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Modélisation de la phase d’initiation de la corrosion des

aciers dans le béton

Achour Mohamad1,2

1
Ecole centrale de Nantes, GeM, Institut de recherche en Génie Civil et Mécanique, France
1 Rue de la Noë, 44321 Nantes mohamad.achour@eleves.ec-nantes.fr

2
Université de Nantes, GeM, Institut de recherche en Génie Civil et Mécanique, France
1 Quai de Tourville, 44035 Nantes

RÉSUMÉ. La corrosion des armatures dans le béton armé est due à l’action des agents agressifs comme les ions chlorures, le
dioxyde de carbone et l’humidité. Un modèle physico-chimique est proposé pour décrire la pénétration de ces agents pendant
la phase d’initiation de la corrosion jusqu’à la dépassivation de l’acier. Afin d’identifier clairement les paramètres de transport
de ce modèle physico-chimique macroscopique, une démarche multi-échelle est mise en œuvre pour rendre compte de la
diffusion dans les bétons. Cette démarche repose sur une description détaillée de la microstructure du béton (constituants et
morphologie) par des méthodes de changement d’échelle. Cette approche se veut la plus exhaustive possible avec la prise en
compte explicite de l’influence du rapport eau sur liant de la pâte de ciment, des propriétés des granulats et de la zone de
transition entre la pâte et les granulats. Après identification de tous les paramètres d’entrée, le modèle physico-chimique
macroscopique est utilisé pour évaluer la durée de vie d’un béton soumis au couplage carbonatation/chlorures en milieu
insaturé. Suite à une validation du modèle par comparaison à des résultats expérimentaux, plusieurs applications de ce modèle
sont présentées.

MOTS-CLÉS : modélisation multi-échelles, modèle physico-chimiques, couplage carbonatation/chlorures, durée de vie.

ABSTRACT. Corrosion of reinforced concrete structures is due to the aggressive agents penetration such as chloride ions, carbon
dioxide and moisture. A physico-chemical model is proposed to describe the penetration of these agents during the initiation
phase of corrosion until depassivation of the steel. In order to clearly identify the transport parameters of this macroscopic
physicochemical model, a multi-scale approach is implemented to consider the diffusion in concrete. This approach is based
on taking into account the detailed description of the microstructure of the concrete (constituents and morphology) by upscaling
methods. This multi-scale approach is intended to be the most comprehensive with the consideration of the influence of the
water-to-binder ratio of the cement paste, the properties of the aggregates and the transition zone between the cement paste
and the aggregates. After identifying all the input parameters, the macroscopic physico-chemical model is used to evaluate the
service life of a concrete subjected to coupling carbonation / chlorides in unsaturated medium. Following a validation of the
model compared to experimental results, several applications of this model are presented.

KEY WORDS: multi-scale modeling, physico-chemical model, coupling carbonation/chlorides, service life.

AJCE - Special Issue Volume 36 - Issue 1 449


36èmes Rencontres de l’AUGC, ENISE/LTDS, Saint Etienne, 19 au 22 juin 2018 2

1. Introduction
Le béton est un matériau composite poreux et le matériau de construction le plus utilisé dans la construction.
Associé à l’acier pour la construction des ouvrages et des structures notamment celles qui se trouvent en milieu
marin, le béton est soumis à l’action des agents agressifs comme les ions chlorures et le dioxyde de carbone. Ces
agents sont les principales causes de la corrosion des aciers dans le béton armé et cette corrosion conduit à la
détérioration des ouvrages à long terme. La prédiction de la durée de vie des ouvrages vis-à-vis de la corrosion
des aciers induite par la pénétration des ions chlorures et de dioxyde de carbone nécessite la compréhension et la
prise en compte des aspects physico-chimiques des mécanismes de transfert.
Depuis les années 1990, de nombreux travaux ont été consacrés soit à l’étude de transfert d’ions chlorures en
milieu insaturé [PHU 2016], [NIE 2003], soit à l’étude de la carbonatation du béton [VIL 2006], [BAR 2004]. Le
couplage entre ces deux phénomènes est pris en compte depuis quelques années [LIU 2014], [MAI 2013],[ACH
2018]. De l’ensemble de ces travaux, plusieurs mécanismes physico-chimiques ont été mis en évidence : diffusion,
interaction ionique, activité chimique de la solution porale [HUC 1923], convection, cinétiques physiques de
dissolution des hydrates de bétons, géochimie, effet d’hystérésis sorption-désorption.
Toutes ces études peuvent être divisées en deux catégories : des modèles numériques qui permettent de
déterminer les profils d’ions chlorures et de dioxyde de carbone dans le béton et d’autres campagnes
expérimentales qui permettent de déterminer ces mêmes profils expérimentalement. Les modèles numériques sont
alimentés par des paramètres d’entrée qui peuvent être déterminés expérimentalement ou à l’aide des formules
empiriques de la littérature notamment le coefficient de diffusion en milieu insaturé et la perméabilité à l’eau. Ces
campagnes expérimentales sont longues et coûteuses car elles dépendent de beaucoup de paramètres comme par
exemple la composition du béton, les propriétés des granulats, le rapport eau/liant, les conditions d’environnement,
etc. Les mesures présentent alors une grande difficulté.
Une stratégie est développée dans ce papier pour modéliser le couplage carbonatation/chlorures en milieu
insaturé. Cette stratégie consiste à estimer les paramètres d’entrée du modèle comme le coefficient de diffusion
des ions chlorures dans le béton en considérant l’influence de la structure poreuse des granulats. La prédiction de
ce coefficient de diffusion fait appel aux méthodes d’homogénéisation. Ces estimations dépendent des paramètres
morphologiques (microstructure du béton, mortier et pâte de ciment) et physiques (coefficient de diffusion des
granulats, pâte et mortier).
A notre connaissance il n’existe pas de modèle prenant en compte l’ensemble des mécanismes de transfert dans
le béton en adoptant cette stratégie dans l’identification des paramètres d’entrées notamment le coefficient de
diffusion du béton. Cette démarche de modélisation du couplage carbonatation/chlorures en milieu insaturé et
l’estimation du coefficient de diffusion du béton par une démarche multi-échelle va constituer la partie centrale et
l’originalité de cet article.
Pour atteindre ces différents objectifs, l’article est divisé en cinq sections. La première section décrit le modèle
macro et les mécanismes de transfert dans le béton. La deuxième section estime le coefficient de diffusion des ions
chlorures par les méthodes d’homogénéisation. La troisième section est consacrée aux résultats et discussions. La
dernière partie est dédiée aux conclusions.

2. Modélisation macroscopique du couplage carbonatation-chlorures en milieu insaturé


Peu de travaux dans la littérature ont porté sur le couplage entre le transfert des ions chlorures et le dioxyde de
carbone. Or la carbonatation peut avoir des effets physico-chimiques sur la pénétration des ions chlorures. Avec
la diminution du pH de la solution porale, les sels de Friedel qui se forment lorsque les ions chlorures réagissent
avec les aluminates du ciment vont se dissoudre pour libérer les ions chlorures libres. Ces ions sont responsables
du déclenchement du processus de la corrosion. Les travaux de Wang ont montré que la carbonatation du béton
empêche la fixation des chlorures par la matrice cimentaire [WAN 2012].
Pour bien comprendre les démarches de la modélisation, la figure 1 montre l’organigramme de la modélisation
du couplage carbo/chlorures. Cet organigramme prend à chaque pas de temps et d’espace les paramètres d’entrée
qui sont liés à la composition du béton et aux conditions d’environnement. Le modèle est développé en prenant en
compte le transfert multi-espèces d’ions agressifs, y compris la diffusion, la migration, l’activité chimique des
ions, l’interaction entre les ions chlorures et la pâte cimentaire et la convection en fonction des conditions
d’exposition. L’évolution de la microstructure due aux réactions de précipitation et de dissolution pendant le
processus de carbonatation est prise en compte à travers l’évolution de la porosité.

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Modélisation de la phase d’initiation de la corrosion des aciers dans le béton 3

Figure 1- Organigramme de la modélisation macroscopique

2.1. Transfert multi-espèces


Le transfert des ions dans la solution interstitielle est modélisé par l’équation de Nernst Planck:
𝑧𝑖 𝐹
𝐽𝑖 = −𝐷𝑖 [𝑔𝑟𝑎𝑑𝐶𝑖 + 𝐶𝑖 𝑔𝑟𝑎𝑑𝛹 + 𝐶𝑖 𝑔𝑟𝑎𝑑(𝑙𝑛𝑌𝑖 )] + 𝐶𝑖 𝑉 [1]
𝑅𝑇

Où Ji , Di , Ci , zi et Yi sont respectivement le flux (mol/m2/s), le coefficient de diffusion effectif (m2/s), la


concentration (mol.m-3), la valence et le coefficient d’activité de l'ion i. F est la constante de Faraday (C.mol-1), R
est la constante des gaz parfaits ( J.mol-1.K-1), Ψ est le potentiel électrostatique (V) et V est la vitesse de convection.

2.2. Transfert du dioxyde de carbone


Le transfert de dioxyde de carbone se résume par les équilibres physico-chimiques qui existent entre les phases
solides et la solution interstitielle du matériau cimentaire [THI 2005]. Lors du couplage carbonatation-chlorures,
la porosité (ε) évolue. Le tableau ci-dessous résume le modèle d’évolution de la porosité ∆ε , les cinétiques
chimiques et les équilibres thermodynamiques de la carbonatation du béton.
Tableau 1. Cinétiques chimiques, équilibres thermodynamiques du transfert de dioxyde de carbone dans le béton
et loi d’évolution de la porosité [THI 2005] .

Cinétiques chimiques Évolution de la porosité Équilibres Thermodynamiques


0
𝜕𝑆𝐶𝑆𝐻 ∆𝜀 = 𝛾̅𝑁𝑎𝐶𝑙 𝐶𝑁𝑎𝐶𝑙 + 𝛾̅𝐶𝑎𝐶𝑂3 𝑆𝐶𝑎𝐶𝑂3
𝛿𝐶𝑆𝐻 = [𝐻2 𝐶𝑂3 ] = 𝐾𝐻 [𝐶𝑂2 ]
𝜕𝑡 0
−𝛾̅𝐶𝑎𝑂𝐻2 (𝑆𝐶𝑎𝑂𝐻 − 𝑆𝐶𝑎𝑂𝐻2 )
2
0
+∆𝛾̅𝐶𝑆𝐻 (𝑆𝐶𝑆𝐻 − 𝑆𝐶𝑆𝐻 )
0
1 𝜕𝑆𝐶𝑎𝐶𝑂3−𝐶𝑆𝐻
𝛿𝐶𝑆𝐻 = [𝐻𝐶𝑂3− ] = 𝐾1 [𝑂𝐻 − ][𝐻2 𝐶𝑂3 ]
3 𝜕𝑡

0
𝜕𝑆𝑆𝐻(𝑔𝑒𝑙 𝑑𝑒 𝑠𝑖𝑙𝑖𝑐𝑒)
𝛿𝐶𝑆𝐻 =3 [𝐶𝑂32− ] = 𝐾2 [𝑂𝐻 − ][𝐻𝐶𝑂3− ]
𝜕𝑡

0 𝜕𝑆𝐶𝑎(𝑂𝐻)2
𝛿𝐶𝑎𝑂𝐻 = =
2 𝜕𝑡
1 𝐾𝑝 = [𝐶𝑎2+ ][𝑂𝐻 − ]2
−𝑋𝑃0 ℎ 𝑅𝑝 (𝛾)
1+ (𝑅 (𝛾)−𝑅𝑝 (𝛾))
𝐷 𝑅𝑐 (𝛾) 𝑐
𝑆𝐶𝑎(𝑂𝐻)2 est la teneur en portlandite 0
γ̅NaCl , CNaCl , SCSH , SCSH et ∆γ̅CSH
(mol/L), 𝑅𝑝 (𝛾), 𝑅𝑐 (𝛾), 𝑋𝑃0 ,h et D sont des sont respectivement le volume molaire 𝐾𝑐 = [𝐶𝑎2+ ][CO2−
3 ]
paramètres qui dépendent de la portlandite. et la concentration du NaCl, la teneur
initiale et instantanée de CSH et la
variation du volume liée à la 𝐾𝑒 = [𝑂𝐻 − ][𝐻 + ]
carbonatation d’une mole de CSH.
K H , K1 , K 2 , K E , K P , et K c sont les constantes d’équilibres des réactions de carbonatation du béton.

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2.3. Transfert d’humidité


Le moteur du transfert hydrique est modélisé en termes de diffusion, convection et un terme source qui est en
relation avec la formation de l’eau lors de la carbonatation du béton.
𝜕𝑆𝑒 𝐾𝑒 𝐾𝑟𝑒 𝜕𝑃𝑐 𝑅𝑎 𝐷𝑣𝑎 𝜕𝜌𝒗 𝑀𝐻2𝑂 𝜕𝑆𝐶𝑎𝑂𝐻2
=− 𝑔𝑟𝑎𝑑𝑆𝑒 + 𝑔𝑟𝑎𝑑𝑆𝑒 −
𝜕𝑡 𝜀𝜇𝑒 𝜕𝑆𝑒 𝜌𝒆 𝜕𝑆𝑒 𝜌𝒆 𝜕𝑡 [2]

𝐾𝑒 ,𝐾𝑟𝑒 , 𝑅𝑎 , 𝐷𝑣𝑎 , 𝑃𝑐 ,𝜇𝑒 , 𝑀𝐻2𝑂 et 𝜌𝒆 sont respectivement la perméabilité intrinsèque et relative à l’eau, la résistance
à l’air le coefficient de diffusion de la vapeur, la pression capillaire, la viscosité et la masse molaire et la masse
volumique de l’eau. Les 5 premiers termes se calculent en fonction de la porosité et du degré de saturation (Se).

3. Modélisation multi-échelles des propriétés de transport dans le béton


Le modèle numérique détaillé ci-dessus nécessite beaucoup de paramètres d’entrées. Le coefficient de diffusion
Di par exemple est un paramètre très important qui influe sur la pénétration des ions chlorures. Ce coefficient de
diffusion en milieu insaturé est déterminé en fonction du degré de saturation et en fonction du coefficient de
diffusion mesuré expérimentalement dans un béton saturé [BUC 2000]. La formule empirique de Buchwald permet
de déterminer ce coefficient comme ci-dessous :
𝑊
𝐷𝑖 = 𝐷𝑖𝑠𝑎𝑡 ( )𝜆
𝜀 [3]

Dsat
i , W et ε sont respectivement le coefficient de diffusion en milieu saturé, la teneur en eau et la porosité du
béton. 𝜆 est un paramètre à calibrer avec des résultats expérimentaux. On prend souvent 𝜆=6.
Le coefficient de diffusion en milieu saturé est long à mesurer expérimentalement et dépend de la composition
du béton. Une alternative consiste à estimer le coefficient de diffusion par des modèles basés sur des paramètres
qui dépendent de la composition du béton et non sur des paramètres empiriques. Cette stratégie repose sur les
méthodes d’homogénéisation [ESH 1957].

3.1. Prédiction du coefficient de diffusion par des méthodes d’homogénéisation


Comme le béton est un matériau complexe multiphasique, il comprend des constituants aux propriétés
différentes : solution porale, pâte de ciment, sable et graviers. Tout d’abord à l’échelle de la pâte de ciment,
l’influence du degré d’hydratation, du rapport eau/ciment et de la connectivité de la porosité sont pris en compte
pour déterminer le coefficient de diffusion de la pâte de ciment. Ensuite à l’échelle du mortier et du sable, l’effet
de la présence des granulats et de la zone de transition ont été étudiés pour déterminer le coefficient de diffusion
du béton. La figure 2 montre les différentes échelles du béton allant de l’échelle des hydrates jusqu’à l’échelle du
béton.

Figure 2- Stratégie d’homogénéisation utilisée dans l’approche multi-échelle

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3.2. Morphologie du béton adoptée


La pâte de ciment peut être considérée comme un milieu multiphasique qui se compose de plusieurs phases :
pores capillaires, hydrates de densités faibles et hydrates de densités élevées [MA 2015]. Par conséquent, le
coefficient de diffusion effectif d’ions chlorures à travers une pâte de ciment Portland hydratée peut être calculé
par la théorie d’homogénéisation. La diffusion des ions chlorures dans la solution interstitielle, dans le gel de C-
S-H et dans les pores capillaires a été étudiée. Les grains de ciment non hydratés et les cristaux de portlandite ne
sont pas perméables.
Le mortier et le béton peuvent être considérés comme un milieu triphasique qui se compose d’une matrice et
des granulats avec une ITZ. Les paramètres d’entrée listés dans le tableau 2 sont déterminés après une recherche
bibliographique sur la morphologie de la pâte de ciment et ses propriétés physiques. La fraction volumique de
chaque phase est déterminée en basant sur le modèle de POWERS [POW 1947]. Le passage à l’échelle du béton
en considérant l’influence de l’ITZ nous permet d’estimer le coefficient de diffusion du béton. La fraction
volumique de l’ITZ et le coefficient de diffusion dans l’ITZ sont estimés d’après les travaux de Garboczi et Bentz
[GAR 1992].

3.3. Paramètres d’entrées nécessaires pour la prédiction du coefficient de diffusion effectif du béton
Pour prédire le coefficient de diffusion du béton, les paramètres d’entrées sont divisés en paramètres liés à la
morphologie des particules de différentes échelles et d’autres liés à leurs propriétés physiques.
Le tableau 2 résume ces paramètres d’entrées.
Tableau 2. Les paramètres d’entrées de l’approche multi-échelle

Morphologie Propriétés de chaque phase


Courbe granulométrique et fraction volumique des granulats Coefficient de diffusion des granulats

Forme des hydrates Coefficient de diffusion des hydrates

Connectivité des pores Coefficient de diffusion dans les pores capillaires


Forme des pores Coefficient de diffusion dans les pores du gel

Rapport E/C, degré d’hydratation et fraction volumique de l’ITZ Coefficient de diffusion dans l’ITZ

4. Résultats et discussion
Le modèle numérique macro est implémenté dans un code de différences finies pour résoudre les équations.
L’application du modèle est faite en premier temps sur un béton de la littérature [KHO 2010] afin de prédire sa
durée de vie contre la pénétration du dioxyde de carbone et des ions chlorures. Le tableau 3 montre la composition
de ce béton.
Tableau 3. Les constituants du béton utilisé dans les simulations

Matériaux utilisés Composition (kg/m3 )

Ciment CEM I 52.5N 303

Gravillon 10/14 875

Gravillon 6/10 211

Sable 0/4 855

Rapport E/C 0.6

4.1. Coefficient de diffusion effectif du béton


Les résultats donnent pour ce béton de référence une porosité de pâte de ciment de 40% et ainsi grâce aux
méthodes d’homogénéisation un coefficient de diffusion de la pâte de ciment de 6.5E-12 m2/s. Finalement le

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coefficient de diffusion du béton est 3.02 E-12 m2/s qui est proche de la valeur mesurée expérimentalement qui est
3.36 E-12 m2/s. Le tableau 4 montre une des comparaisons entre les résultats de modèle multi-échelle et ceux
expérimentaux pour d’autres pâtes de ciment et pour d’autres bétons de la littérature à la fin de l’hydratation. Le
modèle prédit globalement bien le coefficient de diffusion pour les différentes catégories de béton.
Tableau 4. Coefficient de diffusion des ions chlorures des pâtes de ciment, mortier et bétons : comparaison avec
des résultats expérimentaux de la littérature

Echantillons E/C % Sable % Gravillons Coefficient de diffusion estimé Coefficient de diffusion mesuré

S11 [SUN 2011] 0.23 - - 9.5 × 10−13 m2 /s 10.4 × 10−13 m2 /s

S11 [SUN 2011] 0.35 - - 4.3 × 10−12 m2 /s 4.12 × 10−12 m2 /s

S11 [SUN 2011] 0.53 - - 10.35 × 10−12 m2 /s 10.6 × 10−12 m2 /s

M30S [SUN 2011] 0.35 30 - 4.2 × 10−12 m2 /s 5.12 × 10−12 m2 /s

M50C [SUN 2011] 0.35 50 - 3.7 × 10−12 m2 /s 4.28 × 10−12 m2 /s

C40 [CHO 2017] 0.4 30 48 3.1 × 10−12 m2 /s 3.24 × 10−12 m2 /s

C50 [CHO 2017] 0.5 30 48 8.8 × 10−12 m2 /s 10.8 × 10−12 m2 /s

C60 [CHO 2017] 0.6 30 48 17.5 × 10−12 m2 /s 19.3 × 10−12 m2 /s

4.2. Influence des propriétés des granulats sur le coefficient de diffusion


Pour ce même type de béton, le coefficient de diffusion des granulats n’est pas mesuré pour l’intégrer dans la
modélisation. Des essais expérimentaux sont en cours pour exploiter l’influence des propriétés physiques des
granulats sur les propriétés de transport dans le béton. Ces essais sont réalisés sur deux types différents des
granulats (calcaire compact et calcaire poreux).
4.3. Influence de la carbonatation et de l’humidité sur le transfert ionique
Le couplage entre la carbonatation et les chlorures constitue l’originalité et une des spécificités du modèle. La
porosité initiale ε0 est prise égale à 15 % (porosité accessible à l’eau) et la perméabilité intrinsèque à l’eau dans
l’état initial estimée à 2× 10−20 m2 . Les isothermes de sorption et de désorption sont modélisées à partir des
courbes d’hystérésis sur le même type de béton. Les interactions entre les ions chlorures liés et la matrice
cimentaire sont modélisées par un isotherme de type Langmuir à partir des résultats d’essais sur des échantillons
concassés soumis à des solutions contenant des ions chlorures selon les recommandations GranDuBe [AMI 2007].
Le béton partiellement saturé est soumis à un environnement contenant des ions chlorures (0.5 M) et du dioxyde
de carbone (2%) ainsi qu’à des cycles 6h /6h d’humidification et de séchage durant une année d’exposition. Le
modèle regroupe tous les hydrates consommés, les produits formés et la variation de la porosité dans le béton. Les
figures 3,4 et 5 montrent l’influence du transfert hydrique et de la carbonatation sur la pénétration d’ions chlorures.
D’après la figure 3 la pénétration d’ions chlorures est plus importante en surface ce qui est dû à l’effet de la
convection illustré par la courbe en forme de cloche.

0,04
chlorures libres en mol/Kg

Résultats numériques
Concentration des ions

0,03

Résultats expérimentaux
de béton

0,02
PhuTho 2014
0,01

0
0 20 40
Profondeur du béton en mm

Figure 3- Profils d’ions chlorures dans un béton insaturé

AJCE - Special Issue Volume 36 - Issue 1 454


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Cette épaisseur de convection varie en fonction de l’état hydrique du béton. Pour cela il est important d’étudier
dans les perspectives de ce travail les paramètres qui influent cette épaisseur comme les cycles d’humidification
et de séchage. La figure 4 regroupe aussi la validation du modèle du transfert ionique en milieu insaturé sur d’autres
types de bétons de la littérature [BOU 2016].

0,08
Béton M25
Résultats numériques

chlorures totaux en mol/Kg


Concentration des ions
0,06
Résultats expérimentaux

de béton
Baroghel-Bouuny 2016
0,04

0,02

0
1 10 19 28 37 46
Profondeur du béton en mm

Figure 4- Profils d’ions chlorures dans un béton insaturé BHP2000

La figure 5 montre que la pénétration des ions chlorures est plus importante dans le cas d’un béton carbonaté.
Les simulations ont été faites sur différents types de béton [ACH 2018].

50
Profondeur de penetration

40
carbo/chlorures
30 Chlorures
en (mm)

20
10
0
0 10 20 30 40
Temps en années
Figure 5- Influence de la carbonatation sur la pénétration d’ions chlorures du béton de référence

En effet la carbonatation du béton empêche la fixation des chlorures par la matrice cimentaire et favorise ainsi
une libération des ions chlorures dans la solution interstitielle. Nos résultats montrent l’intérêt de considérer ce
couplage dans la prédiction de la durée de vie des ouvrages en béton armé.

5. Conclusions
La phase d’initiation de la corrosion des aciers dans le béton est un sujet complexe. Dans un tel processus, le
couplage carbonatation/chlorures dans un béton non saturé est en effet gouverné par de multiples phénomènes.
L’originalité du travail présenté dans ce papier consiste à considérer :
1- Un modèle numérique multi-ionique pour simuler le transfert d’ions chlorures et de dioxyde de carbone
en tenant compte des cycles d’humidification et de séchage dans le béton et des évolutions de la porosité
résultant des échanges ioniques.
2- Un modèle multi-échelle pour prédire le coefficient de diffusion des ions chlorures dans le béton.
L’approche proposée peut prendre en compte de la présence des granulats, de leur morphologie et de la
microstructure du béton notamment les pores capillaires, les produits hydratés du ciment (C-S-H et
portlandite) et les zones d’interfaces.
En utilisant le coefficient de diffusion des ions estimé comme un paramètre d’entrée, le modèle macro permet de
prédire les profils de concentration en chlorures dans le béton. Par conséquent, le modèle global peut être considéré
comme un outil pour estimer la durée de vie des ouvrages en béton armé.

AJCE - Special Issue Volume 36 - Issue 1 455


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AJCE - Special Issue Volume 36 - Issue 1 456

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