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Pour une refonte de notre système de santé

Notre système de santé a été éprouvé pour de multiples raisons. Nous allons ici en décrire une,
repartant des débuts de la déstructuration de la Sécurité Sociale et de sa gestion par les salariés, à
l’étatisation de celle-ci et de sa gestion purement financière par l’intermédiaire des pieuvres
tentaculaires que sont les ARS. A cela s’ajoute une gestion néo-libérale de la santé avec des
« responsabilités » peu claires de chacun (ARS, Administration sanitaire, médecins…). La crise
sanitaire que nous vivons actuellement nous le montre parfaitement.

1. Un peu d’histoire

Il y a cinquante ans, en 1967, le Premier Ministre est alors Georges Pompidou et, parmi toute une
série de ses ordonnances, une en particulier nous intéresse : la réforme de la Sécurité Sociale. La
Caisse Nationale éclate en une caisse pour la maladie, une pour la famille, et une pour les retraites ;
de plus, la gestion devient paritaire, incluant désormais à égalité le patronat et son contrôle par les
Pouvoirs Publics. Il est mis fin à l’élection à la proportionnelle des administrateurs par les assurés
sociaux.

Quelques 12 années plus tard, Jacques Barrot, alors Ministre de la Santé et de la Sécurité Sociale,
présente un plan « musclé » pour rétablir les finances de la SS. Il s’agit de relever le taux des
cotisations « momentanément », mais surtout de bloquer l’évolution des dépenses d’assurance
maladie : le budget des hôpitaux est plafonné, le prix de journée des cliniques est bloqué, les
honoraires des médecins sont bloqués... Sans oublier la mise en place du ticket modérateur !

Encore un bon de quelques 14 années, et nous arrivons au Plan Juppé, instaurant les lois de
financement de la Sécurité Sociale, votées chaque année par le parlement. Désormais, l’État, par
avance, fixe les dépenses de celle-ci en fonction d’objectifs financiers. Les dépenses ne sont plus
adaptées aux besoins, mais elles doivent être contenues dans des enveloppes décidées par l’État,
quitte les réduire. A cette déliquescence de la Sécurité Sociale, s’ajoute un autre phénomène, la
gestion néo-libérale de l’État, avec son corolaire : la gestion en flux tendu, et donc, la disparition des
réserves stratégiques de l’État.

Alors, la question se pose de mettre en parallèle cette « destruction » des fondements mêmes de la
Sécurité Sociale et la gestion actuelle de tout ce qui touche à la santé, avec les manquements et les
contradictions vécus par la France depuis l’apparition de cette épidémie…

2. Les conséquences de cette destruction en ces temps de crise

La performance du système de santé français était une des meilleurs en ce début de siècle, selon
l’OMS… Aujourd’hui, 20 ans plus tard, nous sommes un des pays qui allons payer le plus cher cette
pandémie, du point de vue humain et économique. Pourtant, nous disposons d’excellentes
ressources de professionnels de santé, mais cette épidémie a révélé des défaillances structurelles.
L’État serait-il alors un piètre opérateur de santé publique ?

Prenons deux exemples :

- La situation vis-à-vis de la gestion des masques

Il s’agit là d’un grand sujet de polémique, la pénurie de masques sautant très rapidement aux
yeux, tout autant que le manque de tests ou les carences hospitalières (manque de lits de
réanimation, de respirateurs, d’équipement de protection…). Toutes ces carences étant le
résultat de la gestion en « flux tendu » et des restrictions financières de l’hôpital public,
conséquences de politiques plus que trentenaires, décrites ci-dessus. Je ne parle pas ici du fait
que la France est entièrement désindustrialisée et qu’elle doit « passer » commande à
l’étranger…

Nous avons alors vécu des scènes dignes du théâtre de boulevard, qui pourraient être amusantes
en d’autres circonstances. Il s’agissait de « cacher » cette pénurie, en expliquant que « le masque
ne servait à rien », « qu’on ne savait pas l’utiliser… » Il était même interdit à la vente ! Tout cela,
pour, quelques semaines plus tard, le rendre obligatoire (les stocks reconstitués) dans tout lieu
public clos, alors que l’épidémie se meurt… Il s’agit d’une situation qui aurait bien été appréciée
par le Roi Ubu… Sauf qu’il s’agit là de la santé publique et de la protection sanitaire de toute une
population.

- La situation vis-à-vis de la gestion de la crise sanitaire

Jusqu’à cette destruction de notre système médical et social, la lutte contre les épidémies relevait
de trois forces :
- La santé publique (Ministre, préfet et maires) ;
- L’offre de soin (Conseils Généraux, Maires et Sécurité Sociale) ;
- La prévention, gérée par l’État et les acteurs publics et privés (syndicats, patronats, recteurs
d’académie, médecine militaire, médecine des fonctionnaires).

La création des ARS (loi Bachelot) est venue « chambouler » toute cette organisation, remplaçant
les DRASS, DDASS et certaines caisses de l’assurance maladie. Elles sont, en fait, un véritable
« préfet » sanitaire, traduisant la reprise en main par l’État du pilotage des politiques de santé.
Elles ont le pouvoir d’ouvrir ou de fermer des services hospitaliers, d’autoriser ou non certains
équipements, bref, elles ont les cordons de la bourse…

Ces ARS constituent un dispositif lourd, et, à priori, impuissant pour prévoir, anticiper et planifier.
La réponse française à cette épidémie a été dictée par la pénurie issue des politiques comptables
court-termistes – manque de ressources humaines, manque de matériel, trop de place aux
technostructures qui décident, laissant à l’expertise le rôle de « dernier » recours – nous
conduisant à ne pouvoir suivre la stratégie gagnante (Cf. les pays tels la Corée du Sud) pour
endiguer l’épidémie (nous parlons des tests massifs, de l’isolement strict des personnes
positives), au profit de ce que nous avons vécu, le confinement général, qui nous coûte infiniment
plus cher.
3. Une remise à plat du système de santé

Il serait maintenant urgent que la France puisse prendre le temps d’une réflexion politique et
sociétale sur le thème de la promotion, de la réparation et de l’entretien de la santé des Français.
L’approche curative et purement scientifique ne suffit pas, il y a la dimension sociale. Cela veut tout
simplement dire que la « réparation » du risque peut être impuissante si la prévention est trop faible.
Il me paraît aussi important de faire la différence entre la santé est le soin ; notre système de santé
devrait être piloté à partir de la demande de santé et non pas de la demande de soin.

Venons maintenant à la gestion de notre système de santé, cette gestion, purement comptable de
nos ressources sanitaires, amène à négliger les investissements stratégiques sur le long terme
(recherche, prévention, stocks stratégiques), l’avenir est sacrifié pour le présent et notre capacité de
réaction est grandement diminuée. De plus, tant que la santé sera considérée comme un coût et non
comme un investissement, avec une rentabilité sociale et économique, notre situation ne
progressera pas. Les millions d’Euro que nous avons économisés sur les stocks stratégiques
sanitaires vont nous coûter combien de milliards d’Euro ? Il est temps de prendre en compte que la
santé est un secteur des plus stratégiques sur le plan économique et géopolitique.

Il serait temps aussi de se rapprocher des territoires, des associations de patients, des Caisses
d’Assurances Maladies, car les ARS sont éloignées de ceux-ci, elles se sont montré impuissantes à
répondre aux demandes des acteurs de santé et des citoyens.

Une refonte de notre système de santé serait certainement le bienvenu, car, si l’on sait que « ce qui ne
tue pas rend plus fort », nous pourrions utiliser les leçons de cette pandémie pour revenir à un système
de santé au plus près de l’humain et de ses besoins. Peut-être revenir à l’esprit de 1945, date de création
de la sécurité sociale.

Marie-Jeanne VOGEL

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