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Cours de politiques et systèmes de santé destiné aux étudiants

du cycle Master (ESS/UCAC)

Henri Bitha(Ph. D.) en santé communautaire


MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE

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Séquence 3 : Les Systèmes de santé contemporains : financement des
dépenses de santé
Objectif général

Ce cours a pour finalité d’apporter aux étudiants du cycle Master en Sciences de la santé en
ligne de l’ESS de l’UCAC, une profonde connaissance sur les politiques et systèmes de santé
contemporains.

Objectifs spécifiques de la séquence

Au terme de cette séquence 3, les étudiants des cycle Licence et Master en Sciences de la
santé en ligne devront être capables de :

1. Connaître ce que c’est qu’un système de santé ainsi que sa fonction ;


2. Connaitre les modèles de protection sociale et de financement des dépenses de santé dans
les pays développés.

3.1 Le Système de santé

D’après Guillemin (2009), un système de santé est constitué d’un ensemble de sous-systèmes
à savoir: 1) système de soins ; 2) système juridique ; 3) système économique ; 4) système
culturel ; 5) système politique ; 6) système social. D’un point de vue opérationnel, Guillemin
et al. (2009) conçoivent le système de santé comme un système organisé d'actions, dont la
finalité est d'améliorer la santé de la population. En continuité avec Guillemin et ses
collaborateurs, l’OMS (2000) et Rouleau (2011) soulignent qu’un système de santé englobe
l’ensemble des organisations, des institutions et des ressources. Ils nous invitent à le
considérer comme une organisation1 qui inclut toutes les activités dont le but essentiel est de
promouvoir, restaurer ou entretenir la santé. Ainsi, l’OMS fait savoir que la plupart des
systèmes de santé nationaux sont composés d’un secteur public, d’un secteur privé, d’un
secteur traditionnel et d’un secteur informel. Dans cette perspective, les systèmes de santé
remplissent principalement quatre fonctions essentielles : la prestation de services, la création
de ressources, le financement et la gestion administrative. Ainsi, les systèmes de santé actuels
doivent non seulement améliorer la santé des populations, mais aussi les protéger contre le
coût financier de la maladie, et les traiter avec dignité.

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La plupart des analystes présentent des organisations comme des structures sociales créées par des individus à
soutenir la poursuite des objectifs de collaboration spécifiée. L’organisation apparait comme une abstraction
saisissable par des concepts tels que : la structure sociale, les acteurs sociaux, les objectifs, la technologie et
l’environnement dont elles dépendent (Scott, 2003).

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3.2 Financement des dépenses de santé dans les pays développés

Selon Lambert (2000), si une forme d’organisation et une seule permettait de garantir des
progrès sanitaires rapides, tout en assurant la qualité et la sécurité des soins et leur distribution
équitable et de contenir la progression des dépenses de santé à un niveau raisonnable. Ce
système serait jugé le meilleur. Encore faudrait-il que cette recette puisse être transposée à
tout niveau de développement. Aussi, l’adoption d’un « modèle » institutionnel emprunté à
l’étranger, figé dans ses composantes initiales, peut apporter de nombreuses déceptions aux
importateurs, car il peut avoir perdu ses vertus ou gagné en efficience.

Le financement des dépenses de santé des individus et des ménages constitue un facteur de
premier ordre de l’accès et de l’utilisation des services. Comme on le rapporte dans la pensée
populaire, la santé n’a pas de prix, mais elle a un coût. Pour qu’il y ait accès aux soins de
santé, il faut une mobilisation des financements, à l’échelle individuelle ou collective. À ce
titre, différents mécanismes de prise en charge des dépenses de santé ont été développés dans
le monde. Parler de financement de la santé, c’est envisager la mise à disposition des capitaux
nécessaires à la prise en charge des dépenses liées à la santé (Audibert, Mathonnat, et
Roodenbeke, 2003). Il s’agit de mobiliser des ressources nécessaires à la mise en place de
mesures de prévention et de prise en charge médicale répondant aux besoins des populations
(Roodenbeke, 2003). Par exemple, dans les pays développés, le financement des dépenses de
santé des individus est régi par différents mécanismes de protection sociale (Lambert, 2000)
qui assurent aux individus l’accès au système de soins par l’entremise d’assurances parfois
publiques, parfois privées, ou combinées (Guillemin, 2009). La protection sociale ici désigne
tous les mécanismes de prévoyance collective, permettant aux individus de faire face aux
conséquences financières liées à des situations qui provoquent une baisse de ressources ou
une hausse de dépenses (vieillesse, maladie, invalidité, chômage, maternité, etc.). Elle repose
sur plusieurs types de mécanismes à savoir des prestations sociales versées directement aux
ménages, qui peuvent être en espèces (pensions de retraite) ou en nature (remboursements de
soins de santé) ; des prestations de services sociaux, qui désignent l’accès à des services
fournis à prix réduit ou gratuitement (crèches, hôpitaux) (OMS, 2000). À ce titre, les pays
développés ont adopté différents modèles de protection sociale qui facilitent à leur manière
une prise en charge des dépenses de santé. On rencontre notamment le modèle bismarckien, le
modèle Beveridgien etle modèle d’inspiration libérale.

3.2.1 Le modèle Bismarckien

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On rencontre notamment le modèle bismarckien ou modèle d’assurance dont la gestion
décentralisée (caisses) cible plus les travailleurs. D’après Lambert, la couverture des risques
n'engage pas directement les finances publiques. Il s’agit d’un mode de préfinancement des
dépenses de santé par cotisations patronales et personnelles. Dans ce modèle, l’accès aux
soins de santé semble dépendre du travail et des assurances détenues. Le modèle bismarckien
a été introduit en Allemagne et adapté en France, en Belgique et au Japon.

3.2.1.1 Le Lignage de Bismarck

La couverture des dépenses de santé en Allemagne et dans les pays voisins repose sur une
assurance obligatoire à base professionnelle et un financement par des cotisations de sécurité
sociale. Les orientations des systèmes de sécurité sociale sont devenues plus dirigistes, même
en Allemagne, en Hollande ou en Suisse, et cependant elles ouvrent la voie à plus de
souplesse quand elles s’accompagnent d’une décentralisation et d’une mise en concurrence
des filières de santé.

Le financement de la sécurité sociale par des cotisations assises sur une masse salariale a été
l’originalité du système social allemand, mais il se heurte aujourd’hui aux effets pervers de la
montée de charges sociales en période de chômage. La fiscalisation des recettes, plus
particulièrement en Hollande, témoigne également du poids des contraintes financières.

3.2.1.1 Le L’héritage de Bismarck

Les institutions sanitaires européennes sont très anciennes et les formes d’assistances ou
d’assurance qui se sont succédées, le plus souvent dans le cadre des professions et des
mutuelles avant et pendant la révolution industrielle, ont enraciné le lien entre protection
sociale, travail et employeur. Cependant, la généralisation de la sécurité sociale dans le reste
de l’Europe a été plus tardive qu’en Allemagne, elle s’est développée surtout aux lendemains
de la seconde guerre mondiale, à un moment ou le rôle économique de l’État était déjà très
important, et ou d’autres systèmes de couverture universelle voient le jour en Angleterre et
dans les pays scandinaves. C’est pourquoi les organisations nationales peuvent différer
considérablement dans le mode de prise en charge des patients par l’assurance maladie ou les
relations entre les professions médicales et la sécurité sociale. Cependant, elles pourront être
qualifiées d’héritage bismarckien, quand la prise en charge est dépendante d’une assurance
obligatoire, financée par des cotisations assises sur les salaires et revenus perçus.

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Au départ, la sécurité sociale et les systèmes de santé bismarckiens étaient le dénominateur
commun de l’Europe. Les six premiers partenaires avaient des régimes de sécurité sociale
financés, comme en Allemagne, par des cotisations assises sur les salaires, mais les dispositifs
de contrôle étaient moins contraignants pour limiter la progression des dépenses.

Dans le modèle bismarckien, des cotisations sont partagées par moitié entre l’employeur et le
salarié. En 1883, le système introduit en Allemagne était une assurance professionnelle, dans
le cadre de l’entreprise et de la prévoyance sociale, en cette période de fortes revendications
ouvrières, était de promouvoir la paix sociale dans l’entreprise. Pas de confusion entre
l’assurance et l’assistance ou la prévoyance et la subvention, l’assurance maladie devint une
nouvelle protection du personnel dans l’économie du travail, rapidement complétée par
l’indemnisation des accidents du travail, puis l’assurance vieillesse : le patronat acceptera ces
responsabilités.

3.2. Le modèle Beveridgien

Dans le modèle beveridgien,l’État est à la fois le contrôleur, le planificateur et le financeur de


l'ensemble du dispositif (Guillemin, 2009). Il s'agit d'un système universel de protection
sociale non lié à l'emploi, financé par l'impôt et engageant directement les finances publiques.
Selon Lambert et al. (2009), c’est un système de protection sociale sans affiliation couvrant
les mêmes risques que la sécurité sociale bismarckienne (accidents du travail, maladie,
vieillesse, invalidité). Dans ce modèle, tous les citoyens sont couverts et reçoivent le même
montant de la prestation sociale, quel que soit le risque réalisé. Ainsi, l’État est garant de
l’accès aux soins de santé de toutes les couches sociales. Le droit à la santé devient
indépendant du travail et de l’emploi. Le modèle beveridgien est adapté au Canada, en
Australie, Nouvelle-Zélande, Italie, Espagne, Portugal, Grèce et dans les pays scandinaves.

3.2.1 L’héritage de Lord Beveridge

Les réformes entreprises par les pays dotés d’un système national de santé ont été marquées
par le soucide diversifier leurs recettes et d’accomplir des systèmes trop étatisés.

L’Angleterre, au cours des années 90, tout en offrant plus de liberté de choix aux patients,
s’est attaquée à la réforme du système de santé, surtout en allégeant les tutelles et en
déléguant plus de responsabilités aux médecins et aux hôpitaux. La Suède est parvenue à
contenir efficacement la progression des dépenses de santé par des mesures de rationalisation,
sans pour autant entamer l’universalisation de son système. L’Australie et le Canada ont

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parachevé la transformation d’un système d’assurance maladie trop partiel en organisation de
couverture universelle.

La transposition du système bévéridgien au cours des années 80 sur la péninsule Ibérique


(Espagne et Portugal) et en Italie et en Grèce a été accompagné d’effets pervers en tenant à la
persistance d’un financement par cotisations et aux dysfonctionnements de la santé publique.
Cependant, c’est en Italie que la transposition s’est avérée la plus difficile en raison du
renforcement des pénuries sanitaires.

Issu du plan Beveridge de 1942, le service national de santé créé en 1948 en Angleterre
complété par une protection sociale qui obéissait à une logique de redistribution et non
d’assurance. Par voie de conséquence, la participation financière des ménages et des
entreprises provient des impôts qu’ils acquittent et non de cotisations sociales.

Cette organisation simplifiée et monolithique, apparaissant comme plus efficace pour contenir
l’inflation médicale, séduira de nombreux pays. Sur l’espace européen, le système
bévéridgien est le cadre de l’organisation de la santé pour 141 millions d’habitants, mais, en
dehors de l’Angleterre, de l’Italie et de l’Espagne, son extension concerne surtout des pays à
population restreinte. L’Irlande, l’Islande, les pays scandinaves et plus récemment l’Europe
du Sud ont adopté des systèmes proches de celui de l’Angleterre. Dans les pays du
Commonwealth, l’attrait de la couverture universelle s’est étendu aux dominations de
peuplement : Canada, Australie et Nouvelle-Zélande.

3.2.1.1 Le Modèle Anglais réajusté de Tony Blair

Les principes gouvernant l’organisation et le financement de la santé en Angleterre depuis


cinquante ans se différencient de l’assurance maladie de type bismarckien à trois points de
vue: 1) Une couverture universelle, gratuite et uniforme, sans filiation, apportée à chacun,
sans devoir justifier d’un travail et de l’appartenance à une entreprise ou à un statut
professionnel ; 2) un monopole de santé publique, le service national de santé, ou les soins
ambulatoires et hospitaliers sont délivrés par des professionnels salariés ; 3) un financement
qui repose essentiellement sur l’impôt.

Le système de santé est une partie autonome de la sécurité sociale, rattachée au ministère de la
santé. Le financement des risques sociaux mobilise des recettes différentes : celles du système
de santé proviennent 90 % de l’impôt, celles de la sécurité sociale (notamment les retraites et
le chômage) proviennent à 80 % de cotisation assises sur les salaires. Comme les garanties de
ressources sont modestes, les cotisations salariées varient entre 5 et 6 %. La santé reste la

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partie la plus « économique » de la protection sociale, elle n’absorbe que 20 % des dépenses
de santé de la sécurité sociale.

3.2.3 Le modèle d’inspiration libérale

Le modèle d’inspiration libérale implanté aux États-Unisest un modèle mixte, qui fait
coexister l’assistance de l’État aux familles défavorisées et l’assurance privée (employeur ou,
souscrit à titre individuel). Il s’agit d’un modèle libéral où l’État laisse au secteur privé une
importante charge du financement du système de soins, assuré par une offre concurrentielle
d'assureurs privés. Dans ce modèle, l’accès aux soins de santé des usagers dépend
essentiellement du secteur privé et de la couverture restreinte de l’État aux couches sociales
défavorisées (Guillemin, 2009). À leur mesure, ces modèles permettent que les systèmes de
financement collectif remplacent la prise en charge financière des soins de santé par les
individus (Ridde, 2004). Le but ultime des protections sociales qu’ils proposent est selon
Lambert (2000), de préserver une couverture universelle, une égalité et une équité d’accès aux
soins, et aux services de santé.

3.2.3.1 Les États-Unis, anti-modèle ou contre modèle ?


L’assurance privée volontaire est, pour 75 % des Américains la principale forme d’assurance
santé ; cependant, 30 % d’entre eux sont couverts soit par l’assistance médicale gratuite
(Medicaid) quand ils sont « pauvres », soit par une assurance sociale (Medicare » quand ils
sont âgés ou handicapés. Les débours nets des ménages sont de l’ordre de 20 %.

Le contrôle global des dépenses de santé a été impuissant à contenir leur progression (14 %
du PIB, 4000 dollars par habitant). L’échec du plan Clinton en 1994 a succédé aux tentatives
infructueuses des Présidents Rixon et Reagan.

Le contrôle de l’activité ambulatoire et hospitalière s’est révélé efficace, ce qui explique le


développement des réseaux de soins organisés, qui aujourd’hui encadrent 88% des médecins
et 38% des ménages. Cependant, ces réseaux ont été confrontés à de lourdes pertes
financières.

Le principal atout de l’organisation de la santé reste sa capacité de recherche et d’innovation


et le dynamisme des activités médicales.

La principale faiblesse du système de santéest l’accroissement de la proportion de ménages


sans assurance (15 % ) et surtout la précarité sanitaire des familles noires : mortalité infantile

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élevée, criminalité, sida, toxicomanie, obésité et surcroît de maladies associées au système
cardio-vasculaire.

À la différence du Canada, les États-Unis sont souvent représentés par les intellectuels
européens comme une illustration de l’« horreur économique » et de l’« enfer social », plus
particulièrement quand le projecteur est porté sur l’organisation de la santé. Seul pays
développé à rejeter la couverture obligatoire et universelle des soins, les États-Unis font figure
d’«anti-modèle » plutôt que de «contre-modèle » et pourtant la solution assurancielle est belle
et bien une troisième voie entre les logiques bévéridgienne et bismarckienne ; cette solution
certes, perfectible, trace de nouvelles frontières entre l’assistance sociale destinée aux «
pauvres » et l’assurance sociale destinée aux « vieux » et aux handicapés, et l’assurance
privée volontaire destinée aux « non-pauvres ». Cependant, cette organisation n’est pas
suffisante. Elle ne dégage pas un bon rapport coût-efficacité, moins encore en termes d’équité
sociale. L’Amérique n’a pas atteint des résultats sanitaires correspondants aux ressources
humaines et financières mobilisées. En revanche le système de santé américain attire les
médecins et les chercheurs du monde entier en raison de sa richesse et ses capacités
d’innovation. Cette organisation a permis de préserver dans le monde médical, les hôpitaux,
les laboratoires et les universités une émulation qui a favorisé les découvertes et les
nouveautés diagnostiques et thérapeutiques, sans lesquelles la plupart des progrès sanitaires
du monde développé et sous-développé n’auraient pas eu lieu.

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Références bibliographiques

Lambert, D. C. (2000). Les systèmes de santé : analyse et évaluation comparées dans les grands pays
industriels. Paris : Seuil.
Lambert-Evans, S., Ponsar, F., Reid, T., Bachy, C., Herp, M. V., et Philips, M. (2009). Financial
access to health care in Karuzi, Burundi : a household-survey based performance evaluation.
International Journal for Equity inHealth, 1-10.
Minsanté. (2016). Stratégie sectorielle de santé 2016-2027. Yaoundé : Minsanté.
Essomba, A. (2012). Organisation du système des soins au Cameroun : séminaire d’imprégnation des
personnels du MINSANTE nouvellement recrutés à la Fonction publique dans le cadre du
recrutement des « 25000 » Yaoundé 11-13 janvier 2012. [En ligne]. http://www.cm-minsante-
drh.com/site/images/stories/systeme_soins.ppt.(Page consultée, le 10 / 3 / 2015).

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