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14/12/2017 "Nous 

sommes devenus trop propres. Notre système immunitaire est perturbé" ­ Santé ­ LeVif.be

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"Nous sommes devenus trop propres. Notre système immunitaire est perturbé"

Dirk Draulans Dirk Draulans est journaliste pour Knack.

14/12/17 à 10:13 ­ Mise à jour à 10:13

Source: Knack

Séverine Vermeire (UZ Leuven) est une autorité mondiale en matière de traitement d'entérites
chroniques où elle focalise sur les bactéries intestinales. "Un jour, on prendra des pilules fécales
pour traiter une dépression."

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14/12/2017 "Nous sommes devenus trop propres. Notre système immunitaire est perturbé" ­ Santé ­ LeVif.be

Séverine Vermeire © Dieter Teleman

Elle est l'une des gastro­entérologues les plus renommées du pays. Elle publie régulièrement dans
les meilleurs magazines professionnels du monde. Récemment, elle a obtenu le prix prestigieux de
la Fondation AstraZeneca pour ses recherches sur les entérites chroniques. Et pour un travail,
avec des intestins et des excréments, qui ne semble pas vraiment sexy.

"Je n'ai jamais trouvé mon travail sale. Il y a des tribus humaines dans le désert qui mangent leurs
excréments ou ceux d'animaux quand ils sont malades. C'est une pratique courante dans la
nature."

Pourquoi trouvons­nous ça sale?

Séverine Vermeire: À l'époque, le manque d'hygiène était à l'origine d'épidémies bactériennes
telles que la peste et le choléra. En instaurant plus d'hygiène, nous avons pu l'exterminer.
Cependant, on exagère beaucoup trop dans l'autre sens. Nous sommes devenus trop propres, ce
qui nous perturbe notre système immunitaire.

À l'époque, les gens tombaient malades quand ils consommaient de la nourriture infectée. Pour
éviter cela, on a créé une industrie alimentaire qui ajoute de tout à notre nourriture : pour mieux la
conserver, mais aussi pour qu'elle ait un plus bel aspect et un meilleur goût. Nous payons le prix
de notre mode de vie occidental en soins de santé. Il est urgent de se demander si
l'industrialisation et l'hygiène exagérée est si favorables.

Êtes­vous en train de dire que les affections intestinales sont liées à notre mode de vie?

Absolument. 1% de la population en Europe et aux États­Unis souffre d'entérite chronique, telle
que la colite ulcéreuse ­ une infection chronique du gros intestin ­ ou de la maladie de Crohn. Ce
ne sont plus des maladies rares. Dans les grandes villes d'Asie, du Moyen­Orient et d'Amérique
latine, les entérites chroniques ont le vent en poupe : ces derniers temps, leur fréquence a
augmenté de 150%. En cause, l'alimentation occidentalisée.

Quel est le lien direct entre ces affections et notre mode de vie? Il y a deux choses qui vont de pair
: outre nos habitudes alimentaires qui changent trop rapidement, avec notamment trop de graisses

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animales et trop peu de fibres végétales, nous vivons de manière trop hygiénique. Il faut entraîner
ses défenses dès le plus jeune âge pour distinguer le bien du mal. Quand j'étais jeune, on pouvait
simplement ramasser quelque chose par terre, et le mettre en bouche, aujourd'hui on vous passe
un savon si vous faites ça. Les gens se lavent trop et consomment trop d'antibiotiques à un âge
trop précoce. Résultat : un système immunitaire mal réglé qui peut entraîner des entérites
chroniques, y compris dans l'intestin.

La flore intestinale ­ l'ensemble de bactéries dans nos intestins ­ joue­t­elle un rôle dans le
déclenchement d'entérites chroniques ?

Certainement. Toutes les universités flamandes se sont associées pour lancer une recherche sur
la colite ulcéreuse. Nous nous basons sur le travail de l'équipe du bio­informaticien Jeroen Raes et
son Projet de flore intestinale (Vlaams Darmflora Project) qui analyse les déjections de milliers de
Flamands. Nous savons de nos expériences avec les transplantations fécales que le succès
dépend très fort du donneur. Manifestement, il y a des superdonneurs en jeu. Nous avons pu en
sortir un certain nombre du projet : les superdonneurs ont régulièrement collecté des échantillons
de leurs selles, qui sont à présent conservés dans de grands congélateurs à la clinique. Dès
janvier, nous allons soumettre cent patients atteints de colite à une transplantation fécale lors d'un
examen aveugle. Certains se verront injecter un échantillon de superdonneur et d'autres ­ comme
contrôle ­ un échantillon de leurs propres selles. Nous espérons ainsi isoler la meilleure flore
intestinale pour une transplantation.

Avez­vous une idée de son aspect ?

Non. Pour chaque échantillon, nous allons compter soigneusement combien de bactéries de quels
types ils contiennent. Nous allons également suivre les patients de près, de sorte que nous
sachions ce qui se passera après la transplantation. Ainsi, nous allons essayer de trouver une
sorte de moyenne : quelles bactéries sont nécessaires pour une transplantation réussie, et en
quels nombres ? Le but ultime est de faire une sorte de cocktail de cet écosystème bactérien
unique que nous puissions plus tard administrer sous la forme d'un simple comprimé, afin d'éviter
une transplantation compliquée.

Êtes­vous en faveur des antibiotiques?

Pas de la façon dont on les utilise aujourd'hui. Les antibiotiques sont beaucoup trop utilisés. Ils
sont particulièrement déconseillés aux jeunes, à moins qu'ils ne puissent faire autrement. Pour les
adultes aussi, il faudrait les utiliser que pour les cas spécifiques. Mon message de base, c'est
d'assurer une flore intestinale saine. L'utilisation chronique d'antibiotiques n'en fait pas partie.

Y a­t­il généralement une différence entre une bonne et une mauvaise flore intestinale?

Il y a des bactéries que nous pouvons certainement qualifier de bonnes, et il y en a d'autres qui
sont certainement mauvaises. Cependant, leurs nombres et rapports entre eux sont plus
importants. Certains types d'intestins peuvent présenter beaucoup de sortes de bonnes bactéries
en nombre assez faibles, alors que d'autres types ont peut­être moins de sortes, mais des
nombres plus élevés. La présence de mauvaises bactéries ne doivent pas être problématiques si
leurs nombres sont faibles comparés aux bonnes.

Votre flore intestinale détermine­t­elle ce que vous mangez ou est­ce l'inverse: la nourriture
détermine­t­elle la flore?

La flore intestinale est surtout déterminée par ce que vous mangez les premières années de votre
vie. Après, elle est encore à modifier. On peut la changer temporairement en changeant
radicalement d'alimentation, mais si vous arrêtez, elle revient à sa composition standard. C'est
comme un trait de caractère : on peut arrondir les angles, mais il n'y a pas moyen de changer
complètement.

Les médicaments ne sont­ils pas généralement une raison pour ne pas adapter son
comportement ?
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Vermeire: (soupire profondément) Effectivement. C'est une évolution dangereuse. La diminution de
la poche gastrique est devenue une intervention relativement simple, de sorte que les personnes
atteintes de surpoids préfèrent parfois se faire opérer que modifier leur mode de vie en bougeant
plus et en mangeant plus sainement. Nous devons investir davantage dans notre santé, dès le
plus jeune âge. Les parents doivent coopérer, et la communauté aussi. C'est bien que les
automates de sodas soient interdits à l'école et ce serait bien si le matin, avant le début de cours,
les enfants faisaient deux fois le tour de la cour d'école. Il faut rendre les gens plus responsables
de leur santé. Mais le Belge préfère prendre un comprimé contre sa tension ou son cholestérol
trop élevés plutôt que d'adapter son comportement, en disant "qu'il a tout de même droit à quelque
chose dans sa vie". Comme si ce n'était pas possible en vivant sainement.

On dit que les bactéries intestinales communiquent avec le cerveau pour adapter notre
comportement à leur avantage. Est­ce vrai ?

Il y a certainement un axe de communication entre les intestins et le cerveau, mais les recherches
sur les rôles des bactéries en sont encore à leurs balbutiements. Nous ne savons pratiquement
rien. La prise de pilules fécales pour traiter une dépression ne sera pas pour demain, mais cela
viendra un jour.

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