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La poste aérienne
de l'Aéronautique militaire à l'Aviation
commerciale
1917/1919
En juillet 1912 a lieu la première tentative de liaison postale par aéroplane jamais
réalisée en France. Trois sacs de courrier civil (probablement de circonstance) surtaxé à
vingt-cinq centimes sont transportés entre Nancy et Lunéville par des moyens militaires,
avec l'autorisation du sous-secrétariat d'État aux postes. Si, de l'avis de ses promoteurs, la
démonstration est une réussite, elle l'est moins sur le plan strictement postal, les
correspondances initialement oblitérées le 28 juillet à Nancy n'étant remises à la poste de
Lunéville que trois jours plus tard, pour cause de mauvaises contitions météorologiques. La
tentative suivante, réalisée sous l'égide du ministère du commerce et des postes, vise à
mettre Paris en correspondance accélérée avec un paquebot partant pour les Antilles. Elle a
lieu en octobre 1913 entre Villacoublay et Pauillac, toujours avec des moyens militaires, et
ce fut a priori un succès. On peut en lire la relation détaillée dans le numéro 353 des
Feuilles Marcophiles du mois de juin 2013. Ces premiers essais de poste aérienne restent
cependant sans suite, les projets en cours étant interrompus par la déclaration de guerre
d'août 1914.
Nancy, 28 juillet 1912, pour Lunéville, 31 juillet 1912, par voie aérienne.
* Le sous-secrétariat à l'aéronautique militaire a été créé le 20 mars 1917, par transformation de la Direction
de l'Aéronautique. Il a englobé l'aéronautique maritime le 17 août 1917. Il est dirigé par le député J.-
L. Dumesnil depuis le 13 septembre 1917 (Archives de l'aéronautique militaire de la 1è G. M., S.H.D.)
En mars 1918, deux lignes aériennes postales sont créées à titre d'essai sous l'égide de la
Commission de l'Aéronautique civile, et il est prévu qu'elles soient opérationnelles dès le
début de juin. Le premier projet, qui reprend une idée d'avant-guerre, consiste à établir une
liaison entre Paris et Nice, via Lyon et Marseille, avec une possible dérivation vers la
Corse. Le second, à l'étude depuis l'année précédente, vise à relier Paris et Saint-Nazaire,
siège d'une importante base américaine. Ces deux projets amènent la Commission à prévoir
la création d'emplois civils en plus de l'utilisation des personnels militaires *, l'entretien
d'avions, de moteurs, d'automobiles, de hangars, l'achat d'essence et d'huiles, sans oublier
l'organisation du transport des dépêches entre les bureaux de poste et les aérogares. Tout
ceci a un coût, estimé à plus d'un million-quatre-cent-mille francs pour l'année. Une
première demande de crédits de cent-dix-sept-mille francs, à prendre sur le budget de 1918
et couvrant les besoins des projets de transports postaux par avion jusqu'au 30 juin, est
présentée aux députés et sénateurs par le ministère du commerce. Accompagnée d'un
exposé des motifs qui envisage l'instauration de surtaxes postales pour couvrir une partie
des frais du transport aérien, elle est acceptée à l'unanimité par la Commission du budget
(Sénat, 27 juin 1918). Au total, la dotation budgétaire pour les transports postaux par avions
(personnels, matériels et dépenses diverses) s'élève à huit-cent-dix-huit-mille francs pour
l'année 1918 (Chambre, 12 février 1919).
* Six civils (commis, téléphonistes, dactylographe) figurent au budget de 1919, pour cent-vingt militaires
(aviateurs et mécaniciens).
Entre-temps, quelques vols d'essais sont menés par les aviateurs militaires entre
Vincennes et Lyon tout d'abord, puis entre Paris et Marseille. D'autres vols sont effectués,
toujours par les militaires, sur Paris-Londres au printemps de 1918. Dotée de ses premiers
moyens financiers, et ayant attendu l'arrivée de la belle saison, compte-tenu du fait que
l'aviation reste encore très tributaire des conditions atmosphériques, la Commission de
l'Aéronautique peut enfin mettre ses propres projets à exécution.
* Cette idée, à l'époque, n'est pas forcément juste, un bimoteur, plus lourd et moins maniable, ne tenant pas
mieux l'air sur un seul moteur qu'un monomoteur en panne.
Un hydravion Borel-Odier bimoteur de 440 ch.
L'hydravion bimoteur n'ayant été reçu à Nice qu'au mois d'août, la première liaison
postale officielle a lieu le 15 septembre 1918, et ce n'est pas un franc succès. La fiabilité du
bimoteur laissant quelques doutes aux marins, ils préfèrent le faire escorter par un
monomoteur. Au bout du compte, les deux appareils, en panne, regagnent leur base sans
avoir pu gagner la Corse, dont l'un en remorquage derrière une vedette de la Marine (Le
collectionneur de timbres-poste n°449, octobre 1918). Le lendemain, une seconde tentative,
bien que passablement laborieuse, est tout de même couronnée de succès (Le Rappel,
17 septembre 1918). Au moins trois autres voyages postaux ont lieu jusqu'à la fin de
septembre (P. Saulgrain, 100 ans de poste aérienne en France, Roumet), mais la perte du
bimoteur, disparu en mer avec son équipage début novembre, mettra fin à l'expérience peu
avant l'Armistice.
Le Rappel, 17/09/1918
De Calvi le 22/09/1918 pour Marseille, routage demandé par avion, pas de date d'arrivée
A la fin du mois de mars 1919, les infrastructures de la ligne Paris-Nice sont achevées
dans les régions méridionales, et une liaison aérienne postale d'essai peut être mise en place
entre Avignon et Nice, à l'aide de Bréguet-14 militaires (Le Matin, 23 mars 1919). Loin
d'être antagonistes, les moyens de transport ferroviaire et aérien sont logiquement appelés à
se compléter, particulièrement dans le sud où le réseau a été épargné par la guerre. C'est
ainsi que la ligne aérienne Paris-Nice, encore beaucoup trop longue pour être exploitée
entièrement par avion, compte-tenu des moyens de l'époque, va largement s'appuyer sur la
voie ferrée du P.L.M. Les sacs de dépêches venant de Paris et Lyon sont déposés le matin à
Avignon par le rapide de nuit, et un avion de la base d'Istres les livre à Nice pour la
distribution de midi. Au retour, les dépêches de Nice arrivent à Avignon à temps pour
prendre le rapide du soir vers Paris. Le mois suivant, un essai est réalisé entre Tarascon et
Nice (Ouest-Eclair, 2 avril 1919), sans doute pour ajuster le trajet aérien aux points
d'échange des dépêches ferroviaires. Trois semaines plus tard, Jules Védrines se tue au-
dessus de la Drôme lors d'une tentative de liaison directe Paris-Rome par le Mont-Blanc, à
bord d'un bombardier biplace Caudron-C23 transportant des dépêches postales.
* Ses biographes (Massimi, Daurat) rapportent que Latécoère a déposé entre les mains du sous-secrétaire
d'État l'ensemble du projet de la ligne aéromaritime allant jusqu'à Buenos-Aires ; il semble cependant délicat
de l'affirmer, en l'absence du texte original. Le 25 décembre 1918, passager d'un biplace Salmson assemblé
dans ses propres usines, P.-G. Latécoère effectue le premier vol d'essai de sa ligne entre Toulouse et
Barcelone.
Mais celà n'empêche pas les militaires de mettre des lignes postales en place sur leur
propre budget. C'est ainsi que vont fonctionner, au début de 1919, plusieurs liaisons reliant
Paris aux régions du nord, de l'est et du sud-ouest.
En janvier 1919, pour remédier à la lenteur des correspondances avec les services
d'Alsace et de Lorraine, la Direction de l'Aéronautique organise une ligne postale purement
militaire entre Paris et Metz, Strasbourg et Colmar (Le collectionneur de timbres-poste,
janvier 1919). Une escadrille postale n° 472 est semble-t-il attachée à cette ligne, bien que
d'autres unités y aient aussi transporté du courrier. Un rapport d'accident d'avion postal
survenu dans la région de Saint-Dizier en avril 1918 concerne par exemple un équipage de
l'escadrille 218. Lorsque la liaison n'est pas possible par avion, les aviateurs tranportent le
courrier en automobile (La Croix, 10 juin 1919). En avril, une liaison aérienne quotidienne
locale s'ouvre entre Nancy et le bassin lorrain (Le Matin, 2 avril 1919).
Toujours en janvier 1919, les régions du nord de la France sont isolées du reste du
territoire, du fait du mauvais état des voies de communication terrestres. Pour faire face à la
pénurie de produits de première nécessité, les avions et les équipages de la Douzième
Escadre de bombardement sont mis à la disposition du Service de l'Aéronautique civile. A
partir du 21 janvier 1919, des Bréguet-14 dépourvus de leurs équipements militaires
transportent, entre autres, du lait condensé, des médicaments, des vêtements, du courrier et
des télégrammes vers Lille, Valenciennes, Maubeuge, Sedan et retour (L'Aéronautique, juin
1919). Les avions militaires effectuent également la liaison postale entre Paris et Bruxelles
(La Croix, 22 janvier 1919), où se tient la Conférence de la Paix, ouverte au début de
l'année 1919.
Un Bréguet-14 de reconnaissance photographique utilisé pour le service postal (L'Aéronautique).
Le 15 avril 1919, les Petites Affiches publient l'acte de naissance de la première
entreprise de navigation aérienne française constituée après-guerre *, la Compagnie des
Messageries Aériennes, administrée par MM. Bréguet, Blériot et Caudron (Le Temps,
15 avril 1919). A partir du début de mai, prenant la suite des escadrilles militaires, cette
compagnie effectue un voyage quotidien entre Paris et Lille et retour, utilisant des avions
Bréguet-14 et des pilotes démobilisés, et transporte le courrier avec une très grande
régularité, tout en bénéficiant d'une subvention du ministère de la Guerre.
* L'affirmation selon laquelle des Lignes aériennes Latécoère auraient été enregistrées à la préfecture de
Toulouse le 19 novembre 1918 n'est pas fondée.
Dans le but d'établir le prix de revient d'exploitation applicable aux futures entreprises
privées de transport aérien, le Service de l'Aéronautique civile met en place en mars 1919
une liaison commerciale officielle et permanente (Le Petit Journal, 23 mars 1919) entre
Paris et Bordeaux. Partant de l'aérogare du Bourget et de celle de Mérignac-Beaudésert, des
appareils Bréguet-14 du groupe d'aviation n° 134 (escadrilles 56 et 226) doivent se
rejoindre à Châteauroux (La Martinerie), pour y échanger passagers (un seul par avion, dans
un premier temps, le Bréguet n'étant que biplace) et courrier non surtaxé. La liaison entre
les deux métropoles s'effectue, en théorie, en moins de quatre heures. Des points de secours
et de téléphonie sont installés sur le parcours, en cas d'urgence, et il est prévu un service
d'automobiles en cas d'avarie éventuelle sur l'avion. Une dérivation est envisagée, à terme,
depuis Châteauroux en direction de Lyon.