline) adrénaline et synesthésies, hallucinations,
dérivés angoisse, agitation, mydriase,
indoliques tremblements
Effets durant Nausées, vomissements
10-12 h Tachycardie, HTA
Bad trip

137
II.33 STUPÉFIANTS
7/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Biologie Traitement


de consom- impliqués/
mation Cinétique
d’action
Héroïne Intranasale, Agoniste des Toxidrome opioïde Détection Naloxone :
(diacétyl- inhalation récepteurs Risque d’œdème pulmonaire urinaire de la titration de
morphine) (« chasser le opiacés, non cardiogénique (risque 6-monoacé- 0,1 mg toutes
dragon ») surtout mu et potentiellement majoré par tylmorphine les 2 min
Injection kappa l’injection de naloxone) dans les 7 h jusqu’à 2 mg
intraveineuse, Début des suivant la En cas de
intramuscu- effets : prise coma ou
laire ou – 20 sec en d’héroïne dépression
sous-cutanée injection respiratoire
– 5 min en (alternative à
intranasal l’intubation et
– 1 à 2 min ventilation
en inhalation assistée)
Flash (5 à Objectif : FR
10 sec) : > 15/min
injection IV ou Durée
inhalation ; d’action :
sensation 30 min
brutale de (administra-
chaleur tion IV en
Plateau (3 à continu après
4 h) : réveil)
bien-être
intense,
sensation de
chaleur,
relaxation
profonde
Descente :
somnolence,
dépression
LSD Ingestion Agoniste Distorsion des images, Sympto-
(LysergSaüre (buvard, séroto- hallucinations visuelles, matique
Diethylamid) gouttes, ninergique agitation, angoisse, mydriase,
enveloppes Début 30 min tremblements, hyperréflexie,
gastro- après coma, troubles humeur et
solubles) ingestion asthénie
Effets durant Tachycardie, HTA,
6 à 12 h hyperthermie, hypersialorrhée,
dépression respiratoire
Bad trip

138
STUPÉFIANTS II.33
8/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Biologie Traitement


de consom- impliqués/
mation Cinétique
d’action
Nitrites Inhalation Vasodilatation Euphorie, stimulation sexuelle, Sympto-
d’alkyls artérielle céphalée, vertiges, matique
(butyle, importante et myorelaxation
isobutyle, rapide Hypotension artérielle,
isopropyle) (relaxation tachycardie,
Poppers fibres Nausées, hyperthermie, lésions
musculaires nasales, baisse de l’acuité
lisses) visuelle
En cas de prise massive ou
chronique, risque de dépression
respiratoire, lésions
neurologiques, anémie,
hypoxémie par
méthémoglobinémie
Substances Inhalation Début Euphorie, désinhibition, Sympto-
volatiles quelques altération du jugement, matique
(toluène, secondes excitation psychomotrice, état
xylène, après confuso-onirique,
hydrocar- l’inhalation désorientation temporospatiale,
bures chlorés, Effets durant vision floue, diplopie
hexane, plusieurs Acouphènes, dysarthrie, ataxie,
chloroforme, minutes et céphalées, délire,
éther, pouvant se hallucinations, anxiolyse,
essence, prolonger sensation d’engourdissement,
acétone, altération fonctions cognitives,
butane, troubles de la conscience,
propane, convulsions, coma
nitrites Bradycardie, douleur
d’alkyls, thoracique, cardiomyopathie,
amyle, butyle fibrillation ventriculaire,
et isobutyle, asystolie
solvants, gaz Bronchospasme, dépression
de propulsion) respiratoire
Douleurs abdominales,
nausées, vomissements,
anorexie
Éruption érythémateuse
péribuccale et nasale
(inhalation dans des sacs
plastiques)
Insuffisance rénale par néphrite
et nécrose tubulaire aiguë
Méthémoglobinémie (nitrites
d’amyle ou de butyle)
À doses très élevées,
hallucinations, ataxie ; coma,
convulsions, ACR

139
II.33 STUPÉFIANTS
9/17

f MÉDICAMENTS DÉTOURNÉS DE LEUR USAGE II.33B


Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traitement
de consom- impliqués/Mode
mation d’action

Morphine Ingestion, Agoniste opioïde pur des Toxidrome opioïde Naloxone : titration de
injection IM, récepteurs μ Complications : 0,1 mg toutes les 2 min
IV, SC Pic plasmatique 60 à OAP lésionnel, jusqu’à 2 mg
90 min après absorption pneumopathie En cas de coma ou
orale (2 à 4 h si forme LP) d’inhalation, dépression respiratoire
et 15 min après IV, rhabdomyolyse (alternative à l’intubation
30 min si IM et 90 min si À dose massive : trachéale et ventilation
sous-cutanée toxidrome (III.66) assistée)
sérotoninergique, état de Objectif : FR > 15/min
choc et arythmie Durée d’action de 30 min
ventriculaire (par ESM) (administration IV en
continu après réveil à la
dose cumulée ayant
permis d’obtenir une FR
> 15/min

Codéine Ingestion, Isomère de morphine Somnolence, Naloxone (Narcan®) :


injection IM, méthylée, transformée en vomissements, prurit, titration de 0,1 mg toutes
intrarectale codéine-6-glucoronide, ataxie, dépression les 2 min jusqu’à 2 mg
norcodéine et morphine respiratoire En cas de coma ou
Début des effets 40 min dépression respiratoire
après ingestion (alternative à l’intubation
Pic d’action en 1 heure trachéale et ventilation
Élimination totale après assistée)
48 h Objectif : FR > 15/min
Durée d’action de 30 min
(administration IV en
continu après réveil à la
dose cumulée ayant
permis d’obtenir une FR
> 15/min

140
STUPÉFIANTS II.33
10/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traitement


de consom- impliqués/Mode
mation d’action
Tramadol Ingestion Morphinomimétique Toxidromes (III.66) Symptomatique de la
par stimulation des opioïde et dépression respiratoire
récepteurs μ sérotoninergique (naloxone IV)
Inhibiteur de la recapture Non détecté par les Symptomatique de
de la sérotonine et de la recherches « standard » l’hypotension artérielle
noradrénaline de morphiniques urinaires Diazépam si convulsions
Pic plasmatique 2 h ou sanguins
après ingestion
Demi-vie plasmatique :
5à7h
Méthadone Ingestion Agoniste des Toxidrome opioïde Naloxone (Narcan®) :
injection IV, récepteurs μ Possibilité de toxidrome titration de 0,1 mg toutes
inhalation Pic plasmatique 4 h (III.66) sérotoninergique, les 2 min jusqu’à 2 mg
après ingestion d’OAP non cardiogénique, En cas de coma ou
d’arythmie (allongement dépression respiratoire
de QT, torsade de pointes) (alternative à l’intubation
Gravité des formes trachéale et ventilation
associées à des assistée)
benzodiazépines Objectif : FR > 15/min
Non détecté par les Durée d’action de 30 min
recherches « standard » (administration IV en
de morphiniques urinaires continu après réveil à la
ou sanguins (kit de dose cumulée ayant
recherche spécifique) permis d’obtenir
une FR > 15/min
Buprénor- Ingestion, Agoniste partiel sur les Toxidrome opioïde Naloxone (Narcan®) :
phine intranasale, récepteurs μ (effet Possibilité de toxidrome titration de 0,1 mg toutes
(Subutex®) inhalation, plafond) et antagoniste (III.66) sérotoninergique les 2 min jusqu’à 2 mg
injection IV sur les récepteurs κ1 Dépression respiratoire En cas de coma ou
et δ2 possible si association dépression respiratoire
Pic plasmatique 90 min avec benzodiazépines ou (alternative à l’intubation
après ingestion alcool, ou voie trachéale et ventilation
intraveineuse ou nasale assistée)
Non détecté par les Objectif : FR > 15/min
recherches « standard » Durée d’action de 30 min
de morphiniques urinaires (administration IV en
ou sanguins continu après réveil à la
dose cumulée ayant
permis d’obtenir
une FR > 15/min

141
II.33 STUPÉFIANTS
11/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traitement


de consom- impliqués/Mode
mation d’action

Kétamine Ingestion, Kétamine : antagoniste Sédation, euphorie, Symptomatique


(anesthé- inhalation, des récepteurs NMDA empathie, sensation de
sique en injection IM du glutamate bien-être, amnésie,
médecine Début des effets 30 à hallucinations avec
humaine et 90 min après la prise dissociation (sensation de
vétérinaire) Effets durant environ 4 flotter au-dessus de son
Spécial K, à6h corps, voyages aux
vitamine K, confins de la mort), délire,
Ket, Ketty, angoisse, vertiges,
Ké, Kétalar céphalées, akinésie,
rigidité musculaire,
confusion, convulsions,
coma ; nausées,
vomissements ;
bradycardie, HTA,
troubles du rythme
cardiaque ; détresse
respiratoire
Rétention vésicale,
nécrose papillaire

Trihexy- Ingestion Anticholinergique central Confusion, hallucinations, Symptomatique


phénidyle et périphérique désorientation Prostigmine : 0,5 mg
®
(Artane , temporospaciale, délire, en IM ou SC
Parkinnane®) agitation, angoisse, crises
convulsives
Mydriase, flush,
hyperthermie, diminution
des sécrétions,
tachycardie, arythmie,
rétention aiguë d’urines

142
STUPÉFIANTS II.33
12/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traitement


de consom- impliqués/Mode
mation d’action

Benzo- Ingestion Agoniste GABAergique Troubles de la conscience Flumazénil (Anexate®)


diazépines variables mais très 0,3 mg puis 0,3 mg puis
(en rarement profonds, avec 0,2 mg renouvelable
particulier hypotonie, hyporéflexie, jusqu’à réveil satisfaisant
clona- ébriété, anxiolyse, ou 2 mg maxi
zépam, dépression respiratoire Relais : 0,1 à 0,4 mg/h
chlorazé- modérée ; possibles CI formelle : prise
pate, agitation, désinhibition, associée d’un toxique
flunitra- agressivité ; tachycardie convulsivant et/ou
zépam) ou bradycardie, arythmogène, épilepsie
hypotension artérielle traitée par
Risque de dépression benzodiazépines
respiratoire si
consommation conjointe
d’alcool

Protoxyde Inhalation Agoniste partiel des Euphorie, rires Symptomatique


d’azote (vols récepteurs opioïdes mu, incontrôlés, sensation de Oxygène normobare
(N2O) bouteilles gaz kappa, sigma et delta flottement, signe de
(« Proto ») à usage (analgésique et Lhermitte (sensation de
médical, anesthésique) décharge électrique le
cartouches de long du rachis lors d’une
propulseur flexion antérieure de la
pour siphon nuque) ; nausées,
de crème vomissements, douleurs
Chantilly) abdominales ; troubles du
rythme cardiaque, perte
de connaissance et des
réflexes de toux et de
protection du larynx à
fortes doses

143
II.33 STUPÉFIANTS
13/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traitement


de consom- impliqués/Mode
mation d’action

Médica- Ingestion Inhibition de la recapture Agitation, hallucinations Symptomatique


ments de la dopamine et de la délire, paranoïa, anxiété,
psycho- noradrénaline dépression, troubles du
stimulants Dopage intellectuel des comportement,
(méthyl- lycéens et étudiants myoclonies,
phénidate) tremblements, syndrome
pyramidal, confusion,
trismus, mydriase,
convulsions, coma,
tachycardie, HTA,
polypnée, fièvre,
céphalées, sueurs
hyperthermie, frissons,
diarrhée

Fentanyl Ingestion du Agoniste des récepteurs Toxidrome opioïde Naloxone (Narcan®) :


(TTF, TTF ou d’une morphiniques μ À très forte dose, rigidité titration de 0,1 mg toutes
comprimés décoction Toxicocinétique variable des muscles respiratoires les 2 min jusqu’à 2 mg
sublin- Injection IV du avec la voie Possibilité de toxidrome En cas de coma ou
guaux, produit pur d’administration (III.66) sérotoninergique, dépression respiratoire
films (retiré du Métabolisme par CYP3A4, d’autant qu’association (alternative à l’intubation
orodisper- réservoir à inhibé par fréquente à un ISRS trachéale et ventilation
sibles) l’aide d’une clarithromycine, ritonavir, Formes mortelles en assistée)
seringue) ou saquinavir, sertraline, association avec de Objectif : FR > 15/min
d’une paroxétine l’alcool, des Durée d’action de 30 min
décoction benzodiazépines, des (administration IV en
Application antidépresseurs, des continu après réveil à la
cutanée ou amphétamines... dose cumulée ayant
sur une Non détecté par les permis d’obtenir une FR
muqueuse recherches « standard » > 15/min
(conjoncti- de morphiniques urinaires
vale, génitale, ou sanguins
rectale,
buccale) de
timbres
entiers ou
découpés
Utilisation
comme
cigarette
TTF : timbres transdermiques de fentanyl

144
STUPÉFIANTS II.33
14/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traitement


de consom- impliqués/Mode
mation d’action

Purple Ingestion Dextrométhorphane Sentiment de toute Benzodiazépines si délire


drank ou (utilisé à la place de la puissance, effets prolongé
Syrup codéine) est métabolisé hallucinogènes Charbon activé dans les
Sirop en dextrorphane Toxidromes opioïde et 2 h suivant l’ingestion ?
antitussif Hydrochloride de anticholinergique,
(codéine ou prométhazine abaissement du seuil
dextromé- Effets antihistaminiques, épileptogène, mort subite
thorphane : antiémétiques et sédatifs
200- Effets 20 min après prise
500 mL) + orale
antihistami- Demi-vie de
nique 10-15 heures
(prométha-
zine :
> 20 mg) +
soda ±
alcool
NB : Dépistage urinaire pour les opiacés naturels, la codéine, la pholcodine, la codéthyline, négatif pour les produits de substitution

145
II.33 STUPÉFIANTS
15/17

f « NOUVELLES DROGUES » II.33C


Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traite-
de consommation impliqués/Mode ment
d’action
Cathinones de synthèse Ingestion enveloppé Stimulation Désinhibition, Sympto-
(à partir du Khat) ou dans papier à cigarettes transmission stimulation sexuelle matique
« sels de bains » (parachute, bombing) dopaminergique, (marathons
Méphédrone (Miaow Injection IV (slam) ou IM sérotoninergique et homosexuels :
miaow, meow meow, Inhalation noradrénergique par pratiques sexuelles
plant feeder, plant food, Intranasale augmentation libération intensives à partenaires
bubbles, blow, Intrarectale (plug) neurotransmetteurs et multiples), euphorie,
subcoca-1, tornado, Début des effets 30 min inhibition la recapture bien-être, entactogène
real euphoria, top cat, après la prise présynaptique (idem MDMA mais de
M’cat, meph, drone, intranasale, 2 à 4 h plus courte durée),
bounce, Krabba, après l’ingestion délire, dépression,
4-MMC, MCAT) Effets durant 2 à 7 h rêves vifs,
Méthylone (ocean snow hallucinations, anxiété,
ultra) agitation, insomnie,
Méthylènedioxypyrova- dépression, paranoïa,
lérone (MDPV) troubles mnésiques,
4-méthyléthylcathinone désorientation,
(4-MCE) mydriase, nystagmus,
5,6-méthylènedioxy- vision floue, bruxisme,
2-aminoindane (MDAI) trismus, convulsions,
Benzofuran (6-APB) confusion, myoclonies,
Mélanges (Energy, NRG, paresthésies, perte de
NRG-1) connaissance, vertiges,
céphalées
Tachycardie sinusale,
HTA, myocardite, SCA,
arythmies, troubles de
la conduction
Douleurs abdominales,
vomissements,
nausées, anorexie
Dyspnée, tachypnée,
IRA, dépression
respiratoire
Hyperémie
conjonctivale,
xérostomie, bouffées de
chaleur, hyperthermie,
épistaxis, douleurs
diffuses,
rhabdomyolyse,
insuffisance rénale

146
STUPÉFIANTS II.33
16/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traite-


de consommation impliqués/Mode ment
d’action

Cannabinoïdes de Inhalation Agonistes partiels des Euphorie, angoisse, Sympto-


synthèse ou « encens » Herbes « vaporisées », récepteurs CB1 et CB2 agitation ou matique
(Spice silver, Spice poudre, spray, liquide Début des effets après somnolence, distorsion
Gold, Spice Diamond, de cigarettes 10 min et vivacité des images,
Galaxy, Solar Rare, électroniques Effets durant 1 à 6 h couleurs et sons,
Black Mamba, Dream, hallucinations visuelles
K2, K3 Legal, Kronic, et auditives, mydriase,
Magic, Red Magic, syndrome de
Skunk, Spice Silver, dépersonnalisation,
Spice Gold Spirit, Star ataxie, dépression,
Fire, Gorilla, Sence, paranoïa, troubles de la
Genie, Yucatan, Zohai, mémoire, convulsions,
Mr Smiley, Blaze, AVC, EDME
Bombay Blue, Moon Tachycardie, HTA,
Rocks) myocardite, injection
conjonctivale, infarctus
du myocarde, arrêt
cardiaque
Vomissements
Insuffisance rénale
aiguë par nécrose
tubulaire

Phénéthylamines de Ingestion Agonistes Hallucinations, Sympto-


synthèse Inhalation sur buvard sérotoninergiques et euphorie, distorsions du matique
(dont Ecstasy et Injection IV dopaminergiques temps et de l’espace,
amphétamines) Effet 10 min après la augmentation de
prise l’intensité des
Effets durant 1 h perceptions et des
couleurs, empathie,
désir de danser
Anxiété, agitation
psychomotrice, attaque
de panique, insomnie,
tachycardie, céphalées

147
II.33 STUPÉFIANTS
17/17

Produits Mode Récepteurs Symptomatologie Traite-


de consommation impliqués/Mode ment
d’action

Tryptamine Ingestion Agoniste Euphorie, hallucinations Sympto-


(DMT, 5-MeO-DMT, Intranasal sérotoninergique sur visuelles, effet matique
DPT, AMT, 5-MeO-MET, Inhalation récepteurs 5HT 1A entactogène, mydriase,
5-MeO-DALT, Injection et 2A agitation, spasmes
A-Aco-DPT, 4-OH-MET, Effets durant 2 à 6 h musculaires
4-OH-DPT, 4-OH-DET) Tachycardie, HTA
Troubles digestifs,
sueurs

Pipérazine Ingestion Augmentation de la Euphorie, bien-être, Sympto-


(A2, Legal X, Pep X) Intranasal libération de dopamine, plaisir, stimulation matique
Injection (jamais sérotonine et physique et psychique,
d’inhalation) noradrénaline dans la sentiment
fente synaptique par un d’invincibilité, effet
mécanisme de diffusion entactogène
facilitée et inhibition Tachycardie, HTA,
des transporteurs des palpitations, bouffées
monoamines de chaleur
Début des effets 15 min Agitation, hyperactivité,
après la prise hallucinations visuelles,
Effets durant jusqu’à mydriase, insomnie,
3h céphalées, convulsions
Insuffisance rénale
aiguë

KRATOM Ingestion Agoniste de récepteurs Euphorie, augmentation Sympto-


Mitragyna speciosa Inhalation opioïdes μ capacités matique
(Krypton, K2) intellectuelles,
physiques et sexuelles
Troubles conscience,
coma, mouvements
anormaux, convulsions
Hyperthermie, cytolyse
et cholestase hépatique
Insuffisance respiratoire
aiguë

148
SULFAMIDES HYPOGLYCÉMIANTS II.34
1/3

Intoxication rare, volontaire ou iatrogène, de prise en charge difficile et souvent longue.


Indiqués dans le traitement du diabète de type 2, ces médicaments stimulent la sécrétion pancréatique d’insuline,
de façon basale et en réponse à des apports d’hydrates de carbone.
Presqu’une dizaine sont disponibles sur le marché, de caractéristiques pharmacologiques relativement proches
hormis leur demi-vie d’élimination dans ce contexte : la prise en charge suit un raisonnement de classe théra-
peutique, quelle que soit la spécialité en cause.
Il existe des formes « simples », d’autres à libération prolongée, ainsi qu’une forme associée à de la metformine.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
L’hyperinsulinémie entraîne une hypoglycémie et très souvent une hypokaliémie et une hypomagnésémie de
transfert.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Après une absorption peu rapide (pic plasmatique en règle générale après H4), ces médicaments ont une forte
fixation protéique, un volume de distribution variable, mais plutôt faible.
Ils subissent pour la plupart un métabolisme hépatique inactivateur, avec élimination rénale des métabolites dont
certains peuvent être actifs ; l’un d’eux, le glimépiride, subit également une élimination rénale sous forme
inchangée.
La demi-vie d’élimination est toujours prolongée en cas d’intoxication, en particulier pour les formes à libération
prolongée et en cas d’insuffisance rénale.
L’hémodialyse est sans intérêt les concernant.
La corrélation clinicobiologique est mauvaise.

● GRANDEURS TOXIQUES
Un seul comprimé peut entraîner une hypoglycémie chez un sujet non diabétique et a fortiori chez un enfant.
La sensibilité des sujets diabétiques traités est très variable ; une insuffisance rénale peut jouer un rôle.

● RÉGULATION MÉDICALE
Évoquer l’intoxication chez un patient diabétique, mais également dans son entourage.
Ne pas sous-estimer la gravité potentielle de cette intoxication, même si l’ingestion remonte à plusieurs heures :
le délai moyen d’apparition des symptômes est de 6 à 8 heures y compris pour les formes immédiates.
Stimuler des prises glucidiques orales (solides ou liquides) chez le patient symptomatique non comateux.
S’enquérir de la disponibilité de Glucagon, à administrer par le patient, l’entourage, l’infirmier habituel, un médecin
de proximité...
Déclencher une médicalisation en cas de trouble de conscience ne permettant pas des apports glucidiques oraux ;
y associer un vecteur de transport, l’hospitalisation étant impérative.
Orienter les sujets initialement comateux vers une unité de surveillance continue.

149
II.34 SULFAMIDES HYPOGLYCÉMIANTS
2/3

● CLINIQUE
C’est celle d’une hypoglycémie ; les sueurs sont constantes et doivent alerter.
L’impasse d’un repas est très rarement la cause d’un surdosage relatif.
Les effets, outre qu’ils apparaissent après plusieurs heures, sont de durées extrêmement variables, pouvant
persister plusieurs jours.

● BIOLOGIE
Les mesures utiles sont la glycémie, la kaliémie, la magnésémie et la créatininémie ; la glycémie capillaire doit
être suivie toutes les 30 minutes dès le patient symptomatique, puis 1 puis 2 heures après stabilisation.
Celle de l’insulinémie est sans intérêt et la concentration serait très mal corrélée au tableau clinique.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Pourrait être indiquée en cas de doute diagnostique, mais est sans intérêt pour la prise en charge initiale.

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


TDM puis IRM : dans les formes comateuses prolongées et sévères apparaissent des lésions corticales épargnant
le lobe frontal, des lésions des amygdales et des hippocampes, ainsi que des lésions des noyaux lenticulaires et
caudés.
L’ECG peut ne pas refléter la profondeur de l’hypokaliémie de transfert.

● TRAITEMENT
Discuter une décontamination digestive par charbon activé avant H1 si ingestion avérée.
Le traitement spécifique ne s’initie que chez un patient symptomatique :
■ glucagon (1 mg IM), si peut précéder la pose d’une voie veineuse ;

■ apports glucidiques oraux si possibles, intraveineux hypertoniques à défaut, ceci nécessite la pose d’un abord

veineux profond et entretient voire stimule la sécrétion d’insuline ;


■ traitement antidotique par octréotide (50 à 100 μg s/cut – 1 μg/kg chez l’enfant – toutes les 8 à 12 h pendant

24 à 36 h) : bloque la sécrétion d’insuline, doit être instauré précocement, quand se pose la question d’apports
glucidiques hypertoniques par voie veineuse profonde ; permet d’éviter ce geste et de limiter les variations de
kaliémie.
Apports potassiques et en magnésium adaptés, corrélés à la fonction rénale.
Pas d’indication à une épuration digestive, rénale ou extrarénale.

150
SULFAMIDES HYPOGLYCÉMIANTS II.34
3/3

● SURVEILLANCE
Surveillance complémentaire au moins 8 h après arrêt de l’octréotide, avec alimentation orale suffisante sans
apports glucidiques IV.

● PRONOSTIC
Séquelles neurologiques pouvant aller jusqu’à un état végétatif en cas de prise en charge trop tardive d’une
hypoglycémie très profonde.
Risque de décès non nul.

IMPORTANT
• Tableau s’installant assez tardivement (H6-H8) et pouvant durer plusieurs jours
• L’utilisation précoce d’octréotide permet d’éviter la pose d’un abord veineux profond et de limiter les variations
de kaliémie liées aux apports glucidiques

151
II.35 TRICHLORÉTHYLÈNE
1/2

Solvant industriel. L’intoxication peut être accidentelle en milieu de travail ; elle est rarement suicidaire par
ingestion. Elle est plus souvent le fait d’une utilisation par inhalation chez un adolescent toxicomane.
Le trichloréthylène est incolore d’odeur douce.
Dans le cadre d’une toxicomanie, l’inhalation peut se faire :
■ en respirant un tissu ou un oreiller imbibé. Le risque est l’asphyxie mécanique dans le cas d’un endormissement ;

■ en respirant dans un sac plastique contenant le produit : le risque d’asphyxie est majoré ;

■ par pulvérisation directe dans le nez ou la gorge.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
L’effet recherché par le toxicomane est un syndrome ébrionarcotique avec sensation d’ivresse, euphorie, désin-
hibition. Comme d’autres solvants volatils, le trichloréthylène entraîne une dépression nerveuse centrale ; les
mécanismes en sont largement méconnus. Le trichloréthylène augmente la sensibilité du myocarde aux caté-
cholamines : un trouble du rythme ventriculaire peut être la cause d’une mort subite en cas de stress majeur.
L’utilisation de catécholamines est contre-indiquée.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Le trichloréthylène est métabolisé en acide trichloroacétique et en trichloréthanol (métabolites trichlorés) faciles
à mettre en évidence dans les urines si besoin.

● RÉGULATION MÉDICALE
Régulation sur les signes présents à l’appel. L’aggravation peut être rapide.
Penser aux risques de dépression nerveuse centrale, d’asphyxie et de survenue de troubles du rythme cardiaque.
Intervention uniquement secouriste ou médicalisée à discuter.
Admission en structure d’urgence ou en réanimation selon la gravité initiale.

● CLINIQUE
Les signes cliniques apparaissent très rapidement. Ils associent à des degrés divers :
■ signes neurologiques : syndrome ébrionarcotique, agitation, hallucinations, obnubilation, coma dans les formes

graves ;
■ signes cardiaques : troubles de l’excitabilité myocardique, arrêt cardiaque possible ;

■ signes respiratoires : inhalation trachéobronchique, suffocation ;

■ signes digestifs : haleine évocatrice, nausées, vomissements, diarrhées.

● BIOLOGIE
Biologie de routine, pas de marqueur spécifique.

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage dans les urines des métabolites trichlorés est facile à obtenir si besoin.

152
TRICHLORÉTHYLÈNE II.35
2/2

● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
L’ECG est systématique.
Le trichloréthylène est radio-opaque sur les cliches d’abdomen sans préparation.

● TRAITEMENT
Le traitement est essentiellement symptomatique.
Lavage abondant, précoce et prolongé en cas d’exposition cutanée et/ou oculaire (accident du travail).
Admission en réanimation des formes graves. Attention à l’évacuation des gaz expirés, ils contiennent du
trichloréthylène.
Le propranolol est recommandé en cas d’hyperexcitabilité myocardique : 1 mg IV lente renouvelable après
5 minutes, puis 1 amp/12 h au PSE.
Les catécholamines exogènes sont normalement contre-indiquées.

IMPORTANT
• Toxicomanie surtout
• Risques d’asphyxie mécanique et de troubles du rythme ventriculaire
• Contre-indications des catécholamines

153
II.36 VALPROATE DE SODIUM
1/2

Le valproate de sodium, un acide gras, est prescrit comme antiépileptique. Différentes formes galéniques sont
disponibles, dont des formes à libération prolongée. Les médicaments dérivés divalproate de sodium (acide
valproïque-valproate de sodium) et valpromide (prodrogue du valproate), utilisés dans les troubles de l’humeur,
ont la même toxicité et répondent à la même prise en charge. L’intoxication modérée, avec une simple somno-
lence, est assez courante. Des formes graves sont possibles, un traitement spécifique est disponible.

● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Ils sont pour l’essentiel mal connus. Le valproate de sodium est considéré comme un acide gras dans la bêta-
oxydation des acides gras et suit donc cette voie métabolique. Des métabolites toxiques et une hyperammoniémie
peuvent apparaître lors d’une déplétion en L-carnitine et une déviation du métabolisme vers une oméga-oxydation.
Une atteinte hépatique à type de stéatose microvésiculaire et un œdème cérébral caractérisent les formes graves
de l’intoxication.

● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’absorption de la forme buvable est rapide en moins d’une heure, elle est de quelques heures pour les comprimés.
La demi-vie d’élimination d’une forme simple est de 7 à 17 h. Malgré une forte liaison protéique (90 %), son
faible volume de distribution (0,15 L/kg) le rend accessible à l’épuration extrarénale. Des effets toxiques, neuro-
logiques en particulier, peuvent apparaître dès 1 800 mg en prise unique.

● RÉGULATION MÉDICALE
Les premiers signes cliniques apparaissent 10 min à deux heures après l’ingestion. La forme la plus habituelle
de l’intoxication, avec simple somnolence, ne justifie pas une médicalisation systématique. L’intoxication modérée
peut être dirigée vers une structure d’urgence. Des signes de détresse vitale, la prise d’une dose massive,
justifient une médicalisation précoce et l’admission en réanimation.

● CLINIQUE
Somnolence et confusion sont observées dans la forme habituelle de gravité modérée.
Les formes graves peuvent associer :
■ un coma hypotonique hyporéflexique, des convulsions, un EDME ;

■ une bradycardie, un collapsus cardiovasculaire ;

■ une dépression respiratoire ;


e
■ un œdème cérébral retardé (jusqu’à la 72 heure) avec hyperammoniémie pouvant conduire au décès.

● BIOLOGIE
La biologie est assez riche, en particulier dans les formes graves :
■ acidose métabolique à trou anionique élevé non expliqué par l’hyperlactatémie ou la présence de l’ion valproate ;

■ baisse du taux de prothrombine, thrombopénie, allongement du temps de saignement, diminution du

fibrinogène ;
■ cytolyse hépatique, insuffisance hépatocellulaire ;

■ hyponatrémie, hyperammoniémie > 80 μmol/L (serait un marqueur de gravité).

154
VALPROATE DE SODIUM II.36
2/2

● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage plasmatique est rapidement obtenu par immunoanalyse. Bien que la corrélation clinicobiologique ne
soit pas très bonne, un suivi des concentrations plasmatiques toutes les 6 heures est utile. Il existe en effet une
relation entre les pics de concentration et l’atteinte neurologique. Deux seuils à connaître : intoxication modérée
pour une concentration > 450 mg/L, intoxication grave pour une concentration > 850 mg/L. Le dosage a lieu
d’être prescrit de la même façon pour les spécialités valpromide et divalproate de sodium.

● AUTRES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES


Intérêt de la TDM cérébrale dans les formes graves : possible œdème cérébral.

● TRAITEMENT
■ Symptomatique dans tous les cas.
■ Charbon activé en dose unique à discuter dans l’heure suivant l’ingestion.
■ Traitement des convulsions par diazépam, clonazépam.

■ Traitement du collapsus par remplissage prudent (< 1 500 mL) et amines pressives.

■ L’épuration extrarénale a des indications exceptionnelles après avis spécialisé.


®
■ Le traitement spécifique fait appel à la L-carnitine (Levocarnil ) : le rationnel est une restauration des voies

métaboliques du valproate empruntant le chemin de la bêta-oxydation des acides gras, avec réduction de la
formation de métabolites hépatotoxiques.
Indication : forme grave avec acidose métabolique, insuffisance hépatocellulaire, œdème cérébral, concentration
plasmatique > 850 mg/L.
Posologie : 100 mg/kg/j en perfusion intraveineuse de 4 à 8 heures pendant trois jours.

● PRONOSTIC
Il est bon dans la majorité des cas de gravité modérée. Le décès est possible dans les formes graves avec
œdème cérébral et atteinte hépatocellulaire.

IMPORTANT
• La forme habituelle la plus fréquente de l’intoxication est sans gravité
• Des formes graves exceptionnelles peuvent conduire au décès
• Un traitement spécifique est disponible

155
PARTIE III

Lexique encyclopédique
ABORD INITIAL
III.1 DU PATIENT INTOXIQUÉ
1/2

La première approche du patient, incluant son inspection (dont le comportement, la peau, les muqueuses et les
extrémités), l’étude de son haleine, éventuellement la coloration des urines, permettent d’évoquer des mécanismes
physiopathologiques ou lésionnels qui guideront la suite de l’examen clinique et les propositions d’hypothèses
toxiques.

PRÉSENTATION MÉCANISME

Trouble Anoxie cellulaire (III.5)


de conscience, État de choc (III.26)
coma État post-critique, épilepsie non convulsivante (toxique convulsivant (III.12))
Hypoglycémie (III.40) (toxique hypoglycémiant, état de mal convulsif prolongé)
Hypothermie (III.41) (cause et conséquence)
Hyperthermie (III.39)
Insuffisance respiratoire aiguë (III.45)
Toxiques spécifiques (psychotropes dépresseurs)

Agitation Anoxie cellulaire (III.5)


et/ou sueurs Douleur (III.23)
État de choc (III.26)
État post-critique, épilepsie non convulsivante (toxique convulsivant (III.12))
Insuffisance respiratoire aiguë (III.45)
Hypoglycémie (III.40)
Hyperthermie (III.39)
Toxiques convulsivants (convulsions (III.12))
Toxiques spécifiques : alcool éthylique (II.1), antidépresseurs (II.5), anticholinergiques,
neuroleptiques et nouveaux antipsychotiques (II.29), aspirine (II.8), benzodiazépines (II.9),
hormones thyroïdiennes, sérotoninergiques, stupéfiants (II.33)
Syndrome de sevrage : alcool éthylique, baclofène, benzodiazépines, opiacés

Convulsions Anoxie cellulaire (III.5)


État de choc (III.26)
Insuffisance respiratoire aiguë (III.45)
Hypoglycémie (III.40)
Hyperthermie (III.39)
Toxiques convulsivants (convulsions (III.12))

Pâleur État de choc (III.26)


Hémolyse (III.34)
Hémorragie (III.35)

Cyanose État de choc (III.26)


Insuffisance respiratoire aiguë (III.45)
Méthémoglobinisant (II.27)
Toxiques convulsivants (convulsions (III.12))

158
ABORD INITIAL
DU PATIENT INTOXIQUÉ III.1
2/2

PRÉSENTATION MÉCANISME

Ictère Hémolyse (III.34)


Hépatite (III.36)

Autres Traces d’injection IV ou sous-cutanée : exposition toxique (III.29) toxicomaniaque ou


particularités volontaire suicidaire
cutanées Érythème, phlyctènes : coma (III.8) prolongé
Pétéchies, ecchymoses : antiagrégants, anticoagulants dont rodonticide (II.32) AVK
Flush : vasodilatateurs, toxidrome (III.66) antabuse
Brûlure : corrosifs (irritants, moussants et corrosifs (II.23)) ; évoquer une inhalation de fumées
d’incendie (II.18) associée
Alopécie (tardive) : colchicine (II.14), thallium, myélosuppresseurs, polonium

Odeur Œnolique : alcool éthylique (II.1)


de l’haleine Ail : arsenic, phosphore jaune, tellure
Amande : cyanure (II.15)
Fruitée : acétone, alcools, glycols (II.17), solvants chlorés
Œuf pourri : N-acétylcystéine, hydrogène sulfuré, disulfiram, mercaptans
Poisson : phosphure de zinc et d’aluminium
Odeur spécifique : camphre, colle, essence de térébenthine, trichloréthylène (II.17), dérivés
pétroliers dont l’essence, le gazole, le kérosène, le toluène et le white-spirit

Coloration Bleu-vert : propofol


des urines Brun-noir : hémoglobine (hémolyse intravasculaire (III.34)) ou myoglobine (rhabdomyolyse
(III.57))
Brun-marron : méthémoglobinisant (II.27)
Vert : bleu de méthylène
Autre coloration : rechercher un colorant alimentaire ou autre

159
III.2 ACOUPHÈNES

Évoquer :
■ aspirine (II.8) et anti-inflammatoires non stéroïdiens (II.7), chloroquine ;

■ mercure (intoxications chroniques par amalgames dentaires) ;

■ plomb ;

■ quinine.

Pas de traitement symptomatique spécifique.

160
ANALYSE TOXICOLOGIQUE III.3
1/5

L’analyse toxicologique vient après un examen clinique complet et les examens complémentaires (III.28) biolo-
giques de routine ; certains « marqueurs » biologiques simples peuvent en effet être les témoins de la gravité
immédiate ou potentielle de l’intoxication.
L’analyse toxicologique permet :
■ de confirmer une intoxication suspectée (raisonnement clinique probabiliste (III.55)) ;

■ d’exclure une hypothèse toxique ou de poser un diagnostic différentiel d’intoxication ;

■ d’évaluer la gravité (III.32) d’une intoxication ;

■ de surveiller une thérapeutique, d’en mesurer l’efficacité.

Le sang et l’urine sont les milieux biologiques habituellement analysés. Le sang est le milieu dans lequel la
concentration d’un toxique pourra être le mieux corrélée dans certains cas à la gravité immédiate ou potentielle
de l’intoxication. Les urines sont un bon complément de l’analyse sanguine, en particulier lorsque le toxique a
une demi-vie d’élimination sanguine rapide ou une fixation tissulaire importante. Les urines peuvent aussi être
le témoin d’une consommation récente de médicaments psychotropes ou de substances illicites. L’analyse du
contenu gastrique (vomissements ou lavage gastrique) est maintenant exceptionnelle. Enfin, dans certains cas
particuliers (soumission chimique (III.59), addiction, suspicion d’intoxication criminelle), une mèche de cheveux
ou d’autres phanères pourront être prélevés dans les semaines suivant l’exposition.

● CONFIRMER UNE INTOXICATION SUSPECTÉE


L’anamnèse, l’interrogatoire du patient, des témoins, de sa famille, l’examen clinique, l’évolution des premières
heures et les examens biologiques de base sont souvent suffisants pour retenir le diagnostic d’intoxication sans
aucun résultat d’analyse toxicologique et pour prendre les premières mesures thérapeutiques. Exiger par exemple
une recherche de benzodiazépines devant un toxidrome conforme n’est pas justifié en routine, sauf dans le cadre
d’une éventuelle étude épidémiologique.
Par contre, chaque fois que les signes cliniques ou biologiques ne sont pas conformes à l’anamnèse ou que
l’évolution n’est pas conforme à l’intoxication supposée, une collaboration entre le clinicien et l’analyste doit
s’instaurer pour envisager d’autres hypothèses toxiques. Dans ce cas, le clinicien doit informer le biologiste des
anomalies biologiques ou cliniques observées, afin d’orienter la recherche. Un complément d’enquête concernant
le patient (identité, profession, circonstances et lieu de découverte, antécédents médicaux et psychiatriques) peut
apporter de nouveaux éléments.

● TYPES D’ANALYSE
Deux types d’analyse toxicologique sont à disposition du clinicien.

Techniques d’immunoanalyse : l’urgence


Les méthodes d’immunoanalyse automatisées sont particulièrement bien adaptées à l’urgence, du fait de leur
grande facilité d’utilisation (formation rapide du personnel), de leur rapidité (résultat rendu en 30 minutes), de
leur bonne sensibilité et de leur fiabilité, à condition d’en connaître parfaitement les limites.
Deux techniques d’immunoanalyse sont disponibles, dosage spécifique ou reconnaissance de classe.
Le dosage spécifique est possible pour un nombre restreint de molécules ; dans ces cas, il y a peu de problèmes
d’interprétation.

161
III.3 ANALYSE TOXICOLOGIQUE
2/5

Dans les autres cas, il s’agit d’une technique de reconnaissance de classes de médicaments ou de stupéfiants ;
l’interprétation peut alors être plus difficile et doit tenir compte :
■ de la notion de différences d’affinité, vis-à-vis d’un même anticorps, entre les différentes molécules d’une

même famille : certaines molécules sont moins bien reconnues que d’autres, du fait parfois d’une très légère
modification de structure, d’où le risque de résultats faussement négatifs (exemple classique de certaines
benzodiazépines comme le bromazépam ou l’alprazolam) ;
■ de la notion de réactions croisées par suite d’une parenté structurale conduisant à de faux positifs (carbama-

zépine, phénothiazines, tropatépine, clopixol, dont la structure tricyclique interfère avec les réactifs pour anti-
dépresseurs tricycliques) ;
■ de la notion de résultat purement qualitatif (positif ou négatif par rapport à un seuil de positivité) ou de résultat

semi-quantitatif, pour lequel il faut être très prudent, mais qui peut être potentiellement très intéressant : dans
le cas d’une crise d’épilepsie, une recherche d’antidépresseurs dans le sang à une concentration supérieure à
1 000 μg/L est suffisante pour confirmer en urgence un surdosage en antidépresseurs tricycliques.
L’immunoanalyse présente deux inconvénients majeurs : son coût et son domaine d’application réduit aux molé-
cules pour lesquelles des réactifs ont été développés. Le biologiste qui ne dispose que d’un automate d’immu-
noanalyse se trouve ainsi démuni lorsqu’il est confronté par exemple à une intoxication par la chloroquine, par
le méprobamate (retiré récemment de la pharmacopée), par un neuroleptique ou par un antidépresseur non
tricyclique ; le baclofène peut maintenant être ajouté à cette liste. Le clinicien doit être averti de ces difficultés
d’ordre technique : il doit savoir que les antidépresseurs de nouvelle génération ne sont pas identifiés avec les
réactifs de détection des antidépresseurs tricycliques ; que le zolpidem et la zopiclone, souvent assimilés à des
benzodiazépines, ne sont pas reconnus par l’anticorps antibenzodiazépines, ou encore que parmi les opioïdes,
buprénorphine, tramadol, dextropropoxyphène (retiré de la pharmacopée), méthadone et fentanyl ne sont pas
reconnus par les réactifs de détection de la classe des morphiniques.

Techniques séparatives : la précision


Pour combler les lacunes de l’immunoanalyse, le biologiste peut avoir recours à d’autres méthodes dites sépa-
ratives, les méthodes chromatographiques. Il s’agit de méthodes spécifiques, sensibles, se prêtant à des appli-
cations quantitatives ou qualitatives (screening avec possibilité d’utiliser des bibliothèques de spectres) et leur
domaine d’application est illimité. Ces méthodes utilisent un matériel plus sophistiqué, sous la responsabilité de
personnel spécialisé. Les plus utilisées sont la chromatographie liquide couplée à un détecteur à barrette de
diodes (CLHP-BD, ou HPLC-DAD pour High-performance liquid chromatography with diode array detector), la
chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM, ou GC-MS pour gas chro-
matography mass spectrometry) et la chromatographie liquide couplée à la chromatographie de masse en tandem
(CLHP-SM/SM, ou LC-MS/MS pour Liquid chromatography coupled to tandem mass spectrometry). Ces techniques
ont une place indéniable en toxicologie d’urgence, puisque leur domaine d’application est complémentaire de
celui de l’immunoanalyse : l’HPLC-DAD est performante pour les antidépresseurs, y compris ceux de nouvelle
génération, les benzodiazépines, les neuroleptiques et de nombreux autres médicaments. Elle fonctionne en
routine dans la plupart des laboratoires. La spectrométrie de masse permet une identification formelle des
molécules et de leurs métabolites ; son usage est le plus souvent différé. Ces méthodes restent cependant lourdes
et consommatrices de temps. Leur mise en application dépend des moyens de chaque laboratoire.

162
ANALYSE TOXICOLOGIQUE III.3
3/5

À ce niveau, se pose le problème de l’urgence de la réalisation des analyses plus complexes ; il est très difficile
de répondre à cette question dans l’absolu. La réponse dépend de nombreux facteurs tels que :
■ la nécessité d’instaurer un traitement spécifique antidotique à renouveler dans le temps (utilité du dosage des

glycols et du méthanol en chromatographie en phase gazeuse en urgence et en garde) ;


■ l’urgence de la prise en charge thérapeutique du patient : les cliniciens ne doivent pas attendre les résultats

du laboratoire pour traiter une intoxication par les cyanures. L’analyse, non indispensable, peut être différée !
■ l’expérience du clinicien qui prend en charge le patient ; celle-ci influence souvent son degré d’exigence dans

le sens d’une économie de santé ou au contraire d’une prescription abusive d’analyses ;


■ les habitudes du laboratoire, de ses moyens en personnel, de ses horaires d’ouverture, de l’existence d’un

système de garde avec du personnel qualifié. En matière d’efficacité et de fiabilité des résultats, il est parfois
plus prudent de reporter au lendemain une analyse complexe qui nécessite une certaine expérience de la part
de celui qui va la prendre en charge. Quelle que soit la puissance de l’outil analytique, le biologiste doit toujours
rester critique face à ses résultats ; il doit faire part de ses doutes au clinicien ;
■ les contraintes administratives, décision de sortie du patient ou de transfert par exemple. Le caractère d’urgence

peut être lié à des considérations économiques : une analyse positive confirmant un diagnostic toxicologique
peut éviter d’autres investigations plus coûteuses. Tout ceci est discutable et peut alimenter la discussion
clinicobiologique.
Dans certains cas enfin, l’analyse toxicologique peut s’imposer pour des raisons médicolégales ; une suspicion
de soumission chimique en est un exemple.
Dans toutes les situations difficiles ou douteuses, il faut souligner l’importance de conserver des prélèvements
de sang et d’urine dès l’admission du patient pour une analyse ultérieure, afin de ne pas perdre une chance de
faire un diagnostic exact et rigoureux, même a posteriori. Ainsi, plasmathèque et urothèque peuvent être consti-
tuées en collaboration avec le biologiste. Ces prélèvements « conservatoires » (III.53) seront constitués au
minimum de 10 mL de sang prélevé sur héparinate de lithium sans gel conservateur (un tube de 5 mL non
centrifugé et un tube de 5 mL centrifugé et décanté le plus rapidement possible) et de 10 mL d’urines.

● EXCLURE UNE HYPOTHÈSE TOXIQUE


OU POSER UN DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL D’INTOXICATION
De nombreux états cliniques peuvent simuler une intoxication aiguë. La notion de diagnostic différentiel doit
toujours être présente à l’esprit du clinicien et du biologiste. Là encore, guidé par les symptômes cliniques et
biologiques, le biologiste peut orienter sa recherche vers l’élimination de telle ou telle molécule. Dans d’autres
circonstances plus atypiques et en l’absence de contexte d’intoxication, il est impossible d’être exhaustif dans
une démarche analytique, la liste des produits toxiques étant illimitée. Certains cliniciens, en prescrivant des
bilans que l’on peut qualifier de « tous azimuts », n’ont pas conscience de l’ampleur du travail demandé. Le
laboratoire de toxicologie est parfois sollicité tardivement dans le cas d’un diagnostic différentiel ; en fonction du
délai, la nature des prélèvements à analyser peut être remise en cause par le biologiste.
Un cas particulier est le diagnostic de l’état de mort cérébrale : le clinicien doit pouvoir éliminer avec certitude
certaines intoxications comme les barbituriques, les carbamates médicamenteux ou le chloralose, avant d’affirmer
le décès.

163
III.3 ANALYSE TOXICOLOGIQUE
4/5

● ÉVALUER LA GRAVITÉ D’UNE INTOXICATION


Comme évoqué dans l’introduction, de nombreux « marqueurs » paracliniques simples permettent d’évaluer la
gravité d’une intoxication : hyperkaliémie des digitaliques ou hypokaliémie de la chloroquine par exemple, acidose
métabolique des alcools et glycols, élargissement du complexe QRS avec les médicaments à ESM, etc.
Peu de concentrations sanguines de toxiques sont de véritables marqueurs de la gravité d’une intoxication. On
peut citer le paracétamol, l’aspirine, le lithium, les alcools et glycols, le paraquat.
La connaissance de la toxicocinétique du produit a une importance toute particulière pour donner à des concen-
trations sanguines toute leur valeur ; seule une collaboration bien comprise entre clinicien et biologiste permet
de garantir la valeur informative de l’analyse toxicologique.

● SURVEILLER UNE THÉRAPEUTIQUE, EN MESURER L’EFFICACITÉ


L’analyse toxicologique a rendu dans ce domaine de très grands services à la toxicologie clinique. Il eut été
impossible d’évaluer l’éventuelle efficacité du sirop d’ipéca, du lavage gastrique ou du charbon activé, de l’épu-
ration rénale ou extra rénale, sans l’apport de l’analyse toxicologique. Il serait maintenant impensable de proposer
un nouveau traitement épurateur sans le valider par l’analyse toxicologique. Encore faut-il que les questions
soient bien posées. La seule observation d’une baisse des taux plasmatiques peut donner une fausse impression
d’efficacité sans amener la preuve d’une véritable épuration, dont on souhaite qu’elle soit significativement
supérieure aux capacités d’épuration spontanée de l’organisme. La confrontation des connaissances et des idées,
des protocoles d’étude cinétique menés avec rigueur, sont seuls à même de répondre correctement aux questions
posées.

164
ANALYSE TOXICOLOGIQUE III.3
5/5

● CONCLUSION
En conclusion, nous proposons un schéma qui résume la place de l’analyse toxicologique dans la prise en charge
des intoxications aiguës (figure 1) : celui-ci reflète également la nécessité d’une bonne collaboration
clinicobiologique.

Figure 1. Demande d’analyse toxicologique.

165
III.4 ANAMNÈSE

C’est l’histoire de l’exposition toxique (III.29) simple ou de l’intoxication (III.46), celle de la rencontre d’un orga-
nisme humain avec un toxique, avec ou sans symptômes rapportés par le sujet exposé. Il conviendra de carac-
tériser le sujet, le toxique et l’exposition, puis de recueillir les signes fonctionnels éventuels du patient.

● SUJET
■ Sexe et âge : démythifier le « cliché » de la femme jeune et comateuse (penser au suicide chez l’homme âgé),
savoir repérer un sujet potentiellement victime de soumission chimique (III.59).
■ Reconnaître un patient potentiellement suicidant (III.61).
■ Antécédents médicaux : certaines comorbidités peuvent influer sur l’histoire naturelle de l’intoxication et orienter des
choix thérapeutiques : cardiopathie, insuffisance respiratoire chronique, risque de déplétion hépatique en glutathion...
■ Caractéristiques du milieu social et professionnel : elles peuvent guider le recueil de données (toxiques parti-
culiers à disposition, connaissance des toxiques les plus dangereux).

● TOXIQUE
■ Sa nature : une identification du toxique (III.42) est souvent utile ; à défaut, des éléments indirects peuvent aider (pour
les plantes et champignons supérieurs par exemple, l’habitat, la saisonnalité, l’altitude, les données classiques sur les
confusions entre espèces), ou encore des données épidémiologiques (cas groupés connus des autorités sanitaires).
■ Son potentiel toxique : cibles cellulaires et toxicodynamie (III.64), données toxicocinétiques (III.63) connues,
physiopathologie (toxique fonctionnel et/ou lésionnel (III.67)), dose ou concentration toxique classique pour un
toxique lésionnel, dose ou concentration potentiellement létale
■ La dose supposée ingérée ou autre donnée de métrologie, dans une logique initiale « maximaliste » et de
gestion de risque, en phase précoce non symptomatique.

● EXPOSITION TOXIQUE (III.29)


Outre ses modalités, le recueil des données temporelles (horodatage, durée d’exposition) est fondamental ; couplé à
la connaissance du toxique, il permet de se situer par rapport au chronogramme attendu et des prises de décision
dans le cadre de la régulation médicale (III.56), avec possibilité d’anticipation sur l’orientation du patient par exemple.

● RECUEIL DES SIGNES FONCTIONNELS


Les symptômes doivent être recueillis selon leur temporalité, car les toxidromes ont une cinétique d’installation ; l’interrogatoire
doit faire rechercher les symptômes associés à ceux décrits spontanément, de façon à proposer puis consolider une
hypothèse toxique avant même l’examen clinique qui sera alors orienté vers la confirmation ou non du toxidrome (III.66).
Un trouble mnésique faisant suite à l’ingestion d’une substance psychotrope (éthanol ou benzodiazépine en
particulier), ou, très rarement, un refus de communiquer du patient, peuvent pénaliser ce recueil : l’aide de
l’entourage ou d’un professionnel de santé sera précieux.
Les symptômes pourront en particulier être d’origine :
■ neurosensorielle : douleur (III.23), acouphènes (III.2), trouble visuel (III.72) ;

■ neuropsychique : anxiété, agitation, hallucinations (III.33) ;

■ respiratoire : dyspnée ;

■ digestive : vomissements (III.73), diarrhées (III.20), hémorragie (III.35) digestive, douleur (III.23) abdominale ;

■ cardiovasculaire : lipothymie, palpitations.

166
ANOXIE CELLULAIRE TOXIQUE III.5

Tableau systémique provoqué par un blocage de la chaîne respiratoire mitochondriale, avec défaut d’utilisation
de l’oxygène et blocage des fonctions cellulaires.
Il existe le plus souvent une gravité (III.32) affichée, avec un pronostic (III.54) souvent sombre, dépendant de la
rapidité du diagnostic et de la mise en œuvre du traitement.
Les toxiques en cause sont surtout les cyanures (II.15) et nitriles (dérivés industriels précurseurs d’ions cyanures),
le monoxyde de carbone (II.28), l’hydrogène sulfuré (gaz dégagé en milieu industriel à partir de sulfures) et la
roténone (insecticide).
Le tableau est le plus souvent brutal (retardé avec les nitriles) et grave, associant sueurs et signes adrénergiques
initialement (tachycardie, tachypnée), puis signes neurosensoriels et digestifs, trouble de conscience allant de
l’agitation au coma convulsif, état de choc (III.26), insuffisance respiratoire aiguë (III.44), décès. Le métabolisme
anaérobie généré s’associe à une élévation importante du lactate sanguin.
Traitement général (III. 70) (oxygénothérapie à haut débit et dès que possible ventilation assistée) éventuellement
associé à un traitement par antidote (III.6).

167
III.6 ANTIDOTES
1/11

Les antidotes agissent pour la majorité d’entre eux selon trois mécanismes d’action :
■ toxicocinétique (III.63). L’antidote modifie la cinétique du toxique dans l’organisme :

• en formant des complexes non toxiques (chélateurs des métaux et des cyanures, immunothérapie),
• en empêchant les biotransformations du toxique (fomépizole, éthanol),
• en restaurant un mécanisme physiologique (acétylcystéine) ;
■ toxicodynamique (III.64), en agissant sur des récepteurs (naloxone, flumazénil) ou sur des systèmes enzyma-

tiques (pralidoxime) ;
■ en aval de la cible toxique de façon spécifique (bleu de méthylène, glucagon...).

Quelques produits présentés comme antidotes ont une action métabolique plus complexe et souvent encore mal
connue (émulsions lipidiques, insuline, L-carnitine, etc.).
Les antidotes sont présentés en trois tableaux. Le premier présente les antidotes utilisables dans les services
d’urgences et dont l’intérêt est généralement admis. Le deuxième présente des antidotes en cours d’évaluation
et dont l’usage devrait, dans l’idéal, se faire pour des observations bien documentées et en partenariat avec un
toxicologue clinicien. Le troisième, enfin, rassemble, pour mémoire, les chélateurs des métaux.
Les antidotes potentiellement utiles en préhospitalier sont marqués de la lettre P.

● ANTIDOTES UTILISABLES DANS LES SERVICES D’URGENCES


DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Atropine (P) Anticholinergique 1 mL = 0,25 mg Intoxication par C et Ch : 0,5 Effets paradoxaux


1 mL = 0,5 mg cardiotropes (C) à 1 mg avec 0,25 mg
1 mL = 1 mg avec trouble NOP : 2 mg IV chez l’adulte
conductif renouvelable NOP :
(bradycardie sauf jusqu’à oxygénothérapie
BAV du 3e degré), assèchement indispensable
par substance des sécrétions Pralidoxime à
cholinergique type bronchiques discuter
champignon
muscarinique ou
médicament
anticholinestéra-
sique (Ch), par
insecticide ou
neurotoxique
organophosphoré
anticholinestéra-
sique (NOP)

168
ANTIDOTES III.6
2/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Bleu de Réduction de la 1 mL = 10 mg Méthémoglobi- 1 mg/kg en Lui-même


méthylène MetHb en némie toxique 10 mn, perfusion oxydant à fortes
(P) hémoglobine avec MetHb IV dans G5 % doses
fonctionnelle > 30 % ou Renouvelable Coloration des
hypoxie jusqu’à 7 mg/kg urines. Inefficace
tissulaire maximum en cas de déficit
en G6PD
(indiquer acide
ascorbique)

Chlorure ou Sels de calcium 10 mL = 1 g Intoxication par Voie IV : Pas d’injection IV


gluconate de chélateur hypocalcémie systématique
calcium 10 % calcique, sévère ou avant H6 dans le
Chlorure : notamment hypermagné- cas
13,5 mEq/mL antirouille (ions sémie d’intoxication
Gluconate : fluorures et > 4 mEq/L : 0,1 par antirouilles
4,5 mEq/mL oxalates, acide à 0,2 mL/kg de Monitorer la
fluorhydrique) ou CaCl2 en 10 à calcémie
par sel de 20 mn. Perfusion
magnésium Brûlure intra-artérielle
Brûlure par acide (gluconate) : gel proposée pour
fluorhydrique à 2,5 % ou les atteintes des
Proposé dans collyre à 1 %, mains
l’arachnidisme infiltration Avis spécialisé
après morsure sous-cutanée à avant utilisation
par Latrodectus 10 %, ou 5 % sous-cutanée ou
mactans (veuve pour la face intra-artérielle
noire) (0,5 mL/cm2),
perfusion
intra-artérielle à
2,5 %
(50 mL/4 h)

Dantrolène Inhibiteur Flacon = 20 mg Hyperthermie 1 mg/kg IVD Ne pas diluer


(Dantrium®) calcique (+ 60 mL d’EPPI) maligne renouvelable avec un autre
musculaire jusqu’à soluté, conserver
intracellulaire 10 mg/kg maxi à l’abri de la
lumière ; ne pas
associer à
inhibiteur
calcique (risque
de fibrillation
ventriculaire)

169
III.6 ANTIDOTES
3/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Diazépam (P) Benzodiazépine 2 mL = 10 mg Intoxication par 1 à 2 mg/kg en L’adrénaline est


chloroquine 20 à 30 min puis la base du
10 mg/h dès que traitement
DSI > 4 g ou Avec IOT en
existence de séquence rapide
signes cliniques et VA
ou électriques

Éthanol Saturation de Flacon = 25 mL Intoxication par 0,8 g/kg puis 0,1 Obtenir
l’alcool à 100 % méthanol et à 0,2 g/kg/h alcoolémie à
déshydrogénase (= 0,8 g/mL) glycols Augmenter les 1 g/L
(blocage des doses si Préférer
biotrans- hémodialyse fomépizole si
formations) possible

Fragments Fab Anticorps Poudre + solvant Intoxication 80 mg Rares accidents


antidigoxine (P) antidigoxine 1 flacon = 40 ou digitalique avec d’anticorps allergiques
Attention : 80 mg. au moins un neutralisent Diluer dans
formes signe de haute 1 mg de glucose 5 %
commerciales gravité ou avec digoxine présent Calcul de la dose
avec contenu association de dans à partir de la [C]
variable signes de l’organisme sanguine de
mauvais digoxine (à partir
pronostic de H6) ou de la
DSI

Fab’2 antivenin Immunothérapie Seringue Morsure de 1 seringue en Surveiller


de vipère spécifique préremplie de vipère avec 1 h (diluer dans d’éventuelles
(Viperfav®) 4 mL envenimation de 100 mL de NaCl réactions
(P) grade II ou III 9 ‰) allergiques
Une seule dose La posologie est
suffit dans la identique chez
majorité des cas l’enfant
Pas d’action
immédiate sur
les signes locaux

170
ANTIDOTES III.6
4/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Facteurs du Complexe 20 mL = 420 à Hypoprothrombi- 1 flacon en 10 à N’est pas


complexe prothrombinique 580 U de chacun némie par 15 min indiqué dans le
prothrombinique (facteurs II, VII, des 4 facteurs intoxication par traitement des
(PPSB) IX, X) AVK, avec coagulopathies
(Kaskadil®, syndrome de dilution, de
Kanokad®) hémorragique consommation,
ou dans les
insuffisances
hépatiques
graves

Flumazénil Antagoniste des 5 mL = 0,5 mg Intoxication avec 0,3 mg puis CI formelle :


(P) benzodiazépines 10 mL = 1 mg coma par prise 0,3 mg puis prise associée
et apparentés isolée de 0,2 mg d’un toxique
(zolpidem, benzodiazépines renouvelable convulsivant
zopiclone) Diagnostic d’un jusqu’à réveil et/ou
coma toxique si satisfaisant ou arythmogène,
symptômes 2 mg maxi épilepsie traitée
compatibles Relais : 0,1 à par
avec des 0,4 mg/h benzodiazépine
benzodiazépines Possibles signes
de sevrage au
réveil

Folinate de Acide folique AMP Intoxication par 100 à 200 mg/j Faible niveau de
calcium (2,5 mg/mL) : 1, antifoliques en 4 injections preuve pour
2 et 10 mL (pyriméthamine, méthanol
Flacon : poudre triméthoprime)
50 mg ou méthanol

Glucagon Hormone Poudre + solvant Intoxication par Cardiotropes : Faible niveau de


(Glucagen®) hyperglycémiante 1 mL = 1 mg bêtabloquants, 0,1 mg/kg IVL preuve
Tonicardiaque éventuellement puis 0,05 à Privilégier
par action par inhibiteurs 0,1 mg/kg/h PSE catécholamines
directe sur cAMP calciques (soit 3 à 6 mg/h en 1re intention
intracellulaire Hypoglycémies chez l’adulte)
toxiques Hypoglycémies :
1 mg IM

Glucosé 30 % Glucide d’action 10 mL = 3 g Hypoglycémie 20 mL en Irritant veineux


rapide toxique moyenne
Relais par voie
orale 10 %

171
III.6 ANTIDOTES
5/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Hydroxo- Le cobalt est un Flacon = 250 mL Intoxication 5g Coloration


cobalamine chélateur des =5g cyanhydrique renouvelables cutanéo-
(Cyanokit®) ions cyanures grave Avant 18 ans : muqueuse
(P) (notamment 70 mg/kg sans et des urines
fumées dépasser 5 g Prélever sang
d’incendie), ou (tubes fluorure
par nitriles de sodium) pour
dosage différé
des ions
cyanures

Edétate Le cobalt est un Amp. inj : Intoxication 1 à 2 amp. IVL. Associer glucosé
dicobaltique chélateur des 300 mg = 20 mL cyanhydrique Renouveler hypertonique
(Kélocyanor®) ions cyanures notamment après 15 min si (hypoglycémies)
(P) collective nécessaire Retentissement
(accident cardiovasculaire
industriel, en l’absence
terrorisme d’intoxication ;
chimique) céphalées,
troubles
digestifs, rash
CI : insuffisance
rénale,
grossesse
(relatif)

Lactate de Charge sodée Flacon = 250 mL Intoxication par 250 à 500 mL Ajouter 1 g KCl
sodium molaire et/ou substance à ESM renouvelable pour 250 mL
(11,2 %) ou alcalinisation (maxi 750 mL) (risque
bicarbonate de Surveillance d’hypokaliémie).
Na molaire QRS Surcharge sodée
(8,4 %) (P)

Fomépizole Inhibition de Flacon inj. : Intoxication (I) I : 15 mg/kg en Souvent associé


(P) l’alcool 100 mg = 20 mL par méthanol et 30 min puis à hémodialyse
déshydrogénase glycols 10 mg/kg en pour méthanol et
(blocage des Syndrome 15 min toutes glycols
biotrans- antabuse (SA) les 12 h (utilisation isolée
formations) sévère SA : 7 mg/kg IVL possible si très
précoce)

172
ANTIDOTES III.6
6/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

N-acétyl-cystéine Précurseur du Flacon à 20 mL Intoxication par IV : 150 mg/kg Choc de type


(Fluimucil®) glutathion =5g paracétamol en 60 min puis anaphylactoïde
avec DSI 50 mg/kg en 4 h si perfusion trop
> 200 mg/kg puis 100 mg/kg rapide (en réalité
(enfant), en 16 h ; choc toxique
150 mg/kg poursuivre à la dose-dépendant)
(adulte) ou dose continue de
paracétamo- 300 mg/kg/j en
lémie après H4 cas d’ingestion
élevée (voir massive et/ou
nomogramme) d’hépatite
ou demi-vie Per os :
d’élimination 140 mg/kg en
>4h dose de charge
De façon puis 70 mg/kg
anecdotique, toutes les 4 h
toute intoxication
par tétrachlorure
de carbone
En cours
d’évaluation
dans
l’intoxication
phalloïdienne et
par arsenic

Naloxone (P) Antagoniste 1 mL = 0,4 mg Overdose 100 μg Oxygéner le


morphinique simple, non (1/4 amp.) en patient avant
compliquée : 15 s, injection (risque
test diagnostic renouvelables de troubles du
ou défaut de jusqu’à rythme, a fortiori
moyens restauration des si hypercapnie)
d’assistance facultés de Objectif : FR à
respiratoire protection des 12 c/min sans
voies aériennes, réveil du patient
puis 2 amp/h

173
III.6 ANTIDOTES
7/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Oxygène (P) Modifie la Oxygène ONB : nombreux ONB : fort débit


constante normobare gaz et vapeurs (FIO2 à 1),
d’affinité (ONB) ou toxiques masque à haute
hémoglobinique hyperbare (OHB) (monoxyde de concentration ou
et sur les carbone, VA
chaînes vapeurs de OHB : monoxyde
respiratoires cyanures, de carbone
cellulaires de hydrogène (grossesse,
certains toxiques sulfuré, etc.) coma, perte de
OHB : monoxyde connaissance)
de carbone

Phytoménadione Synthèse des 1 mL = 10 mg Hypoprothrombi- 50 mg en 20 min Débuter par


(vitamine K1) facteurs du némie avec puis 25 mg Kaskadil® si
complexe TP < 60 % toutes les 8 h ; syndrome
prothrombinique d’origine toxique relais per os hémorragique ou
(AVK de la 50 mg toutes les TP < 15 %
pharmacopée, 8 heures Traitement
raticide ou prolongé en cas
contenu dans la de raticide
grande férule)

Pralidoxime Régénérateur Poudre + solvant Intoxication par 1 à 2 g en 2 min Associer à


(Contrathion®) des = 200 mg insecticides ou (± 1 g en 2 min atropine,
(P) cholinestérases neurotoxiques à H1) puis 1 g/4 oxygène et
organo- à 12 h anticonvulsi-
phosphorés vants selon
clinique

Propranolol Bêtabloquant 5 mL = 5 mg Intoxication par 1 à 2 mg IVL puis Attention aux


adrénergiques 1 amp/12 h intoxications par
(théophylline, au PSE théophylline
cocaïne, chez
amphétamini- l’asthmatique
ques), hormones (contre-indica-
thyroïdiennes, tion des
solvants chlorés bêtabloquants)

174
ANTIDOTES III.6
8/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Pyridoxine Vitamine B6 5 mL = 250 mg Convulsions 500 mg IV puis Présence de


Mécanismes suite à 25 mg/kg en 3 h sulfites dans le
variés et souvent intoxication par Intoxication par solvant
méconnus isoniazide, INH : 1 g/g d’INH
hydrazine et ingéré en 15 à
dérivés, 30 min
gyromitres
Traitement
adjuvant dans
l’intoxication par
les glycols

● ANTIDOTES EN COURS D’ÉVALUATION


DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Insuline rapide Restauration 1 mL = 40 U Intoxication par Débuter par Associer sérum


(P) d’un inhibiteur 1 U/kg puis glucosé
environnement calcique 0,5 U/kg/h (hyperinsuli-
métabolique némie
favorable euglycémique)
Inotrope positive et du KCl

Kétamine (P) Antagoniste des 5 mL = 50 mg État de mal 1 à 3 mg/kg IV, Faible niveau de
récepteurs 5 mL = 250 mg convulsif lié à réinjections preuve
NMDA 5 mL = 375 mg intoxication par 1/2 dose toutes
insecticides ou les 15 à 30 min
surtout
neurotoxiques
organo-
phosphorés

L-carnitine Rôle dans la 5 mL = 1 g Intoxication par 100 mg/kg IV, Ni contre-


(Levocarnil®) bêta-oxydation valproate de ± dose indication
mitochondriale sodium avec d’entretien ni effet
des acides gras hyperammo- de 500 mg/8 h secondaire
niémie et
hyperlactatémie

175
III.6 ANTIDOTES
9/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques


Octréotide (P) Analogue de la 1 mL = 50 ou Intoxication par 50 à 100 μg Probablement
somatostatine : 100 μg sulfamides s/cut toutes les 8 sous-utilisé
inhibe la hypoglycémiants à 12 h pendant Efficace
sécrétion résistant aux 24 à 36 h
d’insuline apports
glucidiques
Émulsions Mécanismes Flacon = 250 ou Effets Intralipid® 20 % Faible niveau de
lipidiques d’action 500 mL secondaires 1,5 mL/Kg en preuve dans
Intralipid® en largement cardiaques ou bolus IV (100 mL l’intoxication
France le plus méconnues neurologiques chez l’adulte de aiguë
souvent. Nombreuses des 70 Kg) Non
hypothèses anesthésiques Puis perfusion recommandé par
locaux de 0,25 à l’Association
(recommanda- 0,5 mL/kg/min européenne de
tions nationales Arrêt 10 min toxicologie
et environ après clinique
internationales) restauration de
Autres l’hémodynamique
toxiques ? Dose totale
< 12 mL/kg

● CHÉLATEURS DES MÉTAUX


DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques
Calcium édétate Chélateur 10 mL = 500 mg Intoxication par 0,5 à 1 g/j en 1 à Assurer une
de sodium cobalt, plomb, 2 h (enfant : 50 à diurèse
chrome, zinc 75 mg/kg/j en suffisante
2 inj.), par cures CI en cas de
de 5 j espacées grossesse,
de 7 j d’insuffisance
rénale, d’atopie
Effets
secondaires :
céphalées,
fièvre,
vomissements,
réaction
allergique, HIC
aiguë si
encéphalopathie
saturnine et
perfusion trop
rapide

176
ANTIDOTES III.6
10/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Déféroxamine Chélateur Flacon : Intoxication par 5 à 10 g per os Associer à


(Desferal®) = 500 mg sel de fer (controversé hémodialyse si
+ solvant 10 mL pour le fer) puis insuffisance
60 mg/kg en 4 h rénale aiguë
ou 2 g IM 2 fois/j Coloration rose
des urines
Réactions
allergiques,
toxicité oculaire
et rénale
CI relative en cas
de grossesse

Dimercaprol Chélateur des Amp. inj : Intoxication par 3 mg/kg/inj., IM Douleur au point
(BAL®) métaux lourds 200 mg = 2 mL arsenic profonde (maxi : d’injection
(Lewisite), 300 mg/inj.) Augmenter la
plomb, mercure, J1-J2 : 1 inj./4 h diurèse
antimoine, or, J3 : 1 inj./6 h Hypersensibilité
symptomatique J4-J10 : (test par 50 mg
ou avec taux 1 inj./12 h IM proposé)
sanguins ou Nombreux effets
urinaires élevés secondaires :
Préférer céphalée,
succimer si anxiété,
disponible agitation,
tachycardie,
HTA, douleurs
thoraciques,
troubles
digestifs,
sudation,
myalgies,
hypersécrétion
CI : insuffisance
rénale ou
hépatique
sévère,
grossesse

177
III.6 ANTIDOTES
11/11

DCI Propriété(s) Présentation Indications Posologie Remarques

Succimer Chélateur des Gélule = 200 mg Intoxication par 30 mg/kg/j en Réactions


métaux lourds arsenic 3 prises pendant allergiques,
(Lewisite), 5 j (maxi : troubles
plomb, mercure, 1,8 g/j) puis digestifs,
antimoine doses cytolyse
Préféré au dégressives hépatique
dimercaprol pendant CI en cas de
(BAL) 2 semaines grossesse ou
selon les taux d’allaitement
sanguins du
toxique

D-pénicillamine Chélateur Cp = 300 mg Intoxication par 1 à 2 cp 3 fois/j Peu efficace sur


(Trolovol®) cuivre, arsenic, pendant 5 j arsenic
sels Fièvre,
inorganiques de vomissements,
mercure, zinc, risque
symptomatique d’hépatite, de
ou avec taux toxicité
sanguins ou médullaire et
urinaires élevés d’insuffisance
rénale
CI : grossesse et
allaitement,
allergie à la
pénicilline,
myasthénie,
lupus
érythémateux,
certaines
dermatoses

178
CHARBON ACTIVÉ III.7

Le charbon activé a été très longtemps et largement utilisé dans la prise en charge des intoxications aiguës.
Pourtant le niveau de preuve de son efficacité chez l’intoxiqué est faible. Il est commercialisé en France sous
les noms de Carbomix® et Toxicarb®.
Il est administré soit en dose unique (il s’agit alors d’une manœuvre de décontamination digestive (III.14)), soit
à doses répétées (il s’agit alors d’une technique d’épuration extrarénale (III.24)).

● DOSE UNIQUE DE CHARBON ACTIVÉ


■ Principe : adsorption des toxiques carboadsorbables dans le tube digestif et diminution de leur résorption
digestive. L’efficacité du charbon activé en dose unique n’a été démontrée que chez le volontaire sain et
uniquement sur des données pharmacocinétiques. Il n’y a aucune preuve d’efficacité démontrée chez l’intoxiqué.
■ Indication : administration dans l’heure suivant l’ingestion d’une quantité potentiellement toxique d’une subs-
tance carboadsorbable.
■ Dose recommandée : 1 g/kg chez l’enfant, 50 g chez l’adulte.
■ Contres indications : troubles de la conscience, antécédents digestifs, risque de survenue d’une pneumopathie
d’inhalation.
■ Complications : vomissements, pneumopathie d’inhalation.
■ Substances non carboadsorbables : lithium, sels de fer, cyanures, alcools et glycols.

● DOSES RÉPÉTÉES DE CHARBON ACTIVÉ


■ Principe : administration répétée de charbon activé pour augmenter l’élimination de toxiques carboadsorbables
déjà présents dans la circulation générale par rupture des cycles entérohépatique ou entéroentérique. Certains
auteurs parlent de « dialyse intestinale ».
■ Indication : médicaments ayant une longue demi-vie d’élimination, un petit volume de distribution et subissant

un cycle entérohépatique ou entéroentérique.


Des recommandations internationales existent pour les intoxications à la carbamazépine (II.11), au phénobarbital,
à la dapsone, à la quinine et à la théophylline.
■ Doses recommandées : 25 g de charbon activé toutes les 4 heures pendant 24 à 48 heures.

■ Contre-indications : voies aériennes non protégées et troubles de conscience, occlusion intestinale.

■ Complications : constipation, occlusion intestinale, vomissements, pneumopathie d’inhalation.

179
III.8 COMA
1/2

Le pronostic (III.54) n’est, en règle générale, pas corrélé à la gravité (III.32) affichée.

● MÉCANISMES
Le coma peut être le fait d’une atteinte encéphalique directe par un toxique fonctionnel (psychotropes dépresseurs
ou générateurs de convulsions (III.12)) ou lésionnel (monoxyde de carbone (II.28), méthanol (II.26), etc.). Il peut
également être lié à une cause indirecte (abord initial du patient intoxiqué (III.1)).

● DIAGNOSTIC
Le score de Glasgow est peu adapté à l’évaluation d’un coma toxique, mais reste très employé et possède
l’avantage d’être largement connu. Tous les stades peuvent se rencontrer, de l’obnubilation de la conscience au
coma aréactif. Un coma associé à des convulsions est de pronostic sévère.
L’examen clinique recherche la profondeur du coma, mais également son caractère calme ou agité, hypo ou
hypertonique, les diamètres et la réactivité pupillaires (myosis (III.51) ou mydriase (III.50)), ainsi que des signes
de localisation neurologique (monoxyde de carbone (II.28), méthanol (II.26), hypoglycémiant).
En cas de doute sur l’authenticité du coma, l’appréciation de sa réalité ne doit pas se fonder sur une escalade
de stimuli nociceptifs ; la persistance d’une ventilation efficace malgré un coma apparemment profond, ainsi
qu’un tonus normal des muscles de la face, sont évocateurs d’une simulation et d’un théâtralisme.

● COMPLICATIONS
Insuffisance respiratoire aiguë (III.45).
Rhabdomyolyse (III.58).
Hypothermie (III.41).
Maladie thromboembolique veineuse.

● TRAITEMENT

Antidotique
Peut concerner certains toxiques, selon des indications strictes (rapport bénéfice/risque/niveau de surveillance
favorable) : benzodiazépines, opiacés, CO.

Autres perturbations physiologiques


Elles feront l’objet d’une correction spécifique (hypoglycémie (III.40), hyperthermie (III.41)) ou du traitement
général (III.70).

180
COMA III.8
2/2

Prévention des complications


Lorsqu’un état de coma se prolonge, même s’il est supposé transitoire, ses complications, notamment respira-
toires, doivent être prévenues :
■ installation en position semi-assise ;

■ protection contre le froid ;

■ recherche attentive des points de pression, soins de nursing ;

■ instillation d’un collyre et mise en place d’une occlusion palpébrale ;

■ sondage vésical (risque élevé de rétention aiguë d’urines), systématique chez le patient intubé et ventilé ;

■ prévention de la maladie thromboembolique veineuse ;

■ apports glucidiques et hydroélectrolytiques de base.

181
COMPATIBILITÉ AVEC UNE MESURE
III.9 DE GARDE À VUE
1/2

La garde à vue (GAV), mesure judiciaire de privation de liberté, permet à un officier de police judiciaire de retenir
« une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a
commis ou tenté de commettre une infraction ».

● DURÉE
La durée de la GAV est de 24 heures, pouvant être prolongée de 24 heures sur autorisation du procureur de la
République. Elle peut atteindre 96 heures dans les affaires de crime organisé ou d’infraction à la législation sur
les stupéfiants et 144 heures en matière de terrorisme.
Une personne gardée à vue peut rencontrer un médecin (demande renouvelable au bout de 24 heures), qui
intervient sur réquisition du procureur de la République ou du Juge d’instruction.

● EXAMEN MÉDICAL
L’examen médical a pour objectif d’attester la compatibilité de l’état de santé physique et mental de la personne
gardée à vue avec son maintien dans les locaux de police ou de gendarmerie.
Le mineur entre 10 et 13 ans ne peut pas faire l’objet d’une GAV, mais d’une mesure de retenue qui ne peut
pas être supérieure à 12 heures (prolongée exceptionnellement pour une nouvelle durée de 12 heures), l’examen
médical étant obligatoire dès le début de la retenue et au début de la prolongation. Entre 13 et 16 ans, l’examen
médical est obligatoire dès le début de la GAV et de sa prolongation. À partir de 16 ans, les conditions de la GAV
sont celles du sujet majeur.
Le mineur et le majeur peuvent refuser l’examen médical. En cas de refus, il faut le faire figurer dans le certificat
remis à l’autorité requérante.
Les missions auxquelles le médecin doit répondre peuvent être :
■ compatibilité de l’état de santé de la personne avec son maintien en GAV dans les locaux de police ou de

gendarmerie ;
■ rédaction d’un certificat médical descriptif de lésions avec détermination de l’incapacité totale de travail (ITT) ;

■ prélèvements biologiques, détermination de l’âge réel, recherche de corps étrangers intracorporels (dont la

dissimulation intracorporelle de stupéfiants (III.21)), expertise psychiatrique ;


■ soins de la personne gardée à vue (prescription et demande de délivrance des traitements).

182
COMPATIBILITÉ AVEC UNE MESURE
DE GARDE À VUE III.9
2/2

● CERTIFICAT
À l’issue de l’examen clinique, le médecin rédige un certificat médical concluant sur :
■ la compatibilité de l’état de santé avec un maintien en GAV dans les locaux de police ou de gendarmerie sans

condition pour une durée de 24 heures ;


■ la compatibilité de l’état de santé avec un maintien en GAV dans les locaux de police ou de gendarmerie, pour

une durée de 24 heures, sous réserve de soins, de délivrance de traitements (le rôle des gardiens ne peut pas
aller au-delà de ce qui peut être demandé à l’entourage familial d’un malade en milieu libre), de conditions
de rétention et d’interrogatoire. Le médecin doit alors préciser par écrit les consignes de surveillance et de
délivrance de traitements éventuels ;
■ l’incompatibilité de l’état de santé avec un maintien en GAV dans les locaux de police ou de gendarmerie, du

fait de la nécessité d’examens complémentaires, d’un avis médical hospitalier ou de soins nécessitant une
hospitalisation.
Le médecin peut prescrire des médicaments sous sa responsabilité (mettre les médicaments déconditionnés sous
enveloppes cachetées, en indiquant nom de la personne et l’heure de délivrance, pour respecter le secret
professionnel). La délivrance est alors faite par les gardiens.
En l’absence de médicament disponible, si le gardé à vue dispose d’une carte de sécurité sociale, de la CMU ou
d’un moyen de paiement, avec son accord, les fonctionnaires de police ou de gendarmerie se rendent à la
pharmacie avec l’ordonnance rédigée par le médecin, se procurent les médicaments prescrits et les délivrent
selon les consignes écrites sur l’ordonnance.
Dans les autres cas, le recours à la pharmacie de l’hôpital reste la seule solution.
Les frais relatifs à l’intervention du médecin en GAV sont pris en charge par le ministère de la Justice, la
rémunération de l’acte étant déterminée par tarif forfaitaire (attestation de mission).
Les soins éventuels (frais pharmaceutiques et infirmiers), réalisés dans les locaux de police ou gendarmerie ou
dans un établissement hospitalier et les transferts éventuels vers une structure hospitalière, obéissent aux règles
de prise en charge par l’Assurance maladie :
■ patient assuré social : remboursement des frais ;

■ aucune couverture sociale retrouvée : patient payeur de la totalité des frais.

183
CONSENTEMENT AUX SOINS/REFUS DE SOINS
III.10 SORTIE CONTRE AVIS MÉDICAL/FUGUE
1/3

La relation entre un médecin et un patient est un véritable contrat de moyens et non de résultats.
À l’hôpital, il n’y a pas de contrat de soins, mais une « stipulation pour autrui », contrat à trois, où le stipulant
(hôpital) passe contrat avec le promettant (médecin), pour qu’il fournisse une prestation (soins) à un tiers (patient).
À l’hôpital public, il n’existe aucune relation juridique entre médecin et patient, la relation étant nouée entre le
malade et le directeur de l’établissement.

● CONSENTEMENT
Le consentement aux soins relève de la liberté individuelle et du libre choix et repose sur une information simple,
approximative, intelligible et loyale du malade par le médecin (Cour de Cassation, 21/02/1961).
Aucun acte diagnostique ou thérapeutique ne peut être réalisé sans consentement libre et éclairé, systématique-
ment recherché, sauf urgence ou si le patient est hors d’état de l’exprimer. Dans ces deux cas particuliers, les
soins sont délivrés sans consentement, dans l’intérêt exclusif du patient, qui sera secondairement informé des
soins qui lui ont été administrés.
Le recueil du consentement représente le problème médicolégal le plus épineux chez l’intoxiqué. L’intoxication
aiguë entraîne souvent une perturbation des fonctions cognitives (action sur le jugement et le discernement), le
patient étant alors hors d’état d’exprimer clairement sa volonté. Selon l’état des fonctions cognitives, deux
situations existent :
■ elles ne sont pas perturbées, parfois même après la prise de quelques comprimés de benzodiazépines : les

soins ne peuvent être dispensés sans le consentement du patient, dans le respect de la loi du 4 mars 2002 ;
■ elles sont perturbées : le médecin doit prodiguer les soins nécessaires, y compris en opposition aux dires du

patient (mesures de contention mécanique et/ou chimique si nécessaire), sous peine de commettre un délit de
non-assistance à personne en péril.

● REFUS DE SOINS
Le refus de soins est basé sur les principes d’autonomie et de dignité du patient. La délivrance de l’information
se fait en présence de témoins (soignants, famille). Une attestation précise de refus de soins est rédigée, signée
par le patient, le médecin et les témoins, après réitération d’un refus obstiné de soins (délai de réflexion). Cette
attestation témoigne seulement de la délivrance de l’information, qui doit être tracée de façon précise et exhaus-
tive. Elle ne décharge pas le médecin de sa responsabilité. Si le patient refuse de signer le document, il faut
établir un procès-verbal de constat de ce refus, signé par le médecin et les soignants présents (au moins
2 témoins).
En cas de détresse vitale immédiate, le médecin peut passer outre le refus du patient dans le but unique de lui
sauver la vie. Le principe de bienfaisance devient alors supérieur au principe d’autonomie (pas de consécration
du principe de l’autonomie de l’individu sur son propre corps).
Pour le mineur ou majeur protégé, en cas de refus de soins exprimé par le titulaire de l’autorité parentale ou le
tuteur et de risque de conséquences graves pour la santé, le médecin délivre les soins indispensables, sans
prévenir le procureur de la République ou le juge des enfants.

184
CONSENTEMENT AUX SOINS/REFUS DE SOINS
SORTIE CONTRE AVIS MÉDICAL/FUGUE III.10
2/3

● SORTIE DE L’HÔPITAL CONTRE AVIS MÉDICAL


La sortie de l’hôpital est une décision administrative, prise par le directeur, après avis du médecin en charge du
patient. Le patient a la possibilité de quitter l’hôpital à tout moment (sauf mineur, majeur protégé, hospitalisé
sous contrainte, gardé à vue ou détenu).
Il faut alors remplir une attestation de sortie contre avis médical ou de refus d’hospitalisation, signée par le
patient (ou son représentant légal) et le médecin. En cas de refus de remplir cette attestation, il faut établir un
procès-verbal de ce refus.
Dans le cas du mineur, si la décision de sortie contre avis médical entraîne un risque de conséquences graves,
le directeur de l’hôpital doit saisir le procureur de la République pour mettre en œuvre les mesures de protection
(ordonnance de placement provisoire). Si le mineur est émancipé, la procédure du majeur apte à consentir
s’applique. S’il s’agit d’un mineur admis selon l’Article L1111-5 du Code de la santé publique, le majeur accom-
pagnant le mineur ne peut pas signer l’attestation de sortie contre avis médical et il faut prévenir le procureur
de la République.
Dans le cas du majeur protégé, si la sortie contre avis médical demandée par le tuteur entraîne un risque de
conséquences graves, le directeur de l’hôpital doit saisir le juge des tutelles ou le Procureur de la République.
En cas de détresse vitale immédiate, le médecin peut passer outre le refus du patient dans le but unique de lui
sauver la vie. Le principe de bienfaisance devient alors supérieur au principe d’autonomie (pas de consécration
du principe de l’autonomie de l’individu).
La signature d’un formulaire « de décharge » ne pourrait avoir de valeur médicolégale pour protéger le médecin
en cas de poursuite judiciaire.

En l’absence de péril grave et imminent, et « d’aptitude à la rue »


■ Sortie contre avis médical contresignée par l’entourage accompagnant le patient.
■ Rendez-vous de consultation dans les 24/48 h auprès du psychiatre.

En cas de péril grave et imminent


■ Contact immédiat avec l’entourage proche afin de mettre en œuvre des soins psychiatriques à la demande
d’un tiers (SPDT).
■ En cas de refus de la famille et d’une véritable « urgence suicidaire », la situation ne peut être appréciée que
par un psychiatre senior.

185
CONSENTEMENT AUX SOINS/REFUS DE SOINS
III.10 SORTIE CONTRE AVIS MÉDICAL/FUGUE
3/3

● FUGUE
La fugue ou plutôt « sortie sans avoir prévenu l’équipe soignante » d’un patient engage la responsabilité de
l’hôpital (faute dans l’organisation et le fonctionnement du service) et de ses agents (faute par défaut de sur-
veillance du patient, non-assistance à personne en péril si toutes les mesures de recherche ne sont pas mises
en œuvre). La responsabilité disciplinaire des agents peut également être mise en cause, en l’absence de rédaction
d’un procès-verbal de fugue, de signalement à la hiérarchie ou d’absence de prise d’initiative de recherche du
patient, malgré la liberté de circulation dont jouit tout patient juridiquement capable.

Dès la fugue du patient constatée, il faut :


■ prévenir le directeur de l’établissement ou son représentant, en respectant le secret professionnel quant au
diagnostic ;
■ prévenir le médecin en charge du patient ;
■ informer, par le personnel soignant du service d’hospitalisation, la famille ou la personne de confiance ou le
détenteur de l’autorité du patient fugueur ;
■ entreprendre des recherches au sein et aux alentours de l’hôpital (service de sécurité) ;
■ informer les services de police ou de gendarmerie, pour déclencher des recherches en dehors de l’hôpital
(établissement d’une main courante), en respectant le secret professionnel (inscription de l’identité du patient
fugueur sur un registre et diffusion d’un avis de recherche dans le cas du patient mineur ou majeur protégé) ;
■ rédiger un rapport circonstancié de la fugue, faisant mention des démarches entreprises pour retrouver le
patient.

186
CONTRE-TERRORISME CHIMIQUE III.11

Usage par des autorités de produits toxiques en réponse au terrorisme (terrorisme chimique (III.62) parfois) ou
encore pour l’élimination d’opposants au régime.

● ORGANISATION
Réponse médicale préparée, avec provision de matériels de secours et d’antidotes pour les impliqués non
agresseurs.
Maîtrise totale de l’événement aléatoire et nature précise d’un gaz toxique vaporisé initialement hypothétique
dans ce contexte.

187
III.12 CONVULSIONS
1/2

Il s’agit d’une situation avec gravité (III.32) affichée et de pronostic (III.54) potentiellement sombre.

● PRINCIPAUX TOXIQUES CONVULSIVANTS


■ Toxiques à ESM : antiarythmiques de classe I (II.4), antidépresseurs (II.5) polycycliques, antipaludéens (chlo-
roquine (II.13)), certains bêtabloquants (II.10), certains neuroleptiques et nouveaux antipsychotiques (II.29),
carbamazépine (II.11).
■ Anticholinergiques, toxiques adrénergiques ou sérotoninergiques (toxidromes (III.66)).
■ Alcools dont l’alcool éthylique (II.1) et le méthanol (II.28), glycols dont l’éthylène-glycol (II.17).
■ Lithium (II.24).
■ Théophylline.
■ Isoniazide et dérivés de l’hydrazine.
■ Hydroxyzine.
■ Aspirine (II.8) (chez l’enfant).
■ Rodonticides (II.32) : alpha-chloralose, crimidine, strychnine.
■ Insecticides (II.21).
■ Solvants.
■ Fer.
■ Formol.
■ Phénols.
■ Gyromitres (tableau 5).

● MÉCANISMES INDIRECTS
Il peut s’agir d’un tableau précisé dans l’abord initial du patient intoxiqué (III.1).

● DIAGNOSTIC
Le plus souvent basé sur la clinique : les crises convulsives sont presque toujours généralisées, volontiers réci-
divantes, voire subintrantes.
Un EEG peut s’avérer indispensable au diagnostic d’un état de mal non convulsivant.
Un traumatisme crânien associé doit être facilement évoqué, justifiant la réalisation d’une TDM cérébrale.

188
CONVULSIONS III.12
2/2

● TRAITEMENT NON SPÉCIFIQUE


Celui d’un mécanisme indirect est toujours prioritaire. En cas de toxique convulsivant, il est, en 1re approche,
basé sur un traitement général (III.70) codifié par les recommandations pour la pratique clinique françaises.
Cependant, compte tenu de la dangerosité des crises convulsives (hypoxie, acidose respiratoire et métabolique
avec majoration de la biodisponibilité de certains toxiques), du caractère profond et prolongé du coma sous-jacent
et du risque de troubles du rythme cardiaque (cardiotoxicité souvent associée), un traitement agressif peut s’avérer
rapidement indispensable (sédation profonde avec intubation trachéale et ventilation assistée, associées à une
curarisation lorsque la ventilation assistée est fortement pénalisée).

● TRAITEMENT SPÉCIFIQUE ÉVENTUEL


De façon exceptionnelle, appel à un traitement par antidote (III.6) (atropine, pralidoxime, pyridoxine).
De même, dans certaines conditions, une épuration extrarénale (III.24) peut être proposée (aspirine (II.8), lithium
(II.24), théophylline, méthanol (II.26), éthylène-glycol (II.17)).

189
III.13 DÉCONTAMINATION CUTANÉE

● CAS GÉNÉRAL ET IRRITANTS, MOUSSANTS ET CORROSIFS


La douche à l’eau courante simple, la plus précoce possible et prolongée, est indiquée.
La « règle des 15 » utilisée pour le refroidissement des brûlures thermiques s’applique (pendant 15 min, avec
une eau à 15o), en nuançant la température de l’eau.
Elle ne devra pas être douloureuse, notamment en cas de lésion cutanée mécanique liée à la pression du
caustique projeté.
Elle devra être d’autant plus prolongée qu’il existe une réaction chimique exothermique (risque de brûlure ther-
mique associée) ou un risque de résorption systémique du produit.
Les tentatives de neutralisation chimique du produit sont proscrites, car elles déclenchent des réactions exother-
miques ; la place d’un composé amphotère commercialisé n’est pas reconnue (pas de preuve de meilleure
efficacité que l’eau).

● FLUORURES, DONT ACIDE FLUORHYDRIQUE, ACIDE OXALIQUE


En complément, l’apport immédiat in situ, prolongé (48 heures au moins) de sels de calcium est indiqué (idéa-
lement, pansements de gluconate de calcium en gel) ; la prise d’un avis spécialisé est souhaitable.

● CIMENTS, CHAUX ET DÉRIVÉS (COLLES À CARRELAGE, ENDUITS SPÉCIAUX...)


Projection de poudre : un essuyage doux, peu humidifiant, sans agression cutanée, précède le lavage prolongé
à l’eau.
Projection du mélange déjà gâché (mortier, colle ou enduit prêt à l’usage), frais : retirer mécaniquement les
dépôts, puis lavage prolongé à l’eau.

● ORGANOPHOSPHORÉS
La douche à l’eau simple est le plus souvent la première mesure disponible ; elle est accusée de répandre le
toxique sur le revêtement cutané et d’augmenter sa résorption mais son rapport bénéfice/risque est probablement
positif.
Cette douche est, si possible, réalisée à l’eau savonneuse ou par une solution d’hypochlorite de sodium à 0,5 %.
Le tamponnement des gouttelettes par une poudre adsorbante (gant poudreur des armées, terre de Foulon, terre
de Sommières, talc ou même farine), puis l’essuyage par un papier absorbant sont les mesures de référence.

● GAZ LACRYMOGÈNE ET GOUDRONS


Préférer une solution ou une suspension lipophile à l’eau : lait démaquillant, corps gras (huile...) : sur coton ou
compresse, passages itératifs avec renouvellement très régulier de la solution et du support.

● INSECTICIDES (II.21), HYDROCARBURES LÉGERS, PRODUITS


MÉTHÉMOGLOBINISANTS (II.27), ÉLÉMENTS RADIOACTIFS
Un lavage à l’eau savonneuse doit être proposé.

190
DÉCONTAMINATION DIGESTIVE III.14
1/2

La décontamination digestive a pour objectif d’empêcher ou de limiter la résorption du produit par la muqueuse
digestive, soit en tentant d’évacuer le produit avant sa résorption digestive, soit en le neutralisant dans la lumière
digestive. Au regard de l’Evidence-based Medicine, la plupart des techniques utilisées autrefois a aujourd’hui
disparu.

La neutralisation par charbon activé mise à part, seules les expositions aux rares toxiques lésionnels dépourvus
de traitement antidotique et non accessibles à un traitement épurateur méritent de principe la discussion systé-
matique d’une décontamination digestive précoce.

Les vomissements provoqués, par moyens mécaniques, par injection d’apomorphine ou par administration de
sirop d’Ipéca doivent être considérés comme inutiles voire dangereux.

Le lavage gastrique se fait par administration répétée d’un liquide tiède dans l’estomac à l’aide d’une sonde de
gros calibre, en alternant des phases de remplissage et de siphonage. Le lavage gastrique ne modifie en rien la
gravité immédiate d’une intoxication et aucune donnée scientifique ne démontre sa capacité à en prévenir la
gravité potentielle. En outre, l’hypoxie induite et un phénomène de chasse pylorique, avec accélération de l’absorp-
tion jéjunale du toxique, ont été avancés pour expliquer des aggravations cliniques brutales dans les suites. Les
contre-indications sont nombreuses : patient comateux non intubé, ingestion de caustiques, d’hydrocarbures
pétroliers ou de produits moussants, instabilité hémodynamique, toxique convulsivant. Bien que certaines recom-
mandations internationales évoquent son rôle dans l’heure qui suit l’ingestion d’un produit à fort potentiel toxique,
sa pratique a été progressivement et complètement abandonnée.

L’intérêt éventuel de la dilution à l’eau de produits hygroscopiques et/ou oxydants, dans les premières heures et
en l’absence de troubles de déglutition, est discuté dans la fiche Irritants, moussants et corrosifs (II.13).

L’évacuation endoscopique de toxiques, sous-tendue par l’existence de conglomérats gastriques, véritables « phar-
macobézoards » visibles à l’endoscopie, voire même à la radiographie sans préparation de l’abdomen, n’est pas
licite ; cette méthode n’a jamais été formellement évaluée et des complications sévères ont été rapportées
(hémorragie digestive lors du retrait de comprimés, rupture de sachets de stupéfiants (II.33) lors d’une tentative
de retrait à la pince).

● DOSE UNIQUE OU MULTIPLE DE CHARBON ACTIVÉ (III.7, III.24)


Bien distinguer l’administration d’une dose unique de charbon activé, pour neutraliser un toxique dans la lumière
digestive, de l’administration de charbon activé à doses répétées pour épurer un toxique déjà présent dans la
circulation générale.

191
III.14 DÉCONTAMINATION DIGESTIVE
2/2

● LAXATIFS
Si les saccharides doivent être préférés aux laxatifs salins pour accélérer le transit intestinal et donc accélérer
en théorie l’élimination du toxique, aucune étude n’a pu démontrer leur intérêt et leur utilisation a été quasi
abandonnée.

● IRRIGATION INTESTINALE
Le principe est l’administration entérale par sonde nasogastrique d’une solution de polyéthylène glycol équilibrée
en électrolytes (comme une préparation colique avant chirurgie), avec pour objectif l’élimination de toxiques à
libération prolongée (proposée pour fer, lithium, potassium, et dans certaines situations de dissimulation intra-
corporelle de stupéfiants (III.21)). Longtemps recommandée dans la littérature anglosaxonne en particulier, aucune
étude n’a validé en réalité l’efficacité de cette technique.

192
DÉCONTAMINATION OCULAIRE III.15
1/2

● CIRCONSTANCES ET PRÉSENTATION
Irritation ou brûlures chimiques (irritants, moussants et corrosifs (II.23)) : rougeur et douleur oculaires, photo-
phobie, larmoiement, blépharospasme, baisse de l’acuité visuelle. Urgence à décontaminer, lésion constituées
en moins d’une minute par les corrosifs les plus puissants :
■ lésions d’emblée maximales et limitées en profondeur avec les acides ;

■ diffusant progressivement en profondeur avec les alcalins (pronostic moins favorable) ;

■ cas des projections oculaires de ciment gâché ; action double : caustique (alcalin) et mécanique (présence de

corps étrangers) ;
■ cas des chélateurs de calcium (ions fluorures, dont l’acide fluorhydrique et les oxalates).

Organophosphorés (II.30) : faible pouvoir irritant (solvant), myosis diagnostic, faible résorption quantitative compte-
tenu de la surface, mais intoxication systémique possible avec les composés les plus puissants.

● PRISE EN CHARGE

Cas général
Lavage abondant dès que possible, par la victime elle-même, à défaut de l’entourage, à l’eau du robinet en
l’absence de sérum physiologique, éventuellement assuré par les secouristes du travail, prescrit par la régulation
du Samu, en précisant les détails pratiques, par exemple :
■ mince filet d’eau (5 mm de diamètre max : « la moitié du diamètre d’un crayon ») ;

■ paupières maintenues ouvertes entre deux doigts ;

■ en faisant couler sur le « blanc » de l’œil ;

■ en décollant régulièrement la paupière supérieure et inférieure du globe oculaire pour accéder aux espaces

sous palpébraux ;
■ durée de lavage objectivée : « montre en main » ;

■ idéalement tout au sérum physiologique, à défaut à l’eau en terminant avec du sérum physiologique si dispo-

nible, mais en faible quantité.


Initié ou réitéré dès l’arrivée du patient au service d’urgences :
■ après anesthésie de contact par 2 gouttes d’oxybuprocaïne, voire sédation-analgésie systémique ; protection

de l’œil sain en cas d’atteinte unilatérale ;


■ au sérum salé isotonique, pendant 15 à 30 minutes, en éversant les paupières, avec irrigation des versants

internes des paupières, des culs-de-sac conjonctivaux et des cils.

Caustiques
■ Tout tamponnement acide-base est proscrit, de même que l’instillation d’une solution amphotère.
■ Un double système de « goutte-à-goutte » et d’ouverture palpébrale (spéculum oculaire) doit être mis en place
en cas de mauvais pronostic fonctionnel immédiat (substance alcaline en particulier), avec lavage pouvant être
conduit jusqu’à 1 heure.
■ Idéalement, la mesure du pH par bandelette réactive peut indiquer la poursuite du lavage au-delà des 30 minutes
en l’absence de neutralité chimique.

193
III.15 DÉCONTAMINATION OCULAIRE
2/2

Chélateurs du calcium
L’instillation d’un sel de calcium pourrait aggraver les lésions. Prolonger le lavage au sérum physiologique (idem
caustiques).
Nb : la supériorité de solution commerciales spécifique (Hexafluorine®) proposée parfois en milieu professionnel
n’a jamais été démontrée.

Ciments
Retirer les débris au coton-tige humide en évitant au maximum de les hydrater et en évitant toute agression
mécanique des muqueuses.
Puis mettre en œuvre un lavage prolongé (idem caustiques).

Organophosphorés
Idem cas général.

194
DÉCOUVERTE DE STUPÉFIANTS
CHEZ UN PATIENT III.16

La détention et l’usage de stupéfiants (II.33) sont des infractions.

● ANONYMAT
L’hôpital doit préserver l’anonymat des usagers, y compris s’ils sont en possession de produits stupéfiants. Il ne
faut pas signaler aux autorités judiciaires la personne porteuse de produits stupéfiants (respect du secret
professionnel).

● SAISIE
Il existe une possibilité de saisie administrative des produits stupéfiants illicites (pouvoirs de police administrative
à l’intérieur de l’établissement du directeur de l’hôpital ou de son représentant), en cas de péril imminent à
l’ordre ou à la sécurité publique.
En pratique, c’est le service de sécurité de l’établissement qui intervient.
Il ne faut ni jeter ni détruire les produits stupéfiants confisqués. Ils sont déposés dans un coffre au sein de
l’établissement, puis remis aux forces de police ou de gendarmerie, de façon anonyme.
En cas de vol de médicaments ou de stupéfiants à l’hôpital :
■ prévenir l’administrateur de garde ;

■ établir un rapport circonstancié, adressé au pharmacien de l’établissement ;

■ prévenir les autorités judiciaires.

En cas de vol d’ordonnances ou de tampons à l’hôpital :


■ prévenir l’administrateur de garde ;

■ prévenir les autorités judiciaires ;

■ prévenir les Conseils départementaux des ordres des médecins et les Conseils régionaux des ordres des

pharmaciens.

195
III.17 DÉFINITION DE CAS

■ Correspond, en cas d’intoxication (III.46) avérée, aux caractéristiques classiques d’expression du toxique sur
l’organisme exposé, tant au niveau des signes cliniques, des signes paracliniques, que de la chronologie
d’installation des signes et de leur cinétique d’évolution (régulation médicale (III.56), figure 1).
■ Peut permettre la validation d’un cas dans une démarche d’imputabilité (III.43).
■ Peut être prédéfinie, pour une substance donnée et dans un souci d’homogénéité, à des fins épidémiologiques
ou de recherche clinique.

196
DÉPISTAGE D’ALCOOL ÉTHYLIQUE III.18

L’imprégnation éthylique (II.1) constitue une circonstance aggravante en cas de crime, de délit ou d’accident de
la circulation routière.
Il est interdit de conduire, si l’alcoolémie est supérieure à 0,5 g/L de sang ou si le taux d’alcool dans l’air expiré
est supérieur à 0,25 mg/L (0,2 g/L dans le sang ou 0,1 mg/L dans l’air expiré pour les permis probatoires).
Le dépistage de l’imprégnation éthylique par les forces de police ou gendarmerie est :
■ systématique : accident de la circulation routière avec dommage corporel (même si automobiliste non respon-

sable) ou infractions au Code de la route (délit de fuite, refus d’obtempérer, entrave à la circulation), même
en absence d’ivresse manifeste ;
■ facultatif : implication dans un accident de la circulation, même purement matériel ;

■ aléatoire : en dehors de toute infraction ou accident.

Lorsque le dépistage par air expiré est impossible, les forces de l’ordre réquisitionnent un médecin, pour réaliser
un examen clinique et un prélèvement sanguin.
La vérification du taux d’alcoolémie par éthylomètre ou prise de sang et examen médical a lieu si :
■ dépistage positif ;

■ refus de se soumettre au dépistage.

En cas de refus de la vérification, la sanction est identique à celle prévue pour un taux d’alcoolémie supérieur
à 0,8 g/L.
L’officier ou l’agent de police judiciaire remplit la fiche A d’examen du comportement (Vérifications concernant
l’alcoolémie) et établit la réquisition pour prise de sang pour mesure du taux d’alcoolémie.
Le médecin réquisitionné remplit la fiche B (Recherche de l’état alcoolique) fournie par les forces de l’ordre.
Les forces de l’ordre :
■ fournissent le matériel de prélèvement ;

■ ne peuvent assister à l’examen clinique ;

■ peuvent assister au prélèvement sanguin ;

■ posent les scellés sur les flacons, signés par le médecin et le sujet prélevé.

Le sang est réparti en deux flacons de 7,5 mL et analysé par un laboratoire agréé, utilisant la méthode de dosage
de référence (chromatographie en phase gazeuse).
Les résultats de l’éthanolémie sont consignés sur la fiche C (Recherche de l’état alcoolique), remise par l’autorité
requérante au biologiste.
Si le sujet est mineur, il faut demander l’autorisation au procureur de la République ou à la personne titulaire de
l’autorité parentale, avant de réaliser le prélèvement sanguin.
La fin de la réquisition se matérialise par la remise, par l’autorité requérante, d’un mémoire de frais.

197
III.19 DÉPISTAGE DE STUPÉFIANTS

La détention, l’usage et donc la conduite après usage de stupéfiants (II.33) sont des infractions.
Le dépistage salivaire de stupéfiants (cocaïne, opiacés, amphétamines, cannabis) par les forces de police ou
gendarmerie est :
■ systématique : accident de la circulation routière mortel ou corporel (même si automobiliste non responsable),

quel que soit le véhicule ;


■ facultatif : accident de la circulation matériel, infractions au Code de la route (délit de fuite, refus d’obtempérer,

entrave à la circulation) ou soupçon qu’un conducteur ait fait usage de stupéfiants ;


■ aléatoire : en dehors de toute infraction ou accident (dépistage préventif).

Si le dépistage est positif, impossible ou refusé, un examen médical et des prélèvements sanguins sont réalisés
sur réquisition, en vue d’établir ou non l’imprégnation par stupéfiants au moment de la conduite.
Les résultats de l’analyse sont transmis au procureur de la République du lieu de l’accident et au conducteur en
cas de poursuites.
L’officier ou l’agent de police judiciaire effectue le dépistage salivaire, remplit la fiche D (Dépistage de stupéfiants
et Prélèvement sanguin en présence de l’autorité requérante) et établit la réquisition pour prise de sang pour
recherche de stupéfiants.
Le médecin examinateur réquisitionné remplit la fiche E (Résultats de l’examen clinique et médical) et la fiche D
fournie par les forces de l’ordre.
Les forces de l’ordre :
■ fournissent le matériel de prélèvement ;

■ ne peuvent assister à l’examen clinique ;

■ peuvent assister au prélèvement sanguin ;

■ posent les scellés sur les flacons, signés par le médecin et le sujet prélevé.

Le sang est réparti en deux flacons de 10 mL et analysé par un laboratoire agréé.


Les résultats des analyses sanguines sont consignés sur la fiche F (Vérifications concernant les stupéfiants –
Résultats des analyses de sang), remise par l’autorité requérante au biologiste.
Si le sujet est mineur, il faut demander l’autorisation au Parquet ou à la personne titulaire de l’autorité parentale,
avant de réaliser le prélèvement sanguin.
La fin de la réquisition se matérialise par la remise, à l’autorité requérante, d’un mémoire de frais.

198
DIARRHÉES III.20

● CIRCONSTANCES
Évoquer une ingestion de champignons (tableaux 5 et 6, II.12), de colchicine (II.14), d’un produit pétrolier ou
autre solvant dont le trichloréthylène (II.35), d’un métal ou métalloïde, de phosphore, d’un produit osmotique,
d’hormones thyroïdiennes, ou encore une envenimation vipérine (animaux terrestres (II.3)).
Penser à la metformine (II.25).

● FORMES GRAVES, COMPLICATIONS


Peuvent être hémorragiques : colchicine (II.14), métaux, phosphore blanc, certains champignons (II.12) (tels
Chlorophyllum molybdites, tableau 6, II.12), ou entraîner des érosions cutanées périanales (trichloréthylène) (II.35).
Troubles hydroélectrolytiques.

● PRISE EN CHARGE
Symptomatique : hydratation, alcalinisation.
Antidiarrhéiques morphiniques à discuter.

199
DISSIMULATION INTRACORPORELLE
III.21 DE STUPÉFIANTS

Les doses peuvent être avalées par le dealer lors de son interpellation (« avaleurs de rue » ou body stuffer), ou
être ingérées (body packer) ou insérées (body pusher) dans les cavités naturelles (vagin, rectum), par les « mules »
pour le transport transfrontalier.
Les caractères physiques des boulettes varient selon leur mode de transport :
■ par ingestion : 3 à 10 g de produit par boulette, environ 2 x 5 cm, 30 à 150 boulettes ingérées, entourées de

latex, cellophane, adhésif, résine ou paraffine ;


■ par insertion : 10 à 20 g de produit par boulette, 3 x 10 cm, 1 à 2 boulettes insérées, entourées de latex,

cellophane, film plastique ou ruban adhésif.


L’interrogatoire recherche la date d’ingestion ou d’insertion, le nombre de boulettes, le type de produit, les
antécédents personnels (y compris toxicomanie), les traitements éventuels.
L’examen clinique recherche une occlusion intestinale, des signes d’intoxication (selon le produit ingéré). Il n’y
a pas d’intérêt à réaliser les touchers pelviens systématiquement.
Il faut effectuer un dépistage urinaire des stupéfiants (pas d’intérêt pour les « avaleurs de rue », qui sont souvent
aussi consommateurs).
La radiologie comporte des clichés d’ASP, de rectum de profil, des coupoles diaphragmatiques, un scanner
abdominopelvien en cas de doute diagnostique à la radiographie, voire une échographie abdominale dans le cas
de la femme enceinte.
L’ECG est systématique, pour rechercher une cardiopathie ischémique, des troubles du rythme.
La surveillance clinique se fait en milieu hospitalier : TA, FC, FR, conscience, pupilles, transit intestinal toutes les
2 h (toutes les heures pendant 6 h pour les « avaleurs de rue ») à cause du risque d’overdose en cas de rupture
d’enveloppe.
En cas d’insertion vaginale ou rectale, il faut retirer manuellement les corps étrangers.
En cas d’ingestion, le traitement comporte :
■ laxatif oral : 3 fois par jour ;

■ antispasmodique oral : phloroglucinol lyoc (2 cpr x 3 par jour) ;

■ alimentation riche en fibres.

Le traitement des complications associe :


■ traitement symptomatique en cas d’intoxication aiguë (héroïne, cocaïne) après rupture d’enveloppes ;

■ extraction chirurgicale des boulettes par laparotomie (endoscopie contre-indiquée à cause du risque de rupture

des emballages), en cas d’occlusion intestinale par obstacle mécanique.


La sortie hospitalière est autorisée, si :
■ absence de corps étranger visible en radiologie ;

■ et absence de boulette dans deux selles consécutives ;

■ et absence de toxique urinaire.

Il n’y a pas d’indication d’hospitalisation après retrait des corps étrangers intravaginaux ou rectaux (vérification
de la vacuité des cavités naturelles par touchers pelviens).
Le retour dans les locaux de police ou de gendarmerie est possible après élimination complète des boulettes,
récupérées par les forces de l’ordre et placées sous scellés judiciaires.

200
DOSE TOXIQUE III.22

Il faut tout d’abord parler de dose toxique théorique, car contrairement à la DL50 qui tue 50 % des animaux,
aucune dose « toxique » n’a été testée dans l’espèce humaine, heureusement !
On peut simplement avancer que la dose toxique théorique est la dose qui peut entraîner l’apparition de signes
de toxicité (III.64) chez l’homme, quels que soient son âge et son poids.
La dose toxique théorique a-t-elle une définition précise ? Curieusement, non.
■ Est-ce la dose à partir de laquelle apparaissent les premiers signes cliniques ou biologiques ?

■ Est-ce la dose qui met en jeu le pronostic vital ?

■ Est-ce la dose qui indique la nécessité d’une prise en charge médicale rapide ?

■ Est-ce la dose qui justifie la mise en route d’un traitement spécifique ?

Nul ne le sait, il n’existe pas de définition précise. Tout dépend du toxique en cause.

● D’OÙ PROVIENT-ELLE ?
De l’expérience clinique, de séries cliniques ? C’est vrai pour certaines intoxications fréquemment observées,
comme l’intoxication par benzodiazépines par exemple. Encore faut-il garder à l’esprit que cette dose toxique
théorique est une approximation et qu’elle n’est peut-être pas pertinente pour le patient pris en charge.
D’un seul ou de quelques cas cliniques ? C’est assez souvent le cas. La dose toxique théorique, issue de quelques
cas cliniques isolés, est alors répétée de livres en livres sans remise en cause.
D’une dose thérapeutique maximale ? Exemple des neuroleptiques, pour lesquels on lit souvent que la dose
toxique est égale à 2-3 fois la dose thérapeutique maximale. Sans plus de précisions.
De l’expérimentation animale ? C’est souvent le cas avec les produits chimiques : la dose toxique n’est qu’une
extrapolation sans réel intérêt d’une DL50 obtenue en laboratoire.
Ajoutons que chez l’enfant un facteur de correction doit ramener la dose toxique théorique au poids corporel ;
encore un peu d’imprécisions.

● EST-ELLE SUFFISANTE ?
Non. D’autres éléments à recueillir sont sans doute plus importants.
■ Le délai entre l’exposition au toxique et la prise en charge de l’intoxication. À la phase d’intervalle libre ? Bien

après la « phase d’état » de l’intoxication ? Pour une même présentation clinique, une intoxication aux benzo-
diazépines n’a pas la même signification à la 1re heure ou à la 6e heure de prise en charge.
■ Le délai d’apparition des signes cliniques et/ou biologiques, leur gravité. Insistons sur une évidence : le patient

qui présente des signes d’intoxication a été exposé à une dose toxique, mais l’inverse n’est pas vrai ; en phase
d’intervalle libre un patient exposé à une dose réellement « toxique » peut être encore totalement
asymptomatique.
■ La cinétique connue du toxique, d’autant plus intéressante qu’il y a une bonne corrélation clinicobiologique.

● QUAND EST-ELLE SURTOUT INTÉRESSANTE ?


■ Pour certains toxiques fonctionnels (III.67) d’action rapide et puissante. Exemple de la chloroquine, où la dose
toxique théorique fait partie des facteurs pronostiques.
■ Pour la plupart des toxiques lésionnels (III.68) en l’absence d’autres indicateurs dans la phase initiale d’intervalle
libre de l’intoxication. Exemple fréquent du paracétamol.

201
III.23 DOULEUR

● CIRCONSTANCES

Douleur abdominale
Elle est caricaturale lors des ingestions de corrosifs (II.23). Elle se rencontre également lors de l’ingestion de fer,
de plomb et d’arsenic, de la plupart des végétaux non comestibles, dans la fièvre (III.30) des fondeurs (douleur
thoraco-abdominale, céphalées, myalgies), lors de l’inhalation de substances volatiles, lors de l’ingestion de la
plupart des insecticides (II.21) et rodonticides (II.32) et dans le toxidrome (III.66) antabuse (associée à céphalées
et/ou douleur thoracique).
Parmi les médicaments, évoquer l’aspirine (II.8), les corticoïdes, les AINS et la colchicine (II.14) (lésions gastri-
ques), les digitaliques (II.15) (colite ischémique).

Douleur thoracique
Outre une ingestion de corrosif (II.23), évoquer une prise de stupéfiant (II.33) (cocaïne), de triptan, un toxidrome
(III.66) antabuse, une fièvre des fondeurs, l’inhalation d’une substance volatile.

Céphalée
Évoquer le monoxyde de carbone (II.28), le cyanure (II.15), une substance volatile (solvant, méthémoglobinisant
(II.27)), un champignon supérieur (II.12) (syndrome gyromitrien ou orellanien), un toxidrome (III.66) antabuse,
une fièvre des fondeurs.

● PRISE EN CHARGE NON SPÉCIFIQUE


Elle doit être adaptée à l’intensité de la douleur, en veillant plus particulièrement aux risques des différents
antalgiques.

202
ÉPURATION EXTRARÉNALE III.24

● CHARBON ACTIVÉ (III.7) EN DOSES MULTIPLES


Cette pratique appelée aussi « dialyse intestinale » a pour objectif de rompre le cycle entéro-entérique de certains
médicaments. Cette technique est recommandée dans les intoxications aiguës par carbamazépine, dapsone,
phénobarbital, quinine et théophylline.

● HÉMODIALYSE
Pour être accessible à une épuration par hémodialyse, le toxique :
■ doit être présent dans le sang à fortes concentrations ;

■ être peu diffusible, c’est-à-dire avoir un petit volume de distribution (Vd). Il est habituel de dire qu’un toxique

ayant un Vd > 1 L/kg n’est pas accessible à l’hémodialyse ;


■ avoir une faible liaison protéique pour passer la membrane du rein artificiel.

Les toxiques pouvant justifier d’une hémodialyse sont :


■ le lithium ;

■ l’aspirine ;

■ les alcools et les glycols, méthanol et éthylèneglycol en particulier.

D’autres indications de l’hémodialyse en toxicologie peuvent être liées, comme dans d’autres pathologies, à
l’existence d’une acidose métabolique sévère et/ou d’une insuffisance rénale aiguë.
L’hémodiafiltration continue est une alternative à l’hémodialyse en cas de mauvaise tolérance hémodynamique.

● HÉMOPERFUSION SUR COLONNE DE CHARBON


Longtemps proposée, peu pratiquée, son utilisation est devenue exceptionnelle. Elle a pu être proposée dans de
rares intoxications aiguës sévères par théophylline ou carbamazépine.

● EXSANGUINO-TRANSFUSION
Elle représente la seule solution thérapeutique dans les cas de méthémoglobinémies (II.27) sévères associées à
une hémolyse intravasculaire (II.34) ; du fait de la destruction du globule rouge, le bleu de méthylène est inefficace.
L’exemple classique est l’intoxication aiguë par chlorate de sodium.

● AUTRES
D’autres techniques comme la plasmaphérèse ou les techniques de suppléance hépatique (MARS®) n’ont aucune
indication dans l’épuration des toxiques.

203
III.25 ÉPURATION RÉNALE

L’épuration rénale des xénobiotiques – diurèse forcée, diurèse osmotique, etc. – a eu son heure de gloire en
toxicologie il y a maintenant quelques années déjà.
Une meilleure compréhension du métabolisme des toxiques et de leur toxicocinétique (III.63), ainsi que les progrès
de l’analyse toxicologique (III.3), l’ont rendu pratiquement obsolète.
Pour valider une épuration rénale, il faut que des produits actifs (produit parent, métabolites) soient présents en
quantité significative dans les urines. Peu de produits répondent à ces critères : salicylés, phénobarbital, phyto-
hormones (herbicides chlorophénoxy).
Il a été montré que l’augmentation du volume de la diurèse avait plus d’inconvénients que d’avantages. Diurèse
forcée, diurèse osmotique, sont des pratiques maintenant abandonnées.

On démontre par contre que la manipulation du pH urinaire peut permettre d’augmenter l’excrétion de certains
acides faibles, comme les salicylés, le phénobarbital et les phytohormones. Un acide faible en milieu basique est
complètement ionisé (cf. toxicocinétique) et ne franchit plus les membranes de l’organisme. Quand le pH urinaire,
normalement acide, est rendu alcalin, ces produits ne peuvent donc plus subir de réabsorption tubulaire et leur
excrétion est alors augmentée. C’est ce qu’on obtient en perfusant par voie veineuse du soluté bicarbonaté à
1,4 % de façon à obtenir un pH urinaire supérieur à 7,5-8.
Faut-il appliquer en pratique cette technique dite de « dialyse alcaline » ? Aucune étude contrôlée ne répond
définitivement à la question. L’intoxication grave par salicylés relève plus de l’hémodialyse, les formes modérées
d’un traitement essentiellement symptomatique. Il en est de même pour les phytohormones.
Le traitement symptomatique d’une intoxication sévère par phénobarbital amène le plus souvent à la guérison
sans séquelle.

204
ÉTAT DE CHOC III.26

Il s’agit d’une situation avec gravité (III.32) affichée et de pronostic (III.54) souvent grave.
Plusieurs mécanismes sont souvent impliqués dans la physiopathologie de cette détresse.

● MÉCANISMES

Effet direct du toxique


■ Vasodilatation : antihypertenseurs, chloroquine (II.13), la plupart des psychotropes dépresseurs, théophylline,
vasodilatateurs.
■ Dépression myocardique :
• le plus souvent par ESM : antidépresseurs (II.5) polycycliques, antiarythmiques de classe I (II.4), antipaludéens
(chloroquine (II.13)), buflomédil, cocaïne (stupéfiants « classiques » (II.32A)), également alcool éthylique (II.1),
barbituriques et phénothiazines (neuroleptiques et nouveaux antipsychotiques (II.29)) à très forte dose ;
• par effet bêtabloquant (II.10) : propranolol surtout ;
• par effet inhibiteur calcique (II.20) : vérapamil, diltiazem de façon moins marquée ;
• par mécanisme autre : arsenic, colchicine (II.14), héroïne (stupéfiants, Tableau 7, II.33).

Effet indirect
■ Sepsis (à point de départ pulmonaire le plus souvent).
■ Hypovolémie : diarrhées (III.20), accessoirement vomissements (III.73), rhabdomyolyse (III.58), hémorragies
(III.35), sueurs, œdème extensif (envenimation par animaux terrestres (II.3)).
■ Hypothermie (III.41) ou hyperthermie (III.39) sévère.
■ Trouble métabolique : hyperkaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie, acidose lactique (toxidrome (III.66) adré-
nergique, anoxie cellulaire (III.5)).
■ Anaphylaxie : morsure/piqûre d’animaux terrestres (venins de vipère, d’hyménoptères).
■ Toxidrome (III.66) antabuse.

● PRISE EN CHARGE
■ Traitement général dans tous les cas, laissant une large place à la ventilation assistée et pouvant impliquer
une assistance circulatoire, sous certaines conditions, dans les formes réfractaires.
■ Antidote (III.6) dans certains cas.

205
III.27 ÉVALUATION DE RISQUE

Il s’agit d’une analyse anticipée de la gravité (III.32) potentielle et du pronostic (III.54), en l’absence d’intervention
médicale.
Elle est un des outils du raisonnement clinique probabiliste (III.55).
Elle est en règle générale réalisée en phase précoce, chez un patient le plus souvent asymptomatique, ou parfois
symptomatique avec risque évolutif potentiel.
Elle repose sur la comparaison de l’exposition toxique supposée (III.29) aux données acceptées de la littérature
et/ou sur l’étude du terrain, de perturbations précoces cliniques, physiologiques (paramètres vitaux de base),
électrocardiographiques, toxicoanalytiques et/ou biologiques. Une gestion du risque s’impose secondairement si
ce risque est avéré.
Des critères de mauvais pronostic sont acceptés pour un certain nombre de médicaments et pour le monoxyde
de carbone (III.28) en particulier.
En pratique, elle concerne essentiellement le paracétamol (II.31) et repose :
■ sur le nomogramme de Prescott et Rümack ; l’utilisation de ce nomogramme doit se faire dans les conditions

qui ont permis sa validation clinique : prise unique du toxique avec horaire connu, absence d’ingestion conco-
mitante d’un ralentisseur du transit (codéine ou AINS en particulier), pas de prescription de charbon activé ;
■ sur le dosage du lactate (veineux) en cas de trouble de conscience : une élévation précoce (J1) est un marqueur

d’ingestion massive (> 40 g).


Des nomogrammes ont par ailleurs été élaborés pour l’aspirine (II.8) et le paraquat mais, pour des raisons
diverses, n’ont plus lieu d’être utilisés. Les intoxications par chloroquine (II.16) et digitaliques (II.13) représentent
quant à elles des situations classiques justifiant une évaluation de risque.
À l’inverse, l’absence d’élévation franche du lactate (< 3 mmol/L) semble prédire une absence de forme grave
pour une grande variété de toxiques médicamenteux ou non.

206
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
(HORS ANALYSE TOXICOLOGIQUE) III.28
1/2

Leurs résultats pathologiques sont l’expression de la toxicodynamie (III.64).

● BIOLOGIE
■ Elle a potentiellement un triple but :
• approche étiologique (par exemple, augmentation des trous anionique et/ou osmolaire après ingestion d’un
produit indéterminé par un patient éthylique chronique) ; dans ce cas, elle pourra déclencher une analyse
toxicologique et une prise en charge spécifiques ;
• approche pronostique (III.54) : marqueur de risque de gravité (III.32) pouvant également générer une prise
de décision comme la mise en route d’un traitement et une orientation adaptée du patient (par exemple,
hyperlactatémie suite à une ingestion massive de paracétamol (II.31) ou de valproate de sodium (II.36) ; une
valeur basse (< 3 mmol/L) de lactatémie pourrait avoir une bonne valeur d’exclusion de gravité pour une
large gamme de toxiques, médicamenteux ou autres ;
• suivi du traitement symptomatique et des apports hydroélectrolytiques de base.
■ En l’absence de toxique identifié, selon le profil du patient et son exposition potentielle à certains toxiques,
cette approche biologique peut reposer sur l’hémogramme, l’INR, l’ionogramme avec calcul du trou anionique,
la glycémie, la fonction rénale, les transaminases, l’acide lactique (veineux) et, en cas d’intoxication présumée
par un liquide non précisé, l’osmolarité (mesurée par osmomètre et non calculée par le laboratoire) ; il faut
savoir tenir compte de l’expression tardive de certains toxiques (lésionnels, AVK, spécialités orales à action
retardée (III.60)), avec dans ce cas inutilité de dosages précoces chez un sujet sain, sans antécédent motivant
l’examen.
■ Dans le cas d’un toxique identifié de façon suffisamment certaine, le suivi biologique repose sur les recom-
mandations STC/SFTA de 2012.

● RADIOGRAPHIES
■ Thorax de face et de profil : visualisation d’un objet bloqué dans l’œsophage (pile bouton chez l’enfant).
■ Abdomen sans préparation : visualisation d’emballages de stupéfiants (II.33) (cocaïne, héroïne), d’hydrocarbures
halogénés (tétrachlorure de carbone, chloroforme, trichloréthylène (II.35)), de métaux (fer, plomb, arsenic,
mercure, lithium (II.24)), de comprimés de potassium, de carbonate de calcium ou d’hydrate de chloral
Attention ! Dans le cas de dissimulation intracorporelle de stupéfiants (III.21), compléter au besoin les examens
d’imagerie par une TDM abdominale.
■ TDM cérébrale : met en évidence les lésions liées aux intoxications graves par méthanol (II.26), cocaïne (II.33),

monoxyde de carbone (II.28) et toxiques hypoglycémiants (III.40) pour les plus connues, également par métam-
phétamine, propranolol, éthylène glycol, héroïne, solvants, organophosphorés, cyanures, etc.

● ÉLECTROCARDIOGRAMME
Allongement du complexe QRS évoquant une intoxication par produit à ESM ; allongement de l’intervalle QT
(psychotropes, cardiotropes, antihistaminiques, antiémétiques) ; troubles conductifs avec de nombreux cardio-
tropes ; hyperexcitabilité avec les digitaliques (II.16) ; recherche de cardiopathie ischémique avec les produits
adrénergiques dont certains stupéfiants.

207
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
III.28 (HORS ANALYSE TOXICOLOGIQUE)
2/2

● ÉLECTROENCÉPHALOGRAMME
Aucune anomalie n’est spécifique d’un toxique, mais certains rythmes sont compatibles avec une origine toxique ;
surtout, il offre la possibilité de mise en évidence d’un EDME non convulsivant, orientant vers ou confirmant une
intoxication par une substance génératrice de convulsions (III.12).

● ENDOSCOPIES
■ Œso-gastro-duodénale : mise en évidence de lésions muqueuses en cas d’ingestion d’un produit corrosif (II.23),
de conglomérats gastriques de médicaments (l’examen participant à l’évacuation digestive du toxique), d’objets
bloqués dans l’œsophage (piles boutons)
■ Trachéobronchique : présence de suies au niveau de la muqueuse respiratoire en cas d’exposition à des fumées
d’incendie (II.18), de lésions caustiques suite à l’ingestion de corrosifs, dont parfois des lésions du carrefour
aérodigestif (II.23), d’une inhalation trachéobronchique en cas de coma.

208
EXPOSITION TOXIQUE III.29
1/2

L’exposition toxique correspond à la rencontre entre un organisme (vivant et humain pour ce qui nous concerne)
avec une substance étrangère (xénobiotique) pourvue d’effets pathogènes et entraîne un risque local et/ou
d’absorption, puis d’intoxication (III.46).
Elle peut être analysée par :
■ l’intentionnalité, recueillie par l’anamnèse (III.4) ou par la mise en évidence du toxique dans le produit d’expo-

sition (métrologie) ou l’organisme (analyse toxicologique (III.3)) ;


■ sa modalité : forme aiguë unique, aiguë sur traitement ou exposition chronique (lithium (II.24), théophylline),

répétée (paracétamol (II.31)) ;


■ sa voie : cutanée, muqueuse (buccale, nasale, respiratoire, digestive – dont l’allaitement – ou autre), intravei-

neuse, pulmonaire, voire placentaire ;


■ des aspects quantitatifs en terme de dose (pouvant être rapportés à des caractéristiques physiologiques telles

le poids ou la surface corporelle) ou de temps d’exposition ; la notion de dose toxique (III.22) reste source de
controverses ;
■ la description du toxique (effets pathogènes potentiels connus) ;

■ les précisions concernant le sujet exposé : état physiologique préalable, facteurs de vulnérabilité ou de résis-

tance pouvant modifier la toxicodynamie (III.64).


L’analyse de l’intentionnalité et la description des cas doivent permettre d’initier des démarches, isolées ou
associées, préventives, médicojudiciaires, psychiatriques, de santé publique (épidémiologie, information grand
public).
En matière d’intentionnalité, une intoxication peut être auto-infligée, hétéro-infligée ou accidentelle.

● INTOXICATION AUTO-INFLIGÉE
Il peut s’agir d’une intoxication :
■ chez un sujet suicidant (III.61) ;

■ de rupture (pour « dormir et oublier » ?), l’intentionnalité étant difficile à caractériser ;

■ intoxication récréative (III.47) ou à caractère spirituel (chamanisme) ;

■ entrant dans le cadre d’une toxicomanie avec usage de stupéfiants (II.33) (classiques ou médicaments détournés

de leur usage).
L’intoxication suicidaire est médicamenteuse dans 90 % des cas (en particulier psychotropes dépresseurs dont
les benzodiazépines (III.9) et les antidépresseurs (III.6), les analgésiques) ; une alcoolisation est associée dans
30 % des cas.

● INTOXICATION HÉTÉRO-INFLIGÉE
Il peut s’agir d’une soumission chimique (III.59), délictueuse ou ludique, ou entrant dans le cadre d’une action
de guerre, d’un terrorisme chimique (III.62) ou d’une action de contre-terrorisme (III.11).

209
III.29 EXPOSITION TOXIQUE
2/2

● INTOXICATION ACCIDENTELLE
La circonstance peut être une absence ou une mauvaise perception de risque dans le cadre domestique, pro-
fessionnel ou civil, ou un défaut de maîtrise du risque (cas des passeurs de drogue in corpore).
■ Domestiques (déconditionnement, accidents thérapeutiques) : prise en charge téléphonique seule (Centre 15,

Centre antipoison) le plus souvent (erreur d’administration d’un médicament, engrais ou eau de Javel diluée
chez l’adulte, pilule contraceptive ou comprimés de fluor chez l’enfant par exemple).
■ Professionnelles (manipulation ou exposition à un toxique connu).

■ Intoxication isolée ou collective, domestique ou professionnelle, au monoxyde de carbone (II.28).

■ Exposition à des fumées d’incendie (II.18).

■ Toxicomanie. Trois situations peuvent être rencontrées :

• augmentation et/ou variabilité de la concentration en principe actif du produit d’usage courant, ou lorsque y
est mélangée une substance toxique ;
• rupture de la tolérance physiologique, une dose « habituelle » devenant une dose toxique ;
• risque d’exposition inopinée en cas de dissimulation intracorporelle de stupéfiants (III.21) : rupture dans la
lumière digestive de conditionnements de stupéfiants (II.33) (héroïne et cocaïne surtout), destinés au transport
international, chez les passeurs de drogue in corpore ou chez le revendeur ou l’acheteur de rue.

210
FIÈVRE III.30

Il s’agit d’une élévation de la température corporelle d’origine inflammatoire, le terme hyperthermie (III.39) étant
réservé aux élévations de température corporelle d’origine centrale et/ou métabolique.
Elle est le plus souvent d’origine infectieuse secondaire (pneumopathie).
La fièvre des fondeurs (ou des métaux, des soudeurs) semble liée à une alvéolite inflammatoire réactionnelle aux
poussières inhalées et :
■ se rencontre après exposition répétée aux fumées d’oxyde de zinc, de cuivre ou de cadmium, dans un cadre

professionnel ;
■ apparaît après quelques heures de latence, associée à un goût métallique, une irritation des VADS, des sueurs,

des frissons, des myalgies, des céphalées, une asthénie, des douleurs thoraciques et une dyspnée, parfois des
douleurs abdominales et des nausées ;
■ se résout en 1 à 2 jours, pour réapparaître lors d’une nouvelle exposition, d’où également son nom de fièvre

du lundi.

211
III.31 FILIÈRES DE SOINS

L’exposition à certains toxiques devrait conduire à une admission directe dans un secteur spécialisé.
Cette orientation devrait dans l’idéal être anticipée dès la régulation médicale (III.56).

● UNITÉ DE SOINS INTENSIFS OU RÉANIMATION


■ La majorité des intoxications par produits cardiotoxiques, quel que soit l’état clinique initial :
• inhibiteurs calciques, antiarythmiques, bêtabloquants, méprobamate (retiré de la pharmacopée) ;
• chloroquine, quinine ;
• dextropropoxyphène (retiré de la pharmacopée) ;
• cocaïne, amphétamines (stupéfiants (II.33)) ;
• colchicine.

■ À fortes doses et si symptômes cardiovasculaires présents :


• carbamazépine, antidépresseurs tricycliques, phénothiazines (neuroleptiques et nouveaux antipsychotiques
(II.29) ?

En cas d’association psychotropes – alcool : l’évolution de prises massives peut rapidement conduire à un état
de coma avec dépression respiratoire et risque d’inhalation trachéobronchique.

● ACCUEIL MÉDICOCHIRURGICAL POUR RÉALISATION


D’UNE ENDOSCOPIE DIGESTIVE ET PARFOIS TRACHÉOBRONCHIQUE
Ingestion d’un produit caustique (II.23).

● ÉTABLISSEMENT DE SOINS OÙ LA PRATIQUE


D’UNE EXSANGUINO-TRANSFUSION EST POSSIBLE
Tous les produits méthémoglobinisants (II.27) et hémolysants (chlorates, nitrates, nitrites, etc.).

● ÉTABLISSEMENT DE SOINS
OÙ LA PRATIQUE D’UNE ÉPURATION EXTRARÉNALE EST POSSIBLE
■ Lithium.
■ Aspirine.
■ Méthanol.
■ Éthylène-glycol et autres glycols.

212
GRAVITÉ III.32

L’intérêt de son évaluation précoce est multiple :


■ évaluation de risque (III.27) et sa gestion à la phase présymptomatique ;

■ orientation directe des patients dans les filières de soins adaptées, le cas échéant dès la régulation médicale ;

■ mise en œuvre éventuelle de traitements spécifiques soustractifs (décontamination digestive, épuration rénale,

épuration extrarénale), antagonisants (antidotes) ou supplétifs d’organe (traitement général) ;


■ prévention, surveillance et éventuellement gestion de complications (respiratoires, musculaires, métaboliques).

Elle peut être évaluée à partir :


■ de l’anamnèse (dose d’exposition connue comme dangereuse ?) ;

■ des paramètres physiologiques ;

■ de l’examen clinique ;

■ de tests biologiques ;

■ de l’analyse toxicologique (III.3) : c’est particulièrement le cas avec le paracétamol (II.31).

Il n’existe pas d’échelle ou de score pertinent utilisable en temps réel lors de la prise en charge du patient.
A posteriori, l’échelle la plus utilisée est celle du Poisoning Severity Score, qui peut permettre des comparaisons
de thérapeutiques ou pronostiques. Cette échelle applique cinq niveaux de gravité (absence, mineure, modérée,
sévère, létale) à 12 systèmes ou organes, incluant les lésions par contact direct (tractus digestif, peau, œil, effets
de piqures ou morsures).

213
III.33 HALLUCINATIONS

● CIRCONSTANCES
Les hallucinogènes sont :
■ l’alcool éthylique (II.1) ;

■ les substances entrainant un toxidrome (III.66) anticholinergique ou adrénergique ;

■ certains champignons (II.12) ;

■ la plupart des stupéfiants et des médicaments détournés de leur usage (tableaux 7 et 8, II.33) ;

■ très accessoirement le camphre ;

■ certains médicaments : topiramate ;

■ certains animaux marins (II.2) (saupe en Méditerranée).

● PRISE EN CHARGE
■ Isolement, mise au calme.
■ Benzodiazépine orale si possible.
■ Éviter les neuroleptiques.

214
HÉMOLYSE III.34

● CIRCONSTANCES
Certains champignons (II.12) (syndromes paxillien et gyromitrien, tableau 5), le cuivre, l’hydrogène arsénié, le
plomb.
Toutes les méthémoglobinémies (II.27) sévères.

● DIAGNOSTIC
Troubles digestifs, douleurs lombaires, pâleur, ictère, état de choc (II.26), oligoanurie, CIVD.
Anémie, chute de l’haptoglobine plasmatique.

● RISQUES ÉVOLUTIFS
État de choc.
Insuffisance rénale aiguë (III.44).

● TRAITEMENT
Traitement général :
■ remplissage vasculaire, transfusion globulaire, amines vasoactives et ventilation assistée si état de choc ;

■ exsanguino-transfusion pour les formes très sévères.

Discussion d’une orientation rapide en service de réanimation : épuration extrarénale (III.24).

215
III.35 HÉMORRAGIE

● CIRCONSTANCES
Anticoagulants : AVK (médicaments et rodonticides (II.32)), autres anticoagulants
Insuffisance hépatique : paracétamol (II.31), certains champignons (II.12) (syndrome phalloïdien).
Thrombopénie : alcool éthylique (II.1), colchicine (II.14), digitaliques (II.15), valproate de sodium (II.35), benzène,
cuivre, organophosphorés (II.30).
Défibrination (par CIVD le plus souvent) : envenimation vipérine (animaux terrestres (II.3)), corrosif (II.23), colchi-
cine (II.14), ecstasy (stupéfiants, « drogues de rue » (II.32)) ou fer, hémolyse (III.34) sévère, insuffisance hépatique
sévère, hypothermie (III.41) sévère, hyperthermie (III.39) maligne.

● DIAGNOSTIC
Syndrome hémorragique non spécifique, souvent hématémèse en cas d’ulcérations digestives (corrosifs, colchi-
cine), le plus souvent retardé et modéré en cas de thrombopénie, tableaux cliniques plus complexes en cas de
CIVD et d’insuffisance hépatique.
Anémie, baisse des facteurs de coagulation ou des plaquettes sanguines selon l’étiologie, positivité des d-dimères
et baisse du fibrinogène en cas de CIVD.

● TRAITEMENT
AVK : facteurs du complexe prothrombinique, vitamine K ; tenir compte d’un éventuel traitement chronique par
AVK (stopper l’hémorragie avant de vouloir maintenir l’INR dans la fourchette imposée par la pathologie
sous-jacente).
Autre anticoagulant : selon sa nature.
Thrombopénie : concentrés plaquettaires (1 unité/10 kg de poids).
CIVD et défibrination : plasma frais congelé (10 à 15 mL/kg), avis spécialisé indispensable.

216
HÉPATITE III.36

● CIRCONSTANCES
Paracétamol (II.31).
IMAO (antidépresseurs (II.5)).
Formol.
Phénol.
Arsenic.
Phosphore.
Chardon à glu.
Champignons (II.12) : phalloïdien, gyromitrien, résinoïdien sévère, proximien.
Cocaïne (stupéfiants (II.33)).
Diquat, glyphosate (herbicides (II.19)).
Tétrachlorure de carbone.

● DIAGNOSTIC
Vomissements, hypoglycémie, hépatalgie, ictère.
Biologie : cytolyse, cholestase, baisse des facteurs de coagulation, notamment le facteur V.

● PRISE EN CHARGE
Symptomatique.
Antidote (III.6) : N-acétylcystéine pour le paracétamol, après avis spécialisé (I.3) dans les autres situations.

217
III.37 HYPERGLYCÉMIE

● CIRCONSTANCES
■ Substances entrainant un toxidrome (III.66) adrénergique ou sérotoninergique, dans le cadre d’un syndrome
métabolique associant hyperleucocytose, hypokaliémie et acidose lactique.
■ Vasoconstricteurs.
■ Carbamazépine (II.11).
■ Colchicine (I.14) dans certains cas.
■ Inhibiteurs calciques (II.20), pour lesquels il s’agit d’un marqueur de gravité.
■ Éthylène-glycol (II.17).
■ Psilocybes.
■ Certaines quinolones.
■ Diazoxyde.

218
HYPERTENSION ARTÉRIELLE III.38

● CIRCONSTANCES
■ Substances entraînant un toxidrome (III.66) adrénergique ou sérotoninergique, en particulier les vasoconstric-
teurs et les stupéfiants.
■ Triptans.
■ Kétamine.
■ Envenimations par animaux terrestres (II.3) (scorpions) ou animaux marins (II.2) (méduses, ciguatera).
■ Saturnisme (plomb).

● CLINIQUE
Non spécifique, caractère souvent transitoire, mais rechercher des complications en particulier cérébroméningées
(cocaïne).

● TRAITEMENT
Privilégier un traitement physiopathologique (alphabloquant), voire par sérum spécifique (envenimation
scorpionique).

219
III.39 HYPERTHERMIE

Élévation de la température corporelle d’origine centrale (dysrégulation d’origine sérotoninergique), par hypermé-
tabolisme (hyperadrénergie, prise d’hormones thyroïdiennes, augmentation de l’activité musculaire volontaire –
rave parties –, activation incontrôlée des canaux calciques musculaires), ou défaut de production d’ATP au niveau
de la mitochondrie par blocage de la phosphorylation oxydative.
Dans le cas de l’exposition au NMDA (ecstasy, stupéfiants (II.33)), aux phénomènes central et musculaire, sont
associés les phénomènes de promiscuité, de perte de la sensation de soif et de fatigue.
L’hyperthermie est dite « maligne » quand la température corporelle est supérieure à 41 oC.
Le terme de fièvre (III.30)est quant à lui réservé aux élévations thermiques d’origine inflammatoire.
Le syndrome malin des neuroleptiques et l’hyperthermie maligne anesthésique sont des phénomènes idiosyn-
crasiques, non dose-dépendants, d’origine centrale pour le premier, musculaire pour le second.
Situations :
■ toxidromes adrénergique, sérotoninergique, anticholinergique ;

■ LSD, phencyclidine (stupéfiants, tableau 7) ;

■ hormones thyroïdiennes ;

■ xanthines (caféine, théophylline) ;

■ découplage des phosphorylations oxydatives : aspirine (II.8), paracétamol (II.31), protecteurs des bois type

pentachlorophénol, intermédiaires de synthèse type dinitrophénol ou dinitro-orthocrésol ;


■ morsures d’animaux terrestres (II.3) (vipères et araignées).

● DIAGNOSTIC
Élévation thermique mesurée, sueurs, peau « brûlante », agitation, troubles du comportement, mydriase, hyper-
tonie, trismus, convulsions, coma ; tachycardie, arythmie, HTA puis hypotension artérielle et état de choc ; parfois
rhabdomyolyse et insuffisance rénale aiguë.

● TRAITEMENT
Traitement général privilégiant le refroidissement externe et l’hydratation.
Cyproheptadine en cas de toxidrome (III.66) sérotoninergique.
En l’absence persistante d’amélioration, 2 cas de figure :
■ CPK élevée, hyperproduction de CO2 (monitorage de l’EtCO2) : dantrolène (origine musculaire, notamment si

ecstasy, cocaïne, phencyclidine) ;


■ CPK non élevée, pas d’hypercapnie : dantrolène non utile (dysrégulation centrale ou hyperadrénergie).

220
HYPOGLYCÉMIE III.40

● CIRCONSTANCES
Principalement : sulfamides hypoglycémiants (hypoglycémie non ou peu observée avec les autres antidiabétiques
oraux), insuline
Attention, ces spécialités existent sous formes de spécialités orales à effet retardé !
Classique avec le propranolol et autres bêtabloquants chez le nourrisson, le tramadol, l’aspirine chez l’enfant, le
chardon à glu (dans le Maghreb).
Rare avec la cibenzoline, la disopyramide, le cannabis (stupéfiants (III.33)) ou en cas de toxidrome (III.66) antabuse
sévère.
Le cas de l’alcool éthylique concerne surtout le petit enfant et l’éthylique chronique outre-mer (lié à la consom-
mation chronique de rhum ?).
Y penser en cas d’insuffisance hépatique sévère sur hépatite toxique.

● DIAGNOSTIC
Clinique et biologique, non spécifique : signes dysautonomiques (sueurs profuses, tachycardie, nausées/vomis-
sements), neurosensoriels allant de la stupeur avec mutisme au coma profond parfois convulsif et avec parfois
focalisation et/ou syndrome pyramidal ; risque de séquelles définitives par nécrose de noyaux gris centraux.
À noter qu’un coma hypoglycémique ne peut se résoudre sans apport glucidique exogène (diagnostic différentiel
d’une syncope, d’une simulation, d’un théâtralisme, d’un accident ischémique transitoire, d’une crise convulsive
d’autre étiologie).
Surveillance prolongée avec les spécialités orales à effet retardé.
Surveillance attentive de la kaliémie dans tous les cas et de tout biomarqueur en lien avec le toxique incriminé.

● PRISE EN CHARGE
Apports glucidiques oraux ou intraveineux.
Abord veineux profond souhaitable en cas de perfusion de grandes quantités de soluté glucosé.
Antidotes : peu de place pour le glucagon dans ces situations ; octréotide à discuter dans le cas de sulfamides
hypoglycémiants.

221
III.41 HYPOTHERMIE

● CIRCONSTANCES
Comas profonds et prolongés avec le plus souvent exposition au froid.
Toxiques le plus souvent en cause : alcool éthylique, éthylène-glycol, barbituriques, opiacés (II.33), phénothiazines
(II.29).
La perturbation de la thermorégulation centrale et l’effet vasodilatateur du toxique augmentent la déperdition
calorique.

● DIAGNOSTIC
Présentation clinique non spécifique, le coma étant plus profond à température équivalente que dans le cas d’une
hypothermie accidentelle.
Mesure de la température.

● PRISE EN CHARGE
Non spécifique initialement.
Réanimation cardiorespiratoire prolongée jusqu’au réchauffement en cas d’asystolie ; assistance circulatoire à
discuter.

222
IDENTIFICATION D’UN TOXIQUE III.42
1/2

Identifier un toxique pour en approcher la composition chimique, le profil toxique, toxinique ou biologique est
fondamental pour caractériser l’exposition toxique (III.29). Cette diminution du flou profite au patient (pronostic,
décision et thérapeutique optimisés).
En l’absence de précision, le scénario le plus péjoratif est envisagé ; à l’inverse, la connaissance d’une composition
peut permettre la simplification, voire même l’abandon d’une prise en charge. Très peu de toxiques sont iden-
tifiables par analyse toxicologique à partir de prélèvements biologiques dans un délai contributif à la prise en
charge du patient.

● PRINCIPES UBIQUITAIRES
■ Anticiper : dès que possible (régulation médicale, médicalisation préhospitalière, accueil du patient au SAU).
Sans cela, le risque de perte de l’information est grand.
■ Photographier (ou faire photographier) : smartphone presque toujours accessible !
■ Conserver : sans les vider, faire embarquer et suivre tout flacon, boîte et reliquat du toxique avec le patient
(vecteur de transport, service d’urgences, service de réanimation, etc.).

● EN FONCTION DU TOXIQUE
Produit du commerce/manufacturé.
Intérêt : produit grand public, professionnel ou industriel ; nom commercial r composition (substances chimiques,
concentrations)/caractéristiques physicochimiques (pH, viscosité...). Le nom du produit est clef pour accéder à la
composition chimique confidentielle, déclarée par le fabriquant à la base de données des CAP.

En pratique
Produit en mains ou avec l’interlocuteur qui a le produit en mains.
Tout lire : noter l’ensemble des « mots » du « nom » tel que figuré sur l’étiquette de face de la bouteille/du
flacon/de la boîte, marque et gamme comprises.
Exemple :
« AVAX » r « AVAX VITRE ET SURFACES BRILLANTES »
« ANNYOS » r « ANNYOS ACIDOBACT PIN SR 8 »
« LAVE GLACE » r « CHELL LAVE GLACE SPECIAL HIVER »
Usage normal du produit ?
Conditionnement : Flacon ? Pistolet pulvérisateur ? Bombe aérosol à gaz propulseur ? Volume du
conditionnement ?
Photo : idéalement, les deux versants de l’étiquette.
Produits biocides et phytopharmaceutiques : numéro d’AMM et nom d’homologation (désignés comme tels) figu-
rent sur l’étiquette.
Responsable de la mise sur le marché : le nom de la société qui fabrique ou qui distribue le produit figure
obligatoirement sur l’étiquette.
Contexte professionnel : fiche technique ou fiche de donnée de sécurité (FDS) sont des documents parfois dis-
ponibles sur place.
À noter : à partir du 1er janvier 2020, à la manière d’une « plaque minéralogique », un code d’identification
harmonisé est rendu obligatoire sur les étiquettes des produits mis sur le marché en Europe. Facile à lire, l’UFI
(Unique formula identifier) devrait simplifier et renforcer l’identification des produits, notamment dans l’urgence.

223
III.42 IDENTIFICATION D’UN TOXIQUE
2/2

● TOXIQUE NATUREL
Plante, animal, champignon : espèce r toxines r toxidrome.

En pratique
Jusqu’à preuve du contraire, l’intoxiqué et son entourage ne sont ni botanistes ni mycologues ; inutile d’en
attendre les détails nécessaires à une identification fiable.
Il est idéal d’avoir une photographie avec une échelle (règle graduée, papier ECG, objet courant : pièce de monnaie,
stylo, etc.).
■ Champignon : une vue de face, une vue de dessus du chapeau, une vue de dessous du chapeau.

■ Plante : une image en situation (plante en entier), une vue en plan rapproché (branche), un gros plan sur les

feuilles/les baies, toujours en situation.


■ Animaux terrestres : nombreuses situations particulières ; dans tous les cas, une vue d’ensemble ; pour les

serpents : dessus et face latérale de la tête, pupilles.


■ Contexte : cultivé ou sauvage, biotope (forêt, pelouse, pied de feuillus, de conifères), seul ou en groupe, etc.,

À savoir : les centres antipoison disposent de réseaux d’experts botanistes et mycologues (universitaires, sociétés
naturalistes), en capacité d’identifier plantes et champignons, y compris en cas d’urgence.

● SUBSTANCES CHIMIQUES
Investigations métrologiques éventuellement réalisées en air ambiant : détecteurs de CO, équipements des cellules
chimique des secours (souvent des tubes réactifs : un tube par substance, plus rarement des détecteurs « mul-
tigaz ») : intérêt de cibler préalablement les molécules recherchées.
Identification possible d’un nombre limité de radicaux ou de substances.
Exemples : CO, H2S, HCN, CO2, Cl2, NH3, PH3, certains acides, certains aldéhydes, NO, NO2, PH3, vapeurs orga-
niques, H2, SO2, amine(s), tétrachloroéthylène... une trentaine de molécules différentes dans le meilleur des cas.
À défaut ou en complément, l’anamnèse et la connaissance du contexte sont fondamentales. Sur l’exemple d’un
accident industriel :
■ processus industriel en cause ?

■ substrats en œuvre ?

■ réaction(s) chimique(s) attendues(s) ?

■ produits de réaction(s) ? Part de reliquats des substrats ?

● MÉDICAMENT HUMAIN OU VÉTÉRINAIRE


Intérêt : nom de spécialité, DCI, forme chimique de la (des) substance(s) active(s)/excipients/forme galénique
[conditionnement (dose maximale dans un flacon, une pipette, un blister, etc.)].

En pratique
Nom de spécialité, dosage, présentation (suspension, sirop, sachet, comprimé), galénique (LP ou non).
Médicament générique : idéalement, le nom du laboratoire.
À savoir : les CAP (avis spécialisé (I.3)) disposent d’une base de données d’identification des gélules et des
comprimés sur des critères morphologiques et physiques (forme, dimensions, poids, couleur et inscriptions
permettent d’identifier les médicaments humains déconditionnés, sans boîte, blister ou notice).

224
IMPUTABILITÉ III.43
1/2

L’imputabilité caractérise l’intensité du lien entre l’exposition considérée et le terrain du patient d’une part, et les
effets cliniques et paracliniques observés d’autre part. Complémentaire à l’évaluation du risque (III.27), elle est
utile au clinicien pour optimiser la prise en charge du patient et constitue l’un des fondements d’une vigilance
sanitaire comme la toxicovigilance (TV) (III.65). En clinique, son évaluation peut légèrement différer de celle
retenue en TV.

Dans l’intérêt du patient, les principes de l’évaluation de l’imputabilité relèvent avant tout de la démarche clinique.
Le report du niveau d’imputabilité sur la règle de raisonnement clinique (III.55) permet de qualifier le niveau
d’avancement diagnostique. Une imputabilité forte permet en particulier :
■ de poser un diagnostic positif (démarche diagnostique explicite, intérêt de l’approche toxidromique), même si

la certitude diagnostique est très rare en toxicologie ;


■ d’envisager ou de compléter une stratégie de prise en charge (quels examens complémentaires ? Quelle

thérapeutique, notamment toxicologique : antidote, épuration extrarénale... ?).


Le clinicien s’appuie sur son expérience, les connaissances académiques et l’avis spécialisé éventuellement
disponible pour comparer la situation du patient avec d’autres cas ou situations proches (définition de cas (III.17)).

À des fins de vigilance, l’objectif premier reste de décider l’inclusion ou non du cas dans des exploitations à des
fins de veille et d’alerte, d’identification d’effets non encore décrits, de détection de situations nouvelles ou de
réalisation de fouilles de données, etc. Les cas inclus sont exploités de manière agrégée ; les critères d’agrégation
appliqués diffèrent selon la finalité (Ex : effets observés pour la détection syndromique).
Le seuil d’inclusion est plutôt bas, permettant de conserver l’ensemble des cas pour lesquels un lien entre
l’exposition et les effets est susceptible d’exister, même faible. Le doute doit profiter à la santé publique.
La méthode d’imputabilité appliquée en toxicovigilance évalue les cas sur la base de six déterminants :
■ l’exposition : « très probable », « possible » ou « exclue » ;

■ la symptomatologie : « présente » ou « absente » ;

■ la chronologie : « évocatrice », « compatible » ou « incompatible » ;

■ les éléments de preuves : « présence » ou « absence » d’éléments probants (résultats analytiques, test dia-

gnostic spécifique) ou à l’inverse, « présence d’éléments contraires » ;


■ le diagnostic différentiel : « confirmé » (hypothèse diagnostique tierce retenue), « exclu » (rejeté après avoir été

recherché) ou « absent » (non recherché : on ne peut conclure) ;


■ le lien extrinsèque : « probable » (déjà connu chez l’homme, même de manière limitée), « possible » (preuves

suffisantes chez l’animal), « jamais décrit ».

225
III.43 IMPUTABILITÉ
2/2

Le résultat est donné sous la forme d’un niveau sur une échelle qui en comporte 5 : de I’« imputabilité nulle » à
I’« imputabilité très probable ». Les cas d’imputabilité « nulle » se trouvent exclus de toute exploitation (moins de
3 % de l’ensemble des cas connus des CAP). Ils ne sont considérés comme tel qu’en présence d’au moins l’une
de ces trois situations :
■ in fine, absence d’exposition ;

■ défaut de chronologie (effets débutés avant l’exposition ou nature des effets incompatible avec la chronologie/le

mécanisme en cause) ;
■ présence d’éléments contraires : le toxique est absent ou présent à un niveau dosé incompatible avec les effets

observés (dosage correctement mené et interprété).

A contrario, un diagnostic différentiel n’exclut pas nécessairement la contribution de l’exposition dans la genèse
des effets observés.
Enfin, l’évaluation systématique de l’imputabilité trouve certainement place dans toute publication de cas clinique
de toxicologie. Une telle démarche d’objectivité renforce nécessairement la pertinence d’une rédaction.

226
INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË III.44

● CIRCONSTANCES
■ Mécanisme indirect en cas d’hypoperfusion rénale : déshydratation sévère (syndrome phalloïdien ou résinoïdien
sévère lors d’intoxications par champignons (II.12)), hypovolémie (envenimations par animaux terrestres (II.3)),
état de choc (III.26).
■ Mécanisme semi-direct en cas d’intoxication par AINS (II.7), IEC (antihypertenseur) ou lithium (II.24), associée
à une déshydratation.
■ Mécanisme direct entrant dans le cadre :
• d’une néphrite tubulaire aiguë d’origine extrarénale (hémolyse (III.34), rhabdomyolyse (III.58))
• ou d’un tropisme rénal du toxique, le plus souvent par précipitations cristallines intratubulaires :
– plantes : champignons (syndrome orellanien), caramboles ;
– médicaments : paracétamol (II.31), acide valproïque, loxapine (II.29), naftidrofuryl, aciclovir (voie IV) ;
– divers : éthylène-glycol (II.17) et dérivés, chlorate de sodium, hydrocarbures, phénol, arsenic, fer, autres
éléments.

● DIAGNOSTIC
Il n’y a pas de spécificité clinique (lombalgies tout au plus) ; signes liés à la cause.
Le diagnostic est biologique (créatininémie, azotémie, clairance estimée), justifiant une surveillance répétée dans
les situations à risque ; le suivi implique les troubles électrolytiques éventuellement associés (kaliémie, etc.).

● TRAITEMENT
Traitement général pour tous les patients, avec si possible traitement de la cause lorsque le mécanisme est
indirect ; l’épuration extrarénale (III.24) est à la fois supplétive et soustractive pour les glycols.
Antidote associé pour paracétamol (II.31), méthanol (II.26) et éthylène-glycol (II.17).

227
III.45 INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË
1/2

Il s’agit d’une situation avec gravité (III.32) affichée et de pronostic (III.54) très variable selon l’étiologie.
Elle fait volontiers suite à un trouble de perméabilité et/ou de protection des voies aériennes (III.71).

● MÉCANISMES
Ils sont souvent multiples (cas des fumées d’incendie (II.18) en particulier).

Obstruction des voies aériennes


■ Toxiques anticholinestérasiques dont les organophosphorés : hypersécrétion bronchique et bronchospasme
majeurs.
■ Chloralose (cf. Rodonticides) : bronchorrhée.
■ Fumées d’incendie : œdème laryngé et desquamation de l’épithélium bronchique.

Hypoventilation alvéolaire
■ Intoxications par opiacés :
• bradypnée avec diminution de la réponse ventilatoire aux stimuli hypoxique et hypercapnique ;
• rigidité musculaire thoracique pour certains (morphine et fentanyl).
■ Complications posturales d’un coma.
■ Convulsions (III.12) prolongées.
■ Paralysies d’origine neuromusculaire : organophosphorés (II.30), nicotine, ciguë...

Atteinte de l’échangeur pulmonaire


■ Inhalation du contenu gastrique et/ou de sécrétions buccopharyngées ou ingestion de dérivés pétroliers de
faible tension de surface (essences, white-spirit) : bronchopneumopathies.
■ Inhalation de toxiques suffocants (chlore, ammoniac, isocyanate de méthyle, phosgène...) ou ingestion de
certains médicaments (aspirine (II.8), chloroquine (II.13), colchicine (II.14)) : œdèmes pulmonaires de perméa-
bilité, précédés d’un intervalle libre de durée variable.
■ Cardiodépresseurs : œdème pulmonaire cardiogénique.

● DIAGNOSTIC

Examen clinique
Il est non spécifique, mais guidé par la nature des toxiques en cause :
■ mécanique respiratoire (fréquence et amplitude respiratoires), cyanose, signes indirects d’hypercapnie (tachy-

cardie, HTA, sueurs, etc.) ;


■ bruits respiratoires (obstruction des voies aériennes) ;

■ asymétrie d’inspection et de percussion thoracique ;

■ auscultation des champs pulmonaires.

228
INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË III.45
2/2

Oxymétrie de pouls
Une diminution de la saturation en oxygène (SpO2) témoigne en premier lieu d’une atteinte de l’échangeur
pulmonaire.
En revanche, la SpO2 n’est diminuée que de manière tardive dans les situations d’hypoventilation alvéolaire : une
valeur normale, en particulier chez un patient recevant de l’oxygène, peut être associée à une hypercapnie sévère
et ne préjuge pas d’une ventilation alvéolaire satisfaisante.
Le spectre d’absorption des hémoglobines modifiées est proche de celui de l’oxyhémoglobine (pour l’HbCO en
particulier) : l’oxymétrie de pouls n’est donc que peu ou pas perturbée dans ces situations.

Capnométrie
La mesure de la pression partielle en CO2 de l’air télé-expiratoire (PETCO2) n’est généralement réalisée que chez
les patients intubés. Elle peut être considérée comme un témoin de la ventilation alvéolaire si l’hémodynamique
est préservée.

Gazométrie
Si la qualité de l’oxymétrie est satisfaisante, une analyse sur sang veineux suffit pour interpréter le pH, l’excès
de base et la PCO2. En cas d’intoxication par monoxyde de carbone (II.28) ou par toxique méthémoglobinisant
(II.27), une spectrophotométrie complète de l’hémoglobine est nécessaire, réalisée sur sang veineux également.
En règle générale, une décision d’intubation trachéale et mise sous ventilation assistée doit se faire sur des
arguments d’anamnèse et clinique (voire électrocardiographiques), en particulier lorsque sont colligés des critères
de gravité (III.32) et de mauvais pronostic (III.54), la gazométrie ultérieure ne servant qu’à adapter les paramètres
ventilatoires.

● TRAITEMENT
Traitement général dans tous les cas, avec une large place pour la ventilation assistée.
Traitement par antidote (III.6) dans certaines situations, ces traitements spécifiques étant toujours précédés d’une
tentative de stabilisation ventilatoire.

229
III.46 INTOXICATION

Peut faire suite à une exposition toxique (III.29), avec un retentissement local et/ou systémique lié au contact
et/ou à l’absorption du toxique par voie cutanéomuqueuse, respiratoire et/ou digestive.

L’intoxication dépend :
■ des caractéristiques du toxique (toxique fonctionnel, toxique lésionnel, toxique mixte (III.67-69), quantité ou
concentration, constantes de temps) ;
■ des caractéristiques de l’organisme victime, avec ses capacités d’absorption, de transformation, de chélation,

d’excrétion, ces paramètres modulant la toxicocinétique (III.66) du toxique ; interviennent en particulier l’âge,
le poids, la fragilité de certaines chaînes métaboliques, le dysfonctionnement d’émonctoires physiologiques.
Elle est caractérisée :
■ par une cinétique d’installation, progression et, sauf décès ou séquelle, de résolution des symptômes, signes

cliniques et/ou paracliniques (cf. figure 3 dans Régulation médicale (III.56) et Toxicodynamie (III.64)) ;
■ par sa gravité (III.32).

230
INTOXICATIONS RÉCRÉATIVES III.47

Intoxication par alcool éthylique (II.1) : fréquente, souvent banalisée, possible de la préadolescence à l’âge avancé.

Stupéfiants (tableaux 5, 6 et 7, II.33) : substances narcotiques (morphiniques), adrénergiques (cocaïne et amphé-


taminiques), hallucinogènes (LSD, cannabis, médicaments ou plantes à effet anticholinergique), benzodiazépines
(II.9) d’action rapide ; association fréquente à l’alcool.
Unique, en petits groupes ou intéressant un grand nombre de sujets, dans le contexte particulier des rave-party
(effet toxique des rave-drugs, notamment de la 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA – ecstasy), majoré
par l’hyperactivité physique en atmosphère chaude et confinée (promiscuité) et l’absence d’hydratation. De nou-
veaux produits apparaissent dans l’espace festif (kétamine, GHB, prolintane).

231
III.48 MÉDICALISATION PRÉHOSPITALIÈRE
1/2

Le médecin ne dispose pas de score général de gravité qui puisse le guider dans la prise en charge préhospitalière
d’une intoxication aiguë. Le jugement du médecin Smur s’appuie donc sur les mêmes principes que ceux évoqués
en régulation médicale (III.56) et sur une analyse sémiologique fine permettant de reconnaitre dans le meilleur
des cas un toxidrome (III.66). Sauf aggravation récente toujours possible, la situation est le plus souvent conforme
aux données obtenues en régulation.

● PRISE EN CHARGE
La prise en charge d’une intoxication aiguë grave « sur le terrain » n’appelle en fait que peu de commentaires
spécifiques. Il faut cependant rappeler avec insistance que la priorité est au traitement symptomatique. La
réalisation d’un électrocardiogramme 12 dérivations est systématique, afin de déceler et d’anticiper certaines
complications cardiaques, généralement à type d’ESM et/ou de troubles du rythme. La prise en charge des
détresses vitales est conforme aux recommandations actuelles des différences sociétés savantes. La prise en
charge d’une insuffisance respiratoire en particulier doit faire appel aux techniques de l’intubation en séquence
rapide sur estomac plein. La seule différence peut venir de l’utilisation associée de certains antidotes dans
certains cas bien définis, de la mise en œuvre de protocoles médicamenteux spécifiques (chloroquine) ou de
procédures plus lourdes comme une assistance circulatoire (ECLS). Le traitement de la détresse neurologique
(coma) est également basé sur la protection des voies aériennes par intubation trachéale, même s’il n’existe pas
de véritable consensus quant à une valeur seuil de score de Glasgow indiquant formellement le recours à
l’intubation. En effet, le score de Glasgow n’est que très peu corrélé à la survenue des complications respiratoires
chez les patients intoxiqués et l’incidence des lésions laryngées post intubation est loin d’être négligeable chez
ces patients. Le recours à l’intubation se justifie donc après une analyse précise de la situation médicale : score
de Glasgow, saturation artérielle en oxygène et fréquence respiratoire, antécédents respiratoires du patient,
cinétique de l’intoxication, conditions de transport, etc. Certains antidotes comme le flumazénil ou la naloxone
peuvent être utilisés pour surseoir à l’intubation, mais les caractéristiques de ces produits et leurs contre-
indications font généralement choisir une approche mécanique du traitement de la dépression respiratoire.
Les indications de décontamination digestive préhospitalière par administration de charbon activé (III.7) dans des
cas d’indications potentiellement graves font toujours l’objet de discussions, sans démonstration formelle de son
intérêt.
La médicalisation préhospitalière qui prévaut en France implique une prise en charge plus élaborée que celle
décrite dans la littérature anglosaxonne. Ainsi, l’intoxication aiguë par la chloroquine est un bon exemple de prise
en charge médicale spécifique. C’est la démonstration d’un ESM et d’une intense vasodilatation provoquée par
la chloroquine qui a permis de proposer un protocole thérapeutique associant ventilation assistée, adrénaline et
diazépam, à un patient encore conscient, sur des critères de dose supposée ingérée, de valeur de la pression
artérielle systolique et de durée du complexe QRS. Ce protocole a fait chuter la mortalité de l’intoxication de
façon très significative.
L’intoxication par produits cardiotropes est d’actualité, notamment de par l’augmentation de prescription de
certains médicaments comme les bêtabloquants ou les inhibiteurs calciques. La liste des toxiques cardiotropes
ne s’arrête pas seulement à celle des médicaments à visée cardiovasculaire, elle comprend également d’autres
médicaments et un certain nombre de produits chimiques. Ces intoxications sont à l’origine d’une surmortalité ;
elles peuvent en effet conduire à la survenue précoce d’un état de choc réfractaire ou d’un arrêt cardiaque dès

232
MÉDICALISATION PRÉHOSPITALIÈRE III.48
2/2

la phase préhospitalière. Le traitement de l’état de choc fait appel pour l’essentiel aux catécholamines à fortes
doses. D’autres thérapeutiques comme le glucagon, les inhibiteurs des phosphodiestérases, les sels de calcium
ou l’hyperinsulinisme euglycémique n’ont pas montré une efficacité constante reproductible. De même, l’admi-
nistration d’une émulsion lipidique pour des intoxications autres qu’aux anesthésiques locaux ne peut être consi-
dérée qu’au cas par cas. L’assistance circulatoire périphérique par ECLS peut constituer une thérapeutique
d’exception et permettre la survie de patients. L’arrêt cardiaque réfractaire lié à une intoxication constitue une
indication reconnue d’ECLS et l’activation d’une unité mobile d’assistance circulatoire doit faire partie des options
dont disposent le médecin régulateur face à un arrêt cardiaque ou à un choc cardiogénique réfractaire d’origine
toxique. Du fait de la gravité potentielle des intoxications par toxiques cardiotropes, les patients asymptomatiques
doivent bénéficier d’une prise en charge médicale préhospitalière et être admis dans une structure hospitalière
disposant d’une unité d’assistance circulatoire, afin d’éviter tout délai à la mise en place de l’ECLS en cas de
complications.

● DISPONIBILITÉ ET UTILISATION DES ANTIDOTES (III.6)


La disponibilité des antidotes dans les services d’urgence et dans les Smur est un sujet récurrent de discussions.
Il comprend plusieurs éléments souvent intriqués : le coût du produit, sa disponibilité, sa durée de conservation,
ses conditions de stockage et la plus ou moins bonne connaissance de ses indications. Il faut également distinguer
parmi les antidotes ceux qui doivent être présents en permanence dans la dotation médicale du Smur (naloxone,
flumazénil...), ceux qui doivent être prêts à être emporter au cas par cas par le Smur (hydroxocobalamine...),
ceux qui ne seront disponibles le plus souvent qu’après appel de la pharmacie hospitalière (anticorps antidigi-
taliques, immunsérum antivipérin). On peut ajouter au débat les stocks zonaux présents dans certains établis-
sements publics de santé pour la prise en charge d’intoxications collectives.
Certains antidotes n’ont pas de place dans les formes graves ou associées de l’intoxication : overdoses par
dérivés de la morphine avec complications neurologiques, respiratoires ou cardiovasculaires ; intoxications par
benzodiazépines associée à d’autres psychotropes comme les antidépresseurs en particulier. Seul un traitement
symptomatique précoce et « agressif » doit être considéré dans ces formes graves.
Au contraire, certains antidotes devraient maintenant être considérés comme indispensables dès la phase pré-
hospitalière. Sans effet secondaire remarquable à part une coloration rouge des téguments et des urines, l’hydroxo-
cobalamine devrait être d’utilisation très large dans le traitement des victimes de fumée d’incendie (II.18) pré-
sentant des signes d’intoxication aux cyanures. Ainsi, devant tout signe d’hypoxie même mineur (troubles du
comportement par ex.), un patient victime de fumée d’incendie devrait bénéficier de l’administration d’hydroxo-
cobalamine. Le collapsus cardiovasculaire, le coma et l’arrêt cardiaque sont également des indications d’antidote
aux cyanures. La prise en charge de l’intoxication digitalique aiguë ou plus souvent d’un surdosage thérapeutique,
est aussi un exemple de l’évolution des pratiques. Les anticorps antidigitaliques devraient être utilisés plus
largement en préhospitalier, soit simplement de façon préventive devant les critères pronostiques de gravité
largement décrits, soit devant toutes les formes graves de l’intoxication. L’immunsérum antivipérin, dont l’utili-
sation est peu fréquente en préhospitalier, est pourtant parfaitement justifiée devant des signes régionaux et
généraux d’envenimation sévère.

233
III.49 MORT D’ORIGINE SUPPOSÉE TOXIQUE

La mort naturelle résulte de l’évolution d’un état pathologique ou du vieillissement du sujet. Toutes les autres
causes de décès, y compris les causes toxiques, sont provoquées et non naturelles et peuvent avoir des consé-
quences médicolégales.
L’obstacle médicolégal à l’inhumation figurant sur le certificat de décès devrait donc concerner toutes les situations
de mort paraissant suspecte ou subite ou inattendue ou violente ou en lien avec une infraction ou impliquant un
tiers potentiellement responsable (exposition toxique (III.29)) : suspicion d’homicide, de suicide, d’empoisonne-
ment, d’intoxication au monoxyde de carbone pouvant engager la responsabilité d’un propriétaire, d’overdose,
d’accident du travail, d’accident médical, d’intoxication collective.
Émettre un obstacle médicolégal n’est qu’un avis visant à avertir le Parquet au sujet d’une mort ne paraissant
pas naturelle et n’empêche pas de rédiger le certificat médical de décès. C’est alors le Parquet ou l’OPJ qui
décide d’ouvrir une procédure et de poursuivre les investigations (prélèvements conservatoires (III.53) biologiques
par exemple).

234
MYDRIASE III.50

Toxiques entraînant un toxidrome (III.66) adrénergique ou anticholinergique dont les antidépresseurs (II.5) et la
carbamazépine (II.11), antihistaminiques, metformine, butyrophénones (II.29), baclofène, éthambutol, bromocrip-
tine, amantadine, dihydralazine, vasoconstricteurs, chloroquine (II.13) et quinine, quinidine (II.4)), hormones thy-
roïdiennes, ceux entraînant une anoxie cellulaire (III.5), alcools éthyliques (II.1) et méthanol (II.26), champignons
(II.12) (tableau 6, II.12), nombreuses toxines d’animaux marins (II.2) et d’animaux terrestres (II.3), la plupart des
hallucinogènes (stupéfiants, tableau 7, II.33), valériane.
Collyres mydriatiques.

235
III.51 MYOSIS

Morphine, codéine et dérivés (II.33), acide valproique, phénothiazines et certains antipsychotiques (II.29), ben-
zodiazépines, baclofène, clonidine (antihypertenseur), insecticides (organophosphorés et carbamates), champi-
gnons (inocybes en particulier, tableau 6, II.12), toxiques entrainant un toxidrome (III.66) cholinergique, nom-
breuses toxines d’animaux marins et d’animaux terrestres, certains stupéfiants, bromures, nicotine, acétone,
hydrate de chloral, organophosphorés faisant partie des toxiques chimiques de guerre, amitraze (médicament
vétérinaire proche de la clonidine).
Collyres (pilocarpine).

236
NOMOGRAMME DE FAGAN III.52
1/2

C’est un outil indispensable au raisonnement clinique probabiliste. Présenté ci-après, il permet de connaitre une
probabilité diagnostique (existence d’une pathologie) à partir :
■ de sa probabilité évaluée avant la réalisation d’un test clinique ou paraclinique (probabilité pré-test),

■ de la performance, dans cette situation clinique, du test utilisé, évaluée par le rapport de vraisemblance (RV) ;

ce dernier aura été calculé lors de travaux préalables sur des séries de patients.
La probabilité prétest (pretest probability) correspond à la prévalence de l’affection dans la population se pré-
sentant avec un motif de recours donné ; elle est généralement stratifiée en faible/intermédiaire/forte, parfois à
l’aide d’échelles ou de scores basés sur des données de terrain, d’anamnèse, de signes cliniques, de paramètres
physiologiques.
Le rapport de vraisemblance (likelihood ratio) d’un test (clinique ou paraclinique) :
■ est performant lorsqu’il est capable de rendre le diagnostic suspecté probable (rapport de vraisemblance positive

> 10 ou 20) ou improbable (rapport de vraisemblance négative < 0,1) ;


■ incite à l’usage d’un test à RV élevé, afin d’affirmer le diagnostic, lorsque la probabilité pré-test est déjà élevée ;

■ incite à l’usage d’un test à RV faible, afin d’exclure le diagnostic, lorsque la probabilité pré-test est faible ou

intermédiaire.
La probabilité post-test (post-test probability) permet généralement la prise de décision (traitement, orientation
du patient) quand > 80 % et l’exclusion du diagnostic quand < 10 %.
Le nomogramme s’utilise en tirant un trait depuis la probabilité pré-test sur la ligne de gauche vers la ligne de
probabilité post-test à droite, en passant par le rapport de vraisemblance connu sur la ligne du milieu. Par
exemple, pour une probabilité prétest de 50 % (intermédiaire), il est possible d’exclure raisonnablement le dia-
gnostic en utilisant un test avec RV- à 0,1, ou de prendre une décision en utilisant un test avec RV+ à 5.

237
III.52 NOMOGRAMME DE FAGAN
2/2

.1 99

.2

.5 95

1 1000
90
500
2 200
80
100
50 70
5
20 60
10 50
10
5 40
2 30
20
1
30 20
.5
40 .2
.1 10
50
60 .05
5
70 .02
.01
80
.005
2
.002
90 .001 1

95 .5

.2

99 .1
Rapport
Pré-test de vraisemblance Post-test
Probabilité % Probabilité %

238
PRÉLÈVEMENTS CONSERVATOIRES III.53

En toxicologie clinique ou médecine légale du vivant, l’analyse toxicologique (III.3) repose sur l’étude de prélè-
vements de sang, d’urines, de cheveux ou poils, un dosage sanguin d’un xénobiotique n’ayant un intérêt que s’il
a une incidence sur la prise en charge du patient. La « recherche de toxiques » à l’aveugle est inutile et coûteuse.
La réalisation de prélèvements biologiques conservatoires est indiquée lorsque l’étiologie toxique n’est pas claire
ou s’il existe des signes de gravité (III.32), les prélèvements sanguins ou urinaires devant être réalisés avant
tout traitement.
En cas d’admission tardive, les principes actifs peuvent être épurés du sang et seuls les métabolites éventuel-
lement retrouvés (par exemple, acide glycolique pour intox par éthylène glycol, acide formique pour méthanol).
Les prélèvements conservatoires médicolégaux doivent être réalisés en double, conservés à l’abri de la lumière,
congelés à – 20o (en vue d’une possible contre-expertise ultérieure).
Le délai de conservation des prélèvements biologiques est variable selon le diagnostic et l’évolution clinique.
Les différents prélèvements conservatoires concernent les éléments suivants.

● SANG
Milieu biologique où la présence de xénobiotique est la mieux corrélée à la clinique.
Prélèvement dès le début de la prise en charge, à cause de la demi-vie très brève de certains toxiques (ex :
20 min pour colchicine), en périphérie, à distance d’une perfusion.
10 mL sur héparinate de lithium sans gel séparateur ; tube de 5 mL centrifugé décanté (plasma) et tube de 5 mL
non centrifugé (sang total) ; 2 x 2,5 mL (enfant).
Conservation à + 4o si analyse réalisée dans les 5 jours ; sinon, centrifugation et congélation séparée du plasma
et des globules (éviter la dégradation de certaines molécules, certains toxiques ont une fixation érythrocytaire).

● URINES
Informations cumulatives sur la consommation des xénobiotiques au cours des 24-48 heures précédentes (« statut
toxicologique du sujet »).
Recherche de stupéfiants : 10 mL, flacon neutre sans additif ni conservateur.
Autres recherches : 20-30 mL, flacon neutre sans additif ni conservateur, en notant diurèse des 24 heures.
Conservées à + 4o ou congelées, selon la nature du toxique recherché et le délai entre le recueil et l’analyse.

● CHEVEUX (POILS AXILLAIRES OU PUBIENS EN L’ABSENCE DE CHEVEUX)


Utiles en cas de prise en charge tardive de l’intoxication et si les cheveux n’ont été ni colorés ni décolorés depuis
les faits.
Mèche d’un diamètre d’un crayon à papier, coupée à ras du cuir chevelu, au niveau du vertex postérieur, attachée
avec ficelle, en notant l’orientation (pour analyse segmentaire).
Pousse de 1 cm par mois, chaque centimètre reflétant l’exposition aux xénobiotiques durant 1 mois.
Aucun intérêt à renouveler le prélèvement.

239
III.54 PRONOSTIC

Il dépend de la gravité (III.32) potentielle (toxicodynamie (III.66)) attendue en l’absence d’intervention) et de la


qualité de la prise en charge.

La gravité est soit avérée, soit supputée a priori par une évaluation de risque (III.27), qui pourra permettre une
anticipation sur la prise en charge spécifique.

Des critères pronostiques précoces ont été validés en particulier pour le paracétamol (II.31), la chloroquine (II.13),
la digoxine (digitalique (II.16)), le monoxyde de carbone (II.28), la théophylline et les antidépresseurs polycycliques,
permettant la mise en œuvre de thérapeutiques actives.

L’établissement du pronostic permet l’inscription du patient dans la filière de soins (III.31) adaptée et guide le
suivi clinique et biologique, en particulier pour les situations à expression tardive (toxiques lésionnels, AVK
(rodonticides (II.32)), spécialités orales à action retardée (III.60)) ou potentiellement retardée (administration de
charbon activé).

Son évaluation permet la délivrance d’une information plus précise au patient et/ou à son entourage.

240
RAISONNEMENT CLINIQUE
PROBABILISTE III.55
1/2

Il doit être de type hypothéticodéductif, c’est-à-dire basé sur la génération d’hypothèse(s). En effet, un diagnostic
toxicologique, s’il doit potentiellement être suivi d’une prise en charge spécifique ou « décision » (prescription
d’antidote, technique d’épuration, recherche d’une complication, d’un critère pronostique avec orientation hos-
pitalière adaptée), doit pouvoir être soit étayé, soit exclu, de façon suffisamment forte, pour que cette décision
soit prise ou non.
Ce raisonnement clinique s’appuie essentiellement sur une évaluation de risque (III.27) et sur une démarche
d’imputabilité (III.43) à fin décisionnelle, dès lors qu’une symptomatologie est présente. En l’absence de décision
nécessaire (patient finalement non intoxiqué), la démarche aura une utilité épidémiologique.
Il existe des situations permettant de ne pas franchir le seuil de suspicion d’intoxication et de ne pas initier de
démarches plus avant :
■ absence d’exposition toxique : par exemple, absence de monoxyde de carbone dans l’atmosphère d’une habi-

tation proche d’une émanation de CO ; il n’y a pas lieu de réaliser un examen clinique spécifique ou la recherche
de CO dans l’air expiré ou le sang du patient ;
■ chronogramme incompatible : survenue trop précoce ou trop tardive des symptômes et/ou signes par rapport

au délai attendu ;
■ absence de signe clinique ou paraclinique après un délai suffisamment long compte-tenu du toxique suspecté

(cette situation pouvant être provoquée par l’administration précoce d’un antidote, sans laquelle le sujet eut
été intoxiqué, comme dans le cas d’une exposition importante au paracétamol) ;
■ concentration du toxique suspecté, dans le milieu étudié, incompatible avec le tableau clinique (en utilisant une

technique performante sur un prélèvement biologique adapté : nature, conditions de prélèvement et de


conservation) ;
■ présence d’un diagnostic différentiel non toxique hautement probable ;

■ absence de bibliographie décrivant le tableau observé avec le toxique suspecté (à moins d’un cas princeps ?).

Il existe d’autres situations permettant de franchir le seuil de décision et d’interrompre les investigations en ce
sens, les décisions utiles devant être prises :
■ exposition toxique avérée, tableau clinique et/ou paraclinique et chronogramme évocateurs, autres hypothèses

diagnostiques exclues ou absentes ;


■ exposition toxique possible, tableau clinique et/ou paraclinique évocateur, chronologie non évocatrice mais

compatible, analyse toxicologique probante, pas d’autre hypothèse évoquée et données solides de la littérature ;
■ exposition toxique possible, tableau clinique et/ou paraclinique évocateur, chronologie évocatrice, pas d’analyse

toxicologique spécifique disponible, hypothèses diagnostiques autres étudiées et non retenues, preuves scien-
tifiques suffisantes chez l’animal et preuves épidémiologiques chez l’homme.
Entre ces deux types de situations, c’est-à-dire entre ces deux seuils, une période d’observation est indispensable.
Elle doit permettre la réalisation d’examens ou de tests diagnostiques pertinents, s’ils existent, permettant soit
d’exclure, soit d’affirmer le diagnostic, selon le modèle du nomogramme de Fagan (III.52), qui en est une
représentation « verticale ». Une réflexion de type bénéfice/risque de ces examens et tests doit rester présente
à l’esprit.

241
RAISONNEMENT CLINIQUE
III.55 PROBABILISTE
2/2

242
RÉGULATION MÉDICALE D’UN APPEL III.56
1/4

La régulation médicale repose sur trois axes : priorisation de la réponse aux cas les plus graves, envoi rapide
de moyens nécessaires, orientation directe vers l’unité de soins la mieux adaptée.
Dans le cas d’une intoxication aiguë, on peut distinguer deux situations très différentes selon qu’une détresse
vitale est présente ou non à l’appel.

Lorsqu’une détresse vitale est évidente, le départ rapide de moyens médicalisés est justifié. En toxicologie aiguë,
les détresses vitales les plus fréquentes sont la dépression neurologique centrale avec coma ou convulsions,
l’insuffisance respiratoire aiguë, l’état de choc et l’arrêt cardiaque.
En l’absence de détresse vitale évidente, la décision est plus difficile à prendre.
Le challenge pour le médecin régulateur est de prévoir l’évolution de l’intoxication dans les prochaines heures
en l’absence de signes de détresse à l’appel. Insistons sur le fait que l’absence de troubles de conscience lors
de l’appel ne doit pas rassurer ; de très nombreuses molécules hautement toxiques n’ont pas de toxicité neuro-
logique directe.

Un certain nombre d’éléments concernant le ou les toxiques, les circonstances, le patient, vont aider à prendre
une décision.
Il faut tout d’abord s’informer de la nature des toxiques supposés ingérés, afin de détecter la présence de
substances motivant l’envoi immédiat d’une équipe médicale. En effet, certaines intoxications sans signe de
gravité à l’appel ont pourtant une gravité potentielle importante avec des délais d’apparition des symptômes
assez courts : molécules cardiotoxiques, dérivés de la morphine par exemple. D’autres intoxications aiguës d’appa-
rence initiale « banale » à l’appel ont en réalité une gravité immédiate majeure très souvent sous-estimée ; on
peut notamment citer l’ingestion d’un produit caustique. Enfin, certaines intoxications peuvent bénéficier de
l’administration préhospitalière précoce d’un antidote et justifient donc l’envoi d’une équipe de Smur.
Il faut ensuite évaluer le potentiel d’aggravation du patient. Une intoxication aiguë est un processus dynamique
dont la cinétique évolutive est plus ou moins rapide en fonction du ou des toxiques en cause. Le médecin
régulateur doit connaître la durée approximative des différentes phases des principales intoxications aiguës et
en particulier de la phase d’intervalle libre (Figure 1). La décision à prendre ne sera pas la même selon le délai
exposition – appel. Ainsi par exemple, en l’absence de signes de détresse, un appel pour une ingestion de
chloroquine n’a pas du tout la même signification à la 2e heure ou à la 12e heure postingestion. Certains produits,
tels que les psychotropes, ont une toxicité fonctionnelle d’apparition rapide presque parallèle à la cinétique du
produit dans l’organisme. Certaines substances sont synergiques et peuvent expliquer une aggravation rapide et
inattendue. C’est le cas assez fréquent de l’association psychotropes et alcool qui pourrait souvent légitimer
l’envoi de moyens médicalisés quel que soit l’état du patient lors de l’appel. De manière générale, si l’intoxication
date de moins de deux heures, il existe un risque accru d’aggravation du patient. À l’inverse, certains produits
ont une toxicité lésionnelle retardée pour laquelle l’envoi de moyens médicaux ne se justifie généralement pas,
comme le paracétamol par exemple. À ce propos il est essentiel de faire la différence entre nécessité d’une
intervention médicale (chloroquine à la 2e heure par ex.) et nécessité d’hospitaliser (paracétamol) ; une simple
décision d’hospitalisation pourra justifier l’envoi d’un moyen secouriste sans médicalisation. En résumé, plusieurs
éléments de toxicocinétique peuvent guider le médecin régulateur dans ses décisions. Le médecin doit donc avoir
accès à des bases de connaissance en toxicologie ; dans quelques cas, l’appel au centre antipoison régional est
indispensable. En l’absence d’intervention médicalisée, il faut pouvoir obtenir des bilans secouristes répétés, afin
d’adapter la décision si besoin. Enfin, comme toujours en matière de régulation médicale, le doute et l’éloignement
doivent faire privilégier l’envoi de moyens médicalisés.

243
III.56 RÉGULATION MÉDICALE D’UN APPEL
2/4

Figure 1. Évolution d’une intoxication aiguë.


Parallèlement aux facteurs toxicocinétiques, le médecin base aussi le raisonnement clinique sur la notion de dose
supposée ingérée qui, quand elle est connue, peut être un moyen d’évaluation du risque encouru. Le nombre
total de médicaments ingérés, ainsi que la présence d’une dose ingérée supposée toxique sont deux éléments
souvent associés au passage en réanimation. Encore faut-il qu’une dose toxique théorique ait été validée en
clinique humaine et que sa signification soit précisée : mise en jeu du pronostic vital ? Apparition des premiers
symptômes ? Indication d’un traitement spécifique ? L’intérêt de la notion de dose toxique concerne surtout les
toxiques fonctionnels d’action puissante et rapide (exemple de la chloroquine) et les toxiques lésionnels (para-
cétamol) (III.22).
Certaines circonstances particulières devront également alerter le médecin régulateur (intoxication collective
notamment), de même que certains facteurs de risques comme la profession (médecin, pharmacien, vétérinaire,
chimiste...) et l’âge (jeune enfant, personne âgée).
Il n’existe pas de score synthétique permettant de prendre la bonne décision en régulation face à une intoxication
aiguë. À défaut de disposer d’un score, la figure 2 propose un algorithme décisionnel pour la régulation médicale
d’une intoxication aiguë.

244
RÉGULATION MÉDICALE D’UN APPEL III.56
3/4

Figure 2. Prise de décision en régulation.

245
III.56 RÉGULATION MÉDICALE D’UN APPEL
4/4

Enfin, le médecin régulateur doit aussi décider de l’orientation du patient. Si la majorité des patients pourront
être accueillis dans une structure d’urgence, il faut néanmoins avoir présent à l’esprit la notion de filières de
soins bien connues en cardiologie, en neurologie ou en traumatologie sévère (III.31). La constitution de ces filières
de soins est un point essentiel dans la qualité de prise en charge d’un patient intoxiqué.
Dans tous les cas, prévoir une orientation large sur un service d’urgence des patients suicidants, isolés, à risque,
dont la dose supposée ingérée et/ou l’heure d’ingestion ne peuvent être estimée(s) avec précision, ou en cas de
prédiction de risque d’intoxication de gravité mineure à modérée.

246
RÉQUISITION III.57

Tout médecin peut devenir auxiliaire de justice, le temps d’exécution d’une réquisition, qui est une injonction de
réaliser un acte médicolégal, mission de service public, ne pouvant être différée.
La réquisition est délivrée par une autorité judiciaire (procureur de la République ou ses substituts, magistrat,
Juge d’Instruction, Officier de police judiciaire) ou administrative (préfet, sous-préfet, maire, Officier d’etat civil).
Le médecin est alors tenu, sauf circonstances précises, de déférer à la réquisition, sous peine de sanction,
l’exécution de la mission étant personnelle et ne pouvant être déléguée.
Le médecin peut refuser de répondre à une réquisition, s’il a lui-même donné des soins à la personne concernée
par cette réquisition (une prise de sang sur réquisition n’est pas opposable même pour un patient du médecin
réquisitionné, cour de Cassation, 15/03/1961 ; s’il n’y a pas d’autre médecin disponible, le médecin traitant ne
peut se soustraire à la réquisition), s’il estime que la personne n’est pas en état de subir l’examen ou les
prélèvements demandés (remplir alors les documents présentés par l’autorité requérante, en citant le motif de
refus), s’il ne peut pas lui-même exécuter la mission (inaptitude physique justifiée et constatée), s’il n’a pas la
compétence nécessaire à l’exécution de la mission, s’il est parent, allié ou collaborateur professionnel avec la
personne à examiner ou s’il estime que le lieu et les conditions d’examen sont de nature à compromettre la
qualité de ses actes et à nuire à la confidentialité et à l’intimité de la consultation.
La réquisition doit être écrite et décrire précisément la mission. Le médecin est délié de l’obligation au respect
du secret professionnel vis-à-vis de l’autorité requérante, uniquement pour les informations relatives à la réqui-
sition (« répondre à la mission, toute la mission, rien qu’à la mission »).
S’il n’est pas inscrit sur une liste d’experts près d’une cour d’Appel, le médecin doit prêter serment par écrit en
début de rapport.
En toxicologie clinique d’urgence, la réquisition concerne surtout trois situations :
■ l’examen clinique et le prélèvement sanguin en vue du dépistage d’alcool éthylique (III.18) suite à un accident

de la circulation routière ;
■ l’examen clinique et le prélèvement sanguin en vue du dépistage de stupéfiants (III.19) (cannabis, cocaïne,

opiacés et amphétaminiques), dans le cas d’un accident de la circulation ou d’une infraction au Code de la
route, si le dépistage salivaire ou urinaire est positif ;
■ l’examen clinique et la prise en charge en cas de dissimulation intracorporelle de stupéfiants (III.21).

L’examen médical doit être confidentiel, réalisé hors de la présence des forces de l’ordre ou des agents des
douanes, sauf en cas d’insécurité.
Le sujet a la possibilité de refuser l’examen demandé. Il faut alors constater ce refus et en faire mention express
dans le rapport remis à l’autorité requérante.
Durant l’exécution de la mission, le médecin exerce sous la responsabilité de l’État.
La fin de la réquisition se matérialise par la remise d’un rapport écrit à l’autorité requérante, accompagné d’un
mémoire de frais.

247
III.58 RHABDOMYOLYSE

● CIRCONSTANCES
Coma (III.8) profond et prolongé
Hyperthermie (III.39) maligne
Doxylamine (antihistaminiques H1 (II.6))
Strichnyne (II.32)
Champignons (II.12) (tableau 6) : Tricholoma équestre et auratum
Envenimations par hyménoptères et vipérines (animaux terrestres (II.3))
Crustacés (animaux marins (II.2)) : palytoxicose
Nouvelles drogues (cathinones de synthèse, stupéfiants (II.33))

● DIAGNOSTIC
Douleurs musculaires, coloration brune-noire (« porto ») des urines, signes d’hypovolémie, douleurs lombaires en
cas d’atteinte rénale.
Biologie : élévation de la CPK, complications métaboliques ; fausse positivité de l’hématurie à la BU.

● COMPLICATIONS
Insuffisance rénale aiguë (III.44), hyperkaliémie et autres troubles métaboliques non spécifiques.

● TRAITEMENT
Prévention des complications.

248
SOUMISSION CHIMIQUE III.59
1/3

Acte de manipulation psychique, la soumission chimique, forme d’exposition toxique (III.29) infligée, consiste en
l’administration dissimulée de substances psychoactives, très souvent médicamenteuses, à une personne, à des
fins délictuelles (vols) ou criminelles (agressions sexuelles), en provoquant le plus souvent une passivité ou une
amnésie, dans le but de causer un préjudice autre que la mort par empoisonnement.
Deux situations typiques sont rencontrées.
■ La victime est endormie, la sédation autorisant les actes délictuels de type agression sexuelle ou vol.

■ La victime est active, consciente, extrêmement suggestionnable, effectuant des actes ou obéissant à des ordres,

normalement jugés inacceptables, contre sa volonté ou à son insu, sous le contrôle des agresseurs.
Dans les deux cas, il n’y a aucun souvenir des actes effectués.
Les objectifs sont variables selon le contexte :
■ obtenir une sédation chez un enfant, à visée pédophile ou pour « avoir la paix » face à un sujet particulièrement

turbulent (enfants « chimiquement battus ») ;


■ réaliser une sédation dans un contexte de conjugopathie par un des membres du couple ;

■ détourner la vigilance, pour effectuer des actes délictuels ou criminels (victimes « endormies », dépouillées de

leurs biens ou argent) ;


■ provoquer une sédation pour réduire la résistance physique et psychologique d’une victime « active, consciente,

mais soumise », participant à des actes contre sa volonté, de type sexuel (agressions sexuelles ou viols),
signature de chèques, utilisation de carte bancaire, voire interrogatoires et aveux chez les militaires sous
certains régimes (interrogatoires sous butyrophénones, « sérums de vérité » à base de pentothal et
d’amphétamines).
Le produit idéal est actif à faible dose, rapidement soluble en milieu aqueux, incolore, inodore, sans saveur, avec
effets d’installation rapide, très souvent dissimulé dans des boissons, voire incorporé dans des préparations
alimentaires.
Dans les cas documentés de soumission chimique, on retrouve de l’alcool éthylique (II.1), des benzodiazépines
(II.9) à demi-vie courte, hypnotiques (zolpidem, zopiclone, doxylamine), anesthésiques (Gamma-Hydroxy-Butyrate,
hydrate de chloral, kétamine), hallucinogènes (LSD, scopolamine-burundanga, datura, belladone, mandragore,
dérivés de l’ecstasy, cannabis, dérivés de la diméthyltryptamine-Ayahuasca), neuroleptiques et nouveaux anti-
psychotiques (II.29), antihistaminiques H1 (II.6) sédatifs (prométhazine, alimémazine), antidépresseurs (II.5), car-
bamates, clonidine.
L’interrogatoire vise à :
■ préciser les traitements habituels ou occasionnels, les habitudes toxicologiques du patient ou un médicament

ingéré depuis les faits ou l’apparition des premiers signes cliniques ;


■ déterminer les circonstances et les horaires des faits (administration du produit, premiers symptômes) ;

■ rechercher des signes de violences physiques (douleurs, plaintes spontanées) ou sexuelles (douleurs périnéales,

traces, écoulements, lésions locales constatés par la victime), orientant l’examen clinique et pouvant nécessiter
des explorations adaptées en cas de doute ;
■ noter le délai entre la période d’ingestion toxique supposée et celle du prélèvement des échantillons biologiques.

La symptomatologie clinique alléguée par les victimes ou constatée lors de l’examen clinique initial est dominée
par l’amnésie totale ou partielle des faits, des troubles de la vigilance de type endormissement, une asthénie,
une anxiété quasi constante et corrélée positivement à l’amnésie.
D’autres signes cliniques sont possibles : vertiges, confusion, troubles du comportement, difficultés de concen-
tration, nausées, tachycardie, hypotension artérielle, bradycardie ou troubles du rythme.

249
III.59 SOUMISSION CHIMIQUE
2/3

● EXAMEN CLINIQUE
Il est somatique général ± gynécologique et proctologique en cas de violences sexuelles associées.
Les lésions corporelles sont discrètes, les victimes soumises ou endormies chimiquement opposant le plus souvent
peu de résistance à leurs agresseurs.
Il faut rechercher des signes évocateurs d’imprégnation médicamenteuse ou toxique, des stigmates de violences
sexuelles.

● DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Épilepsie partielle non convulsivante de type temporal.
Phase postcritique de convulsions.
Pathologie organique neurologique.
Pathologie psychiatrique.
Auto-intoxication volontaire par psychotropes (alcools, médicaments, stupéfiants), au monoxyde de carbone, avec
éventuellement déclarations mensongères ou de bonne foi sous influence toxique.

● PRÉLÈVEMENTS CONSERVATOIRES
Pierre angulaire du diagnostic et du processus judiciaire, ils doivent être précoces, suffisants, en double (analyse
et contre-expertise).
Ils doivent être faits le plus précocement possible après les faits, après recueil du consentement de la victime
(pour augmenter la pertinence des recherches toxiques, accompagner les échantillons d’une fiche de renseigne-
ments cliniques ou contacter directement le biologiste, afin de préciser les techniques d’analyse en fonction du
tableau clinique présenté par la victime).
Il n’y a pas d’intérêt à demander les « toxiques sanguins et/ou urinaires » en urgence, qui reviendront probable-
ment négatifs, pouvant fausser la démarche médicojudiciaire en l’absence de connaissance ou d’expérience sur
le sujet.
En cas de consultation dans un cadre médicolégal, les prélèvements sont placés sous scellés en présence d’un
OPJ, puis transportés avec les explications nécessaires à leur interprétation, vers le service de toxicologie spé-
cialisé requis.
Il faut éviter l’administration d’hypnotiques ou d’anxiolytiques, susceptibles d’aggraver la confusion et de gêner
l’interprétation toxicologique.
Il faut mettre en place une prévention de la grossesse et des infections sexuellement transmissibles.
Une hospitalisation de courte durée est souvent nécessaire, pour suivi de l’évolution clinique et prise en charge
médicopsychosociale proposée à la sortie de l’hôpital.

250
SOUMISSION CHIMIQUE III.59
3/3

Si la consultation a lieu en dehors d’un dépôt de plainte :


■ l’examen clinique et prélèvements biologiques se font selon les conditions ci-dessus ;

■ le transport des prélèvements se fait vers le laboratoire de l’hôpital, avec une fiche de liaison clinicien-biologiste,

pour conservation (prélèvements conservatoires) pour une éventuelle expertise ultérieure ;


■ un certificat médical descriptif est rédigé (faisant mention des prélèvements effectués à visée conservatoire)

et remis en mains propres à la victime ;


■ si la victime n’est pas juridiquement compétente (mineur, majeur protégé), il faut informer le représentant

légal ; il existe une possibilité de signalement à l’autorité judiciaire.


Si la consultation a lieu après un dépôt de plainte (réquisition médicojudiciaire) :
■ l’examen clinique et les prélèvements se font selon les mêmes modalités ;

■ la rédaction du rapport d’examen doit répondre aux questions de la mission ;

■ la mise sous scellés des prélèvements biologiques se fait par un OPJ ;

■ les prélèvements sont transportés au laboratoire désigné par l’autorité requérante, par et sous la responsabilité

de l’OPJ.

251
SPÉCIALITÉS ORALES À ACTION
III.60 RETARDÉE

Il s’agit principalement de médicaments :


■ alphabloquants à tropisme prostatique ;

■ antalgiques et AINS : tramadol, kétoprofène, morphiniques – fentanyl, morphine ;

■ antidépresseur : venlafaxine ;

■ antidiabétiques : metformine, sulfamides ;

■ antiépileptiques : carbamazépine, valproate ;

■ antipsychotiques ;

■ bronchodilatateur : théophylline ;

■ cardiotropes bêtabloquants (dont propranolol), diltiazem, flécaïnide, quinidine, vérapamil.

Au total, il s’agit de médicaments le plus souvent hautement toxiques, disponibles en conditionnements fortement
dosés.

252
SUICIDANT III.61

En matière de prise en charge d’un patient intoxiqué, la problématique initiale n’est pas tant d’évaluer le potentiel
suicidogène en cas d’exposition avérée (I.2) à un toxique que de reconnaître un patient potentiellement suicidant
en cas d’exposition non avérée (I.2C) (et donc d’évoquer une intoxication aiguë devant un tableau clinique ne
faisant pas sa preuve).
Les expositions toxiques (III.29) prises en charge dans les services d’urgences sont auto-infligées dans la grande
majorité des cas ; le caractère suicidaire de l’exposition toxique ou une volonté de « rupture » (dormir et oublier ?)
sera à étayer par le médecin psychiatre.
Les sujets à risque de passage à l’acte suicidaire sont :
■ essentiellement les sujets dépressifs, impulsifs, histrioniques ou très anxieux, les sujets éthyliques, ceux avec

isolement social ou affectif, ceux également aux antécédents personnels ou familiaux de tentative de suicide ;
■ plus rarement, des patients psychotiques ;

■ parfois, la tentative de suicide répond à l’intrication de difficultés réelles et d’une fragilité de la personnalité.

Après restauration des fonctions cognitives et le plus souvent à J1, une consultation psychiatrique devra être
organisée. Son absence constituerait une banalisation du geste suicidaire avec augmentation du risque de récidive
à court terme ; il n’y a pas de « petite » tentative de suicide et pas de corrélation entre la gravité somatique et
la gravité psychique.
Dans cette attente, l’équipe soignante instaure une relation d’aide et empathique ; une sédation médicamenteuse
peut être proposée en cas d’anxiété importante (hydroxyzine ou BZD). Le refus de soins est de gestion extrême-
ment délicate chez ces patients à l’état cognitif et/ou psychique perturbé.

253
III.62 TERRORISME CHIMIQUE

Utilisation d’agents, sous forme d’aérosol (voie respiratoire et/ou percutanée) ou par voie digestive (contamination
d’aliments solides ou des réseaux de distribution d’eau potable).
La contamination de médicaments ou de produits cosmétiques a également déjà été utilisée.
On distingue les agents létaux des agents incapacitants (non létaux).
Le caractère létal ou non d’un toxique peut dépendre de sa dose (ricine).
Pour les aérosols, les effets délétères sont fonction de l’efficacité du moyen de diffusion et des conditions
météorologiques.
Principaux toxiques envisageables :
■ poisons « classiques » : arsenic, cyanure (II.15) ;

■ gaz de combat : vésicants (ypérite), suffocants (chlore, phosgène), poisons cellulaires provoquant une anoxie

cellulaire toxique (III.5) (acide cyanhydrique, chlorure de cyanogène, hydrogène sulfuré), neurotoxiques orga-
nophosphorés (II.30) (tabun, sarin, soman, agent VX) ;
■ toxines : ricine, toxine botulique ou staphylococcique ;

■ agents incapacitants physiques (gaz lacrymogènes : CN, CS, DM) ou psychiques (benzodiazépines (II.9), LSD,

Stupéfiants (II.33)) ;
■ métaux lourds : mercure, thallium.

Nombre de victimes variable, de quelques dizaines à plusieurs centaines, auxquelles s’ajouteront les personnes
non intoxiquées mais paniquées.
Les hôpitaux siège de service d’urgences ont été pourvus en lot d’antidotes pour ces situations, les Samu en
moyens de protection et de suppléance ventilatoire (lots catastrophes de type PSM2 et chaînes de
décontamination).

254
TOXICOCINÉTIQUE III.63
1/3

Un certain nombre de paramètres de toxicocinétique sont intéressants à connaitre en toxicologie aiguë, en insistant
sur le fait que les données connues de pharmacocinétique ne peuvent pas s’appliquer sans beaucoup de pré-
cautions à une intoxication aiguë.

● ABSORPTION
C’est le passage du xénobiotique de la « porte d’entrée » de l’organisme à la circulation générale. Deux facteurs
influencent l’absorption d’un xénobiotique : sa structure physicochimique et la « porte d’entrée » elle-même.
Plus un xénobiotique est liposoluble, mieux il franchit les membranes de l’organisme et plus vite il est absorbé.
Plus un xénobiotique est sous forme moléculaire (non ionisé) au pH du milieu dans lequel il se trouve, plus vite
il passe les membranes. Pour mémoire, un acide faible est sous forme moléculaire (non ionisé) en milieu acide
(une histoire de pH et de pK) ; c’est l’exemple de l’aspirine très vite absorbée au niveau gastrique. On peut ainsi
prédire qu’un xénobiotique liposoluble et non ionisé au pH du milieu passera facilement les membranes de ce
milieu.
Les voies d’entrée sont digestive, cutanée ou aérienne respiratoire :
■ voie digestive

L’estomac est un milieu acide, alors que l’intestin est un milieu basique. Pour les raisons évoquées ci-dessus,
les acides faibles sont vite résorbés au niveau gastrique, les bases faibles sont mieux résorbées au niveau
intestinal. Toutefois, la large surface d’échange de l’intestin favorise aussi l’absorption d’un grand nombre de
xénobiotiques.
■ voie cutanée

L’épiderme est une barrière peu vascularisée difficile à franchir, sauf lésions (blessures, brûlures), irritation
(solvants), chaleur et sudation (passage par les glandes sudoripares). Seuls les xénobiotiques très liposolubles
franchiront ensuite les couches sous-épidermiques.
■ voie respiratoire

Un xénobiotique très hydrosoluble sera arrêté au niveau des voies aériennes supérieures (chlore). Un xénobiotique
liposoluble passera facilement la membrane alvéolo-capillaire et sera facilement dissous dans le sang (monoxyde
de carbone).

Deux paramètres caractérisent l’absorption : la C max (concentration maximale du xénobiotique dans le sang) et
le T max (temps nécessaire pour atteindre la C max). Chaque fois qu’il existe un bon parallélisme clinicobiologique,
ces paramètres peuvent donner quelques indications sur l’évolution d’une intoxication. Ainsi, par exemple pour
les benzodiazépines ; les symptômes sont à leur maximum vers la 3e-4e heure, ce qui correspond au T max.
La biodisponibilité est la fraction de produit effectivement passée dans le sang ; attention à ne pas confondre
biodisponibilité et efficacité ! Le propranolol a une biodisponibilité médiocre, mais une grande efficacité (et une
grande toxicité).
Le charbon activé en dose unique peut, chez le volontaire sain, limiter la résorption digestive d’un certain nombre
de xénobiotiques.

255
III.63 TOXICOCINÉTIQUE
2/3

● DISTRIBUTION
Comme vu précédemment, un xénobiotique liposoluble, non ionisé au pH du milieu dans lequel il se trouve,
diffusera facilement dans tout l’organisme.
Les paramètres intéressants à connaitre sont le volume de distribution et la fixation protéique.
Le volume de distribution (Vd) est le volume virtuel, exprimé en L ou en L/Kg, dans lequel se distribuerait le
xénobiotique s’il était partout à la même concentration que dans le sang (plasma). Plus le Vd est élevé, plus le
produit diffuse et moins il est accessible aux techniques d’épuration extrarénale. On admet en général qu’un Vd
supérieur à 1 L/Kg rend inutile toute technique d’épuration. Les psychotropes ont par exemple un Vd supérieur
en général à 20 L/Kg, ce qui rend illusoire toute tentative d’épuration.
Le taux de fixation protéique donne une idée de la fraction libre, seule active, du xénobiotique. Une forte fixation
protéique peut limiter les conséquences immédiates d’une intoxication aiguë (fraction libre réduite), mais prolonge
la durée de l’intoxication (effet réservoir).
Certains antidotes (chélateurs des métaux, hydroxocobalamine, immunothérapie) neutralisent le toxique dans la
circulation générale, en formant des complexes non toxiques éliminés par les urines.

● MÉTABOLISATION (BIOTRANSFORMATION)
Le but de la métabolisation est de transformer le xénobiotique en un produit hydrophile éliminable par voie
urinaire ou digestive.
La métabolisation peut avoir différentes conséquences intéressantes à connaître :
■ élimination du produit sous forme de métabolites inactifs. C’est le cas le plus fréquent. Tenter d’éliminer des

métabolites inactifs n’a alors aucun intérêt ;


■ transformation du xénobiotique en métabolites stables et actifs. Exemple des benzodiazépines. Seuls les sali-

cylés et le phénobarbital ont une élimination rénale significative de métabolites actifs, ce qui peut justifier, plus
en théorie qu’en pratique, des tentatives d’épuration rénale ;
■ transformation du xénobiotique en métabolites instables et réactifs. Exemple de la formation de métabolites

très réactifs (paracétamol), d’espèces radicalaires et d’époxydes (nombreux produits chimiques) ;


■ transformation du xénobiotique en métabolites stables mais toxiques. Exemple des métabolites des alcools et

des glycols.
La majorité des xénobiotiques subissent un effet de « premier passage hépatique », c’est-à-dire un passage dans
le foie avec métabolisation, avant distribution à l’organisme. Seuls les produits résorbés par voie sublinguale
échappent à cet effet.
Les transformations métaboliques peuvent être influencées par la génétique, l’âge et certaines interactions entre
xénobiotiques.
Des phénomènes d’induction enzymatique peuvent être mis à profit en toxicologie : administration de phénobar-
bital pour accélérer l’élimination des raticides AVK.
Certains antidotes peuvent interrompre des transformations métaboliques (fomépizole) ou au contraire restaurer
un métabolisme normal (N-acétylcystéine).

256
TOXICOCINÉTIQUE III.63
3/3

● ÉLIMINATION
Il faut connaitre la différence entre cinétique d’élimination de premier ordre et cinétique d’élimination d’ordre
zéro.
La cinétique de premier ordre est la plus connue, la plus fréquente. L’élimination est concentration indépendante
et permet d’introduire la notion de demi-vie, temps qui permet de réduire de 50 % la concentration du xénobio-
tique. Après sept demi-vies, il n’y a normalement plus rien dans le sang ! La représentation graphique en est
bien connue : décroissance exponentielle en coordonnées arithmétiques et droite en coordonnées
semilogarithmiques.

Un bon nombre de produits chimiques et quelques médicaments, comme l’aspirine ou la phénytoïne, ont une
élimination concentration dépendante. Plus la concentration de départ est élevée, plus lente sera l’élimination.
L’exemple le plus habituel est celui de l’alcool éthylique : plus l’alcoolémie de départ est élevée plus lente sera
la récupération, en particulier chez le buveur « naïf ». Cette cinétique, dite d’ordre zéro, explique aussi les
surdosages en aspirine et la nécessité d’un suivi des concentrations sanguines de phénytoïne. Ainsi, parler de
demi-vie pour ces produits n’a aucun sens. La représentation graphique est une droite en coordonnées arithmé-
tiques et une hyperbole sans intérêt en coordonnées semilogarithmiques.

Lors d’une intoxication aiguë à doses massives par des produits à cinétique d’élimination de 1er ordre (majorité
des médicaments), on peut proposer la modélisation simpliste suivante : compte tenu d’une saturation des
systèmes enzymatiques, le premier temps de l’intoxication est celui d’une cinétique d’élimination « d’ordre zéro »
en apparence ; puis, pour des niveaux abaissés de concentration, l’élimination s’accélère du fait de la réapparition
d’une cinétique d’élimination de 1er ordre. L’évolution d’une intoxication aiguë par un produit ayant une cinétique
d’élimination d’ordre zéro dépend très étroitement de la concentration sanguine initiale du produit (exemple de
l’ivresse éthylique aiguë).

Comme vu précédemment, un acide faible est non ionisé en milieu acide, il passe donc bien les membranes.
C’est la raison de la réabsorption tubulaire de l’aspirine, non ionisée au pH acide du tubule rénal proximal.
L’alcalinisation des urines (dialyse alcaline) dans l’intoxication aiguë modérée à l’aspirine permet de limiter la
réabsorption de l’aspirine, alors ionisée en milieu basique.

Un certain nombre de xénobiotiques suivent un cycle entérohépatique. L’existence d’un cycle entéroentérique,
succession de phénomènes de sécrétion et de réabsorption entre la lumière intestinale et la circulation mésen-
térique, est moins connue. L’administration de doses répétées de charbon activé peut permettre de rompre ce
cycle entéroentérique.

257
III.64 TOXICODYNAMIE
1/3

● GÉNÉRALITÉS
Il s’agit du retentissement clinique de l’exposition toxique (III.29), l’effet dépendant généralement de la concen-
tration du toxique au niveau des récepteurs tissulaires.
Il faut néanmoins nuancer ce lien de causalité directe entre cette donnée toxicocinétique (III.63) et le syndrome
observé. En effet, le terrain du patient conditionne une modulation de l’expression des toxiques, faisant qu’à
poids corporel et à exposition toxique similaires, la toxicodynamie sera potentiellement variable d’un sujet à
l’autre.
La toxicodynamie possède deux caractéristiques (régulation médicale (III.56)), figure 3) :
■ la cinétique d’installation et de désinstallation des troubles (chronogramme), cette « histoire naturelle » de

l’intoxication pouvant être émaillée par le décès du patient ou par l’absence de retour à un état antérieur, ou
être modifiée par la prise en charge thérapeutique ;
■ la nature des troubles, parfois regroupés sous le terme de toxidrome (III.66), en particulier à la phase d’état

du tableau clinique ;
L’enjeu pour le clinicien est de situer le tableau clinique observé à la fois dans le temps et dans sa potentialité
évolutive, de façon à mettre en œuvre des thérapeutiques strictement utiles et en temps opportun.
Pour les toxiques lésionnels (III.68), c’est le plus souvent la concentration sanguine maximale qui génère les
effets toxicodynamiques et a valeur pronostique. Cela a été à la base de l’élaboration de nomogrammes (concen-
tration/temps), pour le paracétamol en particulier.
Pour les toxiques fonctionnels (III.67), l’effet clinique est plutôt lié à la vitesse d’augmentation de cette concen-
tration ; cela est plus déterminant que les classiques concentrations toxique et létale et relativise la notion de
dose toxique (III.23) ; parmi eux, tels le CO ou le cyanure, outre l’impact sur les récepteurs, le temps d’exposition
et l’anoxie associée sont déterminants dans la genèse et l’entretien du tableau toxique.
Concernant les médicaments psychotropes et cardiotropes, les effets toxicodynamiques sont le plus souvent une
amplification des effets pharmacodynamiques et secondaires attendus ; le phénomène n’est pourtant pas exclusif :
■ ces médicaments à dose très élevée peuvent entraîner des effets non neuropsychiatriques ou non cardiocir-

culatoires (arrêt respiratoire avec le propranolol par exemple) ;


■ des médicaments prescrits dans d’autres indications peuvent, à dose largement suprathérapeutique, générer

des effets psychotropes ou cardiotropes (cas de l’aspirine, du lithium...).


Ainsi, un manuel ou dictionnaire traitant des médicaments ou de pharmacologie ne pourra servir de base de
données pour la prise en charge d’un patient intoxiqué.

● FACTEURS DE MODULATION DE L’EXPRESSION DES TOXIQUES


Ces facteurs modifient la toxicodynamie en entrainant une variation de :
■ la cinétique de l’installation/résolution des troubles (chronogramme) ;

■ l’intensité des symptômes, signes ou perturbations paracliniques (toxidrome).

258
TOXICODYNAMIE III.64
2/3

Modification de la cinétique d’absorption digestive et/ou de la biodisponibilité du toxique


Les très fortes doses ingérées, la réplétion gastrique préalable ou une parésie digestive d’origine toxique allongent
la demi-vie d’absorption du toxique et retardent le pic plasmatique, ainsi que le délai d’apparition des signes
cliniques.
Le lavage gastrique a été accusé d’entraîner une chasse pylorique et d’accélérer l’apparition du pic plasmatique
du toxique ; à l’inverse le charbon activé, par un phénomène de désorption secondaire, pourrait dans certains
cas retarder l’apparition de ce dernier.
Des phénomènes de saturation de l’effet de premier passage hépatique ou de la liaison protéique sont susceptibles
d’augmenter la biodisponibilité du toxique.

Modification de l’élimination du toxique


Une prolongation de la demi-vie d’élimination s’observe en cas de diminution du métabolisme hépatique : déplétion
en glutathion (dans le cas du paracétamol), insuffisance rénale préalable ou toxique, insuffisance cardiaque ou
cœur pulmonaire chronique (cas de la théophylline).
Une diminution du temps d’élimination peut s’observer en cas d’accélération du métabolisme hépatique ; par
exemple, voies métaboliques accessoires acquises parallèlement à un phénomène de tolérance dans le cas de
l’alcool éthylique.

Modifications liées à une imprégnation chronique par un médicament


Peut concerner le lithium, la théophylline, la digoxine, par phénomène de saturation des récepteurs ou des cibles
cellulaires : une forme aiguë sur chronique est cliniquement plus grave à concentration plasmatique identique.

Facteurs physiologiques (exemples courants)


Âges extrêmes.
Vulnérabilité de l’enfant vis-à-vis de l’aspirine, plus grande résistance vis-à-vis du paracétamol.
Vulnérabilité de la personne âgée vis-à-vis de la digoxine.
Sexe : homme ; plus grande gravité de la digoxine.
Fœtus : sensibilité particulière connue au CO et au paracétamol.

Modifications du métabolisme
Un mécanisme fréquent est l’induction ou la dépression d’isoformes du système cytochrome P450, entrainant
une exacerbation ou une diminution de la transformation du toxique, soit en une molécule non toxique, soit en
un métabolite toxique.
Il peut s’agir de l’action de xénobiotiques qui peuvent, selon le toxique impliqué, soit accélérer/aggraver le tableau
toxique, soit produire les effets inverses :
■ substances naturelles, surtout incriminées en pharmacologie :

• millepertuis utilisé en phytothérapie, contenant des substances inductrices de l’isoforme CYP 3A4,
• naragénine (substance présente dans le pamplemousse) inhibitrice du CYP 3A4 ;

259
III.64 TOXICODYNAMIE
3/3

■ substances addictives : tabac, alcool (ce dernier pouvant avoir des actions inverses sur le CYP 3A4 selon qu’il
s’agit d’une imprégnation aiguë ou chronique) ;
■ médicaments : certains antituberculeux, antiépileptiques et antirétroviraux en particulier induisent également le

CYP 3A4.
Il peut s’agir d’un polymorphisme génétique entrainant potentiellement une activation métabolique chez des sujets
appelés « métaboliseurs ultrarapides » ; ce mécanisme est incriminé dans les formes graves d’intoxication par
tramadol et codéine.

Tolérance
Ce phénomène concerne surtout les psychotropes, dont les benzodiazépines, les morphiniques, les antiépilepti-
ques et l’éthanol.
On distingue la tolérance cinétique (augmentation de la métabolisation avec parfois rôle d’inducteurs enzymati-
ques) de la tolérance dynamique (moindre sensibilité clinique).
Cette notion est importante chez le toxicomane, où la tolérance aux opioïdes disparaît en 2 à 3 semaines, une
dose « normale » devenant alors « toxique ».

Morbidité
On note une augmentation du risque convulsivant en cas d’épilepsie, de la cardiotoxicité en cas de cardiopathie
(digitaliques), de la dépression respiratoire avec les hypnotiques chez le patient insuffisant respiratoire chronique,
de la toxicité du lithium en cas d’insuffisance rénale, etc.

Associations toxiques
Elles peuvent modifier les toxidromes de façon synergique (psychotropes et alcool, cardiotoxiques) ou antagoniste
(benzodiazépines et antidépresseurs).

Au total, si « la dose fait le poison », le terrain fait le lit de l’empoisonnement et cette rencontre entre sujet et
toxique doit être analysée dans une dimension dynamique, sous peine de prise en charge inappropriée.

260
TOXICOVIGILANCE III.65

La toxicovigilance (TV) a pour objet la surveillance et la veille des intoxications humaines. L’objectif principal du
dispositif national est d’alerter les autorités sanitaires de tout risque toxique pour la santé publique. Ceux-ci
peuvent émerger du fait de l’utilisation d’un toxique particulier (produit manufacturé, naturel, de synthèse, pré-
paration traditionnelle, etc.), mais aussi porter sur un risque environnemental ou industriel. La « nouveauté » peut
concerner l’émergence de comportements ou de pratiques inédites ou revisitées. Une fois validés, les signaux
sanitaires identifiés peuvent conduire à des mesures pratiques de gestion du risque, par exemple :
■ le retrait du marché ou l’adaptation du produit concerné : formulation, présentation, conditionnement, mode

d’emploi, notice d’utilisation, etc. ;


■ une évolution règlementaire ;

■ le déploiement de stratégies de prévention : messages larges ou ciblés ;

■ l’information des professionnels de santé pour la prise en charge des patients.

La toxicovigilance contribue également à l’amélioration des connaissances en toxicologie médicale : quels effets
attendus ou inattendus ? Quels mécanismes ? À partir de quelle dose ? Approche ou meilleure approche des
seuils ou de la relation dose-effet : « dose toxique (III.22) », plus petite dose létale chez l’homme, plus grande
dose sans effet, etc. Identification de nouveaux toxidromes (III.66). Les centres antipoison (avis spécialisé (I.3))
figurent en première ligne du dispositif. Ils colligent et documentent les cas d’intoxication dont ils ont
connaissance :
■ du fait de leur activité de réponse toxicologique H24 ;

■ du fait des cas qui leur sont signalés, notamment par le grand public, les professionnels de santé et les

industriels responsables de la mise sur le marché du produit en cause.


Professionnel de santé et industriels ont obligation par le Code de la santé publique (CSP) de déclarer les cas
d’intoxications dont ils ont connaissance : les cas « graves », « nouveaux », « inattendus », « évitables » ou « toute
situation particulière que le professionnel juge d’intérêt ». Dans ce cadre, le secret professionnel médical ne peut
constituer un obstacle, mesure facilitante prévue par le CSP. Les intoxications par monoxyde de carbone et les
plombémies infantiles anormales font chacune de plus l’objet d’un dispositif de surveillance dédié.
Dans la Base nationale des cas d’intoxication (BNCI), chaque cas rendu anonyme est décrit en mettant en lien
la composition et la dose considérée d’une part avec les effets observés d’autre part (quels symptômes, syndrome,
maladie ?). L’ensemble est agrémenté d’éléments de contexte (circonstances, causes, traitements réalisés).
Le niveau de précision disponible va jusqu’à la connaissance des formulations chimiques confidentielles des
produits manufacturés. Cela permet l’utilisation des données au-delà des grandes classes ou des noms commer-
ciaux des produits, en permettant l’analyse des cas au niveau des substances chimiques et de leur association
entre-elles pour expliquer les effets observés (par exemple, alerte sur la contamination d’ovoproduits alimentaires
en été 2017 : tous produits confondus, à partir de quelle dose de fipronil observe-t-on réellement les effets
neurologiques en cas d’exposition orale chez l’enfant ?).
Parce que les centres antipoison donnent avis et conseil sur toute intoxication, la toxicovigilance contribue à
toutes les vigilances spécialisées (pharmacovigilance, nutrivigilance, phytopharmacoviglance, etc.). Depuis janvier
2016, l’ANSES coordonne l’organisation de la TV. Le portail de signalement des évènements sanitaires indésirables
offre un nouveau canal de notification des intoxications au dispositif de toxicovigilance depuis avril 2017.

● POUR EN SAVOIR PLUS


signalement.social-sante.gouv.fr

261
III.66 TOXIDROMES
1/3

On regroupe sous ce terme des syndromes toxiques correspondant à une physiopathologie précise, associant
des symptômes, des signes cliniques et parfois un syndrome métabolique, et relevant d’un traitement sympto-
matique spécifique. À côté de ceux présentés dans le tableau ci-dessous, existent les toxidromes générés en
particulier par les animaux marins (II.2) ou les animaux terrestres (II.3), par les champignons (II.12), par les
stupéfiants (II.33).

Syndrome Principaux toxiques Signes cliniques Traitement


en cause et paracliniques

Adrénergique Théophylline, β2-mimétiques, Variable selon la Antagonistes alpha et/ou


α-mimétiques (éphédrine et prédominance α ou β du bêta-adrénergiques : dérivé
pseudoéphédrine, tableau : tremblements, nitré ou urapidil, esmolol ou
phénylpropanolamine, dérivés agitation, mydriase (III.50), propranolol, labétalol
de l’ergot de seigle), caféine, convulsion (III.12),
certains stupéfiants (II.33) palpitations, tachycardie,
(amphétamines, cocaïne, LSD, hypo- ou hypertension
tableau 7) artérielle, troubles du rythme
cardiaque,
leucocytose, hyperglycémie,
hypokaliémie,
hyperlactatémie,
hypophosphatémie

Antabuse Disulfirame, coprin noir Sensation de malaise, sueurs, Fomépizole


d’encre et autres céphalées, douleurs (III.23)
champignons (II.12) thoraciques et/ou
(tableau 6), céphalosporines, abdominales, flush du visage,
griséofulvine, isoniazide, nausées, vomissements
chlorpropamide, procarbazine, (III.73), tachycardie,
hydrate de chloral, solvants hypotension artérielle,
(diméthylformamide, syndromes coronariens aigus,
trichloréthylène) coma (III.8) ± convulsions
(III.12)
Hypoglycémie

262
TOXIDROMES III.66
2/3

Syndrome Principaux toxiques Signes cliniques Traitement


en cause et paracliniques
Anticholinergique Antidépresseurs (II.5) Confusion, hallucinations Symptomatique
polycycliques, ISRS et IMAO, (III.33), délire, dysarthrie,
antipsychotiques, mydriase, tremblements,
antihistaminiques (II.6), agitation, coma (III.8),
atropine, antiparkinsoniens, convulsions (III.12),
antipaludéens (chloroquine, tachycardie, HTA, sécheresse
quinine), antiarythmiques de muqueuse, rétention d’urines,
classe I (II.4), carbamazépine hyperthermie (III.39),
(antiépileptiques), végétaux constipation
(belladone, datura, certains
champignons tableau 6)
Cholinergique Cf. syndrome muscarinique
et syndrome nicotinique
Hyperthermie Ecstasy, amphétamines Hyperthermie (III.39), sueurs, Dantrolène ?
maligne (Stupéfiants (II.33), tableau 7) hypertonie, convulsions (III.12),
coma (III.8), tachycardie,
hypotension artérielle
Leucocytose, hyperlactatémie,
rhabdomyolyse, insuffisance
rénale aiguë
Muscarinique Champignons (II.12) des Douleurs abdominales, Atropine à dose adaptée
familles inocybes et clitocybes hypersécrétion gastrique à l’agent causal (III.6)
(syndrome sudorien ou et intestinale avec nausées, Pralidoxime pour les
muscarinien) vomissements, diarrhées organophosphorés
Organophosphorés (II.30) aqueuses ; myosis, vision floue,
insecticides ou neurotoxiques à déficit d’accommodation,
usage potentiel diplopie ; sueurs profuses,
militaro-terroriste larmoiement, rhinorrhée,
Médicaments hypersialorrhée ;
anticholinestérasiques bronchoconstriction,
hypersécrétion bronchique ;
bradycardie sinusale,
vasodilatation périphérique
(flush, hypotension artérielle)

263
III.66 TOXIDROMES
3/3

Syndrome Principaux toxiques Signes cliniques Traitement


en cause et paracliniques
Nicotinique Organophosphorés (II.30) Faiblesse musculaire, Symptomatique
insecticides ou neurotoxiques à fasciculations, myoclonies, Pralidoxime pour les
usage potentiel paralysie des muscles organophosphorés
militaro-terroriste respiratoires ; tachycardie,
Nicotine et dérivés (insecticides hypertension artérielle
néonicotinoïdes)
Cytisine (alcaloïde végétal)
Opioïde Morphiniques naturels et de Myosis (III.51), bradypnée, Naloxone
synthèse, clonidine cyanose, bradycardie,
hypotension artérielle, coma
(III.8) hypotonique, parfois
convulsions (III.12),
hypothermie (III.41), parésie
digestive
Sérotoninergique Survient le plus souvent en cas Agitation, confusion, Cyproheptadine
(est le plus d’association d’un ISRS avec un tremblements, mydriase
souvent un effet autre inhibiteur de la recapture (III.50), myoclonies,
secondaire de la 5-HT ou avec une hallucinations (III.33),
médicamenteux) substance augmentant le taux syndrome pyramidal, coma
de sérotonine au niveau de la (III.8), convulsions (III.12),
fente synaptique : tachycardie, hypo- ou
antidépresseurs (II.5) (IMAO, hypertension artérielle,
polycycliques, lithium), triptans, tachypnée, arrêt respiratoire,
stupéfiants (II.33) (ecstasy, sueurs, hyperthermie (III.39),
amphétamine, LSD – tableau 7, diarrhée (III.20)
tramadol et autres opiacés), Leucocytose, hyperglycémie
psilocybes (champignons (II.12) (III.37), hypokaliémie,
tableau 6) hyperlactatémie,
rhabdomyolyse (III.57),
hypocalcémie, CIVD dans les
formes sévères
Stabilisant Antidépresseurs (II.5) Hypotension artérielle, Sels de sodium molaires
de membrane polycycliques, thioridazine bradycardie, troubles du rythme
(antipsychotiques), ventriculaire, état de choc
antipaludéens (chloroquine, (III.26), parfois arrêt
quinine), antiarythmiques de respiratoire brutal
classe I, cocaïne (tableau 7), Hypokaliémie, hyperlactatémie
carbamazépine
(antiépileptiques), certains
bêtabloquants (III.10) dont le
propranolol

264
TOXIQUES FONCTIONNELS III.67

Les toxiques fonctionnels perturbent de façon transitoire le fonctionnement d’un type cellulaire, d’un tissu ou
d’un organe, sans destruction des membranes cellulaires (hormis une complication secondaire), avec retentis-
sement sur une fonction physiologique, parfois vitale (commande respiratoire, électrophysiologie cardiaque), les
symptômes et leur sévérité étant fonction de la concentration du toxique au niveau de la cible et la concentration
plasmatique le reflet de la gravité.
Les mécanismes pouvant être multiples, la notion assez commune de « dose toxique (III.22) » ne peut se concevoir
pour un toxique ayant plusieurs effets pathologiques : quel effet pour quelle dose d’exposition ? Cette notion,
jamais définie dans la littérature et le plus souvent sans implication clinique, devrait être bannie !
Plusieurs mécanismes coexistent fréquemment pour un même toxique, avec volontiers des cinétiques différentes :
les hypnotiques sont vasodilatateurs, les antidépresseurs imipraminiques et la chloroquine sont dépresseurs du
système nerveux central, cardiodépresseurs, convulsivants et anticholinergiques...
L’effet clinique est le plus souvent très précoce, dans l’heure suivant l’exposition, mais parfois retardé dans le
cas de l’ingestion d’une spécialité orale à action retardée (III.60) d’un médicament ou en cas de cinétique
pluricompartimentale du toxique.
L’effet dose est fondamental dans le mécanisme de toxicité : « c’est la dose qui fait le poison », avec une période
de latence relativement fixe et une toxicité s’installant chez tous les sujets dans la mesure où la dose est
suffisante.
La suppléance à la fonction physiologique perturbée doit permettre d’attendre l’élimination hépatique ou rénale
du toxique et d’assurer la guérison du patient.
La symptomatologie est rapidement maximale et potentiellement réversible, d’où l’absence de fondement clinique
réel à la soustraction de toxique de l’organisme.
En l’absence de complication, l’évolution est favorable. Un retard de prise en charge peut entraîner des dégâts
cellulaires, dans le cas d’une anoxie tissulaire ou d’une hypoglycémie prolongée (le cas le plus fréquent est l’arrêt
respiratoire).

265
III.68 TOXIQUES LÉSIONNELS

Les toxiques lésionnels entraînent des lésions des organes ou des cellules cibles, la toxicité dépendant de la
concentration maximale du toxique ou d’un métabolite au niveau de l’organe cible. Lorsque cette concentration
ne dépasse pas le seuil de toxicité, on n’observe pas de symptômes.
Dans le cas du paracétamol (II.31) ingéré à dose toxique, un métabolite apparaît lorsque les mécanismes hépa-
tiques de détoxification sont épuisés et est hautement réactif avec les membranes cellulaires hépatocytaires,
entraînant leur nécrose.
La symptomatologie, sans rapport avec la concentration plasmatique, est retardée de quelques heures à quelques
jours, avec des lésions tissulaires évoluant pour leur propre compte, indépendamment de leur origine toxique.
La concentration du toxique permet de faire un pronostic (III.54), l’interprétation des concentrations plasmatiques
se faisant en fonction du délai par rapport à l’ingestion.
Le traitement symptomatique est moins à même d’assurer la guérison du patient que pour un toxique fonctionnel.
Sur un plan théorique, la soustraction de toxique de l’organisme est censée limiter la gravité de l’intoxication.
Il existe un risque de séquelles.

266
TOXIQUES MIXTES III.69

Les toxiques mixtes possèdent à la fois les caractéristiques des toxiques fonctionnels et des toxiques lésionnels
(III.67-68).
Le plus souvent, l’atteinte fonctionnelle est générée par la molécule mère et l’atteinte lésionnelle par un/des
métabolite(s) ou par hypoxie secondaire.

267
III.70 TRAITEMENT GÉNÉRAL
1/4

Les traitements mis en œuvre, directement liés à l’intoxication, ne doivent pas faire occulter la prise en charge
non spécifique du patient, justifiée par les modifications de sa condition physiologique et adaptée au suivi des
paramètres ad hoc : soins de confort, hydratation, nutrition, prévention de thrombose veineuse profonde, gestion
de la vidange vésicale et du transit intestinal.
Les traitements plus spécifiques, quant à eux, peuvent être schématiquement classés en trois types et doivent
être mis en œuvre dans cet ordre chronologique :
■ traitements symptomatiques actifs sur la toxicodynamie (III.64), le plus souvent les seuls à mettre en œuvre

et qui améliorent le plus le pronostic général des intoxications ;


■ traitements soustractifs, agissant essentiellement sur la toxicocinétique (III.63) et parfois sur les effets cliniques,

qui visent à limiter voire annuler l’impact des toxiques sur leurs cibles cellulaires :
• limitation de la biodisponibilité du toxique localement ou avant son passage systémique (décontamination
digestive, cutanée et/ou oculaire (III.13-15)),
• limitation de la biodisponibilité du toxique après son passage systémique, au niveau général ou de ses cibles :
– traitements épurateurs : doses répétées de charbon activé (III.7), épuration rénale (III.25) ou épuration
extrarénale (III.24) et de façon anecdotique, hyperventilation pulmonaire
– antidotes (III.6).
■ Traitements supplétifs d’organe ou de système : système nerveux central, cœur, foie, poumon, rein, moelle

osseuse.

● TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES
Seront abordés ceux visant à la correction des fonctions vitales.

Oxygénothérapie inhalée
■ Apport d’oxygène visant à corriger une hypoxémie ou à compenser l’augmentation de la consommation en
oxygène d’un patient en détresse respiratoire (amélioration de la PaO2 par augmentation de la FiO2) :
• il n’y a pas de correction d’une hypoventilation alvéolaire d’origine centrale : l’amélioration de la SpO2 peut
alors être faussement rassurante, avec même risque de majoration silencieuse de la capnie ;
• un objectif de SpO2 de 90 à 93 % est suffisant chez le patient intoxiqué et doit être obtenu avant toute
tentative de réveil d’un patient comateux par l’usage d’un antidote ;
• le risque principal est la toxicité pulmonaire de l’O2, lorsque la PaO2 est > 100 mmHg, préjudiciable en cas
de SDRA toxique (gaz suffocant en particulier).
■ Également antidote du CO, des méthémoglobinisants et des toxiques entraînant une anoxie cellulaire ; une FIO2
élevée est requise, quels que soient les paramètres d’oxygénation.
■ En cas de poumon toxique (gaz suffocant), l’absence d’efficacité de la méthode fera avoir recours à la ventilation
assistée.

Traitement de convulsions (III.12)


■ Celui d’un mécanisme indirect est toujours prioritaire, un traitement spécifique est parfois indiqué (vitamine B6
en cas d’intoxication par hydrazine et ses dérivés).

268
TRAITEMENT GÉNÉRAL III.70
2/4

■ D’une façon générale, il est, en 1re approche, basé sur le traitement codifié par les recommandations pour la
pratique clinique.
■ Cependant, compte tenu de la dangerosité des crises convulsives (hypoxie, acidose respiratoire et métabolique
avec majoration de la biodisponibilité de certains toxiques), du caractère profond et prolongé prévisible du
coma sous-jacent et du risque de troubles du rythme cardiaque (cardiotoxicité souvent associée), un traitement
agressif peut s’avérer rapidement indispensable (sédation profonde avec intubation trachéale et ventilation
assistée).
■ En cas d’état de mal convulsif réfractaire pénalisant la ventilation assistée, la curarisation est le seul moyen
de traiter l’hypoxie et les deux versants de l’acidose ; un monitorage de l’EEG est alors utile.

Remplissage vasculaire
En cas d’hypovolémie vraie (hémorragie, brûlure digestive par corrosif, pertes digestives ou cutanées), un rem-
plissage vasculaire doit être réalisé par solutés cristalloïdes équilibrés, avec des objectifs hémodynamiques et de
diurèse.
En cas d’hypovolémie relative (vasodilatation toxique), le remplissage vasculaire, réalisé à l’aide de sérum salé
isotonique, doit être limité en quantité (20 mL/kg environ), avec recours secondaire à la noradrénaline ; le recours
à la ventilation assistée sous sédation profonde impose souvent ce traitement de 2e ligne.
Un remplissage vasculaire n’est pas indiqué devant une hypotension associée à une intoxication par médicament
vasoconstricteur.

Catécholamines
Leur choix initial est guidé par le type d’intoxication :
■ dobutamine en première intention en cas d’intoxication par bêtabloquant classique ;

■ isoprénaline en première intention en cas d’intoxication par sotalol ;

■ adrénaline en première intention en cas d’intoxication par labétalol ;

■ noradrénaline en première intention en cas d’intoxication par alphabloquant ou vasodilatateur direct.

En cas d’hypotension artérielle persistante après remplissage vasculaire et catécholamine de 1re ligne, un avis
spécialisé (I.3) s’impose.

Traitement d’un arrêt cardiaque


S’il est lié à une intoxication par substance cardiotrope et pris en charge dans un délai acceptable, sa durée doit
être prolongée, jusqu’à si possible utilisation d’un appareil à massage cardiaque (machine à masser) et mise en
œuvre d’une assistance circulatoire externe. Cette prolongation de la réanimation de base peut permettre une
élimination du toxique par voie métabolique.

● TRAITEMENTS SOUSTRACTIFS
Se reporter aux chapitres décontamination digestive (III.14), décontamination cutanée (III.13), décontamination
oculaire (III.15), charbon activé (III.7), épuration rénale (III.25), épuration extrarénale (III.24), antidotes (III.6).

269
III.70 TRAITEMENT GÉNÉRAL
3/4

● TRAITEMENTS SUPPLÉTIFS

Intubation trachéale et ventilation assistée


Technique indissociable et de référence dans la prise en charge des hypoventilations alvéolaires d’origine centrale ;
tout patient intubé doit bénéficier d’une ventilation assistée, le risque d’atélectasie étant trop important en ven-
tilation spontanée et le risque d’apnée jamais nul.
Doit également être discutée en cas de trouble de perméabilité et de protection des voies aériennes ; des mesures
posturales (position latérale de sécurité ou semi-assise), associées à des aspirations buccopharyngées, sont une
alternative, réduisant considérablement l’obstruction des voies aériennes supérieures.
Est également un traitement symptomatique en cas d’atteinte pulmonaire toxique, lorsque l’oxygénothérapie
inhalée est insuffisante.
La procédure présente un risque non négligeable de complications, notamment infectieuses : la réalisation de ce
geste doit donc être précédée d’une analyse du rapport bénéfice sur risque, notamment lorsque la cinétique du
toxique est potentiellement rapide (zolpidem ou éthanol par exemple) et qu’il n’existe pas de complication
respiratoire.
Sa réalisation en urgence nécessite une sédation profonde selon un protocole d’induction à séquence rapide et
privilégie la voie orotrachéale.
Chez le patient à poumons sains, une FiO2 à 0,3 associée à une PEP à 3 est généralement suffisante pour
maintenir une PaO2 physiologique.
Chez le patient hypoxémique, une augmentation de la FiO2, éventuellement associée à une augmentation de la
PEP améliorent l’hématose ; un avis spécialisé peut s’avérer rapidement utile.
Le monitorage de la ventilation (SpO2 et EtCO2) de même que la vidange gastrique, le sondage urinaire et la
protection cornéenne sont indiqués.

Épuration extrarénale
Est basée en pratique sur les doses répétées de charbon activé ou l’hémodialyse.
L’intérêt de l’hémodialyse, outre l’épuration de certains toxiques, est la suppléance de la fonction rénale en cas
d’insuffisance rénale aiguë toxique.
Elle est ainsi particulièrement indiquée lorsque le toxique est à la fois dialysable et générateur de l’insuffisance
rénale.
Outre l’insuffisance rénale, une acidose métabolique et/ou une hyperkaliémie peuvent justifier sa mise en œuvre.

Assistances circulatoire et ventilatoire périphériques


Les 2 techniques de suppléance d’urgence, de courte durée, sont associées :
■ ECMO (ExtraCorporeal Membrane Oxygenation) ;

■ ECLS (ExtraCorporeal Life Support).

Les intoxications graves par produits cardiotropes, avec insuffisance cardiaque réfractaire, font partie des indi-
cations les plus reconnues d’assistance circulatoire. Les hypoxémies réfractaires sur poumon lésionnel peuvent
également être une indication.

270
TRAITEMENT GÉNÉRAL III.70
4/4

Ces techniques doivent être envisagées précocement, parfois dès la régulation médicale et la médicalisation
préhospitalière et, dans l’idéal, avant tout arrêt circulatoire ; des unités mobiles d’assistance circulatoire existent
dans de nombreuses régions, pouvant mettre en œuvre la technique au sein d’hôpitaux périphériques.
En améliorant la perfusion tissulaire, la technique permet de maintenir le métabolisme et l’élimination rénale ou
biliaire des toxiques.

Assistance hépatique extracorporelle


Technique de dialyse sur albumine avec détoxification secondaire sur colonne de charbon et résine, elle peut
être entreprise chez le patient présentant une hépatite fulminante avec critères de transplantation hépatique,
dans l’attente d’un greffon hépatique. La plus connue est le système MARS® (Molecular Adsorbent Recirculating
System).

Exsanguinotransfusion
Le principe est de remplacer 2 à 3 fois le volume sanguin par la succession de ponctions soustractives et de
transfusions érythrocytaires, de plasma et de plaquettes.
Les indications sont les hémolyses toxiques, associées ou non à une méthémoglobinémie sévère et les méthé-
moglobinémies rebelles au traitement classique.
Un avis spécialisé s’impose tant pour l’indication que pour la réalisation de la technique, ou encore pour son
association, selon le toxique incriminé et les éventuels troubles métaboliques (hyperkaliémie, acidose), à une
hémodialyse.

271
TROUBLES DE PERMÉABILITÉ ET/OU
III.71 DE PROTECTION DES VOIES AÉRIENNES
1/2

Ils sont souvent associés et constituent une complication fréquente des intoxications les plus courantes.
S’ils ne constituent pas une menace vitale immédiate, ils exposent le patient à l’insuffisance respiratoire aiguë
(III.45) ; leur prise en compte constitue donc une priorité.

● MÉCANISMES

Baisse du tonus des muscles dilatateurs de la glotte


Accompagne les troubles de conscience de façon précoce.
Entraîne une augmentation de la résistance des voies aériennes supérieures et majore le travail ventilatoire.

Inhalation du contenu gastrique ou des sécrétions pharyngées


Survient par régurgitation ou vomissements actifs.
Représente un mécanisme fréquent d’obstruction des voies aériennes.
Responsable d’une morbidité et d’une mortalité non négligeables, pour des intoxications par des composés
présumés bénins (BZD, alcool, etc.).

Bronchospasme
Est la conséquence d’un effet toxicodynamique (organophosphorés (II.30)) ou d’une inhalation.
L’hypersécrétion bronchique, souvent associée, majore le syndrome respiratoire obstructif.

Convulsions
Outre l’atteinte de la mécanique pariétale thoracique, entraînent une obstruction glottique.

Œdème laryngé
Lié aux plantes contenant du latex ou des cristaux d’oxalate de calcium (dieffenbachia, philodendron, arum), aux
corrosifs (Irritants, moussants et corrosifs (II.23)), aux fumées d’incendie (II.18).

Défaut de protection des voies aériennes


Est en règle générale contemporain du défaut de perméabilité, lors des intoxications par psychotropes dépresseurs,
par mécanismes central et musculaire.
Il n’en existe pas de critère d’évaluation validé en toxicologie, qu’il s’agisse du réflexe nauséeux ou du réflexe
de toux.
On le rencontre également dans les atteintes du carrefour pharyngolaryngé par produits hygroscopiques ou
corrosifs.

272
TROUBLES DE PERMÉABILITÉ ET/OU
DE PROTECTION DES VOIES AÉRIENNES III.71
2/2

● PRISE EN CHARGE

Mesures posturales (décubitus latéral et position semi-assise),


aspirations buccopharyngées
Réduisent l’obstruction des voies aériennes supérieures et le risque d’insuffisance respiratoire aiguë.

Traitement symptomatique
Indiqué en cas d’hypoxémie débutante et/ou d’élévation significative de la fréquence respiratoire (O2 inhalé,
bronchodilatateurs, intubation et ventilation assistée, anticonvulsivants, atropine).
La question de l’intubation trachéale est particulièrement délicate à régler chez les patients à risque d’insuffisance
respiratoire aiguë ou de complication de type inhalation, mais dont le coma (III.8) n’est pas profond.

Cas des caustiques


La vidange gastrique est proscrite (risque de perforation).

Cas de l’inhalation de fumées d’incendie


La présence de suies au niveau des voies aériennes proximales doit faire indiquer l’intubation trachéale de façon
très large, avant l’apparition de l’œdème glottique.

Cas de l’ingestion de végétaux


Les corticoïdes peuvent être proposés.

273
III.72 TROUBLES VISUELS

● CIRCONSTANCES
En dehors des hallucinations (II.33) et des troubles liés à une modification importante du diamètre pupillaire
(myosis (II.51) ou mydriase (II.50)), peu de substances génèrent ces troubles : nitrites d’alkyls, cannabis, subs-
tances volatiles et cathinones de synthèse ou kétamine (stupéfiants (II.33)), éthambutol, méthanol (II.26), ciguatera
(animaux marins) et de très rares champignons (II.12) (syndrome neurologique central, tableau 6).

● PRISE EN CHARGE
Non spécifique.

274
VOMISSEMENTS III.73

● CIRCONSTANCES
Fréquents et souvent bénins (effet mécanique des médicaments en grande quantité).
Parfois liés à une gastrotoxicité : aspirine (II.8), AINS (II.7), colchicine (II.14), digitaliques (II.16), champignons
(II.12) et plantes en général, envenimations par animaux terrestres (II.3), métaux et métalloïdes dont arsenic,
mercure et plomb, produits irritants, moussants et corrosifs (II.23).
Plus rarement liés à une hépatite (III.36) toxique, à une anoxie ou à un effet émétisant central (morphiniques,
codéiniques).
Penser à la metformine (II.25).

● COMPLICATIONS
Peuvent être hémorragiques par ulcération ou abrasions muqueuses diffuses (corrosifs, aspirine, AINS, corticoïdes,
colchicine) et/ou par hypocoagulabilité (insuffisance hépatique, AVK (rodonticides (II.32), envenimations) ou throm-
bopénie (colchicine (II.14)).
Troubles hydroélectrolytiques.

● PRISE EN CHARGE
Non spécifique ; vérifier l’espace QT sur l’ECG dans le suivi d’un traitement antiémétique.

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