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URG' Intoxications
URG' Intoxications
M. Weber, C. Rothmann
E. Puskarczyk, V. Danel
Emmanuel Puskarczyk I Vincent Danel
U
RG’Intoxications présente de façon inédite, et au-delà des questions
classiques liées à la toxicité des produits et à leur traitement, le
champ plus vaste de la toxicologie clinique aiguë, en tenant compte
à la fois des données scientifiques et des réalités du terrain.
La première partie du livre traite de l’approche du patient et du
raisonnement clinique spécifique, basés sur l’évaluation de risque à
partir d’une exposition toxique et sur la méthode française d’imputabilité
en toxicologie. On y retrouve de nombreux exemples, extraits du
« quotidien » des intoxications, permettant une appropriation rapide de
la démarche par le clinicien.
La deuxième partie contient une trentaine de fiches regroupant les
toxiques les plus fréquemment rencontrés en France. Elle inclut
médicaments, produits phytopharmaceutiques, stupéfiants, alcools,
champignons, et animaux marins et terrestres, entre autres.
La troisième partie, véritable lexique encyclopédique, comprend plus de
70 fiches didactiques avec des situations d’exposition toxique, des bases
physiopathologiques, des approches symptomatiques ou syndromiques,
des données complémentaires de raisonnement clinique, des aspects Marc Weber I Christophe Rothmann I
thérapeutiques, des problématiques médicolégales, sans oublier des
spécificités propres à la régulation médicale et à la prise en charge
Emmanuel Puskarczyk I Vincent Danel
préhospitalière.
Les auteurs ont mis en commun leurs expériences respectives, acquises
lors d’exercices professionnels en centre antipoison et en structure de
médecine d’urgence, afin de proposer un ouvrage complet, pratique et
indispensable en situation d’urgence toxicologique.
ISBN : 978-2-7184-1487-4
9 782718 414874
36€
Marc Weber I Christophe Rothmann I
M. Weber, C. Rothmann
E. Puskarczyk, V. Danel
Emmanuel Puskarczyk I Vincent Danel
U
RG’Intoxications présente de façon inédite, et au-delà des questions
classiques liées à la toxicité des produits et à leur traitement, le
champ plus vaste de la toxicologie clinique aiguë, en tenant compte
à la fois des données scientifiques et des réalités du terrain.
La première partie du livre traite de l’approche du patient et du
raisonnement clinique spécifique, basés sur l’évaluation de risque à
partir d’une exposition toxique et sur la méthode française d’imputabilité
en toxicologie. On y retrouve de nombreux exemples, extraits du
« quotidien » des intoxications, permettant une appropriation rapide de
la démarche par le clinicien.
La deuxième partie contient une trentaine de fiches regroupant les
toxiques les plus fréquemment rencontrés en France. Elle inclut
médicaments, produits phytopharmaceutiques, stupéfiants, alcools,
champignons, et animaux marins et terrestres, entre autres.
La troisième partie, véritable lexique encyclopédique, comprend plus de
70 fiches didactiques avec des situations d’exposition toxique, des bases
physiopathologiques, des approches symptomatiques ou syndromiques,
des données complémentaires de raisonnement clinique, des aspects Marc Weber I Christophe Rothmann I
thérapeutiques, des problématiques médicolégales, sans oublier des
spécificités propres à la régulation médicale et à la prise en charge
Emmanuel Puskarczyk I Vincent Danel
préhospitalière.
Les auteurs ont mis en commun leurs expériences respectives, acquises
lors d’exercices professionnels en centre antipoison et en structure de
médecine d’urgence, afin de proposer un ouvrage complet, pratique et
indispensable en situation d’urgence toxicologique.
ISBN : 978-2-7184-1487-4
9 782718 414874
36€
Prise en charge
des intoxications aiguës
en structure de médecine d’urgence
Marc Weber
Christophe Rothmann
Emmanuel Puskarczyk
Vincent Danel
Chez le même éditeur, Série URG’
Arnette
Éditions John Libbey Eurotext
127, avenue de la République
92120 Montrouge, France
Tél. : 01 46 73 06 60
e-mail : contact@jle.com
http://www.jle.com
Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français
d’exploration du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
PRÉFACE
Les intoxications aiguës sont fréquentes en structure de médecine d’urgence et le premier
risque est sans doute de les banaliser. Il existe peu d’ouvrages qui y soient consacrés, tout
en intégrant le contexte spécifique de la médecine d’urgence, qui est celle des premières
heures. L’approche pragmatique des auteurs est une qualité essentielle de ce livre.
Ils proposent, dans une première partie, une démarche clinique et la prescription rai-
sonnée des examens paracliniques, en particulier toxicologiques, à partir de situations
génériques que l’on retrouve quotidiennement dans les structures d’urgences. Ces rai-
sonnements sont illustrés par des exemples concrets et utiles pour mieux comprendre
ces situations. Dans une deuxième partie, ils envisagent les principales intoxications
rencontrées en France et déclinent les éléments fondamentaux qui guident la prise en
charge par l’urgentiste. Ces intoxications concernent tant les médicaments que les ani-
maux ou végétaux. Des éléments relatifs aux mécanismes toxicologiques et à la toxi-
cocinétique permettent de mieux comprendre la prise en charge des malades intoxiqués.
Les paragraphes consacrés à la régulation médicalisée préhospitalière sont originaux et
aideront l’orientation initiale lorsque le médecin ne dispose que des données télépho-
niques. Des « points importants » sont mis en exergue avec la vision des professionnels
de l’urgence. Une troisième partie, organisée selon un « lexique encyclopédique », répond
à toutes les questions que l’urgentiste n’a jamais osé poser. L’abord des aspects spé-
cifiques liés à la situation d’un gardé à vue ou à la technique de décontamination oculaire
en sont des exemples.
La qualité des auteurs « imprégnés » d’une culture de la toxicologie d’urgence et réfé-
rents sur le sujet rejaillit sur la rédaction de cet ouvrage. Il sera rapidement un élément
indispensable dans la bibliothèque de l’urgentiste, tant pour y trouver un élément ponc-
tuel dans son activité quotidienne que pour renforcer ses connaissances sur un sujet de
toxicologie qu’il souhaite approfondir.
III
Liste des auteurs
Marc Weber Christophe Rothmann
Praticien hospitalier Praticien hospitalier
Service Smur-Urgences Structure de Médecine d’urgence
Groupe hospitalier Est Réunion et unité médicojudiciaire
Saint-Benoît Expert près la Cour d’appel de Metz
La Réunion CHR Metz-Thionville
Hôpital de Mercy, Ars Laquenexy
Metz
V
Charbon activé 179 Hallucinations 214
Coma 180 Hémolyse 215
Compatibilité avec une mesure de garde à vue 182 Hémorragie 216
Consentement aux soins/Refus de soins Hépatite 217
Sortie contre avis médical/Fugue 184
Hyperglycémie 218
Contre-terrorisme chimique 187
Hypertension artérielle 219
Convulsions 188
Hyperthermie 220
Décontamination cutanée 190
Hypoglycémie 221
Décontamination digestive 191
Hypothermie 222
Décontamination oculaire 193
Identification d’un toxique 223
Découverte de stupéfiants chez un patient 195
Imputabilité 225
Définition de cas 196
Insuffisance rénale aiguë 227
Dépistage d’alcool éthylique 197
Insuffisance respiratoire aiguë 228
Dépistage de stupéfiants 198
Intoxication 230
Diarrhées 199
Intoxications récréatives 231
Dissimulation intracorporelle de stupéfiants 200
Médicalisation préhospitalière 232
Dose toxique 201
Mort d’origine supposée toxique 234
Douleur 202
Mydriase 235
Épuration extrarénale 203
Myosis 236
Épuration rénale 204
Nomogramme de Fagan 237
État de choc 205
Prélèvements conservatoires 239
Évaluation de risque 206
Pronostic 240
Examens complémentaires
(hors analyse toxicologique) 207 Raisonnement clinique probabiliste 241
Exposition toxique 209 Régulation médicale d’un appel 243
Fièvre 211 Réquisition 247
Filières de soins 212 Rhabdomyolyse 248
Gravité 213 Soumission chimique 249
VI
Spécialités orales à action retardée 252 Toxiques fonctionnels 265
VII
ABRÉVIATIONS
AINS Anti-inflammatoires non stéroïdiens IM Intramusculaire
AVC Accident vasculaire cérébral IMAO Inhibiteurs de la monoamine oxydase
ASP Abdomen sans préparation IV(L) Intraveineuse (lente)
ATU Autorisation temporaire d’utilisation LP Libération prolongée
AVK Antivitamine K LSD Lyserg Saüre Diethylamid
BAV Bloc auricoventriculaire MDMA 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine
BZD Benzodiazépines NAPQI N-acétyl-p-benzoquinone-imine
CAP Centre antipoison NFS Numération formule sanguine
CEC Circulation extracorporelle NO Monoxyde d’azote
CIVD Coagulation intravasculaire disséminée
NOP Neurotoxiques organophosphorés
CO Monoxyde de carbone
OAP Œdème aigu du poumon
CPG Chromatographie en phase gazeuse
OP Organophosphorés
CPK Créatine phosphokinase
OPJ Officier de police judiciaire
DCI Dénomination commune internationale
PEP Pression positive de fin d’expiration
DSI Dose supposée ingérée
ECG Électrocardiogramme PSE Pousse seringue électrique
ECLS Extra Corporeal Life Support Samu Service d’aide médicale urgente
ECMO Extra Corporeal Membrane Oxygenation SAU Salle d’accueil des urgences
EDME État de mal épileptique SCA Syndrome coronaire aigu
EEG Électroencéphalogramme SDIS Service départemental d’incendie
EFR Exploration fonctionnelle respiratoire et de secours
ESM Effet stabilisant de membrane SDRA Syndrome de détresse respiratoire
ESV Extrasystole ventriculaire aiguë
EtCO2 CO2 de fin d’expiration SIADH Sécrétion inappropriée d’hormone
FC Fréquence cardiaque antidiurétique
FIO2 Fraction inspirée en oxygène Smur Service mobile d’urgence
FR Fréquence respiratoire et de réanimation
GAV Garde à vue SpO2 Saturation pulsée en oxygène
GB Globules blancs TA Tension artérielle
HPLC High Performance Liquid TDM Tomodensitométrie
Chromatography TP Taux de prothrombine
HTA Hypertension artérielle TV Toxicovigilance
HTAP Hypertension artérielle pulmonaire UHCD Unité d’hospitalisation de courte durée
IEC Inhibiteurs de l’enzyme de conversion USC Unité de surveillance continu
IPP Inhibiteur de la pompe à protons VADS Voies aérodigestives supérieures
IRA Insuffisance respiratoire aiguë VAS Voies aériennes supérieures
IRM Imagerie par résonance médicale VPP Voie veineuse périphérique
IRS/ISRS Inhibiteur (spécifique) des récepteurs VSAS Véhicule de secours et d’assistance
sérotoninergiques aux victimes
IX
PARTIE I
Approche du patient
et raisonnement clinique
I.1 CONDUITE À TENIR GÉNÉRALE
L’intoxication aiguë revêt des présentations extrêmement variées. Le caractère répétitif et de bon pronostic des
situations les plus fréquentes ne doit pas faire occulter l’existence de formes trompeuses et/ou graves. Ainsi,
dès lors qu’une exposition à un toxique est suspectée, une démarche diagnostique et thérapeutique rigoureuse
s’impose :
■ le volet diagnostique doit, au mieux, être basé sur un raisonnement clinique probabiliste (III.55), avec deux
situations :
• le patient n’est pas symptomatique : évaluation du risque (III.27) et sa gestion,
• le patient est symptomatique : établissement d’une imputabilité toxique sur la base de six items successifs
(III.43), poursuite de l’évaluation et de la gestion du risque ;
■ le volet thérapeutique quant à lui doit, chaque fois qu’elles existent, reposer sur des recommandations pour la
pratique clinique.
Trois situations pratiques sont schématiquement rencontrées, avec des conduites à tenir différentes :
■ une exposition toxique est avérée, un toxique est supposé identifié (I.2A) ;
■ une exposition toxique est avérée, sans toxique supposé identifié (I.2B) ;
PRINCIPES FORTS
• La conduite à tenir en toxicologie aiguë suit les mêmes principes que celle concernant les autres volets de
la médecine d’urgence ; il n’y a pas plus de place pour des mythes, des dogmes ou des croyances.
• Une certitude diagnostique est à la fois rarement obtenue et rarement indispensable : la démarche d’impu-
tabilité est interrompue dès lors que le niveau de probabilité diagnostique est suffisamment fort pour prendre
une décision.
• « Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison » ; autant que possible, la quantité de
toxique auquel un sujet est exposé doit être comparée aux grandeurs toxiques connues (plus grande quantité
n’ayant pas entraîné de symptômes, plus petite quantité ayant entraîné un décès, par exemple).
• Le « terrain » du sujet est un élément déterminant de la réaction de l’organisme à la rencontre avec le toxique ;
il faudra traiter un patient, et non un toxique, le rapport bénéfice/risque d’une approche trop « toxicologique »
des situations pouvant ne pas être favorable.
• Les effets toxiques des médicaments peuvent être une amplification d’effets pharmacodynamiques attendus,
mais également de nature différente ; les bases de données de pharmacologie ne peuvent être utilisées pour
la prise en charge de patients intoxiqués, hormis pour prendre connaissance des éléments de pharmacody-
namie, et ce, essentiellement pour les médicaments psychotropes et cardiotropes.
• Enfin, le médecin urgentiste peut utilement participer à des actions éducatives et préventives, à des signa-
lements (accident de travail, autorités sanitaires) et à la constitution de registres épidémiologiques, de même
qu’initier des prises en charge psychiatriques et addictologiques.
2
SITUATIONS PRATIQUES I.2
1/10
3
I.2 SITUATIONS PRATIQUES
2/10
CAS CLINIQUE
L’enfant J.E, âgé de 3 ans, met à la bouche de l’eau de javel diluée (conditionnement en bidon du commerce)
vers 15 heures. Sa maman le retrouve dans la buanderie, il a les vêtements mouillés et une odeur évocatrice
de l’haleine. Après appel au centre antipoison, elle met en œuvre les procédures d’usage (déshabillage, rinçage
de la peau et de la bouche, ingestion d’eau (1 verre par petites gorgées). Par sécurité, l’enfant est examiné aux
urgences à 17 heures. L’anamnèse est concordante, il s’agit bien d’eau de Javel à 2,6 %. L’enfant est souriant,
non algique, l’haleine reste évocatrice, les examens cutané, endobuccal et général sont normaux.
Hypothèse : l’enfant a été exposé, n’est pas symptomatique donc n’est pas intoxiqué.
Décision : il n’y a pas lieu de réaliser une biologie ou de prévoir une fibroscopie œsogastrique ; retour à domicile
avec une prescription éventuelle de pansement gastrique (à la demande).
4
SITUATIONS PRATIQUES I.2
3/10
CAS CLINIQUE
Monsieur L.B, âgé de 40 ans, sans antécédent, sans addiction, non dénutri ou déshydraté, ingère 30 comprimés
(180 mg) de bromazépam dans un contexte impulsif (conflit en milieu professionnel). Il est pris en charge à H3
où l’on note une somnolence simple, des pupilles en discret myosis, l’examen clinique étant normal par ailleurs.
La prise est attestée par son épouse, toute co-ingestion est écartée.
Hypothèse : il s’agit d’une intoxication avérée paucisymptomatique, avec anamnèse et clinique concordantes.
Décision : surveillance clinique, hydratation orale et alimentation légère à la demande ; il n’y a pas lieu de
prescrire une biologie ou une analyse toxicologique ; hospitalisation en UHCD pour évaluation psychiatrique
programmée ; lever et déambulation encouragés au réveil, visites de son épouse autorisées.
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I.2 SITUATIONS PRATIQUES
4/10
lage du chronogramme ? retard d’absorption par prise concomitante de ralentisseur du transit (ex. : codéine)
ou administration précoce de charbon activé ?
■ une analyse toxicologique (III.3) peut être indiquée, à des fins décisionnelles.
CAS CLINIQUE
Madame D.P, âgée de 24 ans, pesant 43 kilos, sans antécédent, sans addiction, est admise 2 heures après
l’ingestion alléguée de 12 comprimés de paracétamol 500 mg, dans un contexte de conflit conjugal. Elle aurait
vomi il y a 1 heure et vomit à nouveau dans le service. Il n’y a pas d’argument autre pour une gastroentérite
aiguë ou une intoxication d’origine alimentaire ; l’examen clinique est normal.
Hypothèse : hépatite toxique sur intoxication moins récente, partiellement cachée, et/ou ingestion d’une quantité
plus importante de paracétamol avec intolérance gastrique ; en reprenant l’interrogatoire, la patiente avoue
finalement avoir ingéré la même dose la veille et l’avant-veille, et vomir depuis 4 à 6 heures.
Décision : prescription d’un bilan biologique hépatique ; paracétamolémie inutile, ne pouvant être reportée sur
le nomogramme décisionnel.
Résultat : transaminases à 10N.
Décision : traitement symptomatique et par N-acétyl-cystéine, apports hydroélectrolytiques ; hospitalisation en
UHCD, après contact avec le réanimateur, pour suivi biologique et évaluation psychiatrique programmée ; visites
de son époux non autorisées.
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SITUATIONS PRATIQUES I.2
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■ Une analyse toxicologique peut être indiquée à but diagnostique, en particulier en cas de gravité affichée.
CAS CLINIQUE
Monsieur E.A, éthylique chronique bien connu du service pour ses alcoolisations aiguës plurihebdomadaires, est
pris en charge sur la voie publique par les sapeurs-pompiers (allongé devant son bistro habituel) et amené en
état de coma réactif, avec des réactions peu courtoises aux stimuli. Il est comme à l’accoutumé installé dans
une salle d’examen « spéciale » et confié à l’interne. On note une contusion circulaire frontale droite de 5 cm
de diamètre.
Hypothèse : intoxication éthylique aiguë.
Décision : examen clinique « rapide », ECG (rythme sinusal ? QT allongé ?) ; voie veineuse refusée par le patient,
on se donne 2 heures pour proposer des apports oraux (hydratation, vitamine B1), souvent refusés par Mon-
sieur E.A qui préfère quitter rapidement le service.
Évolution : à H4, patient non éveillé comme à son habitude ; moindre réactivité (grognements à la douleur) ;
examen clinique par le senior : doute sur focalisation gauche et discrète asymétrie pupillaire.
Décision : biologie « standard » et dosage de l’éthanolémie, qui à H5 revient < 0,1 g/L, les plaquettes sanguines
étant à 70 g/L et la kaliémie à 2,8 mmol/L ; réalisation d’une imagerie cérébrale.
Conclusion : le relevé d’une haleine œnolique aurait conforté la 1re hypothèse et fait réellement franchir le seuil
de décision... sans faire exclure une lésion intracrânienne...
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I.2 SITUATIONS PRATIQUES
6/10
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SITUATIONS PRATIQUES I.2
7/10
Examen clinique
Il doit être :
■ orienté par la mesure initiale et continue des paramètres physiologiques et sur l’abord initial du patient (III.1) ;
■ répété au cours des premières heures, focalisé en premier lieu sur les sphères cardiovasculaire et neuro-
psychiatrique, sans occulter la possibilité d’ingestion d’une spécialité à action retardée (III.60) ;
■ à la recherche d’un toxidrome (III.66), l’existence d’un symptôme ou signe évocateur devant faire rechercher
CAS CLINIQUE
Monsieur N. C, 28 ans, est retrouvé dans sa chambre d’hôtel par la femme de chambre, très stuporeux, avec,
à ses côtés, l’ouvrage Suicide, mode d’emploi (livre désormais interdit et retiré de la vente) et une lettre d’adieux.
La police est immédiatement alertée et transfère l’appel au Samu-centre 15. Le médecin régulateur ne peut
obtenir aucun renseignement anamnestique ou clinique supplémentaire ; il engage un Smur ainsi qu’un VSAV,
plus proche, « dans le doute ». À l’arrivée du Smur, les équipiers VSAV ont pu retrouver des conditionnements
vides de diazépam (20 comprimés à 5 mg) et de chloroquine (30 comprimés à 100 mg). Le patient a une TA à
88/47, une FC à 105 bpm, une FR à 22, une SpO2 à 93 % ; il est obnubilé, ses pupilles sont en mydriase. L’ECG
montre des ondes T plates diffuses, une dQRS à 115 msec, un QTc à 470 msec...
Hypothèse : intoxication grave par chloroquine
Décision : application du protocole « chloroquine » avec ventilation assistée et perfusion d’adrénaline.
9
I.2 SITUATIONS PRATIQUES
8/10
Le diagnostic n’est pas fait, ou alors avec une probabilité non forte
■ Un traitement symptomatique est toujours indiqué, quelle que soit l’hypothèse ; une ventilation assistée doit
être proposée de façon large en cas de trouble de conscience, convulsions, état de choc ou trouble du rythme
cardiaque.
■ Un suivi biologique systématique est de mise, incluant initialement le ionogramme avec calcul du trou anionique,
les fonctions hépatique et rénale, le lactate, l’osmolarité (si disponible).
■ Il y a lieu de prendre rapidement un avis spécialisé (I.3), au moins dès l’apparition d’une symptomatologie et
après examen clinique orienté, neurologique et du système végétatif en particulier (tonus musculaire, état des
pupilles, état adrénergique ou cholinergique, etc.).
■ La surveillance clinique doit être prolongée au moins 24 heures.
■ Une analyse toxicologique non orientée n’est pas contributive et source de conclusions fausses ; en particulier,
la prescription d’une batterie de recherches sanguines ou urinaires incluant des substances entrainant un
myosis et d’autres une mydriase ne peut être intégrée à une démarche clinique.
■ Un diagnostic différentiel non toxicologique doit rester présent à l’esprit.
CAS CLINIQUE
Madame B. L, 50 ans, éthylotabagique suivie en addictologie, traitée par oxazépam et par un 2e médicament
non précisé, est retrouvée comateuse à son domicile (score de Glasgow à 7). Elle a vomi, ses pupilles sont en
myosis modéré réactif, elle est bradycarde et hypotendue, bradypnéique. L’ECG est sans particularité et n’évoque
pas la prise d’antidépresseurs polycycliques. L’ionogramme est normal, de même que la TDM cérébrale. Les
tests au flumazénil, puis à la naloxone sont non contributifs. Les recherches de toxiques sanguins et urinaires
sont négatifs, y compris pour les benzodiazépines, l’alcoolémie est négative.
Hypothèse : intoxication par médicament psychocardiotrope non précisé.
Décision : la patiente est intubée, placée sous ventilation assistée, corrigée sur le plan hémodynamique et
hospitalisée en service de réanimation. L’EEG montrera un rythme ralenti avec des séquences de rythme
triphasique.
Évolution : elle sera sevrée de la ventilation assistée à J3.
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SITUATIONS PRATIQUES I.2
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Dans tous les cas, une approche par grandes fonctions, systèmes et organes est indispensable (paramètres
physiologiques, examen clinique détaillé, glycémie, cétonémie capillaire), secondairement orientée par cet abord
initial du patient (III.1).
Une prescription de biologie « de routine » n’omettra pas la recherche d’une hépatite, d’une insuffisance rénale,
le dosage du lactate, le calcul du trou anionique, la mesure de l’osmolarité (si disponible).
Une analyse toxicologique (III.3) éventuelle devra être prescrite de façon décisionnelle et non observationnelle ;
une certitude diagnostique n’est pas indispensable à la mise en œuvre de thérapeutiques spécifiques.
Les patients à risque sont, dans ce contexte, les enfants lors de l’apprentissage de la marche, les patients
suicidaires et les patients déments.
■ L’enfant de 3 ans environ peut ingérer, par défaut de perception du risque, un comprimé appartenant à un
parent.
CAS CLINIQUE
L’enfant O. S, 3 ans, 12 kilos, sans traitement, est amené au service d’urgence, à 10 heures, car il « ne tient
plus sur ses jambes » ; tout s’était bien passé depuis le lever à 8 heures et la maman l’avait laissé jouer dans
la chambre des parents pendant qu’elle se préparait. Depuis 9 h 30, il restait assis et refusait de se lever ;
lorsqu’elle tentait de le mettre debout, ses jambes fléchissaient inlassablement. La maman nie toute possibilité
d’ingestion médicamenteuse, elle-même ne prendrait aucun traitement... Les constatations sont les mêmes au
service, chez un enfant au comportement neutre, ni agité ni somnolent, dont l’examen général, neurologique et
des membres inférieurs est sans particularité hormis cette hypotonie.
Hypothèse : ingestion occulte d’une benzodiazépine.
Décision : recherche qualitative de benzodiazépines sur un échantillon d’urines, qui revient positive.
Discussion : la maman avoue avoir pu laisser un demi-comprimé d’oxazépam 5 mg à portée potentielle de
l’enfant. (NB : une recherche urinaire négative n’aurait pas fait exclure le diagnostic).
11
I.2 SITUATIONS PRATIQUES
10/10
■ Le déni d’une intoxication chez un suicidant (III.61) est un phénomène très rare ; tout au plus le patient ne
souhaite-t-il pas, le plus souvent, faire état de la nature des toxiques ingérés. Des évènements de vie négatifs
déclenchant ou une intentionnalité affichée peuvent être retrouvés et l’existence du suicide chez le sujet âgé,
masculin surtout, doit rester présent à l’esprit.
CAS CLINIQUE
Monsieur A.K, 73 ans, coronarien porteur d’un stent, est admis dans un tableau de confusion, agitation, polypnée
et hypothermie modérée, bientôt complété d’un collapsus cardiovasculaire, accompagné cette fois d’une hyper-
thermie, d’une acidose métabolique non lactique et d’une cétose.
Hypothèse : sepsis.
Décision 1 : prise en charge symptomatique, antibiothérapie, ne permettant pas d’éviter le décès du patient.
Décision 2 : screening toxicologique, négatif.
Décision 3 : contact auprès d’un centre antipoison, prescription d’une salicylémie.
Résultat : concentration très élevée chez un patient déjà traité au long cours.
CAS CLINIQUE
Madame R.R, 77 ans, hypertendue, souffre de démence vasculaire et dégénérative. Elle est admise très som-
nolente aux urgences, avec doute sur l’existence d’une paralysie faciale droite.
Hypothèse : accident vasculaire cérébral, le score NIHSS est noté.
Décision : prescription d’une IRM cérébrale.
Résultat : lésions diffuses de la substance blanche périventriculaire, sans accident vasculaire cérébral.
Décision : nouvel examen neurologique, qui met en évidence une hypertonie extrapyramidale diffuse et un
myosis symétrique à 2 mm, éléments n’entrant pas dans le calcul du score NIHSS.
Hypothèse : surdosage médicamenteux.
Décision : interrogatoire de la famille, qui confirme un traitement de fond par rispéridone, que l’infirmier à
domicile remplaçant a omis d’enfermer dans le placard habituel. Le complément d’examen général met en
évidence les signes cardiovasculaires classiquement associés (tachycardie, QT long à l’ECG). Il n’y a pas lieu
de faire des recherches toxicoanalytiques.
12
POURQUOI, QUAND ET COMMENT
PRENDRE UN AVIS SPÉCIALISÉ ? I.3
1/2
● POURQUOI ?
Demander l’appui d’un confrère spécialisé pour optimiser la prise en charge d’un patient donné, à un instant
donné et dans un contexte de prise en charge déterminé (finalité non spécifique à la toxicologie). Le réanimateur
pourra donner un avis sur une technique particulière et éclairer sur les intoxications relevant de sa discipline. Le
médecin du centre antipoison pourra ouvrir la « boite noire » d’un nom commercial pour identifier les substances
chimiques en présence et traduire le risque pour le patient (mais que contient donc le produit « Dawson super
plus » ingéré par ce suicidant ? Qu’en attendre ?).
De manière indicative, un tel besoin peut être ressenti dans les situations avérées ou perçues comme :
■ inhabituelles ou nouvelles : incidence faible ou expérience limitée du clinicien ;
Les centres antipoison (CAP) sont chargés de donner avis et conseil en toxicologie médicale pour toute question
sur le diagnostic, le pronostic et le traitement des patients. Chaque CAP dispose d’une salle de réponse toxico-
logique urgente (RTU) ; un médecin expérimenté en toxicologie clinique et formé à la RTU porte la responsabilité
des avis donnés.
■ Aide au diagnostic :
● QUAND ?
Régulation : aide à la prise de décision : la nature et le délai des effets à craindre permettent au régulateur de
mieux décider des moyens à engager et de l’orientation du patient.
Au SAU : diagnostic, traitement, pronostic.
À l’UHCD : traitement, orientation ou sortie du patient.
13
POURQUOI, QUAND ET COMMENT
I.3 PRENDRE UN AVIS SPÉCIALISÉ ?
2/2
● COMMENT ?
Par simple appel téléphonique, H24, J365 à un centre antipoison. L’histoire du cas clinique sera abordée. Idéa-
lement : patient, exposition (identification du toxique ++), chronologie, contexte, thérapeutiques engagées, effets
observés.
14
PARTIE II
Substance liquide à l’odeur caractéristique lorsqu’elle est pure, fruit de la distillation des sucres.
Entre dans la composition de boissons alcoolisées, ainsi que dans celle de produits à disposition du grand public
(alcool à brûler surtout, en association avec du méthanol en France, produits nettoyants, antiseptiques, cosmé-
tiques), ou utilisés en milieu professionnel (solvants, intermédiaires de synthèse).
1re cause d’intoxication aiguë prise en charge dans les services d’urgences.
Existence, de façon caricaturale, de deux formes différentes d’intoxication éthylique aiguë (IEA) prises en charge
dans les services d’urgence, avec toutes situations intermédiaires possibles (intoxications massives du week-end
par exemple) :
– IEA chez le patient éthylique chronique, dont le terrain comporte potentiellement des perturbations métaboli-
ques, nutritionnelles, cardiaques, hépatiques, neurologiques, etc. ;
– IEA occasionnelle : festive ou entrant dans le cadre d’un syndrome de soumission (adolescents) ou d’un passage
à l’acte suicidaire ; on estime que 30 % des intoxications médicamenteuses sont accompagnées d’une IEA.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Il s’agit d’un toxique fonctionnel, essentiellement :
■ stimulant puis dépresseur du système nerveux central, synergique avec les médicaments psychotropes dépres-
seurs en particulier ;
■ vasodilatateur, stimulant adrénergique et potentiellement arythmogène ;
■ perturbateur de la thermorégulation ;
■ inducteur d’hyperlactatémie et dépresseur de la néoglucogenèse hépatique chez les sujets à risque (enfants,
éthyliques chroniques).
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Absorption rapide par voie digestive ou respiratoire, très peu par voie cutanée (sauf nouveau-né et nourrisson).
Par voie digestive, pic plasmatique 45 à 60 mn après l’ingestion ; hydrosoluble, se distribue rapidement au niveau
des organes cibles (cerveau, foie, poumon), avec un volume de distribution et une fixation protéique très faibles,
le rendant théoriquement accessible à l’hémodialyse.
Le passage placentaire est important, exposant au risque du syndrome d’alcoolisation fœtale.
Métabolisé au niveau hépatique, en acétaldéhyde sous l’action de l’alcool-déshydrogénase, lui-même métabolisé
en acide acétique puis acétyl-coenzyme-A sous l’action de l’aldéhyde-déshydrogénase, ce dernier étant oxydé
en CO2 et H2O.
La vitesse de métabolisation peut varier de 0,15 g/L/h chez le sujet non habitué à plus du double chez le
consommateur chronique sévère, sous l’action de systèmes enzymatiques accessoires ; cinétique d’ordre 0 avec
durée d’élimination dépendant de la concentration plasmatique initiale.
Élimination sous forme inchangée au niveau du rein (négligeable), de la sueur, du poumon (plus importante,
permettant l’évaluation de l’imprégnation par sa mesure sur air expiré et pouvant argumenter le diagnostic
clinique).
16
ALCOOL ÉTHYLIQUE II.1
2/4
● GRANDEURS TOXIQUES
L’absorption rapide de 240 g d’alcool (une bouteille de 75 cl d’alcool à 40o) est potentiellement létale pour un
adulte de poids moyen non habitué. La tolérance clinique varie très largement chez le consommateur chronique
avec moindre dépression neurologique centrale et plus forte prévalence des convulsions et des complications
métaboliques et cardiovasculaires.
● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation des patients comateux et/ou convulsivants, des patients diabétiques ou ayant déjà présenté des
hypoglycémies alcooliques, et des patients ayant potentiellement ingéré des médicaments à action synergique
(benzodiazépines).
Orientation hospitalière des enfants en bas âge ébrieux.
● CLINIQUE
Latence
Dépend de la dose ingérée, de la nature de l’alcool, de la réplétion gastrique et de la tolérance.
La profondeur du coma et la capacité à la protection des voies aériennes sont difficiles à évaluer, l’utilisation du
score de Glasgow n’est pas adaptée.
La recherche d’un traumatisme associé, en particulier crâniofacial, est impérative.
17
II.1 ALCOOL ÉTHYLIQUE
3/4
■ Rhabdomyolyse.
■ Hypoglycémie chez l’enfant et le sujet éthylique chronique.
■ Autres signes : classique fibrillation atriale chez le sujet éthylique chronique avec cardiopathie éthylique ou
autre, collapsus circulatoire à dose massive (y concourt un ESM).
■ Réveil souvent brutal en 2 à 6 heures, volontiers agité et agressif chez le buveur chronique.
● BIOLOGIE
■ Possibles troubles hydroélectrolytiques secondaires à la polyurie osmotique, aux vomissements, voire au statut
nutritionnel chez le sujet chronique : hémoconcentration, hyperchloronatrémie, hypokaliémie, hypomagnésémie,
hypophosphatémie, hypoglycémie en règle générale retardée de quelques heures
■ Hyperlactatémie plus marquée chez le sujet consommateur chronique
■ Élévation de la CPK en cas de coma profond et prolongé associé à une hypothermie
■ Accessoirement, l’éthanol génère un trou osmolaire (1 g/L générant 22 mOsmol) ; la pratique de l’osmométrie
par la méthode du delta-cryoscopique tend cependant à disparaître et cette donnée n’est en règle générale
pas utile à la prise en charge.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Elle confirme au besoin l’intoxication et se fait :
■ sur plasma, par méthode enzymatique ou chromatographique ; est rendue en 1 heure environ ; la méthode
■ sur air expiré, à titre de dépistage par les forces de l’ordre en particulier, avec la limite de la participation
18
ALCOOL ÉTHYLIQUE II.1
4/4
● TRAITEMENT
Il n’est pas spécifique ; la décision d’intubation trachéale en cas de coma profond est difficile à prendre et doit
se faire en opposant le risque lié au geste et celui d’inhalation trachéobronchique d’un côté et la rapidité potentielle
du réveil de l’autre.
Bien qu’accessible à l’hémodialyse, la mise en œuvre de cette technique est inutile, compte-tenu des aspects
cinétiques et cliniques de l’intoxication.
L’induction d’un syndrome antabuse peut être une indication à l’utilisation de fomépizole (7 mg/kg en 20 min).
Le traitement des complications ou de causes métaboliques préexistantes doit être considéré, en particulier
l’administration de vitamine B1 (cofacteur du métabolisme du pyruvate) doit être large.
Il n’y a pas de médicament plus particulièrement recommandé pour le traitement d’une agitation psychomotrice.
Une prévention du syndrome de sevrage peut se discuter précocement chez le buveur chronique.
● DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Penser aux autres causes de troubles neurologiques ou d’acidose, toxiques ou autres, chez le patient éthylique
chronique notamment et qui justifieraient un traitement spécifique : intoxication par méthanol (II.26) ou iso-
propanol, par éthylène glycol (II.17) ou substance chimiquement proche, acidocétose alcoolique de jeûne (hyper-
cétonémie sur bandelette après prélèvement capillaire), acidose lactique sans alcoolisation aiguë (carence pro-
fonde en vitamine B1), hyponatrémie chez un buveur de bière et même syndrome de sevrage en alcool...
● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Clinique : état neurologique, température corporelle, paramètres ventilatoires et circulatoires.
Biologique : lactatémie et autres troubles métaboliques, si initialement perturbés.
Elle peut se faire :
■ en UHCD pour les formes non compliquées, y compris pour un enfant dont la présentation clinique serait
rassurante ;
■ en unité de surveillance continue ou en réanimation pour les formes compliquées.
● PRONOSTIC
En phase aiguë, clairement lié aux complications immédiates.
Pronostic à terme à évaluer au décours immédiat de l’épisode aigu.
IMPORTANT
• Bien différencier les deux types d’intoxication et ne pas en sous-estimer la gravité potentielle : celle du buveur
occasionnel (risque respiratoire) et celle du buveur chronique (risque de convulsions, de collapsus et de trouble
du rythme, d’hypoglycémie, d’hyperlactatémie)
• Évoquer de possibles étiologies associées
• Tenter de mettre en œuvre des moyens de prévention, en particulier chez l’adolescent, la femme enceinte,
le patient chronique avec complications neurologiques, hépatiques, cardiaques, nutritionnelles, etc.
19
II.2 ANIMAUX MARINS
1/13
Méduses : cnidaires Pelagia noctulica, Venin cytotoxique Brûlures cutanées Rincer à l’eau de
libres Aurelia aurita hyperalgiques, mer, puis
érythème régressif, saupoudrer la peau
papules humide de sable sec
urticariennes, (piéger les
phlyctènes tentacules contenant
le venin)
Symptomatique
20
ANIMAUX MARINS II.2
2/13
Coquillages filtreurs Cuboméduses (box Venin cardiotoxique, Douleur immédiate, Bain d’acide
(moules, huîtres, jellyfish, boxfish), vasculotoxique, œdème, vésicules, acétique durant
palourdes) : Chironex fleckeri neurotoxique, brûlures, 30 secondes
mytilisme (guêpe de mer ou néphrotoxique fasciculations (traitement préventif
sea wasp), musculaires, de décontamination)
Chiropsalmus hypotonie Sérum antivenimeux
quadrigatus, généralisée, CSL Boxjellyfish
Chiropsalmus détresse antivenom si
quadrumanus respiratoire, inconscience, arrêt
nausées, cardiorespiratoire,
vomissements, collapsus, troubles
douleurs du rythme,
abdominales, hypoventilation,
douleur thoracique, douleur intense,
collapsus, asystolie, atteinte cutanée
apnée brutale, OAP, extensive
larmoiement,
céphalées
21
II.2 ANIMAUX MARINS
3/13
22
ANIMAUX MARINS II.2
4/13
23
II.2 ANIMAUX MARINS
5/13
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ANIMAUX MARINS II.2
6/13
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II.2 ANIMAUX MARINS
7/13
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ANIMAUX MARINS II.2
8/13
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II.2 ANIMAUX MARINS
9/13
Ichthyosarcotoxisme Thons, maquereaux, Début brutal précoce (moins d’une heure Symptomatique,
(toxines dans les bonites, sardines, après l’ingestion) ; Signes digestifs antihistaminique
viscères ou la chair) anchois, harengs, (nausées, vomissements, douleurs
carangues, abdominales, diarrhée), vasodilatation
espadons (chair (face, cou), urticaire généralisée, œdème
riche en histidine) palpébral, myalgies, faiblesse musculaire,
Intoxication par acouphènes, céphalées, lipothymie, œdème
histamine produite laryngé, bronchospasme, rash,
par l’histidine hypotension, palpitations, tachycardie,
décarboxylase de troubles du rythme ventriculaire, syndrome
bactéries présentes coronaire aigu à coronaires saines, état de
à la surface de choc cardiogénique ; bonne évolution en
poissons riches en 3-4 h
histidine Scombrotoxisme
28
ANIMAUX MARINS II.2
10/13
29
II.2 ANIMAUX MARINS
11/13
30
ANIMAUX MARINS II.2
12/13
31
II.2 ANIMAUX MARINS
13/13
Mytilisme
(Coquillages filtreurs
(II.2B))
32
ANIMAUX TERRESTRES II.3
1/5
33
II.3 ANIMAUX TERRESTRES
2/5
immédiate avec sensation d’engourdissement locorégional ; syndrome toxinique (neurotoxines) occasionné par
certaines espèces (centruroïdes exilicauda) ; signes cholinergiques (hypersécrétion, hypersudation, priapisme,
hyper péristaltisme intestinal avec vomissements et diarrhée, bradycardie, hypotension, myosis) et adrénergi-
ques (tachycardie, HTA, mydriase, rétention urinaire, froideur extrémités), frissons, tremblements, agitation,
hyperthermie, œdème pulmonaire aigu, dystonie, fasciculations, crampes musculaires, convulsions, confusion,
coma (30 % décès), ischémie myocardique à l’ECG.
Traitement symptomatique en 1er lieu.
Soins locaux cutanés.
Gluconate de calcium, en cas de douleurs musculaires intenses.
Sérums antiscorpioniques spécifiques, efficaces que si injection IV réalisée avant grade III.
34
ANIMAUX TERRESTRES II.3
3/5
Chenilles
■ Chenilles processionnaires du chêne (Thaumetopoea processionnea), du pin (Thaumetopoea pityocampa) ;
chaque poil est relié à une glande à venin.
■ Symptomatologie : urticaire généralisée avec prurit insomniant, atteinte oculaire, atteinte buccale ; CIVD
(Lonomia achelous).
■ Traitement : décontamination, antihistaminique, corticoïdes.
Myriapodes
■ Chilopodes (envenimation par morsure), diplopodes (envenimation par piqûre).
■ Mille-pattes, scolopendres ; morsures avec envenimation par crochets venimeux.
■ Seuls les chilopodes sont dangereux pour l’homme (crochets venimeux).
■ Symptomatologie : réaction inflammatoire très douloureuse parfois d’évolution nécrotique ; érythème, œdème,
douleur ; brûlures par contact ; nécrose pouvant se surinfecter ; rhabdomyolyse (espèces tropicales).
■ Traitement : antalgiques, antibiotiques.
35
II.3 ANIMAUX TERRESTRES
4/5
Gradation clinique
1 : envenimation Œdème local autour de la morsure (ne Hospitalisation 24 heures pour surveillance
mineure dépassant pas le coude ou le genou), pas de Désinfection locale, antalgiques
signes généraux ; régression en 24-72 h Antibiothérapie si suspicion d’infection
36
ANIMAUX TERRESTRES II.3
5/5
Couleuvres
■ Peu dangereuses, car absence de crochets antérieurs.
■ Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus) : signes locaux, parésies, dépression respiratoire et du
système nerveux central.
■ Traitement symptomatique.
Cobras
■ Morsure peu douloureuse, signes locaux modérés sans œdème, nécrose habituellement non extensive ; ptosis,
diplopie, ophtalmoplégie, dysphonie, troubles de la déglutition, soif, nausées, acouphènes, phosphènes,
angoisse, hypotension ; état de choc et paralysie ascendante avec aréflexie et troubles de la conscience,
trismus, paralysie respiratoire ; évolution vers la mort en 2 à 10 heures.
■ Cobra africain ou à cou noir : troubles du rythme ventriculaire.
■ Cobra « cracheurs » (Naja nigricollis, mossambica, pallida, katiensis, haemachatus) : projection venin jusqu’à
3 m ; douleurs oculaires, blépharospasme, mydriase, œdème palpébral, kératite.
37
II.4 ANTIARYTHMIQUES DE CLASSE I
1/2
Il s’agit des antiarythmiques de la classe I de Vaughan-Williams, dont il existe de très nombreuses molécules
utilisées pour le traitement des troubles du rythme supraventriculaires et ventriculaires. Plusieurs formes galé-
niques sont disponibles, dont des formes à libération prolongée. Le chef de file historique est la quinidine ; on
parle parfois de produits à effets quinidine-like. Les molécules les plus connues sont le disopyramide, la méxilétine,
la flécaïnide, le propafénone, la cibenzoline. L’intoxication aiguë est rare, mais d’une extrême gravité.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Les antiarythmiques de classe I inhibent le courant entrant sodé rapide au cours de la phase 0 du potentiel
d’action de la cellule myocardique et ont un ESM. Ils ont tous des effets inotrope, dromotrope et chronotrope
négatifs. En fonction de leurs effets sur la vitesse de dépolarisation et sur la repolarisation, on distingue des
antiarythmiques de classe Ia, Ib et Ic. Ces différences n’ont pas d’incidence dans l’intoxication aiguë.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Variables d’une molécule à l’autre, sans impact décisionnel. Ces molécules ne sont pas accessibles à l’épuration
extrarénale. Les effets toxiques peuvent apparaître rapidement dès la 30e minute ; il est exceptionnel qu’ils
apparaissent après la 6e heure.
● RÉGULATION MÉDICALE
La médicalisation doit être systématique quels que soient les signes à l’appel. Le sulfate de magnésium, souvent
absent des dotations Smur, est recommandé en cas de torsade de pointes ou d’ESV répétées. La nécessité d’une
éventuelle assistance circulatoire doit être anticipée. La destination est une unité de soins intensifs cardiologiques
ou de réanimation, en admission directe sans passer par une structure d’urgence.
● CLINIQUE
Les symptômes cardiovasculaires font la gravité de l’intoxication : bradycardie, hypotension artérielle, état de
choc, arrêt cardiaque.
Les signes neurologiques sont le fait d’une toxicité directe ou les témoins de l’hypoperfusion cérébrale : troubles
de conscience, confusion, obnubilation, convulsions.
Le rôle direct des antiarythmiques de classe I dans l’apparition tardive d’un syndrome de détresse respiratoire
aigu tardif est discuté.
● BIOLOGIE
Pas de signe spécifique. Biologie en rapport avec la défaillance cardiovasculaire et l’hypoperfusion tissulaire.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Peu ou pas disponible en routine, sans intérêt décisionnel.
38
ANTIARYTHMIQUES DE CLASSE I II.4
2/2
● TRAITEMENT
Du charbon activé en dose unique peut être administré dans l’heure en l’absence de contre-indication.
Le traitement est symptomatique, il n’existe pas de traitement spécifique ou antidotique.
■ Oxygénothérapie à haut débit par masque à haute concentration ou après intubation si besoin (la ventilation
■ Correction de l’ESM (QRS élargis, hypotension artérielle) par perfusion IV de bicarbonate de sodium molaire
8,4 %, avec adjonction systématique de KCl (2 g/250 mL), sans dépasser 750 mL.
■ Sulfate de magnésium, 2 g IVD à renouveler, devant une torsade de pointes ou des ESV répétées.
L’assistance circulatoire doit être discutée devant un état de choc réfractaire ou un arrêt cardiaque.
● PRONOSTIC
Garder à l’esprit la gravité potentielle de l’intoxication qui peut conduire au décès. La prise en charge médicale
doit être précoce. L’évolution se fera vers la guérison sans séquelle dans les intoxications de gravité modérée.
IMPORTANT
• Intoxication rare mais grave
• Décès possible par complications cardiovasculaires : état de choc, arrêt cardiaque
39
II.5 ANTIDÉPRESSEURS
1/7
Plusieurs familles : les plus prescrits sont aujourd’hui les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la séro-
tonine. Les antidépresseurs polycycliques et les inhibiteurs de la mono-amine-oxydase (IMAO) figurent largement
au second plan.
● MÉCANISME DE TOXICITÉ
Action présynaptique par majoration des effets du neurotransmetteur au niveau central. Toxiques fonctionnels
ciblant principalement le système nerveux central et l’appareil cardiovasculaire.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Bonne résorption digestive, le plus souvent rapide (quelques heures à moins de 6 heures). Large volume de
distribution, forte liaison plasmatique. Sauf pour les rares formes LP et/ou les expositions à des doses très
importantes, l’ensemble des effets se résout généralement en moins de 24 heures.
● RÉGULATION MÉDICALE
Pas de médicalisation nécessaire en l’absence de signe clinique significatif. Médicalisation devant un syndrome
sérotoninergique vrai (rare). Chez l’adulte habituellement traité, une erreur thérapeutique ponctuelle est généra-
lement bien tolérée jusqu’à 5 fois la dose unitaire habituelle du patient (appréciation de la tolérance et surveillance
par un entourage compétent possible).
40
ANTIDÉPRESSEURS II.5
2/7
● CLINIQUE
Syndrome sérotoninergique mis à part, le tableau clinique d’une intoxication par IRS associe généralement des
signes neurologiques modérés : légère dépression du système nerveux central, mydriase, avec parfois des ver-
tiges, des céphalées ou des tremblements. Nausées et vomissement sont fréquents. Tachycardie sinusale rare-
ment menaçante et/ou une HTA de faible intensité possibles.
La survenue d’un syndrome sérotoninergique est classiquement redoutée, mais rare en pratique. Elle survient
préférentiellement dans les coexpositions avec des potentialisateurs, y compris à dose thérapeutique. Le pronostic
vital peut être engagé (hyperthermie menaçante > 40 oC, rigidité musculaire, myoclonies, CIVD, coma,
convulsions).
● BIOLOGIE
Peu d’intérêt en dehors de tableaux sévères ou de complications : ionogramme, créatinine plasmatique, hémos-
tase, NFS, transaminases, CPK (rhabdomyolyse), recherche d’une CIVD et d’une acidose lactique devant un
syndrome sérotoninergique.
Dosage inutile et inaccessible en routine.
41
II.5 ANTIDÉPRESSEURS
3/7
● PRISE EN CHARGE
Avant tout symptomatique. Surveillance et monitorage du patient suffisent dans la plupart des situations courantes.
Intérêt des benzodiazépines : sédation, myorelaxation, effet anticonvulsivant. Prise en charge non spécifique des
troubles cardiaques.
La prise en charge d’un syndrome sérotoninergique relève d’un service de réanimation : correction de la dé-
shydratation et de ses conséquences, refroidissement externe, curarisation en évitant les molécules dépolari-
santes. L’intérêt de la cyproheptadine (antihistaminique anticholinergique et antagoniste sérotoninergique) doit
être considéré dès la présence d’une hyperthermie (Periactine® : 4 à 8 mg, 3 fois par jour per os [sonde naso-
gastrique]) ; le dantrolène est inefficace.
Traitement toxicologique : charbon activé dans l’heure. Possible plus tardivement avec les formes LP.
Aucun antidote spécifique. Aucun intérêt du traitement épurateur.
● PRONOSTIC
Dose. Syndrome sérotoninergique (hyperthermie, CIVD).
f ANTIDÉPRESSEURS POLYCYCLIQUES
Intoxications moins fréquentes aujourd’hui, mais potentiellement sévères, y compris dans un contexte accidentel
chez l’enfant. Nombreuses molécules, que l’on peut classer selon leur nombre de cycles :
■ tricycliques : comporte le chef de file, l’imipramine, qui fait décrire une toxicité « imipraminique ». Les autres
■ bicycliques : miansérine.
Coma, troubles cardiovasculaires graves et convulsions font la gravité des intoxications par antidépresseurs
polycycliques. De structure proche, mirtazapine et miansérine réalisent un tableau atypique, de bien moindre
toxicité : les troubles cardiovasculaires sévères et coma sont exceptionnels.
● MÉCANISME TOXIQUE
Toxiques fonctionnels qui agissent par inhibition de la recapture de neurotransmetteurs, effets anticholinergiques
centraux et périphériques à l’origine d’une encéphalopathie anticholinergique et un syndrome atropinique. Action
alphabloquante et ESM. Effets chrono-, ino- et dromotrope négatifs. Les convulsions, l’hypoxie et l’acidose majo-
rent la toxicité cardiaque.
● TOXICOCINÉTIQUE
Résorption digestive rapide, mais retard d’absorption possible (effets anticholinergiques). Forte liaison protéique,
large diffusion dans les tissus et grand volume de distribution. Métabolisme hépatique (métabolites actifs), demi-
vies très variables (entre 8 et 45 heures), élimination urinaire. Début des effets dans les heures qui suivent
l’ingestion, au maximum dans les 6 heures. Aggravation possible jusqu’à la 72e heure.
42
ANTIDÉPRESSEURS II.5
4/7
● RÉGULATION MÉDICALE
Médicaliser en présence de signes cliniques significatifs ou face à une dose supposée ingérée supra dose toxique
(à partir de 500 mg chez l’adulte. Dose potentiellement létale : 1 000 mg, en monoexposition). Orienter vers des
soins intensifs devant des signes de gravité (QRS élargis > 100 ms, arythmie, troubles de la conscience, convul-
sions, altération hémodynamique).
● CLINIQUE
Ralentissement psychomoteur et signes anticholinergiques souvent inauguraux (tachycardie, mydriase, sécheresse
des muqueuses, rétention d’urine, ralentissement du transit, hyperthermie possible dans les formes graves),
complétés par :
■ des signes neurologiques :
• troubles de la conduction,
• troubles de l’excitabilité,
• hypotension artérielle, évolution vers un état de choc cardiogénique ou mixte, arrêt cardiocirculatoire.
La menace de convulsions et d’arythmie se limitent généralement aux premières 24 heures. Syndrome séroto-
ninergique sévère en coexposition avec les IMAO.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
ECG. Tachycardie sinusale, supraventriculaire ou jonctionnelle. ESM (élargissement des complexes QRS, aplatis-
sement des ondes T, augmentation modérée du QT), déviation axiale droite, syndrome de Brugada, BAV, ESV,
TV, FV, torsade de pointes. Bradyarythmie avant asystolie. La largeur du QRS est prédictive du risque convulsif
et de survenue d’arythmies ventriculaires (risque faible si < 100 ms, majeur si > 160 ms).
Comprimés de clomipramine radio-opaques à l’ASP.
Gazométrie : hypoxémie, hypercapnie, acidose mixte. Suivi d’une hypokaliémie de transfert, d’une rhabdomyolyse
et de la fonction rénale.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
■ Dosages quantitatifs sanguins rarement disponibles en urgence (gravité à partir de 1 mg/L).
■ Recherche qualitative d’intérêt uniquement chez l’intoxiqué non traité ; faux positifs possibles (phénothiazines,
carbamazépines, quétiapine), faux négatifs avec les tétracycliques.
43
II.5 ANTIDÉPRESSEURS
5/7
● PRISE EN CHARGE
Oxygénation. Scope ECG permanent. VVP, hydratation. Suivi de la diurèse (intérêt du sondage urinaire). Intubation
et ventilation mécanique devant coma, encéphalopathie, convulsion, état de choc. Traitement non spécifique des
convulsions, un état de mal réfractaire imposant une curarisation, seule capable d’interrompre le cercle vicieux
toxicité-acidose.
Sels de sodium molaires pour le traitement des conséquences cardiaques de l’ESM : bicarbonate 8,4 % : 250 mL
+ 2 g de KCl, renouvelables. Correction des hypokaliémies sévères uniquement (l’hypokaliémie modérée, mar-
queur d’intoxication, est protectrice).
Prise en charge non spécifique des troubles hémodynamiques : synergie adrénaline/bicarbonate de sodium (choc
cardiogénique), de la noradrénaline/bicarbonate (choc vasoplégique). Assistance circulatoire pour le traitement
d’un état de choc réfractaire.
Maintenir la surveillance du QRS jusqu’à son rétablissement à moins de 100 ms. Six heures de recul avec ECG
normal conditionnent la sortie.
● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Charbon activé en dose unique, dans les 2 heures (respect des contre-indications). Contre-indication formelle de
l’utilisation de flumazénil en cas de co-intoxication par des benzodiazépines (risque convulsif ++). Aucun intérêt
du traitement épurateur.
● PRONOSTIC
Dose, largeur des complexes QRS (> 160 ms), convulsions, association à d’autres toxiques cardiotropes.
f ANTIDÉPRESSEURS INHIBITEURS
DE LA MONOAMINE OXYDASE (IMAO)
Faible nombre de molécules, utilisées comme traitement de la dépression de 2e intension :
■ IMAO non sélectifs de type A et B : irréversible : phénelzine, traylcypromine et iproniazide ;
Certaines molécules historiques sont retirées du marché. La sélégiline est inhibiteur de type B spécifique irré-
versible utilisé dans le traitement de la maladie de Parkinson.
● MÉCANISME DE TOXICITÉ
Toxiques fonctionnels, les IMAO augmentent la concentration synaptique des catécholamines (dopamine, nora-
drénaline) et de la sérotonine en inhibant la monoamine oxydase, enzyme qui catabolise ces substances. Avec
les IMAO irréversibles, l’inhibition est forte, prolongée le temps de l’existence de l’enzyme ; la synthèse de
nouvelles enzymes est nécessaire à la levée de l’action du toxique. Les effets résultent d’une stimulation du
système nerveux central et d’une activité sympathique périphérique excessive.
44
ANTIDÉPRESSEURS II.5
6/7
Le risque réside surtout lors de coexposition, où l’IMAO va majorer significativement le mode d’action des autres
toxiques, par exemple :
■ imipraminiques et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine : syndrome sérotoninergique (voir fiche antidé-
■ stimulants au sens large (Ex : amphétaminiques, adrénergiques) : crise hypertensive paroxystique et ses consé-
Même à doses thérapeutiques, des accidents hypertensifs ont été recensés lors de la consommation d’aliments
riches en tyramine (choux, bananes, certains fromages, poissons, charcuteries, etc.).
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Résorption rapide (moins de 4 heures), mais effets pouvant être retardés (jusqu’à 12 à 24 heures après l’ingestion),
métabolisme hépatique, liaison variable aux protéines plasmatiques, demi-vie plasmatique courte, mais effet
prolongé, notamment avec les IMAO irréversibles. Élimination surtout urinaire.
● RÉGULATION MÉDICALE
Mise en décubitus strict (risque d’hypotension orthostatique). Médicaliser en présence de signes cliniques sévères
ou face à une dose supposée ingérée supra dose toxique (tableaux sévères dès 2 à 3 mg/kg, mise en jeu du
pronostic vital dès 4 à 6 mg/kg) ou face à une prise suicidaire associée.
● CLINIQUE
Intoxication relativement peu sévère en monoexposition. Phase asymptomatique trompeuse de 12 à 24 heures
possible, céphalées, agitation, hallucinations, mydriase, tachycardie, sécheresse de la bouche, hypertonie et
surtout hypotension orthostatique. Toute autre composante cardiaque ou neurologique doit faire rechercher une
coexposition ou une interaction.
● FORMES GRAVES
Coma, convulsions, hyperthermie (maligne possible), tachypnée, hypotension ou hypertension artérielle, des trou-
bles de la repolarisation.
45
II.5 ANTIDÉPRESSEURS
7/7
● BIOLOGIE
Bilan d’hémostase (recherche d’une CIVD), rhabdomyolyse, dyskaliémie, fonction rénale.
● PRISE EN CHARGE
Traitement essentiellement symptomatique. Limiter autant que possible les traitements médicamenteux. Monito-
rage ECG. VVP. Intubation, ventilation assistée si nécessaire. Amines pressives interdites : traiter une hypotension
artérielle par remplissage. Intérêt des sels de sodium molaires face à des troubles de la conduction associés à
une hypotension artérielle.
Syndrome sérotoninergique : voir fiche antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine.
Hyperthermie modérée : paracétamol et refroidissement mécanique.
Hyperthermie maligne : réhydratation, refroidissement physique et dantrolène.
● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Charbon activé en prise unique, dans les deux heures (respect des contre-indications). Pas d’antidote spécifique.
Pas d’intérêt de traitement épurateur.
46
ANTIHISTAMINIQUES H1 II.6
1/3
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Toxicité purement fonctionnelle et précoce (avant H2), mécanisme unique (définissant la classe médicamenteuse)
ou multiple selon les molécules :
■ unique : antagonisme des récepteurs périphériques H1 à l’histamine ;
■ multiple : en plus de l’effet antiH1 périphérique, effet antiH1 central et agonisme ou antagonisme sur un certain
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Les données sont très variables d’un médicament à l’autre, l’élément le plus important étant la variabilité du
temps de vidange gastrique corollaire de l’effet anticholinergique.
Les volumes de distribution > 4 L/kg (1 L/kg pour les nouvelles générations peu toxiques) ne les rendent pas
accessibles à l’hémodialyse.
Le métabolisme est hépatique, hormis pour les nouvelles générations.
● GRANDEURS TOXIQUES
S’agissant de toxiques fonctionnels avec impacts toxicodynamiques multiples, il n’est pas possible de donner de
dose potentiellement toxique ou létale.
Pronostic péjoratif lié au risque de convulsions, à une possible dépression respiratoire (phénothiazines) ou à des
effets cardiaques qui s’observent à doses massives pour certaines des molécules (diphénhydramine, doxylamine),
à l’allongement de l’espace QT.
47
II.6 ANTIHISTAMINIQUES H1
2/3
● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation des patients de tout âge :
■ comateux et/ou convulsivants ;
■ ayant ingéré une dose importante depuis moins de 4 heures, en particulier d’une phénothiazine, de diphénhy-
dramine ou de doxylamine ;
■ ayant co-ingéré un autre médicament susceptible d’allonger l’espace QT.
Orientation hospitalière des enfants en bas âge, au cours des 6 premières heures, hormis pour les médicaments
de 2e et 3e génération (surveillance hospitalière uniquement en cas de symptomatologie).
● CLINIQUE
■ Spécialités antiallergiques de 2e et 3e générations peu ou non toxiques : effets sédatif, anticholinergique et
allongement de QT attendus.
■ Autres molécules, tableau général :
• excitation psychomotrice, ataxie, agitation ;
• sédation allant jusqu’au coma calme, hypo- ou hypertonique selon la molécule ;
• convulsions, voire état de mal convulsif ;
• toxidrome anticholinergique ;
• hypotension, rarement HTA.
■ Spécificités de certaines molécules :
• risque de dépression respiratoire plus élevé avec les phénothiazines et la diphénhydramine ;
• risque d’état de choc avec diphénhydramine et doxylamine ;
• rhabdomyolyse avec doxylamine.
● BIOLOGIE
Pas de retentissement toxicodynamique spécifique.
Nécessité d’exclure toute cause électrolytique d’allongement de l’espace QT : hypokaliémie, hypomagnésémie.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Pas de recherche ou de dosage en routine.
Possible positivité d’un test urinaire de recherche de phénothiazine, peu disponible actuellement.
Risque de perturbation de l’interprétation de la paracétamolémie du fait de l’effet anticholinergique (mise en
défaut du nomogramme spécifique).
48
ANTIHISTAMINIQUES H1 II.6
3/3
● TRAITEMENT
Le charbon activé est contre-indiqué (risque élevé de convulsions, effet anticholinergique constant augmentant
le risque de désorption).
Il répond pour les formes graves au traitement général des intoxications.
Les troubles du rythme et l’ESM justifient leur traitement propre.
L’excitation psychomotrice répond à la prescription d’une benzodiazépine.
Un toxidrome anticholinergique intense fait discuter l’administration de physostigmine :
■ 0,5 à 1 mg en 5 min, renouvelable/10 min, maximum 4 mg ;
■ durée de l’effet pendant 3 à 4 heures, soit beaucoup plus courte que celle du toxidrome.
● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Clinique et ECG jusqu’à guérison complète avec reprise d’un transit digestif normal.
Hospitalisation en UHCD des patients avec symptomatologie mineure et ECG normal.
Hospitalisation en unité de surveillance continue ou en réanimation des formes modérées à sévères, ou avec
troubles ECG.
● PRONOSTIC
Engagé de façon dose-dépendante pour de rares molécules, elles-mêmes peu disponibles dans les pharmacies
familiales.
Engagé potentiellement par troubles du rythme sur allongement de l’espace QT.
IMPORTANT
• Intoxications très rares, potentiellement létales
• Diagnostic basé sur la corrélation anamnèse-clinique
• La surveillance ECG est fondamentale
• Pas de traitement spécifique hormis la physostigmine de façon exceptionnelle
49
ANTI-INFLAMMATOIRES
II.7 NON STÉROÏDIENS
1/2
Intoxication relativement fréquente, mais dont la connaissance est souvent résumée à la gastrotoxicité de ces
médicaments.
Famille hétérogène de médicaments, dont fait partie l’aspirine, dérivés soit de l’acide carboxylique, soit de l’acide
énolique pour les autres spécialités.
Largement prescrits et répandus, d’usage fréquent en automédication, y compris pour leurs propriétés antalgique
et antipyrétique ; existence de formes à libération prolongée et de formes associées.
Ibuprofène très largement prescrit chez l’enfant.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Toxicité fonctionnelle ubiquitaire : inhibition des cyclo-oxygénases avec interruption de la production de certaines
prostaglandines (irritation digestive, vasoconstriction de l’artère glomérulaire efférente) et inhibition du throm-
boxane A2 (effet antiagrégant plaquettaire) ; mécanisme de la neurotoxicité non connu.
● GRANDEURS TOXIQUES
Les doses potentiellement toxiques ou létales sont très variables selon les sous-familles considérées. L’ingestion
d’un conditionnement complet d’une formulation entraîne généralement un tableau symptomatique.
Chez l’enfant, avec l’ibuprofène, tableau toxique pour une DSI > 150 mg/kg, forme sévère pour une DSI
> 400 mg/kg.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Pic plasmatique entre H1 et H4, voire plus tard pour les formes à libération prolongée.
Fixation protéique élevée et faible volume de distribution pour la plupart des molécules.
Métabolisme hépatique avec formation de dérivés non toxiques.
Non accessibles à l’épuration extrarénale.
● RÉGULATION MÉDICALE
Orientation large sur un service d’urgence des patients, d’autant plus qu’ils sont suicidants, isolés, si la DSI est
6 1 conditionnement ou si la DSI et/ou l’heure d’ingestion ne peuvent être estimée(s).
Surveillance à domicile des enfants asymptomatiques.
Au besoin, prise en charge non médicalisée, sauf ingestion massive avérée récente (< 4 heures).
Conseil téléphonique initial d’hydratation en présence de signes fonctionnels et en l’absence de symptomatologie
digestive.
● CLINIQUE
Formes mineures à modérées : troubles digestifs (douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées),
troubles neurosensoriels (céphalées, vision floue, acouphènes, vertiges, somnolence).
Formes graves : insuffisance rénale aiguë, coma, convulsions, troubles de l’agrégation plaquettaire, hémorragies
digestives, état de choc, insuffisance hépatique ; au maximum, syndrome de défaillance multiviscérale.
Forme plus particulièrement convulsivante avec l’acide méfénamique.
50
ANTI-INFLAMMATOIRES
NON STÉROÏDIENS II.7
2/2
● BIOLOGIE
Perturbations rénales en 1er lieu, hépatiques, métaboliques (acidose) et de l’hémostase dans les formes graves.
● TRAITEMENT
Traitement symptomatique, dont hydratation importante (diurèse cible 1 à 1,5 mL/kg/h).
Discuter charbon activé avant H1 si DSI > 20 comprimés, hormis avec l’acide méfénamique.
Pas d’antiulcéreux systématiquement.
● PRONOSTIC
Gravité particulière chez le sujet âgé et/ou insuffisant rénal ou hépatique.
Danger des ingestions massives avec risque de défaillance multiviscérale.
IMPORTANT
• Ne pas banaliser cette intoxication, en particulier chez le sujet à risque d’insuffisance rénale aiguë
• Assurer une bonne hydratation du patient et surveiller la fonction rénale à J1
• Anticiper les convulsions avec l’acide méfénamique et l’orientation en réanimation pour les formes massives
vues précocement
51
II.8 ASPIRINE
1/3
● PRÉSENTATION
Il s’agit de l’acide acétylsalicylique, acide faible, anti-inflammatoire non stéroïdien, métabolisé au niveau hépatique
en acides salicylique et acétique aux doses pharmacologiques.
Principalement utilisé comme antiagrégant plaquettaire de 1re ligne, avec des formulations faiblement dosées,
d’où sa grande disponibilité dans les foyers, en particulier chez les personnes âgées ; existence d’une forme
associée, à libération prolongée.
Très peu prescrit pour ses propriétés antalgiques et anti-inflammatoires, avec des dosages allant de 300 mg à
1 g, dont des formes gastrorésistantes et des formes associées à d’autres antalgiques.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Toxicité fonctionnelle ubiquitaire : inhibition des cyclo-oxygénases avec interruption de la production de certaines
prostaglandines (irritation digestive, vasoconstriction de l’artère glomérulaire efférente) et inhibition du throm-
boxane A2 (effet antiagrégant plaquettaire) ; mécanismes de la cytotoxicité autre non connu.
Toxicité majorée lorsque les tissus et systèmes de l’organisme sont saturés par un traitement de fond (baisse
de la corrélation clinicobiologique, déjà médiocre chez le sujet non traité).
On peut ainsi distinguer 2 types d’intoxication :
■ intoxication aiguë chez un patient « naïf » (non traité au long cours)
● GRANDEURS TOXIQUES
Tableau de gravité (III.32) mineure à modérée pour une DSI de 10 g environ chez l’adulte « naïf », à des doses
plus faibles chez l’enfant (100 mg/kg) et le nourrisson (80 mg/kg) ; dose potentiellement létale de 450 mg/kg
chez l’enfant, 500 mg/kg chez l’adulte (sujets « naïfs » et sains), moindre si sujet traité.
Concentration plasmatique symptomatique > 250-300 mg/L, concentration potentiellement létale > 600 à
900 mg/L selon le terrain et l’existence d’un traitement préalable.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Cinétique d’ordre zéro, mais ralentissement de la vidange gastrique à fortes doses, avec possibilité de formation
de conglomérats (pharmacobézoards) gastriques rendant les données variables.
Pic plasmatique entre H2 et H4, voire plus tard si conglomérats ou forme gastrorésistante.
Fixation protéique élevée à concentration thérapeutique uniquement, et faible volume de distribution, le rendant
accessible à l’épuration extrarénale.
Métabolisme hépatique dépassé en cas de surdosage, avec élimination rénale devenant prédominante, d’autant
plus importante que le pH urinaire est alcalin (diminution de la réabsorption tubulaire).
52
ASPIRINE II.8
2/3
● RÉGULATION MÉDICALE
■ Prise en charge médicalisée en phase précoce, en particulier si patient à risque (pronostic (III.54)) ou en cas
de tachypnée (intérêt d’un bilan secouriste précis).
■ Pas de prescription téléphonique initiale.
■ Après bilan, orientation sur une structure d’urgence pour les formes bénignes à modérées, sur un secteur de
réanimation pour les formes potentiellement graves (nécessité d’une hémodialyse ?).
● CLINIQUE
Formes mineures à modérées : troubles neurosensoriels, agitation, céphalées, hallucinations, troubles de
conscience, tachypnée, sueurs, nausées, vomissements, tachycardie, hypotension artérielle, hyperthermie.
Formes graves : hémorragie digestive, coma, convulsions, hépatite, SDRA, dépression respiratoire, état de choc,
troubles du rythme ventriculaire.
Forme du nourrisson : hyperpnée isolée initiale, déshydratation plus précoce, coma convulsif possible.
● BIOLOGIE
Alcalose respiratoire, puis acidose métabolique à participation lactique (plus précoce chez l’enfant), troubles
hydroélectrolytiques (déshydratation, hypokaliémie), hyper- ou hypoglycémie (chez l’enfant), parfois hypoglyco-
rachie euglycémique (avec trouble de conscience résolutif après apport glucidique), cétose, troubles de l’hémos-
tase (baisse du TP et de la fibrine, allongement du temps de saignement), insuffisance rénale fonctionnelle puis
organique dans les formes graves, avec dans ce cas possibilité d’hémolyse, d’insuffisance hépatique, de rhab-
domyolyse et d’acidose mixte signant un épuisement respiratoire.
● TRAITEMENT
Traitement symptomatique dont hydratation importante (diurèse cible 1,5 mL/kg/h), alcalinisation si acidose méta-
bolique, apports de KCl (2 g/L de bicarbonate 1,4 %), refroidissement externe et (hyper)ventilation assistée en
fonction du trouble de conscience et du statut respiratoire.
Apport glucidique si hypoglycémie ou en test si trouble de conscience euglycémique.
Charbon activé avant H1 ; retrait de pharmacobézoards à considérer.
Diurèse alcaline avec pHu cible > 7,5 si K+ > 4,5 car majore l’hypokaliémie et acidurie paradoxale en alcalose
hypokaliémique.
EER : à discuter pour toute forme grave et/ou salicylémie > 0,8 g/L après hydratation suffisante (> 0,6 g/L si
chronique).
Vit K au besoin ou préventivement si ingestion massive.
53
II.8 ASPIRINE
3/3
● PRONOSTIC
Outre le sujet traité au long cours, gravité particulière aux âges extrêmes de la vie, ou en cas d’insuffisance
rénale ou hépatique.
IMPORTANT
• Évoquer cette intoxication chez le nourrisson et devant un tableau complexe chez le sujet âgé ; diagnostic
différentiel d’une acidocétose, d’un choc septique...
• Mauvaise corrélation toxicocinétique/toxicodynamie, en particulier en cas d’ingestion d’une forme
gastrorésistante
• Dosage plasmatique impératif mais concentration à corréler à l’état d’hydratation
• Hémodialyse parfois nécessaire
54
BENZODIAZÉPINES II.9
1/2
Médicaments prescrits dans l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil. L’intoxication aiguë volontaire est
très fréquente.
Toutes les benzodiazépines (BZD) ont à doses massives des propriétés anxiolytiques, sédatives, anticonvulsivantes,
myorelaxantes et amnésiantes. Certaines sont surtout sédatives (ex : flunitrazepam), d’autres sont surtout anxio-
lytiques (ex : alprazolam) ou anticonvulsivantes (clonazepam). On associe aux BZD des molécules apparentées,
zolpidem et zopiclone.
Elles agissent sur le système GABAergique. Elles peuvent être responsables du développement d’une tolérance
et d’une addiction.
Morbidité et mortalité sont faibles, sauf molécule très sédative (ex : flunitrazepam) ou association (alcool éthylique,
antidépresseurs).
Ce sont des toxiques fonctionnels, la corrélation clinicobiologique est assez bonne. Leur grand volume de distri-
bution exclut toute tentative d’épuration.
● RÉGULATION MÉDICALE
Pic de gravité vers la 3e-4e heure dans la majorité des cas.
Selon la clinique à l’appel et la distance, moyens secouristes en phase très précoce ou intervention médicalisée
(troubles de conscience, dépression respiratoire).
Une structure d’urgence est la destination habituelle. Une association synergique (ex : alcool) peut justifier l’admis-
sion en secteur de surveillance continue.
Conseils secouristes à l’appel, aucune prescription à distance.
● CLINIQUE
De troubles de conscience à coma calme hypotonique avec une dépression respiratoire modérée, sans compli-
cation cardiovasculaire (bradycardie possible avec flunitrazepam).
Une désinhibition initiale est possible : agitation, hallucinations.
La myorésolution peut être très importante chez le sujet âgé, avec encombrement bronchique et un risque accru
d’inhalation.
L’intoxication de l’enfant est le plus souvent accidentelle et monomédicamenteuse, les signes cliniques sont peu
marqués pour quelques comprimés.
L’ECG, normal si BZD seules, est systématique : élimination de tout risque lié à une éventuelle association
(antidépresseurs en particulier).
● BIOLOGIE
Pas de marqueur de gravité. Biologie de routine le plus souvent normale.
L’analyse toxicologique (immunochimie) n’est pas indispensable à la prise en charge ; le dosage n’a aucun intérêt.
55
II.9 BENZODIAZÉPINES
2/2
● ÉVOLUTION
Rapidement favorable dans la majorité des cas si BZD seules. La myorésolution chez le sujet âgé peut la prolonger
(encombrement bronchique, difficultés au lever). L’entretien psychiatrique peut être retardé du fait de l’effet
amnésiant des BZD. Un syndrome de sevrage (agitation, confusion, convulsions) peut apparaître si traitement en
cours de longue durée.
● TRAITEMENT
Surveillance simple et traitement symptomatique dans la majorité des cas si BZD seules.
Charbon activé en dose unique à discuter la première heure.
Dans le cas rare d’une dépression respiratoire marquée avec coma profond :
■ soit approche mécanique avec intubation et assistance respiratoire. À privilégier jusqu’au réveil complet et
0,2 mg IVD jusqu’à 2 mg. Réinjections successives selon la clinique. Oxygénothérapie. Ce choix ne doit pas
entraîner un allègement de la surveillance du patient : on guérit l’intoxiqué (suppression des effets), pas l’intoxi-
cation (aucune action sur la cinétique des BZD). Le flumazénil est contre-indiqué en cas d’association avec
une molécule convulsivante (antidépresseurs en particulier).
IMPORTANT
• Attention aux associations (alcool, antidépresseurs)
• Reconnaître la myorésolution chez le sujet âgé
• Contre-indications fréquentes du flumazénil
• Syndrome de sevrage possible au réveil
56
BÊTABLOQUANTS II.10
1/3
Antagonistes compétitifs des catécholamines, les bêtabloquants (Bb) ciblent les récepteurs bêta-adrénergiques
sans restreindre leurs effets à l’appareil cardiovasculaire. Tentatives de suicide et ingestions accidentelles (y
compris de collyres, notamment chez l’enfant) exposent au risque d’intoxications fonctionnelles sévères, certes
relativement rares, mais avec une diversité d’effets et mise en jeu rapide du pronostic vital, même sur cœur
sain. Leur prise en charge mérite la plus grande attention dès la régulation médicale.
Les molécules sont nombreuses, aux propriétés pharmacologiques diverses et hétérogènes : liposolubilité, car-
diosélectivité, effet alphabloquant ou sympathomimétique intrinsèque.
● MÉCANISMES TOXIQUES
À doses toxiques, les profils pharmacologiques s’émoussent : effets bathmo-, dromo-, chrono- et inotrope négatifs.
Les conséquences cardiovasculaires graves surviennent par blocage de la conduction et par effet inotrope négatif
cardiaque à l’origine d’un état de choc cardiogénique pouvant devenir réfractaire. L’ESM majore la toxicité
(notamment propranolol, acébutolol, alprénolol, bêtaxolol, carvédilol, labétalol, métoprolol, nadoxolol, pindolol,
penbutolol, oxprénolol). Le sotalol (antiarythmique de classe III, Vaughan-Williams) expose au risque d’allongement
du QT et de torsades de pointes. La corrélation entre la dose et la gravité est relativement faible, la sensibilité
interindividuelle grande. La forme de propranolol LP est la plus susceptible d’entraîner un tableau sévère.
● ÉLÉMENTS TOXICOCINÉTIQUES
Variable d’une molécule à l’autre, l’absorption digestive est excellente et rapide. Large volume de distribution et
liaison protéique plasmatique élevée. Le métabolisme est hépatique (métabolites actifs parfois), l’élimination,
rénale, hépatique ou mixte.
Une intoxication est rendue peu probable en l’absence d’effet en moins de 6 heures pour les forme non LP, 8 à
10 heures pour les formes LP, 12 à 14 heures pour le sotalol. Sauf formes LP et/ou voies d’élimination altérées,
le tableau clinique dure généralement moins de 72 heures.
● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation systématique, précoce. Risque cardiovasculaire au premier plan. L’emport de traitements non
habituellement disponibles en Smur trouve sens : glucagon et insuline rapide en quantité, voire émulsions lipi-
diques (Bb liposolubles). Considérer l’intérêt d’une CEC (ECMO). Orienter le patient vers une réanimation médicale,
idéalement adossée à un plateau technique cardiovasculaire ; à défaut vers des soins intensifs de cardiologie.
Proscrire l’admission dans une structure d’urgence.
● TABLEAU CLINIQUE
Bradycardie, hypotension artérielle jusqu’à un choc cardiogénique réfractaire.
57
II.10 BÊTABLOQUANTS
2/3
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Monitorage ECG permanent, tracés répétés, systématiques : bloc aux trois étages (auriculoventriculaire, sino-
auririculaire, intraventriculaire), bloc de branche droit, hémibloc antérieur gauche. Élargissements des complexes
QRS (ESM). Milieu intérieur : conséquences non spécifiques de l’hypoperfusion tissulaire secondaire à l’hypoten-
sion artérielle ou l’état de choc : troubles acidobasiques et rénaux notamment, hypokaliémie de transfert en cas
d’ESM. hypoglycémie.
Dosage des Bb non disponible en routine et sans intérêt décisionnel.
● PRISE EN CHARGE
Le traitement est essentiellement symptomatique avec pour objectif le maintien d’un hémodynamique acceptable,
le temps de l’orage fonctionnel :
■ oxygénothérapie au masque à haute concentration ou après intubation. Monitorage cardiocirculatoire continu.
■ amines pressives bêta-agonistes. Fortes doses souvent nécessaires : dobutamine à doses croissantes jusqu’à
25 μg/kg/min (fonction de la réponse au remplissage et de l’évolution clinique, puis adaptation au profil hémo-
dynamique). Associations complémentaires possibles, glucagon-dobutamine, glucagon-isoprénaline,
glucagon-adrénaline ;
■ isoprénaline : si bradycardie par sotalol (risque de torsade de pointes) ;
■ intérêt de l’adrénaline en cas d’échec dobutamine + glucagon ou en présence d’un effet alphabloquant ;
Traitement non spécifique des conséquences de l’ESM : bicarbonate de sodium molaire, anticonvulsivants.
58
BÊTABLOQUANTS II.10
3/3
● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Lavage gastrique proscrit. Charbon activé dans les deux heures dans le respect des contre-indications (adminis-
tration répétée possible en présence d’une forme LP). Glucagon et agonistes adrénergiques jouent le rôle d’anti-
dote. Épuration extrarénale sans intérêt.
Thérapeutiques d’exception :
■ insulinothérapie euglycémique : 1 UI/kg en bolus, puis 0,5 UI/kg/h en perfusion, associée à du sérum glucosé
● PRONOSTIC
Précocité de la prise en charge. Réponse initiale à l’atropine. Coexposition à un autre cardiotrope (notamment
inhibiteurs calciques). Cardiopathie préexistante.
IMPORTANT
• Risque cardiovasculaire majeur : état de choc réfractaire, asystolie
• Médicalisation précoce, systématique
• Perte de chance en l’absence d’une orientation initiale adaptée
• La mise en place d’une assistance circulatoire peut être envisagée
59
II.11 CARBAMAZÉPINE
1/2
La carbamazépine, de structure proche de celle des antidépresseurs tricycliques, a deux indications principales :
dans l’épilepsie comme anticonvulsivant et thymorégulateur dans les troubles bipolaires. Différentes formes
galéniques, dont des formes à libération prolongée, sont disponibles.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Mal connus, avec une atteinte neurologique centrale prédominante. La carbamazépine bloque la perméabilité des
canaux sodiques et diminue la transmission synaptique en agissant au niveau présynaptique ; elle n’aurait aucune
action sur le système GABAergique.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
À doses massives, l’absorption est ralentie du fait d’une action anticholinergique et de la formation de conglo-
mérats intragastriques. La liaison protéique est de 70 %. La demi-vie d’élimination est longue, de 26 heures pour
la carbamazépine et de 16,5 heures pour son métabolite actif époxydé. Des doses toxiques théoriques sont
proposées : > 3 g chez l’adulte, 30 mg/kg chez l’enfant. La carbamazépine est inducteur enzymatique.
● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation si signes de détresse vitale.
Admission en structure d’urgence ou en réanimation en fonction de la clinique.
● CLINIQUE
Signes neurologiques : coma hypertonique, convulsions, EDME, signes anticholinergiques.
Signes cardiovasculaires : tachycardie sinusale, ESM, bradycardie sinusale ou BAV.
Signes respiratoires : détresse respiratoire aiguë, hypoventilation alvéolaire.
● BIOLOGIE
Hypokaliémie de transfert et hyponatrémie par SIADH.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Intérêt du dosage sanguin rapide par immunoanalyse (interférence possible avec la structure tricyclique). Le suivi
des concentrations n’est pas nécessaire.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
ECG systématique à la recherche d’un ESM.
60
CARBAMAZÉPINE II.11
2/2
● TRAITEMENT
Le traitement est symptomatique. Il n’y a ni antidote ni traitement spécifique.
Charbon activé en dose unique à l’admission en l’absence de risque d’inhalation bronchique. Recommandations
internationales pour l’administration de charbon activé à doses répétées (dialyse intestinale).
Correction de l’ESM par solutés IV de bicarbonate molaire (250 mL + 2 g de KCl, à répéter sans dépasser 750 mL).
Traitement des convulsions par diazépam, clonazépam.
Remplissage prudent en cas de collapsus (< 1 500 mL), amines pressives. Un état de choc réfractaire peut faire
discuter l’indication d’une assistance circulatoire.
● PRONOSTIC
Favorable dans la grande majorité des cas.
Les formes graves sont rares.
IMPORTANT
• Atteinte neurologique prédominante habituellement
• Attention aux complications cardiovasculaires
• Traitement symptomatique
61
II.12 CHAMPIGNONS
1/9
● LATENCE LONGUE
Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement
62
CHAMPIGNONS II.12
2/9
63
II.12 CHAMPIGNONS
3/9
64
CHAMPIGNONS II.12
4/9
65
II.12 CHAMPIGNONS
5/9
● LATENCE COURTE
Syndromes Espèces en cause Toxines Latence Symptomatologie Traitement
66
CHAMPIGNONS II.12
6/9
67
II.12 CHAMPIGNONS
7/9
68
CHAMPIGNONS II.12
8/9
69
II.12 CHAMPIGNONS
9/9
70
CHLOROQUINE II.13
1/2
Antipaludéen de synthèse dont la marge thérapeutique est très faible. Intoxication rare mais grave, qui fait l’objet
d’un protocole spécifique de prise en charge.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
À fortes doses, la chloroquine a deux effets toxiques principaux : un effet ESM quinidine-like et surtout un puissant
effet vasodilatateur artériel.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’adsorption digestive de la chloroquine est rapide et complète en moins de 3 heures. L’élimination est très lente
avec une demi-vie d’élimination supérieure à 24 heures. L’épuration extrarénale n’a aucun intérêt.
● RÉGULATION MÉDICALE
Le délai de survenue des symptômes est de 30 min à 6 heures environ après l’ingestion. Le risque principal est
la survenue brutale d’un arrêt cardiaque. Le patient peut être conscient à l’appel et mourir en quelques minutes...
La médicalisation de l’intervention est donc systématique, sans délai, quels que soient les signes à l’appel. Le
protocole thérapeutique (cf. infra) doit être mis en œuvre en préhospitalier. Penser à prendre du diazépam au
départ si absent de la dotation habituelle.
Le patient doit être adressé directement en Unité de soins intensifs cardiologiques ou en réanimation.
● CLINIQUE
Il faut insister sur la fréquente pauvreté des symptômes initiaux et la brutalité de survenue des complications.
Symptômes cardiovasculaires : hypotension artérielle, choc cardiogénique ou vasoplégique, troubles du rythme
ventriculaires, bradycardie.
Symptômes neurologiques : signes neurosensoriels (acouphènes, hypoacousie, vertiges, flou visuel, diplopie, cécité
transitoire), agitation, anxiété. Convulsions et coma sont associés à une insuffisance circulatoire.
Symptômes digestifs : nausées, vomissements.
Symptômes respiratoires : polypnée.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
L’hypokaliémie (de transfert) est un bon marqueur de gravité.
L’ECG est souvent anormal (dérivation D2) : QRS et QT allongés, ondes T aplaties, bradyarythmie à complexes
larges, TV, torsade de pointes, asystolie.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Même si le dosage ne modifie pas vraiment la conduite à tenir, il est intéressant d’obtenir le dosage sanguin de
la chloroquine par HPLC si cela est possible ; la corrélation clinicobiologique est en effet assez bonne. L’ancienne
technique colorimétrique devrait être abandonnée. Sous traitement, la mortalité est inférieure à 1 % pour une
concentration < 25 μmol/L.
71
II.13 CHLOROQUINE
2/2
● TRAITEMENT
Des critères pronostiques ont été validés pour cette intoxication, en fonction de la dose supposée ingérée (DSI),
de la PA systolique et de la durée du QRS. Ils doivent être réévalués régulièrement pour ne pas ignorer une
possible aggravation.
Dans les formes graves, le protocole suivant doit être appliqué systématiquement :
■ remplissage modéré et prudent ;
■ adrénaline 0,25 μg/kg/min au début, puis adapté pour PA systolique > 100 mmHg ;
■ bicarbonate 8,4 % en perfusion en 15-20 min (250 mL + 2 g KCl), si QRS allongé et hypotension artérielle.
Le charbon activé adsorbe la chloroquine ; il peut être administré précocement en dose unique en l’absence de
contre-indications et sans retarder le traitement spécifique.
En cas d’arrêt cardiaque ou d’état de choc réfractaire, discuter l’assistance circulatoire.
Le traitement sera poursuivi en milieu hospitalier, adapté à la situation cardiovasculaire ; des doses lentement
dégressives d’adrénaline et de diazépam amènent à l’extubation et à la guérison en 48 à 72 heures habituellement.
IMPORTANT
• Intoxication grave
• Médicalisation préhospitalière systématique
• Protocole spécifique de prise en charge
72
COLCHICINE II.14
1/2
Médicament initialement prescrit dans la goutte, mais dont les indications se sont élargies : fièvre méditerranéenne
familiale, maladie de Behçet, prévention des récidives de péricardite aiguë. L’intoxication aiguë est rare, mais
très grave. La symptomatologie est directement corrélée à la dose ingérée. Une spécialité (Colchimax®) associe
de la colchicine, un dérivé atropinique et de la poudre d’opium : piège diagnostique du fait du retard à l’apparition
des symptômes. Des intoxications avec la plante colchique, parfois confondue avec de l’ail, sont possibles.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Poison du fuseau, la colchicine a un effet antimitotique. L’atteinte cardiovasculaire par diminution de la contractilité
myocardique est le risque principal de l’intoxication.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
La colchicine a une résorption digestive rapide. L’élimination fécale est importante : il faut respecter les diarrhées !
Compte tenu d’un grand volume de distribution, l’épuration extrarénale est sans intérêt. Une proportion importante
est éliminée par voie rénale sous forme inchangée, mais aucune technique d’élimination rénale n’est
recommandée.
● RÉGULATION MÉDICALE
La symptomatologie est dose-dépendante (cf. infra). La prise en charge doit être médicalisée et le patient admis
en réanimation. Le traitement préhospitalier est symptomatique ; une assistance circulatoire peut être discutée
en cas de choc cardiogénique. Pas de prescription à distance.
● CLINIQUE
La symptomatologie est dose-dépendante.
73
II.14 COLCHICINE
2/2
● BIOLOGIE
Pas de marqueur spécifique. Biologie de routine en fonction de la clinique. Surveillance de l’état d’hydratation,
surveillance hématologique. Une hyperleucocytose > 18 000/mm3 et un taux de prothrombine < 20 % sont de
mauvais pronostic.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage de colchicine, que peu de laboratoires peuvent réaliser, n’a pas d’intérêt en urgence. La mise en
évidence d’opiacés dans le sang ou les urines permet d’étayer une suspicion d’intoxication par Colchimax®.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Pas d’examen spécifique. ECG de principe.
● TRAITEMENT
Le charbon activé adsorbe la colchicine ; il peut être donné en une dose unique, si les troubles digestifs le
permettent.
Le traitement est essentiellement symptomatique, adapté à l’intensité des signes digestifs et de la déshydratation
(en respectant les diarrhées), aux troubles hématologiques et à leurs conséquences éventuelles infectieuses et
hémorragiques.
Le traitement de l’état de choc doit se faire sous une stricte surveillance hémodynamique, en associant rem-
plissage prudent et amines pressives. L’indication d’une assistance circulatoire doit être discutée.
Des fragments Fab anticolchicine ont pu donner d’excellents résultats ; ils ne font pas l’objet d’une véritable
production industrielle et ne sont donc pas disponibles en routine. Leur mise à disposition au cas par cas nécessite
l’appel d’un CAP.
IMPORTANT
• Intoxication grave, dose-dépendante
• Aplasie médullaire et choc cardiogénique font la gravité de l’intoxication
74
CYANURES II.15
1/2
Les circonstances d’intoxication par les cyanures sont surtout actuellement les fumées d’incendie par exposition
à des vapeurs d’acide cyanhydrique. Les intoxications volontaires par sels de cyanure sont devenues très rares,
ainsi que les exceptionnelles intoxications accidentelles par ingestion de noyaux d’abricot chez l’enfant ou par
perfusion de nitroprussiate de sodium en thérapeutique.
La probabilité d’une utilisation terroriste des cyanures est faible, en particulier du fait du caractère très volatile
des vapeurs d’acide cyanhydrique.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
L’ion cyanure se lie au fer ferrique des cytochromes ; le blocage des cytochromes oxydases mitochondriales
empêche alors l’utilisation cellulaire de l’oxygène. L’intoxication conduit à une hypoxie tissulaire et cellulaire
généralisée.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’ion cyanure est très vite éliminé. Les produits en cause ne sont pas dosables en règle générale.
● RÉGULATION MÉDICALE
Les effets toxiques après ingestion peuvent être retardés de 15 à 30 min, mais les effets sont quasi-immédiats
après inhalation. La médicalisation est systématique avec emport d’hydroxocobalamine au départ de l’équipe.
Attention à l’exposition éventuelle à des vapeurs toxiques. Les formes graves (coma, insuffisance circulatoire)
sont adressées en réanimation ; les formes de gravité modérées peuvent être orientées vers une structure
d’urgence.
● CLINIQUE
Tous les signes cliniques sont à des degrés divers des signes d’hypoxie, cérébrale ou cardiaque en particulier,
allant de simples troubles du comportement jusqu’à l’insuffisance circulatoire aiguë et l’arrêt cardiaque. Des
signes en apparence peu graves (désorientation, agitation, obnubilation) doivent être interprétés comme des
signes d’hypoxie.
● BIOLOGIE
Le lactate sanguin est un marqueur documenté de l’intoxication cyanhydrique : > 8 mmol/L après ingestion de
sels de cyanure, > 10 mmol/L après inhalation de vapeurs d’acide cyanhydrique.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Les ions cyanures sont rapidement éliminés du sang. Leur dosage, qui n’a pas d’intérêt décisionnel, n’est possible
que dans quelques laboratoires (méthode colorimétrique ou mieux méthode chromatographique, HPLC ou CPG).
Un prélèvement conservatoire précoce réalisé en préhospitalier est intéressant pour documentation ultérieure de
l’intoxication.
75
II.15 CYANURES
2/2
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Pas d’examen spécifique, ECG de principe.
● TRAITEMENT
■ Traitement symptomatique d’une insuffisance circulatoire aiguë, d’un arrêt cardiaque.
■ Oxygénothérapie précoce au masque à haute concentration ou après intubation. L’oxygène a un effet antidotique
propre par loi d’action de masse sur les cytochromes oxydases mitochondriales.
■ L’antidote spécifique à privilégier est l’hydroxocobalamine (Cyanokit® 5 g). Coûteuse mais disponible en routine
dans les hôpitaux, elle est présente aussi en quantité dans les malles antidotes des lots PSM des Samu français.
Elle forme un complexe atoxique éliminé par les urines, la cyanocobalamine. Dose initiale de 5 g chez l’adulte,
de 70 mg/kg chez l’enfant, en perfusion IV en 15 min. Cette dose peut être renouvelée dans les formes sévères
de l’intoxication (coma, collapsus persistant, arrêt cardiaque). Dépourvue d’effets secondaires, l’hydroxocoba-
lamine peut colorer temporairement les téguments et les urines en rose.
■ À défaut d’hydroxocobalamine et/ou en cas de très nombreuses victimes, de l’EDTA dicobaltique (Kelocyanor®),
disponible dans les malles antidotes des lots PSM des Samu en France, peut être utilisé ; il forme avec les
ions cyanures un chélate non toxique éliminé dans les urines. Son administration se fait par voie intraveineuse.
En l’absence de cyanure dans l’organisme, c’est la toxicité du cobalt qui peut s’exprimer : nausées, vomisse-
ments, atteinte cardiaque, convulsions, hypoglycémie, anaphylaxie ; l’utilisation de ce produit suppose donc
une très forte présomption d’intoxication par les cyanures. La posologie initiale chez l’adulte est de 600 mg IV
en 30 secondes, soit 2 ampoules de 300 mg, en association avec l’injection IV de 50 mL d’une solution hyper-
tonique de glucose pour prévenir une éventuelle hypoglycémie liée au cobalt.
IMPORTANT
• Intoxication grave
• Importance de l’oxygénothérapie précoce
• Un antidote spécifique, l’hydroxycobalamine
76
DIGITALIQUES II.16
1/3
Il s’agit le plus souvent d’un surdosage thérapeutique en digoxine ou hémigoxine, plus rarement d’une intoxication
volontaire aiguë. Les rares intoxications par les plantes contenant des hétérosides cardiotoniques (digitale pourpre,
laurier rose) et les exceptionnelles intoxications par ingestion de préparations à base de crapauds du genre Bufo
relèvent de la même prise en charge.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Les digitaliques inhibent la Na+/K+-ATPase membranaire, au niveau du myocarde, mais aussi des fibres muscu-
laires lisses. L’effet est l’augmentation de la concentration intracellulaire de sodium, entraînant l’augmentation
du calcium intracellulaire, ce qui entraîne une contractilité accrue. À doses toxiques, l’automaticité, l’excitabilité
et le potentiel de repos sont augmentés et des post-potentiels oscillants provoquent des dépolarisations préma-
turées. Le potassium extracellulaire est augmenté. Les digitaliques ont aussi un effet sur le système nerveux
autonome : le tonus vagal est augmenté, contribuant à la conduction diminuée du nœud sinusal et du nœud
atrioventriculaire. Le tonus sympathique est diminué à doses thérapeutiques et accru à doses toxiques, ce qui
peut participer à une vasoconstriction mésentérique. Ainsi, à fortes doses, ces effets induisent l’association de
dysrythmies ventriculaires et de troubles de conduction.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
La digoxine a une biodisponibilité médiocre (60 %), une faible liaison protéique (25 %), un volume de distribution
important (5,6 L/kg) qui la rend inaccessible à l’épuration extrarénale. L’élimination de la digoxine est rénale,
sous forme inchangée, avec une demi-vie de 1,6 j à doses thérapeutiques. Une insuffisance rénale préexistante,
une hypokaliémie, sont des facteurs aggravant de l’intoxication.
● RÉGULATION MÉDICALE
Prise en charge médicalisée systématique, quels que soient les signes à l’appel. Le traitement spécifique par
anticorps peut être initié en préhospitalier dans les formes graves (cf. infra). Le patient doit être orienté directement
vers une unité de soins intensifs cardiologiques ou une unité de réanimation. Aucune prescription à distance
n’est nécessaire, sauf gestes de secourisme si nécessaire (asystolie). En cas d’arrêt cardiaque devant témoins
ou de choc cardiogénique, une procédure de mise en place d’une assistance circulatoire peut être discutée.
● CLINIQUE
Riche et polymorphe.
Signes digestifs, constants et évocateurs dans le contexte : nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdo-
minales. L’anorexie est un signe d’alerte classique de surdosage. L’infarctus mésentérique par vasoconstriction
est une complication redoutable.
Signes visuels évocateurs : dyschromatopsie (vision en jaune), vision floue, scotomes
Signes neurologiques : obnubilation, agitation, confusion, délire.
Signes cardiaques : bradycardie, troubles de conduction auriculoventriculaire, troubles du rythme ventriculaire,
choc cardiogénique, asystolie.
77
II.16 DIGITALIQUES
2/3
● BIOLOGIE
Une hyperkaliémie, reflet de l’action cellulaire des digitaliques, est un bon marqueur de gravité de l’intoxication.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage plasmatique des digitaliques est indispensable. Une concentration > 2 ng/mL affirme l’intoxication.
L’ECG est toujours anormal : ondes T aplaties ou négatives, segment ST sous-décalé, bradycardie sinusale, bloc
sino-auriculaire ou auriculo-ventriculaire, rythme jonctionnel, ESV, TV, FV, torsade de pointes, asystolie. La cupule
digitalique n’est qu’un signe d’imprégnation thérapeutique.
● TRAITEMENT
Dans l’immédiat, monitorage cardiaque continu et atropine 0,5 à 1 mg IV en cas de bradycardie. Dose unique
de charbon activé à discuter si intoxication aiguë.
L’essentiel du traitement repose sur l’administration précoce d’anticorps antidigoxine (fragments Fab). Des fac-
teurs pronostiques de gravité ont été validés pour justifier d’une neutralisation molaire ou semimolaire des
digitaliques présents dans l’organisme.
La neutralisation doit être molaire si un seul des facteurs péjoratifs suivant est présent :
■ arythmie ventriculaire (fibrillation ou tachycardie ventriculaire) ;
La neutralisation est semimolaire, quand trois des facteurs suivants sont présents :
■ sexe masculin ;
■ cardiopathie préexistante ;
■ âge 6 55 ans ;
Le calcul de la dose d’anticorps à administrer repose sur le calcul de la quantité présente dans l’organisme,
sachant que 80 mg d’anticorps neutralisent 1 mg de digoxine. La charge corporelle en digitalique (en mg) est :
■ pour une intoxication par ingestion massive : quantité supposée ingérée (en mg) × biodisponibilité du digitalique,
78
DIGITALIQUES II.16
3/3
Attention : les différentes formes commerciales de fragments Fab (Digidot®, Digibind®, DigiFab®, etc.) peuvent
contenir des quantités différentes d’anticorps.
En cas de bloc de haut degré, de bradycardie extrême, l’indication d’un entraînement électrosystolique n’est
considérée actuellement qu’à défaut de disponibilité rapide des anticorps.
Sous réserves d’une prise en charge précoce et d’un traitement spécifique par anticorps, l’évolution est le plus
souvent favorable.
IMPORTANT
• Intoxication grave, malgré une présentation clinique parfois rassurante
• Mortalité de 10 % environ en l’absence de traitement précoce
• Traitement spécifique par anticorps
• 80 mg d’anticorps neutralisent 1 mg de digoxine
79
II.17 ÉTHYLÈNE GLYCOL
1/4
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Il s’agit d’un toxique mixte, fonctionnel à révélation tardive (substance mère et métabolite aldéhyde), puis lésionnel
plus tardif encore (métabolites acides) ; peu toxique par lui-même, l’enjeu thérapeutique sera de bloquer son
métabolisme principal, ses métabolismes secondaires, certes très lents, permettant alors son élimination.
Absorption potentielle par voie digestive, également par voie cutanée sur peau lésée ou respiratoire (limitée car
est irritant).
Métabolisé en glycolaldéhyde sous l’action de l’alcool-déshydrogénase, lui-même métabolisé en acides glycolique,
puis glyoxylique sous l’action de l’aldéhyde-déshydrogénase, puis par oxydation, le métabolisme terminal condui-
sant à plusieurs molécules, dont l’acide oxalique et la glycine (par une voie pyridoxinodépendante).
Les molécules les plus toxiques sont les acides glycolique (acidose métabolique, cytotoxicité neuronale et rénale)
et oxalique (atteintes rénale et cardiaque en partie par précipitation de cristaux d’oxalate de calcium, chélation
de l’ion calcium avec hypocalcémie). L’impact des biotransformations sur le métabolisme du pyruvate peut
entraîner une hyperlactatémie (modérée), de même qu’une perturbation de la phosphorylation oxydative est
avancée.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Par voie digestive, absorption rapide, pic plasmatique < 2 heures, volume de distribution et fixation protéique
très faibles, le rendant accessible à l’hémodialyse.
Élimination rénale prédominante de la molécule mère et des principaux métabolites, demi-vie d’élimination spon-
tanée de 3 à 8 heures, prolongée à plus de 10 heures par le traitement antidotique.
● GRANDEURS TOXIQUES
En ingestion, chez un adulte, tableau toxique à partir de 10 mL de produit pur, risque létal à partir de 100 mL,
avec une très grande variabilité interindividuelle.
● RÉGULATION MÉDICALE
Utilité d’une médicalisation si l’ingestion remonte à moins de 6 heures par une équipe disposant de l’antidote
spécifique (fomépizole) ; à défaut, même en l’absence de signes de gravité, on peut discuter la prescription à
distance d’alcool éthylique en cas de délai long d’acheminement vers une structure d’urgence.
Médicalisation également des patients comateux et/ou en hyperventilation ; hospitalisation en service de
réanimation.
80
ÉTHYLÈNE GLYCOL II.17
2/4
● CLINIQUE
Après 4 à 12 heures de latence : troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales), troubles
neurologiques (céphalée, ébriété, nystagmus, somnolence, coma hypotonique, convulsions), polypnée d’acidose,
polyurie, soif ; les signes de dépression du système nerveux central peuvent être plus précoces en cas d’ingestion
massive.
12-24 heures après l’ingestion : possible tableau de myocardite (tachycardie, HTA, troubles du rythme – FA,
ESV –, insuffisance circulatoire aiguë, OAP), de myosite, de tétanie.
Entre la 24 et la 72e heure : tubulopathie aiguë anurique ou à diurèse conservée, atteintes neurologiques (œdème
cérébral, lésion du tronc cérébral).
2e et 3e semaines, suite à des formes graves : atteinte des paires crâniennes, déficits cognitifs, parfois définitifs.
● BIOLOGIE
Phase précoce, présence prépondérante de l’éthylène-glycol : existence d’un trou osmolaire (osmolarité mesurée
à l’osmomètre – osmolarité calculée), 1 g/L d’éthylène glycol générant 16 mOsmol ; la pratique de l’osmométrie
par la méthode du Δ-cryoscopique tend malheureusement à disparaître.
Phase plus tardive, présence prépondérante d’acides glycolique et glyoxylique : acidose métabolique à trou anio-
nique élevé, avec possible participation lactique, insuffisance rénale aiguë.
Attention aux artéfacts de mesure de la lactatémie par la méthode à la L-lactate oxydase sur certains appareils
à gazométrie, la méthode de référence étant celle à la lactico-déshydrogénase.
Doser la CK totale, la calcémie.
Rechercher des cristaux urinaires d’oxalate de calcium (associés à hématurie et protéinurie).
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Elle confirme l’intoxication mais n’est pas rapidement accessible à tous les services d’urgence ; elle se fait par
méthode enzymologique ou en CPG et est rendue en 1 heure environ ; son suivi est à discuter selon la situation
(choix de l’antidote, possibilité ou non d’hémodialyse) ; une interférence de dosage avec le propylène-glycol est
possible.
L’idéal serait le dosage associé de l’acide glycolique, d’accès encore plus restreint.
81
II.17 ÉTHYLÈNE GLYCOL
3/4
● TRAITEMENT
Les indications sont :
■ une dose ingérée > 0,15 g/kg (0,135 mL/kg de produit pur),
■ ou un trou anionique > 16 mmol/L (auquel peut participer une hyperlactatémie et/ou une cétonémie, notamment
● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Clinique : état neurologique, rythme cardiaque et fonction myocardique.
Biologique : pH, lactate, trous osmolaire et anionique.
Peut se faire en UHCD en l’absence de nécessité de traitement, en unité de surveillance continue en cas de
décision de traitement antidotique, est obligatoire en réanimation en cas de nécessité de ventilation assistée
et/ou d’hémodialyse.
82
ÉTHYLÈNE GLYCOL II.17
4/4
● PRONOSTIC
Risque de décès si forme grave prise en charge tardivement.
Risque de séquelles rénales et neurologiques (paires crâniennes, cognition).
IMPORTANT
• Le tableau est retardé et prolongé
• Bien différencier les 2 phases de l’intoxication
• Surveiller les fonctions rénale, circulatoire et neurologique
• Pronostic vital pouvant être engagé, risque de séquelles rénales et au niveau des paires crâniennes
83
II.18 FUMÉES D’INCENDIE
1/4
En France, environ 230 000 incendies/an, faisant environ 10 000 victimes, dont 300 à 800 décès (80 % sont dus
à l’inhalation de fumées toxiques).
Incendie : dégradation thermique des matériaux par combustion (oxydation de combustibles, produisant chaleur,
fumées et gaz toxiques ; réduction de la pression partielle en O2) et pyrolyse (décomposition de substances
chimiques sous l’effet de la chaleur, avec production de gaz, suies et vapeur d’eau).
● SUBSTANCES DÉGAGÉES
CO (combustion incomplète de matériaux carbonés), HCN (combustion de polymères naturels ou synthétiques
azotés), H2S (combustion d’hydrocarbures, de gaz naturel) : anoxiants par blocage de la chaîne respiratoire
mitochondriale, et du transport de l’oxygène par l’hémoglobine pour le CO.
CO2 (combustion de matériaux contenant du carbone) : acidification du sang artériel, stimulation des centres
respiratoires avec augmentation de l’absorption des autres gaz toxiques, augmentation du débit sanguin cérébral.
Gaz irritants et suffocants, libérés en grandes quantités à la phase initiale de la dégradation thermique des
matériaux, entrainant surtout des lésions caustiques de l’arbre bronchique et des atteintes du parenchyme pul-
monaire (SDRA) :
■ aldéhydes (acroléine, formaldéhyde, butyraldéhyde, acétaldéhyde), produits par la dégradation des végétaux ;
■ acides minéraux (HCl, hF, hBr, produits par la dégradation du chlorure de polyvinyle ou PVC) : irritation oculaire,
■ anhydrides (anhydride sulfureux – SO2 – par combustion de polyamides naturels comme la laine, la soie, le
cuir, anhydrides d’acides produits par la combustion de certains polyesters ou de phtalates plastifiants).
Suies (aérosols de microparticules d’hydrocarbures aromatiques et de carbone) ; s’hydratent et acquièrent des
propriétés caustiques au contact des muqueuses, avec obstruction bronchiolaire.
Vapeur d’eau : brûlure des voies aériennes.
● PHYSIOPATHOLOGIE
Il existe une anoxie liée à une perturbation de toutes les étapes de la cascade de l’oxygène :
■ confinement : privation en oxygène par diminution de la pression partielle en O2 (en particulier lors d’un incendie
en espace clos, une FiO2 < 10 % étant létale) et par inhalation de CO2 ;
■ effet shunt ou hypoventilation alvéolaire par les vapeurs caustiques, la brûlure thermique, les gaz suffocants ;
De plus :
■ altération des fonctions mentales et sensorielles, et du comportement de fuite (incapacitation), empêchant la
84
FUMÉES D’INCENDIE II.18
2/4
● RÉGULATION MÉDICALE
Des moyens sapeurs-pompiers doivent être mobilisés systématiquement : détection et mesure du CO atmosphé-
rique, mesures d’évacuation et protection.
Une équipe médicale sera engagée devant des signes de gravité et/ou pour faire le tri en cas d’intoxication
collective, avec des sujets exposés aux fumées d’incendie sans intoxication par les gaz asphyxiants et irritants
et des sujets exposés et réellement intoxiqués ; penser alors à se munir de détecteurs atmosphériques de CO,
attention au risque d’exposition des secouristes
Les effets toxiques du CN (cyanure) sont quasi-immédiats après inhalation. La médicalisation est systématique
avec emport d’hydroxocobalamine.
Les formes graves (coma, insuffisance circulatoire) sont adressées en réanimation, les formes modérées en
structure de médecine d’urgence.
La confirmation d’une intoxication au CO chez une femme enceinte peut justifier un transport direct vers un
centre doté d’un caisson hyperbare.
● CLINIQUE
Présence de suies sur le visage, dans les voies aériennes supérieures (nez, bouche) et les crachats en faveur
d’une inhalation de fumées et d’un risque de toxicité systémique des gaz asphyxiants ; l’absence de suies a une
grande valeur prédictive négative d’inhalation de fumées.
85
II.18 FUMÉES D’INCENDIE
3/4
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
CO sur air expiré précoce, simple, outil de tri, initiation du traitement, mais mesure pouvant être peu fiable dans
les conditions d’urgence.
CO et CN sur sang total peu accessibles en routine.
Absence de parallélisme strict entre mesure du CO et gravité de l’intoxication.
Biologie : Gaz du sang avec spectre de l’hémoglobine (HbCO, MetHb), lactatémie (corrélation directe à la concen-
tration en CN), fonction rénale, ionogramme ; acidose métabolique fréquente, multifactorielle.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
TDM nettement supérieure à la radiographie thoracique (condensations alvéolo-interstitielles mal limitées et
disséminées).
Fibroscopie bronchique (systématique en cas de signes de gravité) : présence de suies, hyperémie, œdème,
hémorragie, ulcérations muqueuses.
Explorations fonctionnelles respiratoires initiales : VPN de 94-100 %, hyperréactivité bronchique non spécifique.
● TRAITEMENT
■ Débuté sur les lieux de l’incendie, avec soustraction des victimes à l’atmosphère toxique et administration
précoce d’O2 à fort débit au masque à haute concentration (saturation de l’hémoglobine fonctionnelle, aug-
mentation de l’O2 dissous).
■ Indications larges d’intubation trachéale précoce et de ventilation artificielle en présence de signes de gravité
neurologiques, respiratoires ou circulatoires, également en présence de suies au niveau des voies aériennes
supérieures, prédictives de brûlures de l’arbre trachéobronchique et d’intoxication systémique.
■ Garder à l’esprit le risque d’insuffisance respiratoire retardée de quelques heures.
■ Agents β-2-mimétiques en inhalation en cas de bronchospasme.
■ Traitement spécifique de l’intoxication au monoxyde de carbone (II.28) et aux cyanures (II.15).
■ Corticoïdes en cas de bronchospasme réfractaire au traitement par inhalation.
■ Aucune indication d’antibioprophylaxie.
86
FUMÉES D’INCENDIE II.18
4/4
● SURVEILLANCE
■ Immédiate : hospitalisation d’au moins 24 heures en cas d’inhalation de fumées (signes retardés) ; en cas de
dysphonie, d’anomalies auscultatoires pulmonaires, hospitalisation de plusieurs jours (évolution possible vers
une bronchopneumopathie chimique).
■ À distance : consultation de suivi à un mois en cas d’inhalation de fumées (bilan de l’intoxication par asphyxiants,
séquelles d’intoxication par CO ou CN, syndrome postintervallaire, suivi des EFR, recherche d’une hyperréactivité
bronchique non spécifique).
IMPORTANT
• Exclusion de l’intoxication en cas d’absence de suies au niveau des voies aériennes supérieures ou de crachats
et de CO expiré bas
• Traitement par administration précoce d’oxygène à fort débit
• Indications larges d’intubation trachéale précoce et de ventilation assistée en présence de signe de gravité
neurologique ou respiratoire
• Ne pas oublier les traitements spécifiques de l’intoxication aux ions cyanures ou au CO
• Hospitalisation d’au moins 24 heures (risque évolutif respiratoire)
87
HERBICIDES À BASE
II.19 DE GLYPHOSATE
1/2
7 g/L (produits grand public) à 360 g/L (formulations concentrées, généralement professionnelles) ;
■ un surfactant : les plus préoccupantes des molécules restent les amines grasses de suif éthoxylées (poly-
ethoxylated tallow amine [POEA]) le plus souvent concentrées à 15 % (entre 0,4 % à 76 %, fonction de la
concentration du sel de glyphosate).
Les tableaux systémiques sont observés dans 3 % des cas, avec 7,5 à 17 % de mortalité, quasi exclusivement
en conséquence d’ingestions suicidaires de formes concentrées. La gravité est bien corrélée à la présence de
POEA, mais la nature et la concentration du surfactant n’est pas indiquée sur l’emballage des produits (intérêt
d’identifier le produit).
Les mécanismes toxiques restent discutés : possible perturbation des mécanismes énergétiques cellulaires, toxi-
cité myocardique directe (états de choc sans hypovolémie) dans laquelle le surfactant est très probablement
impliqué. Le décès survient généralement dans les 48 à 72 heures, du fait d’un état de choc réfractaire et de
ses conséquences réalisant une atteinte multiviscérale.
● TABLEAU CLINIQUE
88
HERBICIDES À BASE
DE GLYPHOSATE II.19
2/2
● PRISE EN CHARGE
Essentiellement symptomatique. VVP, monitorage cardiovasculaire permanent durant au moins 6 heures. Diurèse
horaire. ECG. Suivi de l’équilibre acido-basique, de la kaliémie (acidose métabolique hyperkaliémique et formu-
lations à partir de sels potassiques de glyphosate). Maintien non spécifique des fonctions vitales : remplissage
prudent et amines pressives adaptées, alcalinisation. Orientation en réanimation/soins intensifs si DSI > 0,5 mL/kg
de formulation concentrée. Laisser à jeun, IPP. Bilan lésionnel par fibroscopie digestive dès 25 mL de solution
concentrée ingérée. Radiographie thoracique : recherche d’une pneumopathie de déglutition (fréquente), syndrome
interstitiel, surcharge, OAP.
● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Décontamination non spécifique de toute projection oculaire ou cutanée. Aspiration digestive à discuter pour les
ingestions de volumes importants de formes concentrées. Pas d’intérêt du charbon activé. Pas d’antidote (aucun
intérêt des oximes ou de l’atropine). Pas d’indication d’épuration (hémodialyse pour palier au défaut de la fonction
rénale ou traiter une hyperkaliémie menaçante).
● PRONOSTIC
Dose ingérée, formulation (concentration, présence de POEA), acidose métabolique, hyperkaliémie et âge avancé.
89
II.20 INHIBITEURS CALCIQUES
1/2
Antiarythmiques de classe IV, ils bloquent les canaux calciques lents indispensables à la genèse et à la conduction
du potentiel d’action dans le tissu cardiaque et les cellules musculaires lisses vasculaires. Leurs indications en
cardiologie sont assez larges ; HTA et angor sont les plus fréquentes. L’intoxication aiguë n’est pas très fréquente,
mais elle peut être d’une extrême gravité ; il est important de ne pas prendre de retard sur sa prise en charge.
Les molécules sont nombreuses, les plus connues sont amlodipine, bépridil, diltiazem, nicardipine, nifédipine et
vérapamil (la plus toxique). La forme galénique habituelle est la forme en comprimé. Des formes à libération
prolongée sont disponibles.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
À doses toxiques, toutes les molécules ont un effet inotrope négatif à l’origine d’un état de choc cardiogénique
et un effet vasodilatateur périphérique à l’origine d’un choc vasoplégique. Certaines différences de sélectivité
tissulaire s’atténuent à doses toxiques. Il n’y a pas de bonne corrélation entre dose ingérée et gravité.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Variables d’une molécule à l’autre. L’absorption digestive est généralement complète en quelques heures. Les
symptômes peuvent apparaître en moins de 6 heures pour les formes simples et jusqu’à la 24e heure pour du
vérapamil à libération prolongée. Un état de choc ou une asystolie peuvent survenir dès les premières heures.
● RÉGULATION MÉDICALE
Médicalisation systématique précoce. Le risque majeur est cardiovasculaire : tout retard à la prise en charge
peut être préjudiciable. Discuter l’emport éventuel de traitements habituellement non disponibles en Smur :
glucagon à fortes doses, insuline à fortes doses, émulsions lipidiques. Prévoir la mise en place éventuelle d’une
circulation extracorporelle. Admission systématique et directe dans une unité de soins intensifs cardiologiques
ou dans un service de réanimation ; pas d’admission dans une structure d’urgence.
● CLINIQUE
Les signes cardiovasculaires dominent : bradycardie, hypotension artérielle, jusqu’à choc cardiogénique réfractaire
et asystolie.
Signes neurologiques : confusion, agitation, coma, convulsions, souvent conséquences de l’hypoperfusion
cérébrale.
Des troubles digestifs (nausées, vomissements) peuvent être présents.
● BIOLOGIE
Troubles acidobasiques et rénaux, conséquences de l’hypotension artérielle, d’un état de choc.
L’hyperglycémie, témoin de la baisse de la sécrétion pancréatique d’insuline et d’une insulinorésistance périphé-
rique, semble être un bon marqueur pronostique de gravité.
90
INHIBITEURS CALCIQUES II.20
2/2
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Dosage non disponible en routine. Pas d’intérêt décisionnel.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
ECG répétés systématiques.
● TRAITEMENT
■ Du charbon activé en dose unique peut être donné dans l’heure en l’absence de contre-indication.
■ Le traitement est pour l’essentiel symptomatique.
■ Oxygénothérapie au masque à haute concentration ou après intubation.
■ Atropine 0,5 à 1 mg IV si bradycardie sinusale ou BAV.
■ Remplissage prudent sans dépasser 1 000 mL.
■ Amines pressives : adrénaline, noradrénaline, dobutamine, en fonction de l’évolution clinique et de la réponse
au remplissage. Un guidage hémodynamique est essentiel dès que possible.
■ Chlorure de calcium, dont l’efficacité n’est pas formellement prouvée : 1 g IV en 15-20 min, sans dépasser 4 g.
Proposé en général en cas d’échec des amines pressives.
■ Un état de choc réfractaire, une asystolie, doivent faire discuter sans tarder la mise en place d’une assistance
circulatoire.
■ Certains traitements spécifiques sont discutés :
• hyperinsulinémie euglycémique : le rationnel est de remettre le myocarde dans un environnement métabolique
favorable en s’opposant à l’insulinorésistance des inhibiteurs calciques. 1 UI/kg en bolus, puis 0,5 UI/kg/h
en perfusion, en association à du sérum glucosé et du potassium. Thérapeutique difficile à mettre en œuvre
en préhospitalier et dont la place est encore mal définie : traitement initial ou dernier recours ?
• glucagon : 5-10 mg en bolus IV, puis 2-5 mg/h en cas d’efficacité. Traitement coûteux et grosses doses
souvent peu disponibles. Faible niveau de preuve d’efficacité ;
• émulsions lipidiques (Intralipid®) : utilisation inspirée de leur rôle dans les effets cardiaques des anesthésiques
locaux. Très faible niveau de preuve d’efficacité.
● PRONOSTIC
Intoxication grave dont l’évolution dépend de la qualité et de la précocité de la prise en charge. Le décès est
possible dans les formes graves.
IMPORTANT
• Risque cardiovasculaire : état de choc, asystolie
• Médicalisation précoce systématique
• Des traitements spécifiques sont discutés
• La mise en place d’une assistance circulatoire peut être envisagée
91
INSECTICIDES PYRÉTHRINOÏDES
II.21 DE SYNTHÈSE
1/2
Les pyréthrinoïdes de synthèse (PYR) constituent aujourd’hui la famille chimique la plus largement rencontrée,
tant en usage professionnel que grand public. Leurs nombreux avantages l’expliquent :
■ insecticides de contact, de large spectre, de bien meilleure stabilité que les pyrèthres naturels dont ils sont
synthétiquement dérivés ;
■ bien moins toxiques chez les mammifères que les grandes classes historiques (organophosphorés,
organochlorés) ;
■ grande sélectivité sur la cible (jusqu’à 15 000 fois plus toxiques chez l’insecte que chez les mammifères),
autorisant leur utilisation efficace chez l’insecte à des doses négligeables pour les autres animaux et l’Homme.
Plusieurs dizaines de molécules sont autorisées (presque toutes repérables par leur suffixe « -thrin »), toutes
liposolubles : les formulations liquides contiennent nécessairement des solvants non aqueux (ex : dérivés pétro-
liers) ou des solubilisants dans l’eau (ex : éthers de glycols) adjuvés parfois de tensio-actifs. Solutions prêtes à
l’emploi ou concentrées à diluer, bombes aérosols sous pression, diffuseurs électriques, spirales à combustion,
poudres, granulés dispersibles, plaquettes imprégnées sont autant de présentations possibles adaptées à des
usages très larges : biocides (insecticides domestiques [contre volants, rampants, mites, cafards, etc.], lutte
antivectorielle [paludisme, chikungunya...], xyloprotecteurs...), phytopharmaceutiques (protection et traitement des
végétaux, des semences), thérapeutique humaine (pédiculoses, scabiose) et vétérinaire (traitement ectoparasi-
taire). Certains dispositifs à libération autonome produisent des brouillards (fogger) pour traiter les espaces clos.
Les produits professionnels sont plus bien plus concentrés que les insecticides ménagers (25 à 30 % contre très
souvent moins de 0,5 %). Certaines préparations contiennent un synergisant : le butoxyde de bipéronyle inhibe
les voies microsomales de dégradation du PYR chez l’insecte (cytochrome P450), sans effets significatifs chez
l’homme.
● MÉCANISME D’ACTION
■ Après déclenchement d’un potentiel d’action, prolongation de l’ouverture des canaux sodiques voltage-dépen-
dants neuronaux en se liant à ceux-ci en position ouverte : allongement du temps de dépolarisation, décharges
répétitives (voies sensitives).
■ À doses massives : risque de défaut de repolarisation, suivi de libération de neuromédiateurs, voire blocage de
● TOXICOCINÉTIQUE, BIODISPONIBILITÉ
Pénétration cutanée très limitée (de l’ordre de 1 à 2 %), suivie d’une probable métabolisation intradermique
rapide.
Respiratoire : seuls poudres et aérosols sont concernés (les PYR ne sont pas volatils) : absorption négligeable.
Digestif : absorption limitée (par exemple, cypermethrine : environ 35 %), suivie d’une hydrolyse, puis d’une
oxydation microsomiale rapide, surtout hépatique (métabolites de toxicité moindre conjugués puis éliminés dans
les urines). Pas de stockage, ni de bioaccumulation.
92
INSECTICIDES PYRÉTHRINOÏDES
DE SYNTHÈSE II.21
2/2
● EFFETS CLINIQUES
Ce sont les conséquences des préparations commerciales, pas uniquement celles des seules PYR, substances
actives de celles-ci.
■ Effets « porte d’entrée », du fait du caractère irritant des préparations :
• peau et œil : érythème de contact, conjonctivite (rares kératites au décours de temps de contact prolongé),
larmoiement, rhinite,
• voies respiratoires : gêne respiratoire, toux irritative. Bronchospasme chez le bronchosensible ; crise d’asthme
chez l’asthmatique. Possible asthme allergique chez l’exposé récurrent sensibilisé,
• digestif : nausées/vomissements, douleurs digestives hautes, rares diarrhées.
■ Effets neurologiques :
• postexposition cutanée : effets locaux seuls par atteinte des terminaisons nerveuses périphériques, assez
bien limités aux topographies exposées : paresthésies entre H1 et H2 postexposition. Sensation de picotement,
d’engourdissement, de chaleur, (effets volontiers majorés par la stimulation locale : grattage, chaleur, sueur...),
• postingestion : effets généraux, typiquement suite à l’ingestion suicidaire d’un large volume d’une préparation
concentrée, a fortiori avec les PYR de « groupe II » : salivation, tremblements, fasciculations voire clonies,
convulsions. Vertiges, dépression du SNC (somnolence jusqu’au coma, dose dépendant). S’ils sont présents,
les solvants pétroliers contribuent avec leurs effets propres (inhalation et pneumopathie, dépression du
système nerveux central). De rares allongements de l’intervalle QT ont été rapportés dans les ingestions de
volumes importants de préparations concentrées.
Les effets neurologiques généraux sont l’apanage des seules ingestions. Les ingestions accidentelles de faibles
volumes sont généralement suivies de seuls troubles digestifs chez l’adulte.
Diversité des isoformes des canaux Na+ et faible biodisponibilité du toxique sur les sites d’actions neurologiques
expliquent la faible toxicité observée chez les mammifères.
● PRISE EN CHARGE
Avant tout symptomatique. Rares ingestions de larges volumes de formes concentrées : VVP, tracé ECG puis
monitorage et maintien des fonctions vitales. Craindre les conséquences de l’abaissement du seuil d’excitabilité
neuronale : diazépam pour traiter les convulsions (situation exceptionnelle, intoxication généralement auto-
infligée). Intérêt de faibles doses d’atropine devant une hypersalivation significative.
Traitement topique à base de vitamine E proposé pour traiter les paresthésies cutanées. Protection du tube
digestif (collation, pansement digestif) pour les ingestions de faibles quantités.
Globalement, très bon pronostic. Cas particulier des expositions respiratoires chez le broncho-sensible (poudre
ou aérosolisation, a fortiori avec les foggers) : prise en charge non spécifique de la décompensation broncho-
respiratoire. Intérêt de tests de provocation à distance.
● TRAITEMENT TOXICOLOGIQUE
Traitement évacuateur par décontamination locale (cutanée, oculaire). Pas d’intérêt du charbon activé per os
(contre-indiqué pour les préparations solvantées). Discuter l’intérêt d’une aspiration digestive précoce lors des
ingestions massives, notamment de PYR du « groupe II », en protégeant les voies aériennes.
Aucun antidote. Pas d’intérêt de traitement épurateur. Aucun intérêt de dosage en clinique courante, même pour
les tableaux sévères.
93
II.22 INSULINE
1/3
Les formes galéniques vont de formes « rapides » à d’autres « ultralentes » ; les profils toxicocinétique et toxi-
codynamique seront donc extrêmement variables, du fait également de la voie d’administration utilisée.
Les intoxications, selon l’intentionnalité et la voie d’administration, revêtiront schématiquement trois aspects :
■ surdosage simple chez un patient diabétique, par erreur de dose, défaut d’alimentation ou insuffisance rénale
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Les risques sont une hypoglycémie potentiellement profonde et prolongée, associée à une hypokaliémie et à une
hypomagnésémie de transfert.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Par voie intraveineuse, la biodisponibilité est instantanée et complète. Par voie sous-cutanée, l’absorption est
progressive et dépendante à la fois de la galénique et de la qualité du tissu sous-cutané.
● GRANDEURS TOXIQUES
Il n’est pas possible de définir une dose hypoglycémiante pour un sujet non diabétique donné ; le sujet éthylique
ou alcoolisé est plus particulièrement susceptible de présenter un tableau toxique (baisse de la réponse contra-
insulinique, baisse des réserves hépatiques en glycogène).
La sensibilité des sujets diabétiques traités est quant à elle très variable ; leur réponse contra-insulinique est
également diminuée et une insuffisance rénale peut jouer un rôle.
● RÉGULATION MÉDICALE
Évoquer l’intoxication chez un patient diabétique, mais également dans son entourage.
L’impasse d’un repas chez un patient diabétique est souvent la cause d’un surdosage relatif, cette donnée
d’anamnèse consolidant le diagnostic.
Stimuler des prises glucidiques orales (solides ou liquides) chez le patient symptomatique non comateux.
S’enquérir de la disponibilité de Glucagon, à administrer par le patient, l’entourage, l’infirmier habituel, un médecin
de proximité...
Déclencher une médicalisation en cas de trouble de conscience ne permettant pas des apports glucidiques oraux.
Orientation au minimum en unité de surveillance continue des formes suicidaires.
94
INSULINE II.22
2/3
● CLINIQUE
C’est celle d’une hypoglycémie ; les sueurs sont quasi-constantes et doivent alerter y compris chez un sujet non
diabétique (diagnostic différentiel d’une lipothymie/syncope vagale par exemple).
Rechercher une trace d’injection intraveineuse ou sous-cutanée.
Le tableau s’installe très rapidement après une injection intraveineuse.
Les effets apparaissent après un délai variable pour la voie sous-cutanée (1 à 2 heures), leur durée est extrê-
mement variable également, pouvant persister plusieurs jours y compris en cas de forme « rapide ».
Un patient asymptomatique à H6 n’est pas intoxiqué.
● TRAITEMENT
Le traitement spécifique ne s’initie que chez un patient symptomatique :
■ glucagon (1 mg IM) pouvant précéder la pose d’une voie veineuse ;
■ Apports glucidiques :
• oraux si possibles,
• intraveineux hypertoniques à défaut :
– ceci peut nécessiter rapidement la pose d’un abord veineux profond en cas de geste suicidaire (besoins
glucidiques à prévoir élevés et prolongés),
– tenter d’adapter le débit glucidique de base plutôt que de procéder par réinjections de bolus,
– attention, des apports trop importants peuvent stimuler l’insulinosécrétion endogène.
Apports en potassium et en magnésium adaptés, corrélés à la fonction rénale.
Une excision chirurgicale du tissu sous-cutané infiltré a été décrite.
Pas d’indication à une épuration rénale ou extrarénale.
95
II.22 INSULINE
3/3
● SURVEILLANCE
Clinique continue, glycémie capillaire à 30 minutes puis élargie, kaliémie à 2 h puis élargie.
Sevrage progressif des apports IV et reprise des apports oraux.
Retrait de la voie IV le matin.
● PRONOSTIC
Séquelles neurologiques pouvant aller jusqu’à un état végétatif en cas de prise en charge trop tardive d’une
hypoglycémie très profonde.
Risque de décès non nul.
IMPORTANT
• Y penser chez un sujet non diabétique
• Surveiller la kaliémie
• Savoir faire la preuve d’une hyperinsulinémie factice
96
IRRITANTS, MOUSSANTS
ET CORROSIFS II.23
1/8
Un corrosif, encore communément appelé « caustique » en France, est un produit capable d’engendrer la lésion
de tissus sains de manière quasi-instantanée ou après quelques minutes de contact. Cette capacité à détruire
est conférée par un pouvoir réactionnel important : cette réactivité chimique dépend de la nature des molécules
et des radicaux chimiques impliqués, de leur concentration, de la quantité en cause, des gradients (ioniques et
osmotiques) et du pouvoir hygroscopique in situ.
De réactivité bien moindre, un irritant reste en capacité de léser, à condition d’une durée de contact prolongée,
généralement de plusieurs heures. Un temps de contact plus court conduit à une réaction inflammatoire locale.
Les produits moussants sont généralement formulés à partir de tensio-actifs non-ioniques et anioniques, dont
les savons. Leur capacité d’adsorption à l’interface air-eau permet la dispersion d’un volume important d’air dans
un faible volume de solution : ils « moussent » en présence d’eau. Leur réactivité chimique est faible aux concen-
trations usuelles ; ils sont donc irritants, mais la présence d’autres substances chimiques dans certaines formu-
lations peut les rendre à la fois moussants et corrosifs (Ex : liquides de rinçage lave-vaisselle professionnels).
Nombre de produits manufacturés sont concernés, produits ménagers compris. Des spécialités d’usages pourtant
identiques peuvent présenter des formulations sensiblement différentes. Les formulations d’un même nom
commercial évoluent dans le temps.
L’intérêt décisionnel des mentions réglementaires présentes sur l’étiquette (« corrosif » versus « irritant ») s’est
nettement amoindri depuis le nouveau règlement international harmonisé (GHS).
Si l’usage nominal d’un produit manufacturé peut orienter vers son profil chimique, l’application systématique
d’un raisonnement « de classe » ou « de famille » est risqué pour le patient : il convient de considérer la formulation
réelle, idéalement en identifiant le produit commercial en cause pour demander un avis spécialisé.
● PRODUITS CONCERNÉS
Le tableau suivant présente quelques critères de classement et des exemples concrets d’usages (liste indicative,
largement ouverte).
Solutions Corrosif Gammes de pH Bases fortes : lessive de soude, soude en paillettes, etc.
aqueuses : extrêmes : Déboucheurs de canalisations alcalins (ions OH- : KOH
gradients de ■ fortement basiques ou NaOH)
concentration (pH 6 12,5) Nettoyants pour vitres d’inserts/fours (ions OH- : KOH ou
ionique (H+ et ■ fortement acides NaOH)
OH-) (pH ^ 1,5) Produits de lavage de la vaisselle pour automates
(échelle professionnels
logarithmique) Acides forts : solutions du commerce d’HCl, de H2SO4
Déboucheurs de canalisations acides (H2SO4 : pH < 1)
Détartrants non dilués (acides forts ou faibles,
pH < 1,5)
Ajusteurs de pH pour piscines
Liquides de rinçage pour automates à vaisselle
professionnels
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IRRITANTS, MOUSSANTS
II.23 ET CORROSIFS
2/8
Pouvoir oxydant Corrosif Peroxydes concentrés Eau oxygénée à 30 volumes (Ex : décolorants
capillaires)
Solutions
d’hypochlorite Certains produits antimousse/antifongiques
concentrées professionnels pour le nettoyage de la pierre,
des toitures et des surfaces minérales
Permanganate de
potassium Réactifs de laboratoire, produits industriels
(KMnO4) concentré
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IRRITANTS, MOUSSANTS
ET CORROSIFS II.23
3/8
« Solvants » Irritant Solvants aliphatiques, Usages très larges, ubiquitaires : carburant moteurs
ramifiés ou non, à explosion, diluants, nettoyants, etc.
aromatiques,
substitués ou non,
halogénés ou non,
cétones, alcools (...),
éthers, esters (...)
f PROJECTION CUTANÉE
● CLINIQUE
Brûlure chimique immédiate pour les corrosifs, lésion progressive, retardée pour les irritants et les irritants-
moussants, d’intensité fonction de la durée de contact.
Les lésions les plus graves peuvent être indolores (hypoesthésie par destruction des terminaisons nerveuses).
Conceptuellement, les acides sont censés conduire à une coagulation « de surface », limitant la progression des
lésions, à la différence des bases qui réalisent des lésions creusantes, en profondeur. Les oxydants blanchissent
souvent la peau et les muqueuses, avec sensation de peau « cartonnée ». Certains produits colorent intrinsèque-
ment les téguments, rendant plus difficile l’appréciation lésionnelle. Cliniquement, sont possibles : érythème,
œdème, décollement dermoépidermique (phlyctènes, bulles) et ulcérations.
99
IRRITANTS, MOUSSANTS
II.23 ET CORROSIFS
4/8
● PRISE EN CHARGE
Décontamination sans aucun retard, sur place, à l’eau courante (III.13). Pour les corrosifs, les minutes comptent :
engager la décontamination dès la régulation médicale. Au besoin, déshabiller la victime des vêtements conta-
minés. Proscrire toute neutralisation.
Les bénéfices de la décontamination sont doubles : évacuer mécaniquement le toxique et diminuer la concen-
tration in situ et donc le pouvoir lésionnel.
Secondairement, les lésions sont traitées à l’identique d’une brûlure thermique de degré correspondant : d’un
traitement topique simple à la prise d’un avis chirurgical spécialisé (degré des lésions, étendue et topographie).
La réévaluation systématique à 48 heures des lésions induites par corrosifs alcalins est nécessaire (risque d’évo-
lutions péjoratives secondaires).
Certains corrosifs bien absorbés par voie transcutanée sont en capacité d’induire des effets neurologiques locaux
ou systémiques. Par exemple, les fluorures (dont l’acide fluorhydrique) et les oxalates (dont l’acide oxalique)
piègent les ions Ca2+ à l’origine de douleurs neurogènes séquellaires, retardées. Une prise en charge spécifique
en urgence avec avis spécialisé est nécessaire.
f PROJECTION OCULAIRE
● CLINIQUE
Les irritants ne réalisent généralement que des conjonctivites. Des kératoconjonctivites ou des kératites sont
possibles (durée de contact prolongée, décontamination mal menée ou retardée). Les corrosifs les plus agressifs
réalisent des lésions de la cornée en quelques dizaines de secondes. Les lésions les plus superficielles se limitent
à des kératites ponctuées superficielles, les plus sévères réalisent des ulcérations, voire des zones d’ischémie
ou de nécrose. La sémiologie de ces atteintes n’est généralement pas spécifique même si les ophtalmologues
craignent particulièrement les corrosifs alcalins. L’examen clinique avec test à la fluorescéine permet de carac-
tériser les lésions et d’orienter la thérapeutique.
● PRISE EN CHARGE
Décontamination oculaire à grande eau, sans aucun délai, procédure décrite par téléphone dès la régulation
médicale. Pour les corrosifs, les secondes comptent (III.15) La précocité et la capacité du lavage contribuent très
largement au pronostic. Une consultation médicale est impérative pour les corrosifs, suivie d’une réévaluation
clinique à 48 heures. L’avis ophtalmologique en urgence n’est impératif que pour les lésions étendues délabrantes
et les projections de fluorures ou d’acide oxalique.
Favoriser la cicatrisation, contrôler la réaction inflammatoire et limiter le risque de surinfection par prescription
d’un collyre antibiotique et d’une pommade ophtalmique à base de vitamine A.
La projection d’un irritant suivie d’une décontamination immédiate et correctement menée avec résolution du
tableau clinique initial à H1 ne nécessite pas nécessairement de consultation médicale.
100
IRRITANTS, MOUSSANTS
ET CORROSIFS II.23
5/8
f INGESTION DE CORROSIFS
Urgence diagnostique et thérapeutique de pronostic sévère jusqu’à preuve du contraire. Les ingestions suicidaires
conduisent au décès dans 10 % des cas ; les ingestions accidentelles à des séquelles dans 20 % des cas. Chez
l’adulte, l’absence de lésions hautes (clinique, fibroscopie ORL) ne confère qu’une faible valeur prédictive négative
de l’existence de lésions basses, notamment en cas d’ingestions suicidaires. À l’inverse, l’absence de lésion des
lèvres, de la langue ou de l’oropharynx écarte le risque de lésions basses chez l’enfant dans plus de 90 % des cas.
Le pronostic dépend surtout du pouvoir lésionnel et des volumes en cause, donc du contexte. Les produits sous
forme de gels sont adhérents. Les poudres et les fragments solides sont hydroscopiques, en capacité de lésions
à l’emporte-pièce (dilution in situ insignifiante donc concentration in situ saturante). La présence de tensioactifs
majore le temps de contact du toxique avec la muqueuse.
Brûlure et nécrose tissulaire peuvent évoluer vers un choc hypovolémique (pertes hydroélectrolytiques secondaires
aux brûlures de surface étendues, hémorragies sur perforation) ou toxi-infectieux.
● PRISE EN CHARGE
L’objectif est de maintenir les fonctions vitales et l’homéostasie tout en réalisant un bilan lésionnel pour poser
une indication chirurgicale de sauvetage ou non :
■ mise au repos du tube digestif : dilution, neutralisation, manœuvre d’évacuation digestive, pansement digestif
● RÉGULATION
Médicaliser. Laisser strictement à jeun, en position assise ou position latérale de sécurité, jusqu’à l’arrivée des
secours. Orientation vers une structure disposant d’une réanimation, de moyens de fibroscopie et de chirurgie.
Monitorer les fonctions vitales, double VVP, antalgiques et IPP en IV. Scope permanent.
● CLINIQUE
Douleurs (buccales, oropharyngées, rétrosternales, épigastriques), hypersialorrhée, dysphagie, régurgitations,
vomissements sanglants, détresse respiratoire (œdème laryngé, lésions trachéobronchiques). Agitation et angoisse
fréquentes. Certaines lésions sont visibles (péribuccales, buccales).
● PARACLINIQUE
Conséquences non spécifiques des lésions et de la « brûlure interne » : acidose métabolique, NFS (polynucléose
de démargination massive). Réaliser un bilan préopératoire avec groupe sanguin. Imagerie : ASP et radiographie
thoracique.
Les conséquences spécifiques de la nature chimique du corrosif sont rares. Exemples : hyperchlorémie (ingestion
d’HCl), hyperphosphorémie, hypocalcémie, hypomagnésémie (acide phosphorique), hémolyse, notamment avec
les oxydants.
101
IRRITANTS, MOUSSANTS
II.23 ET CORROSIFS
6/8
● BILAN LÉSIONNEL
■ Endoscopie digestive haute : dans les 6 à 12 premières heures qui suivent l’ingestion. Permet de préciser la
topographie, l’étendue et le grade des lésions selon le score de Zargar (7 niveaux).
■ TDM thoracoabdominale injectée : recherche d’une extension transpariétale.
■ Fibroscopie bronchique à discuter devant des signes respiratoires et selon l’imagerie.
● COMPLICATIONS
Hémorragie digestive, perforation et ses conséquences (médiastinite, sepsis...), état de choc, coagulopathie de
consommation, détresse respiratoire (destruction ou œdème du carrefour aérodigestif, pneumopathie, fistulisation,
etc.). Craindre l’extension des lésions à des organes de voisinage (médiastin, organes abdominaux notamment
pancréas).
La décision chirurgicale relève de la balance bénéfices-risques d’une amputation de sauvetage. Elle est systé-
matique à partir du stade 3b : intervention en urgence pour éviter l’extension lésionnelle.
non logarithmique (ex. : ingestion d’une gorgée d’une solution d’un ammonium quaternaire à 10 %) ;
■ ingestion d’un petit fragment solide, hygroscopique (ex. : fragments de pastilles de lave-vaisselle, de pastilles
f IRRITANTS
Sauf terrain particulier, les lésions ne sont pas attendues. Lorsqu’elle est réalisée – souvent à tort – la fibroscopie
montre, au pire, des bas grades (de grade 1 généralement, au maximum 2b).
La clinique est simple : douleurs, vomissements, rares diarrhées ou éructations. Il existe un risque de pneumo-
pathie d’inhalation sur vomissements.
Sauf contexte, terrain particulier ou évolution défavorable (vomissement itératifs et persistants, notamment chez
l’enfant), la médicalisation n’est pas la règle ; la prise en charge empirique consiste :
■ à abaisser le risque d’irritation (dilution à l’eau puis protéger en tapissant la muqueuse digestive [aliment épais
102
IRRITANTS, MOUSSANTS
ET CORROSIFS II.23
7/8
f MOUSSANTS
Tous les moussants sont au moins irritants. À ce risque, s’ajoute celui d’un encombrement du carrefour aéro-
digestif par l’inhalation de tensioactifs et la réalisation d’une pneumopathie.
La prise en charge est identique à celle des irritants, en tentant de limiter l’effet « moussant » par :
■ une diète liquidienne pendant les 1 à 2 heures qui suivent l’ingestion ;
La médicalisation n’est pas la règle. Elle concerne avant tout les ingestions de larges volumes, en fonction du
terrain et du contexte (ex. : suicide). L’évolution vers une détresse respiratoire en quelques heures est possible
dans les pires cas (ex. : volumes importants ingérés par un dément âgé).
Une pneumopathie retardée (H48 à H72) par surinfection de microatélectasies doit être recherchée devant des
signes respiratoires et/ou infectieux secondaires, y compris pour les situations d’évolution initiale favorable.
f INHALATION
L’inhalation de vapeurs ou de gouttelettes en suspension (aérosol) conduit à des atteintes respiratoires non
spécifiques : d’une simple irritation à l’OAP lésionnel, fonction de la nature et de la concentration du toxique et
de la durée d’exposition. La taille des gouttelettes en suspension d’un aérosol conditionne la hauteur anatomique
des voies aériennes atteintes. Le pouvoir irritant des gaz très solubles dans l’eau est tel qu’il limite souvent
l’exposition par la fuite de la victime.
● CLINIQUE
Formes simples : irritation oculaire, nasale et pharyngée, toux irritative et sensation d’oppression thoracique.
Bronchospasme, notamment chez le sujet sensible. Auscultation pulmonaire et radiographie thoracique souvent
normales.
Formes plus graves :
■ suffocation initiale avec rhinorrhée, larmoiement, douleur thoracique, dysphonie, dyspnée et toux rauque per-
œdème laryngé ou bronchospasme sévère peuvent mettre en jeu d’emblée le pronostic vital (formes
exceptionnelles).
● COMPLICATIONS SECONDAIRES
■ Rares surinfections bactériennes dans les 48 à 72 heures.
■ Hyperréactivité bronchique chimique (syndrome de Brooks) : syndrome asthmatiforme séquellaire avec une
intolérance à tout irritant respiratoire durant plusieurs mois ou années.
103
IRRITANTS, MOUSSANTS
II.23 ET CORROSIFS
8/8
● PRISE EN CHARGE
Elle est essentiellement symptomatique, en se guidant sur la clinique (signes fonctionnels) et l’évolution à court
terme (persistance ou non du tableau initial, durée de la toux) :
■ retrait de la victime de l’atmosphère contaminée ;
■ fonction de la clinique :
• oxygénothérapie,
• bêta-2-agonistes pour lever le bronchospasme initial,
• corticothérapie à discuter ;
■ traitement non spécifique des complications ;
Toute victime initialement symptomatique plus d’une demi-heure (toux persistante) nécessite une évaluation
clinique et un traitement symptomatique ; la réalisation d’une radiographie thoracique peut être envisagée. Un
tableau initial durant plus d’une heure mérite une surveillance médicale de 24 heures et la recherche systématique
d’une hyperréactivité bronchique par test de provocation à la métacholine lors d’EFR (à distance, 6 à 8 semaines
après l’intoxication).
104
LITHIUM II.24
1/2
Les sels de lithium (carbonate et gluconate) sont utilisés dans le traitement des troubles bipolaires (psychoses
maniacodépressives). Des formes à libération prolongée sont disponibles et souvent prescrites.
Le lithium est un métal alcalin, sa fixation protéique est nulle. Son faible volume de distribution le rend accessible
à l’épuration extrarénale. Il n’est pas adsorbé par le charbon activé.
Il faut distinguer trois modalités d’intoxication, de la moins grave à la plus grave :
■ l’intoxication aiguë chez un patient « naïf » qui n’a jamais pris de lithium auparavant :
■ le surdosage thérapeutique, facilité par une déshydratation, en particulier chez le sujet âgé. La prise d’AINS
● RÉGULATION MÉDICALE
■ Prendre en compte les éléments évoqués ci-dessus ; l’aggravation est assez lente mais durable.
■ Une prise en charge médicalisée est recommandée, compte-tenu de la survenue possible de complications
neurologiques et cardiovasculaires.
■ La destination habituelle est une structure d’urgence pour les formes bénignes à modérées. Les formes graves,
qui peuvent bénéficier d’une hémodialyse, doivent être adressées en secteur de réanimation.
■ Conseils secouristes à l’appel, pas de prescription particulière.
● CLINIQUE
Elle est polymorphe, dominée le plus souvent par la symptomatologie neurologique.
■ Troubles digestifs : nausées, vomissements, diarrhées.
■ Confusion, dysarthrie, tremblements fins des extrémités, myoclonies, hypertonie extrapyramidale, convulsions.
● BIOLOGIE
La biologie de base peut témoigner de complications : déshydratation extra et/ou intracellulaire, insuffisance
rénale, acidose métabolique, hypercalcémie.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage du lithium plasmatique est impératif. Une lithémie thérapeutique est toujours inférieure à 1,2 mmol/L.
La diffusion tissulaire du lithium est lente, il n’y a pas de bonne corrélation clinicobiologique : on peut observer
des décalages entre lithémie et symptomatologie dans un sens comme dans l’autre, selon les modalités de
l’intoxication et la phase considérée de l’intoxication. Les dosages doivent être répétés. Si le dosage du lithium
érythrocytaire est possible, un rapport Li érythrocytaire/Li plasmatique > 0,4 indique une intoxication grave (forte
imprégnation tissulaire).
105
II.24 LITHIUM
2/2
● TRAITEMENT
Symptomatique dans la majorité des cas, avec réhydratation par sérum salé 0,9 %. Aucun intérêt du charbon
activé.
L’hémodialyse est indiquée si la lithémie est élevée (> 4 mmol/L) en présence de manifestations neurologiques
importantes et/ou d’une insuffisance rénale. Un effet « rebond » par redistribution tissulaire du lithium peut imposer
une répétition des séances d’hémodialyse.
Une surveillance neurologique et biologique de base (sodium, créatinine) est essentielle.
L’évolution est souvent lente, mais le plus souvent favorable.
IMPORTANT
• Connaître les différentes modalités possibles de l’intoxication par le lithium
• Le dosage plasmatique est impératif
• L’hémodialyse peut être nécessaire
• La surveillance est clinique et biologique
106
METFORMINE II.25
1/3
Médicament antidiabétique non directement hypoglycémiant de la famille des biguanides, prescrit presque exclu-
sivement dans le diabète de type 2. Se présente sous forme immédiate ou retard, avec des formulations allant
de 500 mg à 1 g ; il existe des formes associées à d’autres antidiabétiques. À dose pharmacologique chez le
sujet sain, limite l’absorption digestive du glucose et module son métabolisme hépatique et musculaire, en
particulier par blocage de la néoglucogénèse hépatique.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Outre l’intoxication aiguë, la metformine peut s’accumuler dans l’organisme dans certaines conditions (insuffisance
rénale en particulier). Le principal mécanisme de toxicité est l’accumulation d’ions lactates, par perturbation du
métabolisme de ces derniers, avec des mécanismes incomplètement élucidés (hyperproduction, blocage du
recyclage, perturbation de la chaîne respiratoire mitochondriale). Certaines situations favorisent par ailleurs une
accumulation d’ions lactates : insuffisance rénale, cardiaque, respiratoire ou hépatocellulaire, anesthésie générale
et intervention chirurgicale, injection de produit de contraste iodé, déshydratation, sepsis, éthylisme chronique,
intoxication alcoolique aiguë. Le patient diabétique, particulièrement exposé à l’hypoxie tissulaire, est de fait à
risque élevé d’hyperlactatémie.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’absorption des formes galéniques immédiates est rapide, avec un pic plasmatique à H2 à posologie pharma-
cologique. La molécule n’est pas métabolisée et son excrétion est exclusivement rénale.
Le volume de distribution est élevé, rendant l’hémodialyse peu efficace sur la molécule, malgré une fixation
protéique négligeable.
Cette intoxication se résumant schématiquement à une « intoxication » par l’ion lactate, c’est plus la clairance
de ce dernier qui va conditionner le profil clinicobiologique.
● GRANDEURS TOXIQUES
Un tableau symptomatique ne peut survenir qu’après l’ingestion de plus de 10 g chez un adulte, en l’absence
d’insuffisance rénale.
L’ingestion accidentelle d’un comprimé de 1 g chez un enfant en bas âge ne doit pas conduire à une hospitalisation.
● RÉGULATION MÉDICALE
Dès l’appel, un échange téléphonique avec le patient permet d’objectiver ou non l’existence d’une polypnée,
signe de haute gravité imposant une médicalisation d’emblée (risque d’épuisement respiratoire) et le rapproche-
ment d’un service de réanimation proposant l’hémodialyse.
Dans les autres situations, le bilan secouriste doit mentionner les fréquences respiratoire et cardiaque, la tension
artérielle, la qualité de la perfusion périphérique et permettre une orientation vers un service d’urgence en
l’absence de signe de gravité (médicalisation de deuxième intention dans le cas contraire).
Il n’y a pas de prescription à distance à proposer.
107
II.25 METFORMINE
2/3
● CLINIQUE
Forme subaiguë sur insuffisance rénale fonctionnelle : agitation, confusion, troubles sensoriels, troubles digestifs
(vomissements, diarrhées), douleurs abdominales, tachycardie, hyperpnée, puis coma, état de choc, épuisement
respiratoire, décès.
Intoxication aiguë : le plus souvent asymptomatique, mais peut conduire à une acidose lactique avec un tableau
clinique identique à celui décrit ci-dessus ; l’hypoglycémie est rare et facilement corrigée.
● BIOLOGIE
Les éléments fréquemment et potentiellement perturbés sont le lactate, la réserve alcaline et le pH (veineux en
pratique), les marqueurs de fonction rénale, la kaliémie ; l’insuffisance rénale est constante dans les formes
subaiguës.
L’hypoglycémie est rare et le plus souvent modérée le cas échéant.
La baisse du TP est un signe de gravité et pourrait être un marqueur pronostique.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage de metformine n’est pas réalisé de façon routinière et ne serait pas utile à la prise en charge (absence
de corrélation clinicobiologique, traitement identique quelle que soit la concentration) ; cependant, le pronostic
est meilleur, à présentation et prise en charge identiques, lorsque la concentration de metformine est élevée
(meilleure efficacité du traitement).
● TRAITEMENT
■ Il est essentiellement symptomatique et repose sur le traitement général des intoxications.
■ La ventilation assistée doit être largement indiquée, avant épuisement respiratoire, si l’hémodialyse n’est pas
rapidement mise en œuvre.
■ Cette dernière est la base du traitement et permet, outre le traitement de l’insuffisance rénale, l’épuration des
ions lactates et potassium, l’alcalinisation sans risque de surcharge pulmonaire, dans une bien moindre mesure
l’épuration de la metformine (nécessité de séances longues et répétées) ; l’hémodiafiltration trouve ainsi son
intérêt.
■ Le traitement d’un état de choc est non spécifique, la perfusion de catécholamines peut majorer l’hyper-
lactatémie.
■ Les perfusions glucidiques corrigent facilement une éventuelle hypoglycémie.
■ L’adjonction de vitamine B1 chez le patient éthylique est justifiée.
■ L’administration de bicarbonate de sodium, outre le risque de déclenchement d’un œdème pulmonaire, peut
augmenter les besoins ventilatoires et l’épuisement chez un patient non intubé et non ventilé artificiellement.
■ Il n’y a pas de place pour des manœuvres de décontamination ou d’épuration digestives, ni pour une tentative
d’épuration rénale dans la mesure où une insuffisance rénale est présente.
108
METFORMINE II.25
3/3
● PRONOSTIC
En règle générale, bon dans l’intoxication volontaire.
Taux de mortalité de l’ordre de 30 % en cas d’acidose dans le cas de surdosage en contexte d’insuffisance
rénale.
IMPORTANT
• Y penser, en particulier dans sa forme subaiguë ; diagnostic différentiel d’une acidocétose, d’un choc septique,
etc.
• Doser le lactate, la créatinine
• Hémodialyse indispensable en cas d’acidose métabolique et d’insuffisance rénale
• Pronostic réservé dans cette situation
109
II.26 MÉTHANOL
1/3
Intoxication très rare, volontiers chez le patient éthylique chronique ; existence de formes accidentelles et col-
lectives par ingestion d’alcool frelaté.
Alcool méthylique, substance liquide à l’odeur caractéristique entrant dans la composition de produits à disposition
du grand public : alcool à brûler surtout (en France, en association avec de l’éthanol, qui en diminue la toxicité),
également antigels, décapants, diluants.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Il s’agit d’un toxique mixte, peu toxique par lui-même (molécule mère) s’il ne subit pas de dégradation par les
voies métaboliques principales.
Métabolisé (lentement) au niveau hépatique, en formaldéhyde sous l’action de l’alcool-déshydrogénase, lui-même
métabolisé en acide formique sous l’action de l’aldéhyde-déshydrogénase ; ce dernier est la molécule toxique
principale, responsable de l’atteinte du nerf optique et de la nécrose hémorratique des putamens au niveau des
noyaux gris centraux.
Au total, la toxicité est dans un premier temps fonctionnelle à révélation tardive (substance mère et métabolite
aldéhyde) puis lésionnelle plus tardive encore (métabolites acides) ; l’enjeu thérapeutique est de bloquer le
métabolisme principal, les métabolismes secondaires, certes très lents, permettant alors l’élimination de la molé-
cule mère.
La stimulation de la glycolyse anaérobie peut entraîner une hyperlactatémie, les ions formates complexent les
ions K+ avec possible hypokaliémie (paradoxale en situation d’acidose).
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Absorption potentielle par voie digestive, cutanée ou respiratoire.
Par voie digestive, absorption rapide, pic plasmatique < 1 heure, volume de distribution et fixation protéique très
faibles, le rendant accessible à l’hémodialyse ; cinétique d’ordre 0 avec durée d’élimination dépendant donc de
la concentration plasmatique initiale.
Élimination rénale négligeable, pulmonaire plus importante.
Dégradation des ions formates en CO2 et H2O sous l’action de l’acide folique.
● GRANDEURS TOXIQUES
En ingestion, chez un adulte, risque de cécité à partir de 10 mL, risque létal à partir de 30 mL (méthanol pur)
en l’absence de prise en charge.
● RÉGULATION MÉDICALE
Utilité d’une médicalisation si l’ingestion remonte à moins de 6 heures, même en l’absence de signes de gravité
par une équipe disposant de l’antidote spécifique (fomépizole) ; à défaut, on peut discuter la prescription à
distance d’alcool éthylique en cas de délai long d’acheminement vers une structure d’urgence.
Médicalisation également des patients comateux et/ou en hyperventilation ; les faire rapprocher d’un service de
réanimation.
110
MÉTHANOL II.26
2/3
● CLINIQUE
Latence : 12-24 heures (sauf si ingestion massive : ébriété, coma en moins de 2 heures).
Troubles neurologiques (asthénie, céphalées, vertiges, somnolence, ébriété, coma, convulsions, parfois focalisa-
tion), nausées, vomissements, polypnée d’acidose, troubles visuels (flou visuel, baisse de l’acuité visuelle,
mydriase, photophobie, scintillations visuelles, avec risque de séquelles visuelles définitives (cécité).
● BIOLOGIE
Phase précoce, présence prépondérante de méthanol (et d’éthanol en cas d’ingestion d’alcool à brûler) : existence
d’un trou osmolaire (osmolarité mesurée à l’osmomètre – osmolarité calculée), 1 g/L de méthanol générant
31 mOsmol ; la présence éventuelle d’éthanol participe à ce trou osmolaire (1 g/L générant 21 mOsmol) ; la
pratique de l’osmométrie par la méthode du Δ-cryoscopique tend malheureusement à disparaître.
Phase tardive, présence prépondérante d’ions formates : acidose métabolique à trou anionique élevé, avec pos-
sible participation lactique.
Possible hypokaliémie.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Elle confirme l’intoxication mais n’est pas rapidement accessible à tous les services d’urgence ; elle se fait par
méthode enzymologique ou en CPG et est rendue en 1 heure environ, son suivi est à discuter selon la situation
(choix de l’antidote, possibilité ou non d’hémodialyse).
L’idéal serait le dosage associé des ions formates, d’accès encore plus restreint.
L’éthanolémie doit être dosée parallèlement le cas échéant (co-ingestion ou administration thérapeutique), de
façon à mieux interpréter la situation et le risque.
● TRAITEMENT
Les indications sont :
■ une dose ingérée > 0,15 g/kg (0,19 mL/kg de produit pur) ;
■ ou un trou anionique > 16 mmol/L (auquel peut participer une hyperlactatémie et/ou une cétonémie, notamment
111
II.26 MÉTHANOL
3/3
d’état » : les antidotes disponibles agissent par inhibition ou saturation de l’alcool déshydrogénase ; ceci peut
permettre de surseoir à l’hémodialyse dans les formes très précoces, mais ne limite pas la toxicité des acides
déjà présents.
Au mieux par fomépizole : 15 mg/kg en 45 min, puis 10 mg/kg/12 h en 30 min.
À défaut par alcool éthylique, avec un objectif d’éthanolémie à 1 g/L : 0,8 g/kg, puis 0,1 à 0,2 g/kg/h.
Ce traitement peut être interrompu lorsque la concentration plasmatique est mesurée ou estimée inférieure à
0,2 g/L.
■ Hémodialyse, épurant le méthanol et les ions formates, corrigeant donc l’acidose, efficace aux deux phases
caractéristiques de l’intoxication : indispensable en l’absence d’antidote, mais gagnant alors à être couplée à
un traitement antidotique, dont la dose de relais doit être augmentée (les deux médicaments sont dialysables).
Remarque : en cas d’intoxication par alcool à brûler, contenant plus d’éthanol que de méthanol, un traitement
antidotique ne se justifie pas tant que l’alcoolémie est de 1 g/L environ, mais le métabolisme de l’éthanol étant
plus rapide que celui du méthanol, une surveillance biologique rapprochée s’impose.
Un trou anionique très élevé (> 25 mmol/L) et/ou un pH < 7,20 et/ou une concentration plasmatique 6 0,5 g/L sont
prédictifs d’une évolution péjorative et imposent à la fois la prescription de bicarbonate de sodium (1 mmol/kg), d’un
antidote, et de l’hémodialyse.
L’acide folinique (50 mg/6 heures) est proposé comme traitement adjuvant (détoxication des ions formates).
Interruption du traitement antidotique lorsque méthanolémie < 0,2 g/L ou trou osmolaire < 6 mOsm/L. Le traite-
ment symptomatique général ne doit pas être occulté ; en cas de décision d’intubation trachéale avec mise sous
ventilation assistée, une alcalinisation préalable (1 à 2 mmol/kg) puis une hyperventilation doivent être proposées
(ces deux mesures limitant le risque de majoration de l’acidose).
● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Clinique : état neurologique, vision.
Biologique : pH, lactate, trous osmolaire et anionique.
Peut se faire en UHCD en l’absence de nécessité de traitement, en unité de surveillance continue en cas de
décision de traitement antidotique, est obligatoire en réanimation en cas de nécessité de ventilation assistée
et/ou d’hémodialyse.
● PRONOSTIC
Lié aux complications éventuelles d’un coma et à l’atteinte visuelle.
IMPORTANT
• Le tableau est retardé et prolongé
• Bien différencier les deux phases de l’intoxication
• L’antidote spécifique, prescrit précocement, est très efficace et peut permettre de surseoir à l’hémodialyse
• Surveiller l’apparition de troubles visuels
112
MÉTHÉMOGLOBINÉMIES II.27
1/2
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
La méthémoglobine est incapable de transporter l’oxygène, avec dans les formes graves une hypoxie tissulaire
et cellulaire généralisée pouvant entraîner le décès. Un système enzymatique NADH dépendant (glycolyse anaé-
robie) permet la réduction permanente de faibles taux de MetHb (taux physiologique < 3 %). En cas de taux plus
importants la mise en jeu d’une voie accessoire NADPH dépendante (voie des pentoses) par l’utilisation de bleu
de méthylène permet la réduction de la MetHb en excès. Le globule rouge doit toutefois être intact pour permettre
l’action du bleu de méthylène.
● RÉGULATION MÉDICALE
Aucun signe ne permet à l’appel d’évoquer une méthémoglobinémie, sauf si l’agent toxique est connu. La décision
de médicalisation ou non est prise sur les signes présents à l’appel. Le bleu de méthylène peut être utilement
utilisé en préhospitalier. Les formes graves doivent être dirigées vers un service apte à pratiquer une exsan-
guino-transfusion (cf. infra).
● CLINIQUE
Les signes sont trompeurs si cette pathologie n’est pas bien connue.
Cyanose « gris-ardoisée », dite « centrale », car présente sur l’ensemble des téguments. Sans aucune cause
cardiopulmonaire, non corrigée par l’oxygène, elle est en fait due à la couleur du pigment de la MetHb.
Sang couleur chocolat (pigment de la MetHb).
Signes variés d’hypoxie cérébrale, myocardique, etc., dans les formes graves.
L’oxymètre de pouls donne des valeurs faussement rassurantes de la SpO2.
D’autres signes peuvent être présents en fonction du toxique en cause.
● BIOLOGIE
La MetHb est facilement mesurée avec les gaz du sang. Une MetHb 6 30 % indique une forme sévère qui
nécessitera un traitement spécifique ; la corrélation entre taux de MetHb et gravité est assez bonne.
Attention à l’interprétation des gaz du sang. La PaO2 qui dépend de l’O2 dissous est normale, c’est normal. La
SaO2 habituellement calculée par l’automate est normale aussi : penser à demander une mesure de la SaO2, qui
est basse évidemment.
113
II.27 MÉTHÉMOGLOBINÉMIES
2/2
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
L’analyse des produits incriminés a peu d’intérêt ; elle est exceptionnellement possible en routine.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
En fonction de la symptomatologie. ECG de principe.
● TRAITEMENT
Oxygénothérapie au masque à haute concentration ou sous assistance respiratoire si besoin : saturation de l’Hb
fonctionnelle, augmentation de l’O2 dissous.
Décontamination digestive ou cutanée précoce en fonction des produits en cause.
Bleu de méthylène si MetHb 6 30 % ou patient symptomatique :
■ ampoule de 5 mL à 1 %, soluté hypertonique ;
■ 1 à 2 mg/Kg en 15 min en IVL ou perfusion. La surveillance repose sur des mesures répétées de la MetHb
plus que sur la couleur des téguments pas toujours facile à apprécier. Une évolution favorable est assez rapide
en quelques heures ;
■ des réinjections sont possibles si besoin, sans dépasser 7 mg/kg ;
Ces échecs doivent conduire à la pratique d’une exsanguino-transfusion dans les meilleurs délais.
IMPORTANT
• Rare et trompeuse
• Facile à évoquer si pathologie connue
• Traitement spécifique par le bleu de méthylène
114
MONOXYDE DE CARBONE II.28
1/3
Gaz incolore, inodore et sans saveur, non irritant, diffusible, de densité proche de celle de l’air, le monoxyde de
carbone (CO) n’est pas détectable par les sens humains. Il est toujours le résultat de la combustion incomplète
d’un composé carboné. C’est la première cause de mort toxique en France.
L’intoxication aiguë est le plus souvent accidentelle et domestique par utilisation d’un appareil de chauffage ou
de production d’eau chaude défectueux, et/ou par défaut de ventilation ; plus rarement par exposition à des
fumées d’incendie (qui contiennent entre autres du CO). Les intoxications subaiguës répétées sont fréquentes.
De façon exceptionnelle, l’intoxication au CO peut être la conséquence de l’inhalation de dichlorométhane (chlorure
de méthylène), décapant pour peintures métabolisé dans l’organisme en CO. L’intoxication aiguë volontaire à des
gaz d’échappement (dont du CO) est rare en France.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Le CO inhalé diffuse rapidement dans la circulation sanguine. Son affinité très importante pour le fer de l’hémo-
globine conduit à la formation de carboxyhémoglobine (HbCO), incapable de transporter et de délivrer l’oxygène.
Ce mécanisme qui conduit à une hypoxie de type « anémique » est le plus souvent cité. Mais le CO se fixe aussi
sur d’autres protéines héminiques comme la myoglobine et les cytochromes. Le terme ultime de l’intoxication
est une hypoxie tissulaire et cellulaire. Les principaux organes cibles sont le myocarde et le système nerveux
central. Le fœtus est très sensible aux effets toxiques du CO.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
La demi-vie de dissociation de l’HbCO est de 5 heures en air ambiant, 90 min sous O2 normobare et de 20 min
sous O2 hyperbare (OHB).
● RÉGULATION MÉDICALE
Diagnostic à évoquer devant des céphalées, une perte de connaissance brève, un coma.
Y penser ! Surtout en période d’utilisation des appareils de chauffage (automne, hiver). Les questions à poser
sont : types des appareils de chauffage et de production d’eau chaude ? Caractère collectif de l’intoxication ?
Unité de temps et de lieu si suspicion d’intoxications subaiguës répétées ?
Des moyens sapeurs-pompiers doivent être mobilisés systématiquement : lever de doute, détection et mesure
du CO atmosphérique, mesures d’évacuation et de protection.
Une équipe médicale sera mobilisée devant des signes de gravité et/ou pour faire le tri en cas d’intoxication
collective : penser alors à se munir de détecteurs atmosphériques de CO, attention à ne pas s’exposer. Avec
l’exception de la femme enceinte, seuls les patients symptomatiques doivent être hospitalisés. Les formes de
gravité modérée sont adressées dans une structure d’urgence ; les formes comateuses ou avec complications
cardiovasculaires sont adressées en réanimation.
La confirmation d’une intoxication au CO chez une femme enceinte peut justifier un transport direct, si possible,
vers un centre doté d’un caisson hyperbare (cf. infra).
115
II.28 MONOXYDE DE CARBONE
2/3
● CLINIQUE
Elle est riche et polymorphe, non spécifique.
Signes digestifs : assez constants, nausées et vomissements. « Gastroentérite » sans diarrhée ni fièvre.
Signes neurologiques : céphalées très fréquentes, vertiges, malaise, perte de connaissance brève, coma souvent
hypertonique, parfois avec focalisation neurologique.
Signes cardiovasculaires : signes d’atteinte myocardique, en particulier chez le sujet âgé.
Signes divers : sensation de malaise, fatigue.
La classique teinte rouge cochenille des téguments et des masses musculaires est surtout une donnée d’autopsie.
Cas particulier de la femme enceinte : un test diagnostic de grossesse doit être pratiqué chez toute femme en
âge de procréer. Il n’y aucun parallélisme entre la présentation maternelle, souvent rassurante et l’atteinte plus
grave du fœtus.
● BIOLOGIE
L’HbCO est un marqueur d’exposition mais n’est pas un marqueur de gravité. Il n’y a pas de bonne corrélation
entre HbCO et gravité dont l’évaluation est surtout clinique. Un consensus existe pour les valeurs seuils au-dessus
desquelles on peut parler d’intoxication : 3 % chez le non-fumeur, 6 % chez le fumeur. L’HbCO est mesurée par
spectrophotométrie, souvent en même temps que les gaz du sang ; le prélèvement peut être artériel ou veineux
mais la mesure doit être faite rapidement. Son interprétation doit tenir compte d’un tabagisme éventuel, du délai
exposition – prélèvement, d’une oxygénothérapie avant prélèvement.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage du monoxyde de carbone dans le sang n’a pas d’intérêt en médecine d’urgence.
La mesure du CO dans l’air expiré est possible ; elle est cependant peu fiable dans les conditions de l’urgence.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
L’oxymétrie pulsée donne des chiffres faussement rassurants de la SpO2.
L’ECG est systématique à la recherche de signes d’atteinte myocardique.
Une TDM cérébrale pourrait mettre en évidence, dans les formes avec coma profond, des hypodensités des globi
pallidi avec parfois œdème et compression de la capsule interne, ainsi que des modifications diffuses de la
substance blanche ayant valeur pronostique.
116
MONOXYDE DE CARBONE II.28
3/3
● TRAITEMENT
Le traitement spécifique, quasi « antidotique », est l’oxygène.
Oxygène hyperbare : femme enceinte, perte de connaissance brève, coma, déficit neurologique (rare), insuffisance
coronarienne, symptômes persistant après 6 heures d’O2 normobare (à discuter).
Oxygène normobare au masque à haute concentration dans tous les cas. Jusqu’à disparition des symptômes,
pendant 6 heures au moins.
Traitement symptomatique des complications neurologiques et cardiovasculaires.
● PRÉVENTION
Il existe en France un registre des intoxications au CO (Santé publique France). Toute intoxication accidentelle
doit être déclarée aux autorités sanitaires pour enquête technique et prévention de la récidive.
IMPORTANT
• Attention au risque d’exposition lors de l’intervention
• Cas particulier de la grossesse, gravité de l’atteinte fœtale
• Déclaration aux autorités sanitaires de toute intoxication accidentelle
117
NEUROLEPTIQUES ET NOUVEAUX
II.29 ANTIPSYCHOTIQUES
1/3
Les médicaments neuroleptiques et antipsychotiques ont pour objectifs de réduire les symptômes psychotiques
productifs (agitation, hallucinations, délire, angoisse) et déficitaires (autisme).
Ces molécules appartiennent à plusieurs classes pharmacologiques :
■ phénothiazines aliphatiques, dérivés de la chlorpromazine ou pipéridinées, dérivés de la pipotiazine ;
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Les phénothiazines ont une action antagoniste au niveau des récepteurs dopaminergiques, histaminiques, alpha
adrénergiques, muscariniques et sérotoninergiques.
Elles sont responsables de :
■ intoxications aiguës doses-dépendantes ;
o
■ syndrome malin des neuroleptiques en cas de traitements prolongés : hyperthermie > 40 , troubles moteurs,
hypertonie, rhabdomyolyse, insuffisance rénale aiguë, troubles de la conscience, collapsus tensionnel, élévation
ASAT, ALAT et CPK.
● TOXICOCINÉTIQUE
Neuroleptiques, absorption orale à 70-90 %, avec pic plasmatique à la 3e heure pour les phénothiazines (6e pour
les butyrophénones).
Nouveaux antipsychotiques, pic plasmatique de 1 à 1,5 heure (rispéridone) jusqu’à 5 à 6 heures (olanzapine) et
demi-vie de 2 à 8 heures (loxapine) jusqu’à 31 à 146 heures (aripiprazole).
● RÉGULATION MÉDICALE
Selon la clinique à l’appel et la distance, moyens secouristes en phase très précoce ou intervention médicalisée
(troubles de conscience, dépression respiratoire).
Aggravation assez lente mais durable (complications neurologiques et cardiovasculaires).
Admission en structure d’urgence ou en réanimation en fonction de la clinique.
● GRANDEURS TOXIQUES
Dose ingérée la plus faible pouvant entraîner des signes neurologiques chez l’adulte :
■ aripiprazole : 15 mg ;
■ clozapine : 50 mg ;
■ olanzapine : 10 mg ;
■ quétiapine : 100 mg ;
■ rispéridone : 1 mg.
118
NEUROLEPTIQUES ET NOUVEAUX
ANTIPSYCHOTIQUES II.29
2/3
● CLINIQUE
■ Phénothiazines : coma calme avec hypotonie et hypothermie (phénothiazines sédatives aliphatiques) ou coma
agité avec hypertonie extrapyramidale et dyskinésies buccolinguofaciales, crises oculogyres et myosis (dérivés
pipérazinés), syndrome anticholinergique, avec mydriase, tachycardie, sécheresse de bouche, confusion (phé-
nothiazines antihistaminiques), syndrome anticholinergique et convulsions (phénothiazines antiparkinsoniennes).
■ Butyrophénones : agitation, confusion, troubles de la vigilance, syndrome extrapyramidal, collapsus tensionnel,
dépression respiratoire, arrêt cardiorespiratoire.
■ Benzamides substituées : agitation, confusion, signes extrapyramidaux, convulsions, hypotension artérielle,
tachycardie, hyperthermie.
■ Olanzapine : somnolence, agitation, coma, vision floue, mydriase, syndrome extrapyramidal, syndrome anticho-
linergique (mydriase, tachycardie, sécheresse de bouche, confusion), hypotension artérielle, insuffisance
respiratoire.
■ Quétiapine : agitation, sédation, coma, myosis, convulsions, tachycardie, hypotension artérielle, dépression et
arrêt respiratoire ; bézoards gastriques en cas d’ingestion de forme à libération prolongée avec signes cliniques
retardés.
■ Rispéridone : somnolence ou agitation, tremblements, signes extrapyramidaux, dystonie, tachycardie, hypoten-
sion artérielle.
■ Loxapine : somnolence, hypertonie, tachycardie, coma, signes extrapyramidaux, convulsions, rhabdomyolyse,
hypotension artérielle, hyperthermie.
■ Clozapine : convulsions, syndrome anticholinergique (mydriase, tachycardie, sécheresse de bouche, confusion),
coma, dyskinésies.
■ Aripiprazole : somnolence, ataxie, dystonies, tachycardie.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
La recherche ou le dosage des neuroleptiques et nouveaux antipsychotiques ne sont pas de pratique courante,
donc sans intérêt lors de la prise en charge d’un sujet intoxiqué à la phase aiguë.
Recherche rapide semi-quantitative de phénothiazines dans les urines possible, mais sans intérêt dans la prise
en charge initiale du patient intoxiqué aigu.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
■ Biologie : rhabdomyolyse, insuffisance rénale aiguë, acidose métabolique, hyperkaliémie (loxapine).
■ ECG :
• arythmie : phénothiazines, dompéridone, olanzapine ;
• extrasystolie ventriculaire : quétiapine ;
• tachycardie sinusale : phénothiazines, dompéridone, loxapine, quétiapine ;
• troubles de la conduction auriculoventriculaire : phénothiazines, dompéridone, rispéridone, quétiapine ;
• troubles de la conduction intraventriculaire : quétiapine ;
• allongement de l’espace QT avec risque de torsade de pointes : phénothiazines, dompéridone, benzamides
substituées, rispéridone, quétiapine.
119
NEUROLEPTIQUES ET NOUVEAUX
II.29 ANTIPSYCHOTIQUES
3/3
● TRAITEMENT
Traitement symptomatique : absence de traitement spécifique et d’antidote.
En deuxième intention, en cas d’échec du traitement symptomatique, la perfusion d’une émulsion lipidique a été
proposée (médicaments lipophiles).
Collapsus : remplissage prudent (< 1 500 mL), amines pressives (noradrénaline).
Troubles de la conduction auriculoventriculaire : isoprénaline ou entraînement électrosystolique.
Troubles de la conduction intraventriculaire : sels de sodium molaires.
Syndromes extrapyramidaux : benzodiazépines ou tropatépine (Lepticur®), trihexyphénide (Artane®) (0,5 à
3 ampoules IM par jour, pendant 48 à 72 heures).
Charbon activé en dose unique à discuter dans l’heure suivant l’ingestion.
● SURVEILLANCE
Elle est de 24 heures au minimum, la sortie ne peut être autorisée qu’à normalisation du tracé ECG.
IMPORTANT
• Classe chimiquement hétérogène de médicaments et toxidromes variables
• Plus grande toxicité des phénothiazines et butyrophénones, mais toxicité potentielle neurologique et cardiaque
pour toutes les molécules
• Attention aux rares formes avec hyperthermie et/ou rhabdomyolyse
120
ORGANOPHOSPHORÉS II.30
1/3
L’intoxication aiguë isolée est rare, l’intoxication collective doit faire redouter un risque terroriste. Les organo-
phosphorés (OP) sont des produits utilisés comme insecticides dans l’agriculture essentiellement (parathion). Ils
ont pu entrer dans la composition d’insecticides ménagers (dichlorvos) ; c’est moins le cas maintenant, et ils
sont toujours présents dans certains traitements de la pédiculose du cuir chevelu (malathion).
Les OP font aussi partie des toxiques à risque militaroterroriste, les neurotoxiques organophosphorés ou NOP
(soman, tabun, sarin, etc.). Souvent appelés à tort « gaz de combat », ce sont des produits liquides à température
ambiante. Le sarin est le plus volatil.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Toxicité aiguë élevée, mais faible rémanence environnementale. Les OP sont des inhibiteurs des acétylcholines-
térases (AChE) dans les synapses des systèmes nerveux sympathique et parasympathique. La conséquence en
est une accumulation d’acétylcholine ; les effets toxiques des OP reproduisent assez exactement les conséquences
de cette accumulation d’acétylcholine.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Variables selon le produit concerné. Absorption en général rapide par toutes les voies. Métabolites souvent actifs.
Les OP agissent en quelques secondes ou minutes par inhalation, en 30 à 90 min par ingestion et jusqu’à
18 heures après exposition cutanée.
● RÉGULATION MÉDICALE
Évoquer une intoxication aiguë par OP devant les éléments assez caractéristiques du toxidrome cholinergique.
Distinguer l’intoxication isolée d’une intoxication collective.
Une suspicion d’intoxication collective doit faire redouter un risque terroriste et déclencher une conférence télé-
phonique avec les sapeurs-pompiers et les forces de l’ordre. L’intervention est toujours médicalisée, avec une
attention particulière à la protection des personnels. Prévoir en préhospitalier de l’oxygène et de l’atropine en
quantités. La pralidoxime n’est utile que précocement. Une mobilisation du Poste sanitaire mobile (PSM) doit être
envisagée en cas d’intoxication collective. Les patients sont orientés vers un secteur de soins intensifs ou de
réanimation.
● CLINIQUE
Toxidrome cholinergique avec un tri-syndrome muscarinique, nicotinique et central.
L’intoxication aiguë sévère a trois présentations assez caractéristiques :
■ syndrome digestif pseudogrippal (signes digestifs, céphalées, crampes) ;
121
II.30 ORGANOPHOSPHORÉS
2/3
● BIOLOGIE
Biologie de routine en fonction de la présentation clinique.
La baisse de l’activité des cholinestérases (AChE) plasmatiques et érythrocytaires représente le marqueur de
l’intoxication. Sujette à de nombreuses interactions, l’interprétation doit en être prudente. La clinique doit dominer
sur la biologie.
Spécificité +++ +
Disponibilité + +++
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Peu disponible et sans intérêt décisionnel.
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
ECG systématique.
● TRAITEMENT
Protection des équipes de secours, en particulier si vapeurs.
Déshabillage et décontamination (eau +++) si exposition cutanée : limiter la pénétration cutanée, éviter le transfert
de contamination.
Oxygénothérapie au masque à haute concentration ou après intubation.
Traitement anticonvulsivant par diazépam ou clonazepam. La kétamine a pu être recommandée dans l’EDME.
122
ORGANOPHOSPHORÉS II.30
3/3
Traitement spécifique
■ Atropine : 2 mgIV/5 à 10 min jusqu’à l’asséchement des sécrétions et levée du bronchospasme. De grosses
doses peuvent être nécessaires. L’armée française dispose d’une présentation galénique de 20 mL, 2 mg/mL.
Sa mise à disposition en pratique civile est discutée.
■ Sulfate de pralidoxime (régénérateur des cholinestérases) : 1 à 2 g (30 mg/kg) en perfusion de 30 min, avec
relais si besoin par 500 mg/h en perfusion continue. L’armée française dispose d’une seringue auto-injectable
à 2 compartiments contenant de l’atropine 2 mg, de l’avizafone (précurseur du diazépam) 20 mg et de la
pralidoxime 350 mg. Sa mise à disposition en pratique civile est discutée.
IMPORTANT
• Intoxication collective = redouter un risque terroriste
• Oxygène et atropine à fortes doses dans les meilleurs délais
• Mobilisation des lots PSM si besoin
123
II.31 PARACÉTAMOL
1/5
Intoxication par toxique lésionnel la plus fréquente en France ; le conditionnement le plus répandu, de 8 grammes,
correspond à une dose potentiellement toxique.
Il existe schématiquement deux profils différents d’exposition toxique :
■ la forme aiguë avec une seule ingestion à une heure donnée, dans un but suicidaire chez l’adulte ou par
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Non toxique lui-même, le paracétamol est métabolisé principalement par conjugaison hépatique en métabolites
conjuguées inactifs et pour une faible part, sous l’effet du cytochrome P450, en une molécule très électrophile,
le NAPQI. Ce métabolite est transformé en dérivés soufrés de la cystéine et de l’acide mercapturique lorsque du
glutathion, protéine intracellulaire sensible à l’état nutritionnel du sujet, est disponible en quantité suffisante.
Lorsque le stock cellulaire en glutathion devient insuffisant, ce dérivé agit comme un radical libre, bloquant la
chaîne respiratoire mitochondriale et entrainant des lésions des protéines et des membranes nucléaires et cyto-
plasmiques. Le foie est l’organe le plus exposé, suivi par le rein et le pancréas. On retient le diagnostic d’hépatite
aiguë au paracétamol pour une valeur maximale d’ALAT > 1 000 UI/L.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
En ingestion unique, le pic d’absorption est à H4. La concentration plasmatique décroît jusqu’à H20-H24 (où elle
tend à s’annuler) selon la dose ingérée, plus tardivement en cas d’ingestion massive. La demi-vie d’élimination
à dose thérapeutique est < 2 h, une valeur > 4 h signant un risque de toxicité ; en cas d’ingestions répétées,
ces données ne sont pas valables.
Il est peu éliminé sous forme libre.
Le taux de fixation protéique et le volume de distribution ne le rendent pas accessible à l’hémodialyse.
● GRANDEURS TOXIQUES
Chez le sujet adulte sain, sans trouble nutritionnel et sans autre facteur pouvant moduler la toxicité, le risque
d’hépatite débute à 150 mg/kg. L’enfant y est moins sensible, la dose hépatotoxique étant supérieure à 200 mg/kg.
Des facteurs peuvent moduler cette toxicité :
■ élévation du risque : éthylisme chronique, dénutrition (y compris jeûne de quelques jours), grand âge, traitement
124
PARACÉTAMOL II.31
2/5
L’évaluation du risque de toxicité à partir de la DSI étant difficile bien qu’il s’agisse d’un toxique lésionnel, on
s’en remet à l’utilisation du nomogramme de Prescott et Rümack (figure 1), utilisable exclusivement suite à une
ingestion unique à une heure connue. Ce nomogramme propose des lignes de décroissance en fonction du temps
de la paracétamolémie, entre H4 et H24, inscrites sur papier semi-logarithmique : les lignes déterminent diffé-
rentes probabilités de développer une hépatite, la ligne de traitement recommandée en France étant celle débutant
à 150 μg/mL à H4, un patient à risque élevé devant être traité si sa concentration se situe au-dessus de la ligne
débutant à 100 μg/mL à H4.
● RÉGULATION MÉDICALE
En cas d’intoxication volontaire et quelle que soit la DSI, un transport sur une structure d’urgence doit être
organisé ; il n’y a pas lieu de proposer une médicalisation.
En cas d’ingestions répétées et en particulier chez le sujet à risque, nécessité également d’une évaluation hospitalière.
En cas d’ingestion accidentelle chez un enfant, une DSI < 150 mg/kg en dehors d’un traitement de fond permet
de ne pas le faire transporter.
Il n’y a pas de prescription à distance à proposer.
● CLINIQUE
L’intoxication est classiquement asymptomatique initialement, qu’il s’agisse d’une exposition unique ou d’inges-
tions répétées.
Des nausées au cours des premières heures signent l’ingestion d’une forte quantité en prise unique ; les formes
effervescentes entraînent des vomissements qui annulent le risque d’hépatite.
L’hépatite, lorsqu’elle survient, se manifeste après H24 par des nausées puis par un tableau non spécifique.
Les formes fulminantes ne sont pas rares, qu’il s’agisse d’une exposition unique ou répétée ; en l’absence de
greffe hépatique, le décès est fréquent. Beaucoup plus rarement, une tubulopathie rénale aiguë ou une pancréatite
aiguë pourront être symptomatiques.
Exceptionnellement, à doses massives, un coma associé à une acidose lactique ou une myocardite aiguë pourront
être rencontrés.
● BIOLOGIE
Chez un sujet sain, à l’anamnèse non ambiguë et asymptomatique, les paramètres biologiques sont normaux
jusqu’à H12 au minimum.
En cas de suspicion d’ingestion massive, doser le lactate (veineux) à partir de H6.
En cas de doute sur l’horaire d’ingestion, de symptômes digestifs ou de prises multiples, doser d’emblée l’ALAT.
En cas de tableau d’hépatite déclarée, doser en plus TP-INR, bilirubinémie, lactatémie et créatininémie. En cas
de suspicion d’atteinte viscérale autre, doser la créatinine, la lipase, la troponine.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
En cas d’ingestion unique à horaire déterminé, la paracétamolémie est interprétable entre H4 et H24 ; la concen-
tration est reportée sur le nomogramme (figure 1) pour évaluer le risque d’hépatotoxicité.
En cas de prises multiples, en particulier chez le sujet à risque, doser la paracétamolémie, mais sans la reporter
sur le nomogramme : la persistance de paracétamol plasmatique est un facteur prédictif d’hépatite chez les sujets
à risque.
125
II.31 PARACÉTAMOL
3/5
126
PARACÉTAMOL II.31
4/5
● TRAITEMENT
Toute tentative de décontamination digestive ou d’épuration est inutile.
Le seul traitement est antidotique et repose sur la N-acétyl-cystéine (NAC), en priorité :
■ selon le protocole IV « classique » : 150 mg/kg en 1 h, puis 50 mg/kg en 4 h, puis 100 mg/kg en 16 h, dans
du sérum glucosé à 5 %.
■ selon un protocole IV en cours d’évaluation, plus simple et plus court : 100 mg/kg en 2 h dans 200 mL de
au-dessus de la ligne 150 μg/mL à H4, au-dessus de 100 μg/mL si sujet à risque ;
■ ingestions multiples (plus de 10 g les dernières 24 h ou plus de 6 g/j plus de 2 jours, quantités moindres chez
diatement, puis prendre un avis spécialisé (existence de morts fœtales par hépatite aiguë).
D’une façon générale, dans la forme aiguë et lorsque l’ingestion est hypothétique (cas le plus fréquent) et la
prise en charge précoce (avant H6, cas le plus fréquent également), il est possible d’attendre le résultat de la
paracétamolémie pour décider de l’initiation ou non du traitement.
Dans les cas difficiles (horaire peu précis, doute sur des prises répétées), dose massive avec hyperlactalémie,
un avis spécialisé est utile. Par exemple, le calcul de la demi-vie d’élimination du paracétamol peut être une
aide à la décision. Après un premier prélèvement fait après H4 postingestion, un 2e prélèvement est pratiqué
4 heures après le premier : une 2e concentration supérieure à 50 % de la 1re (demi-vie > 4 h) est une indication
d’administration de l’antidote (risque élevé d’atteinte hépatique). Le traitement est ainsi initié après le 1er prélè-
vement et éventuellement interrompu au vu du résultat du 2e prélèvement.
● ÉLÉMENTS DE SURVEILLANCE
Ils sont cliniques et biologiques : ALAT de façon quotidienne ; TP-INR, bilirubinémie, lactatémie et créatininémie
toutes les 8 à 12 h avec avis spécialisé en cas d’hépatite.
Il n’y a pas lieu de suivre la concentration plasmatique de paracétamol, sauf co-ingestion d’un médicament
fortement ralentisseur du transit chez un patient non traité par NAC.
L’hospitalisation se fait :
■ en UHCD en l’absence d’hépatite déclarée, y compris en cas de décision de traitement ;
■ en réanimation en cas d’hépatite sévère, le temps d’organiser au besoin un rapprochement d’un centre de greffe ;
■ en centre de greffe dans l’attente d’une décision de greffe et d’un don d’organe.
127
II.31 PARACÉTAMOL
5/5
● PRONOSTIC
Il est généralement favorable, car les patients se présentent précocement et ne maquillent que très rarement
l’anamnèse.
En cas d’hépatite fulminante, la mortalité est de l’ordre de 50 %, y compris en cas de greffe hépatique.
IMPORTANT
• Penser surtout aux sujets à risque et à la dangerosité des ingestions répétées, grosses pourvoyeuses d’hépatites
fulminantes
• N’utiliser le nomogramme que suite une ingestion unique à un horaire déterminé
• Traiter au moindre doute
128
RODONTICIDES ET ANTINUISIBLES II.32
1/3
Les produits tueurs de rongeurs sont d’usage large, domestique ou professionnel (industrie, agriculture). De très
loin, les rodonticides antivitamine K sont les plus répandus. Les intoxications par chloralose et crimidine sont
bien plus rares ; celles par strychnine, substance aujourd’hui interdite, exceptionnelles.
■ hydroxycoumadines : la warfarine et surtout les superwarfarines [les plus toxiques] : brodifacoum, bromadiolone,
difénacoum, diféthialone).
Toutes très liposolubles et non volatiles. Concentrés huileux pour préparation d’appâts et poudres sont d’usage
professionnel et dosés jusqu’à 1 %, alors que les rAVK prêts à l’emploi (céréales enrobées, blocs, granulés) sont
peu concentrés (généralement 0,005 %). L’amérisation de nombre de produits est censée limiter l’ingestion
accidentelle (adjuvé par du benzoate de dénatonium, Bitrex®).
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’absorption digestive est rapide, quasi totale. L’absorption cutanée est importante (plus de 90 %) à condition
d’un contact de plusieurs heures ; l’absorption respiratoire insignifiante. Les rAVK sont fortement liés aux protéines
plasmatiques et s’accumulent au niveau hépatique. Seules la warfarine et les indane-diones sont oxydées par le
CYP, alors que les superwarfarines sont éliminées de manière inchangée dans les selles. Leur élimination est
lente durant plusieurs semaines à plusieurs mois après une première phase d’élimination rapide de quelques
jours.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Inhibition de la synthèse des facteurs de coagulation vitamine K-dépendant (II, VII, IX et X) et des protéines C et
S par inhibition des réductases qui régénèrent la vitamine K1 active.
Conséquences : après consommation des facteurs biodisponibles, hypocoagulation retardée avec risque de sai-
gnement dans les 36 à 72 heures. Toxicité cumulative ; hypocoagulation pouvant durer jusqu’à plusieurs semaines,
voire plusieurs mois pour les superwarfarines.
● GRANDEURS TOXIQUES
L’ingestion accidentelle de quelques grains de rAVK prêts à l’emploi par un enfant est généralement sans risque
(faible dose, faible concentration). Biologie de contrôle et prise en charge sont à réserver aux rares modes
opératoires particuliers : ingestion par jeu entre enfants (« dinettes »), contexte de troubles du comportement.
Les intoxications sévères sont la conséquence d’ingestions volontaires (auto voire hétéro-infligées) d’un concentré
liquide ou d’une grande quantité de granules ou de grains imprégnés (plusieurs sachets par exemple). Le risque
est hémorragique : saignements superficiels (ecchymoses, gingivorragies, épistaxis, hématurie macroscopique...),
digestifs (rectorragies, hématémèse, méléna) ou profonds (abdomen, grands droits, boite crânienne...), compliqué
ou non par leurs conséquences non spécifiques.
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II.32 RODONTICIDES ET ANTINUISIBLES
2/3
● PRISE EN CHARGE
Intérêt du charbon activé pour les ingestions récentes, dans le respect des contre-indications. Suivi du bilan de
coagulation, en considérant le seuil de 6,0 : INR réguliers entre H36 et H72 avec un contrôle impératif à H72.
En l’absence de traitement, un bilan de coagulation non modifié à H72 exclut l’intoxication, si la chronologie est
fiable. Le dosage du rAVK est peu utile en routine, de corrélation pronostique médiocre.
Deux axes thérapeutiques : relancer la synthèse des facteurs de coagulation et prévenir le risque hémorragique
d’une part, craindre, traiter et suivre tout saignement d’autre part :
■ antidote : vitamine K1 : sans attendre si la dose supposée ingérée est importante ou face à une hémorragie
f ALPHACHLORALOSE ET CRIMIDINE
L’alphachloralose se présente sous la forme de poudre ou d’appâts, concentrés jusqu’à 100 %. Son usage n’est
pas limité à la lutte contre les rongeurs (taupicide, corvicide).
La vente officinale d’alphachloralose pur est longtemps restée banalisée dans certains territoires ultramarins pour
la confection d’appâts domestiques.
La toxicité est neurologique et respiratoire avec mise en jeu rapide du pronostic vital après ingestion.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’absorption cutanée et respiratoire est négligeable mais l’absorption digestive est bonne et rapide. L’élimination
est urinaire sous formes libre et conjuguée (glucuronoconjugaison hépatique).
● MÉCANISME TOXIQUE
Dépression directe du système nerveux central.
Levée de l’inhibition bulboprotubérantielle : résultante excitatrice.
130
RODONTICIDES ET ANTINUISIBLES II.32
3/3
● CLINIQUE
Très rapidement après l’ingestion : pseudo ébriété, puis dépression du SNC (somnolence à coma hypertonique,
dose-dépendant), myoclonies spontanées ou à la moindre stimulation, localisées (ex. : membres) ou non, mimant
un tableau convulsif généralisé. Hypercrinie salivaire et surtout bronchique menaçante : risque d’encombrement
majeur obstructif hypoxémiant et ses conséquences. À dose massive prédomine l’effet dépresseur (coma hypo-
tonique possible), avec même possibilité d’état de mort apparente.
Les tableaux sévères sont possibles dès l’ingestion d’un gramme chez l’adulte, 15 à 20 mg/kg chez l’enfant ; le
risque n’est pas conditionné qu’aux seules prises volontaires.
● PRISE EN CHARGE
En régulation : médicaliser toute ingestion significative, même involontaire (risque rapide de coma clonique avec
détresse respiratoire).
Le traitement est essentiellement symptomatique : intubation et ventilation assistée, sédation par BZD voire
barbituriques ; atropine pour limiter les sécrétions ; aspirations régulières soignées des sécrétions bronchiques ;
intérêt de la curarisation face à des clonies réfractaires ; suivi des conséquences : notamment rhabdomyolyse et
fonction rénale.
Traitement toxicologique : charbon activé et aspiration digestive à discuter uniquement après intubation. Pas
d’antidote ni de traitement épurateur. Le tableau se résout généralement en 48 heures.
f CRIMIDINE
Toxicité et prise en charge similaires à celles de l’alphachloralose. Tableaux sévères uniquement sur ingestion
volontaire (produits généralement nettement moins dosés).
f STRYCHNINE
Intoxications devenues rarissimes (produits interdits, mais échantillons parfois conservés). Utilisée pour la pré-
paration d’appâts, formulations liquides souvent colorées en bleu.
Absorption digestive très rapide. Toxicité majeure dès l’ingestion de quelques dizaines de milligrammes par un
adulte. Action par antagonisme du système inhibiteur postsynaptique médullaire : hyperexcitabilité musculaire
spontanée ou après la moindre stimulation.
Tableau brutal en moins de 30 minutes : intenses contractures musculaires sans altération directe de l’état de
conscience, trismus « sardonique », clonies mimant un tableau de convulsions généralisées, opisthotonos, téta-
nisation des muscles thoraciques et laryngés mettant en jeu le pronostic vital.
Prise en charge similaire à celle réalisée pour l’alphachloralose.
131
II.33 STUPÉFIANTS
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STUPÉFIANTS II.33
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II.33 STUPÉFIANTS
9/17
Morphine Ingestion, Agoniste opioïde pur des Toxidrome opioïde Naloxone : titration de
injection IM, récepteurs μ Complications : 0,1 mg toutes les 2 min
IV, SC Pic plasmatique 60 à OAP lésionnel, jusqu’à 2 mg
90 min après absorption pneumopathie En cas de coma ou
orale (2 à 4 h si forme LP) d’inhalation, dépression respiratoire
et 15 min après IV, rhabdomyolyse (alternative à l’intubation
30 min si IM et 90 min si À dose massive : trachéale et ventilation
sous-cutanée toxidrome (III.66) assistée)
sérotoninergique, état de Objectif : FR > 15/min
choc et arythmie Durée d’action de 30 min
ventriculaire (par ESM) (administration IV en
continu après réveil à la
dose cumulée ayant
permis d’obtenir une FR
> 15/min
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SULFAMIDES HYPOGLYCÉMIANTS II.34
1/3
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
L’hyperinsulinémie entraîne une hypoglycémie et très souvent une hypokaliémie et une hypomagnésémie de
transfert.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Après une absorption peu rapide (pic plasmatique en règle générale après H4), ces médicaments ont une forte
fixation protéique, un volume de distribution variable, mais plutôt faible.
Ils subissent pour la plupart un métabolisme hépatique inactivateur, avec élimination rénale des métabolites dont
certains peuvent être actifs ; l’un d’eux, le glimépiride, subit également une élimination rénale sous forme
inchangée.
La demi-vie d’élimination est toujours prolongée en cas d’intoxication, en particulier pour les formes à libération
prolongée et en cas d’insuffisance rénale.
L’hémodialyse est sans intérêt les concernant.
La corrélation clinicobiologique est mauvaise.
● GRANDEURS TOXIQUES
Un seul comprimé peut entraîner une hypoglycémie chez un sujet non diabétique et a fortiori chez un enfant.
La sensibilité des sujets diabétiques traités est très variable ; une insuffisance rénale peut jouer un rôle.
● RÉGULATION MÉDICALE
Évoquer l’intoxication chez un patient diabétique, mais également dans son entourage.
Ne pas sous-estimer la gravité potentielle de cette intoxication, même si l’ingestion remonte à plusieurs heures :
le délai moyen d’apparition des symptômes est de 6 à 8 heures y compris pour les formes immédiates.
Stimuler des prises glucidiques orales (solides ou liquides) chez le patient symptomatique non comateux.
S’enquérir de la disponibilité de Glucagon, à administrer par le patient, l’entourage, l’infirmier habituel, un médecin
de proximité...
Déclencher une médicalisation en cas de trouble de conscience ne permettant pas des apports glucidiques oraux ;
y associer un vecteur de transport, l’hospitalisation étant impérative.
Orienter les sujets initialement comateux vers une unité de surveillance continue.
149
II.34 SULFAMIDES HYPOGLYCÉMIANTS
2/3
● CLINIQUE
C’est celle d’une hypoglycémie ; les sueurs sont constantes et doivent alerter.
L’impasse d’un repas est très rarement la cause d’un surdosage relatif.
Les effets, outre qu’ils apparaissent après plusieurs heures, sont de durées extrêmement variables, pouvant
persister plusieurs jours.
● BIOLOGIE
Les mesures utiles sont la glycémie, la kaliémie, la magnésémie et la créatininémie ; la glycémie capillaire doit
être suivie toutes les 30 minutes dès le patient symptomatique, puis 1 puis 2 heures après stabilisation.
Celle de l’insulinémie est sans intérêt et la concentration serait très mal corrélée au tableau clinique.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Pourrait être indiquée en cas de doute diagnostique, mais est sans intérêt pour la prise en charge initiale.
● TRAITEMENT
Discuter une décontamination digestive par charbon activé avant H1 si ingestion avérée.
Le traitement spécifique ne s’initie que chez un patient symptomatique :
■ glucagon (1 mg IM), si peut précéder la pose d’une voie veineuse ;
■ apports glucidiques oraux si possibles, intraveineux hypertoniques à défaut, ceci nécessite la pose d’un abord
24 à 36 h) : bloque la sécrétion d’insuline, doit être instauré précocement, quand se pose la question d’apports
glucidiques hypertoniques par voie veineuse profonde ; permet d’éviter ce geste et de limiter les variations de
kaliémie.
Apports potassiques et en magnésium adaptés, corrélés à la fonction rénale.
Pas d’indication à une épuration digestive, rénale ou extrarénale.
150
SULFAMIDES HYPOGLYCÉMIANTS II.34
3/3
● SURVEILLANCE
Surveillance complémentaire au moins 8 h après arrêt de l’octréotide, avec alimentation orale suffisante sans
apports glucidiques IV.
● PRONOSTIC
Séquelles neurologiques pouvant aller jusqu’à un état végétatif en cas de prise en charge trop tardive d’une
hypoglycémie très profonde.
Risque de décès non nul.
IMPORTANT
• Tableau s’installant assez tardivement (H6-H8) et pouvant durer plusieurs jours
• L’utilisation précoce d’octréotide permet d’éviter la pose d’un abord veineux profond et de limiter les variations
de kaliémie liées aux apports glucidiques
151
II.35 TRICHLORÉTHYLÈNE
1/2
Solvant industriel. L’intoxication peut être accidentelle en milieu de travail ; elle est rarement suicidaire par
ingestion. Elle est plus souvent le fait d’une utilisation par inhalation chez un adolescent toxicomane.
Le trichloréthylène est incolore d’odeur douce.
Dans le cadre d’une toxicomanie, l’inhalation peut se faire :
■ en respirant un tissu ou un oreiller imbibé. Le risque est l’asphyxie mécanique dans le cas d’un endormissement ;
■ en respirant dans un sac plastique contenant le produit : le risque d’asphyxie est majoré ;
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
L’effet recherché par le toxicomane est un syndrome ébrionarcotique avec sensation d’ivresse, euphorie, désin-
hibition. Comme d’autres solvants volatils, le trichloréthylène entraîne une dépression nerveuse centrale ; les
mécanismes en sont largement méconnus. Le trichloréthylène augmente la sensibilité du myocarde aux caté-
cholamines : un trouble du rythme ventriculaire peut être la cause d’une mort subite en cas de stress majeur.
L’utilisation de catécholamines est contre-indiquée.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
Le trichloréthylène est métabolisé en acide trichloroacétique et en trichloréthanol (métabolites trichlorés) faciles
à mettre en évidence dans les urines si besoin.
● RÉGULATION MÉDICALE
Régulation sur les signes présents à l’appel. L’aggravation peut être rapide.
Penser aux risques de dépression nerveuse centrale, d’asphyxie et de survenue de troubles du rythme cardiaque.
Intervention uniquement secouriste ou médicalisée à discuter.
Admission en structure d’urgence ou en réanimation selon la gravité initiale.
● CLINIQUE
Les signes cliniques apparaissent très rapidement. Ils associent à des degrés divers :
■ signes neurologiques : syndrome ébrionarcotique, agitation, hallucinations, obnubilation, coma dans les formes
graves ;
■ signes cardiaques : troubles de l’excitabilité myocardique, arrêt cardiaque possible ;
● BIOLOGIE
Biologie de routine, pas de marqueur spécifique.
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage dans les urines des métabolites trichlorés est facile à obtenir si besoin.
152
TRICHLORÉTHYLÈNE II.35
2/2
● EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
L’ECG est systématique.
Le trichloréthylène est radio-opaque sur les cliches d’abdomen sans préparation.
● TRAITEMENT
Le traitement est essentiellement symptomatique.
Lavage abondant, précoce et prolongé en cas d’exposition cutanée et/ou oculaire (accident du travail).
Admission en réanimation des formes graves. Attention à l’évacuation des gaz expirés, ils contiennent du
trichloréthylène.
Le propranolol est recommandé en cas d’hyperexcitabilité myocardique : 1 mg IV lente renouvelable après
5 minutes, puis 1 amp/12 h au PSE.
Les catécholamines exogènes sont normalement contre-indiquées.
IMPORTANT
• Toxicomanie surtout
• Risques d’asphyxie mécanique et de troubles du rythme ventriculaire
• Contre-indications des catécholamines
153
II.36 VALPROATE DE SODIUM
1/2
Le valproate de sodium, un acide gras, est prescrit comme antiépileptique. Différentes formes galéniques sont
disponibles, dont des formes à libération prolongée. Les médicaments dérivés divalproate de sodium (acide
valproïque-valproate de sodium) et valpromide (prodrogue du valproate), utilisés dans les troubles de l’humeur,
ont la même toxicité et répondent à la même prise en charge. L’intoxication modérée, avec une simple somno-
lence, est assez courante. Des formes graves sont possibles, un traitement spécifique est disponible.
● MÉCANISMES DE TOXICITÉ
Ils sont pour l’essentiel mal connus. Le valproate de sodium est considéré comme un acide gras dans la bêta-
oxydation des acides gras et suit donc cette voie métabolique. Des métabolites toxiques et une hyperammoniémie
peuvent apparaître lors d’une déplétion en L-carnitine et une déviation du métabolisme vers une oméga-oxydation.
Une atteinte hépatique à type de stéatose microvésiculaire et un œdème cérébral caractérisent les formes graves
de l’intoxication.
● ÉLÉMENTS DE TOXICOCINÉTIQUE
L’absorption de la forme buvable est rapide en moins d’une heure, elle est de quelques heures pour les comprimés.
La demi-vie d’élimination d’une forme simple est de 7 à 17 h. Malgré une forte liaison protéique (90 %), son
faible volume de distribution (0,15 L/kg) le rend accessible à l’épuration extrarénale. Des effets toxiques, neuro-
logiques en particulier, peuvent apparaître dès 1 800 mg en prise unique.
● RÉGULATION MÉDICALE
Les premiers signes cliniques apparaissent 10 min à deux heures après l’ingestion. La forme la plus habituelle
de l’intoxication, avec simple somnolence, ne justifie pas une médicalisation systématique. L’intoxication modérée
peut être dirigée vers une structure d’urgence. Des signes de détresse vitale, la prise d’une dose massive,
justifient une médicalisation précoce et l’admission en réanimation.
● CLINIQUE
Somnolence et confusion sont observées dans la forme habituelle de gravité modérée.
Les formes graves peuvent associer :
■ un coma hypotonique hyporéflexique, des convulsions, un EDME ;
● BIOLOGIE
La biologie est assez riche, en particulier dans les formes graves :
■ acidose métabolique à trou anionique élevé non expliqué par l’hyperlactatémie ou la présence de l’ion valproate ;
fibrinogène ;
■ cytolyse hépatique, insuffisance hépatocellulaire ;
154
VALPROATE DE SODIUM II.36
2/2
● ANALYSE TOXICOLOGIQUE
Le dosage plasmatique est rapidement obtenu par immunoanalyse. Bien que la corrélation clinicobiologique ne
soit pas très bonne, un suivi des concentrations plasmatiques toutes les 6 heures est utile. Il existe en effet une
relation entre les pics de concentration et l’atteinte neurologique. Deux seuils à connaître : intoxication modérée
pour une concentration > 450 mg/L, intoxication grave pour une concentration > 850 mg/L. Le dosage a lieu
d’être prescrit de la même façon pour les spécialités valpromide et divalproate de sodium.
● TRAITEMENT
■ Symptomatique dans tous les cas.
■ Charbon activé en dose unique à discuter dans l’heure suivant l’ingestion.
■ Traitement des convulsions par diazépam, clonazépam.
■ Traitement du collapsus par remplissage prudent (< 1 500 mL) et amines pressives.
métaboliques du valproate empruntant le chemin de la bêta-oxydation des acides gras, avec réduction de la
formation de métabolites hépatotoxiques.
Indication : forme grave avec acidose métabolique, insuffisance hépatocellulaire, œdème cérébral, concentration
plasmatique > 850 mg/L.
Posologie : 100 mg/kg/j en perfusion intraveineuse de 4 à 8 heures pendant trois jours.
● PRONOSTIC
Il est bon dans la majorité des cas de gravité modérée. Le décès est possible dans les formes graves avec
œdème cérébral et atteinte hépatocellulaire.
IMPORTANT
• La forme habituelle la plus fréquente de l’intoxication est sans gravité
• Des formes graves exceptionnelles peuvent conduire au décès
• Un traitement spécifique est disponible
155
PARTIE III
Lexique encyclopédique
ABORD INITIAL
III.1 DU PATIENT INTOXIQUÉ
1/2
La première approche du patient, incluant son inspection (dont le comportement, la peau, les muqueuses et les
extrémités), l’étude de son haleine, éventuellement la coloration des urines, permettent d’évoquer des mécanismes
physiopathologiques ou lésionnels qui guideront la suite de l’examen clinique et les propositions d’hypothèses
toxiques.
PRÉSENTATION MÉCANISME
158
ABORD INITIAL
DU PATIENT INTOXIQUÉ III.1
2/2
PRÉSENTATION MÉCANISME
159
III.2 ACOUPHÈNES
Évoquer :
■ aspirine (II.8) et anti-inflammatoires non stéroïdiens (II.7), chloroquine ;
■ plomb ;
■ quinine.
160
ANALYSE TOXICOLOGIQUE III.3
1/5
L’analyse toxicologique vient après un examen clinique complet et les examens complémentaires (III.28) biolo-
giques de routine ; certains « marqueurs » biologiques simples peuvent en effet être les témoins de la gravité
immédiate ou potentielle de l’intoxication.
L’analyse toxicologique permet :
■ de confirmer une intoxication suspectée (raisonnement clinique probabiliste (III.55)) ;
Le sang et l’urine sont les milieux biologiques habituellement analysés. Le sang est le milieu dans lequel la
concentration d’un toxique pourra être le mieux corrélée dans certains cas à la gravité immédiate ou potentielle
de l’intoxication. Les urines sont un bon complément de l’analyse sanguine, en particulier lorsque le toxique a
une demi-vie d’élimination sanguine rapide ou une fixation tissulaire importante. Les urines peuvent aussi être
le témoin d’une consommation récente de médicaments psychotropes ou de substances illicites. L’analyse du
contenu gastrique (vomissements ou lavage gastrique) est maintenant exceptionnelle. Enfin, dans certains cas
particuliers (soumission chimique (III.59), addiction, suspicion d’intoxication criminelle), une mèche de cheveux
ou d’autres phanères pourront être prélevés dans les semaines suivant l’exposition.
● TYPES D’ANALYSE
Deux types d’analyse toxicologique sont à disposition du clinicien.
161
III.3 ANALYSE TOXICOLOGIQUE
2/5
Dans les autres cas, il s’agit d’une technique de reconnaissance de classes de médicaments ou de stupéfiants ;
l’interprétation peut alors être plus difficile et doit tenir compte :
■ de la notion de différences d’affinité, vis-à-vis d’un même anticorps, entre les différentes molécules d’une
même famille : certaines molécules sont moins bien reconnues que d’autres, du fait parfois d’une très légère
modification de structure, d’où le risque de résultats faussement négatifs (exemple classique de certaines
benzodiazépines comme le bromazépam ou l’alprazolam) ;
■ de la notion de réactions croisées par suite d’une parenté structurale conduisant à de faux positifs (carbama-
zépine, phénothiazines, tropatépine, clopixol, dont la structure tricyclique interfère avec les réactifs pour anti-
dépresseurs tricycliques) ;
■ de la notion de résultat purement qualitatif (positif ou négatif par rapport à un seuil de positivité) ou de résultat
semi-quantitatif, pour lequel il faut être très prudent, mais qui peut être potentiellement très intéressant : dans
le cas d’une crise d’épilepsie, une recherche d’antidépresseurs dans le sang à une concentration supérieure à
1 000 μg/L est suffisante pour confirmer en urgence un surdosage en antidépresseurs tricycliques.
L’immunoanalyse présente deux inconvénients majeurs : son coût et son domaine d’application réduit aux molé-
cules pour lesquelles des réactifs ont été développés. Le biologiste qui ne dispose que d’un automate d’immu-
noanalyse se trouve ainsi démuni lorsqu’il est confronté par exemple à une intoxication par la chloroquine, par
le méprobamate (retiré récemment de la pharmacopée), par un neuroleptique ou par un antidépresseur non
tricyclique ; le baclofène peut maintenant être ajouté à cette liste. Le clinicien doit être averti de ces difficultés
d’ordre technique : il doit savoir que les antidépresseurs de nouvelle génération ne sont pas identifiés avec les
réactifs de détection des antidépresseurs tricycliques ; que le zolpidem et la zopiclone, souvent assimilés à des
benzodiazépines, ne sont pas reconnus par l’anticorps antibenzodiazépines, ou encore que parmi les opioïdes,
buprénorphine, tramadol, dextropropoxyphène (retiré de la pharmacopée), méthadone et fentanyl ne sont pas
reconnus par les réactifs de détection de la classe des morphiniques.
162
ANALYSE TOXICOLOGIQUE III.3
3/5
À ce niveau, se pose le problème de l’urgence de la réalisation des analyses plus complexes ; il est très difficile
de répondre à cette question dans l’absolu. La réponse dépend de nombreux facteurs tels que :
■ la nécessité d’instaurer un traitement spécifique antidotique à renouveler dans le temps (utilité du dosage des
du laboratoire pour traiter une intoxication par les cyanures. L’analyse, non indispensable, peut être différée !
■ l’expérience du clinicien qui prend en charge le patient ; celle-ci influence souvent son degré d’exigence dans
système de garde avec du personnel qualifié. En matière d’efficacité et de fiabilité des résultats, il est parfois
plus prudent de reporter au lendemain une analyse complexe qui nécessite une certaine expérience de la part
de celui qui va la prendre en charge. Quelle que soit la puissance de l’outil analytique, le biologiste doit toujours
rester critique face à ses résultats ; il doit faire part de ses doutes au clinicien ;
■ les contraintes administratives, décision de sortie du patient ou de transfert par exemple. Le caractère d’urgence
peut être lié à des considérations économiques : une analyse positive confirmant un diagnostic toxicologique
peut éviter d’autres investigations plus coûteuses. Tout ceci est discutable et peut alimenter la discussion
clinicobiologique.
Dans certains cas enfin, l’analyse toxicologique peut s’imposer pour des raisons médicolégales ; une suspicion
de soumission chimique en est un exemple.
Dans toutes les situations difficiles ou douteuses, il faut souligner l’importance de conserver des prélèvements
de sang et d’urine dès l’admission du patient pour une analyse ultérieure, afin de ne pas perdre une chance de
faire un diagnostic exact et rigoureux, même a posteriori. Ainsi, plasmathèque et urothèque peuvent être consti-
tuées en collaboration avec le biologiste. Ces prélèvements « conservatoires » (III.53) seront constitués au
minimum de 10 mL de sang prélevé sur héparinate de lithium sans gel conservateur (un tube de 5 mL non
centrifugé et un tube de 5 mL centrifugé et décanté le plus rapidement possible) et de 10 mL d’urines.
163
III.3 ANALYSE TOXICOLOGIQUE
4/5
164
ANALYSE TOXICOLOGIQUE III.3
5/5
● CONCLUSION
En conclusion, nous proposons un schéma qui résume la place de l’analyse toxicologique dans la prise en charge
des intoxications aiguës (figure 1) : celui-ci reflète également la nécessité d’une bonne collaboration
clinicobiologique.
165
III.4 ANAMNÈSE
C’est l’histoire de l’exposition toxique (III.29) simple ou de l’intoxication (III.46), celle de la rencontre d’un orga-
nisme humain avec un toxique, avec ou sans symptômes rapportés par le sujet exposé. Il conviendra de carac-
tériser le sujet, le toxique et l’exposition, puis de recueillir les signes fonctionnels éventuels du patient.
● SUJET
■ Sexe et âge : démythifier le « cliché » de la femme jeune et comateuse (penser au suicide chez l’homme âgé),
savoir repérer un sujet potentiellement victime de soumission chimique (III.59).
■ Reconnaître un patient potentiellement suicidant (III.61).
■ Antécédents médicaux : certaines comorbidités peuvent influer sur l’histoire naturelle de l’intoxication et orienter des
choix thérapeutiques : cardiopathie, insuffisance respiratoire chronique, risque de déplétion hépatique en glutathion...
■ Caractéristiques du milieu social et professionnel : elles peuvent guider le recueil de données (toxiques parti-
culiers à disposition, connaissance des toxiques les plus dangereux).
● TOXIQUE
■ Sa nature : une identification du toxique (III.42) est souvent utile ; à défaut, des éléments indirects peuvent aider (pour
les plantes et champignons supérieurs par exemple, l’habitat, la saisonnalité, l’altitude, les données classiques sur les
confusions entre espèces), ou encore des données épidémiologiques (cas groupés connus des autorités sanitaires).
■ Son potentiel toxique : cibles cellulaires et toxicodynamie (III.64), données toxicocinétiques (III.63) connues,
physiopathologie (toxique fonctionnel et/ou lésionnel (III.67)), dose ou concentration toxique classique pour un
toxique lésionnel, dose ou concentration potentiellement létale
■ La dose supposée ingérée ou autre donnée de métrologie, dans une logique initiale « maximaliste » et de
gestion de risque, en phase précoce non symptomatique.
■ respiratoire : dyspnée ;
■ digestive : vomissements (III.73), diarrhées (III.20), hémorragie (III.35) digestive, douleur (III.23) abdominale ;
166
ANOXIE CELLULAIRE TOXIQUE III.5
Tableau systémique provoqué par un blocage de la chaîne respiratoire mitochondriale, avec défaut d’utilisation
de l’oxygène et blocage des fonctions cellulaires.
Il existe le plus souvent une gravité (III.32) affichée, avec un pronostic (III.54) souvent sombre, dépendant de la
rapidité du diagnostic et de la mise en œuvre du traitement.
Les toxiques en cause sont surtout les cyanures (II.15) et nitriles (dérivés industriels précurseurs d’ions cyanures),
le monoxyde de carbone (II.28), l’hydrogène sulfuré (gaz dégagé en milieu industriel à partir de sulfures) et la
roténone (insecticide).
Le tableau est le plus souvent brutal (retardé avec les nitriles) et grave, associant sueurs et signes adrénergiques
initialement (tachycardie, tachypnée), puis signes neurosensoriels et digestifs, trouble de conscience allant de
l’agitation au coma convulsif, état de choc (III.26), insuffisance respiratoire aiguë (III.44), décès. Le métabolisme
anaérobie généré s’associe à une élévation importante du lactate sanguin.
Traitement général (III. 70) (oxygénothérapie à haut débit et dès que possible ventilation assistée) éventuellement
associé à un traitement par antidote (III.6).
167
III.6 ANTIDOTES
1/11
Les antidotes agissent pour la majorité d’entre eux selon trois mécanismes d’action :
■ toxicocinétique (III.63). L’antidote modifie la cinétique du toxique dans l’organisme :
• en formant des complexes non toxiques (chélateurs des métaux et des cyanures, immunothérapie),
• en empêchant les biotransformations du toxique (fomépizole, éthanol),
• en restaurant un mécanisme physiologique (acétylcystéine) ;
■ toxicodynamique (III.64), en agissant sur des récepteurs (naloxone, flumazénil) ou sur des systèmes enzyma-
tiques (pralidoxime) ;
■ en aval de la cible toxique de façon spécifique (bleu de méthylène, glucagon...).
Quelques produits présentés comme antidotes ont une action métabolique plus complexe et souvent encore mal
connue (émulsions lipidiques, insuline, L-carnitine, etc.).
Les antidotes sont présentés en trois tableaux. Le premier présente les antidotes utilisables dans les services
d’urgences et dont l’intérêt est généralement admis. Le deuxième présente des antidotes en cours d’évaluation
et dont l’usage devrait, dans l’idéal, se faire pour des observations bien documentées et en partenariat avec un
toxicologue clinicien. Le troisième, enfin, rassemble, pour mémoire, les chélateurs des métaux.
Les antidotes potentiellement utiles en préhospitalier sont marqués de la lettre P.
168
ANTIDOTES III.6
2/11
169
III.6 ANTIDOTES
3/11
Éthanol Saturation de Flacon = 25 mL Intoxication par 0,8 g/kg puis 0,1 Obtenir
l’alcool à 100 % méthanol et à 0,2 g/kg/h alcoolémie à
déshydrogénase (= 0,8 g/mL) glycols Augmenter les 1 g/L
(blocage des doses si Préférer
biotrans- hémodialyse fomépizole si
formations) possible
170
ANTIDOTES III.6
4/11
Folinate de Acide folique AMP Intoxication par 100 à 200 mg/j Faible niveau de
calcium (2,5 mg/mL) : 1, antifoliques en 4 injections preuve pour
2 et 10 mL (pyriméthamine, méthanol
Flacon : poudre triméthoprime)
50 mg ou méthanol
171
III.6 ANTIDOTES
5/11
Edétate Le cobalt est un Amp. inj : Intoxication 1 à 2 amp. IVL. Associer glucosé
dicobaltique chélateur des 300 mg = 20 mL cyanhydrique Renouveler hypertonique
(Kélocyanor®) ions cyanures notamment après 15 min si (hypoglycémies)
(P) collective nécessaire Retentissement
(accident cardiovasculaire
industriel, en l’absence
terrorisme d’intoxication ;
chimique) céphalées,
troubles
digestifs, rash
CI : insuffisance
rénale,
grossesse
(relatif)
Lactate de Charge sodée Flacon = 250 mL Intoxication par 250 à 500 mL Ajouter 1 g KCl
sodium molaire et/ou substance à ESM renouvelable pour 250 mL
(11,2 %) ou alcalinisation (maxi 750 mL) (risque
bicarbonate de Surveillance d’hypokaliémie).
Na molaire QRS Surcharge sodée
(8,4 %) (P)
172
ANTIDOTES III.6
6/11
173
III.6 ANTIDOTES
7/11
174
ANTIDOTES III.6
8/11
Kétamine (P) Antagoniste des 5 mL = 50 mg État de mal 1 à 3 mg/kg IV, Faible niveau de
récepteurs 5 mL = 250 mg convulsif lié à réinjections preuve
NMDA 5 mL = 375 mg intoxication par 1/2 dose toutes
insecticides ou les 15 à 30 min
surtout
neurotoxiques
organo-
phosphorés
175
III.6 ANTIDOTES
9/11
176
ANTIDOTES III.6
10/11
Dimercaprol Chélateur des Amp. inj : Intoxication par 3 mg/kg/inj., IM Douleur au point
(BAL®) métaux lourds 200 mg = 2 mL arsenic profonde (maxi : d’injection
(Lewisite), 300 mg/inj.) Augmenter la
plomb, mercure, J1-J2 : 1 inj./4 h diurèse
antimoine, or, J3 : 1 inj./6 h Hypersensibilité
symptomatique J4-J10 : (test par 50 mg
ou avec taux 1 inj./12 h IM proposé)
sanguins ou Nombreux effets
urinaires élevés secondaires :
Préférer céphalée,
succimer si anxiété,
disponible agitation,
tachycardie,
HTA, douleurs
thoraciques,
troubles
digestifs,
sudation,
myalgies,
hypersécrétion
CI : insuffisance
rénale ou
hépatique
sévère,
grossesse
177
III.6 ANTIDOTES
11/11
178
CHARBON ACTIVÉ III.7
Le charbon activé a été très longtemps et largement utilisé dans la prise en charge des intoxications aiguës.
Pourtant le niveau de preuve de son efficacité chez l’intoxiqué est faible. Il est commercialisé en France sous
les noms de Carbomix® et Toxicarb®.
Il est administré soit en dose unique (il s’agit alors d’une manœuvre de décontamination digestive (III.14)), soit
à doses répétées (il s’agit alors d’une technique d’épuration extrarénale (III.24)).
179
III.8 COMA
1/2
Le pronostic (III.54) n’est, en règle générale, pas corrélé à la gravité (III.32) affichée.
● MÉCANISMES
Le coma peut être le fait d’une atteinte encéphalique directe par un toxique fonctionnel (psychotropes dépresseurs
ou générateurs de convulsions (III.12)) ou lésionnel (monoxyde de carbone (II.28), méthanol (II.26), etc.). Il peut
également être lié à une cause indirecte (abord initial du patient intoxiqué (III.1)).
● DIAGNOSTIC
Le score de Glasgow est peu adapté à l’évaluation d’un coma toxique, mais reste très employé et possède
l’avantage d’être largement connu. Tous les stades peuvent se rencontrer, de l’obnubilation de la conscience au
coma aréactif. Un coma associé à des convulsions est de pronostic sévère.
L’examen clinique recherche la profondeur du coma, mais également son caractère calme ou agité, hypo ou
hypertonique, les diamètres et la réactivité pupillaires (myosis (III.51) ou mydriase (III.50)), ainsi que des signes
de localisation neurologique (monoxyde de carbone (II.28), méthanol (II.26), hypoglycémiant).
En cas de doute sur l’authenticité du coma, l’appréciation de sa réalité ne doit pas se fonder sur une escalade
de stimuli nociceptifs ; la persistance d’une ventilation efficace malgré un coma apparemment profond, ainsi
qu’un tonus normal des muscles de la face, sont évocateurs d’une simulation et d’un théâtralisme.
● COMPLICATIONS
Insuffisance respiratoire aiguë (III.45).
Rhabdomyolyse (III.58).
Hypothermie (III.41).
Maladie thromboembolique veineuse.
● TRAITEMENT
Antidotique
Peut concerner certains toxiques, selon des indications strictes (rapport bénéfice/risque/niveau de surveillance
favorable) : benzodiazépines, opiacés, CO.
180
COMA III.8
2/2
■ sondage vésical (risque élevé de rétention aiguë d’urines), systématique chez le patient intubé et ventilé ;
181
COMPATIBILITÉ AVEC UNE MESURE
III.9 DE GARDE À VUE
1/2
La garde à vue (GAV), mesure judiciaire de privation de liberté, permet à un officier de police judiciaire de retenir
« une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a
commis ou tenté de commettre une infraction ».
● DURÉE
La durée de la GAV est de 24 heures, pouvant être prolongée de 24 heures sur autorisation du procureur de la
République. Elle peut atteindre 96 heures dans les affaires de crime organisé ou d’infraction à la législation sur
les stupéfiants et 144 heures en matière de terrorisme.
Une personne gardée à vue peut rencontrer un médecin (demande renouvelable au bout de 24 heures), qui
intervient sur réquisition du procureur de la République ou du Juge d’instruction.
● EXAMEN MÉDICAL
L’examen médical a pour objectif d’attester la compatibilité de l’état de santé physique et mental de la personne
gardée à vue avec son maintien dans les locaux de police ou de gendarmerie.
Le mineur entre 10 et 13 ans ne peut pas faire l’objet d’une GAV, mais d’une mesure de retenue qui ne peut
pas être supérieure à 12 heures (prolongée exceptionnellement pour une nouvelle durée de 12 heures), l’examen
médical étant obligatoire dès le début de la retenue et au début de la prolongation. Entre 13 et 16 ans, l’examen
médical est obligatoire dès le début de la GAV et de sa prolongation. À partir de 16 ans, les conditions de la GAV
sont celles du sujet majeur.
Le mineur et le majeur peuvent refuser l’examen médical. En cas de refus, il faut le faire figurer dans le certificat
remis à l’autorité requérante.
Les missions auxquelles le médecin doit répondre peuvent être :
■ compatibilité de l’état de santé de la personne avec son maintien en GAV dans les locaux de police ou de
gendarmerie ;
■ rédaction d’un certificat médical descriptif de lésions avec détermination de l’incapacité totale de travail (ITT) ;
■ prélèvements biologiques, détermination de l’âge réel, recherche de corps étrangers intracorporels (dont la
182
COMPATIBILITÉ AVEC UNE MESURE
DE GARDE À VUE III.9
2/2
● CERTIFICAT
À l’issue de l’examen clinique, le médecin rédige un certificat médical concluant sur :
■ la compatibilité de l’état de santé avec un maintien en GAV dans les locaux de police ou de gendarmerie sans
une durée de 24 heures, sous réserve de soins, de délivrance de traitements (le rôle des gardiens ne peut pas
aller au-delà de ce qui peut être demandé à l’entourage familial d’un malade en milieu libre), de conditions
de rétention et d’interrogatoire. Le médecin doit alors préciser par écrit les consignes de surveillance et de
délivrance de traitements éventuels ;
■ l’incompatibilité de l’état de santé avec un maintien en GAV dans les locaux de police ou de gendarmerie, du
fait de la nécessité d’examens complémentaires, d’un avis médical hospitalier ou de soins nécessitant une
hospitalisation.
Le médecin peut prescrire des médicaments sous sa responsabilité (mettre les médicaments déconditionnés sous
enveloppes cachetées, en indiquant nom de la personne et l’heure de délivrance, pour respecter le secret
professionnel). La délivrance est alors faite par les gardiens.
En l’absence de médicament disponible, si le gardé à vue dispose d’une carte de sécurité sociale, de la CMU ou
d’un moyen de paiement, avec son accord, les fonctionnaires de police ou de gendarmerie se rendent à la
pharmacie avec l’ordonnance rédigée par le médecin, se procurent les médicaments prescrits et les délivrent
selon les consignes écrites sur l’ordonnance.
Dans les autres cas, le recours à la pharmacie de l’hôpital reste la seule solution.
Les frais relatifs à l’intervention du médecin en GAV sont pris en charge par le ministère de la Justice, la
rémunération de l’acte étant déterminée par tarif forfaitaire (attestation de mission).
Les soins éventuels (frais pharmaceutiques et infirmiers), réalisés dans les locaux de police ou gendarmerie ou
dans un établissement hospitalier et les transferts éventuels vers une structure hospitalière, obéissent aux règles
de prise en charge par l’Assurance maladie :
■ patient assuré social : remboursement des frais ;
183
CONSENTEMENT AUX SOINS/REFUS DE SOINS
III.10 SORTIE CONTRE AVIS MÉDICAL/FUGUE
1/3
La relation entre un médecin et un patient est un véritable contrat de moyens et non de résultats.
À l’hôpital, il n’y a pas de contrat de soins, mais une « stipulation pour autrui », contrat à trois, où le stipulant
(hôpital) passe contrat avec le promettant (médecin), pour qu’il fournisse une prestation (soins) à un tiers (patient).
À l’hôpital public, il n’existe aucune relation juridique entre médecin et patient, la relation étant nouée entre le
malade et le directeur de l’établissement.
● CONSENTEMENT
Le consentement aux soins relève de la liberté individuelle et du libre choix et repose sur une information simple,
approximative, intelligible et loyale du malade par le médecin (Cour de Cassation, 21/02/1961).
Aucun acte diagnostique ou thérapeutique ne peut être réalisé sans consentement libre et éclairé, systématique-
ment recherché, sauf urgence ou si le patient est hors d’état de l’exprimer. Dans ces deux cas particuliers, les
soins sont délivrés sans consentement, dans l’intérêt exclusif du patient, qui sera secondairement informé des
soins qui lui ont été administrés.
Le recueil du consentement représente le problème médicolégal le plus épineux chez l’intoxiqué. L’intoxication
aiguë entraîne souvent une perturbation des fonctions cognitives (action sur le jugement et le discernement), le
patient étant alors hors d’état d’exprimer clairement sa volonté. Selon l’état des fonctions cognitives, deux
situations existent :
■ elles ne sont pas perturbées, parfois même après la prise de quelques comprimés de benzodiazépines : les
soins ne peuvent être dispensés sans le consentement du patient, dans le respect de la loi du 4 mars 2002 ;
■ elles sont perturbées : le médecin doit prodiguer les soins nécessaires, y compris en opposition aux dires du
patient (mesures de contention mécanique et/ou chimique si nécessaire), sous peine de commettre un délit de
non-assistance à personne en péril.
● REFUS DE SOINS
Le refus de soins est basé sur les principes d’autonomie et de dignité du patient. La délivrance de l’information
se fait en présence de témoins (soignants, famille). Une attestation précise de refus de soins est rédigée, signée
par le patient, le médecin et les témoins, après réitération d’un refus obstiné de soins (délai de réflexion). Cette
attestation témoigne seulement de la délivrance de l’information, qui doit être tracée de façon précise et exhaus-
tive. Elle ne décharge pas le médecin de sa responsabilité. Si le patient refuse de signer le document, il faut
établir un procès-verbal de constat de ce refus, signé par le médecin et les soignants présents (au moins
2 témoins).
En cas de détresse vitale immédiate, le médecin peut passer outre le refus du patient dans le but unique de lui
sauver la vie. Le principe de bienfaisance devient alors supérieur au principe d’autonomie (pas de consécration
du principe de l’autonomie de l’individu sur son propre corps).
Pour le mineur ou majeur protégé, en cas de refus de soins exprimé par le titulaire de l’autorité parentale ou le
tuteur et de risque de conséquences graves pour la santé, le médecin délivre les soins indispensables, sans
prévenir le procureur de la République ou le juge des enfants.
184
CONSENTEMENT AUX SOINS/REFUS DE SOINS
SORTIE CONTRE AVIS MÉDICAL/FUGUE III.10
2/3
185
CONSENTEMENT AUX SOINS/REFUS DE SOINS
III.10 SORTIE CONTRE AVIS MÉDICAL/FUGUE
3/3
● FUGUE
La fugue ou plutôt « sortie sans avoir prévenu l’équipe soignante » d’un patient engage la responsabilité de
l’hôpital (faute dans l’organisation et le fonctionnement du service) et de ses agents (faute par défaut de sur-
veillance du patient, non-assistance à personne en péril si toutes les mesures de recherche ne sont pas mises
en œuvre). La responsabilité disciplinaire des agents peut également être mise en cause, en l’absence de rédaction
d’un procès-verbal de fugue, de signalement à la hiérarchie ou d’absence de prise d’initiative de recherche du
patient, malgré la liberté de circulation dont jouit tout patient juridiquement capable.
186
CONTRE-TERRORISME CHIMIQUE III.11
Usage par des autorités de produits toxiques en réponse au terrorisme (terrorisme chimique (III.62) parfois) ou
encore pour l’élimination d’opposants au régime.
● ORGANISATION
Réponse médicale préparée, avec provision de matériels de secours et d’antidotes pour les impliqués non
agresseurs.
Maîtrise totale de l’événement aléatoire et nature précise d’un gaz toxique vaporisé initialement hypothétique
dans ce contexte.
187
III.12 CONVULSIONS
1/2
Il s’agit d’une situation avec gravité (III.32) affichée et de pronostic (III.54) potentiellement sombre.
● MÉCANISMES INDIRECTS
Il peut s’agir d’un tableau précisé dans l’abord initial du patient intoxiqué (III.1).
● DIAGNOSTIC
Le plus souvent basé sur la clinique : les crises convulsives sont presque toujours généralisées, volontiers réci-
divantes, voire subintrantes.
Un EEG peut s’avérer indispensable au diagnostic d’un état de mal non convulsivant.
Un traumatisme crânien associé doit être facilement évoqué, justifiant la réalisation d’une TDM cérébrale.
188
CONVULSIONS III.12
2/2
189
III.13 DÉCONTAMINATION CUTANÉE
● ORGANOPHOSPHORÉS
La douche à l’eau simple est le plus souvent la première mesure disponible ; elle est accusée de répandre le
toxique sur le revêtement cutané et d’augmenter sa résorption mais son rapport bénéfice/risque est probablement
positif.
Cette douche est, si possible, réalisée à l’eau savonneuse ou par une solution d’hypochlorite de sodium à 0,5 %.
Le tamponnement des gouttelettes par une poudre adsorbante (gant poudreur des armées, terre de Foulon, terre
de Sommières, talc ou même farine), puis l’essuyage par un papier absorbant sont les mesures de référence.
190
DÉCONTAMINATION DIGESTIVE III.14
1/2
La décontamination digestive a pour objectif d’empêcher ou de limiter la résorption du produit par la muqueuse
digestive, soit en tentant d’évacuer le produit avant sa résorption digestive, soit en le neutralisant dans la lumière
digestive. Au regard de l’Evidence-based Medicine, la plupart des techniques utilisées autrefois a aujourd’hui
disparu.
La neutralisation par charbon activé mise à part, seules les expositions aux rares toxiques lésionnels dépourvus
de traitement antidotique et non accessibles à un traitement épurateur méritent de principe la discussion systé-
matique d’une décontamination digestive précoce.
Les vomissements provoqués, par moyens mécaniques, par injection d’apomorphine ou par administration de
sirop d’Ipéca doivent être considérés comme inutiles voire dangereux.
Le lavage gastrique se fait par administration répétée d’un liquide tiède dans l’estomac à l’aide d’une sonde de
gros calibre, en alternant des phases de remplissage et de siphonage. Le lavage gastrique ne modifie en rien la
gravité immédiate d’une intoxication et aucune donnée scientifique ne démontre sa capacité à en prévenir la
gravité potentielle. En outre, l’hypoxie induite et un phénomène de chasse pylorique, avec accélération de l’absorp-
tion jéjunale du toxique, ont été avancés pour expliquer des aggravations cliniques brutales dans les suites. Les
contre-indications sont nombreuses : patient comateux non intubé, ingestion de caustiques, d’hydrocarbures
pétroliers ou de produits moussants, instabilité hémodynamique, toxique convulsivant. Bien que certaines recom-
mandations internationales évoquent son rôle dans l’heure qui suit l’ingestion d’un produit à fort potentiel toxique,
sa pratique a été progressivement et complètement abandonnée.
L’intérêt éventuel de la dilution à l’eau de produits hygroscopiques et/ou oxydants, dans les premières heures et
en l’absence de troubles de déglutition, est discuté dans la fiche Irritants, moussants et corrosifs (II.13).
L’évacuation endoscopique de toxiques, sous-tendue par l’existence de conglomérats gastriques, véritables « phar-
macobézoards » visibles à l’endoscopie, voire même à la radiographie sans préparation de l’abdomen, n’est pas
licite ; cette méthode n’a jamais été formellement évaluée et des complications sévères ont été rapportées
(hémorragie digestive lors du retrait de comprimés, rupture de sachets de stupéfiants (II.33) lors d’une tentative
de retrait à la pince).
191
III.14 DÉCONTAMINATION DIGESTIVE
2/2
● LAXATIFS
Si les saccharides doivent être préférés aux laxatifs salins pour accélérer le transit intestinal et donc accélérer
en théorie l’élimination du toxique, aucune étude n’a pu démontrer leur intérêt et leur utilisation a été quasi
abandonnée.
● IRRIGATION INTESTINALE
Le principe est l’administration entérale par sonde nasogastrique d’une solution de polyéthylène glycol équilibrée
en électrolytes (comme une préparation colique avant chirurgie), avec pour objectif l’élimination de toxiques à
libération prolongée (proposée pour fer, lithium, potassium, et dans certaines situations de dissimulation intra-
corporelle de stupéfiants (III.21)). Longtemps recommandée dans la littérature anglosaxonne en particulier, aucune
étude n’a validé en réalité l’efficacité de cette technique.
192
DÉCONTAMINATION OCULAIRE III.15
1/2
● CIRCONSTANCES ET PRÉSENTATION
Irritation ou brûlures chimiques (irritants, moussants et corrosifs (II.23)) : rougeur et douleur oculaires, photo-
phobie, larmoiement, blépharospasme, baisse de l’acuité visuelle. Urgence à décontaminer, lésion constituées
en moins d’une minute par les corrosifs les plus puissants :
■ lésions d’emblée maximales et limitées en profondeur avec les acides ;
■ cas des projections oculaires de ciment gâché ; action double : caustique (alcalin) et mécanique (présence de
corps étrangers) ;
■ cas des chélateurs de calcium (ions fluorures, dont l’acide fluorhydrique et les oxalates).
Organophosphorés (II.30) : faible pouvoir irritant (solvant), myosis diagnostic, faible résorption quantitative compte-
tenu de la surface, mais intoxication systémique possible avec les composés les plus puissants.
● PRISE EN CHARGE
Cas général
Lavage abondant dès que possible, par la victime elle-même, à défaut de l’entourage, à l’eau du robinet en
l’absence de sérum physiologique, éventuellement assuré par les secouristes du travail, prescrit par la régulation
du Samu, en précisant les détails pratiques, par exemple :
■ mince filet d’eau (5 mm de diamètre max : « la moitié du diamètre d’un crayon ») ;
■ en décollant régulièrement la paupière supérieure et inférieure du globe oculaire pour accéder aux espaces
sous palpébraux ;
■ durée de lavage objectivée : « montre en main » ;
■ idéalement tout au sérum physiologique, à défaut à l’eau en terminant avec du sérum physiologique si dispo-
Caustiques
■ Tout tamponnement acide-base est proscrit, de même que l’instillation d’une solution amphotère.
■ Un double système de « goutte-à-goutte » et d’ouverture palpébrale (spéculum oculaire) doit être mis en place
en cas de mauvais pronostic fonctionnel immédiat (substance alcaline en particulier), avec lavage pouvant être
conduit jusqu’à 1 heure.
■ Idéalement, la mesure du pH par bandelette réactive peut indiquer la poursuite du lavage au-delà des 30 minutes
en l’absence de neutralité chimique.
193
III.15 DÉCONTAMINATION OCULAIRE
2/2
Chélateurs du calcium
L’instillation d’un sel de calcium pourrait aggraver les lésions. Prolonger le lavage au sérum physiologique (idem
caustiques).
Nb : la supériorité de solution commerciales spécifique (Hexafluorine®) proposée parfois en milieu professionnel
n’a jamais été démontrée.
Ciments
Retirer les débris au coton-tige humide en évitant au maximum de les hydrater et en évitant toute agression
mécanique des muqueuses.
Puis mettre en œuvre un lavage prolongé (idem caustiques).
Organophosphorés
Idem cas général.
194
DÉCOUVERTE DE STUPÉFIANTS
CHEZ UN PATIENT III.16
● ANONYMAT
L’hôpital doit préserver l’anonymat des usagers, y compris s’ils sont en possession de produits stupéfiants. Il ne
faut pas signaler aux autorités judiciaires la personne porteuse de produits stupéfiants (respect du secret
professionnel).
● SAISIE
Il existe une possibilité de saisie administrative des produits stupéfiants illicites (pouvoirs de police administrative
à l’intérieur de l’établissement du directeur de l’hôpital ou de son représentant), en cas de péril imminent à
l’ordre ou à la sécurité publique.
En pratique, c’est le service de sécurité de l’établissement qui intervient.
Il ne faut ni jeter ni détruire les produits stupéfiants confisqués. Ils sont déposés dans un coffre au sein de
l’établissement, puis remis aux forces de police ou de gendarmerie, de façon anonyme.
En cas de vol de médicaments ou de stupéfiants à l’hôpital :
■ prévenir l’administrateur de garde ;
■ prévenir les Conseils départementaux des ordres des médecins et les Conseils régionaux des ordres des
pharmaciens.
195
III.17 DÉFINITION DE CAS
■ Correspond, en cas d’intoxication (III.46) avérée, aux caractéristiques classiques d’expression du toxique sur
l’organisme exposé, tant au niveau des signes cliniques, des signes paracliniques, que de la chronologie
d’installation des signes et de leur cinétique d’évolution (régulation médicale (III.56), figure 1).
■ Peut permettre la validation d’un cas dans une démarche d’imputabilité (III.43).
■ Peut être prédéfinie, pour une substance donnée et dans un souci d’homogénéité, à des fins épidémiologiques
ou de recherche clinique.
196
DÉPISTAGE D’ALCOOL ÉTHYLIQUE III.18
L’imprégnation éthylique (II.1) constitue une circonstance aggravante en cas de crime, de délit ou d’accident de
la circulation routière.
Il est interdit de conduire, si l’alcoolémie est supérieure à 0,5 g/L de sang ou si le taux d’alcool dans l’air expiré
est supérieur à 0,25 mg/L (0,2 g/L dans le sang ou 0,1 mg/L dans l’air expiré pour les permis probatoires).
Le dépistage de l’imprégnation éthylique par les forces de police ou gendarmerie est :
■ systématique : accident de la circulation routière avec dommage corporel (même si automobiliste non respon-
sable) ou infractions au Code de la route (délit de fuite, refus d’obtempérer, entrave à la circulation), même
en absence d’ivresse manifeste ;
■ facultatif : implication dans un accident de la circulation, même purement matériel ;
Lorsque le dépistage par air expiré est impossible, les forces de l’ordre réquisitionnent un médecin, pour réaliser
un examen clinique et un prélèvement sanguin.
La vérification du taux d’alcoolémie par éthylomètre ou prise de sang et examen médical a lieu si :
■ dépistage positif ;
En cas de refus de la vérification, la sanction est identique à celle prévue pour un taux d’alcoolémie supérieur
à 0,8 g/L.
L’officier ou l’agent de police judiciaire remplit la fiche A d’examen du comportement (Vérifications concernant
l’alcoolémie) et établit la réquisition pour prise de sang pour mesure du taux d’alcoolémie.
Le médecin réquisitionné remplit la fiche B (Recherche de l’état alcoolique) fournie par les forces de l’ordre.
Les forces de l’ordre :
■ fournissent le matériel de prélèvement ;
■ posent les scellés sur les flacons, signés par le médecin et le sujet prélevé.
Le sang est réparti en deux flacons de 7,5 mL et analysé par un laboratoire agréé, utilisant la méthode de dosage
de référence (chromatographie en phase gazeuse).
Les résultats de l’éthanolémie sont consignés sur la fiche C (Recherche de l’état alcoolique), remise par l’autorité
requérante au biologiste.
Si le sujet est mineur, il faut demander l’autorisation au procureur de la République ou à la personne titulaire de
l’autorité parentale, avant de réaliser le prélèvement sanguin.
La fin de la réquisition se matérialise par la remise, par l’autorité requérante, d’un mémoire de frais.
197
III.19 DÉPISTAGE DE STUPÉFIANTS
La détention, l’usage et donc la conduite après usage de stupéfiants (II.33) sont des infractions.
Le dépistage salivaire de stupéfiants (cocaïne, opiacés, amphétamines, cannabis) par les forces de police ou
gendarmerie est :
■ systématique : accident de la circulation routière mortel ou corporel (même si automobiliste non responsable),
Si le dépistage est positif, impossible ou refusé, un examen médical et des prélèvements sanguins sont réalisés
sur réquisition, en vue d’établir ou non l’imprégnation par stupéfiants au moment de la conduite.
Les résultats de l’analyse sont transmis au procureur de la République du lieu de l’accident et au conducteur en
cas de poursuites.
L’officier ou l’agent de police judiciaire effectue le dépistage salivaire, remplit la fiche D (Dépistage de stupéfiants
et Prélèvement sanguin en présence de l’autorité requérante) et établit la réquisition pour prise de sang pour
recherche de stupéfiants.
Le médecin examinateur réquisitionné remplit la fiche E (Résultats de l’examen clinique et médical) et la fiche D
fournie par les forces de l’ordre.
Les forces de l’ordre :
■ fournissent le matériel de prélèvement ;
■ posent les scellés sur les flacons, signés par le médecin et le sujet prélevé.
198
DIARRHÉES III.20
● CIRCONSTANCES
Évoquer une ingestion de champignons (tableaux 5 et 6, II.12), de colchicine (II.14), d’un produit pétrolier ou
autre solvant dont le trichloréthylène (II.35), d’un métal ou métalloïde, de phosphore, d’un produit osmotique,
d’hormones thyroïdiennes, ou encore une envenimation vipérine (animaux terrestres (II.3)).
Penser à la metformine (II.25).
● PRISE EN CHARGE
Symptomatique : hydratation, alcalinisation.
Antidiarrhéiques morphiniques à discuter.
199
DISSIMULATION INTRACORPORELLE
III.21 DE STUPÉFIANTS
Les doses peuvent être avalées par le dealer lors de son interpellation (« avaleurs de rue » ou body stuffer), ou
être ingérées (body packer) ou insérées (body pusher) dans les cavités naturelles (vagin, rectum), par les « mules »
pour le transport transfrontalier.
Les caractères physiques des boulettes varient selon leur mode de transport :
■ par ingestion : 3 à 10 g de produit par boulette, environ 2 x 5 cm, 30 à 150 boulettes ingérées, entourées de
■ extraction chirurgicale des boulettes par laparotomie (endoscopie contre-indiquée à cause du risque de rupture
Il n’y a pas d’indication d’hospitalisation après retrait des corps étrangers intravaginaux ou rectaux (vérification
de la vacuité des cavités naturelles par touchers pelviens).
Le retour dans les locaux de police ou de gendarmerie est possible après élimination complète des boulettes,
récupérées par les forces de l’ordre et placées sous scellés judiciaires.
200
DOSE TOXIQUE III.22
Il faut tout d’abord parler de dose toxique théorique, car contrairement à la DL50 qui tue 50 % des animaux,
aucune dose « toxique » n’a été testée dans l’espèce humaine, heureusement !
On peut simplement avancer que la dose toxique théorique est la dose qui peut entraîner l’apparition de signes
de toxicité (III.64) chez l’homme, quels que soient son âge et son poids.
La dose toxique théorique a-t-elle une définition précise ? Curieusement, non.
■ Est-ce la dose à partir de laquelle apparaissent les premiers signes cliniques ou biologiques ?
■ Est-ce la dose qui indique la nécessité d’une prise en charge médicale rapide ?
Nul ne le sait, il n’existe pas de définition précise. Tout dépend du toxique en cause.
● D’OÙ PROVIENT-ELLE ?
De l’expérience clinique, de séries cliniques ? C’est vrai pour certaines intoxications fréquemment observées,
comme l’intoxication par benzodiazépines par exemple. Encore faut-il garder à l’esprit que cette dose toxique
théorique est une approximation et qu’elle n’est peut-être pas pertinente pour le patient pris en charge.
D’un seul ou de quelques cas cliniques ? C’est assez souvent le cas. La dose toxique théorique, issue de quelques
cas cliniques isolés, est alors répétée de livres en livres sans remise en cause.
D’une dose thérapeutique maximale ? Exemple des neuroleptiques, pour lesquels on lit souvent que la dose
toxique est égale à 2-3 fois la dose thérapeutique maximale. Sans plus de précisions.
De l’expérimentation animale ? C’est souvent le cas avec les produits chimiques : la dose toxique n’est qu’une
extrapolation sans réel intérêt d’une DL50 obtenue en laboratoire.
Ajoutons que chez l’enfant un facteur de correction doit ramener la dose toxique théorique au poids corporel ;
encore un peu d’imprécisions.
● EST-ELLE SUFFISANTE ?
Non. D’autres éléments à recueillir sont sans doute plus importants.
■ Le délai entre l’exposition au toxique et la prise en charge de l’intoxication. À la phase d’intervalle libre ? Bien
après la « phase d’état » de l’intoxication ? Pour une même présentation clinique, une intoxication aux benzo-
diazépines n’a pas la même signification à la 1re heure ou à la 6e heure de prise en charge.
■ Le délai d’apparition des signes cliniques et/ou biologiques, leur gravité. Insistons sur une évidence : le patient
qui présente des signes d’intoxication a été exposé à une dose toxique, mais l’inverse n’est pas vrai ; en phase
d’intervalle libre un patient exposé à une dose réellement « toxique » peut être encore totalement
asymptomatique.
■ La cinétique connue du toxique, d’autant plus intéressante qu’il y a une bonne corrélation clinicobiologique.
201
III.23 DOULEUR
● CIRCONSTANCES
Douleur abdominale
Elle est caricaturale lors des ingestions de corrosifs (II.23). Elle se rencontre également lors de l’ingestion de fer,
de plomb et d’arsenic, de la plupart des végétaux non comestibles, dans la fièvre (III.30) des fondeurs (douleur
thoraco-abdominale, céphalées, myalgies), lors de l’inhalation de substances volatiles, lors de l’ingestion de la
plupart des insecticides (II.21) et rodonticides (II.32) et dans le toxidrome (III.66) antabuse (associée à céphalées
et/ou douleur thoracique).
Parmi les médicaments, évoquer l’aspirine (II.8), les corticoïdes, les AINS et la colchicine (II.14) (lésions gastri-
ques), les digitaliques (II.15) (colite ischémique).
Douleur thoracique
Outre une ingestion de corrosif (II.23), évoquer une prise de stupéfiant (II.33) (cocaïne), de triptan, un toxidrome
(III.66) antabuse, une fièvre des fondeurs, l’inhalation d’une substance volatile.
Céphalée
Évoquer le monoxyde de carbone (II.28), le cyanure (II.15), une substance volatile (solvant, méthémoglobinisant
(II.27)), un champignon supérieur (II.12) (syndrome gyromitrien ou orellanien), un toxidrome (III.66) antabuse,
une fièvre des fondeurs.
202
ÉPURATION EXTRARÉNALE III.24
● HÉMODIALYSE
Pour être accessible à une épuration par hémodialyse, le toxique :
■ doit être présent dans le sang à fortes concentrations ;
■ être peu diffusible, c’est-à-dire avoir un petit volume de distribution (Vd). Il est habituel de dire qu’un toxique
■ l’aspirine ;
D’autres indications de l’hémodialyse en toxicologie peuvent être liées, comme dans d’autres pathologies, à
l’existence d’une acidose métabolique sévère et/ou d’une insuffisance rénale aiguë.
L’hémodiafiltration continue est une alternative à l’hémodialyse en cas de mauvaise tolérance hémodynamique.
● EXSANGUINO-TRANSFUSION
Elle représente la seule solution thérapeutique dans les cas de méthémoglobinémies (II.27) sévères associées à
une hémolyse intravasculaire (II.34) ; du fait de la destruction du globule rouge, le bleu de méthylène est inefficace.
L’exemple classique est l’intoxication aiguë par chlorate de sodium.
● AUTRES
D’autres techniques comme la plasmaphérèse ou les techniques de suppléance hépatique (MARS®) n’ont aucune
indication dans l’épuration des toxiques.
203
III.25 ÉPURATION RÉNALE
L’épuration rénale des xénobiotiques – diurèse forcée, diurèse osmotique, etc. – a eu son heure de gloire en
toxicologie il y a maintenant quelques années déjà.
Une meilleure compréhension du métabolisme des toxiques et de leur toxicocinétique (III.63), ainsi que les progrès
de l’analyse toxicologique (III.3), l’ont rendu pratiquement obsolète.
Pour valider une épuration rénale, il faut que des produits actifs (produit parent, métabolites) soient présents en
quantité significative dans les urines. Peu de produits répondent à ces critères : salicylés, phénobarbital, phyto-
hormones (herbicides chlorophénoxy).
Il a été montré que l’augmentation du volume de la diurèse avait plus d’inconvénients que d’avantages. Diurèse
forcée, diurèse osmotique, sont des pratiques maintenant abandonnées.
On démontre par contre que la manipulation du pH urinaire peut permettre d’augmenter l’excrétion de certains
acides faibles, comme les salicylés, le phénobarbital et les phytohormones. Un acide faible en milieu basique est
complètement ionisé (cf. toxicocinétique) et ne franchit plus les membranes de l’organisme. Quand le pH urinaire,
normalement acide, est rendu alcalin, ces produits ne peuvent donc plus subir de réabsorption tubulaire et leur
excrétion est alors augmentée. C’est ce qu’on obtient en perfusant par voie veineuse du soluté bicarbonaté à
1,4 % de façon à obtenir un pH urinaire supérieur à 7,5-8.
Faut-il appliquer en pratique cette technique dite de « dialyse alcaline » ? Aucune étude contrôlée ne répond
définitivement à la question. L’intoxication grave par salicylés relève plus de l’hémodialyse, les formes modérées
d’un traitement essentiellement symptomatique. Il en est de même pour les phytohormones.
Le traitement symptomatique d’une intoxication sévère par phénobarbital amène le plus souvent à la guérison
sans séquelle.
204
ÉTAT DE CHOC III.26
Il s’agit d’une situation avec gravité (III.32) affichée et de pronostic (III.54) souvent grave.
Plusieurs mécanismes sont souvent impliqués dans la physiopathologie de cette détresse.
● MÉCANISMES
Effet indirect
■ Sepsis (à point de départ pulmonaire le plus souvent).
■ Hypovolémie : diarrhées (III.20), accessoirement vomissements (III.73), rhabdomyolyse (III.58), hémorragies
(III.35), sueurs, œdème extensif (envenimation par animaux terrestres (II.3)).
■ Hypothermie (III.41) ou hyperthermie (III.39) sévère.
■ Trouble métabolique : hyperkaliémie, hypocalcémie, hypomagnésémie, acidose lactique (toxidrome (III.66) adré-
nergique, anoxie cellulaire (III.5)).
■ Anaphylaxie : morsure/piqûre d’animaux terrestres (venins de vipère, d’hyménoptères).
■ Toxidrome (III.66) antabuse.
● PRISE EN CHARGE
■ Traitement général dans tous les cas, laissant une large place à la ventilation assistée et pouvant impliquer
une assistance circulatoire, sous certaines conditions, dans les formes réfractaires.
■ Antidote (III.6) dans certains cas.
205
III.27 ÉVALUATION DE RISQUE
Il s’agit d’une analyse anticipée de la gravité (III.32) potentielle et du pronostic (III.54), en l’absence d’intervention
médicale.
Elle est un des outils du raisonnement clinique probabiliste (III.55).
Elle est en règle générale réalisée en phase précoce, chez un patient le plus souvent asymptomatique, ou parfois
symptomatique avec risque évolutif potentiel.
Elle repose sur la comparaison de l’exposition toxique supposée (III.29) aux données acceptées de la littérature
et/ou sur l’étude du terrain, de perturbations précoces cliniques, physiologiques (paramètres vitaux de base),
électrocardiographiques, toxicoanalytiques et/ou biologiques. Une gestion du risque s’impose secondairement si
ce risque est avéré.
Des critères de mauvais pronostic sont acceptés pour un certain nombre de médicaments et pour le monoxyde
de carbone (III.28) en particulier.
En pratique, elle concerne essentiellement le paracétamol (II.31) et repose :
■ sur le nomogramme de Prescott et Rümack ; l’utilisation de ce nomogramme doit se faire dans les conditions
qui ont permis sa validation clinique : prise unique du toxique avec horaire connu, absence d’ingestion conco-
mitante d’un ralentisseur du transit (codéine ou AINS en particulier), pas de prescription de charbon activé ;
■ sur le dosage du lactate (veineux) en cas de trouble de conscience : une élévation précoce (J1) est un marqueur
206
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
(HORS ANALYSE TOXICOLOGIQUE) III.28
1/2
● BIOLOGIE
■ Elle a potentiellement un triple but :
• approche étiologique (par exemple, augmentation des trous anionique et/ou osmolaire après ingestion d’un
produit indéterminé par un patient éthylique chronique) ; dans ce cas, elle pourra déclencher une analyse
toxicologique et une prise en charge spécifiques ;
• approche pronostique (III.54) : marqueur de risque de gravité (III.32) pouvant également générer une prise
de décision comme la mise en route d’un traitement et une orientation adaptée du patient (par exemple,
hyperlactatémie suite à une ingestion massive de paracétamol (II.31) ou de valproate de sodium (II.36) ; une
valeur basse (< 3 mmol/L) de lactatémie pourrait avoir une bonne valeur d’exclusion de gravité pour une
large gamme de toxiques, médicamenteux ou autres ;
• suivi du traitement symptomatique et des apports hydroélectrolytiques de base.
■ En l’absence de toxique identifié, selon le profil du patient et son exposition potentielle à certains toxiques,
cette approche biologique peut reposer sur l’hémogramme, l’INR, l’ionogramme avec calcul du trou anionique,
la glycémie, la fonction rénale, les transaminases, l’acide lactique (veineux) et, en cas d’intoxication présumée
par un liquide non précisé, l’osmolarité (mesurée par osmomètre et non calculée par le laboratoire) ; il faut
savoir tenir compte de l’expression tardive de certains toxiques (lésionnels, AVK, spécialités orales à action
retardée (III.60)), avec dans ce cas inutilité de dosages précoces chez un sujet sain, sans antécédent motivant
l’examen.
■ Dans le cas d’un toxique identifié de façon suffisamment certaine, le suivi biologique repose sur les recom-
mandations STC/SFTA de 2012.
● RADIOGRAPHIES
■ Thorax de face et de profil : visualisation d’un objet bloqué dans l’œsophage (pile bouton chez l’enfant).
■ Abdomen sans préparation : visualisation d’emballages de stupéfiants (II.33) (cocaïne, héroïne), d’hydrocarbures
halogénés (tétrachlorure de carbone, chloroforme, trichloréthylène (II.35)), de métaux (fer, plomb, arsenic,
mercure, lithium (II.24)), de comprimés de potassium, de carbonate de calcium ou d’hydrate de chloral
Attention ! Dans le cas de dissimulation intracorporelle de stupéfiants (III.21), compléter au besoin les examens
d’imagerie par une TDM abdominale.
■ TDM cérébrale : met en évidence les lésions liées aux intoxications graves par méthanol (II.26), cocaïne (II.33),
monoxyde de carbone (II.28) et toxiques hypoglycémiants (III.40) pour les plus connues, également par métam-
phétamine, propranolol, éthylène glycol, héroïne, solvants, organophosphorés, cyanures, etc.
● ÉLECTROCARDIOGRAMME
Allongement du complexe QRS évoquant une intoxication par produit à ESM ; allongement de l’intervalle QT
(psychotropes, cardiotropes, antihistaminiques, antiémétiques) ; troubles conductifs avec de nombreux cardio-
tropes ; hyperexcitabilité avec les digitaliques (II.16) ; recherche de cardiopathie ischémique avec les produits
adrénergiques dont certains stupéfiants.
207
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
III.28 (HORS ANALYSE TOXICOLOGIQUE)
2/2
● ÉLECTROENCÉPHALOGRAMME
Aucune anomalie n’est spécifique d’un toxique, mais certains rythmes sont compatibles avec une origine toxique ;
surtout, il offre la possibilité de mise en évidence d’un EDME non convulsivant, orientant vers ou confirmant une
intoxication par une substance génératrice de convulsions (III.12).
● ENDOSCOPIES
■ Œso-gastro-duodénale : mise en évidence de lésions muqueuses en cas d’ingestion d’un produit corrosif (II.23),
de conglomérats gastriques de médicaments (l’examen participant à l’évacuation digestive du toxique), d’objets
bloqués dans l’œsophage (piles boutons)
■ Trachéobronchique : présence de suies au niveau de la muqueuse respiratoire en cas d’exposition à des fumées
d’incendie (II.18), de lésions caustiques suite à l’ingestion de corrosifs, dont parfois des lésions du carrefour
aérodigestif (II.23), d’une inhalation trachéobronchique en cas de coma.
208
EXPOSITION TOXIQUE III.29
1/2
L’exposition toxique correspond à la rencontre entre un organisme (vivant et humain pour ce qui nous concerne)
avec une substance étrangère (xénobiotique) pourvue d’effets pathogènes et entraîne un risque local et/ou
d’absorption, puis d’intoxication (III.46).
Elle peut être analysée par :
■ l’intentionnalité, recueillie par l’anamnèse (III.4) ou par la mise en évidence du toxique dans le produit d’expo-
le poids ou la surface corporelle) ou de temps d’exposition ; la notion de dose toxique (III.22) reste source de
controverses ;
■ la description du toxique (effets pathogènes potentiels connus) ;
■ les précisions concernant le sujet exposé : état physiologique préalable, facteurs de vulnérabilité ou de résis-
● INTOXICATION AUTO-INFLIGÉE
Il peut s’agir d’une intoxication :
■ chez un sujet suicidant (III.61) ;
■ entrant dans le cadre d’une toxicomanie avec usage de stupéfiants (II.33) (classiques ou médicaments détournés
de leur usage).
L’intoxication suicidaire est médicamenteuse dans 90 % des cas (en particulier psychotropes dépresseurs dont
les benzodiazépines (III.9) et les antidépresseurs (III.6), les analgésiques) ; une alcoolisation est associée dans
30 % des cas.
● INTOXICATION HÉTÉRO-INFLIGÉE
Il peut s’agir d’une soumission chimique (III.59), délictueuse ou ludique, ou entrant dans le cadre d’une action
de guerre, d’un terrorisme chimique (III.62) ou d’une action de contre-terrorisme (III.11).
209
III.29 EXPOSITION TOXIQUE
2/2
● INTOXICATION ACCIDENTELLE
La circonstance peut être une absence ou une mauvaise perception de risque dans le cadre domestique, pro-
fessionnel ou civil, ou un défaut de maîtrise du risque (cas des passeurs de drogue in corpore).
■ Domestiques (déconditionnement, accidents thérapeutiques) : prise en charge téléphonique seule (Centre 15,
Centre antipoison) le plus souvent (erreur d’administration d’un médicament, engrais ou eau de Javel diluée
chez l’adulte, pilule contraceptive ou comprimés de fluor chez l’enfant par exemple).
■ Professionnelles (manipulation ou exposition à un toxique connu).
• augmentation et/ou variabilité de la concentration en principe actif du produit d’usage courant, ou lorsque y
est mélangée une substance toxique ;
• rupture de la tolérance physiologique, une dose « habituelle » devenant une dose toxique ;
• risque d’exposition inopinée en cas de dissimulation intracorporelle de stupéfiants (III.21) : rupture dans la
lumière digestive de conditionnements de stupéfiants (II.33) (héroïne et cocaïne surtout), destinés au transport
international, chez les passeurs de drogue in corpore ou chez le revendeur ou l’acheteur de rue.
210
FIÈVRE III.30
Il s’agit d’une élévation de la température corporelle d’origine inflammatoire, le terme hyperthermie (III.39) étant
réservé aux élévations de température corporelle d’origine centrale et/ou métabolique.
Elle est le plus souvent d’origine infectieuse secondaire (pneumopathie).
La fièvre des fondeurs (ou des métaux, des soudeurs) semble liée à une alvéolite inflammatoire réactionnelle aux
poussières inhalées et :
■ se rencontre après exposition répétée aux fumées d’oxyde de zinc, de cuivre ou de cadmium, dans un cadre
professionnel ;
■ apparaît après quelques heures de latence, associée à un goût métallique, une irritation des VADS, des sueurs,
des frissons, des myalgies, des céphalées, une asthénie, des douleurs thoraciques et une dyspnée, parfois des
douleurs abdominales et des nausées ;
■ se résout en 1 à 2 jours, pour réapparaître lors d’une nouvelle exposition, d’où également son nom de fièvre
du lundi.
211
III.31 FILIÈRES DE SOINS
L’exposition à certains toxiques devrait conduire à une admission directe dans un secteur spécialisé.
Cette orientation devrait dans l’idéal être anticipée dès la régulation médicale (III.56).
En cas d’association psychotropes – alcool : l’évolution de prises massives peut rapidement conduire à un état
de coma avec dépression respiratoire et risque d’inhalation trachéobronchique.
● ÉTABLISSEMENT DE SOINS
OÙ LA PRATIQUE D’UNE ÉPURATION EXTRARÉNALE EST POSSIBLE
■ Lithium.
■ Aspirine.
■ Méthanol.
■ Éthylène-glycol et autres glycols.
212
GRAVITÉ III.32
■ orientation directe des patients dans les filières de soins adaptées, le cas échéant dès la régulation médicale ;
■ mise en œuvre éventuelle de traitements spécifiques soustractifs (décontamination digestive, épuration rénale,
■ de l’examen clinique ;
■ de tests biologiques ;
Il n’existe pas d’échelle ou de score pertinent utilisable en temps réel lors de la prise en charge du patient.
A posteriori, l’échelle la plus utilisée est celle du Poisoning Severity Score, qui peut permettre des comparaisons
de thérapeutiques ou pronostiques. Cette échelle applique cinq niveaux de gravité (absence, mineure, modérée,
sévère, létale) à 12 systèmes ou organes, incluant les lésions par contact direct (tractus digestif, peau, œil, effets
de piqures ou morsures).
213
III.33 HALLUCINATIONS
● CIRCONSTANCES
Les hallucinogènes sont :
■ l’alcool éthylique (II.1) ;
■ la plupart des stupéfiants et des médicaments détournés de leur usage (tableaux 7 et 8, II.33) ;
● PRISE EN CHARGE
■ Isolement, mise au calme.
■ Benzodiazépine orale si possible.
■ Éviter les neuroleptiques.
214
HÉMOLYSE III.34
● CIRCONSTANCES
Certains champignons (II.12) (syndromes paxillien et gyromitrien, tableau 5), le cuivre, l’hydrogène arsénié, le
plomb.
Toutes les méthémoglobinémies (II.27) sévères.
● DIAGNOSTIC
Troubles digestifs, douleurs lombaires, pâleur, ictère, état de choc (II.26), oligoanurie, CIVD.
Anémie, chute de l’haptoglobine plasmatique.
● RISQUES ÉVOLUTIFS
État de choc.
Insuffisance rénale aiguë (III.44).
● TRAITEMENT
Traitement général :
■ remplissage vasculaire, transfusion globulaire, amines vasoactives et ventilation assistée si état de choc ;
215
III.35 HÉMORRAGIE
● CIRCONSTANCES
Anticoagulants : AVK (médicaments et rodonticides (II.32)), autres anticoagulants
Insuffisance hépatique : paracétamol (II.31), certains champignons (II.12) (syndrome phalloïdien).
Thrombopénie : alcool éthylique (II.1), colchicine (II.14), digitaliques (II.15), valproate de sodium (II.35), benzène,
cuivre, organophosphorés (II.30).
Défibrination (par CIVD le plus souvent) : envenimation vipérine (animaux terrestres (II.3)), corrosif (II.23), colchi-
cine (II.14), ecstasy (stupéfiants, « drogues de rue » (II.32)) ou fer, hémolyse (III.34) sévère, insuffisance hépatique
sévère, hypothermie (III.41) sévère, hyperthermie (III.39) maligne.
● DIAGNOSTIC
Syndrome hémorragique non spécifique, souvent hématémèse en cas d’ulcérations digestives (corrosifs, colchi-
cine), le plus souvent retardé et modéré en cas de thrombopénie, tableaux cliniques plus complexes en cas de
CIVD et d’insuffisance hépatique.
Anémie, baisse des facteurs de coagulation ou des plaquettes sanguines selon l’étiologie, positivité des d-dimères
et baisse du fibrinogène en cas de CIVD.
● TRAITEMENT
AVK : facteurs du complexe prothrombinique, vitamine K ; tenir compte d’un éventuel traitement chronique par
AVK (stopper l’hémorragie avant de vouloir maintenir l’INR dans la fourchette imposée par la pathologie
sous-jacente).
Autre anticoagulant : selon sa nature.
Thrombopénie : concentrés plaquettaires (1 unité/10 kg de poids).
CIVD et défibrination : plasma frais congelé (10 à 15 mL/kg), avis spécialisé indispensable.
216
HÉPATITE III.36
● CIRCONSTANCES
Paracétamol (II.31).
IMAO (antidépresseurs (II.5)).
Formol.
Phénol.
Arsenic.
Phosphore.
Chardon à glu.
Champignons (II.12) : phalloïdien, gyromitrien, résinoïdien sévère, proximien.
Cocaïne (stupéfiants (II.33)).
Diquat, glyphosate (herbicides (II.19)).
Tétrachlorure de carbone.
● DIAGNOSTIC
Vomissements, hypoglycémie, hépatalgie, ictère.
Biologie : cytolyse, cholestase, baisse des facteurs de coagulation, notamment le facteur V.
● PRISE EN CHARGE
Symptomatique.
Antidote (III.6) : N-acétylcystéine pour le paracétamol, après avis spécialisé (I.3) dans les autres situations.
217
III.37 HYPERGLYCÉMIE
● CIRCONSTANCES
■ Substances entrainant un toxidrome (III.66) adrénergique ou sérotoninergique, dans le cadre d’un syndrome
métabolique associant hyperleucocytose, hypokaliémie et acidose lactique.
■ Vasoconstricteurs.
■ Carbamazépine (II.11).
■ Colchicine (I.14) dans certains cas.
■ Inhibiteurs calciques (II.20), pour lesquels il s’agit d’un marqueur de gravité.
■ Éthylène-glycol (II.17).
■ Psilocybes.
■ Certaines quinolones.
■ Diazoxyde.
218
HYPERTENSION ARTÉRIELLE III.38
● CIRCONSTANCES
■ Substances entraînant un toxidrome (III.66) adrénergique ou sérotoninergique, en particulier les vasoconstric-
teurs et les stupéfiants.
■ Triptans.
■ Kétamine.
■ Envenimations par animaux terrestres (II.3) (scorpions) ou animaux marins (II.2) (méduses, ciguatera).
■ Saturnisme (plomb).
● CLINIQUE
Non spécifique, caractère souvent transitoire, mais rechercher des complications en particulier cérébroméningées
(cocaïne).
● TRAITEMENT
Privilégier un traitement physiopathologique (alphabloquant), voire par sérum spécifique (envenimation
scorpionique).
219
III.39 HYPERTHERMIE
Élévation de la température corporelle d’origine centrale (dysrégulation d’origine sérotoninergique), par hypermé-
tabolisme (hyperadrénergie, prise d’hormones thyroïdiennes, augmentation de l’activité musculaire volontaire –
rave parties –, activation incontrôlée des canaux calciques musculaires), ou défaut de production d’ATP au niveau
de la mitochondrie par blocage de la phosphorylation oxydative.
Dans le cas de l’exposition au NMDA (ecstasy, stupéfiants (II.33)), aux phénomènes central et musculaire, sont
associés les phénomènes de promiscuité, de perte de la sensation de soif et de fatigue.
L’hyperthermie est dite « maligne » quand la température corporelle est supérieure à 41 oC.
Le terme de fièvre (III.30)est quant à lui réservé aux élévations thermiques d’origine inflammatoire.
Le syndrome malin des neuroleptiques et l’hyperthermie maligne anesthésique sont des phénomènes idiosyn-
crasiques, non dose-dépendants, d’origine centrale pour le premier, musculaire pour le second.
Situations :
■ toxidromes adrénergique, sérotoninergique, anticholinergique ;
■ hormones thyroïdiennes ;
■ découplage des phosphorylations oxydatives : aspirine (II.8), paracétamol (II.31), protecteurs des bois type
● DIAGNOSTIC
Élévation thermique mesurée, sueurs, peau « brûlante », agitation, troubles du comportement, mydriase, hyper-
tonie, trismus, convulsions, coma ; tachycardie, arythmie, HTA puis hypotension artérielle et état de choc ; parfois
rhabdomyolyse et insuffisance rénale aiguë.
● TRAITEMENT
Traitement général privilégiant le refroidissement externe et l’hydratation.
Cyproheptadine en cas de toxidrome (III.66) sérotoninergique.
En l’absence persistante d’amélioration, 2 cas de figure :
■ CPK élevée, hyperproduction de CO2 (monitorage de l’EtCO2) : dantrolène (origine musculaire, notamment si
220
HYPOGLYCÉMIE III.40
● CIRCONSTANCES
Principalement : sulfamides hypoglycémiants (hypoglycémie non ou peu observée avec les autres antidiabétiques
oraux), insuline
Attention, ces spécialités existent sous formes de spécialités orales à effet retardé !
Classique avec le propranolol et autres bêtabloquants chez le nourrisson, le tramadol, l’aspirine chez l’enfant, le
chardon à glu (dans le Maghreb).
Rare avec la cibenzoline, la disopyramide, le cannabis (stupéfiants (III.33)) ou en cas de toxidrome (III.66) antabuse
sévère.
Le cas de l’alcool éthylique concerne surtout le petit enfant et l’éthylique chronique outre-mer (lié à la consom-
mation chronique de rhum ?).
Y penser en cas d’insuffisance hépatique sévère sur hépatite toxique.
● DIAGNOSTIC
Clinique et biologique, non spécifique : signes dysautonomiques (sueurs profuses, tachycardie, nausées/vomis-
sements), neurosensoriels allant de la stupeur avec mutisme au coma profond parfois convulsif et avec parfois
focalisation et/ou syndrome pyramidal ; risque de séquelles définitives par nécrose de noyaux gris centraux.
À noter qu’un coma hypoglycémique ne peut se résoudre sans apport glucidique exogène (diagnostic différentiel
d’une syncope, d’une simulation, d’un théâtralisme, d’un accident ischémique transitoire, d’une crise convulsive
d’autre étiologie).
Surveillance prolongée avec les spécialités orales à effet retardé.
Surveillance attentive de la kaliémie dans tous les cas et de tout biomarqueur en lien avec le toxique incriminé.
● PRISE EN CHARGE
Apports glucidiques oraux ou intraveineux.
Abord veineux profond souhaitable en cas de perfusion de grandes quantités de soluté glucosé.
Antidotes : peu de place pour le glucagon dans ces situations ; octréotide à discuter dans le cas de sulfamides
hypoglycémiants.
221
III.41 HYPOTHERMIE
● CIRCONSTANCES
Comas profonds et prolongés avec le plus souvent exposition au froid.
Toxiques le plus souvent en cause : alcool éthylique, éthylène-glycol, barbituriques, opiacés (II.33), phénothiazines
(II.29).
La perturbation de la thermorégulation centrale et l’effet vasodilatateur du toxique augmentent la déperdition
calorique.
● DIAGNOSTIC
Présentation clinique non spécifique, le coma étant plus profond à température équivalente que dans le cas d’une
hypothermie accidentelle.
Mesure de la température.
● PRISE EN CHARGE
Non spécifique initialement.
Réanimation cardiorespiratoire prolongée jusqu’au réchauffement en cas d’asystolie ; assistance circulatoire à
discuter.
222
IDENTIFICATION D’UN TOXIQUE III.42
1/2
Identifier un toxique pour en approcher la composition chimique, le profil toxique, toxinique ou biologique est
fondamental pour caractériser l’exposition toxique (III.29). Cette diminution du flou profite au patient (pronostic,
décision et thérapeutique optimisés).
En l’absence de précision, le scénario le plus péjoratif est envisagé ; à l’inverse, la connaissance d’une composition
peut permettre la simplification, voire même l’abandon d’une prise en charge. Très peu de toxiques sont iden-
tifiables par analyse toxicologique à partir de prélèvements biologiques dans un délai contributif à la prise en
charge du patient.
● PRINCIPES UBIQUITAIRES
■ Anticiper : dès que possible (régulation médicale, médicalisation préhospitalière, accueil du patient au SAU).
Sans cela, le risque de perte de l’information est grand.
■ Photographier (ou faire photographier) : smartphone presque toujours accessible !
■ Conserver : sans les vider, faire embarquer et suivre tout flacon, boîte et reliquat du toxique avec le patient
(vecteur de transport, service d’urgences, service de réanimation, etc.).
● EN FONCTION DU TOXIQUE
Produit du commerce/manufacturé.
Intérêt : produit grand public, professionnel ou industriel ; nom commercial r composition (substances chimiques,
concentrations)/caractéristiques physicochimiques (pH, viscosité...). Le nom du produit est clef pour accéder à la
composition chimique confidentielle, déclarée par le fabriquant à la base de données des CAP.
En pratique
Produit en mains ou avec l’interlocuteur qui a le produit en mains.
Tout lire : noter l’ensemble des « mots » du « nom » tel que figuré sur l’étiquette de face de la bouteille/du
flacon/de la boîte, marque et gamme comprises.
Exemple :
« AVAX » r « AVAX VITRE ET SURFACES BRILLANTES »
« ANNYOS » r « ANNYOS ACIDOBACT PIN SR 8 »
« LAVE GLACE » r « CHELL LAVE GLACE SPECIAL HIVER »
Usage normal du produit ?
Conditionnement : Flacon ? Pistolet pulvérisateur ? Bombe aérosol à gaz propulseur ? Volume du
conditionnement ?
Photo : idéalement, les deux versants de l’étiquette.
Produits biocides et phytopharmaceutiques : numéro d’AMM et nom d’homologation (désignés comme tels) figu-
rent sur l’étiquette.
Responsable de la mise sur le marché : le nom de la société qui fabrique ou qui distribue le produit figure
obligatoirement sur l’étiquette.
Contexte professionnel : fiche technique ou fiche de donnée de sécurité (FDS) sont des documents parfois dis-
ponibles sur place.
À noter : à partir du 1er janvier 2020, à la manière d’une « plaque minéralogique », un code d’identification
harmonisé est rendu obligatoire sur les étiquettes des produits mis sur le marché en Europe. Facile à lire, l’UFI
(Unique formula identifier) devrait simplifier et renforcer l’identification des produits, notamment dans l’urgence.
223
III.42 IDENTIFICATION D’UN TOXIQUE
2/2
● TOXIQUE NATUREL
Plante, animal, champignon : espèce r toxines r toxidrome.
En pratique
Jusqu’à preuve du contraire, l’intoxiqué et son entourage ne sont ni botanistes ni mycologues ; inutile d’en
attendre les détails nécessaires à une identification fiable.
Il est idéal d’avoir une photographie avec une échelle (règle graduée, papier ECG, objet courant : pièce de monnaie,
stylo, etc.).
■ Champignon : une vue de face, une vue de dessus du chapeau, une vue de dessous du chapeau.
■ Plante : une image en situation (plante en entier), une vue en plan rapproché (branche), un gros plan sur les
À savoir : les centres antipoison disposent de réseaux d’experts botanistes et mycologues (universitaires, sociétés
naturalistes), en capacité d’identifier plantes et champignons, y compris en cas d’urgence.
● SUBSTANCES CHIMIQUES
Investigations métrologiques éventuellement réalisées en air ambiant : détecteurs de CO, équipements des cellules
chimique des secours (souvent des tubes réactifs : un tube par substance, plus rarement des détecteurs « mul-
tigaz ») : intérêt de cibler préalablement les molécules recherchées.
Identification possible d’un nombre limité de radicaux ou de substances.
Exemples : CO, H2S, HCN, CO2, Cl2, NH3, PH3, certains acides, certains aldéhydes, NO, NO2, PH3, vapeurs orga-
niques, H2, SO2, amine(s), tétrachloroéthylène... une trentaine de molécules différentes dans le meilleur des cas.
À défaut ou en complément, l’anamnèse et la connaissance du contexte sont fondamentales. Sur l’exemple d’un
accident industriel :
■ processus industriel en cause ?
■ substrats en œuvre ?
En pratique
Nom de spécialité, dosage, présentation (suspension, sirop, sachet, comprimé), galénique (LP ou non).
Médicament générique : idéalement, le nom du laboratoire.
À savoir : les CAP (avis spécialisé (I.3)) disposent d’une base de données d’identification des gélules et des
comprimés sur des critères morphologiques et physiques (forme, dimensions, poids, couleur et inscriptions
permettent d’identifier les médicaments humains déconditionnés, sans boîte, blister ou notice).
224
IMPUTABILITÉ III.43
1/2
L’imputabilité caractérise l’intensité du lien entre l’exposition considérée et le terrain du patient d’une part, et les
effets cliniques et paracliniques observés d’autre part. Complémentaire à l’évaluation du risque (III.27), elle est
utile au clinicien pour optimiser la prise en charge du patient et constitue l’un des fondements d’une vigilance
sanitaire comme la toxicovigilance (TV) (III.65). En clinique, son évaluation peut légèrement différer de celle
retenue en TV.
Dans l’intérêt du patient, les principes de l’évaluation de l’imputabilité relèvent avant tout de la démarche clinique.
Le report du niveau d’imputabilité sur la règle de raisonnement clinique (III.55) permet de qualifier le niveau
d’avancement diagnostique. Une imputabilité forte permet en particulier :
■ de poser un diagnostic positif (démarche diagnostique explicite, intérêt de l’approche toxidromique), même si
À des fins de vigilance, l’objectif premier reste de décider l’inclusion ou non du cas dans des exploitations à des
fins de veille et d’alerte, d’identification d’effets non encore décrits, de détection de situations nouvelles ou de
réalisation de fouilles de données, etc. Les cas inclus sont exploités de manière agrégée ; les critères d’agrégation
appliqués diffèrent selon la finalité (Ex : effets observés pour la détection syndromique).
Le seuil d’inclusion est plutôt bas, permettant de conserver l’ensemble des cas pour lesquels un lien entre
l’exposition et les effets est susceptible d’exister, même faible. Le doute doit profiter à la santé publique.
La méthode d’imputabilité appliquée en toxicovigilance évalue les cas sur la base de six déterminants :
■ l’exposition : « très probable », « possible » ou « exclue » ;
■ les éléments de preuves : « présence » ou « absence » d’éléments probants (résultats analytiques, test dia-
225
III.43 IMPUTABILITÉ
2/2
Le résultat est donné sous la forme d’un niveau sur une échelle qui en comporte 5 : de I’« imputabilité nulle » à
I’« imputabilité très probable ». Les cas d’imputabilité « nulle » se trouvent exclus de toute exploitation (moins de
3 % de l’ensemble des cas connus des CAP). Ils ne sont considérés comme tel qu’en présence d’au moins l’une
de ces trois situations :
■ in fine, absence d’exposition ;
■ défaut de chronologie (effets débutés avant l’exposition ou nature des effets incompatible avec la chronologie/le
mécanisme en cause) ;
■ présence d’éléments contraires : le toxique est absent ou présent à un niveau dosé incompatible avec les effets
A contrario, un diagnostic différentiel n’exclut pas nécessairement la contribution de l’exposition dans la genèse
des effets observés.
Enfin, l’évaluation systématique de l’imputabilité trouve certainement place dans toute publication de cas clinique
de toxicologie. Une telle démarche d’objectivité renforce nécessairement la pertinence d’une rédaction.
226
INSUFFISANCE RÉNALE AIGUË III.44
● CIRCONSTANCES
■ Mécanisme indirect en cas d’hypoperfusion rénale : déshydratation sévère (syndrome phalloïdien ou résinoïdien
sévère lors d’intoxications par champignons (II.12)), hypovolémie (envenimations par animaux terrestres (II.3)),
état de choc (III.26).
■ Mécanisme semi-direct en cas d’intoxication par AINS (II.7), IEC (antihypertenseur) ou lithium (II.24), associée
à une déshydratation.
■ Mécanisme direct entrant dans le cadre :
• d’une néphrite tubulaire aiguë d’origine extrarénale (hémolyse (III.34), rhabdomyolyse (III.58))
• ou d’un tropisme rénal du toxique, le plus souvent par précipitations cristallines intratubulaires :
– plantes : champignons (syndrome orellanien), caramboles ;
– médicaments : paracétamol (II.31), acide valproïque, loxapine (II.29), naftidrofuryl, aciclovir (voie IV) ;
– divers : éthylène-glycol (II.17) et dérivés, chlorate de sodium, hydrocarbures, phénol, arsenic, fer, autres
éléments.
● DIAGNOSTIC
Il n’y a pas de spécificité clinique (lombalgies tout au plus) ; signes liés à la cause.
Le diagnostic est biologique (créatininémie, azotémie, clairance estimée), justifiant une surveillance répétée dans
les situations à risque ; le suivi implique les troubles électrolytiques éventuellement associés (kaliémie, etc.).
● TRAITEMENT
Traitement général pour tous les patients, avec si possible traitement de la cause lorsque le mécanisme est
indirect ; l’épuration extrarénale (III.24) est à la fois supplétive et soustractive pour les glycols.
Antidote associé pour paracétamol (II.31), méthanol (II.26) et éthylène-glycol (II.17).
227
III.45 INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË
1/2
Il s’agit d’une situation avec gravité (III.32) affichée et de pronostic (III.54) très variable selon l’étiologie.
Elle fait volontiers suite à un trouble de perméabilité et/ou de protection des voies aériennes (III.71).
● MÉCANISMES
Ils sont souvent multiples (cas des fumées d’incendie (II.18) en particulier).
Hypoventilation alvéolaire
■ Intoxications par opiacés :
• bradypnée avec diminution de la réponse ventilatoire aux stimuli hypoxique et hypercapnique ;
• rigidité musculaire thoracique pour certains (morphine et fentanyl).
■ Complications posturales d’un coma.
■ Convulsions (III.12) prolongées.
■ Paralysies d’origine neuromusculaire : organophosphorés (II.30), nicotine, ciguë...
● DIAGNOSTIC
Examen clinique
Il est non spécifique, mais guidé par la nature des toxiques en cause :
■ mécanique respiratoire (fréquence et amplitude respiratoires), cyanose, signes indirects d’hypercapnie (tachy-
228
INSUFFISANCE RESPIRATOIRE AIGUË III.45
2/2
Oxymétrie de pouls
Une diminution de la saturation en oxygène (SpO2) témoigne en premier lieu d’une atteinte de l’échangeur
pulmonaire.
En revanche, la SpO2 n’est diminuée que de manière tardive dans les situations d’hypoventilation alvéolaire : une
valeur normale, en particulier chez un patient recevant de l’oxygène, peut être associée à une hypercapnie sévère
et ne préjuge pas d’une ventilation alvéolaire satisfaisante.
Le spectre d’absorption des hémoglobines modifiées est proche de celui de l’oxyhémoglobine (pour l’HbCO en
particulier) : l’oxymétrie de pouls n’est donc que peu ou pas perturbée dans ces situations.
Capnométrie
La mesure de la pression partielle en CO2 de l’air télé-expiratoire (PETCO2) n’est généralement réalisée que chez
les patients intubés. Elle peut être considérée comme un témoin de la ventilation alvéolaire si l’hémodynamique
est préservée.
Gazométrie
Si la qualité de l’oxymétrie est satisfaisante, une analyse sur sang veineux suffit pour interpréter le pH, l’excès
de base et la PCO2. En cas d’intoxication par monoxyde de carbone (II.28) ou par toxique méthémoglobinisant
(II.27), une spectrophotométrie complète de l’hémoglobine est nécessaire, réalisée sur sang veineux également.
En règle générale, une décision d’intubation trachéale et mise sous ventilation assistée doit se faire sur des
arguments d’anamnèse et clinique (voire électrocardiographiques), en particulier lorsque sont colligés des critères
de gravité (III.32) et de mauvais pronostic (III.54), la gazométrie ultérieure ne servant qu’à adapter les paramètres
ventilatoires.
● TRAITEMENT
Traitement général dans tous les cas, avec une large place pour la ventilation assistée.
Traitement par antidote (III.6) dans certaines situations, ces traitements spécifiques étant toujours précédés d’une
tentative de stabilisation ventilatoire.
229
III.46 INTOXICATION
Peut faire suite à une exposition toxique (III.29), avec un retentissement local et/ou systémique lié au contact
et/ou à l’absorption du toxique par voie cutanéomuqueuse, respiratoire et/ou digestive.
L’intoxication dépend :
■ des caractéristiques du toxique (toxique fonctionnel, toxique lésionnel, toxique mixte (III.67-69), quantité ou
concentration, constantes de temps) ;
■ des caractéristiques de l’organisme victime, avec ses capacités d’absorption, de transformation, de chélation,
d’excrétion, ces paramètres modulant la toxicocinétique (III.66) du toxique ; interviennent en particulier l’âge,
le poids, la fragilité de certaines chaînes métaboliques, le dysfonctionnement d’émonctoires physiologiques.
Elle est caractérisée :
■ par une cinétique d’installation, progression et, sauf décès ou séquelle, de résolution des symptômes, signes
cliniques et/ou paracliniques (cf. figure 3 dans Régulation médicale (III.56) et Toxicodynamie (III.64)) ;
■ par sa gravité (III.32).
230
INTOXICATIONS RÉCRÉATIVES III.47
Intoxication par alcool éthylique (II.1) : fréquente, souvent banalisée, possible de la préadolescence à l’âge avancé.
231
III.48 MÉDICALISATION PRÉHOSPITALIÈRE
1/2
Le médecin ne dispose pas de score général de gravité qui puisse le guider dans la prise en charge préhospitalière
d’une intoxication aiguë. Le jugement du médecin Smur s’appuie donc sur les mêmes principes que ceux évoqués
en régulation médicale (III.56) et sur une analyse sémiologique fine permettant de reconnaitre dans le meilleur
des cas un toxidrome (III.66). Sauf aggravation récente toujours possible, la situation est le plus souvent conforme
aux données obtenues en régulation.
● PRISE EN CHARGE
La prise en charge d’une intoxication aiguë grave « sur le terrain » n’appelle en fait que peu de commentaires
spécifiques. Il faut cependant rappeler avec insistance que la priorité est au traitement symptomatique. La
réalisation d’un électrocardiogramme 12 dérivations est systématique, afin de déceler et d’anticiper certaines
complications cardiaques, généralement à type d’ESM et/ou de troubles du rythme. La prise en charge des
détresses vitales est conforme aux recommandations actuelles des différences sociétés savantes. La prise en
charge d’une insuffisance respiratoire en particulier doit faire appel aux techniques de l’intubation en séquence
rapide sur estomac plein. La seule différence peut venir de l’utilisation associée de certains antidotes dans
certains cas bien définis, de la mise en œuvre de protocoles médicamenteux spécifiques (chloroquine) ou de
procédures plus lourdes comme une assistance circulatoire (ECLS). Le traitement de la détresse neurologique
(coma) est également basé sur la protection des voies aériennes par intubation trachéale, même s’il n’existe pas
de véritable consensus quant à une valeur seuil de score de Glasgow indiquant formellement le recours à
l’intubation. En effet, le score de Glasgow n’est que très peu corrélé à la survenue des complications respiratoires
chez les patients intoxiqués et l’incidence des lésions laryngées post intubation est loin d’être négligeable chez
ces patients. Le recours à l’intubation se justifie donc après une analyse précise de la situation médicale : score
de Glasgow, saturation artérielle en oxygène et fréquence respiratoire, antécédents respiratoires du patient,
cinétique de l’intoxication, conditions de transport, etc. Certains antidotes comme le flumazénil ou la naloxone
peuvent être utilisés pour surseoir à l’intubation, mais les caractéristiques de ces produits et leurs contre-
indications font généralement choisir une approche mécanique du traitement de la dépression respiratoire.
Les indications de décontamination digestive préhospitalière par administration de charbon activé (III.7) dans des
cas d’indications potentiellement graves font toujours l’objet de discussions, sans démonstration formelle de son
intérêt.
La médicalisation préhospitalière qui prévaut en France implique une prise en charge plus élaborée que celle
décrite dans la littérature anglosaxonne. Ainsi, l’intoxication aiguë par la chloroquine est un bon exemple de prise
en charge médicale spécifique. C’est la démonstration d’un ESM et d’une intense vasodilatation provoquée par
la chloroquine qui a permis de proposer un protocole thérapeutique associant ventilation assistée, adrénaline et
diazépam, à un patient encore conscient, sur des critères de dose supposée ingérée, de valeur de la pression
artérielle systolique et de durée du complexe QRS. Ce protocole a fait chuter la mortalité de l’intoxication de
façon très significative.
L’intoxication par produits cardiotropes est d’actualité, notamment de par l’augmentation de prescription de
certains médicaments comme les bêtabloquants ou les inhibiteurs calciques. La liste des toxiques cardiotropes
ne s’arrête pas seulement à celle des médicaments à visée cardiovasculaire, elle comprend également d’autres
médicaments et un certain nombre de produits chimiques. Ces intoxications sont à l’origine d’une surmortalité ;
elles peuvent en effet conduire à la survenue précoce d’un état de choc réfractaire ou d’un arrêt cardiaque dès
232
MÉDICALISATION PRÉHOSPITALIÈRE III.48
2/2
la phase préhospitalière. Le traitement de l’état de choc fait appel pour l’essentiel aux catécholamines à fortes
doses. D’autres thérapeutiques comme le glucagon, les inhibiteurs des phosphodiestérases, les sels de calcium
ou l’hyperinsulinisme euglycémique n’ont pas montré une efficacité constante reproductible. De même, l’admi-
nistration d’une émulsion lipidique pour des intoxications autres qu’aux anesthésiques locaux ne peut être consi-
dérée qu’au cas par cas. L’assistance circulatoire périphérique par ECLS peut constituer une thérapeutique
d’exception et permettre la survie de patients. L’arrêt cardiaque réfractaire lié à une intoxication constitue une
indication reconnue d’ECLS et l’activation d’une unité mobile d’assistance circulatoire doit faire partie des options
dont disposent le médecin régulateur face à un arrêt cardiaque ou à un choc cardiogénique réfractaire d’origine
toxique. Du fait de la gravité potentielle des intoxications par toxiques cardiotropes, les patients asymptomatiques
doivent bénéficier d’une prise en charge médicale préhospitalière et être admis dans une structure hospitalière
disposant d’une unité d’assistance circulatoire, afin d’éviter tout délai à la mise en place de l’ECLS en cas de
complications.
233
III.49 MORT D’ORIGINE SUPPOSÉE TOXIQUE
La mort naturelle résulte de l’évolution d’un état pathologique ou du vieillissement du sujet. Toutes les autres
causes de décès, y compris les causes toxiques, sont provoquées et non naturelles et peuvent avoir des consé-
quences médicolégales.
L’obstacle médicolégal à l’inhumation figurant sur le certificat de décès devrait donc concerner toutes les situations
de mort paraissant suspecte ou subite ou inattendue ou violente ou en lien avec une infraction ou impliquant un
tiers potentiellement responsable (exposition toxique (III.29)) : suspicion d’homicide, de suicide, d’empoisonne-
ment, d’intoxication au monoxyde de carbone pouvant engager la responsabilité d’un propriétaire, d’overdose,
d’accident du travail, d’accident médical, d’intoxication collective.
Émettre un obstacle médicolégal n’est qu’un avis visant à avertir le Parquet au sujet d’une mort ne paraissant
pas naturelle et n’empêche pas de rédiger le certificat médical de décès. C’est alors le Parquet ou l’OPJ qui
décide d’ouvrir une procédure et de poursuivre les investigations (prélèvements conservatoires (III.53) biologiques
par exemple).
234
MYDRIASE III.50
Toxiques entraînant un toxidrome (III.66) adrénergique ou anticholinergique dont les antidépresseurs (II.5) et la
carbamazépine (II.11), antihistaminiques, metformine, butyrophénones (II.29), baclofène, éthambutol, bromocrip-
tine, amantadine, dihydralazine, vasoconstricteurs, chloroquine (II.13) et quinine, quinidine (II.4)), hormones thy-
roïdiennes, ceux entraînant une anoxie cellulaire (III.5), alcools éthyliques (II.1) et méthanol (II.26), champignons
(II.12) (tableau 6, II.12), nombreuses toxines d’animaux marins (II.2) et d’animaux terrestres (II.3), la plupart des
hallucinogènes (stupéfiants, tableau 7, II.33), valériane.
Collyres mydriatiques.
235
III.51 MYOSIS
Morphine, codéine et dérivés (II.33), acide valproique, phénothiazines et certains antipsychotiques (II.29), ben-
zodiazépines, baclofène, clonidine (antihypertenseur), insecticides (organophosphorés et carbamates), champi-
gnons (inocybes en particulier, tableau 6, II.12), toxiques entrainant un toxidrome (III.66) cholinergique, nom-
breuses toxines d’animaux marins et d’animaux terrestres, certains stupéfiants, bromures, nicotine, acétone,
hydrate de chloral, organophosphorés faisant partie des toxiques chimiques de guerre, amitraze (médicament
vétérinaire proche de la clonidine).
Collyres (pilocarpine).
236
NOMOGRAMME DE FAGAN III.52
1/2
C’est un outil indispensable au raisonnement clinique probabiliste. Présenté ci-après, il permet de connaitre une
probabilité diagnostique (existence d’une pathologie) à partir :
■ de sa probabilité évaluée avant la réalisation d’un test clinique ou paraclinique (probabilité pré-test),
■ de la performance, dans cette situation clinique, du test utilisé, évaluée par le rapport de vraisemblance (RV) ;
ce dernier aura été calculé lors de travaux préalables sur des séries de patients.
La probabilité prétest (pretest probability) correspond à la prévalence de l’affection dans la population se pré-
sentant avec un motif de recours donné ; elle est généralement stratifiée en faible/intermédiaire/forte, parfois à
l’aide d’échelles ou de scores basés sur des données de terrain, d’anamnèse, de signes cliniques, de paramètres
physiologiques.
Le rapport de vraisemblance (likelihood ratio) d’un test (clinique ou paraclinique) :
■ est performant lorsqu’il est capable de rendre le diagnostic suspecté probable (rapport de vraisemblance positive
■ incite à l’usage d’un test à RV faible, afin d’exclure le diagnostic, lorsque la probabilité pré-test est faible ou
intermédiaire.
La probabilité post-test (post-test probability) permet généralement la prise de décision (traitement, orientation
du patient) quand > 80 % et l’exclusion du diagnostic quand < 10 %.
Le nomogramme s’utilise en tirant un trait depuis la probabilité pré-test sur la ligne de gauche vers la ligne de
probabilité post-test à droite, en passant par le rapport de vraisemblance connu sur la ligne du milieu. Par
exemple, pour une probabilité prétest de 50 % (intermédiaire), il est possible d’exclure raisonnablement le dia-
gnostic en utilisant un test avec RV- à 0,1, ou de prendre une décision en utilisant un test avec RV+ à 5.
237
III.52 NOMOGRAMME DE FAGAN
2/2
.1 99
.2
.5 95
1 1000
90
500
2 200
80
100
50 70
5
20 60
10 50
10
5 40
2 30
20
1
30 20
.5
40 .2
.1 10
50
60 .05
5
70 .02
.01
80
.005
2
.002
90 .001 1
95 .5
.2
99 .1
Rapport
Pré-test de vraisemblance Post-test
Probabilité % Probabilité %
238
PRÉLÈVEMENTS CONSERVATOIRES III.53
En toxicologie clinique ou médecine légale du vivant, l’analyse toxicologique (III.3) repose sur l’étude de prélè-
vements de sang, d’urines, de cheveux ou poils, un dosage sanguin d’un xénobiotique n’ayant un intérêt que s’il
a une incidence sur la prise en charge du patient. La « recherche de toxiques » à l’aveugle est inutile et coûteuse.
La réalisation de prélèvements biologiques conservatoires est indiquée lorsque l’étiologie toxique n’est pas claire
ou s’il existe des signes de gravité (III.32), les prélèvements sanguins ou urinaires devant être réalisés avant
tout traitement.
En cas d’admission tardive, les principes actifs peuvent être épurés du sang et seuls les métabolites éventuel-
lement retrouvés (par exemple, acide glycolique pour intox par éthylène glycol, acide formique pour méthanol).
Les prélèvements conservatoires médicolégaux doivent être réalisés en double, conservés à l’abri de la lumière,
congelés à – 20o (en vue d’une possible contre-expertise ultérieure).
Le délai de conservation des prélèvements biologiques est variable selon le diagnostic et l’évolution clinique.
Les différents prélèvements conservatoires concernent les éléments suivants.
● SANG
Milieu biologique où la présence de xénobiotique est la mieux corrélée à la clinique.
Prélèvement dès le début de la prise en charge, à cause de la demi-vie très brève de certains toxiques (ex :
20 min pour colchicine), en périphérie, à distance d’une perfusion.
10 mL sur héparinate de lithium sans gel séparateur ; tube de 5 mL centrifugé décanté (plasma) et tube de 5 mL
non centrifugé (sang total) ; 2 x 2,5 mL (enfant).
Conservation à + 4o si analyse réalisée dans les 5 jours ; sinon, centrifugation et congélation séparée du plasma
et des globules (éviter la dégradation de certaines molécules, certains toxiques ont une fixation érythrocytaire).
● URINES
Informations cumulatives sur la consommation des xénobiotiques au cours des 24-48 heures précédentes (« statut
toxicologique du sujet »).
Recherche de stupéfiants : 10 mL, flacon neutre sans additif ni conservateur.
Autres recherches : 20-30 mL, flacon neutre sans additif ni conservateur, en notant diurèse des 24 heures.
Conservées à + 4o ou congelées, selon la nature du toxique recherché et le délai entre le recueil et l’analyse.
239
III.54 PRONOSTIC
La gravité est soit avérée, soit supputée a priori par une évaluation de risque (III.27), qui pourra permettre une
anticipation sur la prise en charge spécifique.
Des critères pronostiques précoces ont été validés en particulier pour le paracétamol (II.31), la chloroquine (II.13),
la digoxine (digitalique (II.16)), le monoxyde de carbone (II.28), la théophylline et les antidépresseurs polycycliques,
permettant la mise en œuvre de thérapeutiques actives.
L’établissement du pronostic permet l’inscription du patient dans la filière de soins (III.31) adaptée et guide le
suivi clinique et biologique, en particulier pour les situations à expression tardive (toxiques lésionnels, AVK
(rodonticides (II.32)), spécialités orales à action retardée (III.60)) ou potentiellement retardée (administration de
charbon activé).
Son évaluation permet la délivrance d’une information plus précise au patient et/ou à son entourage.
240
RAISONNEMENT CLINIQUE
PROBABILISTE III.55
1/2
Il doit être de type hypothéticodéductif, c’est-à-dire basé sur la génération d’hypothèse(s). En effet, un diagnostic
toxicologique, s’il doit potentiellement être suivi d’une prise en charge spécifique ou « décision » (prescription
d’antidote, technique d’épuration, recherche d’une complication, d’un critère pronostique avec orientation hos-
pitalière adaptée), doit pouvoir être soit étayé, soit exclu, de façon suffisamment forte, pour que cette décision
soit prise ou non.
Ce raisonnement clinique s’appuie essentiellement sur une évaluation de risque (III.27) et sur une démarche
d’imputabilité (III.43) à fin décisionnelle, dès lors qu’une symptomatologie est présente. En l’absence de décision
nécessaire (patient finalement non intoxiqué), la démarche aura une utilité épidémiologique.
Il existe des situations permettant de ne pas franchir le seuil de suspicion d’intoxication et de ne pas initier de
démarches plus avant :
■ absence d’exposition toxique : par exemple, absence de monoxyde de carbone dans l’atmosphère d’une habi-
tation proche d’une émanation de CO ; il n’y a pas lieu de réaliser un examen clinique spécifique ou la recherche
de CO dans l’air expiré ou le sang du patient ;
■ chronogramme incompatible : survenue trop précoce ou trop tardive des symptômes et/ou signes par rapport
au délai attendu ;
■ absence de signe clinique ou paraclinique après un délai suffisamment long compte-tenu du toxique suspecté
(cette situation pouvant être provoquée par l’administration précoce d’un antidote, sans laquelle le sujet eut
été intoxiqué, comme dans le cas d’une exposition importante au paracétamol) ;
■ concentration du toxique suspecté, dans le milieu étudié, incompatible avec le tableau clinique (en utilisant une
■ absence de bibliographie décrivant le tableau observé avec le toxique suspecté (à moins d’un cas princeps ?).
Il existe d’autres situations permettant de franchir le seuil de décision et d’interrompre les investigations en ce
sens, les décisions utiles devant être prises :
■ exposition toxique avérée, tableau clinique et/ou paraclinique et chronogramme évocateurs, autres hypothèses
compatible, analyse toxicologique probante, pas d’autre hypothèse évoquée et données solides de la littérature ;
■ exposition toxique possible, tableau clinique et/ou paraclinique évocateur, chronologie évocatrice, pas d’analyse
toxicologique spécifique disponible, hypothèses diagnostiques autres étudiées et non retenues, preuves scien-
tifiques suffisantes chez l’animal et preuves épidémiologiques chez l’homme.
Entre ces deux types de situations, c’est-à-dire entre ces deux seuils, une période d’observation est indispensable.
Elle doit permettre la réalisation d’examens ou de tests diagnostiques pertinents, s’ils existent, permettant soit
d’exclure, soit d’affirmer le diagnostic, selon le modèle du nomogramme de Fagan (III.52), qui en est une
représentation « verticale ». Une réflexion de type bénéfice/risque de ces examens et tests doit rester présente
à l’esprit.
241
RAISONNEMENT CLINIQUE
III.55 PROBABILISTE
2/2
242
RÉGULATION MÉDICALE D’UN APPEL III.56
1/4
La régulation médicale repose sur trois axes : priorisation de la réponse aux cas les plus graves, envoi rapide
de moyens nécessaires, orientation directe vers l’unité de soins la mieux adaptée.
Dans le cas d’une intoxication aiguë, on peut distinguer deux situations très différentes selon qu’une détresse
vitale est présente ou non à l’appel.
Lorsqu’une détresse vitale est évidente, le départ rapide de moyens médicalisés est justifié. En toxicologie aiguë,
les détresses vitales les plus fréquentes sont la dépression neurologique centrale avec coma ou convulsions,
l’insuffisance respiratoire aiguë, l’état de choc et l’arrêt cardiaque.
En l’absence de détresse vitale évidente, la décision est plus difficile à prendre.
Le challenge pour le médecin régulateur est de prévoir l’évolution de l’intoxication dans les prochaines heures
en l’absence de signes de détresse à l’appel. Insistons sur le fait que l’absence de troubles de conscience lors
de l’appel ne doit pas rassurer ; de très nombreuses molécules hautement toxiques n’ont pas de toxicité neuro-
logique directe.
Un certain nombre d’éléments concernant le ou les toxiques, les circonstances, le patient, vont aider à prendre
une décision.
Il faut tout d’abord s’informer de la nature des toxiques supposés ingérés, afin de détecter la présence de
substances motivant l’envoi immédiat d’une équipe médicale. En effet, certaines intoxications sans signe de
gravité à l’appel ont pourtant une gravité potentielle importante avec des délais d’apparition des symptômes
assez courts : molécules cardiotoxiques, dérivés de la morphine par exemple. D’autres intoxications aiguës d’appa-
rence initiale « banale » à l’appel ont en réalité une gravité immédiate majeure très souvent sous-estimée ; on
peut notamment citer l’ingestion d’un produit caustique. Enfin, certaines intoxications peuvent bénéficier de
l’administration préhospitalière précoce d’un antidote et justifient donc l’envoi d’une équipe de Smur.
Il faut ensuite évaluer le potentiel d’aggravation du patient. Une intoxication aiguë est un processus dynamique
dont la cinétique évolutive est plus ou moins rapide en fonction du ou des toxiques en cause. Le médecin
régulateur doit connaître la durée approximative des différentes phases des principales intoxications aiguës et
en particulier de la phase d’intervalle libre (Figure 1). La décision à prendre ne sera pas la même selon le délai
exposition – appel. Ainsi par exemple, en l’absence de signes de détresse, un appel pour une ingestion de
chloroquine n’a pas du tout la même signification à la 2e heure ou à la 12e heure postingestion. Certains produits,
tels que les psychotropes, ont une toxicité fonctionnelle d’apparition rapide presque parallèle à la cinétique du
produit dans l’organisme. Certaines substances sont synergiques et peuvent expliquer une aggravation rapide et
inattendue. C’est le cas assez fréquent de l’association psychotropes et alcool qui pourrait souvent légitimer
l’envoi de moyens médicalisés quel que soit l’état du patient lors de l’appel. De manière générale, si l’intoxication
date de moins de deux heures, il existe un risque accru d’aggravation du patient. À l’inverse, certains produits
ont une toxicité lésionnelle retardée pour laquelle l’envoi de moyens médicaux ne se justifie généralement pas,
comme le paracétamol par exemple. À ce propos il est essentiel de faire la différence entre nécessité d’une
intervention médicale (chloroquine à la 2e heure par ex.) et nécessité d’hospitaliser (paracétamol) ; une simple
décision d’hospitalisation pourra justifier l’envoi d’un moyen secouriste sans médicalisation. En résumé, plusieurs
éléments de toxicocinétique peuvent guider le médecin régulateur dans ses décisions. Le médecin doit donc avoir
accès à des bases de connaissance en toxicologie ; dans quelques cas, l’appel au centre antipoison régional est
indispensable. En l’absence d’intervention médicalisée, il faut pouvoir obtenir des bilans secouristes répétés, afin
d’adapter la décision si besoin. Enfin, comme toujours en matière de régulation médicale, le doute et l’éloignement
doivent faire privilégier l’envoi de moyens médicalisés.
243
III.56 RÉGULATION MÉDICALE D’UN APPEL
2/4
244
RÉGULATION MÉDICALE D’UN APPEL III.56
3/4
245
III.56 RÉGULATION MÉDICALE D’UN APPEL
4/4
Enfin, le médecin régulateur doit aussi décider de l’orientation du patient. Si la majorité des patients pourront
être accueillis dans une structure d’urgence, il faut néanmoins avoir présent à l’esprit la notion de filières de
soins bien connues en cardiologie, en neurologie ou en traumatologie sévère (III.31). La constitution de ces filières
de soins est un point essentiel dans la qualité de prise en charge d’un patient intoxiqué.
Dans tous les cas, prévoir une orientation large sur un service d’urgence des patients suicidants, isolés, à risque,
dont la dose supposée ingérée et/ou l’heure d’ingestion ne peuvent être estimée(s) avec précision, ou en cas de
prédiction de risque d’intoxication de gravité mineure à modérée.
246
RÉQUISITION III.57
Tout médecin peut devenir auxiliaire de justice, le temps d’exécution d’une réquisition, qui est une injonction de
réaliser un acte médicolégal, mission de service public, ne pouvant être différée.
La réquisition est délivrée par une autorité judiciaire (procureur de la République ou ses substituts, magistrat,
Juge d’Instruction, Officier de police judiciaire) ou administrative (préfet, sous-préfet, maire, Officier d’etat civil).
Le médecin est alors tenu, sauf circonstances précises, de déférer à la réquisition, sous peine de sanction,
l’exécution de la mission étant personnelle et ne pouvant être déléguée.
Le médecin peut refuser de répondre à une réquisition, s’il a lui-même donné des soins à la personne concernée
par cette réquisition (une prise de sang sur réquisition n’est pas opposable même pour un patient du médecin
réquisitionné, cour de Cassation, 15/03/1961 ; s’il n’y a pas d’autre médecin disponible, le médecin traitant ne
peut se soustraire à la réquisition), s’il estime que la personne n’est pas en état de subir l’examen ou les
prélèvements demandés (remplir alors les documents présentés par l’autorité requérante, en citant le motif de
refus), s’il ne peut pas lui-même exécuter la mission (inaptitude physique justifiée et constatée), s’il n’a pas la
compétence nécessaire à l’exécution de la mission, s’il est parent, allié ou collaborateur professionnel avec la
personne à examiner ou s’il estime que le lieu et les conditions d’examen sont de nature à compromettre la
qualité de ses actes et à nuire à la confidentialité et à l’intimité de la consultation.
La réquisition doit être écrite et décrire précisément la mission. Le médecin est délié de l’obligation au respect
du secret professionnel vis-à-vis de l’autorité requérante, uniquement pour les informations relatives à la réqui-
sition (« répondre à la mission, toute la mission, rien qu’à la mission »).
S’il n’est pas inscrit sur une liste d’experts près d’une cour d’Appel, le médecin doit prêter serment par écrit en
début de rapport.
En toxicologie clinique d’urgence, la réquisition concerne surtout trois situations :
■ l’examen clinique et le prélèvement sanguin en vue du dépistage d’alcool éthylique (III.18) suite à un accident
de la circulation routière ;
■ l’examen clinique et le prélèvement sanguin en vue du dépistage de stupéfiants (III.19) (cannabis, cocaïne,
opiacés et amphétaminiques), dans le cas d’un accident de la circulation ou d’une infraction au Code de la
route, si le dépistage salivaire ou urinaire est positif ;
■ l’examen clinique et la prise en charge en cas de dissimulation intracorporelle de stupéfiants (III.21).
L’examen médical doit être confidentiel, réalisé hors de la présence des forces de l’ordre ou des agents des
douanes, sauf en cas d’insécurité.
Le sujet a la possibilité de refuser l’examen demandé. Il faut alors constater ce refus et en faire mention express
dans le rapport remis à l’autorité requérante.
Durant l’exécution de la mission, le médecin exerce sous la responsabilité de l’État.
La fin de la réquisition se matérialise par la remise d’un rapport écrit à l’autorité requérante, accompagné d’un
mémoire de frais.
247
III.58 RHABDOMYOLYSE
● CIRCONSTANCES
Coma (III.8) profond et prolongé
Hyperthermie (III.39) maligne
Doxylamine (antihistaminiques H1 (II.6))
Strichnyne (II.32)
Champignons (II.12) (tableau 6) : Tricholoma équestre et auratum
Envenimations par hyménoptères et vipérines (animaux terrestres (II.3))
Crustacés (animaux marins (II.2)) : palytoxicose
Nouvelles drogues (cathinones de synthèse, stupéfiants (II.33))
● DIAGNOSTIC
Douleurs musculaires, coloration brune-noire (« porto ») des urines, signes d’hypovolémie, douleurs lombaires en
cas d’atteinte rénale.
Biologie : élévation de la CPK, complications métaboliques ; fausse positivité de l’hématurie à la BU.
● COMPLICATIONS
Insuffisance rénale aiguë (III.44), hyperkaliémie et autres troubles métaboliques non spécifiques.
● TRAITEMENT
Prévention des complications.
248
SOUMISSION CHIMIQUE III.59
1/3
Acte de manipulation psychique, la soumission chimique, forme d’exposition toxique (III.29) infligée, consiste en
l’administration dissimulée de substances psychoactives, très souvent médicamenteuses, à une personne, à des
fins délictuelles (vols) ou criminelles (agressions sexuelles), en provoquant le plus souvent une passivité ou une
amnésie, dans le but de causer un préjudice autre que la mort par empoisonnement.
Deux situations typiques sont rencontrées.
■ La victime est endormie, la sédation autorisant les actes délictuels de type agression sexuelle ou vol.
■ La victime est active, consciente, extrêmement suggestionnable, effectuant des actes ou obéissant à des ordres,
normalement jugés inacceptables, contre sa volonté ou à son insu, sous le contrôle des agresseurs.
Dans les deux cas, il n’y a aucun souvenir des actes effectués.
Les objectifs sont variables selon le contexte :
■ obtenir une sédation chez un enfant, à visée pédophile ou pour « avoir la paix » face à un sujet particulièrement
■ détourner la vigilance, pour effectuer des actes délictuels ou criminels (victimes « endormies », dépouillées de
mais soumise », participant à des actes contre sa volonté, de type sexuel (agressions sexuelles ou viols),
signature de chèques, utilisation de carte bancaire, voire interrogatoires et aveux chez les militaires sous
certains régimes (interrogatoires sous butyrophénones, « sérums de vérité » à base de pentothal et
d’amphétamines).
Le produit idéal est actif à faible dose, rapidement soluble en milieu aqueux, incolore, inodore, sans saveur, avec
effets d’installation rapide, très souvent dissimulé dans des boissons, voire incorporé dans des préparations
alimentaires.
Dans les cas documentés de soumission chimique, on retrouve de l’alcool éthylique (II.1), des benzodiazépines
(II.9) à demi-vie courte, hypnotiques (zolpidem, zopiclone, doxylamine), anesthésiques (Gamma-Hydroxy-Butyrate,
hydrate de chloral, kétamine), hallucinogènes (LSD, scopolamine-burundanga, datura, belladone, mandragore,
dérivés de l’ecstasy, cannabis, dérivés de la diméthyltryptamine-Ayahuasca), neuroleptiques et nouveaux anti-
psychotiques (II.29), antihistaminiques H1 (II.6) sédatifs (prométhazine, alimémazine), antidépresseurs (II.5), car-
bamates, clonidine.
L’interrogatoire vise à :
■ préciser les traitements habituels ou occasionnels, les habitudes toxicologiques du patient ou un médicament
■ rechercher des signes de violences physiques (douleurs, plaintes spontanées) ou sexuelles (douleurs périnéales,
traces, écoulements, lésions locales constatés par la victime), orientant l’examen clinique et pouvant nécessiter
des explorations adaptées en cas de doute ;
■ noter le délai entre la période d’ingestion toxique supposée et celle du prélèvement des échantillons biologiques.
La symptomatologie clinique alléguée par les victimes ou constatée lors de l’examen clinique initial est dominée
par l’amnésie totale ou partielle des faits, des troubles de la vigilance de type endormissement, une asthénie,
une anxiété quasi constante et corrélée positivement à l’amnésie.
D’autres signes cliniques sont possibles : vertiges, confusion, troubles du comportement, difficultés de concen-
tration, nausées, tachycardie, hypotension artérielle, bradycardie ou troubles du rythme.
249
III.59 SOUMISSION CHIMIQUE
2/3
● EXAMEN CLINIQUE
Il est somatique général ± gynécologique et proctologique en cas de violences sexuelles associées.
Les lésions corporelles sont discrètes, les victimes soumises ou endormies chimiquement opposant le plus souvent
peu de résistance à leurs agresseurs.
Il faut rechercher des signes évocateurs d’imprégnation médicamenteuse ou toxique, des stigmates de violences
sexuelles.
● DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Épilepsie partielle non convulsivante de type temporal.
Phase postcritique de convulsions.
Pathologie organique neurologique.
Pathologie psychiatrique.
Auto-intoxication volontaire par psychotropes (alcools, médicaments, stupéfiants), au monoxyde de carbone, avec
éventuellement déclarations mensongères ou de bonne foi sous influence toxique.
● PRÉLÈVEMENTS CONSERVATOIRES
Pierre angulaire du diagnostic et du processus judiciaire, ils doivent être précoces, suffisants, en double (analyse
et contre-expertise).
Ils doivent être faits le plus précocement possible après les faits, après recueil du consentement de la victime
(pour augmenter la pertinence des recherches toxiques, accompagner les échantillons d’une fiche de renseigne-
ments cliniques ou contacter directement le biologiste, afin de préciser les techniques d’analyse en fonction du
tableau clinique présenté par la victime).
Il n’y a pas d’intérêt à demander les « toxiques sanguins et/ou urinaires » en urgence, qui reviendront probable-
ment négatifs, pouvant fausser la démarche médicojudiciaire en l’absence de connaissance ou d’expérience sur
le sujet.
En cas de consultation dans un cadre médicolégal, les prélèvements sont placés sous scellés en présence d’un
OPJ, puis transportés avec les explications nécessaires à leur interprétation, vers le service de toxicologie spé-
cialisé requis.
Il faut éviter l’administration d’hypnotiques ou d’anxiolytiques, susceptibles d’aggraver la confusion et de gêner
l’interprétation toxicologique.
Il faut mettre en place une prévention de la grossesse et des infections sexuellement transmissibles.
Une hospitalisation de courte durée est souvent nécessaire, pour suivi de l’évolution clinique et prise en charge
médicopsychosociale proposée à la sortie de l’hôpital.
250
SOUMISSION CHIMIQUE III.59
3/3
■ le transport des prélèvements se fait vers le laboratoire de l’hôpital, avec une fiche de liaison clinicien-biologiste,
■ les prélèvements sont transportés au laboratoire désigné par l’autorité requérante, par et sous la responsabilité
de l’OPJ.
251
SPÉCIALITÉS ORALES À ACTION
III.60 RETARDÉE
■ antidépresseur : venlafaxine ;
■ antipsychotiques ;
■ bronchodilatateur : théophylline ;
Au total, il s’agit de médicaments le plus souvent hautement toxiques, disponibles en conditionnements fortement
dosés.
252
SUICIDANT III.61
En matière de prise en charge d’un patient intoxiqué, la problématique initiale n’est pas tant d’évaluer le potentiel
suicidogène en cas d’exposition avérée (I.2) à un toxique que de reconnaître un patient potentiellement suicidant
en cas d’exposition non avérée (I.2C) (et donc d’évoquer une intoxication aiguë devant un tableau clinique ne
faisant pas sa preuve).
Les expositions toxiques (III.29) prises en charge dans les services d’urgences sont auto-infligées dans la grande
majorité des cas ; le caractère suicidaire de l’exposition toxique ou une volonté de « rupture » (dormir et oublier ?)
sera à étayer par le médecin psychiatre.
Les sujets à risque de passage à l’acte suicidaire sont :
■ essentiellement les sujets dépressifs, impulsifs, histrioniques ou très anxieux, les sujets éthyliques, ceux avec
isolement social ou affectif, ceux également aux antécédents personnels ou familiaux de tentative de suicide ;
■ plus rarement, des patients psychotiques ;
■ parfois, la tentative de suicide répond à l’intrication de difficultés réelles et d’une fragilité de la personnalité.
Après restauration des fonctions cognitives et le plus souvent à J1, une consultation psychiatrique devra être
organisée. Son absence constituerait une banalisation du geste suicidaire avec augmentation du risque de récidive
à court terme ; il n’y a pas de « petite » tentative de suicide et pas de corrélation entre la gravité somatique et
la gravité psychique.
Dans cette attente, l’équipe soignante instaure une relation d’aide et empathique ; une sédation médicamenteuse
peut être proposée en cas d’anxiété importante (hydroxyzine ou BZD). Le refus de soins est de gestion extrême-
ment délicate chez ces patients à l’état cognitif et/ou psychique perturbé.
253
III.62 TERRORISME CHIMIQUE
Utilisation d’agents, sous forme d’aérosol (voie respiratoire et/ou percutanée) ou par voie digestive (contamination
d’aliments solides ou des réseaux de distribution d’eau potable).
La contamination de médicaments ou de produits cosmétiques a également déjà été utilisée.
On distingue les agents létaux des agents incapacitants (non létaux).
Le caractère létal ou non d’un toxique peut dépendre de sa dose (ricine).
Pour les aérosols, les effets délétères sont fonction de l’efficacité du moyen de diffusion et des conditions
météorologiques.
Principaux toxiques envisageables :
■ poisons « classiques » : arsenic, cyanure (II.15) ;
■ gaz de combat : vésicants (ypérite), suffocants (chlore, phosgène), poisons cellulaires provoquant une anoxie
cellulaire toxique (III.5) (acide cyanhydrique, chlorure de cyanogène, hydrogène sulfuré), neurotoxiques orga-
nophosphorés (II.30) (tabun, sarin, soman, agent VX) ;
■ toxines : ricine, toxine botulique ou staphylococcique ;
■ agents incapacitants physiques (gaz lacrymogènes : CN, CS, DM) ou psychiques (benzodiazépines (II.9), LSD,
Stupéfiants (II.33)) ;
■ métaux lourds : mercure, thallium.
Nombre de victimes variable, de quelques dizaines à plusieurs centaines, auxquelles s’ajouteront les personnes
non intoxiquées mais paniquées.
Les hôpitaux siège de service d’urgences ont été pourvus en lot d’antidotes pour ces situations, les Samu en
moyens de protection et de suppléance ventilatoire (lots catastrophes de type PSM2 et chaînes de
décontamination).
254
TOXICOCINÉTIQUE III.63
1/3
Un certain nombre de paramètres de toxicocinétique sont intéressants à connaitre en toxicologie aiguë, en insistant
sur le fait que les données connues de pharmacocinétique ne peuvent pas s’appliquer sans beaucoup de pré-
cautions à une intoxication aiguë.
● ABSORPTION
C’est le passage du xénobiotique de la « porte d’entrée » de l’organisme à la circulation générale. Deux facteurs
influencent l’absorption d’un xénobiotique : sa structure physicochimique et la « porte d’entrée » elle-même.
Plus un xénobiotique est liposoluble, mieux il franchit les membranes de l’organisme et plus vite il est absorbé.
Plus un xénobiotique est sous forme moléculaire (non ionisé) au pH du milieu dans lequel il se trouve, plus vite
il passe les membranes. Pour mémoire, un acide faible est sous forme moléculaire (non ionisé) en milieu acide
(une histoire de pH et de pK) ; c’est l’exemple de l’aspirine très vite absorbée au niveau gastrique. On peut ainsi
prédire qu’un xénobiotique liposoluble et non ionisé au pH du milieu passera facilement les membranes de ce
milieu.
Les voies d’entrée sont digestive, cutanée ou aérienne respiratoire :
■ voie digestive
L’estomac est un milieu acide, alors que l’intestin est un milieu basique. Pour les raisons évoquées ci-dessus,
les acides faibles sont vite résorbés au niveau gastrique, les bases faibles sont mieux résorbées au niveau
intestinal. Toutefois, la large surface d’échange de l’intestin favorise aussi l’absorption d’un grand nombre de
xénobiotiques.
■ voie cutanée
L’épiderme est une barrière peu vascularisée difficile à franchir, sauf lésions (blessures, brûlures), irritation
(solvants), chaleur et sudation (passage par les glandes sudoripares). Seuls les xénobiotiques très liposolubles
franchiront ensuite les couches sous-épidermiques.
■ voie respiratoire
Un xénobiotique très hydrosoluble sera arrêté au niveau des voies aériennes supérieures (chlore). Un xénobiotique
liposoluble passera facilement la membrane alvéolo-capillaire et sera facilement dissous dans le sang (monoxyde
de carbone).
Deux paramètres caractérisent l’absorption : la C max (concentration maximale du xénobiotique dans le sang) et
le T max (temps nécessaire pour atteindre la C max). Chaque fois qu’il existe un bon parallélisme clinicobiologique,
ces paramètres peuvent donner quelques indications sur l’évolution d’une intoxication. Ainsi, par exemple pour
les benzodiazépines ; les symptômes sont à leur maximum vers la 3e-4e heure, ce qui correspond au T max.
La biodisponibilité est la fraction de produit effectivement passée dans le sang ; attention à ne pas confondre
biodisponibilité et efficacité ! Le propranolol a une biodisponibilité médiocre, mais une grande efficacité (et une
grande toxicité).
Le charbon activé en dose unique peut, chez le volontaire sain, limiter la résorption digestive d’un certain nombre
de xénobiotiques.
255
III.63 TOXICOCINÉTIQUE
2/3
● DISTRIBUTION
Comme vu précédemment, un xénobiotique liposoluble, non ionisé au pH du milieu dans lequel il se trouve,
diffusera facilement dans tout l’organisme.
Les paramètres intéressants à connaitre sont le volume de distribution et la fixation protéique.
Le volume de distribution (Vd) est le volume virtuel, exprimé en L ou en L/Kg, dans lequel se distribuerait le
xénobiotique s’il était partout à la même concentration que dans le sang (plasma). Plus le Vd est élevé, plus le
produit diffuse et moins il est accessible aux techniques d’épuration extrarénale. On admet en général qu’un Vd
supérieur à 1 L/Kg rend inutile toute technique d’épuration. Les psychotropes ont par exemple un Vd supérieur
en général à 20 L/Kg, ce qui rend illusoire toute tentative d’épuration.
Le taux de fixation protéique donne une idée de la fraction libre, seule active, du xénobiotique. Une forte fixation
protéique peut limiter les conséquences immédiates d’une intoxication aiguë (fraction libre réduite), mais prolonge
la durée de l’intoxication (effet réservoir).
Certains antidotes (chélateurs des métaux, hydroxocobalamine, immunothérapie) neutralisent le toxique dans la
circulation générale, en formant des complexes non toxiques éliminés par les urines.
● MÉTABOLISATION (BIOTRANSFORMATION)
Le but de la métabolisation est de transformer le xénobiotique en un produit hydrophile éliminable par voie
urinaire ou digestive.
La métabolisation peut avoir différentes conséquences intéressantes à connaître :
■ élimination du produit sous forme de métabolites inactifs. C’est le cas le plus fréquent. Tenter d’éliminer des
cylés et le phénobarbital ont une élimination rénale significative de métabolites actifs, ce qui peut justifier, plus
en théorie qu’en pratique, des tentatives d’épuration rénale ;
■ transformation du xénobiotique en métabolites instables et réactifs. Exemple de la formation de métabolites
des glycols.
La majorité des xénobiotiques subissent un effet de « premier passage hépatique », c’est-à-dire un passage dans
le foie avec métabolisation, avant distribution à l’organisme. Seuls les produits résorbés par voie sublinguale
échappent à cet effet.
Les transformations métaboliques peuvent être influencées par la génétique, l’âge et certaines interactions entre
xénobiotiques.
Des phénomènes d’induction enzymatique peuvent être mis à profit en toxicologie : administration de phénobar-
bital pour accélérer l’élimination des raticides AVK.
Certains antidotes peuvent interrompre des transformations métaboliques (fomépizole) ou au contraire restaurer
un métabolisme normal (N-acétylcystéine).
256
TOXICOCINÉTIQUE III.63
3/3
● ÉLIMINATION
Il faut connaitre la différence entre cinétique d’élimination de premier ordre et cinétique d’élimination d’ordre
zéro.
La cinétique de premier ordre est la plus connue, la plus fréquente. L’élimination est concentration indépendante
et permet d’introduire la notion de demi-vie, temps qui permet de réduire de 50 % la concentration du xénobio-
tique. Après sept demi-vies, il n’y a normalement plus rien dans le sang ! La représentation graphique en est
bien connue : décroissance exponentielle en coordonnées arithmétiques et droite en coordonnées
semilogarithmiques.
Un bon nombre de produits chimiques et quelques médicaments, comme l’aspirine ou la phénytoïne, ont une
élimination concentration dépendante. Plus la concentration de départ est élevée, plus lente sera l’élimination.
L’exemple le plus habituel est celui de l’alcool éthylique : plus l’alcoolémie de départ est élevée plus lente sera
la récupération, en particulier chez le buveur « naïf ». Cette cinétique, dite d’ordre zéro, explique aussi les
surdosages en aspirine et la nécessité d’un suivi des concentrations sanguines de phénytoïne. Ainsi, parler de
demi-vie pour ces produits n’a aucun sens. La représentation graphique est une droite en coordonnées arithmé-
tiques et une hyperbole sans intérêt en coordonnées semilogarithmiques.
Lors d’une intoxication aiguë à doses massives par des produits à cinétique d’élimination de 1er ordre (majorité
des médicaments), on peut proposer la modélisation simpliste suivante : compte tenu d’une saturation des
systèmes enzymatiques, le premier temps de l’intoxication est celui d’une cinétique d’élimination « d’ordre zéro »
en apparence ; puis, pour des niveaux abaissés de concentration, l’élimination s’accélère du fait de la réapparition
d’une cinétique d’élimination de 1er ordre. L’évolution d’une intoxication aiguë par un produit ayant une cinétique
d’élimination d’ordre zéro dépend très étroitement de la concentration sanguine initiale du produit (exemple de
l’ivresse éthylique aiguë).
Comme vu précédemment, un acide faible est non ionisé en milieu acide, il passe donc bien les membranes.
C’est la raison de la réabsorption tubulaire de l’aspirine, non ionisée au pH acide du tubule rénal proximal.
L’alcalinisation des urines (dialyse alcaline) dans l’intoxication aiguë modérée à l’aspirine permet de limiter la
réabsorption de l’aspirine, alors ionisée en milieu basique.
Un certain nombre de xénobiotiques suivent un cycle entérohépatique. L’existence d’un cycle entéroentérique,
succession de phénomènes de sécrétion et de réabsorption entre la lumière intestinale et la circulation mésen-
térique, est moins connue. L’administration de doses répétées de charbon activé peut permettre de rompre ce
cycle entéroentérique.
257
III.64 TOXICODYNAMIE
1/3
● GÉNÉRALITÉS
Il s’agit du retentissement clinique de l’exposition toxique (III.29), l’effet dépendant généralement de la concen-
tration du toxique au niveau des récepteurs tissulaires.
Il faut néanmoins nuancer ce lien de causalité directe entre cette donnée toxicocinétique (III.63) et le syndrome
observé. En effet, le terrain du patient conditionne une modulation de l’expression des toxiques, faisant qu’à
poids corporel et à exposition toxique similaires, la toxicodynamie sera potentiellement variable d’un sujet à
l’autre.
La toxicodynamie possède deux caractéristiques (régulation médicale (III.56)), figure 3) :
■ la cinétique d’installation et de désinstallation des troubles (chronogramme), cette « histoire naturelle » de
l’intoxication pouvant être émaillée par le décès du patient ou par l’absence de retour à un état antérieur, ou
être modifiée par la prise en charge thérapeutique ;
■ la nature des troubles, parfois regroupés sous le terme de toxidrome (III.66), en particulier à la phase d’état
du tableau clinique ;
L’enjeu pour le clinicien est de situer le tableau clinique observé à la fois dans le temps et dans sa potentialité
évolutive, de façon à mettre en œuvre des thérapeutiques strictement utiles et en temps opportun.
Pour les toxiques lésionnels (III.68), c’est le plus souvent la concentration sanguine maximale qui génère les
effets toxicodynamiques et a valeur pronostique. Cela a été à la base de l’élaboration de nomogrammes (concen-
tration/temps), pour le paracétamol en particulier.
Pour les toxiques fonctionnels (III.67), l’effet clinique est plutôt lié à la vitesse d’augmentation de cette concen-
tration ; cela est plus déterminant que les classiques concentrations toxique et létale et relativise la notion de
dose toxique (III.23) ; parmi eux, tels le CO ou le cyanure, outre l’impact sur les récepteurs, le temps d’exposition
et l’anoxie associée sont déterminants dans la genèse et l’entretien du tableau toxique.
Concernant les médicaments psychotropes et cardiotropes, les effets toxicodynamiques sont le plus souvent une
amplification des effets pharmacodynamiques et secondaires attendus ; le phénomène n’est pourtant pas exclusif :
■ ces médicaments à dose très élevée peuvent entraîner des effets non neuropsychiatriques ou non cardiocir-
258
TOXICODYNAMIE III.64
2/3
Modifications du métabolisme
Un mécanisme fréquent est l’induction ou la dépression d’isoformes du système cytochrome P450, entrainant
une exacerbation ou une diminution de la transformation du toxique, soit en une molécule non toxique, soit en
un métabolite toxique.
Il peut s’agir de l’action de xénobiotiques qui peuvent, selon le toxique impliqué, soit accélérer/aggraver le tableau
toxique, soit produire les effets inverses :
■ substances naturelles, surtout incriminées en pharmacologie :
• millepertuis utilisé en phytothérapie, contenant des substances inductrices de l’isoforme CYP 3A4,
• naragénine (substance présente dans le pamplemousse) inhibitrice du CYP 3A4 ;
259
III.64 TOXICODYNAMIE
3/3
■ substances addictives : tabac, alcool (ce dernier pouvant avoir des actions inverses sur le CYP 3A4 selon qu’il
s’agit d’une imprégnation aiguë ou chronique) ;
■ médicaments : certains antituberculeux, antiépileptiques et antirétroviraux en particulier induisent également le
CYP 3A4.
Il peut s’agir d’un polymorphisme génétique entrainant potentiellement une activation métabolique chez des sujets
appelés « métaboliseurs ultrarapides » ; ce mécanisme est incriminé dans les formes graves d’intoxication par
tramadol et codéine.
Tolérance
Ce phénomène concerne surtout les psychotropes, dont les benzodiazépines, les morphiniques, les antiépilepti-
ques et l’éthanol.
On distingue la tolérance cinétique (augmentation de la métabolisation avec parfois rôle d’inducteurs enzymati-
ques) de la tolérance dynamique (moindre sensibilité clinique).
Cette notion est importante chez le toxicomane, où la tolérance aux opioïdes disparaît en 2 à 3 semaines, une
dose « normale » devenant alors « toxique ».
Morbidité
On note une augmentation du risque convulsivant en cas d’épilepsie, de la cardiotoxicité en cas de cardiopathie
(digitaliques), de la dépression respiratoire avec les hypnotiques chez le patient insuffisant respiratoire chronique,
de la toxicité du lithium en cas d’insuffisance rénale, etc.
Associations toxiques
Elles peuvent modifier les toxidromes de façon synergique (psychotropes et alcool, cardiotoxiques) ou antagoniste
(benzodiazépines et antidépresseurs).
Au total, si « la dose fait le poison », le terrain fait le lit de l’empoisonnement et cette rencontre entre sujet et
toxique doit être analysée dans une dimension dynamique, sous peine de prise en charge inappropriée.
260
TOXICOVIGILANCE III.65
La toxicovigilance (TV) a pour objet la surveillance et la veille des intoxications humaines. L’objectif principal du
dispositif national est d’alerter les autorités sanitaires de tout risque toxique pour la santé publique. Ceux-ci
peuvent émerger du fait de l’utilisation d’un toxique particulier (produit manufacturé, naturel, de synthèse, pré-
paration traditionnelle, etc.), mais aussi porter sur un risque environnemental ou industriel. La « nouveauté » peut
concerner l’émergence de comportements ou de pratiques inédites ou revisitées. Une fois validés, les signaux
sanitaires identifiés peuvent conduire à des mesures pratiques de gestion du risque, par exemple :
■ le retrait du marché ou l’adaptation du produit concerné : formulation, présentation, conditionnement, mode
La toxicovigilance contribue également à l’amélioration des connaissances en toxicologie médicale : quels effets
attendus ou inattendus ? Quels mécanismes ? À partir de quelle dose ? Approche ou meilleure approche des
seuils ou de la relation dose-effet : « dose toxique (III.22) », plus petite dose létale chez l’homme, plus grande
dose sans effet, etc. Identification de nouveaux toxidromes (III.66). Les centres antipoison (avis spécialisé (I.3))
figurent en première ligne du dispositif. Ils colligent et documentent les cas d’intoxication dont ils ont
connaissance :
■ du fait de leur activité de réponse toxicologique H24 ;
■ du fait des cas qui leur sont signalés, notamment par le grand public, les professionnels de santé et les
261
III.66 TOXIDROMES
1/3
On regroupe sous ce terme des syndromes toxiques correspondant à une physiopathologie précise, associant
des symptômes, des signes cliniques et parfois un syndrome métabolique, et relevant d’un traitement sympto-
matique spécifique. À côté de ceux présentés dans le tableau ci-dessous, existent les toxidromes générés en
particulier par les animaux marins (II.2) ou les animaux terrestres (II.3), par les champignons (II.12), par les
stupéfiants (II.33).
262
TOXIDROMES III.66
2/3
263
III.66 TOXIDROMES
3/3
264
TOXIQUES FONCTIONNELS III.67
Les toxiques fonctionnels perturbent de façon transitoire le fonctionnement d’un type cellulaire, d’un tissu ou
d’un organe, sans destruction des membranes cellulaires (hormis une complication secondaire), avec retentis-
sement sur une fonction physiologique, parfois vitale (commande respiratoire, électrophysiologie cardiaque), les
symptômes et leur sévérité étant fonction de la concentration du toxique au niveau de la cible et la concentration
plasmatique le reflet de la gravité.
Les mécanismes pouvant être multiples, la notion assez commune de « dose toxique (III.22) » ne peut se concevoir
pour un toxique ayant plusieurs effets pathologiques : quel effet pour quelle dose d’exposition ? Cette notion,
jamais définie dans la littérature et le plus souvent sans implication clinique, devrait être bannie !
Plusieurs mécanismes coexistent fréquemment pour un même toxique, avec volontiers des cinétiques différentes :
les hypnotiques sont vasodilatateurs, les antidépresseurs imipraminiques et la chloroquine sont dépresseurs du
système nerveux central, cardiodépresseurs, convulsivants et anticholinergiques...
L’effet clinique est le plus souvent très précoce, dans l’heure suivant l’exposition, mais parfois retardé dans le
cas de l’ingestion d’une spécialité orale à action retardée (III.60) d’un médicament ou en cas de cinétique
pluricompartimentale du toxique.
L’effet dose est fondamental dans le mécanisme de toxicité : « c’est la dose qui fait le poison », avec une période
de latence relativement fixe et une toxicité s’installant chez tous les sujets dans la mesure où la dose est
suffisante.
La suppléance à la fonction physiologique perturbée doit permettre d’attendre l’élimination hépatique ou rénale
du toxique et d’assurer la guérison du patient.
La symptomatologie est rapidement maximale et potentiellement réversible, d’où l’absence de fondement clinique
réel à la soustraction de toxique de l’organisme.
En l’absence de complication, l’évolution est favorable. Un retard de prise en charge peut entraîner des dégâts
cellulaires, dans le cas d’une anoxie tissulaire ou d’une hypoglycémie prolongée (le cas le plus fréquent est l’arrêt
respiratoire).
265
III.68 TOXIQUES LÉSIONNELS
Les toxiques lésionnels entraînent des lésions des organes ou des cellules cibles, la toxicité dépendant de la
concentration maximale du toxique ou d’un métabolite au niveau de l’organe cible. Lorsque cette concentration
ne dépasse pas le seuil de toxicité, on n’observe pas de symptômes.
Dans le cas du paracétamol (II.31) ingéré à dose toxique, un métabolite apparaît lorsque les mécanismes hépa-
tiques de détoxification sont épuisés et est hautement réactif avec les membranes cellulaires hépatocytaires,
entraînant leur nécrose.
La symptomatologie, sans rapport avec la concentration plasmatique, est retardée de quelques heures à quelques
jours, avec des lésions tissulaires évoluant pour leur propre compte, indépendamment de leur origine toxique.
La concentration du toxique permet de faire un pronostic (III.54), l’interprétation des concentrations plasmatiques
se faisant en fonction du délai par rapport à l’ingestion.
Le traitement symptomatique est moins à même d’assurer la guérison du patient que pour un toxique fonctionnel.
Sur un plan théorique, la soustraction de toxique de l’organisme est censée limiter la gravité de l’intoxication.
Il existe un risque de séquelles.
266
TOXIQUES MIXTES III.69
Les toxiques mixtes possèdent à la fois les caractéristiques des toxiques fonctionnels et des toxiques lésionnels
(III.67-68).
Le plus souvent, l’atteinte fonctionnelle est générée par la molécule mère et l’atteinte lésionnelle par un/des
métabolite(s) ou par hypoxie secondaire.
267
III.70 TRAITEMENT GÉNÉRAL
1/4
Les traitements mis en œuvre, directement liés à l’intoxication, ne doivent pas faire occulter la prise en charge
non spécifique du patient, justifiée par les modifications de sa condition physiologique et adaptée au suivi des
paramètres ad hoc : soins de confort, hydratation, nutrition, prévention de thrombose veineuse profonde, gestion
de la vidange vésicale et du transit intestinal.
Les traitements plus spécifiques, quant à eux, peuvent être schématiquement classés en trois types et doivent
être mis en œuvre dans cet ordre chronologique :
■ traitements symptomatiques actifs sur la toxicodynamie (III.64), le plus souvent les seuls à mettre en œuvre
qui visent à limiter voire annuler l’impact des toxiques sur leurs cibles cellulaires :
• limitation de la biodisponibilité du toxique localement ou avant son passage systémique (décontamination
digestive, cutanée et/ou oculaire (III.13-15)),
• limitation de la biodisponibilité du toxique après son passage systémique, au niveau général ou de ses cibles :
– traitements épurateurs : doses répétées de charbon activé (III.7), épuration rénale (III.25) ou épuration
extrarénale (III.24) et de façon anecdotique, hyperventilation pulmonaire
– antidotes (III.6).
■ Traitements supplétifs d’organe ou de système : système nerveux central, cœur, foie, poumon, rein, moelle
osseuse.
● TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES
Seront abordés ceux visant à la correction des fonctions vitales.
Oxygénothérapie inhalée
■ Apport d’oxygène visant à corriger une hypoxémie ou à compenser l’augmentation de la consommation en
oxygène d’un patient en détresse respiratoire (amélioration de la PaO2 par augmentation de la FiO2) :
• il n’y a pas de correction d’une hypoventilation alvéolaire d’origine centrale : l’amélioration de la SpO2 peut
alors être faussement rassurante, avec même risque de majoration silencieuse de la capnie ;
• un objectif de SpO2 de 90 à 93 % est suffisant chez le patient intoxiqué et doit être obtenu avant toute
tentative de réveil d’un patient comateux par l’usage d’un antidote ;
• le risque principal est la toxicité pulmonaire de l’O2, lorsque la PaO2 est > 100 mmHg, préjudiciable en cas
de SDRA toxique (gaz suffocant en particulier).
■ Également antidote du CO, des méthémoglobinisants et des toxiques entraînant une anoxie cellulaire ; une FIO2
élevée est requise, quels que soient les paramètres d’oxygénation.
■ En cas de poumon toxique (gaz suffocant), l’absence d’efficacité de la méthode fera avoir recours à la ventilation
assistée.
268
TRAITEMENT GÉNÉRAL III.70
2/4
■ D’une façon générale, il est, en 1re approche, basé sur le traitement codifié par les recommandations pour la
pratique clinique.
■ Cependant, compte tenu de la dangerosité des crises convulsives (hypoxie, acidose respiratoire et métabolique
avec majoration de la biodisponibilité de certains toxiques), du caractère profond et prolongé prévisible du
coma sous-jacent et du risque de troubles du rythme cardiaque (cardiotoxicité souvent associée), un traitement
agressif peut s’avérer rapidement indispensable (sédation profonde avec intubation trachéale et ventilation
assistée).
■ En cas d’état de mal convulsif réfractaire pénalisant la ventilation assistée, la curarisation est le seul moyen
de traiter l’hypoxie et les deux versants de l’acidose ; un monitorage de l’EEG est alors utile.
Remplissage vasculaire
En cas d’hypovolémie vraie (hémorragie, brûlure digestive par corrosif, pertes digestives ou cutanées), un rem-
plissage vasculaire doit être réalisé par solutés cristalloïdes équilibrés, avec des objectifs hémodynamiques et de
diurèse.
En cas d’hypovolémie relative (vasodilatation toxique), le remplissage vasculaire, réalisé à l’aide de sérum salé
isotonique, doit être limité en quantité (20 mL/kg environ), avec recours secondaire à la noradrénaline ; le recours
à la ventilation assistée sous sédation profonde impose souvent ce traitement de 2e ligne.
Un remplissage vasculaire n’est pas indiqué devant une hypotension associée à une intoxication par médicament
vasoconstricteur.
Catécholamines
Leur choix initial est guidé par le type d’intoxication :
■ dobutamine en première intention en cas d’intoxication par bêtabloquant classique ;
En cas d’hypotension artérielle persistante après remplissage vasculaire et catécholamine de 1re ligne, un avis
spécialisé (I.3) s’impose.
● TRAITEMENTS SOUSTRACTIFS
Se reporter aux chapitres décontamination digestive (III.14), décontamination cutanée (III.13), décontamination
oculaire (III.15), charbon activé (III.7), épuration rénale (III.25), épuration extrarénale (III.24), antidotes (III.6).
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III.70 TRAITEMENT GÉNÉRAL
3/4
● TRAITEMENTS SUPPLÉTIFS
Épuration extrarénale
Est basée en pratique sur les doses répétées de charbon activé ou l’hémodialyse.
L’intérêt de l’hémodialyse, outre l’épuration de certains toxiques, est la suppléance de la fonction rénale en cas
d’insuffisance rénale aiguë toxique.
Elle est ainsi particulièrement indiquée lorsque le toxique est à la fois dialysable et générateur de l’insuffisance
rénale.
Outre l’insuffisance rénale, une acidose métabolique et/ou une hyperkaliémie peuvent justifier sa mise en œuvre.
Les intoxications graves par produits cardiotropes, avec insuffisance cardiaque réfractaire, font partie des indi-
cations les plus reconnues d’assistance circulatoire. Les hypoxémies réfractaires sur poumon lésionnel peuvent
également être une indication.
270
TRAITEMENT GÉNÉRAL III.70
4/4
Ces techniques doivent être envisagées précocement, parfois dès la régulation médicale et la médicalisation
préhospitalière et, dans l’idéal, avant tout arrêt circulatoire ; des unités mobiles d’assistance circulatoire existent
dans de nombreuses régions, pouvant mettre en œuvre la technique au sein d’hôpitaux périphériques.
En améliorant la perfusion tissulaire, la technique permet de maintenir le métabolisme et l’élimination rénale ou
biliaire des toxiques.
Exsanguinotransfusion
Le principe est de remplacer 2 à 3 fois le volume sanguin par la succession de ponctions soustractives et de
transfusions érythrocytaires, de plasma et de plaquettes.
Les indications sont les hémolyses toxiques, associées ou non à une méthémoglobinémie sévère et les méthé-
moglobinémies rebelles au traitement classique.
Un avis spécialisé s’impose tant pour l’indication que pour la réalisation de la technique, ou encore pour son
association, selon le toxique incriminé et les éventuels troubles métaboliques (hyperkaliémie, acidose), à une
hémodialyse.
271
TROUBLES DE PERMÉABILITÉ ET/OU
III.71 DE PROTECTION DES VOIES AÉRIENNES
1/2
Ils sont souvent associés et constituent une complication fréquente des intoxications les plus courantes.
S’ils ne constituent pas une menace vitale immédiate, ils exposent le patient à l’insuffisance respiratoire aiguë
(III.45) ; leur prise en compte constitue donc une priorité.
● MÉCANISMES
Bronchospasme
Est la conséquence d’un effet toxicodynamique (organophosphorés (II.30)) ou d’une inhalation.
L’hypersécrétion bronchique, souvent associée, majore le syndrome respiratoire obstructif.
Convulsions
Outre l’atteinte de la mécanique pariétale thoracique, entraînent une obstruction glottique.
Œdème laryngé
Lié aux plantes contenant du latex ou des cristaux d’oxalate de calcium (dieffenbachia, philodendron, arum), aux
corrosifs (Irritants, moussants et corrosifs (II.23)), aux fumées d’incendie (II.18).
272
TROUBLES DE PERMÉABILITÉ ET/OU
DE PROTECTION DES VOIES AÉRIENNES III.71
2/2
● PRISE EN CHARGE
Traitement symptomatique
Indiqué en cas d’hypoxémie débutante et/ou d’élévation significative de la fréquence respiratoire (O2 inhalé,
bronchodilatateurs, intubation et ventilation assistée, anticonvulsivants, atropine).
La question de l’intubation trachéale est particulièrement délicate à régler chez les patients à risque d’insuffisance
respiratoire aiguë ou de complication de type inhalation, mais dont le coma (III.8) n’est pas profond.
273
III.72 TROUBLES VISUELS
● CIRCONSTANCES
En dehors des hallucinations (II.33) et des troubles liés à une modification importante du diamètre pupillaire
(myosis (II.51) ou mydriase (II.50)), peu de substances génèrent ces troubles : nitrites d’alkyls, cannabis, subs-
tances volatiles et cathinones de synthèse ou kétamine (stupéfiants (II.33)), éthambutol, méthanol (II.26), ciguatera
(animaux marins) et de très rares champignons (II.12) (syndrome neurologique central, tableau 6).
● PRISE EN CHARGE
Non spécifique.
274
VOMISSEMENTS III.73
● CIRCONSTANCES
Fréquents et souvent bénins (effet mécanique des médicaments en grande quantité).
Parfois liés à une gastrotoxicité : aspirine (II.8), AINS (II.7), colchicine (II.14), digitaliques (II.16), champignons
(II.12) et plantes en général, envenimations par animaux terrestres (II.3), métaux et métalloïdes dont arsenic,
mercure et plomb, produits irritants, moussants et corrosifs (II.23).
Plus rarement liés à une hépatite (III.36) toxique, à une anoxie ou à un effet émétisant central (morphiniques,
codéiniques).
Penser à la metformine (II.25).
● COMPLICATIONS
Peuvent être hémorragiques par ulcération ou abrasions muqueuses diffuses (corrosifs, aspirine, AINS, corticoïdes,
colchicine) et/ou par hypocoagulabilité (insuffisance hépatique, AVK (rodonticides (II.32), envenimations) ou throm-
bopénie (colchicine (II.14)).
Troubles hydroélectrolytiques.
● PRISE EN CHARGE
Non spécifique ; vérifier l’espace QT sur l’ECG dans le suivi d’un traitement antiémétique.
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