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Deuxième exemple de corrigé

d'un commentaire de texte


accompagné de qustion
Sujet : "Il semble, à première vue, que de tous les animaux qui
peuplent le globe terrestre, il n'y en ait pas un à l'égard duquel la
nature ait usé de plus de cruauté qu'envers l'homme : elle l'a
accablé de besoins et de nécessités innombrables et l'a doté de
moyens insuffisants pour y subvenir. Chez les autres créatures, ces
deux éléments se compensent l'un l'autre. Si nous regardons le lion
en tant qu'animal carnivore et vorace, nous aurons tôt fait de
découvrir qu'il est très nécessiteux (1) ; mais si nous tournons les
yeux vers sa constitution et son tempérament, son agilité, son
courage, ses armes et sa force, nous trouverons que ses avantages
sont proportionnés à ses besoins. Le mouton et le bœuf sont privés
de tous ces avantages, mais leurs appétits sont modérés et leur
nourriture est d'une prise facile. Il n'y a que chez l'homme que l'on
peut observer à son plus haut degré d'achèvement cette
conjonction (…) de la faiblesse et du besoin. Non seulement la
nourriture, nécessaire à sa subsistance, disparaît quand il la
recherche et l'approche ou, au mieux, requiert son labeur pour être
produite, mais il faut qu'il possède vêtements et maison pour se
défendre des dommages du climat ; pourtant, à le considérer
seulement en lui-même, il n'est pourvu ni d'armes, ni de force, ni
d'autres capacités naturelles qui puissent à quelque degré répondre
à tant de besoins.
Ce n'est que par la société qu'il est capable de suppléer à ses
déficiences et de s'élever à une égalité avec les autres créatures,
:
voire d'acquérir une supériorité sur elles. Par la société, toutes ses
infirmités sont compensées et, bien qu'en un tel état ses besoins se
multiplient sans cesse, néanmoins ses capacités s'accroissent
toujours plus et le laissent, à tous points de vue, plus satisfait et plus
heureux qu'il ne pourrait jamais le devenir dans sa condition
sauvage et solitaire."

Hume

(1) Nécessiteux : manque du nécessaire.

Questions

1. Dégagez la thèse de Hume et l'organisation de son exposé.


2. Expliquez : " ses avantages sont proportionnés à ses besoins " ; "
Par la société toutes ses infirmités sont compensées ".
3. Qu'est-ce qui peut faire dire que la nature est cruelle envers
l'homme ?
4. La faiblesse de l'homme est-elle la cause ou la conséquence de
l'organisation sociale ?

Question n°1 :
Thèse de Hume : Hume développe dans ce texte la thèse selon
laquelle l'homme, parce qu'il est le plus démuni des animaux, parce
que ses besoins naturels excèdent très largement ses moyens
naturels de les satisfaire, ne pouvait survivre et s'élever au-dessus
des autres espèces que par l'existence sociale. C'est la société qui
nous donne une supériorité. Ce texte est donc une justification de
l'existence sociale de l'homme.
:
Organisation de l'exposé : Hume commence sa démonstration en
soulignant la cruauté de la nature envers l'homme. Il précise que
cette cruauté est double : d'abord aucun animal n'a autant de
besoins que l'homme et, ensuite, nos facultés naturelles de les
satisfaire sont tout à fait insuffisantes. Aucun autre animal n'est
accablé de ce double handicap. Hume illustre sa démonstration par
deux exemples. Premièrement le lion, s'il a, certes, beaucoup de
besoins, dispose aussi de nombreuses dispositions (agilité,
courage, force etc.) pour les satisfaire. Inversement, les herbivores
comme le mouton et le bœuf n'ont pas les facultés du lion mais leurs
besoins sont réduits en proportion. Hume développe la thèse de la
faiblesse de l'homme : pour se nourrir l'homme doit chasser (et le
gibier ne se laisse pas prendre facilement) ou travailler. Dépourvu de
pelage, nu, sans protection innée, il nous faut de plus nous loger et
nous vêtir. Or l'homme n'a aucune arme naturelle. Il est faible et
inadapté physiquement à tant d'exigences.
Hume termine son exposé en montrant que c'est la société avec la
solidarité qu'elle implique qui va permettre à l'homme de survivre.
Certes la société engendre des besoins supplémentaires mais elle
permet à l'homme de cultiver ses facultés et donc de compenser
largement l'augmentation des besoins. L'homme social seul est
satisfait et heureux, ce qui lui serait impossible s'il vivait à l'état de
nature.

Question n°2 :
"Ses avantages sont proportionnés à ses besoins": Hume énonce
cette affirmation à propos du lion. Les avantages dont il s'agit sont
les moyens naturels, les qualités innées, les facultés physiques dont
dispose cet animal. Le lion est agile, courageux, fort. Il dispose de
:
griffes, de crocs. Or la nature ne lui a pas donné ces avantages
inutilement. Le lion est, en effet, un carnivore. Il se caractérise par
l'importance de ses besoins. Les besoins sont toutes les tendances
dont la satisfaction est nécessaire à l'animal pour qu'il survive. Le
lion a de gros besoins. Il est, dit Hume, nécessiteux c'est à dire qu'il
a besoin d'une nourriture abondante. Son instinct, ses instruments
naturels sont donc proportionnés à ses besoins c'est à dire qu'il a
assez de facultés pour les satisfaire sans en avoir trop. D'autres
animaux, parce qu'ils ont moins de besoins, ont moins d'avantages.
C'est le cas du bœuf et du mouton. On voit donc bien que, pour eux
aussi, avantages et besoins sont proportionnés : plus les besoins
s'accroissent, plus les avantages augmentent, moins les besoins
sont nombreux, moins les avantages sont importants. L'homme est
le seul être chez qui cette proportionnalité n'existe pas, puisqu'il a à
la fois beaucoup de besoins et peu d'avantages, ce qui induit un
déséquilibre qui lui serait fatal s'il vivait à l'état de nature.
"Par la société, toutes ses infirmités sont compensées" : Les
infirmités dont il est question sont bien sûr celles de l'homme. Aux
yeux de Hume, l'homme est faible. Il est, en effet, dépourvu
d'instincts, il n'a pas d'instrument naturel (par exemple, il n'a ni
griffes, ni crocs). S'il vivait à l'état de nature, il serait sans doute
voué à la disparition. La société, cependant, nous sauve la vie. Elle
permet, en effet, par la solidarité et la coopération, d'accroître nos
forces. Elle permet à l'homme de s'éduquer au contact de ses
semblables et donc de développer ses facultés (par exemple,
l'intelligence) qui, si elles sont naturellement insuffisantes, ne le
sont pas socialement. L'homme est un être chez qui l'acquis est
fondamental. La société instaure aussi la division du travail qui
soulage l'homme au sens où il n'a pas, à lui seul, à satisfaire tous
ses besoins. Si le maçon peut satisfaire le besoin de se loger, il
:
laissera à d'autres la tâche de satisfaire le besoin de vêtements ou
de nourriture. Moins accablé de nécessités multiples qu'il n'a plus à
assumer seul, l'homme vit mieux et peut même accéder aux loisirs.
Certes la société peut créer des besoins nouveaux. Par exemple, il
est devenu nécessaire aujourd'hui de posséder une voiture. Il ne
s'agit pas là d'un besoin naturel mais bien d'un besoin issu de la
société. Mais, en même temps qu'elle crée ces besoins, la société
nous met en mesure de les satisfaire. Dans notre exemple, les
usines automobiles produisent ce nouvel objet de besoin. On peut
donc affirmer avec Hume que la société compense nos infirmités.

Question n°3 :
La nature est cruelle envers l'homme au sens où elle lui a donné
beaucoup de besoins et peu de moyens pour les satisfaire. Il a
d'abord beaucoup de besoins. Il lui faut en effet non seulement se
nourrir (et sa nourriture est peu facile à fournir puisqu'elle suppose
chasse ou travail) mais il lui faut aussi se vêtir et se loger car sa
constitution physique est dénuée de protection naturelle (pas de
pelage, de carapace etc.). En second lieu, l'homme a peu de
moyens. On remarquera que Hume, de ce point de vue, est en
accord avec la thèse sophiste développée par Platon dans le
Protagoras à travers le mythe de Prométhée et d'Épiméthée. Le
mythe raconte que l'homme est le seul être oublié lors de la
distribution des instruments nécessaires à la survie. Hume reprend
cette thèse en attribuant la responsabilité de cet oubli, non à une
figure mythologique mais à la nature. L'homme n'a ni griffes, ni
crocs, ni pelage. Il naît de plus immature puisque, contrairement aux
autres espèces, il lui faut plusieurs années pour être capable de se
débrouiller seul. Il n'a aucun instinct et doit donc apprendre à
:
survivre. Tout ceci peut nous faire dire que la nature est cruelle
envers l'homme.
La thèse de Hume s'oppose ici à celle d'Aristote qui fait remarquer,
à juste titre, que l'homme n'est peut-être pas si démuni que cela
puisqu'il a la main et l'intelligence. Mais il faut accorder à Hume que,
puisque l'utilisation de la main dépend de l'intelligence et que
l'intelligence demande l'éducation et donc la société, les avantages
humains ne sont pas naturels mais sociaux.

Question n° 4 :
L'homme est, nous dit Hume, le plus faible des animaux au point de
vue de la nature. À ses yeux, c'est cette faiblesse qui a rendu
nécessaire l'organisation sociale et elle est donc la cause de la
société. Il nous est demandé de discuter cette thèse. La faiblesse de
l'homme est-elle bien la cause de l'organisation sociale ou au
contraire en constitue-t-elle la conséquence ? Nous verrons en quoi
la faiblesse de l'homme pourrait être vue comme une conséquence
de l'organisation sociale et ensuite ce qui justifie, au contraire, la
thèse de l'auteur.

Il pourrait sembler, à première vue, que la société, et non la nature,


est cause de notre faiblesse. La société, en effet, augmente les
besoins. La plupart des besoins sont des besoins sociaux. De plus,
la société, par les facilités de vie qu'elle nous donne, tend à nous
dispenser de gros efforts physiques. Confronté à une vie beaucoup
moins rude, n'avons-nous pas tendance à nous dispenser d'actions
qui pourraient nous rendre plus forts ?
C'est exactement ce qu'expliquera Rousseau dans la première
partie du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité
:
parmi les hommes. Rousseau y décrit ce que serait la vie de
l'homme à l'état de nature c'est à dire justement en dehors de la
société. L'homme serait obligé dès l'enfance de s'accoutumer aux
intempéries, de se défendre seul contre les bêtes féroces. Il serait
obligé de se fortifier par l'exercice. "Le corps de l'homme sauvage
étant le seul instrument qu'il connaisse, il l'emploie à divers usages,
dont par le défaut d'exercice, les nôtres sont incapables", dit
Rousseau. Il développe l'idée que la technique (qui suppose la
société) nous affaiblit. Si nous n'avions pas d'échelle, il faudrait
apprendre à grimper aux arbres. Sans hache il faut fortifier le bras
pour rompre les branches et Rousseau conclut : "Laissez à l'homme
civilisé le temps de rassembler toutes ses machines autour de lui,
on ne peut douter qu'il ne surmonte facilement l'homme sauvage ;
mais si vous voulez voir un combat plus inégal encore, mettez-les
nus et désarmés vis-à-vis de l'autre, et vous reconnaîtrez bientôt
quel est l'avantage d'avoir sans cesse toutes ses forces à sa
disposition." En somme, s'il faut en croire Rousseau, si la technique,
bien sûr, nous donne des avantages, elle ne nous fortifie pas, bien
au contraire ! Parce que nous nous fions à elle, nous négligeons de
cultiver nos aptitudes et nous nous affaiblissons au point d'en
devenir dépendants. Privé des avantages que confère la société,
l'homme social se montre alors bien plus faible que celui qui, n'en
ayant pas bénéficié, a dû se débrouiller seul.
On pourrait donc penser que la faiblesse de l'homme est bien une
conséquence de la vie sociale. Cependant, encore faudrait-il pour
admettre cette thèse que l'homme puisse vivre à l'état de nature.
Or, est-ce si sûr ?

En réalité, on voit mal comment l'homme pourrait vivre sans la


société et c'est bien sa faiblesse qui l'oblige à l'existence sociale.
:
L'homme est d'abord immature à la naissance et cette immaturité
dure longtemps. Il a besoin de ses parents et ce besoin est un lien
de dépendance. Cette forme de société qu'est la famille est liée au
dénuement de l'enfant. Pour la plupart des animaux la famille est
inutile car, très rapidement, les petits sont capables de se
débrouiller seuls.
D'autre part, l'homme n'a pas d'instinct. L'animal "sait"
naturellement ce qu'il a à faire pour survivre. Il n'a donc nullement
besoin (ou assez peu) d'apprentissage. L'homme, au contraire, doit
tout apprendre et, du reste, cet apprentissage est un processus
indéfini. Même le vieillard peut encore apprendre. Or l'éducation
nécessite les autres et donc l'existence sociale.
Si l'animal est spontanément adapté à son milieu, il n'en est pas de
même pour l'homme. Il doit s'adapter. La technique (elle aussi
d'essence sociale) est nécessaire pour suppléer aussi bien à notre
manque d'instinct qu'à notre absence d'instruments naturels.
Ainsi, c'est bien une faiblesse constitutive de l'homme (immaturité à
la naissance, absence d'instinct et d'instrument naturel) qui a rendu
l'existence sociale nécessaire, au point d'ailleurs que l'humanité n'a
jamais vécu à l'état de nature. Dès la préhistoire nos ancêtres furent
des êtres sociaux car c'était la condition de leur survie.

Hume a raison de considérer que la faiblesse de l'homme est la


cause de l'organisation sociale. Mais il faut souligner que cette
faiblesse n'est faiblesse que d'un certain point de vue. L'absence
d'instinct, c'est aussi la possibilité de la raison et de la liberté,
l'absence d'instruments naturels, c'est aussi la possibilité
d'inventer. L'homme a quelque chose que l'animal n'a pas : ce qu'il
est, il le doit à lui-même. Kant dira que la nature nous a en fait
privilégiés : seul un être sans instinct pouvait être libre et digne.
:
Nous pouvons nous attribuer le mérite de ce que nous avons
accompli, assumer aussi la responsabilité de nos fautes. Bref, nous
avons le privilège d'accéder à la morale, inaccessible aux autres
espèces.

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