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Octobre 2006

49

Les facteurs et les perceptions


qui inluent sur la mise en oeuvre
de la Politique européenne de
voisinage dans certains pays
partenaires du sud de la Méditerranée
Sabiha Senyücel Sigrid Faath
Sanem Güner Hanspeter Mattes
Remerciements

Cette étude a été conduite par la Turkish Economic and Social Sciences Foundation (TESEV), Istanbul, en coopération avec
le German Institute of Global and Area Studies (GIGA), Hambourg. Sahiba Senyücel et Sanem Güner sont responsables du
programme de politique étrangère du TESEV, Dr. Sigrid Faath est coordinateur scientiique du projet de recherche GIGA
intitulé : « Stratégies de stabilisation des partenaires euro-méditerranéens d’Afrique du Nord et du Moyen Orient : les
exigences internes, régionales et internationales » , et Dr. Hanspeter Mates est sous-directeur du GIGA.

Ce rapport, élaboré avec le soutien inancier de la Commission européenne sous le contrat MED-2005/109-063, n’engage que ses auteurs et ne relète en
aucun cas l’opinion oficielle de la Commission.
Table des matières

Résumé 4

I. Pourquoi l’U.E. doit-elle s’intéresser à ses voisins ? 6

1.1 Remarques préliminaires 6

1.2 Les déis et opportunités à venir 7

1.3 La P.E.V. comparée aux initiatives précédentes 8

1.4 Élaborer à partir de l’expérience acquise et changer d’approche 10

II. Facteurs et perceptions qui inluent sur les objectifs de la P.E.V.

dans les pays d’Afrique du Nord et du Machreq : analyses choisies par pays 13

2.1 Contexte général et paramètres inluents 13

2.2 Les plans d’action et l’analyse par pays 14

2.2.1 Maroc 16

2.2.2 Tunisie 19

2.2.3 Jordanie 21

2.2.4 Autorité palestinienne, Égypte, Liban, Algérie 23

2.3 La P.E.V. perçue par les États partenaires d’Afrique du Nord et du Machreq 26

III.Conclusions et Recommendations 28

3.1 Conclusions 28

3.2 Recommendations 29

Bibliographie 31

Contact des auteurs 33


49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

Résumé L’Union européenne se trouve aujourd’hui, plus particulièrement depuis l’élargissement


de 2004, dans une situation assez complexe où elle se doit de répondre aux attentes de
ses citoyens en matière d’affaires intérieures tout en menant une politique extérieure,
complète et cohérente, capable de réguler ses relations avec ses voisins.

Dans le passé, le processus d’élargissement était l’un des instruments les plus puissants de
l’Union pour promouvoir la paix, la prospérité et la stabilité dans son voisinage immédiat :
les pays du Sud, comme l’Espagne et le Portugal, et les ex-pays soviétiques de l’Europe
de l’Est ont ainsi été pleinement intégrés dans la zone de paix et de prospérité de l’Union.
Il se trouve que le manque de capacité institutionnelle, de volonté politique et de soutien
politique ne laissent pas augurer de futurs élargissements de grande envergure.

Bien que le projet de Constitution et le document d’orientation sur la stratégie de sécurité


soulignent, tous deux, la volonté et la détermination de l’Union de renforcer son rôle
actif sur la scène internationale, nombre de citoyens européens s’inquiètent bien plus
des questions de sécurité intérieure, d’approvisionnement en énergie, d’immigration
et d’emploi, que de la capacité de l’Union à promouvoir la paix, la stabilité et à créer la
prospérité dans son pourtour immédiat. Nombreux sont ceux qui savent, pourtant, que
l’inclusion, contrairement à l’exclusion, sera mieux en mesure d’aider l’U.E. à lutter contre
les menaces changeantes du 21ème siècle ; ces pays membres étant impliqués dans la
stratégie de sécurité, l’Union ne peut tout simplement pas se permettre de fermer ses
frontières.

La Politique européenne de voisinage (P.E.V.), lancée par la Commission européenne


en mars 2003, a été conçue pour faire face au voisinage élargi de l’U.E. et répondre au
dilemme de l’inclusion/exclusion, conformément aux attentes des citoyens. En d’autres
termes, cette nouvelle politique a été lancée pour relever deux déis de politique étrangère
: le blues de l’élargissement et la gestion des frontières extérieures. Avec l’adoption, en
2005, des plans d’actions par la Tunisie, le Maroc, la Jordanie, l’Autorité palestinienne et
Israël, la P.E.V. est passée à une autre étape de concrétisation.

La P.E.V. a été précédée par un certain nombre d’initiatives lancées par l’U.E. pour traiter et
mettre de l’ordre dans ses relations avec ses voisins de la Méditerranée, la plus importante
desquelles étant le partenariat euro-méditerranéen (P.E.M.). Ce dernier, également appelé
processus de Barcelone a été lancé en 1995 et s’est soldé par un échec causé par plusieurs
facteurs d’ordre économique et politique. Bien que les ministres des affaires étrangères
des États partenaires euro-méditerranéens aient déclaré l’année 2005 “année de la
Méditerranée”, les lendemains heureux du processus de Barcelone semblent compromis.

En ce qui concerne la dimension méditerranéenne du P.E.M., ce dernier pourrait être


considéré comme une démarche pragmatique destinée à relancer les objectifs plombés du
processus de Barcelone. Il apparaît toutefois évident que la nouvelle politique de voisinage
est porteuse, elle aussi, de ses propres déis internes et externes, notamment l’imprécision
et la supericialité des plans d’actions, l’insufisance et l’ambiguïté des mesures incitatives
proposées et l’insistance sur les intérêts et les déis plutôt que sur les valeurs partagées et
les avantages réciproques.

Les chances du P.E.M. de permettre une amélioration quantitative et qualitative du


partenariat euro-méditerranéen dépendront, en grande partie, de la situation politique
à laquelle seront confrontés les leaders des pays partenaires européens, au sein et en
dehors des pays du Sud de la Méditerranée. Elles dépendront aussi d’autres éléments tels
que les conlits en cours dans les pays du Machreq et les facteurs structurels, économiques
et sociétaux de chacun de ces pays.

Un examen plus approfondi des plans d’actions destinés au Maroc, à la Tunisie et à la


Jordanie indique que le P.E.M. met davantage l’accent sur les réformes économiques et
sur la collaboration que sur la coopération politique et de sécurité. De fait, la véritable
coopération en matière de sécurité repose sur les mesures positives et impartiales prises
par l’U.E. en vue de résoudre le conlit des pays du Machreq et de réafirmer sa position à
l’égard de la capacité nucléaire d’Israël. Bien que les principales inquiétudes de ces quatre
pays soient la sécurité et la stabilité internes et qu’ils s’intéressent surtout à l’agenda
des réformes économiques de la P.E.V., leurs perceptions, leurs attentes et la réalisation
anticipée des objectifs de la P.E.V. diffèrent d’un pays à l’autre.

Dans le cas du Maroc, les dirigeants considèrent la P.E.V. comme une opportunité de
collaboration sur la migration illégale et de lutte contre le terrorisme et comme un moyen
4 d’accéder au marché de l’Union européenne. Le pays procède ainsi à la mise en œuvre des
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réformes, même si c’est sur le long terme. La Tunisie, en revanche, se montre plus frileuse
dans les réformes de son système politique car elle anticipe des risques de troubles et
d’instabilité après la mise en place de la zone de libre-échange, en 2010. Elle a cependant
hâte d’accroître la coopération économique et encourage l’investissement venant de
l’Union. Pour la Jordanie, la réalisation de réformes sociales et le développement progressif
d’un système moderne de partis politiques est partiellement tributaire des avancées du
conlit israélo-palestinien. Il ressort des entretiens réalisés que le maintien de la stabilité
est jugé tout aussi essentiel en Jordanie qu’au Liban.

Le cas de l’Autorité palestinienne se distingue quelque peu en ceci qu’il ne s’agit pas d’un
État souverain et que l’Union reste hésitante sur la façon d’aborder les réalités politiques
actuelles. Tant que le gouvernement en place s’oppose à l’existence d’Israël et que l’on
ignore si le Hamas reconnaît le caractère contraignant des plans d’action, la P.E.V. ne peut
pas réellement être mise en œuvre dans aucun de ces camps.

En somme, dans les pays où les plans d’actions ont été lancés, la coopération avec l’Union
dans le cadre de la P.E.V. est accueillie plutôt positivement, dès lors que les intérêts
nationaux sont reconnus, que la stabilité et la sécurité sont en tête de liste de la coopération
et que les avantages économiques sont conséquents. En Égypte et en Algérie, dont les
plans d’actions devraient être achevés dans le courant de l’année prochaine, en revanche,
la pression extérieure en faveur de la démocratisation est rejetée en bloc.

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I. La plus récente vague d’élargissement de l’Union européenne, en mai 2004, a été


historique, tant par son ampleur que par sa portée, en rapprochant ses frontières de zones
Pourquoi l’U.E. potentiellement instables. À son tour, l’Union à 25 va prochainement accueillir la Roumanie
et la Bulgarie et repousser encore plus les frontières de l’Union. Elle ne devra donc pas
doit-elle seulement s’inquiéter de questions d’ordre intérieur mais développer également une
politique extérieure cohérente et complète.
s’intéresser à ses
Le processus d’élargissement de l’U.E. s’est avéré être l’un des outils les plus eficaces
voisins ? pour promouvoir la paix, la prospérité et la stabilité dans son voisinage immédiat. Les
pays du Sud que sont l’Espagne et le Portugal et, plus récemment, les ex-pays du bloc
soviétique d’Europe de l’Est, ont adhéré de plein droit à cette zone de paix et de prospérité
1.1 qu’est l’Union. Il semble, toutefois, qu’un élargissement au-delà des voisins proches soit
une perspective peu vraisemblable ; l’U.E. et les États membres ont souligné que celle-ci
Remarques préliminaires ne pouvait pas s’étendre à l’inini.

De fait, les récents référendums sur la Constitution européenne relètent clairement le


mécontentement de bon nombre de citoyens à l’égard de l’Union. En réalité, nombreux
sont les citoyens et les commentateurs qui se demandent si l’U.E. est dotée d’une capacité
institutionnelle sufisante. Bien que d’autres élargissements, au-delà de la Bulgarie et de
la Roumanie, soient encore envisageables, ils restent peu probables dans un avenir proche
ou moyen. La question clé est donc de savoir comment l’U.E. va-t-elle pouvoir promouvoir
ses principes fondateurs sans devoir constamment s’élargir.

De façon générale, les profondes mutations du contexte international compliquent


également le dilemme qui se pose à l’Union. Le futur de l’Irak et l’éventualité d’une crise
avec l’Iran ainsi que les conlits entre États et ceux concernant la sécurité énergétique,
exigent, d’une façon ou d’une autre, un engagement de la part de l’Union. Jusqu’à présent,
la stratégie de l’U.E. pour encourager la poursuite des réformes s’est largement soldée
par un échec. Si elle n’envisage pas l’adhésion des pays de la Méditerranée et des pays
du Machreq, elle va devoir trouver un biais eficace pour soutenir les réformes, tout en
proposant aux pays partenaires des contreparties sufisamment intéressantes pour
encourager une coopération plus étroite dans divers domaines.

La Politique européenne de voisinage (P.E.V.), lancée par la Commission européenne en


mars 2003, a été présentée comme une solution. La Commission l’a soumise comme « un
nouveau cadre de relations avec nos voisins de l’Est et du Sud.»1 La méthode proposée
consiste à déinir, avec les pays partenaires, un ensemble de priorités qui igureront dans
les plans d’actions conjointement décidés et couvriront un certain nombre de domaines
essentiels à toute action ciblée. L’objectif est de partager les avantages de l’élargissement
de l’U.E. avec les pays voisins et d’éviter l’émergence de nouvelles lignes de division entre
l’Union européenne élargie et ses voisins.2 Aussi, la P.E.V. a-t-elle été lancée comme le
nouvel instrument de politique étrangère de l’Union. Sur le papier, elle assume des objectifs
ambitieux, surtout en matière de sécurité, d’énergie et de stabilité.

Cette étude tachera de proposer un aperçu de la P.E.V. et d’évaluer les perspectives futures
de la nouvelle politique pour les pays partenaires du Sud. Le propos de cette étude est
essentiellement de s’interroger sur les possibilités de la P.E.V. de se distinguer, aux yeux
des partenaires méridionaux, des initiatives et mécanismes qui l’ont précédée. Il ne s’agit
nullement de nier l’importance d’une analyse consacrée aux pays de l’Est, eux aussi
partenaires de la P.E.V., mais ceux-ci devraient faire l’objet d’une étude à part entière. En
nous limitant aux objectifs de cette analyse, ce qui en limite nécessairement la portée,
nous avons jugé utile d’insister sur les études de cas. Aussi, avons-nous choisi trois pays
arabes qui ont signé et adopté les plans d’actions en 2005 : le Maroc, la Tunisie et la
Jordanie. L’Autorité palestinienne et Israël, qui ont, tous deux, ratiié les plans d’actions en
2005, sont des cas à part. Un chapitre de synthèse traitera du cas de l’Égypte et du Liban,
avec lesquels les pourparlers sont déjà en cours, de l’Algérie qui a également rejoint cette
initiative, et de l’Autorité palestinienne.

L’analyse entend évaluer les chances de la P.E.V. d’atteindre ses objectifs, en particulier ceux
d’ordre normatif, déinis dans les plans d’action. Les États choisis ne sont pas seulement
les seuls États arabes souverains dans le voisinage méridional de l’U.E. ayant adopté les
plans d’action en 2005, ce sont aussi ceux qui entretiennent des liens particulièrement
étroits avec l’Union. Si la mise en œuvre des objectifs de réforme de la PEV3 exigent à la
1 Document de stratégie de la politique européenne de fois, la volonté des gouvernements de procéder à ces réformes et d’accepter la majorité
voisinage. Communication de la Commission. Bruxelles,
12.05.2004. des sociétés, il est tout aussi important d’analyser la façon dont l’agenda des réformes de
2 Ibid.
3 Cela concerne surtout les objectifs normatifs tels que, la P.E.V. est perçu dans chacun de ces pays. Pour des raisons inancières et de manque de
6 par exemple, la démocratisation, la bonne gestion des
affaires publiques et l’État de droit.
temps, il n’a pas été possible de réaliser une prospection de terrain pour les petites études
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présentées ici. D’autres travaux, réalisés dans le cadre d’études semblables et menées en
2004 et en 2005 par l’Institut allemand des études sur le Moyen Orient de Hambourg4,
ont permis, néanmoins, aux chercheurs de mener leur analyse en suivant les orientations
indiquées précédemment. Ces études reposent sur une recherche effectuée sur le terrain et
sur les nombreux entretiens à ce sujet menés auprès des représentants des gouvernements,
du secteur privé et de la société civile5. Elles portent sur la question de l’acceptation des
concepts étrangers de réforme, des normes « occidentales » et des demandes de réforme,
d’une coopération renforcée avec l’U.E., de la perception des politiques européennes et
américaines et de leurs propositions de coopération.

La première partie de cette étude s’interrogera sur le pourquoi d’un instrument de politique
étrangère, nécessaire à l’Union. Nous verrons que l’U.E. doit s’équiper d’une véritable
politique étrangère à l’égard de ses voisins ain de renforcer sa position sur la scène
internationale et en même temps, d’élargir son cordon de sécurité. La P.E.V., proposée pour
combler ce vide, sera abordée dans le chapitre suivant. Le cœur de cette étude se penchera
donc en particulier sur les facteurs qui inluent sur les objectifs de la P.E.V. ainsi que sur la
perception de la P.E.V. dans les trois pays en question. La dernière partie sera consacrée
aux conclusions et aux recommandations à l’intention de l’Union européenne.

Le système international a subi des transformations radicales au 21ème siècle qui modiient 1.2
les perspectives stratégiques de l’Europe et celles du reste du monde. Dans ce système,
l’Union européenne, désireuse de devenir un acteur international, se cherche un nouveau Les déis
rôle. Elle occupe une position qui lui permet d’étendre ses capacités ain de répondre aux et opportunités à venir
tous nouveaux déis. Les ambitions de l’Union sont amplement exposées dans de nombreux
documents, qui ne sont pas encore sufisamment appliqués pour plusieurs raisons telles
que les divergences d’intérêts entre les États membres, la mauvaise volonté des États
membres et le manque de ressources.

Par ailleurs, l’U.E. est parfaitement consciente qu’elle ne peut se permettre de résister plus
longtemps et qu’elle va devoir développer une politique étrangère cohérente et eficace.
De fait, la politique étrangère est au cœur de la Constitution européenne. Les articles 1 à
3 qui déinissent les objectifs de l’U.E. déclarent que « L’Union a pour but de promouvoir
la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au
développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples,
au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits
de l’homme… »6

Même si la constitution n’est pas entrée en vigueur, certains de ces objectifs de politique
étrangère seront mis en œuvre séparément. La stratégie européenne de sécurité (S.E.S.),
conçue en 2003, déinit dans les mêmes termes le rôle de l’U.E. dans le monde et ses
intérêts géostratégiques. Elle déclare : « L’Union européenne doit être prête à partager la
responsabilité de la sécurité dans le monde [et conclu que] l’Union dispose d’un potentiel
qui lui permettra de contribuer de manière importante, aussi bien à faire face aux menaces
qu’à tirer parti des possibilités qui se présenteront. Une U.E. dynamique et dotée de
capacités sufisantes aurait un poids sur la scène mondiale. »6
4 Certains résultats ont déjà été publiés. Cf. Les études
Le document sur la stratégie de sécurité établit également la liste des menaces du 21ème suivantes (toutes sous la direction de Sigrid Faath) :
Politische und gesellschaftliche Debatten in Nordafrika,
siècle comme suit7 : armes de destruction massive, États déliquescents, États voyous, Nah- und Mittelost. Inhalte, Träger, Perspektiven (Débats
politiques et sociaux en Afrique du Nord, dans le Proche
conlits régionaux et guerres civiles, instabilité politique et terrorisme. Ces menaces ont et le Moyen-Orient. Contenus, sponsors, perspecyives),
des incidences sur l’U.E. à trois niveaux : mondial, régional et des États membres.8 Hambourg 2004 ; Demokratisierung durch externen
Druck? Perspektiven politischen Wandels in Nordafrika/
Nahost (La démocratisation grâce à la pression extérieure
? Les perspectives de transformation politique en Afrique
Au niveau mondial, bien que l’origine de ces menaces puisse paraître distante du territoire diu Nord/pays du Machreq), Hambourg, 2005 ; Politik
und Gesellschaft in Nordafrika, Nah- und Mittelost
de l’Union, il s’agit d’une menace pour le monde entier. Aussi, l’U.E. devrait-elle disposer zwischen Reform und Konlikt. Entwicklungstendenzen
bis 2010 (Politique et société en Afrique du Nord, Le
d’une politique cohérente et d’un instrument eficace pour faire face à ces déis et pour agir Proche et le Moyen-Orient entre réforme et conlit.
sur la scène internationale ain de pouvoir assumer pleinement sa responsabilité à l’égard Tendances de développement d’ici 2010), Hambourg
2006 ; Anti-américanisme dans le monde islamique
de la promotion de la paix et de la stabilité, en d’autres termes, de ses propres valeurs. (Hurst & Company, Londres 2006). Au chapitre II sur les
pays individuels, les données bibliographiques ne sont
pas toujours fournies, sauf dans le cas des citations.
5 Les entretiens auprès des ambassadeurs menées
La nature des mouvements internationaux prive l’Union de la possibilité de fermer ses en mai et juin 2006, portant sur certaines questions
spéciiques, ont permis de développer les positions
frontières, même si elle reconnaît que cela serait proitable à la sécurité telle qu’elle est oficielles compilées dans les études de 2004-
perçue. La nature de cet environnement de plus en plus mondial suggère que les approches 2005 auprès des départements responsables de la
coopération avec l’Union au sein des ministères des
traditionnelles aux relations internationales peuvent ne pas déboucher sur les résultats affaires étrangères.
6 “Une Europe sûre dans un monde meilleur”, Stratégie
escomptés. Elle risque de devoir s’incliner devant les préférences d’autres acteurs présents européenne de sécurité, Bruxelles, 12 décembre 2003.
http://ue.eu.int/uedocs/cmsUpload/78367.pdf
sur la scène internationale, si elle ne parvient pas à déinir et à poursuivre les siennes. Ce 7 Ibid.
8 Cf. Gunilla Herolf et Udo Diedrichs (2005), “The ESDP
n’est pas avec la rivalité négative, en critiquant la façon dont les États-Unis défendent la – The Challenges Ahead”. Document-débat présenté
démocratie, que l’Union parviendra à se faire valoir. à la session panel de la réunion plénière du FORNET à
Bruxelles, 22-23 avril 2005.
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Au niveau régional, les menaces potentielles soulignées par la S.E.S. sont d’autant plus
importantes pour l’Union que certaines surgissent directement dans son voisinage
immédiat. L’Union, en particulier après la dernière vague d’élargissement, se trouve
cerclée de voisins les plus disparates comprenant aussi bien les Balkans et le Sud de la
Méditerranée que le Caucase et le Moyen-Orient. Or, avec l’adhésion de la Bulgarie et de
la Roumanie, puis prochainement peut-être celle de la Turquie, les frontières de l’U.E. se
trouveront repoussées une fois encore.

Ces régions qui s’inscrivent dans ce que l’on appelle la “nouvelle géographie stratégique”
recèlent aussi des menaces éventuelles. Bon nombre de ces zones sont des foyers
d’instabilité régionale en dépit des ressources naturelles dont elles foisonnent et des
réserves énergétiques très importantes dont elles disposent. Il convient donc d’entretenir
de bonnes relations avec ces voisins. L’un des moyens d’éviter à l’Union d’ouvrir grand
la porte aux conlits et à l’instabilité de ces voisins, est d’étendre sa zone de paix et de
prospérité à ces régions. Dans ces circonstances, l’U.E. aurait, auparavant, favorisé la paix
et la stabilité grâce à l’élargissement mais aujourd’hui, il est évident qu’elle doit se doter
de stratégies différentes face à un voisinage aussi hétéroclite. Ainsi, l’une des questions
clés est de savoir comment l’Union doit-elle utiliser le pouvoir fondé sur la persuasion (soft
power) pour enclencher des réformes susceptibles de fomenter un environnement plus
sûr. En tant que telle, la politique de voisinage a précisément été présentée comme un
instrument de réponse à ces questions dans une phase de post-élargissement.

L’U.E. se doit de satisfaire les demandes et les attentes des citoyens de ses États membres, qui
peuvent porter sur des questions de sécurité, d’énergie, d’offre énergétique, d’immigration
et d’emploi. Nombreux sont les citoyens européens qui partagent les inquiétudes du
président Mitterrand : « le plus grand danger d’un processus d’élargissement en perpétuel
devenir serait que l’adhésion du dernier membre signe la in des avantages qu’ils attendent
de l’Union - la solidarité, le partage de décisions, la prospérité et la sécurité commune. »9
Quelle que soit la position des citoyens européens à l’égard de l’élargissement, leurs
demandes seront, néanmoins, satisfaites, dans une certaine mesure.

Selon Dannreuther, l’Union s’est rendue compte que la mise à jour de ses ambitions sur
la scène internationale est largement tributaire du succès rencontré par ses politiques
régionales.10 De plus, pour satisfaire les attentes immédiates de ses propres citoyens en
matière de sécurité, d’emploi, de migration et d’énergie11, elle doit, là encore, s’intéresser
à son voisinage. Malgré la résistance de certains États membres et institutions de l’Union,
qui pourraient limiter la portée de cette initiative, la Commission a rapidement répondu
aux demandes soulevées, aussi bien par ses propres citoyens que par l’étranger.12 L’U.E.
sait que pour étendre son cordon de sécurité, elle doit se doter d’une politique étrangère,
qui ne soit pas que rhétorique, qui s’intéresse à son voisinage, sous tous ses aspects et de
façon eficace.

Il n’est pas aisé de répondre à cette question cruciale de savoir si la nouvelle politique
de voisinage parviendra à son objectif et à colmater la brèche, économique et politique,
qui existe entre elle et son pourtour. La réussite de cette politique dépend de plusieurs
facteurs et si la plus importante est la volonté d’engagement de chaque partie, il y en
existe d’autres, nationales et internationales, tout aussi primordiales. Pour autant, il s’agit
d’une politique relativement récente qui n’a pas encore porté ses fruits, qui a fait plus
l’objet de critiques que d’éloges. Dans la section suivante, nous examinerons les origines
de la P.E.V. et la comparerons aux initiatives qui l’ont précédée, à savoir le P.E.M., avant de
passer à l’analyse par pays.

1.3 L’Union est confrontée à un dilemme qui pourrait se résumer comme suit : inclusion ou
exclusion.13 L’inclusion est l’essence même de l’Union. L’article 237 du traité de Rome
La P.E.V. comparée aux stipule que tout pays européen peut se porter candidat à l’adhésion à la Communauté
initiatives précédentes économique européenne. Pourtant, cet article peut paraître aussi vague que la nature des
frontières de l’Europe d’aujourd’hui. Si les frontières de l’Europe restent loues, la question
de l’éligibilité à l’adhésion, telle que déinie dans le traité de Rome, devient malaisée.

Récemment, l’U.E. a en effet suivit la voie de l’inclusion en accueillant les pays de l’Europe
de l’Est et de la Méditerranée, en mai 2004, et en laissant la porte ouverte à pas moins de
quatre autres pays, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie et la Turquie.14 Mais, les dissensions
et les dissonances au sein de certains États de l’U.E., concernant la nature et la portée
de l’élargissement, pourraient menacer le caractère inclusif de l’Union. Si l’adhésion
8 reste encore à l’ordre du jour pour quelques voisins orientaux, à l’Est des Balkans, elle ne
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

devrait pas avoir lieu dans un avenir proche. Pour les voisins du Sud de la Méditerranée, en
revanche, toute adhésion, même à moyen terme, n’est pas une option réaliste.

Si l’intérêt qu’elle porte à son voisinage immédiat a pris une importance grandissante
après l’élargissement de 2004, l’U.E. avait déjà pris des mesures dans ce sens, au début
de l’année 2002. Anticipant l’élargissement de 2004, la présidence du Conseil européen
de Copenhague avait conclu que : « L’Union européenne souhaite également accroître ses
relations avec l’Ukraine, la Moldavie, le Belarus et les pays du Sud de la Méditerranée,
en s’attachant à promouvoir, dans le cadre d’une démarche à long terme, des réformes
démocratiques et économiques ainsi qu’un développement et un commerce durables, et
élabore de nouvelles initiatives à cette in. Le Conseil européen se félicite de l’intention de
la Commission et du Secrétaire général/Haut représentant de présenter des propositions
dans ce sens. » 15

En réalité, lorsque le Royaume-uni faisait valoir l’initiative d’Europe élargie, au début 2002,
l’objectif était de s’intéresser au Belarus, à la Moldavie, à la Russie et à l’Ukraine. En dépit
de l’insistance du Royaume-Uni sur les frontières orientales de l’U.E.16, la France a toujours
souligné la dimension méridionale et a défendu, tant l’adhésion des voisins du Sud que
celle des voisins de l’Est.17 Dans le même ordre d’idées, la Suède était également favorable
à l’inclusion de la Russie et des pays du Sud de la Méditerranée.18 L’adhésion des pays 9 William Wallace (2003), “Looking After the
Neighbourhood: Responsibilities for the EU 25”. Policy
méridionaux et orientaux était également défendue par les sceptiques de l’élargissement Paper No. 4. Groupement d’études et de recherches,
car la participation à la P.E.V. était considérée comme une alternative à une adhésion à part Notre Europe.
10 Roland Dannreuther (2006), “Developing the
entière. Alternative to Enlargement: The European Neighbourhood
Policy”, European Foreign Affairs Review 2, p. 183 – 201.
11 Benita Ferrero Waldner (2006), “The European
Neighbourhood Policy: The EU’s Newest Foreign Policy
À la suite de ces événements, la Communication sur l’Europe élargie, publiée par la Instrument”, European Foreign Affairs Review 2, p. 139
– 412.
Commission en mars 2003, rappelait que l’élargissement rapproche les citoyens de l’U.E. 12 Cf. discours de Benita Ferrero-Waldner, commissaire
des citoyens russes, de ceux des NEI de l’Ouest et des pays du Sud de la Méditerranée19, européenne chargée des relations extérieures et de
la politique européenne de voisinage, “La politique
ce qui devait, en retour, accroître l’intérêt de l’Union pour le renforcement des relations européenne de voisinage” à l’Institut suédois des affaires
internationales et représentation de la Commission
avec ses nouveaux voisins. D’ailleurs, la communication incluait la Communauté des européenne en Suède, Stockholm (7 mars 2006).
Discours/ 06/149.
États indépendants20 (programme CIS-TACIS) et les pays méditerranéens du processus de Cf. aussi le discours de Tony Blair, Premier ministre
britannique sur “Le future de l’Europe” à Oxford (9 mars
Barcelone (programme MEDA). L’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie y furent ajoutés, en 2006). www.number10.gov.uk/output/page9003.asp.
juin 2005. La Politique européenne de voisinage (P.E.V.), introduite au titre de nouvelle 13 Karen Smith (2005), “The Outsiders: European
Neighbourhood Policy”, International Affairs 4, p. 757
initiative cadre, vient compléter les initiatives sus-mentionnées sans pour autant les – 773.
14 Ibid. 758. 15 Conclusion de la présidence, Conseil
remplacer. européen de Copenhague, 12-13 décembre 2002. Article
24.
16 Cf. Karen Smith (2005), “The Outsiders: European
Neighbourhood Policy”, International Affairs 4, p. 757
L’élargissement réalisé en 2004 a conduit l’Union à occuper une position plus active sur la – 773.
scène mondiale.21 De plus, alors que l’Union commence à jouer un rôle plus actif à l’échelle 17 Marco Overhaus (2006), “The New Neighbourhood
Policy of the European Union”, Foreign Policy in Dialogue
internationale, les demandes qui en émanent se font aussi plus pressantes.22 L’U.E. s’est 6/19, 27 juillet.
18 Michele Comelli (2004), “The Challenges of the
donc lancée dans cette nouvelle politique de voisinage pour relever deux déis de politique European Neighbourhood Policy”, International
Spectator 3, p. 98-101.
étrangère : le blues de l’élargissement et la gestion des frontières extérieures.23 En d’autres 19 Sud de la Méditerranée : Algérie, Égypte, Israël,
Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Autorité palestinienne,
termes, la P.E.V. a été conçue pour s’attaquer au dilemme inclusion/exclusion de l’Union Syrie, Tunisie. Nouveaux États indépendants de l’Ouest
européenne. (WNIS): Ukraine, Moldavie, Belarus
20 La Russie s’est exclue elle-même de cette initiative ;
elle bénéicie d’un partenariat spécial avec l’Union.
21 Cf. Roland Dannreuther (2006), p. 184. Voir aussi
L’Union ne pouvant pas s’élargir indéiniment, de nouvelles dispositions de coopération Roberto Aliboni (2005), “The Geopolitical Implications of
the European Neighbourhood Policy”, European Foreign
transfrontalière doivent être développées sur un certain nombre de questions. Il s’agit Affairs Review 1.
22 Par exemple, après l’aide de l’UE dans le processus
de la coopération en matière de politique des migrations, de procédures douanières et électoral, l’Ukraine a manifesté son désir de se
de contrôle des frontières pour assurer le mouvement légitime des personnes et des rapprocher de l’Union.
23 Elisabeth Johansson – Nogués (2004), “A Ring of
biens, ainsi que les infrastructures, la gestion eficace des frontières et des transports Friends? The Implications of the Neighbourhood Policy
for the Mediterranean”, Mediterranean Politics 2, p.
interconnectés, l’énergie et les réseaux de télécommunication.24 240-247.
24 COM(2003) 104 inal, op.cit. (note de bas de page 1).
25 “Wider Europe – Neighbourhood” (2003).
26 Quatre priorités : emplois, sécurité, énergie,
Le raisonnement de la P.E.V. est semblable à celui de l’élargissement en ceci qu’il tente immigration. Benita Ferrero – Waldner (2006), p. 139-
d’être inclusif. L’élargissement étant considéré comme le meilleur instrument de politique 142.
27 L’U.E. depend déjà lourdement de ces partenaires de
étrangère de l’U.E. pour promouvoir la paix, la prospérité et la stabilité, la P.E.V. adopte la P.E.V. pour l’énergie : l’UE importe 48% de son pétrole
de la Russie et de l’Afrique du Nord et le pourcentage
la même logique. En tant qu’ancien commissaire chargé des relations extérieures, Chris est bien supérieur pour le gaz naturel, 96%. Voir Roland
Dannreuther (2006), p. 197.
Patten déclarait « … au cours des dix dernières années, l’outil le plus eficace de l’Union en 28 Ibid. 140.
29 http://www.euractiv.com/en/justice/illegal-
matière de politique étrangère a indéniablement été la promesse de l’adhésion à l’Union immigration-asylum-border-control/article-117508
européenne ».25 30 Elles comprennent les conclusions du Conseil
européen de Séville, juin 2002, la Stratégie européenne
de sécurité, mai 2004 et le programme de La Haye,
adopté par le Conseil européen, novembre 2004.
Tout comme dans le cas de ses préoccupations de voisinage, l’U.E. s’est inquiétée 31 “Five Year Work Programme” (2005). 10th
Anniversary Euro-Mediterranean Summit, Barcelone,
de la sécurité de ses frontières bien avant l’élargissement de 2004. De fait, deux des 27-28 novembre. http://ec.europa.eu/comm/external_
relations/euromed/summit1105/ive_years.pdf
quatre premières priorités des citoyens de l’Union sont directement liées à la question 32 Judith Kelley (2006), “New Wine in Old Wineskins:
des frontières, à savoir l’immigration et la sécurité.26 Les deux autres, l’énergie et Promoting Political Reforms through the New European
Neighbourhood Policy”, Journal of Common Market
l’emploi, y sont indirectement liées.27 Comme le note le commissaire Waldner « …la Studies 1, p.29-55.
33 Cf. tableau 1.
P.E.V. est un moyen de répondre aux préoccupations de nos citoyens sur la prospérité, 34 Cf. Sharon Pardo et Lior Zemer (2005), “Towards
a New Euro-Mediterranean Neighbourhood Space”,
la sécurité et la stabilité, pas d’une façon abstraite mais avec des résultats concrets et European Foreign Affairs Review 1, p. 40. Cf. aussi
Rafaella Del Sarto et Tobias Schumacher, “From EMP to
mesurables ».28 ENP: What’s at Stake with the European Neighbourhood
Policy towards the Southern Mediterranean?” (2005),
European Foreign Affairs Review 1, p. 17-38.
9
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

1.1.3. Bien que les politiques nationales et les programmes soient en cours de réalisation, ils ont
La Mobilisation des forces été précédés par une vaste politique européenne d’immigration et d’asile, lancée bien avant,
d’opposition au sommet de Tampere, en 1999.29 Les événements ultérieurs, y compris le 11 septembre
et la lutte contre le terrorisme, ont accéléré les efforts de l’U.E. dans cette direction et
ont conduit à l’adoption de plusieurs conclusions, documents stratégiques et programmes
destinés à renforcer et à coordonner le contrôle aux frontières.30 La P.E.V., quant à elle, a été
élaborée pour apporter une solution aux nombreuses questions, complexes et délicates,
sur les frontières de l’Union européenne, dont plusieurs n’avaient pas trouvé d’issue
heureuse avec le processus de Barcelone.

Aux yeux des partenaires méditerranéens, la P.E.V pourrait être considérée comme un
moyen pragmatique de réactiver les objectifs plombés du processus de Barcelone. En
raison d’un certain nombre de facteurs politiques et économiques, et surtout parce que le
processus de Barcelone ne parvient pas à prendre ses distances par rapport au processus
de paix au Moyen-Orient, il n’alimente aucun espoir de réussite future. Ce qui pourrait
faire igure d’avancée positive est la déclaration du 10ème anniversaire des conclusions du
sommet euro-méditerranéen, selon lesquelles la coopération euro-méditerranéenne devra
être menée conformément aux plans d’action de la P.E.V. et s’appuiera aussi bien sur le
programme MEDA que sur l’instrument européen de partenariat et de voisinage.31

S’il est vrai que la P.E.V. peut parvenir à combler certains vides du processus de Barcelone,
il n’en est pas moins vrai que la nouvelle politique de voisinage est porteuse de ses propres
déis extérieurs et intérieurs. L’analyse qui suit mettra ainsi en exergue les différences entre
le processus de Barcelone et la P.E.V. Ce faisant, elle tachera de souligner les limites de la
nouvelle politique et évaluera quelles pourront être les réelles incidences sur les partenaires
du Sud. La P.E.V. sera analysée comme une « voie dépendante »32 d’élargissement et comme
une politique qui, partant du P.E.M., le dépasse. La première partie mettra en évidence les
divergences d’approche et de méthode entre la P.E.V. et le P.E.M. La deuxième s’intéressera,
d’un point de vue formel, aux questions laissées en suspens par la P.E.V. ou à ses réponses
ambiguës. Ces rélexions théoriques nous conduiront à formuler des hypothèses qui seront
mises au test par les résultats des analyses par pays de la troisième partie.

1.4 Bien que les relations contractuelles de l’Union avec ses voisins méridionaux et de l’Est
remontent à une époque antérieure au lancement de la P.E.V.33, cette politique marque,
Poursuivre à partir de néanmoins, un tournant dans le traitement réservé par l’Union à son pourtour et surtout
l’expérience acquise et à ses voisins de la Méditerranée. Jusqu’à récemment, la P.E.V. était le cadre de régulation
des politiques et de la réalisation des réformes politiques, sociales et économiques dans
changer d’approche les États partenaires de la Méditerranée, dont certains sont devenus le point focal de la
politique européenne de voisinage. Ainsi, plusieurs chercheurs défendent que la P.E.V. a
été lancée « pour renforcer le processus de Barcelone [et] s’attaquer à ses défauts ».34

Tableau 1 : Pays Accord de partenariat Accord d’association Plan d’action


Relations contractuelles de et de coopération

l’Union européenne avec les pays Algérie Signé, avril 2002 Préparation du rapport par pays,
en cours de réalisation
partenaires de la P.E.V.
Arménie En vigueur, juillet 1999 En cours ; achèvement prévu en 2006-2007.
Sources Azerbaïdjan En vigueur, juillet 1999 En cours ; achèvement prévu en 2006-2007.
Site Internet de la Politique européenne de voisinage Belarus Signé, mars 1995 PAS D’ACCORD
: http://ec.europa.eu/world/enp/index_en.htm
Karen E. Smith (2005), “The Outsiders: The Égypte En vigueur, juin 2004 En cours ; achèvement prévu en 2006-2007.
European Neighbourhood Policy” in International Géorgie En vigueur, juillet 1999 En cours ; achèvement prévu en 2006-2007.
Affairs 4, p. 760. Israël En vigueur, juin 2000 Adopté le 11.04.2005
Jordanie En vigueur, mai 2002 Adopté le 11.01.2005
Liban Signé, avril 2002 En cours ; achèvement prévu en 2006-2007.
Libye PAS D’ACCORD
Moldavie En vigueur, juillet 1998 Adopté le 22.02.2005
Maroc En vigueur, mars 2000 Adopté le 27.07.2005
Autorité En vigueur, juillet 1997 Adopté le 04.05.2005
palestinienne (accord provisoire)
Syrie Signé, octobre 2004 PAS D’ACCORD
Tunisie En vigueur, mars 1998 Adopté le 04.07.2005
Ukraine En vigueur, mars 1998 Adopté le 21.02.2005
10
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

La P.E.V. et le P.E.M. sont issus de paramètres différents et divergents quant à leurs


méthodes et leurs approches respectives. Le P.E.M. a été conçu pour accroître le partenariat
avec les pays du Sud de la Méditerranée qui représentent différents types de déis pour
l’U.E. en termes de sécurité, de stabilité et d’économie. La P.E.V., elle, a été inspirée et
réclamée par l’élargissement35. Ces deux politiques partagent, cependant, quelques
points communs en termes d’objectifs généraux concernant les voisins méridionaux de
l’Union. Les principaux objectifs politiques du P.E.M. portent sur la création d’un espace
de dialogue et d’un partenariat pour accroître la sécurité, la stabilité et la prospérité dans
l’environnement immédiat de l’Union, en renforçant la démocratie, le respect des droits
de l’Homme, en aidant à construire des économies durables, en aidant le progrès social
et la lutte contre la pauvreté.36 Dans le même ordre d’idée, le dessein de la P.E.V. est de
partager les avantages de l’élargissement de l’Union avec les pays voisins et d’empêcher
l’émergence de nouvelles divisions entre l’U.E. élargie et ses voisins. Comme l’indique son
site oficiel, la P.E.V. « complète le processus de Barcelone, qui continue d’être un élément
clé des relations de l’U.E. avec les pays méditerranéens. Avec de nombreux objectifs
généraux identiques, la P.E.V. offre des mesures incitatives et des opportunités bilatérales
supplémentaires, répondant ainsi aux efforts réformistes de chaque pays.37

La première différence méthodologique entre la P.E.V. et le P.E.M. réside dans les plans
d’actions développés en coopération avec les pays concernés. Il existe différentes feuilles
de route appliquée à la réforme mais pas d’accords juridiquement contraignants. Ils sont,
en général, composés de six parties qui sont ensuite sous-divisées en plans d’action plus
détaillés. Ainsi :

• la réforme politique

• la réforme économique et sociale

• la réforme du commerce, du marché et de la régulation

• la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures

• le transport, l’énergie, la société de l’information, l’environnement, la science et la


technologie

• le contact entre les communautés.38

Les plans d’action sont ensuite décidés, après que la Commission a rédigé des rapports
individuels par pays. Il s’agit d’évaluations de référence sur les conditions politiques,
sociales et économiques de chaque pays. En théorie, cela représente un avantage car,
plus les plans d’action tiendront compte des besoins et des intérêts spéciiques d’un
pays, plus les feuilles de route seront réalistes. Le rapport par pays constitue également
un point de départ pour les questions prioritaires du plan d’action, à partir duquel est
élaboré l’échéancier des réalisations, en accord avec le gouvernement partenaire. Dans
la pratique, toutefois, les plans d’action ont été jugés supericiels et imprécis. De fait, un
examen approfondi des plans d’action révèle que la formulation manque très souvent de
précision.39

Les critiques de l’approche bilatérale différentiée adoptée par la P.E.V. tiennent à l’abandon
du principe de régionalité, contrairement à l’approche régionale du P.E.M.40 La sécurité
dans le bassin méditerranéen avait été essentiellement traitée selon une approche de
construction de la région dans le cadre du P.E.M., ce qui était considéré comme l’une des
principales forces du processus de Barcelone, surtout au début des années 90, alors que
le processus de paix israélo-palestinien afichait quelques progrès. Avec l’adoption de la
P.E.V., la dimension régionale du P.E.M. a été coninée au commerce intra-régional et à la 35 Judith Kelley (2006), p. 30-31.
coopération sous-régionale, et les avantages collectifs et indivisibles ont été remplacés par 36 Déclaration de Barcelone, http://ec.europa.eu/
comm/external_relations/euromed/bd.htm.
des avantages bilatéraux différentiés.41 37 Politique européenne de voisinage – Documents
Qui y participe?, http://www.ec.europa.eu/world/enp/
partners/index_en.htm
Ce qui distingue également la P.E.V. du P.E.M. est l’attitude à l’égard de la conditionnalité 38 Politique européenne de voisinage – Documents :
Reference Documents, http://www.ec.europa.eu/world/
positive. Ce passage d’une approche punitive à une approche positive et afirmative en enp/documents_en.htm.
39 Cf. section 2.2 pour un examen plus détaillé du
termes de conditionnalité mérite d’être notée. La P.E.V. pose des conditions et des priorités contenu du plan d’action.
40 Cf. eg. Rafaella Del Sarto et Tobias Schumacher
de réforme politique qui permettent d’améliorer les relations avec l’U.E. en échange de leur (2005), p. 17-38. Cf. Roberto Aliboni (2005), p. 1-16 ;
cf. Michele Comelli, “The Approach of the European
mise en œuvre effective. Celles-ci comprennent une part du marché intérieur de l’Union ainsi Neighbourhood Policy (ENP): Distinctive Features and
qu’une participation accrue aux programmes de l’U.E. et aux aides disponibles. Proposer Differences with the Euro-Mediterranean Partnership”.
Document présenté à l’occasion de la conférence IGC
des mesures incitatives en échange de la mise en place de réformes est la stratégie qui a Net : The European Union as an International Actor:
Challenges and Options for the Future. Bruxelles, 17
permis l’adhésion des pays de l’Europe centrale et de l’Est. Mais, il a été souligné à plusieurs novembre 2005.

reprises, qu’en dépit de la « carotte dorée » de l’adhésion, il n’est pas toujours souhaitable
41 Cf. Rafaella Del Sarto et Tobias Schumacher (2005),
p. 6. 11
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

que les gouvernements se lancent dans les réformes, surtout s’ils courent le risque de
perdre leur popularité en fomentant des réformes économiques se révélant onéreuses pour
la société à court terme ou en mettant en œuvre une réforme législative pouvant éveiller les
réactions des franges les plus conservatrices de la société. Si la perspective de l’adhésion
ne sufit pas à donner de l’élan au changement démocratique exigé par l’Union, la « carotte
d’argent »42, c’est-à-dire les mesures économiques incitatives et les partenariats renforcés,
risquent de ne pas fonctionner au mieux, non plus.

Par ailleurs, la politique européenne à l’égard des voisins méditerranéens menée depuis
11 ans, c’est-à-dire le P.E.M., entend parvenir à ses objectifs en adoptant une approche
différente : la conditionnalité négative. Fonctionner sur la base de la conditionnalité
négative signiie que l’U.E. pénalisera tout gouvernement partenaire en cas de violation
des principes stipulés, en suspendant l’accord d’association. En réalité, l’U.E. n’a jamais
usé de ce principe, bien que, dans certains cas, les accords aient pu être suspendus. Il va
sans dire que cela soulève des doutes quant à la capacité de l’Union de faire un véritable
suivi de certaines questions, tenant en particulier à la bonne gouvernance, aux droits de
l’Homme et à la réforme politique dans les pays partenaires.

À ce titre, la sincérité de l’Union à vouloir encourager le développement socio-économique


dans les pays du Sud de la Méditerranée a également été mise en cause. Si la rhétorique
du P.E.M. reposait sur une logique de construction régionale et insistait sur les valeurs et
avantages partagés, la P.E.V., elle, obéit à un cadre d’intérêts et de paris. Le langage de
l’intérêt est employé, entre autres, dans le document de la Commission de 2003 qui déclare
que, compte tenu de la pauvreté, des dictatures et des conlits faisant rage de l’autre côté
de ses frontières, « il est clairement dans l’intérêt de l’Union de veiller à ce que ces déis
communs soient relevés. »43

Ce qui ne veut pas dire, pour autant, que la P.E.V. ne met l’accent que sur les avantages
pratiques et n’est pas partisane des valeurs partagées. De fait, la Communication de 2003
est très explicite sur la défense de valeurs européennes telles que la liberté, l’égalité, l’État
de droit et les droits de l’Homme, lesquels vont de paire avec la notion de promotion des
intérêts communs. C’est cette caractéristique qui permet d’afirmer que l’U.E. exerce un
rôle de « pouvoir normatif » à l’échelle régionale.

Après l’introduction des mesures antiterroristes de l’après 11 septembre, le début de


la guerre en Irak en 2003 et aujourd’hui avec l’invasion du Liban par Israël en 2006, les
débats sur l’identité – religieuse et culturelle – vont bon train dans bien des pays d’Afrique
du Nord et du Moyen-Orient, d’autant que les organisations et groupes ouvertement « anti-
occidentaux » et les concepts d’État et de société font l’objet d’une attention grandissante.
La question est donc désormais de savoir si les objectifs normatifs de la P.E.V. peuvent être
atteints. La force de ces positions et de ces concepts varie cependant considérablement
d’un pays à l’autre.44 Il faut donc s’attendre à ce que les perspectives de réussite d’une
partie, au moins, des objectifs normatifs de la P.E.V. varient, eux aussi, d’un pays à l’autre
(cf. analyses par pays au chapitre II).

Bien que la politique de voisinage ait été parfois accueillie en Europe comme un moyen de
combler un vide de la politique étrangère45, d’autres estiment que la P.E.V. nous éloigne des
aspects positifs de la politique précédente à l’égard du Sud, le P.E.M., ou au mieux, comme
une nouvelle formulation de ses objectifs.46 Avant de procéder à la moindre évaluation de la
42 Steven Everts (2005), “An Asset but not a model:
Turkey, the EU and the Wider Middle East”, Center for
P.E.V. ou de la comparer au P.E.M., il faudra examiner la mise en œuvre des plans d’actions
European Reform Essays. http://www.cer.org.uk/pdf/ sur la durée – au moins sur trois ans. Il faudra observer chaque pays individuellement pour
essay_turk_everts.pdf#search=%22silver%20carrot%2
0%2B%20EU%22 être en mesure de porter un jugement et d’évaluer les aspects positifs et négatifs de cette
43 COM(2003) 104 inal, op.cit. (note de bas de page1).
44 Cf. note de bas de page 3. politique. Jusqu’à présent, seules les attitudes et perceptions des États et des populations
45 Cf. Andreas Marchetti (2006), “The European
Neighbourhood Policy – Foreign Policy at the EU’S
à l’égard de l’Union, de la P.E.V. et des différents champs de réformes, permettent de
Periphery”, Discussion Paper C158/2006, Centre for
European Integration Studies, Bonn.
tirer quelques conclusions sur la façon dont les plans d’actions utilisent les réformes, et
h t t p : / / w w w. z e i . d e / d o w n l o a d / z e i _ d p / d p _ de façon générale la coopération avec l’Union, et s’ils promettent d’être eficaces dans
c158Marchetti.pdf. Aussi, Eneko Landaburu (2006),
“From Neighbourhood to Integration Policy, Are there certains domaines précis (cf. chapitre II). Il apparaît dores et déjà évident, que le manque de
concrete alternatives to enlargement?”. Center for
European Policy Studies Policy Brief, No. 95. www.ceps. précision des « mesures incitatives »47 et le inancement48 de la P.E.V. seront deux facteurs
be
46 Cf. Rafaella Del Sarto and Tobias Schumacher, 2005.
problématiques qu’il sera urgent de clariier.
p. 20.
47 Michael Emerson (2004), “Two Cheers for the European
Neighborhod Policy”, Center for European Policy Studies
Commentary, Bruxelles. http://www.ceps.be/Article.
php?article_id=338&. Au sujet de l’insufisance des
mesures incitatives sans adhésion, cf. Heather Grabbe
(2004), “How the EU should Help Its Neighbors”, Center
for European Reform Policy Brief; Sandra Lavenex, “EU
External Governance in ‘Wider Europe’”, Journal of
European Public Policy 11, p. 680-700.
48 Frederique Sachwald (2004), “The Impact of EU
Enlargement on Firms’ Strategies and the Location

12 of Production in Europe”, IFRI Tokyo Club Research


Meeting, p. 35.
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

En novembre 2004, à la Haye, les ministres étrangers des États partenaires euro-
méditerranéens déclaraient 2005 « année de la Méditerranée ». Indifférentes à cette
II.
expression de bonne volonté, les relations entre les partenaires euro-méditerranéens, ont
continué à se caractériser par des contretemps dans la coopération et des asymétries dans
Facteurs et
les efforts politiques pour respecter les accords. Le 10ème anniversaire du P.E.M. a fourni perceptions qui
une excellente occasion de procéder à une évaluation critique de ce qui avait été obtenu
jusqu’alors. Cet anniversaire a été dominé par une question : « (…) les partenaires ont-il inluent sur les
développé une relation sufisamment rapprochée et des progrès ont-ils été faits pour établir
la stabilité et la sécurité en réformant le gouvernement, en introduisant la démocratie, en objectifs de la
encourageant la modernisation économique et sociale et enin, en intégrant la région dans
des structures commerciales mondiales – ou au contraire, de nouveaux risques éventuels P.E.V. dans les pays
ont-ils surgi ? »49
d’Afrique du Nord
Néanmoins, il faut noter à leur faveur, qu’au cours de “l’année de la Méditerranée”, en
2005, de nouvelles initiatives ont été mises en œuvre. Il convient de signaler, par exemple, et du Machreq :
qu’à Alexandrie, en août 2005, la Fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures
commença à œuvrer pour intensiier et améliorer la coopération entre l’Europe et la analyses choisies
Méditerranée. Dans ce contexte, il est également important de souligner l’adoption de la
P.E.V. par l’Union en 2003, comme nous l’avons expliqué précédemment. Avec l’adoption des par pays
plans d’action par la Tunisie, le Maroc, la Jordanie, l’Autorité palestinienne et Israël, en 2005,
la P.E.V. est passée à la phase de réalisation. Les chances de la P.E.V. d’améliorer le partenariat
euro-méditerranéen, d’un point de vue qualitatif et quantitatif, dépendront substantiellement 2.1
de la situation politique à laquelle les leaders des pays partenaires européens devront faire Contexte général et
face, au sein et en dehors des pays du Sud de la Méditerranée. Comme le montrent les études
réalisées au cours des trois dernières années50, les questions de politique étrangère ont une paramètres inluents
incidence croissante sur la liberté des gouvernements de formuler des réformes visant la
modernisation des secteurs économiques, politiques (y compris la sécurité) et sociaux.
Aussi, ces questions seront-elles l’enjeu des analyses suivantes consacrées individuellement
à chaque pays ayant accordé un plan d’action avec l’Union.

Les études de cas porteront sur le Maroc, la Tunisie et la Jordanie. Le cas de l’Autorité
palestinienne (A.P.) sera examiné dans une section à part en raison du statut spécial de
cette zone. Outre l’A.P., cette section se penchera également sur les cas de l’Égypte et
du Liban, tous deux en pourparlers avec l’Union au sujet des plans d’action. Les accords
avec l’Égypte sont sur la bonne voie et sur le point d’être conclus. Cette partie de l’analyse
s’intéressera aussi, assez brièvement, au cas de l’Algérie qui bénéicie d’un accord
d’association dans le cadre du P.E.M. mais, n’a pas entamé de discussions avec l’U.E. au
sujet des plans d’action. Les analyses par pays porteront sur ces États arabes d’Afrique du
Nord et du Mashreq, partenaires de l’U.E., dont la politique intérieure et étrangère ne subit
pas cette pression particulière de politique étrangère, à l’instar de la Syrie, causée par
les conlits aigus ou l’occupation, comme dans les territoires autonomes palestiniens, qui
peuvent dominer toute décision de politique intérieure ou étrangère.

Il convient de noter qu’il existe des différences profondes entre les pays participant au
partenariat euro-méditerranéen, par exemple en termes de :
49 Michael Köhler, “Menavision 2010.
• facteurs politiques dans chaque pays pouvant faciliter ou faire obstruction aux Entwicklungsperspektiven in Nordafrika/Nahost. Eine
europäische Perspektive” (“Menavision 2010. Perspectives
réformes ; de développement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
Une perspective européenne”), conférence, Berlin, 26
janvier 2006. Texte sur : www.menavision2010.org/, under
“Abschlußkonferenz” (Conférence de clôture), p. 2.
• volonté des dirigeants des pays, des groupements politiquement actifs et de la 50 Cf. note de bas de page 3.
51 Qui sont illustrés par les concepts lancés en 2002,
population en général d’accepter les réformes visant à moderniser l’État et la société. 2003 et 2004 dans le cadre de l’Initiative de partenariat
du Moyen-Orient (MEPI), l’initiative Moyen-Orient élargi
et Afrique du Nord (BMENAL ; en partie aussi l’initiative
Indépendamment de ces différences, les inluences extérieures ont une incidence sur Grand Moyen-Orient et Afrique du Nord) et le plan-G8 à
l’appui de la réforme, lancé également par les États-Unis.
la détermination réformiste dans presque tous les pays euro-méditerranéens. Mais, 52 On doit rappeler ici qu’il y a des différences d’évaluation,
d’interprétation et de réponses aux concepts occidentaux
ces inluences varient d’un pays à l’autre en intensité et en nature. Dans tous les et aux demandes de réformes dans les États du Maghreb
et du Machreq. Le débat sur la culture et l’identité, axé
cas, toutefois, elles modiient directement ou indirectement le niveau d’acceptation sur le maintient de l’identité culturelle et religieuse qui a
initial des partis politiques et des organisations sociales à l’égard de la coopération été encouragé par l’expérience directe de l’intervention
américaine dans la région n’entraîne pas forcément
euro-méditerranéenne en général. En conséquence, ces inluences extérieures sont la même ferveur de position hors des organisations
islamistes dans les États du Maghreb. La tendance à
importantes pour les décideurs politiques quand elles portent sur la mise en œuvre de “l’homogénéité culturelle” a également été amplement
critiquée.
la P.E.V. et de ses objectifs. Ces facteurs extérieurs sont apparus après le 11 septembre 53 Cf. Sigrid Faath (ed.) (2004) “Politische und
gesellschaftliche Debatten in Nordafrika, Nah- und
2001. Il s’agit de la guerre en Afghanistan, de la guerre en Irak et de ses répercussions Mittelost. Inhalte, Träger, Perspektiven”, Hamburg;
sur l’État et la société iraquienne, de la guerre internationale menée par les États-Unis et Sigrid Faath (ed.) (2005) “ Demokratisierung durch
externen Druck? Perspektiven politischen Wandels in
contre le terrorisme, qui est souvent perçue comme une guerre contre l’Islam et contre Nordafrika/Nahost”, Hambourg.
54 La seule exception est la Tunisie où le mouvement
les musulmans, et enin, de l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix des islamiste n’a pas autant d’inluence qu’au Maroc,
en Algérie, en Égypte, en Jordanie ou dans l’Autorité
pays du Machreq, du conlit ouvert entre les Palestiniens et Israël et du conlit entre le palestinienne.
55 Ex. la lutte contre le terrorisme, le crime organisé et
Liban et Israël, qui a éclaté en juillet 2006. la migration illégale et l’effort conjoint pour limiter la
prolifération des armes de destruction massive est de
toute première importance.
13
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

Au cours des cinq dernières années, ces facteurs ont alimenté une image toujours plus
négative des États “occidentaux” et des concepts “occidentaux” d’État, d’économie
et d’organisation sociale. Les événements qui viennent d’être cités sont utilisés par les
organisations politiques et autres groupes sociaux à des ins de politique intérieure,
religieuses et culturelles, pour s’opposer aux concepts « occidentaux », à l’inluence
« occidentale » et pour refuser de se plier aux souhaits « occidentaux ». Le contexte de
politique étrangère, depuis le 11 septembre 2001, par exemple, a permis aux organisations
islamistes d’étendre leur inluence aux pays où ils jouissaient déjà d’une bonne assise
et se proclamaient les défenseurs de l’identité religieuse et culturelle, les opposants à
l’inluence étrangère et au danger d’une prise d’assaut et d’une extermination de la part
de l’Occident. Ce sont eux qui perpétuent cette notion de “guerre de l’Occident” contre les
musulmans et contre l’Islam. Leur appel à la résistance contre les politiques d’alignement,
contre l’adoption des concepts étrangers et en faveur de la défense de l’identité, va dans le
droit il de cette perception.

La défense identitaire, qui signiie, dans ce cas de igure, identité religieuse et culturelle, et
la protection de la souveraineté nationale sont devenues les priorités de divers groupements
politiques. Les demandes, réitérées depuis 2002, du gouvernement américain aux États
d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen-Orient pour démocratiser leur système politique51
et, au même moment, l’insistance redoublée de l’Union à l’égard de la démocratisation,
n’ont fait qu’attiser le débat sur la nécessité de défendre les intérêts nationaux, l’identité
et la souveraineté nationales. Les demandes insistantes de démocratisation de la part des
États occidentaux ont résolument alimenté les arguments des opposants aux réformes
modernistes en Afrique du Nord et dans les pays du Machreq. Les pressions extérieures
en faveur de la démocratisation et les politiques interventionnistes des États-Unis dans
les pays du Machreq, alliées aux discussions mettant tous les feux sur le « nouvel ordre »,
n’ont servi qu’à intensiier l’islamisation du débat sur l’identité culturelle et les réformes
politiques. Ainsi, seul le renforcement de l’identité religieuse et culturelle, surtout de
l’identité islamique, peut parvenir à détourner les ingérences étrangères et la domination
culturelle. De même, l’alignement sur les valeurs sont devenues le cheval de bataille des
opposants à « l’adoption des concepts occidentaux ».52 Cette question ne pouvant nullement
faire l’objet d’un court aparté, nous préférons vous renvoyer aux études consacrées à cette
question et publiées par l’Institut allemand des études sur le Moyen-Orient (Hambourg).53

Cependant, le gain ou regain de force de l’arabisme ou de l’islamisme d’une part, et les


débats et alliances nationalistes-islamiques et islamiques dans la plupart des pays euro-
méditerranéens54 d’autre part, ne sont rien d’autre qu’une réaction de plus contre une
mondialisation perçue de façon négative et contre l’anticipation des conséquences qui
l’accompagnent, dont les dangers se font plus pressants dans les domaines des affaires,
de la culture et de l’identité. Ces craintes ont conduit les conservateurs religieux et les
islamistes à resserrer leurs rangs autour des ex-gauchistes, nationalistes et libéraux
arabes qui cherchent, eux aussi, à défendre leurs pays contre l’hétéronomie, à ériger une
barrière de protection nationale et à préserver leur propre sens de l’identité. Aussi, est-il de
la plus haute importance que les dirigeants politiques favorables aux réformes présentent
leurs initiatives réformistes comme des décisions souveraines et nationales, que la valeur
sociale ajoutée de ces réformes et les avantages de la coopération avec les pays étrangers
dans la réalisation des réformes apparaissent au grand jour ; les effets positifs et concrets
des réformes sur des pans entiers de la société doivent se concrétiser au plus vite.

Les facteurs internationaux, les conlits en cours dans les pays du Machreq et les paramètres
économiques, sociaux et sociétaux de chacun des pays empêchent la réalisation des
réformes de modernisation permettant une convergence de valeurs. La mise en œuvre des
réformes et des objectifs de la P.E.V., y compris la convergence des normes, est fortement
inluencée par les circonstances internationales et nationales.

2.2 Les plans d’actions négociés individuellement avec chacun des gouvernements
d’Afrique du Nord et des pays du Machreq sont destinés à orienter la coopération
Les plans d’action et entre l’U.E. et ces pays pendant les trois à cinq années suivantes. Leurs objectifs sont,
l’analyse par pays cependant, formulés en termes généraux ; les engagements sont très semblables et
parfois identiques. Ces sections, qui, au sens le plus large, traitent de la réforme du
système politique – démocratisation, promotion de l’État de droit et des droits de
l’Homme, bonne gestion des affaires publiques et expansion de la coopération en
matière de sécurité55 – sont moins détaillées et exhaustives que celles concernant l’aide
économique, l’aide sociale et au développement. La différence reflète les domaines où
14 les pays partenaires d’Afrique du Nord et du Machreq mettent l’accent– et qui apparaît
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

avec évidence dans les déclarations oficielles concernant la P.E.V.

Les plans d’actions établissent que la stabilité et la sécurité obtenues grâce aux valeurs
communes et à la coopération sur la politique de sécurité (objectifs de sécurité communs)
ainsi que la réduction des écarts de prospérité obtenue grâce au développement, sont les
objectifs « communs » qu’il convient d’atteindre au moyen de la P.E.V. Les plans d’action,
bien qu’ils varient en poids et degré de détail (très prononcés sur les réformes économiques
et sur la coopération économique), s’attaquent à la question très problématique de la
coopération politique et de sécurité. Ces domaines de coopération restent cependant
beaucoup moins différentiés.

Avant d’envisager la poursuite d’objectifs de sécurité “communs”, il est nécessaire de


progresser dans deux domaines problématiques de la coopération sur la sécurité. Il est
particulièrement dificile aux partenaires de la P.E.V., dans le Machreq (comme la Jordanie
et le Liban), de coopérer avec l’U.E. – surtout s’ils tiennent compte des perceptions de
leurs populations respectives – tant que le conlit des pays du Machreq est dans l’impasse,
qu’Israël continue à occuper les territoires palestiniens et que les forces israéliennes qui
ont envahit le Sud du territoire libanais, pendant l’été 2006, ne s’est pas retiré du Liban.

Par ailleurs, bien qu’Israël détienne des armes atomiques et n’ait pas signé le traité
de non-prolifération, ce pays n’a pas eu à subir le poids des pressions de l’U.E. et des
États occidentaux en général. Ces deux questions ont contribué à freiner les tentatives
d’expansion de la coopération sur la sécurité avec ces pays du Machreq qui participent à la
P.E.V. Pour autant, tous les pays d’Afrique du Nord et du Machreq, impliqués dans la P.E.V.,
participent à la lutte internationale contre le terrorisme. De plus, depuis 2001, certains
pays de la région ont intensiié les efforts conjoints pour lutter contre le terrorisme.

Pour Israël, la Jordanie, le Liban et les Palestiniens des territoires autonomes, la différence
entre « la légitimité de la lutte armée contre la puissance occupante » et « la violence
terroriste » est une question de déinition que l’U.E. n’a pas encore résolue. Cela a de graves
conséquences sur la coopération avec l’Union en matière de questions sécuritaires, surtout
parce que la majorité de la population qui vit dans les pays du Machreq insiste sur cette
distinction. La différence de traitement réservée à Israël et aux États arabes ou à l’Iran sur
la question du nucléaire est perçue comme une preuve supplémentaire de l’existence de
« deux poids, deux mesures » et du parti pris pour Israël. Ce décalage des comportements
se traduit de façon tangible sur les mesures de coniance nécessaires pour améliorer la
coopération sur la sécurité et l’identiication d’objectifs « communs », tels que formulés
dans les plans d’action.

Les plans d’action ne divergent pas, cependant, de l’approche politique habituelle de


l’Union pour façonner les relations euro-méditerranéennes. Elena Baracani le montre en
recourant à l’exemple du Maroc et des accords passés dans le cadre des plans d’action
pour promouvoir la démocratie.56 Ces orientations politiques sont également valables dans
d’autres domaines de coopération et s’appliquent non seulement au Maroc, mais également
à d’autres partenaires de la P.E.V. en Afrique du Nord et dans les pays du Machreq. D’après
Baracani, la politique de l’U.E. continue encore à « se limiter à obtenir une réforme
politique partielle plutôt qu’une véritable transition démocratique. Cette déclaration
repose essentiellement sur le fait que la Commission n’a pas traduit en priorités politiques
la nécessité de respecter le principe de séparation des pouvoirs, d’accroître les priorités
parlementaires, de renforcer le rôle des partis politiques, de garantir l’indépendance
judiciaire et la responsabilité légale et de garantir la mise en œuvre de l’égalité des droits
de l’Homme. (…) La démocratie et les droits de l’Homme dans la région semblent être
encore des thèmes abordés avec la plus grande précaution par l’Union (…). »57

Même si la lecture de Bacarani est juste, sa critique de l’approche politique de l’U.E. n’est
pas entièrement fondée car elle ignore les caractéristiques essentielles de la P.E.V., à savoir
qu’elles sont perçues par les gouvernements d’Afrique du Nord/pays du Machreq comme
des cadres de coopération négociés conjointement pour les trois à cinq années suivantes.
Ce qui signiie que les gouvernements considèrent être « conjointement détenteurs » de ces
plans d’actions, bien que la Direction générale de l’élargissement de l’Union en soit l’auteur
et les ait soumis aux gouvernements des États partenaires et bien que les discussions et
les négociations n’aient lieu qu’après. La relation de coopération est ainsi fondée sur une
démarche progressive ain de ne pas mettre en péril la stabilité du système.

Les négociations sur les plans d’actions qui ont renforcé cette idée de “propriété partagée” 56 Elena Baracani (2005), “From the EMP to the ENP: A
new European pressure for democratization? The Case
dans les pays partenaires du Sud ne pourra jamais signiier autre chose que la nécessité of Morocco”, The Centre for the European Politics and

de trouver une solution de compromis ; ce jamais n’étant pas ici entendu de façon
Society. p. 17. http://hsf.bgu.ac.il/europe.
57 Ibid. 15
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

condescendante. Un tel compromis a l’avantage de tenir compte de la situation réelle et


des faits. Il relète d’une part, l’inluence réelle de l’U.E. sur les États euro-méditerranéens
et d’autre part, la propension de l’Union à agir sur la politique étrangère. Grâce à son
approche progressive, elle renseigne sur les capacités des États partenaires à concrétiser
les réformes dans chaque domaine de réforme et de coopération.

Le principal avantage de la démarche de la P.E.V. pour les partenaires euro-méditerranéens


est qu’elle laisse sufisamment de marge au rythme et à la dynamique de la coopération, en
terme de portée et d’intensité, pour qu’elle s’ajuste à la réalité de la situation dans chaque
pays. À ce titre, un plan d’action, en tant que cadre de coopération négocié conjointement,
peut s’avérer positif si, au cours de la phase de réalisation, les attentes concernant
l’échéancier, la synchronisation et l’intensité des réformes n’ignorent pas la réalité du
terrain et ne sont pas trop exigeantes. Les plans d’action peuvent également se révéler une
approche positive si, contrairement aux années précédentes, seuls quelques aspects des
réformes sont dégagés et que leur réussite est évaluée dans son ensemble, sur un laps de
temps donné et en fonction du point de départ.

Les analyses qui suivent reposent sur cette hypothèse de départ et sur cette lecture des plans
d’action. Les parties consacrées à chacun des pays suivent le même schéma. Elles mettent
l’accent sur les facteurs actuels qui, à court terme, donneront vraisemblablement de l’élan ou
freineront les réformes démocratiques et intensiieront la coopération sur la sécurité avec les
États partenaires de l’U.E. dans le Maghreb et le Machreq. Ils assumeront, par conséquent, la
responsabilité du succès ou de l’échec de la P.E.V. Que les objectifs de la P.E.V. – la stabilité, la
sécurité et la prospérité par une accélération des réformes – conçus pour engager un renforcement
des valeurs convergentes soient atteints ou pas ne dépendra pas de ces facteurs.

2.2..1 Maroc Facteurs propices au niveau étatique

Facteurs propices à la mise en L’un des facteurs favorables est l’orientation ininterrompue du Maroc en direction de
œuvre des objectifs de la P.E.V. l’Europe, depuis son indépendance, en 1956, déterminée en grande partie par ses besoins
géographiques, économiques et commerciaux. Le désir sincère du Maroc de collaborer
avec l’U.E. dans le processus de Barcelone est un aboutissement direct et logique de
cette tradition d’orientation vers l’Europe qui était envisagée comme un excellent moyen
de résoudre les problèmes économiques du Maroc. Cette relation, progressivement
approfondie et élargie par le roi Hassan II, à partir des années 60, est, depuis 1999,
poursuivie par le roi Mohammed. Tout comme dans les années 90, les priorités sont la
coopération sur les politiques économiques et de développement.

C’est sous le règne du roi Mohammed, cependant, qu’ont été introduites et sont entrées en
vigueur les réformes politiques et sociales ayant de grandes répercussions sociales sur les
droits de l’Homme58, les droits des femmes et l’égalité des sexes, la protection de l’enfant,
les droits des minorités et les politiques religieuses de l’État.59 Ces réformes vont de
paire avec les réformes économiques et de développement et expriment la détermination
du roi d’opérer une modernisation progressive tout en faisant barrage à l’émergence de
l’islamisme. « Développement et stabilité par le biais de la modernisation et des réformes »
est le principe directeur de cette politique, dont le roi souhaite qu’elle porte ses fruits.
Il exerce, pour ce faire, son pouvoir de leader religieux et laïque et son inluence sur la
société pour surmonter tout obstacle provoqué par les manœuvres employées par les
partis parlementaires auprès de la population.60 L’envergure du pouvoir royal et la haute
considération dont jouit le souverain dans cette société hiérarchiquement structurée,
religieuse et culturelle, est un facteur de poids qui peut proiter aux réformes. Lorsqu’il
envisage des réformes imminentes, le roi doit, néanmoins, tenir compte de la prédominance
des valeurs traditionnelles, religieuses et conservatrices de la population ainsi que des
conditions socioéconomiques de la majorité des personnes vivant dans le pays. La sécurité
58 Par exemple, l’adoption d’une loi qui fait de la torture intérieure est étroitement liée à l’acceptation sociale des réformes et à la prise en compte
un acte illégal.
59 Par exemple, les mesures visant à promouvoir une de la « nature spéciique » du Maroc (par rapport à l’Europe).61
compréhension plus modérée et libérale de la religion et
l’introduction du droit des femmes à la prêtrise.
60 Le meilleure exemple étant la façon dont le
changement de statut personnel (voté en 2005), qui a
considérablement amélioré les droits des femmes, a été
encouragé. Il a déclenché une vague de protestations et
de résistance de la part des conservateurs religieux et Facteurs propices au niveau sous-étatique
culturels ainsi que des partis islamistes.
61 Cf. le discours du roi tel que lu par le Premier minsitre
Jettou lors de la conférence euro-méditerranéenne
de Barcelone, le 28 novembre 2005, dans le quel il
Les partis de gauche et les syndicats marocains soutiennent, eux-aussi, la coopération
mentionnait la P.E.V. Dans son discours, le roi Mohammed
exprimait ses espoirs que la P.E.V. pourrait être mise en
avec l’Union dans les domaines prioritaires, c’est-à-dire l’économie, les politiques de
œuvre sans porter atteinte à “l’authentique spéciicité” développement et les politiques sécuritaires, qu’il s’agisse du P.E.M. ou de la P.E.V.
16 de la Méditerranée. Discours extrait de Le Matin, Rabat,
29 novembre 2005 (Message du Souverain à Barcelone). (considérée complémentaire du P.E.M.). Pour la plupart des partis et des associations
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

syndicales, la coopération actuelle du Maroc avec l’Union est une « option stratégique ».
Les islamistes du PJD62 qui siègent au parlement partagent ces positions dans leurs discours
oficiels. La majeure partie des communautés marocaines vivant dans les États membres
de l’Union et en contact étroit avec leur pays d’origine, envoient des transferts inanciers
importants au Maroc et agissent de plus en plus en tant qu’investisseurs63, sans oublier
qu’ils manifestent une attitude généralement favorable à l’égard de la coopération avec
l’Union. En dépit de la dimension relativement restreinte de la population, essentiellement
urbaine, moderniste et réformiste libérale, cette structure relationnelle fondée sur la
tradition et le paternalisme a une inluence positive sur les projets de réforme du roi,
ne fusse qu’en raison de son pouvoir et de sa position. Son statut lui permet d’émettre
des orientations et de passer outre toute résistance. Par ailleurs, le traditionalisme de la
population et les attentes qu’elle nourrit d’un État agissant comme « État fournisseur » à
tendance à agir comme un frein sur les réformes (cf. 2.2 ci-dessous).

L’inluence des facteurs internationaux Les facteurs qui freinent la mise en


œuvre des objectifs de la P.E.V.
De façon générale, il n’y a pas d’opposition à la coopération avec l’U.E. au Maroc. Les
pressions extérieures pour la démocratisation du Maroc n’en sont pas moins rejetées avec
force par tous les acteurs politiques, qu’elles soient formulées par l’Union ou par les États-
Unis. Les acteurs politiques et sociaux refusent unanimement toute ingérence de l’étranger
dans les « affaires marocaines » (ex. le Sahara occidental). Les relations extérieures et le
comportement des pays étrangers sont toujours interprétés au travers de la souveraineté
et des intérêts nationaux. Pour autant, la convergence des intérêts avec l’U.E. est reconnue
(cf. ci-avant). Depuis 2001, les politiques américaines à l’intention des pays du Machreq
ont porté préjudice à leur réputation auprès des partis politiques, des organisations des
droits de l’Homme, des sympathisants de la cause palestinienne et d’une bonne partie
de la population marocaine. Mais, ni l’Union, ni ses États membres, à titre individuel, ou
encore les alliés des Etats-Unis, ne pâtissent de la même ferveur négative. Seuls les groupes
islamistes, au Maroc et dans les pays d’Afrique du Nord et du Mashreq, se refusent à toute
différence et parlent de la politique et des efforts des « États et institutions de l’Occident »,
de la promotion des concepts « occidentaux » d’ordre et de sociopolitique en Afrique du
Nord et dans les pays du Machreq, au détriment de l’identité locale.

Le rejet de toute ingérence dans les “affaires intérieures”, y compris les notions d’ordre, de
société et d’opportunité des réformes, traverse des pans entiers de partis, d’associations et
de syndicats, les couches profondes de la société et se rapporte en particulier à l’opposition
illégale islamiste et aux groupements islamistes violents. Ceux-ci se distinguent par la
véhémence de leur rejet, par les raisons avancées ainsi que par l’objet de leur opposition.
Les partis politiques, les syndicats et la plupart des associations marocaines s’opposent
aux « dictats » extérieurs, mais pas aux réformes elles-mêmes, contrairement au rejet des
groupes islamistes qui résulte d’une incompatibilité fondamentale entre les idées et les
valeurs qui orientent les politiques liées à l’ordre social et à la société.

Le mouvement islamiste a pris de l’ampleur parce qu’il n’hésite pas à imputer les problèmes
socioéconomiques du pays à la mondialisation et aux termes et conditions ixés par les
institutions inancières internationales. Les craintes diffuses de la société, exacerbées
par les réformes économiques et leurs retombées négatives sur le marché du travail, sont
reprises par les islamistes marocains dans leurs arguments en faveur du renforcement de
l’identité marocaine, ain d’empêcher l’assaut de « l’Occident ».

Même si le roi a su user de sa haute autorité pour contenir les résistances à ses politiques et
les menaces d’une contre-mobilisation, il ne faut pas sous-estimer, pour autant, l’inluence
au long feu de lignes argumentaires individuelles et des positions afichées, telles que
celles présentées par les islamistes qui s’attaquent au renforcement de l’inluence
culturelle occidentale et aux valeurs occidentales. L’existence de ce mouvement islamiste
actif, la question palestinienne non résolue et les préjugés à l’encontre des États-Unis et de
l’U.E. dans le conlit qui oppose la Palestine et Israël ont un effet contre-productif sur l’élan
recherché pour promouvoir l’État de droit, les droits de l’Homme, une gestion paciique
du conlit, une coopération fondée sur le partenariat et la déinition d’objectifs communs
de politique étrangère et de sécurité. La real politics des pays du Machreq fournit tous les
arguments à ceux qui s’efforcent de freiner la coopération de l’Union.

62 Parti de la justice et du développement.


63 Près de 2,9 milliards d’euros ont été transférés en
2005. 17
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

Facteurs limitatifs propres au Maroc

Les réformes générales visées par le gouvernement et mises en œuvre progressivement au


Maroc sont particulièrement tributaires des problèmes économiques et sociaux du pays.
Ces facteurs déterminants, d’ordre économique et social, et le fait qu’ils puissent être
facilement détournés par l’opposition islamiste pour mobiliser les protestations, pouvant
tout au mieux retarder ou affaiblir les réformes individuelles, contraignent le gouvernement
à adopter une attitude spéciique à l’égard des réformes pour les rendre plus socialement
acceptables et maintenir la stabilité. La portée des réformes se trouve ainsi limitée et par
conséquent, seuls quelques-uns des « éléments de réformes » sont réalisés tandis que le
délai de réalisation se trouve, de fait, allongé. Les questions structurelles imposent de mettre
l’accent sur la stabilité économique et sur le progrès du développement car, c’est la base
de toute réforme politique et sociale. Les circonstances politiques, c’est-à-dire la présence
d’un mouvement islamiste actif partisan d’une notion d’État et de société divergente, sous
certains aspects fondamentaux, l’existence de plans de modernisation à long-terme du
roi et de partis politiques peu mobilisateurs sur l’échiquier non-islamiste, garantissent le
maintien des structures du pouvoir telles qu’elles existent, de l’orientation centralisée, de
la prise de décision et du contrôle des fonctions royales. Les mesures de libéralisation
politique et le renforcement des structures participatives qui les accompagnent pour
asseoir et soutenir les concepts et orientations du roi, restent encore à mettre en place.

La culture politique passive consistant à attendre que l’aide et les solutions « tombent du
ciel » est également un des facteurs qui retarde les réformes et qui a été critiqué à plusieurs
reprises par le souverain.64 La réalisation des réformes en pâtit car tout décideur doit
conirmer chaque nouvelle décision auprès de son supérieur avant de la mettre en pratique.
De plus, le système politique actuel, qui permet au roi de décider sans avoir à se soumettre
à d’autres mécanismes de contrôle, ne peut pas remplacer cette rélexion hiérarchique sans
« former » à long terme de nouveaux comportements pour les institutions modernes et
formelles dans le pays. Par ailleurs, les partis politiques, les syndicats et les associations
obéissent, en général, aux mêmes principes paternalistes. Le système éducatif n’a toujours
pas été en mesure de proposer et de soumettre un autre schéma comportemental.

Conclusion

Le roi Mohammed est le garant de l’orientation que prendront les réformes convenues entre
le Maroc et l’Union dans le cadre de la P.E.V. La détermination du leadership marocain à
l’égard de la réforme est patente dans sa volonté de faire bon usage du nouveau cadre tracé
par la P.E.V. pour accélérer et intensiier les réformes, dès lors que la politique nationale le
permet.65 Il va de soi, comme l’a souligné oficiellement le Maroc, et comme l’ont reconnu
les activistes politiques et sociaux, que tous les efforts réformistes doivent tenir compte de
la stabilité politique et des intérêts du pays.

Les objectifs de la P.E.V. de maintenir la stabilité et la sécurité dans tous les pays voisins et
de garantir ainsi la sécurité de l’Union, sont bien servis par cette approche. L’U.E. établit un
lien étroit entre la stabilité, la sécurité et la démocratisation, ainsi que l’aide à l’économie
et au développement, et a obtenu jusque là le soutien général du régime marocain. Mais,
c’est une orientation à long terme plutôt qu’un champ de réforme prioritaire méritant une
intervention de fond qui devrait être envisagée. Le lien entre les circonstances politiques
nationales et l’importance des décisions réformistes et de progrès recommande clairement
une approche progressive conduisant à une réforme des droits de l’Homme, aux droits des
femmes, de la justice, etc.

La coopération en matière d’immigration illégale est au cœur des préoccupations du


Maroc dans tout projet de sécurité commune. À ce titre, la lutte contre le terrorisme et les
migrations illégales dépassent largement le cadre de la simple politique de sécurité et des
mesures policières et cherche à aller à la racine du mal.

L’amélioration et le renforcement de la coopération avec l’Union font l’objet de tous les efforts,
car la réforme est jugée nécessaire et que la coopération avec l’U.E. est considérée comme un
choix stratégique. Reconnaître que la réforme est essentielle et réitérer la volonté du Maroc d’y
procéder est la réponse négative présentée oficiellement par le pays aux interrogations sur le
64 Cf. son discours au parlement, le 14 octobre 2005,
dans lequel il évoque la nécessité que les citoyens, les rôle des mesures incitatives dans l’accélération et l’expansion du processus de réforme. À ce
partis politiques, les organisations et les associations
de la société civile changent leur mode de pensée. Texte sujet, il a été souligné que les circonstances locales ne doivent pas être oubliées au moment
extrait de Libération, Casablanca, 17 octobre 2005.
65 C’est précidément cet aspect de la P.E.V., ainsi que les de la mise en place du programme de réforme. Il faut rappeler que si le Maroc a recherché la
18 consultations conjointes menant au plan d’action, qui est
considéré comme un pas en avant.
coopération de l’Union, c’est avant tout pour s’assurer un meilleur accès aux marchés.
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

Facteurs propices à la mise en œuvre des objectifs de la P.E.V. 2.2.2


Tunisie
Comme dans le cas du Maroc, la Tunisie a maintenu des liens étroits avec l’U.E. depuis son
indépendance, en 1956, pour des raisons essentiellement économiques. Le gouvernement
tunisien a délibérément développé ces liens depuis les années 70. L’orientation vers
l’Europe en matière d’affaires culturelles et économiques a été renforcée par l’expansion du
tourisme. La majorité de la population tunisienne participe à cet élan en faveur de l’Europe.
Bien qu’il n’y ait pas de mouvement anti-occidental majeur en Tunisie, les acteurs politiques
et la majeure partie de la population sont très sensibles à toute démarche entreprise par
les États « occidentaux » en Afrique du Nord et dans les pays du Machreq pouvant être
interprétée comme une tentative de domination (comme par exemple, les politiques des
États-Unis depuis 2003) et à toute mesure prise par l’U.E., dans le cadre de la coopération
euro-méditerranéenne, allant à l’encontre du « concept de partenariat », largement diffusé,
et pouvant être perçue comme une tentative de soumission ou de dictat (en l’absence de
consultation préalable des programmes et projets, par exemple).

Les mutations économiques et l’élargissement de l’Union en 2004 poussent l’économie


tunisienne à s’adapter et ont alimenté la volonté et la détermination du gouvernement
tunisien de développer une coopération étroite et constante avec les pays membres et avec
l’Union elle-même. La coopération avec l’U.E. est envisagée comme la seule alternative et
le seul choix possibles.66 Les dirigeants du pays sont convaincus de l’urgence de la mise en
place d’une coopération euro-méditerranéenne plus intensive en vue du développement
économique et social du pays, c’est-à-dire comme un moyen d’assurer l’avenir du pays.
Le pays a donc tout intérêt à ce qu’une coopération s’établisse avec l’U.E. dans son
ensemble et de façon bilatérale, avec les États membres. Les questions économiques et de
développement national dictent les attentes en matière de coopération. Aussi, les réformes
dans ces domaines sont-elles suivies de près.

Le gouvernement tunisien poursuit trois objectifs étroitement liés l’un à l’autre depuis le
changement de pouvoir en 1987 : la modernisation et le développement de l’économie et
de la société ain de survivre sur le marché mondial et d’améliorer l’attrait et la compétitivité
de la Tunisie aux yeux des investisseurs étrangers ; lutter contre l’islamisme ; et asseoir les
concepts d’un État et d’une société modernes jusqu’à ce qu’ils deviennent irréversibles.
Pour y parvenir, il entend développer des mesures liées au bien-être social, à la création
d’emploi pour les jeunes et ceux qui abandonnent l’école, aux intérêts des femmes et à
l’égalité, liées aussi à une modernisation croissante des lois, des livres et des programmes
scolaires et aux politiques religieuses, et encourager surtout une interprétation plus
moderne et plus libérale de la religion.

Les politiques de lutte pour le progrès social et contre la pauvreté ainsi que les mesures
de réorganisation prises par le parti en place, le RCD67, ont porté leurs fruits et ont
été essentielles pour obtenir une assise solide à la stratégie de politique étrangère
du gouvernement et à son programme de modernisation économique et sociale. La
dépendance de l’économie tunisienne et de la richesse du peuple tunisien à l’égard
du tourisme, de l’exportation et de l’investissement étranger ne peut pas être sous-
estimée dans l’objectif poursuivi par les dirigeants de développer la coopération avec
l’U.E. et dans le cadre de la P.E.V. Au cœur de cette coopération, il y a l’industrie des
services – l’objectif est d’accélérer les échanges et le gouvernement essaye de faciliter
les déplacements des chefs d’entreprises et des scientiiques dans les pays membres de
l’Union -, l’investissement étranger et l’augmentation de l’investissement européen en
Tunisie. Le terrorisme (islamiste) international est considéré comme la raison principale
freinant l’investissement européen en Afrique du Nord. En conséquence, la coopération
en matière de sécurité se concentre sur les efforts bilatéraux avec chacun des pays de
l’U.E. et est considérée comme un élément important pour assurer un environnement sûr
à l’investissement européen.68

La consolidation économique étant considérée comme l’un des facteurs clé pour assurer
la stabilité, la priorité lui est donnée. C’est pourquoi les dirigeants y investissent toutes
leurs énergies. Si ces politiques s’avèrent eficaces, et que la majorité des Tunisiens
ont l’impression que la coopération avec l’U.E. est gratiiante et vaut la peine, elles
pourront faire avancer d’autres réformes, voire même une plus grande intégration de
la Tunisie dans l’Union. La volonté des dirigeants est évidente et il a clairement été dit
que le renforcement économique et social du pays est une condition essentielle pour 66 Cf. discours prononcé par le président Ben Ali devant
poursuivre les réformes politiques de libéralisation. le corps diplomatique, le 16 août 2005. Discours dans Le
Temps, Tunis, 17 août 2005 (Le président).
67 Rassemblement constitutionnel démocratique.
68 Tout comme l’on fait les dirigeant marrocains, le
gouvernement tunisien a souligné la nécessité de
concevoir des concepts permettant de solutionner les
causes du terrorisme (et de l’immigration illégale). 19
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

Les facteurs propices aux niveaux étatique et sous-étatique

La société tunisienne est relativement homogène et composée d’une assez grande classe
moyenne qui soutient les ambitions économiques de la classe dirigeante et les efforts de
construction de la collaboration. Les tranches les plus vulnérables de la population, les
jeunes adultes et les jeunes chômeurs ainsi que les régions les moins développées sont la
cible du développement. Les syndicats sont contrôlés. Aucune opposition n’est en mesure
de mobiliser ses forces contre les dispositions réformistes ou l’intégration dans l’U.E., dans
le cadre de la P.E.V.69

Les facteurs qui freinent la mise en L’inluence des facteurs internationaux


œuvre des objectifs de la P.E.V.
La Tunisie n’a pas à faire face à des acteurs capables de mobiliser les forces opposées à
une coopération plus intensive avec l’Union. Contrairement au Maroc et à la plupart des
pays du Machreq, le mouvement islamiste manque d’inluence sociale et politique et d’un
rayon d’action sufisant pour lancer un débat anti-occidental de défense des valeurs et de
l’identité et gagner ainsi du terrain. Pour autant, les principaux acteurs sociaux et politiques
en Tunisie sont sensibles aux agissements des intervenants extérieurs qui pourraient être
interprétés comme une ingérence dans les affaires et la souveraineté de l’État. Les pressions
extérieures en faveur de la démocratie et les critiques du programme de réforme politique
sont donc rejetées à l’unanimité. Les modèles occidentaux sont également rejetés, au proit
de l’histoire, de la culture et de l’identité du pays. La crainte est répandue et la conviction
généralisée qu’une profonde libéralisation politique risquerait d’ouvrir la porte aux groupes
décidés à menacer ce développement si désiré. Le gouvernement tunisien est conscient
que le lancement du processus de développement et les progrès de la compétitivité
tunisienne sur le marché mondial n’aboutiront que s’ils s’accompagnent de gros efforts et
que si leurs retombées négatives sur certaines couches de la population parviennent à être
évitées. Le succès de la réforme repose largement de la capacité des dirigeants à assurer
la stabilité intérieure, la sécurité et l’ordre. Toute manifestation prolongée de troubles,
grèves ou terrorisme signerait la in du développement. C’est la raison pour laquelle les
réformes politiques continueront à faire preuve de prudence, car il faut veiller à calculer et
à contrôler l’impact de la libéralisation et des réformes institutionnelles.

Les facteurs limitatifs propres à la Tunisie

La rareté des ressources en Tunisie et la dépendance de l’économie nationale à l’égard de


certaines branches de l’économie - comme l’agriculture, le textile et le tourisme, dont le succès
dépend largement de facteurs ne pouvant pas être modiiés ou au prix de grosses dificultés,
tels que le climat, l’essor de l’économie mondiale et les questions de sécurité et de terrorisme
- font de l’économie le terrain de la réforme par excellence. Le gouvernement a répondu aux
circonstances économiques spéciiques en mettant en œuvre des réformes majeures dans
les domaines économiques et du développement, étayées par des mesures de lutte contre
les fragilités sociales et la pauvreté. Parce que les deux principales sources de revenus du
pays, le tourisme et l’investissement étranger, sont tributaires de la sécurité, le contrôle de
l’État a été renforcé, ce qui n’a fait que limiter la libéralisation politique. La libéralisation de la
vie publique a progressé beaucoup plus lentement que les réformes économiques, sociales
et de développement, en raison des facteurs déjà évoqués et des risques que tout éveil de
l’islamisme pourrait avoir sur la modernisation de l’État et de la société.70

Conclusion

Les possibilités de renforcer la coopération dans le cadre de la P.E.V. sont les bienvenues en
69 Les associations des opposants à la mondialisation et
Tunisie car le concept de P.E.V., ne fusse que théoriquement, met fortement l’accent sur la
les anciens agitateurs de gauche en Tunisie et au Maroc
qui faisaient objection aux politiques du gouvernement
consultation réciproque. La volonté de faire avancer les réformes est résolument manifeste
sont marginales en importance. et l’intensiication et l’expansion du processus de coopération vont se poursuivre, dès
70 Dans ce contexte, les auteurs souhaiteraient
souligner qu’après plusieurs années d’observation du lors que la stabilité et la sécurité ne sont pas menacées. Il ne faut donc pas s’attendre à
développement de la Tunisie, il ne serait pas correct
d’interpréter les agissements du gouvernement tunisien des mesures envisageant la refonte du système politique en vue de la démocratisation.
dans une perspective se limitant strictement au maintien
du pouvoir et des privilèges car cela ne correspondrait
Le gouvernement a de grandes craintes quant à l’anticipation des effets économiques, en
pas à la complexité de la réalité tunisienne. Il convient
d’avoir à l’esprit la situation vécue en Tunisie et la fragilité
particulier sur le marché du travail, suite à la mise en place de la zone de libre-échange,
des accomplissements sociaux et économiques, les à l’horizon 2010, qui pourrait alimenter le mécontentement et les troubles sociaux. Le
20 derniers étant dus à la sensibilité de plusieurs secteurs
économiques tunisiens. gouvernement n’entend donc pas relâcher son contrôle. Toutes les mesures incitatives
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

pour la réalisation des réformes ou pour en étendre la portée resteront lettre morte. Quoi
qu’il en soit, les accords négociés en bloc sont rejetés catégoriquement.

Facteurs propices au niveau étatique 2.2.3 Jordanie

La Jordanie, parce qu’elle manque de ressources naturelles, compte sur l’aide étrangère. Facteurs propices à la mise en
Sa localisation géographique lui a permis de devenir un important allié des États-Unis, œuvre des objectifs de la P.E.V.
surtout après la seconde guerre mondiale, la fondation d’Israël et le début de la guerre
froide. Elle a toujours tourné ses regards vers l’Occident. Les problèmes économiques
de la Jordanie l’ont contrainte à mener une restructuration économique, en 1989, et
à entamer en parallèle, plusieurs mesures de libéralisation. Les États-Unis, par le biais
de l’aide militaire essentiellement, et l’Union, par le biais de l’aide économique et au
développement, ont tous deux fourni à la Jordanie les moyens d’assurer sa stabilité. L’aide
accordée au pays a augmenté après la signature de l’accord de paix avec Israël, en octobre
199471. L’engagement pris par le roi de Jordanie au sujet du P.E.M., lancé en 1995, tient
beaucoup à la politique jordanienne à l’égard d’Israël, laquelle a été fortement rejetée et
critiquée par la population jordanienne. On attendait du P.E.M. qu’il alimente surtout les
réformes économiques et sociales, tout en améliorant la situation socio-économique de la
population ain de garantir la paix sociale et de paciier l’opposition. Les autres réformes
politiques destinées à libéraliser et à augmenter la participation politique ont été remises à
plus tard et les mécanismes de contrôle de l’État ont été améliorés car, avec la signature de
l’accord de paix avec Israël, très impopulaire auprès de la population, toute libéralisation
était considérée trop risquée pour la stabilité intérieure du pays. 72

L’engagement réitéré de l’Union visait à rééquilibrer les liens étroits qu’entretenaient


la Jordanie et les États-Unis et sa dépendance à l’égard de ce pays qui était fortement
critiquée par la population jordanienne. Ce panorama de politique étrangère, c’est-à-dire
cet attachement profond à l’égard des États-Unis et l’attitude positive à l’égard de l’Union
et du P.E.M., s’est maintenu après le décès du roi Hussein, en 1999, et son remplacement
par le roi Abdallah II. Aussi, les déclarations oficielles concernant le P.E.M., et depuis 2003
concernant également la P.E.V., soulignent-elles la volonté de la Jordanie de coopérer et de
réformer le pays. L’adoption du plan d’action de la P.E.V. par la Jordanie, en janvier 2005,
peu après son adoption par l’Union, en décembre 2004, s’est faite rapidement et souligne
la volonté du souverain jordanien et du gouvernement de tirer parti de cette nouvelle
proposition.73

Oficiellement, on insista sur les objectifs de réforme de la P.E.V. qui correspondaient


exactement aux inalités et concepts du leadership jordanien depuis 1989 et sur la
coopération dans le cadre de la P.E.V. pour soutenir ces objectifs.74 Le penchant du roi,
généralement favorable au renforcement de la coopération avec l’U.E., et son rôle clé dans
la mise en place du programme politique du pays sont des éléments positifs de coopération
avec l’Union, d’autant que moins de la majorité de l’opposition organisée et les détracteurs
de sa politique étrangère à l’égard des États-Unis et d’Israël ne se sont pas mobilisés contre 71 Pour une saine analyse, cf. Ali Kassay (2002), “The
sa personne. N’oublions pas, cependant, que la marge de manœuvre du roi est restreinte effects of external forces on Jordan’s relationship to the
West”, in George Joffé (ed.), “Jordan in Transition, 1990-
de par la nature des conlits dans la région et de leurs incidences sur le peuple jordanien. 2000”. p. 55: “Cet acte (le traité de paix avec Israël, en
1994) l’a immédiatement hausser au niveau des priorités
N’oublions pas, non plus, que la sécurité et la stabilité ont été les principes directeurs qui absolues de l’Occident dans la région. Les États-Unis
ont orienté les décisions prises par le roi Abdallah depuis 2003 (la guerre en Irak et ses ont déclaré que la Jordanie était un allié stratégique
n’appartenant pas à l’OTAN, ont effacé sa dette et
retombées négatives) et que les conséquences potentielles de ces décisions, en faveur ou augmenté progressivement le niveau des aides, tant et
si bien qu’en moins de dix ans, la Jordanie est devenu le
contre les réformes individuelles, sur la sécurité et la stabilité, sont cruciales. quatrième bénéiciare de l’aide militaire et économique
américaine dans le monde (1 milliard de dollars US sur 3
ans). La Jordanie a également été choisie pour accueillir la
conférence MENA qui fut une opportunité unique pour le
pays d’attirer des investissements directs étrangers. De
plus, la Jordanie est devenue l’un des premiers pays de
la région à signer un accord de partenariat avec l’Union
Facteurs propices au niveau sous-étatique européenne. L’adhésion de la Jordanie à l’Organisation
mondiale du commerce s’est faite en un temps records,
au cours de l’année 2000.”
72 Pour un aperçu général des réformes politiques depuis
En dépit des critiques insistantes de l’opposition politique organisée et d’une bonne partie 1995, cf. Anja Wünsch (2005), “Jordanien” in Andreas
Jacobs et Hanspeter Mattes (eds.), “Un-politische
de la population à l’égard de la politique pro-américaine et pro-israélienne du roi ainsi que Partnerschaft. Eine Bilanz politischer Reformen in
de la position généralement pro-israélienne des pays occidentaux, il n’y a jamais eu de Nordafrika/Nahost nach zehn Jahren Barcelonaprozess“
(Un-political Partnership. An Evaluation of Political
mobilisation de masse contre cette politique étrangère. Reforms in North Africa and the Middle East Ten Years
after Barcelona). p. 111-132.
73 Cf. les déclarations positives concernant la P.E.V. sur le
site web du Ministère des affaires étrangères de Jordanie
À cela, il y a plusieurs raisons : premièrement, la plupart des gens, l’opposition politique (www.mfa.gov.jo). Cf. aussi Stephen Jones et Michael
Emerson (2005), “European Neighbourhood Policy in
la plus inluente, c’est-à-dire les islamistes (Les Frères musulmans et leur bras politique, the Mashreq Countries. Enhancing Prospect for Reform”
le Front d’action islamique/FAI) et les syndicats et organisations du travail fortement CEPS Working Document 229. p. 27 (www.ceps.be).
74 Oficiellement, les origines jordaniennes de la réforme
iniltrées par les islamistes se montrent toutes désireuses de maintenir la stabilité dans sont ainsi mises en exergue. L’aide de l’Union en matière
de réforme (surtout pour promouvoir l’économie, les
le pays et sont ainsi disposées à maintenir leur loyauté à l’égard de la famille royale, politiques sociales et de développement et les transfers

considérée comme le garant de la stabilité.75 Le sens aigu de la tradition des Jordaniens


de technologie) sont jugés importants pour permettre à
la Jordanie de devenir un modèle pour tout le Machreq. 21
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

facilite la reconnaissance du rôle du roi en tant que médiateur absolu et défenseur de


l’unité nationale et des intérêts des groupes individuels au sein du pays.

De plus, le manque de ressources du pays et sa dépendance à l’égard de l’aide étrangère


ont sufit à convaincre la majorité des Jordaniens de la nécessité de la coopération
internationale. L’U.E. est envisagée comme un partenaire plutôt positif parce qu’elle est
jugée moins interventionniste que le gouvernement américain dont on estime qu’il ne
poursuivrait que ses propres objectifs.76

Facteurs limitatifs de la mise en L’inluence des facteurs internationaux


œuvre des objectifs de la P.E.V.
A l’instar du Maroc et de la Tunisie, la majorité des acteurs et des organisations politiques
de Jordanie rejette toute ingérence extérieure dans les affaires intérieures du pays. Ce rejet
concerne surtout la pression occidentale exercée sur la politique intérieure et la politique
étrangère de la Jordanie. Ainsi, les efforts déployés par les États-Unis pour créer un nouvel
ordre mondial dans les pays du Machreq depuis le début de la guerre en Irak, en 2003, sont
jugés avec sévérité. Pour autant, les manifestations anti-américaines ne se rapportent,
généralement, qu’à des actions spéciiques.77 Elle sont ainsi étroitement liées aux activités
politiques menées par les États-Unis dans les pays du Machreq, en particulier en Irak, à
leur forte présence militaire ainsi qu’à leur position ouvertement pro-israélienne dans le
conlit israélo-palestinien.

Dans les négociations oficielles sur les réformes concernant l’aide internationale, tout est
fait pour éviter de donner l’impression que les réformes ne sont mises en œuvre qu’en
réaction à la pression extérieure. On préfère insister, aussi bien sur les intérêts nationaux
que sur les initiatives émanant de la Jordanie. Les mesures extérieures sont considérées
simplement comme une forme d’aide. La démarche de « propriété commune » de la P.E.V.
accommode ce besoin et renforce l’impression, parmi les gens politiquement actifs, que
l’U.E. est plus ouverte et sensible aux problèmes et conditions spéciiques dans la région
que les États-Unis. Mais, elle n’en est pas moins jugée en fonction de son comportement
au regard conlit israélo-palestinien. Le « mouvement jordanien contre la normalisation des
relations avec Israël » (abrégé par Mouvement anti-normalisation) s’efforce de discréditer
le inancement étranger des associations de la société civile, surtout des organisations
des droits de l’Homme et des femmes, en montrant du doigt les ressources inancières
utilisées pour accroître l’inluence étrangère sur la société jordanienne. En d’autres termes,
il s’attaque au inancement étranger perçu comme un moyen de diffuser des concepts
hostiles au nationalisme arabe en favorisant la normalisation des relations avec Israël.

Facteurs limitatifs propres à la Jordanie

Les réformes politiques de la Jordanie sont, en grande mesure, inluencées par les
événements régionaux. Dans un pays où 60% de la population est originaire de Palestine,
le conlit israélo-palestinien et son processus de résolution jouent incontestablement un
rôle central et pèsent sur la portée des politiques intérieures ou étrangères entreprises par
le gouvernement.

Aussi, la seconde Intifada palestinienne déclenchée en septembre 2000, l’impasse qu’elle


a provoquée sur le processus de paix des pays du Machreq, les interventions militaires
75 Cf. le résultat des recherches de Katja Hermann, d’Israël en Cisjordanie en mars/avril 2002, suivies de la construction d’un mur de protection
“Jordan” in Sigrid Faath (ed.) (2005), Demokratisierung
durch externen Druck? Perspektiven politischen Wandels
et enin, la guerre en Irak, en 2003, placent-ils les dirigeants jordaniens dans une position
in Nordafrika/Nahost, Hambourg, p. 337-351.
76 La capacité de l’UE de participer à la résolution
délicate. Le gouvernement jordanien est tenu par ses obligations à l’égard d’Israël et des
du conlit israélo-palestinien est déconsidérée car la États-Unis78 mais doit aussi maintenir la stabilité et la sécurité au sein du pays en dépit
crédibilité de l’engagement européen dans la résolution
du conlit est mis à mal par la perception d’un parti pris en de la condamnation des politiques étrangères du roi par la majorité de la population. Le
faveur d’Israël. Pour cette raison, la Jordanie n’attend de
l’U.E. qu’une aide destinée aux réformes économiques, mouvement anti-normalisation jordanien est inluent et se méie tout particulièrement des
sociales et de développement.
77 Seul l’anti-américanismes des groupes islamistes
initiatives extérieures et des offres de coopération car la question clé est, selon lui, de
militants en Jordanie est d’ordre idéologique. Et leur
inluence est d’ailleurs limitée.
savoir si cette coopération permettra d’aider à résoudre le conlit israélo-palestinien tout
78 Katja Hermann (2005), p. 354: “Face à un État en favorisant les intérêts nationalistes arabes et donc les intérêts jordaniens. En d’autres
palestinien en devenir sur l’autre berge du Jourdain, la
question de la loyauté palestinienne (c’est-à-dire des termes, si les tentatives occidentales pour normaliser les relations avec Israël ne proitent
Palestiniens Jordaniens) est de plus en plus pressante.
À la lumière d’une situation somme toute encore tendue pas également au processus de paix, elles sont rejetées sans ménagement.
en Palestine et l’importance du camp anti-israélien en
Jordanie, le régime jordanien se sens obligé d’honorer
ses devoirs en tant qu’ami d’Israël et des Etats-Unis en
éliminant toute opposition nationale à la paix avec Israël
La sensibilité du peuple jordanien à l’égard des besoins des Palestiniens, conséquence
et contre les politiques américaines au Moyen-Orient. structurelle et géographique, est un facteur qui inlue sur la portée et la nature de la
22 Dans ces circonstances, les réformes démocratiques ont
toutes les chances d’être bloquées (…) . » coopération avec les pays étrangers. Le roi Abdallah reste très attentif à cette sensibilité
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

et aux obligations existantes en renforçant le contrôle de l’État et en restreignant la


libéralisation ain de limiter les risques imprévisibles.

Conclusion

La résolution du conlit israélo-palestinien recouvre une importance incalculable pour le


renforcement des réformes dans le cadre de la P.E.V. et pour l’obtention d’un alignement
des valeurs. Si le peuple jordanien réfute tout concept de réforme ou de coopération qui
ne tienne pas compte de sa sensibilité et de sa posture fondamentale, il ne parvient pas,
pour autant, à en entraver la mise en œuvre par l’élite politique. Toutefois, l’envergure
et la dynamique des réformes et de la coopération, peuvent, comme c’était le cas par le
passé, subir l’inluence massive du peuple car le roi se doit d’en respecter les intérêts et
les humeurs79, même si une majorité de Jordaniens ne réfute pas son autorité et respecte
la famille royale.

Une grande partie du peuple jordanien est tribal et traditionnel, c’est pourquoi toute réforme
allant dans le sens de la modernisation et touchant notamment les droits des femmes, ne
peut être réalisée qu’avec la plus grande prudence. C’est le poids de la tradition qui rend
dificile la création d’un système politique moderne fondé sur l’existence de partis.

Les politiques du gouvernement sont dictées par l’impératif de la sécurité et la stabilité


intérieures. Ainsi, la priorité absolue est accordée au maintien et à la multiplication des
mécanismes de contrôle de l’État dans une région touchée par le conlit. En somme, le
gouvernement souligne oficiellement qu’il est désireux de pouvoir tirer parti de toutes
les propositions étrangères, y compris de la P.E.V., dès lors qu’elles servent les intérêts
jordaniens et sont susceptibles de conduire à la stabilité. En ce qui concerne la P.E.V. à
proprement parlé, les réformes économiques et de développement sont largement
acceptées mais, le programme de réformes ne pourra progresser qu’avec prudence en
raison des arguments évoqués précédemment.

Autorité palestinienne 2.4.4


Autorité palestinienne, Égypte,
Les relations entre l’U.E. et l’Autorité palestinienne (A.P.) dans le cadre du P.E.M. et de la Liban, Algérie
P.E.V. sont un cas particulier de coopération, car cette dernière n’est pas un gouvernement
d’État souverain aux frontières clairement déinies. En réalité, la participation de l’A.P. à la
coopération euro-méditerranéenne était supposée aider la Palestine à devenir un État à
part entière, grâce à l’aide diplomatique en faveur d’une solution à deux États et à l’aide
inancière pour la mise en place d’institutions administratives eficaces dans le domaine
social et économique. La signature d’un accord provisoire avec l’A.P., en 1997, venait dans
le droit il de l’engagement de l’Union en faveur de cette solution à deux États et donc
d’une résolution éventuelle du conlit israélo-palestinien.

L’U.E. est pourtant bien loin d’avoir atteint cet objectif. Les événements intervenus depuis
le début de la seconde Intifada, en septembre 2000, la dernière desquelles a mis un terme
aux négociations de paix des pays du Machreq, prouvent que l’U.E. a eu bien peu d’emprise
sur le conlit israélo-palestinien et sur son issue. Depuis 1997, l’U.E. a également eu peu
d’ascendant sur l’A.P. concernant l’amélioration de la qualité et de l’eficacité administrative,
de la transparence et de la lutte contre la corruption ainsi que de la bonne gestion des
affaires publiques. Mais, l’A.P. a ignoré ces demandes. Face au manque de réformes,
l’Union a donc pris ses distances en lui retirant son aide. L’objectif majeur était d’éviter
de menacer les négociations de paix des pays du Machreq, c’est-à-dire les accords passés
dans le cadre du Traité d’Oslo, et d’éviter que l’A.P./Fatah, qui avait reconnu ces accords, ne
soit déstabilisée au niveau intérieur. Avec le déclenchement de la seconde Intifada et donc
la in des négociations de paix avec Israël, l’A.P./Fatah a oficiellement manifesté son désir
de passer à l’action. C’était là une réaction à la perte de légitimité et de popularité dans les
territoires palestiniens, à l’émergence du Hamas islamiste ainsi qu’aux demandes réitérées
de réformes, émanant, entre autres, du gouvernement américain. Bien que l’A.P. ait présenté
son fameux « Programme de réforme » en 2002, sa mise en œuvre n’a toutefois pas connu 79 La tentative lancée par le roi et son gouvernement,
en octobre 2002, la fameuse campagne “la Jordanie
d’avancée rapide et visible pour la population palestinienne. Les critiques à l’encontre du avant tout” (“al-Urdunn awwalan”), pour renforcer les
Fatah ont dominé l’A.P. au il des ans, en raison de la corruption extrême, du népotisme, de nouvelles valeurs de la société, l’identité nationale,
l’unité sociale et l’engagement à l’égard du bien-être
l’administration opaque et, de façon générale, du maintien de la « mauvaise gestion des public a échoué parce que l’allégeance fondamentale
du peuple jordanien à l’égard du nationalisme arabe
affaires publiques ». L’image négative de l’A.P. à l’échelle nationale s’est relétée dans les n’avait pas été pleinement respecté. La campagne a été

résultats des élections législatives de janvier 2006. Nombre d’électeurs, déçus et frustrés
interprétée comme un renoncement aux idées arabo-
nationalistes et aux besoins palestiniens. 23
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

par l’A.P./Fatah ont voté pour le Hamas islamiste qui avait promis une « bonne gestion des
affaires publiques ». Il gagna ainsi 74 des 132 sièges disponibles. En réalité, la déception
concernant l’incapacité du Fatah de relancer le processus de paix des pays du Machreq et
d’obtenir une solution à deux États qui soit durable recouvrait moins d’importance que les
questions locales.80

En 2004, quand la Commission européenne a proposé à l’A.P. de participer à la P.E.V., la


Commission a qualiié cette étape de « stratégie de réponse »81 au programme de réforme
politique et économique de l’A.P. de 2002, lequel était, à l’origine, consacré à la démocratie,
à l’obligation de rendre des comptes, à la transparence, à l’État de droit et à l’eficacité du
système judiciaire. Le plan d’action conçu conjointement, et approuvé par l’U.E. et par l’A.
P. en 2005, était décrit comme une première étape pour aider le programme de réforme sur
les 3 à 5 années suivantes. La foi de l’U.E. en la volonté de l’A.P. de réformer n’en est pas
moins surprenante, compte tenu du manque d’efforts de cette dernière pour concrétiser les
objectifs annoncés en 2002.

La situation actuelle dans les Territoires occupés est caractérisée par une sorte de
cohabitation. Le président est un membre du Fatah et le gouvernement est dirigé par
le Hamas, ce qui freine le plan de la P.E.V. de renforcer la coopération avec l’U.E. :
premièrement, l’équilibre des forces dans les territoires palestiniens reste encore lou. Le
Hamas et le Fatah se disputent pouvoir et inluence et, tant que la puissance en place
n’est pas clairement déinie et que le représentant légitime de la majorité de la population,
capable de prendre des décisions politiques, n’est pas clairement désigné, l’U.E. n’aura pas
de partenaire à la hauteur en Palestine. Par ailleurs, que dire d’un plan d’action accepté
par l’A.P./Fatah qui serait considéré contraignant, ne fusse que formellement, par un
gouvernement qui n’aurait pas participé à son élaboration ? Pour des raisons religieuses,
culturelles et identitaires, le désir d’obtenir une convergence de valeurs pourrait être un
objectif problématique pour que le Hamas le soumette à ses membres et sympathisants.
Deuxièmement, le Hamas ne reconnaît pas oficiellement le droit d’Israël d’exister et
ne remplit donc pas l’une des conditions fondamentales de la coopération établies par
l’Union. La première réaction de l’U.E. a été de suspendre l’aide inancière, bien que l’aide
humanitaire se maintienne. Quant à la coopération sur la sécurité, telle qu’elle igure dans
le plan d’action, elle est devenue plus complexe encore avec les divergences de positions
sur la question de la légitimité des attaques suicides.

À la lumière de ces événements, force est de conclure que les conditions indispensables
à la mise en œuvre des objectifs de la P.E.V. sur les trois à cinq prochaines années, telles
qu’inscrites dans le plan d’action, ne sont pas encore remplies dans les territoires occupés.

Égypte, Liban, Algérie L’Égypte, le Liban et l’Algérie font partie du processus de Barcelone et ont, tous trois, conclu
des accords d’association avec l’Union. Ils respectent donc les exigences fondamentales
pour participer à la P.E.V. En octobre 2004, les négociations visant un accord d’association
ont été lancées avec la Syrie mais, elles ont capoté avec les sanctions imposées par les
Etats-Unis, le 27 avril 2006, et par l’Onu, le 17 mai 2006. Des pourparlers ont été entamés
pour permettre à l’Égypte et au Liban de participer à la P.E.V. Par ailleurs, les négociations
avec l’Égypte en vue d’un plan d’action sont sur le point d’être conclues. Ces trois pays ont
en commun que les attitudes populaires qu’ils réservent au P.E.M. et à la P.E.V. sont dictées
par la spéciicité de leurs paramètres politiques nationaux et régionaux.

Égypte.

Le gouvernement accueille favorablement les propositions de coopération de l’U.E., surtout


depuis que l’Égypte se tourne vers l’étranger pour obtenir de l’aide et réclame l’ouverture
de son économie pour résoudre les graves problèmes économiques et sociaux auxquels
elle est confrontée. Aussi, la P.E.V. est-elle considérée comme un élément potentiel pour
résoudre ces problèmes. Aux yeux de l’Égypte, la création d’emplois et l’exploitation de
nouveaux marchés recouvrent la plus haute importance dans la coopération avec l’Union.
Le gouvernement rappelle, néanmoins, que l’élan réformateur doit venir de l’intérieur, c’est-
80 Selon une enquête, 43% des électeurs du Hamas ont à-dire des forces du pays. Toute pression exercée par l’étranger est vivement rejetée, tandis
d’abord voté pour mettre in à la corruption tandis que,
seuls 10% l’ont choisi pour des raisons religieuses et 12%
que la priorité est accordée à la coopération allant dans le sens de « la stabilité et de la
pour son “programme politique”. Détails dans Martin
Beck (2006), “Die palästinensischen Parlamentswahlen
sécurité des pays du Machreq » et dans celui du soutien au développement économique et
vom Januar 2006” (The Palestinian Legislative Elections, social. La politique étrangère égyptienne attache de l’importance aux relations bilatérales,
24 January 2006), Hambourg, p. 4.
81 Cf. la préface du plan d’action conjoint. y compris avec chaque pays de l’U.E., qui sont considérées comme une condition préalable
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

idéale à toute coopération au sein de la P.E.V. Il semble que les leaders égyptiens considèrent
ces relations bilatérales plus adaptées à leurs besoins. De façon générale, cependant, ils
sont favorables à l’idée de la P.E.V. selon laquelle un plan d’action négocié conjointement
peut servir de ligne d’orientation à la coopération.

Les organisations de la société civile en Égypte, en particulier les groupes de droits de


l’Homme, ont critiqué la P.E.V. de n’avoir pas ouvert les négociations bilatérales aux
représentants de la société civile et exigent de l’U.E. que le respect des droits de l’Homme
et les réformes politiques deviennent une priorité des plans d’action.82 Les organisations
religieuses conservatrices et surtout islamistes, qui refusent tout rapprochement avec
l’Occident et rejettent les politiques étrangères de l’Égypte et d’Israël, ont une grande
emprise sur la population en général. Leur opposition au gouvernement est la garantie
que les leaders du pays continueront à favoriser la stabilité intérieure et le contrôle
des processus politiques et sociaux, au détriment des réformes et qu’ils préféreront la
coopération économique et le développement.

Liban.

Le caractère bilatéral de la P.E.V. est considéré par le Liban comme un avantage par rapport
au P.E.M. Parmi les principaux obstacles à l’expansion des domaines de coopération,
surtout de la sécurité et du renforcement de la coopération, Le Liban cite les conlits en
cours dans les pays du Machreq. Il ne ixe pas moins immédiatement les limites de la
coopération avec l’U.E., aussi bien dans le cadre du P.E.M. que de la P.E.V. Tels sont les
domaines qui ont la priorité du gouvernement libanais : l’ouverture de nouveaux marchés,
la liberté de mouvement et l’aide à la privatisation des entreprises. Assurer l’harmonie
sociale est le paramètre directeur des efforts réformistes au Liban. Ainsi, toute réforme
susceptible de menacer cette harmonie sociale et de provoquer un soulèvement de masse
est automatiquement exclue.83 En d’autres termes, cela signiie que chaque étape de la
réforme est abordée avec la plus grande précaution et progressivement, quels que soient
les objectifs inscrits au plan d’action.

Algérie.

Seul pays d’Afrique du Nord et des pays du Machreq à avoir conclu un accord d’association
avec l’Union, l’Algérie est aussi un exportateur d’hydrocarbures qui tire parti de cette manne
que sont les importants revenus en devises et ses réserves (en mai 2006 : 68 milliards
de dollars). Cette autonomie inancière autorise l’Algérie à ne manifester qu’un intérêt
« modéré » à l’égard du renforcement de la coopération au sein de la P.E.V. En effet, la
P.E.V. a peu d’importance aux yeux de l’Algérie.84 Toutefois, l’approbation par le parlement
algérien, en mars 2005, de l’accord d’association avec l’Union a fait place à des relations
d’un tout autre ordre entre l’Algérie et l’Union. Et cela, malgré la polémique engendrée
par l’accord d’association au sein de la classe politique et des fédérations de travailleurs,
due aux exigences de réformes, profondes et rapides, pour assurer la compétitivité du
pays après l’ouverture de la zone de libre-échange, en 2010. Les islamistes, le parti des
travailleurs et d’autres partis de gauche, en particulier, se sont opposés à cet accord car
ils craignent qu’il ne mette à mal le marché du travail et ne conduise à une plus grande
« occidentalisation ». Mais, en in de compte, tous les partis représentés au parlement, à
l’exception du parti des travailleurs, ont voté en faveur de l’accord d’association. C’est le
gouvernement qui s’est montré le plus réaliste face à la situation, en soulignant que cet
accord ne faisait que consolider le rapprochement des relations développées par l’Algérie
depuis plusieurs années. Il souligne également que, grâce à cet accord, l’Algérie est plus
à même de tirer parti de tout l’éventail d’aides proposées par l’Union. Le gouvernement
algérien privilégie, avant tout, les réformes économiques, notamment la privatisation, la
question de la liberté de mouvement et des visas et la coopération internationale dans
la lutte contre le terrorisme. Il refuse catégoriquement toute forme d’ingérence dans ses
affaires intérieures, telles que les demandes concernant la démocratie ou les réformes
politiques. Le sentiment général en Algérie est que le pays exécute son propre programme
de réformes et obéit à des orientations qui lui sont propres.

82 Cf. La déclaration conjointe de 19 ONG, le 13 avril 2006


(publiée sur www.arabicnews.com, 13 avril 2006).
83 Par exemple, les demandes présentées par le FMI
pour que les fonctionnaires n’aient que des contrats à
durée limitée.
84 D’après un porte-parole du ministre des affaires
étrangères algérien s’adressant aux auteurs en mai 25
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

2.3 Accueil réservé aux propositions de coopération de l’U.E.


La perception de la P.E.V. Les études sur ce pays montrent que, dans l’ensemble, les gouvernements accueillent
dans les pays partenaires favorablement la coopération avec l’U.E. ; aucun rejet catégorique du concept de P.E.V.
n’est à noter. Pour conserver cette attitude positive et l’engagement qui l’accompagne
d’Afrique du Nord et du dans la mise en œuvre des accords, les démarches doivent être compatibles avec les
Machreq intérêts nationaux de chaque participant ou, du moins, ne pas provoquer de conlit
d’intérêt, favoriser la stabilité politique interne et la sécurité, c’est-à-dire ne pas présenter
de menace, et conserver le potentiel réellement utile. Si les pays de la P.E.V. ayant peu
ressources ont manifesté un intérêt notoire à son égard alors que les pays qui en foisonnent,
comme l’Algérie, afichent un manque d’intérêt évident, c’est une conséquence logique de
l’analyse de rentabilité de la coopération.

Dans la perspective des pays concernés, l’approche bilatérale de la coopération est fondée
car c’est la manifestation de la reconnaissance des circonstances spéciiques rencontrées
dans chacun des pays. Les pays partenaires de la P.E.V. anticipent l’aide aux réformes en
l’orientant vers leurs besoins individuels et leurs politiques nationales, ce qui leur permet
d’autant mieux d’envisager la coopération comme un élément d’intérêt national.

Priorités des réformes

Dans les pays d’Afrique du Nord et du Mashreq engagés dans la P.E.V. la priorité est
accordée à toute coopération allant dans le sens de la stabilité, qu’elle soit politique,
économique, inancière ou sociale. Si leurs gouvernements considèrent la promotion et la
consolidation de l’économie, le renforcement du développement social et la lutte contre
la pauvreté comme les objectifs prioritaires de n’importe quel État désireux d’obtenir la
stabilité, ils les placent également au cœur de la coopération de la P.E.V.

Conditions préalables favorables à la coopération de la P.E.V.

Dans les différents pays analysés, les positions suivantes représentent l’attitude commune
et indiquent directement les conditions préalables sur lesquelles insistent les partenaires
des pays d’Afrique du Nord et du Machreq pour concevoir de façon positive une coopération
renforcée :

Chaque gouvernement met en avant ses propres démarches réformistes et la coopération


n’est envisagée que comme une aide extérieure à ses initiatives de réforme. Tout accord de
coopération doit être compatible avec la souveraineté nationale ;

Les accords groupés sont rejetés, les discussions sur la conditionnalité, aussi bien positive
que négative, sont jugées contre-productives ; sa seule évocation éveille la méiance. La
nature même du concept de partenariat coopératif exclu toute conditionnalité. Par contre,
les gouvernements, à titre individuel, ont souvent indiqué que l’Union devrait toujours tenir
comte des circonstances locales, à la fois sociales, économiques et politiques, lorsqu’ils
procèdent à l’évaluation des mesures de réforme et des résultats obtenus jusqu’alors. Ils
estiment que toutes les étapes de chaque processus de réforme, leurs avancées et tout
changement qui en découlerait, ne peuvent pas être correctement évalués s’ils ne tiennent
pas compte des circonstances politiques propres à chacun des pays qui, à leur tour,
déterminent le rythme et la portée des réformes.

Les réformes entreprises dans chaque pays méritent un examen plus poussé pour
évaluer leur impact sur leur stabilité. Dans ce contexte, il apparaît évident que les idées
des Européens quant au choix des mesures incitatives permettant d’encourager et de
consolider ces réformes ne pourront pas reconnaître les intérêts des gouvernements des
États partenaires et les facteurs qui orientent leurs actions. Pourtant, les débats sur les
mesures incitatives sous-estiment l’importance de la stabilité et de la sécurité pour la
réalisation des réformes en Afrique du Nord et dans les pays du Machreq. Le caractère
contraignant des accords est donc reconnu comme nécessaire.

Dans les pays du Machreq, le conlit israélo-palestinien actuel a un effet particulièrement


négatif sur l’approfondissement de la coopération avec l’Union. D’un côté, la durée du
conlit empêche la coopération sur la sécurité, de l’autre, une majorité de personnes vivant
26 en Jordanie et au Liban considère la résolution de ce conlit comme une priorité absolue.
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

De plus, une coopération avec l’U.E. et son utilité éventuelle sont dificiles à imaginer pour
ceux qui sont touchés de plein fouet par le conlit. Le statut quo du processus de paix au
Moyen-Orient a renforcé l’inluence des groupes islamistes dans les territoires palestiniens
et les pays voisins. La lutte de pouvoir qui fait rage dans les territoires palestiniens depuis
les élections parlementaires de 2006 bloque toujours la mise en œuvre de la P.E.V. et va
même jusqu’à la remettre en cause.

Pour renouer positivement avec la P.E.V., il convient de souligner trois autres aspects :
distinguer clairement les différentes initiatives euro-méditerranéennes, décrire de
façon détaillée la coopération dans le cadre de la P.E.V. pour faire apparaître avec clarté
et transparence les avantages qu’elle fournit et enin, souligner l’objectif inal des
réformes soutenues par l’U.E. au travers des initiatives de la P.E.V.85 En d’autres termes,
l’U.E. devrait clairement déclarer qu’elle soutient la modernisation et la libéralisation et
qu’elle rejette toute transition vers un État d’ordre social islamiste, qu’elle est favorable
à l’institutionnalisation des mécanismes de consultation entre l’U.E. et les États de la
P.E.V. ain de traiter régulièrement les questions d’intérêt commun. Le Maroc, par exemple,
a rappelé explicitement que la coopération euro-méditerranéenne sera d’autant plus
importante que les représentants de tous les États membres de l’U.E. participeront aux
réunions avec leurs partenaires méditerranéens.

85 Le Maroc, en particulier, a souligné ce besoin. 27


49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

III. Parmi les nombreuses questions soulevées par l’élargissement de l’Union européenne, en
2004, celle de la régulation des relations avec ses nouveaux voisins n’est pas des moindres.
Conclusions et Aussi, la prospérité économique, la stabilité politique et la sécurité des pays voisins de
l’U.E. sont-elles devenues des priorités à l’ordre du jour de l’Europe. Tant et si bien que
recommandations l’Union, bien avant de repousser ses frontières aux dix nouveaux États membres, avait
manifesté le vœu de renforcer son rôle d’acteur international dans les documents oficiels,
tels que le projet de constitution et le document d’orientation sur la stratégie de sécurité.
3.1 L’importance d’une politique européenne étrangère et de sécurité devenait ainsi patente.

Conclusions Paradoxalement, l’espoir se perd que les États membres de l’Union puissent – et
souhaitent – se mettre d’accord sur une politique étrangère et de sécurité commune et par
conséquent sur les instruments politiques nécessaires. Les référendums sur la Constitution
européenne et les événements qui ont suivi suggèrent que ce sont toujours les intérêts
individuels des États membres qui prévalent en matière de politique étrangère. Tenant
compte de ces réticences intérieures, l’Union a développé une approche différente pour
aborder sa nouvelle coniguration stratégique. C’est ainsi qu’est née la P.E.V., comme
réponse et alternative à l’élargissement. Bien que les représentants de l’U.E. se gardent
bien d’employer cette terminologie86, la P.E.V. a bien été élaborée comme une stratégie
post-élargissement pour établir un voisinage amical. Pensée à l’origine comme un cadre
permettant d’aborder les préoccupations des « nouveaux » voisins orientaux, la P.E.V.
est passée dans le domaine et sous la houlette du P.E.M., censé, quant à lui, réguler les
relations dans le voisinage méditerranéen.

Ce n’est qu’assez récemment que la P.E.V. est entrée dans sa phase de réalisation avec
la mise en œuvre des premiers plans d’action, en 2005. Il est donc prématuré de vouloir
en évaluer les répercussions générales, même s’il est possible de formuler quelques
observations et recommandations à partir des réalités observées sur le terrain. Pour
autant, la concrétisation des plans d’actions n’en étant qu’à ses prémisses, son eficacité
n’a pas encore pu être évaluée. C’est pourquoi, seules des recommandations très générales
peuvent être faites.

Si la P.E.V. doit devenir un instrument eficace de politique étrangère pour les pays
partenaires dans le Maghreb et le Machreq, c’est-à-dire un instrument adapté à la mise en
œuvre et à l’entrée en vigueur d’objectifs et d’intérêts identiiés conjointement, l’analyse
individuelle par pays indique que ne modiier que quelques aspects de la P.E.V. est
insufisant. Il s’avère, bien au contraire, nécessaire d’ouvrir davantage les débats sur les
concessions et les inancements économiques indispensables pour atteindre les objectifs
de la P.E.V. : « sécurité, stabilité et bien-être »

Si l’U.E. souhaite apporter des précisions sur ce processus et doter la P.E.V. d’un nouvel
élan, elle devra respecter un certain nombre de conditions préalables. Tout d’abord,
l’U.E. devrait formuler ses intérêts de façon pragmatique, à partir d’un examen réaliste
de sa capacité de mettre en œuvre ses intérêts majeurs en Afrique du Nord et dans le
Machreq. Cela impliquerait, incontestablement, l’adoption d’un agenda « plus linéaire ».
Deuxièmement, une analyse critique de ses propres capacités doit s’accompagner d’une
évaluation décisive et réaliste de l’aptitude réformiste des partenaires d’Afrique du Nord
et du Machreq. L’Union devrait s’interroger sérieusement sur le pouvoir politique dont
dispose chacun de ces gouvernements pour encourager les réformes. Troisièmement, il
convient d’analyser avec soin la marge de manœuvre des leaders des pays d’Afrique du
Nord et du Machreq. Ce qui signiie examiner d’un peu plus près l’équilibre des forces, entre
autres facteurs, qui règne dans chaque pays, l’inluence de l’opposition, la propension de
la population à protester et à se mobiliser ainsi que les fonds disponibles pour alléger les
souffrances sociales occasionnées par les réformes. Une analyse de ce type permettrait
d’évaluer l’inluence politique des gouvernements dans les efforts déployés pour réaliser
les réformes et garantir la stabilité et la sécurité.

Toute évaluation réaliste doit reposer sur une analyse détaillée des pays partenaires
à chaque stade de coopération. Les circonstances politiques nationales – dispositions
économiques, sociales et de sécurité - et régionales, dont dépendent la perception de la
stabilité et de la sécurité pour les leaders d’Afrique du Nord et des pays du Machreq, doivent
être étudiées. En effet, elles ont une incidence directe sur la concrétisation des réformes.
En tant que telles, ces analyses fouillées peuvent également apporter un éclairage sur les
domaines qui ont le plus de chances de déboucher sur une réforme réussie.
86 D’après Eneko Landaburu 2006 (www.ceps.be) “La
question en termes de politique étrangère ne devrait
pas être de savoir s’il y a, ou non, une alternative à
l’élargissement. La question, en dernière instance,
La P.E.V., en tant qu’instrument de politique étrangère de l’U.E. devrait, en terme de
devrait être de savoir comment l’Union va-t-elle conception et d’attentes, reconnaître en premier lieu que le rythme des réformes sera
28 encourager la stabilité, la prospérité et la sécurité dans
son voisinage. » inévitablement et nécessairement différent dans chaque pays (en fonction de leurs besoins
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

respectifs de stabilité et de sécurité). La voie à suivre vers les objectifs de « stabilité, sécurité
et bien-être » de la P.E.V. variera d’un pays à l’autre, au gré des circonstances politiques,
nationales et régionales de chacun, qui inlueront de façon décisive sur la formulation du
changement. Toute réforme dynamique a donc plus de chances d’aboutir dans les pays
de la d’Afrique du Nord concernés par la P.E.V. que sont le Maroc et la Tunisie, que dans
les pays du Machreq, victimes de conlits. Deuxièmement, l’Union devrait reconnaître que
son inluence sur le conlit au Moyen-Orient est des plus limitées. Les relations spéciales
qu’entretiennent l’Union et Israël sont une constante et vont le rester, et par conséquent,
les États d’Afrique du Nord et du Machreq ne bénéicieront pas d’une égalité de traitement,
surtout en matière de sécurité (les exemples les plus évidents étant les armes nucléaires et
la déinition du terrorisme). La coopération future sur la sécurité avec les États partenaires
dans le Machreq promet de continuer à être dificile. Le renforcement de la coopération sur
la sécurité ne sera possible qu’avec quelques États et ne concernera que certains aspects
de la coopération sur la sécurité.

Les chances que la P.E.V. parvienne à cimenter les relations entre les États d’Afrique du Nord 3.2
et du Machreq d’une part, et l’U.E. d’autre part, et permettent ainsi quelques avancées vers Recommandations
la “stabilité, sécurité et bien-être » dans chaque région, augmenteront d’autant plus que
deux conditions seront remplies :

Premièrement, que l’U.E., en sus des éléments indiqués précédemment, étudie ouvertement
les intérêts et les capacités des États partenaires, en particulier leurs besoins de stabilité
et de sécurité, et soit prête à mener une évaluation conjointe des agendas de réformes avec
ses partenaires.

Deuxièmement, que l’U.E. restreigne les domaines de coopération à ceux qui représentent
le plus d’intérêt pour ses partenaires et sont susceptibles d’avoir un impact durable sur
d’éventuelles initiatives réformistes. Cela s’impose en raison des propres limitations de
l’Union quant à sa capacité inancière et à son inluence politique dans la région.

Les recommandations suivantes reposent sur les éléments présentés précédemment


dans l’analyse par pays.

Recommandations sur les procédures de la P.E.V. :

Les objectifs de la P.E.V. à chaque étape de la coopération, la procédure d’évaluation des


résultats et les conditions préalables devant être remplies pour conclure un accord de P.E.V.
devraient être déinies conjointement, être plus détaillés et plus concrets, ce qui n’a pas été
le cas jusqu’à présent.

Il faut déinir les critères d’évaluation des progrès réalisés dans chaque pays qui permettront
d’en mesurer les efforts. Pour que l’U.E. puisse mettre en avant les accomplissements
réalisés, elle doit pouvoir enregistrer les progrès obtenus en commun et ceux obtenus par
les pays voisins eux-mêmes. Accorder une reconnaissance publique aux réussites pourrait
d’autant mieux motiver les pays partenaires à poursuivre sur la voie des réformes et
permettre d’en inspirer d’autres.

Tous les partenaires de la P.E.V. devraient être régulièrement invités à participer aux
discussions menées au sein de l’U.E. sur les questions relevant de l’intérêt commun des
deux parties et exigeant une coopération transnationale pour parvenir à une solution.
Cette participation devrait être institutionnalisée.

Tous les représentants des pays de l’Union devraient être présents aux réunions comptant
sur la participation des pays d’Afrique du Nord et du Machreq, ain de souligner l’importance
accordée par l’Union à la coopération euro-méditerranéenne.

Les initiatives individuelles devraient être sufisamment singularisées pour que les peuples
de la région euro-méditerranéenne en saisissent bien les contenus et puissent peser les
avantages de leur participation.

L’Union doit apporter une clariication sur son engagement inancier à l’égard de la P.E.V.
car il est fondamental qu’elle puisse prouver qu’elle honore ses promesses.
29
49 Octobre 2006 Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne
de voisinage dans certains pays partenaires du sud de la Méditerranée

Recommandations sur la teneur de la P.E.V.

L’U.E. doit déinir les résultats concrets de la P.E.V. Elle doit pouvoir évaluer si la P.E.V. a su
s’inspirer de la S.E.S. et du P.E.M. et de quelle façon, pour pouvoir ensuite évaluer l’issue
des stratégies entamées dans un passé récent. Si l’Union souligne l’importance qu’elle
accorde à la réforme démocratique à long terme et au principe de partenariat durable, elle
est moins explicite sur les questions précises. Les partenaires doivent également procéder
à un examen exhaustif des avantages et des inconvénients de la P.E.V., et distinguer plus
exactement les domaines pratiques et faisables de ceux qui ne le sont pas.

L’U.E. devrait se fonder sur une analyse détaillée de chaque pays pour faire la lumière sur
les véritables intérêts qui motivent chaque gouvernement à vouloir renforcer la coopération.
De plus, ces analyses devraient régulièrement mesurer le degré d’acceptation des sociétés
concernées, le degré d’intérêt qu’elles manifestent à l’égard de la coopération et leur désir
de soutenir les réformes convenues.

Les éléments en jeu devraient être de nature variée et devraient être justiiés. Les parties
devraient identiier les priorités des peuples et de leurs élites dans tous les pays concernés.
Lorsque la P.E.V. a été formulée, la possibilité d’accorder les « quatre libertés » aux citoyens des
pays partenaires avait été évoquée.87 Depuis, cette promesse semble s’être diluée car tous les
documents pertinents l’ont négligée. À ce titre, des politiques plus permissives pour l’octroi de
visas et des mesures incitatives, plus réalistes et durables, en matière économique, telles que
l’accès à certains marchés sans tarif douaniers, pourraient être envisagées à l’avenir.

Recommandations sur les interventions de l’U.E. :

Les messages envoyés par l’U.E. à ses voisins devraient être plus clairs. L’une des dificultés
majeures de la mise en œuvre de politiques destinées au monde non-occidental est de
trouver un équilibre entre ce qui est escompté et le type de réforme à encourager dans les
pays en question. L’objectif afiché de la P.E.V. étant de créer un cercle de pays stables, sûrs,
démocratiques, prospères et amis autour des frontières de l’Europe, l’Union devrait insister
sur son ambition de renforcer la coopération politique et économique et sur son intention de
diffuser des valeurs qui permettront à la périphérie de se rapprocher de l’Europe. Certaines
particularités culturelles peuvent de pas correspondre aux valeurs perçues comme étant
occidentales mais doivent, néanmoins, être prises en compte. Il convient donc de veiller
à ne pas les normaliser ou les européaniser. Plutôt que de s’enliser dans des déinitions
complexes et des débats normatifs, l’U.E. devrait mettre l’accent sur les possibilités de
coopération réciproque avec divers pays partenaires, susceptibles à terme, de conduire à
un rapprochement normatif.

Un discours plus égalitaire devrait être adopté. La mise en place de relations bilatérales
reposant sur les évaluations par pays est un aspect positif de la P.E.V. En effet, les relations
semblent vouloir mettre, tant bien que mal, les partenaires sur un pied d’égalité. Reste
que l’U.E. doit encore se déinir par rapport aux « pays cibles » de la P.E.V. et adopter un
langage qui ne soit pas étranger au processus. En d’autres termes, la terminologie se
référant à la « conditionnalité » et aux « mesures incitatives » devrait être remplacée par
« aide », « partenariat » et « coopération ». Notons bien que l’emploi de ce vocabulaire
peu empathique a donné l’image négative d’un Occident hégémonique, composé de pays
qui, aux yeux de certains, ne cherchent qu’à imposer son mode de vie et de pensée. De
nouvelles règles de vocabulaire poseraient ainsi les bases nécessaires pour améliorer
durablement les relations.

L’U.E. devrait se maintenir à distance égale de tous les partenaires. Même si, dans certaines
circonstances, elle a sans doute des raisons de se montrer plus conciliante à l’égard d’un
partenaire plutôt qu’un autre, cela doit rester de l’ordre de l’exception plutôt que de la
règle car les politiques générales de l’U.E. ne doivent pas être discriminatoires. Si elles le
devenaient, l’Union perdrait certainement sa crédibilité, surtout aux yeux du public.

L’U.E. devrait mettre davantage l’accent sur les relations publiques de la P.E.V. Elle serait, en
effet, bien avisée de veiller plus eficacement à ses propres relations publiques. Bien que la
littérature soit plus encline à pointer du doigt les échecs que les succès, l’Union devrait mettre
87 La Communication sur l’Europe élargie établit en exergue la contribution qu’elle a apportée aux progrès (limités) obtenus dans la région. Dans
qu’il sera offert aux pays voisins « une perspective de
participation au marché intérieur ainsi que la poursuite de le même ordre d’idée, les politiques d’inclusion menées par les États membres de l’Union à
l’intégration et de la libéralisation ain de promouvoir la
libre circulation des personnes, des biens, des services l’égard des minorités provenant de la région et une meilleure publicité de ces politiques seraient
30 et des capitaux.” COM (2003) 104 inal, op.cit (note de
bas de page 1).
un bon moyen de manifester leur sincérité et permettrait d’améliorer l’image de l’Union.
Les facteurs et les perceptions qui inluent sur la mise en oeuvre de la Politique européenne 49 Octobre 2006
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Sabiha Senyücel Contact des auteurs


sabiha@tesev.org.tr

Sanem Güner
sanem@tesev.org.tr

Sigrid Faath
sfaath@wuquf.de

Hanspeter Mattes
mattes@giga-hamburg.de

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